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ARCHIVES PARLEMENTAIRES
Société d'imprimerie et librairie administratives PAUL DUPONT, 41, rue J.-J.-Rousseau (Cl.) 4.9.84.
ARCHIVES RARLEMENTAIRES DE 1787 A 1860
RECUEIL COMPLET DES DÉBATS LÉGISLATIFS & POLITIQUES DES CHAMBRES FRANÇAISES IMPRIMÉ PAR ORDRE DU SÉNAT ET DE LA CHAMBRE DES DÉPUTÉS SOUS LA DIRECITION DE M. J. MAVIDAL CHEF DU BUREAU DES PROCÈS-VERBAUX, DE L'EXPÉDITION DES LOIS, DES PÉTITIONS» DES IMPRESSIONS ET DISTRIBUTIONS DE LA CHAMBRE DES DEPUTES ET DE M. E. LAURENT BIBLIOTHÉCAIRE DE LA CHAMBRE DES DÉPUTÉS
PREMIÈRE SÉRIE (1787 à 1799) TOME XIX DU
PARIS SOCIÉTÉ D'IMPRIMERIE ET LIBRAIRIE ADMINISTRATIVES ET DES CHEMINS DE FER PAUL DUPONT 41, RUE J,-J.- ROUSSEAU (HOTEL DES FREMES)
1884
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du 14 septembre au soir. Le procès-verbal est adopté.
, qui a été admis hier en remplacement de M. de La Queuille, prête serment et prend séance.
Un de MM. les secrétaires fait lecture d'une lettre de M. Guignard, ministre du département de l'intérieur, qui transmet une lettre du procureur général syndic du département dé la Loire-In-férieure, une délibération de ce directoire et les états et certificats des maisons de force et de correction de ce département, qui doivent être communiqués à l'Assemblée nationale, suivant l'article 15 de son décret du 16 mars dernier.
Ces diverses pièces sont renvoyées au comité des lettres de cachet.
propose que le comité de Constitution fasse demain so n rapport sur les diverses pétitions adressées à l'Assemblée nationale, relativement à l'éligibilité des présidents des corps administratifs et des membres des directoires, aux places de juges de district.
Cette proposition est adoptée.
, au nom du comité des finances, présente un projet de décret qui est adopté en ces termes :
« L'Assemblée nationale, sur le rapport de son comité des finances, décrète :
« Que la perception des droits dont l'hôpital général de Lille jouit actuellement sur les vins, bières et eaux-de-vie qui se.consomment dans cette ville, continuera à avoir lieu jusqu'à ce qu'il y ait été autrement pourvu. »
La ville de Longwy, du département de la Moselle, réclame le tribunal que vous avez donné à Longuyon. Son vœu est appuyé par celui de tous les justiciables, et par une délibération des électeurs du département. Je suis chargé de vous présenter cette réclamation, et je demande qu elle soit renvoyée au comité de Constitution, sur l'avis duquel vous prononcerez.
père. J'observe que, si la pétition présentée par M. Rœderer est accueillie, le comité de Constitution sera assailli des réclamations de toutes les parties du royaume et qu'à chaque instant l'Assemblée sera sollicitée de réformer ses décrets. (L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
, rapporteur ducomité des finances, propose un projet ae décret sur une pétition des commerçants ae détail de Pariset sur une lettre des directeurs de la caisse d'escompte relatives à ïèmission de trente millions de billets de caisse. Il donne lecture des documents suivants (1) :
PÉTITION adressée à VAssemblée nationale par plusieurs commerçants en détail, de Paris, et renvoyée par elle au comité des finances.
Les soussignés, commerçants à Paris, et la plupart commerçants en détail, ont l'honneur
d'exposer à MM. les députés à l'Assemblée nationale, que le commerce de Paris souffre
beaucoup de la réduction considérable qui a été faite dans les escomptes qui se faisaient à
la caisse ; ils savent bien que la principale cause de cette réduction vient de ce que la
plus grande partie des fonds de la caisse a été prêtée au gouvernement dans des moments de
crise : aussi, tant que la privation qui en résulte pour les commerçants a été ijtile à
l'Etat, et qu'ils ont pu croire qu'elle tournait à l'avantage de la Révolution, ils l'ont
supportée avec courage et patience. Mais si la liberté doit être le seul bien des citoyens,
tant qu'ils sont privés de ce bien précieux, ce bien une fois acquis, il est permis de penser
aux autres; et peut-être est-il bientôt temps de s'occuper de ranimer la circulation
nécessaire au com-
Les soussignés prennent encore la liberté d'observer à MM. les députés composant l'Assemblée nationale, qu'il résulte de grands inconvénients pour le commerce en général, et particulièrement pour le commerce en détail, de la rareté des petits billets.
Tous les échanges se font difficilement : les payements pour lesquels il a été pris des engagements positifs, sont très embarrassants à faire, à cause de la rareté des billets représentatifs de petites sommes ; et les particuliers qui ne sont point dans le commerce, et qui doivent à des marchands, mais qui n'ont pas pris avec eux d'engagements à époque fixe, et qui désirent en reculer le payement, se servent le plus souvent du prétexte qu'ils n'ont pas de billets représentatifs d'assez petites sommes pour les acquitter.
Les soussignés croyent qu'une des principales causes de cette difficulté, vient de la quantité de billets qui ont été emportés en province depuis que l'Assemblée nationale y a autorisé la circulation libre des billets de caisse, et surtout de ce que la plus grande partie des payements, qui se font à la province, donnent lieu à des appoints qui se réalisent en billets de 200 et de 300 livres, et qu'ensuite la plus grande partie de la circulation intérieure de la province ayant lieu en petites sommes, les petits billets sont ceux qui reviennent le moins dans la capitale.
Les députés des gardes nationales ont désiré emporter des petits billets de préférence, et l'administration de la caisse leur a accordé à cet égard une juste préférence, mais il en résulte qu'ils seront encore plus rares.
Les soussignés supplient donc respectueusement l'Assemblée nationale de prendre cet objet en considération, et de peser dans sa sagesse quels seraient les meilleurs moyens de mettre la caisse à portée de reprendre les escomptes dans une proportion plus considérable, et d'augmenter le nombre des billets de 200 et de 300 livres. Ils observent que cette mesure aura l'avantage de mettre beaucoup de facilité dans tous les payements, et qu'elle ôtera tout prétexte aux débiteurs qui ne voudraient pas payer, et, qu'en un mot, ce moyen donnera une nouvelle activité au commerce en détail * et favorisera de toutes manières la circulation.
Ont signé : MM. Berthellemot, Degland, Briot, Brunet, Bigeon, et quatre-vingt-huit autres dont les signatures sont à la minute.
(Cette pétition a été renvoyée par le comité des finances à MM. les administrateurs de la caisse d'escompte, pour avoir leur avis. Ils ont fait la réponse suivante) :
OBSERVATIONS des administrateurs de la caisse d'escompte.
Si, depuis le décret du 15 avril dernier, qui déclare que les 170 millions de la caisse d'escompte, en circulation à cette époque, y sont pour le compte de la nation, les actionnaires de la caisse d'escompte n'avaient consulté que leur intérêt, ils se seraient réparti leurs capitaux consistants dans leur portefeuille et dans les 70 millions d'annuités; par cette liquidation, ils auraient recouvré le capital entier de leurs actions qui perdent sur la place plus de 12 0/0, et dans cette I hypothèse, ils auraient privé le commerce de 1
Paris d'un capital de 70 millions sans cesse en activité pour fournir à ses besoins.
Mais, bien loin de se livrer à une liquidation qui aurait jeté la place dans le plus grand désordre, les actionnaires de la caisse d'escompte, toujours animés du bien public, ont conservé leurs capitaux; ils n'ont cessé de les employer aux besoins du commerce; leurs escomptes ont continué quoiqu'ils ne trouvent aucun avantage à le faire, puisque payant le papier qu'ils escomptent avec des promesses d'assignats qui produisent 3 0/0 d'intérêt, obligés à des frais de régie très considérables, ils n'ont pas même l'espérance de parvenir à avoir les intérêts de leurs capitaux.
Malgré ces considérations, la caisse d'escompte a escompté autant que ses capitaux le lui permettent; il est vrai que les efforts qu'elle fait ne satisfont pas tous les besoins du commerce ;que les négociations sont fort difficiles ; que les valeurs que la caisse d'escompte ne peut pas prendre, se placent fort difficilement : mais ce n'est point à elle qu'il faut attribuer cette gêne dans les négociations, mais bien au défaut de confiance et au resserrement général, non seulement d'espèces, mais même de promesses d'assignats.
Quant à elle, dès que ses capitaux sont employés, elle est réduite à l'état d'un capitaliste ordinaire; elle ne peut employer aux escomptes que ses rentrées journalières : et quelque pressants que puissent être les besoins de la place, n'ayant plus comme autrefois des billets de crédit, elle est forcée de proportionner ses escomptes à ses moyens effectifs.
Soit que la rareté des billets de 200 livres et de 300 livres provienne de ce qu'on en a beaucoup envoyé dans les provinces, ou de toute autre cause, il est constant que leur rareté est très réelle, qu'elle occasionne des embarras et des gênes très considérables dans toutes les opérations journalières du commerce et autres : il est également vrai que, depuis quelques semaines, l'affluence des porteurs de billets de 1,000 livres, pour en demander l'échange contre des billets de 200 et 300 livres, est fort augmentée ; et quoique les administrateurs, pour fournir aux demandes du public, en aient fait fabriquer, depuis le 15 avril dernier, 40,400,000 livres, les demandes augmentent au lieu de se ralentir, au point que déjà il s'est établi un agiotage sur l'échange des petits billets contre ceux de 1,000 livres.
11 faudrait, pour réprimer cet agiotage dont les suites peuvent nuire à la tranquillité publique, augmenter considérablement les petits billets : pour y parvenir, il n'y a que deux moyens.
Le premier serait de fournir en promesses de 200 et de 300 livres les sommes qui restent à décréter par l'Assemblée nationale sur les 400 millions; mais ce parti est impraticable chaque fois que l'Assemblée nationale décrète une somme à fournir par la caisse d'escompte. Les besoins du Trésor public sont si urgents, qu'il serait impossible de fabriquer ces promesses de petites sommes dans le court espace de temps que l'on a pour fournir les sommes décrétées.
Le second moyen serait que la caisse d'escompte pût mettre en émission une quantité de petits billets proportionnés aux demandes et aux besoins du public : mais dans l'état actuel des choses, et jusqu'à ce que l'on ait rendu à la caisse d'escompte tous les billets qu'elle a en émission pour le compte de la nation, la caisse d'escompte ne pense pas qu'il lui convînt de mettre en émission ses. propres billets.
Mais cependant si l'Assemblée nationale jugeait qu'une émission de petits billets pût être utile au public, alors elle pourrait, par un décret ad hoc, autoriser la caisse d'escompte à mettre eu émission une quantité déterminée de billets de 200 et 300 livres.
Il se présente deux manières d'ordonner cette émission.
Par l'une, elle pourrait statuer que ces billets absolument distincts de ceux portant promesse d'assignats et autres déjà en circulation, qui montent en totalité à 305 millions, et qui sont tous pour le compte de la nation, seront des engagements particuliers de la caisse d'escompte payables à vue, et dont les porteurs ne pourront exiger le payement en argent, mais seulement en assignats ou promesses d'assignats.
L'autre manière serait d'ordonner que la caisse d'escompte créât pour une sommedéterminée de billets portant promesses d'assignats pareils à ceux déjà en circulation.
L'Assemblée nationale ordonnerait de plus que le remboursement en serait fait par la caisse de l'extraordinaire à l'époque où les 400 millions d'assignats seront tous en émission; elle ordonnerait aussi que la caisse d'escompte serait tenue de fournir en assignats, à la caisse de l'extraordinaire, J[a somme nécessaire à ce remboursement.
Ce second mode de création paraît préférable au premier, parce qu'il éviterait la création de billets d'une espèce particulière, dont le moindre des inconvénients serait de produire dans l'esprit du public une incertitude d'opinion sur le degré de confiance due à chaque espèce de billets.
Mais quelque mode de création qu'adopte l'Assemblée nationale, il est présumable que la circulation des billets qu'elle adoptera ne pourra avoir lieu qu'autant que la caisse d'escompte leur attribuera un intérêt de 3.0/0, égal à celui attribué aux assignats ; conséquemment elle trouvera peu d'avantage dans leur émission : mais les actionnaires de la caisse d'escompte, persévérant dans les principes qui leur ont toujours fait préférer le bien public à leurs intérêts particuliers, ' créeront volontiers l'espèce de billets qui sera ordonnée par l'Assemblée nationale.
Quant à la demande faite de créer des billets de 150 et de 100 livres, les administrateurs de la caisse d'escompte observeront qu'ils ne pourront concourjr à leur création; leur refus est fondé sur deux puissantes considérations.
La première, c'est qu'ils sont intimement persuadés que ces petits billets auront l'inconvénient d'augmenter la rareté du numéraire.
La seconde, c'est que les assignats ne devant pas être de somme au-dessous de 300 et de 200 livres, ils ne pourront avec des assignats retirer des billets de 100 et 150 livres ; que les porteurs de ces petits billets ne manqueraient pas de les présenter au remboursement un à un, enfin d'en obtenir le payement en espèces; procédé qui quoique injuste envers la caisse d'escompte trouverait des partisans et des défenseurs, si, comme elle serait en droit de le faire, elle cherchait à s'y soustraire.
Seconde lettre des marchands en détail, de Paris, à MM. les administrateurs de la caisse d'escompte.
Paris, le 14 septembre 1790. Messieurs, nous avons signé, de concert avec
beaucoup de nos confrères, une pétition pour demander à l'Assemblée nationale, qu'elle autorisât la caisse d'escompte de mettre pour une somme de 30 millions de billets au delà de ce que l'Etat lui doit. Cette demande a été dictée par la gêne générale qui se fait sentir dans toutes les branches de commerce, et qui rend la stagnation malheureuse dont il est affligé, encore plus fatale.
Elle se concilierait à la fois avec la sûreté publique, avec l'intérêt du commerce et avec le vôtre, Messieurs. Elle ne léserait personne; car vous faisant imposer l'obligation de payer en billets, au moment où l'Etat ne vous devait phis rien, c'était prononcer leur extinction au moment où le commerce n'en avait plus besoin.
En vain nous avons désiré connaître le sort de cette pétition, nous n'avons pas pu le découvrir. Gomme toutefois nos ventes vont chaque jour en diminuant, et qu'il est plus difficile que jamais d'être payé de ce qui nous est dû, nous regardons notre demande plus importante encore qu'au moment où nous l'avons faite.
Nous venons en conséquence vous remettre, Messieurs, la copie de cette pétition, en vous priant d'engager le comité des finances de faire prononcer l'Assemblée nationale sur une requête aussi simple, et dont l'unique but est de rendre l'espèce d'engorgement où se trouve le commerce, moins funeste dans ses effets. Nous connaissons trop votre dé3ir de le seconder ; nous vous avons vu trop souvent occupés de l'aider, pour ne pas être convaincus, que non seulement vous ne mettrez aucun obstacle à notre demande, mais que vous concourrez en tout à son succès.
Vous ferez sans doute comprendre au comité des finances, que l'émission des assignats, aujourd'hui encore en question, ne saurait, lors même qu'elle serait décrétée, remplacer le but que nous cherchons. L'assignat ne sera probablement jamais voué à l'escompte ; il ira à un tout autre emploi. D'ailleurs, il se passera bien du temps avant que cette émission soit effectuée, et les besoins du commerce sont trop instants, pour pouvoir attendre cette époque.
Nous vous prions en conséquence de vouloir bien appuyer notre demande auprès de l'Assemblée nationale» d'y mettre cette chaleur qui vous anime toutes les fois qu'il est question du bien public, et de faire obtenir, le plus tôt possible, ce secours de 30 millions au commerce en général.
Nous sommes très parfaitement, Messieurs, vos très humbles et très obéissants serviteurs. Les marchands en détail de Paris: firot, Boulet, Heuri, Roland, etc.
Seconde lettre écrite par MM. les administrateurs
de la caisse d'escompte à M. le président du comité des finances.
Monsieur le Président, nous venons de recevoir une lettre que nous croyons de notre devoir de communiquer sans délai à MM. du comité des , finances. L'objet dont il est question intéresse le commerce de la capitale, à qui une extension d'escompte serait non seulement utile, mais à qui elle devient nécessaire dans des circonstances où le défaut de numéraire gêne la circulation, et où une méfiance presque générale a tari les sources ordinaires du crédit. C'est ce que nous avonseu l'honneur de représenter à MM. du comité des finances, dans nos observations sur la pétition
qu'ils nous ont fait communiquer : nous sommes aisposés, et nous le serons dans tous les temps, à seconder de notre empressement et de nos moyens, ce qui pourra être favorable à la chose publique; mais arrêtés par les décrets qui nous ont interdit toute création nouvelle de billeîs, nous avons besoin d'uoe décision de l'Assemblée nationale, qui autorise la caisse d'escompte à faire cè que le commerce demande. Nous nous reposons sur sa sagesse, pour concilier l'intérêt général avec la liberté et les droits qui appartiennent essentiellement aux actionnaires de la caisse d'escompte. La totalité des billets de cette caisse, qui sont aujourd'hui en circulation, représente la créance que le gouvernement doit acquitter par leur échange contre assignats nationaux. L'échange étant garanti aux porteurs des billets de caisse, il était juste, pour ne point induire ceux-ci en erreur, et pour ne pas expo-ser le gouvernement à rembourser au delà de ce qu'il devait à là caisse d'escompte, que toute nouvelle émission de billets fût interdite. Aujourd'hui, pour remplir l'objet de la pétition, sans s'écarter du double but que l'Assemblée nationale paraît s'être proposé dans son décret, il parait nécessaire : 1° que les nouveaux billets à émettre soient de même forme, et susceptibles du même échange que les anciens ; 2Q que leur création soit précédée d'une soumission par la caisse d'escompte, de remettre au gouvernement après le retrait des 170 millions qui doivent être échangés pour libérer l'Etat avec la caisse d'escompte, une quantité d'assignats égale à celle des billets à créer. Une pareille soumission est déjà sous-entendue pour les billets de caisse qu'on pourrait présenter à l'échange chez le trésorier de l'extraordinaire, après l'acquittement de la dette nationale envers la caisse d'escompte. Ainsi il n'y aurait à cet égard, d'autres mesures à prendre, que d'exiger de la caisse d'escompte, de conserver- en société un capital qui réponde à la nation de l'engagement résultant de l'échange des nouveaux billets, c'est-à-dire, 20 ou 30 millions, suivant la quantité qui sera décrétée pour l'émission qu'on sollicite.
Ces dispositions paraissent donner à l'Etat la garantie qu'il a droit de prétendre, procurer au commerce les facilités et les ressources qu'il désire, et n'imposer aux actionnaires de la caisse d'escompte aucune entrave onéreuse dont ils puissent se plaindre; caria création dont il s'agit sera autorisée, et non ordonnée ; et ce sera aux actionnaires à déterminer l'usage que les circonstances pourront rendre convenable ou nécessaire d'en faire. Leur patriotisme et leur intérêt personnel sont de sûrs garants de leur aquiescement à une opération utile pour le public, et qui peut le devenir à eux-mêmes. Nous n'avons pu prendre leur vœu à cet égard, en assemblée générale, parce que la convocation des actionnaires ne nous a paru ni prudente ni sans inconvénients, lorsqu'il règne parmi eux beaucoup de mécontentement et de fermentation à l'occasion du retard du dividende, et de l'incertitude de sa fixation sur le pied de 6 0/0 par an, comme il avait été garanti de la part du roi, et comme les actionnaires ont tant de raisons de l'espérer, après les sacritices multipliés et les efforts généreux qu'ils ne cessent de faire depuis dix-huit mois.
Nous sommes avec respect, Monsieur le Président, vos très humbles et très obéissants serviteurs.
Les administrateurs de la caisse d'escompte :
De Vandueil, Duruey, Boscary et Perregaux.
Projet de décret présenté par le comité des finances.
L'Assemblée nationale, prenant en considération la pétition qui lui a été présentée par le commerce de Paris, à l'effet d'obtenir des secours qui lui sont nécessaires dans l'état actuel des choses, en augmentant les moyens d'escompte qui lui étaient donnés par la caisse d'escompte, et particulièrement par une grande quantité de petits billets, a décrété :
Art. 1er. Que la caisse d'escompte est autorisée à mettre en
émission, pour son propre compte, une somme de 30 millions, en billets de caisse, valeur de
300 et de 200 livres, lesquels billets seront entièrement à la charge de ladite caisse.
Art. 2. Que la caisse d'escompte sera tenue d'acquitter à présentation lesdits billets montant à la somme de 30 millions, au moment où la nation lui aura rendu les 170 millions qu'elle lui doit en ses propres billets, qui doivent être retirés par la caisse de l'extraordinaire contre les assignats.
Art. 3. Que les commissaires, chargés de suivre les opérations de la caisse d'escompte, surveilleront ladite émission, qui ne pourra pas excéder la somme susdite de 30 millions.
demande l'impression et l'ajournement de la discussion sur le projet de décret jusqu'à ce qu'il ait été statué sur le mode de liquidation de la dette publique.(Cette proposition est adoptée.)
rapporteur du comité des finances, reprend la suite de ses rapports sur toutes les parties de la dette publique. Il propose de décréter que les receveurs de districts payeront sur les premiers deniers qui se trouveront entre les mains des receveurs des décimes, les oblats (contribution levée sur le clergé pour les Invalides), jusqu'à concurrence de 210,000 livres.
observe que la dépense des Invalides doit être à la charge de la nation et demande que la somme demandée soit prise dans le Trésor public, jusqu'à ce qu'on ait décrété l'organisation des Invalides, dont il presse le rapport.
rapporteur, accepte l'amendement.
En conséquence, le décret est rendu ainsi qu'il suit :
« L'Assemblée nationale décrète qu'il sera payé par le Trésor public à la caisse des invalides la somme de 210,000 livres, pour la prestation des oblats provisoirement, et pour l'année 1790 seulement, à raison de 52,500 livres par quartier, et que les trésoriers de district percevront les oblats et en tiendront compte au Trésor public. »
Je prie l'Assemblée d'ouvrir la discussion sur le rapport que je lui ai présenté au nom de son comité de l'imposition, et qui a pour objet la contribution foncière. Les bases de l'impôt sont la plus importante des opérations qui nous restent à faire, et cette partie est, sans contredit, d'un intérêt très pressant.
Par deux de vos décrets vous avez ordonné que la totalité du travail du comité de l'imposition vous serait présentée,
avant de vous occuper définitivement d'aucune de ses parties. Ces décrets, dont la sagesse est évidente, s'opposent à la proposition qui vous est faite.
Les principes du préopinant sont très justes, la conséquence qu'il en tire ne l'est pas. Sans doute, vous ne pouvez décréter séparément aucune partie de l'impôt; elles doivent toutes être subordonnées à des bases communes; mais il faut décréter ces bases. M. de La Rochefoucauld ne propose pas autre chose.
L'Assemblée décide que la discussion sera ouverte sur les bases générales du système de Vimpôt.
(ci-devant tfAgier)(1)Messieurs, vous êtes parvenus à la partie la plus importante de vos travaux, le mode et la quotité de l'impôt : il vous sera présenté, dans cette tribune, des plans neufs, brillants, ingénieux : ce que je vais avoir l'honneur de vous soumettre n'a aucun de ces caractères : j'ai voulu gagner un gîte après une orageuse journée : le chemin le plus court, le plus sûr, est celui que que j'ai préféré.
Les hommes réunis en société, malgré la diversité de leurs gouvernements, se sont accordés sur un point : la nécessité de sacrifier une portion de chaque revenu individuel, pour former un revenu public.
L'on peut donc regarder ce sacrifice comme une des premières bases de toute association politique , et lorsque les lois qui fixent la quotité de ce sacrifice, et la manière dont il sera perçu, ont été constitutionnellement promulguées, elles sont celles dont l'exécution est la plus impérieusement commandée.
Représentants de frères égaux en droits, et nés le même jour à la liberté, le Corps législatif, délibérant sur ces lois, doit surtout oublier ces anciennes dénominations, ces anciennes démarcations des provinces ; il n'en est plus d'étrangères ou de conquises, d'exemptes ou d'asservies : dans l'enceinte de cet empire, il n'existe que des Français.
L'uniformité dans les modes de perception de l'impôt sur tous les départements et la quotité proportionnelle pour chaque contribuable sont donc des bases aussi justes qu'indispensables.
Examinons quels sont les moyens d'arriver à ce grand but, en conciliant les intérêts généraux de l'empire, et ceux de chaque citoyen, avec la nécessité d'un impôt proportionné à nos immenses besoins.
Si la France, se suffisant à elle-même, pouvait se soustraire à l'influence active ou
passive de tout ce qui l'environne ; si la France, purement agricole, voyait ses domaines
également divisés ; si elle ne comptait parmi ses enfants que des propriétaires laboureurs,
cette simplicité d'organisation déterminerait celle de la perception de l'impôt. Une légère
portion des récoltes suffirait aux besoins publics, bornés dans cette hypothèse à une
surveillance intérieure.
Ainsi, les propriétés visibles, légalement connues, dont le propriétaire ne peut dissimuler la valeur qu'il ne saurait soustraire à l'inspection publique, ces propriétés, que je nommerai immobilières, seront l'objet d'un genre d'impôt appelé direct ; car il sera véritablement appliqué sur la chose même, d'après une connaissance exacte de son produit.
Les propriétés, au contraire, dont le possesseur peut dissimuler la valeur et la quotité; ces propriétés, pour ainsi dire, en dehors de la surveillance publique, qui peuvent s'accroître, s'anéantir ou changer de mains, sans la participation et la protection des lois; ces propriétés que l'on a pu jusqu'ici faire participer à la contribution que d'une manière éloignée, et qu'on nomme mobilières, seront l'objet des impôts indirects.
Ces premières définitions nous présentent d'abord deux manières bien distinctes d'imposer, directement et indirectement.
Mais une grande question reste à résoudre : quelle doit être la proportion entre les impôts directs et les impôts indirects? Ce problème, présenté sous cette forme ainsi généralisée, a été et sera toujours insoluble; chaque peuple, eu égard à sa situation politique, aura des résultats différents sur la proportion qu'il doit adopter dans les divers modes d'impôts qui lui conviennent.
Je pense donc qu'il faut changer les termes de la proposition, et que, l'appliquant à notre existence politique, nous devons nous demander : quelles sont les propriétés mobilières et immobilières qu'il convient de ménager dans la répartition des impôts directset indirects, relativement à nos voisins et relativement à nous-mêmes?
Relativement à nos voisins :
On nous assure que nous avons un avantage dans la balance du commerce .-avantage précieux qu'il est bien intéressant de conserver.
Nous le devons à la partie productive de notre sol et à notre industrie, source de toutes richesses ;
A la partie productive de notre sol qui fournit des objets de nécessité ou de luxe, que l'étranger ne trouve point ailleurs ou qu'il préfère de prendre chez nous;
A notre industrie, par nos manufactures, soit qu'elles s'exercent sur nos propres productions de manière à les faire rechercher de nous ou de Vétranger, soit que, travaillant sur les matières premières, fournies par nos voisins, elles s'approprient ces matières par la perfection de la main-d'œuvre.
Ainsi tout impôt qui pèserait trop sur notre industrie ou sur la partie productive de notre sol, si intimement liée au produit de cette industrie, deviendrait impolitique; les aides et la partie des droits de traites, relatifs à l'exportation en général et à l'importation des matières premières, doivent donc être très ménagées; l'impôt sur les terres productives de denrées ne doit pas l'être moins, afin que le prix des combustibles ne force point à un surhaussement dans le prix de main-d'œu-vre, surhaussement qui détruirait les avantages de notre balance commerciale.
Si nous considérons notre position intérieure,
relativement à nous-mêmes, nous verrons encore que, sous ce point de vue, l'impôt sur les terres ne doit point atténuer, par son poids, la source féconde de reproduction que le climat, la nature de son sol et la population promettent à la France.
Messieurs, si l'on veut conserver aux propriétés rurales les encouragements nécessaires pour que cette nature de propriétés soit regardée comme la plus précieuse, il faut absolument laisser au laboureur, non seulement de quoi suffire aux bonifications annuelles, mais encore de quoi pouvoir tenter des bonifications extraordinaires, sans lesquelles l'agriculture stagnante et dédaignée reste, du côté ae l'avantage et delà considération, dans la dernière classe des professions.
L'impôt sur la partie productive des terres est donc encore dans le cas d'être extrêmement ménagé comme impôt : j'oserai prouver qu'il doit l'être également par la manière dont il est perçu.
Mais qu'il me soit permis de faire auparavant deux observations que je rapprocherai ensuite de moiv sujet :
1° M. Desaguiller a trouvé le moyen de faire porter à un homme trois mille livres pesant, en divisant sur toutes les parties de ses fibres musculaires cette énorme masse. Le même homme eût succombé sous un poids cinq fois moins considérable, s'il l'eût porté sur un seul point.
2° Il est reconnu que le sacrifice fait avant et en considération d'une jouissance quelconque, coûte infiniment moins à faire, que si ce sacrifice était exigé après la jouissance. Appliquons ces vérités.
1° L'impôt sur les terres, au lieu d'être divisé en petits payements journaliers, se fait en grande masse, et le malheureux qui ne songe jamais au lendemain, qui ne sait pas que 365 livres qui lui seront demandées à la fin de l'année exigent qu'il mette 20 sols de côté par jour, arrive au terme fatal sans moyens de s'acquitter; il voit sa propriété saisie, ses meubles vendus, parce que le gouvernement, qui ne peut en agir avec lui comme on en use avec un dissipateur à qui l'on ne fournit ses revenus qu'à proportion de ses besoins, se trouve forcé d'attendre, pour percevoir, la vente de ses récoltes.
2° L'impôt demandé, lorsqu'on fait insinuer une donation, contrôler un testament, ou l'impôt payé et confondu avec la valeur de la chose qu'on se procure, comme luxe ou fantaisie, est l'un, le prix d'une sûreté ; l'autre, le prix d'une jouissance que le désir appelle : mais l'impôt en masse que le collecteur des campagnes va forcer le laboureur de lui payer, est le prix d'une protection éloignée, trop peu directe pour être sentie par la majorité des contribuables; ils ont le double regret de se détacher d'une somme considérable, et de ne pas apercevoir distinctement la cause pour laquelle on en exige le sacrifice.
Aussi, Messieurs, est-il bien généralement reconnu que l'habitant des campagnes regarde le collecteur comme un persécureur odieux, tandis que son procureur même, qui lui coûte ai souvent d'avantage, n'est à ses yeux qu'un homme qui lui rend service.
Si ces raisonnements ne sont pas d'une logique adaptée aux principes de nos théoriciens en matière d'impôts ; au moins sont-ils adaptés aux circonstances.
Si nous réfléchissons sur notre position actuelle nous voyons que le salut de la France et le sort de sa Constitution tiennent à trois choses :
1° La vente prompte et avantageuse des domaines nationaux;
2° Le payement exact et prompt des impôts; 3°. Un mode d'impôt qui fasse comprendre à l'habitant des campagnes, que le nouvel ordre de choses lui est avantageux.
Quant à la première considération, est-ce lorsqu'on a plusieurs milliards de fonds de terres à vendre, que l'on doit forcer la contribution foncière , et annoncer qu'un jour elle sera la seule constitutionnelle? quel est le capitaliste qu'une semblable perspective n'arrêterait pas dans ses projets d'acquisitions ?
Quant à la seconde considération, est-ce lorsqu'une longue expérience et surtout le moment actuel ont prouvé que de tous les impôts, ceux sur les terres sont les plus difficiles à percevoir, que l'on doit proscrire ceux dont les recettes promptes et journalières alimentaient depuis si longtemps toutes les profusions du Trésor public? N'est-il pas imprudent de vouloir diminuer la masse de ces impôts si promptement productifs, pour tenter des remplacements si éloignés, dans leurs effets, des secours que nos besoins exigent?
Quant à la troisième considération, et celle-ci est la plus essentielle, vous n'avez qu'une manière de faire comprendre à l'habitant des campagnes que la Constitution est bonne : c'est, Mes- / sieurs, car il n'entend que ce langage, de lui offrir une grande diminution dans ses impositions foncières.
Le capitaliste juge de la fortune publique par le taux des effets publics à la Bourse, l'habitant des campagnes consulte son collecteur, et juge à sa manière.
Rendons-nous favorable ce jugement. Si nos vrais intérêts nous le prescrivent dans tous les temps, Messieurs, les circonstances nous en font aujourd'hui une impérieuse loi.
Quels sont donc les objets sur lesquels l'impôt doit peser, avec l'étendue qu'exigent nos besoins? C'est ce que nous allons examiner sous les deux rapports déjà présentés, relativement à nos voisins et relativement à nous-mêmes. D'abord, relativement à nos voisins. Si l'intérêt de nos manufactures et des productions de notre Sol exige que la partie composée des traites, qui portera sur les exportations en général et sur l'importation des matières premières, soit ménagée, ces mêmes intérêts exigent que toutes les marchandises qui pourraient nuire à la consommation intérieure de nos productions, soient particulièrement frappées de l'impôt ; et cette partie de nos droits de traites peut et doit être portée à une grande latitude. 2° Relativement à nous-mêmes. Nous devons également frapper du poids de l'impôt les objets sur lesquels ce poids ne peut apporter de trop sensibles atténuations.
Ainsi les impositions personnelles légalement réglées, les parties de l'impôt portant sur les sols non productifs de denrées premières, comme les maisons, les droits ci-devant] domaniaux et de formalités d'ordre public, contrôles, droits de mutation, insinuations, centième .denier, formule, etc., etc. v Les moyens que l'on peut prendre pour la création d'un timbre, par lequel on assujettirait à l'impôt toutes les conventions et affaires privées, commissions, brevets, etc., etc. ; les droits sur les objets de luxe et de fantaisie; la ressource que peut présenter le régime exclusif de certaines marchandises, la poudre à poudrer, les poudres et salpêtres, les cartes, le tabac, etc., etc. ; ou de certains services publics, comme les postes aux lettres, aux chevaux. Enfin les barrières, sage-
ment combinées, sur toutes les grandes routes, pour subvenir à leur entretien, en faisant payer celui qui en profite : tels sont les objets où, sans inconvénient, l'on peut et l'on doit faire porter le grand poids des impôts.
D'après ces généralités, parcourons rapidement les divers modes d'impôts sur lesquels vous aurez à délibérer; nous reprendrons ensuite chacun de ces modes en particulier, pour fixer la quotité pour laquelle il entrera dans la masse totale de l'impôt.
Le premier rapport fait par vos comités sur l'imposition a été sur les droits de traites et le reculement des barrières.
Cette opération, que le commerce sollicitait depuis longtemps, sera comptée au rang des plus sages dispositions de vos décrets ; et vous devez d'autant plus vous féliciter d'opérer ce changement, que, d'après la rapport de votre comité, le revenu public, imposé sur cette partie, n'éprouvera aucune réduction : ce sera l'effet d'un nouveau tarif, combiné d'après les principes dictés par notre situation intérieure et extérieure ; situation qui nous prescrit de ménager toutes les exportations en général, et la partie des importations nécessaires pour l'alimentation de nos manufactures.
La contribution foncière a été l'objet d'un second rapport. Cette contribution, dont il est si important de fixer les bases; cette contribution, dont la quotité portera si directement sur les innombrables productions de cette inconcevable et sublime manufacture, où tant de bras, occupés à la fois, sont soumis, comme dans un atelier ordinaire, àStoutes les dangereuses influences d'un impôt mal combiné; cette contribution, dis-je, exige, plus que toute autre, Messieurs, toute l'étendue de votre attention.
J'ai comparé notre sol à une immense manufa-ture, où des millions de bras attachés à la culture décuplaient la quotité des matières premières, confiées à leurs soins par l'effet de la main-d'oeuvre; car la terre, cette divine matrice, semble n'être, sous la main de l'homme riche et indutrieux, qu'une multitude d'ateliers et d'instruments modifiés à son gré; elle dégénère et s'appauvrit, dès que l'homme oisif ou indigent néglige quelques instants de diriger et surveiller son action.
Je puis encore comparer le sol productif à ces arbres dont le tronc vigoureux fournit de nombreuses branches. L'oeil et la main du jardinier distinguent celles qui doivent produire des fruits; il les ménage : sa sévérité ne s'étend que sur ces branches parasites qui, si elles n'étaient contenues dans de justes proportions, attireraient bientôt à elles seules la partie féconde de la sève, qu'il est important de conserver aux bourgeons qui produiront des fruits.
Appliquons ces deux considérations à notre sol. Ce sol peut se diviser en deux classes : la partie productive de fruits, denrées ou matières essentiellement nécessaires, et la partie non productive de ces mêmes objets.
La partie productive peut se subdiviser en deux autres; la première, celle dont les produits nécessitent des avances et des encouragements.
Ces produits sont, comme dans une manufacture, le prix de l'industrie, combiné avec la main-d'oeuvre. Cette partie exige les mêmes considérations que les manufactures ordinaires, pour l'accroissement de leurs produits.
La seconde partie productive du sol est celle dont les richesses, toute formées ou se formant d'elles-mêmes, avec une action moins directe de
la part de l'homme, ont moins besoin de sa surveillance et de ses premières avances; elle mérite, sans doute, infiniment moins d'encouragement.
L'assiette de l'impôt doit donc avoir deux bases pour ces deux espèces de sols productifs de fruits, denrées ou matières.
La partie non productive de fruits, denrées ou matières n'a sûrement besoin d'aucun encouragement; l'intérêt, l'amour-propre, la fantaisie aiguillonneront toujours assez la volonté de celui qui possède des maisons, etc., etc.
Ces objets stériles doivent être essentiellement frappés par l'impôt, et une troisième base doit être appelée pour cette dernière caste de nos possessions territoriales.
Le projet de décret de votre comité n'a point cette triple base ; il paraît même que les maisons ont reçu dans son plan une faveur particulière. Il leur réserve un quart de ce revenu, exempt de contribution, pour subvenir aux réparations ; tandis qu'il impose en entier, et sur une même proportion, les sols productifs en général, et qu'il ne met encore aucune différence entre le sol, perdu pour la production qu'exige l'exploitation d'une carrière simplement productive de matières formées par la nature, sans le concours et indépendamment de l'industrie de l'homme, et le sol productif de fruits qui couvrait cette carrière et qui lui est sacrifié.
L'exploitation des carrières de tous genres et d'autres propriétés semblables, dans lesquelles l'homme cherche des matières déjà formées, et pour lesquelles son industrie se borne à l'extraction ; ces propriétés sont tellement liées à l'impossibilité de s'en passer, parce qu'elles tiennent surtout aux besoins que le luxe et la fantaisie lui imposent, que la quotité de l'impôt, plus ou moins forte, sur ce genre de propriétés, à raison du sol productif dont elles exigent le sacrifice, et celle sur les maisons n'iniluera que bien faiblement sur le plus ou le moins d'activité que le luxe ou la fantaisie leur assurera.
Je pense donc que si la masse de la contribution territoriale que vous imposerez sur le sol doit, en général, grever ce sol d'une taxation égale au septième de son revenu net, la répartition, à raison de chaque sol particulier, devrait offrir des différences:
1° D'un huitième au moins entre le sol productif de fruits, comestibles, ou matières qui nécessitent la semence, l'industrie et le concours de l'homme ; et les sols où les matières sont déjà formées, ceux qui n'exigent que faiblement le concours de l'homme, et qui, sans travail et sans semences, croissent et se multiplient;
2° Cette différence doit être de deux huitièmes au moins entre le sol de première qualité, productif de fruits exigeant semences, etc., etc., et le sol non productif.
Ainsi, par exemple, si les terres labourables, les vignes, etc., payent 800 livres à raison d'un revenu net quelconque, les terrains sacrifiés à l'exploitation des carrières, les pâtis et les prairies non irrigables, les forêts et taillis, les étangs, etc. payeront 900 livres pour un semblable revenu ; tandis que des maisons des villes payeront pour des loyers égaux à ce même revenu, 1,000 livres.
Cette proportion, que l'on peut étendre ou res serrer, devra donc être prise en considération dans l'établissement de la contribution foncière, et sera reprise, avec de plus grands détails, lorsque cette partie de l'impôt sera exclusivement discutée.
Les droits exercés par la régie générale seront
aussi l'objet d'une discussion particulière : nous nous bornerons ici à quelques généralités.
La régie, avant la suppression des droits sur les fers, les huiles, les amidons et les cuirs* a porté ses produits au delà de 50 millions, quoiqu'elle ne s'appesantit que sur certaines provinces; et l'on peut dire que si les droits qui procuraient ce revenu étaient d'une grande ressource pour le Trésor public, leur diversité et les inquisitions qui fatiguaient les contribuables seraient un devoir de les anéantir en entier, si l'imposai* bilité d'un remplacement total ne forçait à èn conserver quelques-uns.
Cependant, Messieurs, comme le reculement des Barrières aux frontières purgera la France de l'armée fiscale employée à la perception de ces divers droits, et que votre intention n'est sûrement pas de salarier de nouveaux satellites pour les exiger, sous les odieuses formes qui en faisaient un fléau, vous ne pourrez vous dispenser de réunir ceux de ces droits qui en sont susceptibles, comme les droits sur les cartes, papiers et cartons, etc., à la régie que vous établirez pour la vente des poudres et salpêtres, tabacs, etc.
Vous serez également forcés de réduire les droits sur les eaux-de-vie et boissons, à de simples droits de licence pour la fabrication et la revente, à des droits d'entrée dans les grandes villes murées, et à des droits aux frontières pour leur exportation et leur importation.
En effet, comment établir des droits proportionnés à la qualité et quantité des eaux-de-vie et boissons Bur leB lieux de la récolte ou de la fabrication, et à l'entrée des villes non murées, à moins que l'on ne se prête à des abonnements, ou que l'on ne s'en rapporte absolument à de simples et si abusives déclarations?
Lorsqu'on traitera en particulier le modè de perception qui convient le mieux à ceux de ces droits qui seront conservés, nous nous arrêterons davantage sur les inconvénients dont ils Sont inséparables : il vous suffira, dans ce moment, pour parvenir au résultat que nous nous proposons, de savoir que (malgré l'extension à tous les départements du royaume de la partie des droits de la régie générale que l'on sera dans le cas de conserver) le produit de ces droits diminuera au moins de moitié. Mais outre que cette réduction est commandée par une saine politique, puisque la partie de ces impôts sur les fruits de la terre doit être considérée comme un surimpôt sur les terres, pesant en même temps sur l'industrie qu'il faut encourager, cette réduction sera facilement couverte par des augmentations sur d'autres droits d'une perception qui atteint plus directement même les capitalistes, tels que les droits domaniaux sur lesquels nous allons nous arrêter.
Les droits domaniaux doivent particulièrement fixer l'attention de l'Assemblée, comme la plus précieuse branche des revenus publics : ils Sont en général payés accidentellement par les personnes aisées, ou du moins par celles qui ont nécessairement des moyens sans lesquels elles ne s'exposeraient point à les supporter.
Une partie de ces droits peut être regardée comme le prix direct de formalité et d'ordre public, qui ont pour objet d'assurer les conventions des citoyens contre la mauvaise foi et l'infidélité ; le surplus résulte des droits sur les successions, les donations, etc., également nécessaires à l'ordre et à la sûreté, et payés dans les circonstances les plus favorables au débiteur.
Tous ces différents droits doivent être modifiés
dans des proportions indiquées par la justice, afin que chacun paye en raison de ses facultés, et non plus, comme ci-devant, sur des tarifs qui pesaient sur la classe la moins riche, tarifs dont les bases, en partie appuyées sur les conditions et l'état des personnes, présentaient à chaque cas particulier une application de la loi contraire à l'esprit qui aurait dû la dicter.
Malgré l'anéantissement d'une grande partie de ces droits, résultant de la disposition de vos décrets, l'extension à tous les'déparlements de l'empire, de ceux que vous conserverez en les modifiant, et le régime économique de leur perception, susceptible encore d'une plus grande perfection, vous assurent une augmentation très importante dans cette partie de nos revenus.
Nous osons, Messieurs, vous répondre que cette augmentation, que nous vous annonçons, sera la conséquence heureuse d'un nouveau tarif prêt à être mis sous vos yeux, et qui réunira deux avantages.
Le premier, la clarté et la précision dans les règlements qui mettront chaque citoyen à portée de les saisir et de les appliquer ; le second {et celui-ci est vraiment constitutionnel)* d'avoir pour base les principes déjà par vous adoptés sur la plus juste répartition.
Je ne m'arrêterai pas à combattre l'idée de substituer aux droits actuels un droit uniforme pour toutes espèces d'actes ou de dispositions, ou une taxation fixe pour chaque acte de la même classe de citoyens, en fixant ces classes à un certain nombre déterminé, d'après les facultés présumées de chacun. Il sera facile de prouver, lorsque la partie des domaines sera nommément à l'ordre du jour, que ce mode serait également destructif d'une grande partie des revenus domaniaux, et directement opposé à l'esprit de l'Assemblée, qui veut une juste répartition, et surtout l'oubli, en fait d'impôt, de toute classification de citoyens ; classification qui tendrait à renouveler un jour des distinctions qu'elle a cru devoir abolir.
Vous ne négligerez pas non plus, Messieurs, de soumettre au contrôle et au centième denier toute espèce de mutation de propriété mobilière et immobilière, soit par acte public, soit par signature privée. Il serait également sage d'établir une forme de contribution pour les placements d'argent faits par des actes privés ; ils sont à la vérité hoîs de la protection de la loi, tant que leur existence n'est pas manifestée : mais comme la loi, au moment de cette manifestation, leur prête toute sa force, elle peut exiger qu'ils aient payé, au moment où ils ont rédigé leur convention sous seing-privé, le tribut qu'ils doivent à la protection qu'ils seront les maîtres de réclamer un jour.
Ainsi, 1° tout engagement et prêt d'argent sous seing-privé (excepté les lettres de change) ne pourrait invoquer le secours de la loi, et être protégé par elle, que lorsqu'il aurait été rédigé sur un papier, dont le droit de timbre varierait à raison des sommes qui devraient y être portées* sans préjudice des droits pour les formalités exigées : je pense que cette mesure serait d'une grande justice. D'un autre côté, tout citoyen devant chaque année à la patrie une partie de son revenu individuel, quelle que soit la nature de ce revenu, et la facilité qu'a rencontrée jusqu'ici le capitaliste pour se soustraire à cette obligation, n'étant point un motif pour s'y soustraire encore, le papier timbré, sur lequel il recevrait la reconnaissance de son débiteur, serait renouvelé tous les ans de
manière que le capitaliste contribuerait Chaque année de toute la quotité du droit imposé pour le timbre du papier dont il se serait servi.
J'ai cru devoir excepter les lettres de change, parce que l'intérêt du commerce exige impérieusement une liberté indéfinie sur cette espèce de papier faisant fonction de monnaie volontaire ; monnaie tellement active, que, passant de main en main, de ville en ville, de nation à nation, elle porte avec elle un caractère particulier, dont la confiance, la loyauté sont les bases que la plus légère entrave pourrait altérer, surtout dans leurs cours à l'étranger.
Le timbre que je viens de proposer pour les engagements et prêts d'argent sous seing-privé, peut encore s'étendre à d'autres opérations ; et nous trouverons, dans une sage combinaison de l'emploi qu'on peut en faire, une ressource aussi étendue qu'assurée.
Le comité des finances a reçu divers plans; d'autres vous seront présentés, pour faire concourir les droits de timbre aux produits des impositions personnelles sur les facultés mobilières et industrielles : développés, modifiés , soumis à votre discussion, ils vous fourniront de nouveaux moyens de réparer les pertes immenses qu'ont éprouvées les revenus publics.
Les postes et relais, la poste aux lettres, peuvent aussi offrir, les premières, une diminution de dépense ; les secondes, une augmentation de recettes.
L'on peut porter le prix des chevaux de poste à un taux qui, sans trop grever le commun des voyageurs, très en état de le supporter, mettrait les maîtres de poste, avantageusement placés, dans le cas de fournir une redevance suffisante pour indemniser ceux qui, placés moins favorablement, ont besoin d'encouragement pour s'astreindre à ce service public, et, pour mieux dire, on pourrait en faire un objet de régie à réunir avec celle des messageries et roulage, en augmentant partout le prix des Chevaux de poste dans une proportion sagement réglée; cette augmentation, en partie pavée par les étrangers, ne serait cependant pas dans le cas de les éloigner, parce que le voyageur riche et conduit par la fantaisie, ainsi que" le voyageur que ses affaires appellent et commandent, ne sont point arrêtés par de légers motifs d'intérêts.
La poste aux lettres en restreignant le contreseing à des règles très sévères, en augmentant le prix des ports de lettres, peut offrir une somme extraordinaire de plusieurs millions ; cet impôt ne frappe point le pauvre, qui écrit peu ; il est le prix de services rendus, et dès lors il devient susceptible d'une extension qui ne blesse aucun de vos principes.
Le gouvernement peut encore allier l'esprit de la Constitution avec des privilèges exclusifs, lorsque l'objet de ces privilèges établis en sa faveur, n'attaquant aucune des bases essentielles de cette Constitution, sont le résultat de la volonté générale éclairée sur les vrais intérêts.
Ainsi la vente exclusive des cartes à jouer, celle des papiers et cartons, celle de la poudre à poudrer, celle des poudres et salpêtres formeront un revenu public susceptible d'augmentation, parce qu'on peut en hausser le prix sans inconvénient.
Mais quelles que soient les améliorations possibles sur la vente des cartes à jouer, sur celle des papiers et cartons, sur celle des poudres,etc., cette partie des revenus nationaux n'aura jamais que des bornes fort étroites. Il en est une autre plus importante contre laquelle de nombreux
préjugés se sont tout à coup manifestés : si la proscription de la vente exclusive du tabac n'était pas aussi intimement liée à la contribution foncière par la nécessité d'un remplacement, j'aurais attendu que l'on traitât cette partie pour prouver Gombien sont exagérées les déclamations contre cette vente exclusive, considérée comme impôt, et combien il serait imprudent de se priver, dans les circonstances calamiteuses où nous nous trouvons, d'une ressource uniquement payée par le luxe ou la fantaisie, pour se livrer aux dangers de son remplacement.
Mais le rapport de votre comité de l'imposition contre la régie du tabac m'oblige, dans cet instant même, d'examiner avec quelques développements si véritablement cette régie est inadmissible avec une Constitution libre.
La liberté politique d'un nation coasiste à obéir aux lois qu'elle même a consenties.
Donc cette liberté conserve toute son intégrité, tant que cette obéissance aux lois, qui sont son ouvrage, est exacte et générale. „
La liberté individuelle des citoyens consiste dans le droit de ne dépendre que de la loi à laquelle ils ont coopéré.
Donc la liberté individuelle de chacun d'eux n'est jamais blessée, quel que soit l'effet de la loi à laquelle ils se sont volontairement et constitu-tionnellement soumis.
Ne disons donc jamais que telle loi, consentie par tous, ne peut exister avec l'état de la liberté; elle s'adapte et fait nécessairement partie de cet état de liberté, dès qu'elle a été l'ouvrage d'une volonté générale, préalablement éclairée.
Chez une grande nation policée et commerçante, cette volonté générale conduit nécessairement cette nation à considérer les lois qu'elle se donne, bien plus dans leurs effets physiques crue dans leur théorie ; eille la conduit à rejeter celles qui, sous une fausse apparence dé perfection, ne sont réellement qu'un continuel sophisme que l'expérience décèle bientôt.
Ainsi seront toujours inadmissibles ces dogmes si vantés par une société nombreuse et illustrée sur l'impôt unique, perçu sur le produit net, quels que soient les magiques tableaux dont ils bercent depuis 30 ans notre imagination ; quels que soient leurs efforts pour nous prouver que cette doctrine est celle de la liberté, la seule qu'elle puisse'avouer.
Cette doctrine est inadmissible par le seul fait que sa théorie va se briser aux pieds de l'expérience.
Gardons-nous donc, Messieurs, de compromettre une branche essentielle de nos revenus, en nous livrant aux premières impressions d'une imagination exaltée ; et consultons avec le sang-froid de l'impartialité, avant de proscrire le régime actuel du tabac.
Examinons ses effets relativement à l'agriculture, relativement au commerce, relativement à la consommation, relativement à l'impôt, relativement enfin aux provinces jusqu'ici exemptes de son régime :
1° Relativement à l'agriculture.
Le tabac, cette plante exotique apportée en France en 1560, sous le nom de petun, a des racines pivotantes et des racines traçantes.
Ce premier caractère annonce à tout agriculteur éclairé : 1° que le nombre et la qualité de ces racines exigent une terre franche, abondamment engraissée et profondément travaillée, c'est-à-dire le sol le plus précieux par lui-même, ou rendu tel par l'industrie.
2° Que ce double moyen d'épuiser la terre et par ses racines traçantes et par ses racines pivotantes la rend la moins propre des plantes pour une culture alternative, soit avec les grains dont toutes les racines sont traçantes, soit avec les fou-rages, légumes, chanvres, lins et colzas, dont les racines sont pivotantes. Un axiome en agriculture étant qu'une racine pivotante doit succéder à une racine traçante, toutes les récoltes qui succéderont au tabac seront moins abondantes que si l'on avait alterné avec toute autre plante ou semence, et l'on verrait sensiblement diminuer les récoltes des grains si nécessaires à notre population, si le tabac était généralement cultivé dans toutes les parties de l'empire.
3° L'agriculteur verra qu'un arpent, préparé comme il doit l'être pour le tabac, donnerait en chanvres, lins, colzas ou grains de mars, un produit plus assuré, plus considérable et surtout plus utile, que ne doit le faire espérer une récolte en tabac, lorsque la liberté de culture sera établie.
4° Que les chanvres pouvant être avantageusement semés jusqu'au mois de mai, que les colzas pouvant se replanter (avec la précaution de semis à l'abri, exigée pour le tabac) aussi tard et même plus tard que le tabac, cette culture des chanvres et des colzas peut, tout aussi aisément que le tabac, dédommager le propriétaire d'une récolte de grains ou de lins, que l'intempérie des saisons aurait fait périr avant le mois de mai; et le prétexte que l'on ne peut substituer que le tabac a ses récoltes détruites par les gelées, est démenti par le fait dans les trois quarts de la France.
5° Que les précautions minutieuses qu'exigent les semis, la replantation et la récolte du tabac, les vastes bâtiments et emplacements couverts où cette récolte doit être déposée pour y sécher à l'abri de la pluie et du soleil; l'incertitude de son débit, lorsque la liberté de culture en aura rendu la quantité surabondante à la Consommation, sont autant de considérations qui doivent être pesées, avant de présenter à des peuples toujours avides de nouveauté, les faux bienfaits d'une liberté indéfinie, qui ne les conduirait qu'à jeter dans leur esprit un désir immodéré d'en jouir, et dont les pernicieux et inévitables effets seraient:
1° De déranger pendant plusieurs années, dans les provinces actuellement soumises au régime exclusif, les cultures auxquelles on est accoutumé, et qui sont appropriées au climat, à la nature des terres, aux facultés et à l'intelligence du commun des cultivateurs, et surtout aux débouchés ordinaires ;
2° De diminuér sensiblement dans ces provinces la culture si nécessaire des prairies artificielles, et conséquemment de tarir la source des engrais, par l'impossibilité de nourrir des bestiaux; d'atténuer la culture des chanvres, et d'augmenter du double, peut-être, l'énorme tribut que nous payons déjà à l'étranger pour nous en procurer: mais ce qui est plus effrayant, plus désastreux encore, c'est d'exposer la subsistance du peuple, en laissant destiner les sucs de la terre à la culture d'une plante vorace, parasite, essentiellement inutile, puisqu'elle n'alimente que le luxe ou la fantaisie, tandis que ces sucs précieux peuvent à peine suffire, année commune, à la production des blés; vérité trop sensiblement manifestée par toutes les scènes douloureuses qui ont affligé récemment encore tous les marchés de l'empire.
La liberté du tabac présente donc (relative-
ment à l'agriculture), du moins pour les premières années, et jusqu'à ce qu'une espérance, plusieurs fois trompée, ait enfin désabusé le cultivateur, de véritables pertes dans les productions les plus précieuses.
Relativement au commerce, elle n'aurait pas de moindres inconvénients. La politique d'une nation est d'éclairer ses habitants sur la nature des productions qu'il est avantageux de favoriser; ainsi, les premiers objets de son industrie doivent être les denrées de première nécessité de tout genre, parce que jamais, autant c[ue la chose est possible, on ne doit l'exposer à en manquer; parce que la liberté politique tenant à une abondance indépendante de toute convention extérieure, on doit écarter toute spéculation sur ces denrées précieuses.
Viennent ensuite les objets de seconde nécessité. Ceux-ci peuvent être soumis au calcul v lorsque telle où telle denrée n'est essentielle que parce qu'elle peut fournir une ressource utile à l'industrie, ou satisfaire le luxe et la fantaisie, lorsqu'il en coûte moins pour se la procurer, de l'acheter chez l'étranger, que de la cultiver chez soi : dans cette hypothèse, l'on ne doit pas balancer à préférer l'achat à la culture.
Cette préférence acquiert un nouveau degré d'utilité, lorsque, par cet achat à l'étranger, on se ménage en remplacement une culture plus précieuse, et par la nature de la denrée, et par les ressources qu'elle offre à l'industrie.
Ainsi, dans notre position, la France doit d'abord favoriser la culture des grains et autres denrées de première nécessité; ensuite calculer et dire : le tabac cultivé en France sera, en général, de qualité inférieure ; il nuira au produit des grains dont la récolte doit le suivre, et tiendra la place -ou d'une récolte de fourrage, ou d'une récolte de chanvre, ou d'une récolte de colza.
Le tabac qui les remplacera ne vaudra guère, après la récolte, que tant la livre, et ne prêtera de ressource à l'industrie dans la fabrication, que tant par livre; de manière qu'une livre de tabac, prête à être consommée, n'aura produit à l'Etat, tant en matière qu'en industrie, que la valeur d'une journée de travail. _
La prairie artificielle, dont il a tenu la place, aurait fourni l'aliment à des bestiaux : ces bestiaux auraient produit un triple avantage, l'engrais dont l'effet est incalculable, l'augmentation de ces bestiaux, une économie de temps, et plus de moyens pour les travaux à graines; enfin la ressource industrielle que présente les objets de commerce fournis par les bestiaux, comme les cuirs, les laines, etc., etc., qui, par les diverses préparations qui les attendent et dont le détail est infini, centuplent la valeur produite par lè fourrage qui tenait la place du tabac.
Observons encore que si une livre de tabac récolté avec peine ne peut jamais que doubler de valeur, par l'effet de la main-d'œuvre, une livre de chanvre, qui n'exige pas autant de premières avances, vaut mille fois sa valeur première, lorsqu'elle est, par les miracles de la main-d'œuvre, transformée en dentelles, etc., etc.
Convenons donc, de bonne foi, quel 'intérêt du commerce n'est point de substituer à des productions qui procurent par l'industrie de si immenses ressources, la culture d'une plante dont nos voisins s'empressent de nous pourvoir à meilleur marché, et que la nation peut s'approprier pour en faire un objet de revente avantageuse même à l'étranger.
Nous avoos à considérer la vente libre du tabac, relativement à la consommation : une première question se présente.
Est-il avantageux d'augmenter l'usage du tabac et de le faciliter à toutes les classes, et, pour ainsi dire, à tous les individus de l'Empire? La réponse est facile : l'usage du tabac porté à l'excès, surtout dans les pays secs et chauds, comme il ûe manquerait pas de l'être avec une liberté indéfinie, est un véritable mal, au physique et au moral.
Au physique, comme toutes substances irritantes, if accélère et augmente la sécrétion de certaines humeurs; il dérange l'équilibre de celles qui sont les plus essentielles à la conservation des forces et de la santé; il affaiblit tous les organes de l'individu qui s'y livre sans réserve, et détruit, surtout, ceux qui ont une correspondance plus directe avec la partie où il exerce son action, la mémoire et les digestions.
Au moral, il produit, comme toutes les liqueurs fortes, et comme l'opium (moins sensiblement à la vérité), une espèce d'ivresse habituelle; le tabac à fumer, surtout, abrutit celui qui en est l'esclave; il l'isole pendant celte jouissance; elle ne produit même à la longue d'autre effet que celui de la stupeur.
On ne peut voir, sans éprouver une sensation pénible, une famille entière s'infectant à l'envi, dans leur réduit, de cette pernicieuse .fumée; mais, sans nous arrêter davantage sur ce tableau si peu fait pour nos goûts, nos, mœurs, notre amabilité, disons que si le talktc, considéré comme remède irritant, peut être employé pour certains tempéraments humides, il devient un véritable poison lorsqu'il est, pour ainsi dire, devenu un besoin, comme l'aliment, par l'habitude d'en abuser; et si la nation ne peut absolument en défendre l'usage, du moins ne doit-elle pas fournir les moyens de l'augmenter, surtout dans les provinces méridionales, où les effets seraient bien autrement dangereux que dans les provinces du Nord, par la qualité plus active de la plante.
Mais en admettant qu'il soit exempt des inconvénients qu'il nous fait craindre, l'intérêt du consommateur est d'avoir pour une somme fixe, sur laquelle il a calculé, du tabac d'une fabrication sûre, et exempt de tout mélange et dont le débit se fasse à sa portée dans une quantité proportionnée à ses besoins journaliers et à ses facultés.
Or il est possible, en modifiant la régie actuelle du tabac, de procurer au consommateur tous ces avantages, et à un prix tellement modéré, qu'il lui deviendrait difficile, peut-être, de les obtenir aussi aisément d'une culture, d'une fabrication et d'un commerce libre.
Car, en admettant cette entière liberté, le consommateur aura toujours à payer le prix de la chose ; plus l'impôt de remplacement.
Or, le prix de la chose ne saurait changer à son avantage, par la raison que les frais d'une fabrication générale et les salaires d'une vente exclusive doivent être infiniment plus économiques, dirigés par une administration unique et nationale, que livrés aux spéculations particulières de l'intérêt, de l'inexpérience et de la mauvaise foi. Mais s'il est aisé de prouver que le consommateur, en modifiant la régie actuelle, peut trouver son avantage sous un nouveau régime, il est bien plus aisé de prouver que celui qui ne consomme pas ou qui ne peut pas cultiver, peut exiger qu'on ne le surcharge pas d'un rem-
placement qui le frapperait sans intérêt pour lui, comme sans indemnité.
L'on ne répondra jamais d'une manière satisfaisante à l'homme sage qui ne prend pas de tabac, lorsqu'il dira à celui qui en use jusqu'à l'ivresse:,De quel droit me feriez-vous payer vos dégoûtants plaisirs ?
Concluons donc que la nation, au lieu d'anéantir le régime du tabac, doit, et pour l'intérêt du consommateur, et surtout par justice à celui qui ne consomme pas, se borner à modifier le régime actuel, afin que le consommateur ne paye réellement que le prix de la chose; plus l'impôt auquel il serait assujetti pour son remplacement.
Il nous reste à examiner la régie du tabac considérée comme impôt, et relativement aux provinces ci-devant exemptes.
Considéré comme impôt, on lui reproche : 1° d'imposer le riche comme le pauvre; 2° de coûter 37 0/0 de frais de perception; 3° d'être incompatible avec une Constitution libre.
Ces objections sont spécieuses ; sont-elles insolubles?
1°. Tous les impôts sur les consommations, sur les marchandises, sur les poudres, sur les lettres etc., pourraient mériter le même reproche, de porter également sur des fortunes inégales; mais il est possible d'en attenuer la force à l'égard de la régie du tabac, en ayant deux prix pour cet objet de consommation; de même qu'il y a des fruits, des comestibles, des étoffes de différentes valeurs: et l'on peut tellement diminuer le tabac du pauvre, même en le conservant supérieur à celui qu'il récolterait et fabriquerait lui-même, qu'il ne sera réellement que le prix de la chose, plus celui de la partie de l'impôt qu'il serait présumé devoir supporter en remplacement, puisque ses facultés lui permettent l'usage superflu du tabac.
On aurait en même temps du tabac supérieur payé par le riche qui veut satisfaire ses goûts ; et alors le prix de la chose laisserait une grande latitude à l'impôt.
En combinant sagement ces deux moyens, l'état peut se promettre la conservation d'un revenu au moins égal à celui jusqu'ici perçu sur le tabac parce que les sacrifices qu'il fera sur le bas prix du tabac du pauvre, seront compensés par le haut prix du tabac du riche, et par une consommation augmentée et étendue à tout le royaume.
Le second reproche que la régie actuelle coûte 37 0(0 pour les frais de perception ne peut soutenir le plus léger examen.
Il faut distinguer dans les frais de régie, les dépenses accordées à l'industrie du fabricateur et et du revendeur, qui, dans tous les régimes, existeraient, avec la fabrication et la revente, d'avec ceux que le régime prohibitif nécessite seul.
Quant aux frais de fabrication, il a déjà été prouvé que ces frais sur une administration unique et nationale, ayant de grands moyens et de grandes avances en matières, bâtiments et instruments, doivent infiniment moins coûter en masse, que ne coûteraient une multitude d'ateliers privés des lumières d'une longue expérience, et offrant nécessairement de prodigieux frais de détails et d'avances particuliers : ainsi cette partie des dépenses est, en entier, à l'avantage du consommateur, même dans l'ancien régime.
Quant à la partie des dépenses et profits accordés aux revendeurs et détailleurs, la liberté de la revente, loin de diminuer ces profits, les ren-
drait seulement arbitraires. En effet, l'expérience prouve qu'il n'est aucune espèce de marchandise qui conserve un prix égal dans les achats en gros et à la revente en détail; mais la régie nouvelle pourrait, à très peu près, faire tourner au profit du consommateur la totalité et de ces dépenses et de ces profits, et fournir le tabac, dans la plus petite fraction, au prix fixé pour les achats en gros : elle n'a pour cela qu'à payer en Dature les revendeurs, et leur interdire tout bénéfice sur le prix auquel il leur est délivré.
Ainsi les frais de régie relatifs à la fabrication et à la revente peuvent être déterminés sous des formes également avantageuses au consommateur, et ne sauraient être portés comme frais inhérents à l'impôt.
Les seuls frais de cette sorte sont ceux de garde aux frontières, pour empêcher l'entrée des tabacs (puisqu'un seul inspecteur par district suffira, sous la surveillance des directoires et des municipalités, pour garder l'intérieur et empêcher les plantations).
J'avoue, Messieurs, que si l'intérêt de votre commerce et de vos manufactures ne vous forçait point à entretenir sur vos frontières un double cordon d'employés; que ces employés étaient uniquement destinés à la garde du régime prohibitif du tabac, j'avoue que cet objet, exigeant à lui seul une somme de 4 millions, et l'impôt du tabac n'en produisant que 32 des frais équivalents à 16 0/0, serait une véritable surcharge; mais si vous abolissez la régie du tabac, ces frais n'en existeront pas moins pour protéger les droits des traites : en sorte que le régime prohibitif du tabac, lié au reculement des barrières, est de tous les impôts, celui dont les frais de régie seront les moins coûteux, les plus imperceptibles, au point qu'on peut les regarder comme nuls, puisque ces mêmes frais existeraient presque en entier, indépendamment de cette régie.
On voit, par ces reflexions, à quoi se réduit le reproche fait avec tant d'appareil à la perception de cet impôt, de coûter 37 0/0 de son produit.
La troisième objection est plus propre à alarmer tout bon citoyen, si l'on ne se hâtait de la détruire. On nous dit, on nous répète, on imprime que l'impôt du tabac est incompatible avec la liberté et notre Consti tution.
Mais est-ce de l'ancien régime du tabac dont on veut parler, ou de celui que les gens éclairés proposent de lui substituer?
Il serait superflu, sans doute, de rapeler ici les anciens abus, les anciennes formes, les anciennes vexations qui ne subsisteront plus dans le nouveau régime.
On le demande : les visites domiciliaires, la conversion de peines pécuniaires en peines afflic-lives étant abolies, que restera-t-il de contradictoire entre notre Constitution et l'exécution d'une loi que l'on aura adaptée à cette Constitution ?
Pourquoi le tabac serait-il moins dans le cas que les poudres et salpêtres de devenir l'objet d'une régie, si l'intérêt général, manifesté par la volonté générale, Je décidait ainsi ?
Est-ce que la loi qui conserverait cette régie ne serait pas tout aussi légalement promulguée que celle qui a aboli la gabelle? Depuis quand une nation n'aurait-elle pas le droit de régler à son gré les modes de la contribution qu'elle s'impose ?
Convenons que rien dans la Constitution ne s'oppose à l'admission d'une régie pour le tabac, comme pour les poudres, comme pour les postes, etc., lorsque surtout la liberté rendue sur ces objets
serait plus préjudiciable qu'utile, priverait l'Etat d'une branche essentielle de ses revenus, et cela pour se livrer à tous les dangers d'un remplacement aussi injuste qu'incertain.
Mais, dira-t-on, comment y soummettre, sans les léser, les provinces ci-devant exemptes?
J'avoue que ces provinces ont une objection à faire valoir, celle que l'extrême modicité dans le prix du tabac, ayant accoutumé leurs habitants à un usage plus général, le régime prohibitif les ferait contribuer à cet impôt dans une proportion forcée et relative à leur excès de consommation : mais est-il impossible de les dédommager? ne le peut-on pas par une indemnité annuelle répartie sur ces proviuces et prise sur le revenu même de la régie? Ce moyen serait d'autant plus praticable, qu'il ne s'agit que d'indemniser la généra tion présente accoutumée au tabac, et que cette indemnité, évaluée pour la première année à une somme quelconque, diminuerait d'un quarantième par an, et cesserait dans quarante ans.
Cette indemnité de faveur, accordée à ces provinces, lève toute objection de leur part, et on le prouve :
1° Les contributions foncières devant, à l'avenir, être calculeés d'après la fixation des revenus nets, les terres des provinces exemptes seront taxées comme toutes les autres provinces du royaume;
2° La liberté de culture du tabac rendue à toutes les terres ferait tomber les avantages que les provinces exemptes retirent à présent de leur culture exclusive, et les assimilerait encore à toutes les autres provinces du royaume ;
3° Si le nouveau système d'imposition pouvait éprouver des réclamations ; si l'avantage de l'uniformité et la satisfaction de concourir au bien général ne devait pas l'emporter dans le cœur de tout bon Français sur des regrets particuliers, ce ne sont point les provinces ci-devant exemptes du régime du tabac, qui auraient à se plaindre du nouvel ordre de choses.
Ces provinces fertiles et abondantes en grains, ainsi que celles ci-devant soumises aux grandes gabelles, gagnent par la suppression de cet impôt, par la suppression de la dîme et par le mode uniforme de remplacement de ces deux impôts, autant que perdent les pays de petites gabelles ou rédimés,'ou les cantons stériles dont les récoltes principales n'étaient point sujettes à la dîme.
Kn effet, la province qui payait 14 sols la livre de sel ; celle qui ne le payait que 6 sols ; celle qui le payait 2 sols, vont, dans le nouveau mode d'impôt et de remplacement, payer dans une proportion égale à raison du revenu net, un impôt qui, en supposant la valeur réelle du sel à 2 sols, étaient dans les provinces de grandes gabelles, de 12 sols par livre de sel consommé, de 4 sols dans les petites, et qui était nul dans les provinces rédimées.
Elles sont donc lésées dans le nouvel ordre, en raison des différences qui existaient dans le prix réel du sel et le prix fictif à l'impôt, et l'habitant des grandes gabelles gagne 12 sols par livre de sel qu'il consommait, tandis que celui des petites gabelles gagne seulement 4 sols, et celui des provinces rédimées absolument rien.
Il en est de même pour la dîme. Les terres fertiles du nord de la France ne sont point complan-tées en arbres productifs de fruits précieux exempts de la dîme.
Leur unique récolte, dans l'année consacrée aux grains, est du grain ; et comme la dîme se pré-j levait toujours sur les grains dans toute l'étendue 1 du royaume, il s'ensuivait qu'un arpent de terre
flamande payait la dîme à raison de la totalité de la récolte, tandis que la très grande partie des provinces méridionales, complantées en arbres précieux, formant le principal revenu de ces terres, ne payaient cependant la dîme que sur la récolte des grains ; récolte qui ne forme pas la moitié de ce revenu pour la plus nombreuse partie de ces terres.
Ainsi le Flamand payait la dîme sur la totalité des productions de sa terre, tandis que l'habitant du midi ne la supportait pas à raison de la moitié des siennes.
Les provinces ci-devant exemptes delà régie du tabac, en obtenant une indemnité pendant la génération présente, pour leurs habitants accoutumés à un grand usage de cette plante, ne peuvent donc former aucune réclamation juste contre l'extension de cette régie chez elle ; car les mêmes réclamations pourraient, à d'aussi justes titres, être formées contre l'uniformité de remplacement de la dîme et de la gabelle, par les provinces qui se trouvent lésées par ce remplacement.
On pourrait objecter encore aux provinces Bel-giques, que les aides restreintes jusqu'ici à certaines provinces, vont être étendues sans réclamation à tous les départements, ainsi que les droits domaniaux.il résulte de ces observations : que la régie du tabac, sagement modifiée, est tout aussi compatible avec notre Constitution, que la régie des poudres, celle des postes, celle des aides, etc., etc. ; ce n'est qu'un mode adopté pour le bien général, et comme le plus favorable aux véritables intérêts de l'agriculture, du commerce et des consommateurs eux-mêmes.
Passons rapidement à d'autres objets d'impôt que prescrivent également la nécessité ou la prudence.
Les entrées de Paris exigent que l'on modifie quelques parties de leur tarif ; elles éprouveront probablement une grande diminution.
Les loteries, ce mal nécessaire tant que nos voisins conserveront chez eux de semblables établissements, sont commandées par la politique ; nousjdevons les conserver, malgré leurs effrayants abus, on nous exposer à voir porter chez l'étranger une partie de notre numéraire ; mais nous pouvons en épurer la source par l'usage que nous ferons de ce revenu, en le consacrant à des aumônes et ateliers de charité.
Les barrières, pour l'entretien des grandes routes, sont un établissement dont nos voisins nous ont donné l'exemple; ce qui fatiguait le voyageur aux anciens péages et barrières, c'était l'inquisition qui précédait le payement du droit; ici cette inquisition ne subsistera plus: un droit léger pour telle et telle espèce de voiture, et pour tel nombre de chevaux, n'a rien d'effrayant et offre une ressource importante pour l'entretien des grandes routes et ouvrages d'arts.
J'ai parcouru les divers objets sur lesquels peut s'appliquer l'impôt: j'ai eu l'honneur de vous présenter quelques réflexions sur cette application, et toutes ont eu pour but de favoriser les richesses qui résultent de l'industrie.
Sur ce point de vue, j'ai dû ménager le commerce, les manufactures, les sols productifs de fruits exigeant des semences ou des cultures annuelles; en un mot, tout ce qu'un gouvernement sage doit chercher à encourager: mais j'ai été plus sévère pour toutes les propriétés et les objets dont l'existence et l'activité se trouvent bien moins dépendantes de l'industrie, que de la nécessité ou de la fantaisie ; et ces derniers moyens
nous présentent de bien grandes ressources, si nous savons en faire usage.
D'après cet exposé, Messieurs, j'ai l'honneur de vous proposer de fixer une somme approximative quelconque pour la généralité des impôts : cette somme pourra facilement diminuer ou s'augmenter chaque année à raison de nos besoins par l'addition ou la soustraction de quel-quelques sols pour livre: nous apercevons déjà que 500 millions seront un jour plus que suffisants à l'entretien habituel des dépenses publiques, et que même si les assignats-monnaie étaient décrétés d'après les plans proposées, ces 500 millions différeraient peu de la masse de nos besoins: nous pouvons donc, dès cet instant, les regarder comme une base moyenne de nos impositions; l'avantage précieux que vous obtiendrez, en adoptant dès cet instant 500 millions pour base de vos impositions générales, sont : Ie que vous pourrez, d'après cette base, décréter quelles sont les sommes particulières pour lesquelles chaque espèce de contribution, chaque mode d'impôt y concourra; 2° qu'aussitôt que cette quotité pour chaque impôt particulier sera déterminée toujours à raison de cette base de 500 millions, votre comité, en conséquence de celte quotité, pourra vous présenter une suite de décrets sur chacun de ces impôts, calculés par approximation, afin d'en retirer, avec le moins de frais et d'entraves possibles, la somme pour laquelle il aura été compté dans votre décret général; 3° dès que votre système d'impôt sera décrété sur la base de 500 millions, les établissements pour sa perception pourront se former, même avant qae l'état de vos dépenses soit définitivement arrêté: car au moment de la perception, et à chaque mois même, vous, et les législatures qui vous remplaceront, aurez la faculté d'augmenter ou de réduire les recettes, par l'addition d'un ou plusieurs sols pour livre; manière d'augmenter les impôts infiniment simple, infiniment préférable à un nouveau mode de faire contribuer, parce que l'augmentation par sol pour livre sur la masse générale, augmente chaque espèce d'impôt d'une quantité proportionnelle à sa quotité, divise cette surcharge sur tous les genres de revenus et de facultés, sans rien changer à la proportion accoutumée: c'est donc à une sage combinaison sur la quotité dans laquelle chaque espèce d'impôt doit concourir pour sa part dans la masse générale, que doivent s'appliquer tous vos soins.
Ainsi je propose, avant d'entrer dans les détails de chaque espèce d'impôt, et de rien arrêter sur la quotité pour laquelle il sera compté dans la masse des revenus publics, que l'on mette à la discussion ces deux questions :
1° Quels sont les divers genres et espèces d'impôts à conserver ou à établir pour former la masse des revenus publics ?
2° Dans quelle quotité chacun des impôts à conserver ou à établir concourra-t-il à la formation des revenus publics?
Dans mon opinion particulière, et en appliquant les principes sur lesquels je me suis appuyé, je pense que l'agriculture, considérée comme une manufacture, où, par les effets de la main-d'œuvre, l'on multiplie les matières premières, l'agriculture, ou plutôt les terres productives qui sont les ateliers et les principaux instruments de cette manufacture, doivent être extrêmement ménagés, et que la contribution foncière ne peut être portée que pour les deux cinquièmes des revenus publics.
Je pense aussi que, dans sa répartition sur le sol en général, elle doit avoir une base particulière pour chacune des trois espèces de revenus qu'on peut en retirer : une base pour les sols productifs de fruits ou de valeurs exigeant des semences ou des cultures ; une base pour les sols productifs de valeur n'exigeant ni semences ni culture ; une troisième pour les sols non productifs de valeurs réelles ; mais seulement de loyers, comme les maisons.
Ces deux cinquièmes répartis sur trois bases, nous donneront, à raison de 500 millions, 200 millions pour la contribution foncière ........................... 200.000.000
2° Les impositions personnelles, à raison des facultés mobilières et industrielles, formeront un objet très important : mais il est nécessaire, pour écarter le plus possible l'arbitraire de ce genre d'impôt, qu'un droit de timbre sur tous les objets qui en sont susceptibles, concoure avec la capitation à compléter les produits que nous avons lieu d'attendre des impositions personnelles à raison des facultés mobilières et industrielles \ il faut donc réunir ces deux, objets et les porter dans la masse pour un cinquième de cette masse, c'est-à-dire, dans notre hvpothèse, de 500
millions, pour...:.............. 100.000.000
Reste deux cinquièmes à répartir, que nous diviserons ainsi qu'il suit :
1° Les droits domaniaux, de contrôle, centième denier, insinuation, droit de mutation sur tous les actes translatifs de propriétés mobilières et immobilières, les droits sur les donations, les successions,, etc., d'après un nouveau tarif établi sur les vrais principes d'une juste répartition à raison des facultés, d'après l'extension de ces droits à tous les départements de la France, l'on peut compter ces droits comme susceptibles de produire une somme égale au sept cinquantièmes de nos revenus, et toujours dans notre hypothèse de
500 millions.................... 70.000.000
2° Les droits d'aides même étendus à tous les départements, et modifiés en droits sur les boissons, doivent être seulement comptés pour moitié de ce qu'ils produisaient par la difficulté de les faire percevoir dans une juste proportion, et sans inquisition : ces droits réunis aux entrées de Paris ne peuvent être compris que pour un dixième de nos revenus, c'est-à-dire pour 50 millions sur
500............................. 50.000.000
3° Les régies du tabac, des poudres et salpêtres, des cartes à jouer, celles qui pourraient y être réunies pour les papiers et cartons, la poudre à poudrer, tous objets employés par le luxe ou la fantaisie, et dont le pauvre fait si
A reporter..... 420.000.000
Report..... 420.000.000
peu d'usage, peuvent même, avec les adoucissements annoncés sur le prix du tabac (pour que le consommateur peu aisé ne paye réellement que la valeur intrinsèque du tabac, plus celle du remplacement auquel il serait assujetti) : ces objets peuvent, dis-je, être comptés comme propres à former neuf centièmes des revenus publics, et dans
notre hypothèse................. 45.000.000
4* La poste aux lettres, la poste aux chevaux, les messageries et le roulage de France peuvent, par une réuDion qui favoriserait l'exactitude du service et l'économie , entrer dans nos revenus pour trois
centièmes....................... 15.000.000
5° Les traites et droits d'entrée aux frontières (autres que les droits d'aides sur l'exportation et l'importation des boissons que nous avons déjà comptées avec les aides) peuvent, avec les ménagements exigés sur les exportations en général et sur l'importation des matières premières, être comptés, dans nos revenus, pour un vingt-cinquième.. 20.000.000
Total................... 500.000*000
Restent les domaines d'occident, les barrières sur les grandes routes, les loteries et quelques autres branches de revenus publics, ou peu importantes, ou destinées à rembourser une partie de la dette publique.
Les barrières sur les grandes routes, pour leur entretien et la confection des ouvrages d'art, ne doivent produire que ce qui est nécessaire à ces deux objets. L'on peut donc ne les compter que comme remplacement dé ces dépenses.
Enfin, j'ai déjà proposé et je propose encore de destiner le produit des loteries à des dégrèvements, des aumônes, des ateliers, des maisons de charité.
Telles sont, Messieurs, les idées que j'ai conçues sur l'impôt en général et sur la manière d'imposer ; je vous devais le tribut de ma pensée, je viens de m'acquitter de ce devoir, et le zèle avec lequel j'ai cherché à le remplir sollicite votre indulgence.
Je demande l'impression du discours de M. Delley-d'Agier.
(L'impression est unanimement ordonnée.)
La base de toute contribution résulte de la protection accordée par la loi aux personnes et aux choses. Il doit donc y avoir une contribution uniforme perçue indistinctement sur tous les citoyens, et ensuite une contribution foncière et aussi uniforme, à raison de la superficie de terrain que l'on possède. Les propriétés mobilières doivent être aussi assujetties à un impôt qu'on pourrait appeler contribution industrielle, et cette dernière pourrait tenir lieu des droits sur les consommations. Encon-séquence, je propose à l'Assemblée dé décréter avant tout : 1° qu'il sera établi une contribution personnelle, uniforme et légale, qui sera supportée par tout citoyen, sans aucune distinction, 2° qu'il sera établi une contribution foncière; uniforme et légale, dans toute l'étendue du
royaume, sur toutes les propriétés, sans aucune exemption, à raison de leur étendue ; 3° que son comité de l'imposition lui présentera, à cet effet, le plus promptement possible, un taux pour la contribution à acquitter par le citoyen le moins aisé; 4° qu'il sera établi un contribution territoriale sur toutes les propriétés foncières et immobilières, à raison de leurs produits respectifs, d'après une somme qui sera déterminée par l'Assemblée nationale, sur le rapport de son comité de l'imposition, d'après la nature et la connaissance qui lui sera donnée des besoins de l'Etat; 5° qu'il sera établi une contribution industrielle, gui sera payée par tous les citoyens, sans exemption, pour raison de leurs propriétés mobilières, en prenant pour base la valeur des logements qu'ils occupent, dans une proportion uniforme, sauf à augmenter cette proportion, d'après le rapport de son comité de l'imposition, à l'égard de ceux qui exercent une profession, un art ou une industrie quelconque.
(L'Assemblée ajourne à mardi prochain, séance du matin, la suite de la discussion sur la contribution foncière.)
Un de MM. les secrétaires fait lecture d'une seconde lettre de M. Guignard signalant le refus de payement des droits de champart ; en voici l'extrait :
« Au mépris des décrets de l'Assemblée nationale, 5on cherche, par la terreur ou par la force, à se soustraire au payement des dîmes et des droits de champart, et autres redevances ci-devant féodales. M. Esparbès me mande de Gahors que sur les limites du département de la Dordogne, non seulement on refuse de payer ces dettes, mais qu'on a élevé des potences pour effrayer ceux qui voudraient les acquitter. Des troupes de ligne ont été employées pour assurer ces perceptions; mais elles sont en très petit nombre dans les provinces méridionales. L'augmentation des maréchaussées et l'organisation des gardes nationales paraissant être les seuls moyens sur l'efficacité desquels on puisse compter,il est important que l'Assemblée les prenne en considération. »
Je n'ai qu'une observation à présenter. Vous avez chargé les tribunaux de veiller au payement des droits et redevances supprimés sans indemnité; mais la plupart des praticiens aspirent à des places dans le nouvel ordre judiciaire : la crainte qu'ils ont de déplaire au peuple rend toute justice impossible à obtenir. Je demande que les corps administratifs soient chargés de prendre tous les moyens qui sont en leur pouvoir, pour assurer le payement des droits et redevances non abolis sans indemnité, et de décider les contestations qui s'élèvent au sujet de ces droits.
(de Saint-Jean-d'Angély.) Cette proposition peut d'autant moins être adoptée que, par un décret, vous avez ordonné aux procureurs du roi de poursuivre les personnes qui refusent de payer les droits conservés. Ces officiers, qui, pour la plupart, seront sans doute maintenus dans leurs fonctions, ne sont pas dans le cas des praticiens dont M. l'abbé Maury a parlé. Il est possible que le décret qui leur a enjoint ces poursuites ne soit pas suffisamment connu. On ne sait que trop que quelquefois on n'exécute pas les décrets qui protègent les propriétés, pour avoir le triste plaisir de vous porter des réclamations et des plaintes. Je propose de charger M. le président d'écrire à M. le garde des sceaux pour
lui demander s'il a envoyé le décret dont il s'agit aux tribunaux du département de la Dordogne, ou bien, dans le cas où ce décret aurait été envoyé, quelles sont les causes de son inexécution.
le jeuneDans le département de l'Oise, le peuple était dans les mêmes dispositions. Sur la réquisition du directoire, les gardes nationales ont marché, et tout est rentré dans l'ordre : vous avez voté des remercîments à ce directoire et aux gardes nationales. Le département de la Dordogne a les mêmes moyens. Il n'est donc pas nécessaire de décréter de nouvelles dispositions.
La véritable raison de tous ces mouvements c'est que vous n'avez pas de force publique. Hàtez-vous de l'organiser, èt le jour où vous aurez terminé ce travail sera celui où vous verrez l'ordre se rétablir.
Il est temps de marcher librement à l'achèvement de la Gonstitutioov et d'écarter les entraves par lesquelles on éloigne le moment où nous pourrons arriver à ce but. Il faut apprendre aux agents du pouvoir exécutif à faire leur devoir; ce n'est pas nous qui devons remplir leurs fonctions. Les décrets sont extrêmement clairs : je demande qu'on renvoie la lettre sur laquelle nous délibérons au ministre qui l'a adressée, pour que le pouvoir exécutif ordonne aux tribunaux et aux corps administratifs d'exécuter les décrets de l'Assemblée nationale.
Ce n'est pas assez pour le ministre d'avoir vos décrets à la main, il faut qu'il puisse les appuyer par la force armée : le ministre dit qu'elle lui manque. Organisez donc les gardes nationales, augmentez donc les maréchaussées. Si vous ne le satisfaites pas sur ces deux objets, pouvez-vous avec justice le rendre responsable? Je propose d'enjoindre au comité de vous présenter ses vues à cet égard et que les séances du soir soient entièrement consacrées à ces deux objets.
En exécution d'un décret rendu il y a plusieurs jours, il faut ordonner au comité de Constitution de vous faire, ce soir même, son rapport sur l'organisation des gardes nationales.
Quelque zèle que le comité apporte dans ses opérations sur une partie qu'il regarde comme la clef de la Constitution, il ne peut encore vous présenter ce rapport ; il y travaille matin et soir. Je demande la permission d'observer qu'il s'agit uniquement d'organiser les gardes nationales, suivant les principes de la Constitution, et qu'elles ne peuvent servir l'ordre public mieux qu'elles ne le font maintenant. J'ajoute encore que, sans doute, vous ne discuterez pas cette matière dans une séance du soir.
Après quelques amendements, le décret suivant est rendu :
a L'Assemblée nationale, délibérant sur la lettre écrite aujourd'hui à son Président, par le ministre du roi, relativement aux obstacles qu'éprouvent, dans quelques paroisses, la perception des droits ci-devant seigneuriaux,qui ne sont pas supprimés sans indemnité : renvoie au pouvoir exécutif, pour l'exécution des décrets de l'Assemblée sanctionnés par le roi. »
Par suite du résultat du scrutin pour la nomination du comité des monnaies, les membres élus sont :
MM. de Cussy, député de Caen ;
de Yirieu, député du Dauphine';
Dupré, député de Carcassonne;
Poignot, député de Paris ;
Belzais de Courménil, député d'Alençon;
Jourdan, député de Trévoux.
au nom du comité des finances, fait le rapport suivant sur le compte de clerc à maître présenté par la caisse d'escompte (1).
Messieurs votre décret du 4 juin dernier autorise le premier ministre des finances à recevoir de la caisse d'escompte, de clerc à maître, de la distribution de numéraire qu'elle a faite depuis le 1er janvier 1790, jusqu'au 1er juillet suivant, ainsi que des frais relatifs à cette distribution, pour que ladite caisse soit indemnisée, s'il y a lieu.
Ce compte, rendu par les administrateurs de la caisse au premier ministre des finances, a été approuvé et renvoyé par lui à votre comité, avec toutes les pièces au soutien des articles qui le composent.
Votre comité a examiné et vérifié avec soin tous les articles de change, intérêt et dépenses qui établissent le total des frais appartenant à l'achat, importation et conversion en écus des matières d'or et d'argent acquises dans le royaume et hors du royaume; sa vérification et son examen se sont aussi étendus sur les comptes des correspondants français et étrangers, employés par la caisse pour ces achats, de même que sur les livres de ladite caisse; et votre comité les a trouvés tenus avec tant d'exactitude et de clarté, qu'en donnant aux administrateurs les éloges qu'ils méritaient, il a bien sincèrement désiré que la comptabilité du Trésor public offrît à l'avenir autant d'ordre et de précision.
Gomme votre décret du 4 juin dernier reconnaît la nécessité et l'utilité de la distribution journalière d'espèces, à laquelle s'est livrée la caisse d'escompte pendant les six premiers mois de cette année, le travail de votre comité se réduit à vous présenter sommairement, et avec le plus de clarté qu'il lui sera possible : 1° le résultat dû à la caisse, en réglant avec elle de clerc à maître; 2° ce qu'eût été ce même résultat, si les dispositions de vos décrets des 19 décembre et 17 avril derniers n'eussent éprouvé aucun changement.
La caisse d'escompte s'attachant littéralement à l'expression de clerc à maître, employée dans votre décret du 4 juin dernier, vous met en son lieu et place, vous abandonne en entier ses bénéfices d'escompte du semestre dernier, et réclame de votre justice :
1° Le remboursement des frais et perles qu'elle justifie avoir faits pour se procurer les matières û'or et d'argent nécessaires à la distribution journalière d'espèces qu'exigeait d'elle le maintien de la tranquillité publique ;
2° Le remboursement de ses frais d'administration pendant le premier semestre de 1790;
3° Enfin, l'intérêt au taux usité dans le commerce de la totalité des fonds qu'elle a consacrés au service public.
Les frais relatifs à l'achat et extraction des espèces
montent à................ 2,877,807 liv. 10 s. 4 d.
306,164 liv. 1 s. 5 d.
Enfin, celui des intérêts réclamés sur une somme de 70 millions, montant du porte feuille et fonds de
caisse, forme............. 2,100,000 liv. » s. » d.
3» 350,000
Ces trois objets réunis
donnent un total de...... 5,283,971 liv. 11 s. 9 d.
dont il faut déduire.......
1 592,741 liv. 8 s. 9 d. pour solde des bénéfices d'escompte obtenus le semestre dernier;
2° 6,822 10 5 pour diverses erreurs relevées par votre comité, sur les articles 3, 14,19,24,32, 34 et 42 du compte des dépenses de l'administration.
» » pour réduction à 5 0/0 par
- an, pendant six mois, de
949,563 liv. 19 s. 2 d. l'intérêt porté parla caisse à 6 0/0 sur son capital de 70 millions.
Ces trois articles à distraire, s'élevant ensemble à 949,563 1. 19 s. 2 d., reste à la charge du Trésor public 4,334,407 liv. 12 s. 7d.
C'est ici, Messieurs, le moment de vous avertir que la caisse d'escompte n'ayant distribué depuis votre décret du 19 décembre dernier, que 30,735,500 livres et ayant acheté 33,097,400 livres de matières, il lui reste en écus à votre disposition une somme de 2,361,900 livres, libre de tous frais et échangeable seulement contre pareille somme de billets de caisse ou assignats: dans un moment où l'on se procure difficilement des espèces à 6 0/0; dans un moment où le gouvernement, pour ménager aux besoins particuliers le numéraire qui circule dans le royaume, se sou met à tirer de l'étranger celui qui lui est absolument nécessaire pour le service public, et le paye 10 à 11 0/0, on peut évaluer comme un bénéfice pour le Trésor public,une remise qui lui évite 230 millions de sacrifices.
Tel est, Messieurs, suivant l'avis de votre comité, le résultat du compte de la caisse d'escompte, en réglant avec elle de clerc à maître. Permettez-nous actuellement de vous dire ce qu'eût été ce même résultat, si on eût pris pour base de règlement votre décret du 19 décembre dernier, ou celui du 17 avril.
Par celui du 19 décembre, vous attribuiez à la caisse, jusqu'au 1er juillet 1790, un intérêt de
5 0/0 par an sur les 90 millions qu'elle avait
comptés au Trésor public dans les derniers mois
de 1789, et sur les 80 millions qu'elle y devait
verser dans les premiers mois de 1790; et moyen-
nant cet intérêt vous paraissiez, par votre silence,
laisser à sa charge le montant de tous les frais qu'elle ferait pour entretenir la distribution journalière d'espèces à laquelle elle s'était volontairement soumise : cet arrangement, en obligeant le Trésor public à l'acquit de 4,250,000 livres d'intérêt, conserverait en outre à la caisse la possession de ses bénéfices dVseompte du semestre dernier, et la jouissance d'une somme en écus de 2,361,900 livres qu'elle avait payée 8 2/3 0/0,. et dont le remplacement en coûterait aujourd'hui à l'Etat de 10 à 11: ainsi, sous ce premier rapport,
il serait plus avantageux à la caisse, que les dispositions à son égard, de votre décret du 19 dé-
cembre dernier, eussent subsisté, et que vous lui tinssiez compte de la totalité des intérêts que vous lui aviez alloués.
Passons à votre décret du 17 avril dernier : en faisant cesser, le 15 du susdit mois, l'intérêt accordé à la caisse sur les 170 millions versés par elle dans le Trésor public, vous avez dû compter l'indemniser de tous les intérêts, frais et pertes qu'elle justifierait avoir faits depuis le 15 avril jusqu'au 1er juillet suivant, pour se procurer du numéraire et continuer sa distribution.
Partant de ce principe, vousauriezà lui tenir compte de.......................
1» 2,479,166 liv. » s. » d. pour intérêts échus pendant
trois mois et demi sur 170 millions.
2» 1,599,949 » » pour la portion de frais et
dépenses attachées à la somme de 13,329,150 livres distribuées par la caisse, depuis le 15 avril jusqu'au, 1" juillet dernier; perte à laquelle il est impossible de fixer un taux commun, avec celle des premiers mois, puisqu'il est prouvé que jamais les changes avec 1 é-tranger n'ont été aussi défavorables que dans les mois de février et mars, au point qu'un particulier accrédité de cette ville, ayant été commis par la caisse pour lui procurer des matières, ne put le faire qu'avec la perte pour elle de 15 0/0 sur environ 24,300 marcs de piastres achetées depuis le 19 mars jusqu'au 30 avril. Ainsi, en se servant de cet exemple, de la connaissance deschanges,on ne pourrait fixer au-dessous de 12 O/O la perte appartenant à l'achat de 13,329,150 livres de matières.
3* 50,000 » » pour la par lie des frais auxquels assujettissait la distribution journalière d'espèces, partie que les administrateurs évaluent à 120 millions, et dont les cinq douzièmes regarderaient la nation.
pour intérêt de fondsconser-
vés en caisse, et dont l'effet était de prévenir tout retard ou diminution dans des payements dont l'exactitude intéressait la tranquillité publique : ce fonds évalué à
8 mi lions environ, produit,
fendant deux mois et demi, intérêt ci-contre.
La réunion de ces quatre articles rendrait le Trésor public débiteur envers la caisse de 4,212,447 livres et elle jouirait en outre de la totalité de ses bénéfices d'escompte pendant le semestre dernier, et des 2,361,900 livres d'écusqui lui restent ; ainsi, sous ce second rapport, elle eût eu encore plus d'avantages à suivre, pour le règlement de son compte, les dispositions de votre décret du 17 avril dernier.
Vous pouvez, Messieurs, par la comparaison de ces trois manières d'asseoir l'indemnité due à la
caisse d'escompte, reconnaître que celle ordonnée par votre décret du 4 juin dernier est la plus simple, la moins dispendieuse pour le Trésor public; la mieux assortie à ses besoins, lorsqu'elle alloue aux intéressés de la caisse l'intérêt légal de leurs fonds, auquel seul ils pouvaient et devaient prétendre.
Nous croyons, Messieurs, devoir prévenir une objection qui nous se a vraisemblablement faite : comment, nous dira-t-on, est-il possible qu'un capital de 70 millions, duquel il n'en a été distrait qu'environ 25 pour former un fonds de caisse, et garnir d'avances suffisantes les correspondants auxquels on s'est adressé pour avoir des espèces; comment ce capital, réduit seulement à 45 millions, n'a-t-il produit pendant six mois que 592,000 livres d'escompte ? Yoici notre réponse :
Le compte de profits et pertes pendant le semestre dernier s'élève au débit à 1,125,016 1. 12 s. 8 deniers, et au crédit, à 1,717,758 1. 1 s. 5 deniers; mais parmi les articles qui composent le débit, se trouve celui de 625,000 livres, énoncé pour retenue sur les bénéfices du semestre, au profit des porteurs des reconnaissances du prêt de 25 millions.
L'intelligence de cet artiole tient à l'éclaircissement ci-après. En janvier 1789, les actionnaires delà caisse d'escompte voulant venir au secours de l'Etat qui succombait sous le poids des besoins offrirent au gouvernement de lui prêter 25 millions, remboursables dans quinze mois à l'intérêt de 5 0/0 par an ; cette offre fut acceptée avec reconnaissance, et suivie d'un arrêt du conseil du 17janvier 1789, qui autorisa les actionnaires à faire l'appel de ce prêt p^ir la création de 25,000 reconnaissances de 1,000 livres chacune ; mais ceux-ci prévoyant qu'un intérêt de 5 0/0 obtenu du gouvernement, n'offrirait pas un attrait suffisant pour déterminer les capitalistes à s'in Presser daus ce prêt, arrêtèrent de prélever, pendant les trois semestres suivants, 25 livres sur chaque dividende, et de joindre la somme de 1,875,000 livres qui en proviendrait, aux 25 millions dus par le Trésor public, et aux 1,562,500 livres d'intérêt qu'ils produisaient, pour, du tout réuni, et formant une masse de 28.437,500 livres, faire la répartition sur les 25,000 reconnaissances, de manière que chacune d'elles eut, indépendamment de l'intérêt de 62 livres 10 sous, acquis à son capital de 1,000 livres pour quinze mois d'absence, une prime qui, de 17 livres 10 sous pour la plus faible, et de 48,937 livres 10 sous pour la plus forte, sortirait par la voie du sort : cetattrait eut l'effet désirée ; l'emprunt se réalisa avec célérité ; et nous devons présumer que tout actionnaire de la caisse usa de tous ses moyens, les força même, poi r ne pas laisser échapper de ses mains le sacrifice d'une partie de sa propriété: les deux semestres de 1789 éteignirent les deux tiers de la somme de 1,875 ,000 livres. La solde, ou le dernier tiers de 625,000 livres étant échu le semestre dernier, a nécessairement dû se trouver à la charge de ce semestre.
Votre comité, Messieurs, persuadé que votre intention est de traiterles ac:ionnaires de la caisse comme les autres créanciers de l'Etat, et de leur allouer l'intérêt net de 5 0/0 sur la totalité des fonds qu'ils ont employés au service de la chose publique, n'a pas cru devoir élever de difficultés sur celte somme de 625,000 livres, qui, retranchée sous une forme, se reproduirait nécessairement sous une autre dans le calcul des 5 0/0 d'intérêt.
4» 83, S 32 » » 4,212,447 » »
Deux considérations se soint jointes à celle-ci ; l'une vient de la crainte trop fondée que cet établissement se dissoudra, si les actionnaires n*y jouissent pas de l'intérêt légal de leurs fonds ; et sa liquidatioe, dans la circonstance où nous sommes, serait'un véritable fléau, puisqu'en privant les manufactures, le commerce et les nou-r velles entreprises d'une ressource précieuse, elle livrerait leurs besoins à tout le monopole de la cupidité.
L'autre naît de l'intérêt de conserver- un éta* blissement qui* riche d'un fonds de 140 millions,, dont 70) lui. ont été remboursés en annuités, en conserve pour les négociations 70 autres, qui, susceptibles chaque année d'une augmentation considérable, présentent une résistance presque invincible à l'accroissement de l'iBtérêt, etpré-parent sa dimin ution dans un temps plus heureux. Ces avantages sont si frappants et si propres à être saisis par tous les bons esprits, que votre con mité ne. se. permettra à leur égard aucunes, réflexions;
Il a l'honneur de vous présenter le projet: de décret suivant :
projet de décret.
L'Assemblée nationale^ après avoir entendu le rapport de^ son comité des finances, sur le compte de clerc à maître, présenté par la caisse d'escompte, conformément au décret du 4 juin dernier ; considérant que lie crédit ou répétition de la caisse, montant à 5,28»,971 liv. 11 s. 9 d,,, est composé des trois articles cbaprès, savoir : 1® de 2,877,807 I. 10. s. 4 d. pour frais et perte&qu'elle justifie avoir faits dans l'achat, importation et conversion en écus de 30,0.97,400 livres de matières et d'espèces; 2° de 306,164 livres 2 s. 5 d. pour ses frais d'administration depuis le Ie» jan^ vier 1790, jusqu'au 1er juillet suivant; 3* de 2,1001,000 livres pour intérêt à 6 0/0 par an, et pendant six mois, du capital de 70 millions qu'elle a employés au service public : considérant, d'un autre côté, que ce débit de ladite caisse s'élevant à 949,563 liv. 19* s. 2 d. embrasse les compensations et réductions suivantes : lttcelle die 592,7411. 8 s. 9 d. pour escomptes obtenus par la caisse pendant le semestre dernier; 2° 6,822; 1. 10 s. 5 d. pour erreurs relevées sur son compte de frais d'administration pendant la durée dudit semestre; 3° enfin, de 350,000 livres pour réduction à 50/0 par an, pendant six mois, de l'intérêt porté par elle à 6 0/0 sur son capital de 70 millions; considérant enfin, que de la soustraction du montant de ces trois derniers articles, il résulte en faveur de la caisse d'escompte un solde de 4,334,407 liv. 12 s. 7 d., a décrété et décrète ce qui suit :
Ar. 1er. L'Assemblée nationale autorise le ministre des
finances à payer à la caisse d'escompte la somme de 4,334,407 U12 s. 7 d. pour solde de son
comple de clerc à maître, avec le Trésor public, conformément au détail ci-dessus.
Art. 2. La caisse d'escompte versera dans le Trésor public 2,361,900 livres qui lui restent en écus, pour solde de» matières quelle a fait acheter pour le compte de la nation, et elle recevra en échange, et pour la même somme, des assignats, auxquels sera seulement ajouté l'intérêt acquisaux-dits assignats le l*r juillet dernier, jour auquel est échue le solde revenant à ladite caisse d'escompte.
(L'Assemblée ordonne l'impression du rapport et fixe à trois jours la discussion du projet de décreti>
(La séance est levée à trois heures.)
Séance dit
La séance est ouverte à six heures du soir*
secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.
Un des articles sur le traitement'des religieux, l'article 19, porte que tous ceux qui, par leurs statuts, étaient autorisés à mendier recevront le traitement décrété pour les ordres mendiants, encore qu'ils ne fussent plus dans l'usage de mendier.Cette clause rend illusoire un de vos précédents décrets qui décide que les ordres mendiants et, non-mendiants ne jouiront pas d'un traitement égal. Je soutiens que si vous laissez subsister cet article, tous les ordres religieux, mêmes les plus opulents, tels que les Bénédictins, les Bernardins et autres seront réduits au.traitement fixé pour les ordres mendiants parce que tous ces religieux sont autorisés à mendier par leurs statuts» Je demande donc ou la sup-pression ou la, modification de l'article 19.
Il est faux que les ordres religieux, dont vient de parler le préopinant, soient autorisés à mendier par leurs statuts. La proposition est donc, sans objet.
(L'Assemblée adopte le procès-verbal et passe à l'ordre du jour.)
Un de MM. les secrétaires donne communication des adresses suivantes :
Adresse de la section Mauconseil de la capitale : elle ex.po.se à l'Assemblée nationale son profond respect pour ses augustes décrets, et témoigne son empressement à voir établir les tribunaux de la Constitution. Elle réclame particulièrement l'avantage d'être jugée par ces tribunaux en faveur des sieurs Tourton et Ravel, citoyens zélés de. cette section, et demande que l'Assemblée nationale, en interprétant son décret du mois d'avril dernier, déclare que les jugements à rendre par la commission, que le despotisme avait établie contre ces citoyens* soient soumis à l'appel par-devant les nouveaux tribunaux qui seront constitution-nellement formés, et qui auront droit à la confiance du peuple, puisqu'ils auront été honorés de son suffrage.
(L'Assemblée renvoie cette adresse au comité des rapports, pour lui en être rendu compte incessamment.)
Adresse des entrepreneurs et fournisseurs des bâtiments du roi, de l'administration des carrières et des bâtiments de la reine, au nombre de cinq cents, qui expriment, unanimement leur vœu pour l'émission proposée des assignats-monnaie, sans intérêts et subdivisés en grosses et petites sommes, comme le seul moyen de venir efficacement au secours des créanciers légitimes. lis déclarent qu'ils sont prêts à recevoir des assignats jusqu'à concurrence de la somme de 20 millions de livres*, qui leur est due.
Adresse dies officiers municipaux de la ville de la Sravelle, départementde la; Mayenne,
contenant
Adresse de la garde nationale de la ville de Romorantin, qui renouvelle à l'Assemblée nationale l'assurance de son attachement à la Constitution, de son dévouement et de son zèle à l'exécution de ses décrets; elle fait part d'un arrêté par lequel elle a décidé qu'il se ait fait à Romorantin un service solennel en l'honneur des gardes nationales et des militaires qui ont péri dans l'affaire de Nancy. Ce mè ne arrêté renferme une invitation à l'aumônier de la garde nationale de Romorantin, de rappeler, dans la célébration de ce service, les vertus civiques et le patriotisme des gardes, nationales employées dans l'affaire de Nancy, en les proposant pour modèles de bravoure, d'humanité et de soumission aux décrets de l'Assemblée nationale.
Adresse des officiers municipaux et gardes nationales de la ville de Thnaueourt, et des commua nautés comprises dans son cantonnement, département de la Meurthe, qui expriment avec én rgie les sentiments de douleur et d'indignation dont ils ont été pénétrés à la nouvelle des excès qui ont souillé la ville de Nain*y dans la fatale journée du 31 août dernier. Ils espèrent que l'Assemblée ne fera point rejaillir sur la totalité d'un département, l'infamie qu'a encourue la portion gangrenée d'une seule ville, et lasupplient.de recevoir l'hommage de citoyens dont les soupirs tendent sans cesse vers le rétablissement de l'ordre et de la paix.
Adresses d'adhésion et de dévouement de la communauté de Sommain en Ostrovaut, district de Douai, et de Septmeules, district de Dieppe. La première fait une pétition d'armes et de munitions.
Adresse de la ville de Saint-Remy, qui remercie vivement l'Assemblée nationale de lui avoir accordé un tribunal de district.
Adresse des officiers municipaux de la ville de Rlois, qui instruit l'Assemblée de la conduite honorable et patriotique q e le régiment royal-Comtois, en garnison dans cette ville depuis plus de deux ans, a tenue dans toutes les circonstances. « Les chefs et les officiers inspirent, disent-ils, l'amour du devoir par leur exemple et leur attachement aux troupes qu'ils commandent, et il règne entre ce régiment et la garde nationale cet accord si désirable, gui maintient 1a. | aix et l'union entre tous les citoyens. »
Procès-verbal fait parles maire et officiers municipaux d'Aix, concernant des pièces de can in, boulets et poudre, que le directoire du département des Bouches-du-Rhône a fait apporter dans cette ville, jouissant ne la grande tranquillité, sans consulter le département, et sans se coucerter avec la municipalité.
Adresse des habitants du faubourg Saint-Antoine, qui se plaignent que, depuis longtemps en
butte aux calomnies les plus atroces, on les présente sans cesse sous l'aspect le plus
injurieux et le plus défavorable, ou comme auteurs des troubles qui agitent la capitale»
ou-Comme prêts à les favoriser (1).
Monsieur le Président et Messieurs, les habitants du faubourg Saint-Antoine sont depuis longtemps en b itte aux calomnies les plus atroces.
On les présente sans cesse sous l'aspect le plus injurieux et le plus défavorable» Est-it un trouble dans quelque quartier de li capitale? c'est, dit-on, le faubourg Saint-Antoine qui s'y est porté' : des malintentionnés veulent-ils en fomenter? ils osent mettre en avant les forces du faubourg et compter sur ses dispositions; de sorte que se* habitants sont toujours inculpés, ou comme auteurs des troubles, ou comme prêts à les favoriser.
Sans doute, il est douloureux pour de bons citoyens, qui ont fait tout pour la Révo'ution, d'être victimes de telles inculpations : longtemps ils ont cru que ces calomnies étaient des instruments de vengeance dont on se servait contre eux pour les punir des coups terribles qu'ils avaient portés au despotisme par la prise de la Bastille : ils les ont méprisés , et se sont contentés d'y répondre par une conduite sage et mesurée.
La preuve de cette'conduite existe dans les registres des délibérations du district de Sainte-Marguerite, fidèles dépositaires dtes vœux libres des c toyens du faubourg, réunis indistinctement tous les dimanches, dans l'église paroissiale, à l'issue de l'office.. Nous avons l'honneur d'en déposer des extraits sur le bureau ;,vous y verrez que les habitants de cette section ont é é les premiers à adhéter à votre décret sur la lot martiale; vous y verrez qu'ilsontcourageusementrésisté aux arrêtés et écrits qui s'écartaient de la modération qu'ils avaient prise pour base»; qu'ils ont voué à l'exécration publique cet écrivain incendiaire qui a si longtemps prof-mé le titre fastueux d'Ami du peuple,et qu' Is ont aussi prévenu la justicedu dé: cret que vous avez lancé contre lui ; vous y verrez que lorsqu'ils ont été sollicités d'émettre un vœu auprès de vo is, pour l'anéantissement d'un tribunal qui avait obtenu votre confiance, ils n'en ont émis d'autre que celui de s'en rapport r entièrement à votre sagesse, persuadés quelle n'avait besoin u'aucune instigation et dans la crainte de porter atteinte à la liberté de vos opinions * liberté si précieuse et si nécessaire à des législateurs; vous y verrez qu'ils n'ont jamais rien entrepris contre la loi, et avanî mê ne qu'elle n'eût prononcé; vous y verrez, enfin, ledévouement entier de la section à votre A.-Sernbl e, au roi, à tous les chefs civile et militaires, et notamment au général auquel ils ont donné tant de fois des preuves de confiance, comme ils sont prêts à les lui renouveler.
Cette conduite n'a cependant pas fermé la bouche aux ennemis de la chose publique ; non seulement ils prodiguent aux habitants du faubourg Saint-Antoine les qualifications d-s séditieux et des révolté-, ils es, èrent encore leur en imnri-mer la tâche déshonorante ; ils se flattent d'abuser de leuramour ardent pour la puti ie ; de pros-tioer leur dévouement au bien public, à quel-qu'imérêtpirticulier, et de les porter à la licence sous Hap ât de la liberté.
Il est ieuip de les détromper-; il est temps de déconcerter leurs sourdes manœuvres, de leur anacher tout espoir de corruption, et de faire connaître à votre auguste A-semblée les v ritables sentiments des habitants du faubourg Saint-Antoine.
Ils attendent avec tranquillité et résignation la fiu de vos nobles travaux^ cette Constitution à
laquelle vous travaillez avec tant d'ardeur ; ils renouvellent le serment de la défendre, et en choisissant pour se réunir, ces jours de fermentation dont on se plaît à faire précéder et à accompagner les grandes discussions qui tiennent au salut de l'Etat, ils n'ont d'autre but que d'en assurer le résultat, de tranquilliser les bons citoyens et d'ô-ter aux méchants tout prétexte de nuire. Us savent que le calme seul peut ramener le commerce et rendre l'activité à leurs travaux ; ils savent que c'est dans ce calme que doivent être prises vos délibérations, et jamais ils ne s'armeront que pour les maintenir.
Extrait des registres des délibérations de l'assemblée générale de la section de la rue de Mon-treuil.
Le neuf septembre mil sept cent quatre-vingt-dix,d'après I observation faite parun membre qu'il était intéressant pour les habitants du faubourg Saint-Antoine, et même indispensable de faire cesser et de détruire les bruits injurieux que les ennemis de la chose publique répandaient sur leur compte, en les regardant comme les auteurs ou fauteurs des troubles et séditions qui arrivent dans la capitale : il a été arrêté qu'il serait nommé deux commissaires, qui se réuniraient avec deux autres commissaires des sections des Quinze-Vingts et de Popincourt, à l'effet de rédiger une adresse à présenter à l'Assemblée nationale, laquelle adresse serait le lendemain communiquée dans une assemblée générale des trois sections, pour y être approuvée. MM.Joseph Lambert, Chauvin et Guignard ont été de suite députés vers les deux sections de Popincourt et des Quinze-Vingts, pour y porter le présent arrêté, et MM. Lambert et l'abbé de Ladevè-e ont été choisis pour la rédaction de ladite adresse. Fait en l'assemblée générale les jour et an que dessus. Signé : Delarsille, président ; deLadevèse, secrétaire.
Le dix septembre, audit an, l'assemblée générale, renvoyée à ce jour, et néanmoins convoquée à son de tambour, à l'effet d'entendre la lecture de l'adresse projetée dans la séance de la veille, ladite lecture a été faite à plusieurs reprises, et il a été arrêté à l'unanimité que ladite adresse serait transcrite sur le registre, et que copie en serait portée par une députation à l'Assemblée nationale.
Fait en ladite assemblée générale, les jour et an que dessus.
Signé: Delarsille, président; deLadevèse, secrétaire.
Pour copie conforme à l'original délivrée par nous, secrétaire, lesdits jour et an que dessus.
L. de Ladevèse, secrétaire.
Adresse du sieur Garin, ancien soldat du régiment du roi, qui, rempli d'admiration pour les vertus du grand Turenne, se plaint que la statue de cet illustre général, déposée à l'abbaye de Cluny, y reste enfouie, depuis plus d'un siècle, dans la même caisse dans laquelle elle a été apportée. Il propose qu'on fasse conduire cette statue à. Paris, afin, dit-il, qu'élevée dans l'esplanade devant l'hôtel des compagnons de gloire des grand» capitaines, sa présence pénètre d'un noble enthousiasme ces braves militaires, et leur inspire le désir d'imiter ce grand homme.
Lettre du sieur Charles-Louis Hû, marchand épicier à Paris, sur les assignats.
rapporteur du comité de Consti-tution} fait un rapport concernant le district de Montauban, et propose un projet de décret, qui est adopté dans les termes suivants :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport du comité de Constitution, décrète que les citoyens actifs de Montauban seront convoqués en assemblées primaires, dans la forme prescrite par les décrets, pour procéder au choix des électeurs qui concourront avec ceux des autres cantons du district, à l'élection des juges, et aux opérations qui pourront leur être ordonnées. »
présente un second décret pour fixer à Saintes le chef-lieu du département de la Charente-Inférieure.
, député de La Rochelle. La proposition de fixer le chef-lieu du département de la Charente-Inférieure est prématurée; en effet, le décret qui a ordonné l'alternat entre les trois villes de Saintes, La Rochelle et Saint-Jean-d'An-gély, a réservé à l'assemblée de département la faculté de proposer une disposition définitive. Le département n'a pas encore délibéré, le vœu du pays n'est pas connu, parce que je ne considère pas comme suffisant le vœu des électeurs qui ont délibéré sans mission et même contre la disposition des décrets constitutionnels qui interdisent aux assemblées électorales de prendre aucune délibération, afin de ne pas cumuler les pouvoirs. Je conclus à l'ajournement du décret tant que le département n'aura pas délibéré sur la question.
(de Saint-Jean-d'Angély)J'appuie la demande d'ajournement qui est faite par M. Alquier et j'ajoute à ses motifs que Saintes, ayant le provisoire, peut attendre sans danger la délibération des administrateurs.
Je dénonce au patriotisme de l'Assemblée toute proposition tendant au retard de la décision sur cette affaire. Sa discussion a failli opérer la dissolution du corps électoral; elle pourrait occasionner les débats les plus fâcheux dans l'assemblée administrative et le moindre inconvénient qui en résulterait serait la perte d'un temps précieux que vous avez voulu être employé aux travaux les plus pressants et les plus utiles de la chose publique. Ou s'attache à la lettre d'un de vos décrets et moi plus respectueux pour lui, j'en invoque le sens et. l'esprit. Reportons-nous, Messieurs, au moment où il fut rendu et nous conviendrons qu 'alors nous n'étions pas très familiarisés av c les mots d'assemblées de département, d'assemblées électorales; qu'il était facile de confondre dans ses idées les noms d'établissements aussi récents. Ainsi, je pensai de bonne foi, tous mes collègues, tous mes commettants pensèrent et vous pensâtes aussi sans doute, Messieurs, que par ces termes d'assemblées de département, insérées dans une rédaCiion particulière de M. Dupont, vous entendiez parler de l'assemblée électorale et non de Vassemblée administrative du département; d'autant que presque tous les autres décrets de ce genre qui vous étaient présemés par MM. Bureaux de Pusy, Gossin etPinteville-Cernon, faisaient constamment mention des électeurs. Au reste, Messieurs, c'est le vœu des administrés que vous avez toujours cherché dans vos décrets, et certes nul ne contestera que ce vœu est moins pleinement exprimé par 36 administrateurs que par 660 électeurs, organes immédiats de la volonté du peuple.
Quant à la question principale, il ne faut qu'une carte, des yeux et de l'équité pour la décider sur-le-champ.
L'avis de votre comité est conforme à la raison, à vos principes, à la plus parfaite justice ; je m'y conforme et je demande qu'il soit à l'instant adopté.
Plusieurs membres demandent la priorité pour le projet du comité sur les amendements. La priorité est accordée.
Le décret est adopté en ces termes :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport du comité de Constitution, confirme la délibération de l'assemblée électorale du département de la Charente-Inférieure, et décrète que la ville de Saintes est définitivement le siège de l'administration de ce département. »
présente ensuite un troisième décret ayant pour objet de fixer à Niort le ehef-lieu du département des Deux-Sèvres.
Je viens combattre le projet de décret qui vous est présenté par votre comité et vous rappeler que vous avez décrété l'alternat entre Niort, Parthenay et Saint-Vincent. J'ajoute que les électeurs de l'assemblée électorale ainsi
Sue les administrateurs demandent Parthenay ont la position centrale est préférable à celle de Niort.
rapporteur. Voici les motifs qui ont déterminé le comité dans sa proposition. Les électeurs du département donnent la préférence à Niort. Le comité pense que ce choix doit être ratifié à cause du commerce, de la population et de l'importance de la ville. Saint-Vincent est très peu peuplé. Il n'y a à Parthenay ni postes, ni imprimerie, ni autres établissements nécessaires à l'activité de l'administration. Niort, ayant tous les avantages, doit donc être désigné.
Plusieurs membres demandent la parole.
Je ne veux pas entrer dans la discussion des intérêts privés des différentes villes, mais je crois qu'en règle générale les positions centrales ou l'importance de la population sont une cause déterminante.
La Constitution ne peut-être retardée par la prolongation de pareils débats. Je propose d'aller aux voix sur le projet du décret du comité.
Ce projet de décret est adopté ainsi qu'il suit :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu e rapport du comité de Constitution, décrète que la ville de Niort est le siège de l'administration du département des Deux-Sèvres. »
Une députationde la municipalité et delà garde nationale de Paris, ayant à sa tête MM. les maire et commandant général, est admise à la barre.
maire de Paris, portant la parole, dit:
« Messieurs, la garde nationale parisienne pénétrée d'une juste douleur de la perte des citoyens morts le 31 août à Nancy, pour le rétablissement de l'ordre et de la subordination, persuadée que tous les amis de la liberté doivent des regrets publics à ceux qui se sont dévoués pour la défense de la loi et le maintien de la Constitution,
que les honneurs de la patrie sont dus à ceux qui l'ont si essentiellement servie, a demandé à la municipalité qu'il fût permis de rendre les honneurs funèbres à ces généreux citoyens ; la municipalité a accueilli avec empressement cette demande, et elle s'unit h la garde nationale parisienne pour vous supplier, Messieurs, d'assister par une députatiou au service qui sera célébré lundi 20 septembre au champ de la fédération : c'est aux regards des législateurs à honorer les défenseurs de la loi; c'est à eux à mêler les regrets des pères de la patrie aux regrets des citoyens qui jurent de la défendre, et qui, en rendant ces honneurs, s'engagent à, imiter un grand exemple. »
répond en ces termes :
« Les honneurs funèbres que vous destinez aux braves Français qui , dans les murs de Nancy, ont versé leur sang par respect pour leurs serments, par zèle pour le maintien de l'ordre et de la tranquillité publique, sont un hommage digne de ces nobles victimes de la Constitution, digne du patriotisme de la municipalité et de la garde nationale de Paris. L'Assemblée nationale ne peut qu'approuver cet acte également pieux, civique et fraternel : comme vous, elle a gémi des rigueurs nécessaires qu'a commandées le salut de l'Empire; mais, pour mériter d'être libre, il faut qu'un peuple sache allier la douce pitié qui pleure sur les malheurs de l'humanité, à l'inflexible fermeté qui veut et qui procure l'obéissance aux lois. Heureux ceux qui, comme vous, se montrent citoyens dévoués et fidèles, sans cesser d'être hommes sensibles î et puisse l'Assemblée nationale, eu applaudissant à vos vertus, en propager l'exemple, et le faire aimer à tous les Français ! Elle délibérera sur l'objet de votre pétition, et vous offre les honneurs de sa séance. »
On a proposé de nommer une députation pour assister au service dont il est fait mention dans le discours de M. le maire.
Cette proposition est adoptée et M. le président nomme pour la composer :
MM. d'Abadie. MM.
de Broglie. de Marsanne. de Racle de Mercey. deChastenay. de Larochefoucauld-Bayers, évêque de Saintes. Heurtaultde La Merville. Regnier (de Nancy). Prugnon. Meynier.
de Grillon le jeune. Rufïo de Léric, évêque
de Saint-Flour. Gouttes, curé. Duquesnoy. Grégoire, abbé. Regnault (de Nancy). Salle. Barrère
Briois de Beaumetz. de Boufflers.
Alquier. Augier.
de Bonnal, évêque de
Clermont. de Cussy (de Caen). Le Lubois, curé. Rœderer. Flaust. de Ludres. L'Apparent (Cochon
de). Moutier. de Custine. Viart. Maillot. Emmery.
Mathieu de Ronde-
ville. Schmits. Claude. Anthoine. Voidel.
Gérard (de Vie).
Et généralement les députés des deux départements de la Moselle, de la Meurthe et des Vosges.
(L'Assemblée ordonne l'impression du discours de M. le maire et de la réponse de M. le président.)
fait ensuite, au nom de la municipalité, une pétition tendant à ce que les cent quarante-quatre notables vérifiés le matin, prennent dès à présent les fonctions qui leur sont attribuées par la loi, afin que le> administrateur puissent rendre leurs comptes sans aucun retard.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de Constitution pour en rendre compte.)
membre du comité de liquidation, présent un projet de décret sur une somme de 50,750 livres due aux Nantukois établis à Dunkerque.
Messieurs, une compagnie de Nantukois, attirée par les promesses du gouvernement, est venue s'établir à Dunkerque pour la pêche «ie la baleine et du cachalot. Le gouvernement a fixé une prime de 50 livres par tonneau. Par l'effet de vos décrets, qui suspend l'arriéré, un reste de cette prime s'y trouve compris pour une somme de 50,750 livres. Les Nantukois ont présenté une pétition pour être exceptés de l'arriéré. Votre comité a trouvé leurs réclamations d'autant plus justes que ce sont des étrangers avec lesquels l'Etat a fait un traité pour favoriser une branche de commerce et vis-à-vis desquels on ne peut agir comme vis-à-vis des nationaux. Ils ont représenté que, sans le payement de cette somme, il leur est impossible d'armer et lté année. On sait d'ailleurs que les Anglais leur offrent une prime plus cuns déral le que celle qu'ils ont chez nous. Ces différentes considérations ont amené le comité à vous proposer le décret suivant :
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport du comité de liquidation, décrète :
« Que la créance des Nantukois, montant à la somme de 50,750 livres, sera exceptée de l'arriéré; qu'en conséquence, ladite somme de 50,750 livres sera payée, savoir : aux sieurs Will iam Rotch et fils, pour prime de 50 livres par tonneau, et due aux équipage* des navires baleiniers la Cantane et la Pénélope, suivant l'ordoi nance à eux délivrée, en date du 10 janvier 1790, ci 28,250 livres ;
« Au sieur Williams Haydem, pour pareille prime de l'équipage baleinier le Necker, suivant l'ordonnance à lui délivrée le 10 janvier 1790, 15,000 livres;
« Au sieur Renjamin Hussey, pour pareille prime de l'équipage du navire le baleinier la Fleur-de-Mai, suivant l'ordonnance à lui accordée le 10 janvier 1790, 7,500 livres. »
(Ce décret est adopté sans discussion.)
rapporteur du comité ecclésiastique, présente la suite des articles concernant les religieux et les chanoinesses séculières.
L'article 26 du titre Ier est ainsi conç i :
« Art. 26. Les religieux nés hors du royaume, qui n'ont pas fait leur profession en France, ou qui ayant fait leur profession dans uue maison française, n'y étaient pas fixés pour toujours avant l'époque du 28 octobre dernier, n'auront pareillement aucun droit aux pensions. »
ci-devant d'Eprémesnil, demande des secours en faveur des religieux étrangers pour leur faciliter les moyens de se rendre dans leur patrie.
formule une réclamation semblable en faveur des religieuses.
L'Assemblée décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur ces amendements.
L'article 26 estadoptésans changement.
, rapporteur, lit l'article 27, ainsi qu'il suit :
« Art. 27. Les religieux ai tuellement pourvus d'une cure ne pourront prétendre à aucune pension en leur qualité de religieux, même en donnant la démission de la cure dont ils sont pourvus. »
député de Rar-le-Duc, cherche à établir que cet article est injuste, impôt itique, inconstitutionnel. Il propose une rédaction qui réserve aux curés réguliers un traitement de religieux lorsqu'ils abandonneront la cure.
demande que lescurés réguliers aient la faculté d'option jusqu'au 1er janvier 1791.
Un membre propose de décréter que la démission de la cure ne pourra être donnée qu'à partir de 70 ans.
curé d'Evaux. Sans doute, les préopinants, dans leur système, prétendent favoriser les curés régulieis, mais leur erreur est sen-ible: elle provient de l'oubli de deux décrets, dont le souvenir les fera bientôt départir de leur opinion. Par un premier décret, les curés sont assimilés en tout aux séculiers ; le deuxième porte en substance, qu'un curé, lors même que son âge et ses forces se refuseront au travail, conservera toujours son môme traitement; qu'il lui sera donné un supplément aux frais de l'administration; qu'il n'aura plus qu'à jouir en paix, dans son presbytère, de l'estime, de la confiance que son exactitude et son zèle lui auront méritées de ses paroissiens.
Demander, pour un curé régulier, tout autre sort que celui-ci, c'est évidemment nuire à ses intérêts; c'est lui ravir un bienlait sur lequel il a droit de compter ; c'est vouloir le priver, dans ses derniers instants, de la seule jouissance qui puisse lui être précieuse.
Je demande donc qu'après la question préalable sur l'amendement et le sous-amendement, ou mette l'article aux voix.
(Ce discours est très applaudi).
L'article 27 est mis aux voix et adopté sans changement.
lève la séance à dix heures du soir.
Séance du
La séanee est ouverte à neuf heures et demie du matin.
secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier au matin.
Le procès-verbal est adopté.
Messieurs, j'ai demandé Ja parole uniquement pour relever une erreur d'un fait qui a été consigné dans tous les journaux et dont Je redressement intéresse tellement la manufacture de Louviers, et même sa tranquillité, qu'elle a envoyé vers vous des députés extraordinaires»
Gomme cela ne demande pas de discussion, l'Assemblée ne sera pas distraite de ses travaux.
Il est étonnant, Messieurs, que parmi les vœux des villes qu'on a énoncés dans cette tribune, on ait présenté celui des manufactures de Louviers comme prononcé affirmativement en faveur des deux milliards d'assignats. MM. les députés extraordinaires du commerce ont mal interprété la réponse des manufacturiers de cette ville. Ges manufacturiers, après» avoir parlé de leurs incertitudes, de leur crainte, sur un plan qu'ils disent fait pour produire de l'enthousiasme, ajoutent qu'ils n'auront aucun avis, qu'ils n'émettront aucun vœu sur la question en général ; le seul vœu qu'ils émettent est pour les assignats de 12 et 6 livres, pour le service des manufactures seulement, dans l'hypothèse où les assignats seraient décrétés, et pouf la création d'une somme la plus considérable qu'il sera possible de faire fabriquer en monnaie de billon, et enfin pour la plus;prompte vente des biens du olergé.
fait au nom des comités des finances et ecclésiastique, un rapport relatif au payement du traitement des curés-royaux d'Alsace » et propose le projet de décret suivant :
« L'Assemblée nationale, sur le rapport de ses comités des finances et ecclésiastique réunis, décrète que les traitements des curés-royaux dans les départements du Haut et du Bas-Rhin, tels qu'ils se prélevaient ci-devant sur les fonds du don ^gratuit, seront acquittés, pour la présente année, sur les ordonnances des directoires de district par les receveurs des impositions, auxquels les ordonnances dûment quittancées serviront de décharge, et les dispositions portées par l'article du décret concernant le traitement actuel du clergé, seront au surplus exécutées à l'égard desdits curés. »
(Ge projet de décret est mis aux voix et adopté.),
Le comité des finances m'a chargé de vous rendre compte d'un événement désastreux arrivé
dans la malheureuse ville que je représente, lîn incendie vient de réduire en cendres la plus
grande partie de Limoges et de livrer à la misère un grand nombre de ses habitants. Le
directoire du département de la Haute-Vienne, séant dans cette ville, sollicite votre
humanité et vos secours. Il est au désespoir de ne
Le comité des finances pénétré de sensibilité a cru devoir vous proposer de venir au secours de ces infortunés. C'était autrefois le ministre du département de l'intérieur qui remplissait cette fonction touchante, mais il n'a plus aujourd'hui les mêmes fonds à sa disposition.
Plus de 800 pères de famille sont sans aucune ressource. En attendant que vous puissiez vous expliquer, le comité a pris sur lui d'ordonner aU caissier des domaines de verser 3,000 livres dans la caisse de la vifle pour faire face aux plus pressants besoins.
Voici le projet de décret que le comité, à l'unanimité, a été d'avis de vous proposer :
« L'Assemblée nationale, douloureusement affectée des ravages occasionnés par le plus désastreux incendie dans unê grande partie de la ville de Limoges, voulant témoigner au peuple Français qu'elle partage ses peines, et que le désir le plus cher à son cœur est de le soulager; ouï le rapport de son comité de finances, décrète ce qui suit :
« Art. 1er. Le ministre des finances fera tenir incessamment, à
la disposition du directoiredn département de la H jute-Vienne, une somme60,000 livres pour
être employée au Soulagement des malheureux incendiés de la ville de Limoges.
« Art. % Sur ladite somme de 60,000 livres, il sera rétabli dans la oai&se des domaines la somme de 3,000 livres précédemment comptée à la municipalité de Limoges par le directeur des domaines.
« Art. 3. Le directoire du département enverra incessamment au ministre des finances un état estimatif et détaillé des pertes occasionnées par l'incendie ; le ministre le remettra au comité des finances qui en fera son rapport à l'Assemblée nationale pour statuer définitivement sur les soulagements qu'il conviendra d'accorder à la ville de Limoges.
« Art. 4. M. le président écrira au régiment royal Navarre , cavalerie, et à la garde nationale de Limoges, pour leur témoigner la satisfaction de l'Assemblée nationale, de l'activité et du courage avec lesquels ils ont porté des secours dans les lieux où l'incendie présentait les plus grands dangers. »
(Ce projet de décret est mis aux voix et unani-ment adopté.)
annonce qu'il a regti UUe lettre de M. Necker, à laquelle est joint un mémoire contenant un plan de liquidation de la dette publique.
L'Assemblée décide qu'il sera fait lecture de ce mémoire à l'heure de midiè (Voir p. 32.)
rapporteur du tontité des dirôîts féodaux, présente un projet de décret concernant les frais ae poursuites criminelles, les hypothèques, les saisies, les transcriptions, etc.
Il est ainsi conçu :
PROJET DE DÉCRET.
L'Assemblée nationale, voulant faire cesser plusieurs difficultés qui se sont élevées sur l'interprétation et l'exécution de l'article 4 de ses décrets
des 4, 6,7,8 et 11 août 1789, des articles 1 et 13 du titre premier, 23, 30 et 31 du titre second de son décret du 15 mars dernier, ensemble des articles 3 et 54 de celui du 3 mai suivant, a décrété et décrète ce qui suit :
Art. ler. Les frais de poursuites criminelles faites à la
requête des procureurs du roi ou d'office depuis la publication des lettres patentes du 3
novembre 1789, intervenus sur les décrets des 4, 6, 7, 8 et 11 août 1789, so.nt à la charge
du Trésor public (1); en conséquence, les receveurs des domaines continueront provisoirement
(2) à fournir les deniers nécessaires auxdites poursuites, sur les taxes faites aux témoins
par les juges et sur les exécutoires par eux décernés.
Art. 2. Dans les pays et les lieux où les biens allodiaux sont régis, soit en succession, soit en disposition, soit en toute autre matière, par des lois ou statuts particuliers, ces lois ou statuts régissent pareillement les biens ci-devant féodaux ou censuels (3), savoir : pour les successions à compter de la publication des lettres patentes du 28 mars dernier, intervenues sur le décret du 15 du même mois; et pour toute autre matière, à compter de la publication des lettres patentes du 3 novembre 1789 (4).
Art. 3. A compter du jour où les tribunaux de district seront installés dans les pays de
nantissement, les formalités de saisine, désaisine, déshé-ritance, adhéritanee, vest, dévest,
reconnaissance échevisnale, mise de fait, main-assise, plainte à loi, et généralement toutes
celles qui tiennent au nantissement féodal ou censuel, seront et demeureront abolies (5); et
jusqu'à ce qu'il en ait été
Art. 4. Lesdites transcriptions seront faites par les greffiers des tribunaux de district, selon l'ordre dans lequel les grosses des contrats leur auront été présentées, et qui sera constata par un registre particulier, dûment coté et paraphé par le président de chacun desdits tribunaux. Les registres destinés à ces transcriptions seront pareillement cotés et paraphés, et les greffiers seront tenus de les communiquer sans frais à tous requérants.
Art. 5. Il sera payé aux greffiers, pour lesdites transcriptions, cinq sols par rôle des grosses des contrats, sur les utiles ils cer ifieront, sous leur signature et le se ;i du tribunal, les jours où elles auront été présenté's nu greffe et transcrites, avec indication du registre et du folio où s'en trouvera la transcription.
Art. 6. Dans les pays et les lieux où les officiers des ci-devant justices seigneuriales étaient autorisés à recevoir, seuls ou conjointement avec d'autres personnes publiques, des testaments, donations ou contrats, les officiers municipaux pourront provisoirement remplir les mêmes fonctions.
Art. 7. Les droits domaniaux annuels qui se perçoivent sur les poêles à sel dans les ci-devant provinces Belgiques, sont et demeurent supprimés (3), sans préjudice des arrérages qui pouvaient en être dus avant la publication des lettres patentes du 3 novembre 1789 et sans qu'il puisse être répété aucune des sommes fournies, soit en payement d'échéances postérieures à cette époque, soit pour rachat de ces droits (4).
Art. 8. Sont pareillement sup primés les droits établis en plusieurs lieux (lesdites
provinces sur les moulins à bras et à cheval, en conséquence des éditsde Charles-Quint et de
Philippe IV, rois d'Espagne et comtes de Flandres, des 21 février 1547 et 21 juillet 1628
(5); et il e3t sursis à prononcer sur ies droits dont les moulins à eau
Art. 9- Il n'est nullement préjudicié par l'abolition du triage, aux actions en cantonnement, de la part des propriétaires contre les usagers de bois, prés, marais et terrains vains ou vagues, lesquelles continueront d'être exercées comme ci-devant dans les cas de droit (1), sauf à se conformer, pour les ci-devant provinces de Lorraine, des Trois-Bvêehes et du Ûlermoritois, à l'article 32 du litre II du décret du 15 mars dernier (2). .
Art. 10. Pourront néanmoins être révisés et réformés, s'il y a lieu, par les tribunaux de
district (et à la charge de l'appel ainsi que de droit), les cantonnements prononcés depuis
trente ans par arrêts du conseil, sans qu'au préalable les contestations sur le fonds des
droits de propriété ou d'usage eussent élé jugés par les tribunaux ordinaires, ensemble tons
les arrêts du conseil qui, sans prononcer de cantonnements, ont statué en première instance,
depuis la même époque, sur des questions de propriété ou de droits fonciers, entre des
seigneurs et des communautés d'habitants (3); auquel effet, les parties intéres-
Art. 11. On ne pourra racheter les droits casuels dus par un héritage, sans racheter en
même temps les droits fixes auxquels il est sujet (2).
(La discussion s'ouvre sur ce projet de décret.)
présente quelques considérations générales tendant à un ajournement total du décret.
L'ajournement n'est pas prononcé et les articles 1 et 2 sont décté és dans les termes ci-dessous :
« Ai t. 1er L s fia s des poursuites criminelles faites à la requête des procureurs du roi oud'office, depuis la publication des lettres patentesdu3 novembre 1789, intervenues sur les décrets des 4, 6, 7. 8 et 11 août précédent, sont à la charge du Trésor public ; en conséquence, les receveurs des domaines continueront provisoiremeatà fournir les deniers nécessaires auxdites poursuites, sur les taxes faites aux témoins par les juges, et sur les exécutoires par eux décernés, après néanmoins nue les directoires de département les auront vér.liés et visé dans la même forme que le faisaient ci-nevaut les commissaires départis.
« Art 2. D.ius les pays et les lieux où les biens allodianx si nt régis, soit en succession, soit en disposition, suit en toute autre matière, par des lois ou statuts particuliers, les lois ou statuts régissent pareillement les biens ci devant féodaux ou censuels; savoir: pourles successions, àcomp-ter de la publication des lettres patentes du 28 mars dern er, intervenues sur le décret du 15 du même mois ; et pour tout" autre matière, à compter de la publication des lettres patentes du 3 novembre 1789. »
rapporteur, donne lecture de l'article 3 en ces termes :
« Art. 3. A compter du jour où les tribunaux de district seront installés dans les pays de
nantissement, les formaii é- de saisine, désaisine, deshé-ritance, adliéritance, vest,
dévest, reconnaissance échevinale, mise de fait, main-assise, plainte à loi, et généralement
toutes celles qui tiennent au nantissement féodal oucensuel, seront et demeureront abolies ;
ei jusqu'à ce qu'il en ait été autrement ordonné, la transcription des grosses des contrats
d'aliénation ou d'hypothèque en tiendra lieu, et suffira en conséquence pour consom-
Je crois qu'on ne doit pas faire de loi particulière et qu'il est de l'intérêt de la nation de porter des lois générales sur les hypothèques, pour qu'elles soient délivrées des entraves que certaines formalités, introduites dans bien des provinces, ont amenées à ce sujet. Le droit, comme l'hypothèque, s'acquiert de deux manières, par contrat ou par jugement. Voilà les deux modes sur lesquels il faut fixer cette question et qui assureront le droit des créanciers et celui des propriétaires. Je propose donc que l'Assemblée nationale déclare qu'à l'avenir on n'acquerra l'hypothèque, dans toute la France, que par contrat ou par jugement, abrogeant à ce sujet toutes lois à ce contraires.
J'appuie cette proposition qui est essentiellement utile.
Nous voulons régénérer cet Empire ; nous ne pouvons y parvenir que par des loisgénérales ; jedemandedonclerenvoiau comité de Constitution.
Le comité prendra assurément la motion en considération, mais pour le moment les articles que nous vous proposons sont d'une évidente nécessité et vous n'hésiterez pas à les voter.
. Je demande au moins qu'on insère dans le dérret une disposition portant qu'il n'est que provisoire.
(On propose la question préalable surles articles 3, 4 et 5.)
D'autres membres se bornent à demander l'ajournement.
Ces diverses motions sont successivement rejetées.
(L'article 3 est décrété sans changement.)
Je propose que la transcription ordonnée par l'article 4 et qui doit être faite dans les tribunaux de district, soit faite, au contraire, aux greffes des cantons. Il faut éviter, autant que possible les déplacements onéreux.
(Cet amendement est rejeté par la question préalable.)
Les articles 4 et 5 sont ensuite décrétés en ces termes :
« Art. 4. Lesdites transcriptions seront faites par les greffiers des tribunaux de district de la situation des biens, selon l'ordre dans lequel les grosses des contrats leur auront été présentées, et qui sera constaté par un registre particulier, dûment cote et paraphé par le président de chacun des tribunaux. Les registres destinés à ces transcriptions seront pareillement cotés et paraphés, et les greffiers seront tenus de les communiquer sans Irais à tous requérants.
« Art. 5. Il sera provisoirement payé aox greffiers, pour lesdites transcriptions, cinq sols par rôle des grosses des contrats, y compris le papier, sur lesquelles ils certifieront, sous leur signature et le scel du tribunal, les jour3 où elle3 auront été présentées au greffe et transcrites, avec indication du registre et du folio où s'en trouvera la transcription. »
La discussion des autres articles est renvoyée au surlendemain.
. L'ordre du jour est la suite de la discussion sur un plan général de liquidation de la dette publique.
(1). Messieurs, la discussion du rapport de votre comité des finances vous en a fait perdre de vue les détails et les développements (2). A peine le rapporteur, vous eut-il rendu compte des considérations graves qui avaient embarrassé et suspendu, entre trois partis différents, la. décision de votre comité, qu'il s'éleva une opinion entraînante pour le plus hasardeux des partis proposés, et nous avons bientôt entendu dans cette circonstance comme dans beaucoup d'autres, ces flots orageux de motionnaires ambulants, commander l'émission de deux milliards d'assignats, comme la mesure la plus patriotique. Déjà les écrivains et les crieurs publics, qui disposent avec eux de la renommée, l'ont chargée de marquer du sceau de la réprobation tous les adversaires des assignats. J'attendais en silence le résultat de vos opérations, lorsque ces mouvements ont excité mon attention....
J'ai été interrompu par un de ces incidents qui résultent trop souvent de l'opposition des principes (3). Il serait raisonnable de ne voir, dans tous les systèmes, que des conceptions libres, qui appartiennent alternativement à l'erreur et à la vérité : mais un des dangers de notre position, c'est de ne rien voir froidement; c'est de nous irriter, comme Xerxès contre les flots ; c'est de transporter nos préventions dans nos jugements; Pour moi, je l'avoue, Messieurs, c'est l'impression que j'ai reçue de tout ce que j'ai vu et entendu d'extraordinaire sur la question qui vous occupe, c'est, dis-je, cette impression qui m'a décidé à la traiter. J'étais embarrassé, et je ne le suis plus ; car je n'avais rien à opposer aux assignats employés avec circonspection par la nécessité : mais lorsqu'on nous présente une grande émission de papier-monnaie comme une source de richesses et de prospérité, j'attaque ce système : car je n'ai jamais vu sortir une opération pure et saine des exagérations, des mouvements passionnés, dans lesquels on entraîne le peuple.
La discussion qui avait eu lieu au comité des finances, l'art, la méthode, la
circonspection du rapport m'avaient fait pencher pour l'expédient mitoyen, proposé par M. de
Montesquiou. Payer la dette, au choix -des créanciers, en assignats-monnaie, sans intérêts ou
en quittances de finance portant intérêt, me paraissait une mesure sage et adroite qui
méuageait l'opinion, et pouvait mantenir le crédit de l'un et l'autre papier. Mais que faire
d'un expédient raisonnable, lorsqu'on ne peut en diriger l'emploi qu'au milieu des
inquiétudes, des alarmes etdes mouvementsles plus impétueux? Tout ce qui paraît sage et
praticable dans le silence du cabinet, se désordonné dans le tumulte qui nous environne ; et
de même que poursefaireentendredansune foule bruyante il faut obtenir le silence, de même
pour opérer, avec succès, au milieu de tant d'hommes inquiets, qui s'attribuent toutes les
fonctions, l'autorité du
Cette considération m'a fait voir, avec effroi, les effets probables de la proposition qui paraît avoir le plus de partisans, celle de payer en assignats-monnaie toute la dette exigible. J'ai réuni, sous un même point de vue, les embarras des finances et tous ceux de notre position ; j'ai vu une masse d'obstacles, qui ne pouvaient être brisés que par une force et une raison supérieures.
Je vais vous rendre compte de mes aperçus. Je ne sais point séparer ce qui est indivisible; toutes les opérations partielles me paraissent ce qu'elles sont, inutiles ou dangereuses. Voulez-vous rétablir l'ordre dans les finances? Vous en avez les moyens : vous pouvez payer, vendre, imposer, satisfaire les créanciers; mais rien de tout cela n'est possible si leur sécurité ne devient commune à tous les citoyens.
La dette exigible s'élève à 1,900 millions, sans compter les assignats actuellement en émission; vous pouvez la payer par l'aliénation des domaines nationaux, si cette opération s'exécute avec l'ordre qui peut seul la rendre utile.
Déjà les moyens, les conditions de vente, les formes à employer sont arrêtés ; si l'on pouvait diviser celte masse de fonds territoriaux en autant de portions que vous avez de créances à acquitter, votre libération s'opérerait sans tous les préalables, devenus nécessaires, sans aucun des obstacles que vous avez à vaincre : chaque créancier recevrait une valeur égale à son titre, et comme les biens-fonds sont les véritables richesses, que l'argent n'en est que le signe, celui qui, pour le prix d'un office ou d'un contrat quelconque, recevrait un champ ou une maison d'un prix équivalent, n'aurait point à se plaindre, car ce qui forme aujourd'hui son hypothèque, deviendrait sa propriété.
Il est malheureusement impossible de procéder à cette distribution, simple et immédiate, des domaines nationaux en faveur de vos créanciers; ils ne peuvent devenir propriétaires d'un fonds équivalent à leur titre qu'en se présentant aux concours des enchères, et vous êtes obligés de les payer pour leur donner les moyens d'acheter.
Un signe quelconque, pourvu qu'il représente certainement la valeur d'une partie de vos domaines, devient alors un payement légitime, car vous ne pouvez ni n'entendez donner des métaux, mais seulement le fonds que vous avez assigné pour hypothèque à la créance.
Si ce signe arrive sans écart à sa destination, s'il n'est et ne peut être qu'un moyen d'échange d'un contrat contre une portion de terre, vous remplissez sans troubles et sans obstacles vos engagements; vous faites ce que vous voulez faire, qui est de vous acquitter. Il n'en résulte aucun engagement; la masse du numéraire destinée au commerce n'est point accrue, les changes avec l'étranger ne reçoivent aucune commotion défavorable. Il y aura un mouvement sensible, mais point con-vulsif, dans les propriétés et la valeur des denrées; celle des salaires restera toujours eu proportion avec les espèces circulantes.
Si, au contraire. Je signe que vous emploierez en payement devient universel et propre à toute espèce d'échange, il faut, pour lui conserver la valeur, qu'il puisse se convertir à volonté, non seulement en domaines nationaux mais en argent, mais en toute espèce de denrées ou marchandises; et s'il existe un autre signe avec lequel on puisse avoir à meilleur prix tous les travaux, tous les salaires, tous les objets de consommation ; dès
lors l'équilibre est rompu dans les échanges, et ce commencement de trouble, dans la, circulation, doit s'accroître en raison de la quantité des nouveaux signes, et aussi en raison de toutes les autres causes de désordre, d'inquiétude et de défiance.
En supposant un grand calme dans les esprits, un ordre certain dans le gouvernement, on peut assurer le succès de toute opération de finance qui n'est ni inique ni absurde ; la confiance générale excite alors l'avidité des uns, la sécurité des autres, et le mouvement de tous se dirige facilement à l'avantage de la chose publique.
J'aurais donc voulu que le premier moyen, indiqué pour l'arrangement des finances, fût celui sans lequel il n'y a en cette partie aucun succès à espérer : c'est le rétablissement de l'ordre.
J'aurais voulu que le nouveau moyen d'impôts, leur fixation, leur quotité, leur répartition, eussent précédé tous les plans de liquidation ; car le succès de ces moyens de liquidation étant nécessairement fondé surlacertitudequ on doit avoir,que toutes les dépenses publiques seront fidèlement acquittées, il me paraît démontré que cette certitude n'existera que lorsqu'on verra tous les impôts sagement répartis dans une quotiié suffisante, et leur perception inviolablement assurée par l'activité du gouvernement et l'obéissance des contribuables.
On me répondra qu'il ne s'agit point d'acquitter la dette exigible av c des impôts, mais avec des biens territoriaux dont la vente est décrétée; que la liquidation dépend de la vente et que les moyens d'accélérer cette vente sont en même temps ceux de liquidation, puisqu'ils consistent en billets au porteur, payables en biens nationaux.
Cette réponse, qui est la plus raisonnable qu'on puisse faire, décide, à mon avis, la question des assignats, et laisse, en son entier, ma première objection.
Je vous dirai : donnez à vos créanciers des billets au porteur, payables en biens nationaux, puisque c'est l'hypothèque que vous leur avez assignée; mais, pour le sucrés même de cette mesure, décrétez les impôts : d crétez-les dans une proportion égale aux dépenses publiques; assurez-en le payement, car il est évident que si on ne paye pas les impôts, si le- brigands, les incendiaires et tous les moteurs des troubles qui nousagitent, tous ceux qui y participent, sont plus forts que les lois, l'hypothèque de vos créanciers peut être rapidement consommée par les besoins publics.
Us auront donc l'inquiétude de voir leurs billets protestés, malgré le gage qui leur est offert, si vos mesures de finances ne sont précédées par celles qui doivent calmer toutes 1 s inquiétudes.
J'avoue, Messieurs, que je n'entends pas comment, au milieu du désordre affreux où nous vivons, on peut proposer, comme question préalable, un plan de liquidation, fondé surune émission de deux milliards de papier, attendu, dit-on, que vous avez à disposer d'une valeur égale en biens territoriaux.
Quoi ! Messieurs, les mouvements tantôt fous, tantôt furieux, d'une multitude égarée, sont à peine contenus par une armée de gardes nationales toujours sur pied! Nul citoyen n'est assuré de sa liberté, de son honneur, de sa viel Nous n'entendons que des cris féroces de proscription! Chaque opération de l'A-sembléeest discutée avec plus ou moins de véhémence dans les clubs, dans les places publiques I Les députés de Vaugirard vous ont aussi proposé à la barre leur système de
finances; et c'est dans celte agitation universelle, qui s'accroît chaque jour par les circonstances politiques dont nous sommes environnés, qu'on vous invite à augmenter la masse du numéraire fictif de deux milliards !
Nous sommes inondés de brochures qui nous annoncent que le commerce, les manufactures, les arts vont en recevoir une nouvelle vie; les contradictions les plus absurdes nous sont fas-tueusement présentées à l'appui de toutes ces assertions.
Rappelons donc les vérités élémentaires qu'aucun de vous n'ignore, mais sur lesquelles on jette un triple voile pour vous les dérober. -
Tout numéraire fictif doit être considéré sous deux rapports: celui de la circulation intérieure et celui des relations extérieures.
S'il est dans une telle proportion avec les métaux monnayés, qu'on les échange au pair à volonté, c'est alors un accroissement effectif de richesses, parce que c'est un accroissement sensible de moyens pour toutes les spéculations, tous les travaux, tous les salaires. Alors le commerce extérieur et intérieur en reçoivent les plus heureux effets, la banque de l'Etat est pour les étrangers ce qu'est celle d'un riche négociant de Londres pour un banquier français; les transactions sur papier s'exécutent avec la même sécu-riié que celles qui produisent des remises en espèces; et c'est dans celte position seulement que l'agriculture et le commerce reçoivent une nouvelle vie d'une augmen'ation du numéraire proportionnée à leurs besoins. Mais dans cette position, c'est la confiance qui commande, c'est l'aisance qui cautionne le numéraire fictif.
Qu'arrive-t-il, au contraire, lorsque c'est l'embarras, le désordre qui font recourir à cette ressource? Il arrive, Messieurs, dans tous les temps, dans tous les lieux, qu'elle est toujours fâcheuse si on en use avec circonspection, et désastreuse si ou en abuse.
Il arrive que, dans les échanges intérieurs, cha-que citoyen imprime au papier-monnaie toutes ses inquiétudes, ses défiances personnelles; qu'il craint ie vendre, qu'il n'ose acheter, qu'il réduit toutes ses consommations, qu'il emploie à son service moins de travailleurs; et l'étranger, calculant toutes ses spéculations sur nos moyens effectifs, dont il retranche abolument le numéraire fictif, suspend tout crédit, exige des remises en espèces, ou renonce à toute relation commerciale, c'est-à-dire que, dans la seconde hypothèse, qui est précisément la nôtre, celle de l'embarras et du désordre, le numéraire fictif est un moyen certain d'accroître encore l'embarras et le désordre, si l'on ne met en évidence un plan de liquidation, habilement combiné et sévèrement exécuté.
Toutes les phrases qui contrarient cette théorie sont vides de sens; car la pratique est sous vos yeux; vous avez créé un papier-monnaie solidement hypothéqué : il est encore dans une proportion cinq, ou six fois inférieure au gage assigné, et cependant le papier perl 6 0/0. Ainsi, les hommes qui nous demandent 6 écus pour en échanger 100 en papier, parient 6 contre 100 que ce papier sera protesté.
Il est probable qu'une nouvelle émission d'assignats de 800 millions, au lieu de 4, élèvera les paris à la baisse de 6 à 12, en ne supposant aucune autre cause d'inquiétude, mais elles peuvent se multiplier au delà de toute probabilité; car les terreurs populaires ne sont soumises à aucun calcul, et si vous adoptez l'émission de deux milliards, où pensez-vous que
s'arrêteront les alarmes?Je vous prie de considérer, Messieurs, qu'elles se composent de deux genres d'opinions très distinctes, dont l'une agit sans explosion, mais avec une efficacité meurtrière : c'est celle des gens instruits qui savent fort bien pourquoi ils sont inquiets ; ceux-là sont, en général, les détenteurs de l'argent, et ils le resserrent de plus en plus.
L'autre espèce d'opinion, plus bruyante, plus impétueuse, mais aveugle et irréfléchie, est celle du peuple mal aisé qui, sans pénétrer les causes, sent les effets, et détruit ou déconcerte, dans sa colère, toutes 1rs dispositions d'ordre et de secours, pour accueillir celles qui vont augmenter sa misère.
Ainsi, pendant qu'il sera raisonnable de craindre que cette surabondance de papier-monnaie n'élève subitement tuus les prix des denrées et de la main-d'œuvre, et n'excède la valeur réelle des biens territoriaux, on pourra diriger, en sens contraire, les vœux et les murmures du peuple, et lui faire désirer uvecardenr, comme moyen de secours, ce qu'il détestera bientôt après, comme obstacle à son aisance. La prévoyance de toutes ces vicissitudesagira d'autant plus sur les hommes éclairés, et contrariera l'impulsion des agioteurs. Telle est, Messieurs, notre situation actuelle : telle est la cause des anxiétés et des rumeurs au milieu desquelles cette question se discute.
C'est à vous à marcher d'un pas ferme dans ce sentier périlleux, à opposer la lumière aux ténèbres, et l'évidence d'une raison supérieure aux sophismes de la détresse de la cupidité.
Car les débiteurs embarrassés et les spéculateurs avides sollicitent également une grande émission d'assignats. Mais vous ne croirez pas et vous ne direz pas au peuple que celte mesu e l'enrichit, car elle l'appauvrit; vous ne présenterez pas comme un bienfait le numéraire fictif, lorsque cet expédient est celui de la nécessité ; vous ne penserez pas qu'il peut remédier à tuus les maux qui nous menacent, lorsqu'il les aggravera cruellement, si vous lui donnez trop de latitude.
Enfin, Messieurs, réduisant cette questi m aux termes les plus simples, il vous paraîtra démontré qu'un papier de crédit n'est proposable et admissible dans la circulation, qu'autant qu'il procure à volonté ce qu'il promet. Si le papier promet cent écus, et qu'il n'en procure que quatre vingt-quatorze, il est physiquement démontré que plus vous le multiplierez, plus la dégradation sera accélérée.
Mais si, après avoir assuré une hypothèque en biens-fonds à vos créanciers, vous leur offrez la transmission de propriété, et que votre papier de crédit ne soit entre leurs mains que le signe et le moyen d'échange, votre opération est droite et juste; elle vous représente un syndicat de créanciers auxquels le débiteur fait cession de ses biens, en distribuant à cliacui, des lots équivalents à leur titre de créance. Vous n'avez nul besoin, vis-à-vis d'eux, d'un numéraire fictif qui se rép mde dans toutes les classes de la société, étrangères à vos transactions avec les capitalistes dont vous êtes débiteurs. Mais si vous les payez avec un numéraire fictif, il est clair qu'il s'interpose alors entre eux et vous une foule de spéculateurs et de parties prenantes qui n'ont rien de commun avec la dette exigible, mais qui deviennent eux-mêmes créanciers au même titre, et qui embarrassent d'autant votre liquidation ; car, au moment où vous aurez versé dans la circulation une somme immense de papiers-monnaie, toutes les dépenses publiques doivent s'élever dans une
proportion effrayante et fort au-dessus des recettes; vous n'aurez alors, pour les acquitter, que de nouveaux papiers, c'est-à-dire que vous paierez des promesses par des promesses qui, finalement, ne seront point acquittées, car les plus pressés, les plus inquiets acquierront à des prix exagérés des biens nationaux, et la seconde, la troisième émission de papiers, n'aura plus d'hypothèque. Si, au contraire, la somme de vos billets au porteur ou quittances de finance est calculée sur celle des biens nationaux à échanger, chaque créancier recevra exactement son gage, la confiance ne sera ébranlée pour aucun, ce mouvement régulier rappellera le crédit, la circulation des espèces deviendra plus facile, celle des assignats-monnaie, actuellement répandus, ne sera plus troublée par des alarmes; car je suppose toujours, pour condition préalable, l'ordre et la paix entre les citoyens, et vous ne doutez pas, Messieurs, que ceux qui s'y opposent ne veuillent opérer à leur prulit, la banqueroute et la subversion du royaume.
Tout ce qu'il y a de plus dépravé, de pluscou-pable, la lie de la nation qui s'agite et s'exhale en vapeurs empoisonnées, multiplie inutilement les crimes et les injures; le besoin de la paix, de la justice, de l'empire des lois, est universellement senti : il n'est pas un ouvrier, un paysan honnête, qui ne reconnaisse enfin que les insurrections, les émeutes, les motions sanguinaires dessèchent les sillons, paralysent les ateliers, et traînent à leur suite tous les fléaux destructeurs ; les convulsions même des scélérats, nous les représentent aujourd'hui dans les terreurs de l'agonie. Je suis donc persuadé, Messieurs, que quelle que soit l'opération de finance à laquelle vous vous arrêterez, vous l'accompagnerez de mesures efficaces pour gouverner 25 millions d'hommes.
Je suis persuadé, qu'en vous déliant de toutes les séductions dont on vous environne, pour vous exciter à ce qu'on appelle une opération hardie et vivifiante, vous emploierez, dans l'usage d'un remède violent, toutes les précautions qui peuvent en arrêter les ravages. Ces précautions sont de borner l'émission des assignats-monnaie au plus strict nécessaire, et de faire, sans leur emploi, tout ce que vous pouvez faire.
J'ai de la peine à m'arrêter aux objections qui ont été faites contre la proposition de payer la dette exigible en papier non forcé, mais échangeable en biens nationaux; il faut cependant les résumer et y répondre.
On vous dit : 1° Le numéraire manque et disparaît, toutes les affaires languissent, vous ne pouvez rétablir la circulation que par un numéraire fictif, qui supplée aux métaux, en les représentant par un gage assuré.
Je réponds : Le numéraire a disparu, parce qu'à la suite d'une masse effrayante d'effets royaux qui circulaient déjà sur la place, et qui altéraient nos changes avec l'étranger, il est survenu, tout à la fois, un trouble universel dâns les propriétés, défaut de protection et de sécurité pour les personnes, suspension de travaux et de consommations. Attaquez, détruisez toutes ces causes d'alarmes, le numéraire reparaîtra, car nous avons les mêmes éléments de richesses et d'industrie qui nous procuraient un numéraire abondant.
2° Mais voulez-vous acquitter ou suspendre les payements? Si vous les suspendez, la nation est en faillite; si vous payez, donnez à vos créanciers des valeurs qu'ils puissent transmettre, et avec
lesquelles ils puissent acquitter leurs engagements r
Je demande quelque attention à. ma réponse, car je n'y trouve pas de réplique.
Ou vous avez les moyens de payer, ou vous ne les avez; pas. Si vos moyens sont illusoires, toutes vos combinaisons,, ainsi que vos papiers, ne rendent que plus fulminante l'explosion du désordre. Si vous pouvez payer,, et tel est bien mon avis,, ne donnez point aux moyens effectifs la défaveur des moyens chimériques ; tenez-vous sur la ligne de votre pouvoir et de vos ressources. Si vous la, dépassez, au delà est un abîme, et vous y tom beree.
Je dis que vous avez les moyens de payer, et je divise en deux parties vos engagements, ainsi que vos moyens.
La première est la dépense publique annuelle, qui comprend les intérêts de là dette constituée et toutes les charges du gouvernement ;, c'est à quoi les contributions doivent satisfaire. Vous pouvez délibérer sur le mode, mais la somme est décrétée par la nécessité : il faut imposer sans délai et faire percevoir exactement; tout périt si vous manquez de force, ou les contribuables de volonté.
Mais l'un et Farçilre sont encore, en voire puissance : rétablissez l'ordre et le travail, les impôts seront acquittés. Vous n'avez point été, j'ose le dire, assez effrayés de l'anarcbie; vous avez laissé le peuple aux prises avec ses corrupteurs: il est ivre, désœuvré, il est malade; rendez-lui sa raison et ses mœurs, par l'exécution sévère de toutes les lois; que chacun rentre dans le devoir;,réprimez l'audace et la licence, c'est la plus salutaire opération de finance que vous puissiez décréter; elle garantit tout à la fois la dette, la dépense et la recette.
La seconde partie de vos engagements consiste dans la dette exigible ; vous lui destinez une somme égale d'immeubles aliénés; et si elle était insuffisante, les contributions doivent être assez largement, ordonnées, pour qu'un excédent sensible, par les extinctions viagères, par les économies successives,, présente les moyens d'un fODds d'amortissement.
Ainsi, la théorie du crédit renaissant et de votre libération est appuyée sur des bases raisonnables; voud riez-vous rendre la pratique insensée? elle le devient dans l'instant où, confondant vos motifs et vos moyens, vous appliquez à. toutes vos, dépenses^ comme monnaie» un billet de crédit que ne peut avoir d'autre fonction utile et juste, que celle de transmettre à vos créanciers la propriété de leur hypothèque:. Ils sont alors, pour leurs propres,engagements, dans la position où vous êtes vous-mêmes v.is-àrvis d'eux, où sont tous les débiteurs grevés d'hypothèques, qui,, manquant d'espèces à l'échéance, livrent le gage sur 1* quel ils ont emprunté. Mais il en résulte en leur faveur cette différence sensible» que le billet de crédit qui leur est livré, ne s'écartant pas de sa destination, conserve invariablement toute sa valeur et procure sans déficit ce qu'il prometi; au lieu qu'en le faisant circuler forcément comme monnaie, il subit toutes les révolutions que la surabondance du papier sur l'argent doit opérer, jusqu'à ce qu'une perte énorme frappe le dernier détenteur.
Je ne parcourrai pas toutes les objections présentées contre la liquidation en billets de crédit non forcés, et toutes les raisons alléguées en faveur d'une grande émission d'assignats-monnaie; je serais réduit à répéter les réponses de ceux des
préopinants qui ont parlé dans le même esprit que moi : les mêmes assertions, les mêmes arguments différemment colorés, se reproduisent dans l'un et l'autre système. Les promoteurs d'assignats se plaisent à frapper de paralysie les quittances de finance, et à doueF de toutes les vertus leur créa>-tion favorite, qui se réduit, en dernière analysa, à cette proposition : Forcez la circulation du papier pour obtenir confiance, et pour en faire mn instrument de richesse; mais si vous ne lui laissez d'autre valeur que celle de son hypothèque, transmissible de gré à gré, n'en attendez aucun emploi utile.
11 me reste à dire un mot de la proposition de M. l'évêque d'Autun, qui tend le plus directement àr la prompte aliénation des biens nationaux, en y admettant tous les créanciers de l'Etat, sans distinction de dette exigible, rente viagère ou constituée.
Je ne disconviens pas qu'il n'en résultât un mouvement accéléré dans les ventes de fonds, un nivellement utile de tous les effets publics; qui, en produisant dans le premier moment des bénéfices énormes aux agioteurs, en marqueraient le terme. Je pense encore que les créanciers de la dette exigible n'auraient rien à, perdre par cet arrangement; car, outre qu'ils auraient part comme les autres aux achats, il serait impossible que tous les propriétaires de contrats sur l'Etat se présentassent à la fois : plusieurs ne voudraient pas les dénaturer ; ceux appartenant aux mineurs, les biens dotaux, ceux en litige, les effets de communauté indivis, n'entreraient pas en concurrence et fa nation ferait un bénéfice considérable sur l'extinction de tous les capitaux dont elle paye un haut intérêt. Mais la première difficulté que présente ce système est le remboursement onéreux des capitaux réduits, s'il avait lieu d'après le contrat primitif. Une seconde considération, non moins importante; c'est qu'une opération vaste et compliquée, ne convient point aux tempsi difficiles où nous sommes.
La même raiison me fait rejeter, pour ce mo» ment-ci, la reconstitution en contrats uniformes des rentes viagères et perpétuelles. Ge qui est le plus simple, ce qui est iudispensable dans l'exacte justice, tel est le caractère que doit avoir un plan de liquidation. Ainsi je distinguerais dans la dette exigible, les créanciers du clergé, ceux des corps et des communautés, et tous les propriétaires de contrats à intérêt, et je ne les rembourserais en quittances de finance ou assignats d'un intérêt inférieur & celui dont-ils jouissent, qu'autant qu'ils préféreraient ce remboursement, a l'observation des clauses de leurs contrats.
Enfin, Messieurs, tout plan, de liquidation en billets de crédit, n'est possible que par des conditions préalables, dont la réunion seule peut assurer l'opération.
Je finis par un résultat de mes observations. Vous ne devez, vous ne pouvez donner créance aux nouveaux principes qui vous sont présentés sur le numéraire fictif; c est un expédient plus ou moins dangereux, lorsque la nécessité le commande.
Il faut donc en user sobrement.
Vous ne pouvez étendre vos billets de crédit au delà de la valeur que vous lui avez assignée pour hypothèque ; cette valeur n'est pas encore déterminée* : vous devez donc faire procéder diligemment à une estimation exacte de tous les biens nationaux.
Ils sont non seulement le gage de la dette exigible, mais encore la ressource où vous pouvez
être obligés de puiser, pour satisfaire à des besoins plus ou moins impérieux.
Il suit de là une inquiétude vague sur la valeur des fonds, sur la somme de vos besoins, sur la réduction possible de vos moyens : les inquiétudes s'accroissent par l'état convulsifde la chose publique.
Vous ne pouvez trop vous bâter de calmer toutes ces inquiétudes ; car toutes vos espérances, tous vos moyens reposent sur la confiance qu'il faut rétablir.
La confiance ne peut renaître que par le retour de l'ordre public, par l'établissement, la perception des impôts, l'exécution des lois, l'autorité du gouvernement et une sage combinaison du papier-monnaie avec le uuméraire effectif. Si vous violez la proportion qui doit exister entre l'un et l'autre, vous violerez tous vos engagements vous exposerez la partie laborieuse et indigente du peuple à des maux effroyables.
J'ai réuni, ou plutôt j'ai tâché de réunir toutes ces vues, dans le projet de décret que j'ose vous présenter. Je ne vous propose de payer qu'un quart au plus de la dette exigible, en assignats-monnaie, le reste en quittances de finance : je n'imagine pas que vous puissiez supporter plus de 7 à 800 millions de papier-monnaie dans la circulation ; je modifie pour l'avenir les conditions de, votre décret du 14 mai, qui accordent de longs termes aux acheteurs des biens nationaux ; car les porteurs d'assignats et de quittances de finance, qui voudraient les; placer en biens nationaux, se trouveraient évincés par les spéculateurs à long terme ; et tandis que vous vendriez à crédit à ceux auxquels vous ne devez rien, vos créanciers ne pourraient faire emploi des billets de crédit qu'ils auraient reçus de vous.
Mais de toutes les dispositions que vous jugerez à propos d'accueillir, celles que je recommande le plus à votre sagesse, ce sont les mesures tendant au rétablissement de l'ordre.
Vous êtes la puissance publique; tout homme qui la brave est coupable : mais pour la faire respecter, vous n'avez plus qu'un moyen, c'est de mettre tin aux désordres et de moutrer à la nation la ^liberté, la justice dans toute leur splendeur.
Projet de décret pour la liquidation et le payement de la dette exigible.
L'Assemblée nationale s'étant fait rendre compte delà dette publique, et voulant assurer le remboursement effectif de toutes les créances exigibles; considérant que le rétablissement de l'ordre dans les finances ne peut être permanent s'il ne s'étend sur toutes les parties du gouvernement et de l'empire; que delà tranquillité générale et de la sécurité personnelle de chaque citoyen dépend celle de l'Etat; que des mesures partielles, des plans de liquidation ne pourraient remplir les vues et les devoirs du Corps législatif, s'il n'embrassait dans sa sollicitude tout ce qui peut en assurer le succès, a décrété et décrète :
« Art. 1er. Le comité des impositions présentera, dans la
prochaine séance, et successivement dans toutes les autres, son travail sur la quotité, la
fixation et la répartition des impôts.
Art. 2. Il sera imposé, outre la somme nécessaire pour satisfaire à toutes les dépenses publiques de l'Etat, un excédant de 20 millions, destinés à former un fonds d'amortissement.
« Art. 3. Il sera adressé de nouveaux ordres à
tous les corps administratifs pour assurer et accélérer la perception de toutes les impositions directes ou indirecte* actuellement subsistantes, et les municipalités feront dresser, au mois de décembre prochain, un tableau de tous les contribuables en retard, lesquels nti pourront avoir entrée et voix délibérative dans les assemblées primaires et électorales de 1791, jusqu'à ce qu'ils représentent la quittance de leurs impositions de l'année courante.
« Art. 4. Aussitôt ap ès la publication du présent décret, les directoires de département feront faire l'estimation de tous les biens nationaux situés dans l'étendue de leur resStds, et eu adresseront l'état à l'Assemblée nation île.,
« Art. 5. Toutes les ventes desb ens ecclésiastiques et domaniaux actuellement terminées, conformément aux conditions é loncées dans le décret du 14 mai, seront maintenues; mais dans i celles qui auront lieu à l'avenir les porteurs d'assignats ou de quittances cl' finance, qui offriraient la totalité du prix des ventes, seront admis de préférence à ceux qui réclameraient le bénéfice des termes accordes par le décret du 14 mai. La même préférence sera accordée à ceux qui offriraient moitié comptant, sur ceux qui n'en donneraient que le»quart.
«Art 6. Il sera procédé sms délai à la li luidation de toutes les parties de la dette exigible. On adjoindra, à cet effet, douze membres uu comité de liquidation, chargés di* vérifier les titres de créances exigibles en offices supprimé*, cautionnements, anticipations, fourniures, arrérages de rentes, gages, appointements et autres dettes remboursables, sous quelque dénomination qu'elles soient connues.
« Art. 7. Le comité de liquidation se s ibiivisera en autant de sections ou bureaux qu'il y aura de titres de créances, et on appellera dans chaque section ou bureau un commis des finances et un du trésor royal, choisis parmi les plus capables.
« Art. 8. Les titres de créances seront échangés en quittances- de finance, portait intérêt à 3 0/0, subdivisées en sommes de 1,000 livres et admises aux enchères en payement des biens nationaux. 11 sera libre aux créanciers d'obtenir le quart de leur remboursement en assignats-monnaie, sans intérêt.
Art. 9. Les propriétaires de contrats sur le clergé, les corps et les eo nmunautes, recevront à volonté leur remboursement,u continueront à être payés parla caisse de l'extraordinaire de six en six mois, des intérèis stipulés dans leur contrat.
« Art. 10. A la présentation des quittances de finance, pour achat et payement des biens nationaux, il sera tenu compte au porteur de 2 0/0 en sus de l'intérêt fixé à 3.
« Art. 11. Les 3 0/0 d'intérêt, attribués aux quittances de finance, ces-er mt après trois ans révolus, s'il n'en a été l'ait emploi dans l'achat des biens naionaux : mais à cetteépoque les porteurs desdites quitta c s seront ad mis à les échanger contre des assignats-monnaie, sans intérêt, lesquels leur seront uéliviés à la caisse de l'extraorninaire.
« Art. 12. Les quittance-: de finance seront transmissibles pour les propriétaires à 1 urs créanciers, bailleurs de fonds, avec néolaratio i d'emploi, et ne pourront être, >ar tous atti res, données et reçues en payement qu" de ^re à gré.
« Art. 13. Il sera incessammeiitfaliriq.iiéet livré au Trésor public 12 millions de mouuaie de billon en pièces de 5 et de 2 sous.
« Art. 14. Le roi sera prié de proposer à l'Assemblée les mesures qui lui paraissent nécessaires pour assurer l'exécution des lois et le rétablissement de l'ordre dans Je royaume, l'intention de l'Assemblée nationale étant de révêtir le gouvernement constitutionnel de l'Etat de toute la force qu'il doit avoir pour le maintien de la liberté et de la tranquillité publique. »
On lit uneletlre de M. Necker, en date du 8 septembre, par laquelle il annonce l'envoi de nouvelles observations sur la liquidation de la dette publique.
Un de MM. les secrétaires fait lecture de ce mémoire intitulé :
DERNIER RAPPORT DE M. NECKER A L'ASSEMBLÉE NATIONALE.
En voici le texte :
Messieurs, c'est dans un moment de grande peine et de cœur et d'esprit, c'est à la suite d'une attaque de mes maux habituels, que je vais entreprendre de satisfaire à une décision de l'Assemblée nationale, décrétée sur la motion d'un membre du comité des finances. Il a proposé qu'on me demandât mes idées sur la liquidation de la dette publique; cet intérêt de sa part à mesopinions eût été encore plus naturel au milieu du comité des finances, et avant que ce comité eût fait le rapport qui a été lu à l'Assemblée le 27 du mois dernier; mais je ne dois pas m'arrêter à des circonstances particulières.
Il me semble qu'avant d'examiner de quelle manière on doit procéder à la liquidation d'une dette à laquelle le comité seul a donné le nom d'exigible, il faudrait être convenu de la nécessité de cette même liquidation, de cette liquidation du moins considérée d'une manière géueraleet uniforme, ainsi que l'a fait dans son rapport le comité des finances.
Je vais, pour répandre du jour sur cette question, parcourir avec vous, Messieurs, les articles qui composent le tableau de la dette à laquelle le rapporteur du comité des finances a donné le nom d'exigible;, on verra que cette désignation n'est applicable qu'à une partie des objets compris dans ce tableau.
Et d'abord le comité convient lui-même qu'une partie de cette dette n'est remboursable qu'à des époques éloignées; tels sont :
1° L'emprunt de 1789, remboursable en dix ans, aux termes du décret de création.....
2° Les emprunts faits en Hollande et à Gênes, remboursables annuellement jusqu'en 1797...
3° Les avances des fermiers de Sceaux et de Poissy, dont le dernier terme échoit eu 1791..
4° Les emprunts désignés sous le nom d'emprunts à terme à échoir, ci....................
Ce sontles remboursements à faire sur les emprunts de 125 millions, de 100 millions, de 80
millions, des loteries d'avril et d'octobre 1783, etc. etc., rem-boursemen ts qui devraient
avoir lieu, selon les édits et les arrêts
5° Les annuités délivrées aux notaires et à la caisse d'escompte, et dont les payements s'étendent jusqu'en l'année 1825.... 77,000,000
Ces différents articles se montent à 538 millions ; aucun ne représente un capital exigible actuellement;
Le surplus de cette somme de 1878 millions, désignée sous le nom d'exigible par le comité des finances, présente encore des sujets de remarque :
1° L'article 1er de 149,434,000 livres, est composé de la dette du cierge ; cette dette n'a jamais été soumise qu'à un remboursement libre. La somme variable qVony destinait annuellement n'excédait pas communément 3 à 4 millions, et tous les cinq ans le clergé empruntait une somme à peu près égale à celle qu'il avait remboursée pendant cet intervalle. O 1 ne peut doncconsi-dérer la dette du clergé comme remboursable en ce moment, à moins d'appliquer avec rigueur, aux affaires publiques, cette partie de la jurisprudence civile qui oblige les particuliers à rembourser une créance hypothécaire, lorsqu'ils ne gardent plus en leurs "mains le gage de leurs créanciers;
2° On voit encore compris dans la dette prétendue exigible, une somme de 100 millions applicable au rachat «les dîmes inféodées appartenant à des particuliers; mais cette opération n'est pas commencée, l'on peut l'exécuter graduellement et selon la convenance de l'Etat;
3° On aperçoit encore dans la classe des dettes exigibles dès à présent, 118 millions applicables aux charges de finance. Ces charges ne peuvent être remboursées qu'après la reddition des comptes, et une grande partie des receveurs n'auront pas fini Itursrecouvrementsavantlafin dejuindel'an-née prochai ne ; 11 leur sera donc d i l'fici led'avoir des comptes opérés avant le commencement de 1792, et il est vraisemblable qu'une partie de leurs charges sera balancée par des débets;
4° On a compris dans la même classe des dettes exigibles dès à présent une somme de 203 millions sous le titre de cautionnements ; ce sont des dépôts fournis et par les fermiers et régisseurs, et par leurs employés;
Tous ces agents de la chose publique sont encore en fonction; caries employés môme des gabelles, les principaux du moins, n'oni pu être supprimés, parce qu'ils sont nécessaires au débit du sel dont la ferme générale reste encore chargée.
Enfin, après la cessation des fonctions de ces employés, et en supposant la suppret-sion de tous ceux qui sont 1 hargés du recouvrement des impôts indirects, disposition qui n'est pas vraisemblable, il y aura des comptes à rendre par chacun d'eux, et il y aura peut-être des débets à balancer avec la finance de leurs cautionnements. Ainsi l'on ne peut, sous aucun rapport, mettre ces cautionnements en ligne de compie dans le tableau de la det'e exigible dès à présent.
Il n'y a rien de déterminé non plU3 à l'égard des fermiers et des régisseurs par une fonction quelconque jusqu'en 1792, terme des traités passés avec eux, et des engagements qu'ils ont pris en conséquence avec leurs prêteurs ; ils se contenteraient, je crois, du plus petit bénéfice au delà de l'intérêt de leurs fonds à 5 0/0 l'an.
Il résulte de ces diverses remarques sur la dette exigible, qu'à part l'arriéré des départements,
51,939,768 fr. 18,330,970 902,675 390,101,508
estimé par le comité des finances à 120 millions, les offices de magistrature et les charges militaires ou des maisons du roi, de la reine et des princes, forment le seul objet de liquidation qui puisse être commencé sans retard, et leur somme totale s'élève à 541 millions.
Les offices de magistrature qui font partie de cette somme sont inscrits sur le résumé du comité des finances comme s'élevanl à 450millions, ce qui n'est pas juste ; car les charges de secrétaires du roi se trouvent comprises dans cette somme pour 99 millions ; or, ces officiers de chancellerie ne sont pas des magistrats.
Les notaires, les procureurs, les huissiers, archers, gardes, les jurés-priseurs et jurés-crieurs, et tous les dépositaires de deniers à titre d'offices, ne sont pas non plus des magistrats ; et tous ces officiers réunis forment un capital de plus de 100 millions; ainsi ceux de magistrature ne s'élèvent qu'à 250 millions, comme je l'ai annoncé dans un précédent mémoire.
Les diverses explications que je viens de donner, tendent à faire connaître que dans la somme de 1,900 millions désignée sous le nom d'exigible, il n'y a que des portions dont la liquidation puisse être commencée dès à présent, et que le reste est remboursable à des époques graduelles, et dont plusieurs sont fort éloignées.
Ces observations me paraissent fort essentielles; elles servent à montrer que la liquidation entière de la dette à laquelle on a donné le nom d'exigible, n'est ni nécessaire ni même possible : ainsi, pour se déterminer à effectuer dès à présent, il faudrait y être engagé ou par l'intérêt des propriétaires de cette dette, ou par des considérations politiques, relatives au bien de l'Etat.
Examinons la question sous ces deux rapports.
Et d'abord qu'est-ce qu'exige la justice? car c'est toujours par ce principe qu'il faut commencer. Le respect pour les engagements se retrouve en bénéfice de toutes les manières dans les affaires publiques comme dans la conduite des particuliers; la morale a des ramifications infinies, et sous ce point de vue, elle est un résultat éclairé autant qu'un principe salutaire.
Lorsqu'un Etat, faute de moyens, ne peut payer ses dettes en monnaie courante et de la manière dont ses créanciers ont droit de l'attendre, il faut leur donner,en remplacement, des papiers dont la valeur approche le plus près qu'il est possible du prix de l'argent.
Cette condition peut être remplie par deux moyens, dont l'un dépend de l'intérêt assuré aux papiers délivrés en payement de la dette publique, et l'autre, des dispositions que l'on prend pour soutenir le prix de ces mêmes papiers ; c'est sous ce dernier rapport que la certitude d'un remboursement successif est très nécessaire.
Les créanciers à qui l'on donne des effets en payement les préfèrent à l'argent, quand la négociation de ces effets peut avoir lieu sans perte, au moment où ils ont besoin de les réaliser.
On conçoit donc que si l'Etat donnait en payement de la dette qu il serait tenu d'acquitter, ou des contrats, ou promesses au porteur, ou de simples actes de liquidation portant 5 0/0 d'intérêt, et qu'en même temps il admît ces effets comme argent lors de la vente des domaines nationaux, il remplirait ses obligations non pas dans leur étendue, mais d'aussi près que son état d'impuissance le lui permet.
Il y aurait-encore cependant une difficulté dont la solution serait nécessaire.
On sait que dans la somme des dettes exigibles
sont comprises les finances des charges et celles des cautionnements; or,ces finances n'appartiennent pas en entier à tous ceux qui les ont fournies ; plusieurs magistrats, plusieurs autres particuliers dans un autre Etat ont fait des emprunts pour y subvenir.
L'on aurait donc à déterminer si les propriétaires apparents de cette partie de la dette de l'Etat devraient être autorisés à s'acquitter avec leurs créanciers dans les mêmes effets qu'ils auraient reçus en payement. On suivit cette règle en 1771 lors de la liquidation des charges de la magistrature ; mais les raisons favorables ou contraires à une disposition de ce genre, tenant aux simples règles de la justice ou de. l'équité je dois m'en rapporter à l'opinion de l'Assemblée nationale; si elle ne voulait pas prononcer à cet égard d'une manière décisive, elle aurait encore le choix de diverses modifications.
Les titulaires des offices et les dépositaires de cautionnements pourraient, par exemple, être autorisés à s'acquitter envers leurs bailleurs de fonds, dans les mêmes valeurs qu'ils auraient reçues de l'Etat, mais jusqu'à la concurrence seulement d'une certaine quotité de la somme dont ils seraient redevables; ou bien encore on pourrait exiger d'eux, qu'en délivrant ces valeurs en payement à leurs prêteurs, ils les passassent en compte au prix de la place, ou avec une indem-nitéd'une portion de la perte qui résulterait de ce prix.
Enfin, l'Assemblée pourrait encore, en établissant une commission arbitrale, soumettre à des décisions d'équité chacun des cas particuliers, mais toujours dans le cercle uniquement des relations entre les titulaires d'offices, les dépositaires de cautionnements et leurs bailleurs de fonds.
Je ne puis m'empêcher de sentir combien, il est malheureux pour moi d'être mis dans l'obligation de traiter pareilles questions; car l'état présent des choses, les difficultés qui en résultent, et particulièrement le dépérissement des revenus, l'affaiblissement de crédit et tant d'autres circonstances contrariantes, je n'en suis pas la cause.
Le rétablissement de l'ordre dans les finances n'était qu'un jeu d'enfant au mois de mai 1789 : je l'expliquai de la manière la plus évidente dans mon discours à l'ouverture de l'Assemblée nationale. Que d'événements indépendants de mon administration ont changé cet aspect!
Les partisans du système du papier-monnaie ne manqueront pas de dire qu'encore aujourd'hui toutesles difficultés seraient levées par unecréation d'une quantité suffisante de ces billets. Celui qui les recevrait le premier du Trésor public, les donnerait de même à son bailleur de fonds, lequel les feraitpasser à ses créanciers s'il en avait; ceux-ci aux leurs, et de degrés en degrés, tantôt par une voie, tantôt par une autre, les billets se répandraient dans la circulation, et l'Etat n'entendrait parler d'aucune plainte particulière. Mais quel remède à un mal particulier que de le rendre transmissible I Quel remède à un mal susceptible de réparation et d'indemnité, que de le convertir dans un fléau général dont rien ne pourrait plus arrêter la désolatioui Quel remède à une plainte près de soi, que de l'échanger contre une réclamation plus lointaine, mais qui chaque jour progressive, ne tarderait pas à se faire entendre avec un retentissement effrayant !
Que penseraient, que diraient les habitants des provinces les plus éloignées, si, témoins de tout le bouleversement qu'occasionnerait une émission inconsidérée de papier-monnaie, une émission
qui couvrirait de billets tous les marchés, on leur donnait, pour motif, l'embarras où s'est trouvé le gouvernement pour rembourser des capitaux, et des capitaux encore dont une grande partie n'était pas même exigible 1
Sans doute, une autre grande considération en-t gage à soutenir le système des billets-monnaie, et il est temps de l'examiner.
Cette considération n'a aucun rapport avec l'intérêt des propriétaires de la dette exigible ; elle n'a aucun rapport avec les obligations contractées envers eux. On veut simplement se servir des moyens qui seront appliqués à la liquidation de cette dette, pour encourager les acquisitions des biens du clergé.
L'on a raison de penser qu'on remplirait ce but parfaitement si l'on remboursait une grande partie de la dette publique avec des papiers-monnaie ; car en diminuant, d'une part, le nombre des emplois de fonds par l'amortissement des capitaux portant intérêts, et en introduisant dans la circulation une quantité surabondante de monnaie fie-? tive, il faudrait bien que cette monnaie, discréditée par son abondance même, se portât vers les achats de domaines nationaux, comme vers le seul placement propre à leur servir de refuge.
Enfin par la même disposition, non seulement on favoriserait la vente de ces domaines, mais on augmenterait encore considérablement leur produit. En effet, en se présentant aux enchères, on serait excité, non seulement par le désir d'acquérir quelque partie des biens nationaux, mais encore par le besoin pressant de se défaire d'une monnaie à laquelle aucun autre débouché ne se? rait ouvert. Et si, selon le projet du comité des finances, l'émission dés billets-monnaie devait s'étendre en peu de temps à deux milliardset demi, et par conséquent à une somme plus considérable peut-être que la valeur, dans l'opinion corn* mune, de l'ensemble des biens nationaux, on croirait dès lors ne devoir pas perdre de temps pour réaliser sa part dans la masse deces billets-monnaie, et il y aurait encore plus d'empressement aux enchères.
Le plan est infiniment simple, mais pour l'adop-teril faut renoncer aux principes les plus communs de la justice ; et pour l'exécuter, il faut s'exposer à tous les dangers d'une somme immense de billets admis comme monnaie dans tous les paye* ments. Je les ai indiqués ces dangers dans mon dernier mémoire sur cette matière, d'autres personnes l'ont fait après moi et le feront encore; aussi je ne m'arrêterai pas sur des idées que l'intérêt général ne tardera pas à rendre fanai-* lières.
Il en est encore une nouvelle dont je suis frappé dans ce moment. Qui peut répondre que cette immensité de numéraire fictif, remis tout à coup à la disposition de capitalistes de toutes les na-> tions, ne fût destinée en partie à dès replacements dans l'étranger, et que le besoin d'y faire passer des fonds né rendit le numéraire réel encore plus rare?
Je viens enfin à ce qu'on demande de moi, n'importe par quel motif.
Que faut-il faire? Telle est la question qui m'est adressée.
Ce serait déjà une action et une action grande et salutaire, que de rejeter un système dont les conséquences seraient funestes, que de le rejeter malgré les soins qu'on a pris pour associer à cette idée le vœu mal éclairé d'une partie xlu peuple.
De quçi s'agit-il ensuite? Est-ce la liquidation de 1,900 millions de dettes exigibles, qui devient
une disposition pressante? Les explications que j'ai données sur la composition de cette dette, ont montré que cette liquidation n'était nécessaire qu'en partie, et ne pouvait êtrç exécutée que gra-r (luellement.
Est-ce la justice à rendre aux propriétaires de eette dette, qui dojt porter à upe disposition aussi violente que l'introduction de 1,900 millions de billets-rmônnaie? Non sûrement, car ces proprié*> taires ne tarderaient pas à connaître par expérience, que si les billets-monnaie d'aujourd'hui sont égaux à peu près à un payement en argent, ces mêmes billets, après un accroissement de 2 milliards, ne représenteraient plus la même valeur dans l'opinion; et bien loin-qu'ils sussent gré d'un pareil remboursement, ils viendront bien' tôt à demander avec aigreur, pourquoi on les choisit parmi tous les créanciers de l'Etat pour servir de voie à la distribution des billets?monnaie. Il ne faut point négliger d'observer que l'espérance d'être des premiers à faire usage des billets-monnaie, la confiance de pouvoir agir pendant que les autres délibéreront encore, enfin les spéculations des débiteurs, et de eeux qui se sont rendus tels à dessein depuis quelque temps, toutes ces circonstances mettent pour le système des billets les hommes les plus animés et tous ceux qu'avec du mouvement on entraîne toujours après soi; mais quand la vérité entrera dans les rangs, et quand surtout chacun se sentira blessé, lo tableau changera, et ceux qui se seront tirés d'af* faire ne se changeront pas même envers les autres, du rôle de consolateurs.
Quoi qu'il en soit, lors même qu'un payement en billetsrmonnaie conviendrait à une partie des propriétaires de la dette exigible, on ne devrait pas, pour leur satisfaction particulière, adopter un système dont les funestes conséquences introduiraient un bouleversement général. On leur rendra non pas une pleine justice, mais celle qu'ils peuvent attendre au milieu du temps présent, si l'on continue à payer exactement l'intérêt de 5 0/0, attaché dès aujourd'hui à la majeure partie de cette dette, si l'on alloue le même intérêt à la portion qui n'est pas liquidée, et si on reçoit la totalité en payement des biens nationaux.
Kestedonc, pour unique embarras, le juste désir qu'on doit avoir d'encourager et de hâter la vente des biens nationaux; mais pour atteindre à ce but très important sans dqutë, faut-il recourir à une opération aussi injuste, aussi dangereuse que l'introduction d'une somme immense de billets-monnaie I Je vais maintenant indiquer toutes celles qui me paraissent préférables à un moyen si violent.
D'abord, je suis persuadé que l'admission à la vente des biens nationaux de tous les contrats et de tous les effets publics représentatifs de la dette nationale serait un encouragement très suffisant. Leur prix, constapiment au-dessous du pain, est une grande présomption en faveur de cette opi» nion; ce prix à la vérité doit s'élever par la faculté de convertir en biens nationaux les créances sur l'Etat ; mais l'augmentation des offices et des cautionnements ménagera longtemps un avantage à tous les payements des biens nationaux faits en créances sur l'Etat.
Ily aurait, par cette considération, de la conve^ nance à prescrire que chaque payement serait composé d'une portion en effets publics portant intérêt, et d'une autre dans les billets-assignats qui sont en circulation aujourd'hui : la proportion qui me paraîtrait préférable serait deux tiers des premiers, et un tiers des autres.
Je ferai cependant observer que ce mélange ne serait pas sans inconvénient, parce que les habitants des provinces, et lçs gens de campagne en particulier, n'auraient pas des facilités pour se procurer des effets publies, et que cependant ils seraient envieux de l'avantage qu'auraient sur eux les personnes qui s'acquitteraient dans ces sortes d'effets.
On pourrait obvier à oette difficulté en accor-r dan tune prime de 5 0/0 à ceux qui payeraient tout en assignats; cette faveur servirait encore à soutenir le prix de ces billets contre l'argent, et empêcherait que la nécessité de leur augmentation, pour subvenir à de nouveaux besoins, ne fit une impression fâcheuse.
Je crois encore que ces différentes formes de payement, pour l'achat des assignats, seraient bien préférables \ des veritçs à douze ans de terme, coiqm§ i^Àssefnblée s'y est décidée pour une somme de 400 millions. Il mè paraît bien important de ne pas laisser disséminer ains; en diverses maïna et pendant un long espace de temps, un produit si précieux": il serait d'ailleurs extraordinaire d'accorder 'à 4Ô0 mdlipps de vente, des facilités excessives, et de recourir pour la vente du surplus à une opération aussi ihjuste et aussi extrême que celles des billets-monnaie ; il n'y aurait une discordance manifeste entre ces deux dispositions.
Ici j'entends dire aux partisans du papier-mon-naie : Ce n'est pàs assez d'un moyen qui présente la probabilité d'un empressement suffisant de la part des acquéreurs des biens nationaux, il faut indiquer une disposition qui ne laisse aucune incertitude.
Sans doute, il serait à désirer qu'on eût à cet égard l'assurance la plus parfaite ; mais pour la seule différence de la grande vraisemblance à la certitude, serait-il raisonnable de recourir à des moyens évidemment dangereux, et la prudence au moins ne commanderait-elle pas de n'y recourir qu'à l'extrémité?
On pourrait d'ailleurs s'assurer de la disposition des capitalistes par un moyen qui, s'il réussissait comme il est très possible, remplirait, sans le moindre inconvénient, le but auquel on doit tendre.
Supposons que tes domaines nationaux soient estimés 2 milliards.
On pourrait déterminer que, pendant l'espace de trois ou quatre mois, tous les créanciers de l'Etat, soit par obligation perpétuelle, soit par les titres énonpés dans le tableau de la dette exigible, seraient admis jusqu'à la çoppurrenee d'un milliard, à êtfg remboursés en pYonçjçssgg admissibles à la vente des biens nationap^,.
Il faudrait annoncer que tous les intérêts dus au 1er janvier 1791 sur ces créances seraient joints au capital.
On pourrait encore promettre une prime de 5 0/0 à la partie de ces professes qui aurait été foqrpie en payement des jbijens nationaux dans le cours de l'année 17?If ' Ces facilités qëterrainnraient, je crois, l'empressement, surtout si l'Assemblée manifestait las connaissances qu'elle a pu recueillir sur l'évaluation des biens nationaux, et si l'opération proposée était contenue, dans des bornés fixes, de manière enfin que chaque créancier de l'Etat eût un intérêt à se hatep de profiter de l'échange qui serait ouvert.
Une telle opération, si elle réussissait, si elle était promptement décidée, déchargerait l'Etat de cinquante millions de rentes, à commencer du
1er janvier prochain, et l'en n'aurait plus aiicua doute sur
l'achat des biens nationaux, puisque les promesses données aii remboursement d'une partie de
la dette publique n'auraient pas d'autre issue,
Je crois cependant que pour la parfaite tranquillité de ceux qui échangeraient librement leurs créances sur l'Etat, contre dqs promesses adimïsr sibles dans la vente des biens nationaux, il faudrait déclarer que si, par des événements extraordinaires, il restait encore de ces promesses après la consommation entière de la vente des biens nationaux, elles seraient converties en quittances de finances portant 5 0/0 d'intérêt.
Enfin, si l'on ne voulait pas se fier au suooès de la vente des biens nationaux, par les moyens simples, justes et raisonnables que je viens de proposer, et si l'Assemblée préférait à tout de recourir à d9s voies coercitives pour assurer son opération, il y en aurait uneîqui répartirait, du moins d'une manière égale entre tous les créanciers de l'Etat, le concours dont on aurait besoin, et qui serait certainement préférable à la danger reuse ressource des papiers-monnaie.
C'est, l'on en conviendra, j'espère, étendre bien loin la servitude du devoir, que de consentir dans la position libre où je me trouve, à indiquer des moyens que je ne crois point nécessaires, et dont le mérite est uniquement d'être beaucoup moins fâcheux que les suites inévitables d'une émission inconsidérée de nouveaux billets^monoaie.
L'opération foroée, que je croirais préférable à une disposition si fatale, serait que l'Etat se rachetât d'un cinquième de toutes les rentes perpétuelles et viagères à sa charge, et de tous les intérêts qui seront attachés à la dette exigible.
Ce rachat serait fait en promesses admissibles comme argent dans les acquisitions de domaines nationaux, en y joignant une prime de 5 0/0 dont il serait tenu compte à l'époque du payement de ces domaines.
Expliquons plus particulièrement cette opération.
Il y aura, selon le rapport du comité des finances,
157 millions d'intérêts perpétuels, y com-r pris ceux applicables à la dette êxigible. ' 101 millions d'intérêts viagers.
Total. 258 millions.
Leoinquième des intérêts perpétuels se monte rait donc à 31 millions.
Et pour les racheter au denier vingt, il faudrait délivrer vin capital de 620 millions en promesses applicables à l'achat des biens nationaux.
Le cinquième des intérêts viagers se monterait à 20 millions ;
Et pour les racheter au denier dix, il faudrait un capital dans les piêmes promesses dç 2Û0 rqil-lioqs,
Ainsi, pour 820 millions de promesses admissibles en payement des domaines nationaux, l'Etat serait déchargé,. à compter du lep janvier de l'année prochaine, de 51 millions de rentes.
Les rentiers n'élèveraient pas, je crois, de trop fortes réclamations contre ce moyen, s'il était jugé indispensable.
J'en connais plusieurs qui feraient sans peine le sacrifice réel d'un cinquième sur leurs rentes, si le sacrifice était nécessaire au rétablissement parfait dés affaires publiques. Mais par l'opération indiquée, il serait question seulement dere-
cevoir le remboursement du capital de ce cinquième, dans un effet qui perdrait bien peu sur la place, lorsqu'on voudrait le négocier, et qui, dans tous les cas, serait admissible en payement des biens nationaux. Enfin, on aurait encore à faire le calcul de tous les maux que chacun éviterait en se préservant des funestes conséquences du système des papiers-monnaie, système qui, dans son exécution et sa secousse violente, atteindrait tout le monde, ainsi que je l'ai fait voir dans mon précédent mémoire.
D'ailleurs, quel long espace de temps ne faudrait-il pas pour la confection de 19,000 millions d'assignats nouveaux, et encore plus si on les subdivisait en petites sommes, opération qui deviendrait peut-être un grand sujet de repentir, car l'on ne tarderait pas à demander du pain aux boulangers avec ces petits billets ; et si les gens de campagne ne voulaient pas les prendre, ou s'ils haussaient seulement d'une manière sensible le prix de leurs grains, dans quel péril ne se trouveraient pas la subsistance et la tranquillité des villes? Est-ce enfin dans les moments où nous sommes qu'il serait prudent de se livrer à de pareilles expériences ?
On croit que la distribution d'une grande quantité de billets-monnaie, et la nécessité où l'on serait de les employer en biens nationaux, assurerait la Constitution ; mais les moyens d'ordre et de bonheur ne sont-ils pas aussi des appuis, et peut-on calculer tous les effets d'un vaste sujet de réclamation et d'un bouleversement des fortunes ?
On n'oubliera point, je le demande, que la dernière opération dont j'ai donné l'idée, est uniquement à mes yeux la moins rigoureuse des voies coercitives ; mais aucuns des moyens de ce genre, j e ne les crois nécessaires.
On objectera peut-être que les propositions indiquées dans ce mémoire procureront seulement une décharge de 50 à 51 millions de rentes, et qu'ainsi elles ne peuvent être mises en comparaison avec une libération de 92 millions, résultat de la spéculation du comité des finances.
Ce raisonnement serait bien superficiel. On paraîtrait n'avoir pas aperçu que dans la spécula-
16 septembre 1790.) 3
tion du comité des finances il y aurait 91,000 millions de biens nationaux consommés ; au lieu que le résultat de ma première proposition se borne à l'emploi d'un milliard de ces biens, et la seconde à l'emploi de 800 millions.
Le surplus du produit des biens nationaux resterait en son entier: ainsi l'tKatn'essuierait aucun préjudice, et le bénéfice annoncé par le comité des finances se retrouverait lé même si le produit des domaines nationaux s'élevait en effet à 2 milliards et demi.
Ce rapprochement conduit à examiner si, selon les notions très incertaines que l'on a dans ce moment, il serait sage de disposer à l'avance sur ce produit d'une somme de 2 milliards et demi ; savoir :
1,600 millions pour les billets-monnaie destinés à la liquidation de la dette exigible ;
400 millions pour la contre-valeur des assignats décrétés;
200 millions pour les nouvelles distributions qu'exigeront vraisemblablement la fin du service de cette année et les besoins du commencement de l'autre..
Il me semble que, pour maintenir la confiance dans tel papier dont on se servirait pour disposer à l'avance du produit des biens nationaux, il ne faudrait pas, avant d'avoir acquis de nouvelles notions sur leur valeur, et avant de les avoir rendues publiques, il ne faudrait pas jusque-là élever trop haut la somme numéraire des effets qui doivent être réellement et paraître encore à tous les yeux la représentation indiscutable des biens qui leur servent de gage.
Il me reste maintenant à faire voir qu'une libération de 50 millions de rentes, assurée dès à présent, serait plus que suffisante pour établir un ordre parfait dans les finances, et pour se ménager le moyen de procurer une diminution sur la somme des impôts qui existaient à l'ouverture de l'Assemblée nationale.
Je vais mettre à portée de juger de cette vérité, par un tableau très simple, et dont les
articles sont déjà la plupart tellement connus, que je n'y joindrai aucune explication.
sur le produit des biens domaniaux (1), il y aurait
Supposant maintenant que la totalité du produit des biens nationaux puisse être estimée à deux milliards, il y aurait encore un milliard de libre, sur lequel, après avoir assigné l'extinction des quatre cents millions d'assignats décrétés, et des deux cents qui vraisemblablement seront encore nécessaires, il resterait quatre cents millions applicables à l'amortissement d'une nouvelle partie de la dette, et il en résulterait encore une décharge de vingt millions de rentes.
Evaluons maintenant l'impôt pécuniaire en équivalent des dîmes, à soixante-quinze millions ;
Et de plus la contribution des privilégiés, à trente-cinq millions.
Les quatre articles que je viens de désigner formeraient en tout cent quatre-vingt-cinq millions, et serviraient à balancer :
1° 25 millions, mis à la charge des peuples, pour satisfaire aux frais de l'ordre judiciaire, aux dépenses des assemblées administratives et à quelques autres encore;
2° 130 millions, dépenses du culte, selon l'énoncé du comité ecclésiastique ;
3° 10 millions, mécompte possible sur quelqu'un des articles composant les notices précédentes ;
4° 20 millions, diminution à accorder sur la masse générale du produit des impôts existant au 1er mai 1789.
185 millions.
Joignez encore à ce tableau les perspectives suivantes :
L'extinction graduelle de cent millions de rentes viagères sur l'Hôtel de Ville ;
L'extinction graduelle des pensions viagères qui font partie des cent trente millions de dépenses du culte ;
Le bénéfice qu'on attend sur les apanages et les domaines engagés;
L'accroissement du produit des forêts, par une meilleure administration ;
La possibilité que la vente des biens nationaux s'élève au delà de deux milliards, selon l'opinion de plusieurs personnes ;
Les avantages que l'on pourrait tirer de la réduction de l'intérêt, si un grand amortissement de la dette publique, par la vente des biens nationaux, favorisait cette réduction, ainsi qu'il est vraisemblable.
Après avoir cherché, Messieurs, à soutenir votre courage parle tableau que je viens de
faire, je crois devoir dire encore un mot du système des billets-monnaie. Geé sortes de
projets, qui présentent à la pensée quelque chose de net et de décidé, doivent facilement
plaire à une assemblée nombreuse ; car elle ne peut pas gouverner par des gradations et des
nuances. L'administration entre ses mains participera souvent de l'esprit de législation,
lequel agit toujours d'une manière absolue, générale et précise. Cette manière, si elle était
secondée par l'opinion publique, pourrait surmonter de grands obstacles ; ainsi, lors même
qu'elle s'attacherait à une erreur politique, je ne crois pas qu'on dût encore espé-
Je finis en arrêtant un moment et de nouveau mon attention sur le remplacement des impôts supprimés par l'Assemblée nationale, ou dépéris au milieu de nos circonstances orageuses. Je sais que le comité des impositions de l'Assemblée nationale a vu enfin ce que l'expérience m'avait appris, c'est que les grandes idées nouvelles, en fait, d'impôts, sont une spéculation chimérique. Je l'ai dit plus d'une fois, il.y aurait de la témérité à concevoir l'espérance de faire des découvertes dans une science livrée depuis si longtemps aux recherches des nations et des siècles.
Je crois que la prudence de l'Assemblée nationale doit l'engager à maintenir les impôts indirects qui subsistent encore, jusqu'à ce qu'un peu d'expérience lui ait appris les effets de la conversion de la dîme et de la gabelle dans une imposition territoriale et pécuniaire. Mais elle doit s'en rapporter aux assemblées de département du soin de convertir selon leur convenance toute la partie des impôts indirects qu'il n'est pas nécessaire de soumettre à un régime uniforme.
J'ai traité ces diverses questions et le remplacement des impôts en général dans plusieurs de mes mémoires, ainsi je ne rentrerai pas dans les mêmes discussions.
On ne doit point omettre d'observer qu'il est sage de ne pas appliquer à un royaume, sous le régime encore d'une administration naissante et contrariée, le système d'impôts qui n'essuiera peut-être aucune difficulté dans un autre temps.
L'imprévoyance des contribuables suffit pour leur ôter lè moyen de payer exactement les impositions territoriales, et l'on ne peut employer que des voies rigoureuses pour les y forcer. Les aroits sur les consommations ne sont exposés à aucun de ces inconvénients ; on les paye sans . contrainte, et toujours au moment précis de ses moyens. Cette différence est grande dans un pays devenu libre ; aussi, dans un tel pays, la philosophie des impositions doit-elle s'arrêter encore plus aux idées morales qu'aux résultats donnés par les abstractions dô l'économie politique.
L'ordre, Messieurs, combien de fois ne l'ai-ie pas dit au nom;du bien public ? L'ordre et le pouvoir nécessaires pour le maintenir, voilà sans contredit la première condition du salut des finances.
Il y a du remède à tout, même aux grandes fautes, lorsque les commandements de la loi sont respectés, lorsque lés intérêts particuliers obéissent à l'intérêt public ; mais ce n'est pas une œuvre simple dans un grand royaume que lemaintiende cettesubordiuation.il faut souvent en défendre les principes, et contre les bons, êt contre les méchants : les premiers, par un sentiment aimable, croiént longtemps lés hommes capables de jouir de la liberté sans eîxcès ; les autres prennent l'étendard de là passion favorite, pour substituer'à cette liberté le relâchement le plus absolu. Le temps immanquablement ramènera, par force" aux principes dans lesquels un royaume, le plus favorisé par là nature, ne pourrait échapper à sa perdition ; mais c'est aux lumières des sugésà raccourcir lé dangereux inter-
valle dé la tliébrie à l'eipériëhcë afin que des maux éatis nombre ne soient pas lë prix de notre édùcatidfi: Hâtez-vous surtout; MesSieufs, d'arrê-tëi* efticaeehïeht lë cours de ces dangereux écrits ddtlt la muùiplicàtion jrtogressive fait le scan-ddlë dè l'Europe. Quë cëtte pensée de tbùtes les nations vous cfonnë dë là dëfiaucë sur la politique qui semble encore vous tenir en suspens. 8ë permettez pas quë; dans le même temps où vÔtft cherchez à remettre ensemble toUtës les pàrtiës, la morale, ce cimëht si précieux de l'or-drë politique, deviénnë le jouet de tous lês discours tjU'brt àdrësse au peuple. On le perdra ce pëUplë, bon dans sa nature, Si Chaque jour, chà-cjue hèiit-ëi on bhërché à lë tromper ; car son imagination flexible ne satitetit résister aux ëffbrts des hommes d'bu caractère ardent êt prononcé:
G'ëst Uniquement, je le proteste; pour le repds et lé bonheur tte la Fràtice que je prends la liberté dë voils ramener à dës réflexions dont Une ëxpérfenbë jdùbnalièrë ët Tëtudë Constante du biën ^Ublic m'ont fait Sëntir toute l'importance. J'àl été; j'ën cdtivieUS, des premiers en butte aux jidUrsuiteS injurieuses dës ënnëriliS de la paix, dë l'ordre et de la justice, bât- ils m'ont compris dë bbiiBe heure dàns leur syàtètbè gêtiéral dë destruction ; mais bientôt* au Seîh de ma retraite éloignée, là vbix dôubë ët tranquille d'Uhe cdns-ciëhcë satiè t-ebfrbcbé Së ferà jsluS ehtehdré de moi t)uë lës bruits de Paris ét les Clameurs de la calomnie. Je n'ai jamais voulu qu'on répdndît à cëS inëùltes CdtttinUëllës, comnie oh më l'à Souvent prdjibsé. Je nde fie à la térllë, elle serait pour moi leà bhëVeUx dë Sahison si je voulais en faire usage; mais pour une âme seUSible, il y a qùelquë doUceur danS l'injustice ét mêûie dans l'ingratitude. On éSt ainsi cdbduit, comme vers Un rëfugë; à bfeé hautes idées indépendantes dés UbttlmëS et dë leurë passions, à ces idées qui ont fàit ma cdnsdlàtidti à d'dtitrèS épbqUéS dë m à vië, et quë j'espèrë retftiuVër encdrë : jë n'en eus jàmàis tant besoin:
Jë crbiS fcjue le iné-indiretiëM: Neckër doit êtrë litrë àl'imprëSSidn; il y àbëâuëdup dë rëflëxidiis oui méritent un sé-fleui éxàmen; d'bù jë ëbnëlUs quë là matière ti'ëst pfoint assëÉéclâircië.Jë fais dbtib la motion élpfrëâSe quë là discussion continue aujourd'hui ët dëîtiàih, bU'dti la I-èprëbne Vendredi prochain, et qUe l'As-sëtnblëé é'ëagkge;eUdutre, à juger définitivement samedi cëtté question.
La discussion doit être continuée, et fermëë qUand elle sera suffisamment ëblaiïcië; Gës djdùrhethëntS në êërvent fJU'àt jëter l'incertitude parmi le peuple, et pendant ce tëÉ^is lë mal s'àggràvë. Si le plan de l'émission des à^si^nats est mauvais, il raul le rejeter; s'il est bob, ët fe'eât déjà l'opinion de là fnajbrité du i-dyatime, il faùti'àdoilter;(ii è'êlèbé des mkritourès.) Si l'bh prouve qu'une émission d'âssignatS biën çortibinée qtût rétdblir lë commerce et l'induitrie, ëi l'bii peUt prùbvér que c'est un moyen d'arrêter iës manœuvres des ennemis tiu bien pUblic, et d'açfcélérër là vëhtë deâ biëiiS hâtionàUx, de dimidbër lëfe impôts qui pèsent sUr le peuplé;.. (II s'èlèbb dè fa'ouveauk murmures.) Je dis à ceux Ijui iti'interromplènt tjue si l'opinion boritrairé aux àôfeignais l'emportait dàns cette Assemblée, ils ne tardëràiënt pৠà voir lëlir i-epos et iedf* foftutie cofnprdmis, et qUe pour éviter leur propre fruirie ils doivent souhaiter (jue la question Soit bien éctèircië. Jë conclus donc à ce que là discussion
sdit continuée tous les jours jusqu'à là débisièn.
(de SMnt-Jeaft-d'Angëty ) On demâhde 1 ordre du jour* ët moi je réclame eh fâ-veur de là motion de M. de Bëaumëtz: Je pense, coiùtne le brédpinant, que la questiou qui s'agite est importante. De sa déciSibn dépend le sort de l'Empire. Il fatotdbnc que là plué grande màtûrtté eh assUrë la sagesse ; il faut que l'bpinidU publique en Soit là baèë, il est dbUb iridispénsable d àttendre qu'elle Soit foritiée, et soutënt ee ne soht pas les premières exprëssiotls dU vœu dd |)eUplë Cbtlçù au milieu des agitations t[u'etcitë Utië idée ndUvëlle, qui la bbnStitUent: Ce sont lëS aviS formés lëntë-ment et mûris par la réflexion. Je n'inculpe iei persdiihë; mais lës partisans des systèniës opposés, qui ont voulu se fortifier de la façon de penser deS villes oti des fcorpS; Së Soht itiutUellëhient dcbUSés de l'avoir SUtpriSe.. Le tetbps àmènërà la vérité et éclairera sUr lë mérite dë eeSiticUlpationS; il vous donnera la véritable opinion publique* qui ne ïè forme paà dans un s^ul point, niais se côm-pdse des divers sentimén,ts du peuple, dans1 les points mëinejes plus éloignés du royaume.
Le prédpinaht vous proposé (te. continuer la discussion tous les jours qui. vont suivre. Elle se prolongerait alors au delà de lundi prochain; mais, Messieurs, ce jour vous, avez ajourné un rapport sur le militaire, dont il est extrêmement important de terminer la discussion. Sans la fin de ce travail, vous n'aurez point de force publique, et sans elle yous n'aurez ,ni.ordre, ni impôt. Je aemàhde que ià motion de M. clé Beauinetz soit mise aux voix, amendée de la manière suivante:
« L'Assemblée nationale décrète qu'elle continuera à s'occuper aujourd'hui et demain de la disdiissidh sur la liquidation de là dette publique, qu'elle la reprendra vendredi prochàin, pour la continuel* les jours SuiVàtjtS jusqu'à cë qu'ëllë ait pris une détërtnihâtioH définitive; »
M; de Mirabeaua déjà été entendu sur l'émission dedeux milliards d'assignats ; il demanda la parole une seconde fois : il pourrait se faire que son éloquence ëntraînât l'Assemblée, et l'Àssembléë me pardonnera, à moi» de prévenir cet ordre de délibération; ee que nous dirons les uns et les autres sera uae répétition des mêmes principes; la véritable manière de discuter consiste à se prendre corps à corps; et de rejeter le gant à M. de Mirabeau.
. Gëttë manière de discuter ne peut être exclusive.
La cause dés as^igdàtd est trop itnpjbrtàntë podr qÙè sk Ûèfeflbé.-tae.àdit ex-clùsivëhdéhtConfiée; jëdëtiiàHde quëjé^ trèsbbns auxillàirës quë j'adhai dans cëtte tiiàtièrë sbieht ëhtétidUS; il est Cëpëndàrit trëè simple dë sàti^-feire M. l'abbé Maury. Jëdëtnahde à parler l'aVànt-oërniër ët M. l'abbé Maury me fépondfa. Il 'est trèë jùstë qUë cëluiJiUi à biivert Cëtte dl^cu^idn ait kus^i la parole. Quant à moi, je siiis prêt dans cë inomépi à répondre £ toUteS les objections qui ont été InWbfir je ii'ài pas, cdrrimë certaines pë^sotifiës, lë talëht dë le§ prévoir.
Jë h'eUténds pas biën Ce qu'dfi veut dil-è par ce ihbt auxiliaires ; jë ne sais qûel e>t le mehibre dë bëtte Assemblée à qui il peut convenir, et je trouve fort plaisant qu'on puisse s'en servir.
(On demande l'ordre du jouri— Gette proposition est rejutée.)
(Le projet de décret de M: Regnaud est ensuite mis aux voix et adopté.)
La discussion sur la liquidation de la dette publique est reprise.
(1) Messieurs, vous avez décrété, avec rdison. que les différents projejs sur le mdde de liquidation, de la dette publique; qui pourraient vOus être présentés, seraient discutés avec la circonspection, l'étendue et la lenteur même qui conviennent à une délibération de cette .importance. En appelant l'opinion publique à votre secours, vous avez assuré d'avance au parti,; quel qu'il soit, que vous prendrez; la confiance dUe aux déterminations qui sont lé fruit d'une sage maturité.
Mais fie perdez pas de vue cependant, Messieurs, que les intérêts divers, qui se. combattent, peuvent ltitter contre la .vérité ; que c'est aux législateurs à fixer définitivement l'opinion incertaine dès meilleurs citoyens, et qu'il n'est pas possible dé différer plils longtemps lé jugement de cette grande question soumise à votre décision.
Plusieurs opinants l'ont déjà traitée avfec tant de profondeur, qu'il devient prudënt d'écarter lèS détails qui pourraient surcharger l'attentibn.
Les Uns Ont exposé les avantages d'une nombreuse émission d'assignats-monnaie. Les autres otit fchërché à en présenter tous les inconvénients. Un orateur très éloquent de cette Assemblée a plaidé pour eux avec sa véhémence brdirikire ; un miniétre, dont la longue expérience est imposante* les a peints des plus sombres couleurs. Il y a quelque désavantage à parler après eux ; mais aussi voilft serez moins eiigeant : j'entrerai dans vos vues, en me bornant à être clair* afin d'être entendu dfe tous; et, en effets il s'agit ici dë l'iri-térêt de tous: Quelques réflexions, fruits d'une longue méditation, nous conduiront peut-être à une juste mesure, à l'un de ces partis sages qui peuvent tout concilier.^
Reconnaissons d'abord quelques vérités incontestable^
(Jué nation né peut conserver sa considération ét Son btétiit qu'en acquittant fidèlémeht sefe engagements : elle doit paye*- avec exactitude, et à époque fixe; les intérêts de sa dette constituée : elle doit acquitter; à terme fixé, lés remboursements des Capitaux exigibles : elle doit enfin présenter à ses créanciers une masse d'impositions équivalente à toute ses dépenses : sans ces différentiel conditions réunies, aucune confiance në peut exister : ndtis sommes Chargés spécialement de placer la nation française dans cette heurense position. Nbhs avons fait uri grand pas à cet égard; en destinant JeS domaines nationaux à l'acquittement de la dette; mais cë n'est t(Ue le pl'ëmiër vehs une grande opératibh î c'est du mode de liquidation que vous choisirez, que dépend maintenant le salut de l'Empire:
Je ne m'étehdrài point aujourd'hlii sUr la question de savoir si la dettë constituée doit
entrer •en concurrence àVec lâ dette exigible* pour êtrë admise dans l'acquisition des
domaines nationaux; il me paraît tellement démontré quë ces Ueùx créanciers* Ue nature si
différente, ne peuvent pas marcher ensemble, que je ne crois pas quë les représentants de la
nation aient même lé droit de les confondre: Eu nous chargeadt de la dette constituée*
contractée avànthods par lësministres*
Dans le système, qui admet des. quittances de finance avec intérêt, et qui lés prive de la circulation attribuée aux premiers assignats, il elt certain qu'on ne pourrait leur accorder moins de cinq pour cent; c'est le taux actuel, c'est celui qui sèul peut Remplacer la privation d'un remboursement) qu'il ëst honteux et injuste de ne pas.faire. Qu'en arriverait-il? qu'au lieu de nous acquitter, noué nous endetterions ; tout le monde le verra, bien, et tout le monde perdra,.courage i en effèt> la plupart des officiels quë l'on va liquider në coûtaient point à la nation cinq pour cent : tout le surplus sera une dette nouvelle : est-ce là s'acquitter? ..'...i ,u
Prendrez-vous le parti de diminuer l'intérêt ? vous faites une grande injustice et une espèç^e de faillite partielle : on ne peut loyalement diminuer l'intérêt légal, que de gré à gré et en offrant le remboursement. Une nation;.just£ ne doit jamais oublier cette grande vérité; Une quittancé de,finance n'est qu une promesse de remboursement ; un assignat-monnaie est un remboursement effectif.
Déciderez-^vous enfin que les créanciers des officiers liquidés et autres seront tenus de se cohtenter de vos quittances de finance? alors vous faites un acte d'autorité bien plus extraordinaire et bien plus injuste qu'en donnant un cours dë monnaie à un papier : dans ce dernier cas vous exercez un acte de la. souveraineté qui appartient à toute nation, celle de battre monnaie, èn la rendant commune à tous : dans le premiër, vous avantagez un créancier pour ruiner l'autre, et; en vérité, cela n'est pas proposable.
Ne Va-t-on pas jusqu'à vouloir payer avec une quittance de finance sans intérêt et sans cours ; Si noua ne nous étions pas promis de bannir de cette tribdne le mot infâme, que cétte opératibn rappelle,1 je dirais:;: ce que vous me dispensez de dire.
Ou y ajoutera; dit-on; une prime; c'est autré chose. Nous examinerons tout à l'heure l'usage que l'oh peut faire de cette idée plus .raisonnable ; mais cette quittance avec prime n'est que négociable, et voilà uiie perte à craindre dans la négociation: Combien y a-t-il de ces malheureux propriétaires d'offices et de hos autres* créanciers; qui attehdéht avec anxiété votre détermination pour acquitter leurs dettes ? que deviendra la prime pour eux?. Gette quittance avec prime; si elle est le seul mdde de liquidation* offrira une nouvelle sdurce d'àgiotage ; toute quittance.de finance qui ne sera que négociable? auraèetriste sort; vous n'aurez fait qué.remplacer Un effet discrédité par un autre; qui le sera également. Celui dans les mains duquel reposera avec inertie ce malhëureux parchemin, et qui aura des engagements à acquitter, fera un sacrifice pour y satisfaire : ud autre sacrifibe suivra celui-là : alors lë nombre dë cëiix qui chercheront de l'argent; cet argent si rare^ accumulera sur. la place millions sur millions de valeurs négociables qui se heurteront, et qui n'ayant point le signe heureux;légal et fixe de la monnaie du souverain; feront monter l'intérêt de. l'argent à ud prii excessif : car vbus savez, Messieurs, j que quand un câpitâlistë trouve à la Boulse des effets à 30 ou 40 0/0 dë përte, le malheureux propriétaire^
le manufacturier ne trouve plus à emprunter à un taux raisonnable les fonds qui lui sont nécessaires.
Permettez-moi de croire, avec la plus ferme assurance, qu'au milieu des biens nationaux, de ces terres fertiles qui sont à notre disposition, nous ne tomberons pas dans cet état de dépression que je viens de dépeindre, d'après ma plus intime conviction.
Tournons nos regards vers le tableau plus consolant, que nous offre le système contraire aux quittances de finance exclusives, qui sont à mes yeux des immeubles bien redoutables : et d'abord avant d'entrer dans l'examen des effets que pourra produire une nouvelle émission d'assignats-monnaie, convenons qu'il ne peut être question de leur attacher des intérêts. Tous les principes 6ont bien reconnus à cet égard ; une monnaie territoriale ne doit pas plus porter intérêt qu'une monnaie métallique : telle a toujours été ma manière de penser ; elle est consignée dans mon opinion imprimée du 4 décembre 1789 ; j'y distinguais dès lors cette monnaie territoriale, des billets d'Etat portant intérêt ; j'y indiquais l'hypothèque spéciale sur des fonds dont la vente serait prochaine, comme la solide et inaltérable matière de cette nouvelle monnaie; j'y offrais même déjà l'idée d'employer la caisse de l'extraordinaire à éteindre successivement les assignats-monnaie, dont on n'osa pas alors ordonner l'émission, parce que l'opinion n'était point encore assez formée à cet égard ; c'est par une suite des mêmes ménagements, pour l'opinion naissante, que le comité des finances vous proposa d'attacher un intérêt aux premiers assignats. J'insistai fortement pour qu'ils ne fussent au moins que de 3 0/0, malgré l'avis des députés du commerce, qui en voulaient cinq ; vous l'avez ainsi décrété, mais il faut renoncer maintenant à ce palliatif, aussi coûteux qu'inutile. Il faudra même, après la première année révolue, ôter aux précédents assignats leur intérêt de 3 0/0 : enfin, nous devons voir plus en grand le mode de notre liquidation.
Je suis toujours étonné d'entendre dire qu'un assignat-monnaie, sans intérêt, substitué aux effets au porteur, ne diminuera point l'agiotage. Chacun entend* donc ce mot à sa manière ; car, assurément, on n'a pas besoin d'un agent de change pour négocier un papier qui a valeur de monnaie : il peut bien y avoir quelque variation dans le prix de l'assignat, lorsqu'il s'agit d'une vente volontaire ; mais cela provient de la nature même du contrat de vente, et non de celle de l'assignat : lorsqu'on parle de l'agiotage qui eut lieu du temps de Law, on perd de vue qu'il commença lorsque cet^cossais fit donner valeur de monnaie aux actions de sa banque, bien différentes de ses billets : alors des bénéfices éventuels firent concevoir. des espérances, engendrèrent des spéculations folles, et de là la terrible décadence qui suivit cette étrange opération. En vérité, je me reproche à moi-même de vous en entretenir, lorsqu'il s'agit d'une monnaie si différente, dont on ne conteste plus la solidité.
Je ne m'étendrai point sur les avantages multipliés qui peuvent résulter du grand et courageux parti de payer la dette exigible en assignats-monnaie : ceux-mêmes qui les combattent en conviennent ; aucune opinion ne varie à cet égard; on n'est divisé, ce me semble, que sur les inconvénients plus ou moins graves, plus ou moins multipliés qui étoufferaient ces brillantes qualités. Pour simplifier donc, et abréger infinement ma discussion, je uie contenterai de rappeler, en peu
de mots, que, suivant les propres expressions de M. Necker, auquel elles échappent au milieu de ses objections, cette opération est vaste et simple; qu'elle favoriserait la vente des biens nationaux; qu'elle débarrasserait du poids immense des intérêts de la dette exigible, et que la foule se presserait autour d'eux, pour les porter à leur valeur tout entière. Messieurs, il faut de bien graves inconvénients pour balancer de si grands avantages ; et si ces avantages ne se réunissent pas dans une autre opération, qu'il serait dangereux de l'entreprendre 1 car, si ces biens ne sont pas vendus cner et promptement, qu'avons-nous fait en les mettant à notre disposition ? Que faisons-nous dans ce moment à l'époque de l'année où nous sommes, si nous ne savons pas même comment nous vendrons, et avec quoi les acheteurs nous payeront !
C'est ici le lieu de faire l'application des principes que j'ai posés en commençant ; qu'une nation doit se faire une loi irréfragable de payer ses engagements à termes fixes, afin de faciliter toutes les opérations subséquentes : comment vous flatteriez-vous de recevoir les impositions de 1791, si vous n'acquittez pas au mois de janvier prochain les rentes et autres engagements qui seront , alors échus ? Comment aussi vous flatteriez-vous de voir se succéder rapidement les acquisitions des domaines nationaux, si vous ne répandez pas en numéraire tout ce que vous devez? Il faut payer pour vendre, comme l'a très bien dit un membre de cette Assemblée. Comment voulez-vous que les consommateurs fassent vivre les manufacturiers, si vous ne payez pas à ces consommateurs ce qui forme leur revenu? C'est donc au gouvernementà donner l'impulsion, il l'a fait au mois d'avril dernier par l'émission des 400 millions d'assignats; il doit continuer, sous peine de voir ses premiers efforts inutiles. Ce n'est pas en nous répétant sans cesse, et souvent avec une joie perfide, que nous n'avons, que nous n'aurons point d'argent, qu'on remédie aux maux de l'Etat: c'est en rassemblant ses ressources, en substituant enfin le numéraire territorial qui ne peut s'enfouir, au numéraire métallique, qui se cache.
A-t-on, surtout, à opposer quelque chose de bien solide à cet avantage si grand, si précieux pour le peuple, dont le sort nous est confié, d'imposer en 1791 et années suivantes, 100 millions de moins dans un système que dans un autre? Quelque chose que l'on oppose à cela, je crois et je pense que lorsque la nation saura que la nouvelle émission de papier lui épargne une surcharge aussi considérable, elle bénira les assignats qui lui procureront ce bienfait.
J'entre maintenant dans l'examen des inconvénients qui peuvent résulter d'une nouvelle émission d'assignats; et, en convenant de quel-ques-uns de ces inconvénients, parce que dans tout système il y en aura toujours, je tâcherai de démontrer qu'on exagère les dangers, et qu'il est possible de faire cette grande opération sans injustice et sans convulsion.
Tous ceux qui ont parlé jusqu'ici contre elle, accompagnent leurs arguments et fortifient leur cause de cet effroi qu'inspirent, au premier coup d'oeil, 2 milliards d'assignats, qui, répandus au même instant dans la circulation, comme un torrent destructeur, doublent tous les prix en doublant le numéraire ; c'est toujours contre ces 2 milliards réunis que l'on dirige les attaques. Mais, Messieurs, comment ne voit-on pas qu'il est impossible, même physiquement, que ces
2 milliards paraissent tout à la fois? Qui ne sait que la longueur de la fabrication est même un des inconvénients inséparables d'un papier-monnaie prudemment composé ? Que l'on avoue donc au moins que cet inconvénient, qui est réel, contribue à diminuer le danger d'une grande émission; qu'on ne présente pas continuellement 2 milliards au lieu d'un aux esprits timides et aux préjugés si faciles à émouvoir en cette matière. Les opérations d'une liquidation d'offices nombreux sont encore une cause de retard pour l'émission ; il faut bien plus de temps qu'on ne l'imagine pour vérifier des titres et constater la propriété, opérer les compensations, recevoir les oppositions, etc.
Enfin, lorsque les biens vont être en vente; lorsque les enchères seront ouvertes dans 550 districts; lorsque les adjudications feront rentrer successivement les assignats qui seront donnés en payement, précisément au moment où ils commenceront à se multiplier, ces trois causes se réuniront pour tenir les assignats dans la proportion naturelle aux besoins de la circulation, et pour rassurer les bons esprits sur cette prétendue exubérance, qui n'est à mes yeux qu'une chimère et une fausse supposition.
D'un autre côté, s'il est vrai, comme je le pense, qu'il ne soit pas sorti autant de numéraire de France qu'on se l'imagine, je crois cependant qu'il en est sorti assez pour que l'on puisse évaluer à moins de 2 milliards, celui qui existe dans le royaume, et que je crois très insuffisant. De ces 2 milliards, par une faute du gouvernement, un tiers est en or, et l'on sait combien l'or circule peu en comparaison de l'argent, même dans des temps de prospérité; peut-être un tiers du surplus, ou un quart, est-il enfoui par la crainte, la cupidité ou la malveillance. Si un milliard seulement est employé aux besoins usuels indispensables, et qu'il soit vrai, comme je pense, qu'on ne verra guère plus d'un milliard ou 1,200 millions d'assignats répandus à la fois, leur émission ne ferait donc que rendre à la circulation ce qu'elle a perdu par les troubles qui ont agité la France: s'il y avait un excédent, dans mon opinion je m'en féliciterais ; et dans l'opinion contraire, ce serait tout au plus dans cette légère proportion que le prix des denrées pourrait être augmenté.
J'ai entendu dire qu'une émission subite de 2 milliards d'écus en France serait moins funeste que celle de 2 milliards d'assignats, parce que ces écus, se répandantdanstoute l'Europe, feraient partout hausser les prix ; ce que ne peuvent faire des assignats qui ne sortiront pas du royaume. Je n'examinerai point dans ce moment, s'il est incontestable que nos assignats ne seront jamais reçus par nos voisins ; je vous ferai seulement remarquer que lorsque l'on nous menace de voir bientôt s'écouler le numéraire métallique chez nos voisins, il faut donc convenir aussi que, dans ce cas, le numéraire, surabondant alors chez eux, fera aussi augmenter les prix de leurs denrées ; ainsi, l'observation n'est pas fort importante. Ce qui me paraît l'être davantage, c'est que, dans plusieurs des précédentes opinions contraires aux assignats, tantôt on nous menace de voir ces terribles assignats chasser ou faire resserrer les écus, et qu'au même instant, dans une objection subséquente, on nous menace aussi du doublement des prix. Il est commode de raisonner ainsi et de se faire une arme à deux tranchants ; mais ces deux tranchants étant aux deux extrémités de l'arme, ils ne peuvent frapper deux coups à la
fois : il faut opter de l'un ou de l'autre fait; car ils ne peuvent pas exister ensemble; il ne peut y avoir à la fois surabondance et disette d'argent; il ne faut pas ainsi cumuler, par des sophismes, deux raisonnements contradictoires; car on pourrait dire aussi : ou, les écus disparaissant, le nouveau numéraire est indispensable, et les prix de doublent point; ou, si ces prix augmentent, le numéraire territorial ne chassera donc pas le numéraire métallique. Vous voyez, Messieurs, combien il faut être en garde contre des calculs de théorie.
La raison, la sagesse trouvent aisément la vérité dans la route qui sépare les deux extrêmes; et il y a tout lieu de croire que, ni la sortie du numéraire, ni le haussement du prix des denrées, ne seront tels qu'on veut nous le persuader. Qu'on ne craigne point surtout le renchérissement du blé; car son prix ne dépend que de son abondance, plus ou moins grande, et du nombre des consommateurs : or, les assignats n'y changent rien.
Lorsque l'on ouvre des enchères pour une quantité d'immeubles égale au nouveau numéraire, celui-ci ne peut pas être regardé comme luttant contre l'ancien; l'un et l'autre ont un nouvel aliment dans la facilité d'acquérir deux milliards de capitaux de plus.
L'assignat a, outre cela, l'avantage précieux de servir d'abord à la circulation; et ensuite, si l'excès du numéraire se fait sentir, de venir prendre place dans les enchères, et s'y anéantir sans retour.
Je sais que, quand deux signes représentatifs des valeurs se trouvent en concurrence, il s'établit entre eux une différence-, je sais que cette différence entre la monnaie d'argent et rassignat de deux ou trois cents livres, peut ajouter quelque chose à la différence des prix; mais il ne faut pas juger l'avenir par le préseut; il ne faut pas croire que lorsque l'ordre sera parfaitement rétabli dans vos finances ; lorsque les impositions seront fixées en proportion des charges et sur des bases raisonnables ; lorsqu'enfin vous aurez pris un parti sur la liquidation même que nous , traitons dans ce moment, la détresse sera la même. Aussitôt que vous aurez remis les rentes au courant; lorsque vous aurez remboursé les capitaux exigibles à la fin de l'année (et ces deux mesures sont très importantes) ; lorsque vous aurez assuré par les assignats mêmes, le remboursement très prompt de ce qui n'était que successivement exigible ; lorsque vous aurez enfin nettoyé la place de toutes les sources de l'agiotage, et fait par conséquent baisser l'intérêt de l'argent, il ne faut pas, dis-je, croire que toutes ces améliorations accumulées soient sans effet; et il me semble que l'on peut, sans se flatter, présager d'heureux changements dans toutes les parties.
Dans le moment actuel, une chose qui paraît peu importante au premier aspect, contribue à rendre les payements en assignats difficiles; c'est leur coupure ; elle a été malheureusement commandée impérieusement par celle des billets de la caisse d'escompte : l'échange indispensable de ces billets en assignats ne serait pas praticable, s'ils n'étaient pas calqués pour la somme les uns sur les autres.
Mais il sera très essentiel, lorsqu'on fabriquera de nouveaux assignats, de les couper de manière qu'il y en ait de deux cent cinqnante, de cent cinquaute et de ceat vingt-cinq livres. Ces assignats nouveaux, aiuii coupés, circulant avec les
anciens, offriroht, dans tous les payements, des appoints ët dés échanges faciles. Lés appoints eh argent serdnt moins forts ; ils Sërodt prëgquë toujours au-dessous de vingt-Cinq livres:
AltirS l'argent étant moins nébessaire pour les appoints des grandes caisses, le numéraire ne sera recherché c(ue pour les besoins usuels des cômestiljleâ et des salaires, et son prix diminuera visiblement.
Je në parle point ici des petits assignats; ce dbit être l'objet d'une discussion particulière ; et j'espère aussi, Messieurs, qu'on s'occupera incessamment de la question plus importaiitë encore, ét qui ëfl est inséparable, de savoir s'il est juste, ràisbHnable el prudent de sévir contre céui qui appbrtëht de l'argent ati marché, comme on y apporté du blé, letjuel est assurément utiedenrëë aussi nécessaire. Né distingue-t-dn pas; mêmiè danô l'opiniofl populaire, un marchand de blé qui apporte loyalemerit son grain dans la place publique, de celui qui l'accapare et l'entasse ? On bénit le marchand ; on maudit l'accapareur. Je n'examine pas si l'on confond, ou non, trop souvent l'un avëc l'autre; mais je dis, eh suivant cette comparaison qui est à la portéë de tous : ne pourf-ait-dri pas, avec Un pas de plus vers la lumière, distinguer lë marchand d'argent qui le vendrait publiquement et loyalëment au taux de la placé, de celui qui l'acëaparèrait poUl' en faire un cdrrirriërcë usUrairë ? Déjà lin membre de cette Assen blëe vdus a prdposédes vues très sages sur cet bbjet, que le comité des finances a pris en considération. Quand l'argent est le seul sighe represëntâtif, il në peut faire l'objet d'ull commerce; mais quand il y en a deux, le commerce s'établit malgré tout le môhde, parce qu'il èst fondé sur la nature des choses. A Amsterdam; on cote les piastrës et les ëeus à la Bdurse, comme lés.autres êffëtS ; publicité et Concurrence dans cette négociation comme dans les autres, vous verrez freriaître l'aboritlarice.
Jë hë m'étehds pas davantage dans ce moment sur cë grahd moyen, qui fonde à moi ihës espérances, ët qui dëviéndra par la suite; si je ne me trompe, le gage dë udtf'e tranquillité. Jë vdus obsërverai Èeulëment qUë toutes les questions secondaires de cette tiaturé ne doivent être examinées qu'après votre première décision sur le modë de liquidation ; et cette observation est digne d'attention; Car, Messieurs, dans ce moment où je vois s'agiter tous les intérêts pour oU contré l'amour-propre ; même s'animer sur la question principale ; lorsque je vois l'opinion se promener d'uh système à l'autre, suivant l'adresse ou l'éloquence dës opinants et dés écrivaths, il serait aahgereux d'asseoir son opinion sur les questions secondaires : ellês se décideront beaucoup mieux par la suitë; après votre déchet sur la question de savoir si leshbuveaux titres seront Une monnaie ou non. Alors toutes les opinions étant fixées, tous les intérêts étant obligés de se soumettre, les talents; les lumières, l'amour-propre lui-même, car je he le perds pas dé vue, se réuniront pour vous offrir lés moyens dë diminuer ou dë faire disparaître les inconvénients inséparables d'unë opération vaste et hardie; triais nécessaire, mais la seule qui change vraiment notre position, la seule digne d'un grand peuple qui se régénère.
Oii objecte l'augmentatibh du prix des Salaires, par coiiséquent l'exportation de notre numéraire réel par la bàlaflce dtl corrimërce, et par l'altération des chahges à notre désavantage; Examinons bette objection.
J'ose Vous dire, Messieurs, qu'on vous trompé-rait fort, si l'on parvenait à vous persuader que nous avons à craindre que cëttë balance puissë jamais être contre nous et à l'avantage des autres nations, Considérées collëctivëhiënt: Sans ddhte,; dans des temps malheut-eux, au moment d'une révolution, où tout un peuple, occupé de sa liberté, néglige son industrie,, l'on voit diminuer ses salaires, et 1'avahtage est moins grand pour nous ; mais la balanee penche toujours de notre côté, ët bientôt elle reprendra avëc usure ses avantages ; la baisse du change est précisément l'antidote du renchérissement, et jë vais le prouver.
On pourrait faire un livre sut* des questions de cette importance, et je n'ai que le temps dë les parcourir : il m'a semblé qu'Un eXemplë très siihplë el à la portée de tout le monde, pourrait résoudre la question en peu de mots; Gomme lé résultat de cet exemple m'a frappé par sa simplicité, peut-être vous frappera-t-il aussi; peut-être vous tranquillisera-t-il complètenient sur des conséquences, qui ne sont pas si dangereuses que l'on veut voiiS le persuader.
Une aune d'étoffe, qui se vend à un Anglais 3 livres tournois, lorsque le change est au pair; est payée par cet Anglais avec 28 deniers stërlirig de sa monnaie ; par la baisse du change à notre désavantage, cet Anglais peut payer ces mêtiies 3 livres tournois avec 26 deniers sterling. Il souscrira donc très facilement à payer cëttë même étoffe quelque chose de plus, puisqhecë nouveau prix në représënte pour lui que les 28 deniers sterling qu'il donnait auparavant, et cependant l'augmentation payera en France le renchérissement de la main-d'œuvre au fabricant français: Vods voyez qUe notre commerce d'éxpdrtation në peut souffrir d'Une nouvelle émission d'assignats; ert supposant même qu'ils fassent baisser hdthe change; et que la balancé de notre ctlmiherce rie sera point dérangée, cotnme on le dit : je saià bien qU'on pourra me rétorquer l'argument poUr le commerce d'importation ; mais qu'en résultërà-t-il ? Que l'on ïachètera moins de marchandise^ étrangères, et tant mieux pour nos fabriques; il faut tendre à notis passer de tout ce tjhi n'est pàs matière première; et nous concerter même pouf* y parvenir.
Ne vous laissez donc pas séduirë par des terreurs que la réflexion peut aisément détruire, et ne perdez point de vuë, j'ose le dire, qde si le commerce est digne de toute votrë prdiëctioil; il ne faut pas croire non plus que l'intérêt particulier du négociant, qui vfeut faire une grande fortuné, soit toujours lë même que l'intérêt national. Nos grandes fabriques, ce stint les atëliët'S de la culture; tout ce qui peut contribuera faire augmenter la valeur de nos productions territoriales forme le Véritable intérêt d'unë nation, qui est surtout destinée à être agricole.
Je ne m'étendrai pas Sur ces suppdsitiOns gratuites de Voir tomber les assignats au pdlnt dé përdre jusqu'à 50 0/0; dn a mèthë dit 100 0/0. Ce sont de cës ligliréS oratoires qui ne font plus d'impression depuis que l'opinion publique a placé l'aséigrtat dans un râhg tout différent qu'un papier sans hypothèque spéciale :on ne doute plUs de Sa solidité; il rie faut donc pas ltii présager le sort qu'éprouverait un papier fragile: La seule perté qu'il puisse éprouver; est, cdfrimeje l'ai dit, la différënce qui existe entre une monnàie commode pour les détails, ët unë pièce dë huit ou douze louis, qui ne peut servir aux mêmes usages. Urië preuve bieti évidente que c'est là là seule cause tle la différence, c'est (lue les petits
assignats sent plus recherchés que les gros : sont-ils plUS Solides ? Non ; mais ils sbfit plus commodes: Uh vo^agënr paye les ldûis qu'il emporté; uh marchand, pâyë quelquefois le billdn dont il a besoin poiir rendre à l'acheteur en détail\ qui n'a que des pièces d'argent. Que l'on ne vientié ddtic plus iibus dirë que lorsque les ëttChères des biens hàtiobaUx sëront ouvertes, l'assignat perdra plus eticdrë qu'il ne perd aujourd'hui ; bar bn dirait lihe chdSe vraiment déraisonnable. Danà ce mbihëiitj; où aucune issUë n'èSt èncore oufette à letir ébbûlémërit, la monnaié peut gâgnér sur eux au delà de la proportion ordinaire, comme la pétite monnaié sur une grbsse pièce de métal; mais ils ne perdent paS effectivement. Nbn, Messieurs, ils de perdént pas même dans les marchés Volontaires ël dans lës acquisitions. Je vous lë demande à vous, propriétaires de terres à vendre, qui cherchez des acquéreurs; à voua propriétaires de maisons, dont le prix était déjà tombé avant la première étniSsion des assignats, ne VoUS croi-riëz-vbUS pas heurëtix de vendre promptemëdt et d'être pàyés ëii assignats 1 Et volis, commerçants ou âutrës, qiii chërchez à négocier Vbtrë papier, sont-cë les lettres de bhange qui sbnt rècherchées pdbr dès assignats, ou ceux-ci pour deë lettres de cliàngë? N'a pas dés assignats qui veut, dit lë peuple, et il a raison.
Ne cràigttez ddnb pas qu'une émission qui né séra tjùë progressive, deViehne dësastrëusë ; nous në sommes paS encore àU moment où les assignats roulërdnt à grands flots dans lës ventés dés biehS dortianiâUx: mais ce momebt apprdche; alors ilSprëndrdUt lëtir niveau. S'il était possible qu'une trop grande àbondance se fît sedtir, qu'ils fûs&éhl, jë lé siippoSL' polir Un itibhlent, donnés à 10 0/0 dë Jjferte; alors ne Seraient-ilS pas recherchés par ceux qui voudt-aiënt, gagner Ce dixiêmë sur le prix d'Une vente dans laquëllë ils seraient reçus pour leur valeur entière ? La caisse dë l'eitraordinaire n'ëst-êllë pas là pour les engloutir ?
On nous parle contihuellemént du Sbrt de ceux dui në devant rien, et recevant un remboursement tlë lëur& débiteurs; Seront fort embarrassés de leurs assignats. Mais d'abord, si ces dêbitéurs lës avaient payés en argent, qu'en auraient-ils fait ? L'aUraient-ils gârdé Satls le placer ? Dans cé 6as, ils auraient perdu l'intérêt de leur argent; ainsi ils n'éprouvent aucune pértëën gardant cës assignats. D'ailleurs, quand on traite cette question ën adihinistratëUr, on ttë doit jàuiais regarder favbtetblemënfc ceux qui ëhtërrent lëur argent, surtout dans lës circonstances présëntes: A Dieu hë plàisë qlie jë révoqué en doutë le droit sacré de la propriété, et que je» puisse croire du ffid-mëût c(ué l'bn puissë blàfflër un possesseur d'ar-gëttt qui fait bë qu'il veut de cé gënré de propriété, cdmrilè de tout autre; niais je dis que lés législateurs ne doivent pdifit fâvdHâér cëttë maniêrë H'dsër de sa propriété, et dë paralyser ses Capitaux; je dis quë toate bporàtioh qui tend à la combattre eBt bonue et juste: Mais/ më répliqtie-t-bh, voUs n'outre» à Celui qu'Oïl rembourse aucun alitrë débouché que celUi de 1'acquisitlou d'une terre, et il n'a pas lë goût dë cette espèce de propriété, tdUs le gériez injustement. Non i car il y a des JJrdi»riétaires de contrats surlë gbutërnemënt qui serobtfort aises de le§ échàttgërconti ëdësassignats, pour acquérir des terres. Mais il n'aime: pas lës contrats; à là tionrië tlëdre : eh bien ! il y a des fonds lié commerce à vendre, il y à des manufactures à Soutenir; il y à des arts àehedufagër, dès maisons à acheter, tant d'autres plaebalétitâ
à faire. Il tt'aimë pas tout cela ; je pourrais lui dirë : N'âehetez rien, et rëstëz aVëc de boils assignats, dont là base répose sur Un champ immUâ-ble; mais Biëntôt je lui offrirai Un débouché très favdrablë.
OcCUpbnS-noUS d'àbdrd, MëssieurS, de tids-créanciers directs, carërtfitl c'est à ëUxqlië tidUS avons affaire; cë sont edx qui nous ont fourni en ëspèceS lës fonds, quë noUs Sbmmes Obligés dë lëUr rendre êri monnaie équiValëntë; c'est pdUr eux surtout quë nous deVods chercher Uti mode de liquidation; qui concilie lëUHi bësbitls âveb l'ëmbarras dë nos fidaticeiS: Jë ddls à.bette oc6à-sion prévenir Unë objëCtion que j'entends fairë tdUà lès jours, et qui n'est nuliertiedt fondée : on dit que là jflus grande partië de cëâ créanciers que l'Gd plàint tànt, né Sont pas les créanciers ofrigi1 naires ; qu'ils ont acheté â pertë, et qu'ils poUr-raient bien, sans itljtiSticë; être soumis à Quelques sacrifices. Faites attention- je vOuS prié; qu'il n'ëSt pas question ici de la dette constitUéë; noUs parlons de la dette exigible taontaht à 1,900 millions. De qUbi est-elle composée ? Elle l'est, pour léd dëux tiers, d'offibeS; de cautionnements; dëâ dîmes inféodées, de la dette dë l'aneieh Clergé; dës adhuités de la ca'ssè d'ëScompte et dés ho-taireS; de tout l'arriéré} ces différentes espèbëè dë finances ont été Sûrement fobrniésëttéhtierbiif' les propriétairëS actuels lors des acqttrëitioHS ou des remplacement^ ; sur lës 1,900 tfill-lions, 600 tout au plus otit des billëts au pdftëUr pour OH^lflëj et unë très grande partie p.eut se trouver eiltrë lës mains des premiers. plorleUrè: Mais la positidh des UouVeauX acquéreurs ëst-ëllë plUà défatoràblë ? Ndti,> Messieurs : car il lié faut pas croirë qUë le poS^ësSeur actuel sdlt pr6-cisément celui qui à acquis dans lé& momehts de la plus grande baisse dës effets ; les dpéeulatëdrS} qui les acHètént alors, ont bien soin de les re-vendre dans le moment de là haussé. Quant adx agioteurs, ils ne sont pas Si honnêtes; ils ne sbnt point prdpMétàirës des effets; ils prêtent à 10 et 12 0/0 sur le gage ou dépôt de ces ëffëts ; c'est à vos malheureux créanciers qU'113 prêtent dirisi ; ed sorte qUë; tfèndant toUt h- temps bù vous suspëbdez vos remboursements, vdS brëancierS sddt dâriS la cruelle altërdativè, pour écquittef leurs engagëments, ou de véndrë le capital â perte, du de rehgàger à un intérêt énormé; Voilà lès maux daus lesqdëls tous lesj rëplollgei; Si VouS lëS remboursez én effets SèUletiiéHt négcP ciables; il u'j a guère de raiSoh pour qu'un parchemin heuf pèrde béaucdUp mdifis qu'Ud vieux.
Il eSt tëmps ; Messieurs , de vous dëvëlbppël' mes vUes SUr lë mode de liquidation qui me pi-; raît concilier tout à. la fois la justice duë aux créanciërs de l'État; ët les mébagemëdts tJU'ëxlge notrè positiofl, sans nous livrër à Unë ëliiissibii trop ribmbreusë d'assignats, qui paraît effrayer cëux mêmes qui recbnnaisseht leur utilité:
Jé rappelle ici le principe incdtiteStablë qu'il faut absolument rëtiibourser en ëspècëë, cë due l'on a rëçù én espèces» ou bien s'ariangbr avec son créancier;je rdppelle t[u'll n'ëstpas pdssiblë dé réduire riutérêii si cë n'est de gré à ^ré*, jè rappelle qu'ëd attachant, à deS quittancés de finance un intérêt dë 5 0/0, vous iriez contre votrë objet principal, celui d'accélérer les ventés : je rappelle enfin le beSdin réel que noUs àvobs d'un numéraire tërritbrial; au défaut du numéraire métallique qui së cache.
Jë pénse donc que tout Së réunit pour laisse!'10 choix au bi éancier, quel qu'il soit, de la dette
exigible, entre des assignats-monnaie sans intérêt , et des obligations nationales portant, non pas un intérêt, mais une prime raisonnable. Ici la prime, même modique, u'est point une injustice ; parce qu'il y a auprès l'alternative de l'assignat. On recevrait les uns et les autres concurremment avec l'argent dans les ventes.
Je ne puis être de l'avis de ceux qui voudraient que l'argent ne fût pas reçu dans les ventes : il me semble que cette opinion n'est appuyée d'aucun motif convaincant. D'abord c'est une idée assez extraordinaire d'exclure des enchères une monnaie, qui concourt avec les assignats, et même obtient quelque avantage sur eux dans tous les autres marchés de la société. Je ne sais pas si l'on aurait le droit de prononcer cette exclusion, et je n'en vois nullement l'utilité. Tous les écus qui arriveront dans les caisses des districts ou dans celles de l'extraordinaire ne seront pas, il faut en convenir, difficiles à échanger contre des assignats, et peut-être le cas arrivera-t-il rarement. Aussi j'abandonne absolument cette idée qui pourait entraîner avec elle l'inconvénient particulier de donner beaucoup d'humeur à l'habitant des campagnes, qui, dans les premières ventes surtout, peut avoir de l'argent à offrir, et non pas des assignats, encore moins des obligations nationales. Au reste, on pourrait peut-être accorder à l'assignat le droit de provoquer l'enchère, niais au moment du payement la préférence me paraît illusoire.
Je préfère la dénomination d'obligation nationale à celle de quittance de finance, décriée sous l'ancien régime, et qui présente l'idée d'une valeur moins active.Les nouvelles dénominations ne sont pas tout à coup indifférentes.
Je fixe la prime à 3 1/2 0/0 parce que c'est la proportion du revenu des biens-fonds.
Le choix laissé au créancier entre ces deux titres de nature si différente me paraît fondée sur la justice, et répond à presque toutes les objections des adversaires des assignats; car leur émission ne sera plus aussi considérable, et les créanciers seront plus heureux.
Ne perdons pas de vue, Messieurs, qu'il s'agit ici d'un assemblée de famille, si j'ose m'exprimer ainsi, où se trouvent réunis tous les créanciers et tous les débiteurs ; avec cet avantage, que la souveraineté qu'exercent leurs représentants au nom de cette immense famille , dans laquelle cette souveraineté réside, lui donne l'heureuse facilité de pouvoir aider les plus malheureux avec un numéraire territorial, aussi solide que la monnaie métallique, et qui doit bientôt disparaître par la vente d'une grande quantité d'immeubles , qui en sont le gage inaltérable et visible.
Comment serait-il possible de se priver raisonnablement d'une ressource aussi précieuse?
Le créancier qui sera pressé de se liquider demandera des assignats, et celui qui préférera un effet accompagné d'une prime, sera admis à opter pour ce mode de liquidation.
Il est bien important que les 3 1/2 0/0 soient en forme de prime, au lieu d'un intérêt annuel : 1° afin de soutenir la célérité des ventes, ce qui est très essentiel. Un intérêt engage à garder l'obligation ; une prime, qui n'a son effet qu'au moment de la vente, déterminera à acheter; 2° afin d'avoir la certitude qu'en 1791 et années suivantes, vous aurez moins à imposer que dans tout autre plan. Ce soulagement est de la plus grande importance dans un moment où vous changez le mode de toutes /es impositions.
Or, c'est ce qu'opère la prime qui ne se payera qu'en déduction du prix de l'acquisition du domaine national: cette prime non seulement ne sera point onéreuse dans ce moment-ci, mais ne coûtera rien à la nation, parce qu'elle fera acheter un peu plus cher.
Je suppose que la moitié seulement des créanciers opte pour les quittances de finance; vous auriez 950 millions de nouveaux assignats à émettre dans le public: je vais vous offrir bientôt un moyen de leur donner un nouvel écoulement, indépendamment de celui des ventes continuelles.
L'émission des assignats, n'étant que successive, comme je vous 1 ai observé déjà; les ventes que cette opération rendra nécessairement plus rapides, éteindront non seulement des assignats à mesure qu'il en paraîtra de nouveaux, mais des obligations nationales avec leur prime.
Voici maintenant ce que je propose pour tranquilliser de plus en plus surla multiplication des assignats , et pour l'avantage de ceux qui n'auraient pas déplacement à faire sur-le-champ, après avoir été remboursés en assignats.
Je crois parfaitement juste et raisonnable qu'il soit libre en tout temps aux porteurs d'assignats de venir les échanger contre des obligations nationales. Dans ce cas, les assignats seront brûlés, comme quand ils seront reçus en payement dans les ventes.Cette alternative continuelle,laissée aux créanciers remboursés et à tous autres, doit donner une grande impulsion au crédit public, et inspirer la plus entière confiance dans la loyauté de la nation, comme dans les assignats.
On ne pourra jamais venir échanger des obligations contre des assignats : 1° parce qu'un assignai entré à la caisse de l'extraordinaire, ne doit plus en sortir ; 2° parce qu'une obligation nationale n'aura jamais été reçue que de gré à gré.
Mais, Messieurs, je ne borne pas là l'opération; pour la rendre complète, il y a une dernière issue à donner aux assignats dans une époque plus éloignée; cette dernière mesure répondra à bien des objections, et remédiera, autant qu'il est possible, aux inconvénients inséparables de tout ouvrage humain.
On nous objecte que les biens ecclésiastiques ne suffiront peut-être pas pour asseoir la base de la totalité des assignats et des obligations nationales.
Je réponds d'abord que, si vous vous décidez par la suite à vendre les bois des anciennes communautés ecclésiastiques, dont vous avez suspendu l'aliénation, l'objection tombera à mes yeux.
Je réponds, en second lieu, qu'après avoir été justes envers vos créanciers directs, vous l'êtes vis-à-vis de ceux mêmes qui n'ont d'autre rapport avec le Trésor public que leur qualité de citoyens, et cette qualité vaut bien la peine qu'on s'en occupe. En effet, il ne faut pas oublier que pendant tout le temps des ventes, ils ont la liberté d'échanger les assignats contre les obligations nationales, soit de gré à gré par la négociation, soit à la caisse de l'extraordinaire.
Mais aussitôt que les ventes seront consommées, il sera très aisé d'ouvrir un emprunt à 4 0/0 où les assignats seront reçus et aussitôt éteints.
Si malheureusement, Messieurs, vous prenez le parti de ne donner que des quittances de finance négociables en payemeut à vos créanciers, vous n'avez rien fait pour eux, vous n'avez rien fait pour la diminution de la deue publique, vous
convertissez un papier stérile en un parchemin tout aussi stérile, vous ne soulagez point le peuple d'une grande masse d'impositions; vous manquez la plus belle occasion de vous acquitter d'une manière éclatante, prompte, juste et généreuse.
Avant de conclure, j'insiste particulièrement pour que les premiers assignats, qui seront fabriqués sans délai, soient employés à pourvoir à quelques besoins du Trésor public, qui pourront se manifester d'après l'avis de l'administrateur des finances, que nous ne pouvons pas négliger. Comme l'échange des billets de la caisse d'escompte va lentement, et que l'on a de l'avance sur les billets à échanger, par le nombre plus considérable d'assignats déjà fabriqués, il est possible d'indiquer une mesure prompte à cet égard. J'insiste, en second lieu, pour que l'on ouvre, au mois de janvier prochain, le payement des deux semestres des rentes de 1790 et celui des pensions. C'est un objet de 84 millions pour les rentes, en ne comptant pour l'arriéré qu'un semestre, et peut-être douze millions jjour ce qui sera dû des pensions. Il faut aussi qu'à cette époque on acquitte, avec la plus grande exactitude, les cent huit millions de la dette exigible, qui échoient au mois de janvier 1791. Il faut enfin compter sur quelques liquidations d'offices consommées alors, et sur une portion des cautionnements la plus instante à rembourser. Tout cela prouve de plus en plus la nécessité d'une fabrication actuelle et prompte de six ou huit cents millions d'assignats, et d'une quantité proportionnée d'obligations nationales. Vous voyez, Messieurs, combien il est instant que vous preniez une détermination.
Je dois, a vaut de finir, répondre à une objection qui m'a été faite, qui peut avoir été faite à d'autres, et qui pourrait perpétuer une erreur. On reproche à l'Assemblée nationale les premiers quatre cents millions d'assignats, en ce sens qu'ils ont, dit-on, consommé autant d'immeubles sans éteindre des capitaux. On ne fait donc pas attention que ce sont des capitaux, au contraire, que les quatre cents millions décrétés remboursent tous les jours. Car cent soixante-dix millions éteignent la créance delà caisse d'escompte, qui formait un capital ; cent trente millions éteignent les anticipations, qui formaient un capital, et portaient intérêt à 6 0/0. Enfin, l'arriéré des rentes dues sur 1789, qui se payent couramment, montaient à cent millions ou environ ; c'est encore un capital éteint ; car tout arriéré, quand une nation est jusle, finit par former un capital portant intérêt. Si donc, dans les derniers mois de l'année présente, une portion des nouveaux assignats remplace des revenus non encore recouvrés, c'est une loi à subir, et une loi impérieuse, celle de la nécessité ; mais ces revenus n'étant que retardés, on peut regarder une quantité équivalente de nouveaux assignats comme représentée par les arrérages des impôts directs qui rentreront successivement sur l'exercice 1790. Il y a plus ; vous avez pour éteindre séparément ces assignats les deux derniers termes de la contribution patriotique, qui n'auront point de destination, dès que l'impôt de 1791 sera pleinement établi.
Je me résume : tout plan de liquidation qui ne porte pas sur une émission d'assignats ne peut être regardé comme une véritable libération ; ce n'est qu'un changement de titres, aussi favorable à l'agiotage et aussi funeste aux créanciers
qu'écrasant pour le peuple, parla surchage d'impôts qu'il occasionnera.
Dès qu'il est reconnu de tout le monde que le3 assignats sont une monnaie très solide, et qu'en douter dans cette tribune, c'est, comme l'a dit ré-cemmentun écrivain profond, un crime de lèse-nation : dès qu'une portion du numéraire métallique ne circule pas, et que ce qui circulera d'assignats en concurrence avec lui ne fera que remplir ce vide : dès que l'excédent lui-même ne ferait que donner un encouragement de plus aux entreprises de culture et de fabrication : puisqu'enfin, en donnant une option aussi juste que prudente à nos créanciers directs, nous pouvo n s évi ter les inconvénients et l'effroi qui peuvent résulter d'une quantité trop grande d'assignats-monnaie, pourquoi hé-siterions-nous encore ? N'écoutons point avec trop de facilité ces réclamations intéressées de plusieurs villes,de plusieurs départementsmêmei, ni celles de quelques banquiers qui voient avec peine s'échapper leurs immenses bénéfices, ni même celles d'un certain nombre de commerçants qui perdent quelquefois de vue, et peut-être sans s'en apercevoir, l'intérêt général du commerce et des manufactures, pour s'occuper de celui du négociant et du manufacturier; les commerçants, Messieurs, vont être les financiers des provinces; nous pouvons, sans les combler de richesses, encourager très efficacement le commerce et les arts. Ils seront bien dédommagés du prix d'achat nécessaire au payement des salaires par le bénéfice résultant de la multiplication des ouvrages occasionnés par l'accroissement du numéraire.
Hâtez-vous, Messieurs, de décréter enfin une nouvelle émission d'assignats, car bientôt il ne sera plus temps de le faire.
PROJET DE DÉCRET.
1° La dette exigible sera remboursée en assignats-monnaie, ou en obligations nationales, au choix du créancier.
2° Les assignats-monnaie ne porteront point intérêt.
3° L'intérêt accordé aux premiers 400 millions d'assignats - monnaie cessera à compter du 15 avril 1791.
4° A cette époque, le trésorier de la caisse de l'extraordinaire, en payant les intérêts de l'année échue, retranchera de l'assignat tous les coupons qui y étaient annexés.
5° Les obligations nationales ne porteront point intérêt ; mais il leur sera attribué une prime de
3 1/2 0/0 par an.
6° Cette prime ne sera payée qu'au moment où l'obligation nationale sera donnée en payement d'une acquisition de domaines nationaux, et formera déduction sur le prix de l'adjudication.
7° Les assignats-monnaie, et les obligations nationales seront reçues pour comptant dans le prix des ventes des domaines nationaux, concurremment avec l'argent monnayé.
8° Il sera libre à tout porteur d'assignats de les échanger à volonté contre des obligations nationales à la caisse de l'extraordinaire pendant tout le temps des ventes.
9° S'il arrivait qu'après les ventes consommées, il subsistât encore des assignats ou des obligations nationales, elles seront reçues les unes et les autres pour comptant dans un emprunt à
4 0/0, qui sera ouvert par la suite : ils seront alors brûlés comme l'auront été successivement
les précédents effets de la même nature, en rentrant à là caisse de l'extraordinaire.
10° Aussitôt après le décret rendu sur le mo^e de liquidatipp, le comité des finances proposera un projet de décret, pour prévenir la cjiprté de l'argent, soit par la publicité et jpi concurrence de son éphange, soit par tous les autres moyens secondaires qui pourront y concourir.
(Ce discours est fréquemment interrompu par des applaudissements. L'Assemblée ep ordonne l'impression).
annonce l'ordre du jour de demain,La première séance sera ouverte à 9 heures dp matin.
La séance est levée à trois et demie.
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
secrétaire, donne lecture du
Êrocès-verbal de la séance d'hier. Le proeès-ve^ al est adopté.
député du département de la Loire-Inférieure, obtient un congé d'un mois.
député du département des Landes, demande un congé de deux mois qui lui est également accordé.
au nom du comité de Constitua tion, dit que des difficultés se sont élevées coq* cernant la validité des élections de Mauriac, département du Gantai; le comité, après examen, propose de confirmer provisoirement ces élections qui se spnt faites le 2 septembre, en chargeant toutefois le département de prendre connaissance des faits pour en rendre compte.
Je propose d'ajouter au projet de décret du comité de Constitution qu'il séra sursis à la procédure criminelle instruite à la requête des officiers municipaux de Mauriac.
député d'Aurillac, commence l'histoire de cette procédure.
Cette affaire nous ferait perdre beaucoup de temps; elle est entre les mains du comité des rapports, et il n'y a qu'à renvoyer l'amendement à ce comité.
(Cette proposition est adoptée.)
Le projet du comité est ensuite décrété en ces termes :
* L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de Constitution, sur les réclamations de plusieurs citoyens de la ville de Mauriac,
« Déclare que son décret du 12 mai dernier,
« EJlle décrète en conséquence, que l'administration dp département du Çantàl, aussitôt après la publication du presespt décret, prépara connaissance des réclamations qui existent, et des faits qui pe sant passés dans la vilje de Mauriac, à l'pppasiQn de la municipalité de cett§ ville, et que l'administratipu en enverra le procès-verbal avec son avi§ à l'Assemblée nationale'qpi prononcera.
« Elle renvoie au comité des rapports l'examen de la Procédure criminelle instruite à la requête des officiers municipaux de ladite ville, par lè présidiai d'AurilJac, pour, par ce comité, en rendre compte luçesgamiuent» "
membre du comité des finances, dit que Louis XIII, Louis XIV et Louis XV avaient établi à Versailles des octrois au profit de leur domaine. Maintenant que la liste civile a une dotation, il est juste de rendre l'octroi à la ville de Versailles pour ses dépenses particulières et l'entretien de ses bâtiments publics. Il propose le projet de décret suivant qui est adopté sans discussion :
« L'Assemblée nationale, sur le rapport de son oomité des finances, considérant que les articles constitutionnels relatifs à la liste eivile et aux domaines réservés pour la jouissance du roi, mettent à la charge de la ville de Versailles les dépenses acquittées ci-devant sur le produit des octrois perçus par $a Majesté, décrète, d'après l'avis du directoire du département de SeinerQt^ Oise,
« Que la municipalité de Versailles sera charr gée, à compter du 1er juillet dernier, de ses déi penses particulières et de l'entretien de ses bâti* ments publics;
« Qu'en conséquence, la municipalité sera autorisée à percevoir provisoirement, à son profit, comme les autres villes du royaume, et sous l'inspection immédiate et directe du département, les droits ci-dévant perçus parle roi. à la charge par elle d'eh verser les dix sols pour livre au Trésor public. »
membre du comité eçcl$s\a$t\quex rend çompte d'une affaire concernant le sieur Simon Péteil, les religieux bénédictins des glapcs-Màn.teaux et la municipalité de Paris,
La municipalité de Paris a été autorisée par un décret spécial à administrer les bieps ci-devant ecclésiastiques de son ressort, Par suite, elle à fait donner un avertissement au sieur Péteil d'avqir àpayer deux années de loyer pour une maison qu'il lppe aux bénédictins $lauç?-Ajan* teaux ; mais les religieux pnt obtenu un arrêt du Parlement aux termes duquel ce "particulier dQJt s'acquitter eptre leurs mains, Votre comité a VU dans cet arrêt une violation de la loi; én çqu-séquence, il vous propose de décréter que les porps administratifs ne peuvent être troublés dans l'exercice des fonctions à eux confiées par aucuns tribunaux judiciaires, et que la chambre des vacations de Paris a formellement contrevenu à l'article 8 du décret des 14 et 28 avril dernier.
Le projet de déGret que propose le comité est inconstitutionnel ; l'Assemblée ne peut casser un jugement lorsqu'il existe un tribunal à cet effet, qui est le eonseil du roi.
Le Garps législatif peut pourtant déclarer qu'il y a contravention à ses décrets.
Je propose de rendre un décret général portant que tous jugement et arrêts rençlps ep contravention aus décrets t'Assemblée nationale doivent être cassés.
(On demande la division sur le projette décret du comité,)
présente une rédaction qui est adoptée par le rapporteur, et il eq résulte ]e dé? cret suivant :
« L'Assemblée nationale, sur la dénonciation qui lui 3 été faite par la municipalité de Paris, faisant les fonctions de directoire de départe-: ment et de district, d'un arrêt de la chambre des vacations du parlement de la même ville, du 26 août dernier, rendu entre Simon Péteil, les religieux bénédictins des BiapcrManteau^ etJadfte municipalité; considérant qu'il importe à la nation d'arrêter les poursuites qui, depuis, et nonobstant la publication du décret des 14 et £0 avril précédent, ont été exercées par des qpmmupautés religieuses, chapitres ou bénéticiers, contre leqrs ci-rdèvant locataires ou fermiers, pour les Iqyers ou fermages 4e la précepte année ;
« déclare que tout jugement postérieur h la dite publication, qui tendrait à phljgér les Ipça-: taires ou fermiers de biens ci-devant ecclésiastiques, non compris dans l'exception portée par rartïcle 8 dudit décret, de payer ep d'autres mains qu'en celles des receveurs dp districts, les loyers ou fermages dus pour les fruits et revenus de la présente année, doit être regardé comme non avenu ; sans préjndiçe 4e l'exécution des articles 27 et 28 du décret des 6 et ïf août dernier, en ce qui concerne les loyers et fermages dus pour les fruits et revenus des appées précédentes, à raison des biens ci-devant possédés par les communautés religieuses»,
membre du comité de IU quidation, commence à faire un rapport cpncerr pant les travaux utiles auxquels s'est livré le sieur de Mandre, curé de Donnely.
On observe que les affaires de cette nature ne doivent point être traitées dans les séances du matin ; et sur la demandé de quelques membres, il est décrété que pe rapport est ajourné à la séance de ce soir.
{Jn courrier extraordinaire, venu de Montéli-mar, apporte un paquet contenant une adresse des soldats du régiment Soissonnais, et un mémoire d'observations sur la vérification des com-r ptes de leurs corps.
Après la lecture de cette adresse, l'Assemblée en ordonne le renvoi, ainsi que du mémoire y joint, au comité militaire, pour en rendre compte dans le plus court délai.
Il a ensuite donué lecture d'une adresse de la municipalité de Versailles, par laquelle elle dé-nonce les diverses infractions aux décrets de l'Assemblée nationale, exercées sur les propriétés des particuliers et sur celles du roi, par des troupes de braconniers.
(de Saint-Jean-d'Angély). Je demande le renvoi de cette adresse au comité des domaines, pour qu'il en fasse un rapport sur^ le-champ.
(Après quelques observations l'Assemblée renvoie l'examen de cette affaire à ses comités des domaines et de féodalité réunis, et les charge d'en faire le rapport à deux heures.)
Un fa MM. les secrétaire? fait lecture d'une lettre de M. de La L,uzerne, Elle est ain^i conçue ;
9 Le rqi m'a ordonné de communiquer à l'As-? semblée nationale les nouvelles importantes que je reçois de Saint-Domingue, par un courrier qui m'a été expédié de Brest.
« Le Léopard, vajsseau de 74, y a mouillé le 14 de ce mois, Gommandé par un lieutenant dé vaisseau ; il avait appareillé de Saint-Marc, le 8 août. M. de Là Galissonnière et environ les deux tiers des officiers qui formaient l'état-major d u Léopard sont restés au Port-au-Prince près du gouverneur général.
« Il paraît que le 8 août les troupes que ty. de Peynier avait fait partïr, sur la réquisition de l'assemblée provinciale du Nord, étant prêtes C entrer dans Saint-Marc, plusieurs des membrèstjel'as-semblée coloniale qui y giégaient, et divers particuliers se sont embarqués sur Je Léopard, qui a fait route pour la France, et a transporté environ cent passagers à Brest. La lettre de l'officier qui a commandé le Léopard, et un très lopg procès-verbal dont je vous fais passer la copie, contiennent les seuls détails qui nie soient parvenus-La dépêche de M. dePeynier?endate4u5août, qùê je vous ai communiquée le 13 de ce mois, faisait prévoir une partie de ce qui est arrivé ; je n'ai point encore reçu les dépêches que ce gouverr neur général m'avait certainement écrites pendant les derniers jours de juillet, en sorte qpè je nq suis officiellement uistruit d'aiicun des éyènè-ments qui ont précédé là réquisition du l'assemblée provinciale du Nord et la marche des troqpes^ U est très vraisemblable qu'elles n'auropt éprouvé aucune résistance, et qu'il en parviendra iqces-samment des nouvelles détaillées de ce qui s'est passé aprèsïe départ pour France du Léopard.
« P.-S. Le comm^pd^nt du port de BrpsJ; me mande que peu après l'arrivée du Léopcçrd, un officier mupjcipal est venu requérir de Ipi, au nom du conseil général de I4 ville, que le vais-! seau La Ferme, qui n'attendait que le vent favorable pour mettre sous vpile et aller relever pe-lui qui est en station à la Martinique n'eût point 4 partir avant de nouvelles réponses de l'Assemblée nationale : je la prie de faire cesser ce retardement, qui peut devenir très préjudiciable au service. *
Copie de la lettre de M. de Santa-Domingo à M. de La Luzerne.
« Monsieur,
« J'ai l'honneur de vous faire part que je viens de mouiller à Brest, aujourd'hui 14 septembre, étant parti de Saint-Marc le 8 août, avec le vais* seau le Léopard, que commandait M. de La Galissonnière. Les circonstances qui l'ont mis dans le cas de ne pas achever sa mission, et qui m'ont porté à le remplacer seront consignées, fort en détail, dans un procès-rverbal que j'ai eu l'honneur de remettre à M. le comte ^d'Hec-
tor. Ce même procès-verbal vous fera connaître, Monsieur, les événements qui ont déterminé l'Assemblée générale de Saint-Domingue à se rendre dans le sein de l'Assemblée nationale, et la nécessité où j'ai été de céder au désir qu'elle avait de passer sur le vaisseau, pour se soustraire aux prescriptions et éviter l'éffusion du sang qui était prêt à couler, M. de Peynier ayant envoyé deux armées pour la dissoudre par la force.
« Cent citoyens de Saint-Domingue ont donc passé sur le vaisseau, où je n'ai pu leur donner les aisances auxquelles ils sont accoutumés, tant par la nécessité locale qu'il y avait à se les procurer, que par le peu de temps qui s'est écoulé entre le décret et l'embarquement.
« J'ai été bien secondé par MM. Eyrat et Ergot, sous-lieutenants de vaisseau, qui,. avec M. de Tressemane, élève de la seconde classe, formaient tout mon état-major.
« J'ai tiré parti de la capacité du maître d'équipage et du maître pilote, à qui j'ai confié un quart, qu'ils ont commandé avec intelligence ; je dois également des éloges à la subordination dé l'équipage.
« Je vous rendrai compte, Monsieur, que j'ai rencontré dans les débarquements de Saint-Domingue, un convoi de trente-cinq voiles, commandé par un vaisseau de cinquante qui les escorte, faisant route pour l'Europe.
« Je suis avec respect, etc.
« Signé : Baron de Santo-Domingo. »
Il est aussi fait lecture d'une lettre du sieur d'Augy, se disant président de l'assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue, écrite à bord du vaisseau le Léopard le 12 de ce mois, par laquelle il prie M. le Président de remettre lui-même au roi l'adresse contenue dans le paquet. Il joint à sa lettre différents procès-verbaux destinés à être mis sous les yeux de l'Assemblée nationale.
Après la lecture de ces différentes dépêches, l'Assemblée ordonne le renvoi de celles qui concernent la colonie de Saint-Domingue au comité colonial.
Elle ordonne également le renvoi au comité de marine, dé la lettre du ministre, et de la copie de celle de M. de Santo-Domingo.
Quant aux paquets insérés dans la lettre du sieur d'Augy, 41 est ordonné que M. le Président les renverra à M. le garde des sceaux pour les remettre à leur adresse. -
Il y a trois questions dans les pièces qui viennent d'être lues. La plus urgente est celle qui concerne le vaisseau La Ferme. Je propose qu'il soit enjoint à la municipalité de Brest de la laisser partir.
Gela ne suffit pas et je demande que la municipalité soit mandée à la barre.
Il est temps de mettre un frein à l'aristocratie des municipalités. J'appuie la motion qui vient d'être faite de mander à la barre la municipalité de Brest pour s'être opposée aux ordres du roi.
Voici le projet de décret que je vous propose :
L'Assemblée nationale, délibérant sur la lettre adressée par le ministre de la marine de la part du roi, en date du 17 de ce mois ;
«Considérant qu'aucune municipalité ou corps administratif ne peut, sous aucun prétexte, arrêter ni suspendre le départ d'aucun bâtiment de guerre, ordonné par Sa Majesté,
« Décrète que le roi sera prié de faire parvenir incessamment le présent décret dans tous les ports, et de donner ses ordres en conséquence. »
(Ce projet de décret est adopté.)
L'ordre du jour est la suite de la discussion sur le mode de liquidation de la dette publique.
, évêque d'Autun (1). Messieurs, il s'agit, non pas seulementdedisposer d'une propriété nationale et d'en recueillir le prix ; mais de décréter une opération qui tient essentiellement à l'économie politique, à la restauration des finances et au rétablissement du crédit. Cette opération est de la plus grande importance. Il faut tout dire avant le décret de l'Assemblée ; et le décret rendu, qu'elle qu'ait été l'opinion particulière, il faut tout faire pour assurer le succès de l'opération que vous aurez déterminée.
L'intérêt que je prends à cette question est extrême ; il s'y mêle même quelque chose de personnel : car je serais inconsolable si, de la rigueur de nos décrets sur le clergé, il ne résultait pas le salut de la chose publique.
Il est nécessaire de retirer les domaines nationaux de l'administration commune : il est important de les vendre le plus cher et le plus promp-tement possible ; il faut en employer le prix à la diminution de la dette. Tout cela est reconnu et en partie décrété.
J'ai proposé, pour créer une nouvelle classe d'acquéreurs en présence de cette nouvelle quantité de biens à vendre, d'admettre directement à l'acquisition les créanciers de l'Etat eux-mêmes. Cette opinion, longtemps combattue, a maintenant peu de contradicteurs.
On diffère encore sur les moyens d'exécution; Celui que j'ai indiqué est de donner aux titres des créanciers de l'Etat une valeur monétaire, seulement vis-à-vis de la caisse de l'extraordinaire, pour payement des domaines nationaux.
Celui qu'ou y oppose est de convertir ces titres en un papier qui est une valeur monétaire générale et forcé pour tous les objets, en assignats.
Je vais me conformer à l'ordre du jour, et traiter la question d'une émission de deux milliards d'assignats sans intérêts, et d'une circulation forcée. L'opération étant générale et touchant à tous les intérêts de la société, je ne la considérerai que dans son ensemble, et je ne m'arrêterai point aux dangers des contrefaçons, à ceux des petits billets et à tous les autres inconvénients de détails sur lesquels on a suffisamment averti votre prudence.
Enfin, ne perdant jamais de vue la majesté de l'Assemblée nationale et le bien public qui doit être uniquement l'objet de nos discours, j'écarterai d'une discussion où il ne s'agit que d'éclairer la raison, toutes ces armes empoisonnées, étrangères à nos débats, et dont on s'est pourtant servi trop souvent et avec trop d'avantage.
Et, par exemple, avec quel art n'a-t-on pas cherché à intéresser la morale et la pureté de
Ceux qui demandent des assignats disent : On va prolonger Vexistence de la dette ; on veut continuer les rapports forcés des provinces avec la capitale; c'est pour favoriser les banquiers de Paris, c'est pour entretenir des prêts usuraires sur les dépôts des effets publics. En bien 1 on ne veut pas tout cela ; mais ces inconvénients, qu'à la vérité on exagère, peuvent se trouver dans mon système.
Ceux qui ne veulent pas d'assignats disent : On a étudié la science des temps ; on a bien combiné, et Von veut s'assurer en faisant créer des assignats du bénéfice immense du remboursement au pair d'effets publics, achetés à perte et mis en dépôt, en attendant l'émission des assignats : ensuite, sans avoir rien déboursé, Von profilera de la différence : eh bien ! cela peut être vrai aussi ; mais, dans ce système, cette combinaison est de même inévitable.
Quelque parti que vous preniez, il s'établira sur le grand mouvement que l'aliénation des biens nationaux doit donner à la dette publique, des calculs, des profits, des combinaisons, de l'agiotage même, dont l'opinion publique saura bien faire justice ; mais puisque ces inconvénients se trouvent dans tous les systèmes, ce qui convient à l'Assemblée nationale, c'est de dédaigner tout ce qui ne tient pas au fond même de la question, c'est de marcher, uniquement guidée par la raison, droit au but qu'elle se propose.
L'Assemblée nationale ordonnera-t-elle une émission de deux milliards d'assignats-monnaie? On préjuge du succès de cette seconde émission, par le succès de la première ; mais on ne veut pas voir que les besoins du commerce, ralenti par la Révolution, ont.dû accueillir avec avidité notre premier numéraire conventionnel ; et ces besoins étaient tels que, dans mon opinion, il eût adopté ce numéraire, même quand il n'eût pas ^té forcé: faire militer ce premier succès, qui même n'a pas été complet, puisque les assignats perdent, en faveur d'une seconde et plus ample émission, c'est s'exposer à de grands dangers ; car l'empire de la loi a sa mesure, et cette mesure, c'est l'intérêt que les hommes ont à la respecter ou à l'enfreindre.
Sans doute, les assignats auront des caractères de sûreté que n'a jamais eu aucun papier-monnaie. Nul n'aura été créé sur un gage aussi précieux, revêtu d'une hypothèque aussi solide. Je suis loin de le nier. L'assignat, considéré comme titre de créance, a une valeur positive et matérielle. Cette valeur de l'assignat est précisément la même que celle du domaine qu'il représente : mais cependant il faut convenir, avant tout, que jamais aucun papier national ne marchera de pair avec les métaux : jamais le signe supplémentaire du premier signe représentatif de la richesse n'aura la valeur exacte de son modèle. Le titre même constate le besoin, et le besoin porte crainte et défiance autour de lui.
Pourquoi l'assignat-monnaie sera-t-il toujours au-dessous de l'argent? C'est d'abord parce qu'on doutera toujours de l'application exacte de ses rapports entre la masse des assignats et celle des biens nationaux ; c'est qu'on sera longtemps incertain sur la consommation des ventes; c'est qu'on ne conçoit pas à quelle époque deux milliards d'assignats, représentant à peu près la valeur des domaines, se trouveront éteints ; c'est parce que l'argent, étant mis en concurrence avec
le papier, l'un et l'autre deviennent marchandise, et plus une marchandise est abondante, plus elle doit perdre de son prix ; c'est qu'avec de l'argent on pourra toujours se passer d'assignats, tandis qu'il sera impossible avec des assignats de se passer d'argent, et heureusement le besoin absolu d'argent conservera dans la circulation quelques espèces ; car le plus grand de tous les maux serait d'en être absolument privé.
Je ne sais comment on s'écarte d'une vérité qui mérite cependant la plus sérieuse attention.
La nation, en déclarant la disponibilité des domaines nationaux, n'a pas acquis une propriété nouvelle ; elle n'a pas augmenté sa richesse ; la richesse territoriale est restée physiquement la même, puisque aucune cause étrangère n'a accru la valeur intrinsèque de la superficie de la France. La société, prise collectivement, a fait entre ses membres une répartition différente, de laquelle il résultera qu'elle aura payé une portion de sa dette. Les assignats ne représentent donc pas une richesse nouvelle; ils n'ajoutent pas aux facultés, mais seulement aux facilités d'exécution : ils sont un mode, un agent intermédiaire, et non pas un payement définitif. Les créances sur l'Etat, les offres de tout genre étaient des valeurs circulantes, qui faisaient partie de la richesse publique. L'ordre des choses établi par la Révolution ne comporte plus cette circulation. Il faut que les valeurs prennent un autre cours ; il fout qu'elles s'appliquent à un objet différent. Si cette espèce de transmutation des fortunes ne s'opérait que successivement, vous n'auriez aucun effort à faire pour la seconder ; mais cette disposition a besoin d'être subite : il lui faut des secours prompts et certains.
L'émission des assignats offre-t-elle ces secours? Les assignats passeront-ils, en droite ligne, des mains des créanciers remboursés dans la caisse de l'extraordinaire, en payements des acquisitions de domaines nationaux faites par ces créanciers? Ne serviront-ils qu'àexécuter l'échange direct de ces domaines contre la dette publique? Mais alors pourquoi en faire une monnaie forcée, susceptible d'intervenir dans toutes les autres transactions du commerce? Enfin, pour l'avantage de qui basardera-t-on une pareille opération ? Qui la demande ? Ce ne peut être les créanciers de l'Etat qui veulent acquérir des domaines publics puisque, dans tous les systèmes, on propose d'imprimer à leurs titres de créance la faculté d'être donnés en payement de ces acquisitions ; ce ne peut être des citoyens qui ont l'intention d'acquérir de ces domaines, quoiqu'ils ne possèdent pas de créances sur l'Etat, puisqu'ils pourraient de même employer les moyens qu'ils ont de faire ces acquisitions, à se procurer ou des assignats actuels, ou même à bénéfice des créances publiques, que du moins ils ne seraient pas obligés de recevoir au pair de l'argent comme les assignats proposés. On démontrerait donc facilement que la partie du public qui demande des assignats, n'a aucune intention d'acheter des domaines nationaux ; en effet, c'est si peu là ce qu'on désire, qu'on vous a parlé d'assignats pour nourrir le commerce, l'industrie et la circulation jusques dans ses moindres rameaux ; et cela est si vrai, qu'on a même proposé d'en créer de sommes qui ne représentent que les salaires et les dépenses habituelles de la vie.
Eh bien I supposons que les assignats forcés ou volontaires fussent reçus dans la circulation avec tout l'empressement et la confiance qu'on doit désirer, peut-on se dissimuler l'influence qu'ils
auraient dans la balance journalière des échanges ? N'est-il pas évident que plus il existe de signes représentatifs de la richesse, plusil en faut donner pour acquérir les objets représentés ?
Abstraction faite, pour un instant, de nos rapports avec le commerce étranger, il ne résulterait peut-être pas de grands maux de cette élévation numérique du prix des choses, si elle s'étendait également sur tous les objets ; mais personne nYignore (et je vous présente cette observation avec confiance, parce qu'elle intéresse la classe indigente), personne n'ignore, dis-je, que le prix du travail et des salaires n'arrive que lentement à une proportion exacte avec les denrées- Cette observation est constatée parles faits; elle l'est aussi par le raisonnement : car la classe des hommes que leur travail seul nourrit, étant la plus nombreuse, et son travail ne fournissant en général qu'à sa subsistance de chaque jour, sa propre concurrence et le renouvellement journalier de ses besoins, l'asservissent tellement à la loi du riche, que nécessairement celui-ci conserve quelque temps le moyen de retenir le prix qui fait effort pour s'élever. De là les disproportions les plus choquantes, la misère à côté de l'abondance.
Et, en effet, c'est bien ici le cas de séparer des erreurs dans lesquelles ont pu tomber quelques économistes, les vérités éternelles qui sontlabase de leur système.
Je dis que l'abondance des assignats doit appauvrir les manouvriers de tout genre et nuire par conséquent au succès des manufactures et à la prospérité des campagnes. J'insiste sur cette considération, parce que le danger dont je parle menace le pauvre et le menace tous les jours et à toutes les heures.
Point de richessés sans travail, point de travail sans consommation.
Puisqu'il faut produire avant de consommer, il faut donc que le prix du travail soit acquitté avant que le manouvrier consomme.
Mais le prix du travail étant modique, journalier, applicable aux premiers besoins de la vie, il ne peut jamais être payé qu'avec des monnaies, et le papier ne peut remplir aucune fonction à cet égard. Cependant les assignats auront augmenté le prix de tous les objets de consomma-tion; et les salariés, restés au même taux, lorsque toutes les valeurs seront peut-être doublées autour d'eux, seront d'autant plus pauvres, d'autant plus malheureux, qu'ils auront produit davantage; car si tout renchérit, la consommation sera moiudre, et le travail venant ensuite à diminuer, il est impossible que les salaires augmentent. Et, bien loin de croire que le Trésor public sera soulagé, comme on le ait, et que par conséquent l'imposition pourra être diminuée, je dis que l'Etat lui-même, considéré comme créancier et comme débiteur, éprouvera une double perte, et dans sa recette, et dans sa dépense. Créancier, il ne recevra l'impôt qu'atténué par la non-valeur de l'assignat-monnaie ; consommateur, il n'achètera qu'à un prix égal à celui du numéraire effectif, qu'il faudra ou acheter, ou suppléer. .
Ce n'est pas tout encore. La nation ne laisserait pas éternellement ces assignats dans la circulation; ils s'éteindraient sans doute à mesure que leur objet serait rempli. Alors il se ferait nécessairement une révolution inverse dans le prix numéraire des choses et des salaires; c'est-à-dire que ce prix décroîtrait à mesure que la masse des signes représentatifs décroîtrait elle-même;
et cette seconde révolution, dans le commerce et l'industrie, serait plus funeste encore que la première. Ce ux qui se livrent immodérément a la séduction des assignats, douteraient-ils de l'effet de cette convulsion dans toutes les parties de l'économie politique1? Ne reconnaît-on pas chaque jour l'impossibilité d'empêcher la sortie de l'argent en proportion de l'arrivée des assignats? n'éprouve-t-on pas le besoin indispensable de numéraire pour les dépenses de détail les plus renouvelées; et le prix de ce numéraire ne hausse-t-il pas nécessairement en raison de l'af-fluence du papier et de l'accroissement du besoin? La caisse d'escompte jouissait du plus grand crédit; son papier s'échangeait à toute heure contre de l'argent, et dans ses plus beaux jours, son crédit n'a pu sortir des murs de la capitale. Tant il est vrai que la liberté ne s'impose que les restrictions nécessaires, et que la loi ne doit être que la volonté écrite de la liberté elle-même.
Mais enfin, suivons les assignats dans leur marche, et voyons quelle route ils auront à parcourir. Il faudra donc que le créancier remboursé achète des domaines avec ses assignats, ou qu'il les garde, ou qu'il les emploie à d'autres acquisitions. S'il achète des domaines, alors votre but sera rempli. Je m'applaudirai avec vous de la création des assignats, parce qu'ils ne se seront pas disséminés dans la circulation ; parce qu'enfin ils n'auront fait que ce que je vous propose de donner aux créances publiques, la faculté d'être échangées contre des domaines publics; mais si ce créancier défiant préfère de perdre ses intérêts, en conservant un titre inactif ; mais s'il convertit ses assignats en métaux pour les enfouir, ou en effets sur l'étranger pour les transporter; mais s'il achète un immeuble qui ne soit pas domaine national, ou que son vendeur fasse avec ses assignats des dispositions qui s'écartent également de votre objet; mais si ces dernières classes sont beaucoup plus nombreuses que la première; si, eu un mot, les assignats s'arrêtent longtemps dans la circulation, avant de venir s'anéantir dans la caisse de l'extraordinaire ; s'ils parviennent forcément et séjournent dans les mains d'hommes obligés de les recevoir au pair, et qui, ne devant rien, ne pourront s'en servir qu'avec perte : s'ils sont l'occasion d'une grande injustice commise par tous les débiteurs, vis-à-vis de tous les créanciers ; si cette expérience démontre, et trop tard, l'illusion même d'une loi qui n'obtiendra que ce qu'elle ne doit point avoir, un effet rétroactif, en obligeant les créanciers antérieurs à recevoir les assignats au pair de l'argent, tandis qu'elle sera démentie dans l'effet qu'elle ordonne, puisqu'il sera impossible d'obliger les vendeurs à les prendre au pair des espèces, c'est-à-dire sans augmenter le prix de leurs marchandises, en raison de la perte des assignats, alors, combien cette opération ingénieuse aurait-elle trompé le patriotisme de ceux dont la sagacité l'a présentée, et dont la bonne foi la défend, et à quels regrets inconsolables ne serions-nous pas condamnés ?
Mais il ne suffit pas d'énoncer les craintes que doit inspirer la création des assignats, il faut justifier ces craintes, en démontrant, par les principes, la vraisemblance des effets que l'on redoute. On veut que les assignats soient monnaie ; et la monnaie est la mesure commune des valeurs.
L'on entend par la valeur tout ce qui se vend et s'achète.
La monnaie, elle-même, considérée comme métal, est aussi une marchandise.
Gomme mesure, elle a acquis cette prérogative, parce qu'elle est composée de métaux qui la rendent plus propre à remplir cet emploi que les autres signes qu'on aurait pu choisir à sa place : cette fonction lui est tellement affectée, que c'est par sa médiation que s'opèrent tous les échanges.
Quoique cette mesure soit à peu près déterminée, cependant, par un effet ae l'accroissement ou de la diminution des métaux qui la constituent, ses rapports éprouvent une variation plus ou moins sensible ; et ces métaux, eux-mêmes, considérés comme marchandises, influent sur les rapports des monnaies avec les objets de commerce.
Cette vérité, une fois présentée, doit être généralement reconnue.
Créer un assignat-monnaie, ce n'est pas assurément représenter un métal-marchandise; c'est uniquement représenter un métal-monnaie ; or, un métal simplement monnaie ne peut, quelque idée qu'on y attache, représenter celui qui est en même temps monnaie et marchandise. L'assignat-monnaie, quelque sûr, quelque solide qu'il puisse être, est donc une abstraction de la monnaie métallique; il n'est donc que le signe libre ou forcé, non pas de la richesse, mais simplement du crédit. Il suit delà que donner au papier les fonctions de monnaie, en le rendant, comme l'autre monnaie, intermédiaire entre tous les objets d'échange, c'est changer la quantité reconnue pour unité, autrement appelée, dans cette matière, l'étalon de la monnaie, c'est opérer en un moment ce que les siècles opèrent à peine dans un Etat qui s'enrichit ; et si (pour emprunter l'expression d'un savant étranger) la monnaie fait, à l'égard du prix des choses, la même fono tion que les degrés, minutes et secondes à l'égard des angles, ouïes échelles à l'égard des cartes géographiques ou plans quelconques, je demande ce qui doit résulter de cette altération dans la mesure commune.
Cette vérité est tellement incontestable, que l'or même, l'or, soustrait ou introduit dans.la société, produirait les effets les plus marqués ; vous pouvez vous en rappeler la preuve. La quantité d'argent introduite en Europe, depuis la refonte des monnaies en 1726, dont l'abondance avait changé la valeur, relativement à l'or, détermina la dernière refonte des louis. On se souvient encore des discussions multipliées auxquelles cette refonte donna lieu. Il s'agissait de savoir si l'on s'était trompé ou non, d'un vingt-neuvième environ, dans la valeur comparative de ces métaux ; mais on,était d'accord, des deux parts, que cette erreur, si elle existait, serait d'une grande importance par l'influence qu'elle aurait sur le change et sur la balance du commerce.
Comment donc concevoir que, dans le moment où l'on pense à donner à du papier le caractère de monnaie, on s'occupe à peine de la proportion qu'elle aura avec l'ancienne monnaie, et des conséquences qui peuvent résulter d'une erreur ou d'une incertitude à cet égard ? Lors de la création des premiers 400 millions d'assignats, on a cru nécessaire d'ajouter quelques grains au titre de l'assignats-monnaie, en y attribuant 3 0/0 d'intérêt ; aujourd'hui ou croit plus convenable de les retrancher. Dans. cette question, ne donne-t-on pas beaucoup au hasard ? Cependant si l'on adoptait la ressource des assignats-monnaie, ce serait au moins de la manière la plus précise. qu'il faudrait faire cette évaluation, puis-
qu'il est reconnu qu'une erreur d'un vingt-neuvième sur ia valeur comparative attribuée à une monnaie, est une erreur grave, et de là résulte incontestablement une des plus fortes objections contre les assignats-monnaie : car s'il est extrêmement difficile de fixer, pour un certain nombre d'années, la valeur de deux métaux, combien plus ne l'est-il pas de déterminer, même par approximation, les rapports entre un papier et un métal, puisqu'il faut faire entrer dans le calcul des quantités morales, dont l'évaluation échappe à toutes les règles? Si, dans le premier cas, on peut commettre des erreurs de 10/0, n'est-il pas infiniment probable que dans le second on en commettra souvent de 10 et peut-être de 15 0/0? J'affirme donc que la raison ne permet pas de décréter une nouvelle monnaie, sans connaître la proportion qui existera entre le cours de cette monnaie et la monnaie ancienne ; que la justice ne permet pas de la créer, sans être sûr qu'à l'aide de cette proportion, on parviendra à connaître le pair ; et j'oserai ajouter que vous n'avez aucune des données nécessaires pour faire cette appréciation, et pour être assurés de ne pas tomber dans des erreurs énormes qui anéantiront votre commerce avec les nations étrangères.
Ce n'est en effet que par comparaison avec les monnaies étrangères, que la valeur d'une monnaie quelconque peut être estimée ; et cette évaluation de la monnaie d'un pays, dans son rapport avec celle d'un autre, ne peut jamais se faire que de métal à métal : sans cela, une nation pourrait déclarer que des feuilles de chêne, des cailloux de telle espèce, avec une empreinte qu'elle spécifierait, représenterait une telle valeur ; ce qui serait, en effet, si cette nation était seule Tlans l'univers, ou si elle n'avait aucune communication de commerce avec les autres nations. Mais, dit-on, la monnaie dont il s'agit est bonne dans le fait, puisqu'en définitive il y aura de quoi la changer en valeur réelle : seulement tout le monde ne reconnaîtra pas cette vérité sur-le-champ, et c'est pour cela qu'il faut l'emploi de la force.
Voici la réponse. Il n'existe dans la réalité qu'une monnaie dominante dans ce moment, c'est l'argent. Si vous donnez cours au papier, ce sera le papier. Vous ordonnerez que ce papier ne perde pas, j'y consens; mais vous n'empêcherez pas que l'argent ne gagne, et ce sera absolument la même chose. Vous verrez bien que dans un pavement l'on sera obligé de prendre un assignat de 1,000 livres pour la somme de 1,000 livres, mais vous ne pourrez jamais faire que l'on soit obligé de donner 1,000 livres en écus po ur un assignat de 1,000 livres ; c'est là que réside toute la question et c'est par là que s'écroulera tout le système-
Je vais plus loin : n'est-il pas vrai que vous répugneriez que les louis valussent 26 iiv. 8 s. et les écus 61 liv. 12 s.? Ce serait une altération manifeste dans les monnaies. Ëhbien l en y réfléchissant un peu, vous verrez que vous faites absolument la même chose, si vous donnez un cours forcé à un papier quelconque. La preuve en est claire. Un particulier doit 110,000 livres à un autre; il a aujourd'hui en écus cette somme, qu'il doit rembourser dans huit jours; votre décret survient, les assignats perdent 10 0/0 sur l'argent, ou bien, ce qui est la même chose, l'argent gagne 10 0/0 sur les assignats : ce débiteur, qui avait 110,000 livres pour acquitter sa dette de pareille somme, commence par acheter avec 100,000 livres les 110,000 livres dont il a besoin, en assignats, et il paye son créancier ; il lui reste donc 10^)00 livres
qu'il a gagnées aux dépens de celui à qui il devait, ouaux dépens de quelque autre; d'où l'on voit que le résultat de l'opération, entre le créancier et le débiteur, est absolument le même que si vous aviez ordonné que les écus, qui valent aujourd'hui 6 livres, seraient reçus demain pour 6 liv. 12 s.
Si tel est l'effet des assignats, quant à leur circulation intérieure, que sera-t-il dans nos rapports avec le commerce étranger ? L'analyse du change va nous l'apprendre.
Le change est le rapport de la dette entre deux nations commerçantes, considéré relativement à la valeur des monnaies qui y ont cours.
Le change consiste, ainsi que le mot le désigne, à échanger le titre d'une dette active dans un pays, contre le titre d'une dette passive dans un autre, ou à faire l'opération inverse.
Cet échange est soumis à un prix qui tient lieu de la dépense qu'occasionnerait le transport des métaux.
Ce prix est plus ou moins fort, suivant qu'une nation est créancière ou débitrice de l'autre, pour une plus ou moins forte somme.
Si Paris doit à Londres, c'est à Paris à payer le prix du transport.
Paris s'acquitte alors en payant une somme plus forte que celle qu'il devait, relativement à la valeur de ses monnaies.
La valeur relative des métaux est donc la base du change entre les nations.
Lorsque cette valeur est conservée dans les échanges sans aucune augmentation ou diminution dans les payements respectifs, c'est alors que le change est ce que l'on appelle au pair.
Il suit de cet exposé, qu'il n'est aucune autre mesure de commerce entre les nations, que la valeur de l'or et l'argent. L'écu de France, comparé à la monnaie d'or anglaise, vaut environ 29 trois huitièmes sterling. Le change est au pair, lorsqu'on paye un écu à Londres avec ces 29 trois huitièmes, ou lorsqu'on paye ces derniers à Paris avec un écu. Le change est avantageux pour Paris, quand on y donne un écu pour recevoir plus de 29 trois huitièmes à Londres. Il lui est désavantageux, quand il faut donner le môme écu pour recevoir moins de deniers sterling.
Pour substituer au langage abstrait du commerce, des idées et des expressions plus familières, j'emploierai ici le marc d'argent comme représentant cette mesure commune. Je dis donc, et je pose en principe, que chaque nation peut payer à l'autre ce qu'elle doit, de la manière qui lui est la plus avantageuse, pourvu qu'elle paye tout ce cnrelle doit. En effet, si Londres doit à Paris 100 marcs, il faut, quelque intermédiaire qu'on emploie, que ces cent marcs parviennent a Paris. Mais s'il existe un signe convéntionnel qui remplace à Paris le numéraire, et qui remplisse impérieusement ses fonctions, Londres n'a que ce signe à fournir pour acquitter sa dette. Si ce signe représentatif a 6 0/0 moins de valeur que le métal qu'il représente, Londres, avec 94 marcs, aux fractions près, aura acquitté une dette de 100 marcs, etc., etc.
Observons ici que la compensation qui s'établira à l'avenir dans les achats et les ventes entre les nations qui commercent avec la France, ne peut avoir lieu pour les opérations consommées, je veux dire pour les ventes effectuées et non acquittées. Londres payera tout ce qu'il , doit à Paris avec le papier-monétaire, et Pans, payera Londres avec des métaux monnayés. Paris rece-
vra donc moins de sa créance et payera plus de sa dette. Donc les assignats rompront tout équilibre dans le commerce ; donc toutes les puissances étrangères étudieront la position du crédit public, pour en profiter avec avantage ; donc elles achèteront à bas prix, et nous vendrons chèrement; donc elles retireront en numéraire réel, en matière d'or et d'argent, tous les bénéfices de leurs spéculations. N'oublions pas (et cette observation est d'un grand poids) que l'argent, en concurrence avec le papier, devient dès l'instant même une marchandise sur laquelle les spéculations sont ouvertes ; que la politique peut se joindre à l'intérêt du commerce, soit, pour acheter, même chèrement, l'argent'que l'on est assuré de revendre plus chèrement encore dans d'autres moments, soit pour le dérober à la circulation et accroître ainsi et multiplier les embarras.
Telles sont les considérations générales et importantes dans lesquelles j'ai cru devoir me renfermer, parce qu'il m'a semblé que toutes les autres considérations vous étaient suffisamment présentées. Après avoir démontré les dangers ae l'émission d'assignats forcés, je vous dirai que vous créerez une monnaie suffisante pour consommer l'échange des domaines nationaux, en adoptant, sauf quelques modifications, le plan que je vous ai proposé, c'est-à-dire en donnant aux dettes publiques la faculté de les acquérir et de les payer. Par là vous appelez la concurrence, vous excitez l'empressement, vous ne servez que ceux qui veulent véritablement acquérir, vous arrivez directement à votre but, sans hasard et sans convulsion, et vous n'aurez pas fait une loi qui, dans ses rapports avec les actes de la société, les conventions et les payements, n'a d'autres effets que des effets rétroactifs.
Je conclus donc à ce qu'il soit décrété :
1° Qu'il ne sera point créé d'assignats forcés pour le remboursement de la dette exigible;
2° Que les créances sur l'Etat seront, sous les formes et modifications qui seront indiquées par le comité d'aliénation, reçues en payements des biens nationaux.
(1).Messieurs, la nation s'occupe dans ce moment de la liquidation d'une dette exigible de plus de deux milliards.
L'Assemblée nationale croit urgent d'en libérer l'Etat, et de diminuer par cette opération cent dix millions d'impôts que la France ne peut supporter sans surcharger outre mesure les contribuables. La nation n'a pas de numéraire pour cette opération, mais elle dispose d'immeubles qu'elle croit au moins équivalents au remboursement qu'elle se propose.
Les créances que rembourse la nation n'étaient pas dans la circulation ; l'Assemblée nationale va mettre à leur place des immeubles qui, également, n'étaient pas dans le commerce, mais qui vont s'y trouver.
Cette opération est tout à l'avantage de la nation.
La question se réduit donc absolument à présenter la méthode la plus facile pour faire
passer aux créanciers de l'Etat une portion de ces immeubles, équivalente à la quotité
individuelle de leur créance, ou une somme égale en argent provenant de ces mêmes biens.
Je ne vois pas pourquoi on ne s'occupe, dans cette question, que d'une monnaie circulante plus ou moins nombreuse qui me paraît hors de la question.
J'ai pris le parti de consigner dans un décret le résumé de mon opinion particulière sur la grande question qui occupe l'Assemblée ; j'y ai indiqué la méthode à suivre pour obtenir les résultats qui m'ont paru les plus désirables et les moins hasardeux dans une opération sur laquelle la France entière a les yeux ouverts.
J'ai pensé que la nation n'avait point de numéraire pour acquitter la dette exigible, mais qu'elle possédait des immeubles d'une grande valeur. Qu'il fallait un numéraire fictif qui, sans être forcé, pût cependant se diviser en autant de fractions qu'il en faut pour acquitter les différentes sommes qui composent la dette de l'Etat, et aussi pour que les plus petites sommes dues puissent se convertir en assignations propres à acquérir des immeubles.
Une des choses à laquelle j'ai attaché le plus d'importance a été d'établir un procédé qui démontre aux créanciers de l'Etat que nécessairement nulle somme, provenant de la vente de ces immeubles, ne pourra être employée à autre usage qu'à éteindre le titre qui leur est donné ; et qu'enfin il sera très rassurant pour le public de savoir que chaque partie des domaines nationaux vendue éteindra nécessairement la même somme d assignations non forcées et d'assignats-monnaie, soit qu'elles se payent en argent ou en effets ; qu'enfin, après trois ans révolus, toute cette monnaie fictive sera retirée de la circulation.
Les assignations non forcées que je propose mettront les créanciers à même de remplir leurs engagements les plus sacrés; ils pourront en tirer encore un autre parti, en les plaçant sur des acquéreurs d'immeubles nationaux ; leur pis aller sera d'acquérir des immeubles ; enfin ces effets ne seront pas paralysés en leurs mains. Mais ils n'iront pas atteindre les personnes qui n'ont jamais eu affaire à l'Etat ; quand on ne peut faire ce qu'il y a de mieux, il faut faire ce qui paraît le plus juste, et surtout choisir dans les possibilités ; ce qui ne peut mettre l'Etat en danger par une secousse trop violente.
Par la marche que je prescris dans mon projet de décret aux préposés aux ventes, aux caissiers de l'extraordinaire et aux acquéreurs, tous les contribuables du royaume seront continuellement instruits de l'exactitude de cette importante liquidation, à laquelle tout citoyen a un grand intérêt, puisqu'il s'agit de diminuer la masse de l'impôt de plus de 110 millions.
Ce que j'exige des préposés aux ventes et des acquéreurs rend le public juge de la bonne gestion du caissier de l'extraordinaire, et ce qui est prescrit au caissier assure également le public de l'exactitude des préposés aux Ventes.
Quoique je sois contre les assignats-monnaie pour la liquidation de l'arriéré, je pense, avec toutes les personnes qui ont suivi vos opérations, que la nation ne peut se dispenser d'approuver comme indispensable une émission de 200 millions d'assignats-monnaie, pour les dépenses courantes et pour atteindre le moment où l'impôt sera dans un plus parfait recouvrement,
Et, en outre, je juge que pour payer certaines
dettes de l'arriéré des départements, la création de quarante millions d?assignats forcés sera indispensable : quelques-unes de ces créances faisant partie d'un service actif qui manquerait s'il était acquitté en assignations non forcés.
On a parlé de créer de petits assignats de 25 livres; ils seraient la ruine de la classe la moins aisée des citoyens.
Car s'ils perdaient par comparaison avec l'argent, le riche, eu payant sa dépense par semaine, trouverait toujours à les placer : tandis que le pauvre, dont la dépense n'irait pas à 15 livres, serait obligé d'acheter du numéraire.
La ville de Tours, avec laquelle mon opinion s'est trouvée conforme, presse pour créer du billon que l'on croit nécessaire ; cette ville invite ses députés à s'opposer aux assignats forcés pour l'acquittement de l'arriéré : elle préfère les assignations non forcées.
Voici le décret dans lequel est consignée mon opinion :
projet de décret.
L'Assemblée nationale décrète lés articles* suivants :
Art. 1er. Les dettes exigibles de l'Etat, y. compris celles
qu'elle range dans cette classe, seront acquittées par des assignations non forcées qui
auront les caractères suivants.
Art. 2. Elles porteront 3 0/0 d'intérêt; mais il leur sera tenu compte de l'intérêt à 5 0/0 dans les acquisitions des domaines nationaux.
Art. 3. Elles seront divisibles à la volonté des créanciers.
Art. 4. Elles- seront reçues pour comptant, ainsi que leur intérêt échu dans les acquisitions des domaines nationaux, en concurrence avec l'argent et avec le3 assignats-monnaie.
Art. 5. Le caissier de l'extraordinaire sera responsable à la nation, que chaque somme, provenant de la vente d'un immeuble national, éteigne nécessairement pour la même somme d'assignations non forcées ainsi que d'assignats-monnaie.
Art. 6. ,Pour remplir cet objet important, les préposés tox ventes feront signer l'expert et deux officiera municipaux, sur leur registre en recette, afin de s'assurer si c'est en argent et assignats-monnaie ou en assignations non forcées qu'on a payé. Il y sera fait état des numéros des assignats-monnaie et de ceux des assignations non forcées qui auront servi au payement.
Art. 7. La même mention sera faite sur le contrat de vente de l'acquéreur, signé du préposé aux ventes, afin d'y recourir au besoin.
Art; 8. Le préposé des véntes qui aura reçu des assignats ou assignations non forcées les bâtonnera et les renverra à l'instant à la caisse de l'extrordinaire, ave la copie de son registre, où sera inscrit le nom du bien acquis, ainsi que les numéros comme le prescrit l'article 6.
. Art. 9. L'argent monnayé sera également envoyé à la caisse de l'extraordinaire.
Art. 10. Sous aucun prétexte, le numéraire reçu dans la caisse de l'extraordinaire, pour les ventes des - domaines nationaux, ne pourra servir à d'autre usage qu'à l'extinction des assignations non forcées ou des assignats-monnaie.
Art. 11. Aussitôt qu'il y aura un million en écus à la caisse de l'extraordinaire, il sera fait un tirage par voie de loterie sur tous les papiers ci-dessus désignés qui n'auront pas été éteinte
par les précédentes ventes, afin d'anéantir la même somme de ces papiers.
Art. 12. Le caissier de l'extraordinaire fera imprimer, à la fin de chaque mois, le sommaire des états qui lui sont renvoyés par les préposés aux ventes avec les numéros, le nom des biens acquis, les sommes résultant des ventes, ainsi que les tirages qui auront lieu avec les numéros sortis et remboursés par conséquent en écus.
Art. 13. Les assignations non forcées seront disponibles dans les cas suivants :
Pour rembourser les hypothèques qui se trouvent sur les charges que l'Etat rembourse;celles qui sont sur les cautionnements de finances et toutes celles qui se trouvent particulièrement affectées sur d'autres créances, dans la classe des dettes que rembourse dans ce moment la nation, et on ne pourra les refuser.
Art. 14. Elles seront dans tous les cas disponibles de gré à gré.
Art. 15. Après trois années révolues à dater de l'époque où les assignations non forcées auront été délivrés, toutes celles qui resteraient encore entre les mains du public seront converties en rentes perpétuelles sur l'Etat à 4 0/0 d'intérêts.
Il en sera usé de même pour les assignats forcés.
Art. 16. A cette époque, la ^législature avisera aux moyens de tirer le plus grand avantage pour la nation de la portion des domaines nationaux qui n'aura pas été aliénée.
Art. 17. Trois mois avant la fin de la dernière année des trois qui ont été fixées pour la liquidation, le caissier de l'extraordinaire fera faire un état exact des sommes dues par ceux des acquéreurs qui, aux termes du règlement de l'aliénation, ont profité de la facilité de ne payer qu'en douze années én s'obligeant annuellement aux intérêts. 11 fera faire un tirage par voie de loterie auquel tous créanciers porteurs d'assignations non forcées ou porteurs d'assignats forcés, auront part. Les porteurs des effets que le sort aura favorisés seront mis aux lieu et place de la nation pour être remboursés du capital de leur effet, ainsi que de l'intérêt annuel, comme l'aurait été la nation en vertu du règlement, pour l'aliénation des domaines nationaux : les créanciers qui se trouveront dans cette classe auront alors des particuliers pour créanciers, sans que l'Etat cesse pour cela de les protéger dans tous les cas où ils auraient besoin d'avoir recours aux lois.
Art. 18. Il sera décrété une nouvelle émission d'assigaats-monnaie, portant intérêt de 3. 0/0, d'une somme de 240 millions, en outre des 400 déjà émis; 200 seront destinés à payer les dépenses courantes du Trésor national ; 40 seront destinés à acquitter certaines dettes de l'arriéré, qu'on ne peut payer avec des assignations non forcées, à moins de déranger l'ordre du service. Cette émission ne pourra être que d'un neuvième à la fois.
Art. 19. Comme les assignats-monnaies sont destinés à remplacer les impôts de 1790 et des années antérieures dont le recouvrement a été retardé, on fera verser la moitié de ceux qui auront été recouvrés dans les caisses de l'extraordinaire, afin d'en faire un dernier tirage du mon* tant de cette somme pour éteindre la même sommedeces assignats-monnaie, des assignations non forcées s'il en existe encore. On y joindra en outre tout ce qui rentrera en argent dans la caisse de l'extraordinaire des deux derniers termes de la contribution patriotique.
Résultats du décret.
Permettez, Messieurs, que j'analyse la méthode que prescrit mon projet de décret et que je fasse apercevoir clairement et en peu de mots ses ré» sultats dans les différentes suppositions. L'Assemblée sera à portée de juger que, dans aucun cas, le royaume ne peuten recevoir une grande commotion.
Si les immeubles destinés à payer les créanciers de la dette exigible s'élèvent à une sommeégaleà la dette, il en résultera qu'une partie des créanciers aura acquis des immeubles à la place des capitaux qu'elle avait sur l'Etat ; et que l'autre partie des créanciers, que le sort aura bien traitée, sera remboursée en écus par la caisse de l'extraordinaire, en vertu des tirages de loterie qui ont lieu quand il y a un million en écus à cette caisse. Il ne restera donc, dans cette hypothèse, de papiers dans la circulation qu'entre les mains de ceux qui n'auront pas voulu se présenter aux acquisitions, craignant de faire un sacrifice nécessaire dans la circonstance pour se procurer des immeubles. On ne pourra plaindre cette dernière classe de voir ces assignats forcés ou ces assignations non forcées convertis en rentes perpétuelles à 4 0/0.
Si, au contraire,les immeubles ou domaines nationaux sont à une moindre somme que la dette, ce qui restera de ces papiers dans la circulation sera converti en rente perpétuelle à 4 0/0, et il n'y aura que les gens qui ne savent pas se décider selon les circonstances, qui éprouveront ce placement de leurs capitaux. Il me paraîtrait qu'il serait contre les principes de cette Assemblée, dans ce cas unique, de ne pas accorder l'intérêt à 4 0/0, puisque ni l'Assemblée, ni les créanciers n'ont pu le prévoir.
La nation aurait un moyen pour dédommager cette dernière classe, en la traitant comme la précédente; ce serait de faire paraître son règlement sur l'aménagement des forêts et bois, auquel les particuliers, comme les corps administratifs, seraient également obligés de se conformer, et de recommencer, pour les forêts et grands bois des domaines nationaux, la même opération qui va être faite pour les immeubles mis en vente.
On voit que toute la justice qui est au pouvoir de la nation est rendue aux créanciers de l'Etat ainsi qu'aux contribuables, et que cette opération n'excite, dans le royaume, aucune grande commotion.
Pour satisfaire la nation, les directeurs du Trésor national iront tous les mois vérifier le registre de recette du caissier de l'extraordinaire, en le comparant avec les états envoyés par les préposés aux ventes ; ils signeront l'état imprimé ainsi que l'état du million qui doit se distribuer par la voie de loterie, quand il se trouvera ce numéraire dans la caisse. Le public sera à portée de suivre l'opération de cette liquidation et finira par savoir la somme à laquelle s'est élevée la vente des domaines nationaux et celles de la dette. Les directoires de départements et de districts veilleront pour la nation à la conservation de ce gage par toute la force publique dont ils disposent, ce qui doit être uue de leurs fonctions les plus sacrées.
La France n'a besoin, pour tout supplément de numéraire, que d'assurer les payements réguliers du Trésor national.
demande la parole.
On observe qu'il a déjà été entendu dans cette question,
L'Assemblée décide qu'il ne sera pas entendu.
Avons-nous besoin d'un papier quelconque ? Le papier portera-t-il intérêt ? Ën émettra-t-on de plusieurs espèces ; quelle en sera la quotité? Telles sont les questions que je vais parcourir successivement. Je promets d'être très court.
Avons-nous besoin d'un papier quelconque ? Oui, n'hésitons pas à le prononcer ; l'insuffisance de notre numéraire nécessite cette délibération. Cette insuffisance est accrue par les circonstances, l'exportation et le resserrement. Les trois cinquièmes de l'argent sont comme s'ils n'existaient pas. La nécessité d'accélérer les ventes des biens nationaux donne un grand motif à la création d'un signe quelconque.
Ce ne sont plus des spéculations lointaines qui peuvent remédier à nos maux, il faut des secours réels et prompts, comme les maux qui nous menacent : l'activité du commerce et le bonheur de la France en dépendent. Concluons donc qu'il faut un remède ; c'est un papier.
Ce papier portera'Uil intérêt ?
En imettra-t-on de plusieurs espèces ? Si vous lui donnez intérêt, tout est manqué. Celui que vous avez accordé aux assignats n'a été qu un bénéfice de plus pour l'agiotage. Ce que l'on pourrait faire, ce serait d'accorder une espèce de prime à ceux qui achèteraient des biens nationaux. On demande si ces biens suffiront pour l'extinction des assignats ? Cette objection est la plus vaine et Ja plus futile de toutes celles qu'on peut faire. Combien de nations, ayant ud numéraire fictif bien plus considérable que celui qu'on nous propose, n'en ressentent point de mauvais effets, quoique leur papier n'ait pas d'hypothèque foncière 1 J'ai donc eu raisoa de dire que l'objection était dérisoire. Émettra-t-on des assignats,des quittances de finances ou des obligations nationales? L'Assemblée, éclairée parla discussion, animée par son zèle pour le rétablissement de la chose publique, prendra le meilleur de tous les moyens.
Les assignats sont un papier utile à l'agriculture, au commerce.et aux manufactures, je pencherais donc de ce côté , je ne conçois pas comment on a pu proposer des quittances de finances. Lés créanciers de l'État viennent sans cesse au comité nous dire qu'ils sont poursuivis par ceux à qui ils doivent. Gomment pourrait*on leur donner en payement un papier qui ne leur donnerait aucune facilité pour satisfaire leurs créanciers ?
Dernière question : Quelle sera la quotité des assignats émis ? Voilà, sans doute, ce qu'il y a de plus important et* de plus difficile à résoudre. L'on peut faire une émission progressive jusqu'à la concurrence de tous les biens nationaux ; mais cette progression doit être statuée et l'on doit en fixer le terme. La première émission, par exemple, pourrait être de 4 ou 500 millions, et celles qui doivent succéder n'excéderaient pas la valeur des biens aliénés. Par là vous prévenez l'engorgement et vous rapprochez tous les systèmes. Personne ne peut dire ; Ce plan est parfait et je répondBdn succès. Le sage dit : Je crois que ce moyen est bon, on n'en proposa pas de meilleur.
Il fautdono prendre ce parti qui présage du succès sans trop faire craindre le danger. Il faudrait aussi avoir un emprunt viagel? toujours ouvert, Earce que ceux qui ne pourraient acquérir des ieos nationaux porteraient leurs assignais dans
les caisses de l'emprunt, Je vous ai fait part de mes réflexions, et sans proposer aucun parti je les abandonne à votre jugement.
(1). Messieurs, les défenseurs les plus zélés du système qui rembourse la dette exigible en assignats-monnaie, convenant de la hardiesse et même des dangers de l'opération, avouant qu'ils ne l'adoptent que parce que les autres mesures ont plus d'inconvénients, c'est pour nous une obligation rigoureuse d'en examiner soigneusement les détails et les comparer aux autres moyens qu'on a proposés. La question étant d'ailleurs très compliquée, le parti ç[u'on prendra pouvant amener une subversion générale des propriétés et As fortunes, pouvant renverser la Constitution qui vous élevez avec tant de peine, chacun de nous doit écarter les préventions et appliquer toutes les forces de son esprit à une discussion si importante. Puisqu'il s'agit enfin d'éviter une grande erreur qui ne serait plus susceptible de remède, qui ferait oublier les nobles travaux de PAs-semblée nationale, nous serions coupables, si des considérations quelconques ^l'emportaient sur notre devoir; et si, dans la crainte de déplaire , nous redoutions de nous montrer dans une délibération d'où dépend le sort de l'État,
Je ne perdrai pas de vue ces vérités. Écartant les questions secondaires qui seront la matière d'une autre délibération, j'examinerai impartialement, et sans aucune crainte, les avantages et les inconvénients des divers moyens de rembourser la dette exigible ; et après les avoir comparés, l'un à l'autre, je présenterai avec franchise le résultat de mon opinion sur la question principale.
En déclarant que les biens du clergé et les domaines de la couronne sont des propriétés nationales, vous aviez dissipé toutes les inquiétudes sur l'abîme des finances ; vous vous trouviez dans une position inespérée : on était sûr de l'exécution paisible du premier de vos décrets, qui a mis la dette de VEtat sous la garde de Vhonneur et la loyauté du peuple français : les bons citoyens vivaient tranquilles sur cet objet, lorsqu'un système hasardé, lorsque des combinaisons irréfléchies, adoptées par l'éloquence et le patriotisme, sont venus, au milieu d'un si grand nombre de sujets d'inquiétude, nous jeter dans une situation d'autant plus périlleuse, qu'elle est l'ouvrage de l'Assemblée elle-même, et qu'elle nous prive de cette réunion de courages et de volontés , qui a fait jusqu'ici notre force et nos succès.
On est frappé d'abord des circonstances où l'on propose de créer pour deux milliards d'assignats-monnaie; c'est parmi les orages de la plus grande des révolutions ; c'est à une époque où l'Etat, qu'ila fallu désorganiser pour le soumettre à une régénération complète, n'a pas encore l'habitude de la soumission aux pouvoirs publics, établis par la Constitution ; c'est dans un temps où la confiance inséparable de l'ordre ne peut exister, où les ennemis du bien public cherchent toutes les occasions de faire naître du désordre, qu'on nous propose cette mesure.
On ne peut s'empêcher de remarquer ensuite qu'on la propose à la nation française,
é'est-à-dire à un peuple qui, en accueillant à une épo-
Si, laissant ces accessoires à l'écart, on consulte l'expérience des peuples sur le résultat d'un numéraire fictif trop considérable, on voit que le papier-monnaie a toujours inspiré de la défiance ; qu'un discrédit plus ou moins grand l'a toujours frappé ; que l'accroissement de la valeur des denrées en a toujours été la suite ; que cet accroissement s'est élevé pour l'ordinaire à un taux effrayant; que partout on a contenu les murmures et les.violences à l'aide du despotisme et de la supercherie, et qu'enfin les raisonnements insidieux ou les prestiges de l'art oratoire ne peuvent anéantir ces vérités.
Je sais qu'on ne doit pas assimiler nos assignats à ces papiers-monnaie qui n'ont qu'un gage chimérique, et dont les banques et les gouvernements, abusant de la crédulité du vulgaire, ont fait un usage si scandaleux. Je sais que leur émission sera progressive ; mais ces assignats qu'on ne mettra pas tout à coup dans la circulation, qu'on regardera, si l'on veut, comme des lettres de change sur les propriétés territoriales, quoique le premier caractère d'une lettre de change soit d'être payée à une époque fixe, ne seront point remboursables à volonté. Ils seront du papier ; malgré la sûreté de son hypothèque, les ouvriers, les hommes peu éclairés ne le compareront jamais à l'argent; et si votre puissance a renversé tant d'abus, si elle a fait disparaître un si grand nombre de préjugés, elle échouera ici, parce que, d'un côté, les explications ne sont pas à la portée de tout le monde, et que, de l'autre, les malheurs, en se précipitant, ne vous laisseront pas le loisir d'éclairer le peuple.
Avant d'exposer les suites désastreuses du système que je combats, il est à propos de retracer rapidement les avantages qu'on lui suppose, et de prouver que ces avantages sont nuls ou exagérés. On nous dit qu'il précipitera la vente des domaines nationaux ; qu'il en augmentera la va-leur; qu'il attachera tout le monde à la Révolution ; qu'il arrachera promptement les domaines nationaux des mains des municipalités et des corps administratifs, qui ne peuvent les bien régir ; qu'enfin si on ne Vadopte pas, il faudra surcharger le peuple d'impô ts, pour payer l'intérêt des quittances de finances, et que cet accroissement d'impôts sera de cent millions.
Mais est-il prouvé que les quittances de finances ralentiraient la vente? N'y a-t-il pas lieu de penser, au contraire, qu'elles la rendraient plus prompte, puisqu'en général elles appartiendraient à la classe aisée des citoyens, qui, ayant éloigné ses capitaux du commerce, serait plus disposée à les employer à l'achat des biens-fonds ; que, d'ailleurs, les deux milliards d'assi-
gnats, répandus dans des millions de mains affaibliraient pour chacun des individus, porteurs de quelques-uns de ces assignats, le désir de les réaliser en terres-
Vaccroissement de la valeur des domaines nationaux est plus sûr ; mais si l'opération est injuste, immorale et dangereuse, certes on ne doit pas se permettre d'insister sur cet accroissement; et on verra, par la suite, que l'émission, même progressive, de deux milliards d'assignats-monnaie, serait injuste, immorale et dangereuse.
On s'écrie qu'ora attachera tout le monde à la Révolution; mais ce sont les anciens magistrats et les officiers ministériels supprimés, ce sont les financiers et les faiseurs de service, ceux qu'enrichissaient les anciens abus, qu'il faut attacher à la Révolution, et les quittances de finances en offrent le seul moyen ; car on a tout fait pour le peuple, et il connaît trop ses intérêts pour ne pas aimer une Révolution qui l'a tiré de la servitude et lui a rendu tous ses droits. J'ajouterai que les assignats-monnaie, et surtout les petits assignats de 50 et 25 livres, peuvent seuls le tourner contre vous. De combien de remarques ce prétendu avantage serait susceptible I II faudrait d'abord examiner si les mécontents peuvent arrêter la Révolution ; si l'on peut, sans nécessité, faire usage d'un poison si actif; s'il est raisonnable d'ajouter cette cause de désordre et de dissolution à toutes celles qui nous environnent et qui sont inséparables de la belle entreprise que nous avons formée; si ce n'est pas une dérision d'insister sur ce point, lorsque les adversaires des deux milliards d'assignats soutiennent que tout ce papier-monnaie produira, par le surhaussement du prix des denrées, un bouleversement général ; si c'est par la cupidité qu'on peut attacher les Français à la nouvelle Constitution ; s'il est permis de compter sur d'autres appuis que la raison et la justice ; si les porteurs d'une quantité d'assignats, excédant toute mesure et toute proportion, ne deviendraient pas, en quelques mois, autant d'ennemis des lois que vous avez faites; si ce n'est pas le dernier terme de l'imprudence de rechercher de faibles avantages, en compromettant notre liberté et celle du genre humain ; si l'on peut faire valoir cette raison, lorsqu'on vous répond que l'infâme banqueroute, pouvant être, devant être la suite de deux milliards d'assignats-monnaie, on s'expose à flétrir, auprès des contemporains et auprès de la postérité, et l'opération en elle-même, et ceux qui l'auraient faite, et la grande cause nationale à laquelle on l'aurait attachée. Je demanderai, en outre, s'il est juste de ne voir ici que des calculs arithmétiques; si dans une question qui est peut-être la plus abstraite et la plus étendue de toutes celles de l'économie politique, il est convenable de ne présenter qu'une idée simple qu'on peut contester, et s'il ne faut pas calculer aussi les émeutes, les séditions et les innombrables désordres qu'on a lieu de redouter ?
On arrachera, nous dit-on, les domaines nationaux des mains des municipalités et des corps administratifs qui ne peuvent les bien régir. Si cet avantage est réel, si on ne peut l'obtenir d'une autre manière, il doit être compté pour quelque chose. Mais il s'agit de savoir si une proportion démesurée d'assignats-monnaie entraînera des désordres et des émeutes, car alors on s'expose à retarder la vente, au lieu de l'accélérer. Et, en effet, pour faire, pour achever les ventes, on a besoin de tranquillité et d'une soumission entière à la loi et aux pouvoirs publics.
D'ailleurs en fixant le dernier terme de la vente à deux années, ainsi que je le proposerai, on ménage à l'opération toute la promptitude dont elle est susceptible.
Si vous ri adoptez pas les deux milliards d'assi-gnats-monnaie, il faudrd surcharger le peuple d'impôts pour payer l'intérêt des quittances de finances, et cet accroissement d'impôts sera de cent millions. Tel est le cri, mille fois répété de nos adversaires, et j'avoue que l'un de mes co-dépu-tés, dont je connais les lumières, M. Anson, m'a étonné hier en présentant un calcul aussi faux. C'est ainsi qu'on égare l'opinion, et qu'on se trompe soi-même en se livrant sans réflexion à un sentiment estimable. D'abord cette raison semble être tirée du code perfide où sont consignées les ruses avec lesquelles on séduit les hommes. On oublie tout simplement ici le revenu des domaines nationaux : on évalue à 70 millions le revenu des biens seuls du clergé; il y a lieu de croire qu'il excède cette somme. Mais quand on voudrait le réduire à cause de la mauvaise administration de tous les petits corps chargés de la perception ; quand on accorderait aux quittances de finances un intérêt de 5 pour 100 (taux qu'on pourrait sans injustice réduire ou borner aux six premiers mois et graduer ensuite sur une proportion décroissante), u'a-t-on pas démontré « qu'en supposant deux ans pour la vente, on aurait seulement à payer pour un an, qui est le terme moyen, la différence entre la valeur du revenu des biens nationaux et l'intérêt de ces gommes; c'est-à-dire à cause des 400 millions d'assignats, la différence des 70 millions à 92, ou 22 millions, si on donne pour 1,600 millions de nouveaux assignats; et celle de 70 à 117, ou 47 millions, si on en distribue encore pour deux milliards et 100 millions ? » Puisqu'on reproduit toujours cette objection, il faut répéter la réponse décisive qu'on a faite; et la voici: « que l'on n'impose pas les intérêts de la dette exigible; que dans les deux années, terme auquel on peut fixer la durée des ventes, ils soient compris avec les remboursements, ce qu'il est aisé de faire, même sans retarder le payement de ces intérêts;..... Qu'ensuite, après deux ans, lorsque les biens. nationaux, aliénés à des particuliers, auront ouvert une nouvelle source de richesses, lorsque les mouvements, causés par la Révolution, dans la distribution des richesses et des travaux, auront fait place à un nouvel équilibre, l'on fasse un nouveau calcul, et qu'alors l'on proportionne l'impôt au besoin. » Je le répéterai, enfin, l'argent qu'il faudra acheter pour la solde des troupes, pour les ateliers de c-harité et beaucoup d'autres objets, le surhaussement du prix des munitions de la marine et de la guerre, ne serait-il pas plus onéreux au Trésor public que l'intérêt des.quit-tances de finances ou des obligations nationales ?
Les avantages que font valoir les partisans des deux milliards d'assignats-monnaie sont donc nuls ou exagérés.
Si j'analyse maintenant l'effet de deux milliards d'assignats jetés dans la circulation, et je le redis encore, je l'ai bien entendu, l'émission sera progressive, n'est-il pas aisé d'y faire apercevoir des inconvéhients et des dangers de toute espèce? D'abord, ils augmenteront le prix des denrées; l'accroissement de valeur des objets de première nécessité sera tel qu'on défie d'en calculer le terme. Plusieurs des préopinants ont déjà démontré ce point. Je me bornerai à un raisonnement qu'on a oublié : ou les deux milliards d'assignats feront
reparaître l'argent, comme on ose le dire, ou ils achèveront de le faire disparaître. Dans la première hypothèse, les signes représentatifs doubleront ou augmenteront dans une proportion quelconque; et alors il faudra une quantité plus grande de papier pour obtenir, dans les échanges, la même quantité de marchandises ou la même mesure d'une denrée. Cela est si vrai que le prix des marchandises et des denrées ne s'accroît, chaque anuée, en Europe, que parce que, chaque année, les trésors de l'Amérique viennent augmenter la masse de nos espèces; que depuis la découverte du Nouveau-Monde, on peut suivre, d'une année à l'autre, la progression de la valeur des denrées sur l'argent. Si les deux milliards d'assignats achèvent de faire disparaître le numéraire ; d'aprè8 cette vérité triviale : l'argent vaut mieux que le papier qui ri est pas remboursable à vue; le propriétaire d'un objet de première nécessité, le vendra plus cher, si on demande à le payer en papier. Dans son évaluation, ce propriétaire comptera les dangers à courir, les terreurs vraies ou fausses de son esprit, la mauvaise chance des événements futurs que l'imagination exagère toujours dans les pays agités ; mille causes de cette nature aviliront le papier et augmenteront la valeur des denrées. On assure que les assignats mettront de l'aisance dans les affaires. Oui il y aura quelques jours d'illusion, et bientôt l'effroyable misère paraîtra. Et qu'on ne me dise pas que le prix des salaires se proportionnera à celui des denrées; c'est une grande erreur du système des économistes; c'est sur une idée chimérique, jouer la subsistance du pauvre. Quand on conviendrait qu'une longue suite d'années doit produire cette espèce d'équilibre, tout le monde étant d'accord que la prompte aliénation des domaines nationaux est nécessaire, il n'y aurait pas assez de temps pour soustraire le travail des pauvres à la tyrannie des riches. Le système des assignats-monnaie serait donc très nuisible au pauvre; il mettrait donc les honnêtes gens à la merci des fripons ou des propriétaires avides; il ferait donc 24 millions de dupes, pour enrichir un très petit nombre d'hommes d'une coupable habileté.
L'effet des assignats-monnaie, dans les grandes villes, présente des calamités d'un autre genre.; et quel est l'homme assez aveugle ou assez intrépide, pour dire : ces malheurs n'arriveront pas, ou bien nous saurons les braver? Les dernières classes des .citoyens, les ouvriers, les rentiers, dont le revenu suffit à peine à leur subsistance, dans les temps ordinaires, se trouveraient bientôt sans ouvrage ou sans ressources. Leur désespoir ne ménagerait plus rien; d'impérieux besoins leur donneraient de la fureur; et leurs trop justes malédictions poursuivraient les auteurs de leurs maux. Certes, la délibération qui nous occupe étonne de bien des manières ; mais ce qui doit le plus exciter de surprise, c'est que, dans les circonstances où nous sommes, l'Assemblée nationale paraisse indécise sur cette question. Car, enfin, avec une force publique qui n'est pas consolidée, avec de nouveaux pouvoirs et de nouvelles lois qui n'ont pas encore acquis toute l'autorité qu'ils obtiendront, au point d'exaltation où sont les esprits, qui pourrait garantir les propriétés? Qui pourrait répondre de contenir le peuple, le jour où la livre de pain augmenterait d'un sol dans tout le royaume ? Qui pourrait le contenir dans la capitale et dans les grandes villes? J'interpelle ici les partisans des deux milliards d'assignats-monnaie ; qu'ils osent traiter
ces craintes de chimériques ? Il serait donc très imprudent d'exposer les grandes villes aux catastrophes que je viens d'indiquer.
Si le projet que je discute était adopté, si l'opinion de quelques nommes trompés, sans doute, entraînait vos suffrages, ne voyez-vous pas, Messieurs, qu'au moment où l'on apprendrait cette désastreuse résolution, les citoyens sages, les citoyens timides, les gens riches ou aisés, songeraient à abandonner la France, et feraient tous les sacrifices pour soustraire au naufrage une partie de leur fortune ? L'asile le plus incommode ou le plus éloigné leur semblerait préférable à une contrée, où les suites d'un rêve enfanté par la cupidité en délire anéantiraient le seul espoir qui noua soutienne dans notravaux, l'es-poir de la paix et de la liberté. Les assignats-monnaie achèveraient donc de diminuer les ressources d'un pays, d'où le mécontentement, le préjugé et l'amour du repos- ont éloigné tant de familles.
Je demanderai, de pluB, si nos manufactures et notre commerce soutiendraient la concurrence avec les fabriques et le commerce de l'étranger? ei nos ateliers pourraient se relever du coup qu'ils ressentiraient? si le désavantage de nos changes n'anéantirait pas très promptement cette balance de 60 millions que noue payent les autres peuples, et sur laquelle on a fait hier un sophisme bien grossier? Et lorsque les nations tributaires de notre industrie ne nous payeront plus rien, ou nous payeront une somme très faible, que deviendront ces millions d'ouvriers qui, déjà, éprouvent de la détresse ? Je demanderai si en moins de deux ans les restes du crédit commercial de la France au dehors, ne seraient pas épuisés? Si nos manufactures languissantes depuis quelques années, par la faute de notre gouvernement, et l'habileté des gouvernements voisins, ne verraient pas consommer leur ruine? J'invoquerai ici le témoignage des villes de commerce et des négociants les plus éclairés : si quelques villes, si quelques négociants ont paru favorables au système que je combats; c'est que les hommes ne portent pas assez leurs regards hors de l'enceinte où ils se trouvent. Les deux milliards d'assignats-monnaie, on ne peut en douter, causeraient donc une perte irréparable à notre commerce.
Et cependant on les vante comme le remède universel qui doit vivifier le commerce, qui doit tout ranimer. On assure qu'ils formeront une rosée bienfaisante, qu'ils deviendront une abondante mine d'or. C'est, nous dit-on encore, le mouvement qui animera tout, qui réparera tout; c'est un germe de vie qui manque à ta société, et qu'il faut lui donner ; et pour qu'on ne doute pas de tant de magnifiques promesses, on observe que la société sera dissoute, si les assignats ne valent pas des écus. — Oui, sans doute, les deux milliards d'assignats-monnaie seront une pluie d'or pour quelques agioteurs ; mais d'ailleurs ils répandront la stérilité et la misère.
Dans le pompeux étalage de leurs effets sur le commerce, on n'a pas manqué de dire qu'ils diminueraient l'intérêt de l'argent ; mais si cette assertion est de bonne foi, si c'est par inadvertance qu'on ne parle pas du surhaussement du prix des salaires qui excéderait le bénéfice résultant de la diminution de l'intérêt, on ne voit le commerce que dans les remueurs de papiers, et on ne le voit pas où il est, c'est-à-dire dans les fabriques et les ateliers. Voici une seconde réponse : la cupidité, qui jamais ne fiommeille.se met trop à découvert ; elle ne craint pas la ser-
vitude ; pour en sortir, elle ne veut faire aucun sacrifice ; au milieu d'une Révolution qui établit la liberté publique, elle ne veut pas qu'il y ait d'interruption dans ses profits; on le conçoit: mais elle pourrait cacher cette disposition ; car enfin, l'intérêt de l'argent ne peut diminuer avant le retour de l'ordre et la parfaite consolidation des lois, c'est un axiome qui n'est ignoré de personne, et en le laissant à l'écart, ne donnera-t-on pas lieu de penser qu'on veut mettre en usage tous les moyens de séduction et se conformer à tous les goûts ?
On vient de voir que les partisans des deux milliards d'assignats-monnaie présentent, à l'appui de leur système, de prétendues vérités qui sont d'une fausseté évidente. Je vais relever une autre assertion bien plus extraordinaire. On ose soutenir que les quittances de finances favoriseraient l'agiotage, peste que les assignats peuvent seuls détruire. Cette objection est étrange. Voyez dans la supposition des deux milliards d'assiguats-monnaie les capitalistes et les joueurs, qui ont eu soin de préparer leur coup à l'avance, arrivant avec quelques millions en espèces, faisant, dès les premiers mois, baisser les assignats de 10, de 20 pour 100 ; gagnant ainsi 20 pour 100 à les échanger contre deg écus ; payaqt au même instant, avec ces assignats, les dettes qu'ils auraient eu soin aussi de contracter à l'avance ; voyez leurs émissaires courant les divers pays de l'Europe, où l'on a transporté quelques parties de notre numéraire; voyez-les intéressant les capitalistes étrangers, pour mieux assurer le succès de leurs immorales spéculations ; voyez-les tenant les citoyens honnêtes dans un vérita*-ble coupe-gorge ; suivez-les, si vous le pouvez, dans leur marche ténébreuse, ils y mettent en usage toutes les ruses, toutes les perfidies de cet art infernal, de la baisse et de la hausse artificielle des effets publics ; art, qui de nos jours, a été porté à la perfection qui déshonore la France, et que vous devez proscrire avec indignation. On se souvient que lors du système de Law, on vit s'élever quelques fortunes monstrueuses au mi* lieu de l'Etat ruiné dans toutes ses familles. Les deux milliards d'assignats-monnaie seraient donc très utiles aux agioteurs qui vendraient l'argent au poids de l'or, ou à des hommes perdus de dettes qui répareraient leurs affaires. Les uns et les autres, aprèa s'être eurichis plus ou moin.*, iraient au loin jouir de leur proie, et rire de notre sottise et de notre misère.
Vous avez déclaré plusieurs fois, Messieurs, que vous chercheriez à diviser les domaines nationaux, à les mettre à la portée des petits cultivateurs ; et, conformément aux vues de bienveillance et de justice qui vous ont toujours animé en faveur des habitants de la campagne, vous avez voulu restreindre le nombre des grands propriétaires, diminuer l'inégalité des fortunes territoriales, autant qu'il est possible de le faire dans une vaste contrée où, depuis la fondation de la monarchie, un petit nombre d'hommes, maîtres de tout, n'abandonnaient, au reste de la nation, que de misérables salaires. D'après ces intéressants motifs, vous n'avez demandé qu'une somme modique au moment de l'acquisition ; vous avez laissé douze années pour payer le reste : eh bien, on a démontré que les deux milliards d'assignats-monnaie tendraient & exclure de ces acquisitions les petits cultivateurs et les petits propriétaires ; que le porteur d'assignati, devenus trop nombreux, payer a 30,000 francs en papier, ce qu'il n'aurait voulu payer que 20,000francs
en argent ; que ce haussement indéfini de prix exclura le cultivateur et le petit capitaliste qui n'a que de l'argent. Cette disposition si populaire, si favorable au pauvre, qui lui permet de payer en douze ans, que la nécessité obligera vraisemblablement de modifier dans le système des obligations nationales, il faudra donc "la révoquer tout à fait dans celui des partisans des assignats-monnaie.
Il arriverait en effet de deux choses l'une : au premier moment de discrédit, que nos troubles intérieursaccroltraient,précipiteraientdemillema-nières, les porteurs, d'une somme considérable en assignats, ou se jetteraient sur les terres pour un gage si hasardeux, et alors les bons effets de la clause de douze ans ne subsisteraient plus; ou les ventes n'éprouveraient aucufie rapidité, et alors il faudrait, durant douze années qui ne peuvent être fort tranquilles, laisser dans la circulation environ un milliard de papier-monnaie, c'est-à-dire prolonger un moyen terrible, qu'on nous vante comme le seul expédient qui puisse promptement nous tirer d'affaire. Ce serait donc violer nos propres décrets, renoncer à l'esprit qui nous a constamment animé, oublier les intérêts du pauvre, que de rembourser toute la dette exigible en assignats-monnaie.
Pour mieux nous séduire, on représente cette mesure comme la seule vraiment équitable à l'égard des porteurs de créances exigibles : on dit, ce dont tout le monde tombera aisément d'accord, qu'il faut les autoriser à payer leurs créanciers bailleurs de fonds avec le remboursement qu'ils recevront du Trésor public; et c'est ainsi que, sous le voile d'une idée morale, appliquée à deux individus, on part d'un point à peu près convenu, pour arriver à un résultat qui serait une véritable injustice envers la nation entière et des millions de citoyens en particulier. Cette nation et ces millions de citoyens ont aussi des droits qu'il faut respecter. D'abord, je demanderai qu'elle était la certitude de l'hypothèque du bailleur de fonds sur une charge de magistrature ou de finance, sur un oflice ministériel, ou sur un cautionnement? les ressources d'un gouvernement abîmé sous le fardeau de ses dettes? le Trésor royal qui ne pouvait plus être alimenté que faiblement, et qui consumait ses recettes en prodigalités et en folles dépenses ? L'ancienne machine de ce gouvernement s'écroulait; la banqueroute, une insurrection désordonnée contre les abus étaient inévitables : ainsi les bailleurs de fonds couraient d'extrêmes dangers; ils allaient éprouver de grandes pertes. On régénère la nation, on fait une Constitution, on réforme tous les abus, on établit des barrières qui les empêcheront de renaître, on rembourse le créancier immédiat; mais en le remboursant avec une quittance de finance; si l'on oblige le bailleur de fonds à la recevoir sans pouvoir la transmettre autrement que de gré à gré, je demande s'il pouvait transmettre autrement son titre sur le titulaire d'une charge, ou le propriétaire d'un cautionnement? si son gage précaire, transformé en hypothèque sur les domaines nationaux, garantie par la nation, et à l'époque où ses représentants ont mis toutes les dettes de l'État sous la garde de l'honneur et de la loyauté du peuple français, n'est pas beaucoup plus sûr ? s'il ne doit pas se regarder comme fort heureux? D'ailleurs, le bailleur de fonds sur des charges ou des affaires abusives, n'est pas exempt de tout reproche, et il ne pourrait imputer qu'à lui les suites de son imprévoyance ou de sa cupidité,
J'observerai en passant qu'on a donné lieu à la confusion des idées, en appelant du nom de créances exigibles, des parties qui ne sont point exigibles, en réclamant un titre uniforme pour toutes ces créances; et certes c'est s'exposer à des longueurs et à un travail inutile.
On peut, sans dénaturer le titre, lorsqu'il n'y a point de liquidation à faire, admettre ce titre à la vente des domaines nationaux ; y admettre, par exemple, tels qu'ils sont, les bordereaux ou 'les coupons d'intérêt des emprunts à terme. S'il y a des bailleurs de fonds hypothécaires sur ces papiers, on peut les subroger au propriétaire apparent, et, dans l'une et l'autre hypothèse, personne n'aurait le droit de se «plaindre.
Quoi 1 parce que le despotisme avait tout enchevêtré, avait tout corrompu, la nation ne pourrait redevenir libre! Elle serait obligée de souffrir des abus, parce que le Trésor public n'aurait pas des milliards en espèces pour les remboursements! Pourquoi ne parle-t-on ici que des porteurs de créances exigibles et de leurs bailleurs de fonds, et par quel étrange renversement d'idées ne compte-t-on ni les intérêts de la société entière, ni ceux des millions de citoyens qui ne sont ni créanciers du Trésor public, ni bailleurs de fonds sur les charges de magistrature ou de finance, les offices ministériels ou les cautionnements? Rembourser les créanciers immédiats en quittances de finance, en les autorisant à s'acquitter de la même manière envers ceux qui ont prêté la totalité ou une partie de leurs fonds d'avance; admettre à la vente des domaines ni-tionaux, les titres liquides, tels qu'ils sont, des créanciers immédiats, en offrant la subrogation à leurs créanciers bailleurs de fonds, c'est donc rendre à ceux-ci un véritable service, que l'équité n'ordonne pas ; mais adopter l'expédient des as-signats-monnaie, c'est ruiner les derniers porteurs de ces assignats ; c'est vouloir fouler et ruiner le peuple dans les temps à venir, parce qu'on l'a ruiné dans les temps passés, parce qu'un gouvernement dissipateur avait imaginé de vendre des charges, de vendre le droit de pressurer et de fouler le peuple: c'est préparer nous-mêmes l'esclavage et la misère de la France, que nous voulons, que nous devons rendre libre et heureuse.
Nous aurons à rendre un com >te sévère du parti que nous adopterons dans une question qui menace d'une subvention générale, les fortunes et les propriétés. Si l'on décrète deux milliards d'assignats-monnaie, au lieu de la reconnaissance nue nous avons lieu d'espérer à la suite de nos infatigables travaux, j'ai peur que la France entière ne nous accable de son mécontentement. Il est de notre devoir de braver la haine des ennemis de la Constitution : il faut supporter les plaintes et les reproches , lorsque l'inflexible règle de la justice et de la nécessité a dicté nos décrets. Ce que nous avons fait pour réformer les abus, nous le ferions encore; mais, parce que rien ne peut nous résister, faire un usage aveugle de la puissance qui nous eat confiée; consacrer par une loi le plus cruel et (pourquoi craindrais-je de le dire?) le plus insensé de tous ses systèmes ; jouer ainsi les intérêts de la nation, jouer ainsi la liberté, la fortune et la tranquillité publiques : ce serait le comble de l'imprudence, et rien ne pourrait nous justifier.
Ce n'est pas tout ; et cette dernière considération, je le présume, frappera les vrais amis de la liberté. Quand l'émission de deux milliards d'assignats-monnaie n'entraînerait pas promptement
les suites désastreuses qui me paraissent inévitables, l'opinion publique, qui fait la force de tous vos décrets, s'étant montrée, je ne dirai pas absolument contraire, mais peu favorable en cette occasion, les citoyens, dans leur terreur de l'avenir, ne s'écrieraient-ils pas qu'il est impossible de souffrir l'unité du Corps législatif? Pour prévenir des opérations si cruelles, n'y aurait-il pas à craindre que la nation ne désirât deux Chambres? Vous saperiez donc vous-mêmes l'une des bases de votre Constitution.
J'ai fait voir que les prétendus avantages de deux milliards d'assignats-monnaie sont nuls ou exagérés. Je crois avoir prouvé : 1° qu'ils augmenteraient les prix «des denrées, et que ce surhaussement serait très nuisible aux journaliers et aux pauvres citoyens ; 2° que les désordres qu'ils feraient naître dans les grandes villes sont incalculables, et qu'on ne peut même conserver l'espoir de les réprimer; 3° que loin de rappeler les citoyens, qui, dès le commencement de la Révolution, se sont éloignés de la France, il en résulterait une émigration considérable ; 4° que nos manufactures et notre commerce, au dehors, éprouveraient de grandes pertes ; 5° qu'ils favoriseraient l'agiotage, et qu'on verrait des fortunes colossales, élevées sur la ruine de tous les citoyens; 6° que loin de produire la meilleure vente des domaines nationaux, ils nuiraient, sous plusieurs rapports, à cette ressource précieuse de l'Etat; 7° que sous le vain prétexte d'être équitables envers les porteurs de créances exigibles, on serait envers la nation entière d'une injustice révoltante; 8° que chacun de nous subirait des reproches pour avoir concouru à l'adoption d'un moyen désastreux que la nécessité ne commandait pas ; 9° que vous saperiez vous - mêmes l'une des bases de votre Constitution, puisqu'on s'écrierait vraisemblablement, d'une extrémité de la France à l'autre, qu'il y a trop de danger à souffrir l'unité du Corps législatif.
Les modifications qu'a développées hier l'un des préopinants, s'éloignent beaucoup moins qu'on n'a paru le croire du système qui rembourse en assignats-monnaie la totalité de la dette exigible. M. Ânson désire qu'outre les assignats-monnaie, on paye en obligations nationales, qui auront une prime de 3 0/0 ; il propose de laisser au créancier remboursable, Voption des assignats-monnaie ou de obligations nationales non forcées, mais portant intérêt. Il offre, pour sujet de tranquillité, un emprunt qu'on pourrait au besoin ouvrir à 4 0/0, et dans lequel on ne recevrait que les obligations nationales. 11 n'a présenté aucun calcul approximatif sur le nombre de ceux que déterminerait le petit appas de la prime en faveur des obligations nationales, et il a bien fait, car il serait peu considérable ; ce projet modifié, qui est une suite de la discussion, donne lieu d'espérer qu'on abandonnera successivement tout ce que le premier plan a de dangereux. Mais il reste beaucoup de chemin à faire : en effet, ce serait une illusion de penser que dans les circonstances où nous sommes, au milieu de tant de sujets d'inquiétudes, on préférât des obligations nationales à des assignats-monnaie. Il est trop évident que chacun voudrait se tirer d'affaire; qu'un très petit nombre de personnes songeraient à la prime, et que toutes ou presque toutes demanderaient des assignats, qui auraient la même faveur dans l'acquisition des domaines nationaux, et qui de plus seraient de la monnaie. Les adversaires de deux milliards d'assignats-monnaie n'entendront jamais à ce moyen de conciliation, à moins qu'on
ne détermine une quotité, que l'on ne pourra excéder, à moins qu'on ne propose de décréter, par exemple, qu'il n'y aura jamais plus de huit cents millions d'assignats; car enfin on ne s'arrange pas ainsi à l'aventure et d'une manière aveugle dans des choses de cette importance : mais il ne paraît pas qu'on soit encore arrivé à ce point : il faut en convenir d'ailleurs, cette fixation ne laisserait pas l'entière option dont on nous parle maintenant. On est donc réduit à attendre que le progrès de la discussion donne lieu à d'autres rapprochements; les prétendues modifications indiquées par M. Anson sont donc inadmissibles.
Parce que 400 millions d'assignats ont réussi, parce que 3 ou 400 millions de plus, devenus nécessaires pour le service de cette année et le commencement de l'année prochaine, et si l'on veut, pour aider sagement la circulation, réussiraient, il ne faut donc pas en conclure qu'une émission qui excéderait toute proportion et toute mesure aurait du succès.
On pourrait réduire la question à des termes bien simples. II faut se débarrasser de la dette exigible : tout le monde est d'accord sur ce point. Les quittances de finances sur les domaines nationaux, avec un intérêt et à des conditions qu'on déterminera, ou l'admission à la vente de ces biens, des titres de créances liquides, sans qu'il soit nécessaire de les dénaturer, sont un moyen naturel, simple et qui ne présente aucun danger. Mais au lieu de cette ressource certaine, que la destinée, qui nous a fait tant de mal, avait du moins mis en réserve pour notre salut, il s'agit de savoir si vous adopterez un autre moyen qui compromettra toutes les propriétés et toutes les fortunes, pour enrichir des agioteurs, pour favoriser inconsidérément un petit nombre de créanciers surchargés d'effets publics, dont peut-être une grande partie. a été acnetée dans l'espoir de l'opération qu'on vous propose; si sous le prétexte d'être plus que justes envers les porteurs de créances exigibles, vous exposerez les derniers porteurs d'assignats.
On a eu soin de s'emparer de l'imagination, en présentant de grandes vues ; d'exalter le courage en faisant ressortir la hardiesse de l'entreprise ; on a répandu au dehors de cette Assemblée, que les adversaires des deux milliards d'assignats-monnaie sont les ennemis de la Constitution : on s'est ainsi permis une lâche calomnie; on a eu l'adresse de masquer les dangers, et de n'offrir que les avantages de son système, de montrer un abîme ouvert devant nous, comme si les domaines nationaux, quel que soit le papier qui les payera, ne devaient pas combler cet abîme, comme si les assignats-monnaie n'étaient pas un gouffre qui peut engloutir les fortunes particulières, et la iortune et la liberté publique; on a assuré, on a répété, que nous n'avions d'autre moyen de sortir d'embarras: cependant la vente des domaines nationaux est sûre; aucune puissance sous le ciel ne peut l'empêcher ; et vous êtes les maîtres de la terminer en deux ans. Enfin, suivant les adroits calculs de tous les ambitieux qui veulent faire servir les hommes à leurs vastes desseins, on n'a rien négligé de ce qui peut épouvanter les faibles ; moyens futiles, stratagèmes surannés qui, je l'espère, ne feront aucune impression sur les législateurs de la France.
De pareilles opérations sont les crimes des, despotes et de leurs ministres : elles,sont dignes de leur imprévoyance et de leur mépris pour l'espèce humaine; mais elles sont indignes de vous. 11 faut le déclarer à haute voix, le système
de deux milliards d'assignats-monnaie est déraisonnable; il nous a trop occupé, et il est temps de terminer cette longue discussion qui peut-être fera sourire la prospérité.
Ët moi aussi, je puis le dire, en finissant, «j'atteste la patrie que je ne vous ai rien dissimulé des dangers qu'elle court ». Puisse-t-elle échapper à de si grands périls !
Je conclus à ce que la dette exigible soit remboursée en quittances de finances, dans la forme et aux conditions qui seront déterminées par une délibération particulière, et non pas en assignats-monnaie. Au moment de la délibération, je proposerai de décréter les bases suivantes :
Bases à décréter.
1° La somme des assignats-monnaie ne pourra excéder 800 millions ;
2° On déterminera incessamment l'espèce des créances sur le Trésor public qui seront remboursées, et celles dont on dénaturera le titre ;
3° Les créances dont on dénaturera le titre seront remboursées en quittances de finances, ou obligations sur les domaines nationaux, dans la forme et aux coudions qui seront fixées par une délibération particulière ;
4° Le créancier bailleur de fonds sur un office, une charge ou un cautionnementdéclarésremboursables, sera tenu de recevoir des quittances de finances en payement ;
5° La vente de la totalité des biens du ci-devant clergé se fera en deux ans;
6° Les directoires de département feront terminer, dans le délai de deux mois, l'estimation de la totalité des domaines nationaux.
Je demande, de plus, qu'on recueille les voix par appel nominal, sur le projet d'environ deux milliards de nouveaux assignats-monnaie.
Les comités des domaines et de féodalité sont prêts à vous présenter le résultat de leur travail sur les délits qui vous ont été dénoncés ce matin par l'adresse de la municipalité de Versailles.
, au nom du comité féodal et des domaines, lit les pièces envoyées aux comités, relativement à l'adresse de la municipalité de Versailles; il fait également lecture de la proclamation du département de Seine-et-Oise. Il résulte des pièces qu'hier et avant-hier les désordres ont augmenté; 2,000 hommes avec des fusils et bâtons ont violé les clôtures du grand parc, et menacent de s'introduire dans le petit: le château même est également menacé. Le comité a appris ce matin par la municipalité que le nombre des séditieux s'était accru d'un tiers. — Le comité pense que la proclamation du directoire du département doit être improuvée, en ce que ce directoire s'est attribué le pouvoir judiciaire; il a ordonné que des informations fussent faites, il a annoncé qu'il punirait les coupables..... Le comité présente un projet de décret dans la première partie duquel cette proclamation est blâmée; la seconde contient des dispositions relatives aux attroupements.
demande la division de la première partie et l'adoption de la seconde.
Il est de la plus grande importance de prévenir les malheurs qui nous
menacent; on ne peut voir sans inquiétude que des hommes égarés, dont le nombre était d'abord peu considérable, sont, en peu de jours, presque devenus un corps d'armée. Je conçois que la municipalité ait exagéré ces attroupements ; mais fussent-ils moins considérables, ils n'en seraient pas moins dangereux. Il faut réprimer, par une grande masse de force, des attroupements toujours inquiétants, parce que les ennemis du bien public sont prêts à en profiter, qu'ils les aient suscités ou non. (Il s'élève des murmures dans la partie droite.) La marche des ennemis du bien public n'est que trop connue. (Les murmures augmentent>.— Quelques membres du côté droit veulent que M. deLamethsoit rappelé à l'ordre, d'autres demandent qu'il nomme ces ennemis du bien public.) Je ne crois pas que quelqu'un veuille s'appliquer ce que je dis; vous devez prendre de sages précautions. Pendant qu'on fait détruire le gibier dans le parc de Versailles, on persuade au roi que l'Assemblée nationale veut l'affliger et le priver de ses uniques plaisirs, on lui conseille de vendre sa vénerie.
Quel est le but de ces conseillers perfides? c'est d'indisposer tous les Français contre l'Assemblée nationale en leur faisant croire qn'elle a voulu priver un roi qu'ils aiment, d'un exercice qui lui fut toujours cher. En appuyant la division proposée par M. Muguet, je demande que M. le Président se retire vers le roi pour l'engager à ne pas vendre ses équipages de chasse, pour l'assurer que l'Assemblée prendra toutes les précautions nécessaires pour faire rentrer dans le devoir des hommes égarés et pour qu'on respecte ses plaisirs. Il fautfaire marcher toutes les forces qu'il sera possible de réunir, de l'artillerie, s'il est nécessaire. (Le côté droit murmure.) On fera aisément rentrer dans l'ordre, sans qu'il en coûte du sang, par ce seul appareil (Les murmures auqmentent), car, en vérité, je ne sais si l'on est altéré; mais c'est un cruel breuvage. (Une grande partie de l'Assemblée applaudit.)
J'appuie l'avis du préopinant. Je désire d'autant plus que l'Assemblée nationale atteste au roi ses sentiments et tous ceux des vrais Français, que je sais qu'on a fait tout ce qu'on a pu pour empoisonner vos intentions, pour tromper le roi sur le décret que vous avez rendu au sujet des forêts royales. Ce décret est calqué sur des dispositions ordonnées par les meilleurs de nos rois.
J'ai lu le testament d'un roi Philippe, qui demande pardon à son peuple d'avoir laissé tomber les clôtures de ses parcs et de ses forêts. Louis IX, Charles V, Louis XII ont fait relever celles de la forêt de Fontainebleau, et tous ces rois, dont la mémoire est chère aux Français* n'avaient pas fait autant que Louis XVI pour le bonheur ilu peuple. J'appuie la proposition de faire un rassemblement considérable de troupes pour dissiper les attroupements. Vous savez qu'on a trouvé à Angers de l'argent sur les séditieux qui ont été arrêtés ; des lettres et des avis très nombreux m'attestent que l'argent a été aussi distribué à Nancy et à Brest. Tout se réunit pour faire présumer qu'il y a des malintentionnés, soit au dehors, soit au dedans, et qu'il est important de ne pas laisser la plus légère trace d'insurrection. Je sais que maintenant on travaille les régiments suisses. Ne serait-ce pas les mêmes hommes dont nous avons connu les œuvres à Nancy, à Angers, à Brest, etc.? (Une grande partie die l'Assemblé» applaudit.) On cherche à détacher les treize cantons de leur
alliance avec la France. Il faut tenir une conduite toujours ferme ; l'Assemblée doit être juste envers les peuples, et sévère envers les coupables* Je demande doncque la proposition de M.Charles de Lameth soit décrétée. (La très grande majorité se lève pour manifester son vœu sur cette proposition.)
La partie du décret proposé par les comités de féodalité et des domaines, concernant la proclamation du département de Seine-et-Oise, est renvoyée au comité de Constitution.
La partie relative aux attroupements, réunie à la motion de M. Charles de Lameth, forme un décret qui est adopté à la presque unanimité.
En voici les termes :
« L'Assemblée nationale, considérant que l'insurrection qui s'est faite dans le grand parc de Versailles, par un très grand nombre de personnes armées de fusils, bâtons et autres armes, sous prétexte d'y détruire le gibier sur les propriétés particulières, ne peut être regardée que comme un de ces attroupements qui troublent la tranquillité publique et mettent en danger les propriétés et la sûreté individuelle, décrète ce qui suit :
« Art. 1er. La municipalité de Versailles et celles situées
dans l'enclave du grand narc de Versailles, ou à leur défaut, les corps administratifs,
emploieront tous les moyens qui sont en leur pouvoir, même ceux qui leur sont indiqués par le
décret du 21 octobre 1789, pour repousser lesdits attroupements, et faire arrêter les
coupables.
Art. 2. Le maire de Paris et le commandant de la garde nationale de ladite ville, dans le cas où ils en seront requis, prêteront main-forte à la garde nationale de Versailles, ou à celles qui la requerront.
Art. 3. Le Président se retirera, dans le jour, devers le roi, à la tête d'une députation composée de douze membres, pour le prier de déployer une force suffisante à l'effet de repousser les attroupements armés qui se font autour de Versailles, et lui renouveler les expressions de respect et de dévouement de l'Assemblée nationale pour Sa Majesté, son empressement à protéger de toute la force de la loi la conservation des objets qui intéressent ses jouissances personnelles, et le regret avec lequel elle verrait Sa Majesté en faire le sacrifice. »
indique le nom des douze membres qui doivent composer la députation qui se rendra près du roi. Ce sont :
MM. Fréteau,
Durget,
Huot de Goncourt,
Long,
Pain,
Décretot,
de Sarrazin,
Lousmeau-Dupont,
Dillon (Arthur),
de Bonnal, évéque de Clermont, de Maulette,
de Châteauneuf-Randon.
La séance est levée à quatre heures.
Séance du
La séance est ouverte à six heures et demie.
Un de MM. les secrétaires fait lecture de différentes adresses, parmi lesquelles l'Assemblée a distingué: celle de la garde nationale de Vin-cennes, qui est venue déposer sur le bureau une somme de soixante-treize livres seize sols, destinée à secourir les veuves des soldats qui ont péri dans l'affaire de Nancy.
Adresse d'adhésion des o'fficiers municipaux de la ville et canton de Saint-Gilles, de l'Isle-Bou-chard, district de Chinon,-département d'Indre-et-Loire : ils font des réclamations contre la municipalité voisine de Saint-Maurice ;
Du conseil général de la commune de Coutances, district de Lous-le-Saunier, département du Jura, qui annonce que le 7 du présent mois de septembre la municipalité a fait célébrer un service solennel pour tous ceux qui sont morts pour la liberté, et auquel ont assisté la milice nationale et la milice des citoyens, formée à l'instar des troupes, ayant état-major et compagnie ; que tous ont manifesté les sentiments d un dévoue* ment absolu pour l'exécution des décrets de l'Assemblée nationale ;
De la société patriotique et académique de Valence, département de la Drôme, qui se joint avec empressement à la pétition faite à l'Assemblée par l'académie de Dijon, relativemen t aux progrès des connaissances humaines.
Procès-verbal de la fête civique célébrée le 24 juillet par tous les citoyeus du bourg de la Muze, département des Basses-Alpes, dans la-quelle ils ont prononcé le serment fédératif du hamp-de*Mars.
Adresse des administrateurs composant le directoire du district d'Uzès, qui expriment avec énergie les sentiments d'admiration, de reconnaissance et de dévouement dont ils sont pénétrés pour l'Assemblée nationale. Ils adhèrent notamment aux décrets concernant l'organisation de l'ordre judiciaire.
Adresses d'un chartreux qui se plaint des mau ; vais traitements que sa surveillance sur la dilapidation des meubles du couvent lui fait éprouver.
Un membre demande que l'examen des faits avancés soit renvoyé au département.
Cette motion est décrétée en ces termes :
« L'Assemblée nationale, après la lecture des deux adresses concernant la chartreuse de Mont-Dieu,décrète qu'elles seront renvoyées au département des Ardennes, pour constater les faits qui y sont énoncés, ainsi que les autres dilapidations qui pourraient avoir eu lieu dans cette maison, en contravention aux décrets de l'Assemblée nationale pour du tout lui être rendu compte dans le délai d'un mois. »
(de Saint-LO), donne lecture du procès-verbal de la séance de ce matin.
Le procés-verbal est adopté.
, député de l'Allier, fait part à l'Assemblée d'une délibération de la commune de Sénat, district de Gannat, offrant en don patriotique l'imposition des ci-devant privilégiés de cet endroit, pour les six derniers mois de l'année 1789.
Je dépose sur le bureau trois pièces de monnaie fabriquées avec du métal provenant d'une fonte de cloche. Cette expérience répond victorieusement à ceux qui ont prétendu que le métal des cloches ne pourrait servir à faire de la monnaie de billon ; son auteur présente des mémoires sur la fabrication de cette espèce de monnaie. Je prie l'Assemblée de les renvoyer au comité des monnaies.
(Cette proposition est accueillie.)
Une députation du peuple liégeois est annoncée et introduite à la barre.
L'orateur de la députation commence un discours, mais n'en prononce que quelques phrases. M. Merlin interrompt sa harangue.
Les députés d'Avignon ont été admis dans l'intérieur de la salle ; ceux de Liège, ainsi que toute députation d'un peuple étranger, ont le même droit à recevoir de nous cet honneur. Je fais donc la motion expresse de faire passer MM. les députés du peuple liégeois dans l'intérieur de la salle.
(Cette motion est appuyée, décrétée et exécutée.)
M. Fréteau vous a parlé ce matin du mécontentement qu'on cherche à inspirer aux cantons suisses; je suis assuré que la réception honorable que vous avez faite à une députation de Suisses, à la tête de laquelle se trouvait un homme chassé de son pays, est le prétexte que l'on emploie. Je pense donc qu'il serait très prudent de demander, avant tout, aux personnesqui viennent d'être admises dans l'intérieur de la salle, la communication de leurs lettres de créances. (Cette proposition est fortement appuyéepar le côté droit, et plusieurs voix répètent : Les pou-voirs !)
Je suppose que MM. les députés liégeois ont faitpartde leurs pouvoirs et qu'ils sont très en règle ; cette formalité de simple discipline est du fait du président de l'Assemblée. (Le côté droit murmure.) Cette formalité, je le répète, en dépit de la facile réfutation des interruptions, regarde le président. (Les murmures augmentent.) Cette réclamation devait se faire au moment où la députation a été annoncée et non par une interruption désobligeante et tumultuaire. (Les murmures s'élèvent dam la même partie de la salle avecune force nouvelle.) Tous ces murmuresne pourront me décourager pour que je ne fasse pas une observation que je crois essentielle. Les réclamants tumultuaires se tairaient s'ils savaient que MM. les députés liégeois ne sont pas tellement débiteurs de l'Assemblée nationale pour le bien que leur a fait son exemple, qu'ils ne soient aussi créanciers de l'Etat. C'est à ce dernier titre qu'ils viennent présenter une pétition que vous ne pouvez refuser d'entendre. Au reste, quant au reproche qu'on a voulu faire à l'égard des Suisses, il porte entièrement à faux. L'Assemblée, en les recevant, savait parfaitement qu'ils n'étaient pas envoyé» par les treize cantons, mais députés d'un
club. Je u'aurais pas demandé la parole si je n'a» vais voulu prouver à MM. les députés liégeois que la majorité de cette Assemblée ne prend aucune part à la motion désobligeante qui vient d'être faite, et sur laquelle je demande en conséquence la question préalable. (Une grande majorité ap-plaudit.)
(On propose de fermer la discussion.— La discussion est fermée.)
On veut savoir si ces messieurs sejprêsentent comme particuliers ou comme mandataires, et on vous somme, monsieur le Président, de vous en informer.
(Une grande partie des membres du côté droit s'écrient : Les pouvoirs, les pouvoirs !)
Il y a actuellement trois cent vingt ans qu'un monarque français armait pour la liberté les Liégeois; il y a plus de cent ans que nos traités avec cette puissance ont été renouvelés, et lorsque cette nation fait, depuis un an, de glorieux efforts pour devenir libre, les représentants du même peuple français peuvent-ils refuser d'entendre ses députes ? La bienséance exige qu'on les écoute jusqu'au bout, puisqu'ils ont été admis, puisqu'ils ont commencé un discours qui a pour principal objet une pétition importante , une réclamation d'un grand intérêt pour eux.
(L'Assemblée décrète que la députation sera entendue sans interruption.)^
Quelques voim demandent encore la lecture des pouvoirs.
Bientôt cette réclamation est portée en tumulte par tout le côté droit.
Le côté gauche sollicite le rétablissement de l'ordre.
emploie de vains efforts pour l'obtenir.
Un temps assez long s'écoule. — Le calme parait renaître.— L'orateur de la députation se dispose à reprendre son discours...
Où sont les députés du peu* pie liégeois?
, présidant en l'absence de M. Bureaux : Les voila I
Je né les reconnais pas. M. Fréteau, membre du comité diplomatique, aurait dû vérifier leurs pouvoirs et en rendre compte à l'Assemblée.
Le côté droit répète : Les pouvoirs, les pouvoirs !
Le silence se rétablit peu à peu. — L'orateur de la députation se fait entendre.
demande encore les pouvoirs et le côté droit avec lui.
Un long tumulte succède.
rappelle M. de Folleville à l'ordre.
Le côté droit réclame. — Le côté gauche se lève.
J'ai rappelé un membre à l'ordre, et j'ai ordonné, en vertu du droit que je tiens du règlement, que son nom fût inscrit sur le procès-verbal.
Je demande qu'il soit en
même temps mis sur le procès-verbal que c'est sur l'ordre de M. le Président seul que j'ai été rappelé à l'ordre.
(L'orateur de la députation veut continuer son discours, il est interrompu ; et chaque fois qu'il reprend la parole, quelques voix, qui se succèdent du côté droit, demandent la lecture des pouvoirs.)
Je demande que, pour faire cesser ce tumulte indécent, l'Assemblée déclare qu'elle fera mettre à l'Abbaye le premier qui interrompra l'orateur.
(Cette motion est appuyée par tout le côté gauche.)
Je reçois la motion, et je permets à celui qui l'a faite et à ceux qui l'ont appuyée de venir m'arrêter. Vous avez reçu de vives réclamations au sujet de la motion de M. Merlin, et vous n'y avez eu aucun égard. Nous voulons bien rendre hommage aux députés d'un peuple, s'ils ont des pouvoirs légaux ; mais au moins devons-nous avoir le droit, quoique nous nous trouvions toujours dans une minorité désespérante {On rit), désespérante pour des âmes faibles, mais qui ne nous découragera jamais ; nous devons, dis-je, avoir le droit d'exiger d'une députation qu'elle fasse connaître ses pouvoirs, iille s'est offerte d'abord comme simple députation. On nous a ensuite annoncé qu'elle réclame des sommes dues aux Liégeois par l'État. Dans ces deux cas ses pouvoirs devaient être reconnus. Cependant on écoutait en silence quant la motion de M. Merlin a été présentée; que l'Assemblée décrète avant tout qu'elle veut recevoir les personnes qui se présentent comme députés du peuple liégeois, comme députés d'un peuple dont le souverain est en fuite, sans vérifier préalablement leurs pouvoirs, et nous nous soumettrons, nous nous résignerons avec patience ; nous ne nous opposerons à ce décret que par des voies légales, c'est-à-dire en n'y adhérant point. Nous résisterons toujours à l'oppression, parce que vous avez établi ce principe dans la déclaration des droits. {Le côté droit s'unit à cette déclaration par des applaudissements.)
Si je pouvais espérer que l'on allât aux voix et que ces scandaleuses oppositions cessassent enfin(-tes oppositions de la partie droite recommencent) ; si je pouvais espérer que ces scandaleuses oppositions cessassent enfin, que l'autorité jusqu'à présent sacrée de votre Président pût encore obtenir quelque respect, je ne parlerais pas ; et quoique souvent l'Assemblée ait été alarmée et le public effrayé des oppositions violentes qu'apportent quelques membres à nos délibérations, on n'avait pas encore entendu dire dans la tribune que la minorité avait le droit de s'opposer aux décrets de la majorité. La volonté de l'Assemblée nationale est l'expression de la volonté générale. (On entend à gauche des applaudissements, à droite de violents murmures.) Le résultat des opinions de la majorité des représentants de la nation est, quoi qu'en dise un petit nombre d'hommes, l'expression de la volonté générale. {Les murmures continuent.) Quant à la patience dont ces hommes osent parler, elle n'est pas de leur côté, elle est du côté de la nation ; qu'ils frémissent qu'elle ne s'altère 1 {Les tribunes applaudissent).
(Le côté droit demande que M. de Lameth soit rappelé à l'ordre.)
,s'adressant à la partie droite : C'est une infamie ! On vous menace du peuple : vous l'entendez ; vous entendez les applaudissements des tribunes ; vous devez savoir ce qui vous attend. Quel que puisse être le sort qu'on nous prépare, nous le verrons venir avec tranquillité. Je vous recommande le plus grand silence.
Je demande s'il est rien de plus scandaleux que de voir la minorité s'opposer au vœu de la majorité. Pourquoi sommes-nous envoyés? Pour faire des lois : si les lois nationales ne sont pas le résultat du vœu de la majorité des représentants de la nation, nous ne pouvons rien faire ici, il faut nous retirer. Je fais la motion que celui qui s'opposera à l'exécution d'un décret d'ordre soit rappelé à l'ordre, et que, s'il s'en honore et n'obéit pas, on mette aux voix la motion déjà proposée de le conduire à l'Abbaye. Je réclame donc le silence, je le réclame au nom de l'Assemblée. Je vous demande, monsieur le Président, de faire exécuter son règlement et les décrets qu'elle vient de rendre. Je demande enfin que ma motion soit mise aux voix.
L'Assemblée doit être obéie, l'Assemblée veut être obéie. Elle a ordonné que les citoyens de Liège, admis à la barre ' par M. le Président, seraient reçus dans l'intérieur de la salle et qu'ils seraient entendus sans interruption. Ces deux décrets doivent être exécutés. Je demande donc simplement qu'on passe à l'ordre du jour, autrement j'appuie la motion de M. Alexandre de Lameth.
(L'Assemblée décide qu'on passera à l'ordre du jour.)
L'orateur de la députation prononce son discours, qui est ainsi conçu :
Messieurs, chaque jour cette enceinte auguste entend bénir les bienfaiteurs, les sauveurs de la France ; chaque jour, d'un bout du royaume à l'autre, des concerts de louange et d'approbation viennent y retentir; quelquefois même, du sein de ces contrées étrangères que le despotisme enchaîne, que les préjugés aveuglent, ou qu'une politique intéressée arrête encore, la voix courageuse, .mais isolée de l'ami des hommes, est parvenue jusqu'à vous : recevez aujourd'hui, Messieurs, l'hommage public et solennel d'un peuple entier, d'un peuple qui ose se croire digne de vous, l'hommage du peuple Liégeois 1 Nous venons en son nom vous payer le tribut de respect, d'admiration, de reconnaissance qu'on doit aux régénérateurs d'un grand empire, aux législateurs philosophes et intrépides, qui, dans le court espace d'une année, ont avancé, de plusieurs siècles, la raison humaine, et répandu dans l'univers des germes de liberté, de bonheur, qu'on n'étouffera plus.
Les Liégeois, les premiers, ont eu la gloire de céder à cette impulsion puissante que vous avez donnée à l'Europe : les premiers, ils ont osé marcher de loin sur vos traces. Attentifs aux travaux immortels qui vous occupent, ils ont vu s'élever l'édifice admirable dont vous êtes les créateurs; ils ont senti que, désormais, le sort de l'espèce humaine était attaché à la destinée des Français ; ils ont vu avec ravissement s'approcher ce grand jour où vous deviez recueillir le fruit mérité de votre courage et de votre constance ; ce jour où la France entière, rassemblée sous les yeux de ses régénérateurs, viendrait jurer, sur l'autel de la patrie, de soutenir leur ouvrage. Le
peuple liégeois a voulu prendre part au triomphe de la liberté française ; il a voulu que nous assistassions, en son nom, à la fête la plus auguste Su'aient jamais offerte les annales des hommes, ous l'avons vu, Messieurs, ce spectacle attendrissant et majestueux ; nous irons rédire à nos concitoyens ce que nous avons vu, ce que nous avons senti; nous irons leur redire ce que peut, ce que fait une nation guidée par l'amour éclairé de la liberté, et réunie sous un roi citoyen. Eh ! comment votre exemple, Messieurs, n'eût-il pas enflammé le Liégeois? Le Liégeois jamais n'a courbé longtemps le front sous le joug du despotisme : opprimé, vaincu quelquefois par la force, toujours il a brisé ses fers. Son histoire atteste sa bravoure et les combats qu'il a soutenus contre ses tyrans. Tandis que les peuples qui l'environnaient avaient déjà contracté l'habitude de l'esclavage, le Liégeois était libre. Dès le quatorzième siècle, une Constitution sage, une Constitution, merveille pour ces temps d'i-guorance et de barbarie, lui assurait les droits de Pbomme et du citoyen. Mais des évêques ambitieux et despotes cherchèrent à la renverser. Le plus injuste, ie plus féroce de tous, Maximilien de Bavière, en 1684, en détruisit les principales bases. Ce tyran vint, à la tête d'une armée étrangère, dicter des lois à un peuple libre, et cimenta son pouvoir usurpé du sang des plus dignes citoyens, du sang de deux consuls vénérables, dont la patrie à jamais bénira les vertus, admirera la fermeté républicaine.
Toujours plein du souvenir de ces anciens attentats et de l'espoir de les venger, indigné, surtout, des attentats récents, multipliés sans pudeur, depuis quelques années, sous le règne d'un prince livré à des conseils pervers, ie Liégeois pouvait-il résister à l'étonnante commotion communiquée par un grand empire voisin? Comme le Français il a secoué ses chaînes, comme le Français il a reconquis les droits imprescriptibles, les droits éternels de la nature et de la raison. Mais quel contraste frappant, Messieurs, dans le sort des deux peuples 1 Ici, l'un des premiers rois du monde, environné, séduit par tous les pièges de la grandeur, n'écoute que la voix du peuple qu'il aime, n'est sensible qu'au bonheur d'en être aimé, hâte lui-même la régénération de son Empire, ne veut d'autre pouvoir que celxli qui lui surfit pour rendre les Français heureux; et là, un homme tiré d'une vie obscure et privée, élevé par quelques autres au rang de prince, n'écoute que l'ambition et la vengeance 1 Sourd au cri touchant du peuple qui voulait le chérir, qui le rappelait dans son sein, il le repousse avec une opiniâtreté cruelle! Oubliant, que dis-je ? violant un serment solennel et sacré, il provoque, il irrite contre lui les foudres de l'Empire germanique! Il voit sans horreur, lui ministre d'un Dieu de paix, des milliers de bras armés pour nous asservir ou nous écraser! Malgré l'énergie et le courage qu'il a déployés, c'en était fait peut-être du peuple liégeois ; notre pays n'offrirait aujourd'hui que le spectacle de la dévastation, ou le spectacle plus affligeant encore d'une servitude déshonorante, si un roi magnanime, si Frédéric-Guillaume n'eût soutenu la cause de la justice et de l'humanité, si Frédéric-Guillaume n'eût refusé d'être l'instrument aveugle d'un tribunal égaré par des préjugés barbares, d'un tribunal entraîné par une précipitation sans exemple dans des démarches violentes que condamne cette même constitution germanique dont il se dit le vengeur !
Mais en vain Frédéric-Guillaume a fait entendre la voix delà sagesse et de la modération-,
en vain par la plume éloquente d'un de ses ministres (l), il a montré dans tout son jour la
justice de notre cause; on a fermé l'oreille à ses conseils salutaires : une petite, fausse
et cruelle politique a triomphé. Rejetant toute idée de paix et de conciliation, Wetzlar a
lancé contre nous décrets sur décrets. On a cru vaincre par la terreur; on n'a pas rougi
d'employer les moyens les plus vils, les plus odieux pour semer l'épouvante et la division,
pour allumer parmi nous une guerre civile ; on a tenté d'incendier nos villes; on a ravagé
nos campagnes; on eu veut même à la vie des amis du peuple ; on a proscrit les chefs
respectables d'une révolution paisible, d'une révolution pure jde vengeance et de sang. Quel
est donc le crime de ces généreux citoyens ! Qu'ont-ils fait ? Ils ont donné l'exemple d'une
modération constante, du désintéressement le plus noble, du civisme le plus pur; ils ont
préservé le peuple de la licence; ils l'ont éclairé sur l'usage de la liberté; ils ont amené
l'égale répartition des impôts; ils ont rendu aux citoyens-des campagnes la jouissance d'un
droit dont l'ignorance, les préjugés, l'aristocratie les avaient privés trop longtemps, du
droit d'être représentés; ils ont réussi, enfin, à rétablir dans la capitale l'égalité
politique. Oui, Messieurs, la ville de Liège vient de rendre un nouvel hommage à vos
principes; elle vient d'adopter un plan provisoire de municipalité, puisé presque entièrement
dans vos décrets. Ce peuple, qu'on dit avoir été séduit par quelques rebelles, a élu de
nouveau pour ses chefs la plupart de ces mêmes hommes qu'on a proscrits : et voilà les
citoyens qu'on veut sacrifier 1 Voilà le peuple estimable qu'on veut perdre! Faut-il donc
révéler le secret de cette fureur inconcevable? C'est contre nous, Messieurs, qu'une ligue
puissante veut se venger du progrès des lumières et de la liberté. Jusqu'à présent ses
efforts ont échoué; nos ennemis ont fui devant nous : citoyens-soldats nous avons repoussé
les satellites du despotisme ; nous avons prouvé à des troupes qui soutiennent une cause
injuste et qui devraient rougir d'être les instruments de la tyrannie, nous avons prouvé ce
que peut un peuple brave et fier, qui combat pour ses foyers, et ne veut pas être esclave.
Mais ces succès n'ont fait et ne feront qu'ajouter peut-être à la rage de nos oppresseurs.
Leur espoir est de ruiner notre pays, d épuiser bientôt nos ressources, de nous ôter bientôt
les moyens de nous défendre. Ils savent malheureusement que l'énergie et le courage ne
suffisent pas toujours. L'armée exécutrice ne quitte point nos frontières ; elle attend des
renforts; elle médite sans doute une nouvelle attaque. En ce moment peut-être un nouveau
combat s'est engagé; le sang de nos concitoyens coule encore sur notre terre malheureuse...
Nous les connaissons, Messieurs, ils périront plutôt que de porter des fers; ils sont prêts à
s'immoler pour la cause sacrée de la liberté. Mais vous, Français, souffri-riez-vous qu'en
mépris de sa Constitution l'on consommât la perte d'un peuple innocent? Souf-fririez-vous
qu'on sacrifiât un peuple ami, un
Je me tais, Messieurs ; ce n'est point à nous qu'il appartient de sonder les profondeurs de
la politique ; nous ne pouvons qu'abandonner et soumettre ces réflexions à vos lumières, à
votre sagesse. Mais à l'époque importante où nous sommes, au moment d'une paix que l'on dit
consolidée entre deux monarques puissants, et qui va décider peut-être de la destinée des
Liégeois, ce qu'il nous est permis du moins d'attendre avec une noble confiance d'une nation
généreuse et grande, ce que nous pouvons sans crainte réclamer de vous? c'est l'approbation
qu'on doit à une cause juste, c'est l'autorité suprême d'une raison éclairée. Oui, à la voix
de l'Assemblée auguste qui a donné au monde un fci sublime exemple* qui exerce sur l'Europe
étonnée l'empire irrésistible des lumières, le roi bienfaiteur des Liégeois, fier de
l'ouvrage qu'il a commencé, ne sera que plus sensible à la gloire de le soutenir, de
l'achever; les princes même, qu'une politique mal entendue égare, peut-être reconnaîtront
leur erreur ; ils sentiront que le règne du despotisme est passé ; ils se convaincront que
leur intérêt désormais sera d'être justes et de respecter les droits des peuples. Jusqu'ici,
Messieurs, nous n'avons sollicité que votre bienveillance et votre magnanimité* nous allons
réclamer votre justice. La pétition que nous avons l'honneur de vous soumettre* est énoncée
dans la note(l) ci-jointe que nous vous supplions au nom du peuple liégeois, de daigner
prendre, le plus tôt possible, en considération. L'objet est important pour lui ; ses dangers
sont pressants; les moments sont précieux. Il s'agit d'une ancienne créance du pays de Liège
sur la France, créance dont la légitimité a été reconnue solennellement. Elle était de deux
millions sept cent quatre-vingt-deux mille sixj cent quarante-six livres. Elle fut réduite à
deux millions, que le roi, par un arrêt du conseil d'Etat du 16 octobre 4785, ordonna de
payer aux Liégeois dans le
répond :
Messieurs, l'Assemblée nationale voit avec Satisfaction dans son sein les députés du peuple 1 iégeois ; vous l'augmentez encore par l'exposition de vos sentiments pour un roi qu'elle chérit; c'est lui rappeler tous les Sienë que de lui parler du monarque que la nature* la Constitution et son heureux sort lui ont donné» Le double hommage que vous rendez au roi des Français et à l'Assemblée nationale, celte louange d'un peuple digne d'être loué est une récompense des travaux qu'ils ont entrepris pour bien mériter des hommes. Vous réclamez des sommes prêtées au gouvernement dans des temps difficiles ; vous connaissez la justice de l'Assemblée ; je viens de vous instruire de ses sentiments : elle prendra votre demande en considération,et vous invite à sa séance.
Je demande que le discours de la députation ainsi que la réponse du président soient imprimés.
Cette proposition est adoptée.
La pétition est renvoyée aux deux comités des finances et de liquidation.
Au nom des amis du bien public, je demande que la séance soit prolongée jusqu'à onze heures,afin que ces longues et tumultueuses oppositions ne remplissent pas leur objet en ralentissant nos travaux.
(Cette proposition est adoptée.)
, rapporteur du comité de Constitution, propose un décret pour la nouvelle division du département de l'Ârdèche en trois district.t. Ce décret est adopté en ces termes :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport du comité de Constitution, considérant que la nouvelle division du département de l'Ardèche en trois districts, au lieu de sept, qui avaient été provisoirement formés, nécessite une nouvelle élection des membres qui composent leur administration ;
« Décrète : 1° que les électeurs de ce département qui doivent se réunir pour l'élection des iuges, dans les lieux* sièges des tribunaux de leurs districts respectifs, tels qu'ils ont été indiqués par le décret du 18 août dernier, procéderont aussi, et préalablement dans la forme preséHte par )a loi) à l'élection des administrateurs de chacun de ces districts;
« 2° Que les membres des côrps administratifs supprimés cesseront leurs fonctions immédiatement après la formation des nouvelles administrations;
« 3° Que la convocation des électeurs pour lesdites élections sera faite par le procureur général syndic du département, et dans la forme prescrite par l'article 3 du décret du 18 août dernier* sur l'ordre judiciaire. »
, rapporteur du comité ecclésiastique, présente la suite des "articles du projet de
règlement pour les religieux et les chanoinesses séculières.
Après une très courte discussion les articles suivants sont adoptés.
« Art. 28. Ne sont compris dans les dispositions des décrets concernant les ordres religieux, ceUx qui étaient dans les ordres supprimés, en Vertu de lettres patentes enregistrées sans réclamation, avant l'époque de la publication du décret du 13 février dernier, et sera leur sort réglé par les décrets concernant le clergé séculier, sans néanmoins aucune dérogation à l'article 2 du décret des 19 et 20 février, en ce qui concerne les jésuites.
« Art. 29. Les religieux pourront être employés comme vicaires, et même devenir éligibles aux cures; dans le cas où ils occuperaient un emploi dont le traitement serait inférieur à leur pension, ils jouiront pour tout traitement du montant de ladite pension ; dans lë cas où lé traitement de leur emploi serait supérieur, ils ne jouiront que dudit traitement.
« Art. 30. Les successions des curés réguliers, et celles des religieux sortis de Leurs maisons, qui sont décédés depuis le 13 février dernier, seront réglées conformément à l'article 3 du décret des 19 et 20 mai dernier, et seront, en conséquence, recueillies par leurs parents les plus proches, conformément auxdits articles.
« Art. 31. Il sera dressé sur les tableaux des religieux qui seront envoyés par les directoires des départements, un état général de tous les religieux, dans lequel seront distingués ceujL qui auront préféré la vie commune, et ceux qui l'auront quittée : sera ledit-état rendu public par la voie de l'impression.
« Art. 32. Les municipalités seront tenues de donner avis aux directoires du district, du décès de chaque religieux, soit qu'il ait quitté, soit qu'il ait continué la vie commune, et ce, dans la quinzaine dudit décès ; le district instruira tous les trois mois le directoire du département, des religieux qui pourraient être décédés dans son arrondissement; le directoire du département enverra tous les ans au Corps législatif les noms desdits religieux, pour en être dressé une liste qui sera rendue publique.
Art. 33. Tous lés religieux sans distinction, avant de toucher leurs pensions, seront tenus de déclarer s'ihs ont pris ou reçu quelque somme, ou partagé quelques effets appartenant à leur maison ou à leur ordre, autres que ceux mentionnés en l'article 8 ci-dessus, et d'en imputer le montant sur le quartier ou sur les quartiers à échoir de leur pension; ne pourront les receveurs des districts payer aucune pension religieuse, que sur le vu de ladite déclaration, laquelle sera et demeurera annexée à la quittance de chaque religieux ; et seront ceux qui auront fait une fausse déclaration, privés pour toujours de leur pension.
« Art, 34. Les religieux sortis de leur maison depuis le 29 octobre dernier, ou qui désireront eD sortir avant le lw janvier 1791, recevront provisoirement, jusqu'à cette époque, un secours qui sera fixé par le directoire des départements sur l'avis du directoire des districts, et d'après la demande des municipalités, sans néanmoins que ledit secours puisse, dans aucun cas, excéder la proportion des traitements fixés par le décret des 19 et 20 février dernier, sauf à compter ainsi qu'il à été réglé par l'article 1er du présent titre.
« Art. 35. Ne pourront néanmoins les religieux
actuellement occupés à l'éducation publique et au soulagement des malades, quitter leurs maisons, sans au préalable avoir prévenu les municipalités six mois d'avance, ou sans un consen-sentement par écrit desdites municipalités.
« Art. 36. Il sera pareillement accordé pour la fin de la présente année, par les
directoires de département, sur l'avis des directoires de district et d'après la demande des
municipalités, des secours aux maisons qui ne jouissent d'aucun revenu, ou dont les revenus
sont notoirement insuffisants pour l'entretien des membres qui les composent, et sauf à
compter conformément à l'article 1er ci-dessus. »
(La séance est levée à onze heures.)
Séance du,
La séance est ouverte à onze heures et demie du matin .
député de Chalon-sur-Saône, demande à s'absenter pour quinze jours *
demande un congé pour affaires pressantes.
, député cFÉvreux, demande également la permission de se rendre dans son département pour ses affaires.
Ces congés sont accordés.
, membre du bomité militaire, député de Nemours. Il s'est présenté aux casernes de Gourbevoie et de Ruel un particulier se disant député d'une société helvétique, porteur de papiers et d'imprimés à distribuer aux soldats, avec défense d en donner connaissance aux officiers et sous-officiers. Cette démarche peu conforme aux lois militaires, et notamment à celles que vous avez décrétées, a excité des soupçons parmi les braves soldats, suisses ; ils ont requis les municipalités, et leur ont dénoncé cette démarche iusi-dieuse. Les municipalités ont fait des informations; et après avoir eu communication des pièces dont le député était porteur, elles ont pris des arrêtés dont je vais vous faire lecture.
Extrait des registres des délibérations de la municipalité de Gourbevoie.
« M. Gillet, procureur-syndic de la commune, a demandé la parole et a dit, etc., etc., etc.
L'Assemblée, prenant en considération les conclusions de son procureur de la commune, a
arrêté et délibéré à l'unanimité : 1° que quiconque se présentera à la caserne du régiment
des gardes-suisses, pour y lire ou faire signer des adresses ou pétitions, sans être porteur
des ordres du roi, d'un décret de l'Assemblée nationale, des pouvoirs des souverains des
cantons suisses, ou d'un ordre signé d'un officier de l'état-major du régiment
« 2° Que les délinquants seront conduits par-devant nous, et de là envoyés au Ghâtelet de Paris, si le cas le requiert, pour être poursuivis comme voulant fomenter une insurrection dans notre paroisse ;
« 3° Que M. Saint-Firmin, commandant de la garde nationale, sera invité à se présenter chez M. le commandant des casernes pour lui communiquer notre délibération, avec invitation à mon-dit sieùr commandant du régiment des gardes-suisses , de nous instruire des démarches et tentatives que des gens malintentionnés pourraient faire auprès des compagnies qu'il commande, pour les porter à l'insubordination : arrête que copie sera envoyée à l'Assemblée nationale, à M. le colonel et à toutes les compagnies de gardes-suisses.
« Fait et délibéré en l'assemblée générale de la municipalité de Gourbevoie, le 14 septembre 1790.
« Signé Colombier, maire; Bouché, Delêtre, Lefort,Lebrel, Romain, Gois ; Gillet, procureur de la commune; Morel, Lépine; et Béhuzé, secrétaire-greffiier. »
L'arrêté de la municipalité de Ruel, dans une autre forme, contient les mêmes sentiments : — ces arrêtés vraiment patriotiques prouvent la vigilance extrême des municipalités de Ruel et de Gourbevoie, et l'activité de leurs soins pour le maintien de l'ordre et de la discipline ; de pareilles dispositions pouvant avoir lieu vers le corps de l'armée, et y porter le trouble, le comité militaire croit devoir vous offrir des mesures convenables pour s'y opposer; en conséquence et conformément à vos précédents arrêtés, il a l'honneur de vous proposer le décret suivant :
« L'Assemblée nationale, sur le compte qui lui a été rendu par son comité militaire, des démarches qui ont eu lieu aux casernes de Ruel et de Gourbevoie, et des soins que les municipalités de ces deux bourgs ont pris pour s'opposer aux inconvénients qui pourraient en résulter, décrète ce qui suit :
« Art. 1er. Le président sera chargé d'écrire aux municipalités
de Ruel et de Gourbevoie que l'Assemblée nationale approuvé la conduite sage et prudente
qu'elles ont tenue, pour arrêter l'effet des démarches qui ont été faites vers le corps des
gardes-suisses, approuve également le respect que les gardes-suisses ont montré à la loi et à
ses organes.
« Art. 2. Il est défendu à l'avenir à toutes associations ou corporations d'éntretenir, sous aucun prétexte, aucunes correspondances avec les régiments français, suisses et étrangers qui composent l'armée; il est également défendu auxdils corps d'ouvrir et de continuer de pareilles correspondances, à peine, pour les premiers, d'être poursuivis par les magistrats chargés du maintien des lois comme perturbateurs du repos public, et pour les seconds, d'être punis suivant la rigueur des ordonnances. » (Ges articles sont décrétés.)
fait une motion sur les moyens d'assurer la permanence du Corps législatif. (Voy. le texte de cette motion aux annexes de la séance.)
l'aîné, ci-devant le marquis, rend compte, au nom du comité militaire, de la réclamation du régiment de Soissonnais en garnison à Montélimart, contre la vérification et le
règlement des comptes de la masse de ce régiment. Il propose un projet de décret.
observe que si l'Assemblée se décide à écouter les réclamations de chacun des régiments, elle perdra un temps très considérable. Il croit qu'il vaudrait beaucoup mieux que le comité proposât l'établissement d'un tribunal devant lequel seraient portées les réclamations.
La proposition va devenir sans objet par suite de l'établissement prochain des cours martiales.
En ce cas, je retire ma motion.
Le projet de décret présenté par M. de Grillon est adopté en ces termes :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu la lecture du procès-vérbal dressé par l'officier général chargé de la vérification des comptes du régiment de Soissonnais, celle des observations faites par les soldats de ce régiment sur le procès-verbal, et le rapport de son comité militaire, déclare que l'officier général chargé par le roi a jugé conformément aux ordonnances*; décrète, en conséquence, qu'il sera alloué à chaque homme 5 livres 8 sous, pour lui tenir lieu d*un sarrot, comme la seule réclamation fondée sur les ordonnances, et que son président se retirera par-devers le roi pour prier Sa Majesté de donner les ordres nécessaires pour la prompte exécution du présent décret.
rend compte de la députa-tion à la tête de laquelle U s'est présenté hier soir chez le roi, en faisant lecture de son discours, et de la réponse du roi.
Discours de M. le président de VAssemblée nationale au roi, en lui présentant, à la tête d'une députation, le décret du 18 septembre.
« SlRE,
« Instruite des excès auxquels se sont portés des hommes, je n'ose dire des Français qu'on a trompés sans doute, l'Assemblée nationale nous a chargés d'exprimer à Votre Majesté son indignation et se.s regrets à la nouvelle de ces coupables désordres. Affligée de la détermination qu'a prise Votre Majesté de se priver d'une partie des objets qui contribuaient à son délassement et à ses plaisirs, elle ose espérer, Sire, que vous ne consommerez point un sacrifice digne de vos vertus, mais qui coûterait trop à la sensibilité d'un bon peuple dont le bonheur est inséparable de la satisfaction personnelle de son roi. Daignez, Sire, donner aux représentants de la nation un témoignage bien précieux de confiance et de bonté en sanctionnant ce décret, dépositaire et garant de leur empressement à vous plaire : surtout, Sire, gardez-vous de juger, par l'expression mesurée qui caractérise les lois, du degré d'intérêt que met l'Assemblée nationale à vous voir accueillir un vœu dicté par le sentiment pur de son respect, de son dévouement et de son amour pour la personne de Votre Majesté. »
a répondu :
« Qu'il voyait avec satisfaction que l'Assemblée nationale s'occupait d'arrêter les désordres qui s'étaient manifestés dans les environs de Versailles; que ces désordres n'étaient point la cause qui l'avaient décidé à supprimer ses équipages
de chasse; que, n'ayant pas chassé depuis un an, et ne se proposant pas de chasser de sitôt, il avait cru devoir réformer momentanément sa vénerie ; mais qu'il ne renonçait point à reprendre ce délassement, quand il aurait le cœur plus satisfait. »
(L'Assemblée ordonne l'insertion dans son procès-verbal du discours de M. le Président et de la réponse du roi.)
On annonce un mémoire des brigades de la maréchaussée de l'Ile-de-France.
, député de Saint-Jeah-d' Angély. Ces troupes ont trop de droit à la reconnaissance de la nation par la manière dont elles se comportent dans cette révolution, pour que l'Assem-Dlée ne s'occupe pas de leur demande. Je propose le renvoi au comité militaire.
(Cette motion est adoptée.)
dit que l'Assemblée ayant manifesté l'intention que la députation qu'elle a nommée pour assister demain au service qui sera fait au champ de la Fédération pour les gardes nationales et troupes de ligne qui ont péri à Nancy, s'y rendît en corps, il engage ceux qui doivent la composer, à se rendre demain à neuf heures précises à l'Assemblée. 11 ajoute que la municipalité de Paris a l'intention de prendre cette députation, et de l'accompagner depuis le Pont-Tournant.
, rapporteur du comité pour la vérification, des pouvoirs, fait un rapport sur l'admission des députés envoyés par la colonie de Pondichéry (1).
Messieurs, des citoyens français placés à. "six mille lieues de nous se croyaient pour ainsi dire perdus dans cet éloignement ; mais dès qu'ils ont appris la régénération de notre empire, saisis par l'enthousiasme de la liberté, ils ont désiré concourir à vos travaux et partager les bienfaits de la Révolution.
Les habitants de Pondichéry-ayant convoqué une assemblée générale au mois de février de la présente année, résolurent de députer à leurs frères de Karikal, Mahé, Ghandernagor et autres comptoirs français pour se concerter avec eux sur les démarches à faire vers l'Assemblée nationale.
Le3 Indiens qui, depuis plus de cent ans, au nombre de cent mille hommes, se sont donnés volontairement à la France et que l'attrait de nos mœurs nous attache inviolablement, ont demandé de prendre part à cet événement ; leurs sentiments sont consignés dans une adresse ci-jointe, en langue malabare et française; ils exposent qu'ayant le cœur français, que s'honorant du titre de citoyens français, malgré la diversité des idiomes et des usages, ils désirent resserrer plus que jamais, les nœuds qui les unissent à la mère patrie.
. Le 1er mars, sous l'autorité du commandant, l'assemblée
générale s'est formée à Pondichéry. Les procès-verbaux de ses séances offrent partout le
tableau du zèle le plus éclairé, de l'union la plus touchante, du patriotisme le plus pur.
Après avoir nommé un président et un secrétaire, il a été décidé qu'on prêterait le serment
civique.
L'assemblée a établi ensuite un comité de soixante-cinq personnes en les chargeant de nommer des députés à l'Assemblée nationale, lesquels députés correspondront constamment avec ce comité, afin qu'en tout temps on puisse prendre des mesures pour garantir nos possessions dans cetté partie du monde.
Le 14, on a nommé MM. Beylié de Kj-Jean, de Tarche et Monneron, les deux premiers pour députés, le troisième pour suppléant ; on a nommé, en outre, neuf suppléants résidant en France, ce qui ne doit pas vous paraître extraordinaire, attendu les accidents, les événements, que comporte une si grande distance de la métropole.
Votre comité, Messieurs, a pensé unanimement que les colons de Pondichéry, soumis aux lois et aux impôts comme nos colons américains, devaient comme eux être actifs dans la législation qui est égale pour tous. Ce serait sans doute ceux qui, affligés par de longs malheurs, comme les colons infortunés de Pondichéry, ont plus de plaintes à former, qu'il ne faudrait pas écarter.
Les pouvoirs de ces députés sont revêtus de toutes les formes qui en garantissent l'authenticité.
Votre comité a encore pensé unanimement que pour représenter 200,000 individus, on devait sans difficulté, admettre les députés que l'on vous présente ; mais le deuxième député ayant donné sa démission pour cause de maladie, nous proposons à l'Assemblée d'admettre M. Beylié de Kj-Jean, et M. Monneron, suppléant, comme représentants de la colonie de Pondichéry.
consulte l'Assemblée. Elle décrète l'admission de MM. Beylié de Kj-Jean et Monneron : elle décrète en outre qu'il lui sera fait lecture, dans l'une des premières séances du soir, de l'adresse des habitants de Pondichéry.
,rapporteur du comité féodal, présente la suite des articles du projet de décret complémentaire sur les droits féodaux. (Frais de poursuite, hypothèques, etc.) .
Dans votre séance du 17 septembre, vous avez adopté les cinq premiers articles de notre pro* jet; nous vous proposons aujourd'hui de nous renvoyer l'article 6 pour qu'il subisse un nouvel examen, en sorte que les articles 7 et suivants deviendront les articles 6 et suivants,
Qette proposition est adoptée.
Après un léger débat, l'Assemblée adopte les articles ci-dessous :
«.Art. 6. Les droits domaniaux annuels qui se perçoivent sur les poêles à sel dans les ci-devant provinces belgiques, sont et demeurent supprimés, sans préjudice des arrérages qui pouvaient en être dus avant la publication des lettres patentes du 3 novembre 1789, et sans qu'il puisse être répété aucune des sommes fournies, soit en payement d'échéances postérieures à cette épo-bue, soit pour rachat de ces droits. »
« Art. 7. Sont pareillement supprimés les droits établis sur les moulins à bras et à cheval, tant dans les provinces que partout ailleurs ; et il est sursis à prononcer sur les droits dont les mou-
lins à eau pourraient être grevés, jusqu'au moment où il sera statué, par une loi générale, sur la propriété des rivières et cours d'eau.
« Art. 8. Il n'est nullement préjudicié par l'abolition du triage, aux actions en cantonnement de la part des propriétaires contre les usagers de bois, prés, marais et terrains vains ou vagues, lesquelles continueront d'être exercées comme ci-devant dans les cas de droit, et seront portées aux tribunaux de district, sauf à se conformer pour les ci-devant provinces de Lorraine, des Trois-Evêchés et du Glermontois, à l'article 32 du titre II du décret du 15 mars dernier. »
« Art. 9. Pourront néanmoins être révisés el réformés, s'il y a lieu, par les tribunaux de district (et à la charge de l'appel ainsi que de droit), les cantonnements prononcés depuis moins de trente ans par arrêts du conseil, sans qu'au préalable le fond des droits de propriété ou d'usage eût été convenu, ou en cas de contestation, jugé par les tribunaux ordinaires, ensemble tous les arrêts du conseil qui, sans prononcer de cantonnements, ont statué eh première instance, depuis la même époque, sur des questions de propriété ou de droits fonciers, entre des seigneurs et des communautés d'habitants; auquel effet, les parties intéressées se pourvoiront dans l'espace de temps et de la manière indiqués par l'article 31 du titre II du décret ci-dessus, sans pouvoir prétendre aucun compte des fruits perçus hors du cas déterminé par le même article. »
« Art. 10. On ne pourra racheter les droits ca-suels dus par un héritage, sans racheter en même temps les droits lixes auxquels il est sujet. >
Je propose un amendement qui serait ou une disposition additionnelle à l'article 10, ou bien un article nouveau qui prendrait place dans le décret. Voici en quoi consiste mon amendement :
« La nation autorise le redevable envers elle, comme propriétaire de biens nationaux, à se ré-dimer séparément des droits annuels ou lixes, el des droits casuels, à charge par ceux qui profiteront de cette liberté, de remettre entre les mains du receveur de l'extraordinaire une expédition de la quittance qui contiendra la mention du droit non racheté. »
, rapporteur. Je demande que l'article 10 reste tel qu'il a été lu et adopté et que l'amendement de M. Ramel-Nogaret soit renvoyé à l'examen du comité féodal.
Cette proposition est adoptée.
L'article 11 (ancien article 12) est lu et renvoyé également au comité.
J'observe à l'Assemblée qu'il est instant de décider si les présidents des corps administratifs sont ou ne sont pas membres des directoires et s'ils sont ou ne sont pas éligibles aux places de juges et de commissaires du roi.
La difficulté réside dans ce fait qu'ils ont séance et voix délibérative aux directoires qu'ils président et qu'un décret de l'Assemblée, en date du 2 septembre, a particulièrement exélu de l'éligibilité les membres du directoire.
Le com Constitution se trouve divisé sur cette affaire, voilà pourquoi il ne vous a pas présenté de décret et pourquoi je vous propose d'ajourner jusqu'à un nouvel examen.
, député de Saint-Jean-d'Angély,
Lorsque le comité est divisé et ne peut conclure il y a l'Assemblée nationale qui tranche la question, surtout lorsqu'elle est aussi pressante que celle qui nous occupe. Voici le projet de décret que je propose :
« L'Assemblée nationale, sur les pétitions qui lui ont été présentées en interprétation du décret du 2 septembre, déclare que les présidents des administrations de départements et de districts, n'étant pas membres nécessaires des directoires, sont éligibles aux places de juges, à la charge par eux, s'ils sont élus jugefe et s'ils acceptent, de ne pouvoir plus exercer, dans le corps administratif, les fonctions des présidents, et de se réduire à celle de simple membre du conseil. »
(Ce projet de décret est mis aux voix et adopté.)
annonce que l'ordre du jour de demain sera la suite de la discussion des rapports du comité militaire sur la formation des tribunaux militaires et sur l'avancement, ce rapport ayant été envoyé aujourd'hui au domicile de tous le3 députés. (Voyez ci-dessous le rapport de M. Alexandre de Lameth surmVadmission dans l'armée et l'avancement militaire.)
(La séance est levée à trois heures.)
a la séance de l'assemblee nationale de
Rapport fait a.u nom du comité militaire sur l'admission dans l'armée et l'avancement militaire, par M. Alexandre de Eiameth.
Messieurs, votre comité militaire vous présente aujourd'hui ses vues sur le mode le plus avantageux d'admission au service et d'avancement dans les différents grades. Parmi les lois destinées à gouverner l'armée française, à l'approprier, à l'identifier avec la Constitution que vous avez établie, aucunes, Messieurs, ne nous ont paru plus importantes dans leurs effets, plus intimement liées sous leurs divers rapports avec les autres branches de l'organisation sociale, plus dignes par conséquent d'être précédées des considérations graves et approfondies, que les nouveaux principes à établir sur l'admission et sur l'avancement.
L'intérêt des militaires à qui nous devons des avantages proportionnés aux sacrifices qu'ils font à leur patrie, et aux services qu'ils lui rendent, à qui nous devons surtout cette justice exacte, qui, pour des hommes libres, est le premier des bienfaits, et l'intérêt de la nation, qui veut une armée citoyenne et bien ordonnée, une armée que* l'émulation enflamme et que la discipline contienne, une armée composée d'hommes courageux et commandés par des hommes habiles : ces deux intérêts, Messieurs, nous ont paru les guides que nous avions à suivre ; leur combinaison la plus intime nous a paru être le but auquel nous devions tendre; elle a cons tamment dirigé nos spéculations.
C'était par une route directement contraire, que l'ancien régime était parvenu au complément de tous les abus. Si nous croyons aujourd'hui n'avoir à consulter que l'intérêt de la nation, avec le traitement juste et avantageux
qu'elle doit à ceux qui la défendent, l'ancien régime au contraire avait eu pour principe constant de les sacrifier à des considérations d'une autre nature. Dans un gouvernement libre, tout est pour l'intérêt du peuple; sous l'oppression du despotisme, tout est pour l'intérêt au pouvoir ; tous les grades y sont distribués à des classes privilégiées, qui garantissent aux dépositaires de l'autorité l'esclavage de la nation et qui partagent leur puissance. Si quelquefois le gouvernement semble oublier ces maximes, c'est rarement pour le bien, c'est presque toujours pour obéir à des faiblesses ou à des caprices. Toutes les volontés générales du despotisme sont pour son intérêt, toutes ses volontés particulières sont pour son plaisir.
Cette marche du gouvernement arbitraire était surtout observée dans l'armée qu'il a toujours regardée comme son domaine particulier: victime du despotisme dont elle était l'instrument, aucun corps n'a senti plus cruellement l'effet de ces combinaisons opposées à la justice, au bien des individus, au bien général de la nation, mais habilement ' calculées pour l'intérêt d'un petit nombre d'hommes et pour le maintien de la puissance absolue. L'admission au service en qualité d'officier était interdite à quiconque ne justifiait pas de plusieurs degrés de noblesse : ceux qui y entraient en qualité de soldats étaient condamnés, quels que fussent leurs talents, à. ne les exercer jamais que dans des emplois subalternes ; à peine admis à devenir officiers, ils se trouvaient arrêtés au premier grade, et quels que fussent leur mérite et leurs services, la loi plaçait devant eux un obstacle insurmontable.
Cette séparation rigoureuse eutre le-i soldats et les officiers se retrouvait presque également entre les deux classes qui distinguaient ceux-ci. Tandis que des nobles peu favorisés consumaient leur vie sans avancément dans les grades inférieurs, ceux de la cour les franchissant rapidement, ne daignant pas même les occuper tous, arrivaient promptement aux premiers honneurs militaires et les possédaient exclusivement ; ce que les premiers n'obtenaient presque jamais par l'ancienneté de leur service, les gens de la cour le recevaient comme un droit avant l'âge de raison ; ainsi, pour chaque service, il existait une caste particulière ; personne p'avait intérêt de se faire des vertus et 4e se rendre uf'le à son pays, car on voyait sa place marquée par sa naissance ; et il y avait aussi peu à craindre de se voir privé, par son ineptie, des grades importants auxquels elle vous avait destinés, qu il y avait peu à espérer de franchir, par sa capacité, les obstacles qu'un préjugé décourageant avait placés devant vous.
Sous un tel ordre de choses, les injustices particulières aggravaient encore à tout moment l'injustice des lois et de l'opinion ; dans la carrière limitée qu'il était permis de parcourir, on se voyait sans cesse traversé par des faveurs et des passe-droits. Le gouvernement avait sans cesse à côté de l'armée laborieuse et active, une armée d'officiers sans activité, qui attendaient le moment d'obtenir les grades que les autres avaient mérités. Des changements continuels rendaient encore la situation de l'armée servante plus inquiète et plus incertaine: chaque ministre intéressé à se faire des créatures, bouleversait l'ordre établi pour favoriser les hommes qu'il voulait attacher à sa fortune ; et le gouvernement semblait se plaire à marquer sa puissance en méconnaissant les règles que lui-même avait établies,
Enfin, la carrière militaire qui, pour un petit nombre d'hommes, offrait une suite facile et assurée d'avantages et d'honneurs, était pour le reste de la nation une épreuve continuelle d'oppression, d'humiliation et d'ingratitude.
De pareils abus à réformer sont, Messieurs, une des tâches les plus satisfaisantes que vous avez à remplir ; mais il ne suffit pas de les condamner, il faut mettre à leur place des lois justes et sages; et c'est ici qu'une méditation profonde est nécessaire pour saisir }e point juste auquel la raison doit s'arrêter pour poser des principes durables, liés à la Constitution, puisés dans la justice, approuvés par l'expérience et propres à concilier le bonheur des individus avec ces institutions militaires, d'où dépendent essentiellement le succès des armées et la tranquillité des empires.
Avant de vous soumettre, Messieurs, les résultats que nous avons adoptés sur le mode d'admission et d'avancement, nous devons vous présenter les considérations qui nous ont conduits.
L'admission au grade de soldat s'effectue par un engagement. Cette forme nécessaire pour assurer que, dans aucun temps, l'Etat ne sera sans défenseur, doit être soumise à des règles qui garantissent que ce contrat ne sera désormais que l'effet d'une volonté libre, qui proscrivent ces manœuvres odieuses qiji longtemps ont fait l'inquiétude des familles et le désespoir de ceux qui en avaient été l'objet, qui même présentent des facilités à ceux qui voudraient revenir sur un engagement imprudent. Ces règles seront le sujet d'un rapport particulier,
La progression de l'avancement doit conduire du grade de soldat aux premiers honneurs militaires. Je présenterai bientôt les principes suivant lesquels votre comité a pensé qu'il devait avoir lieu. Cette exposition sera le second objet de mon rapport. Le premier est l'examen des questions relatives à l'admission immédiate au grade d'officier.
J'examinerai donc, premièrement, la question de savoir si cette admission immédiate au grade d'officier est nécessaire : secondement les règles auxquelles, en l'admettant, il sera juste de la soumettre.
Sur la nécessité d'admettre au grade d'officier sans avoir passé par ceux qui lui sont inférieurs, votre comité, Messieurs, a pensé que celte règle admise chez tous les peuples et sans laquelle il n'a jamais existé d'armée, était prescrite par la loi même de la nature et par la durée de la vie. Il serait impossible, en effet, qu'un nombre suffisant d'officiers arrivassent dans la force de l'âge aux premiers grades du commandement, si chacun avait été obligé de les parcourir tous, à commencer par celui de soldat. L'intérêt du service, d'ailleurs, exigeant que parmi les officiers les uns présentent les qualités gui s'acquièrent par l'expérience dans les grades inférieurs, tandis que d'autres arrivant immédiatement, à la faveur d'examens publics, avec une éducation plus soignée, présenteront des connaissances théoriques et surtout cette aptitude à combiner, à réfléchir la Bcience de leur état, qu'ils n'auraient pu acquérir par le simple exercice des fonctions de soldat.
Nous avons donc cru qu'il était utile et même indispensable au service, qu'une partie des sous-lieutenants arrivât à ce grade, sans avoir été forcée de parcourir ceux qui lui sont inférieurs.
Mais comment déterminer quels sont les citoyens qui devront jouir de cet avantage? Vous
avez aboli les distinctions de naissance, et il faut faire plus, il faut que les lois que vous porterez soient telles, que ces distinctions ne puissent reparaître sous aucune forme, et que les ministres ne puissent pas un jour faire revivre, par le fait, des privilèges que vos lois ont fait disparaître.
Or, c'est sur quoi nous ne pourrions compter, si le pouvoir d'admettre au grade d'officier était attribué au roi ; mais indépendamment de cet inconvénient, votre comité a pensé qu'aucune raison d'utilité publique île pouvait porter à lui attribuer cette prérogative, et que les plus puissantes raisons devaient, au contraire, nous en éloigner.
Lorqu'un officier a déjà servi, la capacité dont il a fait preuve peut être un motif de peser son avancement, et ce pouvoir doit, dans certains cas et avec des règles prescrites, être déféré au roi. Mais au moment ou de jeunes citoyens se destinent au métier des armes, aucune raison d'intérêt public ne peut donner au gouvernement le droit de rejeter les uns et d'admettre les autres. Le choix qu'il ferait parmi eux ne pourrait être dirigé par aucun motif,par aucun service antérieur, et cette prérogative arbitraire augmenterait son pouvoir par les moyens d'influence et de corruption, sans que la société en reçût aucun dédommagement.
Mais s'il n'est pas proposable de donner au roi le droit d'admettre au grade d'officier, l'idée de les faire élire par les soldats est également contraire à tout principe militaire, à toute idée saine du gouvernement.
Quoique l'opinion de tous les hommes qui ont médité sur les lois sociales; quoique les usages et les maximes des peuples les plus attachés à la liberté ne parussent laisser aucun doute sur cette question, votre comité ne s'est pas moins fait un devoir, dans ce moment où toutes les idées sont soumises à un nouvel examen, de discuter profondément l'application du principe de l'élection aux grades militaires; empressé de puiser dans les règles de votre Constitution, dans les maxi-nes générales de la liberté, tout ce qui pouvait compatir avec l'organisation d'une armée, il a fait entrer dans ses dispositions tout ce que les principes militaires peuvent accorder d'influence sur l'avancement, au choix et à l'estime des campagnons d'armes. Mais le système pur de l'élection, mais l'élection surtout par les inférieurs, lui a paru une idée inadmissible, destructive de toute discipline, tendant à faire passer toute l'autorité dans ceux qui doivent obéir, devant presque toujours mettre à la tête des troupes ceux qui flatteraient leurs passions pour capter leur faveur, ou ceux qui, par un excès d'indulgence, se seraient montrés les moins propres à les commander, conduisant enfin l'armée à un tel degré d'indépendance, que la tranquillité des citoyens et la liberté publique en seraient bientôt menacés.
Le peuple doit nommer ses magistrats pour conserver son pouvoir. Les soldats ne peuvent nommer leurs officiers, sans détruire l'autorité, le premier lien des armées; les citoyens sont égaux, sont indépendants des nommes ; ils n'obéissent qu'aux lois. La subordination est au contraire un élément nécessaire de l'organisation militaire; seule elle donne celte unité d'efforts et d'action qui fait la force des armées et qui en assure les succès.
La liberté de Rome fut perdue quand les légions nommèrent leurs chefs, car elles nommèrent bien-
tôt les empereurs. Ces empereurs élus dans les camps, tirent du peuple leur victime, et furent eux-mêmes le jouet des caprices de leurs soldats. L'indiscipline de l'armée amena l'oppression des citoyens. L'Empire fut sans gouvernement et parvint à se dissoudre.
Un peuple qui chérit la liberté et qui veut la conserver, doit donc repousser loin de lui des institutions aussi dangereuses; et les militaires attachés aux droits qui leur appartiennent, comme citoyens, doivent sentir que leur conservation demande que le salut public exige que l'armée, créée pour la nation et entretenue par elle, soit régie par des lois différentes que le reste de la société.
Après avoir rejeté, Messieurs, les moyens qui résultaient, pour l'admission au grade d officier, du choix du roi ou de l'élection des soldats, votre comité a découvert, dans l'application la plus exacte de vos principes, le mode qui lui a paru devoir les remplacer.
Il est dit, dans la déclaration des droits, que chacun est admissible à tous les emplois publics, à raison de sa capacité et sans autre distinction que celle des qualités personnelles : c'est à cette distinction seule que nous avons cru que l'avantage d'arriver immédiatement au grade d'officier devait être attribué, et nous l'avons fait dépendre d'un temps d'étude et du résultat d'examens institués par la loi.
Cette méthode a%plus d'un avantage : elle introduit l'égalité la plus étendue qui puisse compatir avec l'intérêt du service, elle donne la facilité d'attribuer presque tout à l'ancienneté pour l'avancement des officiers reçus, puisqu'elle offre . le gage le plus sûr qu'aucun n'aura été admis sans avoir un certain degré de capacité.
Il résulte donc, Messieurs, de nos opinions relativement à l'admission au service, qu'une partie des officier^ de l'armée doit arriver par le grade de sous-lieutenant, sans avoir parcouru ceux qui lui sont inférieurs, et que cet avantage doit être attribué à la seule capacité, constatée par un ou plusieurs examens publics : maintenant je dois vous soumettre les vues qui nous ont dirigés relativement à l'avancement.
Il est évident que l'avancement progressif aux différents grades, depuis le simple soldat jusqu'au général d'armée, ne saurait s'opérer que par deux moyens, l'ancienneté et le choix.
Mais l'un et l'autre sont plus ou moins applicables, suivant l'importance des grades et l'influence de leurs fonctions. Le choix surtout est susceptible d'une multitude de modifications, la proportion entre ces deux moyens est essentielle à déterminer. L'examen de cette question pourrait donner lieu à des considérations infinies ; voici celles qui nous ont paru les plus décisives :
L'avancement par l'ancienneté a l'avantage de fermer la porte aux préférences injustes, à l'intrigue et à la faveur : il doit donc être adopté toutes les fois que la nécessité absolue du service n'exige pas que l'on s'en écarte.
Or, cette nécessité arrive par deux raisons :
La première est l'impossibilité de laisser parvenir aux grades, des hommes sur la capacité desquels on ne pourrait avoir aucune garantie.
La seconde est la nécessité de faire arriver quelques personnes dans la vigueur de l'âge aux premières places du commandement, et d'ouvrir aux talents supérieurs un moyende se développer pour le plus grand avantage de leur patrie.
Voici le résultat de ces vues générales.
L'avancement depuis le grade de soldat jusqu'à celui de sous-lieutenant, ne peut, à de faibles exceptions près, être donné qu'au choix, puisque au-dessous du grade d'officier, aucune étude, aucun examen ne garantit que tous les individus fussent capables de remplir les fonctions auxquelles l'ancienneté pourrait les appeler.
Depuis le grade de sous-lieutenant jusqu'à celui de capitaine, l'ancienneté doit, au contraire, être seule admise, parce que l'examen subi, ou le choix successif qui aurait porté un soldat jusqu'au grade d'officier, sont des titres de capacité suffisants pour que tous ceux qui les ont acquis puissent exercer également et sans préférence toutes les fonctions d'officier jusqu'à celles qui supposent le commandement d'un régiment.
Au-dessus du grade de capitaine et jusqu'à celui de général d'armée, l'ancienneté doit continuer à conférer une partie des places ; mais il doit aussi en être altribué au choix, et à mesure qu'on s'élève, il doit avoir plus de part aux promotions, et l'ancienneté doit en avoir moins, parce que plus les fonctions à remplir sont importantes et difficiles, plus il devient nécessaire qu'une partie au moins de ceux qui y sont portés soient des hommes distingués par leurs talents, plus il devient nécessaire que les hommes d'une capacité éprouvée dans la lenteur des premiers grades puissent presser leur marche et arriver au terme du commandement dans un âge où les forces morales et physiques ne soient pas encore épuisées, et où l'énergie de l'âme et les leçons de l'expérience se réunissent pour faire espérer de ces conceptions heureuses qui assurent le succès des combats.
Enfin, le commandement des armées, par les rares talents qu'il exige, ne peut être évidemment conféré que par fe choix du roi.
Quant à la proportion à établir entre le nombre des places attribuées à l'ancienneté et celles dont le choix doit disposer pour la promotion aux grades où ces deux modes doivent concourir, nous avons considéré, Messieurs, que l'intérêt du plus grand nombre et le principe de l'égalité se trouvaient exclusivement dans le mode de l'ancienneté ; que par conséquent ce mode avait pour lui la loi générale, et que l'évidence de l'intérêt public pouvait seule justifier les exceptions qui y seraient apportées. Nous avons donc réglé nos dispositions sur ce principe unique et décisif, et nous avons attribué à l'ancienneté tout ce que la possibilité et le succès du service nous ont paru permettre.
Nous avons même fait plus; nous avons pensé qu'indépendamment de la nécessité de parcourir, par l'ancienneté seule, l'espace, depuis le grade de sous-lieutenant jusqu'à celui de capitaine, il était nécessaire d'établir encore deux principes pour régler la marche de ceux qui arriveraient par le choix : l'un est l'impossibilité de franchir aucun grade, l'autre est la nécessité de s'arrêter au moins deux ans dans chacun.
De ces vues et des proportions que nous avons établies entre le choix et l'ancienneté, nous avons espéré, Messieurs, deux grands avantages; c'est que tandis que l'espoir de s'avancer par le choix exciterait l'émulation, féconderait le talent et concourrait à la discipline, la certitude d'arriver par l'ancienneté éloignerait de tous le découragement, et exclurait une dépendance excessive, humiliante et dangereuse.
Il me reste à vous présenter nos idées sur le mode et la nature du choix que nous avons cru devoir préférer pour la promotion aux diverses places.
Une vue générale se présente d'abord, et découle des principes que j'ai annoncés, en parlant de l'impossibilité de l'élection des officiers par les soldats ; c'est que ce choix, en aucun cas, ne peut être accordé aux inférieurs. La première qui obéissent le pouvoir de nommer ceux qui devaient les commander.
En général, le choix fait par les supérieurs, s'il est dirigé par des lois qui préviennent l'injustice, l'abus de la faveur et l'excès de la dépendance, ce choix est à la fois un des moyens les plus doux d'établir la subordination, un des moyens les plus justes de réaliser et de rendre sévères les divers genres de responsabilités auxquels peuvent être soumis ceux qui commandent et qui gouvernent.
En admettant ces vérités, qui ne sauraient être contestées par quiconque a réfléchi sur l'organisation, sur l'utilité, sur les dangers des armées, nous avons cru que l'application exigeait deux modes de choix différents : l'un pour élever aux grades depuis le caporal jusqu'au sous-lieutenant, l'autre du grade de lieutenant-colonel jusqu'au général d'armée.
Le choix pour les grades de cette dernière classe ne peut certainement être attribué qu'au roi : tout autre supérieur qui l'exercerait, acquerrait un pouvoir qu'aucun particulier, et surtout qu'aucun chef de troupe ne doit posséder dans un Etat libre et monarchique. Nous n'avons donc pas douté, Messieurs, que dans la nécessité de donner à la volonté, dirigée par des lois sages, la fonction de conférer une partie des places au-dessus du grade de capitaine, le roi devait être le seul dépositaire de ce pouvoir.
Mais il nous a paru que d'autres considérations devaient nous diriger sur l'avancement dans les grades inférieurs, depuis le soldat jusqu'au sous-lieutenant. Le mérite des hommes qui remplissent ces places consistant davantage dans l'assiduité à leurs devoirs, dans le zèle pour le service, dans l'intelligence journalière de leurs fonctions, que dans des talents qui aient reçu tout l'éclat d'une éducation soignée, ce mérite ne peut être jugé, ni par le roi, ni même par ceux qui gouvernent en son nom; ces droits ne peuvent être justement reconnus que par ceux sous les yeux desquels ils s'acquièrent; et en leur remettant la présentation des sujets, vous faites tourner au profit de la discipline, de la subordination si difficile à obtenir pour le grade immédiatement supérieur, toute l'influence de bienveillance et de fortune que vous remettez entre leurs mains.
C'est ipi, Messieurs, que nous avons cru que les sous-officiers à qui, jusqu'à Ce jour, les lois militaires n'ont donné aucune influence sur l'avancement de leurs camarades, pouvaient, avec utilité pour le service, partager, avec le chef de leur compagnie et celui du régiment, le droit d'élever jusqu'à eux un soldat, ou un sous-officier de grade inférieur.
Non seulement cette forme est propre à attirer aux sous-officiers, de la part de leurs inférieurs immédiats, une obéissanceet unrespectque l'expérience prouve chaque jour qu'il est extrêmement difficile de faire observer ; mais en intéressant les
sous-officiers à faire de bons choix pour l'honneur du grade auquel ils appartiennent, el le exerce, et, pour ainsi dire, elle cultive en eux un sentiment de délicatesse et de fierté qui ne saurait être trop encouragé dans le militaire.
Nous avons donc cru gue l'élévation aux différents grades de sous-officiers devait être opérée par le choix successif du capitaine et du colonel, mais que ce choix ne pouvait s'exercer que parmi les sujets qui auraient été présentés parles sous-officiers du grade auquel le candidat doit être promu.
Par là, on fait pour l'égalité tout ce qui est militairement possible, en appelant à concourir au choix ceux des supérieurs qui se rapprochent le plus de l'état de camarade; par là aussi on obtient la plus grande probabilité d'avoir de bons sujets, puisque après s'être garanti,par la désignation des sous-officiers, l'honneuretla probilédeceux qu'ils présentent, on s'assure, par le choix du capitaine et du colonel, la sagesse et la capacité de celui qu'ils croient devoir employer.
Enfin, Messieurs, nous avons étédéterminés à vous proposer cette méthode, en observant qu'elle était celle qui formait ces compagnies si justement célèbres de grenadiers français, el par les excellents effets qu'elle a produits dans quelques régiments où des chefs, amis du soldat, ont essayé de l'employer; la composition des sous-officiers y a été reconnue, par expérience, meilleure que dans tous les autres; l'ordre et la discipline y ont été entretenus parfaitement par l'influence dece moyen. Ces épreuves, jointes aux raisons que je viens de vous développer, nous ont paru ne devoir laisser aucune incertitude sur l'adoption d'une forme qui d'ailleurs est propre à remplir les vœux de tous les soldats et de tous les sous-ofliciers de l'armée.
Je viens donc de vous indiquer, Messieurs, les vues qui nous ont dirigés dans l'avancement depuis le grade de soldat jusqu'au premier sous-officier, et depuis le dernier officier de l'armée, jusqu'au général qui la commande. Il reste un vide à remplir ; M reste à dire comment le soldat,parvenu au premier grade de sous^officier, arrivera enfin à celui d'officier et sera fait sous-lieutenant.
Quoiqu'en général l'ancienneté nous ait paru un mode d'avancement peu applicable à ceux dont la capacité n'a pas subi l'épreuve d'un examen, nous n'avons pas pensé que ce principe pût s'appliquer justement à ceux que le choix a successivement portés au premier grade de sous-officier.
Si, d'une part, il est avantageux pour la discipline et pour la bonne composition des corps, que le choix des officiers confère une partie des places aux sous-ofliciers qui doivent être admis parmi eux, il est également convenable que le sort d'un sous-officier qui aurait assez bien mérité pour être porté jusqu'au grade immédiatement inférieur à celui de sous-lieutenant, ne dépende pas nécessairement, pour le reste de son avancement, de la volonté de ses chefs. Ici les motifs ne sont plus entièrement les mêmes que pour l'avancement aux différents grades de sous-offi-cier : le candidat a plus de droits acquis à s'avancer, et les officiers à qui seuls le choix peut en être remis, ne sont pas aussi près du rang de camarade, et ne seraient pas guidés dans leur choix par des motifs exactement les mêmes que ceux qui pourraient porter les caporaux à s'associer un soldat : il nous a paru, en un mot, Messieurs, que le passage au grade d'officier ne ressemblait exactement ni à ce qui lui est supérieur, ni à ce qui lui est inférieur ; qu'il devait
être régi par une règle mixte ; que la discipline aurait assez d'avantages, si la moitié des places de sous-lieutenants affectées aux sous-officiers était au choix des officiers du corps, et que la justice exigeait que l'autre moitié fût assurée à l'ancienneté.
Ainsi ie soldat, que sa bonne conduite aura porté par le choix jusqu'au premier grade de sous-officier, sera dès lors assuré d'arriver, par l'ancienneté seule, aux grades supérieurs ; aucun obstacle ne se présentera devant ses pas, et sa carrière militaire n'aura d'autres limites que la durée de ses services.
Tels sont, Messieurs, les principes auxquels nous nous sommes arrêtés pour diriger les lois que nous vous proposerons sur l'admission et l'avancement. Nous les avons assez combinées, pour espérer qu'étant adoptées par vous, elles seraient propres à fixer d'une manière solide et durable le sort des militaires français, et que conciliant le bien du service et l'intérêt des individus, elles seraient confirmées par l'expérience, et mettraient l'armée française à l'abri de ces changements continuels, qui, depuis tant d'années, y entretiennent l'inquiétude et y portent le découragement.
Mais leur application au moment actuel n'est pas aussi facile, et ne saurait être aussi parfaite qu'elle le sera dans l'avenir.
Vous avez aperçu, Messieurs, qu'en vous présentant ces principes, j'ai supposé l'armée active existant isolément, et puisant toujours en elle» même ceux qui doivent remplir les grades qui vaquent successivement; c'est ainsi en effet qu'elle devrait être, et c'est ainsi qu'elle sera, quand toutes les traces des anciens abus auront entièrement disparu.
Mais ce moment n'est pas encore arrivé. Par une suite des opérations, des changements, des réformes auxquelles les ministres qui gouvernaient l'armée se sont successivement livrés, il existe hors de l'armée une multitude d'officiers dont l'activité est suspendue, dont un grand nombre demande à être employé, et dont quelques-uns ont droit de l'obtenir.
Nous avons pensé, Messieurs, qu'il était d'une grande importance, soit pour l'intérêt du service, soit pour la justice qui est due à ceux qui s'y livrent activement, que l'arrivée aux grades ne fût pas, pour ainsi dire, engorgée; que l'avancement de ceux qui servent ne fût pas considérablement retardé par le partage qui serait fait des emplois entre eux et cette espèce d'armée d'officiers oisive et expectante. Perfuadésde la nécessité de prendre des mesures décisives à cet égard, nous avons réduit la faculté d'être employés à ceux qu'un droit évident et une capacité présumable y appellent : tous ceux auxquels les ordonnances ne donnaient pas le droit d'être remplacés; ceux dont l'ancienneté des services réclament des retraites; enfin, ceux qu'une longue inactivité a rendus, pour ainsi dire, étrangers au service, nous ont paru ne devoir point être appelés à concourir aux emplois vacants. Une partie considérable étant ainsi éloignée, nous avons destiné à ceux qui restaient une part d'avancement suffisante, pour attacher au service ceux qui ont un goût décidé pour cette profession, Bans porter le découragement parmi ceux à qui des services actifs et non interrompus ont donné les premiers droits.
Tels sont, Messieurs, les principes généraux qui nous ont guidés dans notre travail sur l'admission et l'avancpment ; après vous les avoir fait connaître, il me reste mettre sous vos yeux l'analyse
rapide des dispositions qui nous ont paru devoir en être la conséquence.
Vous avez vu, Messieurs, la nécessité exigée par la nature des choses et le hién du service, d'admettre immédiatement dans lé grade d'officier, des hommes qui, formés par une éducation précé -dente, auraient acquis des connaissances théoriques, constatées par des examens.
Le mode de ces examens, les règles qui devront être établies, les institutions qui peuvent en accroître les avantages, vous seront ultérieurement présentés; les développements que pourra exiger cette partie de notre travail, méritera une discussion particulière de votre part, et n'auraient pu sans inconvénients trouver place dans ce rapport.
Il suffit, en ce moment, d'avoir prouvé l'indispensable nécessité de l'admission immédiate au grade d'officier, et que cette admission ne pouvait être que le prix des connaissances et des talents constatés par des examens publics.
Quant à l'avancement, voità, Messieurs, les dispositions qui nous ont paru être les conséquences et devoir résulter des principes que nous avons posés.
Depuis l'état de soldat, jusqu'au premier grade de sous-officier, les nominations auront lieu par le choix des capitaines et des colonels, qui ne pourra s'exercer que sur les sujets présentés par les individus du grade immédiatement supérieur.
Ainsi, pour la nomination des caporaux (et je préviens que pour éviter d'occuper inutilement votre attention, je ne parlerai que des grades d'infanterie, ceux des troupes à cheval sous des dénominations différentes y correspondant entièrement), pour la nomination des caporaux, dis-je, il sera présenté, par chaque caporal à son capitaine, le sujet qu'il jugera le plus digne par sa conduite, et le plus capable par ses moyens de remplir une place de caporal; le capitaine choisira, parmi les soldats qui lui auront été présentés par les caporaux de sa compagnie celui qu'il croira mériter la préférence. Il y aura donc ainsi un homme par compagnie désigné pour remplir les places de caporal: on formera une liste de ces hommes, et lorsqu'il vaquera une place, le capitaine, dans la compagnie duquel se trouvera cette vacance, choisira dans cette liste trois sujets qu'il présentera au colonel, qui déterminera celui des trois qui devra l'occuper. Lorsque la liste sera réduite au-dessous de moitié, alors il en sera reformé une nouvelle en suivant les mêmes procédés. Cette mesure, Messieurs, est indispensable pour éviter un inconvénient grave qui se présenterait; c'est que plusieurs des sujets qui y seraient compris, pourraient, avant le moment où ils seraient choisis pour remplir une place vacante, commettre des fautes assez graves pour les en éloigner, mais pas assez cependant pour les rayer de dessus la liste, ce qui serait pour eux un désagrément fâcheux. Il faudrait cependant ou qu'ils en fussent rayés ou que le colonel fût obligé de les choisir, iorsque les sujets plus distingués auraient été épuisés. La suppression- de la liste, lorsqu'elle est réduite au-dessous de moitié, détruit cet inconvénient, les moins bons sujets restant dans la moitié supprimée, et pouvant cependant être proposés de nouveau et se retrouver dans la même liste s'ils ont encore le.suffrage des caporaux et des capitaines .
Les formes et les procédés employés pour la nomination des caporaux auront lieu pour celles des sergents, en observant que la présentation se fera par les sergents, et que les sujets se-
ront pris parmi les caporaux. Il y aura cependant quelque différence dans le choix des caporaux-fourriers et des sergents-majors : ces hommes étant plus essentiellement ceux du capitaine, et devant lui répondre plus particulièrement des fonds et de la discipline de sa compagnie, il est important qu'il ait plus d'influence dans leur choix.
Les places d'adjudants exigeant une intelligence et une activité particulières dans ceux qui devront les remplir, et ces hommes étant, pour ainsi dire, les aides de camp, des officiers supérieurs, ils seront choisis par eux à la majorité des voix parmi tous les sous-officiers du régiment.
Les places d'officiers, qui seront dévolues aux sous-officiers, seront données alternativement au choix et à l'ancienneté ; le choix sera fait par tous les officiers à la majorité absolue des suffrages.
Les sous-lieutenants deviendront lieutenants, et les lieutenants, capitaines par ancienneté, sans que, sous aucun prétexte pendant la paix du moins, cette loi puisse être enfreinte.
Les places de lieutenants-colonels et de colonels seront données deux tiers à l'ancienneté et un tiers au choix du roi. L'ancienneté sera comptée pendant la paix sur toute l'arme, pendant la guerre par régiment : un des principales raisons de cette différence, o'est que pendant la paix il y aurait, par des mutations, des avancements rapides et sans motif dans quelques régiments, tandis qu'ils seraient beaucoup plus lents dans d'autres; à la guerre, cet avancement ne provenant que des pertes que les régiments peuvent faire, et par conséquent des dangers qu'ils courent, il paraît juste que ceux qui les essuient en retirent quelques avantages.
Les places de maréchaux de camp seront données aux colonels, moitié par l'ancienneté, moitié au choix du roi.
Les places de lieutenants généraux seront dçn-nées aux maréchaux de camp, également moitié à l'ancienneté, moitié au choix du roi.
Le grade de maréchal de France sera conféré uniquement par le roi.
Voilà, Messieurs, tout ce qui regarde l'armée active; et il ne me resterait plus qu'à voua présenter le projet de décret, si je ne devais vous rendre compte auparavant des dispositions que nous avons cru devoir vous proposer relativement au nombre considérable d'officiers de tous les grades qui se trouvent en dehors de la ligne, et sans activité.
Cette partie de notre travail a été une des plus pénibles par la difficulté de trouver des principes qui pussent diriger au milieu du dédale d'abus de tout genre qui résultaient de l'ancien ordre de choses.
Les états qui nous ont été remis par le ministre de la guerre, portent le nombre des lieutenants généraux à cent quatre-vingts,celui des marécnaux de camp à sept cent quinze. Ils présentent des brevets ou commissions de colonels de sept espèces différentes, autant, à peu près, de lieutenants-colonels et de majors, et enfin neuf espèces de capitaines.
Parmi ce nombre considérable d'officiers, il en est sûrement qui ont des droits à l'activité par les services qu'ils ont rendus, et par ceux quils peuvent rendre encore ; mais ce n'est pas le plus grand nombre.
Et d'ailleurs, je ie répète, Messieurs, vous sentez qu'il n'y aurait plus d'avancement, par conséquent, plus d'espoir, plus d'émulation pour
l'armée active, si vous ne preniez des mesures décisives pour la débarrasser de cette foule d'officiers qui obstruaient entièrement la carrière militaire de ceux qui n'ont pas quitté un moment l'activité.
Nous avons donc cru que vous deviez déterminer que le nombre des officiers généraux serait borné aux quatre vingt-quatorze que vous avez décrété devoir être employés, et qui sont portés sur les états de dépense ; qu'aucun officier ne devait être promu désormais au grade de lieutenant général ou de maréchal de camp, que lorsqu'une de ces places deviendrait vacante par mort ou par retraite : mais cependant, pour laisser au roi la possibilité de remettre en activité ceux des officiers généraux dont il croirait les services utiles, nous proposons que sur quatre places de lieutenant général ou de maréchal de camp en activité, qui viendront à vaquer, deux soient données aux deux plus anciens colonels, et que sur les deux qui sont aux choix du roi, il en donne une à un colonel en activité, sans égard à l'ancienneté, et qu'il puisse disposer de l'autre en faveur d'un officier général hors de la ligne.
Quant à ce qui regarde les autres officiers sans activité, en convenant qu'il s'en trouve dans ce. nombre plusieurs qui ont des talents distingués, et que tous ont des droits réels, puisque les places qu'ils occupent étaient les seules par lesquelles l'avancement s'effectuait ; cependant nous avons cru devoir moins consulter lesdroitsque leur donnait l'ancien ordre de choses, que ce qu'exigeait en ce moment le bien du service et l'utilité publique.
Après avoir arrêté que ceux qui n'étaient pourvus que de commissions, ou qui avaient plus de dix ans d'inactivité, n'auraient plus de droits au remplacement, et ne seraient susceptibles que d'obtenir un jour la croix, s'ils avaient dans ce moment plus de dix-huit ans de service ; que ceux qui avaient plus de 35 ans de service et 10 ans d'inactivité, n'auraient droit qu'à conserver ou obtenir un traitement, nous proposons d'assurer les deux tiers des emplois de colonels et de lieutenants-colonels dans toutes les armes, et de capitaines dans les troupes à cheval, qui viendront à vaquer, aux officiers servant dans l'armée active, et un tiers seulement à tous ceux qui sont hors de la ligne.
Telle est, Messieurs, la mesure qui nous a paru la plus propre à conserveries droits de l'armée, à y entretenir l'émulation, et en même temps à donner aux officiers sans activité, qui aiment le service, un moyen d'y trouver de l'emploi.
Ces dispositions, celles qui vous ont été soumises dans la partie relative à l'armée active, feront, avec quelques suppressions d'emplois inutiles, et quelques modificationsfavorables aux officiers, dits ci-devant de fortune, l'objet du décret que je vais avoir l'honneur de vous propose^, après avoir jeté un coup d'œil rapide sur les avantages qu'il présente, comparés à ce qui a existé jusqu'à ce jour.
Autrefois un soldat ne pouvait devenir caporal, un caporal sergent, que suivant la volonté absolue du colonel.
Maintenant il est présenté par ceux du grade où il doit entrer; l'influence du capitaine et du colonel ne peut s'exercer que sur la présentation de ceux qui sont le plus près de l'état de camarade.
Dans l'ancien ordre un sous-officier ne de-
venait officier que lorsqu'il plaisait au chef du régiment.
Maintenant la moitié des places qui leur sont dévolues appartient à l'ancienneté; l'autre moitié est donnée par le choix de tous les officiers.
Dans l'ancienne organisation, les sous-officiers obtenaient au plus une place sur dix ou douze, et ne pouvaient franchir le grade de lieutenant.
Dans la nouvelle, ils en auront une sur quatre, et la certitude d'arriver à leur tour, si l'âge le leur permet, et plus promptement, si les événements les servent, au grade de lieutenant général.
Voilà ce qui regarde les soldats.
Les officiers dans l'infanterie, entraient sous-lieutenants, et se retiraient presque tous capitaines; ceux qui, après beaucoup de difficultés, étaient devenus officiers supérieurs, n'obtenaient jamais de régiment, très rarement il en arrivait un ou deux au gracie de maréchal de camp.
Dans la cavalerie, ils étaient encore plus sévèrement, je dirai plus injustement traités, puisque l'avancement était borné au grade de lieutenant pour ceux qui n'avaient pas l'argent et la faveur nécessaires pour obtenir une compagnie.
Maintenant, une fois officiers, rien qu'une destitution légale ne peut les empêcher de devenir à leur tour lieutenant général; des services distingués, des actions d'éclat les porteront plus promptement à ce grade.
Autrefois tous les emplois, toutes les grâces soit pécuniaires, soit honorifiques, étaient la proie de l'intrigue, et des bouleversements continuels faisaient le désespoir de l'armée.
Maintenant les emplois et les grâces seront le prix des services, et les lois seront stables comme la justice qui les aura dirigées.
Ce parallèle vous prouve, Messieurs, quels sont les avantages que recueillera l'armée d'un nouveau mode d'avancement, où cependant le bien du service et le ressort de la discipline ont été soigneusement ménagés.
Les dispositions que j'ai l'honneur de vous présenter ont été profondément méditées ; elles sont le résultat de l'opinion unanime de votre comité : il a cru y voir la source d'un bien durable pour l'avenir ; et dans le moment actuel, le retour de l'ordre dans l'armée, par la puissance de la justice, la cessation de toutes les inquiétudes, par l'émulation nouvelle qui doit s'emparer des esprits et occuper leur activité. Les nouvelles lois sur l'avancement seront le plus précieux de vos bienfaits en faveur de l'armée, parce qu'elles n'intéressent pas seulement la fortune, mais la dignité, mais la gloire de chaque individu ; elles deviendront un nouveau lien qui les attachera à la Constitution. La nation connaîtra, par leur conduite pendant la paix, par leur courage à la guerre, que les hommes que la patrie honore, savent aussi s'honorer eux-mêmes, et que l'estime et la considération sont les liens les plus puissants que l'on puisse imposer à des hommes qui se sont fait une habitude du mépris des dangers et de la vie.
Voici, Messieurs, les décrets que votre comité a l'honneur de vous présenter :
décrets sur l'admission et l'avancement militaire.
Avancement militaire.
L'Assemblée nationale décrète que l'avancement
aux différents grades militaires aura lieu dans la forme et suivant les règles indiquées ci-après :
TITRE 1er
Nomination aux places de sous-officiers.
Art. 1er. L'on comprendra à l'avenir dans la dénomination de
sous-officiers dans l'infanterie, les sergents-majors, les sergents, les caporaux-fourriers
et les caporaux.
Dans les troupes à cheval les maréchaux des logis en chef, les maréchaux des logis, les brigadiers-fourriers et les brigadiers.
Nomination des caporaux et des brigadiers.
Art. 2. Les caporaux, dans l'infanterie, et les brigadiers, dans les troupes à cheval, présenteront chacun à leur capitaine celui des soldats ou cavaliers de leur compagnie qu'ils jugeront le plus capable d'être élevé au grade de caporal ou ae brigadier.
Art. 3. Le capitaine choisira un sujet parmi ceux qui lui auront été présentés.
Art. 4. Il sera formé une liste de tous les sujets choisis 'par les capitaines.
Art. 5. Lorsqu'il vaquera une place de caporal ou de brigadier dans une compagnie, le capitaine de cette compagnie choisira trois sujets dans la liste.
Art. 6. Parmi ces trois sujets, le colonel choisira celui qui devra remplir la place vacante.
Art. 7. Lorsque la liste sera réduite au-dessous de moitié, elle ,sera supprimée, et il en sera fait une nouvelle, en suivant les mêmes procédés.
Nomination des caporaux et des brigadiers-four-riers
Art. 8. Lorsqu'il vaquera une place de caporal ou de brigadier-fourrier dans une compagnie, le capitaine de cette compagnie choisira parmi tou3 les caporaux ou brigadiers et parmi tous les soldats ou cavaliers du régiment, ayant au moins deux ans de service, le sujet qui devra la remplir.
Nomination des sergents et des maréchaux des logis.
Art. 9. Les sergents-majors et les sergents dans l'infanterie, les maréchaux des logis en chef et les maréchaux des logis dans les troupes à cheval, présenteront chacun à leur capitaine celui des caporaux ou brigadiers de leur compagnie qu'ils jugeront le plus capable d'être élevé au grade de sergent ou de maréchal des logis.
Art. 10. Le capitaine choisira un sujet parmi ceux qui lui auront été présentés.
Art. 11. Il sera formé une liste de tous les sujets choisis par les capitaines.
Art. 12. Lorsqu'il vaquera une place de sergent ou de maréchal tles logis dans une compagnie, le capitaine de cette compagnie choisira trois sujets dans la liste.
Art. 13. Parmi ces trois sujets, le colonel choisira celui qui devra occuper la place vacante.
Nomination des sergents-majors et des maréchaux des logis en chef.
Art. 14. Lorsqu'il vaquera une place de sergent-major ou de maréchal des logis en chef, les sergents-majors et les maréchaux des logis en chef au régiment, présenteront chacun, pour la remplir, un sergent ou maréchal des logis de leur compagnie, et il en sera formé une liste.
Art. 15. Le capitaine de la compagnie, où là place de sergent-major ou de maréchal des logis en chef sera vacante, choisira trois sujets sur la liste de ceux qui auront été présentés par les sergents-majors ou maréchaux des logis eh chef.
Art. 16. Parmi ces trois sujets, le colonel choisira celui qui devra remplir Ja place vacante.
Nomination des adjudants.
Art. 17. Lorsqu'il vaguera une place d'adjudant, les officiers supérieurs réunis nommeront, à la pluralité des voix, parmi tous les sergents ou maréchaux des logis du régiment, celui qui devra la remplir, et dans le cas où les voix se porteraient sur trois sujets différents, la voix du colonel sera prépondérante.
Art. 18. Les sergents ou maréchaux des logis, nommés aux places d'adjudant, concourront, du moment de leur nomination, avec les sous-lieutenants (sans cependant être brevetés), pour arriver à la lieutenance, et ils pourront rester adjudants jusqu'à ce que leur ancienneté les y porte.
Art. 19. Lorsqu'un sergent ou maréchal des logis, moins ancien que les adjudants, sera fait sous-lieutenant, les adjudants jouiront, en gratification et par supplément d'appointements, des appointements du grade de sous-lieutenant.
TITRE II.
nomination aux places d'officiers.
Nomination au grade d'officier.
Art. 1er. Il sera pourvu de deux manières aux emplois de
sous-lieutenants, lesquels seront partagés entre les sujets qui auront passé par les grades
de soldats, cavaliers et de sous-officiers, et ceux qui arriveront immédiatement au grade
d'officier, après avoir subi les examens dont il sera parlé ci-après.
Art. 2. Sur quatre places de sous-lieutenants vacantes par régiment, il en sera donné une aux sous-officiers.
Les. places de sous-lieutenants, destinées aux sous-ôfficiers, seront données alternativement à l'ancienneté et au choix.
Art. 3. L'ancienneté se prendra sur tous les sergents, et maréchaux des logis indistinctement, à dater de leur nomination.
Art. 5. Le choix aura lieu parmi tous les sergents ou maréchaux des logis, et il sera fait par tous les officiers ayant vingt-cinq ans d'âge et par les officiers supérieurs, à la majorité absolue des suffrages.
Art. 6. Quant aux autres places de sous-lieutenants, il y sera pourvu parle concours, d'après des examens publics, dont le mode sera déterminé par un décret particulier.
Nomination aux emplois de lieutenants ;
Art. 7. Les sous-lieutenants de toutes les armes, sans aucune exception, parviendront, à leur tour d'ancienneté* dans leur régiment aux emplois de lieutenants.
Nomination aux emplois de capitaines.
Art. 8. Les lieutenants de toutes les armes, sans aucune exception, parviendront, à leur tour d'ancienneté dans leur régiment* aux emplois de capitaines.
Nomination aux places de quartiers-maitres.
Art. 9. Les quartiers-maîtres seront choisis par les conseils d'administration, à la pluralité des suffrages.
Art.10. Les quartiers-maîtres, pris pârini les soUs-officiers, auront le rang de sous-lieutenant; ils conserveront leur rang, s'ils sont pris parmi les officiers.
Art. 11. Les quartiers-maîtres suivront leur avancement, dans les différents grades, pour le grade seulement, ne pouvant jamais être titulaires, ni avoir de commandement, mais jouissant, en gratification et par supplément d'appointements, de Ceux attribués aux différents grades où les portera leur ancienneté,
Nomination aux emplois de lieu tenants-colonels.
Art. 12. On parviendra du grade dé capitaine à celui de lieutenant-colonel par l'ancienneté et par le choix du roi, ainsi qu'il va être expliqué.
Art. 13. L'avancement au grade de lieutenant-colonel, soit par ancienneté, soit par le choix du roi, sera, pendant la paix, sur toute l'arme ; à la guerre, le tour d'ancienneté sera sur le régiment.
Art. 14. L'infanterie française formera une arme.
L'infanterie étrangère et suisse formeront chacune une arme.
Les troupes à cheval, indistinctement, formeront une seule arme.
L'artillerie et le génie formeront deux armes différentes.
Art. 15. Sur trois places de lieutenant-colonel, vacantes dans une arme, deux seront données aux plus anciens capitaines en activité de l'arme, et la troisième, par le choix du roi, à un capitaine en activité dans cette arme, depuis deux ans au moins.
Nomination aux pidces de colonels.
Art. 16. On parviendra du grade de lieutenant-colonel à celui de colonel par ancienneté et par le choi* du roi, aiusi qu'il va être expliqué.
Art. 17. L'avancement au grade de colonel, soit par ancienneté, soit bar le choix du roi, sera, pendant la paix, sur toute l'arme ; à la guerre, le tour d'ancienneté sera sur le régiment.
Art. 18. Sur trois places de colonel vacantes dans une arme, deux seront données aux plus anciens lieutenants-colonels en activité de l'arme, et la troisième, par le choix du roi, à un lieute-
nant-colonel en activité dans cette arme depuis deux ans au moins.
Nomination au grade de maréchal de camp.
Art. 19. On parviendra du grade de Colonel à celui de maréchal de camp, par ancienneté et par le choix du roi, ainsi qu'il va être expliqué.
Art. 20. Sur quatre places vacantes dans le nombre fixé des maréchaux de camp en activité, deux seront données aux plus anciens colonels en activité de l'arme ; et deux, au choix du roi, aux colonels en activité depuis deux ans au moins.
Art. 21. Si un colonel, que son tour d'ancienneté porterait au grade de maréchal de camp, préférait se retirer avec ce grade à y être en activité, il en aurait la liberté, et recevrait la retraite fixée pour les colonels, sans égard à son grade de maréchal de camp.
Art» 22. Le colonel qui préférerait se retirer avec le grade de maréchal de camp sans y être employé, ne pourrait néanmoins faire perdre le tour d'ancienneté à celui qui le suivrait, et qui, dans ce cas, serait nommé à la place vacante.
Nomination au grade de lieutenant général.
Art. 23. On parviendra du grade de maréchal de camp à celui de lieutenant général, par ancienneté et par le choix du roi, ainsi qu'il va être expliqué.
Art. 24. Sur quatre placés vacantes dans le nombre fixé des lieutenants généraux en activité, deux seront données aux plus anciens maréchaux de camp en activité ; et deux, au choix du roi, à des maréchaux de camp également en activité.
Art. 25. Si un maréchal de camp, que son tour d'ancienneté porterait au grade de lieutenant général, préférait se retirer avec ce grade à y être en activité, il en aurait la liberté, et recevrait la retraite fixée pour les maréchaux de camp, Bans égard cependant à son grade de lieutenant général.
Art. 26. Le maréchal de camp qui préférerait se retirer avec le grade de lieutenant général, sans y être employé, ne pourrait néanmoins faire perdre le tour d'ancienneté à celui qui le suivrait, et qui, dans ce cas, serait nommé à la place vacante.
Art. 27. Le grade de maréchal de France sera conféré par le choix du roi.
du remplacement des officiers reformes par la nouvelle organisation.
TITRE PREMIER.
Les officiers réformés par la nouvelle organisation seront remplacés suivant les règles établies ci-après :
Sous-lieut enan ts réformés.
Art. 1er. Les sous-lieutenants en activité, réformés par la
nouvelle organisation, seront remplacés dans leur régiment aux premières places vacantes de
leur grade, sans concurrence avec les
officiers de ce grade qui n'y auraient pas été employés en activité.
Porte-drapeaux, porte-étendards et porte-guidons réformés.
Art. 2. Les porte-drapeaux, porte-étendards et porte-guidons, réformés par la nouvelle organisation, seront remplacés dans le grade de soUs-lieutenant, parmi lesquels ils prendront rang de la date de leur brevet, ou lettre de porte-drapeaux, porte-étendards et porte-guidons, conformément à ce qui va être prescrit.
Rang dés poi'te-drajpeaux, etc., parmi les sous-lieutenants.
Art 3. Les porte-drapeaux, porte-étendards et porte-guidons, prendront rang parmi les sous-lieutenants, de la date de leur brevet ou lettre de porte-drapeaux, porte-étendards et porte-guidons; et d'après cette disposition, ils suivront leur avancement au grade de lieutenant ; il en sera de même des sous-lieutenants ci-devant dits de fortune.
Rang des porte-drapeaux, etc., parmi les lieutenants.
Art. 4. Les porte-drapeaux, porte-étendards, porte-guidons et sous-lieulenants, ci-devant dits de fortune, promus au grade de lieutenants, prendront rang parmi les lieutenants, suivant celui qu'ils devraient occuper s'il avaient été promus à ce grade à leur tour de sous-lieutenant; et d'après cette disposition, ils suivront leur avancement au grade de capitaine, dans lequel ils prendront rang de la date de leur brevet de ce grade.
Cadets gentilshommes et soiis-lieutertants de remplacement.
Art. 5. Les ci-devant cadets gentilshommes et les sous-lieutenants de remplacement seront remplacés dans leur arme, et sur toute l'arme, aux premières places vacantes de sous-lieutenants, sans nuire néanmoins au droit, accordé aux sous-officiers, d'obtenir une place sur quatre, immédiatement après le remplacement des sous-lieutenants en activité, réformés par la nouvelle organisation.
Art. 6. Les ci-devant cadets gentilshommes ayant eu le brevet d'officier comme sous-lieutenants de remplacement, et les sous-lieutenants de remplacement, prendront rang parmi les sous-lieutenants en rentrant en activité de la date de leur brevet de sous-lieutenant.
Lieutenants réformés et remis sous-lieutenants.
Art, 7. tes lieutenants en activité réformés ou remis en activité comme sous-lieutenants par la nouvelle organisation, seront remplacés aux premières places vacantes de leur grade dans le régiment, sans concurrence avec les officiers qui auraient droit, par leur ancienneté, à leur avancement dans ce grade, mais qui n'y auraient pas été employés en activité.
Capitaines réformés.
Art. 8. Les capitaines avant troupe dans les troupes à cheval, et les capitaines en second dans i'iùfahterle, réformés par la nouvelle organisation, Seront remplacés, par ancienneté, aux premières places vacantes de leur grade dans leur régiment.
Liéutendnts dtiëè bréuët dé capitaine.
Art* 9. Les lieutenants pourvus de la commission de capitaine ne pourront prétendre à être remplacés dans ce grade, que lorsque leur tour d'ancienneté dans le grade où ils sont les y portera.
Ces officiers néanmoins prendront rang dans la colonne des capitaines de leur arme, de la date de leur commission dans ce grade, pour' concourir à leur avancement par ancienneté aux emplois supérieurs, sans pouvoir cependant reprendre rang, pour le commahdement dans les régiments, sur les officiers du même grade qui y auraient été en activité avant eux, et parvenir aux emplois supérieurs avant d'avoir été en activité pendant deux ans comme capitaines.
Majors réformés.
Art. 10. Le grade de maior étant supprimé dans la nouvelle organisation, les majors prendront le grade de lieutenant-colonel.
Ne pourront cependant les majors titulaires et ceux par brevets, prendre rang qu'après les lieu-tenants-colonels titulaires pour le commandement dans les régiments; mais ils prendront leur rang d'ancienneté dahs la colonne des lieutenants-co-loilels, pour l'avancement âiix places de colonel, -en comptant detix années de major pour une de lieutenant-colohel.
Capitaines et lieutenants-colonels pourvus de grades supérieurs.
Art. 11 Les officiers en activité dans les grades de capitaine et de lieutenant-colonel, et pourvus d'un brevet de grade supérieur, ne pourront prétendre à y être remplacés, que lorsque leur tour. d'ancienneté dans le grade où ils sont en activité les y portera, ou que par le choix du roi.
Art. 12. Les officiers, pourvus de brevet du grade supérieur à celui dans lequel ils Sont en activité, prendront néanmoins ring dans là colonne des officiers de fce grade, pour leur avancement à un emploi supérieur de la date de leur brevet; mais ils ne pourront en être Susceptibles qu'après avoir été deux ans en activité dans le grade dont ils ont le brevet, et ne pourront prendre rang pour le commandement dans les régiments, sur les officiers du même grade qui y auraient été en activité avant eux.
Maréchaux de camp à remplacer.
Art. 13. Les maréchaux de camp qui ne seront pas compris dans le nombre de ceux conservés en activité, pourront y être remplacés par moitié dans le nombre réservé au choix d« roi par l'article 20 du titre II de l'avancement.
Lieutenants généraux à remplacer.
Art. 14. Les lieutenants généraux, qui ne seront pas compris dans le nombre de ceux conservés en activité, pourront y être remplacés par moitié dans le nombre réservé au choix du roi par l'article 24 du titre II de l'avancement.
Art. 15. Les officiers de tous les grades et de toutes les armes, actuellement en activité, réformés par la nouvelle organisation, conserveront, jusqu'à leur remplacement dans leur grade, la moitié des appointements dont ils jouissent en ce moment. Si la réforme porte sur des officiers parvenus par les grades de soldats et de sous-officiers, ils conserveront en entier, jusqu'à leur remplacement, ou leurs retraités, les appointements dont ils jouissent en ce moment.
TITRE II. -
du remplacement des officiers réformés ou a la suite.
Art. 1er. Les officiers réformés ou à la suite, ci-après
dénommés, auront seuls droit d'être remplacés, ainsi qu'il va être prescrit; mais il ne
pourront l'être qu'après que les officiers réformés par la nouvelle organisation seront
rentrés en activité.
Art. 2. Les officiers réformés ou à la suite, qui ont 35 ans de service; ceux qui, depuis plus de 10 ans, n'ont pas occupé d'emplois titulaires dans la ligne, à l'exception des capitaines de remplacement et de ceux dits de réforme dans les troupes à cheval (qui n'auraient pas néanmoins refusé d'être remplacés, ou quitté l'activité comme capitaine) n'auront pas droit au remplacement, et ils recevront des traitements de retraite proportionnés à leurs services, d'après ce qui a été fixé par le décret relatif aux retraites militaires.
Remplacement des colonels attachés.
Art. 3. Les colonels attachés seront remplacés aux premières places de colonels vacantes dans leur arme, concurremment avec les lieutenants-colonels en activité, de la manière suivante :
Sur neuf places vacantes, six seront données à l'ancienneté et trois au choix du roi.
Des six d'ancienneté, quatre seront données aux plus anciens lieutenants-colonels en activité, conformément à l'article 18 du titre II de l'avancement; les deux autres seront données aux plus anciens colonels attachés.
Sur les trois places qui seront au choix du roi, deux seront données à des lieutenants-colonels en activité, sans égard à leur ancienneté, pourvu qu'ils soient en activité depuis deux ans au moins dans ce grade; et la troisième, à un colonel attaché, sans égard à sou ancienneté dans ce grade.
Art. 4. Les officiers, avec le brevet de colonel, quiontsubidesréformesdans lesdifférents corps de la maison du roi et dans la gendarmerie, et qui, par les ordonnances de réforme de ces corps, ont été conservés à la suite de l'armée et avec droit à y être remplacés, prendront rang après les colonels attachés.
Du remplacement des majors en second.
Art. 5. Les majors en second, qui n'ont aucun autre brevet supérieur à ce grade, seront remplacés aux places de lieutenants-colonels de la manière suivante :
Sur neuf places vacantes, six seront données à l'ancienneté, et trois au choix du roi.
Des six d'ancienneté, quatre seront données aux plus anciens capitaines en activité, conformément à l'article 15 du titre II de l'avancement ; les deux autres seront données aux plus anciens majors en second.
Sur les trois places qui seront au choix du roi, deux seront donné es à des capitaines en activité, sans égard à l'ancienneté, pourvu qu'ils soient en activité depuis deux ans au moins dans ce grade, et la troisième à un major en second, sans égard à son ancienneté dans ce grade.
Art. 6. Les majors en second pourront en outre concourir, pour leur avancement, au grade de lieutenant-colonel, à leur tour d'ancienneté comme capitaines.
Majors en second avec le brevet de colonel.
Art. 7. Les majors en second, qui jouissent du brevet de colonel, prendront rang parmi les colonels attachés, de la date de leur brevet.
Majors en second avec le brevet de lieutenant-colonel.
Art. 8. Parmi les majors en second, ceux qui jouissent du brevet de lieutenant-colonel, seront les premiers à être remplacés dans ce grade, et ils ne pourront, sans y avoir été en activité, parvenir à celui de colonel.
Art. 9. Les officiers, avec le brevet de lieutenant-colonel, qui ont subi des réformes dans les corps de la maison du roi et dans la gendarmerie, et qui, par les ordonnances de réforme de ces corps, ont été conservés à la suite de l'armée et avec droit à y être remplacés, le seront les premiers dans les grades de lieutenant-colonel, concurremment avec les majors en second qui jouissent du même grade.
Art. 10. Les colonels des régiments de grenadiers royaux et des régiments provinciaux, susceptibles de remplacement, concourront, pour parvenir aux places de colonel, par moitié avec les colonels attachés dans le nombre de ces places réservé au choix du roi par l'article 18 du titre II de l'avancement ; et ceux de ces colonels qui auront été lieutenants-colonels titulaires, concourront en outre, pour rentrer en activité, comme colonels, quelle que soit leur ancienneté de service, avec les lieutenants-colonels titulaires en activité, les années de major leur comptant deux pour une.
Art. 11. Les lieutenants-colonels et majors des régiments de grenadiers royaux et des régiments provinciaux, et les commandants de bataillons, susceptibles de remplacement, concourront pour parvenir aux places de lieutenant-colonel, par moitié avecles majors en second, dans le nombre de ces places réservé au choix du roi par l'article 15 du titre II de l'avancement.
Art. 12. Les capitaines de remplacement dans l'infanterie n'étant point dans le cas de rentrer
en activité dans ce grade, par l'ordonnance de 1788, et ne pouvant conserver à l'avenir le droit qui leur était accordé par cette même ordonnance, d'arriver à d'autres emplois sans avoir été en activité dans celui de capitaine, pourront monter aux compagnies à leur tour de lieutenant, dans les régiments où ils ont eu ce grade, pourvu qu'ils n'aient pas perdu leur activité, comme" lieutenant, depuis plus de six ans.
Gonserveront-cependant ceux des capitaines de remplacement qui ne demanderont pas à être remplacés, ainsi que tous autres officiers qui ayant droit au remplacement ne voudront pas y prétendre, et qui auront au moins quinze ans de service, le droit à la croix de Saint-Louis qui leur était réservé par la susdite ordonnance.
Art. 13. Les capitaines surnuméraires dans les régiments étrangers suivront, pour leur remplacement en activité, comme capitaines et pour la croix de Saint-Louis et du mérite, ce qui est prescrit pour les capitaines de remplacement de l'infanterie.
Art. 14. Les capitaines de remplacement des troupes à cheval seront remplacés, sur toute l'arme, de la manière suivante :
Sur trois places vacantes dans un régiment, deux seront données aux plus anciens lieutenants du régiment, et la troisième au plus ancien ca* pitaine de remplacement de l'arme; ce dernier prenant rang parmi les capitaines 4u régiment, lors de son remplacement en activité, suivant ce qui est prescrit par l'article 9 du titre Ier du remplacement.
Art. 15. Les capitaines de remplacement pourront, en outre, concourir avec les lieutenants dans les régiments où il3 sont attachés, pour leur remplacement aux places de capitaines en activité qui y viendront à vaquer, à la date de leur brevet de lieutenants, dans quelque arme qu'ils aient eu ce grade.
Art. 16. Le remplacement des capitaines, dits de réforme, aura lieu suivant ce qui est prescrit pour les capitaines de remplacement ; mais il ne pourra s'effectuer que lorsque les capitaines de remplacement seront entrés en activité.
Art. 17. Les capitaines réformés par la nouvelle organisation, les capitaines de remplacement et les capitaines, dits de réforme, qui voudront renoncer à être remplacés en activité, la conserveront cependant pour obtenir la croix de Saint-Louis au terme fixé pour les officiers titulaires, et ils seront rembourses de leur finance sans perle du quart ; ceux de ces capitaines qui voudront profiter de cette disposition auront trois mois, à dater de la publication du présent décret, pour le faire connaître.
Art. 18. Les sous-lieutenants à la suite, qui voudront continuer leurs services, seront remplacés dans leur arme, lorsque les sous-lieutenants réformés par la nouvelle organisation, ceux de remplacement et les ci-devant cadets gentilshommes seront rentrés en activité, ne prenant cependant rang dans les régiments que de la date de leur remplacement; mais leur ancienneté de service antérieur comptant pour la croix de Saint-Louis.
Art. 19. Les officiers de différents grades, attachés aux bataillons de garnison, aux régiments de grenadiers royaux et aux régiments provinciaux, qui n'ont pas été rappelés dans les articles précédents, n'auront pas droit au remplacement; mais ceux de ces officiers qui jouissent de traitements, les conserveront : et ceux qui, n'en ayant pas, en seront jugés susceptibles pour leurs services passés, en recevront, conformément à ce
qui est prescrit par le décret relatif aux retraites militaires.
Art. 20. Les officiers réformés et à la suite, de tous les grades et de toutes les armes, dont le remplacement n'est pas prévu par les articles précédents, n'auront aucun droit à être employés de quelque manière que ce soit; conserveront cependant, ceux de ces officiers et les lieutenants des maréchaux de France qui ont 15 ans de service et moins de 10 ans d'inactivité, leur droit pour la croix de Saint-Louis.
Art. 21. En conséquence de ce qui est prescrit par les articles ci-dessus, il sera formé par arme deux listes, l'une comprenant tous les colonels, lieutenants-colonels et capitaines en activité, l'autre, tous les officiers de tous les grades qui conservent le droiUau remplacement. Il sera éga lement formé une liste de tous les officiers généraux en activité, et une de tous les officiers généraux conservant leur droit au remplacement. Ces listes seront rendues publiques par la voix de l'impression, renouvelées chaque année, et adressées à chaque régiment.
Art. 22. D'après les dispositions ci-dessus énoncées, et les règles qui viennent d'être établies pour l'avancement et le remplacement militaire, tout autre emploi que ceux portés sur les états de dépenses décrétés par l'Assemblée nationale, seront et demeureront supprimés. En conséquence, les charges de colonels généraux, de mestres de camp généraux, de commissaires généraux, et tous autres emplois subsistants en vertu desdites charges dans les différentes armes; celles de maréchaux généraux des logis, des camps et armées, et celles de lieutenants des maréchaux de France, sont et demeureront supprimées. Le sont pareillement les propriétés de régiments de toutes les armes, soit français, allemands, irlandais ou liégeois.
A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE DU
Motion de M. Rodât, député de Rodez, pour assurer la permanence du Corps législatif (1).
La permanence du Corps législatif renouvelé tous les deux ans est la base fondamentale sur laquelle repose tout l'édifice de la Constitution. Les amis de cette Constitution protectrice de la liberté doivent désirer qu'on prenne les mesures les plus efficaces pour mettre hors de toute atteinte ce droit précieux du peuple français, de n'obéir qu'à des lois qui soient l'ouvrage de ses représentants librement élus. On doit prévoir que les ennemis de la liberté, dont les intrigues ténébreuses assiègent sans cesse l'Assemblée nationale, dirigeront de même leurs coupables efforts contre les législatures qui doivent lui succéder : on tâchera de persuader au peuple qu'il est trahi par ceux en qui il a placé sa confiance; on lui rendra suspects ses plus zélés, ses plus intrépides défenseurs ; on parviendra, peut-être,
à le soulever contre eux ; et il s'y portera avec d'autant plus de fureur, qu'on aura su lui persuader qu'il Combat pour sa liberté. Ainsi, on le précipitera dans les horreurs de l'anarchie, pour le ramener promptement sous la verge du despotisme. Il importe d'ôter aux lâches partisans de la tyrannie, l'espoir criminel de la rétablir sur les débris de la Constitution. Justice, humanité, sont pour eux des mots "vides de sens î ce n'est que lorsqu'ils seront bien convaincus de l'inutilité de leurs trames odieuses, qu'on peut espérer de les voir cesser. Il importe surtout que le pouvoir exécutif, que ce pouvoir redoutable qui commande la force publique, ne puisse jamais exister hors de la Constitution, et qu'il trouve sa, propre ruine dans la dissolution de l'Assemblée des représentants de la nation. Il importe encore essentiellement que la dissolution de l'Assemblée nationale, qui opérerait probablement celle de l'Etat, n'entraîne pas du moins sa subversion totale : pour remplir ces objets, il me paraît que ce qui se présente de mieux à faire, est de décréter comme principes constitutionnels :
1° Que s'il arrivait que l'Assemblée des représentants de la nation fût forcée de se séparer, ou qu'il !fût mis obstacle à la réunion de ses membres dans les circonstances et aux époques marquées par la Constitution, les administrations de département Seraient tenues de se rassembler suivie-champ pour aviser à ce que les circonstances exigeraient, et leurs délibérations auraient force de loi pour tous les habitants de leur territoire ;
2° Ï1 en serait de même si une législature tentait de se perpétuer au delà du terme prescrit par la Constitution ;
3° .Que les administrations prieraient le roi de convoquer incessamment le Corps législatif dans une ville distante au moins de trente lieues de celle où se serait opérée sa dissolution, et celle-ci ne pourrait jamais plus être le siège ae l'Assemblée des représentants de la nation ;
4° Que les administrations seraient tenues de veiller à ce que l'impôt continuât d'être exactement perçu, mais elles en feraient verser le montant dans Les caisses du département, il y serait retenu jusqu*au rassemblement de la législature ;
5. Que tous les soldats et officiers composant l'armée se retireraient, sous peine d'être déclarés traîtres à la patrie, dans leurs départements respectifs, pour y servir aous les ordres de l'administration qui leur ferait payer les mêmes appointements dont ils jouissaient ci-devant ;
6* Que dans le cas où des ennemis, soit du dehors, soit de l'intérieur, agiraient hostilement contre un ou plusieurs départements, chacun des autres serait dans l'obligation d'envoyer à leur secours un corps de troupe qui devrait être au moins de quatre mille hommes.
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du 18 septembre au soir.
, secrétairer lit le procès-verbal de la séance d'hier.
Ces procès-yerbaux sont adoptés.
{de Coulantes), au nom du comité des rapports, rend compte des divers foits relatifs à l'inculpation qui a été formulée contre la municipalité de Bar-le-Duc, dans la séance du 29 août dernier, d'après une lettre des fermiers généraux des messageries. H propose un projet de décret qui est adopté en ces termes :
« L'Assemblée nationale, après avoir ouï te rapport fait au nom de son comité des rapports, déclare que la municipalité de Bar-le-Duc est parfaitement justifiée de l'inculpation qui lui avait été faite à la séance du 29 août dernier, d'après une lettre des fermiers généraux des message* ries, sur la simple délation d'un de leurs conducteurs. »
, députés des possessions françaises dans les Indes orientales, dont les pouvoirs ont été vérifiés et trouvés en règle, dans la séance précédente, prêtent le serment décrété et sont admis à siéger.
, rapporteur du comité féodal, propose un article additionnel et un préambule aux décrets des 17 et 19 septembre sur les droits féodaux.
Le préambule et l'article additionnel sont décrétés en ces termes :
« L'Assemblée nationale, voulant faire cesser plusieurs difficultés qui se sont éievées sur l'interprétation et l'exécution de l'article 4 de ses décrets des 4, 6, 7, 8 et 11 août 1789, des articles 1 et 13 du titre premier, 23, 30 et 31 du titre second de son décret du 15 mars dernier, ensemble de l'article 2 de celui du 3 mai suivant, décrète ce qui suit :
Article additionnel pour être placé après l'arti-cle9.
« H n'est porté, par l'article précédent, aucune atteinte aux arrêts du conseil qui n'ont fait qu'homologuer des cantonnements faits ou consentis dans les formes légales par les parties intéressées. »
, député du département des Bouches du-Rhône, expose que, d'après le prooès-verbal dressé par l'officier général ctoargê d'examiner les comptes du régiment de Lyonnais, en garnison à Aix, ces comptes avaient été trouvés parfaitement en règle, et que les soldats avaient déclaré c'avoir aucune espèce de plainte à porter contre leurs officiers *, il ajouteqoe, depuis quatre ans que le régiment de Lyonnais est eo garnison à Aix, ils'est toujours parfaitement bien conduit ; que jamais la moindre discussion n'a eu lieu entre les officiers et soldats et Les citoyens ; qu'il a montré le plus grand zèle pour 1e maintien de la Constitution et de la discipline militaire, et que particulièrement M. de Fesensac, colonel, a contribué, par un séjour assidu de 18 mois, à la discipline du régiment. Il demande que le président soit chargé d'écrire au régimentde Lyonnais pour lui témoigner la satisfaction de l'Assemblée.
, député du même département, appuie cette proposition qui est adoptée à l'unanimité.
, député du département de la Vienne, demande et obtient un congé de six semaines.
présente une adresse de M. Ruel qui, par un procédé nouveau, a extrait 75 livres de caiMre de la matière des cloches, tandis qu'on n'avait pu en extraire que 45 0/0 jusqu'à présent.
Un membre demande que le comité féodal présente incessamment un projet de loi pour la subsistance des enfants illégitimes ; les ci-devant seigneurs féodaux qui étaient chargés de rentre-tien de ces malheureux, n'entendent plus en faire ïa dépense.
Un autre membre observe que cette partie de la dépense de l'administration publique n'est point dut ressort du comité féodal, et la motion est renvoyée au comité de mendicité.
, rapporteur du comité des finances, présente»deux projets de décrets, qui sont adoptés sans discussion en ces termes :
PREMIER DÉCRET.
« L'Assemblée nationale, sur le rapport de son comité des finances de l'adresse faite aux officiers municipaux deGompiègne, par le comité de ment-dicité de ladite ville ; de la délibération prise en conseil général le 6 septembre ; de l'avis donné par le district et département, avec approbation, les 12 et 16 septembre, autorise les officiers municipaux de ladite ville à faire un emprunt de 12,000 livres pour l'établissement d'un atelier de charité en filatures de toute espèce, sous la direction du comité de mendicité, et la surveillance tant des officiers municipaux, que du corps administratif, à charge de rembourser ledit emprunt en dix ans, tant en principal qu'intérêts, soit sur les revenus patrimoniaux de la ville, soit, à ce défaut, par la voie d'imposition, suivant le mode qui sera prescrit par le district et département. »
deuxieme decret.
L'Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait par son comité des finances de la délibération du 30 mai, prise en conseil général de la ville de Chauny, à l'effet d'être autorisée à un emprunt de 10,000 livres; de l'ordonnance préparatoire du district, du 6 août ; de son avis définitif et motivé (Su 24 dudit mois, à l'effet d'autoriser un emprunt de 8,000 livres ; die celui du département, en date du 3 septembre, autorise tes officiers municipaux de la ville de Ghauny à faire un emprunt de 8,000 livres aux intérêts ordinaires, pour ladite somme être employée au payement des ouvriers les plus nécessiteux, sans qu il en puisse être distrait aucune partie à d'autres usages, à charge, par lesdits officiers municipaux, de rembourser ladite somme sur le prix à provenir du remboursement de la finance de leurs offices municipaux, s'il est fait dans les trois années prochaines, et, à ce défout, par la
voie d'imposition, suivant le mode qui sera fixé par les district et département. »
, an nom du comité des finances^ fait un rapport ) sur ia, qfuesiion. de' qavoirti^lii nation doit ; remplir les engagements*. prit par le roi pour acquitter les s dettes de M. le comte à'Ax*-tois {i).
Messieurs, si la question est bien présentée,, elle se trouve résolue; aussi le comité des li lances n'a-tril poiQt hésité d'adopter l'affirmative de cette opinion^ 11 s'agit d'en démontrer la* justice*;
Les peuples dont les droits sont reconnus inaliénables et imprescriptibles peuvent etuoottk mettre L'exercice avec plus ou moins d'étendre. Nous: ne parlerons, ici que de l'autori té et des pouvoirs confiés à 11'aociennei administration. :
Le pouvoir des administrateurs est .nécessaire* ment fixé .et déterminé par des mandats exprès ou tacites ; l'un et l'autre ont la même force.et produir seft lés,mêmes éïfyfcs;l%plus grand développement deviendrait ici superflu. Quand on a adopté le principe, on est forcé,d'admettre la conséqu^nce; Ce que l'on: a approuvé, ce que; l'on a autorisé dans un temps* ne peut plus et ne doit plus être désavoué par lp suite» lime reste alors; cp'à; s'imputer ou une trop longue patience, ou un défaut de surveillance.
i La Inalion' n'a point;hésité de mettre sous sa sauvegarde tous les créanciers de l'Etat. Quels sont donc ces créanciers Ce sont sans doute eeux dont les titreSi ohfc été1 sbuscrits, avoués et reconnus par desadministrateurs approuvés ; tel sont,; comme on le verra,, ceux du sieur Chatau-dray.
-11 répète un million seiae cent mille livrés classées dans les dépendes de 1790* payées d'après le bon'du roi, et sur la, fol de l'engagement le plus formel et le plus exprès,
D'àipièsu les 'principes posés, il importe peu qu'une dette n'ait pas été originairement celle de l'Etat : il suffit que la nation en ait fait la sienne, propre, pour être forcée à remplir des engagements contractés par se3 préposés on par ses représentants,
Il convient d'abord de vérifier, dans le point de fait, quelles sont les dattes de M. le comte d'Arv tois, que le roi (par bette bonté qui lui est si naturelle), s'est engagé de faire acquitter, et comment cet engagement a été contracté.
Déjà le roi avait fait payer plusieurs sommes pour le comte d'Artois son frère, ce qui ne suffisait pas, à beaucoup près, pour mettre ce prince à l'abri des poursuites de ses créanciers. Il se trouvait réduit à la dure et triste nécessité de manquer à ses promesses, de ruiner des familles sans nombre, s'il ne parvenait à fléchir la bonté du roi. Il n'hésita pas à prendre ce dernier parti ; il fut secondé avec zèle par M. de Galonné, pour lors ministre des finances.
Le 28 décembre 1783 on exposa au rod qus les dettes du comte d'Artois étaient réduites à cette époque : !• à 14,600,000 livres d'exigibles; 2? à 74,640 livres d'intérêts de rentes constituées ; 3° à 908,700 livres de rentes viagères.
On n'oublia rien pour déterminer Sa Majesté à se charger de ces différentes dettes; ou
attacha la tranquillité du prince et l'honneur des lis an succès de cette demande; on fit
valoir l'intérêt des créanciers, les dispositions où était le déhi-
Quoique ee bon soit imprimé en entier dans l'écrit si connu, intitulé : Livr-e rouge, nous ne croyons pas pouvoir nous dispenser,d'Uiie seconde impression, afin de mettre le lecteur à portée;de vérifier sans peine la nature et la forme de Rengagement.
Des propositions approuvées, il résultait que sur les 14,600,000 livres de dettes exigibles, on fournirait pour l'année suivante 1784, une somme de quatre millions, dont' un servirait au payement des rentes viagères et constituées, et les trois autres seraient en déduction du capital, ce qui le réduirait à 11,600,000 livres payables en sept années (1), à raison d'un million six cent mille livres par an, sauMë dernier terme de 1791, qui est de deux millions. •
Les cinq premiers; termesi sont acquittés i il ne reste que ceux de 1790 et 1791. Le sieur Ghalan-dray, qui a faiit ce service, qui a fourni les fonds pour ces acquittements, répète les 1,600,000 livres qui lui sont dues pour 1790.
Il résulte encore de ces propositions approuvées, et nous ne dévons pas lé dissimuler, que l'Etat paye chaque année, pour le comte; d'Artois, 74,640 livres d'intérêts de rentes perpétuelles, et 908,700 livres de rentes viagères, ce qui fait un million, à seize mille soixante-dix livres près : cette observation est essentielle pour l'intelligence des comptes où ces intérêts ont été portés à un million, comme on va le voir.
D'après cet arrangement souscrit et confirmé par l'exécution, tous ceux qui ont écrit n'ont pas hésité de regarder ces dettes comme étant vraiment celles de la nation : elles l'étaient en effet, puisque le roi en avait fait les siennes propres.
1° Les premiers payements ont été faits et exécutés par différents ministres : ils reconnaissaient donc la validité de l'engagement;
2° Il est rappelé dans lés états fournis aux notables en 1787, et ils ne l'ont point improuvé ;
3° M. l'archevêque de Sens, dans le compte de 1788, en fait mention en ces termes, page 131 : Rentes perpétuelles et viagères dues par le comte d'Artois, dont le roi s'est chargé, ci l,000,000.1ivres.
C'est là une approbation formelle.
4° Dans le compte général de M. Necker, en date du 1er mai
1789, page 50, on lit ce qui suit : « Portion de rentes constituées par Son Altesse « Royale,
et dont ie roi s'est chargé par décision c du mois de décembre 1783.
» Et plus bas, dans une note :
« Nota. Ces rentes s'élèvent à près de 1,300,000 li-« vres, dont l'amortissement au profit
du roi ne « partira que de l'époque où leur total sera au-« dessous d'un million. » Il y a
lieu de conjecturer que les rentes viagères
Le comité des finances, ayant approuvé ce rapport, avait donc déjà préjugé la légitimité de la dette.
5° Dans l'aperçu des dépenses des huit derniers mois de 1790, fourni par le premier ministre, il s'en explique ainsi :
« Avant-dernier payement sur le secours ci-« devant accordé pour les dettes de Monseigneur « le comte d'Artois, et pour lequel il y a eu des « engagements pris par des particuliers, ci, .... « 1,600,000 livres. »
Le sieur Chalandray est précisément un des particuliers qui, à l'aide de beaucoup d'autres, avait pris des engagements, et la manière dont ils ont été contractés rend encore, à son égard, l'obligation plus stricte et plus rigoureuse. Tour en donner une juste idée, il faut dire ce qu'étaient en général les faiseurs de service, et celui qui a été fait en particulier par le sieur Ghalandray et associés.
Les besoins de l'Etat faisaient tirer par anticipation des valeurs sur les revenus de l'année suivante. Faire un service n'était, à parler exactement, que s'obliger à fournir en comptant le montant des valeurs ou des mandats dont les échéances étaient plus ou moins rapprochées ; cette avance exigeait un salaire : il fallait donc escompter, et cet escompte se payait en général sur le pied de 5 0/0 par an, et de 1 0/0 de commission.
Mais l'on doit dire aussi que les faiseurs de service ne manquaient jamais, pour obtenir des augmentations ou des conditions plus favorables, de faire valoir la difficulté de se procurer des deniers, l'obligation de conserver oisives de grosses sommes pour faire les payements à temps, la perte nécessaire pour les négociations, les droits a payer aux agents de change, quelquefois aussi l'éioignemenl des lieux où les payements doivent être faits ; et par là ils trouvaient presque toujours le moyen de se faire accorder au delà de 6 0/0.
Lorsque les sommes à fournir étaient considérables, les faiseurs de service avaient des associés et des personnes qui leur confiaient leur fortune, dans l'espoir de participer aux bénéfices du traité. Telle est la position du sieur Ghalandray ; ceux qui croiraient n'évincer qu'un seul créancier en envelopperaient vingt et trente autres dans sa ruine.
Le service entrepris par le sieur Chalandray, sur la confiance du Bon du roi pour le trésor de M. le comte d'Artois, était absolument calquée sur ceux qui se faisaient au Trésor royal ; il avait été expressément convenu que toutes les valeurs qui lui seraient fournies seraient, à leur échéance, réunies ou acquittées comptant au Trésor royal ; mais lorsqu'il recevait ces valeurs, il devait incontinent en remettre le montant au trésor du prince, et en reprendre d'autres dans la proportion des payements dont il se chargeait : c'est par suite de ce renouvellement successif, que les valeurs qui restent actuellement entre ses mains ne portent pas la date de l'origine de son service.
D'après ces notions, l'on doit voir, par le Bon du roi, que c'est vraiment Sa Majesté qui prend à sa charge les dettes énoncées du comte d'Artois ; aussi le ministre s'expliqUe-t-il ainsi :
M. le comte d'Artois demande que Votre Majesté
veuille bien lui faire payer le montant de telles et telles dettes... ; il parait indispensable d'accorder les secours demandés... En même temps le ministre se montre empressé à prendre des précautions pour que le service du Trésor royal ne soit point troublé par des demandes imprévues... Il lui paraît convenable, pour soulager d'autant plus les finances de Sa Majes té, de ne payer ces 11,600,000 livres qu'en sept ans; que les effets sur le Trésor royal, payables auxdites échéances, soient remis pour chaque année à l'administration de M. le comte d'Artois au mois d'octobre, qui précédera chacune desdites années.
Cette dernière condition détermina les faiseurs de service à prendre leurs précautions; le roi s'était à la vérité engagé à faire remettre des effets payables au Trésor royal, mais la remise devait en être faite à l'administration de M. le comte d'Artois : par là ils avaient lieu de craindre de n'être pas aussi assurés de leur recouvrement, que s'ils étaient nantis eux-mêmes de ces effets. C'est dans cette vue qu'ils se firent donner un Bon de M. le comte d'Artois, sous la date du 14 mars 1784, portant délégation en leur faveur desdits effets (1). Le créancier qui n'agit que d'après de telles précautions, et sur la foi de l'ordre du roi, pourrait-il donc être trompé?
Le sieur Chalandray est encore muni de trois lettres de M. Gojard, pour lors premier commis des finances, qui viennent à l'appui de ses prétentions.
La première porte une décision du ministre, pour que les valeurs du service fait pour M. le comte d'Artois fussent payées comptant au Trésor royal.
La seconde annonce les ordres donnés au caissier du Trésor royal, en exécution de la décision précédente.
Par la troisième, en confirmant les arrangements pris, on promet au sieur Chalandray qu'il n'éprouvera plus de difficultés, et que l'on réparera l'oubli que l'on avait fait d'en prévenir M. dé Laborde, pour lors garde du Trésor royal (on peut voir ces trois lettres sous les numéros 3,4 et 5).
Comment pourrait-on donc mettre sérieusement en question, si l'on remplira des engagements de cette nature, surtout dans les circonstances actuelles ? On va Voir que ces circonstances rendent de çlus en plus nécessaire ce qui déjà est reconnu juste.
En effet, l'Assemblée nationale, constamment pénétrée des sentiments d'amour et de respect pour un roi qu'elle révère, n'oubliera jamais que c'est sur ses instances qu'il s'est déterminé à fixer sa liste civile; qu'il ne l'a fait qu'en présupposant que tous les engagements antérieurement souscrits de sa part seraient exécutés. C'est dans cette persuasion que Sa Majesté, par sa lettre du 9 juin, dit : « Qu'elle croit que les vingt-cinq « millions lui suffiront, mais en observant qu'il « lui serait impossible d'acquitter sur un fonds « annuel, limité, la dette arriérée de sa maison, « dont VAssemblée a connaissance; pourquoi elle « désire que la nation comprenne cet objet dans « ses plans généraux de liquidation. »
Le roi n'a pas rappelé les engagements dont il s'agit ici, parce qu'ils étaient connus de
l'Assemblée par, tous les comptes qui lui avaient été présentés, tandis que là dette arriérée
de sa maison ne l'était point, parce qu'ils étaient présumés adoptés, parce qu'il était
tacitement entendu que
Sji la nation refusait aujourd'hui de remplir ces mêmes engagements, il faudrait que le roi prît sur sa liste civile, non seulement les 1,600,000 livres payables en 1790, et les deux millions de 1791, mais encore le payement annuel des 850,000 livres de rentes viagères jusqu'à leur extinction : ne craignons point de le dire, on ne croit pas que cela soit jamais entré dans le vœu et dans 1 intention de l'Assemblée.
Une autre circonstance, non moins grave, non moins déterminante, est le retrait qui a été fait des apanages; la nation, en usant de ses droits, voudra sans doute faire jouir librement nos princes de ce qui leur a été accordé en remplacement.
Nous laisserons de côté nombre de moyens secondaires, que la commission établie pour l'administration des finances de M. le comte d'Artois a fait valoir dans une lettre écrite au roi sur l'obiet en question, qui a été imprimée et rendue publique.
Nous passerons également sous silence une foule d'objections, pour ne répondre qu'à une seule.
On ne manquera pas de dire, que même dans l'ancien régime, une créance ne pouvait être classée dans la dette publique, et approuvée par la chambre des comptes, qu'après avoir été dûment enregistrée.
Rien n'est plus vrai, en thèse générale, et dans les choses soumises aux règles ordinaires; mais pour être de bonne foi, on doit convenir que les Bons du roi étaient acquittés de préférence au Trésor public, et se trouvaient dispensés, par l'usage, de ces formalités : or l'usage fait loi, surtout quand il est consacré par les siècles, par le silence, et par l'approbation tacite de ceux qui avaient intérêt à le modifier ou à l'intervertir.
Ainsi le roi a donc pu donner le Bon dont il s'agit; les circonstances sollicitaient sa bonté, aujourd'hui la justice la plus rigoureuse,-les convenances, notre amour, notre respect jiour lé plus révéré des rois nécessitent notre adhésion.
De l'exposé des faits, des titres et des moyens, on doit conclure que la demande du sieur Chalandray est juste; que ce n'est plus ici la créance de M. le comte d'Artois, mais celle de l'Etat; que le.cbef, le représentant de la nation t en a fait la sienne propre; que c est sur la foi d'un titre avoué, d'un titre légitime, que les particuliers ont fait ce service; que cet engagement a été confirmé par son exécution, par les notables convoqués, par tous les ministres qui ont succédé à M. de Calonne, et par l'Assemblée elle-même; que la nation ne pourrait désavouer ces dettes sans trahir ses principes, sans manquer à ses propres engagements; et pour tout dire enfin, là justice nous fait une loi impérieuse de ce que nos seuls sentiments pour le meilleur des rois nous auraient inspiré; et à .tout rompre, il vaudrait mieux mettre nos princes dans le cas d'être ingrats envers nous, que de cesser d'être généreux envers eux.
Le comité des finances, déterminé par tous cea motifs et par tous ces moyens réunis, a proposé le décret suivant :
« L'Assemblée nationnale, ouï le rapport de son comité des finances, décrète: que les 1,600,000 livres qui forment l'avant-dernier payement de l'entière liquidation des dettes exigibles, dont le roi a bien voulu se charger à l'acquit de M. le comte
d'Artois, et qui sont portés dans l'aperçu des dépenses des huit derniers mois de l'année présente 1790, seront payées au sieur Chalandray et associés, aux époques qui ont été fixées pour le remboursement.
N° I.
Copie de la décision du roi, du 28 décembre 1783, powr le payement de& dettes de M. le comte d'Artois.
J'ai l'honneur de mettre sou s les yeux de Votre Majesté deux mémoires qui lui ont été présentés par M. le comte d'Artois », le premier, pour demander un secours de quatre millions dans le courant de l'année 1784; et le second, pour obtenir que Voire Majesté veuille 'bien statuer définitivement sur la libération totale de ses dettes.
Suivant les états successivement remis à Votre Majesté par M. le comte d'Artois, ses dettes se divisent en deux classes : 1° les dettes exigibles, et 2° les rentes viagères et constituées.
La masse totale de la première classe, c'est-à-dire des dettes exigibles, y compris 4,400,000 livres d'anticipations, montait originairement à la somme de....» .18,500,000 liv.
Votre Majesté a bien voulu faire payer à M. le comte d'Artois,
En 1781.... 1,500,000 1.
En 1782.».. 4,000,000 Et en 1783.... 2,000,000
Total..... 7,500,000 1.
Sur cette somme il y a eu deux millions employés au payement des rentes viagères, et constituées en 17Î82 et Î783 : ci, à déduire............ 2,000,000 .
Reste...,.». 5,500,000 1.
Qui ont éteint pareille somme de dettes exigibles, dont 1,«00,000 liv. d'anticipations, ci,.....................$,500,000 liv.
Reste à payer en dettes exigibles, y compris le restant des anticipations de deux millions. 13,000,000 fiv.
La seconde classe des dettes consiste dans 908,700 livres de rentes viagères; et de plus, en 74,640 livres de rentes au principal de 1,600,000 livres, remboursables par tiers en 1789, 1790 et 1791................. ! ,600,000
Tôt al général des dettes échues et rentes remboursables qui restent à payer au moment actuel, non compris les rentes viagères. 14,600,000 lïv.
M. le comte d'Artois demande que Votre Majesté veuille bien ordonner que ces 14,600,060 livres qu'il restera devoir au 31 décembre 1283, tant eu capitaux exigibles, qu'en anticipations et rentes remboursables, lui soient payés dans les termes
les moins éloignés que l'ordre des finances de Votre Majesté pourra le permettre; et il représente que si ces termes étaient portés au delà de cinq ans, il en résulterait des poursuites contre lui de la part de ses créanciers, d'autant plus justes que .ces mêmes sommes leur sont dues depuis six ans, et que son administration n'a pu obtenir qu'avec peine de nouveaux délais.
M. fe comte d Artois demande aussi que Votre Majesté veuille bien lui faire payer le montant de ses rentes viagères, payables moitié en janvier et février de chaque année, et l'autre moitié ea juillet et août, suivant le détail au vrai qui sera fourni jusqu'à leur extinction par son trésorier, et visé par le surintendant de ses finances.
M. le comte d'Artois sollicite également des bontés et de la justice de Votre Majesté la rentrée dans les adjudications des bois de Champagne, dont la propriété lui appartient, et dont il n'avait consenti de remettre la jouissance entre les mains de Votre Majesté, que comme un garant de la résolution qu'il avait annoncée, de ne point abuser de ses bontés.
Enfin, M. le comte d'Artois représente que ce qu'il demande aujourd'hui, n'est que l'exécution de la promesse que Votre Majesté a bien voulu lui faire, non seulement de faire payer ses dettes, mais de le mettre à portée de n'en plus contracter à l'avenir : il ajoute que depuis deux ans ses recettes et dépenses sont balancées, de manière qu'il n'a besoin d'aucune augmentation annuelle pour sa maison ; que son seul objet est la libération tde ses jdettes ; que toutes les sommes qui lui oit été accordées n'ont servi qu'à en diminuer la masse, ainsi qu'il en a justifié àVo* ire Majesté par les états qu'il lui a présentés à la tin de chaque année, et qu'il demande à prouver également à Votre Majesté, par les états annuels ^u'il lui remettra, que les nouveaux secours qu'il sollicite no seront employés qu'à la libération successive et totale de ses dettes,.en même temps que Votre Majesté aura la certitude que depuis le mois de septembre 1781, il n'en aura point contracté de nouvelles.
Sur quoi le contrôleur général a l'honneur «l'observer à Votre Majesté qu'il est à désirer qu'elle veuille bien prononcer sur les deux mémoires de M. le comte d'Artois, par une seule et et même décision. En effet, s'il importe à la tranquillité de ce prince de pouvoir prendre, avec ses créanciers, des arrangements qui assurent leur payement, il n'est pas moins essentiel, pour l'ordre que Votre Majesté a intérêt de maintenir dans ses finances, que toutes les administrations particulières, qui correspondent à son trésor royal, soient tellement dirigées, qu'elles ne puissent en troubler le service par des demandes imprévues»
En réunissant dans un même résultat tous les objets de demandes de M. le comte d'Artois, il s'agit, pour mettre ce prince à l'abri des poursuites de ses créanciers, de pourvoir au payement de 14,600,000 livres de dettes exigibles et remboursables à différentes époques, et au payement de 74,640 livres de rentes constituées, et de 908,700 livres de rentes viagères.
1° Il ise parait indispensable d'accorder à M. le comte d'Artois Un secours de 4 millions pour le service de l'année 1874: un million serv vira au payement des rentes viagères et constituées; et les trois autres millions, dont un pour satisfaire aux condamnations prononcées au Parle ment, et les deux autres pour éteindre les anticipations, réduiront les 14,600,000 livres dedet-
tes exigibles et de rentes remboursables à 11,600,000 livres.
Je crois devoir observer à Votre Majesté, à l'égard de ces quatre millions, que les deux millions destinés à éteindre les anticipations ne sont plus à fournir, parce que, dans le fait, le Trésor royal a retiré pour pareille somme d'assignations de l'administration de M. le comte d'Artois, au moyen de quoi il n'y aura à donner que les deux autres millions pour les rentes viagères et les condamnations au parlement, lesquels encore ne seront payables que de mois en mois jusqu'à la fin de l'année prochaine; de manière que le service du Trésor royal n'en souffrira pas.
2° Au lieu de diviser en cinq années ultérieures, comme le demande M. le comte d'Artois, le payement des 11,600,000 livres restant, dont dix des dettes échues, et 1,600,000 livres de principal de rente, remboursable par tiers en 1789, 1790 et 1791, il me paraîtrait convenable, pour soulager d'autant plus les finances de Votre Majesté, de ne payer ces 11,600,000 livres qu'en sept années,
Chacune de ces sommes payable en espèees dans les mois de mars, avril, juin, septembre, octobre, novembre et décembre, à raison d'un huitième, c'est-à-dire à rai-sonde 200,000 livres par chacun desdits huit mois pour les six premières années; et de 250,000 livres pour la dernière ; et les effets sur le Trésor royal, payables auxdites échéances, seront remis pour chaque année à l'administration de M. le comte d'Artois, au mois d'octobre qui précédera chacune desdites années.
Savoir :
En 1785 1,600,000 liv.'
1786 1,600,000
1787 1,600,000
1788 1,600,000
1789 1,600,000
1790 1,600,000
1791 2,000,000
11,600,000 liv.
3° 11 parait également nécessaire de pourvoir au payement des rentes viagères et constituées, qui font partie de l'état des dettes, fourni par M. le comte d'Artois.Le payement pourra en être fait à l'administration de ce prince à chaque semestre, dans les mois de janvier, février, juillet et août de chaque année, suivant l'état détaillé qui en sera remis au Trésor royal, pour l'année 1785, et suivant l'état des extinctions, ou un certificat négatif à chaque semestre des années ultérieures, jusqu'à l'extinction totale de ces rentes.
4° Enfin, le même sentiment qui engage Votre Majesté à venir au secours de M. le comte d'Artois, paraît devoir la porter à ne point insister sur la cession des bois de Champagne, dont la propriété est le seul patrimoine que ce prince puisse laisser à ses enfants; et lorsque Votre Majesté s'est déterminée à faire des acquisitions au profit de Monsieur, il est naturel de croire qu'elle ne voudra pas priver M. le comte d'Artois de celles qui lui sont utiles : en conséquence, il sera donné ordre à l'administration des domaines et bois pour qu'elle laisse jouir ce prince des deux dernières adjudications et des suivantes.
Votre Majesté aperçoit que, par cet arrangement, la libération totale ae M. le comte d'Artois se trouve divisée en deux parties, dont l'une, qui est celle des dettes exigibles, montant à 14,600,000 livres, ne sera acquittée qu'en huit années; et l'autre, consistant en rentes viagères, s'éteindra successivement en vingt^cinq ou trente ans, suivant Je cours ordinaire des probabilités; en sorte qu'on peut dire avec vérité que l'acquittement total ne s'effecîuera que dans l'espace de
trente années; ce qui me parait conforme au désir de Votre Majesté. Elle voit aussi que les huit années qui termineront ta libération absolue de M. le comte d'Artois seront infiniment moins fortes que celles qui précèdent; et qu'au moyen de l'attention de diviser le secours de chaque années en douze payements, dont les plus considérables n'excéderont pas 250,000 livres par mois, cet arrangement sera moins onéreux au Trésar royal,
Si Votre Majesté approuve ces dispositions ainsi qu'elle m'a déjà fait l'honneur de me le dire, je la supplie de les revêtir de son approbation, ainsi que les conditions qu'elle m'a chargé d'y ajouter; savoir :
1° Que le secret sera gardé sur le détail du présent arrangement;
2° Que pour s'assurer que les finances de M. le comte d'Artois ne retomberont pliis dans le même dérangement, et ne pourront plus en aucun cas devenir à charge au Trésor royal, ce prince s'occupera des moyens de prévenir tout excédent de dépense, et même de préparer des ressources pour l'avenir, par la plus grande attention à diminuer les dépenses des différents départements de sa maison, et notamment de l'écurie, qui doit être réduite à son état originaire;
3° Qu'au même effet M. le comte d'Artois continuera de remettre, chaque année, à Votre Majesté un état de ses recettes et dépenses ;
4° Que M. le comte d'Artois ne pourra faire aucune acquisition de terres, sans le consentement de Votre Majesté.
Au bas est écrit de la main du roi :
Approuvé les présentes propositions.
Et au-dessous : pour ampliation,
Signé : DE GALONNE-
N° II.
Copie du bon de M. le comte d'Artois, du
Monseigneur m'avait fait l'honneur de me prévenir, qu'en conséquence des arrangements qui le roi avait bien voulu prendre pour sa libération, le ministre des finances avait autorisé MM. de Montchevrel et de Chalandray, receveurs généraux des finances, à se charger d'une partie du service du trésor de Monseigneur, jusqu'à ce qu'ils pussent être remboursés sur les sommes annuelles que le roi a eu la bonté d'accorder à Monseigneur jusqu'en 1791.
Monseigneur connaît l'honnêteté et le zèle de M. de Montchevrel, qui a l'honneur de lui être attaché. M. de Chalandray jouit également de la réputation la mieux méritée. Ils doivent commencer le service du trésor de Monseigneur, le mois prochain, à raison de trois millions dans le cours de cinq mois, et qui serviront à éteindre pareille somme d'assignations, tirées originaire*-ment par le Trésor, et qui successivement renouvelées, échoient dans ces mêmes cinq mois. Dans l'horrible gêne où sont les finances de Monseigneur, c'est au moins une première satisfaction d'avoir sorti des mains du public cette quantité énorme d'assignations, qui ne se faisaient à la Bourse, mois par mois, qu'avec la plus grande peine, et dès lors avec les plus grands sacrifices. Toutes les affaires de Monseigneur se trouveront
concentrées dans les maios de MM. de Montche-vrel et de Ghalandray pour une partie, et pour l'autre dans celles de MM. le Gouteulx, du Molay et de la Noraye. Leur remboursement se fera dans les années 1788, 1789, 1790 et 1791 sur les 1,600,000 livres de ces trois premières années, et les 2 millions de la dernière portés dans la décision du roi. Mais pour cela il est absolument nécessaire que Monseigneur tienne ses résolutions pour la réduction de sa cassette et de son écurie. Je ne cesserai de lui rappeler que se sont les seuls objets qui ont introduit le désordre dans ses finances, et qui le perpétueraient, si Monseigneur n'écoutait pas les justes représentations que j'ai l'honneur de lui faire, et qui ne sont dictées que par mon respectueux attachement à sa personne.
Au bas : écrit de la main de Monseigneur est Bon.
Pour ampliation :
Signé : verdun.
Nota. Il faut observer, qu'en finances, le plan présenté par un ordonnateur et approuvé par le roi ou le prince, vaut le mandat et la délégation formelle, connus des jurisconsultes.
N° III.
Paris,
J'ai pris, Monsieur, vendredi dernier, les ordres du ministre, sur l'échange que vous avez demandé des récépissés de M. Bourboulon (il était alors le trésorier de M. le comte d'Artois) contre des valeurs du Trésor royal. Il m'a chargé d'autoriser le Trésor royal à recevoir pour comptant ces récépissés lorsque leur échéance ne passerait pas trente jours ; mais il n'a pas jugé devoir se prêter à la demande que vous avez faite pour l'échange des valeurs. Celles du Trésor royal lui sont absolument nécessaires, soit pour les négocier dans le besoin, soit pour les donner à l'avance aux trésoriers généraux qui ont des dépenses à faire dans les provinces.
Je serai demain matin à vos ordres, comme vous le désirez.
J'ai l'honneur d'être, etc.
Signé : Gojard.
N° IV.
Paris, le
Je viens, Monsieur, d'envoyer à M. Ghenot (alors caissier du Trésor royal) la note des payements à faire, chaque mois, au trésorier de monseigneur le comte d'Artois; je lui marque en même temps que vous êtes autorisé à lui remettre les récépissés du trésor de ce prince, qui n'auront que trente jours à courir, et qu'il vous en fournira la valeur en argent.
Je joins ici le double de l'état que j'adresse à M. Ghenot.
J'ai l'honneur d'être, etc.
Signé : gojard.
N° V.
Autre du
Je me rappelle parfaitement, Monsieur, l'arran-
gement que nous avons fait, relativement au service dont vous vous êtes chargé pour le trésor de monseigneur le comte d'Artois.
Je verrai demain M. de la Borde de Méreville à ce sujet, et je vous promets que vous n'éprouverez plus de difficulté; je vous avoue que j'avais oublié de l'en prévenir.
J'ai l'honneur d'être, etc.
Signé :Gojard.
Plusieurs membres demandent la parole sur le rapport de M. Vernier.
Je me permets d'élever quelqués doutes sur la légitimité de la créance de M. de Ghalandray parce qu'étant un jour au comité des finances, pendant qu'il s'y trouvait également, je lui ai demandé de prouver qu'il avait réellement fait les avances dont il demande le remboursement; or, il a gardé le silence. Mais, puisqu'on veut s'occuper de cet objet, je demande : 1° l'impression du rapport : 2° que M. de Ghalandray soit tenu de nommer les personnes qui, con-, curremment avec lui, ont fait les avances dont il réclame le payement ; 3° que l'on y joigne les pièces qui prouvent que ces avances ont été faites : 4° qu'il soit dressé un état exact de l'actif et au passif des affaires de M. d'Artois; 5° qu'il y ait huit jours d'intervalle depuis l'époque de l'impression et de la distribution des rapports jusqu'à ce qu'il soit discuté.
La nation ne devant pas acquitter la partie des dettes de M. d'Artois dont le roi ne s'est pas chargé, l'état demandé par M. Gamus est inutile.
M. Gamus et M. Loys oublient que M. d'Artois doit être considéré comme créancier de l'Etat, attendu ses droits à la succession mobilière du feu dauphin son père, ainsi que du feu roi et de la feue reine.
met aux voix la motion de M. Gamus. Elle est décrétée en ces termes :
« L'Assemblée nationale décrète que le rapport sera imprimé, que l'on y fera connaître les associés et co-intéressés de M. de Ghalandray ;
« Que l'on y joigne les preuves que M. de Ghalandray et ses co-associés ont fait les services et avances.dont il est mention dans le rapport;
c Que l'on produise l'état actuel de l'actif et du passif des affaires de M. d'Artois;
« Qu'il y ait huit jours d'intervalle entre la distribution du rapport et des pièces jointes, et la discussion qui sera faite de ce rapport dans l'Assemblée. »
(Voyez aux annexes de la séance, page 94, le supplément de rapport par M. Vernier, sur le payement des dettes de M. le comte d'Artois, fait en conformité du décret ci-dessus.)
L'ordre du jour est la suite de la discussion des projets concernant l'armée et des rapports du comité militaire sur cette matière.
monte à la tribune et donne lecture de son rapport sur l'admission et l'avancement dans l'armée. (Voy. plus haut ce rapport inséré aux annexes de la séance d'hier 19 septembre).
interrompt la lecture du rapport pour annoncer à l'Assemblée une lettre
du ministre de la marine, relative à de nouveaux troubles arrivés à Brest.
L'Assemblée renvoie cette lettre, avec les pièces qui y sont jointes, aux comités des recherches, de marine et des colonies, pour en faire le rapport à une séance extraordinaire qui est indiquée pour ce soir.
reprend et achève la lecture de son rapport. (Ce rapport est fréquemment interrompu par des applaudissements.)
annonce que la discussion est ouverte sur le projet de décret.
Après quelques courtes observations les articles suivants sont décrétés :
avancement militaire.
« L'Assemblée nationale décrète que l'avancement aux différents grades militaires aura lieu dans la forme et suivant les règles indiquées ci-après.
TITRE PREMIER.
Nomination aux places de sous-officiers.
« Art. 1er. L'on comprendra, à l'avenir, dans la dénomination
de sous-ofûciers dans l'infanterie, les sergents-majors, les sergents, les caporaux-fourriers
et les caporaux.
« Dans la troupe à cheval, les maréchaux des logis en chef, les maréchaux des logis, lés brigadiers-fourriers et les brigadiers.
Nomination des caporaux et des brigadiers.
« Art. 2. Les caporaux dans l'infanterie, et les brigadiers dans la troupe à cheval, présenteront chacun à leur capitaine celui des soldats ou cavaliers de leur compagnie qu'ils jugeront le plus capable d'être élevé au grade de caporal ou de brigadier.
« Art. 3. Le capitaine choisira un sujet parmi ceux qui lui auront été présentés.
« Art. 4. Il sera formé une liste de tous les sujets choisis par les capitaines.
« Art. 5. Lorsqu'il vaquera une place de caporal ou de brigadier dans une compagnie, le capitaine de cette compagnie choisira trois sujets dans la liste.
« Art. 6. Parmi ces trois sujets, le colonel choisira celui qui devra remplir la place vacante.
« Arl. 7. Lorsque la liste sera réduite au-dessous de moitié, elle sera supprimée, et il en sera fait une nouvelle, en suivant les mêmes procédés.
Nomination des caporaux et brigadiers-fourrier s.
« Art. 8. Lorsqu'il vaquera une place de caporal ou de brigadier-fourrier dans une compagnie, le capitaine de cette compagnie choisira'parmi tous les caporaux ou brigadiers, et parmi tous les soldats ou cavaliers du régiment, ayant au moins deux ans de service, le sujet qui devra la remplir.
« Art. 9. Les sergents-majors et les sergents
dans l'infanterie, les maréchaux des logis en chef, et les maréchaux des logis dans la troupe à cheval, présenteront chacun à leur capitaine celui des caporaux ou brigadiers qu'ils jugeront le plus capable d'être élevé au grade de sergent ou de maréchal des logis.
« Art. 10. Le capitaine choisira un sujet parmi ceux qui lui auront été présentés.
« Art. 11. Il sera formé une liste de tous les sujets choisis par les capitaines.
« Art. 12. Lorsqu'il vaquera une place de sergent ou de maréchal des logis dans une compagnie, le capitaine de cette compagnie choisira trois sujets dans la liste.
« Art. 13. Parmi ces trois sujets, le colonel choisira celui qui devra occuper la place vacante.
Nomination des sergents-majors et des maréchaux de logis en chef.
« Art. 14. Lorsqu'il vaquera une place de sergent-major ou de maréchal de logis en chef, les sergents-majors et les maréchaux-des logis en chef du régiment présenteront, chacun pour la remplir, un sergent ou maréchal des logis de leur compagnie, et il en sera formé une liste.
« Art. 15. Le capitaine de la compagnie où la place de sergent-major ou de maréchal de logis en chef sera vacante, choisira trois sujets sur la liste de ceux qui auront été présentés par les sergents-majors ou maréchaux des logis en chef.
« Art. 16. Parmi ces trois sujets, le colonel choisira celui qui devra remplir la place
Nomination des adjudants dans le cas où les trois suffrages seraient divisés prépondéramment à la voix du colonel.
« Art. 17. Lorsqu'il vaquera une place d'adjudant, les officiers supérieurs réunis nommeront à la pluralité des voix, parmi tous les sergents ou maréchaux des logis du régiment, celui qui devra la remplir.
« Art. 18. Les sergents ou maréchaux des logis nommés aux places d'adjudants, concourront, du moment de leur nomination, avec les sous-lieutenants (sans cependant être brévetés), pour arriver à la lieutenance, et ils pourront rester adjudants jusqu'à ce que leur ancienneté les y porte.
« Art. 19. Lorsqu'un sergent ou maréchal des logis, moins ancien que les adjudants, sera fait sous-lieutenant, les adjudants jouiront, en gratification, par supplément d'appointements, des appointements du grade de sous-lieutenant.
TITRE II.
nomination aux places d'officiers.
Nomination au grade d'officiers.
« Art. 1er. 11 sera pourvu de deux manières aux emplois de
sous-lieutenants, lesquels seront partagés entre les sujets qui auront passé par les grades
de soldats, cavaliers et de sous-officiers; et ceux qui arriveront immédiatement au grade
d'officier, après avoir subi les examens dont il sera parlé ci-après.
« Art. 2. Sur quatre places de sous-lieutenants vacantes par régiment, il en sera donné une aux sous-officiers.
« Art. 3. Les places de sous-lieutenants destinées aux sous-officiers seront données alteraati-vement à l'ancienneté et au choix.
« Art. 4. L'ancienneté se prendra sur to«9 les sergents et maréchaux des logis, indistinctement, au delà de leur nomination.
« Art. 5. Le choix aura Heu parmi tous les sergents ou maréchaux des logis, et il sera fait par tous les officiers et officiers supérieurs, à la majorité absolue des suffrages.
« Art. 6. Quant aux autres places de sous-lieutenants, il y sera pourvu par le concours, d'après des examens publics, dont lé mode sera déterminé par un décret particulier.
Nomination aux emplois de lieutenants.
« Art. 7. Les sous-lieutenants de toutes les armes, sans aucune exception, parviendront, à
Nomination aux emplois de capitaines,.
« Art. 8. Les lieutenants de toutes les armes, sass aucune exception, parviendront, à leur tour d'ancienneté dans leur régiment, aux emplois de capitaine^
Nomination aux places de quartiers-maîtres.
« Art. 9, Les quartiers-maîtres seront choisis par les conseils d'administration à la pluralité des suffrages.
« Art. 10. Les quartiers-maîtres, pris parmi les sous-officiers, auront le rang de sous-lieutenants;; ils conserveront teur rang, s'ils sont pris parmil les officiers.
« Art. 11. Les quartiers-maîtres suivront leur avancement, dans les différents grades, pour le grade seulement, ne pouvant jamais être titulaires, ni avoir de commandement, mais jouissant en gratification et par supplément d'appoin-ternent, de ceux attribués aux différents grades où les portera leur ancienneté.
Nomination aux emplois de lieutenant-colonel.
« Art. 12. On parviendra du grade de capitaine à celui de lieutenant-coloflel, par l'ancienneté et par le choix du roi, ainsi qu'il va être expliqué.
« Art. 13. L'avancement au grade de lieutenant-colonel, soit par ancienneté, soit par le choix du roi, sera, pendant la paix, sur toute l'arme; et à la guerre, le tour d'ancienneté sera sur le régiment.
« Art. 14. L'Infanterie française formera une arme.
« L'infanterie étrangère et suisse formeront chacune une arme.
« Les troupes à cheval indistinctement formeront une seule arme.
« L'artillerie et le génie formeront deux armes différentes.
« Art. 15. Sur trois places de lieutenanls-colonels, vacantes dans une arme, deux seront données aux plus anciens capitaines en activité de l'arme,
et la troisième par le choix du roi, à un capitaine en activité dans cette arme depuis deux ans au moins. »
rappelle à l'Assemblée qu'elle aura ce soir une séance extraordinaire à six heures.
La séance est levée à trois heures.
Séance du
La séance est ouverte à six heures du soir.
Un de MM. secrétaires donne lecture des adresses suivantes :
Adresse des officiers municipaux de Marmande, contenant le procès-verbal du pacte d'union fédé-ratif opéré le 14 juillet dernier, entre tous les citoyens de cette ville. Ils demandent la conservation de son couvent des Capucins, dont l'utilité se fait journellement sentir aux habitants.
Délibération du bataillon de Saint-Severin,,qui, profondément affligé des bruits qui circulent depuis quelques jours dans la capitale, déclare que, toujours fidèle à son serment, ne se laissant intimider ni égarer par les factions d'aucun genre, marchant avec confiance, sous les ordres de son général, au but unique delà liberté constitutionnelle, il redoublera de ïèle pour la protection de la loi et pour la défense de ceux qui en seront les organes.
Adresses des membres du directoire du district de Yannes, département du Morbihan, et de celui du dictict de Grest, département de la ûrôme, contenant l'adhésion la plus entière aux décrets de l'Assemblée nationale, et notamment à ceux qui concernent l'ordre judiciaire.
Adresse de la société des amis de la Constitution de Bar-le-Duc, qui, après avoir mûrement examiné les avantages et les inconvénients qui résulteraient de l'émission de deux milliards d'assignats sans intérêt, a voté pour cette émission, pensant que, sans cette opération préliminaire, la vente des biens nationaux éprouverait des retards et des difficultés nuisibles a la choge publique; que c'était un moyen sûr d'attacher presque tous les Français au maintien de la Constitution, et de faire sortir le commerce de l'inertie dans laquelle il languit depuis longtemps.
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une note de M. le garde des sceaux, qui annonce que le roi a donné sa sanction aux décrets ci-dessous mentionnés.
Le roi a donné sa sanction le 17 de ce mois : .
« 1° Au décret de l'Assemblée nationale, du M» concernant le sieur Trouard, ci-devant de Riol-les;
« 2° Le 18, au décret du 4, portant que le traitement de 2,000 livres accordé à la dame Gouten-ceau, lui sera conservé par provision ;
« 3° Au décret du 9, suivi d'une instruction relative au payement des différentes dépenses qui ont^té faites en exécution des lettres de convocation du 24 janvier 1789, ou à leur occasion, pour la tenue des assemblées primaires;
« 4° Au décret du même jour, portant que la ville de Moothivilliers est définitivement le siège de l'administration de district ;
« 5° Au décret du même jour portant que les protestants de la confession d'Ausgbourg* habitant les quatre terres de Btamont, Glémont, Héricourt et Cbâtelot, continueront désormais à jouir de l'exercice public de leur culte dans l'étendue de ces quatre terres ;
« 6° Au décret du même jour, portant que Privas est définitivement chef-lieu de l'administration du département de l'Ardèche;
« 7° Au décret du 11, portant que la caisse d'escompte versera au Trésor public la somme de 20 millions;
« 8° Au décret du même jour, portant que la ville de Goutances est définitivement le siège de l'administration du département de la Manche ;
« 9° Au décret du même jour, portant que Rodez est définitivement le siège de l'administration du département de l'Aveyron ;
« 10° Au décret du même jour, portant que les citoyens -actifs des cantons de Saint-Pargoàre et de Gessenon se réuniront en assemblées primaires pour nommer des électeurs, lesquels concourront avec ceux de leurs districts respectifs, à la nomination des juges et à toutes autres opérations;
« 11° Au décret du même jour, relatif aux logements, à bord, des sous-lieutenants de vaisseaux, et à l'embarquement, sur les vaisseaux, des officiers militaires attachés aux mouvements des ports;
« 12* Au décret du 12, concernant le cours des assignats ou promesses d'assignats^
« 13* Au décret du même jour, concernant le régiment de Gruienne ;
« 14° Au décret du 14, par lequel l'Assemblée déclare que le directoire du département du Gard, et sous lui le directoire du district de Nîmes, rentreront dan» l'exercice du droit de requérir les troupes réglées et les gardes nationales pour l'entier rétablissement de la tranquillité publique dans la ville de Nîmes et ses environs. »
A l'égard du décret des 13 et 14, concernant les chasses, Sa Majesté se borne aux droits assurés à tous les citoyens sur leurs propriétés. Ainsi ses plaisirs ne pourront être, sous aucun rapport, considérés comme onéreux à personne.
Le roi a donné des ordres pour faire informer sur les dommages dont les administrateurs du département de la Seine-et-Marne ont porté plainte à l'Assemblée, et pour qu'il y soit fait droit suivant les règles de la justice.
Cette plainte, au surplus, sera la dernière de ce genre qrâ'on sera dans le cas de porter. Sa Majesté, n'écoutant que son désir du bonheur et de la tranquillité du peuple, a pris dans sa bonté les mesures les plus efficaces pour détruire jasqu'aux prétextes même les moins fondés des inquiétudes qu'on pourrait lui donner à l'occasion des chasses.
Signé : champion de clcé, archevêque de Bordeaux.
Paris, ce
fait part d'une délibération par laquelle 4e directoire du district d'An-nonay dénonce à l'Assemblée nationale un mandement de l'archevêque de Vienne (Voy. ce document annexé à la séance de ce jour).
L'orateur s'écrie qu'il est temps d'arrêter le zèle fanatique de quelques prêtres. {De violents murmures interrompent).
Répétea votre phrase !
Il n'y a rien à répéter; il n'y a qu'à décider si le mandement sera renvoyé au eomité des rapports.
(Ce renvoi est ordonné.)
La municipalité de Garcassonne renouvelle sa soumission pour l'acquisition de biens nationaux, jusqu'à concurrence de 4 millions.
Cette offre est renvoyée au comité d'aliénation.
Si l'Assemblée le désire, je vais lui rendre compte des détails de la pompe funèbre à laquelle une députation de ses membres a assisté ce matin. Cette députation a été reçue par le maire et la municipalité de Paris à la porte des Tuileries. Arrivée près du champ de la fédération, elle a été introduite par l'Ecole militaire; on lui a donné la place d'honneur... (Quelques éclats de rire se font entendre dans le côté droit.) Si ceux qui m'interrompent avaient assisté à cette cérémonie touchante et majestueuse, ils seraient pénétrés d'un respect que le sujet seul de mon récit devrait leur inspirer, et qui me permettrait de continuer le rapport que j'avais l'honneur de vous faire. Jamais cérémonie ne fut plus imposante chez les anciens. Elle a porté dans l'âme de tous les spectateurs une impression douloureuse et profonde : le champ de 1* fédération était tendu de noir; c'est dans le même lieu que Ton a vu, il y a deux mois, des citoyens-soldats braver avec joie les éléments. C'est là qu'on les revoyait tristement attachés sur un appareil funéraire et que le tumulte d'un camp était remplacé par te silence des tombeaux. Au milieu de cette assemblée imposante, une musique guerrière faisait entendre des sons plaintifs. On voyait la France éplorée tenant dans ses mains l'inscription suivante : Pour la pairie et pour la loi.....La douleur était dans tous les cœurs. Il faudrait l'avoir moins sentie pour la mieux peindre.
, membre du comité de liquidation, demande que l'Assemblée nationale nomme un tribunal auquel le trésorier de la tna-. rine, seul comptable, fasse recevoir ses comptes, qui sont en retard depuis 1774, pour les colonies, et depuis 1776, pour la marine, et qu'on ôte de l'arriéré les lettres de change qui servent à payer les fournisseurs de la marine.
, président du comité de liquidation, répond que ce comité n'a pas jugé à propos de laisser faire le rapport relatif à cet arriéré, attendu que la comptabilité de là marine n'est pas encore eu règle.
propose, à cet égard, le décret suivant :
« L'Assemblée nationale décrété:
« 1° Que le ministre sera tenu de fournir immédiatement l'état de ce qui est dû aux colonies;
« 2° Les moyens qu'il croit avoir pour acquitter cette dette ;
3° Les raisons qui ont pu l'engager à tenir caché jusqu'à présent, à l'Assemblée nationale, fêtât de détresse et de nécessité où se trouvent ces colonies, faute de payement ;
« 4° Ou'il fournisse l'état des pertes qu'a supportées la nation, par le discrédit où sont tombées, depuis 1788, les lettres de change sur le Trésor royal. »
Divers membres demandent le renvoi des deux
motions au comité de liquidation pour en rendre compte incessamment.
(Ce renvoi est ordonné.)
(L'Assemblée reste quelque temps dans l'inaction parce que le rapporteur sur l'affaire de Brest n'est pas encore prêt).
fait lecture d'une adresse de la commune d'Angers en faveur de l'émission des assignats et annonce de nombreuses signatures.
Je demande la lecture du nom des signataires.
L'adresse, en réalité, n'est pas signée, mais on doit m'envoyer une longue liste des adhérents.
Les comités réunis chargés d'examiner l'affaire de Brest sont prêts à vous rendre compte de leur travail. Le rapporteur a la parole.
, au nom des comités de marine, des colonies et des recherches. Vous avez entendu ce matin la lecture de la lettre du ministre de la marine, qui vous rend compte d'un événement arrivé a Brest. Vos comités se sont retirés, conformément à votre décret, pour examiner cette affaire, et, après avoir lu avec attention les pièces, ils ont décidé de vous présenter le projet de décret que je suis chargé de vous lire. Ils ont cru nécessaire avant tout devous donner lecture de la lettre de M. d'Albert à M.de La Luzerne.
Extrait de celte lettre.
Brest, le 16 septembre 1790. — * Hier, à 7 heures du soir, un officier vint m'annoncer qu'un matelot du Léopard avait tenu des propos séditieux et avait insulté le major du vaisseau. Je demandai s'il était ivre, et sur l'affirmative j'ordonnai qu'on le conduisit à bord. Un autre officier, bientôt après, m'annonça que l'arrestation de ce matelot avait excité de la fermentation sur le vaisseau le Patriote, où elle avait été faite. Le patron du canot du vaisseau avait montré le plus de chaleur. Je le fis venir dans la chambre du conseil, où il me déclara que le matelot n'était point coupable, et qu'il ne devait pas être puni. J'eus la force de me contenir. Je lui demandai pourquoi il prenait pour une punition l'ordre que j'avais donné ; que lui seul était coupable, et que je me contenterais de le renvoyer à son bord. J avoue cependant que je pensai perdre patience, lorsqu'il me demanda si j'assurerais ce que je viens de dire. Je lui ordonnai de se retirer' promptement, ce qu'il fit, en me disant que c'était au plus fort à faire la loi, qu'il l'était, et que lematelotne serait point puni. — Le désordre durait toujours à bord du Patriote. M. Dentrecasteaux cria aux séditieux que si cela continuait il serait forcé de quitter le commandement : Tant mieux, s'écrièrent-ils, vive la nation! les aristocrates à la lanterne! M.ûentrecaste aux sortit alors du vaisseau, et je lui permis de venir Si terre en le chargeant d'informer la municipalité de ce qui s'était passé. — Ce matin à huit heures, je me suis transporté à bord du Patriote, j'ai ordonné que tous les officiers se tinssent sur le gaillard d'arrière ; j'ai fait venir l'équipage et j'ai demandé quelle était la
cause du trouble. On a gardé le plus profond silence. Je me suis alors adressé au patron du canot; il m'a répondu qu'on avait craint que le matelot du Léopard ne fût trop sévèrement puni. J'ai fait venir rofficier que j'avais chargé decette commission; il a rapporté les faits que je viens de vous raconter. Vous voyez, ai-je dit à l'équipage, que vos craintes étaient mal fondées. Votre faute, ai-je ajouté au patron du canot, est bien plus grave ; vous avez manqué à votre capitaine, vous m'avez manqué, je ne puis m'empêcher de vous envoyer en prison et vais y envoyer. Plusieurs voix se sont écriées : Il n ira pas. ^ Vous allez donc me désobéir? — Il riira pas. — Que ceux qui sont disposés à obéir se montrent et lèvent la main. — Personne ne s'est montré. J'ai dit que j'allais faire part de leur désobéissance à la cour. J'ai voulu auparavant m'informer s'ils avaient à se plaindre de leur capitaine? — Non. — S'ils se plaignaient de moi?— Non.— S'ils avaient des plaintes à faire contre leurs officiers? —Non. — Je suis entré dans la chambre du conseil où j'ai fait entrer les sergents ; je leur ai fait observer que l'équipage les déshonorait en se déshonorant lui-même. Ils ont répondu qu'ils n'étaient pour rien là dedans. Je leur ai dit qu'ils ne remplissaient pas tout leur devoir en observant l'ordre, s'ils ne le faisaient pas observer.
a Je rejoins mon bord, ai-je continué, afin de donner le temps de revenir sur ce qui s'est passé. A mon départ j'ai entendu beaucoup de cris de vive la nation ! sans rien distinguer de malhonnête pour moi. L'heure s'écoulait et j'attendais en vain; je me suis embarqué dans mon canot pour aller conférer avec M. d'Hector. Plusieurs voix ont crié au patron : Fais chavirer le canot. Je n'ai pu distinguer ceux qui se sont rendus coupables de cette insolence, qui sera, sans doute, suivie de bien d'autres. —A bord du Majestueux, plusieurs soldats ont refusé de faire le service de la manœuvre, sans être punis... En vain je voudrais persuader aux officiers que la subordination règne encore ; ma bouche leur persuaderait mal ce que je ne crois pas moi-même ; il n'y a d'espoir absolument que dans une commission composée de membres de l'Assemblée nationale. Les décrets ne ramèneraient point, on s'en moquerait. »
(On lit ensuite plusieurs pièces qui constatent ces faits.)
Plusieurs officiers sont prêts à donner leur démission, moins découragés des dangers qu'ils courent que de l'impossibilité de rétablir la discipline. M. de Marigny, major général de la marine, a éprouvé des traitements dont je dois vous rendre compte. Le bruit s'étant répandu que des lettres interceptées annonçaient que si on l'envoyait à Saint-Domingue avec des vaisseaux, il saurait bien faire rentrer dans l'ordre ceux qui en sont sortis, des attroupements considérables se sont formés, et l'on a planté la potence à sa porte. Il n'était pas chez lui. Il a quitté son uniforme, en demandant qu'on le jugeât, et en donnant sa démission que M. d'Albert n'a pu s'en empêcher d'accepter jusqu'à ce qu'il soit intervenu un jugement.
Une lettre de M. d'Hector confirme ces détails.
Il y a une liaison intime entre l'affaire de Saint-Domingue et celle de Brest. Les ci-devant membres de l'Assemblée générale sont en ce moment en rade, à bord du
vaisseau le Léopard, commandé par M. Santo-Do-mingo. Ces gens-là cherchent à mettre l'insubordination dans l'escadre. C'est parce que votre comité a lieu de soupçonner cette intention, qu'il vous proposera de les appeler à la barre de l'Assemblée.
lit le projet de décret.
Je demande en amendement qu'il soit pris des précautions pour s'assurer que les personnes appelées à la barre ne manquent pas de s'y rendre.
Si l'on avait lu la lettre qui a été renvoyee, il y a quelques jours* au comité colonial, on aurait vu que les membres de l'assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue sont partis de leur propre mouvement. Il n'est donc pas à craindre qu'ils refusent d'obéir au décret de l'Assemblée nationale ; ils n'intriguent point à Brest; rien ne le prouve, et personne ne s'en plaint .
Je n'aurais rien à dire, sans les observations du préopinant ; mais puisque déjà on cherche à prévenir ici les esprits, comme on a tenté de le faire à Brest, je dois, moi qui ai vu toutes les pièces, rétablir la vérité, et dire que la ci-devant assemblée générale, actuellement à Brest, n'a cessé, depuis le premier moment de son existence, de préparer la scission de la partie française de Saint-Domingue avec la métropole. Lorsqu'à la réception de votre décret et de l'instruction qui raccompagnait, toute la colonie retentissait d'acclamations de reconnaissance, cette assemblée, par des calomnies, par de perfides insinuations, par tout ce que l'intrigue a de ressources, s'efforçait à faire renaître dans l'esprit des colons des inquiétudes que vous veniez de dissiper. C'est par des décrets remplis d'audace, c'est en ouvrant les ports aux vaisseaux étrangers, c'est en licenciant les troupes, c'est en prescrivant un nouveau serment, qu'elle a cherché à tromper sur le sentiment qui vous animait : nous n'avons pas à regretter ses succès ; elle a elle-même détruit son pouvoir, et bientôt menacée de la dissolution elle s'est vue forcée à se réfugier sur le vaisseau le Léopard qui s'était rendu à elle par des manœuvres qu'en ce moment je ne m'occupe point à découvrir. Mais je puis vous annoncer que quand vous connaîtrez tous les faits de cette affaire, vous ne balancerez pas à déclarer rebelle l'assemblée générale, de la partie française de Saint-Domingue, et à casser en conséquence tous les actes émanés d'elle. J'appuie le projet de décret.
La conduite de la municipalité a paru suspecte ; il me semble que, sans approfondir ces soupçons, U serait prudent d'autoriser les commissaires civils à s'adjoindre deux membres du directoire, et non de la municipalité.
Ces amendements et celui de M. Duquesnoy sont écartés par la question préalable.
Le décret présenté par le rapporteur est adopté, sans aucun changement, en ces termes :
« L'Assemblée nationale, ayant entendu le rapport de ses comités de marine, des colonies et des recherches, sur les actes d'insubordination commis à bord des deux vaisseaux de l'escadre de Brest, depuis i'arrivée du Léopard; justement indignée des écarts auxquels se sont livrés quel-
ques hommes de mer, avec lesquels elle n'entend pas confondre les braves marins, qui se sont toujours distingués, autant par leur attachement à la discipline militaire que par leur courage :
« Décrète : 1° que le roi sera prié de donner des ordres pour faire poursuivre et juger, suivant les formes légales, les principaux auteurs de l'insurrection, et ceux de l'insulte faite au sieur de Marigny, major général de la marine;
« 2° Pour faire désarmer le vaisseau le Léopard, et congédier l'équipage, en renvoyant ceux qui le composent dans leurs quartiers respectifs, et enjoignant aux officiers de rester dans leur département;
3° Pour faire sortir de Brest, dans le plus court délai, et transférer dans le lieu qui lui paraîtra convenable, les individus appartenant au régiment du Port-au-Prince, arrivés au bord dudit vaisseau ;
« Décrète que les ci-devant membres de l'assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue ; ceux du comité provincial de l'ouest de ladite colonie, et le sieur de Santo-Domingo, arrivé à Brest, commandant le vaisseau le Léopard, se rendront à la barre de l'Assemblée nationale, immédiatement après la notification du présent décret, laquelle leur sera faite en quelques lieux qu'ils puissent se trouver, d'après les ordres que le roi sera prié de donner à cet effet;
« Décrète, en outre, que le roi sera prié de nommer deux commissaires civils, lesquels seront autorisés à se joindre aux membres de la municipalité de Brest, tant pour l'exécution du présent décret, que pour aviser aux mesures ultérieures qui pourraient être nécessaires au rétablissement de la discipline et subordination dans l'escadre, et de l'ordre dans la ville de Brest ; à l'effet de quoi tous les agents de la force publique seront tenus d'agir à leur réquisition. »
On a distribué une lettre attribuée à M. de Gouy : j'y suis inculpé, ainsi que plusieurs membres de cette Assemblée ; je ne me suis point occupé de moi, ils ne se sont point occupés d'eux ; mais aujourd'hui que des troubles agitent ma patrie, et qu'on m'en accuse, lorsque j'en gémis, je ne puis garder le silence ; je dénonce cette lettre dont je n'ai qu'une copie manuscrite ; je vais la lire,, et j'interpellerai ensuite M. de Gouy de la reconnaître ou de la désavouer.
M. de Curt fait cette lecture. — Cette lettre est consignée dans un extrait des registres des procès-verbaux de l'assemblée générale de Saint-Domin-gue ; elle contient des détails de ce qui s'est passé à l'Assemblée nationale lors du décret du 8 mai : M. de Curt, y est-il dit, demanda l'ajournement sur un prétexte frivole ; tous les. amendements que je proposai furent toujours écartés par la question préalable, demandée par MM. Charles de Lameth et Gérard. La lettre est terminée par le conseil donné à l'assemblée générale de ne prendre des décrets de l'Assemblée nationale de France que ce qui s'adapterait aux localités. — M. de Curt rappelle que le jour où l'Assemblée délibéra sur les colonies étant venu à la séance, quoique malade, il tomba sans connaissance, et ne put revenir prendre part à la délibération.
(M. de Gouy paraît à la barre. — Sur l'invitation de l'Assemblée, il monte à la tribune.)
Les éloges que la colonie de la Guadeloupe a bien voulu me donner, il y a quelques mois, au sujet de la dénonciation du ministre de la marine, et les reproches qu'elle adressa,
dans un arrêté solennel, à M. de Curt, peuvent diminuer un peu la force de l'inculpaiion qui m'est faite. Le 4 de ce mois, M. de Curt, dans un rendez-vous auquel assistaient deux de nos collègues, me dit que la Guadeloupe était très contente du ministre, et que dans une dénonciation j'aurais dû ne porter la parole qu'au nom de Saint-Domingue. M. de Curt avait l'air de penser que j'avais influé sur les choses désagréables qui lui avaient été adressées. (On observe que ce n'est pas là l'objet de l'interpellation de M. de Curt.) Je crois avoir le droit de demander qu'on me représente la lettre dont il s'agit. Quoiqu'on ne soit pas coupable pour avoir donné à ses commettants des détails de la mission qu'ils ont confiée... (Plusieurs membres s'écrient : La lettre est-elle de vous, oui ou non?)
Il me semble qu'après l'interpellation qui vous est faite, vous devriez répondre catégoriquement. Cependant on ne doit pas vous refuser une certaine latitude.
Il me semble que ma réponse pourrait se réduire à l'examen de ces quatre questions : Ai-je écrit la lettre qu'on m'impute ? A qui ai-je adressé cette lettre? Est-ce à une assemblée administrative, ou à un particulier seulement? Les principes qu'elle contient sont-ils inconstitutionnels? Ea est-il résulté quelque inconvénient, et le décret rendu par l'assemblée générale de Saint-Domingue, le 28 mai, a-t-il été motivé sur une lettre qui n'a été reçue que le 16 juin? Mais je ne traiterai point aujourd'hui ces questions ; je me bornerai à déclarer : que j'ai écrit à M. Larchevêque-Thibault, alors simple particulier à Saint-Domingue, à l'époque à peu près de la lettre que l'on m'impute ; que je lui ai fait le récit de ce qui s'était passé au sujet de l'instruction envoyée à Saint-Domingue ; que j'ai pu raconter que MM. de Lameth et Gérard avaient demandé la question préalable, sans chercher à leur nuire, parce que la question préalable n'a rien de criminel en elle-même ; mais qu'il y aurait de la folie à moi de désavouer ou d'avouer toutes les expressions d'une lettre écrite il y a six mois, dont on ne présente qu'un manuscrit informe, copié sur un imprimé non authentique, d'après un extrait qui peut être infidèle, jusqu'à ce que l'on m'ait représenté l'original, que j'avouerai bien hautement, dès que je le verrai revêtu de ma signature.
M. de Gouy signe sa déclaration et la dépose sur le bureau. Elle est ainsi conçue :
« Je ne nie point avoir écrit à M. Larchevêque-Thibault, particulier, habitant de Saint-Domingue, à l'époque à peu près de la lettre dont extrait a été lu.
« Je ne nie point de lui avoir raconté tout ce qui s'était passé au sujet de l'instruction, ce que j'ai dit à la tribune, et même les opinions de MM. Gérard et de Lameth, que je n'ai pas cru inculper, en disant qu'ils avaient proposé la question préalable.
« Je ne nierai même peut-être aucune des expressions de la lettre citée, lorsqu'elle m'aura été présentée en original, et que j'aurai vérifié si j'ai écrit littéralement ce que l'on m'objecte aujourd'hui, d'après un manuscrit copié sur un exemplaire, imprimé d'après un original, lequel, dit-on, a été écrit par moi il y a cinq ou six mois, et je signe volontiers la présente déclaration.
* A Paris, ce
« Signé :. De Gouy» »
Je me suis entendu nommer dans la lettre dont on dit que M. de Gouy est l'auteur. Le nom de M. Gérard s'y trouve aussi ; il ne peut parler en ce moment, à cause d'une infirmité qui prive l'Assemblée de beaucoup de lumières.
La question préalable que nous demandâmes, lors de la délibération du 4 mai, avait seulement pour objet l'intention où l'Assemblée nous paraissait devoir être d'appeler tous les citoyens de la colonie à manifester leur vœu dans les assemblées : M. de Gouy a peut-être été trompé dans le désir de jouer un grand rôle dans une colonie importante ; il n'a pu avoir l'intention de me faire tout le mal qu'il m'a fait : on a brûlé une habitation de mon beau-père, sur la foi de la lettre écrite par M. de Gouy, qui n'a eu absolument que le désir d'être publiciste.
Si j'avais voulu jouer un rôle dans la colonie, j'aurais écrit directement à la colonie, et non à M. L^rchovêque-Thibauft. Au reste, je ne nie pas d'avoir écrit; je ne me défends pas d'avoir donné des détails sur les délibérations de l'Assemblée nationale. On me représentera la lettre dont il s'agit, je la reconnaîtrai. Je ne désavouerai jamais ce que j'ai écrit et signé.
Je vous ai rendu compte de cette lettre, parce que j'ai cru qu'elle avait un grand rapport avec ce qui se passe dans les colonies. Je demande que ma conduite soit examinée par un comité, afin que je puisse prouver que je ne suis pas indigne de la confiance dont on m'a honoré.
On propose successivement de renvoyer la lettre de M. de Gouy aux comités des rapports, de la marine, des recherches et colonial.
Le renvoi à ce dernier comité est décrété.
La séance est levée à onze heures.
a la séance de l'assemblée nationale du
Supplément au rapport de M. Vernier, fait au nom du comité des finances, sur les dettes de M. le comte d Artois (1).
Du rapport fait à l'Assemblée nationale, au nom du comité des finances, il résultait que la nation devait acquitter 3,600,000 livres restantes des dettes exigibles, et en outre les intérêts des rentes viagères ou constituées, dont le roi avait bien voulu se charger, à l'acquit de M. le comte d'Artois, par le bon du 28 décembre 1783; sur ce rapport il fut décrété :
« 1° Qu'il serait imprimé; que l'on y ferait « connaître les associés et co-intéressés de M. de « Chalandray;
« 2° Que l'on y joindrait les preuves que M. de « Chalandray et ses co-associés avaient fait les « services et avances dont il était fait mention « dans le rapport;
« 3® Que l'on produirait l'état actuel de l'actif « et du passif des affaires de M. d'Artois -,
« 4° Qu'il y aurait huit jours d'intervalle entre « la distribution du rapport, des pièces jointes, « et la discussion qui serait faite de ce rapport « dans l'Assemblée. »
Pour remplir ce qui a été ordonné, on a fait imprimer le premier rapport tel qu'il a été présenté, afin qu'on puisse mieux juger des motifs qui ont déterminé le décret.
On fera connaître l'associé de M. de Ghalandray.
On fournira les preuves que ces associés ont fait le service.
On produira l'état actuel de l'actif et du passif de M. d'Artois.
La distribution du premier rapport, de ce supplément et des pièces jointes, précédera de huit jours la discussion.
Avant de présenter sous différents paragraphes les preuves ordonnées, il convient d'écarter préliminaireuient l'erreur et la méprise où ont pu tomber quelques membres de l'Assemblée, d'après un rapport peut-être trop succinct, et qui n'a point été discuté, en sorte que les faits n'ont pus été suffisamment éclaircis : il est donc important de les fixer irrévocablement.
11 n'est point ici question de savoir si l'on payera ou non les dettes du comte d'Artois telles qu'elles existent aujourd'hui, cet objet ne regarde que le comité des domaines. Ce comité, en fixant les apanages, a probablement pris une détermination à cet égard. H s'agit seulement d'examiner si l'on ratifiera rengagement souscrit en décembre 1783, par le chef et le représentant avoué de la nation ; si l'on complétera le payement de 11,600,000 livres dont il reste à acquitter 3,600,000 livres savoir : 1,600,000 livres en 1790, et 2,000,000 livres en 1791.
Le payement des intérêts des rentes viagères ou constituées, compris dans le même titre (on veut dire dans la décision du roi, du mois de décembre 1783), est bien un accessoire ou une partie intégrante de cet engagement; mais cet accessoire esi absolument étranger aux sieurs de Chalandray et associés, il n'intéresse que la nation.
L'opinion adoptée par le comité des finances, qui tend à donner une pleine exécution au bon du roi, est fondée sur la justice la "pilas rigoureuse, sur un engagement formel,' sur l'exécution et la confirmation qu'il a reçues, sur le contrat solennel qui vient d'être si 'authentique-ment renouvelé et juré entre ta nation et son chef.
Le roi (nous devons partir de ce point) était le représentant, l'administrateur avoué de la nation ; les engagements qu'il a contractés doivent être par elle approuvés et ratifiés : or il a fait sa dette propre de celles qui étaient énoncées dans le bon du 23 décembre 1783 ; on ne peut donc aujourd'hui, à raison du changement de circonstances, improuver ce qu'il a fait, ce qu'il était en droit de faire ensuite d'un consentement tacite, toléré et confirmé par l'usage.
Si l'on pénètre dans les motifs qui l'ont déterminé, on les trouvera dignes de sa bonté et de sa,bienfaisance.
Le comte d'Artois, son frère, était vivement poursuivi par ses créanciers ; il fallait venir à son secours, ou l'exposer à une faillite inévitable, et livrer tous ses créanciers à une ruine certaine.
Le roi, en accordant, en 1781, des premiers secours à son frère, lui fit espérer qu'il payerait ses dettes, s'il n'en contractait pas de nouvelles et s'il établissait un ordre constant dans ses
finances. En 1783, on assura le roi que ce prince n'avait point contracté de nouvelles dettes dès cette première époque ; on réclama l'exécution de sa promesse, on fit entrevoir la possibilité de remplir cet engagement, de manière à ce que le Trésor public n'en souffrit pas ; il en fallait, sans doute, bien moins pour émouvoir une âuie sensible et généreuse; et, en dernière analyse, le roi favorisait ses propres sujets, par les bienfaits qu'il versait sur son frère.
Au surplus, quelsqu'aieat été, quels qu'aient pu être les motifs qui ont déterminé cette bienfaisance; l'engagement est contracté, il doit donc être rempli et exécuté.
La dette, dont le roi avait fait la sienne propre, a réellement été regardée comme dette de l'Etat, que les termes de 1785, 1786, 1787, 1788, 1789, qui étaient de 1,600,000 livres chacun, ont été exactement payés, il reste à acquitter sur la dette exigible le terme do 1790,qui est de 1,600,000 livres et celui de 1791 de 2,000,000 livres.
Abstraction faite de ce que les lois rigoureuses de la justice nous prescrivent impérieusement, conviendrait-il, après tant de sacrifices, et pour les deux payements qui restent à faire sur la dette exigible, de méconnaître des engagements aussi sacrés, aussi inviolables, et surtout quand l'exécution de ces engagements concerne des tiers qui eux-mêmes ont contracté sur la foi d'un titre dont personne jusque-là ne s'était avisé de contester ou de suspecter la validité ?
Laissons de côté, si l'on veut, les convenances et toutes les considérations de l'équité, pour ne s'attacher qu'aux lois de la justice la plus stricte et la plus rigoureuse; il se présente ici un nouveau moyen qui, en confirmant ceux qui précèdent, doit faire cesser toute discussion.
Il s'est formé à cet égard un nouveau contrat tacite, mais authentique et solennel, entre le roi et la natioa : voici d'où ce nouveau contrat est résulté.
L'Assemblée nationale, en fixant la liste civile, d'après le vœu du roi, a présupposé que tous les engagements souscrits de sa part seraient exécutés, que cette liste civile resterait affranchie des dettes antérieurement corîtractées.
D'après ce'tte idée vraie et incontestable sous tous les rapports, on doit se rappeler que Sa Majesté, par sa lettre du 9 juin, observa à l'Assemblée : « qu'elle croyait que les 25,000,000 lui « suffiraient; mais qu'il lui serait impossible d'ac-« quitter, sur un fonds annuel et limité, la dette « arriérée de sa maison, dont l'Assemblée avait « connaissance, pourquoi elle désirait que la na-« tion comprenne cet objet dans ses plans géné-« raux de liquidation ».
Si Sa Majesté eût pu penser ou prévoir qu'il dût s'élever quelque équivoque sur l'engagement dont il s'agit ici, nul doute qu'elle ne se fût expliquée à cet égard. Mais cela devenait inutile et superflu, parce qu'il était tacitementeoteudu et présupposé que toutes les dettes comprises dans les comptes présentés à l'Assemblée, seraient acquittées par la nation, indépendamment de la liste civile. Or, on a vu que la dette dont il s'agit, que l'engagement dont elle émane, sont nommément rappelés dans les comptes de 1787, 1788, 1789, dans l'aperçu des dépenses des huit derniers mois de 1790, et dans les états de dettes fournis par le comité des finances, notamment dans ceux de M. Lebrun et de M. de Montesquiou; on doit même remarquer que, dans l'état de la dette publique, troisième partie, page première, on lit ce qui suit :
« La seconde partie présente i'état de tout ce
« qui est exigible, ou le sera au 1er janvier 1791,
«en vertu de l'engagement précis contracté par « le chef de la nation, et implicitement validé « par tous les décrets de l'Assemblée nationale « sur la dette publique. ».
Ce rapporteur et le comité n'avaient point en vue pour lors la question qui nous occupe aujourd'hui; mais déjà ils rendaient un hommage impartial à cette grande vérité : que les engagements pris par le chef de la nation étaient implicitement validés parles décrets de V Assemblée nationale. On ne doit donc pas craindre que la nation tente aujourd'hui d'enfreindre un contrat aussi solennel, un contrat mutuel et réciproque, un contrat qui devient pour elle aussi sacré que le lien qui unit le chef aux membres et les membres au chef.
La légitimité de la dette établie vis-à-vis la nation; il reste à voir si M. de Chalandray peut réclamer l'exécution de ce titre en sa faveur, pour les 1,600,000 livres échues en 1790, et dont les fonds auraient déjà dû être fournis pas le Trésor public en octobre 1789.
Il suffirait peut-être, pour écarter de plus amples discussions, de dire : « La dette est reconnue légitime ;-le terme en est échu en 1790 ; il doit être payé, soit au trésor du comte d'Artois, soit à ceux qui ont fait ce service et avancé les fonds à son trésorier : or, le sieur de Chalandray est avoué et reconnu par l'administration même de M. d'Artois pour avoir fourni ces fonds, pour avoir fait cette avance; il n'a donc plus aucun concurrent à redouter, et c'est incontestablement à lui que le payement des 1,600,000 livres doit être fait. »
Voyons cependant à satisfaire l'Assemblée sur ce qu'elle a exigé.
§ Ier
Le décret veut qu'on fasse connaître les associés et coïntéressés de M. de Chalandray.
Ce dernier a annoncé qu'il avait pour associé M. de Montchevrel, et ce fait est déjà prouvé par le ton de M. d'Artois, du 13 mars 1784 (1). '
L'ordonnateur des finances de ce prince, en présentant ce bon à sa signature, s'exprime ainsi :
« Monseigneur m'avait fait l'honneur de me « prévenir qu'en conséquence des arrangements « que le roi avait bien voulu prendre pour sa « libération, le ministre des finances avait auto-« risé MM. de Montchevrel et de Chalandray, « receveurs généraux des finances, à se charger « d'une partie du service du trésor de Monsei-« gneur, jusqu'à ce qu'ils puissent être rembour-« sés sur les sommes annuelles que le roi a eu la « bonté d'accorder à Monseigneur, jusqu'en 1791.
« Monseigneur connaît l'honnêteté et le zèle « de M. de Montchevrel, qui a l'honneur de lui « être attaché : M. de Chalandray jouit égale-« ment de la réputation la mieux méritée. Ils « doivent commencer-le service du trésor de « Monseigneur, le mois prochain, à raison de « 3,000,000 livres dans le cours de cinq mois, et « qui serviront à éteindre pareille somme d'assi-« gnations tirées originairement par le trésor, et « qui, successivement renouvelées, échoient dans « les mêmes cinq mois. »
Par la décision ou le bon de M. d'Artois, il paraît clairement, prouvé : 1° que MM. de Montchevrel et de Chalandray étaient associés ; 2° qu'ils
devaient faire conjointement une partie de ce service (car on doit observer ici que l'autre partie était faite alors par MM. Le Couteulx, qui ont. été remboursés par MM. de Montchevrel et de Chalandray, comme on le verra à la suite). Ce bon explique bien simplement et bien naturellement comment se faisait ce service.
Le trésor du prince avait tiré originairement des assignations qui circulaient sur place, avec des sacrifices considérables, renouvelés chaque mois ; il était du plus grand intérêt de les retirer; mais, comme le trésor de l'Etat ne pouvait fournir que successivement et dans les termes fixés les sommes promises, il devenait nécessaire de trouver quelqu'un qui fît les avances, moyennant l'escompte et les frais ordinaires. Voilà ce qu'on appelle faire un service. Il est donc bien juste que ceux qui ont fait ce service et cette avance au trésor du prince, soient remboursés sur les sommes annuelles que le roi avait eu la bonté d'accorder.
MM. de Montchevrel et de Chalandray n'étant pas en état de faire toutes ces avances de leurs seuls fonds,; ils étaient obligés d'emprunter eux-mêmes et d'employer souvent à grands frais la ressource des agents de change pour faire valoir leurs propres billets, qu'ils faisaient circuler sur leur crédit personnel. On dit propres billets, parce qu'ils ont mis tant de délicatesse dans l'exécution de leur engagement, qu'ils n'ont jamais fait circuler les assignations qui leur étaient données en remboursement sur le trésor du prince.
On avait dit, dans le premier rapport : « que « ceux qui croiraient n'évincer qu'un seul créante cier en envelopperaient vingt et trente autres « dans sa ruine ».
C'est probablement par une fausse application de cette assertion, qui ne concernai^ que ceux qui avaient prêté des- sommes à M. de Chalandray, qu'on s'est déterminé à exiger de ce dernier qu'il fît connaître ses associés et coïntépes-sés, ce qui paraît absolument étranger au fond de l'affaire; car qu'il existe plus ou moins d'associés de créanciers, elle ne changera pas de nature.
On observera cependant, en ce qui concerne les associés, qu'ils n'y en a point d'autres que M. de Montchevrel ; mais quant aux créanciers de M. de Chalandray, le nombre est celui des porteurs de ses billets, comme on le verra par les certificats des trois agents de change ; et ses craintes portent autant sur ses créanciers que sur lui-même. On n'exigera pas sans doute qu'il les fasse connaître ; d'ailleurs, il peut dire, avec vérité, qu'il ignore ceux qui sont saisis de ses billets au porteur ; il serait* donc superflu d'insister davantage sur les associés; non seulement ce nombre devient indifférent, mais il sera encore prouvé, par d'autres titres, que MM. de Montchevrel et de Chalandray faisaient seuls ce service.
§ II.
Aux termes du décret, le sieur de Chalandray doit fournir les preuves que lui et ses coassociés ont fait les services et les avances dont il est question dans le rapport.
Il croit pouvoir donner à cet égard les preuves les plus satisfaisantes, tout inutiles qu'elles puissent être ; on dit inutiles, parce que la somme étant due en vertu de la décision du roi, elle doit
être payée, soit au trésor du prince, soit à ceux qui ont fait le service : mais hâtons-nous de prouver que c'est réellement de M. de Chalandray.
Une première preuve que des tiers ont fait ce service pour accélérer les payements, et qu'il a été fait par MM. de Montchevrel et de Chalandray, résulte déjà du bon de M. d'Artois ci-dessus rappelé.
Une seconde preuve est que dans l'aperçu donné par M. Necker des dépenses des huit derniers mois de 1790, il s'explique ainsi :
« Avant-dernier payement sur le secours ci-« devant accordé pour les dettes de Msr le comte « d'Artois, et pour lequel il y a eu des engage-« ments pris par des particuliers, ci. 1,600,000liv.
Ces particuliers sont MM. de Chalandray et de Montchevrel nommés dans le bon de M. d'Artois, et personne jusqu'ici n'a élevé le moindre doute sur ce fait.
La troisième ne peut être ni plus décisive ni plus concluante. M. Drouet de Santerre, trésorier de M. le comte d'Artois, déclare et atteste que, sur les assignations qui avaient été successive-ment fournies et renouvelées à M. de Chalandray, tant pour le premier service, que pour acquitter et remplacer M. Le Couteulx, il lui avait été remboursé directement par le Trésor royal telle somme, et telle autre par lui-même, tant en espèces, que dans les mêmes valeurs délivrées par le Trésor royal, aux termes du bon du roi, et qui étaient dévolues audit sieur de Chalandray, en exécution de celui de M. le comte d'Artois, du 14 mars 1784, portant délégation en sa faveur.
La quatrième est prise dans le certificat des membres composant la commission établie pour l'administration des finances de monseigneur le comte d'Artois, autorisée par le roi. Ils attestent d'abord que MM. Le Couteulx, qui dans l'origine s'étaient trouvés chargés d'une partie de ce service, comme on le voit dans le bon de monseigneur le comte d'Artois, avaient été remboursés dans les derniers mois de 1787, et dans les trois premiers mois de 1788. Us ajoutent que MM. Le Couteulx pourraient attester eux-mêmes que le remboursement leur a été fait à cette époque.
« Ces administrateurs attestent, de plus, que « pour la valeur des fonds qui ont été versés en « 1784, par M. de Chalandray, et par augmenta-« tion de service en 1788, il lui a été délivré, par « le trésorier, des assignations sur le trésor du « prince, qui se sont renouvelées successivement « jusqu'à ce jour ; que ces assignations sont au « porteur, et que les livres et registre du tréso-« rier constatent les sommes qui ont été renou-« velées à chaque échéance, et qu'elles sont « toutes conformes aux sommes que M. de Gha-« landray réclame. »
La cinquième preuve confirme toutes celles qui précèdent ; elle est puisée dans l'état fourni par les administrateurs dès finances de M. d'Artois au comité des domaines : lorsque celui des finances a demandé cet état aux administrateurs, ils ont répondu que déjà il avait été remis au comité des domaines, où on pouvait en prendre communication ; elle y a été prise, et on s'est convaincu du fait ci-après.
Dans ledit état, au chapitre des créances, on annonce qu'il est dû à ce prince 3,600,000 livres aux termes de la décision du roi du 28 décembre 1783. Cette somme comprend les 1,600,000 livres dues en 1790, et les 2,000,000 livres qui écherront en 1791; ce qui forme bien les 3,600,000 livres; mais il faut observer que cette créance
n'est comprise parmi celles du prince que par l'intérêt qu'il avait à faire acquitter les assignations données sur ce recouvrement.
Dans les pièces justificatives n° 7, concernant les assignations délivrées par anticipation sur ce qui devait être payé annuellement par le Trésor royal au trésor de M. le comte d'Artois, MM. de Montchevrel et de Chalandray y sont rappelés en ces termes :
« Plus à MM. de Montchevrel et de Chalandray « échues M en janvier, février, mars, avril et « mai 1790. La somme de 3,850,000 livres, ci;............................ 3,850,000 liv.
Sur quoi il a été payé en divers acomptes...........................465,000
Reste, ci...................... .3,3.85,000 liv.
Il résulte évidemment de cet état, que pour payer MM. Montchevrel et de Chalandray, on leur a délivré, par anticipation, des assignations sur le Trésor royal.
Il en résulte encore qu'il leur est dû bien au-delà des 1,600,000 livres dont M. de Chalandray demande aujourd'hui le payement en attendant l'échéance du dernier terme de 2,000,000 livres.
A vue de cet état et des pièces qui précèdent, il ?ne peut rester aucun doute sur la société de MM. de Chalandray et de Montchevrel sur les avances par eux faites sur les assignations qui leur ont été données en remboursement et par anticipation.
Si deplu3 grandes preuves étaient nécessaires, M. de Chalandray pourrait encore produire son livre de compte pour établir cumulativement la' société, les services et les sommes payées aux différents agents de change, dont les certificats sont produits, et qui leur ont procuré des facilités pour l'exécution de ce même service ; mais cette nouvelle preuve serait surabondante et superflue ; celles qui ont été fournies sont plus que suffisantes; il ne convient pas de pénétrer indiscrètement sans motifs et sans raison dans le secret des gens d'affaires.
§ III.
Le sieur de Chalandray doit produire l'état actuel de l'actif et du passif de M. d'Artois.
On se dispense ici de toute réflexion, pour se borner à dire que cet état ne pourrait avoir rapport qu'à la grande question de savoir si on se chargera ou non de toutes les dettes de M. le comte d'Artois, ce qui est absolument étranger à l'affaire présente, et ne regarde que le comité des domaines, comme on l'a déjà observé; quant à M. de Chalandray, cet examen lui devient absolument indifférent, qu'il existe plus ou moins de dettes; que l'actif ou le passif soit plus ou moins considérable ; que M. le comte d'Artois ait fait ou non, en 1783, une déclaration sincère de ses dettes, ou qu'elles aient été augmentées dès cette époque ; que les sommes avancées à son trésor par M. de Chalandray aient réellement servi à éteindre d'anciennes dettes, tout cela ne peut concerner que les administrateurs des finances de M. d'Artois et non un créancier, qui ne s'est livré que sur la foi de l'engagement du roi, et de
la délégation spéciale du prince ; ainsi il est vrai dedirequesous quelque aspect que l'on considère cette affaire, la Créance de M. de Ghalandray n'en sera pas moins légitime, et entièrement indépendante de toutes les questions qu'on pourrait élever.
Cependant, comme cet état a été remis au comité des domaines, et communiqué à celui des finances, on en donnera ici un résultat très succinct.
Quant à l'actif, les administrateurs n'avaient d'abord remis qu'un étatdes domaines et des possessions, sans en articuler la valeur et le produit ; mais le comité des domaines ayant insisté, on a donné sur cet objet un second détail duquel il Tésulte que les re venus
sont de............. 413,873 L. 13 s. 10 d.
Quant à la valeur des domaines, il n'est pas également facile de la déterminer à vue dudit état, à raison des distractions qui sont à faire des objets sans produit, et des complications qu'il présente ; de manière qu'on ne pourrai! donner qu'une évaluation approximative, trop vague, trop incertaine pour être présentée à l'Assemblée.
L'état des créances, comme on a lieu de s'y attendre, doit être plus apparent que réel : aussi y a-t-on classé de prétendues répétitions à faire par le prince icomme héritier du roi Stanislas et de la reine son épouse, de fa feue reine son aïeule, comme héritier pour 1/5 de la prinoesse, fille du premier lit, dé monseigneurle Dauphin, son père, et de madame la Dauphine, sa mère, en fin comme héritier de Louis XV, son aïeul, et cela indépendamment des droits qui lui appartiennent comme fils de France et frère du roi.
A l'égard des dettes, l'état en est plus réel et moins incertain ; les administrateurs avaient d'abord donné un premier état qui, sans évaluer les capitaux des rentes viagères, portait les dettes à............. 23,725,8181. 19 a. 8 d.
Les intérêts y compris 350,000 livres de pensions accordées pour retraite à 2,009,600 1. "5 s. 4 d.,
ci................... 2,009,600 5 4
Dès lors,cesadminis-trateurs ont donné des états plus détaillés, desquels il résulterait qu'en évaluant les capitaux des rentes viagères à.............. 14,111,094 43 1
Le total des dettes monterait à plus de... 38,000,000 livres.
Comme ceci n'entre qu'indirectement dans 'ce .rapport, on laisse au comité des domaines le soin d'une liquidation plus précise.
Tour résumer en deux mots les deux rapports, l'affaire du fieur de Ghalandray a pour appui le bon du roi, l'exécution qu'ils reçue, la foi due à ce titre, et les -décrets par lesquels l'Assemblée a confirmé tous les engagements précis contractés par le chef de la nation, etrplusspécialement encore celui dont il^agit ici, puisqu'elle a fait payer à leurs échéances les rentes viagères qui faisaient partie de ce même engagement.
pièces justificatives.
JÎ0J.
Nous, soussignés, commissaires établis pour
l'administration des maison, domainés et finances de monseigneur comte d'Artois, attestons que le service dont étaient chargés MM. Le Couteulx,et dont il est question dans le bon du prince, du 14 mars 1784, a été remboursé dans les derniers mois 1787, et dans les trois premiers mois 1788; que MM. Le Couteulx peuvent attester qu'à cette époque, ils ont reçu leur remboursement; que, pour la valeur des fonds qui ont été versés en 1784 par M. de Ghalandray, et par augmentation de service, dans les trois premiers mois de 1788, il lui a été délivré par le trésorier des assignations sur le trésor du prince, qui se sont renouvelées à chaque échéance ; et qu'elles sont toutes conformes aux sommes que M. de Ghalandray réclame.
A Paris, ce vingt-un octobre mil sept cent quatre-vingt-dix. Signé: Demgncrif, dè ChevérU, La Madelaine, de B'runiéres.
N I.
Je, soussigné, certifie avoir travaillé en qualité d'agent de change, pour M. de Ghalandray, et à ca use de son service, pour M. le comte d Artois, d-e puis que j'ai succédé à M. Benoist ; en consé-qufc nce, je déclare lui avoir procuré annuellement des sommes considérables,tant pour négociations •de valeurs, que pour placement de billets aux porteurs, dont j'ai entretenu jusqu'à présent et j'en tretiens encore le renouvellement, autant que les circonstances et la confiance des capitalistes qui se servent de moi, peuvent le permettre.
Paris, ce 7 octobre 1790. Signé : Prévost, agent de change*
N III.
Je, soussigné, certifie avoir successivement, d epuis 1784, procuréà M. de Ghalandray les fonds ■qu il m'a demandés pour les services dont il a été chargé, et avoir placé ses valeurs et ses bil~ lets dans les portefeuilles des capitalistes dont j'avais la confiance.
A Paris, ce 7 octobre 1790. Signé : Autran, agent de change.
IV.
Je, soussigné, certifie avoir fourni, en qualité d*agent de change, à M. deChalandray, pour con-co urir au service dont il était chargé pour M. le co mte d'Artois, depuis l'année 1784 jusqu'en 1789, la somme de quinze cent mille livres à deux millions, année commune, sur billets au porteur, dont j'ai procuré successivement le renouvellement ou le remplacement. Je déclare, en outre, que, depuis ma retraite et dans ce moment -encore, j'ai ménagé à M. de Chalandray, en considération du même service, soit de mes propres fonds, soit de ceux des personnes qui veulent bien encore me consulter, un crédit d'environ huit cent mille livres, également sur billets au porteur.
A Paris, ce cinq octobre mil sept cent quatre-vingt-dix.
Signé.: Benoist, ancien agent de change, et sous-lieu tenant de la garde nationale de Dugny.
V.
Je, soussigné, trésorier de M. le comte d'Artois, déclare et atteste que, sur les assignations qui avaient été successivement fournies et renouvelées à M. de Chalandray, tant pour le premier service de 3,600,000 livres qu'il a fait depuis le 15 avril 1784, que pour l'augmentation dont il se chargea en octobre, novembre, décembre 1787, et janvier 1788, pour acquitter et remplacer le service de M. LeCouteulx, il lui a été remboursé directement par le Trésor royal, le 9 août 1788, sur les sommes déterminées parle bon du roi, du 28 décembre 1783, celle de 200,000 livres et par moi, les 13 et 29 août, 30 septembre, 25 et 30 octobre, 11, 14, 20, 25 et 30 novembre, 12, 23 et 29 décembre 1788, 22 janvier et 6 février 1789, 2,800,000 livres, tant en espèces, que dans les mêmes valeurs délivrées par le Trésor royal, aux teimes du bon du roi, et qui étaient dévolues audit sieur de Chalandray, en exécution de celui de M. le comte d'Artois, du 14 mars 1784, portant délégation en sa faveur.
A Paris, ce 20 novembre 1790.
Signé : Drouet dé SantErre.
A la séance de l'assemblée nationale du
Réponse au mémoire de M. Camus, du 6 août 1790, et courtes observations sur la partie de ce mémoire qui regarde M. d'Artois, par M. Mathieu de Jlloutinorency (1).
Il a été publié et envoyé à chaque député un écrit intitulé :
Réponse de M. Camus au mémoire adressé par M. Necker à VAssemblée nationale, le 1 eraoût 1790.
La situation actuelledes affaires de M. d'Artois, la place que son nom occupe dans les différents états de dépenses, et les sommes qu'on dit lui avoir été envoyées, depuis qu'il est dans les pays étrangers, sont un des principaux objets de cet écrit et du mémoire auquel il répond. Les mêmes réflexions de M. Camus, ou d'autres semblables sur le même sujet, ont été plus d'une fois présentées à la tribune de l'Assemblée nationale ; et il est facile d'imaginer qu'on les verra se reproduire encore. M. d'Artois est absent. On peut dire que la disposition générale des esprits ne paraît pas lui être favorable. Il ne s'offre plus à nos yeux entouré de tous les prestiges de la grandeur et de tout ce qui marche à sa suite, de cette foule de courtisans d'hier, parmi lesquels il ne serait
pas impossible de compter quelques-uns de ses détracteurs d'aujourd'hui. Attaquer maintenant un homme dans une pareille position, c'est suivre un des chemins les plus frayés parmi ceux qui mènent à l'honneur d'être applaudi. C'est saisir un moyen trop facile de captiver ces suffrages du jour et dç quelques groupes, que des ambitieux crédules prennent avec tant de complaisance pour l'opinion vraiment respectable des siècles et d'un peuple entier. Mais il y aura toujours des hommes qui sauront préférer à ces succès, que la raison et le temps apprécieront, à ces vains applaudissements, le langage simple de la vérité, dont la gloire peut être en retard, mais jamais entièrement perdue.
Je me suis proposé plusieurs fois d'opposer à ces déclamations tracassières, si j'ose m'exprimer ainsi, quelques faits que je certilie exacts, et quelques observations qui me semblent vraies. Je les dois à la justice; et si une seconde considération pouvait être appelée à l'appui d'un motif aussi déterminant pour tout bon citoyen, et encore plus pour tout législateur, j'ajouterais que je dois ce que je dis aujourd'hui à la reconnaissance, à l'attachement auquel la diversité la plus absolue d'opinions etde principes politiques ne saurait me faire renoncer : heureux que l'absence de tout intérêt particulier (1) me permette de m'y livrer avec plus d'abandon ! Je crois donc tout à la fois obéir à un sentiment et remplir un devoir, en soumettant quelques réflexions à mes collègues de l'Assemblée nationale. Je les adresse surtout à ceux (et c'est le très grand nombre) qui ne veulent pas que les abus existent ; mais qui n'ont jamais eu le besoin de se faire applaudir, en déclamant contre des abus qui ne peuvent plus exister.
J'imiterai l'exemple de M. Camus, en donnant cette notice au public parla voie de l'impression. Je le suivrai aussi dans la manière dont il a subdivisé et examiné les différents objets relatifs à M. d'Artois.
M. Camus distingue trois objets : 1° le3 fonds destinés à la dépense de la maison de M. d'Artois; 2° les fonds de 1,600,000 livres pour l'acquit des dettes de M. d'Artois; 3° les fonds annuels de 900,000 livres pour acquitter les créanciers des rentes viagères constituées par M. d'Artois.
1° Quant aux fonds destinés à la dépense de la maison de M. d'Artois, je dis qu'ils lui appartenaient au même titre et par les mêmes motifs que les revenus de son apanage, dont M. Camus veut les distinguer. Les uns et les autres lui ont été donnés par le roi, autorisés par les formes reçues alors de la revision de la chambre des comptes, garantis enfin par la nation, qui a déclaré qu'elle remplirait les engagements contractés par son chef, Outre les droits sacrés de la possession, le titre non moins sacré que pourrait réclamer M, d'Artois, n'est point une décision secrète du roi, dont M, Camus irait chercher les seuies traces dans le livre rouge ; c'est son contrat de mariage, cette pièce authentique et solennelle,- ce
genre de convention qu'il est moins permis d'altérer qu'aucune autre, et pour laquelle l'Assemblée nationale a prouvé son respect religieux dans sa décision à l'égard du douaire de la reine; son contrat de mariage qui, vis-à-vis du roi de Sardaigne, prend de plus le caractère inviolable d'un traité, et qui dès lors doit être scrupuleusement exécuté, jusqu'à ce que la nation l'ait solennellement révoqué. Ce contrat de mariage assure également à M. d'Artois, et les revenus de son apanage, et une maison qui est dite devoir être semblable à celle de Monsieur. Ainsi les fonds qui fournissent à la dépense de cette maison ne lui sont pa^ moins dus que les revenus de son apanage : ils lui ont été conservés de même par le décret de l'Assemblée nationale qui, en opérant une première réduction provisoire sur les dépenses des frères du roi, leur a laissé nécessairement, pour cette année, tout ce qui restait après cette réduction. Ces fonds doivent lui être payés jusqu'au décret définitif, qui statuera sur le sort des frères du roi. Ils ont dû l'être malgré le décret des 4 et 5 janvier, que cite M. Camus, non pas en distinguant M. d'Artois des autres citoyens (car je sais, comme M. Camus, que le frère du roi est citoyen, et je ne pense pas que l'on puisse désormais en France réclamer un plus beau titre que celui-là); mais en distinguant la nature dés fonds, en observant que ceux-ci diffèrent essentiellement de tous ceux indiqués par le décret des4 et 5 janvier, qu'ils sont fondés sur d'autres titres, et garantis par toutes les autorités légales qui se sont succédé jusqu'à ce moment ; qu'en un mot, comme je l'ai déjà dit, ilssontdela même nature et dans le même cas que les revenus de l'apanage ou le traitement destiné à les remplacer (l),queM. Camus lui-même ne conteste/ pas à M. d'Artois. C'est ce dont il est facile de se convaincre encore davantage, en jetant les yeux sur des observations qui viennent d'être publiées par la commission établie pour l'administration des finances de M. d'Artois, et qui renferment, avec plus de détails que je n'aurais pu en donner, l'exposé des droits de ce prince, toutes les pièces justificatives de ses recettes et de ses dépenses, depuis qu'il est sorti du royaume; enfin des notions exactes sur l'emploi de ses revenus, destinés en grande partie à acquitter des .gages pour des charges, dont les finances ont été versées dans le Trésor royal.
2° Quantaux 1,600,000 francs qui ont si vivement excité les sollicitudes oratoires de M. Gamus, il est difficile de rien ajouter, et aux moyens infiniment simples de l'ouvrage que je viens de citer, et aux réponses de M. Necker, dans son mémoire du 1er août.
D'abord ces fonds sur le payement desquels M. Camus s'était souvent et longuement étendu, n'ont pas été payés, et ce seul mot semblerait suffire. Mais il faut dire plus, à l'honneur de la justice et de la vérité; si M. Necker eût suivi l'usage constant et la marche de l'administration qu'il remplaça, ces mêmes fonds eussent été payés au milieu de 1789, c'est-à-dire à l'époque où nous n'avions encore entendu parler M. Ga-
mus, ni de finances, ni de liberté. Ces mêmes fonds eussent pu être encore payés depuis cette époque, puisque M. Necker les avait placés dans tous les états de dépenses qu'il avait présentés à l'Assemblée, dans l'aperçu des dépenses des huit derniers mois de l'année, dans l'état particulier des payements à faire pendant le cours de juillet, et lorsque M. Gamus rappelle à M. Necker un autre état intitulé : Aperçu des dépenses extraordinaires pour Vannée 1790, dans lequel l'emploi de ces mêmes fonds est indiqué, il ne lui fournit qu'une nouvelle occasion de démontrer que l'Assemblée nationale a été positivement et solennellement avertie d'une pareille destination par l'état de situation qui a motivé les secours extraordinaires qu'elle a votés. N'est-il pas simple aussi de remarquer que M. Gamus, en rappelant sans cesse ses plaintes constantes, mais inutiles, prouve mieux que je ne pourrais le faire, que l'Assemblée n'en a pas été frappée, puisqu'elle n'a rendu aucun décret qui retranchât cet objet de la liste des dépenses ? Ajoutons encore que les fonds en question, non seulement auraient pu, mais encore auraient dû être payés, puisque le seul décret formel que M. Gamus puisse invoquer contre leur payement, est du 16 juillet et par conséquent postérieur au moment où M. Camus croyait qu'il avait été effectué. Je persiste à penser qu'il doit l'être même après le décret du 16 juillet, parce que les dettes des frères du roi, lorsque le roi s'est solennellement obligé à les payer, sont devenues les siennes ; parce que, dans cette persuasion légitime,plusieurs particuliers ont pu faire des avances sur lesquelles M. Necker devait appeler les regards équitables de l'Assemblée nationale; parce qu'enfin le respect sacré pour la foi publique, qui a fait reconnaître par l'Assemblée sans examen toutes les dettes contractées avant elles par les autorités légales, ne permettent pas qu'aucun citoyen, qui a traité et pu traiter avec le seul représentant alors connu de la nation française, soit trompé dans aucune des conventions prises avec lui sous le sceau de cette fidélité à laquelle les peuples ne sauraient pas plus se soustraire que les particuliers, sans manquer à la morale, à la justice, et par conséquent, à leurs véritables intérêts.
3° J'ai peu d'observations à ajouter sur les neuf cent mille livres de rentes viagères auxquelles celles que j'ai faites sur le second article s'appliquent avec encore plus d'avantage, et qui ne peuvent pas ne pas être considérées comme des engagements solennels contractés par le roi.. Ces dernières observations porteront peut-être* jusqu'à l'évidence le danger, l'injustice, et je dirai l'immoralité d'une marche qu'on pourrait vraiment appeler rétroactive, du moment qu'elle reviendrait sur des conventions antérieures. Il suffit de savoir ce qui se passa en 1783, à l'égard de ces rentes viagères. C'est à cette époque que le roi consentit à payer les dettes de ses frères. Elles auraient pu être liquidées en argent comptant : c'est même ainsi que le furent celles de Monsieur presque en totalité, et c'est ce qui fait que son nom, ni les traces de l'arrangement qui le regardait ne se sont plus trouvés depuis dans les états des dépenses des années suivantes.
S'il en eût été ainsi de M. d'Artois, l'Etat eût été peut-être encore plus obéré dans le moment même ; mais dans celui-ci les regrets, les reproches de M. Gamus auraient été tout à fait vains et stériles. Ils n'eussent fait de tort à personne. Mais on pensa en 1783, les différents dépositaires de la confiance du roi et de M. d'Artois s'accor-
dèrent à penser qu'il serait indifférent aux créanciers de ce prince, et plus avantageux au Trésor royal, que ce serait une opération moins dispendieuse et moins susceptible d'aucune diversion de fonds, de convertir ces créances en rentes viagères qui, au lieu d'être acquittées par M. d'Artois, le seraient directement par le roi. Or, pourquoi les créanciers de M. d'Artois seraient-ils victimes d'un arrangement auquel ils ont consenti librement, parce qu'ils devaient le croire aussi inviolablement sûr qu'aucun autre, et parce que la garantie directe du roi ne pouvait que leur inspirer une nouvelle confiance dont ils seraient cruellement désabusés par l'Assemblée nationale ? J'ai cru nécessaire d'entrer dans ces détails, non pas pour justifier ces anciens arrangements; c'était, sans contredit, un mauvais or-are de choses que celui où le roi pouvait arbitrairement employer à payer les dettes de ses frères, ce qui ne lui appartenait pas, suivant les principes éternels et immuables que nous avons su depuis reconnaître, ce qui était la propriété, et devait être à la disposition du peuple. Mais j'ai voulu prouver que cet abus très grave n'appartient pas au moment présent, mais au temps passé ; que l'opération a été consommée le jour où l'engagement a été pris ; qu'en un mot, il n'est plus question là d'économie, mais de fidélité.
Je me sens entraîné à une réflexion générale que j'adresserai volontiers à M. Camus; car je crains qu'il ne cherche des motifs particuliers à ceux qui lui répondent, au lieu de discuter les raisonnements qu'ils lui opposent; je l'entends déjà répéter qu'il ne peut trouver d'adversaires que parmi ce qu'il lui plaît de nommer dans son écrit des hommes de cour. Eh bien ! je lui ferai, avec la franchise la plus entière, ma profession de foi sur les abus à la destruction desquels je ne crois pas avoir été tout à fait étranger, non plus que quelques-uns de ceux qui, dans la langue de M. Camus, pouvaient s'appeler autrefois des hommes de cour. Tant que les abus ont existé dans toute leur force, tant qu'ils ont été entourés de mille prestiges de puissance et d'opinion, tant qu'ils ont été essentiellement attachés, et, pour ainsi dire, inhérents à la forme du gouvernement, je pense qu'il a fallu les dénoncer avec zèle, les attaquer avec courage, les poursuivre avec constance, et en triompher par une opiniâtreté toujours victorieuse. Je pense que c'était là le droit, le devoir, la fonction la plus honorable de tout homme courageux et indépendant, qui se sentait digne d'être libre. Mais par une bizarrerie qu'il est cependant possible de s'expliquer, une partie de ceux qui parlent aujourd'hui se taisaient alors, et cet ancien et détestable régime n'a pas le moins profité à ceux-là qui en combattent le plus aujourd'hui le fantôme; mais quant à ce chaos de préjugés, d'erreurs et de toutes sortes d'éléments incohérents, il a succédé un nouvel ordre de choses, un gouvernement libre et représentatif, qui, par là même qu'il existe doit rendre impossible presque tous les abus les plus graves, tels que celui, par exemple, de voir payer arbitrairement les dettes des frères du roi, danger vraiment incompatible avec un Corps législatif consentant les impôts; alors toutes ces déclamations que j'appellerai rétrogrades, m'ont paru, je dois le dire, sans courage, sans utilité, et uniquement propres à capter ceux qui n'avaient ni mémoire, ni réflexion. En un mot, tant que les abus ont existé, il a fallu s'occuper de les détruire; aujourd'hui qu'ils n'exis-
tent plus, il faut les empêcher de se reproduire ; mais il faut laisser à l'ancien régime tout ce qui lui appartient ; laissons-lui surtout ce qui lui convenait mieux qu'à la liberté toujours aussi fière que généreuse, ces formes d'une adulation ser-vile pour le pouvoir naissant et d'une persécution barbare pour le pouvoir renversé.
a la séance de l'assemblée nationale du
Lettre pastorale de Charles-François Lefranc de
Pompignan, archevêque de Vienne, dénoncée à
l Assemblée nationale par le directoirè du district d'Annonay (1).
Charles-François, par la grâce de Dieu et du Saint-Siège apostolique archevêque de Vienne, primât des primats des Gaules, vice-gérant du souverain pontife dans la province viennoise et dans sept autres provinces ; — au clergé séculier et régulier et à tous les fidèles de notre diocèse : Salut et bénédiction en Notre-Seigneur' Jésus-Christ.
Ayez soin, mes Frères, de vous conduire avec une grande circonspection ; non comme des gens sans raison, mais comme des personnes sages, rachetant le temps, parce que les jours sont mauvais (2). Animée d'un zèle ardent pour le salut de ceux qui lui appartiennent, l'Eglise n'a jamais cessé de leur remettre devant les yeux cet avis de saint Paul aux Ephésiens : Réglez avec la plus grande circonspection toutes vos œuvres et toutes vos entreprises : dans toutes vos démarches, ayez pour guide la sagesse; non celle de la chair, non celle du siècle, mais celle qui vient d'en haut.
Lesiours de votre pèlerinage sont comptés, ils s'écoulent avec une extrême vitesse, et à travers une infinité de périls, vous risquez à chaque instant de vous perdre : ne négligez donc rien ; rachetez le temps, et à quelque prix que ce soit, de ces jours mauvais, de ces jours d'éprôuve, sachez vous en faire des jours ae grâce et de salut. Quand pourrions-nous être mieux autorisés, nos très chers Frères, à vous offrir et à vous développer ces mêmes avertissements? car dans les principes de l'Evangile dont Dieu lui-même nous a commis la dispensation à votre égard : ce qui rend les jours mauvais, c'est l'affaiblissement de la piété et de la religion parmi les tentations multipliées qui nous assaillent; ce qui rend les jours mauvais, ce sont les obscurcissements et les pertes de la foi à laquelle seule il est donné de vaincre le monde (3), mais, qui, se trouvant comme éteinte dans un grand nombre de ses enfants, les abandonne au dur et honteux esclavage de ce même monde ; en sorte qu'on les voit captivés par ses différentes attaches, intimidés et agités par ses vaines terreurs, en proie à toutes ses illusions : ce qui rend les jours mauvais, en un
mot, c'est Vamour du monde et de ce qui est dans le monde, amour qui ne saurait compatir avec celui que nous devons à notre Père céleste ; car, selon l'oracle énoncé par l'apôtre saint Jean, on ne trouve dans le monde que convoitise de la chair, convoitise des yeux, orgueil de la vie. C'est partout un désir insatiable et ries plaisirs, et des frivoles amusements de la curiosité et des richesses, de l'élévation enfin et des honneurs; ce qui vient non du Père céleste, mais du monde (1).
Quelque part que se portent à présent vos regards, nos très chers Frères, ne le rencontrent-ils pas, ce triomphe odieux des convoitises? Ne remarquez-vous pas avec quelle inconsidération; ou plutôt avec quelle espèce de fureur une multitude abusée sacrifie aux prétentions du temps, prétentions également futiles et incertaines, les plus solides assurances pour l'éternité? Ne les voyez-vous pas de tous côtés ces nobles enfants de la foi, qui se dégradent et s'avilissent eux-mêmes jusqu'à se rendre le3 esclaves du siècle présent? Partout des séductions plus efficaces; partout les moyens d'y échapper qui deviennent plus rares, et qui s'affaiblissent : ils sont donc mauvais les jours où nous vivons ! ils sont très mauvais : Dies mali sunt. Celui qui a la charge du salut de ses frères doit par conséquent mettre le plus grand soin à exciter leur vigilance. N'est-il pas redevable de la sienne, n'est-il pas redevable des plus tendres sollicitudes à chacun de ceux qu'il voit exposés à de tels périls ? Il en est redevable à ceux-mêmes qui en seraient déjà les malheureuses victimes ? que dira-t-il aux uns et aux autres? il leur prescrira et les conjurera de méditer attentivement ce que le bien-aimé disciple ajoute dans l'endroit même qui Vient d'être cité : Quq le monde passe avec tous les objets de ses convoitises, mais qu'en accomplissant la volonté divine on s'assurera l éternité (2). Oui, qui réfléchirait comme il faut sur ce peu de paroles, serait bientôt compté parmi les vrais sages, que nous voyons faire du temps le meilleur emploi, se dérober aux dangers des jours mauvais, n'user enfin du siècle présent qu'avec précaution et réserve.
Les convoitises du monde, les illusions du monde, ses terreurs comme ses attaches, passent avec lui ; mais qui accomplit la volonté de Dieu demeure éternellement : de siècle en siècle il a peuplé les déserts, ce divin oracle ; et ce même oracle aussi sera toujours capable de soutenir et d'animer ceux qu'il a déterminés à fuir le monde pour S'enfoncer dans les déserts. Sachez donc profiter et jouir d'un si précieux avantage, âmes d'élite, vous que la sublimité de votre vocation doit rendre l'objet de noire spéciale sollicitude : qui, sachez en profiter, nos très chers Frères, nos très chères Sœurs; sachez en jouir paisiblement et que la haine du monde, si elle vous poursuit dans vos asiles, ne les trouble pas. La lumière de la gfâce, ses victorieuses impressions . Vous avaient fait soupirer de bonne heure après les saints loisirs de la solitude : c'est pour vous y réfugier et y trouver le repos que vous aviez de-
mandé avec empressement les ailes de la colombe : ah! conservez-en la simplicité (1), votre attente ne sera point frustrée. Nous aurions souhaité vous voir tous, afin de vous procurer quelque utilité spi* rituelle, et de vous affermir dans le bien : nous aurions souhaité et vous donner et recevoir de vous les touchantes consolations de cette foi qui nous est commune (2). Mais ce divin Sauveur, dont nous ne sommes que le ministre, daignera lui-même vous les donner. Rappelez-vous, dit-il, ce que vous avez déjà entendu de moi ' Le serviteur ne doit pas être plus privilégié que son maître. S'ils m'ont persécuté, ils vous persécuteront également. Si lé monde vous hait, pensez que j'ai été avant vous l'objet de sa haine. Si vous étiez du monde, le monde aimerait ce qui serait à lui : mais parce que vousn'êtespoint du monde, et que je vous ai choisis du. milieu du monde, c'est pour cela qu'il voué hait (3).
Les apôtres de Jésus-Christ ne pouvaient parler autrement que leur Maître. Mes bien-aimés, disait celui qu'il en avait établi le chef, aux premiers disciples de l'Evangile, qui furent parmi les idolâtres ce que sont parmi les faux chrétiens de notre siècle, ceux qui font profession dé suivre l'Evangile jusque dans se9 conseils, ne trou-vez^vous pas étrange de vous voir dans ce feu des persécutions qui vous éprouvent, comme s'il vous arrivait quelque chose de fort extraordinaire .' votre devoir, c'est de suivre les traces de celui qui a souffert pour nous ; votre mérite, ce sera d'endu-rer patiemment des injustices en vue de lui; et c'est à quoi vous êtes appelés... Et même estimez* vous heureux, si ton vous fait des affronts et qu'on vous diffame pour le nom de Jésus-Christ ; ré-jouissez-vous a avoir part aux ignominies et aux souffrances de Jésus-Christ ; elles assurent vos titres à sa gloire (4).
L'apôtre des gentils établit les mêmes principes et emploie de semblables expressions, soit quand il écrit aux fidèles de Tliessalonique : Ne vous laissez point ébranler pat les persécutions qui nous arrivent ; vous n'ignorez pas que nous y sommes destinés (5) ; soit quand il encourage ainsi les Philippiens : Demeurez intrépides au milieu de Vos adversaires ; ce qui cause leur perte vous pro-curera le salut. Et reconnaissez le aon de Dieu; car
vous n'avez pas eu seulement l'avantage de vous attacher à Jésus-Christ par la foi, mais encore de. souffrir pour lui (1). Ames religieuses, donnez, une attention spéciale à ce que dit ici le saint apôtre. Ce fut pour vous un beau jour sans doute, quand vos vues et vos affections vous élevant au-dessus des choses du siècle, vous lui dites un éternel adieu : les prédicateurs de l'Evangile s'empressaient de monter à la tribune sacrée, pour célébrer ce magnifique triomphe; et ils ne manquaient pas d'en attribuer l'honneur à la foi, à la foi qui nous rend victorieux du monde (2).
Eh bien ! si votre gloire alors et votre bonheur, ce fut de vous montrer attachés à Jésus-Christ par une foi sincère vos avantages se sont accrus : aujourd'hui, il ne vous est pas donné seulement de croire en lui, nous dit son apôtre, mais encore de souffrir pour lui. Connaissez donc le prix de vos humiliations et de toutes vos peinas ; loin d'y succomber, sachez-en recueillir les fruits par une patience inaltérable. Point de murmures, point ae plaintes, sinon de celles qui s'adressent à Dieu et n'ont rien d'amer. Ceux qui vous prodiguent le mépris et vous haïssent, aimez-les; cherchez à devenir les bienfaiteurs de ceux quivous persécutent; priez pour eux. Que votre conduite les édifie, et que, les piquant d'une salutaire émulation, elle les engage enfin eux-mêmes à glorifier le Seigneur. Amassez sur leurs têtes les charbons ardents de la charité. Non, ne vous laissez, point vaincre par le mal, vainquez plutôt le mal par le bien (3).
Mais,supérieures aux menaces du monde, craignez se3 perfides insinuations et ses caresses. Le premier avis que donne Salomon à celui qu'il veut conduire dans les voies de la sagesse, c'est de se défier des flatteries des pécheurs et de s'éloigner deux (4), quand ils lui promettront de partager avec lui leurs richesses, leurs plaisirs toutes leurs vaines satisfactions. Et puisque ce fut la haine de ces biens trompeurs, en même temps que la crainte de périr avec ceux qui en jouissent ou qui les poursuivent, y mettant leur félicité ; oui, puisque ce fut ce double sentiment, et d'une haine éclairée,, et d'uue crainte magnanime qui détermina votre fuite, quand vous cherchâtes un asile dans le disert, n'allez pas dégénérer, et vous oublier Yous-mêmes. Hélas ! si les asiles du désert ont paru quelquefois perdre leur sûreté ; si un souffle pestilentiel y a quelquefois porté le ravage, n'est-ce pas lorsque les habitants du désert &ont commencé d'entretenir trop de rapports avec le siècle? Qu'Israël, que le peuple saint vienne à se mêler parmi les nations étrangères, il voudra bientôt prendre part à leurs criminelles occupations et à leurs fêtes plus criminelles; on le verra aiorer leurs infâmes idoles, et de chute en chute, se précipiter dans un abîme
sans Ton ! (1). Craignez, peuple du Seigneur, craignez de tels périls. Dans sa miséricorde il vous a ouvert des cités de refuge (2), tenez-vous y à couvert. Mais s'il ne vous était plus libre de demeurer dans celle dont vous auriez fait choix ? Ah t nous pouvons bien appliquer ici ce que- prescrivait le Sauveur à ses disciples, de fuir d'une cité dans l'autre. Vous n'aurez pas été, leur disait-il, par toutes les villes d'tf.raël, que le Fils de l'homme viendra (3). Oui; il viendra ce divinFils de l'homme : nous ne savons ni l'heure, ni le jour (4)*, mais il viendra,, soit pour vousconsoler dans votre fuite, en desaillant le3 yeux et touchant les coeurs *, soit pour donner la couronne qu'il a promise à ceux qui auront persévéré jusqu'à la fin (5), et qu'il leur prépare.
Et les âmes timorées, à qui semblent fermésdé-sormais de tels asiles, n'est-ce pas surtout pour elles que les dangers sont redoutables, les jours mauvais? Personne qui s'intéresse à notre salut, et nous ne saurions échapper, s'écrient-elles, tout espoir de fuite nous est ôté (6). Cependant qu'elles ne perdent pas confiance : celui quelles recherchent avec tant d'empressement est fidèle ; et il ne souffrira pas qu'elles soient tentées au-dessus de leurs forces. Il leur sera donné selon leur foi et leurs chastes désirs, afm qu'elles puissent conserver la simplicité des enfants de Dieu, et demeurer toujours irrépréhensibles malgré la commune dépravation, jetant une lumière pure, et telle que des flambeaux parmi les ténèbres du monde (7).
Nous ne craindrons pas de vous le dire à tous, nos trèâ chers Frères, les ténèbres de ce malheureux monde ne sont pas si épaisses, ses fatales illusions n'ont point tant d'efticacité, qu'il ne vous reste des moyens pour discerner au besoin la vérité et la suivre. Marchez-à la lumière tandis qu'il vous en reste, de peur que vous ne soyez surpris de la nuit.Ranimez votre foi; et puissiez-vous enfin vous montrer vrais enfants de lumière! (8) Ne vous arrêtez donc pas à répéter ces tristes, plaintes de l'ancien peuple, qui seraient incapables de vous justifier : Le Seigneur nous met en oubli : nous ne le voyons plus signaler par des prodiges sa protection : on n'entend plus la voix de ses prophètes (9).
Nous ne l'ignoroti3 pas, nos très chers Frères,, combien souvent et avec quelle véhémence elle est répétée, et par les bouches même les plus respectables, celte plainte qui, si elle est fondée, va
devenir pour vous le sujet d'une terrible condamnation, la plainte sur le silence des Prophètes en Israël; nous l'avons distinguée dans Péloignement; elle a retenti à nos oreilles: « Laisserez-vous, « nous dit-on sans cesse, laisserez-vous ravager « impunément, et sans y opposer la moindre ré-« sistance, le champ commis à vos soins ? Laisse-« rez-vous disperser, laisserez-vous égorger le « troupeau de Jésus-Christ ? Vous qui occupez la « place des porteurs, ne voyez-vous pas que vous « attirez sur vous la malédiction dont est frappé « le mercenaire ? Jetez les hauts cris, et si on « refuse de vous écouter criez encore : ne vous « lassez point : faites entendre les sons aigus de la « trompette au milieu de Jacob: réveillez ce pau-« vre peuple de son assoupissement ; annon-« cez-lui et l'énormité et les châtiments de ses « crimes (1). Quoi 1 on s'efforce de vous ravir ce que « vous devez avoir de plus cher ; on aveugle et on « séduit misérablement ceux dont vous aurez à « répondre âme pour âme ; en leur présentant sur « leurs droits des notions vagues et fausses, on « leur fait oublier leurs premiers devoirs, on « leur fait oublier leur destination non moins « glorieuse que sainte : on excite aux brigandages « et aux meurtres; on préconise les meurtres « commis; et vous vou3 taisez 1
« On ne se contente pas de ravaler à bien des « égards la loi de grâce au-dessous de la loi ju-« daïque, en effaçant par exemple les anathèmes « portés contre l'usure; on substitue sans pudeur « les dangereuses conceptions d'une philosophie « intempérante et versatile, dont le paganisme « lui-même ne put se contenter, à des vérités cer-« taines et immuables, à des vérités apportées « du ciel par un Dieu homme ; on osera s'élever « contre les ordonnances de Jésus-Christ, en bra-« vant ses menaces ; ses conseils, on les tournera « en dérision; en un mot, on déchire l'évangile; « oui, on le déchire : et vous vous taisez !
« On se récriera contre la servitude tant qu'on « ne jouira pas d'une licence sans bornes comme « sans frein. On réclamera une liberté indéfinie « de parler et d'écrire, afin de pourvoir désor-« mais blasphémer impunément : on ne veut plus « que l'autorité vienne de Dieu; elle serait trop « réprimante. Mais les lois plus insupportables « et les plus odieuses, ce seront celles que l'E-« glise a imposées : en feignant de réformer ses « tribunaux, on les renverse. Pour que les saintes « règles et de la foi et des mœurs soient plus « sûrement et plus universellement méprisées « dans la bouche du prêtre, on n'entend pas « qu'il les tienne désormais de la bouche des « premiers pasteurs : on ee fait un jeu sacrilège « de l'élever au-dessus d'eux, en même temps « qu'on le met aux pieds du simple laïque ; car « c'est afin d'anéantir toute subordination dans « l'Eglise, que sa divine hiérarchie est mise en » pièces; et vous vous taisez!
« On s'indigne que celui qui a bâti sur la « pierre ferme cette mystique cité, ait voulu aussi « qu'elle fût élevée au-dessus des collines et des « montagnes (2). Non, on ne peut souffrir que « l'Eglise demeure toujours éminemment visible ; « en sorte qu'il soit facile, du moins aux cœurs « droits, de la distinguer : on voudrait la rendre « méconnaissable ; vous le voyez, comme on at-« tente à son unité, soit en affectant de louer,
« de relever, de favoriser les sectes qui en sont « le plus ennemies, soit en détruisant la plupart « des rapports établis entre nos différentes Eglises « particulières et l'Eglise romaine, que Dieu lui-« même a rendue pour jamais le centre de toutes « les autres; à la sainteté qui la caractérise éga-» lement, sainteté prouvée par tant de prodiges ; « mais qu'on ose blasphémer, et dans les su-« blimes vérités que cette même Eglise enseigne, « et dans les justes qu'elle a formés, qu'elle « forme encore tous les jours, et jusque dans son « chef adorable ; à sa catholicité, en s'efforçant « de lui ravir les moyens qu'elle a droit d'em-« ployer, pour étendre et affermir son règne par-« tout l'univers : et en cherchant à la confondre « parmi la multitude des sectes d'avec lesquelles « elle est assez distinguée par ce nom même, ce « beau nom de catholique : à son aspostolicitê en « substituant des nouveautés à ce qu'elle reçut « de son origine, en déplaçant, par un profane « effort, des limites sacrées et en nous exposant « à ce reproche victorieux que fit toujours le « vrai fidèle aux auteurs de chaque hérésie et à « ses fauteurs, d'être étrangers à la tradition, et « de ne pouvoir, par une suite non interrompue « de pasteurs, remonter jusqu'à ceux institués « par les apôtres. Ne commencez-vous pas de « les éprouver, ces fatales secousses d'un boule-« versement presque général et sans exemple? « Le voilà qui s'enfonce, il est près de dispa-d raître, ce siège antique et si illustre, où vous « venez de vous asseoir au nom de Dieu ; bientôt « ce ne seront plus que des débris autour d'un « abîme; vous êtes le témoin de tout cela, et « vous vous taisez !
« Combien d'autels, combien de temples vont « être renversés, combien de profanés chaque « jour I on les dépouille tous ; on envahit le pa-« trimoine du pauvre : la religion n'a plus rien « de sacré, on outrage ses ministres; ses au-« gustes mystères, on les avilit ; on méconnaît « ses lois et on lui en prescrit sur les vœux et les « serments, sur les sacrements et le culte... Ce-« pendant vous vous taisez 1 » Est-ce une lâche pusillanimité de votre part? Est-ce indifférence? de l'indifférence pour les afflictions ou les avan-tages*de l'Eglise, d'une mère si respectable et si tendre ! Jérusalem, ô sainte Jérusalem, j'oublierais ce que je te dois! non ma voix et mes œuvres te sont consacrées : que plutôt ma main droite se dessèche et me devienne inutile, que ma langue s'attache à mon palais, si tu cesses jamais d'être l'objet de mes affections les plus douces (1)! Est-ce donc la crainte qui nous a retenus ? Sans doute nous avons craint, et nous le déclarons volontiers ici, nos très chers Frères, nous avons craint de manquer aux règles sévères et importantes de la discrétion, sachant qu'il ne suffit pas de présenter aux esprits la vérité, si on ne la présente à propos : nous avons craint de compromettre son autorité et sa gloire, en l'exposant aux injustices de la prévention : nous avons craint de rendre plus coupables ceux qui s'endurciraient contre ses impressions les plus salutaires, et s'obstineraient à lui fermer l'entrée de leur cœur : nous avons craint d'envenimer des plaies trop récentes encore, et que nous n'aurions pas touchées avec des précautions assez délicates : nous avons craint, disons-le encore, nous avons
craint que les circonstances pénibles où l'on nous voyait, ne lissent attribuer à nos plus justes réclamations des motifs indignes du caractère sacré dont nous avons l'honneur d'être revêtus : quoique nous eussions pour nous le témoignage de notre conscience, et que nous fussions infiniment plus touchés du péril éternel où allaient se mettre ceux qui coopéraient à l'invasion du patriotisme de Jésus-Christ, que de ce qu'il pourrait en résulter de privation ou d'humiliation pour son ministre : oui, nous avons craint qu'on ne suspectât, qu'on ne feignît au moins de suspecter nos intentions les plus droites ; qu'on ne nous imputât d'être plus occupés de quelque intérêt personnel que des maux ou des périls de notre peuple ; et que, de ces paroles de paix, semées innocemment au milieu de vous, on ne vînt à en abuser pour éloigner la paix, la paix ! un bien si précieux, si désirable ! La paix qui doit être Vobjet continuel de nos vœux et de nos poursuites, si nous aspirons à la vraie vie, aux jours heureux (1). « Les prophètes nous parlent d'un « temps où la multitude des coupables s'élève « contre quiconque lui adresse des discours de « salut et la reprend (2); temps signalé par l'é-« normité ainsi que par le nombre des trangres-« sions, par l'oppression du juste et du faible » : et alors, disent-ils, celui qui est prudent se tiendra en silence parce que le temps est mauvais (3).
Et toutefois croyez, nos très chers Frères, que nous ne les perdons pas de vue, ces décrets immuables qui nous obligent à parler. Sans vous dire que le Seigneur notre Dieu nou? rend fidèles à lui parler en votre faveur, quand nous le supplions pour nous-mêmes ; nous sommes toujours également disposés et prêts à vous parler de sa part, et à vous déclarer ses ordres de la manière que nous jugerons devant lui convenir davantage et à sa gloire et à votre intérêt spirituel. Mais le plus souvent ne suffirait-il pas d'opposer à ceux qui s'égarent leurs propres lumières sur la loi, sur son importance et son étendue, suf les menaces et les promesses qui l'ont sanctionnée ? N'en serait-ce point assez ou en faudrait-il beaucoup davantage aujourd'hui? Si le tribunal des consciences était assez intègre, ne serait-il donc point assez éclairé? Ne satisferons-nous pas à l'obligation qui nous est imposée de reprocher ses crimes à la maison de Jacob (4), si nous rappelons à la censure de son propre cœur chacun ae ceux qui prèvariquent (5)?
Voyez Isaïe au milieu d'une nation coupable des plus grands désordres : il lui est ordonné d'élever la voix pour s'opposer à tant d'excès et ramener ses frères de leurs funestes écarts. Mais que dirai-je, en criant ? répond le saint Prophète. Joute chair est comme l'herbe des champs et toute sa gloire comme la fleur de cette herbe. Oui, le peuple est comme l'herbe qui se dessèche et dont la fleur est bientôt tombée ; mais la parole du Seigneur notre Dieu subsistera éternellement (6).
Certes, il ne fallait que ce peu de mots bien médités pour faire d'Israël corrompu et follement livré au culte de ses idoles un peuple nouveau, un peuple saint. Et nous aussi, ne nous laissons plus aveugler, nos très chers Frères,, par les méprisables objets de nos passions ; réfléchissons, réfléchissons enfin et sur la vanité de tout ce qui est sujet au temps, de tout ce qui s'écoule et périt avec le temps et sur les longues destinées que nos œuvres nous préparent. Ainsi apprendrons-nous à le racheter, oui, à racheter le temps et dans le sens du grand apôtre; et nos jours constamment employés selon les règles de la vraie sagesse ne seront plus pour vous des jours mauvais. Les oracles sacrés ne le déclarent-ils pas à l'homme juste que le bien est pour lui, que tout va pour lui à souhait? Dicite justo quo-niam bene (1). A qui vous emploie dans le souvenir des années éternelles, oh ! que de biens vous lui apportez en effet, courtes et fugitives années! Encore une fois, nos très chers Frères, réfléchissez attentivement sur ces vérités non moins lumineuses que simples ; et nous n'aurons plus besoin de vous tant multiplier les instructions, les conseils ou les reproches. Dès lors aussi on n'aura point lieu de nous inculper nous-mêmes, comme si nous avions négligé nos obligations envers vous ; puisque votre conduite deviendra notre apologie ; heureuse apologie gravée et dans notre cœur et dans les vôtres par l'esprit du Dieu vivant! mais assez intelligible et assez manifeste pour être connue de tout le monde (2). Désormais on ne vous verra point, emportés à tous les vents des opinions nouvelles (3), ou égarés par le délire de vos propres idées au mépris de la divine parole que vous avez reçue et dont la vérité ni la sagesse ne sauraient passer. On ne vous verra point subjugués non plus par le vain appareil des respects humains; quand vous songerez que cette même parole à laquelle vous avez cru vous jugera (4), et que ce jugement doit être irrévocable. Que pourraient sur vous encore les suggestions de la cupidité ou de l'orgueil ? que pourraient les espérances du siècle ? Vous engageraient-elles à violer les saintes lois de la religion, de la justice, de la charité ? si vous considériez avec quelque attention ce qui vous fait mettre en si grand péril vos destinées éternelles, combien ce qui est près de vous séduire mérite peu de vous intéresser, que toute chair enfin se flétrit et tombe comme l'herbe des prairies, que les avantages du siècle sont les fleurs de cette herbe qui se flétrissent avant elle, et quelle folie ce serait de sacrifier ainsi les fruits d'immortalité pour des fleurs sitôt fanées, et qui échappent même le plus souvent aux mains si vainement empressées de les cueillir : car on ne suffirait jamais à nombrer les chagrins, les regrets, les cuisants dépits que causent aux amateurs du monde et à ses sages leur prétention et leur attente frustrée de la sorte, leurs espérances tant de fois déçues. En quoi il faut néanmoins bénir la bonté et la charité de Dieu à leur égard ;
car il veut par là empêcher qu'ils ne continuent à s'éloigner de lui, et qu'ils ne se perdent en cherchant leur repos et mettant toute leur consolation ici-bas; qu'ils n'oublient absolument leur véritable patrie pour ce lieu d'exil, le ciel pour la terre; qu'ils ne se complaisent, qu'ils ne se glorifient dans les perfides succès d'une prudence charnelle, et qu'ils ne viennent enfin à s'élever hautement contre lui, blasphémant l'oracle consigné dans ses écritures : Il n'y a point de sagesse, il n'y a point de prudence; il n'y a point de conseil contre le Seigneur (1).
Disons-le, nos très chers Frères, il semble que nous pouvons assez facilement les apercevoir et les reconnaître ces conduites d'une sévérité toute miséricordieuse sur notre France. De quoi y paraît-on occupé, depuis je ne sais combien a'années? Hélas! fort peu des objets de la religion et de la religion elle-même, fort peu d'encourager et de favoriser la vertu, fort peu de ce qui contribuerait pour chacun de nous au succès de la grande affaire, de l'affaire dont les conséquences seront éternelles. On n'a rien ou presque rien voulu faire, en un mot, pour bâtir la cité de Dieu, et qu'est-ce qu'on n'a pas fait pour la cité périssable du mondes Que de recherches, que de combinaisons et de systèmes, que d'écrits, combien d'essais sur l'agriculture, sur le commerce, soit intérieur soit avec l'étranger r sur les manufactures et les arts; sur la législation, sur les moyens d'assurer ce qu'on appelle le bonheur des citoyens, en assurant et augmentant leur aisance; 3ur les moyens encore d'accroître les richesses de l'Etat ; sur son crédit et ses ressources, ses relations et ses intérêts, sa population, son gouvernement, sa force militaire, ses alliances! S'il y a eu surtout cela beaucoup de sagacité dans les vues, de suite et d'habileté dans les discussions, dans les travaux, ne le demandez pas à un évêque, mais ce qu'il ne saurait trop vous répéter, c'est que des chrétiens ne devaient pas tout rapporter à des soins profanes. Or, le Seigneur notre Dieu, qui pouvait châtier ce criminel oubli de sa loi et de lui-même en donnant une pleine réussite à de tels soins, n'a pas voulu exercer un jugement si rigoureux sur ses enfants. Il leur refuse donc un repos qu'ils ont cherché hors de lui; il leur refuse ses vains contentements qui leur deviendraient si funestes, ou il y fait mêler de salutaires amertumes; et confondant les desseins d'une sagesse toujours ennemie de la sienne, il trouble la félicité de la terre, afin qu'on arrive, par de saints désirs et des efforts généreux, à celle qui nous est réservée dans le ciel.
A-t-il eu besoin pour cela de déployer la force de son bras vengeur? l'a-t-on vu s'armer des redoutables fléaux de sa colère ? Non, il les tient encore en réserve, et déjà la prudence du siècle abandonnée, pour ainsi dire à elle-même, se trouve déconcertée. Ainsi,n'a-t-il pas voulu renverser l'ordre des saisons ; nos campagnes il ne le3 a point frappées de stérilité : et au milieu des plus belles récoltes, vous le savez mieux qu'on ne peut vous le dire, presque tous les moyens de subsistance ont manqué. Il a permis qu'on multipliât et perfectionnât à l'envi les ateliers de fabrication pour les différents métiers el les arts, qu'on leur prodiguât les encouragements de toute espèce : cependant ne l'entendons-no us pas, com-
ment chacun se plaint, qu'une multitude de ces mains si industrieuses sont condamnées à resler oisives? nous ne l'avons point vu mettre d'obstacles aux brillantes spéculations, .ni aux entreprises du commerce : et dans nos ports, et sur nos places, quand le comnerce parut-il plus découragé, plus languissant? Il a éloigné de nos provincesles horreurs de la guerre: et néanmoins,, les voyons-nous jamais libres d'alarmes? On s'épouvante sans sujet (l), il est vrai-, mais ces vaines craintes, elles deviennent un supplice réel.
Appliquerons-nous ici ce que disait le prophète Isaïe ? Ne parlez plus de conjuration : car à entendre ce peuple, il y a de la conjuration partout. Ne partagez point ses erreurs... (2). Non, reconnaissons-le, nos très chers Frères, il en existe une en effet; et le foyer de cette fatale conjurations est dans nos mœurs! Nos inclinations perverses, nos erreurs et nos préjugés, nos criminels engagements, nos habitudes déréglées ont conspiré contre nous, et nous n'avons pas craint nous-mêmes de conspirer contre notre Dieu : car, dans un autre prophète (3), le Seigneur se plaint amèrement de ce que son peuple, son peuple ingrat, a formé une conjuration contre lui, au mépris de l'alliance la plus sainte et la plus solennelle. Inventa est conjuratio in viris Juda et in habitato-ribus Jerusalem(i). Renonçons pour jamais à ces dispositions de révolte; cessons de nous élever contre ce Dieu juste et terrible, et cessons de repousser les avances de ce Dieu plein de bonté: sa bonté se manifeste jusque dans les châtiments qu'il nous inflige. Cherchons auprès de fui les consolations delà foi: ne désirons point d'autres consolations que celles de la foi.
Nous vous y exhortons, nos très chers Frères, en vous répétant ce qu'écrivait l'apôtre saint Paul aux fidèles de cette même nation, qui s'attira tant de fois les reproches des prophètes. Le juste vit de la foi, leur disait-il: or, nous ne sommes pas des enfants de révolte pour nous perdre, mais des enfants de la foi pour sauver nos âmes. Gardez-vous bien de négliger la correction du Seigneur; et ne perdez point courage. Il en use avec vous comme avec ses enfants ; quel est l'enfant que son père ne corrige ? Ceux qui auront su profiter de ces épreuves y trouveront le sujet d'une grande joie. Marchez constamment dans les voies de la justice, et soyez fidèles à la grâce. Vivez dans une union vraiment fraternelle, souvenez-vous de ceux qui souffrent, et partagez leurs afflictions. Que vos mœurs soient pures : Dieu jugera ce qui aura échappé à la censure, ou peut-être à la connaissance des hommes. Lui-même a dit : Je ne vous abandonnerai point ; contents de ce que vous avez entre lès mains, abandonnez-vous donc à sa providence. Jésus-Christ est toujours le même: défiez-vous de ces doctrines curieuses et étrangères qui vous éloigneraient de lui. Ne cessons point a' offrir,par cet adorable médiateur, des sacrifices de louanges à notre Dieu. Les œuvres de bienfaisance et de charité, voilà encore des hosties qui seront agréées.
Demeurez soumis et obéissants à ceux qui sont établis pour gouverner; afin que s'ils veillent, comme ayant à rendre compte de vos âmes, ils remr
plissent ce devoir avec joie, et non en gémissant ; ce qui ne serait point votre avantage (I).
ilendez-vous particulièrement attentifs, nos très chers Frères, à cette dernière et importante recommandation du saint apôtre. Ahl puissiez-vous n'oublier jamais que, dans l'ordre du salut, tout dépend, pour vous, de cette religieuse soumission aux pasteurs! C'est à eux de former et d'éclairer votre foi ; c'est à eux de guider et d'assurer vos pas dans les bonnes voies. Dieu lui-même les a revêtus de son autorité à votre égard: et, comme il veut que vous soyez l'objet continuel de leurs pieuses sollicitudes, il veut aussi que vous en deveniez la consolation.
Ne négligez donc rien, puisqu'il s'agit de vos plus pressants intérêts. Voudriez-vous, par votre indocilité, aggraver encore un tel fardeau? Au reste, vous ne Je feriez pas impunément: et vous en êtes prévenus ici par le saintapôtre; car, observez en quels termes il s'exprime: «Si vous « affligez vos pasteurs et que vous les réduisiez « à ne remplir qu'en gémissant leurs obligations « à votre égard », ce ne sera pas votre bien. Gomme s'il disait : ils ne perdront pas les fruits de leur fidélité constante à exécuter les ordres qu'ils avaient reçus, les fruits de leur obéissance, de leur charité et de leur zèle; non, les bénédictions de paix qu'ils désiraient tant vous communiquer retomberont sur eux ; mais sachez que Dieu sera touché de leur affliction à laquelle vous aurez été insensibles, qu'il prendra leur cause en main, et que leurs gémissements méprisés, selevant jusqu'à son trône, amasseront sur vos têtes les trésors d'une vengeance d'autant plus terrible, qu'elle n'aura pas été sollicitée : tout le mal 3era pour vous. Hoc enim non expedit vobis. Oli ! que n'y a-t-il donc pas à craindre pour les peuples malheureusement séduits et.égarés, chez qui ce fatal esprit d'insubordination semble faire chaque jour de nouveaux progrés, chez qui il a déjà fait tant de ravages 1 Il n'y a plus guère d'endroit peut-être qui soit demeuré insensible à la contagion, mais il n'y en a que trop où le mal est au comble.
Les brebis, si on peut encore leur donner ce nom, n'écoulent plus la voix des pasteurs. Traversez les mers et observer ceux qui habitent les îles de Cêthim : pénétrez sous les tentes dispersées dans les déserts de Cédar ; considérez atten-
tivement ce qui se pratique chez les nations les plus éloignées, ch 'Z celles qui ne furent jamais assujetties à l'Evangile ; les verrez-vous traiter ainsi les ministres de leurs cultes profanes et superstitieux (1). Que vous servira, dirons-nous, soit à tels ou à tels d'entre les coupables, soit à d'autres que nous saurions près de le devenir, que vous servira d'être nés au milieu des splendeurs de la vérité, si vous vous élevez de la sorte contre ceux que le Seigneur avait commis pour vous en dispenser les orac'es ? Non, le troupeau qui a méconnu la voix du pasteur est déjà un troupeau sans pasteur, et bientôt errant, dispersé, il va rester en proie aux bête3 féroces. Croyez donc, nos très chers Frères, que ce sera non pas un esprit, de domination sur les héritages du Seigneur (2), mais par le mouvement d'un zèle sincère et désintéressé pour le bien de vos à nés que nos chers et vénérables coopérâtes dans le ministère qui nous lie à vous pour jamais, vous diront'ce que nous-mêmes vous répétons encore après saint Paul : Vivez soumis à ceux qui, établis pour vous gouverner, seront responsables de votre salut : et faites en sorte qu'ils trouvent leur joie à remplir une pareille obligation. Si vous les réduisiez à ne la remplir qu'en gémissant, ce ne serait pas votre bien. Assistez-nous de vos prières (3) : nous vous le demandons pour eux et pour nous, comme le demandait à ses néophytes hébreux le même apôtre. Et plû.1 à Dieu que tous vos pasteurs de tous les ordres eussent aussi le droit d'ajouter avec une semblable confiance :Nous nous rendons ce témoignage que notre conscience est droite et affermie dans le désir de nous bien comporter en toutes choses (4). Mais si nous ne sommes pas toujours tels que nous devrions être, aftligez-vous de celte fragilité humiliante pour nous, sans en prendre occasion de vous élever,. craignez plutôt pour vous-mêmes : nos maux spirituels ne manquent guère de causer les vôtres, s'ils n'en sont déjà une punition. Recourez donc pour vous comme pour nous au Père des miséricordes, conjurez-le de nous rendre, par sa grâce, des ouvriers sans reproche et dont son Eglise n'ait point à rougir (5), des ministres dignes de lui offrir, pour vous, ainsi que pour eux des sacrifices qu'il agrée (6); oui, des agents, des émules de son amour tels qu'on puisse les voir s'employer avec une ardeur infatigable et à vous procurer les vrais biens et à étendre sa gloire; des pasteurs qui sachent vous guider dans la bonne voie, des pasteurs soigneux de vous nourrir d'une pure doctrine, et vigilants pour vous défendre; des pasteurs enfin selon son cœur (7). Nous la demandons à toute celte assistance charitable; mais nous la demanderons spécialement aux âmes cachées en Jésus-Christ, qui connaissent mieux et par une bienheureuse ex* périence, le prix estimable de la prières, son efficacité.
L'apôtre des Hébreux terminait son épître, l'une des plus longues que nous ayons de lui, en- leur témoignant combien il souhaitait les voir agréer ce qu'il leur avait écrit succintement pour la con-
solation de leur foi : et c'est ce que nous ferons également ici, nos très chers Frères. Rogo vos, fratres, ut sufferatis verbum solatii: etenimper paucis scripsi vobis (1). Oui, nous vous supplions de prendre en bonne part ces paroles de consolation. Si nous nous sommes si peu étendus, à proportion de la multitude des choses dont nous aurions à vous entretenir, nous n'avons pas manqué de vous en déclarer les principaux motifs, nous reconnaissant toutefois obligés de suppléer dans la suite à ce que paraîtraient demander tant vos besoins que les circonstances; et croyez que nos engagements à votre égard seront toujours chers à ce cœur où nous vous portons pour mourir comme
Sour vivre avec vous. Recevez nous dans le vôtre (2). ous finirons, én souhaitant devant Dieu, à chacun de vous les bénédictions que nous désirons et que nous sollicitons auprès de lui pour nous-méme. Gratia cum omnibus vobis! Amen (3).
Donné à Vienne, le vingt-deux août mil sept cent quatre-vingt-dix.
Charles François, Archevêque de Vienne.
Par Monseigneur, Recou rd on, secrétaire.
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du 20 septembre au matin.
Ce procès-verbal est adopté.
, député du département de la Meurthe, demande et obtient un congé de quelques jours.
, député de Ploër-mel, réclame contre une note insérée à la suite d'un imprimé distribué ce jour, concernant les domaines congéables, dans laquelle on annonce que les députés du Morbihan n'ont pas distribué un ouvrage sur le même sujet qui leur avait été adressé. Il observe que celte distribution a été notoirement faite, il y a plus d'un mois, aux deux portes de la salle, par le fils du commis du bureau de l'inspecteur et qu'il n'est resté que deux exemplaires qui ont été remis, il y a peu de jours, à un député breton qui n'en avait pas reçu.
Je suis chargé par les membres de la députation qui a assisté à la cérémonie funèbre,
célébrée hier au champ de la fédération en l'honneur des gardes nationales victimes de leur
patriotisme, de vous en présenter un tableau court, et restreint pour ainsi dire
« Messieurs, la députation de l'Assemblée nationale s'est rendue hier matin en cérémonie au champ de la fédération ; elle y a été reçue par M. le maire et la municipalité de Paris, et accueillie par MM. les officiers de la garde nationale, de la manière la plus empressée. Nous avons été conduits à la place destinée aux représentants de la nation. L'affluence des spectateurs est devenue immense. Les divers corps de troupes se sont avancés sous nos yeux dans le plus grand ordre ; les lignes se sont formées de même. Le plus profond silence qui régnait, augmentait ce qu'avaient de lugubre la musique et la décoration. Jamais homme n'a vu un spectacle aussi majestueux, aussi imposant, aussi puissant sur l'âme. Différent du grand jour de la Fédération celui d'hier avait, comme lui, le caractère bien marqué. L'un présentait le tableau de la joie du cœur la plus exaltée ; l'autre, l'affliction fraternelle, qui ne sait que sentir et pleurer.
« La messe dite, M. le commandant de la garde nationale a traversé à pied le champ de la fédération, et est venu, accompagné du clergé, inviter la députation de l'Assemblée nationale à s'approcher de l'autel pour y rendre les derniers devoirs aux âmes des généreux guerriers dont nous voyions la pompe funéraire.
« Nous nous sommes avancés dans le champ de la fédération ; nous sommes montés à l'autel qui était au pied du mausolée entouré de peupliers, de torches funéraires, et de jeunes soldats de la garde nationale, qui semblaient, autour de ce tombeau vénérable, prendre la première leçon de mourir pour la patrie. La députation a fait le tour de l'autel, et jeté de l'eau bénite sur le tombeau. C'est alors que, dans la douleur et l'admiration, nous avons tous remarqué et retenu les quatre fidèles inscriptions qui décorent les quatre faces du monument. Il nous a paru que la reconnaissance doit les consacrer, la jeunesse les lire, la postérité les conserver.
« Première : Aux mânes des braves guerriers morts à Nancy, pour la défense de la loi, le 31 août 1790.
« Deuxième : Ennemis de la patrie, tremblez; ils laissent leur exemple.
« Troisième : Le marbre et Vairain périront; leur gloire est éternelle comme Vempire de la li-r berté.
« Quatrième : C'est dans ce champ qu'ils venaient de jurer d'être fidèles à la nation, à la loi et au roi.
« Messieurs, en silence et les yeux mouillés de larmes, nous sommes ensuite descendus de l'autel; nous avons été reconduits avec dignité jusqu'à l'entrée du champ de la fédération, et nous nous en sommes éloignés, en désirant de ne revoir jamais de spectacle semblable. »
(L'Assemblée décide que le récit deHeurtault-Lamerville sera inséré en entier au procès-verbal.)
, membre du comité des finances, propose un projet de décret qui est adopté en ces termes :
« L'Assemblée nationale autorise le président du comité de liquidation à écrire à M. Dufresne, pour qu'il fasse payer à M. Simon, premier commis de rapporteur du tribunal des maréchaux de France, la somme de 2,000 livres, portée sur
une ordonnance de payement, en date du 30 décembre 1789, signée la Tour-du-Pin. >
, membre du comité des finances, propose sur le mode de répartition et de perception de Vimpôt pour les parties d'anciennes provinces comprises dans plusieurs départements, un projet de décret qui, après quelques observations, est décrété ainsi qu'il suit :
« L'Assemblée nationale, considérant que plusieurs des anciennes provinces se trouvent tellement divisées entre plusieurs départements, que quelques-unes de ces nouvelles administrations ne reçoivent qu'un très petit nombre de communautés par l'effet de cette division, et n'ont dès lors qu'un modique intérêt aux opérations prescrites par l'article 10 de la troisième section du décret du 22 décembre 1789, qu'il est cependant indispensable d'accélérer, principalement pour assigner les dépenses qui peuvent être prises sur les fonds libres, décrète ce qui suit :
« Art. 1er. Les opérations prescrites par l'article 10 de la
troisième section du décret du 22 décembre 1789, sanctionné en janvier, pourront être faites,
pour les anciennes administrations qui ont été partagées en plus de trois départements, par
les commissaires qui auront été nommés pour trois départements au moins, lorsque les-dits
commissaires se trouveront réunis au nombre de six. .
« Art. 2. Le jour où ces opérations devront commencer sera indiqué par les deux commissaires choisis par le département qui comprendra le chef-lieu de l'ancienne administration, et par eux annoncé aux directoires des autres départements qui ont intérêt à la liquidation.
« Art. 3. Les directoires de département qui auront reçu cet avis, le communiqueront sans I délai aux commissaires qui auront été nommés par le département pour concourir à cette opération.
« Art. 4. Ces deux commissaires, après en avoir délibéré avec le directoire, feront connaître aux deux commissaires du département qui comprend le chef-lieu de l'administration, s'il entendent ou non se rendre au lieu et jour indiqués.
« Art. 5. Ledit jour arrivé, l'opération commencera lorsque les commissaires seront réunis au moins au nombre de six pour trois départements.
« Art. 6. Les commissaires d'un département qui aura reçu plus de la deuxième partie du nombre des communautés qui dépendaient de la précédente administration, ne pourront au surplus se dispenser, si ce n'est pour cause de maladie, d'assister à l'opération.
« Art. 7. Lorsque l'opération de la liquidation sera consommée, le compte qui doit en être rendu à une assemblée formée de quatre autres commissaires nommés par chaque administration de département, pourra de même être clos et arrêté définitivement, lorsque lesdits commissaires se trouveront au moins réunis au nombre de douze pour trois départements. »
L'ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret sur le mode d'avancement militaire.
Dans sa séance d'hier, l'Assemblée a adopté le titre Ier du projet et le3 articles 1 à 15 du titre II.
, rapporteur, donne
lecture des articles. L'Assemblée les adopte sans discussion, ainsi qu'il suit :
« Art. 16. On parviendra du grade de lieutenant-colonel à celui de colonel, par ancienneté et par le choix du roi, ainsi qu'il va être expliqué.
« Art. 17. L'avancement au grade de colonel, soit par ancienneté, soit par le choix du roi, sera, pendant la paix, sur toute l'arme ; à la guerre, le tour d ancienneté sera sur le régiment.
« Art. 18. Sur trois places de colonel, vacantes dans une arme, deux seront données aux plus anciens lieutenants-colonels en activité de l'arme, et la troisième, par le choix du roi, à un lieutenant-colonel en activité dans cette arme depuis deux ans au moins.
« Art. 19. On parviendra du grade de colonel à celui de maréchal de camp, par ancienneté et par le choix du roi, ainsi qu'il va être expliqué.
« Art. 20. Sur quatre places vacantes dans le nombre fixé des maréchaux de camp en activité, deux seront données aux plus anciens colonels en activité de l'arme, et deux au choix du roi aux colonels en activité depuis deux ans au moins.
« Art. 21. Si un colonel que son tour d'ancienneté porterait au grade de maréchal de camp, préférait se retirer avec ce grade à y être en activité, il en aurait la liberté, et recevrait la retraite fixée pour les colonels, sans égard à son grade de maréchal de camp.
« Art. 22. Le colonel qui préférerait se retirer avec le grade de maréchal de camp, sans y être employé, ne pourrait néanmoins faire perdre le tour d'ancienneté à celui qui le suivrait, et qui, dans ce cas, serait nommé à la place vacante.
Art. 23. On parviendra du grade de maréchal de camp à celui de lieutenant général par ancienneté et par le choix du roi, ainsi qu'il va être expliqué.
« Art. 24. Sur quatre places vacanles dans le nombre fixé des lieutenants généraux en activité, deux seront données aux plus anciens maréchaux de camp en activité, et deux au choix du roi, à des maréchaux de camp, également en activité.
« Art. 25. Si un maréchal de camp, que son tour d'ancienneté, porterait au grade de lieutenant général, préférerait de se retirer avec ce grade, à y être en activité, il en aurait la liberté, et recevrait la retraite fixée pour les maréchaux de camp, sans égard cependant à son grade de lieutenant général.
« Art. 26. Le maréchal de camp qui préférerait -se retirer avec le ,grade de lieutenant général, sans y être employé, ne pourrait néanmoins faire perdre le tour d'ancienneté à celui qui le suivrait, et qui, dans ce cas, serait nommé a la place vacante.
Art. 27. Le grade de maréchal de France sera conféré par le choix du roi. »
lit les treize articles compris au titre du remplacement des officiers réformés par la nouvelle organisation ; ils sont mis aux voix et décrétés ainsi qu'il suit :
remplacement des officiers réformés par la nouvelle organisation
TITRE Ier.
« Les officiers réformés par la nouvelle orga-
nidation seront remplacés suivant les. règles établies ci-après.
« Art. 1er. Les sous-lieutenants en activité, réformés par la
nouvelle organisation, seront remplacés dans leurs régiments, aux premières places vacantes
de leur grade, sans concurrence avec les officiers de ce grade qui n'y auraient pas été
employés en activité.
« Art. 2. Les porte-drapeaux, porle-étendards et porte-guidons., réformés par la nouvelle organisation, seront remplacés dans le grade de sous-lieuienant, parmi lesquels ils prendront rang de la date de leur brevet, ou lettres de porte-drapeaux, porte-étendards et porte-guidons, conformément à ce qui va être prescrit.
« Art. 3. Les porte-draj eaux, porte-étendard s porte-guidons prendront rang parmi les sous-lieutenants, de la date de leur brevet ou lettres de porte-drapeaux, pôrte-étendards et porte-guidons, et d'après cette disposition ils suivront leur avancement au grade de lieutenant; il en sera de même des sous-lieutenants, ci-devant dits de fortune.
« Art. 4. Les porte-drapeaux, porte-élendards, porte-guidons et sous-lieutenants, ci-devant dits de fortune, promus au grade de lieutenant, prendront rang parmi les lieutenants, suivant celui qu'ils devraient occuper s'ils avaient été promus à ce grade à leur tour .de sous-lieu tenant, et d'après cette disposition, ils suivront leur avancement au grade de capitaine, dans lequel ils prendront rang de la date de leur brevet de ce grade.
« Art. 5. Les ci-devant cadets gentilshommes et les sous-lieutenants de remplacement seront remplacés dans leur arme et sur toute l'arme, aux premières places vacantes de sous-lieutenants, eans nuire néanmoins au droit accordé aux sous-officiers, d'obtenir une place sur quatre, immédiatement après le remplacement des sous-lieutenants en activité, réformés par la nouvelle organisation.
« Art. 6. Les ci-devant cadets gentilshommes ayant eu le brevet d'oflicier comme sous lieutenant de remplacement, et les sous-lieutenants de remplacement prendront rang parmi les sous-lieutenants, en rentrant en activité de l.a date de leur brevet de sous-lieutenant.
« Art. !.. Les lieutenants en activité, réformés ou remis en activité comme sous-lieutenants, par la nouvelle organisation, seront remplacés aux premières places vacantes de leur grade dans leur régiment, sans concurrence avec les officiers qui a uraient droit, rar leur ancienneté, à leur avancement dans ce grade, mais qui n'y auraient pas été employés en activité.
« Art. 8. Les capitaines ayant troupe dans les îroupes à cheval, les capitaines en fécond dans l'infanterie, réformés par la nouvelle organisation, seront remplacés par ancienneté aux premières places vacantes de leur grade dans leur régiment.
« Art. 9. Les lieutenants pourvus de la commission de capitaine ne pourront prétendre à être remplacés dans ce grade que lorsque leur tour d'ancienneté dans le grade où ils sont, les y portera.
« Ces officiers néanmoins prendront rang dans la colonne des capitaines de leur arme, de la date de leur commission dans ce grade, pour concourir à leur avancement par ancienneté aux emplois supérieurs, sans pouvoir cependant reprendre rang, pour le commandement dans les régiments, sur les officiers du même grade qui y
auraient été en activité avant eux, et parvenir aux emplois supérieurs avant d'avoir été en activité pendant deux ans comme capitaines.
« Art. 40. Les officiers en activité dans les grades de capitaines et de lieutenants-colonels, et pourvus d'un brevet de grade supérieur, ne pourront prétendre à y être remplacés que lorsque leur tour d'ancienneté, dans le grade où ils sont en activité, les y portera, ou que.par le choix du roi.
« Art. 11. Les officiers pourvus de brevet du grade supérieur à celui dans lequel ils sont en activité, prendront néanmoins rang dans la colonne des officiers de ce grade pour leur avancement à un emploi supérieur de la date de leur brevet; mais ils ne pourront en être susceptibles qu'après avoir été deux ans en activité dans le grade dont ils ont le brevet, et ne pourront prendre rang, pour le commandement dans les régiments, sur les officiers du même grade qui y auraient été en activité avant eux.
« Art. 12. Les maréchaux de cûmp qui ne seront pas compris dans le nombre de ceux conservés en activité, pourront y être remplacés par moitié dans le nombre réservé au choix du roi, par l'article 20 du titre II de l'avancement.
« Art. 13. Les lieutenants généraux qui ne seront pas compris dans le nombre de ceux conservés en activité, pourront y être remplacés par moitié dans le nombre réservé au choix du roi par l'article $4 du titre II de l'avancement. »
TITRE II.
Du remplacement des officiers réformés ou à la suite.
« Art. 1er. Les officiers réformés, ou à la suite, ci-après
dénommés, auront seuls droit à être remplacés, ainsi qu'il va être prescrit; mais ils ne
pourront l'être qu'après que les officiers réformés par la nouvelle organisation, seront
rentrés en activité.
« Art. 2. Les officiers réformés, ou à la suite, qui ont 35 ans de service; ceux qui, depuis plus de 10 ans, n'ont pas eu d'emploi titulaire dans la ligne, à l'exception des capitaines de remplacement, et de ceux dits de réforme dans les troupes à cheval, qui n'auraient pas néanmoins refusé d'être remplacés, ou quitté l'activité comme capitaines, n'auront pas droit au remplacement, et ils recevront des traitements de retraite proportionnés à leurs services, d'après ce qui a été fixé par le décret sur les pensions, annexé au procès-verbal du 3 août dernier.
« Art. 3. Les colonels attachés seront remplacés aux premières places de colonel vacantes dans leur arme, concurremment avec les lieutenants-colonels en activité, de la manière suivante :
« Sur neuf places vacantes, six seront données à l'ancienneté* et trois au choix du roi.
« Des six d'ancienneté, quatre seront données aux plus anciens lieutenants-colonels en activité, conformément à l'article 18 du titre II de l'avancement militaire : les deux autres seront données aux plus anciens colonels attachés.
« Sur les trois places qui seront au choix du roi, deux seront données à de3 lieutenants-colonels en activité, sans égard à leur ancienneté, pourvu qu'ils soient en activité depuis deux ans au moins dans ce grade, et la troisième à un colonel attaché, sans égard à son ancienneté dans ce grade.
« Art. 4. Les officiers avec le brevet de colooel qui ont subi des réformes dans les différents corps de la maison du roi, et dans la gendarmerie, et qui, par les ordonnances de réforme de ces corps, ont été conservés à la suite de l'armée, et avec droit à y être remplacés, prendront rang après les colonels attachés.
« Art. 5. Les majors en second, qui n'ont aucun autre brevet supérieur à ce grade, seront remplacés aux places de lieutenants-colonels, de la manière suivante ï
« Sur neuf places vacantes, six seront données à l'ancienneté, et trois au choix du roi.
« Des six d'ancienneté, quatre seront données aux plus anciens capitaines en activité, conformément à l'article 15 du titre II de l'avancement, les deux autres seront données aux plus anciens majors en second.
« Sur les trois places qui seront au choix du roi, deux seront données à des capitaines en activité, sans égard à l'ancienneté, pourvu qu'ils soient en activité depuis deux ans au moins dans ce grade, et la troisième à un major en second, sans égard à son ancienneté dans ce grade.
« Art. 6. Les majors en second pourront en oulre concourir, pour leur avancement, au grade de lieutenant-colonel, à leur tour d'ancienneté, comme capitaines.
« Art. 7. Les majors en second, qui jouissent du brevet de colonel, prendront rang parmi les colonels attachés de la date de leur brevet.
« Art. 8. Parmi les majors en second, ceux qui jouissent du brevet de lieutenant-colonel, seront les premiers à être remplacés dans ce grade, et ils ne pourront, sans y avoir été en activité, parvenir à celui de colonel.
« Art. 9. Les officiers avee le brevet de lieutenant-colonel, qui ont subi des réformes dans les corps de la maison du roi, et dans la gendarmerie, et qui, par les ordonnances de réformes de ces corps, ont été conservés à la suite de l'armée, et avec droit d'y être remplacés, le seront les premiers dans les grades de lieutenants-colonels, concurremment avec les majors en second qui jouissent du même grade.
« Art. 10. Les colonels des régiments de grenadiers royaux et des régiments provinciaux, susceptibles de remplacement, concourront, pour parvenir aux places de colonels, par moitié avec les colonels attachés dans le nombre de ces places, réservées au choix du roi par l'article 18 du titre II, de l'avancement; et ceux de ces colonels qui auront été lieutenants-colonels titulaires, concourront en outre pour rentrer en activité comme colonels, quelle que soit leur ancienneté de service avec les lieutenants-colonels titulaires en activité, les années de major leur comptant deux pour une.
« Art. 11. Les lieutenants-colonels et majors des régiments de grenadiers royaux et des régiments provinciaux, et les commandants de bataillons, susceptibles de remplacement, concourront pour parvenir aux places de lieutenants Colonels, par moitié avee les majors en second, dans le nombre de ces places réservées au choix du roi par ^article 15 du titre II de l'avancement.
« Art. 12. Les capitaines de remplacement dans l'infanterie n'étant point dans le cas de rentrer en activité dans ce grade par l'ordonnance de 1788, et ne pouvant conserver à l'avenir le droit qui leur était accordé, par cette même ordonnance, d'arriver à d'autres emplois sans avoir été en activité dans celui de capitaine, pourront
monter aux compagnies à leur lourde lieutenant dans les régiments où ils ont eu ce grade, pourvu qu'ils n'aient pas perdu leur activité, comme lieutenants, depuis plus de six ans.
« Conserveront cependant ceux des capitaines de remplacement qui ne demanderont pas à être remplacés, ainsi que tous autres officiers qui, ayant droit au remplacement, ne voudront pas y prétendre, et qui auront au moins quinze ans de service, le droit à la croix de Saint-Louis, qui leur était réservé par la susdite ordonnance.
« Art. 13. Les capitaines surnuméraires dans les régiments étrangers suivront, pour leur remplacement en activité comme capitaines, et pour la croix de Saint-Louis et du mérite, ce qui est prescrit pour les capitaines de remplacement de l'infanterie.
« Art. 14. Les capitaines de remplacement des troupes à cheva l seront remplacés sur toute l'arme, de la manière suivante :
« Sur trois places vacantes dans un régiment, deux seront données aux plus anciens lieutenants du régiment, et la troisième au plus ancien capitaine de remplacement de l'arme; ce dernier prenant rang parmi les capitaines du régiment, lors de son remplacement en activité, suivant ce qui est prescrit par l'article 9 du titre premier du remplacement. »
Un membre, avant le vote de l'article 15, propose un amendement ainsi conçu : « Les capitaines de remplacement dans les troupes à cheval, auront en outre le droit de concourir dans les régiments auxquels ils sont attachés, avec les lieutenants, pour passer aux compagnies vacantes relativement à leur ancienneté deservices respectifs. »
, rapporteur, propose de renvoyer eet amendement au comité et nonobstant de continuer le vote des articles, y compris l'article 15. ...
Cette proposition est adoptée.
Les articles ci-dessous sont décrétés sans autre discussion :
« Art. 15. Le remplacement des capitaines dits de réforme aura lieu suivant ce qui est prescrit pour les capitaines de remplacement; mais il ne pourra s'etiectuer que lorsque les capitaines de remplacement seront entrés en activité.
« Art. 16- Les capitaines réformés par la nouvelle organisation, les capitaines de remplacement, et les capitaines dits de réforme qui voudront renoncer à être remplacés en activité, la conserveront cependant pour obtenir la croix au terme fixé pour les olficiers titulaires, et ils seront remboursés de leur finance sans perte du quart; ceux de ces capitaines qui voudront profiter de cette disposition auront trois mois, à dater de 1 a publication du présent décret, pour le faire connaître.
« Art. 17. Les sous-lieutenants à la suite, qui voudront continuer leurs services, seront remplacés dans leur arme lorsque les sous-lieutenants réformés par la nouvelle organisation, ceux de remplacement, et les ci-devant cadets-gentilshommes, seront rentrés en activité ne prenant cependant rang dans les régiments que de la date de leur remplacement; mais leur ancienneté de service antérieure comptant pour la croix.
« Art. 18. Les officiers de différents grades attachés aux bataillons de garnison, aux régiments de grenadiers royaux et aux régiments provinciaux, qui n'ont pas été rappelés dans les articles précédents, n'auront pas droit au remplacement;
mais ceux de ces officiers qui jouissent de traitements les conserveront, et ceux qui, n'en ayant pas, en seront jugés susceptibles pour leurs services passés, en recevront, conformément à ce qui est prescrit par le décret relatif aux retraites militaires. -
« Art. 19. Les officiers réformés, et à la suite de tous les grades et de toutes les armes, dont le remplacement n'est pas prévu par les articles précédents, n'auront aucun droit à être employés de quelque manière que ce soit; conserveront cependant ceux de ces officiers et les lieutenants de maréehaux de France qui ont quinze ans de service, et moins de dix ans d'inactivité, leur droit pour la croix.
« Art. 20. En conséquence de ce qui est prescrit par les articles ci-dessus, il sera formé par arme deux listes : l'une comprenant tous les colonels, lieutenants-colonels et capitaines en activité; l'autre tous les officiers de tous les grades, qui conservent le droit au remplacement; il sera également formé une liste de tous les officiers généraux en activité, et une de tous les officiers généraux conservant leur droit au remplacement. Ces listes seront rendues publiques par la voie de l'impression, renouvelées chaque année et adressées à chaque régiment.
« Art. 21. D'après les dispositions ci-dessus énoncées, et les règles qui viennent d'être établies pour l'avancement et le remplacement militaire, tout autre emploi que ceux portés sur les états de dépenses décrétées par l'Assemblée nationale, seront et demeureront supprimés. En conséquence, les charges de colonels généraux, de mestres de camp généraux, de commissaires généraux, et tous autres emplois subsistants en vertu desdites charges dans les différentes armes; celles de maréchaux généraux des logis, des camps et armées, |et celles de lieutenants des maréchaux de France, dont et demeureront supprimées. Le sont pareillement les, propriétés de régiments de toutes les armes, soit français, allemands, irlandais et liégeois. »
L'ordre du jour est maintenant la suite de la discussion du projet de décret proposé par le comité de l'imposition sur la contribution foncière. -
, député de Ville-franche (1). Messieurs, l'Assemblée nationale est enfin parvenue à cet
heureux terme de ses travaux, où il ne lui reste qu'à traiter la partie des finances. Cette
importante matière, plus que toute aulre, intéresse nos commettants par sa liaison intime
avec l'intérêt personnel de chacun d'eux; elle est aussi celle sur laquelle ils nous jugeront
avec le plus de sévérité. Ils attendent de nous un système d'imposition qui, s'il leur laisse
un fardeau pesant à supporter, leur donne au moins la certitude que sa distribution, entre
les contribuables, sera la moins inégale possible. Ils se flattent surtout que, moins onéreux
que sous l'ancien régime, ce fardeau sera, spécialement dans les campagnes, un fléau de moins
pour l'agriculture, et un soulagement de plus au sort des malheureux qui, par leurs travaux,
nous procurent les matières premières de nos consommations. Ils espèrent que, débarrassées de
l'impôt de la dîme, les propriétés foncières pour-
D'après ces considérations, je me permettrai d'examiner le rapport que vous a fait votre comité sur l'imposition foncière, relativement à la somme totale qu'il destine aux propriétés de celte nature. Je tâcherai de prouver la nécessité de diminuer cette somme; j'essayerai même de fixer la limite au delà de laquelle elle deviendrait un fardeau insupportable ; et nécessairement alors je ne pourrai me dispenser d'examiner dans toutes ses parties le système général que vous a proposé votre comité, d'autant que me proposant d'en troubler l'harmonie, je devrai dire les moyens de la rétablir. Au reste, ce système général de votre comité paraît devoir être examiné et arrêté, avant de traiter aucune de ses parties, puisqu'il paraît naturel d'arrêter le plan d'un édifice avant d'en entreprendre les détails. - Votre comité vous a proposé d'imposer sur les terres une somme de 300 millions. Quelle imposition énorme ! Il allègue, je le sais, que la terre est la source et l'origine de toutes les richesses ; et c'est avec quelque étonnement, peut-être, qu'on trouve une erreur de celte nature dans un rapport discuté par un comité rempli d'autant de lumières. Car enfin, il est incontestable que la terre ne produit que des matières premières ; que leur préparation, pour les transformer en objets de consommation, est aussi productrice d'un revenu considérable, même d'un revenu net (témoin celui de tous les manufacturies) ; que les entreposeurs des denrées, et généralement tous ceux qui se livrent au commerce et au débit, obtiennent aussi par leurs opérations un revenu net : il suffit d'ailleurs, pour s'en convaincre, d'observer que l'on place dans leurs mains des capitaux dont ils payent l'intérêt à 5 et même à 6 0/0, lequel est incontestablement un revenu net. — Que les propriétaires de certaines connaissances humaines, tels que les savants, leslittérateurs, les artistes, les instituteurs, etc.,. obtiennent aussi un revenu net en échange de leurs connaissances, lequel est réalisé chaque année, indépendamment des autres revenus. — Que les capitalistes, et généralement tous ceux dont le revenu est fondé sur des opérations de finances opérées par les particuliers ou par le gouvernement, ont aussi un revenu net; que Paris, surtout, fourmille de ces êtres avides, dont les fortunes immenses sont formées des débris de celles du commerce et de l'industrie, et ont eu souvent pour bases l'usure et la rapine, et pour motifs, les embarras dans lesquels se sont trouvés tous ceux qui font des affaires, soit de commerce ou autres... Ainsi, c'est avec surprise que j'ai vu votre comité annoncer un tel principe, d'autant que quelques esprits faciles à séduire pourraient en conclure cet autre, plus funeste encore, et tant vanté cependant, que tous les impôts retombent en dernière analyse sur les terres, et qu'en conséquence leur revenu seul est imposable.
J'ignore si cé principe a eu quelque influence sur la détermination de votre comité; mais je vois avec peine qu'elle soit de nature à grever les terres d'une contribution aussi énorme.
Je pourrais demander si le comité connaît le rapport qui existe entre la partie nette des re-
venus fonciers et la partie nette des autres revenus. Il est incontestable qu'il ne le connaît pas. Comment peut-il donc hasarder une détermination qui peut surcharger les terres d'une contribution trop forte de 60 à 80 millions, ou peut-être alléger leur fardeau d'une telle somme ? Car tous les Français doivent également, d'après les principes de notre nouvelle Constitution, payer la même partie de leurs revenus. Ainsi, propriétaires fonciers, capitalistes, négociants, manufacturiers, savants, artistes, créanciers de l'Etat, tous indistinctement doivent payer l'impôt au même taux; et avant de déterminer le total de l'imposition d'une classe, il faut être certain, au moins, que ce'total est tel, que s'il estéquitablement réparti, il ne fera pas payer à chaque contribuable de cette classe une partie de son revenu net plus forte que celle que payeront les individus que la nature de.leurs retenus rappellera aux autres classes. If est donc incontestable que la détermination du comité .qui n'est faite que sur des données problématiques (si elles sont même admissibles), est en entière opposition avec les principes fondamen-4aux de la Constitution que vous avez décrétée.
Si malheureusement cette détermination augmentait la contribution âctuelle des cultivateurs, ce serait le comble de l'injustice envers eux; car ils doivent partager avec tous les Français le bénéfice que les réformes, les suppressions économiques, les commuations d'impôts dont la perception était trop dispendieuse, ont nécessairement produit : bénéfice qui s'élève à plus de 150 millions.
De plus, quelles seraient les funestes suites d'une telle augmentation ? Vous ne pouvez d'abord douter que les habitants des campagnes n'aient toujours compté sur l'abolition de la dîme à leur profit ; de sorte que leur faire payer au delà des anciennes contributions, à eux pour lesquels les armes du raisonnement s'émoussent devant les suggestions de l'intérêt personnel, ce serait répandre sur vos opérations une prévention défavorable à leurs yeux, qui reculerait l'époque de cette unité d'opinion qui fait toute notre espérance, et nous donnera toute notre énergie : qui sait s'ils ne se porteraient pas alors à des excès fâcheux?...
En un mot, dans ces temps de troubles et d'incertitude, il est du devoir des législateurs d'éviter tout ce qui pourrait même être un prétexte au ralentissement de leurs opérations, à plus forte raison de rejeter tout ce qui pourrait y mettre des obstacles.
: En admettant que les habitants des campagnes payassent la nouvelle imposition sans murmures et sans troubles, quels seraient au moins les funestes effets et les effets inévitables de cette surcharge? Chaque cultivateur, épuisé par le payement des contributions, ne pourrait se livrer à aucune amélioration ; hors d'état même de garnir sa ferme des bestiaux suffisants, il négligerait ses engrais; et la culture, en se dégradant de toutes parts, traînerait lentement le sol vers cet état d'infertilité, que le découragement et la misère produisent toujours, et qui coûtent des années à réparer; alors que deviendrait la France, elle dont la population immense exige une masse de consommation prodigieuse, et une quantité étonnante de matières premières pour leur servir de base; elle qui, maintenant, est quelquefois réduite à recourir à l'étranger pour qu'il lui fournisse sa subsistance, et qui, au plus, année moyenne, n'a d'assuré qu'un huitième de superflus?
C'est alors que cette population, qui est maintenant le motif de ses espérances futures, serait, en peu de temps, l'instrument de ses malheurs; et que 25 millions d'individus entassés sur une surface étroite, insuffisante à leurs besoins par ses productions, fourniraient à l'Europe épouvantée, l'exemple des malheurs qui résultent de l'existence d'une grande population, lorsqu'elle n'est pas accompagnée d'une culture la plus avaota-geuse possible.
D'autres malheurs encore résulteraient de cette surcharge. La diminution qu'elle causerait dans les produits de la culture, amènerait la rareté des matières premières, et la hausse de leur prix. Cette hausse serait aussi nécessitée par l'énormité •de la contribution; alors les denrées d'un usage habituel, le pain surtout, seraient à haut prix; les individus peu fortunés, toute la classe nombreuse de ceux qui ne vivent que de salaires, seraient perpétuellement dans la gêne; le prix de la main-d'œuvre deviendrait plus considérable; le prix de toutes4es denrées en recevrait un accroissement sensible; et si par hasard (et c'est le cas de la France) une nation étrangère avait le droit de garnir nos marchés de ses denrées, elles mériteraient la préférence sur les produits de l'industrie française, qui même n'aurait plus le débouché du commerce extérieur; alors nos manufactures tomberaient; et la France, pour avoir écrasé son agriculture, aurait, d'un seul coup, par une fausse opération, tari toutes les sources de ses richesses.
En général, l'agriculture, l'industrie et le commerce sont les trois sources des richesses et delà prospérité d'une nation ; toutes les trois elles sont étroitement liées ensemble, et l'une ne peut languir sans que les autres n'en souffrent. Les rapports des revenus qu'elles produisent doivent seuls décider de la part de contribution qui revient à chacune d'elles; et jusqu'ici ces rapports ont paru inappréciables. Ce qu'il y a de certain, c'est que l'agriculture, en France, est languissante, et que le commerce et l'industrie y ont eu quelquefois de l'activité; ainsi, on doit en conclure que la masse actuelle des contributions qui reposent sur les propriétés foncières, est plutôt trop forte que trop faible.
Je vais essayer de fixer, en conséquence, quelle est la somme là plus forte que l'on puisse imposer sur les propriétés foncières : je crois qu'elle doit être telle que chaque cultivateur ou propriétaire foncier ne paye pas plus que le taunmoyen de l'impôt qu'if payait autrefois (je ne supposerai pas même qu'il doive être diminué).
Je trouve dans le tableau delà recette, présenté par M. JSecker en mai 1789, que le total
de l'imposition foncière s'élevait à 173,624,000 livres (1) et je conclus, parce que les pays
d'Etats ne faisaient pas porter sur les terres la totalité de leurs impositions, que ce total
s'élevait à plus de 170 millions, auxquels, ajoutant 30 millions pour la gabelle, il vient
200 millions pour le total de l'imposition foncière d'alors (non compris la dîme que les
cultivateurs espèrent gagner en entier). En admettant que les revenus soustraits alors aux
impositions foncières par les fraudes, les pri-
Mais, dira-t-on peut-être, pourquoi exclure la dîme de ce calcul ? J'ai déjà répondu à cette question que tous les habitants des campagnes comptaient la gagner en entier. J'en appelle à cet égard au témoignage de tous ceux d'entre vous qui par état sont dans le cas de connaître leur opinion. J'ai même dit tous les malheurs qui pourraient résulter de la destruction de leurs espérances à cet égard. Mais quand bien même votre comité n'aurait pas cru devoir se rendre à ces motifs, au moins est-il certain, d'une part, qu'il ne pouvait pas augmenter les impositions foncières actuelles, et, de 1 autre, qu'au cas qu'il voulût leur faire supporter une addition en raison de la dîme qui représentait les anciens frais de culture, cette addition ne devait pas être égaleà 110 millions, comme il le propose, mais à 36 millions environ. Car vous avez décrété que les frais du culte seraient comptés parmi les charges publiques, et vous l'avez décrété, parce que vous trouviez équitable que chacun y contribuât en raison de ses facultés. Jadis, par une de ces partialités et un de ces abus dont vous avez détruit un si grand nombre, les frais du culte étaient entièrement à la charge des propriétés foncières; et les individus qui n'en tiraient pas leurs revenus étaient traités à cet égard, comme les privilégiés dans le payement des contributions. Vous avez détruit tous les privilèges, pour que tous les citoyens fussent égaux devant l'impôt. Ce serait être versatile dans les principes que de vouloir les rétablir relativement au culte, et perpétuer, au détriment de l'agriculture, un abus si funeste et si onéreux pour les cultivateurs. Le produit de la dîme, représentatif des frais du culte, doit donc être partagé entre les contribuables ; ainsi les propriétés foncières, comme payant autrefois à peu près le tiers des -contributions, ne peuvent et ne doivent supporter au plus qu'une addition du tiers de l'ancien produit de la dîme, c'est-à-dire environ 36 millions. Le total de l'imposition foncière ne doit donc pas s'élever au delà de 226 millions au plus, et ne doit jamais être de 300 millions, comme le propose votre comité.
Il y a plus, elle ne doit point être aussi considérable. J'en appelle à cet égard au témoignage .de tous les membres de l'Assemblée qui connaissent Ja position actuelle des campagnes; qu'ils élèvent Ja voix-: qu'ils disent combien elles sont maintenant surchargées; qu'ils attestent à l'Assemblée cette vérité importante, que la masse de l'imposition foncière est déjà beaucoup trop forte ;
qu'elle énerve l'agriculture, et aue cette source principale de la prospérité de l'Etat est presque entièrement tarie, parce que le Trésor public en absorbe presque tout le produit net. J'en appelle au témoignage de votre comité d'imposition lui-même; que l'Assemblée jette les yeux sur le n°2 des pièces justificatives qui accompagnent le second rapport qu'il lui a fait. Qu'elle observe que la dîme sur le produit total des labours était au moins les trois vingtièmes du produit net, et que la gabelle absorbait plus du trentième des revenus de la culture, et qu'elle veuille bien faire attention aux résultats suivants :
La colonne 2 de la pièce citée porte pour résultat :
Total des impôts directs............ 159 liv.
La gabelle pour un trentième de 300 1. 10 La dîme au moins trois vingtièmes.. 45 Les chemins au moins.............. 10
Total.......... 224 liv.
Ainsi les labours mentionnés dans cette 2® co- . lonne payaient au total 224 livres d'impôt sur 300 livres de revenu.
La colonne 3e donne 178 livres d'impôt sur 300 livres de revenu.
La colonne 4e prouve qu'en Champagne la terre payait 210 livres d'impôt sur 300 livres de revenu.
La colonne 5e prouve que la Picardie payaît 200 livres d'impôt sur 300 livres de revenu, etc.
Et dans ces calculs, n'entrent point les impôts que payaient encore, sur ce qui leur restait, les malheureux contribuables, lorsqu'ils allaient dans les villes où ils étaient sujets aux droits d'aides; ce qu'ils payaient par les traites intérieures, par les droits sur les cuirs, etc..., par les droits énormes sur la reddition de la justice, par ceux de contrôle, etc...
Sans doute, ces preuves sont convaincantes, et elles ne doivent plus laisser de doutes sur cette affreuse vérité, que l'impôt des propriétés foncières est maintenant énorme, el que ce n'est qu'à son existence que l'on doit le découragement actuel des cultivateurs, et l'état de langueur dans lequel se trouve l'agriculture.
C'est donc à l'Assemblée nationale à redresser celte injustice 1 Cependant la position actuelle de la France, qui nécessite des sacrifices de toutes les classes, ne lui permet pas de disposer d'une forte diminution : au reste, il suffira à l'agriculture, qu'elle puisse se ranimer un peu ; elle qui donne l'existence à l'industrie et au commerce, elle en recevra des secours qui seront eux-mêmes relevés de l'état de langueur dans lequel ils se trouvent: en conséquence,il semble que, pour le moment, la somme totale des impositions foncières, que j'ai prouvé ne pas devoir s'élever au delà de 226 millions, mais que j'ai prouvé, en même temps, être encore un fardeau énorme, il semble, dis-je, que cette somme ne peut pas être abaissée au-dessous de 198 millions, et je conclus à ce qu'elle y soit fixée pour le moment présent.
Je dis 198 millions, parce que ce nombre fournit une division très avantageuse entre le principal et les accessoires. En effet, on peut fixer le principal à 180 millions ; et alors deux sols pour livre fourniront les dix-huit autres millions; le nombre cent quatre-vingts sera d'ailleurs aussi favorable pour les additions ou les diminutions d'impôts par petites masses, que le nombre deux, cent
quarante dont votre comité (pages 10 et 11 de son rapport) vante les avantages, parce qu'il fournit presque autant de diviseurs, et que, d'ailleurs,
1 denier pour livre produira... 750,000 liv.
2 deniers pour livre produiront 1,500,000
4 - — 3,000,000
1 sol pour livre produira..... 9,000,000
Cette division sera peut-être aussi commode pour le calcul de l'accessoire, parce que le dixième se détermine encore plus facilement que le quart.
Je pourrais parler maintenant de la répartition foncière, de sa perception, etc..., mais ces détails seront, sans doute, le sujet d'autres discussions particulières; et puisque la conclusion précédente a désuni toutes les parties du système que vous a proposé votre comité, et qu'il parait que la discussion de ce système est spécialement l'objet principal de la discussion actuelle, je vais présenter à l'Assemblée mes vues particulières sur cet important objet.
En général, je ne connais qu'un seul système d'imposition qui soit rigoureusement conforme aux principes de la justice distributive, et qui, par conséquent, soit d'accord avec les principes fondamentaux de la Constitution de France : en voici les bases et l'indication :
Chez toute nation qui fait usage du numéraire, et qui est organisée comme la nation française, il existe trois classes distinctes de revenus, savoir :
1° Les revenus des propriétaires -,
2° Ceux des capitalistes, ou des individus qui ont prêté des capitaux aux autres;
3° Ceux des salariés.
Chacune de ces trois classes se trouve dans les quatre branches de revenus possibles dans un état tel que la France, savoir :
1° Les revenus fonciers des campagnes;
2° Les revenus fonciers des villes qui sont des loyers ;
3° Les revenus de l'industrie et du commerce, que votre comité appelle, je ne sais pourquoi, des facultés ;
4° Les revenus (dont la masse est bien faible en comparaison des précédentes) dont jouissent ceux qui se livrent aux sciences, à la littérature et aux arts-; revenus qui ont beaucoup d'analogie avec la 3e espèce.
La partie de ces branches de revenus que se partagent les salariés, ne peut point être imposée ; et lorsqu'elle l'est, l'impôt est rejeté sur les autres contribuables par une addition suffisante aux taux des salaires.
La partie de ces branches de revenus qui revient aux capitalistes peut être imposée de trois manières: 1°directement en l'imposant au même taux que les autres (ce qui exige une connaissance préalable de leurs revenus qui est impossible à acquérir); 2° directement ;par la retenue que leur feraient leurs propriétaires qui payeraient l'imposition pour eux (ce qui serait facile) ; 3° indirectement par les impôts sur les consommations.
La partie de ces branches de revenus qui reste aux propriétaires, et qui constitue leur revenu propre, peut être imposée de deux manières :
1° Directement (ce qui exige une connaissance préalable de ces revenus) ; 2° indirectement par les impôts sur les consommations.
Les impôts sur les consommations, dans une société où toutes les fortunes sont à peu près ce qu'elles doivent être, paraissent devoir être rejetés, à cause de la multiplicité de leurs incon-
vénients; et en cela, la théorie, l'expérience, l'opinion piblique, l'opinion de votre comité, l'opinion même de l'Assemblée, paraissent toutes être d'accord.
Les impôts directs, sous tous les rapports possibles avecce qui intéresse la prospérité publique, sont infiniment préférables; mais pour être employés avec équité, et conformément aux principes d.e l'Assemblée, ils exigeraient un cadastre préalable, non seulement des revenus fonciers des campagnes, mais même aussi des revenus fonciers des villes, qui sont des loyers, mais même aussi des revenus de l'industrie, du commerce, des sciences, de la littérature et des arts— en un mot, ils exigeraient un cadastre universel. Celte opération n'est peut-être pa3 une chimère de spéculation; et la France, depuis la nouvelle organisation de ses assemblées ad ninistratives, aurait de grandes facilités pour l'exécuter sans frais considérables, et en très peu de te nps. Je n'hésiterais donc pas de la proposer comme l'opération la plus importante à son bonheur et au bonheur de tous ses habitants, si je ne voyais, dans la nature des fortunes actuelles, un obstacle insurmontable, non à son exécution, qui serait toujours possible, mais à son exécution, conformément au vœu de l'Assemblée, c'est-à-dire qu'elle établit, dans la répartition, les moindres inégalités possibles. D'ici à cinq ou six années, peut-être même davantage, il serait impossible à la France de l'employer sans écraser l'agriculture; il faut donc qu'elle emploie, pendant ce temps, un système d'imposition provisoire, qui soit calculé sur la nature des fortunes actuelles, et qui sera discontinué pour employer le cadastre universel, lorsque les fortunes seront redevenues ce qu'elles doivent étire d ins les cas ordinaires. Voici les motifs de cette opinion : ils indiqueront, en même temps, les bases fondamentales du système provisoire qu'il paraît convenable d'adopter pour le moment présent.
La France est maintenant dans une position extraordinaire : les embarras de ses finances, l'inertie de son agriculture, l'inactivité de son industrie, l'état de stagnation dans lequel se trouve son commerce, spécialement l'arriéré de toutes les consommations et de tous les revenus, et les engorgements qui en sont résultés dans la circulation, ont forcé tous les seuls riches qui devraient naturellement exister; savoir : tous ceux qui se livrent à l'agriculture, à l'industrie et au commerce, à se livrer a des opérations forcées, qui les ont tous mis dans la gène; ces opérations ont détourné le cours ordinaire des différentes sources des richesses, pour former une cinquième branche de revenus, maintenant énorme : celle de tous les escompteurs, faiseurs d'affaires et de négociations, etc......C'est l'existence de cette classe nombreuse de riches, qui ne permet pas d'employer le système du cadastre universel, qui ne les atteindrait pas, et serait alors un fléau terrible pour l'agriculture.
En effet, le cadastre universel donnerait actuellement pour résultat une masse considérable de revenus fonciers qui augmentera peu par la suite; une masse considérable de loyers des villes qui n'éprouvera pas, par le temps, de grandes variations, est une masse très faible poiur les revenus de l'industrie et du commerce, parce qu'ils sont presque tous"nuls, ou détournés pour s'engouffrer dans les bourses des faiseurs de négociations, etc. Toute la classe des capitalistes qui ont pour hypothèque de leurs capitaux des biens-fonds ou des maisons dans les villes, pourrait être atteinte
directement par la retenue de l'impôt que leur feraient les propriétaires qui seraient imposés à cet effet sur le total du revenu net des propriétés, afin de l'avancer pour eux. Mais ceux qui ont prêté au commerce et à l'industrie ne permettaient pas la retenue, parce qu'ils font la loi.
Ainsi, les propriétés foncières supporteraient seules la presque totalité des impôts, et les capitalistes, qui auraient confié leurs fonds à très gros intérêts à l'industrie et au commerce, ne payeraient rien du tout.
Le système du cadastre universel serait donc maintenant une source d'injustices et de partialités, et un fléau terrible pour l'agriculture. Il faut donc employer un système provisoire jusqu'à ce que la situation de là France soit changée, el le conserver jusqu'à ce que l'agriculture, l'industrie et le commerce fassent la loi aux capitalistes, par le peu de besoin qu'ils auront de leurs capitaux, afin qu'ils puissent leur emprunter à un intérêt modéré, avec la clause de la retenue de l'impôt au même taux que les autres contribuables.
Ce système provisoire, d'après la position actuelle de là France, semble devoir être combiné de manière à épargner, autant que possible, l'agriculture, l'industrie et le commerce ; à leur fournir les moyens de se ranimer, et de se débarrasser au plus tôt des mains des capitalistes qui leur font la loi. — De manière à épargner les riches qui emploieront directement le superflu de leurs revenus en amélioration de culture ou en entreprise d'industrie et de commerce. — De manière a faire porter spécialement l'imposition sur les capitalistes et sur les riches, qui dépensent leur superflu en objets de luxe ou d'utilité indirecte. — De manière surtout à ce que le pauvre et l'ouvrier ne soient point atteints par la contribution, ou le soient le moins possible : parce qu'il ne faut pas perdre de vue ce principe que prescrit l'humanité et l'équité peut-être, que lorsqu'un cadastre préalable ne fournit pas des données rigoureusement exactes de répartition, il faut combiner son système d'imposition, de manière à ce que le riche soit plutôt surchargé que le pauvre, et à ce que l'échelle progressive d'imposition soit ascendante en raison directe de la richesse, et non en raison directe de la misère et de la pauvreté, comme actuellement. Je crois qu'il n'est aucun de vous, Messieurs, qui ne pense qu'il est plus pénible pour le malheureux, qui n'a que le strict nécessaire, d'acquitter 6 livres de contribution, que pour le riche qui a 1,000 livres de superflu, de payer 600 livres de surcharge d'impôt.
C'est d'après ces considérations que je vais présenter à l'Assemblée le plan d'imposition que j'ai conçu.
'Je l'ai rédigé en forme de décret ; mais pour ne pas me répéter inutilement, à la suite de chaque article, je détaillerai les motifs qui m'ont déterminé, et je terminerai par une table générale qui présentera une somme ae ressources pour le Trésor public, qui sera beaucoup plus que suffisante à ses besoins ; dans ce tableau ne se trouvent ni les loteries, cet impôt désastreux pour la classe indigente, ni aucune taxe qui puisse porter sur le pauvre, ni sur l'ouvrier, à moins qu il ne soit dans un état d'aisance qui le laisse maître d'un certain superflu.
Plan général d'impositions pour la France, rédigé en projet de décret.
L'Assemblée nationale, (intimement persuadée
qu'une répartition des impositions ne peut être conforme aux principes constitutionnels qu'elle a décrétés, qu'après avoir été précédée d'un cadastre universel qui puisse fournir les bases exactes de cette répartition, mais entièremen t convaincue que la nature des fortunes actuelles ne comporte pas un pareil système, et le met en opposition avec ces mêmes principes, a décrété et décrète que provisoirement, pour les cinq années consécutives à celle-ci, le système général des impositions de la France sera le suivant :
1° Il sera perçu sur le3 revenus fonciers des campagnes une imposition directe divisée en deux parties, savoir : le principal, dont la masse sera de 180 millions, et les accessoires qui seront deux sols pour livre duprincipal,etproduirontune somme de 18 millions, qui portera le total de l'imposition sur les propriétés foncières des campagnes à la somme de 198 millions.
Observations. J'ai développé au commencement de ce discours les motifs de cette fixation ; ainsi il est inutile de les répéter. J'observerai seulement que cette masse totale devra être répartie par l'Assemblée nationale entre les départements, et par chaque département entre ses districts, d'après les données les plus exactes possibles sur les revenus respectifs ; et que, s'il est trop tard maintenant pour exécuter un cadastre partiel des revenus fonciers, au moins il serait à désirer que les campagnes s'y livrassent l'année prochaine, afin de fournir des données exactes pour cette répartition — que les districts devront, s'il est possible, avant de répartir entre les municipalités, acquérir la connaissance préalable de3 revenus imposables de chacune d'elles, ou du taux moyen de l'imposition principale de l'année actuelle.
2° Qu'il sera réparti entre toutes les villes du royaume une imposition directe sur les loyers des maisons, qui sera payé par les propriétaires et non par les locataires, et dont la somme totale sera de cinquante millions.
Observations. Cet impôt a pour but d'atteindre directement les propriétaires des revenus que produisent les maisons par leurs loyers, revenus qui sont nets, comme les revenus fonciers; il est ici fixé de manière que chacun de ces propriétaires paye cet impôt au même taux que celui sur les propriétés foncières des campagnes. Car cette fraction est fondée sur l'hypotnèse (peu éloignée de la réalité) que le total des loyers de la France ou des revenus produits par les maisons des villes est de 400 millions, dont, retranchant le quart pour les répartitions, il reste 300 millions imposables, dont le sixième est cinquante millions. Ainsi la fixation du taux moyen de cette imposition serait d'un huitième, en estimant le revenu de chaque maison par le loyer, aucune déduction n'étant faite pour les réparations. Quant à la répartition, il semble qu'elle devrait être précédée d'un cadastre préalable des loyers des villes. Ce cadastre serait facile à exécuter et à vérifier dans chaque ville : les districts en conserveraient une copie et enverraient un relevé des totaux des différentes villes à leurs départements, qui feraient parvenir le tableau de toutes les villes de son ressort à l'Assemblée nationale ; et alors tous les échelons de la répartition successive seraient rigoureusement établis.
3° Les anciennes corporations des arts et métiers seront conservées ; il en sera de même créé de nouvelles pour embrasser généralement toutes les sciences, la littérature et les arts. Ces corporations n'auront d'autre but et d'autre emploi que la répartition et la perception d'un impôt direct
entre leurs membres, lequel sera réparti provisoirement d'après les données de l'ancienne répartition, et avec cette différence seulement que son produit total sera de 30 millions.
Observations. Le but de cet impôt est de faire payer les revenus de l'industrie, du commerce, des sciences et des arts, de la même manière que les revenus précédents, parce qu'ils sont de même espèce ; seulement il est incontestable que, par cette fixation, l'impôt de ces derniers sera à un taux beaucoup plus faible; mais comme habitants des villes, ils payeront encore d'une autre manière par l'existence de quelques droits sur les consommations dont il va être parlé plus loin. C'est là le motif de cette fixation. La conservation des anciennes corporations ne pourra être dangereuse en leur ôtant toute surveillance sur leurs membres, et en déclarant en même temps que pour exercer une profession il n'y aura d'autre formalité à remplir que de se faire inscrire au bureau de la corporation de cette profession, pour y prendre sa part d'impôt, et qu'au défaut d'inscription la corporation n'aura d'autre contrainte à exercer qu'une taxation pour la première année ui ne pourra surpasser le double de la quote-part e celui des membres de la corporation qui sera le plus imposé.
4° Il sera libre à chaque citoyen de se faire inscrire dans sa municipalité pour une somme quelconque d'impôt qui portera le nom de capi-tation libre et qui donnera les droits de citoyen actif. Elle produira au plus, autant qu'on peut le présumer, 2 millions.
5° Tout individu (1) ayant des domestiques quel qu'en soit le sexe, autres que ceux des fermes qui servent à la culture, payera une capitation en raison de chacun d'eux, laquelle sera :
Pour le 1er domestique, de 30 livres.
— 2e — 45 —
— 3e — 60 —
— 4e — 75 — etc., etc.
Observations. Il est peu d'objets qui caractérisent autant l'existence du superflu que la quantité des domestiques, ainsi cette indication est on ne peut plus propre à servir de base à un faible impôt direct sur le revenu des riches ; il ne sera pas assez onéreux pour qu'ils se privent de leurs habitudes à cet égard, et il existe assez de domestiques pour qu'il produise un revenu considérable au Trésor public. Car en en admettant cinq cent mille, en France, susceptibles d'indiquer l'impo^ sition, et en observant que le terme moyen de cette imposition, d'après la loi de progression précédente, sera à peu près de 40 livres par chacun, le produit de cette capitation sera de 20 millions.
6° Chaque individu possédant des chevaux inutiles, c'est-à-dire ne servant ni à la culture, ni à aucun autre objet d'utilité générale, payera une capitation en raison de :
Pour le 1er cheval... 20 livres.
— 2e — 30 —
_ 3e _ 40 —
— 4° — 50 —
laquelle capitation produira environ une somme de 3 millions.
Observations. Les chevaux inutiles sont encore une marque évidente du superflu des riches : ils dérobent d'ailleurs, pour leur subsistance des terrains à la culture, des forces au cultivateur, etc. Ainsi leur taxe, qui ne serait point exorbitante, remplirait toutes les vues que l'on peut se proposer dans le moment actuel ; le produit de cette taxe serait de 3 millions, parce qu'il existe en France plus de cent mille chevaux inutiles, et que leur taxe moyenne serait, d'après la loi de progression précédente, de plus de 30 livres par chacun d'eux.
7° Tout individu possédant des voitures dont il fait un usage habituel, payera une capitation qui sera, pour chacun, en raison des voitures à deux roues :
Pour la lre voiture... 100 livres.
— 2e — 200 —
— 3a — 300 —
En raison des voitures à quatre roues :
Pour la lre voiture... 200 livres.
_ 2e — 400 —
— 3° — 600 —
laquelle capitation sera productive, au Trésor public, d'environ 2 millions.
Observations. Les voitures sont encore la marque ostensible de la richesse et du superflu, lorsqu'on en fait un usage habituel, autre que celui des voyages; il est donc conforme aux principes précédents d'imposer leurs propriétaires sur cette échelle visible de répartition ; cette imposition s'étendrait aussi sur toutes les voitures dites de place, et de remise dans les villes. Il existe plus de six mille voitures imposables de cette manière, et leur imposition au terme moyen serait d'environ 2 millions.
8. Le prix des places dans tous les spectacles du royaume sera augmenté du tiers, et les directeurs tiendront compte au Trésor public du quart de leur recette totale; ce qui produira 3 millions.
Observations. Cet impôt ne frappera encore que les riches d'une manière peu sensible; son produit sera au moins de 3 millions, parce que la recette actuelle des spectacles de Paris est au
moins de 5 million?, que celle des spectacles des autres villes du royaume, telles que Bordeaux, Nantes, Lyon, Rouen, Marseille, Strasbourg, Metz, etc., est au moins de 4 millions, et qu'ainsi, après le tiercement des places, la recette totale sera au moins de 12 millions : un tel impôt ne gênera point la liberté de l'établissement des théâtres, et sera facile à percevoir, puisqu'il suffira d'Un abonnement avec les entrepreneurs de chacun d'eux.
9. 11 s+ra retenu à tousceux des créanciers de l'Etat qui étaient reconnus français, lors de la création de leurscréances, le dixième des rentes qui leur sont faites, pour tenir lieu des imfôts qu'ils payaient ci-devant, et qui seront supprimés par le nouveau système. Ce qui produira au moins Î&- millions.
Observations. Rien de plus juste que cette retenue envei s ceux des créanciers de l'Etat qui habitent la France; Ils payaient autrefois le sel, et tous les impôts sur les consommations qui vont être commuées; il semble donc de toute équité de leur retenir directement ce qu'ils rever.-aient jadis dans le Tr-feor public, par la voie des impositions indirectes. Peut-être cette retenue devrait-elle avoir quelques différences selon les clauses des créances, être plus forte pour les uns, plus faible pour les autres. Au reste, ces modifications sont faciles à apporter, si on le juge à propos, d?après une classification des différentes créances, tn raison des clauses d'exemption qu'elles contiennent. — Cette retenue rie peut point s'étendre à ceux des créanciers deil'Etat qui n'étaient pas français lors de la création de leurs créancts, parce qu'ils n'étaient pas tacitement soumis alors au payement des impôts indirects, sur les rentes qu'on s'obligeait à leur faire. C'est là le motif pour lequel j'ai présumé que celte retenue produirait au plus 15 millions. Cependant la retenue du dixième pourrait paraître un peu faible, même aux yeux de la plusirigoureuse équité; et les créanciers français possèdent peut-être pour plus de 150 millions des arrérages payés aux créanciers de l'Etat : ainsi, il est à présumer que ce produit est estimé de 5 à 6 miiliuns, et peut-être davantage, au-dessous de sa vraie valeur.
10. Les fermes des postes, des messageries et la régie des poudres et salpêtres seront portées à un produit.de 15 .millions au total,, à l'aide d'une addition, s'il est nécessaire, au prix de la poudre et à la taxe des lettres.
Observations. La hausse du prix de la poudre paraît; désirable, pour éviter que cette arme terrible ne soit jamais dans les mains de l'ignorance. La taxe des lettres peut être légèrement augmentée, sans porter sur la classe iudigente : et ^'ailleurs, maintenant qu'il existe tant de billets au porteur, la poste pourrait augmenter sa recette, en se chargeant d« leur transport assuré pour un prix modique.
11. Les droits de contrôle, etcM. continueront à être perçus sur un nouveau tarif plus conais, plus exact, et surtout calculé de manière que l'importance de chaque acte étant mesurée par un capital dont l'acte assurera la garantie, ce soit en raison de ce capital que le droit soit perçu.
A la régie du contrôle sera réunie celle aes droits domaniaux; leceutiême denier sur les successions collatérales, étant modifié de manière à faire cesser les vexations qui résultaient de son ancienne percept on.
A la régie du contrôle sera réunie celle du timbre du papier, auquel on donnera une telle ex-
tension, qu'il soit maintenant impossible d'employer un autre papier pour tout acte, qujl qu'il soit, même pour la confection des registres susceptibles d'être authentiques.il sera même étendu aux journaux sur lesquels il percevra le quart du prix de la vente, ainsi que sur la musique gravée et sur les estampes.
Les tarifs de tous ces droits seront calculés de manière à ce que cet établissement produise (!) une somme de 60 millions.
12. Les traites seront conservées aux frontières et elles seront tellement organisées, que sans nuire à notre commerce avec l'étranger, elles produiront s'il est possible, spécialement par les droits sur les marchandises importées et par la traite exclusive du tabac avec l'étranger, une somme de 25 millions.
Observations. Toutes les personnes qui ont quelques connaissances sur cette matière ne peuvent disconvenir de la possibilité, même de la modicité de ce produit.
13. Il sera conservé une perception de droit d'aid s à l'entrée de toutes les principales villes du royaume; cette perception s'étendra sur toutes les boissons, autres que celles à l'usage du peuple; savoir :. sur tous les vins au-dessus de trois sols la bouteille, sur toutes les eaux-de-vie, sur toutes les liqueurs, etc..., le droit perçu formera même partie du prix de tous les objets qui seront redevables du droit d'aides; h s droits sur les viandes, seulement, continueront à être perçus comme par le passé et tous les autres droits sur les comestibles seront supprimés. Ces établissements seront aussi chargés de percevoir un droit sur le prix des tabacs qui entreront et seront consommés dans les villes; et le tarif de tous ces objets sera calculé de manière à ce que cet établissement-'produise environ 30 millions.
Observations. Un tel produit dans lequel les droits d'aides entreront pour 20 millions, et
ceux sur le tabac pour 10 millions environ, est plutôt présumé au-dessous qu'au-dessus de sa
vraie valeur. Le but de l'organisation indiquée pour cet établissement est évidemment de
faire porter l'impôt sur le riche et d'en soulager le pauvre. L'impôt sur les viandes
atteindra faiblement la classe indigente, qui sera très soulagée par les suppressions des
droits sur les autres comestibles:;
14. Il sera perçu aussi, à l'entrée des villes, des droits sur tous les objets qui servent aux vêtements, etc..., et cependant ces droits, qui seront tous la même partie du prix de la denrée, laisseront intactes celles qui sont à l'usage de la classe la moins riche : en conséquence, ils seront perçus sur tous les ouvrages en soie, sans exception; sur tous les ouvrages en laine, excepté sur les draps et étoffes au-dessous de 4 livres l'aune et sur les étoiles en fil au-dessus de 2 livres l'aune, etc., sur les chapeaux au-dessus du prix de3 livres, sur tous les cuirs sans exception, etc.
Les tarifs calculés sur ce principe, que toutes ces denrées doivent payer la même partie de leur prix total, avec une petite addition progressive, selon qu'elles seront à l'usage des individus les plus riches devront être tels, que ces établissements produisent une somme de 40 millions.
Observations. On peut supposer, sans erreur sensible, qu'il existera pour plus de 600 millions de denrées assujetties à ces droits ; ainsi, en al-mettantque le quart soit fraudé, et que la taxe soit de 10 0/0, le produit total sera au moins de 45 millions; cependant cette taxe ne fera payer aux consommateurs habitants des villes que le dixième au plus de leur revenu dépensé, tandis que les habitants des campagnes payeront peut-être directement le tiers de leur revenu total.
15. Seront conservés, par abonnement (1), les droits de la marque d'or et d'argent; il sera perçu de la même manière un droit de 10 0/0 sur les ouvrages d'horlogerie; le droit sur les cartes sera continué aussi par la voie de l'abonnement; et il sera perçu un droit de marc d'or sur les brevets commissions, pensions, etc., égal au dixième du produit de la première année de jouissance ; tous ces objets produiront 4 millions.
Observations. Ces impôts ne frappent encore que les riches, leur produit ne peut être contesté.
Droits de la marque d'or et d'argent...................... 800,000 liv.
Droits sur l'horlogerie........ 200,000
Droits sur les cartes, à cause -des améliorations résultant des abonnements.................. 1,500,000
Droits du marc d'or........... 1,500,000
Total......... 4,000,000 liv.
Tel est le plan général d'impositions que j'ai conçu. Je vais maintenant, pour me résumer,
énoncer les différents articles, avec leurs produits, et y ajouter le revenu des domaines
nationaux inaliénables, que je compterai pour 27 millions (2), au moins, et qui sera toujours
réei pour le Trésor public.
Tablecm du plan général d'impositions et des produits de ses différentes parties.
1° Imposition directe et réelle
sur les terres.________________
2° Même imposition sur les
maisons des villes.............
3° Même imposition sur l'industrie, le commerce, etc., par la capitation des corporations.
4° Capitation libre pour obtenir l'activité.................
5° Capitation personnelle eu
raison des domestiques.......
6° Même imposition en raison
des chevaux inutiles.»--------
7° Même imposition en raison
des voitures.................
8° L'impôt sur les spectacles. 9° Impôt direct et réel sur ceux des créanciers de l'Etat qui habitent la France par la
retenue d'un dixième........
10° Les fermes des postes et des messageries, et la régie des
poudres et salpêtres..........
11° La régie du contrôle, des droits domaniaux, du timbre
du papier, etc...............
12° La régie des traites aux frontières, à cause de la traite exclusive du tabac avec l'étranger .....................
13° Droits d'aides et sur le
tabac dans les villes..........
14° Droits d'entrée dans les villes, sur toutes les denrées de luxe et autres, à l'usage des
riches......................
15° Plusieurs petits droils produisant..................
Total.........
Produits des domaines nationaux inaliénables............
Produit par aperçu des domaines inaliénables (1).......
Total des revenus du Trésor public......
198,000,000 liv. 50,000,000
30,000,000
2,000,000
20,000,000
3,000,000
2,000,000 3,000,000
15,000,000 15,000,000 60,000,000
25,000,000 30,000,000
40,000,000
4,000,000 497,000,000 liv.
27,000,000
74,000,000
598,000,000 liv.
(Ce discours reçoit des applaudissements.)
annonce que la séance du soir commencera à six heures précises.
La séance est levée à trois heures.
Séance du
La séance est ouverte à six heures du soir.
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier, 20 septembre au soir.
Le procès-verbal est adopté.
donne lecture d'une lettre imprimée,intitulée : Lettre et déclaration des députés de Saint-Domingue, à VAssemblée nationale, adressée à leurs commettants, datée de Paris, le 6 août dernier, signée de MM. de Gouy, de Chabanon, de Reynaud, de Villeblanche, etc. Après cette lecture, il demande qùè cette lettre soit renvoyée au comité des colonies.
(Cette motion est mise aux voix et adoptée.)
fait donner lecture d'une iettre du ministre de la marine, en date de ce jour, par laquelle il instruit l'Assemblée que M. de la Galissohnièré, chef de division, qui commandait ci-devant le vaisseau le Léopard, et cinq habitants députés par les paroisses du Port-au-Prince et de la Croix des Bouquets, sont arrivés à Nantes, qu'ils comptent être dans peu de jours à Paris, et qu'ils donneront probablement des détails importants.
, député de Saint-Jean-d! Angély, fait une motion pour qu'il soit ordonné à M. de la-Galissonnière de venir donner en personne des éclaircissements à l'Assemblée.
observe que c'est au pouvoir exécutif à instruire l'Assemblée et que la motion de M. Regnaud ne peut être adoptée.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
, ci-devant de Murinais, fait lecture d'une lettre de Lyon, dans laquelle on lui mande qu'un club y a été formé par des émissaires envoyés de Paris; que ce club s'est empressé de réclamer l'émission des assignats; que non seulement il a arraché des signatures, mais encore qu'il en ajapposé de fausses à une adresse qui contient un vœu pour cette émission.
(On demande à passer à l'ordre du jour.)
Ce ne sont là que des jeux, d'enfants ; je suis porteur de 150 oppositions qui dévoilent toutes les manœuvres dont on s'est servi. Je les ferai connaître à l'Assemblée.
(Oh passe à l'ordre du jour.)
Il est encore donné lecture d'une pétition des sieurs Larochette, Vincent et veuve et fils aîné Admyraud, par laquelle ils réclament le payement de fournitures par eux faites pour la marine. Cette adresse, ainsi que les pièces envoyées à son appui, sont renvoyées au comité de la marine.
Un de MM. les secrétaires fait lecture des adresses suivantes :
Adresses d'adhésion et dévouement du bourg de Sain te-Colombe-lès-Vienne, district de la campagne de Lyon, et de la ville de Fécamp, district de Montivilliers : elles annoncent qu'elles ont fait célébrer un service solennel pour le repos de l'àme de leurs braves frères d'armes, qui ont péri dans la malheureuse affaire de Nancy. >
Les gardes nationales de Fécamp supplient l'Assemblée de prendre en considération le sort de cette ville, qui perd dans ce moment tous ses avantages, et a le malheur de ne participer en rien aux nouveaux établissements;
Des officiers municipaux de la communauté de .Chavagnac, district de Montignac, département de la Dordogne; ils remercient l'Assemblée d'avoir placé dans la ville de Tarascon le tribunal de district, et se soumettent à acquérir tous les biens nationaux situés dans leur territoire;
Des administrateurs, du district de la Guerche, département d'Ille-et-Vilaine, et du district de Chartres, qui, dès l'instant de leur réunion, présentent à l'Assemblée le tribut de leur admiration et de leur dévouement. Ceux du district de Chartres adhèrent notamment aux décrets de l'Assemblée concernant l'organisation de l'ordre judiciaire.
Adresse de la -société des amis de la Constitution de Toulouse, formée de toutes les classes de citoyens réunis qui s'engagent d'entretenir la paix, la concorde et l'exécution des décrets de l'Assemblée de toutes leurs forces.
Adresse des maîtres perruquiers de Millau au département de PAveyron : ils supplient l'Assemblée de les maintenir dans leurs places.
Adresse de la commune de Bédarieux : elle demande qn'il soit donné les ordres les plus prompts et les plus précis aux collecteurs et receveurs des caisses publiques pour échanger dans le lieu même l'argent Comptant du produit de leur recette en assignats, ou autres papiers de commerce bon et solide ;
Des ofticiers municipaux de la ville de Saint-Etienne-en-Forez, qui représentent à l'Assemblée nationale que l'émission de nouveaux assignats
forcés, et leur division en petites sommes, causeront l'anéantissement de leur commerce et le bouleversement des fortunes.
Lettre du colonel du régiment de Sain longe, en garnison à Strasbourg, qui annonce que les officiers, sous-officiers et soldats de ce régiment, supplient l'Assemblée d'accepter pour les veuves et orphelins des malheureuses victimes qui ont péri dans l'affaire de Nancy, en soutenant, les armes à la main, les décrets de l'Assemblée, un jour de paye entière de chaque individu qui compose ce régiment, comme un gage de la fraternité qui les lie envers leurs frères d'armes, et de gratitude envers les rêprésentants de la nation.
fait la motion que l'Assemblée charge son Président d'écrire au régiment de Sain-tonge pour lui témoigner la satisfaction de l'Assemblée.
(Cette motion est mise aux voix et décrétée dans les mêmes termes qu'elle a été rédigée.)
Il est lu une lettre du 18 de ce mois des officiers municipaux de la ville deNaïîcy : ils adressent à l'Assemblée six exemplaires du précis des principaux événements arrivés à Nancy depuis le 10 juillet dernier. Ils soumettent à son jugement ce tableau fidèle de leur conduite.
II est encore donné lecture d'une lettre datée d'Hesdin le 15 de ce mois, écrite par les commissaires envoyés dans cette ville, pour prendre connaissance des faits qui ont suivi le décret du 7août concernant le régiment de royal Champagne. Ils annoncent qu'ils s'occupent de remplir la mission qui leur a été confiée; qu'il ne paraît en ce moment aucun germe d'insurrection, et qu'ils espèrent qu'ils auront la satisfaction d'apprendre à l'Assemblée le rétablissement entier du calme et de l'ordre.
(Cette lettre est renvoyée au comité militaire.)
On donne enfin lecture d'une adresse de VAcadémie royale de peinture et de sculpture, par laquelle elle prie l'Assemblée de s'expliquer sur le point de savoir si, dans les décrets qu'elle a rendus le 20 août dernier en faveur des sociétés savantes, elle a entendu comprendre l'académie de peinture et de sculpture, et si elle est autorisée à présenter un projet de règlement.
observe que cette académie est évidemment comprise dans les décrets rendus par l'Assemblée et que, dès lors, il n'y a pas lieu de rendre un décret spécial.
( Voy. annexé, à la séance de ce jour, le projet de statuts et règlements présenté par cette académie.)
L'Assemblée passe à son ordre du jour qui est la suite de la discussion sur le projet de décret présenté par le comité ecclé-siatique sur le traitement des ordres religieux et des chanoinesses séculières.
Le titre Ier ayant été décrété dans les précédentes séances, la délibération va s'établir sur le titre II.
, rapporteur. Vous avez à décider aujourd'hui le traitement des religieuses. Les évêques étaient chargés de donner l'état des communautés de filles. Tous ces états ne nous sont pas encore parvenus; ceux que nous avons reçus indiquent un nombre de 29 ou 30,000 individus. Nous pensons que le nombre total peut monter à 60,000. Le comité a vu avec peine
que les revenus de ces monastères étaient extrêmement faibles; et c'est à regret qu'il a fixé à 600 livres le traitement de chaque religieuse de chœur, et à 300 livres celui des sœurs données ou converses. Ces traitements doivent être pris sur les revenus existants; mais tandis que des couvents ont des revenus énormes, il en est qui n'ont pas le nécessaire. L'état de ces maisons doit intéresser l'humanité de l'Assemblée.... Le comité m'a chargé de vous présenter le projet de décret suivant :
« Art. 1er. Les revenus des maisons religieuses, qui sont inférieurs à la somme de 600 livres à raison de chaque religieuse de chœur, et de 300 livres à raison de chaque sœur converse ou donnée, ou qui n'excèdent pas lesdites sommes, n'éprouveront aucune réduction, et il sera tenu compte auxdites maisons de la totalité des revenus dont elles jouissent actuellement.
« Art. 2. Dans les maisons dont les revenus excèdent la somme de 600 livres à raison de chaque religieuse de chœur, et celle de 300 livres à raison de chaque sœur converse, il ne sera tenu compte desdits revenus que jusqu'à concurrence desdites sommes.
« Art. 3. Demeurent provisoirement exceptées des dispositions de Tarticle précédent les maisons destinées par leur institut à l'éducation publique et au soulagement des malades, et il leur sera tenu compte de la totalité de leur revenu, jusqu'à ce qu'il en soit autrement ordonné.
« Art. 4. Dans les maisons dont le revenu est inférieur à 600 livres pour chaque religieuse de chœur, et à 300 livres pour chaque sœur converse, les traitements des religieuses qui décéde-ronLles premières accroîtront les traitements des suivantes, jusqu'à concurrence desdites sommes.
« Art. 5.11 pourra être accordé, sur l'avis des directoires de département, un secours annuel aux maisons qui, par la destruction de la mendicité ou par la privation d'autres ressources dont elles avaient joui jusqu'à présent, n'auront plus un revenu suffisant pour leur existence.
« Art. 6. Dans le cas où les religieuses des maisons mentionnées en l'article précédent renonceraient au bénéfice de la disposition du décret qui leur permet de rester dans lesdites maisons, les emplacements en seront aliénés et leurs produits pourront être employés à l'augmentation du traitement desdites religieuses. »
, député de Saint-Jean-d'Angély. Je ne crois pas avoir besoin de rappeler à l'Assemblée tous les ménagements que l'humanité prescrit envers des êtres faibles qui ont fait de grands sacrifices à la piété et qui, en se soumettant à de longues austérités, ont avancé l'âge des infirmités. L'extrême médiocrité de leurs revenus ne peut motiver la rigueur du comité ecclésiastique à leur égard. Quand vous avez fixé le sort des religieux mendiants, cette considération ne vous a point arrêtés : vous empêcherait-elle d'être just€s envers des femmes qui n'ont pas les mêmes ressources, et que presque toujours un zèle plus pur avait conduites dans les cloîtres ? Je demande donc : 1° que le maximum soit porté à 1,000 livres, dans ce sens que rien ne sera ôté aux maisons dont le revenu n'excédait pas cette somme pour chaque religieuse ; 2° qu'en cas de décès les traitements soient réversibles aux survivantes; 3° que les religieuses, soit mendiantes, soit dotées, dont le revenu ne s'élève pas à 400 livres, reçoivent un traitement de cette somme.
Je n'attaquerai pas le plan ducomitécomme opération de finances, car on ne peut en présenter une plus habile que celle qui consiste à prendre aux religieuses, qui possèdent quelque chose, pour donner à celles qui ne possèdent rien. Mais si la finance adopte ces principes, la justice distributive les repousse.
La nation, en s'emparant des biens ecclésiastiques, a contracté d'engagement de pourvoir à la subsistance de tous les individus engagés dans les ordres religieux; elle doit se conformer à cet engagement : elle y manquerait, si elle ne le remplissait d'une manière suffisante. Quelle espèce de proportion de justice et d'humanité a-t-on suivie en proposant un maximum de 600 livres pour les religieuses de chœur et de 300 livres | pour%chaque sœur converse? Présente-t-on à ; celle-ci la possibilité de vivre, aux autres le moyen de se soutenir pendant une vieillesse anticipée et malheureuse, et dans des inlirmités contractées dans d^s maisons qui sont de vraies sépulcres vivants? On a dit, quand on a voulu nous dépouiller, que nous devions acquitter les fondations et soulager les pauvres; que nos biens nous avaient été donnés à ces deux conditions et que nous n'avions rempli ni l'une ni l'autre. Ce raisonnement peut-il s'appliquer aux religieuses? Elles vivent encore comme elles ont toujours vécu ; si elles | araissent aujourd'hui devant leurs fondateurs, quels reproches auraient-ils à h ur faire? Exactes à observer les règles auxquelles elles s'étaient soumises, elles se sont encore vouées à des travaux utiles à la société, à l'éducation de la jeunesse. Privées du bonheur d'être mères, elles en remplissaient les devoirs... Je les recommande à votre humanité, à la sen?i-bilité qui est dans vos cœurs. Je ne me permets pas de conclure.
La véritable humanité cies législateurs c'est la justice; ainsi je recommande les religieuses à la justice de l'Assemblée nationale. Ce serait une grande erreur que de vouloir juger de ce qu'il faut donner à chaque religieuse, par ce qu'il reviendrait à chacune. Si les biens de toutes les communautés étaient partagés entre tous les individus qui les composent, chacune peut-être n'aurait pas 120 livres de rente ; elles subsistent cependant. Il faut leur conserver, autant qu'il sera possible, les moyens de subsistance qu'elles avaient su se procurer. La seule question est de savoir si l'on donne assez à celles qui ont quelque chose et à celles qui n'ont rien. La négative me paraît évidente: en augmentant le maximum indiqué, il me paraît juste d'autoriser la réversibilité des pensions. Vous êtes foreés d'être rigoureux aujourd'hui, la clause de réversibilité peut seule compenser la rigueur que les besoins de l'Etat vous prescrivent. Qu'importe à la nation de profiler un peu plus lard des biens des religieuses, pourvu qu'elle soit juste envers elles? Vous n'avez pas voulu faire sur ces biens une opération lucrative, vous n'avez voulu que fermer ces asiles de douleur, ces cloîtres, que le plus zélé, le plus sensible des défenseurs des religieuses n'a pu s'empêcher d'appeler de vrais sépulcres vivants... Je propose de porter à 900 livres le traitement des religieuses de chœur et à 450 livres celui des sœurs converses.
, êvêque de Clermont, adopte les mêmes conclusions.
On ferme la discussion; plusieurs amende-
ments sont proposés, les différents sont mis aux voix et l'Assemblée décrète que le maximum du traitement des religieuses de chœur sera de 700 livres, et celui des sœurs converses de 350 livres.
L'article 1er est décrété en ces termes :
TITRE II
concernant les religieuses.
« Art. 1er. Les revenus des maisons des reli-gieusesqui sont
inférieurs à la somme de 700 livres à raison de chaque religieuse de chœur, de 350 livres à
raison de chaque sœur converse ou donnée, et à la somme qui sera ci-après réglée pour les
abbesses perpétuelles et inamovibles, ou qui n'excèdent pas lesdites sommes, n'éprouveront
aucune réduction, et il sera tenu compte auxdites maisons de la totalité des revenus dont
elles jouissent. »
(La séance bst levée à 10 heures et demie.)
a la séance de l'assemblée nationale du
Adresse, projet de statuts et règlements pour l'Académie centrale de peinture, sculpture , gravure et architecture, présentés à VAssemblée nahionale par la majorité des membres de l'Académie royale de peinture et sculpture (1)
Messieurs, l'Académie de peinture, sculpture et gravure est trop convaincue de vos lumières pour chercher à démontrer l'utilité des arts dans un grand empire, et à établir cette vérité incontestable, si bien connue de vous, que les arts, en concourant à la gloire d'un Etat, concourent aussi à sa richesse parleur influence sur l'industrie nationale.
Les grands principes qui sont les bases de l'heureuse Constitution qui doit, à l'avenir, consacrer le bonheur et la puissance du peuple français, sont les points fondamentaux sur lesquels l'Académie a appuyé sa nouvelle organisation. Ainsi, l'égalité, l'inviolabilité des droits, la liberté individuelle, l'amovibilité des places, les élections par scrutin, ont fourni la matière des différents articles du plan que l'Académie a l'honneur de vous présenter.
L'Académie, convaincue que les intentions des législateurs sont de former de grands établissements nationaux, a cru entrer dans les vues de l'Assemblée nationale, en proposant, dans le premier titre de ses statuts, la réunion de l'Académie d'architecture avec celle de peinture, sculpture et gravure, sous la dénomination d'Académie centrale de peinture, sculptum, gravure et architecture.
Ces deux Académies, qui ne seraient plus qu'une seule institution, formeraient cependant deux sections qui, à différentes époques, se réuniraient dans des assemblées communes pour le bien général des arts, mais qui auraient
chacune leur régime particulier, à raison de la différence de leurs fonctions.
L'Académie de peinture, sculpture, gravure, a l'honneur, Messieurs, de soumettre à vos lumières son travail particulier à cet égard.
Vous verrez, dans ce travail, que l'enseignement public est l'objet principal des soins et de l'attention particulière de l'Académie, et qu'elle pense que son organisation doit être telle, que le titre d'académii ien, loin d'être pour celui qui eu est revêtu un litre de repos, lui impose, au contraire, le devoir de consacrer ses talents à la propagation de l'art.
C'est sous ce point de vue qu'elle a augmenté le nombre de si s professeurs, de ses concours et de ses encouragements.
Une nouvelle école pour l'élude de l'antique sera ouverte tous les jours aux élèves.
Les connaissances de l'histoire, mœurs, usages et costumes des peuples étant nécessaires aux artistes qui suivent le genre historique, l'Académie a fondé un cours relatif à ces objets, et des récompenses particulières pour cette étude.
L'anatomie et la perspective, trop négligées, ont attiré son attention, elle a tendu à perfectionner l'enseignement de ces sciences, et a établi des prix pour les élèves qui s'y distingueront.
La gravure et les différents genres de peinture étaient privés de tous moyens d'émulation; l'Académie, pour l'extension et la perfection de ces branches de l'art, a cru devoir nommer des professeurs pour leur enseignement, et fonder des prix qui donneront à ceux qui les remporteront l'avantage d'être envoyés pensionnaires, soit dans les pays étrangers, selon le genre de leurs talents, soit à l'école de Rome, pour y puiser, ainsi que les peintres de genre historique et les sculpteurs, ce goût épuré, suite de la méditation surles chefs-d'œuvre des grands maîtres, tant de la Grèce que de l'Italie.
Les travaux d'encouragement que les artistes avaient obtenus de la munificence du roi, en lui assurant pour jamais leur amour et leur reconnaissance, étaient faits pour porter les arts au plus haut point de gloire, et conserver à l'école de France la supériorité qu'elle s'est acquise sur toutes les écoles de l'Europe. Un nouvel ordre de cho. es a tout suspendu... ; mais les arts, à raison de leur utilité, ont des droits à la bienveillance des régénérateurs de l'empire français ; et, sans doute, ils doivent espérer que de nouveaux travaux, ordonnés par la nation, les soutiendront dans leur splendeur, et que la réunion des bienfaits de la nation et de la protection du roi mettront le comble au bonheur des artistes, enflammera de nouveau leur zèle, et produira des hommes qui rappelleront dignement l'heureuse époque de vos travaux, et qui, en communiquant d'âge en âge et Je talent et l'amour de la gloire, perpétueront à jamais la reconnaissance des artistes pour leurs illustres professeurs.
PROJET
DE STATUTS ET RÈGLEMENTS.
TITRE PREMIER.
De l'organisation générale de l'Académie centrale de peinture, sculpture, gravure et architecture.
Art. ler. L'Académie centrale aura pour but le
progrès des arts et le moyen de les rendre utiles à la gloire et à la richesse de l'Etat. Elle tiendra des écoles publiques pour l'enseignement des aris, et sera divisée en deux sections; l'une de peinture, sculpture et gravure; l'aulre d'architecture. Ces deux sections embrasseront généralement tous les arts qui ont pour base le dessin.
Art. 2. La peinture, la sculpture et la gravure, étant intimement liées par les mêmes principes,, formeront une section qui embrassera les manufactures et les établissements qui ont des .rapports d rects avec les arts, ainsi que les arts mécaniques qui ont pour base le dessin.
Art. 3. L'architecture, exigeant une étude plus particulière des mathématiques et devant nécessairement avoir connaissance de la construction, formera une section qui déterminera tout ce qui est de sa compétence.
Art. 4. Le nombre des artistes composant chaque section sera illimité;; la supériorité du talent pourra seule faire obtenir le titre d'académicien, et chaque section sera juge du mérite de l'artiste, qu'elle admettra dans son sein.
Après la réception d'un artiste, le directeur de la section dans laquelle il aura été admis, introduira le nouvel académicien dans l'assemblée générale, et lui fera prêter serment entre les mains du président des deux sections réunies.
Art. 5. Ces deux sections se réuniront en assemblée générale une fois tous Les mois, pour délibérer sur les rapports des dits arts entre eux, sur la nécessité et .les moyens de leur union pour la perfection et la splendeur des établissements publics, et enlin sur les intérêts généraux de l'académie centrale.
Art. 6. Les assemblées générales auront un président qui sera élu à la majorité absolue des voix des deux sections réunies ; le président sera élu alternativement dans la section d'architecture, et dans celle de peinture, sculpture et gravure ; il ne pourra être élu que pour un an, après, lequel temps il faudra deux années d'intervalle pour qu'il puisse être réélu.
Art. 7. L'académie centrale aura un chancelier, un secrétaire et un trésorier, lesquels seront élus à la majorité absolue des suffrages des deux sections réunies : ils seront élus pour quatre années, et pourront être réélus sans interruption, autant que ladite académie le jugera néees-; saire.
Art. 8. Le chancelier sera dépositaire du sceau de l'académie centrale, et l'apposera sur les lettres de provision qui, seront délivrées au nouvel académicien, par la section dans laquelle il aura été admis, ainsi que sur tout ce qui émanera des assemblées particulières des deux sections et des assemblées des deux sections réunies.
Art. 9. Le secrétaire de l'académie centrale sera chargé de la correspondance générale, ainsi qu'il est dit à l'article 14 ; et il tiendra les registres des assemblées générales seulement.
Art. 10. Le trésorier sera chargé de la recette générale; il payera les dépenses arrêtées dans les assemblées générales, sur les mandats du président, et les dépenses die chaque section,"d'après leurs délibérations particulières et sur les mandats de leur directeur. Ledit trésorier sera tenu de rendre tous les ans un compte particulier à chaque section, et un général aux deux sections réunies.
Art. 11. 11 y aura un bibliothécaire, lequel sera en même temps historiographe. Il sera élu à la majorité absolue des suffrages en l'assena-
blée générale : la bibliothèque sera ouverte à tous les élèves des deux sections deux fois la semaine, et ils pourront y prendre des notes et y travailler.
Art. 12. Les deux sections réunies en assemblée générale éliront le directeur qui sera résidant à l'école de Rome; il sera choisi alternativement entre les artistes architectes, peintres et sculpteurs, et il sera élu à la majorité absolue des voix pour trois années. Il pourra être continué, par une autre élection, trois autres années. Ce terme expiré, il sera rappelé et ne pourra être réélu que six années après.
Art. 13. Tout ce qui concerne la direction générale de l'école de Home sera délibéré dans les assemblées des deux sections réuuies; mais ce qui concerne les études particulières des élèves pensionnaires sera délibéré dans les assemblées particulières de la section dont ils seront élèves.
Art. 14. L'académie centrale entretiendra une correspondance avec tous les établissements relatifs aux arts qui existeront dans la France et dans les pays étrangers : chaque section devra faire part de ses lumières et moyens d'instruction sur les arts qu'elle professe, à toutes les académies des départements qui la consulteront.
Art. 15. Lesdites sections auront 'chacune leur régime particulier relatif aux arts qui y seront enseignés, et seront présidées, dans leurs assemblées particulières, par leur directeur : elles délibéreront seules de tout ce qui les concerne, et de ce qui est relatif aux arts de la compétence particulière de la section.
Art. 16. Les deux sections se réuniront en assemblée générale, toutes les fois que l'Utilité des arts les appellera à former un projet, ou à juger une question relative aux arts réunis.
Art. 17. Lesdites sections jugeront particulièrement les prix accordés à tous les élèves; et ceux qui remporteront les premiers prix annuels, jouiront des prérogatives attachées auxdits prix; ils seront envoyés pensionnaires à Rome, ou auront les facilités de voyager dans les différentes parties de la France ou dans les pays étrangers, suivant le genre de leurs talents.
Art. 18. La distribution des prix accordés par les deux sections dans le cours de l'année, se fera dans une assemblée générale des deux sections réunies, et cette assemblée sera publique.
Art. 19. L'académie centrale aura des associés, au nombre de seize, qu'elle choisira dans les sociétés savantes, parmi les hommes célèbres et parmi ceux qui, par leurs lumières, auront été utiles aux progrès des arts. Ces associés seront présentés à l'assemblée générale des deux sections réunies, par un membre d'une des sections : le présentateur devra être appuyé par deux artistes de chaque section ; et, sur les motifs d'admission qui seront présentés, la majorité absolue des suffrages déterminera leur réception.
Ces associés n*auront voix délibérative que dans les assemblées générales des deux sections réunies, mais auront droit de séance et voix consultative dans les assemblées particulières de chaque section.
Art. 20. Les membres des deux sections auront respectivement séance et voix consultative dans les assemblées particulières de chaque section ; mais ils n'auront voix délibérative que dans les assemblées de la section dans laquelle ils auront été reçus, ainsi que dans les assemblées générales des deux sections réunies.
Art. 21. L'académie centrale sera chargée de la direction du Muséum, lequel renfermera les
chefs-d'œuvre des maîtres des différentes écoles, ceux des artistes de l'école française en peinture, sculpture, gravure, et les modèles des monuments d'architecture qui seraient exécutés dans les différentes parties de la France, ainsi que les modèles ou dessins des monuments chez les étrangers, qui seront jugés utiles à l'accroissement des arts.
On réunira au Muséum le cabinet des estampes, celui des dessins et celui des médailles et pierres gravées.
Les gardes des tableaux et sculptures, celui des dessins et celui des estampes seront choisis dans la section de peinture, sculpture et gravure, et élus par elle à la majorité absolue des suffrages.
L'inspecteur des bâtiments pour l'entretien du Muséum, et le garde des modèles et dessins d'architecture, seront choisis dans la section d'architecture, et élus par elle à la majorité absolue des suffrages.
La garde des médailles et pierres gravées sera élue dans une assemblée générale des deux sections réunies, et à la majorité absolue des suffrages.
Tous devront rendre compte, tous les ans, de leur gestion à l'assemblée des deux sections réunies.
Art. 22. Le Muséum sera ouvert publiquement deux fois par semaine; et les élèves, en nombre déterminé, sur la recommandation et garantie de leurs maîtres, auront la facilité d'y faire des études les autres jours, à des heures données.
En général, tous les académiciens auront leurs entrées, ainsi que les artistes qui se seront fait connaître.
Art. 23. L'étude des beaux-arts dans la capitale de la France étant d'un intérêt général, l'Académie espère que l'Assemblée nationale lui imposera la loi de venir lui rendre compte chaque année de ses travaux, de ses plans et de ses vœux pour l'avantage et les progrès des arts; et à cet éffet, l'Académie nommera une députation chargée de ses mémoires, laquelle sera formée de son président et de quatre membres pris dans chacune des classes d'artistes qui entrent dans sa composition.
TITRE II.
De Vorganisation générale de la section académique de peinture, sculpture et gravure.
Art 1er. Le but auquel tendra l'institution sera l'enseignement
publié et la perfection des arts de peinture, sculpture et gravure. Elle étendra sess
lumières et son inspection sur tous les établissements et manufactures qui ont des rapports
directs avec les arts et sur tous les arts mécaniques qui ont pour base le dessin.
Art. 2. Le nombre des membres qui composeront la section de peinture, sculpture et gravure sera illimité.
La supériorité du talent nécessaire pour obtenir le titre d'académicien sera connue par deux épreuves, à la dernière desquelles l'artiste devra laisser pour sa réception le morceau qui lui aura mérité les suffrages, dont le nombre devra être des deux tiers au moins des votants; et le jugement sera porté par tous les membres de la section, suivant le mode et les conditions détaillés au titre IV.
Art. 3. Il y aura des écoles publiques ouvertes
tous les jours, excepté les fêtes et les dimanches; elles seront destinées :
1° A l'étude de l'antique ;
2° A l'étude d'après le modèle d'homme nu.
Les autres moyens d'études et d'enseignement présentés aux élèves, seront :
Un cours d'anatomie relatif à la peinture et à la sculpture ;
Un cours de perspective et d'architecture au-cienne et moderne, relatif auxdits arts ;
Un cours d'histoire, mœurs, usages et costumes des peuples anciens et modernes ;
Des leçons relatives aux différents genres de peinture et à la gravure, et différents concours pour les prix.
Art. 4. Pour exciter l'émulation des élèves et pour récompenser leurs efforts, différents prix leur seront accordés dans la marche de leurs études; et lorsqu'ils auront acquis un talent qui donne l'espoir de les voir un jour illustrer l'école , il leur sera accordé des grands prix pour la peinture, la sculpture et la gravure.
Ces grands prix donneront à ceux qui les auront remportés, l'avantage d'être envoyés pensionnaires à l'école de Rome, ou de voyager dans différents pays, suivant le genre de leurs talents.
Art. 5. Les différents prix seront :
Chaque quartier.
Trois médailles pour les dessins et modèles d'après l'antique et le modèle nu.
Chaque année.
1° Une médaille pour prix d'anatomie;
2° Une médaille pour prix de perspective;
3° Une médaille pour prix de l'étude de 1 histoire, mœurs, usages et costumes des peuples ;
4° Pour prix d'expression, une somme de cent livres, suivant la fondation de M. de Caylus ;
5° Pour prix de l'étude d'une demi-figure peinte d'après nature, une somme de trois cents ljvres, suivant la fondation de M. de la Tour, membre de l'académie de peinture ;
6° Un grand prix de peinture pour le genre historique, emportant avec lui l'avantage désigné à l'article 4; et de plus une médaille ;
Un second prix pour le même concours, consistant seulement en une médaille;
7° Un grand prix de sculpture pour le genre historique, avec les mêmes avantages attachés aux grands prix de peinture. Un second prix pour le même concours, consistant en une médaille.
Tous les deux ans.
Un grand prix de gravure et un second prix pouf le même concoure avec les avantages attachés aux grands prix de peinture.
Un grand prix accordé aux différents genres de peinture, et un second prix avec les avantages attachés aux grands prix ae peinture.
Art. 6. Si les ouvrages des élèves présentés au concours ne sont pas d'un mérite suffisant pour que les prix soient adjugés :
Les médailles pourront être remises à un autre quartier;
Les grands prix à une autre année; et le vœu de la section sera toujours consulté par la voie du
scrutin pour savoir s'il y a lieu à adjuger les médailles ou les prix.
Art. 7. m y aura à la première assemblée de chaque quartier des conférences dans lesquelles il sera traité de la théorie et de la pratique des arts; et les élèves y seront admis pour leur instruction.
Les discours qui y seront lus devront avoir été soumis au jugement de la section dans une assemblée précédente.
Art. 8. Lorsque les élèves auront des demandes à faire à la section, par rapport à l'enseignement, ils pourront les lui présenter; et réponse motivée leur sera rendue : il sera tenu registre des demandes dés élèves et des motifs d'acceptation ou de refus.
Art. 9. La section entretiendra une correspondance particulière avec toutes les institutions académiques du royaume et des pays étrangers pour tout ce qui a un rapport direct avec les arts de peinture, sculpture et gravure : elle correspondra pareillement avec les artistes et les savants qui voudront lui faire part de leurs découvertes utiles aux arts.
Art. 10. La section devra aussi, en toutes circonstances, répondre non seulement aux demandes qui lui seront faites par rapport aux arts qu'elle professe, mais encore communiquer ses lumières et porter son jugement sur toutes les questions qui lui seront soumises sur les arts et métiers qui ont le dessin pour base.
Art. 11. Tous les membres de la section auront voix délibérative dans tous les cas, et tout jugement ou délibération sera porté par la voie du scrutin ; le vœu de l'assemblée ainsi connu, on ne pourrra, sous aucun prétexte, retourner aux voix sur le même objet.
Art. 12. Les fonctionnaires, soit pour l'administration de la section, soit pour l'enseignement public, soit pour les places de gardes du Muséum et autres à la nomination de la section, seront élus à la majorité absolue des suffrages dans les assemblées particulières de la section.
Art. 13. Le3 fonctionnaires de la section seront :
1° Pour son administration :
Un directeur, chargé de surveiller les affaires de la section et de présider les assemblées;
Un secrétaire, chargé de la correspondance particulière de la section, delà tenue de ses registres et autres fonctions détaillées au titre 111 des fonctions des officiers ;
Un secrétaire adjoint ;
Un garde des planches gravées, tableaux, sculptures, gravures et autres objets appartenant à la section : ce garde sera toujours un académicien graveur.
2° Pour renseignement public dans les écoles du nu et de l antique :
Douze professeurs, nommés professeurs ah-ciôus *
Douze professeurs, nommés professeurs annuels;
Deux suppléants.
3° Pour les différents cours :
Un professeur d'anatomie et un adjoint ;
Un professeur de perspective et un adjoint ;
Un professeur d'histoire et un adjoint artiste.
4° Pour les leçons qui ont rapport aux différents genres de peinture et à la gravure :
Six professeurs, nommés professeurs anciens;
Six professeurs, nommés professeurs annuels ;
Deux suppléants.
Art. 14. Les écoles publiques de la section n'étant ouvertes qu'aux hommes, les femmes artistes académiciennes, tel genre qu'elles professent, ne pourront occuper aucune des places destinées à l'enseignement, ni aucune de celles de l'administration.
Art. 15. Le directeur, le secrétaire et le secré-taire-adjoint pourront être élus parmi tous les membres artistes de la section indistinctement.
Le directeur sera élu pour une année : il pourra être continué, par une nouvelle élection, une seconde année, après lequel temps il y aura nécessairement deux années d'intervalle pour qu'il puisse être réélu.
Le secrétaire et Je secrétaire-adjoint seront inamovibles.En cas de décès ou de démission du secrétaire, l'adjoint passera de droit à la place.
Les professeurs pour les écoles du nu et de l'antinue seront toujours choisis parmi les peintres d'histoire et les sculpteurs.
Les douze. professeurs annuels seront inamovibles : leur élection sjra pour une année, mais ils pourront être continués deux autres années par de nouvelles élections; après ce temps, il faudra une année d'intervalle pour qu'ils puissent être réélus.
Les d -ux suppléants seront élus pour une année seulement.
Les douze professeurs nommés anciens seront inamovibles.
On arrivera à ces places par le plus d'années d'exercice dans le professorat : les années de service comme suppléant ou adjoint pour les écoles de la section, compteront ainsi que les années d'exercice comme directeur à l'écqle de Rome; et en cas d'égalité d'années de service, le plus ancien d'âge aura la préférence.
Le professeur de perspective sera toujours choisi parmi les artistes de la section.
Celui d'anatomie et celui d'histoire pourront être élu^ hors de son sein.
Ces trois professeurs seront élus pour quatre années, et pourront être réélus, sans interruption, autant que la section le jugera nécessaire.
Leurs adjoints ne seront élus que pour la durée du cours seulement, et pourront être réélus pour les cours suivants.
Les professeurs pour les différents genres seront choisis parmi les artistes dits peintres de genre, et parmi les graveurs.
Six, nommés professeurs annuels, seront amovibles.
Six, nommés professeurs anciens, seront inamovibles.
Les deux suppléants seront amovibles.
L'élection de ces professeurs et de leurs adjoints ainsi que le droit à l'inamovibilité seront suivant le mode indiqué pour les professeurs de genre historique.
Art. 16. Ceux des membres de la section qui seront résidants dans les pays étrangers ou dans les différents départements du royaume, ne pourront prétendre, pendant le temps de leur absence, à aucun avancement, à moins qu'ils n'aient été
envoyés directement par la section pour l'utilité et l'accroissement des arts : ce qui devra avoir été constaté par un arrêté de la section.
Art. 17. Les fonctionnaires inamovibles cesseront de toucher leurs honoraires, lorsqu'ils auront obtenu des récompenses pour leurs services dans les écoles publiques ; et, dans le cas où ils auraient, préalablement à cette obtention, demandé la vété-rance pour causes valables, ils conserveront leurs droits auxdites récompenses; mais, dans aucun cas, les vétérans ne pourront être nommés à aucune place.
Art. 18. Il n'y aura qu'un lieu destiné aux assemblées : tout ce qui sera délibéré ou arrêté hors de ces assemblées, Sera illégal. Elles devront toutes être convoquées généralement ; et sur les billets de convocation seront indiqués les objets des délibérations.
Art. 19. La section tiendra ses assemblées ordinaires tous les premiers et derniers samedis de chaque mois : elles seront convoquées par_ le secrétaire, et lesdites assemblées ne pourront rien délibérer ni arrêter légalement qu'elles ne soient composées de vingt-cinq votants au moins.
Art. 20. Le directeur pourra, dans le besoin, convoquer des assemblées extraordinaires ; et dans le cas où douze membres réunis en demanderaient une, elle ne pourra leur être refusée ; le directeur la convoquera, et ces assemblées extraordinaires ne pourront rien délibérer ni arrêter légalement, qu'elles ne soient composées de trente-cinq votants au moins.
Art. 21. Les directeurs ou députés des académies établies dans le royaume et dans les pays étrangers, pourront être admis aux assemblées, et jouir, pendant trois mois, du droit de séance avec voix consultative.
Art. 22. Tous les deux ans il y aura une expo sition publique des ouvrages de peinture, sculpture, gravure et architecture de tous les membres des deux sections de l'Académie : la durée de cette exposition sera de six semaines, à commencer du lundi de Pâques.
Art. 23. Les salles de l'Académie seront ouvertes pour le public une fois chaque semaine, et les membres de l'Académie pourront y exposer leurs ouvrages particulièrement, sans que pour cela ils soient privés de la grande exposition, à l'ornement de laquelle ils doivent contribuer.
Art. 2i. Les travaux accordés aux artistes peintres, sculpteursetgraveurs, pour perfectionner l'art et former une collection des ouvrages des maîtres de l'école française destinés à orner le Muséum et autres édices publics, seront répartis par la section, suivant les différents genres et par la voie du scrutin, à la majorité absolue des suffrages.
Art. 25. La section présentera aux législateurs son vœu motivé, en faveur des artistes qu'elle croira devoir mériter les bienfaits de la nation, soit à titre de récompense pour de longs services dans les écoles publiques, soit à ca ise de la supériorité de leurs talents ; ce vœu ne pourra être présenté qu'en faveur de ceux qui auront obtenu la majorité absolue des suffrages de la section.
Art. 26. Tous les ans, dans la séance qui précédera les élections, il sera fait lecture des statuts et règlements de la section.
Art. 27. Tous les articles réglementaires qui, par suite, demanderaient à être ajoutés, ainsi que ceux qui exigeraient modification,seront arrêtés, selon le besoin, dans des assemblées ordinaires, à la majorité des suffrages, et après avoir été proposés dans une assemblée précédente.
VŒU PARTICULIER DE L'ACADÉMIE
relativement à Vexécution des nouveaux statuts.
ARTICLES ADDITIONNELS.
Les statuts et règlements proposés pour la section académique de peinture, sculpture et gravure, devant avoir leur exécution dès l'instant même de leur publication, l'Académie supplie néanmoins l'Assemblée nationale de vouloir bien prendre en considération les articles et exceptions ci-dessous, motivés et dictés par les égards dus à l'âge et aux services de ceux qui, depuis nombre d'années, professent dans les écoles publiques.
Art. 1er. Les quatre recteurs, leurs deux adjoints et les six
plus anciens professeurs actuels formeront la classe des douze professeurs dits professeurs
anciens.
Art. 2. Les professeurs et autres officiers, qui ne seront pas entrés dans la classe des professeurs anciens, feront partie de celle des professeurs dits professeurs annuels, suivant les dispositions de l'article 15 du titre de l'organisation générale de la section, avec cette différence qu'ils conserveront leur inamovibilité.
Art. 3. Sans déroger aux articles du règlement, étrangers au professorat, l'amovibilité n'aura force de loi que pour les membres qui seront nouvellement élus, soit pour compléter la classe des professeurs annuels, soit en remplacement des sujets qui, par extinction individuelle ou retraite, laisseront des places vacantes.
Art. 4. Les ofliciers dits conseillers, feront partie de la classe des professeurs pour le genre, et conserveront leur inamovibilité référant l'Académie pour l'amovibilité des professeurs annuels aux dispositions de l'article précédent.
L'Académie, considérant que, suivant les nouveaux statuts, la première épreuve ne donnera à l'avenir aucun droit quelconque à ceux auxquels elle aura été favorable ;
Considérant,en outre, qu'aux termes des anciens statuts, les agréés avant l'année 1790 jouissaient de plusieurs prérogatives, mais n'avaient point droit de séance ;
Demande que lesdits agréés soient admis aux séances de la section de peinture, sculpture et gravure, et qu'ils aient voix délibérative ; mais avec cette restriction, de ne pouvoir prétendre à aucune fonction dans ladite section, sans avoir donné leurs morceaux de réception.
L'Académie demande,en outre, que les amate urs actuels reçus à l'Académie de peinture, sculpture et gravure, demeurent attachés à la section, et jouissent de tous les droits et prérogatives appartenant aux académiciens, sans qu'à l'avenir lesdits amateurs puissent être remplacés à ce titre, cette classe, aux termes des nouveaux statuts, étant changée en celle d'associés de l'Académie centrale.
TITRES RÉGLEMENTAIRES.
TITRE PREMIER.
De Venseignement public dans les écoles.
Art. 1er. L'étude de l'antique aura lieu tous les jours
après-dîner, pendant trois heures : elle sera
surveillée chaque jour par un professeur annuel, et une fois par semaine par un professeur ancien.
Pour y être admis, chaque élève apportera de ses ouvrages aux professeurs en exercice, afin qu'ils jugent si l'élève est en état de profiter de cette étude.
Art. 2. L'étude du nu aura lieu tous les jours après le dîner, pendant deux heures, dans les deux écoles : elle sera pareillement surveillée chaque jour par un professeur annuel dans ch ique école, et une fois chaque semaine, au moins, par un professeur ancien.
Pour y être admis, il faudra avoir donné des preuves de capacité dans la précédente étude.: Ie3 élèves passeront de l'une à l'autre étude d'après le jugement porté par les professeurs en exercice.
Art. 3. Pour l'ordre de l'appel des places, tant dans l'école de l'antique que dans celles du nu, les élèves concourront tous les trois mois par des ouvrages taut dessinés que modelés, faits dans les écoles.
A cause de la multitude de ces ouvrages, l'ordre de cet appel sera établi par un comité formé de douze membres, pris à tour de rôle dans la classe enseignante pour le genre historique, savoir : six professeurs anciens et six professeurs annuels, auxquels on joindra, par la voie du scrutin, douze académiciens peintres d'histoire ou sculpteurs.
Art. 4. Le cours d'anatomie aura lieu tous les ans, à commencer du 1er octobre; les leçons se feront le matin à huit heures, et dans le reste de la matinée, les élèves pourront travailler d'après les objets qui auront été démontres.
Pendant les leçons, il y aura un modèle vivant, sur lequel le professeur comparera l'indication des os et l'office des muscles : pour cette comparaison, le professeur d'anatomie sera toujours assisté d'un professeur artiste nommé à cet effet et au scrutin.
Art. 5. Le cours de perspective et d'architecture ancienne et moderne, relatif à la peinture et à la sculpture, commencera au 1er septembre : les leçons se donneront l'après-dîner, trois fois par semaine. Ce cours sera divisé en trois parties : 1° la géométrie élémentaire ; 2° l'architecture ; 3° la perspective.
Art. 6. Le cours d'histoire ancienne et moderne, relatif aux arts, commencera en janvier : on y traitera des mœurs, usages et costumes des peuples : les leçons se donneront le matin, trois fois par semaine. Le reste de la matinée sera employé par les élèves à dessiner ou modeler des ligures drapées sur le mannequin, suivant les costumes enseignés dans ledit cours.
Si le professeur d'histoire n'est pas artiste, il en sera nommé un pour l'assister dans ses leçons.
Art. 7. ues professeurs des différents cours seront tenus de soumettre à la section, avant l'ouverture de leur cours, le plan de distributions qu'ils se proposeront de suivre dans leurs instructions, alin que la section puisse en déterminer la division et la durée.
Art. 8. Les leçons destinées aux élèves qui s'adonnent aux différents genres, auront lieu tous les lundis, depuis trois heures jusqu'à cinq en hiver, et depuis quatre jusqu'à sept en été.
Un professeur ancien dans le genre historique, et trois professeurs pour les différents genres, seront tenus de se rendre lesdits jours dans une salle destinée à ces leçons : tous les élèves pourront y apporter leurs tableaux ou gravures pour recevoir les avis des professeurs sur leurs ouvra-
ges, et sur la marche qu'ils auront à tenir pour se perfectionner dans le genre qu'ils auront embrassé.
TITRE II.
Des concours pour les médailles et les prix, et de leurs jugements.
Art. 1er. D'après le jugement préalable porté par la voie du
scrutin, qui aura déterminé, s'il y a lieu, d'accorder les médailles et les prix, il sera
fait un scrutin particulier pour chaque médaille ou prix, et la.majorité relative en
décidera.
Art. 2. L'élève qui aura remporté une médaille ou un prix, ne pourra prétendre une seconde fois à la même médaille ou au même prix, à l'exception du prix d'expression, qu'il pourra remporter trois fois, suivant l'intention du fondateur.
Art. 3. Il sera adjugé tous les trois mois une médaille d'encouragement pour l'étude de l'antique. Les élèves y concourront chaque mois par une figure dessinée ou modelée; le professeur indiquera le concours, et six jours seront employés pour chacune des trois figures.
Les élèves déposeront dans les salles de la section lesdites figures; ils inscriront dessus leur nom dans le plus petit espace possible, afin que, couvert par un numéro qui y sera appliqué le jour du jugement, il puisse être totalement ignoré des juges.
Art. 4. Le jugement de cette médaille se fera dans la dernière assemblée de chaque quartier : à cause de la multitude des ouvrages qui y concourront, il sera formé par la voie du sort dans l'assemblée précédente, un comité composé de six professeurs anciens, six professeurs annuels et douze peintres d'histoire ou sculpteurs, lesquels se réuniront le matin du jour du jugement, et parmi les figures qui auront concouru, ils choisiront les meilleures au nombre de trente au moins, savoir : vingt dessinées et dix modelées. Ces figures ayant un numéro, ainsi qu'il est dit à l'article précédent, seront exposées au jugement de toute la section, suivant le mode prescrit à l'article premier.
Art. 5. Il sera adjugé tous les trois mois deux médailles pour l'étude du nu ; le mode du concours sera ainsi qu'il est dit à l'article 3.
Il sera fait pareillement par le comité un choix des meilleures figures au nombre de trente au moins, savoir : vingt dessinées et dix modelées. On procédera au jugement le même jour, et suivant le mode indiqué à l'article précédent.
La première njédaille adjugée, on procédera de suite au jugement de la seconde, après que le secrétaire aurait soustrait les figures des élèves qui auraient déjà remporté cette médaille.
Art. 6. Les élèves qui auront obtenu une médaille dans l'école du nu auront l'avantage d'être appelés les premiers pour prendre place, dans l'école; l'appel se fera suivant ladatedesmédailles remportées et selon l'ordre de premier et second médaillistes.
Ces médaillistes ne pourront concourir à la médaille pour prix de l'étude de l'antique.
Mais tous les élèves indistinctement pourront étudier dans l'école de l'antique, excepté les jours du concours pour les médailles de cette étude, et seront appelés suivant l'ordre de la liste établie pour les écoles du nu, dans laquelle on intercalera, immédiatement après les secondes médaillistes, ceux qui auront remporté une médaille
dans l'école de l'antique, et. suivant l'ordre' d'ancienneté.
Les élèves qui auront remporté une médaille pour l'étude de l'antique ne jouiront du droit de médaillistes que dans ladite école de l'antique, et ne pourront prétendre à autre place dans l'école du nu que celle qu'ils auront obtenue au concours des places dans ladite école.
Art. 7. Tous les ans, à la fin du cours d'ana-tomie, il sera adjugé une médaille pour cette étude.
Pour y concourir, les élèves seront tenus de faire dans les écoles une figure dessinée ou modelée d'après nature, sur laquelle ils indiqueront la miologie, comme si le modèle eût été disséqué ; en outre, ils répondront aux questions qui leur seront faites sur l'anatomie par le professeur et son adjoint artiste.
Pour que les dessins ou modèles soient soumis au jugement de la section, les conditions indiquées à l'article 3 seront observées, et le jugement de cette médaille sera porté ainsi qu'il est dit à l'article 4.
Art. 8. Tous les ans, à la fin du. cours de perspective, il sera adjugé une médaille pour cette étude.
Pour y concourir, les élèves seront tenus de remplir, à la fin de chacune des trois parties du cours, un programme relatif aux objets qui y auront été enseignés. Ges programmes seront donnés par le professeur de perspective, auquel sera adjoint un comité composé de quatre membres de la section, nommés au scrutin à cet effet.
Les ouvrages de ces trois concours seront signés du professeur et mis sous le scellé jusqu'au jugement, par lequel la section déterminera le nombre * de ceux qui devront être admis au concours définitif.
Pour ce dernier concours, il sera donné par le même comité un nouveau programme, dans lequel il sera toujours introduit des figures.
Le jugement de ces concours sera toujours.précédé d'un rapport du comité, afin que tous les membres qui devront porter leur jugement aient pleine connaissance des obligations imposées par les programmes. Le jugement sera porté selon le mode indiqué à l'article premier.
Art. 9. Tous les ans, à la fin du cours d'histoire, il sera adjugé une médaille pour cette étude.
Pour y concourir, les élèves seront tenus de faire dans les salles de la section une esquisse dessinée, peinte ou modelée, d'après un programme qui leur sera donné par un comité composé de quatre membres de la section, peintres d'histoire et sculpteurs, nommés au scrutin, et un adjoint au professeur d'histoire.
Les élèves concourants seront obligés de répondre aux questions relatives au trait d'histoire qui aura servi de programme à l'esquisse.
Ce concours durera trois jours ; les ouvrages des concourants ne sortiront pas des salles de la section; ils seront jugés ainsi qu'il est dit à l'article précédent, après un rapport du comité.
Art. 10. Tous les ans, au mois de septembre, le prix fondé par M. de Caylus pour une tête d'expression, sera adjugé.
Les élèves qui auront remporté une médaille dans les écoles du nu ou de l'antique, et ceux qui auront remporté un prix de peinture ou de sculpture, seront seuls admis à ce concours, pour lequel ils seront tenus de peindre, dessiner ou modeler une tête d'après nature dans les salles de la section, suivant l'intention du fondateur .
Le modèle sera choisi et posé par un professeur nommé au scrutin.
Pour que lesdits ouvrages soient soumis au jugement, les conditions indiquées à l'article 3 seront observées, et le jugement porté ainsi qu'il est dit à l'article premier.
Trois matinées seront employées à ce concours.
Art. 11. Tous les ans, au mois de juillet, on adjugera le prix fondé par M. de la Tour, pour une demi-tigure d'homme nu, peinte d'après nature.
Pour ce concours, les élèves seront tenus de peindre d'après nature, dans les salles de la section, une demi-figure d'homme nu, de grandeur naturelle, dont partie dans la demi-teinte.
Pour être admis à ce concours, les mêmes conditions exigées pour celui de la tête d'expression seront observées.
Six jours entiers seront employés à ce concours, et l'on procédera au jugement ainsi qu'il est dit à l'article premier.
Art. 12. Tous les ans, au mois d'août, le grand prix et le second pour la peinture seront adjugés.
Pour être admis à concourir à ces prix, les élèves seront tenus, pour première épreuve, de faire, dans les salles de la section et pendant l'espace d'un jour, une esquisse dessinée ou peinte, dont le sujet leur sera donné le matin par un comité nommé à cet effet : ils seront obligés d'y joindre les preuves de leurs études sur l'ana-tomie, la perspective et l'histoire.
La section admettra à la seconde épreuve, qui consistera en une figure académique peinte d'après nature, et dans les salles de la section, ceux dont les esquisses auront été jugées les meilleures. Ces figures, jointes aux esquisses choisies, seront soumises au jugement de la section, qui, d'après lesdits ouvrages,, nommera les concourants au grand prix au nombre de sept au moins.
Les deux épreuves se feront dans le courant de mars. Au premier avril, s'il n'est pas fête, les élèves qui auront été choisis se réuniront à sept heures du matin.dans les salles de la section. Le programme du tableau, qu'ils devront exécuter, leur sera donné par un comité nommé à cet effet, et dans trente-six heures, sans plus, ils feront leur esquisse sans sortir:
Le soir, les professeurs en exercice apposeront leur signature sur les esquisses, desquelles il sera pris un trait sur papier verni, afin que les concourants ne puissent en aucune manière changer la marche de leur composition. Ces calques seront mis sous le scellé. De suite, les élèves travailleront à leur tableau jusqu'à la moitié du mois de juin : les ouvrages terminés seront déposés sous le scellé, et y demeureront jusqu'à l'exposition d'iceux.
Lesdits ouvrages seront jugés ainsi qu'il sera dit à l'article. 17.
Art. 13. Le grand prix et le second pour la sculpture seront adjugés le même jour que ceux de peinture. Pour y concourir, les élèves seront soumis aux mêmes conditions et épreuves que les peintres; et les mêmes jours qu'eux, ils devront faire une esquisse modelée, ainsi qu'une ligure académique modelée.
Au mois, de juin, les concourants, qui seront pareillement au nombre de sept au moins, seront réunis pour recevoir le programme du bas-relief qu'ils devront exécuter.
Trente-six heures leur seront également données pour faire leur esquissé; et le soir, les professeurs en exercice y apposeront le cachet de la section : le lendemain, elles seront moulées à
creux perdu, et les plâtres seront mis sous le scellé. De suite, ils travailleront à l'exécution de leur bas-relief jusqu'au jour de l'exposition au mois d'août.
Ces ouvrages seront jugés, ainsi que ceux des concourants au grand prix de peinture.
Art. 14. Tous les deux ans, au mois d'août, il sera accordé un grand prix et un second pour la gravure : ils seront adjugés le même jour que ceux de peinture et de sculpture.
Pour être admis à concourir, les élèves devront préalablement présenter des gravures avec figures, lesquels seront signées d'un membre de la section qui attestera que lesdites gravures sont entièrement de l'aspirant.
Les élèves joindront à ces gravures des preuves de leurs connaissances en perspective, d'après quoi ils seront admis à dessiner dans les écoles, une figure d'après l'antique et une d'après le modèle nu ; il sera indiqué une semaine pour chacune de ces figures.
D'après ces différents ouvrages, il sera choisi par la voie du scrutin six concourants pour les prix, lesquels seront tenus de présenter au concours des dessins de têtes, pieds et mains faits d'après nature et de grandeur naturelle, une figure d'après l'antique, un figure d'après le modèle nu, sur laquelle les muscles devront être exprimés comme si le modèle eût été disséqué : il sera joint à ces études un dessin fini d'après un tableau au choix du concourant.
Tous ces dessins devront être faits dans les salles de la section, et suivant les conditions imposées pour les différents concours.
Les ouvrages ci-dessus énoncés, joints aux gravures qui auront été présentées lors de l'admission au concours, seront présentés pour le jugement définitif qui sera fait ainsi que celui des grands prix de peinture et de sculpture.
ArL 15. Tous les deux ans, au mois d'août, et l'année où il n'y aura pas de prix de gravure, il sera accordé un grand prix et un second à des artistes peintres de batailles, ou de paysages, ou de marine.
Ces pr ix seront adjugés le même jour que ceux de peinture et de sculpture.
Pour être admis au concours, les élèves devront avoir remporté au moins une médaille pour l'étude d'après l'antique, et faire preuve de leurs connaissances en perspective et en architecture. Ils présenteront des ouvrages peints d'après nature, qu'un membre de la section certifiera être faits par l'aspirant.
D'après ces ouvrages, il sera choisi six concurrents : la section ordonnera à chacun, selon le genre qu'il suivra, le sujet du tableau qui servira au concours, auquel devront être joints une figure dessinée d'après l'antique et une d'après nature, dans les écoles.
En outre, ils. concourront sur un programme qui leur sera donné pour la perspective.
Les conditions imposées pour les différents concours seront suivies pour l'exposition des ouvrages, et leur jugement sera porté, ainsi que pour les grands prix de peinture et de sculpture.
Art. 16. Les ouvrages concourant aux grands prix seront toujours exposés publiquement, le matin, dans les salles de la section, pendant huit jours avant celui du jugement, à moins que les élèves qui/renonceraient au prix ne voulussent retirer leurs ouvrages.
Art. 17. Avant le jour désigné pour l'exposition des grands prix, les deux officiers de la section, joints aux professeurs en exercice et à quatre
académiciens nommés au scrutin, se réuniront pour lever le scellé apposé sur les ouvrages pour les concours. Le directeur reconnaîtra si le cachet est intact et le brisera.
Le soir, la section s'assemblera pour savoir s'il y a lieu à adjuger les prix, et indiquer le jour du jugement. Ce jour arrivé et les numéros placés sur les ouvrages, on } recédera au jugement selon la forme indiquée à l'aiticle premier.
Immédiatement après le jugement porté, il sera annoncé aux élèves dans les écoles.
Art. 18. Le temps de la pension à l'école de Rome accordé aux élèves qui auront remporté les "grands prix, sera de quatre années pour les peintres d'histoire, les sculpteurs et les graveurs.
Chaque année, ils enverront de leurs ouvrages à la section, pour faire connaître leurs progrès, et les mettre à portée de recevoir les avis de la section, qui seront résumés par deux peintres d'histoire ou sculpteurs nommés à cet effet et au scrutin. Ce résumé sera soumis à l'assemblée avant d'être envoyé aux élèves.
Les peintres d'histoire, les sculpteurs et les graveurs seront tenus en outre de faire, pendant leur séjour à Rome : les premiers, un tabkau de leur composition, comportant des ligures de proportion de demi-nature au moins; les seconds, une ligure en marbre de grandeur naturelle et de leur composition ; les troisièmes, une planche gravée de grandeur de demi-aigle.
Ces ouvrages appartiendront à la section qui déterminera quelles sommes seront délivrées pour l'exécution desdits ouvrages.
Art. 19. Le temps de la pension pour voyager, accordée aux élè\es qui auront remporté le grand prix de peinture pour les genres, sera de trois années.
Les élèves seront tenus de soumettre à la section l'ordre qu'ils se pioposeront de suivre dans leurs voyag( s pour leurs études, et d'envoyer, à la fin de chaque année, de leurs ouvrages à la section qui leur fera passer ses avis, ainsi qu'il est dit à l'article précédent.
En outre, les pensionnaires seront tenus de faire, pendai.t lesdites trois années de leur pensionnait, un tableau de leur genre de cinq pieds sur quatre environ de proportion.
Ces ouvrages appartiendront également à la section.
Art. 20. Tout élève concourant aux prix et qui îera convaincu de s'être fait aider dans son travaillera exclu du concours.
TITRE III.
Des fonctions des officiers et des professeurs.
Art. 1er. Le directeur sera chargé de surveiller les affaires
de la section et de faire exécuter les délibérations et règlements pris dans ses assemblées :
il ne pourra porter aucune décision qu'après en avoir référé à la section.
Il sera de droit à la tête de toutes les députa-tions, il ouvrira et présidera toutes les assemblées, et convoquera les assemblées extraordinaires : il recevra le serment particulier des nouveaux académiciens reçus dans la section, et il les introduira dans l'assemblée générale des deux sections réunies, lors du serment qu'ils devront prêter dans l'assemblée générale de l'Académie centrale.
Il sera dépositaire du cachet de la section ; il devra l'apposer sur les lettres de provisions qui
seront délivrées à chacun de ses membres : il apposera et lèvera les scellés sur les ouvrages des élèves, qui seront consignés en attendant le jugement des prix, conjointement avec les officiers et les professeurs nommés à cet effet.
En cas d'absence ou de maladie, il sera suppléé par l'ex-directeur, ou par un membre nommé ad hoc.
Art. 2. Le secrétaire sera chargé de la correspondance particulière de la section, d'après les ordres qu'il aura pris dans les assemblées. Il devra, après l'ouverture de chaque assemblée, lire le procès-verbal de la précédente; il sera tenu de faire lecture de tout ce qui sera adressé à la section, et pareillement, après avoir consulté l'assemblée, de toutes les conférences sur les arts ou autres éerits y relatifs dont les auteurs le chargeront; il rédigera le procès-verbal de la séance avant qu'elle soit levée, et en fera lecture â haute voix avant qu'il soit signé : il donnera communication des registres à tous les membres de la section qui l'en requerront; il sera chargé de la convocation des assemblées ordinaires; il signera les billets de convocation et fera signer par le directeur ceux des assemblées extraordinaires.
Chaque année, il fera l'historique de ce qui concerne la section, et en fera lecture dans une assemblée du premier quartier de l'année.
Il aura la garde des archives et de tous les papiers appartenant à la section.
Art. 3. Le secrétaire-adjoint aidera le titulaire dans ses fonctions, le suppléera en cas d'absence ou de maladie.
Art. 4. L'académicien graveur, garde deg planches gravées, veillera à leur conservation ainsi qu'à leur impression : son logement sera attenant aux salles de la section, et les planches y seront déposées.
Il sera en outre chargé de la garde de tous les tableaux, sculptures, gravures et autres objets appartenant à la section, et ne pourra en confier aucun, même aux académiciens, sans un récépissé, et sans y avoir été autorisé par une délibération de la section.
Le concierge-gardien sera chargé de la vente des estampes, dont il rendra compte tous les trois mois au garde, qui, lui-même, sera comptable tous les ans envers la section.
Art. 5. Les professeurs, dits professeurs anciens, arrivés à ces places par une suite de longs services dans les écoles et par un nombre d'élections dans les places de professeurs annuels, n'auront pas, à raison de leur âge, un exercice aussi étendu que celui des professeurs annuels ; mais, afin que les élèves puissent toujours profiter de leurs conseils, ils exerceront conjointement avec les professeurs annuels, et pourront ne se rendre aux écoles qu'une fois par semaine.
Le temps de leur exercice sera de quatre mois, savoir : un mois dans chaque école du nu et un mois dans celle de l'antique ; le dernier mois de leur exercice, ils se rendront tous les samedis dans la salle destinée aux leçons pour les élèves qui suivent les différents genres, et conjointement avec les trois professeurs annuels desdits genres, les aideront de leurs conseils.
Art. 6. Les professeurs annuels seront deux mois en exercice, un dans chaque école du nu, en laquelle ils poseront le modèle, corrigeront les ouvrages des élèves, maintiendront l'ordre et la tranquillité parmi eux, et veilleront à tout ce qui leur est nécessaire.
Les deux professeurs annuels ea exercice dans
Je même temps, seront tenus de professer alternativement, une heure chaque jour, pendant une semaine, dans l'école de l'antique.
Art. 7. Les suppléants aux professeurs annuels exerceront dans It s cas de maladie ou d'absence de professeurs annuels : leurs fonctions seront les mêmes, et ils toucheront les émoluments attachés au professorat annuel, en proportion, du temps qu'ils auront exercé.
Art. 8. Le professeur d'anatomie n'aura d'exercice que pendant le temps du cours, la durée duquel aura été déterminée par la section, ainsi qu'il est dit à l'article 7 du titre de l'enseignement public.
L'adjoint artiste au professeur d'anatomie assistera à toutes les leçons, et remplira les fonctions indiquées à l'article 4 du titre de l'enseignement public, et il corrigera les ouvrages que les élèves feront à la suite des leçons.
Art. 9. Le professeur de perspective n'aura d'exercice que le temps du cours, dont la durée sera fixée ainsi qu'il est dit à l'article ci-dessus. Il sera tenu de corriger les ouvrages que les élèves auront faits par suite de ses leçons.
L'adjoint pour la partie d'architecture n'aura d'exercice que pendant la durée de la partie du cours relative à l'architecture : il sera tenu aux mêmes soins envers les élèves.
Dans le cas où te professeur de perspective sera aussi chargé de l'enseignement de l'architecture, il remplira les fonctions de professeur et d'adjoint.
Art. 10. Le professeur d'histoire n'aura d'exercice que pendant le temps du cours, dont la durée sera lixée ainsi qu'il est dit à l'article 8,
L'adjoint artiste sera tenu de draper le mannequin suivant les costumes qui auront été enseignés dans le cours, et de diriger les ouvrages des élèves.
Si le professeur d'histoire est artiste, il remplira les fonctions de professeur et d'adjoint.
Art. 11. Si les professeurs d'anatomiéi de perspective et d'histoire ont des suppléants, ces suppléants n'aur»nt d'exercice que dans les cas de maladie ou d'absence de leurs titulaires, et alors ils toucheront les émoluments attachés à ces /onctions en proportion du temps de leur exercice.
S'ils ne sont point artistes ni de la section, ils n'auront que droit de séance dans les assemblées et voix consultative seulement.
Art. 12. Les professeurs pour les différents genres de peinture et pour la gravure, n'étant tenus qu'à un jour d'exercice par semaine, les professeurs anciens et les professeurs annuels exerceront également : leur exercice sera de trois mois, pendant lequel temps ils seront tenus 4e se rendre tous les lundis, ou le mardi s'il est fête l.e lundi, dans la salle destinée à recevoir les ouvrages des élèves qui s'adonnent aux différents genres, et de leur donner des leçons ainsi qu'il est dit à l'article 8 du titre de l'enseignement public.
Autant qu'il sera possible, les trois professeurs en exercicé seront deux peintres de différents genres et un graveur.
Art. 13. Les .suppléants aux professeurs ci-dessus nommés exerceront aux mêmes conditions que les suppléants pour le genre historique, comme il est dit à l'article 7.
Art. 14. Tous les ans, dans le courant de décembre, on procédera aux élections pour les différentes fonctions.
La section répartira les places de3 professeurs
pour le genre historique, en nombre égal, autant que faire se pourra, entre les peintres d'histoire et les sculpteurs.
Art. 15. A l'époque de l'exposition publique des ouvrages faits par les membres de la section, il sera nommé par la voie du scrulin, des commissaires au nombre de cinq, pris dans la section, pour examiner s'il ne se trouve point, dans les ouvrages présentés, quelque chose de contraire aux mœurs et à l'ordre public.
Ils feront leur rapport à la section qui prononcera sur les ouvrages mêmes qui lui seront présentés à cet effet.
Les personnes nommées pour celte fonction ne pourront refuser de s'en charger.
Dans le cas où quelque ouvrage n'aurait pas été apporté au jour qui aura été fixé pour l'examen, les mêmes commissaires le jugeront définitive-* ment.
Art. 16. Les officiers de la section et les dix-huit professeurs anciens auront des places fixes dans les assemblées.
La section a désigné ces places aux professeurs anciens, par la seule considération de leurs longs services dans les écoles et de leur âge, et non pour leur donner aucune autre prérogative dans les assemblées.
titre IV.
Du mode et des conditions pour lès réceptions.
Art. 1er. Nul ne pourra obtenir le titre d'académicien s'il
n'est de bonnes mœurs et de probité reconnues; et pour lever toute incertitude à cet égard,
l'aspirant se procurera un présentateur, lequel préviendra la compagnie dans une assemblée
précédente sur les mœurs de l'aspirant, sur le genre de son talent et sur la certitude que
les ouvrages à présenter sont de la main de l'aspirant.
La présentation devra être appuyée par trois membres de la section.
Art. 2. Tous les artistes d'un talent supérieur dans la peinture, la sculpture, la gravure en taille-douce, la gravure en pierres et en médailles et les dessinateurs compositeurs seront admissibles dans la section; mais tous les artistes, quel que soit le genre qu'ils aient adoptés, seront obligés de joindre aux ouvrages qu'ils présenteront pour la première épreuve, des études de figures académiques d'après l'antique et d'après nature, au moins dessinées.
Et les peintres d'architecture, de paysage, de marine, d'animaux et de fleurs, seront ténus d'introduire dans leurs morceaux de réception, des ligures ou au moins des accessoires, comme statues ou bas-reliefs qui prouvent leurs connaissances dans la figure.
Art, 3. Les femmes artistes seront dispensées de présenter des figures académiques d'après nature; mais elles seront tenues de présenter des dessins de têtes, pieds et mains d'après nature, et des ligures entières d'après l'antique.
Art. 4. L'artiste à qui la première épreuve aura été favorable sera inscrit sur les registres de la section- Cette épreuve ne lui donnera aucune prérogative dans ladite section. Son présentateur devra lui communiquer les statuts, afin qu il sache d'avance, si par suite il est reçu, sous quel régime il doit promettre de vivre et de se conduire dans le corps. Art, 5, Les morceaux présentés à la section
pour la réception d'un artiste, seront exposés aux veux du public, dans les salles de la section, le matin seulement, huit jours avant celui de l'assemblée dans laquelle ils devront être jugés.
Art. 6. Le nouvel académicien prendra, place dans l'assemblée de la section du moment de sa réception, après avoir été introduit par son présentateur, ét avoir prêté serment entre les mains du directeur, d'observer fidèlement et religieusement les statuts; et le secrétaire lui en délivrera un exemplaire.
Art. 7. Les lettres de provision seront émanées et intitulées de la section académique de peinture, sculpture et gravure ; elles seront scellées de son cachet, et signées de ses officiers; on y fera mention des ouvrages donnés par les académiciens pour leur réception ; lesdites lettres devront en outre être scellées du sceau de l'Académie centrale, et seront délivrées au nouvel académicien après le serment qu'il aura prêté dans l'assemblée des deux sections réunies.
Enumération des ouvrages que les artistes devront présenter à la première épreuve et pour leur réception, en outre des conditions exigées par l'article 2.
Art. 8. Le peintre d'histoire présentera, à la première épreuve, Un tableau composé de plusieurs figures. Il devra y joindre des compositions peintes ou dessinées. Si les figures du tableau ne sont pas de grandeur naturelle, l'artiste sera obligé de présenter quelques études peintes en grand d'après nature.
,Pour sa réception, il présentera un tableau d'histoire dont le sujet sera à son choix. ■
Le sculpteur présentera à la première épreuve, un modèle en plâtre d'une figure nue et d'âge Viril* 11 devra y joindre des compositions modelées en bas-reliefs ou dessinées, et des études particulières modelées d'après nature, plus grandes ou plus petites que nature, afin qu'on ne puisse le soupçonner de les avoir fait mouler sur nature.
Pour sa réception, il exécutera en marbre, de grandeur de deux pieds et demi de proportion au moins, lé modèle qui lui aura mérité les suffrages à la première épreuve, ou tout autre morceau à son choix, en.observant les mêmes conditions prescrites pour la première épreuve.
Le peintre de portraits présentera à la première épreuve, plusieurs portraits d'après nature, de grandeur naturelle, dont un en pieds.
Pour sa réception, il sera tenu de faire un portrait en pieds, ou deux jusqu'aux genoux seulement, à son choix, d'après les personnes qui lui seront désignées par la section.
Les peintres en miniature et en émail présenteront à la première épreuve, plusieurs portraits d'après nature, ou des sujets de plusieurs figures de ietir composition.
Le peintre en miniature sera tenu, pour sa réception, de faire deux portraits en pieds, d'après les personnes qui lui seront désignées par la section.
Le peintre en émail fera de même, pour sa réception, deux portraits, mais qui pourront n'être que des demi-ligures.
Ces deux peintres seront libres de présenter, pour leur réception, des tableaux de plusieurs ligures de leur composition.
Les peintres de batailles, de scènes familières, de paysages, de marine, d'animaux, d'architec-
ture, de fleurs et fruits, présenteront, pour la première épreuve, des tableaux de leur genre d'après nature ou de leur composition, auxquels ils joindront des études particulières et de grandeur naturelle, autant que faire se pourra.
Pour leur réception, ils présenteront un grand tableau ou deux petits à leur choix.
Le dessinateur compositeur présentera, à la première épreuve, des dessins composés de plusieurs figures, et des études en grand d'après nature.
Pour sa réception, il fera un grand dessin de sa composition, ou deux petits.
Le graveur en taille douce présentera, pour la première épreuve, des ouvrages de gravure, auxquels il joindra des dessins de têtes, pieds et mains d'après nature et de grandeur naturelle.
Pour sa réception, il présentera un portrait avec des mains, ou un morceau de genre historique, de grandeur de demi-aigle, dont la planche appartiendra à la section.
Les graveurs en pierres et en médailles présenteront, pour la première épreuve, des morceaux de leur genre, auxquels ils joindront des têtes modelées d'après nature et des bas-reliefs de leur composition, dont les figures auront au moins un pied de proportion. - Pour leur réception, ils feront un sujet composé, ou deux portraits d'hommes illustres du siècle, selon leur genre.
Art. 9. Nonobstant la condition exigée des deux épreuves, si un artiste d'un talent prouvé par plusieurs ouvrages faits à Paris demandait à présenter, pour sa réception, un des morceaux qui lui auraient mérité les suffrages à la première épreuve, la section ira au scrutin pour connaître si l'ouvrage proposé est supérieur et peut mériter à son auteur l'exemption de la double épreuve; et si les deux tiers des suffrages sont en sa faveur, la section procédera de suite à sa réception.
Art. 10. Tout membre de la section qui voudrait substituer un autre morceau à celui de sa réception, pourra le faire, pourvu que le morceau qu'il proposera soit jugé meilleur que le premier par les deux tiers des suffrages des votants, et dans le cas d'acceptation, il sera tenu de rapporter ses lettres de provision, pour qu'il y soit fait mention de cet échange.
Art. 11. Il ne sera permis à aucun membre de la section d'exprimer à haute voix son sentiment sur les ouvrages soumis au jugement de l'assemblée.
TITRE V.
Des employés au service des écoles et de l'entretien et surveillance des salles de la section*
Art. 1er. 11 y aura quatre modèles d'hommes choisis par la
section assemblée dans une salle des écoles, lesquels poseront chacun une semaine
alternativement dans chaque école : ils seront aux ordres de la section pour les différentes
études indiquées aux élèves.
Ils rempliront en outre les différentes fonctions-que la section leur indiquera.
Art. 2. Il y au^a Un concierge-gardien et deux adjoints chargés de veiller à l'entretien et à l'ordre des écoles.
Le premier sera logé par la section et près de ses salles et de ses écoles : il sera chargé de tout ce qui concerne l'entretien des salles de la sec-
tion : il fera arranger tous les ouvrages qui seront présentés au jugement de la section : il sera présent aux assemblées, et préparera tout ce qui y sera nécessaire.
11 sera particulièrement chargé de veiller à l'exécution des règles de police relatives aux différents concours des élèves, et il exécutera les ordres que les professeurs en exercice seront dans le cas de lui donner pour le service des écoles.
Il sera nommé par toute la section, et lors de sa nomination, il prêtera serment dans l'assembléè, entre les mains du directeur, de .remplir exactement tous les devoirs qui lui seront imposés.
Art. 3. Les deux concierges-adjoints seront également nommés par la section: ils seront chargés de rester dans les écoles pendant le temps des études et seront soumis aux ordres des professeurs en exercice pour tout ce qui concernera les écoles.
Ils suppléeront le concierge-gardien dans ses fonctions, si le cas y échoit. .
Art. 4. Il y aura, un huissier chargé d'ouvrir les portes des salles de la section les jours d'assemblées, afin qu'il ne s^y introduise aucun étranger sans mission : il annoncera les députa-tions et recevra les lettres et paquets adressés à l'assemblée pour les remettre sur le bureau.
La section aura un suisse, garde des portes et des salles.
Art. 5. 11 y aura, pour le service de la section, un frotteur et un balayeur.
Le concierge-gardien pourra en outre employer d'autres hommes de service, selon le besoin; et ces dépenses extraordinairesj ainsi que toutes celles imprévues pour les écoles, ne pourront être payées que sur les mandats dés professeurs en exercice, auxquels le concierge-gardien sera tenu de rendre compte.
Art. 6. Si quelques-uns de ces employés manquaient à leurs devoirs ou à l'honnêteté envers les membres de la section et envers les élèves, ils seront réprimandés ou renvoyés, selon l'exigence des cas, d'après le rapport qui en sera fait a la section ; mais ils devront être entendus pour leur défense avant d'être jugés.
Titre des dépenses annuelles de VAcadémie centrale,
et de celles particulières à la section de peinture,
sculpture et gravure.
L'Académie centrale pourra tenir ses assemblées générales dans la plus grande des salles d'assemblée d'une des deux sections. Alors les dépenses relatives à l'institution générale seraient seulement celles des honoraires des officiers pour l'administration générale, les frais d'assemblée, de la correspondance et . autres détails y relatifs.
L'Académie ne peut donc présenter qu'en aperçu cette dépense pour laquelle elle forme une démande de 10,000 livres.
La dépense nécessaire pour l'entretien de l'école de Rome ne peut être présentée au juste, sans avoir la connaissance des comptes qui ont dû être donnés par l'administration des nâtiments du roi: d'après ce compte, il sera facile d'évaluer la [dépense de cet établissement, l'Académie ise borne à la demande d'un pensionnaire de plus par année, ce qui formerait le nombre de treize en même temps à la pension.
L'Académie observe que la somme de 300 livres, accordée chaque année aux élèves, pendant leur séjour à Rome, et celles de 300 livres pour le voyage de Paris à Rome, et de 300 livres pour
le retour, étaient suffisantes lors de la fondation, mais ne suffisent plus en ce moment aux dépenses de voyages et aux frais d'études particulières ; elle espère que l'Assemblée nationale voudra bien prendre en considération la demande d'augmentation pour cet objet.
Les sommes nécessaires pour les dépenses-particulières à chaque section doivent être présentées séparément par chacune d'elles, leurs dépenses ne pouvant être les mêmes, relativement aux écoles publiques et au nombre des professeurs nécessaires pour l'enseignement.
L'Académie royale de peinture, sculpture et gravure, qui formera une des sections, a toujours régi elle-même ses revenus : ils consistaient en une somme de 11,330 livres, prise sur les dépenses des bâtiments du roi. Dans cette somme était comprise celle de 1,330 livres pour les médailles accordées aux élèves.
L'Académie avait en outre le produit de location des différents objets accordés successivement par le roi, lesquels ont porté Jes revenus de l'Académie à la somme de 28,,.430 livres, non compris celle de 1,399 livres, provenant de fondations particulières, dont l'emploi est prescrit par les fondateurs, et celle de 1»000livres environ de la vente des estampes dont les planches appartiennent à l'Académie.
L'Académie se soutenait avec ce revenu par l'économie de son administration et la modicité des honoraires qu'elle donnait à ses professeurs, qui n'auraient pu faire le sacrifice d'un temps destiné à les faire subsister eux et leur famillo pour la somme de 400 livres qui leur était allouée, si la bienfaisance du roi n'y eût silppléé en accordant aux artistes des logements, des travaux d'encouragement, et des pensions particulièrement pour les professeurs.
Cette grande économie de l'Académie l'avait mise à portée de faire quelques épargnes : elle se disposait à ajouter quelque accroissement à l'enseignement public, quand la perte successive d'une partie de ses revenus et du retard du payement de la somme annuelle de 11,330. livres sur le Trésor royal, depuis plusieurs années, l'a forcé de suspendre ce qu'elle avait projeté. Elle n'a pu se soutenir depuis qu'en faisant usage de3 sommes économisées.
C'est dans ce moment qu'appelée à présenter un projet de statuts, l'Académie a cru de son devoir de mettre sous les yeux des législateurs, tout ce qui est nécessaire pour l'encouragement des arts et l'enseignement public.
Les cours, les concours, les prix qu'elle propose d'ajouter à ceux déjà établis ; l'augmentation du nombre des professeurs, le surcroît de service pour ceux du genre historique,l'obligent de former une demande de la somme annuelle de 49,230 livres, affectée particulièrement à la section de peinture, sculpture et gravure, et dont l'emploi sera, ainsi qu'il est dit dans l'état ci-annexé : et pour les différents travaux d'encouragements accordés aux peintres, sculpteurs et graveurs, destinés à former une collection des ouvrages des maîtres de l'école française pour orner le Muséum et autres édifices publics, une somme annuelle de 60,000 livres, dont la distribution se ferait suivant qu'il est dit à l'article 24 du titre de l'organisation générale de la section académique de peinture, sculpture et gravure.
L'Académie observe que les différents cours et concours nécessitent des acquisitions, telle que :
Pour le cours d'anatomie, la construction d'un
amphithéâtre des pièces d'anatomie soit moulées surnature, soit injectées.
Pour le cours d'histoire, des mannequins et costumes, etc.
L'Académieespèreque l'Assemblée nationale approuvera que, lors de sa formation en sections académiques, elle emploie ce qui lui restera de ses économies des années qui ne lui ont point été payées et qui sont comprises dans l'arriéré, à l'acquisition des objets ci-dessuis mentionnés, qui sont d'une absolue nécessité, et que, après ces dépenses faites, elle place le reste, s'il y a lieu, pour en être le revenu joint à celui d'une rente de 180 livres d'une fondation de M. Massé, à celui de 1,000 livres, à peu près, provenantde la vente de ses estampes, et enfin aux 1,200 livres demandées ci-contre pour des dépenses imprévues :
1° Pour les dépenses imprévues qui se présentent annuellement pour les écoles, dépenses d'acquisitions, modiques à la vérité, mais très nécessaires aux élèves, et dont il est impossible de donner un aperçu, parce que les circonstances seules les déterminent ;
2° Pour les secours pécuniaires donnés à des veuves d'artistes infortunés, et, dans le cas d'ac^ cident, à des académiciens mêmes, enfin, à des gens attachés au service de l'école.
Ces secours particuliers se sont montés, en 1789, à la somme de 1810 livres. L'Académie regardera comme un très grand bienfait, la possibilité de continuer ces secours momentanés après sa nouvelle constitution.
L'Académie observe encore que les huit premiers articles de l'état de dépenses ci-joint, ne peuvent être présentés que par approximation ; que les hivers plus ou moins rigoureux et différentes circonstances peuvent les augmenter ou diminuer, lille demande que dans le cas où, après deux années révolues, il se trouverait uue somme restante, elle soit autorisée à l'employer en acquisitions utiles à l'enseignement public, en justifiant l'emploi, ainsi qu'il est de droit.
état
des dépenses particulières de la section de peinture sculpture et gravure.
Dépenses de bois, lumières, charbon, huile pour éclairer les trois écoles et les salles, ci............................... 3,000 liv.
Frais de transport des antiques, arrangement des morceaux de réception, des prix et autres frais relatifs, ci......................... 1,200
Frais relatifs au cours dvanatomie,
ci»............................... 400
Dépenses relatives au cours d'histoire et Costumes, ci....................600
Dépenses relatives au cours de
perspective, ci.................... 200
Poses de modèles extraordinaires, relativement aux différents cours et
concours, ci...................... 600
Entretien des ustensiles nécessaires aux écoles et entretien des
salles, ci......................... 600
Frais des papiers, registres, billets de convocation et écritures, ci..... 600
Pour les médailles accordées aux élèves, ci........................ 1,560
A reporter.. .. 8,760 liv.
Report.....i 8,760 liv.
Aux douze professeurs pour le genre historique, nommés professeurs anciens, à raison de 1,200 li"
vres chacun, ci................... 14,400
Aux douze idem nommés professeurs annuels, à raison de 600 livres
ci............................. 7,200
Au professeur pour l'anatomie,
ci............................... 600
Au professeur artiste adjoint, ci. 600 Au professeur de perspective, ci. 600 Au professeur adjoint pour l'architecture, ci.-............................300
Au professeur pour la fable, l'hià*
toire, mœurs et costumes, ci....... 1,000
Au professeur artiste adjoint, ci.. 600 Aux six professeurs pour les différents genres de peinture et gravure, nommés professeurs anciens, à
raison de 400 livres chacun, ci..... 2,400
Aux six idem, nommésjpro/méttrs annuels, à raison de 200livres, ci.. 1,200
Au secrétaire, ci.....................1,500
Au secrétaire^ joint, ci........ 5'0
Au garde des planches gravées, ci 600
Au concierge-gardien, ci.'....... 1,400
Pour les concierges-adjoints, ci . 1,700 Pour les quatre modèles, à raison de 820 livres pour le premier et de 700 livres pour chacun des trois autres, ci.......................... 2,920
A l'huissier, ci...^....,.------- 250
Au suisse, y compris le vêtement,
ci............................... 800
PoUr un frotteur-balayeur, ci.... 700 Pour . les dépenses imprévues, ainsi qu'il est expliqué au titre précédent, ci........................ 1,200
49,230 liv.
L'Ac&dêmie est en outre chargée de deux rentes viagères, l'une
de..........................1,200 liV.
à la demoiselle le Prince , pour acquisition d'un secret de gravure en lavio, de feu M. le Prince, son oncle ; et
d'une de............. 400
à la demoiselle Flipart pour acquisition de planches gravées par feu Monsieur son frère. .............
Total........... 1,600 liv* 1,600
Total....... 50,830 liv.
Total des dépenses annuelles pour les frais de la section académique de peinture,- sculpture et gravure.. 50,830
Travaux d'encouragements pour le soutien des arts de peinture, sculpture et gravure.....................60,000
Total général....... 110,830 liv.
Nota. L'Académie a cru devoir supprimer la dépense des jetons qu'elle prenait sur ses revenus, et ne laisser subsister cet usage qu'à l'égard de ceux fondés par M. de Julienne, moyeû^ nant la somme de 675 livres, né pouvant s'éCartef de l'intention du fondateur.
TiTRE de Vorganisation et du régime de l'école de peinture, sculpture, gravure et architecture établie à Rome.
Article 1er. Le but auquel tendra l'établissement de cette
école sera de procurer aux élèves qui seront envoyés pensionnaires à Rome, toutes les
facilités possibles pour porter leur talent à son plus haut point de perfection, par l'étude
des chefs-d'œuvre des arts que renferme l'Italie.
Art. 2. L'école de Rome sera sous la direction de l'Académie centrale de peinture, sculpture, gravure et architecture établie à Paris, qui nommera un de ses membres pour la présider, ainsi qu'il est dit à l'article 12 du titre de l'organisation de l'Académie centrale.
Art. 3. Il y aura tous les jours, excepté les fêtes et dimanches, une école ouverte pour l'étude du nu.
Art. $. Le choix des modèles sera fait à la majorité des suffrages, dans une assemblée composée des élèves pensionnaires, convoquée par le directeur et présidée par lui.
Art. 5. Les pensionnaires enverront de leurs ouvrages, chaque année, à la sectiou dont ils seront élèves; savoir: les peintres, sculpteurs et graveurs, suivant le mode indiqué à l'article 18 du titre 2 des règlements de la section académique de peinture, sculpture et gravure.
Art. 6. Le nombre des élèves pensionnaires qui existeront en même temps à l'école de R >me, sera de treizev savoir : quatre peintres du genre historique, quatre sculpteurs, deux graveurs et trois architectes ; et de plus, il y aura une place destinée à un élève peintre de genre qui, selon la nature de son talent, aura été déterminé à voyager en Italie et aura choisi Rome pour son principal séjour.
Art. 7. Aucun élève ne pourra être admis à la pension de Rome qu'il n'ait remporté un grand prix, dans les écoles de l'Académie centrale, soit en peinture, sculpture, gravure, architecture.
Art. 8. Chaque élève pensionnaire sera tenu de présenter au directeur, le titre de pensionnaire ui lui aura été expédié lors de son départ de aris.
Art. 9. Il sera délivré à chaque pensionnaire, lors de son départ pour Rome,, une somma de 600 livres.
Lors du départ des pensionnaires peintres d'histoire et de sculpture, après quatre années révolues de séjour à Rome, il leur sera délivré à chacun, en sus de 600 livres pour leur retour, une somme de 1,200 livres pou? être, pendant l'espace d'une année, employée à subvenir aux frais de séjour et d'études, que l'élève pensionnaire sera tenu de faire dans l'Italie. Cette somme est destinée à donner à l'artiste, pendant son séjour dans les différentes villes qui renferment les chefs-d'œuvre des arts, les moyens d'acquérir toutes les parties nécessaires à leur perfection.
Néanmoins, duns le cas où des raisons particulières ne permettraient pas à ces artistes de profiter de cet avantage, il ne leur sera délivré q e la somme de 600 livies, et ladite somme de 1,200livres sera mise en réserve pour l'emploi en être fait en faveur de quelque autre élève, et pour la même destination, suivant le rapport qui aura été fait par le directeur à l'Académie centrale, qui déterminera sur sa demande.
Art. 10. Il sera alloué à chacun des pensionnaires, par année de leur séjour à Rome, une
somme de 600 livres: ils seront logé?, nourris, chauffés, éclairés, blanchis et soignés, en cas de maladie, aux frais de l'établissement.
Art. 11. Lorsque des pensionnaires, soit pour des études particulières, soit pour des raisons de santé, voudront faire quelque voyage, ils en feront part au directeur qui, sur leurs de mandes motivées, leur donnera les facilités nécessaires pour l'exécution de leurs projets.
Le temps de leur absence déterminé il ne pourra, sous aucun prétexte, y avoir de prolongation sans une nouvelle demande également appuyée de motifs valables.
Art. 12. Le directeur aidera de ses conseils les pensionnaires, dans la marche de leurs études : il veillera à ce que chaque année ils envoient leurs ouvrages à la section dont ils seront élèves; il leur communiquera les avis que les sections lui auront fait passer sur les ouvrages des pensionnaires, qui auront été soumis à l'examen des deux sections, ainsi qu'il est énoncé à l'article 18 du titre II des concours pour les médailles et prix.
Le directeur sera chargé en outre de vérifier les titres des pensionnaires lors de leur arrivée à Rome : il leur indiquera le logement qu'ils doivent occuper dans le palais de France, suivant l'ordre de leur arrivée; il veillera à tout ce qui concerne l'établissement, soit pour l'intérieur, soit pour l'extérieur ; il rendra compte enfin tous les ans à l'Académie centrale des travaux des pensionnaires et de sa gestion, comme finances, à qui il appartiendra d'en connaître.
Art. 13. Si le directeur avait quelques plaintes à former contre un ou plusieurs pensionnaires, il en référera à l'Académie centrale qui, sur l'exposé des faits de part et d'autre, jugera la question.
Art. 14. Si les élèves se croient en droit de rendre plainte contre le directeur, ils s'adresseront à l'Académie centrale qui, sur leur demande et l'exposé du directeur, rendra justice à qui il appartiendra.
Art. 15. Si par décèsou autrement une place d'e pensionnaire devenait vacante, le directeur en donnera avis à l'Académie centrale qui avisera aux moyens de remplacement.
Art. 16. Tous les frais relatifs à l'état que le directeur tient à Rome, seront à la charge de l'établissement, et il' lui sera en outre alloué pour ses émoluments par chaque année une somme de...
Art. 17. Il sera délivré au directeur, lors de son départ pour Rome, une somme.de.... destinée à le défrayer de son voyage, et lors de son retour pareille somme.
Art. 18. Les employés au service de l'établissement, seront:
1° Deux modèles d'homme pour l'étude du nu ;
2° Un architecte pour veiller à l'entretien et réparation du palais;
3° Un médecin ;
4° Un chirurgien;
5° Un apothicaire ;
6° Un portier;
7° Une femme de charge ;
8° Un cuisinier;
9° Un homme au service des pensionnaires;
10°Un concierge-gardien.
Art. 19. Si un des employés au service de l'établissement manque à son devoir, le directeur sera seul juge dans ce cas, et agira selon l'occurrence.
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
, secrétaire,'donne lecture d'une lettre écrite à M. le Président, par M. Aguillon^ maréchal de camp au corps royal du génie. Il offre à l'Assemblée les dessins d'une entreprise tendant au rétablissement d'un acqueduc romain d'une lieu d'étendue, pour ramener des eaux dans la ville d'Antibes-
L'Assemblée ordonne que les dessins seront déposés dans ses archives.
fait lecture d'une adresse dans laquelle les professeurs et étudiants en droit de la ville d'Augers exposènt que les principes des lois ne devant plus être puisés que dans les décrets de l'Assemblée nationale, il leur parait important qu'à la prochaine ouverture des écoles, il leur soit permis d'enseigner en français, pour être, moins exposés à altérer le sens des décrets.
« Nous avons, disent-ils, formé sous vos aus-« pices, le projet de ne puiser les principes de la « la législation que'dans celle qui est émanée de « votre sagesse. Vos,décrets sont rendus en lan-« gue française, parce qu'ils sont la loi. de tous «les Français; ceux qui les feront exécuter; « ceux qui discuteront ou qui jugeront la cause « du pauvre,de la veuve, de l'orphelin, du faible « opprimé et de l'homme puissant, doivent les « connaître. Il n'existe pas un seul citoyen qui « veuille en ignorer les expressions. Serait-il donc « réservé aux écoles publiques de transmettre en « une langue morte, les lois vivantes qui doivent « régénérer l'empire ?
« Gomment justifier l'antique usage d'enseigner « un code de lois étrangères, de l'enseigner dans « un langage peu familier, chez une nation qui, « dans le grand art de la législation, rivalise « avec Athènes et Rome, et qui déjà l'emporte « sur elles; chez une nation dont la langue est ' « la langue universelle des sciencesdans le monde « entier? Nous vous prions de peser, dans votre « sagesse, s'il ne serait pas plus favorable à « l'étude des lois, de les enseigner en langue
française dès la première année académique, « ce ne sera pas anticiper, mais préparer les ci-
toyens au plan d'éducation nationale, qui doit
couronner le grand ouvrage de la Constitution, « ce serait ajouter à vos bienfaits.
« Quelle que soit votre décision, Messieurs, « nous redoublerons d'efforts pour nous montrer c dignes de participer au bonheur que vous pré-« parez à l'humanité, dont vous allez faire jouir « la France entière et auquel aspire toute l'Eu-« rope. »
(Cette adresse est renvoyée au cotnité de Constitution, chargé de ce qui concerne l'éducation nationale.)
, rapporteur du comité des finances,
« L'Assemblée nationale, considérant que l'époque des vendanges donne lieu à des déclarations et à des inventaires qui font la base d'une portion importante des droits d'aides, droits réservés et autres droits perçus sur les boissons et vendanges, et voulant prévenir l'erreur dans laquelle pourraient être entraînés ceux qui refuseraient de se soumettre auxdites déclarations et inventaires, et paiements de droits, en confirmant ses précédents décrets, et notamment ceux des 17 juin 1789 et 28 janvier 1790, par lesquels elle a ordonné que tous les droits continueront d'être perçus dans la même forme et sous le même régime précédemment établi, déclare que cette disposition est surtout applicable aux déclarations et inventaires à l'époque, des vendanges et au paiement des droits d'aides, droits réservés, et tous autres droits imposés sur les boissons et vendanges, qui continueront provisoirement d'être levés dans la même forme et de la même manière qu'ils l'ont été précédemment, jusqu'à ce qu'il ait été définitivement statué sur le mode des contributions publiques, ainsi que sur celles des villes, ce dont l'Assemblée va s'occuper très incessamment. »
Je puis annoncer à l'Assemblée que le comité de l'imposition a terminé hier son travail sur les aides et qu'il est actuellement à l'impression.
Le décret que vous venez de rendre ne préjuge en rien votre décision sur le travail du comité d'imposition, il a seulement pour objet d'obligèr les redevables à s'acquitter en ce moment envers le Trésor.
, rapporteur du comité des finances, propose un projet de décret qui est adopté sans discussion. Il est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale décrète que provisoirement, et pour l'année 1790 seulement, les appointements et soldes des officiers et cavaliers de maréchaussée ne seront assujettis à aucune imposition. »
M. Lebrun demande à rendre compte à l'Assemblée du travail du comité des finances, sur la cession du Cl&rmontais, sur l'acquisition de la principauté d'Henrichemont et sur d'autres objets qui intéressent la bonne administration des finances.
(L'Assemblée décide qu'elle entendra le rapport de M. Lebrun.)
, rapporteur du comité des finances. Je vais vous parler de notre dette. Il faut bien la connaître dans son ensemble et dans ses éléments ; il faut bien en séparer tout ce qui n'en fait véritablement pas partie. Ce n'est guère que du règne de François 1er que datent nos plus anciennes rentes perpétuelles. A sa mort, l'Etat devait 75,000 livres d'intérêt, qui, au denier 20, feraient aujourd'hui un capital de 5,325,000 livres. Le marc d'argent était à 14 livres, mais on empruntait au denier 12, et le capital ne faisait en effet guère que 3,000,000 livres. François Ier laissa le
trésor royal dans l'abondance et un quart des revenus à recouvrer. Ce fut encor3 sous lui que commença la vénalité des offices; avant lui, on avait bien vendu quelques charges, mais ces ventes-là se cachaient sous la forme d'un prêt, et la pudeur publique défendait de les avouer. Avant lui, on connaissait les aliénations des domaines et les aliénations des revenus; c'était la ressource des financiers et le patrimoine des courtisans. Sous Henri II, sous ses enfants, les emprunts, les aliénations de domaines et la vénalité s'accrurent; mais une partie, la plus forte partie des rentes fut rejetée sur le clergé, qui, à cette époque, commença d'avoir ses assemblées économiques, ses revenus communs et ses charges. La casualité des offices en faisait une dette mobile qui s'éloignait, qui renaissait au gré de la sagesse ou de l'impéritie des ministres. Les aliénations du domaine et du revenu étaient la plaie la plus profonde de l'Etat. Les anticipations, la confusion des recettes et des dépenses, le désordre dans toutes les parties de l'administration, en étaient une autre que le génie seul pouvait entreprendre de guérir. Ce génie-là ce fut Sully. Il racheta le domaine, il racheta les revenus, il établit un système régulier de recette et de dépense. Sans doute, il abusa trop de cette funeste, de cette trop facile ressource de création de charges et d'offices, la plus mortelle de nos maladies, la vraie maladie française, qui a fait une grande partie de notre servitude et qui longtemps a dévoré, presque dans la racine, nos revenus, notre commerce et notre culture.
Après Sully recommencèrent les prodigalités, les besoins, la routine financière. On anticipa encore sur les revenus, on aliéna encore des domaines; on créa des rentes, des taxations ou des gages, toujours au denier 12, au denier 16, au denier 18; on fit de la finance des offices une charge fixe et permanente, en donnant des moyens de la sauver de la casualité.
Alors les officiers et les rentiers pesèrent dans la balance politique et firent une manière de puissance dans l'Etat.
C'était le payement des rentes, c'étaient les créations d'offices qui agitaient Paris dans cette guerre ridicule de la Fronde. L'ordre rentra dans les finances avec Colbert.Colbert, et par principe d'administration, et peut-être aussi par le souvenir des inconvénients qui avaient compromis l'autorité du prince et la tranquillité de l'Etat, se fit une loi d'éteindre les rentes et une partie des offices; mais il commença par réduire les rentes au denier 20, imputa sur le capital l'excédent d'intérêt qu'avaient reçu les créanciers. Opération mauvaise, même en finances, où la foi gardée est toujours la première ressource et la plus féconde. Des temps vinrent où Colbert fut réduit à son tour à emprunter au denier 18, et ne trouva pas de prêteurs. De ce jour, des successeurs moins habiles, des opérations ruineuses, des traitements onéreux, des taxes, des oppressions, des refontes de monnaie, des billets d'Etat, après les billets-monnaie, la plus funeste des inventions, enfin toutes les erreurs de l'ignorance et tous les malheurs de l'impuissance et du désordre désolèrent l'empire sous la minorité de Louis XV. La dette publique fondue dans le creuset d'une sévère liquidation en ressortit infiniment atténuée. Mais la France tout entière était languissante et abattue, tous les canaux des revenus étaient taris ; les rentiers furent ruinés et l'Etat n'était pas plus riche. Sous l'administration parcimonieuse de Fleury, toutes les parties du royaume respirèrent;
une longue paix ranima l'industrie et la culture; le commerce mal protégé se releva par ses propres efforts; les finances se rétablirent par le seul pouvoir de l'ordre et de l'économie.
La guerre de 1741 ramena les besoins et les ressources vulgaires des créations de rentes, des créations d'offices, de charges ridicules. La guerre de sept ans, pleine de honte et de revers, le fut aussi de désordre et d'infidélités financières. L'Amérique et les Indes virent nos défaites et les malversations de nos administrateurs. En 1763, des résistances parlementaires forcèrent à diminuer les revenus, lorsqu'il fallait liquider et rembourser la dette.
La dette, bien ou mal liquidée, devint une masse énorme, dont on ne put ni éteindre le capital, ni payer les intérêts. Un simulacre d'amortissement fut présenté à l'opinion, et nourrit un crédit trompeur. Des réformes militaires, une nouvelle constitution d'armée surchargèrent la liste des pensions et exagérèrent les dépenses. Pendant cinq ans, une administration incertaine, turbulente plutôt qu'active, sans principe et sans méthode, se traîna entre les anticipations et les emprunts, jusqu'aux bords de la banqueroute. Là un ministre honnête et faible la tint un moment suspendue entre l'opinion de nos ressources et l'espérance du remède. Enfin un homme vint, qui avait quelque chose du sens de Sully et de la précision de Colbert, qui crut, comme Colbert et Sully, que la base de toute finance était l'ordre dans la recette et la dépense, que le grand secret de la finance était d'établir le niveau entre la dépense et la recette. Ses lumières allèrent jusque-là, son caractère alla plus loin.
Dans notre siècle, dans un siècle où le destin du royaume roule sur le pivot du crédit et de l'opinion, il osa frapper sur la dette, et prononcer une dure banqueroute. Il osa rejeter les anticipations sur le passé et marquer une ligne entre son ministère et les ministres qui l'avait précédé. Il était fort des circonstances, fort de nos alarmes, il le fut de la soudaineté de ses opérations. Bientôt les effets n'en furent plus sentis, et il n'en resta que le souvenir. La perception se lit, les dépenses furent fidèlement acquittées, les capitaux accumulés se lassèrent de rester inutiles et le crédit se remontra plu3 fort et plus vigoureux.
En 1174, il y avait sans doute un déficit, mais quel déficit ? un déficit momentané qu'avaient produit des dépenses passagères, un déficit que mille ressources pouvaient combler, qu'une économie sévère pouvait faire disparaître, qui enfia était compensé par une somme presque égale de remboursement.
Je ne suivrai pas plus loin l'histoire de nos finances et de nos malheurs. Vous avez vu nos revenus s'accroître, et notre dette avec eux; les emprunts appeler les emprunts, l'ostentation du crédit employée pour couvrir l'abîme qui se creusait sous nos pas; la timidité de quelques ministres égaler leurs dissipations, les découragements enfin et leur nullité devenir le salut de la linance et l'avertissement de notre régénération.
Notre dette se divise en dette constituée, dette remboursable, dette exigible.
La dette constituée comprend les dettes perpétuelles et les rentes viagères ; les rentes perpétuelles, presque toutes réduites, s'élèvent à 61 millions. Il y en a au denier 50, au denier 40, au denier 25, quelques-unes au denier 20, quelques-unes encore au denier 10, même au denier 6, et même à 1 denier plus bas; il n'y a d'exempt de
retenue que 159,000 livres. Je fais cette observation pour vous avertir qu'il ne reste aucun doute sur la position des rentes perpétuelles. Dans ces 61 millions, je comprends la dette du clergé; je comprends 1,200,000 livres de rente due sous le nom de secrétaires du roi, et qu'on a confondue jusque dans leurs finances; j'y comprends un. million prêté sous le nom d'indemnité. J'ai dit 61 millions, et non pas 66 comme nous l'avaient annoncé presque tous nos calculs, parce que vous avez déjà effacé de l'état de rente de l'hôM-de-ville environ deux millions qui appartenaient à des évêchés, des chapitres, des abbayes, des bénéfices, parce que vous effacerez de la dette du clergé plus de deux millions qui leur appartenaient encore ; enfin parce qu'il y a, sous le nom de rentes, près d'un million qui cessera d'exister, si vous suivez vos principes.
Vos rentes viagères ne s'élèvent pas aujourd'hui à plus de 10,000,000 livres ; vos dettes remboursables à diverses époquessont: l°les finances des offices de magistrature, celles des chanceKe-ries, des secrétaires du roi etduconseil ; cette partie s'élève, d'après nos recherches, à 426 millions, déduction faite de 24 millions compris jusqu'ici sous le nom de secrétaires du roi, et qui sont en elfet des capitaux empruntés par l'Etat et constitués. Ce sont I s capitaux des charges de finance, que j'évalue à 77 millions, au lieu de 118, parce que j'en retranche : 1° Jes finances des payeurs des rentes, qui doivent nécessairement rester là pour garantie de leur comptabilité; 2° 10 millions de débets, et certainement je fais une supposition très modérée, l'événement portera ces débets peut-être à 20' millions ; 3° ce sont les brevets de retenue de la maison du roi, des gouvernements et lijutenances générales, des emplois militaires. Nous les avons évalués jusqu'à 90,800,000 livres ; notre calcul est forcé, et il y aura des réductions sur cette partie.
Ce sont encore les cautionnements des compagnies de finance et autres, que je porte, non pas a 203,401,000 livres, comme nous vous l'avons indiqué dans l'état de la dette annexé au rapport deM. de Montesquiou, mais seulement à 150 millions, et voici la raison de mon évaluation : 1° sous le nom de cautionnement et fonds d'avance, sont compris les fonds d'exploitation de la ferme générale, ce qu'elle est obligée d'avoir en sel, en tabac, en ustensiles pour exercer la vente du §el, la vente du tabac. Les capitaux de ces fonds existent dans les magasins; c'est sur les magasins qu'elle en trouvera le remboursement. Si l'on ne vend plus ni sel, ni tabac pour la nation, les approvisionnements seront épuisés elles avances resteront : si l'on continue d'en vendre, une autre compagnie sera obligée de faire les mêmes avances, et cet article forme une somme de 48,400,000 livres; 2° tous les cautionnements n'ont pas été réalisés en entier; 3° il y a dans la partie des fermes, des régimes, des débets qui atténueront ces cautionnements, et je les évalue à 2 ou 3 millions. Ainsi mon calcul est très modéré, quand je réduis les cautionnements et fonds d'avances remboursables à 150 millions. Votre dette remboursable, mais à des époques éloignées, sont: l°les emprunts faits directement par le Trésor royal, les actions de l'ancienne compagnie des Indes, ensemb'.e379 millions; 2° les emprunts faits sous le nom de pays d'Etat, 127 millions. Récapitulation de la dette remboursable successivement à diverses époques :
Offices et charges.........
Brevets de retenue........".
Cautions et fonds d'avance. Emprunts directs et compagnie des Indes----..........
Emprunts des payements de l'Etat...........à..........
426.000,000 liv. 90,800,000 150,000,000
377,000,000
127,000,000
Dette exigible...... . 1,170,800,000 liv.
Les remboursements échus., 108,000,000 liv.
La partie de l'arriéré des dépense-, qui est liquidée et qu'on peut évaluer au plus à........ 50,000,000
Le reste de l'arriéré, celui qui n'est pas liquidé peut se remplir par les fonds destinés à des parties qui s'éteignent tous les ans. Jamais la dépense effective de l'année ne peut, être soldée dans l'année;il vades mémoires qui traînent, des fournitures qui ne se consomment que dans l'année.
Ce sont d'anciennes charges liquidées...................... 30,000,000
l.es dîmes- inféodées quand elles sont liquidées........... 100,000,000
Total des dettes exigibles tout à l'heure..................... 288,000,000 liv.
Ce sont enfin les 400 millions d'assignats.
Voilà l'aperçu de votre dette dans son ensemble et dans ses divisions; je n'ai point porté les annuités qui s'élèvent à 6,020,000 livres dues à la caisse d'escompte et aux notaires; je n'ai point porté le remboursement de Gênes et d'Amsterdam, ni le remboursement de l'emprunt de septembre 1789 : tous ces articles doivent entrer dans les dépenses annuelles, et font ensemble 14 ou 15 millions par année, et cette dépense annuelle, qui a son terme fixe, devrait être balancée par la rentrée de la créance sur les Américains, et de plusieurs autres créances actives du Trésor publia.
Je passe maintenant au défail particulier de la dette.
Les rentes perpétuelles se décomposent, se recomposent tous les jours.
Il existait une loi sur les reconstitutions, qui en prescrivait la forme, qui atténuait successivement ces capitaux énormes, réduits à un intérêt de 60 0/0.
On avait établi que dans les reconstitutions, les capitaux ne seraient réduits qu'à raison du denier vingt: ainsi ces 2,400,000,000 dont on fait tant de bruit aujourd'hui, qu'on vous représente comme un capital remboursable, se fondraient p u à peu, san3 contrainte, sans violence, et ne laisseraient plus qu'un capital réel d'environ 1,200,000,000. De ces rentes, environ 8 millions appartiennent à des établissements publics, à des hôpitaux, à des séminaires, à des collèges, aux pauvres des paroisses, à des fabriques.
•Quant aux rentes viagères, un tableau que j'ai mis sous vos yeux vous démontrera que, depuis 1733, les capitaux versés au Trésor royal, pour rentes viagères,excédent les arrérages payés de 40 millions ; ainsi il y a eu jusque dans les emprunts un bénéfice pour l'Etat, et il y en aura toujours un, si vous comparez ces emprunts.
Dans les emprunts perpétuels, les capitaux sa
remboursent toujours sans jamais s'éteindre; dans les emprunts viagers, pris en masse, les capitaux s'éteignent graduellement, et la chance la plus fâcheuse est de rembourser deux fois le capital. Cette chance nous menace sur la dernière partie de ces emprunts, les emprunts sur trente, quarante, cinquante et jusqu'à soixante têtes choisies. Cette manière de placer est un perfectionnement-récent de l'art du prêteur. Sous le dernier règne, on avait essayé de placer sur la tête des rois, sur des têtes connues; l'almanach dispensait de la formalité des certificats de vie. Les rentes viagères ainsi constituées se négociaient plus aisément, et on supposait encore que ces têtes avaient quelques chances de plus de longévité.
Louis XV, Frédéric-ie-Grand ont emporté avec eux une partie assez considérable de notre dette viagère. Les trente, les quarante, les cinquante et les soixante têtes ne datent que du règne actuel. Il en reste en ce moment 25 millions de rente ainsi placés à 10 0/0 : les propriétaires de ces rentes en font encore assurer la durée, soit en Hollande, soit en Angleterre.
Deux cent cinquante millions éteindraient cette partie de votre dette; ce ne sont pas tous des étraugers qui ont spéculé sur cette créance, et de ces 250 millions une grande partie appartient à des Français.
Je laisse les rentes de l'hôtel-de-ville, sur lesquelles il n'y a rien à rabattre, pour passer à d'autres qui nous fourniront plus d'observations, et des observations plus utiles.
Voici le projet de décret que votre comité des finances m'a chargé de vous proposer aujourd'hui :
« L'Assemblée nationale statuera sur la rente de 600,000 livres payée pour la cession des droits du Clermontais; sur celle de 15,000 livres payée pour l'acquisition de la principauté d'Henriche-mont;sur Ies20,0u0 livres de rente perpétuelle, et les 996,500 livres de rente viagère, payées pour l'acquisition de Lorient et des terres de Chatel et deCarman; sur les 12,000 livres payées pour la rétrocession de domaines faite par M. de Courcy; sur les 2,000 livres de rente perpétuelle, payées pour les terrains et maisons qu'occupe l'école Vétérinaire; sur les7,200 livres de rentes viagères, payées sous prétexte de l'acquisition de la ferme ae Maisonville, après le rapport qui lui sera fait incessamment par son comité des domaines, sur les diverses acquisitions et cessions.
« Elle prononcera sur les 15,000 livres de rente, payées à l'Ecole militaire, pour acquisition de l'hôtel de -la Force, et sur les 606,000 livres de rente constituée à l'ordre du Saint-Esprit, quand elle aura statué sur l'éducation et sur les ordres de Chevalerie. »
(Après avoir entendu ce rapport, l'Assemblée se dispose à passer à son ordre du jour.)
Votre comité des rapports est prêt à VoUs rendre compte de la procédure qui Vous a été remise par le Ghâtelet, relativement aux événements des 5 et 6 octobre. Cette affaire paraît de nature à être rapportée dans une séance du soir; mais comme elles sont ordinairement plus tumultueuses que celles du malin,et que cette affaire pourra donner lieu à des débats, je demande qu'elle soit renvoyée à une séance du matin. Le rapport occupera environ deux heures et demie, et il serait très fatigant pour moi de le faire à la lumière.
(L'Assemblée décide que le rapport de cette af-
faire sera fait à la première séance du matin qui suivra le décret sur les assignats.)
L'ordre du jour est la discussion du projet de décret sur la compétence des tribunaux militaires, leur organisation et la manière de procéder par-devant eux.
, rapporteur, donne lecture des articles.
Le préambule ainsi que les articles 1 et 2 sont' décrétés sans observation en ces termes :
« L'Assemblée nationale, empressée de faire jouir l'armée d-s lois qui vont établir dans tout le royaume la procédure criminel le par jurés, et voulant assurer de plus en plus, par ce moyen, l'exacte et scrupuleuse ob-ervation des règles protectrices de la subordination et de la discipline, après avoir entendu le rapport de son comité militaire, décrète ce qui suit :
« Art. 1er. Aucun homme de guerre ne pourra être condamné à une
peine affiictive ou infamante, que par jugement d'un tribunal civil ou militaire, suivant la
nature du délit dont il se sera rendu coupable.
« Art. 2. Les délits civils sont ceux commis en contravention aux lois générales du royaume, qui obligent indirectement tous les habitants de l'Empire. Ces délits sont du ressort de la justice ordinaire, quand même ils auraient été commis par un officier ou par un soldat ».
lit l'article 3.
dit que l'armée a besoin d'une-discipline sévère et prompte; ilim-porte donc que les délits commis en temps de guerre soient immédiatement punis; c'est par ce motif qu'il propose de retrancher dans l'article 3, ces mots : l"armée étant hors du royaume. » En temps de guerre, il ne doit plus y avoir pour les troupes d'autres tribunaux que ceux de la justice militaire.
Divers membres demandent la question préalable sur l'amendement.
La question préalable est prononcée.
Les articles 3 à 22 sont ensuite décrétés sans opposition ainsi qu'il suit :
« Art. 3. Cependant,en temps de guerre,l'armée étant hors du royaume, les personnes qui la composent, celles qui sont attachées à son service ou qui la suivent, et qui seront prévenues de semblables délits, pourront être jugées par la justice militaire et condamnées par elle aux peines prononcées par les lois civiles.
« Art. 4. Les délits militaires sont ceux commis en contravention à la loi militaire, par laquelle ils sont définis : ceux-ci sont du ressort de la justice militaire.
« Art. 5. Toute contravention à la loi militaire est une faute punissable; mais toute faute de ce genre n'est pas un délit : elle ne le devient que lorsqu'elle est accompagnée des circonstances graves énoncées dans la loi. Les fautes sont punies par des peines de discipline; les délits seuls peuvent l'être par des peines afflictives ou infamantes.
« Art. 6. Il sera établi des cours martiales chargées de prononcer sur les crimes et délits militaires, en appliquant la loi pénale, après qu'un juré militaire aura prononcé sur le fait.
« Art. 7. Il y aura dans le royaume et à l'armée autant de cours martiales que de grandâ arron-
dissements militaires, confiés à la surveillance d'un commissaire-ordonnateur. Chacun d'eux prendra désormais le litre de grand juge militaire, commissaire ordonnateur des guerres.
« Art. 8. Les commissaires ordinaires des guerres prendront le titre de commissaires auditeurs des guerres. Chacun d'eux sera chargé spécialement de la poursuite des délits militaires commis dans l'étendue de son arrondissement particulier. Indépendamment de cette fonction locale, tous seront les assesseurs du grand juge dans l'arrondissement duquel ils seront employés. Deux d'entre eux l'assisteront lorsqu'il tiendra la cour martiale; ce seront ceux dont la résidence sera la plus voisine du lieu où elle siégera.
« Art. 9. Dans le cas où fe grand juge militaire serait empêché de remplir ses fonctions, il sera remplacé par le plus ancien commissaire auditeur de son arrondissement, autre que celui chargé, par l'article précédent, de la poursuite du délit.
« Art. 10. Afin de rendre le service plus prompt et plus sûr, notamment dans l'intérieur du royaume, où les troupes sont à de grandes distances les unes des autres, il sera nommé par le roi un nombre suffisant et déterminé de « juges militaires suppléants », parmi les officiers retirés du service, ayant au moins dix ans de commission de capitaine, et domiciliés dans l'étendue du département où du district, pour lequel ils seront établis. Ces suppléants seront inamovibles, et rempliront les fonctions d'assesseurs à la cour martiale, lorsqu'ils seront plus près que les commissaires auditeurs du lieu où elle devra siéger : ils n'auront point de traitement, mais leurs frais de voyage et de séjour leur seront remboursés.
« Art. 11. L'écrivain de la place, dans les villes où il y en a d'établis, fera les fonctions de greffier de la cour martiale; dans les autres villes et lieux, ce sera le greffier de la commune. Ni les uns ni les autres n'auront pour cet objet de traitement fixe; mais ils seront payés de leurs vacations, à proportion des affaires et du travail. Lorsque l'armée sortira du royaume, le roi nommera le nombre d'écrivains nécessaires pour y remplir les fonctions de greffiers des cours martiales.
« Art. 12. Tout commandant en chef, dans une garnison ou dans un quartier, sera tenu de former un tableau de jurés pour sa garnison ou pour son quartier.
« Art. 13. Ce tableau sera divisé en sept colonnes ; savoir : 1° celle des officiers généraux et des officiers supérieurs; 2° celle des capitaines ; 3° celle des lieutenants ; 4° celle des sous-lieUtenants et des adjudants; 5° celle des sergents ou maréchaux des logis; 6° celle des caporaux (ou brigadiers ; 7° enhn, celle des simples soldats de quelque arme qu'ils soient. Les officiers et sous-officiers employés sans troupe, tels que ceux du génie et de l'artillerie, seront placés à leur rang dans la colonne de leur grade.
« Art. 14. Les officiers généraux et supérieurs en activité, ayant autorité et commandement sur plusieurs garnisons ou quartiers, seront compris dans la première colonne du tableau de toutes ces garnisons ou quartiers, avec les officiers supérieurs employés dans chacune d'elles.
« Art. 15. Dans la seconde colonne seront compris tous les capitaines de la garnison ou du quartier quel que soit leur nombre; il en sera de même dans la troisième colonne, par rapport aux lieutenants; et dans la quatrième, par rapport aux sous-lieutenants et adjudants.
« Art. 16. Il ne sera pas nécessaire de comprendre dans la cinquième colonne tous les ser-
gents ou maréchaux'des logis; il suffira d'en prendre jusqu'à concurrence du nombre le plus approchant de cent, soit en plus, soit en moins, en observant de les tirer également de toutes les compagnies.
« Art. J7. On observera la même règle à l'égard des caporaux ou brigadiers, et encore par rapport aux simples soldats de toute arme, à cela près qu'autant qu'il sera possible, le nombre de ces derniers devra être porté au moins jusqu'à deux cents.
« Art. 18. Ce sera le commandant de chaque compagnie qui remettra au commandant en chef la liste des sous-officiers et soldats de chaque compagnie, qu'il jugera les plus dignes d'être sur le tableau des jurés.
« Art. 19. Néanmoins, aucun militaire, de quelque grade ou état qu'il soit, ne pourra être porté sur le tableau des jurés, s'il n'est âgé de 25 ans accomplis, s'il ne sait lire et écrire, et s'il n'a pas plus de deux ans de service.
« Art. 20. Tous les ans au mois de novembre, et dans le cours de l'année, toutes les fois qu'il y aura lieu de chànger la moitié du tableau des jurés, il sera renouvelé en entier par les soins du commandant en chef, qui en remettra une copie certifiée et signée de lui, au greffier de la cour martiale, pour être conservée dans son dépôt.
« Art. 21. On prendra sur le tableau des jurés les personnes nécessaires pour former le juré de l'accusation, et le juré du jugement, suivant les règles qui vont être prescrites.
« Art. 22. Le juré de l'accusation est celui qui doit déterminer s'il y a lieu à accusation : il sera composé d'une personne prisé sur chacune des colonnes du tableau, et de deux personnes de plus prises sur la colonne du grade ou de l'état ae l'accusé, ce qui fera en tout neuf personnes.»
, rapporteur, donne lecture de l'article 23.
demande que le comité soit tenu dè présenter une nouvelle rédaction de l'article, attendu que ses dispositions sont trop compliquées.
appuie l'observation du préopinant et déclare qu'il va rédiger l'article en le simplifiant.
fait remarquer que le droit de récusation qui est accordé à l'accusé est peut-être trop étendu ; qu'il y aurait lieu de le limiter en lui accordant de faire connaître ses motifs.
Divers membres demandent la question préalable sur tous les amendements. Elle est prononcée.
Les articles 23 à 28 sout ensuite décrétés ainsi qu'il suit :
« Art. 23. Le juré du jugement est celui qui doit déterminer la condamnation ou la décharge de l'accusé; il sera formé de quatre personnes prises sur chacune des sept colonnes, et de huit de plus prises sur la colonne du grade, ou de l'état de l'accusé, ce qui fera en tout trente-six personnes, qui seront ensuite réduites à neuf au moyen des récusations que l'accusé sera tenu de faire sans pouvoir alléguer aucun motif, et qui s'opéreront par la voie du sort, si l'accusé refuse de les proposer.
« Art. 24- Chaque colonne doit être réduite au
quart. Les récusations s'opéreront successivement sur chacune d'elles, en commençant par la première.
« Art. 25. Lorsqu'il y aura plusieurs accusés, il sera ajouté au premier nombre de trente-six jurés, autant de huit personnes qu'il y aura de coaccusés, et ces huit personnes seront toujours prises sur la colonne du grade ou de l'état du coaccusé.
« Art. 26. En pareil cas, chaque accusé,.à commencer par le plus jeune, récusera d'abord huit personnes sur toute la colonne de son grade ou de son état, ce qui réduira le nombre des jurés à trente-six ; alors les récusations se proposeront sur chaque colonne, et d'une colonne à l'autre, par chacun des coaccusés alternativement, à commencer par le plus jeune, et ainsi de suite, jusqu'à ce que chaque colonne soit réduite au quart.
« Art. 27. Lorsqu'il s'agira de former, soit le juré de l'accusation, soit le juré du jugement, le commandant militaire en chef du lieu où se fera l'instruction du procès et où se tiendra la cour martiale désignera le nombre de jurés nécessaires dans chaque colonne, en suivant l'ordre de l'inscription sur chacune, et sans pouvoir l'intervertir. En cas d'absence, de maladie ou d'autre légitime empêchement de quelqu'une des personnes désignées pour former le juré, son tour sera passé, mais sensé rempli.
« Art. 28. Il sera suppléé au défaut d'une colonne, d'abord par la colonne immédiatement inférieure, et ensuite parla colonne immédiatement supérieure, sans qu'on puisse descendre plus bas ni monter plus haut, Si ce moyen est insuffisant, on aura recours à la garnison ou au quartier voisin, pour avoir un suppléant ou des suppléants du grade ou de l'état de ceux qu'ils seront appelés à remplacer. »
, rapporteur, lit l'article 29.
Je propose un amendement à l'article et je demande qu'il soit spécifié que la dénonciation soit signée par le dénonciateur et que, dans le cas où la chose ne pourrait avoir lieu, la dénonciation soit faite en présence de deux témoins qui sauront signer.
(Cet amendement est adopté.)
Les articles 29 à 35 inclusivement sont décrétés en ces termes :
« Art. 29. Chaque commissaire-auditeur des guerres recevra les dénonciations qui lui seront faites par les chefs ou par toutes autres personnes, de tout délit prétendu commis par des militaires en activité ; il aura soin d'exiger du dénonciateur la déclaration circonstanciée des faits, la remise des pièces servant à .conviction, et l'indication des témoins qui peuvent servir à la preuve. La dénonciation sera signée par le dénonciateur, s'il sait signer, et s'il ne sait pas signer, par deux témoins, en présence desquels elLe devra être faite en pareil cas.
« Art. 30. Le commissaire-auditeur des guerres sera tenu de rendre plainte, dans les vingt-quatre heures, de tous délits militaires prétendus commis dans l'étendue de son arrondissement, et qui seront parvenus à sa connaissance par voie de dénonciation, par la clameur publique ou autrement, comme aussi de constater immédiatement par procès-verbal le corps et les circonstances du délit, s'il a laissé des traces permanentes.
« Art. 31. Le commissaire-auditeur qui aura connaissance d'un délit militaire commis hors de
son arrondissement, sera tenu d'en avertir, sans aucun délai, celui de ses confrères dans l'arrondissement duquel ce délit passera pour avoir été commis, et de lui envoyer tous les renseignements qu'il aura pu se procurer, notamment copie de la dénonciation, s'il en a reçu une.
« Art. 32. Sera pareillement tenu le commis-saire-auditeur, qui aura connaissance d'un délit civil commis par des militaires en activité dans son arrondissement, d'en avertir immédiatement tel magistrat civil qu'il appartiendra, du lieu dan3 lequel ce délit passera pour avoir été commis, et de lui envoyer tous les renseignements qu'il aura pu se procurer, notamment copie de la dénonciation, s'il en a reçu une.
« Art. 33. Le commissaire-auditeur qui sera dans le cas de porter une plainte, la rédigera par écrit, faisant mention du dénonciateur, s'il y en a un; il la présentera au commandant militaire en chef de la garnison ou du quartier dans lequel le délit aura été commis, et requerra de lui la convocation du juré de l'accusation, que le commandant sera tenu de convoquer sans délai.
« Art. 34. Le juré de l'accusation s'assemblera dans la maison du commandant, mais hors de sa présence. Il se rangera autour d'une table disposée à cet effet, à l'une des extrémités de laquelle se placera le commissaire-auditeur, ayant en face le greffier.
« Art. 35. Le commissaire-auditeur annoncera que l'objet de cette assemblée est de déterminer si, ou non, il y a lieu à accusation contre un tel, à qui on impute tel crime, ou délit militaire, qu'il énoncera dans les termes les plus précis et les plus clairs; ensuite il requerra des jurés, le serment de donner leur avis en honneur et en conscience, ce que tous les jurés seront tenus de faire à l'instant en levant la main, et prononçant : je le jure.
, rapporteur, donne lecture de l'article 36.
Un membre demande l'ajournement de cet article afin que l'Assemblée ait le temps de le méditer.
propose un amendement pour que « les dépositions des témoins soient, comme par le passé, rédigées par écrit. » Il fait sentir combien il est difficile de retenir les diverses parties des dépositions orales et d'en combiner avec précision l'ensemble et le résultat.
répond qu'on peut dès à présent voter l'article en ajournant l'amendement et la forme des dépositions des témoins.
L'amendement est ajourné et l'article est décrété en ces termes :
« Art. 36. Gela fait, le commissaire-auditeur fera entrer les témoins qu'il voudra produire à l'appui de sa plainte ; il fera connaître leurs noms, leur âge, leur état et qualité ainsi que leur domicile, et requerra d'eux le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité, ce qu'ils seront tenus de faire à l'instant en levant la main, et prononçant : je le jure.
lit l'article 37.
demande si les témoins seront entendus ensemble ou séparément?
Un membre propose de dire que les témoins
seront entendus « en présence les uns cles autres, à commencer par le plus âgé. » ' On demande l'ajournement de cette portion de l'article.
Cette proposition d'ajournement est adoptée.
Le reste de l'article est ensuite décrété ainsi qu'il suit :
« Art 37. La plainte sera lue par le commissaire-auditeur aiusi que les écrits à l'appui, s'il y en a ; s'il existe des pièces prétendues de conviction, elles seront mises en évidence ; les témoins seront ensuite entendus, sans que personne puisse les interrompre tant qu'ils parleront; mais après qu'ils auront tous parlé, l'auditeur et chacun des jurés pourront leur faire les questions qu'ils croiront propres à l'éclaircissement des faits, et auxquelles les témoins seront obligés de répondre. »
lit les articles 38 et 39 qui sont décrétés sans observation en ces termes : , « Art. 38. Ils se retireront ensuite; et lorsqu'il seront sortis, le commissaire-auditeur fera le résumé des dépositions, présentera ses observations sur le tout, et sortira lui-même avec Je greffier, pour laisser les jurés former entre eux leur détermination.
« Art. 39. Le juré de l'accusation sera averti par le commissaire-auditeur, qui à cet effet lui donnera lecture du présent article, qu'il a trois questions distinctes à résoudre :
« La première, si le fait dont est plainte, en le supposant prouvé, constitue réellement un crime ou délit ;
» La seconde, si ce crime ou délit est un crime ou délit militaire ;
« La troisième, si les indices sont assez considérables pour faire soupçonner que le prévenu soit coupable, et qu'il y ait lieu à suivire la plainte. »
lit l'article 40.
propose de substituer à ces mots : « aux juges de paix » ceux-ci : « à tel magistrat civil qu'il appartiendra. »
Après une courte discussion l'amendement est adopté.
Les articles 40, 41 et 42 sont ensuite décrétés dans les termes ci-dessous :
« Art. 40. Supposé que la première de ces questions soit décidée négativement, on ne passera pas aux deux aptres ; supposé que la seconde de ces questions soit décidée négativement, on ne passera pas à la troisième : dans l'un et dans l'autre cas,, les jurés rapporteront ou que le fait dont est plainte, n'est pas un délit, ou que la plainte ne porte pas sur un délit militaire, et le commissaire-auditeur ne pourra pas lui donner de suites; seulement dans le dernier cas, il sera obligé de l'envoyer à tel magistrat civil qu'il appartiendra, avec tous les renseignements qu'il aura pu se procurer. »
« Art. 41. Les jurés entre eux seront sous la présidence du premier de la première colonne : ils opineront à voi* haute, en commençant par le dernier de la dernière colonne, et ainsi de suite en remontant : ils seront maîtres de motiver leur avis dans le premier tour d'opinions qui aura lieu sur chaque question; ensuite il sera fait un second tour d'opinions, lors duquel les voix seront énoncées simplement par oui, ou par non. La majorité absolue entre les neuf jurés fixera leur détermination.
« Art. 42. Aussitôt qu'elle aura été prise, les jurés inviteront le commissaire-auditeur à rentrer avec le greffier, et leur feront part du résultat. Le greffier en fera mention sur le procès-verbal qu'il aura tenu de toutes les opérations précédentes; le procès-verbal sera écrit au bas de la plainie, et signé tant par les jurés que par l'audi-' teur et le greffier, qui restera dépositaire de toutes les pièces. »
, rapporteur, propose d'ajourner la discussion de l'article 43 alin que Le comité puisse en examiner de nouveau les termes,.
(Cet ajournement est adopté.)
donne lecture des articles 44 et 45, devenus 43 et 44. Ils sont adoptés, sans discussion, comme suit :
« Art. 43. Dès que la délibération des jurés aura été ouverte,, ils ne pourront se séparer sans l'avoir arrêtée et rapportée ; mais s'il est nécessaire de tenir plusieurs séances pour la lecture des pièces, l'audition et l'examen de témoins, l'assemblée pourra se rajourner à la plus prochaine matinée,. Le procès-verbal des opérations de chaque séance sera clos, et signé à chaque séance.
« Art. 44. S'il y a lieu de donner suite à la plainte, le commissaire-auditeur fera arrêter et constituer prisonnier l'aceusé, s'il ne l'est pas déjà, en vertu des ordres de ses chefs et des règles de la discipline militaire s'il l'est, il le feraéerouer sur le registre de la prison ; en même temps, il lui fera donner copie, certifiée par le greffier, de la plainte et du procès-verbal, ou des procès-verbaux, qui auront été dressés en exécution des articles 42 et 43. L'accusésera pareillement averti qu'il lui est libre de prendre ou de demander un conseil ».
donne lecture de l'article 46 devenu le 45e.
propose un amendement pour que les soldats emprisonnés pour crimes fussent séparés de ceux qui le seraient pour- simple fait de police.
Divers membres appuient l'amendement.
Le rapporteur propose de l'ajourner afin que le comité puisse l'examiner.
L'ajournement est prononcé.
Les articles 46 à 63, devenus 45 à 62, sont ensuite décrétés ainsi qu'il suit :
« Art. 45. La prison est une punition militaire pour les fautes de discipline; mais par rapport à l'homme prévenu ou accusé d'un délit, elle n'est plus qu'un lieu de sûreté; ainsi les chefs qui feront emprisonner quelqu'un comme prévenu d'un délit, ne pourront, sous aucun prétexte., aggraver sa détention, en y ajoutant aucune espèce de peines ou de privations qui ne seraient pas indispensables pour la conservation de sa personne.
« Art. 46. En envoyant au grand juge militaire copie de la plainte, avec l'extrait du procès-verbal qui constate qu'elle doit être suivie en vertu de la détermination du juré, le commissaire-auditeur requerra du grand juge l'ordonnance nécessaire pour achever et compléter l'instruction.
« Art. 47. Le lieu, le jour et l'heure auxquels le grand juge et ses assesseurs, ou leurs suppléants, devront tenir la cour martiale, seront fixés par cette ordonnance; elle portera réquisition au commandant militaire d'y faire trouver les jurés
du jugement, et à l'auditeur d'y produire ses témoins, et d'y faire amener l'accusé ou les accusés. La cour martiale se tiendra toujours le matin, et clans le lieu où la première instruction au^a été faite, s'il n'y a pas d'empêchement.
« Art. 48. L'ordonnance du grand juge sera communiquée nu commandant militaire par le commissaire-auditeur, et notifiée, à sa diligence, tant à l'accusé qu'aux témoins.
« Art. 49. Les témoins qui ne comparaîtront pas au jour indiqué, et qui ne feront pas proposer d'excusj légitime, seront cités une seconde fois à leurs frais; et s'il ne comparaissent pas cette seconde fois, ils seront, en vertu de l'ordonnance du grand juge militaire, appréhendés au corps, amenés et condamnés aux frais de leur arrestation et conduite, ainsi qu'à une amende qui ne pourra pas être moindre de la valeur a'une demi-once, ni plus forte que la valeur d'un marc d'argent.
« Art. 50. Au jour et à l'heure indiqués par l'ordonnance du grand juge militaire, lui et ses deux assesseurs, le commissaire-auditeur, le greffier et toutes les personnes désignées pour le juré du jugement, se rendront dans une des salles de la maison commune du lieu où se tiendra la cour martiale, les portes ouvertes, en présence de tous ceux qui voudront y assister,
« Art. 51. Le grand juge prendra sa place à l'extrémité de la table disposée à cet effet; ses assesseurs seront à ses côtés: près d'eux, sur la gauche, le commissaire-auditeur, ayant à côté de lui le greftier. Les personnes désignées pour le juré se rangeront à droite.
« Art. 52. Le grand juge annoncera l'objet de la tenue de celte cour martiale, pour juger l'accusation portée contre tel ou tels à qui ou impute tel délit. Il ordonnera de suite que l'auditeur produise ses témoins : ils seront appelés, et se rangeront sur la gauche, à la suite du greftier; après quoi, lejuge ordonnera d'amener l'accusé ou les accusés, qui se placeront, avec leurs conseils, à l'extrémité de la table, faisant face au grand juge et à ses assesseurs : tous pourront s'asseoir lorsqu'ils ne parleront pas.
«Art. 53. Le grand juge nommera les personnes désignées parle juré du jugement, et avertira les accusés du dnoit qu'ils ont d'en récuser un certain nombre, sans être obligés, sans pouvoir même motiver leurs récusations ; de l'ordre à tenir en les proposant, et qu'il y sera suppléé par la voie du sort, dans le cas où les accusés refuseraient de le faire eux-mêmes : les accusés pourront s'expliquer à cet égard par leur propre bouche ou par l'organe de leurs conseils; mais ils devront du moins exprimer qu'ils adoptent ce qui sera proposé eu leur nom par leurs conseils.
«Art. 54. Le greffier fera mention, sur son pro-cès-verbal, des récusations. Le juré étant réduit au nombre compétent, le grand juge requerra, de ceux qui le composent, de prêter serment, de donner leur avis en leur âme et conscience, ce qu'ils seront tenus de faire en levant la main et prononç int: je le jure.
§ « Art. 55. Le commissaire-auditeur donnera lecture de la plainte et de toute !la procédure antérieure ainsi que des écrits venant à l'appui de la plainte, s'il en existe. Les pièces prétendues de conviction seront mises en évidence; entin les témoins seront nommés et désignés l'un après l'autre parleurs nom, âge, état, qualité et domicile.
« Art. 56. Le grand juge ordonnera aux témoins de prêter serment de dire la vérité, toute la
vérité, rien que la vérité, ce qu'ils seront tenus de faire en levant la main et prononçant : je le jure.
« Art. 57. Il sera libre aux accusés ou à leurs conseils non seulement de proposer les motifs de suspicion qu'ils peuvent avoir contre le témoin, mais encore de faire telles observations qu'ilsjuge-ront à propos sur son témoignage, même de lui proposer, pour l'éclaircissement des faits, telles questions qu'ils voudront, et auxquelles le témoin sera tenu de répondre; l'auditeur, les jurés et les juges pourront ensuite successivement demander au témoin les explications dont ils croiront sa déposition susceptible.
« Art. 58. Les témoins ayant tous été entendus et examinés l'un après l'autre, dans une ou plusieurs séances, suivant l'exigence du cas, l'auditeur établira le mérite de sa plainte par les divers témoignages qu'il résumera; il conclura à ce que l'accusé soit déclaré coupable et condamné à la peine que la loi prononce pour son délit.
« Art. 59. L'accusé ou les accusés pourront, soit par eux-mêmes, soit par l'organe de leurs conseils, proposer leurs moyens de justification, de défense ou d'atténuation ; il sera libre au com-missaire-auditeur de reprendre la parole après les accusés, et ceux-çi seront les maîtres de lui répondre à leur tour; mais les plaidoiries ne s'étendront pas plus loin, et il ne sera jamais accordé de duplique.
« Art. 60. Lorsque l'accusé ou les accusés produiront des témoins soit à l'appui des moyens de suspicion qu'ils auront proposés contre les témoins du pla gnant, soit pour établir des faits tendant à leur justification ou à leur décharge, on ne pourra pas leur refuser d'entendre à l'iustant ces témoins; et quand même l'accusé ou les accusés ne produiraient aucuns témoins pour établir des faits justificatifs qui paraîtraient concluants, et dont ils offriraient la preuve, cette preuve sera toujours admissible à la pluralité des voix du grand juge et de ses assesseurs, qui fixeront le délai dans lequel elle devra être faite.
« Art. 61. Les mêmes formalités seront observées tant pour l'audition et l'examen des témoins produits par les accusés, que pour l'audition et l'examen des témoins produits par le plaignant.
« Art. 62. Le greffier de la cour martiale rédigera le procès-verbal de chaque séance, de manière qu'il puisse servir à constater l'accomplissement ou l'inobservation de chacune des formalités qui doivent avoir lieu dans le cours de l'instruction, pour assurer la régularité du jugement.
, rapporteur, lit l'article 64 devenu 63.
en demande l'ajournement.
(Après quelques courtes observations, présentées par divers membres, l'ajournement est prononcé.)
, rapporteur, donne lecture des articles 65 à 75 devenus 63 à 73.
Ces articles sont décrétés, sans opposition, dans les termes suivants :
« Art. 63. Toutes les formalités ci-dessus prescrites étant remplies, toutes les questions incidentes à l'instruction du procè3 étant décidées, le grand juge prendra la parole et avertira les jurés qu'ils ont à prononcer sur deux questions, qu'ils doivent traiter séparément ; la première,
de savoir s'ils sont convaincus que le délit militaire, énoncé dans la plainte, ait été commis ; la secondé, s'il sont convaincus que ce soit par l'accusé que ce même délit ait été commis. En conséquence, le grand juge sera tenu de donner lecture du présent article aux jurés.
« Art. 64. Il présentera, sur l'une et sur l'autre de ces deux questions, les témoignages à charge et à décharge, et le degré de croyance plus ou moins grand dont ils lui paraîtront susceptibles. Il résumera les moyens pour et contre, faisant valoir ceux en faveur de l'accusé, quand même ils n'auraient été employés ni par lui ni par son conseil ; il s'attachera surtout dans les cas où Je délit paraîtrait constant, aux termes de la loi, mais où les circonstances dont il serait environné pourraient faire penser que l'accusé est excusable ou non criminel, à fixer sur ces circonstances toute l'attention des jurés ; il les exhortera à donner leur avis dans leur âme et conscience ; enfin il les invitera à passer dans une pièce voisine où ils seront tenus de se retirer et de rester sans aucune communication au dehors, jusqu'à ce qu'ils aient formé leur résultat. En même temps le commissaire-auditeur se retirera de son côté, et le grand juge ordonnera que l'accusé ou les accusés soient reconduits en prison.
« Art. 65. Les jurés, sous la présidence du premier de la première colonne, opineront à haute voix et séparément sur chacune des deux questions soumises à leur détermination, le dernier de la dernière colonne parlant le premier et ainsi de suite en remontant. Ils seront les maîtres de motiver leurs avis dans le premier tour d'opinions qui se fera sur chaque question ; il sera fait ensuite un second tour, lors duquel les avis seront énoncés simplement par oui ou par non.
« Art. 66. L'avis contraire à l'accusé ne peut être formé dans le juré de jugement, que par la réunion des sept neuvièmes des voix des jurés.
« Art. 67. S'il passe à la négative sur la première question qu'ils ont à décider, la seconde sera résolue, et les jurés rapporteront que l'accusé n'est pas coupable; s'il passe à l'aflirmative sur cette première question, mais à la négative sur la seconde, les jurés rapporteront également que l'accusé n'est pas coupable : mais s'il passe à l'affirmative sur chacune des deux questions, les jurés rapporteront que l'accusé est coupable.
« Art. 68.11 est possible que l'accusé soit convaincu d'un fait que la lettre de la loi place au rang des délits militaires, mais que les circonstances environnantes servent d'excuse au coupable, et prouvent même que son intention n'a pas été criminelle; il sera donc permis aux jurés, qui seront les juges du fait, de modifier leur rapport suivant les circonstances, en prononçant ainsi : « coupable, mais excusable » ; ou bien ainsi : convaincu du fait, mais non criminel ». Ces modifications pourront être ajoutées au rapport à la pluralité des deux tiers des voix des jurés.
« Art. 69. Le juré du jugement ayant formé son résultat, en préviendra le grand juge et rentrera immédiatement après dans la salle d'audience, où étant à leurs premières places, debout et découverts, tous les jurés lèveront la main, et le premier de la première colonne dira : nous "urons sur notre conscience et notre honneur, qu'après avoir observé scrupuleusement dans notre délibération les règles qui nous étaient
prescrites par la loi, nous avons trouvé qu'un tel, accusé de tel fait, n'en était pas coupable; ou bien qu'un tel, accusé de tel fait, en était coupable; ou bien qu'un tel, accusé de tel fait, en était coupable mais excusable; ou bien enfin, qu'un tel, accusé de tel fait, en était convaincu, mais non criminel.
« Art. 70. Le greffier dressera sur-le-champ procès-verbal du rapport des jurés, qu'ils seront tenus de signer, après quoi ils se retireront.
« Art. 71. La délibération entre le grand juge et ses assesseurs commencera immédiatement après la retraite des jurés. Si ceux-ci ont rapporté que l'accusé n'était pas coupable, le jugement portera que l'accusé est déchargé de l'accusation, sans ajouter rien de plus. Si les jurés ont rapporté coupable, il sera dit que la loi condamne l'accusé à telle peine; et l'article de la loi sera cité avec les motifs de son application. 11 en sera toujours de même, lorsque les jurés auront rapporté « coupable, mais excusable »; et il sera déterminé dans la suite ce que les juges auront à faire en pareil cas; enfin, si les jurés ont rapporté « convaincu du fait, mais non cri-« minèl », l'accusé sera déchargé de l'accusation.
« Art. 72. 11 faut l'unanimité des voix des trois juges pour condamner à la mort; la loi ne la prononce que dans cette présupposition, et, en général, son intention est toujours qu'on se réduise à la moindre peine, lorsque les circonstances font naître des doutes sur l'application de la peine la plus rigoureuse.
Art. 73. « Pour condamner à toute autre peine que la mort, il suffit de la pluralité des voix; mais si les juges diffèrent absolument d'opinion sur le genre de peine à prononcer, il en sera fait mention dans le jugement, et l'avis le plus doux prévaudra. »
Divers membres demandent l'ajournement des articles 76 et 77 devenus 74 et 75.
met cet ajournement aux voix. Il est prononcé.
, rapporteur, donne lecture des articles 78 à 81, devenus 74 à 77. lis sont adoptés, sans discussion, en ces termes :
« Art. 74. Les jugements de la cour martiale seront prononcés par le grand juge en présence de tout l'auditoire, avant la levée de l'audience. Us seront signés tant par le grand juge, que par ses deux assesseurs et par le greffier.
« Art. 75. Le greffier se transportera immédiatement après à la prison, où il donnera lecture de la sentence aux accusés, qui l'entendront debout et découverts. Le procès-verbal de la lecture sera écrit au bas de la sentence, et signé seulement du greffier.
« Art. 76. Dans tous les cas où l'effet d'un jugement de la cour martiale n'est pas suspendu par la disposition précise de quelque loi, son exécution ne pourra être empêchée ni retardée sous aucun prétexte et aura lieu le jour même, s'il y a peine de mort.
« Art. 77. Le greffier ou tout autre officier public qui pourra être désigné à la suite, assistera et veillera aux exécutions dont il dressera procès-verbal au bas de la sentence : il sera très attentif à ce que la peine ne soit aggravée par aucun accessoire, et que la volonté arbitraire de qui que ce soit ne puisse rien ajouter à la sévérité du jugement. »
propose, dans l'article 82, devenu le 78e, de substituer aux mots : II sera libre au curateur, ceux-ci : Le curateur sera tenu.
Cet amendement est adopté et l'article est décrété dans les termes ci-dessous :
« Art. 78. Lorsqu'un accusé n'aura pu être arrêté et constitué prisonnier en conséquence du rapport du juré de la plainte, le commissaire-auditeur requerra du commandant militaire, qu'il nomme un curateur à l'accusé absent, parmi les militaires de son grade ou de son état, ce que le commandant sera tenu de faire. Le Curateur ainsi nommé sera tenu de prendre un conseil. »
, rapporteur, lit les articles 83 à 94 devenus 79 à 90. Ces articles sont adoptés, sans discussion, ainsi qu'il suit :
« Art. 79. La procédure s'instruira avec le curateur comme elle se fût instruite avec l'accusé en personne ; les dires et déclarations des témoins seront insérés tout au long dans le procès-verbal. Les juges et les jurés redoubleront d'attention, lorsqu'ils auront a prononcer sur le sort d'un homme qui ne se défend pas lui-même.
« Art. 80. Si l'accusé absent est arrêté ou s'il se constitue volontairement prisonnier dans le cours de l'instruction, elle sera recommencée-avec lui; et tout ce qui aura été fait avec son curateur, sera réputé non-avenu.
« Art. 81. Si l'accusé fugitif est condamné à des peines afflictives ou infamantes, la sentence sera exécutée en effigie : néanmoins, l'accusé sera toujours admis à laire valoir ses moyens de défense et sa justification, au cas qu'il soit arrêté, ou qu'il se représente volontairement dans quelque temps que ce soit.
« Art. 82. Les fauteurs et complices d'un délit militaire, encore qu'ils ne soient pas gens de guerre, pourront être poursuivis par devant la cour martiale conjointement avec l'homme de guerre, accusé d'être le principal auteur du délit; mais, dans tout autre cas, ils ne pourront être traduits et jugés que dans les tribunaux ordinaires.
« Art. 83. Lorsque la plainte contre un particulier non militaire sera liée à ceile portée contre un militaire, l'instruction aura lieu suivant les règles ci-dessus prescrites, sauf les exceptions qui vont être déterminées.
« Art. 84. Le juré de la plainte sera composé de dix-huit personnes, dont neuf seront prises parmi les jurés civils, et, à leur défaut, parmi les notables habitants du lieu, à la désignation du magistrat civil.
« Art. 85. Les dix-huit jurés voteront concurremment sur le mérite de la plainte portée tant contre le militaire accusé que contre son coaccusé non militaire, et, pour qu'il y ait lieu à accusation, il faudra la réunion de douze voix contre six.
« Art. 86. Le juré du jugement sera pareillement composé de dix-huit personnes;-en conséquence, au tableau des jurés militaires il sera joint une huitième colonne composée de trente-six jurés civils, ou, à leur défaut, d'autant de notables habitants du lieu, non militaires, à la désignation du magistrat civil. Cette dernière colonne sera réduite, comme les autres, à neuf personnes, par les récusations ou par la voie du sort.
« Art. 87. Les récusations dans chacune des huit colonnes se feront alternativement par le militaire accusé, et par le coaccusé non militaire, suivant ce qui est prescrit par la seconde
partie de l'article 26 du présent décret. S'il y a plusieurs coaccusés non militaires, on observera à leur égard les règles prescrites par les articles 25 et 26 du présent décret, par rapport aux coaccusés militaires, en telle sorte que Je droit de récusation appartenant à chaque coaccusé soit pleinement respecté, et que néanmoins le juré du jugement soit réduit à dix-huit personnes, dont neuf de chaque état.
« Art. 88. Les dix-huit jurés du jugement voteront concurremment pour décharger ou pour condamner, tant les militaires accusés que leurs co-accusés non militaires; et la réunion des sept neuvièmes des suffrages, faisant 14 sur 18, sera nécessaire pour prononcer contre chacun des accusés.
« Art. 89. Les délits militaires qui n'auront pas été dénoncés et poursuivis dans l'espace de dix ans, à compter du jour qu'ils auront été commis, ou dont la poursuite, après avoir été commencée, aura été suspendue pendant le même espace de temps, seront prescrits, et ne pourront plus être l'objet ni d'aucune plainte, ni d'aucun jugement.
« Art. 90. En attendant le décret par lequel l'Assemblée nationale se propose de définir les délits militaires, et de déterminer la nature des peines dont ils pourront être punis, les ordonnances actuellement existantes sur cette matière seront provisoirement suivies et observées, en tout ce qui n'est pas contraire aux dispositions du présent décret. »
lève la séance à trois heures.
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
, secrétaire, donné lecture du procès-verbal de la séance du 21 septembre au matin.
Ce procès-verbal est adopté.
Un autre de MM. les secrétaires, fait lecture du procès-verbal de la séance d'hier.
(de Nemours) demande la parole sur ce procès-verbal.
Le décret rendu hier pour ordonner la continuation de la perception des droits d'aides sur les vendanges, pourrait peut-être inquiéter les peuples, si l'Assemblée ne manifestait point son opinion plus clairement. Je demande donc qu'il soit ajouté à l'article que l'Assemblée nationale statuera incessamment sur le mode des contributions.
Le droit qui excite le plus d'indignation parmi le peuple, celui qui amènera peut-être, je
le dis avec peine, des insurrections, est le droit connu sous le nom de droit réservé ou don
gratuit. Avant d'avoir du vin, le vigneron a
Chez moi on percevait 30 sojs par barrique et on rendait 24 sols quand elle était vendue en gros. Je re-~ présentai aux receveurs combien cet impôt était onéreux au peuple i ils en convinrent. Je leur proposai d'abonner à 5 sqIs qui ne seraient restituables en aupun cas : ils y consentirent et cet abonnement a eu lieu depuis. Je demande qu'un pareil ^bonneipeut soit proposé provisoirement aux fermiers.
, curé de Couvignon. L'insurrection est infaillible surtout dans la campagne où le peuple n'a pris patience que dans l'espoir de voir supprimer les aides à la fin de cette année. Jg supplie l'Assemblé^ de prendre prompte-r ment un parti à ce sujet-
, curé du Vieux-Pouwngea, Il n'est pas possible que les campagnes puissent payer un droit ^ussi accablant. l| y a eu des années, lorsque la récolte a été abondante, où cet impôt a produit autant que la taillé. Gomment veut-on que les campagnes puissent y résister et payer un droit sur une denrée, dont quelquefois on ne retire pas un sou ?
dit que le comitédes finances consent à insérer dans lé déeret, les mots : jusqu'à ce qu'il ait été autrement statué*
(Cette disposition additionnelle est mise aux voix et adoptée.)
i 11 est fait lecture d'une adresse de M. Gailleau, libraire-imprimeur de l'Université de Paris, dans laquelle il fait hommage à l'Assemblée nationale d'un éxemplairé d'un ouvrage intitulé : Dictionnaire bibliographique$ historique et critique des livres rares, précieux, singuliers, curieux, esti-fflfo et recherchés, iftjf manuscrits, soit imprimés, en trois volumes in-§°.
L'Assemblée ordpnne qu'il sera fait mention dans son procès-verbal de l'offre patriotique que M- Gailleau fait d'un ouvrage qui est le fruit d un travail de trente ans, et que les savants et curieux ont justement honoré de leur approbation et de Igpr suffrage-
, membre du comité des décrets, expose que l'Assemblée. nationale a décrété, le S mai derpier, que les membres de l'Assemblée nationale actuelle ne pourront être nommés par le roi pour remplir les fonctions de commissaires du ro; dans }es tribunaux de justice, que quatre aps après la Clôture de la présente session ; et ceux des législatures suivantes, que deux ans îiprèjs la clôture des sessions respectives.
fl fait observer que ce décret constitutionnel, de la sévérité duquel les membres de l'Assemblée nationale devaient s'enorgueillir, a été omis dans les proclamions des 24 août et 11 septembre
derniers ; qu'il doit être exécuté : et il derq$pde? en conséquence, que l'Assémblëe nationale veuille bien décréter cette exécution dans les tèrmès suivants.
- LAssembléénationale, s'étant fait représenter le décret constitutionnel du 8 mai(Içrnier, pprfônt que les membres de l'Assemblée" nationale actuelle ne pourront être nommés par le roi pour remplir les fonctions de commissaires dq roi dans les tribunaux de justice, que quatre ans après la clôture de la présenté session ; et cepx dès législatures suivantes, que deux 3ns après la clôture des' sessions respectives :
« Considérant que ce décret, omis dans les proclamations des 24 août et 4 septembre, a été rendu pour faire suite à l'organisation judiciaire, décrète qu'il sera, dans le jour, présenté à l'aceeptation du roi.
« Décrète, en outre, que son président est chargé de supplier Sa Majesté de révoquer toutes les nominations aux places de ses commissaires dans les tribunaux dé justice, qui seraient contraires au décret ci-dessus du 8 mai dernier. »
(Le projet de décret présenté par M- Çpuche est mis aUx Voix et adopté.)
, rapporteur du comité des finances, propose un projet de décret sur les abonnements de régie à SainULC, qui est adopté en ces termes : «Sur le rapportait à l'Assemblée nationale par son comité des finances :
«1° Des abonnements arrêtés les 5 et 19 août dernier, entre lés directeurs et préposés de la régie générale, les officiers municipaux, le procureur de la commune de Saint-LÔ, les marchands bouchers de ladite ville, pour le payement des droits qui y sont établis en remplacement de la taille;
2° Des avis du directoire du district de Saint-Lô, des 26 août et lep septembre, et de celui du directoire du département de la Manche, du 11 de cè mois, desquels il résulte" que lesdits abonnements sont avantageux au publie et à l'administration, il a été rendu le décret suivant :
« L'Assemblée nationale décrète que lesdits abonnements seront exécutés provisoirement dans toutes leurs dispositions, jusqu'au premier janvier prochain. »
, au nom du ce-mité militaire, propose les articles suivants^ additionnels au décret sur le mode d'avancement dans Varmée :
TITRE PREMIER.
du remplacement.
« Art. 10. Le grade de major étant supprimé dans la nouvelle organisation, les rqsûors. prendront le grade de lieutenant-colonel.
« Ne pourront cependant les majors titulaires et ceux par brevet, prendre rang qu'après les lieutenants-colonels titulaires pour le commandement dans les régiments ; mais ils prendront leur rang d'aqçienneté dans la colonne des lieutenants-colonels pour l'avancement aux places de èolonels, en comptant deux années de major pour une de lieutenant-colonel.
« Art. 15. Les officiers de tous grades et de toutes les armes, actuellement en activité, réformés par la nouvelle organisation, conserveront jusqu'à leur remplacement j^ans leur gràdé, la moitié des appointements dont ils jouissent en ce
moment : si la réforme porte sur des officiers Parvenus par les grades de soldats et de sous-of> ciers, ils conserveront en entier, jusqu'à leur remplacement, les appointements dont ils jouissent dans ce moment. »
TITRE II.
« Art. 15. Les capitaines de remplacement pour-ront, en outre, concourir avec les lieutenants, dans les régiments où ils sont attachés, pour leur remplacement aux places de capitaine en activité qui y viendront à vaquer à la date de leur brevet de lieutenant, dans quelque arme qu'ils aient eu ce grade. *
(Ces articles sont adoptés sans discussion.)
fait lecture d'une lettre de M. Papigny, qui fait part à l'Assemblée du décès de M. Herman, son Oncle, membre de cette Assemblée, arrivé hier, et qui annonce que son convoi aura lieu ce soir à Saint-Roch.
L'Assemblée témoigne ses regrets de la perte qui lui est annoncée.
M. Le Chapelier, au nom du oomité de Constitution, demande à présenter deux décrets destinés d accélérer tes travaux de VAssemblée et à hâter sa séparation.
(La salle retentit de longs applaudissements et M. Le Chapelier obtient la parole.) '
^e comité de Constitution m'a chargé de vous présenter un moyen de hâter l'achèvement de vos'travaux et de convoquer les assemblées primaires pour nommer les membres qui doivent vous remplacer.
Le comité demande qu'il lui soit adjoint un certain nombré de membres et il veut vous offrir un tableau des travaux qui vous restent à faire. En vous y attachant invariablement, sans iplus passer d'une matière à l'autre, la nation entrera dans votre confidence, si je' puis m'exprimer aiqsi. BUe suivra votre marche et saura, aussi bjen que vous, l'époque de la lin de la Constitution et de la convocation nouvelle : elle s'y préparera.
donne lecture de deux projets de décrets qui sont adoptés, sans discussion, en ces termes :
PREMIER DÉCRET.
« L'Assemblée nationale, considérant combien il importe d'accélérer l'achèvement de la Constitution, et de remplir les espérances dé la nation, qui vpit àyec raison, dans la fin des travaux de sçs représentants, l'établissement invariable dë l'ordre public, l'exercice et |a stabilité de tous les pquvqirs ;
- ' « Considérant qu'à l'époque à laquelle on est parvenu, les grandes bases de là Constitution étant poséés, ifne reste plus que peu d'objets à décréter pour que la Constitution soit terminée, qu'il est maintenant facile d apercevoir et de fi^çr ce qui restç à faire pour compléter cet ouvrage, et que la nation a droit d'attendre de ses représentants, non seulement ce zèle et cette activité qui emploient tous les instants, mais encore qu'ils la mettent à même de mesurer d'un coup d'œil l'espace qu'ils ont encore à parcourir, et
de suivre sans incertitude leur marche et leurs travaux ; qu'enfin, c'est en arrêtant le tableau de ce qu'ils ont à faire, qu'ils pourront indiquer à la nation le moment prochain où elle s'assemblera pour former la première législature, décrète :
« Art. ler. Tous les oomités, excepté celui des rapports, des
recherches, de vérification et de l'envoi des décrets, nommeront chacun un de leurs membres,
pour se réunir au comité de Constitution.
« Art. 2. Ce comité central aura pour fonction de former ef de présenter, sous le plus' bref délai qu'il sera ppssi^ié" àl'Assemblée nationale, uq tableau 'de tout ce qui reste à faire pour achever la Constitution, et de l'ordre dans lequel }es matières doivent être successivement mises â la Sis-; cuqsion et çlécrétées.
î Art, 3. Chaque comité donnera à ce|ni de ses membres qui géra nommé ppur le comité central, l'état des travaux qui doivent être par lui présentés à l'Assemblée,
« Art. 4, Lorsque le tahleau et l'ordre des matières aqrocM été décrétés par l'Assemblée nationale, ce sera invariablement l'ordre (lu jour; les matières seront successivement décrétées, san^ interruption, et sans pouvoir passer de l'une à l'autre avant que celle mise à la discussion sqit achevée, de manière cependant que les vendredis* les samedis et même les dimanches continueront d'être consacrés aux finances,
« Art, 5. En conséquence, je tableau du travail sera divisé en deux parties, l'une relative à la Constitution, l'autre aux finances,
« Art, 6. Squs aucun prétexte, aucunes affaires particulières ne pourront être examinées aux séances du matin, ni interrompre l'ordre jour; elles seront renvoyées aux séances du soir, et il en sera tenu d'extraordinaires toutes les fois qu'elles seront nécessaires.
« Art- 7. Quand le tableau des matières et de l'ordre dus discussions aura été décrété, il sera imprimé, envoyé à chacun des membres, remis à tous les comités, et affiché dans la salle de l'Assemblée.
« Art. 8. Tous les comités, instruits par ce tableau, du moment où les objéts dont ils sont respectivement chargés, seront soumis à l'examen de l'Assemblée, tiendront leur travail prêt et feront imprimer leurs projets, en sorte que 4 jours en avance, ils soient distribués à chacun des membres. »
Second décret.
« L'Assemblée nationale décrète qu'il sera adjoint au comité de ponslitutiori sépt membres. ëlus parmi tons les membres de l'Assemblée, pour, concurremment avec le comité (le Constitution, examiner tous les décrets rèndùs par l'Assemblée nationale, séparer ceux qiii forment proprement la Constitution de ceux quj ne sont que législatifs, ou réglementaires,"faire, én conséquence, un corps des lois çqpstitutiqnnélïes. reviser la rédaction dés articles, afin de récftfier les erreurs qui auraient pu s Y gjfësér. Lé trayaiî du comité sera présenté à l'Assemblée, aussitôt qu'il 'ne restera plus à décréter que les deux derniers objets inscrits dans le tableau qui fixera l'ordre du travail, et, alors, deuxjoqrs par semaine y seront consacrés. »
Vordre du jour est la suite
de la discussion sur la contribution foncière (1).
(2). Messieurs, par les dispositions du rapport de votre comité d'impositions, portant le titre : ordre du travail, l'établissement des contributions, leur encadastre-ment selon l'ordre de la nouvelle division de la France, et vos rapports avec les corps administratifs et municipaux, assurent d'avance aux peuples la justice que vous devez à tous.
Heureux sans doute, Messieurs, de pouvoir terminer aussi glorieusement votre ouvrage 1 Encore un pas, l'ancien régime fiscal n'est plus. Nos inquiétudes cessent; la confiance renaît ; la Révolution est consommée ; et la France devenue libre, ne verra bientôt plus d'esclaves sur le globe. C'est à vous seuls, Messieurs, qu'il appartient de répartir la masse entière des contributions "entre les différents départements : leur répartition particulière est l'ouvrage de vos directoires de départements et de districts ;et c'estaux administrateurs municipaux que vous avez réservé de répartir justement l'impôt, et vous voulez que chacun le supporte en proportion de sa richesse, sous quelque forme qu'elle se représente; enfin, qu'aucun ne puisse jamais troubler l'ordre public, en se soustrayant au tribut qu'il doit.
L'échelle de votre administration est établie de manière que, de votre sein aux administrations de département, et de ces dernières à celles de district, tout est parfaitement lié ; mais de ces administrations de district aux municipales, la distance est trop grande : il y a double échelon.
Je ne fais point cette observation, Messieurs, dans la vue.de vous proposer de revenir sur aucuns de vos décrets.
Il est cependant vrai de dire qu'au momeit où votre comité de Constitution vous a présenté son projet d'organisation des différentes administrations, s'il m'eût été possible de faire alors entendre ma faible voix, j'aurais demandé que les administrations primaires des municipalités fussent toutes concentrées dans les petites villes et bourgades, et qu'alors vous n'eussiez accordé aux différentes paroisses, qui toutes le désirent aujourd'hui et le demandent avec instance, d'autres administrateurs qu'un syndic, pour correspondre avec la municipalité du canton, et exercer la police territoriale, enfin, pour assembler les habitants, cultivateurs, et tous intéressés à la répartition des contributions, à l'effet de procéder entre eux à cette répartition.
Mais, Messieurs, sans contrevenir à l'esprit de vos décrets, et dans la vue de perfectionner votre ouvrage, n'est-il pas des moyens ? et, s'il en existe, serait-ce une indiscrétion de vous les proposer, surtout, si dans les circonstances de la répartition des contributions foncières ou autres, il devient en quelque sorte impossible de parvenir à cette répartition, parce qu il n'y a point d'intermédiaire entre les directoires de vos districts et vos administrateurs municipaux ? Ce que je vais dire, par conséquent, et qui n'est qu'un mot, n'est point hors de la question.
Depuis six mois, Messieurs, comme membre des comités de Constitution et de finances, je
travaille à la vérification des procès-verbaux des cartes des différents départements, à
l'effet de
Ce travail est très avancé, et j'aurai l'honneur de vous en faire le rapport, quand vous voudrez, pourvu que j'en sois prévenu une semaine d'avance. Je désire que vous y rencontriez les vues d'utilité qui me l'ont fait entreprendre.
C'est de ce travail, Messieurs, que j'ai tiré le discours que j'ai eu l'honneur de vous faire sur la liquidation de la dette publique.
C'est à l'aide de ce travail que je pourrai vous présenter, sur la division de la France en départements, districts et cantons, le tableau des districts sous leurs différents rapports, afin que vous puissiez juger des changements dont ils sont susceptibles, et que vous paraissez vouloir effectuer ; et c'est enfin de ce travail, que je tirerai ce que je vais avoir l'honneur de vous dire sur la question qui nous occupe, et à laquelle je reviens.
Votre comité, Messieurs, vous annonce de l'économie dans la recette, et l'acquit des dépenses sans frais ; en un mot, les plus grandes lumières au lieu des ténèbres épaisses dont l'ancienne fiscalité était entourée ; il dit que vous reconnaîtrez la véritable ligne de démarcation qui doit exister nécessairement entre les fonctions augustes du roi et les vôtres, en matière de contribution, afin de fixer d'une manière invariable l'étendue des droits de l'homme et du citoyen, sans lesquels il n'est plus de liberté individuelle, de bonheur ni de tranquillité ; il nous fait enfin envisager que l'instant où nous devons être à jamais débarrassés de l'arbitraire résultant des anciennes lois fiscales, ces lois seront remplacées, pour me servir des mêmes termes que votre comité, par un code des contributions publiques.
Votre comité, cependant, Messieurs, ne nous fait point encore espérer la réforme entière des abus, et nous renvoie aux prochaines législatures; mais en cela, il me semble qu'il pouvait rester en arrière, si plus hardi, si plus confiant dans les immenses ressources qui sont à notre disposition, il n'eût pas craint d'examiner la question qu'il appelle l'unité de l'impôt, mais que j'appelle l'unité ae richesse, puisque l'impôt n en est qu'une partie quelconque. Je passe les faits historiques que votre comité rapporte sur les différentes impositions dont le pauvre peuple a été jusqu'à présent si surchargé, et je m'arrête avec plaisir à cette partie de son rapport, oùll vous dit que nous devons tous fournir aux besoins de la patrie :
1° Comme propriétaires, en proportion de la valeur de cette portion de richesse ;
2° Comme citoyens, à raison de nos facultés déterminées par le prix c^u loyer des maisons ;
3° Et, pour le surplus, par quelques droits particuliers sur les consommations, ou perçus à . l'aide des barrières ; mais ici je m'arrête un instant, et le mot de barrières m'épouvante : il n'est point de barrières sans commis, point de droits aux barrières sans fraude; et dès lors nous ne jouissons que très imparfaitement de notre liberté. D'ailleurs, en coûte-t-il moins au consommateur de payer aux barrières plutôt qu'à titre d'abonnement? Et l'abonnement, au contraire, ne nous débarrasse-t-il pas enfin, de toutes les entraves de toutes craintes ? Le cadastre de la richesse industrielle présente-t-il plus de difficultés à dresser, que celui de nos propriétés ? Se per-suade-t-on que parce que les marchandises payent, en entrant, un impôt, ce n'est pas le con- . sommateur qui le paye ? mais c'est toujours lui ;
or, pourvu qu'il paye, à quoi bon des barrières?
Vous verrez, Messieurs, dans un instant, si vous en avez besoin, et si la manière dont je vais avoir l'honneur de vous proposer de décréter les premières bases de l'impôt, n'est pas préférable à des lois prohibitives. Point de ces sortes de lois pour entourer des hommes jouissant de leurs droits ; et apprenons à toute la terre, qu'en se communiquant librement, toute nation, loin de se nuire, ajoute infiniment à ses facultés, puisqu'elle augmente sa force de tous les bras que les lois prohibitives paralysent. Ne craignons rien pour nos manufactures nationales : la liberté ne peut que les étendre ; et si quelque gros manufacturier s'y oppose, n'écoutons point sa réclamation. Nous avons supprimé tous les privilèges, et sa manufacture doit être comprise dans la suppression, si elle ne peut subsister qu'à l'aide d'un privilège.
Votre comité vous dit que les barrières sont reportées aux frontières ; mais la société gagne-t-elle à ce marché ? Non, elle y perd au contraire : il n'y aura ni plus ni moins de commis, ni plus ni moins de contrebandiers; et la seule différence que je trouve entre un cordon aux frontières et un cordon à plusieurs lieues des frontières, c'est que l'armée de contrebandiers qui est toujours en activité en deçà et au delà de la ligne, avant le reculement des barrières aux frontières, n'était que des Français que nous avions encore quelque intérêt de voir subsister, puisque ces contrebandiers payaient des impôts ; au lieu que la ligne se trouvant à l'extrémité de la France, l'armée en activité au delà de la ligne n'est plus composée que d'étrangers qui ne nous payent rien.
Cependant, direz-vous, il nous faut des barrières, et j'en conviens ; mais il ne nous en faut que pour empêcher la sortie de nos subsistances dans les années de disette, ou pour empêcher l'entrée des marchandises nuisibles à notre commerce, et à nos manufactures nationales ; autrement, liberté entière. Des barrières sont contraires à notre déclaration des droits.
Votre comité vous dit encore, et je répète ses propres paroles : « La culture du tabac, sa fabrication et son débit seront libres. L'importation de cette denrée, restant entre les mains d'une compagnie, produira encore un revenu considérable, quoique le prix soit baissé à un taux qui ne puisse plus attirer la contrebande ». Je réponds : encore des compagnies! Quoi I toujours des compagnies! C'est comme pour nos besoins, toujours des emprunts. Eh ! Messieurs, laissez aux cultivateurs la liberté de vendre leurs tabacs; et si voulez absolument que cette production contribue davantage que les autres, chargez alors les administrations de districts et de municipalités de surveiller cette branche d'impôt, d?en compter de clerc à maître; et, pour qu'ils aient le plus grand intérêt à imposer les cultivateurs du tabac, abandonnez le quart ou le cinquième du produit de cet impôt, pour être versé dans la caisse des pauvres de ces municipalités. Vous devez d'autant plus être assurés de sa perception exacte, que si les municir palités ne surveillaient pas, les pauvres, au profit desquels tourne une partie de l'impôt, surveilleraient pour elles.
Totre comité, Messieurs, termine son rapport par vous dire « qu'il aurait désiré de vous présenter d'abord les articles constitutionnels, mais que les circonstances pressées où vous vous trouvez, de mettre en activité les corps administratifs pour l'assiette des contributions, le déter-
minent à vous proposer d'entendre son rapport sur la contribution foncière, et à vous proposer successivement ensuite et sans interruption toutes les parties de son travail. »>
Je ne puis, sans doute, qu'applaudir aux vues d'ordre que ce travail présente; cependant j'aurais désiré qu'avant de vous déterminer à rien prononcer sur une partie, vous les ayez toutes entendues, parce que ce n'est que par l'ensemble d'un travail qu'on peut l'apprécier ; et c'est par cette même raison qu'en répondant, comme je vais le faire, au second rapport de votre comité sur la contribution foncière, je ne puis vous présenter quelques données satisfaisantes, qu'en vous faisant jeter un coup d'oeil sur les articles constitutionnels qui doivent servir de base à la répartition des impôts.
Vous ne reconnaîtrez pas, Messieurs, dans mon système les parties de détails que M. de Mont-cal m vous propose. Autant son plan vous présente d'impôts différents, autant le mien en présente peu.
J'applaudis, sans doute, aux vues de justice et d'humanité qui l'ont animé : il veut que le cultivateur soit dédommagé de ses suéurs ; le luxe est pour lui le seul objet qu'il faut imposer ; mais a-t-il songé que les temps ue sont plus les mêmes, et qu'aujourd'hui les impôts sur les objets de luxe ne feraient qu'ajouter à la misère de ceux qui gémissent de ce qu'il en est à présent si peu?
Avant la Révolution, son plan eût été admirable; aujourd'hui, il serait vraiment destructeur, et ce serait un grand malheur s'il était adopté. Je reviens à mon plan.
Vous regardez sans doute, Messieurs, la fixation des impôts et la manière d'y procéder, comme la science la plus problématique; elle sera bien simplifiée si vous décrétez :
1° Que la richesse est la base de l'impôt ; ou, ce qui est la même chose, que l'impôt est une portion quelconque de la richesse;
2° Que la richesse, productive ou non, doit supporter toute la charge de l'impôt;
3° Que la richesse se représente sous trois parties principales, qu'on distingue par :
Richesse territoriale,
Richesse mobilière,
Richesse industrielle ;
Et que ce sera d'après ces bases que vous ferez procéder au cadastre dont je vais parier, en appliquant aux quatre-vingt-trois départements de fa France la masse de leurs contributions, quana vous aurez une fois fixé les rapports qu'il y a entre ces trois parties de la richesse.
4e Et enfin, que le premier cadastre dont je vais avoir l'honneur de vous présenter les données, sera alors la seule et unique base des différents cadastres qui doivent se succéder, et arriver, par cette échelle que vous avez établie, du département au district, de celui-ci au canton, et de ce dernier aux municipalités, à la masse de contribution que vous chargerez chacune de ces municipalités de répartir dans le plus grand détail.
Le cadastre dont il s'agit, et auquel je ne donne que le titre de cadastre provisoire, peut être fini avant la fin de l'année.
Vous pouvez le faire exécuter en même temps dans les quatre-vingt-trois départements, par les directoires des 547 districts, à l'aide d'une simple lettre circulaire portant une série de demandes, auxquelles il ne faudra pas beaucoup plus de quinze jours pour répondre.
C'est une opération infiniment sitople èn ellë-ihémë, et vous ne tlevea; point ydUs épouvanter dti mot cadastre, pârrië que celui que jë vouâ propose, dans son véritable sens, h'ëSt autre Chose qu'uhe simple rédaôtibtt de rôle dé contribution, dressé pai* leB personnes irttêfeSsées â cë qu'il soit bien rédigé.
Pour Vous J'ëndi'e compte dë sOd exécution, c'ëst le travail d'un comité qui vous manque, et auquel je propbse dë donner le titre de comité dè cadastre. Vous ne tard erez sûrement pas à l'établir, Messieurs, ce Comité, puisque vôtis ne pouvez parvenir à fixer, sans lui, vos impôtà pour 1791, et surtout, que sans la fixation dës bases de l'impôt, les àmatëurs dë vos biehs dë se détermineront jamais à acquérir.
Il est inutile que je m'étehde bëauéoup sur la cohtributidn foncière que vôtre comité traite dans son second rapport. Je ne puis, dans mon système, lâ Considérer que ôbmmë un Objët isolé, sùrtodt, puisque le plan dont je vais avoir1 l'honneur de vous présenter l'ensemble, embrasse toutes lés partiës de l'impôt.
Je n'entrerai, Messieurs, dahsaUcUn détail Sur l'origine dës iihpÔts et leur augmentation graduelle, ni sur le mode dë lés percevoir, ni enfin, sUf là question de savoir si l'impôt en argent n'ëst pas préféi'ablé à l'impôt en nattirë.
CeS questions ont été tàttt t-ebattues, quë ce sërait abuser deVotré temps que dévOus eh etitreteoit; d'ailleurs, ce n'est point par de simples ràiSbb-dëttlènts tfhe jë prétends convaincre, C'ëst par des calbuls faciles à Vérifief.
Votre cothiié, Me^sieiifs, propose dè fixe? la contribution foncière à 240 millions, parcë que lé deniéi1 étant partie de là livre, chaque denief vaut uh million.
J'adopte bien volontiers cette mesure; elle sera la base de toute mon opération.
Suivant le compte rendu au roi au .mois de mars 1788, la masse .des impôts s'éleVait à 472,415,549 livres.
En suivant l'auteur du livre de l'administration des finances de la France, le peuple payait réellement 584*400,000 livres; ainsi le peuple payait près de 112 millions au delà de la gomme entrant au Trésor public.
Il n'est pas nécessaire d'en dire la cau&e, nous la connaissons tous i c'était les frais de régie, etc.) etc.
Les besoihs actuels, si Toh comprend le traite* ment fait au clergé, s'élêVërdht, sans dottte, au moins â bette somme de 584,400,000 livres. Je la prends pour basé des impots à répartir pottr l'année 1791, sauf toutefois à augmenter ou diminuer de quelques sois pour livré, S'il en est nécessaire.
J'ai rhbnbeUr inèffië de prévenir l'Assemblée que pOUf faciliter les éàlCùls, je .subposerai quë les besoins doivent s'élëver à 600 millions; ét comme vbtfê borûitë s'arrête à uhë sommé de 240 millions poUf* la contribution foncière où territoriale, il s ensuit qu'il resté une sommé de 360 millions à répartir sûr la richesse mobilière ët indhstriellë..
Si ces dëux derrières richesses étaient égales entre elles, l'opération së réduirait, à diviser là somme en deufc pafttéâ égales; mais cômmé la richesse fflObiliêl-ë më pàrail être moindre que là richéssë IndUstMeilé, d'uh tiers environ, il résulte àlbrâ que la richëê&e mobilierë ne s'élève qu'à moitié dè là richesse xOûcièré, ou à Une somme de 120 millions de Contribution, ët q[ué la richesse
indUstHetlé est ëgàle à la rlchessé fôddléfe, bu â uhë somme dé &40 millions dë contribution. .
Si Cëttë première répartition repdSê sur des bases véritables, lé problème dë l'impôt est résolu.
j'ai foôse pour principe quë là nôhêssë 8ôit seule l'impôt. Or, si Uqûs supposons que l'impôt doit être de trois Vingtièmes au rëVëttu, fixé sut le pied de 5 0/0 du capital, il s'enSuit qUë d'àprès cettë hypothèse ët celle* d'Uhë imposition dé 600 millions,.là richesse s'élèverait à 80 milliards ; màis àU lieu dë ihilliardé, he parlons que dë parties, et disons, la richesse s'elèVê â Une somme quelconque, qui Se divise en quatre-Vingts parties.
SàvÔir : .
32 pour la richesse fonoièrë OU territoriale ; 16 pour la richesse mobilière, màis que je distingue ici par pelle que le comité impose souS le titre de contribution des facultés dës Citoyens, d'après le prix de bail des maisons et (Jde -j appellerai contribution facultative; El 32 pour la richesse industrielle.
Richesse foncièrè.
fixer là richesse foncière aux trente-deux qUatre-Vingtièmes,, ou aUx deux cihquièines de la riéhessë totale, c'est supposer, à cinq pour Cent, si le qUatre-vingtiéme était un milliard, un revenu de seizecenls millions; mais comme nous savons tous que les biens-fonds s'achètent communémen t au denier trente, cela réduit le revenu des biens-fonds à un milliard et un tiers de million, et cëla s'accorde parfaitement avec l'opinion de ceux oui casent au plus bas ; cat nos meilleurs calculateurs élèvent les revenus de nos immeubles à plus de treize cents millions. De là il résulte qUe la contribution foncière peut se répartir de deux manières; la. première, en évaluant ce que le champ Vaut d'écus, et en l'imposant alors Sur lé pied de trois vingtièmes de son revehu, fixé a raison de cinq pour cent du capital; bu eh l'imposant sur lë pied de quatre vingtièmes et demi du revenu net, ce qui est la même chose.
Observez ici, Messieurs, qu ayant casé au plus bas, si la richesse foncière vaut quinze cents millions de revenu, la contribution foncière ne sera qUe de trois vingtièmes du revenu net; cë qui serait bien avantageux pour l'agriculture.
Richesse facultative oit niObllièrei
La fixation de l'impôt sur la richesse mobilière doit se faire de la même manière ; mais comm$ le comité semble distinguer cet impôt sous celui du citoyen, à raison de ses facultés déterminées par le prix du loyer des maisons, je vais tâcher de déterminer àquoi pourrait s'élever le prix des loyers de tous les édifices en France, si tou£ étaient donnés à bail. On conçoit que le prix doit être l'intérêt Résultant de la valeur intrinsèque des mêmes édifices, èt de ce que Chacun produirait d'écus, s'il était mis en vente. Or, cette évaluation est facile à faire si l'on détèrmine dans quelle pço-portion un propriétaire se logei tin propriétaire se loge, je pense,, dans la proportion du dixième de son revenu ; c'est-à-dire que 1 homme qui jouit de six a'sept mille livres de rente, occupe communément des édifices qUi pourraient se louer si* à sept cents livres. 0r? la.France présente une richesse de qUàtrë milliards de revenu, soit terri-
toriaux, soit mercantiles et industriels; par conséquent le prix du loyer de tous les édifices pourrait donc s'élever à une somme de quatre cents millions ; noua en avons, cent vingt à répartir pour la fixation de l'impôt sur la richesse mobilière des maisons ; ainsi il faut imposer les édifices Bur le pied de dettx cinquièmes dù prii des loyers od des revends, fixés à cinq pOtir cent de là valeur iMrlbsèque des mèmeS èdificës.
Cette richesse mobilière ou facultative étant le résultat de la richesse foncière et de la richesse industrielle, elle devient» dans mon système d'infc position, le générateur de l'impôt, et c'est pouf cela que je lui donne le titre de contribution facultative.
Richesse industrielle.
La fixation de l'impôt sur la richesse indus-triellei eh prenant pour bâse le prix du loyer de la màisoh de l'artiste, marchand, ouvrier OU autres, est, dans mon système, une opération dbdt le résultat esc absolument le même que celui qé la éôntribution foncière^. avec çettè séule différence j que dans la contribution foncière c'est le revenu du propriétaire qui fait le prix de sotl loyer4, et que dahs la contribution industrielle c'est le prix du loyer qui fixe la hauteur de la contribution industrielle.
La richesse industrielle s'élève, comme je l'ai dit plus haut, aux deux ëinfiuiêmeâ de la richesse totale, ou à l'égal de la richesse foncière. Pour m'en asSUfer, j'ai M Uhe
Ëh voici le résultat :
îjans un lieu où l'industrie tient un juste mia lieUj où le commerce se balance comparativement au réstedu rdjfâume, et OÙ il se trouve uue .po-1 pulatidn d'e^virori 2,O00 âmes, en un mot dâns un lieU que jë regarde commè la douze mille cinq centième partie de la France, soit.eu richesse, soit eu population, j'ai reconnu que,, dans 500 chefs de famille, 12 vivent comme bourgeois jouissant de 2 à4,000 livres de revenu* 49 comme marchands, gagnant depuis 1,000 jusqu'à 2,000 livres ; 125 comme ouvriers, gagnant 4 à 600 livres ; 200 comme manouvriers, gagnant environ 300 livres; 50 comme veuves ou filles célibataires, gagnant 150 livres, et 64 pauvres ne gagnant rien.
Ainsi, 436 Chefs de famille jouissent donc de 240,000 livrés dé revend ou bénéfice annuel.
Ën supposant, comme de raison, Une pareille industrie dans le reste de la France et 25 millions d'âmes» le reveriU industriel s'élève donc à environ trois milliards, qui doivent acquitter 240 millions dë contributions, soit à titre d àboft-nement, soit par des impôts indirects, ëti Un mdt, de ia manière que l'Assemblée le jugera le plus couvenable.
Mais comme les trois dernières classes, dans le cas d'un abonnehièâl;, ûe JtëÛVënt supporter aucun imflôt, et que la première ne fait aucun commercé, il resté environ 1,600 millions sur lesquels il faut répartir les 240 millions d'impôt de richesse industrielle* ce qui revient à trois vibga tiémëS, et toujours au calcul que j'ai mis eh avdnt$ ët qUi n est fiuint forcé.
il résulte, Messieurs, de tout" ce qui précédé, que, dans mon système; dès qu.ôn connaît le nombre d'habitants d'un département* d'un dis= trictj d'Un canton,et souvent d'une muoieipalité; qu'on a opéré en détail de la même manière que je ViëhS de lé faire, toutes lës richesses se trou-
vent, pat1 ce procédé, exactement encadastrées, ët Ce Sddt cës opérations simples, successives ét de la plus facile exécution, que j'appelle Cadastres, soit généraux, Soit particuliers.
Pour abréger toute définition à Cë Sujet, j'ai l'honneur de tous en présenter un d'âUlàht pliià intéressant dâhs l'état actuel des ctin&és, qu'il résout Véritablement lé problème de l'impôt.
Ce premier cadastre; Messieurs, ëst le fruit de ce travail qui m'occupe depuis six mois aU comité de Constitution; et dont jë dêsibè VOtis faire le rapport, comme j'ai eu l'hdhhëUrde vous le dire puis haut.
Les masses de la Contribution ont été pUisées dans lë livre de l'administration des finances aé la France, par M. Necker, et je les Crois très justes. Il ëst cependant possible qu'il se soit glissé quelques erreurs ; mais les erreUrB tie peuvent se communiquer; d'ailléUrs, elles pourront Se réé-4 tifier très facilement en priailt MM. lëé députéâ des anciennes généralités, de se rassembler à Cet effet devant MM. d'un Comité de cadastre, ttiië je crois nécessaire de Composer de deux membres du Comité des finances, de deux membres du cdmité d'imposition, et de deux membres pris dans le sein de l'Assemblée nationale.
Si vous voulez, Messieurs, entendre lâ lecture de ce premier cadastré, VoUs connaîtrez ce que chaque département contient de IieUeS Carrées, combien il y a de citoyens, et combien il doit supporter de contribution.
Pour faciliter les travaux de cadastre, j'ai divisé la France ed neuf parties ou régions, composées toutes de neuf départements, sauf la ré-giôjd de Paris ou cm Nord qUi ën contient onze.
En divisant ensuite vos masses de contribution de Chaque département) par cinq, vous aurez aussitôt, les données des trois contributions : Savoir, deux Cinquièmes pour la contribution fod-Ctêrë; un cinquième pour la contribution facultative dès citoyens, et detix cinquièmes pour là contribution industrielle} et alors, combien ne sera^l-il pas facile, Messieurs, à chaque département, de faire sa répartition, quand vous aUrea déterMHé cëS trois nases de la contribution. J'ai l'honneiir de vous supplier, Messieurs, de les arrêter, ces bases; et, à Cet effet, jë vous propose de décréter.ce qui suit. ,
Je commencé le projet de décret par les deux articles constitutionnels que j'ai ëu l'honneur de votiS soumettre pour la liquidation de la dette publique.
CADASTRË GÉNÉRAL DE LA FRANCE
par ordre de régions et départements-
ÎÎÔÏÀ. J'ai l'honneur d'Observer que,quelles qllë soient les masses de contribution attribuées à chaque département, les sommes ne représentent toujours que les trois vingtièmes du revenu de la richesse foncière, fixée au denier vingt.
Le§ deux eintlUiëmeS du prit des loyers de maisons, pour la contribution des facultés des Gitoyens : le prix des loyers fixé au dixième des revenus*
Et lës trois vingtièmes du reveiu de la richesse ihddétriëlle, tiiée bar dii fois le prix dli IbVefj
Et que si là richesse d'un département, soit foû-èiërëj Soit mobilière ou facultative, soit IdauS-triëiie, ne peut atteindre le prix porté.au cadastre, ce serait une moins=value à déduire et a fêpàftir Sur les àUtrës départements dé ia géné-
ralité ; le maximum des contributions des citoyens ne devant jamais excéder les taux ci-dessus fixés.
J'observe aussi que cette manière d'imposer pour l'année 1791, comprenant tous les impôts, les salaires et pensions du clergé, ainsi que les sommes nécessaires aux besoins des pauvres, entretien et confection des chemins, même frais de régie des contributions, les impôts qui seront conservés seront déduits sur les trois contributions, en proportion de leur importance, et que, par cette déduction, la contribution industrielle ne s'élèvera guère au-dessus de 200 millions.
J'observe enfin qu'en proposant ce mode de contribution, j'ai toujours néanmoins entendu qu'il ne serait adopté dans les différents départements, qu'autant que cette mesure leur serait plus avantageuse que toutes celles qui pourraient être proposées; autrement, libre, pour 1791, aux départements d'asseoir l'impôt de la manière qu'ils croiront la plus avantageuse.
Je n'ai point donné la manière de procéder à l'exécution de ce cadastre, ainsi qu'à celle des différents cadastres qui devront se succéder : je le ferai quand on traitera le mode de répartition. J'ai l'honneur de prévenir seulement que ces moyens d'exécution peuvent s'appliquer au plan que M. Rey propose. Nos deux plans tendent au même but, et peuvent se concilier facilement.
CADASTRE GÉNÉRAL.
Région du Nord.
Lienes carrées. Population.
1 Paris....................22 680,000
3 Seine-et-Oise ... 295 300,000
3 Oise......................289 300,000
4 Seine-et-Marne.. 320 324,000 8 Eure-et-Loir________273 216,000
6 Eure......................293 375,000
7 Seine-Inférieure. 329 418,000
8 Somme................311 362,000
9 Pas-de-Calais... 349 550,000
10 Nord......................300 533,000
11 Aisne............374 367,550
Total..........3,155 4,425,550
Région des sources.
Lieues carrées. Population.
12 Aube....................280 185,000
13 Marne....................400 265,000
14 Ardennes............242 160,400
15 Meuse....................308 236,500
lô Moselle..................294 272,000
17 Meurthe................303 356,500
18 Haute-Marne.... 303 200,900
19 Vosges..................349 300,000
20 Bas-Rhin..............237 340,000
Total............2,716 2,316,300
Région du Levant.
Lieues carrées. Population.
287,000 235,000 210,000 234,000 400,000 377,000 275,500 284,600 633,600
21 Haut-Rhin , 214
22 Haute-Saône.... 270
S3 Doubs.......... 269
24 Jura ........... 272
25 Côte-d'Or...... 437
26 Saône-et-Loire.. 411
M Ain............ 300
28 Isère........... 458
29 Rhône-et-Loire.. 427
Total...... 3,058
Contribution.
livres 76,840,000 9,900,000 9,260,000 10,692,000 6,400,000 14,400,000 17,000,000 10,800,000 11,000,000 11,000,000 9,960,000
187,252,000
Contribution, livres 5,206,000 7,456,000 4,514,000 5,078,000 4,600,000 4,600,000 5,653,000 4,200,000 5,000,000
46,307,000
Contribution, livres 4,240,000 3,308,000 3,179,600 3,288,400 8,042,000 7,580,000 5,540,000 5,304,000 19,950,000
Région du Rhóne.
Lieues carrées. Population. Contribution.
livres.
39 Hérault........ 327 248,000 5,466,000
40 Lozère......... 242 183,400 4,044,000
41 Cantal......... 273 260,000 5,134,000
42 Aveyron....... 420 278,000 6,186,000
43 Tarn........... 285 216,000 235,800 4,763,000
44 Aude.......... 311 5,200,000
45 Pyrénées-Orient. 220 152,000 2,620,000
46 Ariège......... 239 160,000 2,735,000
47 Haute-Garonne.. 347 237,800 4,520,000
Total..... 2,664 1,971,000 40,668,000
2,936,700 60,432,000
30 Haute-Loire .... 254
31 Ardèche........ 260
32 Drôme......... 339
33 Hautes-Alpes... 283
34 Basses-Alpes ... 388
35 Var............ 344
36 Bches-du-Rhône. 326
37 Corse.......... 540
38 Gard........... 279
Total 3,013
Région du Midi.
Lieues carrées. Population.
200,000 197,000 210,000 170,000 205,000 247,000 302,000 124,000 211,500
Contribution, livres. 4,309,000 4,344,000 3,914,000 3,170,000 4,065,500 4,909,000 6,025,500 600,000 4,664,000
1,866,500 36,001,000
Région de la Garonne.
Lieues carrées.
48 Gers......................380
49 Hautes-Pyrénées 246
50 Basses-Pyrénées. 446
51 Landes..................461
52 Gironde................549
53 Lot-et-Garonne.. 273
54 Lot...................382
55 Dordogne............428
56 Corrèze................296
Total............3,461
Population.
252,000 148,000 269,000 231,000 570,000 283,000 252,000 380,000 238,540
Contribution, livres 3,835,000 2,160,000 3,926,000 3,434,000 9,980,000 4,755,000 5,618,500 6,380,000 3,280,000
2,623,540 43,268,500
57 Haute-Vienne... 248
58 Charente....... 309
59 Charente-Infé™.. 360
60 Vendée......... 327
61 Deux-Sèvres.... 307
62 Vienne......... 354
63 Indre-et-Loire.. 323
64 Maine-et-Loire.. 365
65 Loire-Inférieurer 373
Total...... 2,966
Région du Couchant.
Lieues carrées. Population.
200,000 251,400 345,400 212,000 200,000 264,400 328,000 370,000 476,000
Contribution, livres 2,750,000 4,765,000 7,168,000 3,960,000 3,732,000 4,237,000 7,708,000 8,700,000 6,250,000
2,647,200 49,270,000
Région des mers.
Lieues carrées.
66 Sarthe..................336
67 Mayenne..............94
68 Ille-et-Vilaine... 357
69 Morbihan..............360
70 Finistère..............353
71 Côtes-du-Nord.. 339
72 Manche................278
73 Calvados................358
74 Orne..............310
Population.
340,000 302,000 460,000 460,000 450,000 430,000 310,000 408,000 362,000
Contribution, livres 8,000,000 7,110,000 6,000,000 6,037,000 5,903,000 5,400,000 5,165,000 9,995,000 10,300,000
Total...
2,985 3,522,000 66,910,000
Région du Centre.
Lieues carrées. Population Contribution.
livres
75 Loir-et-Cher.... 323 243,000 7,096,000
76 Loiret....................337 253,000 7,493,000
77 Yonne..................400 412,000 12,900,000
78 Nièvre..................374 237,000 4,137,000
79 Cher......................372 259,000 4,060,000
80 Indre....................368 253,500 3,940,000
81 Creuse..................290 205,400 3,270,000
82 Allier....................364 230,700 4,203,000
83 Puy-de-Dôme... 332 380,000 7.504,000
Total...... 3,210 2,473,600 54,783,000
Rapport des régions.
Lieues carrées. Population. Contribution.
livres
/ Nord......... 3,155 4,425,550 187,252,000
l Sources....... 2,716 2,316,300 46,307,000
. 1 Levant....... 3,058 2,936,700 60,432,000
s ) Rhône........ 3.013 1,866,500 36,001,000
.2 / Midi.......... 2,664 1,971,000 40,668,000
Garonne...... 3,461 2,623,540 43,268,500
I Couchant..... 2,966 2,647,200 49,270,000
f Mers......... 2,985 3,522,000 66,910,000
\ Centre........ 3,210 2,473,600 54,783,000
Total...... 27,228 24,782,390 584,891,500
PROJET DE DÉCRET.
Art. 1er. L'emprunt et toutes opérations qui en portent le
caractère, s'il n'est pourvu en même temps au remboursement,1, sont défendus en France.
Art. 2. L'impôt pesant sur tous les citoyens, dans la proportion de la richesse de chacun, sous quelque forme que cette richesse se représente, productive ou non, sera la seule mesure que la nation emploiera pour subvenir à ses besoins ordinaires.
Art. 3. La richesse sur laquelle l'impôt sera prélevé, se divise en trois parties sous les dénominations suivantes :
La richesse territoriale, foncière ou immobilière ;
La richesse mobilière ou facultative ;
La richesse industrielle ou mercantile.
Art. 4. La contribution sur les trois richesses sera répartie dans les proportions suivantes :
Deux cinquièmes de la richesse foncière, etc.
Un cinquième sur la richesse mobilière, sous le titre de contribution facultative des citoyens, d'après le prix des loyers des maisons ou autres édifices ; et deux cinquièmes sur la richesse industrielle et mercantile.
Art. 5. Les comités des impositions et des finances réunis présenteront incessamment un projet de décret des impôts conservés ; mais ils ne conserveront que ceux qui ne seront pas nuisibles à la liberté, et qui n'exigeront ni gardes, ni barrières pour leur perception.
Art. 6. Le cadastre présenté à l'Assemblée sera vérifié, et, à cet effet, il est établi un comité de cadastre composé de six membres, dont deux pris dans le comité des finances, deux dans celui des impositions, et deux dans le sein de l'Assemblée nationale, et la nomination sera faite par liste à la majorité relative.
Art. 7. Le comité de cadastre présentera aussi incessamment un projet de cadastre provisoire, pour la répartition des impôts de 1791.
Plusieurs membres demandent l'impression du discours de M. Aubry et des pièces qui l'appuient.
D'autres membres réclament la question préalable.
La question préalable e3t mise aux voix et rejetée.
L'impression est ensuite ordonnée.
, député de C ar cas sonne (\). Messieurs, il est nécessaire d'assurer au Trésor public, une rentrée de 500 millions (2), mais l'Assemblée nationale n'est pas obligée d'imposer la totalité de cette somme sur les peuples. L'Etat peut retirer 60 millions au moins du produit des forêts conservées, des ventes exclusives, des postes et messageries, des loteries, du bénéfice sur les monnaies et affinages et de ses créances actives. Il ne faut s'occuper que de 440 millions.
Le système de l'impôt unique, impraticable dans son exécution, est inadmissible dans les circonstances. Sa perception est exposée à trop de lenteurs; elle, nuirait à la Révolution, parce que bien des personnes encore la jugeront par la comparaison des rôles sur les impositions directes.
Il est donc indispensable d'établir des impôts indirects. Quatre objets peuvent produire 140 millions : ce sont les droits de contrôle et de centième denier, le timbre et la marque de certaines marchandises, les traites et douanes, les consommations.
Les 200 millions déjà indiqués seront portés directement auTrésor public, sans que les corps administratifs puissent en rien déduire, au lieu qu'ils fourniront à leurs dépenses particulières, ainsi que les municipalités, au moyen des sols additionnels aux 300 millions qu'il reste à trouver.
Cette somme peut être mise en recouvrement sur trois rôles séparés : la contribution personnelle, celle des bâtiments et celle des terres.
Le mode des nouvelles impositions doit être proportionné aux moyens des assemblées administratives et des municipalités naissantes. Celui-ci peut avoir cet avantage.
IMPÔT PERSONNEL.
Il sera procédé, dans chaque municipalité, au dénombrement exact de sa population, telle qu'elle était à l'époque du 1er juillet dernier.
Les tableaux qui en seront dressés serviront an partage de la contribution personnelle,
entre le> départements et les municipalités, sur ce tarif. Dans les communes qui ont trois
officiers municipaux, à raison de 24 sols par tête; dans celles qui en ont 6, à raison de 30
sols, etc. Enlin, dans celles qui en ont 21 ou davantage, à raison de 3 livres. Les
municipalités partageront la somme qui leur sera demandée, sur les habitants, à raison de
leur aisance et facultés, et principalement sur celles qui ne proviennent d'ailleurs quedu
produit des terres et des bâtiments. Car on est bien loin de prétendre que cette contribution
doive êtr,: acquittée à raison de tant par tête, de manière que le pauvre paye autant que le
riche, et le père de famille autant que le célibataire.
î?0Ur CelUl-ei, il sera procédé & Uh dëttôttlbï'e-meDt de toutes les portes et fenêtres extérieures: On aurait 20 millions de plus, si on y ajoutait les cheminées. Les portes et fenêtres des métairies seront partout sujettes à la même taxe; les autres seront imposées sur un tarif calculé sur celui de la population. Ges deux rôles peuvent produire 50 millions chacun-. Leur base est parfaitement juste. La richesse des municipalités est proportionnée graduellement et progressivement à leur population; les maisons des villes sont d'un bien plus grand produit que celles des bourgs, etc. : elles sont plus élevées dans le centre des cités que dans les faubourgs; le riche se donne plus d'appartements que le pauvre.
Ces deux frôles peuvent être en recouvrement aii 1er janvier
prdchàin; ils seront payables Un douzième par mois; il ëh sera de même des impôts indirects
et des rëvenuë fixes : ainsi, à compter de Cette époque, lë Trésor ptlblic recéVra 25
millions par mois.
CONTRIBUTION FONCIÈRES
Le Comité la porte à 300 millions : d'après Ce nouveau système, ôn n'en a besoin qtie dë 200. Ils seront réduits successivement à 150. parce qu'on peut lui affecter les extinctions qui s'opéreront sur les 60 millions de pensions viagères, payables aux ecclésiastiques sans fonctions;
La répartition de cette somme sera égale, juste, par conséquent. C'est vers ce but que tous noS efforts doivent tendre, si 300 livres de revenu, quitte dë tous frais dé culture, supportent la même contribution dans Chacun des départements du royaume.
Le cdmitê dés impositions en indique le moyën. Quelques dispositions àjbutées à son projet le donneront et l'on aura le cadastre général lë plus exact qu'on puisse désirer.
En effet, le comité propose d'ordonner que les municipalités procéderont à l'évaluation du revenu net de toutes les propriétés de leur enclave. (Dans ce nouveau système-ci, on n'aura plus à s'occuper des bâtiments.) Si l'Assemblée nationale se faisait rapporter tous les procès-verbaux d'éva-1 luation, lorsque ce plan du comité sera exécuté, elle connaîtrait la valeur du produit de tout le sol de l'Empire. Elle peut s'en assurer, sans être obligée de vérifier plus de 40,000 rôles, et pour cela il suffit de prescrire la procédure de l'allivrement.
L'allivrement est le résultat d'une estimation réduite sur un pied déterminé et uniforme: on peut indiquer le pied du dixième, parce qu'il s'applique très facilement à toutes les sommes. Son application consiste en ce qu'étant une fois ordonné, la municipalité tiÀntibes allivrera 300 livres de revenu, 30 livres; 10 livres de revenu, 1 livre; celle de Calais donnera le même allivrement, à chaque 300 livres,et à chaque 10 livres, de revenu déterminé ainsi, par son procès-verbal d'évaluation de tous ses fonds de terré ; il en sera de même danS toutes les municipalités du royaume.
Chacune d'elles remettra à son district, l'état de son allivrement; lë directdiré le vérifiera et il s'en servira pour dresser le tableau de l'allivre-rnëht de teoh arrondissement; CeS tableaux sërbnt représentés âtt directoire du département, ils y
seront vérifiés, et ils y serviront à la rédaction du rôle de l'allivrement dii département.
La réunion de 83 de ces rôles formera le cadastre général dll royaume, sur iequel les législatures feront le partage des sommes à imposer sur les ierresi
Craindra-t-on que les corps administratifs efc les municipalités connivent pour diminuer lêur âllivremënt ? Trois Conditions répondent de leur exactitude :
ï° Oh les ititêreSôe à bleh faire l'opération, ett leur annonçant qu'il sera fourni à leurs dépëhsëS particulières, au moyen des sols additionnels aux sommes à départir;
2° Il sera enjoint aux municipalités d'estimer les objets affermés sur le prix du bail, et les autres sur la même proposition ;
3° Il leur sera pareillement ordonné de rendre compte aux directoires des districts, et même des départements, au besoin) des bases de leur Opération ; elles pourront r.épôndre à cet égard : 1° quelles ont porté à telle somme le rëvenU de l'arpent de telle qualité, et à telle autre somme Celui qUi lui élâjt inférieur; 2° qUë leur territoire, composé, de telle étendue* ést en général d'une telle qualité, ou mêlé de telle autre, et sur telle proportion.
Les corps administratifs seront à portée de Vérifier les faits, de punir la mauvaise foi et de rétablir l'égalité, en forçant l'Etat de l'allivrement présenté.
On pourrait diréqiië Pallivrëmeht n'est qu'une pure formalité, parce que, ne changeant rien aux estimations, CélleS-cI pourrdttt servir aussi bien que llii ku partage dë la contribution foncière. On répond que l'allivrement a cet avantage, qu'il facilite toutes les opérations, parce qu'il met lë type dë la Somme imposable aU-dessous de la somme à départir.
La procédure dë i'allivrement était observée dans la plupart des provinces encadastréés et ses calculs étaient même appliqués à la contribution départie sur les fortunes mobilières. Un temps viendra que les législatures pourront l'appliquer à l'impôt personnel. Tel moyen peut être adopté à cet égard, qu'il en résulte que 300 livres de gain commercial ou industriel supportent la'même contribution dans chacun des départements.
APPLICATION bu MODE INDIQUÉ.
Supposons que l'allivrement général duroyaume s'élèVe à 100 millions4, on a 200 millions à imposer, c'est detlx livres d'imposition pour chaque livre d'allivreinent. Cesdeufc livrés s'appellent la livré livrante et dans ce cas on dit que la livre livrante est de deux livres.
Un département së trouve compris dans CeS 100 millions d'alliVrehient pbur 100,000 livres* on sait de sdltë due sa quote-part d'idlpbsitiofisse porte à 200,000 livreS; il y ajoute les quatre sixièmes des sommes qui lui sont nécessaires pour Sés dépenses particulières ; on supposé qu'ils Se portent a 50,000 livrés, ii aura à partager entre lès districts 250,000 livres} Sa livre livrante Vis-à-vis des districts sërâ dë 2 livres 10 sols.
Le district A, situé dans ce départemëht, est al-livré 25,000 livres; il se Chargé de 62,500 livreS ;
11 y ajoute leS quatre sixièmes në ses dépenses particulières, tin les sUppoSé ehcorë de 12,500 livres, il aura â ImpbSer 75,000 livrés ; &â livré
livrante ViS-à-Vis des municipalités sera de 3 livres.
La municipalité B, située dans ce district, est a livrée 500 livres, êlle se chargera de i ,500 livfes d'imposition { elle y ajoutera lès quatre slxlèrhes des sommes qui lUisont nécessaires pour seS dépenses particulières, oii les suppose tjë 2,500 livres : elle âUrà à imposer 1,750 livres : sa livré livrante vls-à-Vis des particuliers sera de 3 livres 10 sois, et chatjUe particulier payera autant de foië 3 livres 10 sols, qu'ilaiira délivrés d'allivre-ment, à raison du revenu net de ses propriétés.
La livré livrante peut varier dans les départements, à raison de leurs affaires particulières; mais Vis-à-vis du Trésorçpublic, elle est uniformé dans tout le royaume.
Maintenant arriVe-t-il qiie l'Etât ait besoin dé quelques secours extraordinaires? La législature décrété qùelc|tiës sols âdditiônnelS à la livre livrante générale et lès fonds sdht aussitôt et en tout.temps inis en recouvrement. Un département, un district, Uné municipalité èprouVent-lls quelques malheurs ? On diminue leur allivrement, où bien on àugtttënte la livre livrante générale ; ort leur tient compte du produit de cette augmentation: le Trésor public fait la même recette et Cependant la contrée est soulagée. Demânddnt-ils à entreprendre quelque objet imnortànt? On examine la sommé totale de leur allivrement, létaux de leur livré livrante, et l'on juge s'ils sont à mêiné dé se livrer à la dépehse qu'il nécessite.
Peu de projets peuvent être d'une exécution aussi facile qué celui-ci; il mettra l'Assemblée natidttalé à portée de terminer bientôt ses travaux, de convoquer la prochaine législature et de se séparer pour aller faire exécutër les décrets qu'elle aura portés à cet effet; on lui propose de décréter ce qbi Suit :
« L'Assemblée nationale décrète :
« Polir le service de 1791, il séra fait lin fonds de 500 millions. 11 sera, en conséquence, établi des impôts jusqu'à codcurrëhCé dé 440 milliôrts, attendu que les revénus dé l'Etat s'élèvent d'ailleurs à 60 millions.
« CeS impôts consisteront eii un impôt dU contrôle et Cëntièmë denier de 30 millions.
« Utt droit dé timbre et marque de 30 millions.
« Un droit dés traites ét douanes de 30 millions.
« Un droit sur les consommations de 50 millions.
« Un impôt personnel de 50 millions.
« Un impôt sur les bâtiments dé 50 millions.
« Une contribution foncière de 20Û bâillions.
« Les CorpS administratifs et les municipalités fourniront â leurs dépenses particulières, au moyéh dé sols additionnels, poUr un sixième à l'impôt personnel, pour un sixième à l'impôt des bâtiments, pOurqUatre sixièmes' à la contribution foncière. Les municipalités pourront être d'ailleurs autorisées à établir pour leurs besoins particuliers tels octrois qu'il sera jugé convenable. Lé comité des impositions donnera successivement dés projets dé décrets sur les impôts ci-dessus énoncés. »
. La diSCUSsion s'éSt Utt peu égarée depuis quëlqde téhipS et, je prie l'Assemblée de revenir à la question préèisë qui nous ocçUpe étt décrétant l'assiette et la répartition dé i'impot.Il suffit pour cela dé délibérer sur le titre Ier du projet de.décret que flous VOUS avons sôUinis. ua. hé peut fixer en Ce ihonlênt la sonuhë de là contribution foncière. Leâ dépenses publiques île sont pas suffisamment établies. Cë
qU'il importe de définir, C'est le principe afin que les corps administratifs puissent travailler sur les bases que VoUè pouVez décréter tout de suite*
(de SaiHt-jearl-d'Àngêly). Je CrÔiS qu Oh peut ainsi poser la question : sèrâjt-il établi une contribution foncièfé? (Ôn Murmuré dé toutêi parti.) Messieurs, je dbiS à l'Assemblée le tribut de ma penséé \ mon opinion peut être ëtrohée, mais je la dirai tôujoUrs avec la fermeté qui ca* ractêrisë un homme qui Veut le bierl.
. L'établissement d'Une contribution foncière ri'est Contesté par përsotlhe; ce que nous recherchons tous, c'est le meilleur mode d'application.
. Ce h'est pas sur des surfaces ei sur le nombre de têtes qu'il faut établir des impôts, comme vient de le proposer tle premier orateur entend u dan s cette séance, mais sur la richesse du sol. Je crois qu'il faut circonscrire la discussion si nôUS ne voulons pas perdre utt temps précieux.
. Je propose dé continuer la discussion en laissant aux orateurs la plus grande libértè. ïouteS les opinions dbiVëbt âVdir le moyen dé Se prbdttife. L'ASsëttiblée décidera en dernier ressort. (Voy. aux annexes de la sédficé les obêerbatlôîis de M. d"ttardftibiiïê Sur l'itriptit foncier.)
. J'appuie là proposition dé M. Rœderer ayant pour objet dë circonscrire lâ discussion au rapport de Votre comité d'imposition.
. La mesure gérait ttbp rigoU-3 reusé. Jë Crois que la discussion doit portér pritt-cipalëhient sur le phijet de décret du comité, niais sâtts borner l'opinion de ceux i}Ui sont inscrits pour l'ordre de la parole.
CôttSUItë l'ASsèmbléé qui adopte la proposition dë M. de Ûëliey.
(M. Rey, député dë Béziërs est tippelé à la tri^ bune ét prononce Un discôurs sùY te rftode tiPinl* Vôt.)
, dêpétéde Bêziers (1). Messieurs, après avoir examine le plan du comité dë l'imposition sur la côrttribution foncière et sUr l'impôt personnel, j'ai aperçu la possibilité d'établir tjtt'll est contraire aux principes de là Constitution, injuste dans ses dispositions, Viciehx dans ses formes.
Mais j'ai cru qu'à une époque OU un nouveau régime est indispensable dans l'administration des finances, je vous montrerais en Vaih lés dangers où cë projet ëxpofce la Chbse publique, si je n'indiquais, en même temps, les moyens dë les éviter.
Vous ne sebetf donc pas étonnés, Messieurs, dë voir concourir avec la Fêiutâtibtt dU plan du comité un autre.projet, et lés motifs qui doivent, selon moi, le fairë adoptëf.
Je n'ente» -S pàS VOUS Sbutflettre des vues gé-ttérâles sur cétte importante question :
l'embarras, ed matière d'impôt, n'est pas dans le Choix des principes qui doivent régler la
marche du lêgis-
Quelque grandes qu'elles soient dans notre hypothèse, je vais tenter de les aplanir, en vous présentant un mode d'imposition qui, ayant ses bases dans la justice, impérieusement prescrit par le plus solennel de vos décrets, ramènerait presque tous les citoyens à une égalité proportionnelle dans le payement des impôts, en faisant cesser l'arbitraire partout où il est impossible de l'empêcher, et en le plaçant dans d'étroites limites, là où la nature des choses ne permet pas de le rejeter absolument.
Je vais vous faire connaître les dispositions principales de mon plan : j'en ai placé les détails dans le projet de deux décrets particuliers dont je vous donnerai lecture, si vous le permettez, quand j'aurai terminé mon opinion.
PROJET DE DECRET.
L'Assemblée nationale, considérant qu'après avoir établi l'égalité politique entre tous les citoyens, il est de son devoir de faire exécuter, dans la perception des impôts, ce principe équitable qu'elle a consacré dans l'article 13 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, a décrété constitutionnellement les articles suivants :
Art. ler. Tout individu possédant en France des biens de quelle
nature que ce soit, à l'exception du roi et des étrangers actuellement propriétaires de
rentes sur l'Etat, payera trois vingtièmes du revenu net de ses propriétés.
Art. 2. Les fonctionnaires publics, quelles que soient leurs fonctions, ne sont pas compris dans les dispositions de l'article 1er; mais ceux qui, étant en fonctions, ont un traitement extraordinaire, seront soumis au payement des trois vingtièmes, à raison de ce traitement extraordinaire lorsque l'un et l'autre traitement excéderont 1,500 livres.
Art. 3. Tous pensionnaires publics, quelle que soit la nature des pensions, seront aussi tenus de l'impôt des trois vingtièmes, quand leur pension excédera 1,200 livres, auquel cas cet impôt ne pourra réduire la pension à moins de 1,200 livres.
Art. 4. Indépendamment de l'impôt auquel les propriétaires, quelles que soient leurs propriétés, seront soumis en vertu du premier article, tout citoyen, à l'exception du roi, des femmes mariées et des fils de famille vivant avec leurs maris et leurs pères,- lorsque ces fils de famille n'exerceront pas de profession, sera sujet à uae taxe personnelle, laquelle aura pour base l'état et les fonctions de chaque citoyen.
Aït. 5.11 ne sera établi ni perçu d'autre impôt sur les propriétés, que celui des vingtièmes.
Art. 6. L'impôt personnel, après avoir été fixé par un tarif, et l'impôt des trois vingtièmes qui aura été établi sur les immeubles, seront susceptibles de décroissement et d'augmentation, quand les besoins de l'Etat et les dépenses locales pourront le permettre ou l'exiger.
Art. 7. L'augmentation et le décroissement auront lieu par égalité personnelle sur les objets qui y ont été soumis par l'article précédent ; ceux dont la taxe personnelle n'égalera pas le taux de la contribution requise pour être citoyen actif, ne seront pas sujets à l'augmentation."
Art. 8. La taxe qui sera faite eu raison des propriétés qui ne sont pas foncières, éprouverait la
même diminution que celle des immeubles, si le décroissement de l'impôt des propriétés et de l'impôt personnel avait jamais lieu.
Art. 9. Le montant des trois vingtièmes sur les immeubles et de l'impôt personnel sera, à compter de 1792, la base de la répartition, quand même les taxes qui seront faites annuellement pour la fixation de ce dernier impôt, éprouveraient des décroissements ou des augmentations.
Art. 10. Les législatures feront, d'après .cette ba?e, l'assiette des dépenses publiques sur chaque département; elle sera faite ensuite par les départements sur les districts, et par les districts sur les municipalités dépendantes de leur arrondissement. Les dépenses locales seront comprises, en conformité des articles 6 et 7, dans l'assiette qui sera faite par les départements, les districts et les municipalités.
Art. 11. Les administrations de département et de district, ainsi que les municipalités, ne pourront, sous aucun prétexte, et sous peine de forfaiture, se dispenser de répartir la portion contributive qui leur aura été assignée; savoir: aux districts, par la commission de l'administration du département; et aux municipalités, par le mandement de l'administration du district.
Art. 12. Aucun département, aucun district, aucune municipalité, ni aucun contribuable, ne pourront, sous aucun prétexte, même de réclamations contre la répartition, se dispenser de payer la portion contributive qui leur aura été assignée, sauf à faire valoir leurs réclamations selon les règles qui seront prescrites.
Je me propose, Messieurs, de vous démontrer la justice des dispositions que.je viens de vous soumettre ; je réfuterai ensuite les objections que je me suis faites; je vous mootrerai les moyens d'exécution; je finirai par vous faire remarquer les injustices, les contradictions et les inconvénients que le projet du comité m'a paru renfermer.
J'ai distingué dans l'impôt direct, dont j'ai seulement en vue de vous entretenir, le citoyen d'avec le propriétaire. L'individu qui réunit ces deux qualités, ayant un double intérêt dans l'administration, m'a paru devoir contribuer sous deux rapports aux frais qu'elle exige: et j'en ai conclu que le citoyen non propriétaire doit être soumis à une contribution. ~ Son intérêt dans l'administration, moins grand à la vérité que l'intérêt du citoyen propriétaire, est cependant bien sensible; c'est pour lui, comme pour tous les autres citoyens, que les ministres d'autel sont salariés ; c'est pour sa sûreté que des tribunaux sont créés, que la force publique est établie; c'est pour sa liberté que des lois sont faites; c'est par là qu'il exerce paisiblement et sans trouble la profession à laquelle il s'est destiné.
J'ai donc proposé deux divers genres d'impôt direct : l'un consiste à trois vingtièmes sur toutes les propriétés; l'autre, aune taxe personnelle sur tous les citoyens, soit qu'ils aient ou non des propriétés.
Le premier de ces impôts produira d'abord 150 livres pour un revenu net de 1,000 livres; il aura pour objet, d'après le projet du décret que je vous ai présenté :
1° Les terres labourables, vignes, prés, jardins, bois, vacants, et tous autres fonds susceptibles d'occupation ;
2° Les carrières, étangs, les maisons des villes et des campagnes, les moulins, forges, manufactures et tous bâtiments quelconques, à l'excep-
tioa des lieux publics qui ne seront pas non plus compris dans 1 article premier; les domaines réservés au roi seront aussi exceptés de ces deux dispositions ;
3* Les rentes de toute espèce que les citoyens ont sur l'Etat, sur les départements, districts, municipalités, corporations, et sur les particuliers;
4° Le traitement extraordinaire de certains fonctionnaires publics, lorsque ce traitement, joint au traitement ordinaire, excédera 1,500 livres.
5° Les pensions payées par l'Etat et par les assemblées administratives, quelle qu en soit la nature, lors seulement que la pension excédera 1,200 livres, auquel cas cet impôt ne pourra jamais réduire la pension à moins de 4,200 livres.
Enfin, les lods et autres droits casuels.
^L'impôt personnel, au contraire, sera relatif à l'état et aux fonctions de chaque citoyen, d'après un tarif auquel les administrateurs seront tenus de se conformer.
Ce tarif sera progressif, non d'après les propriétés de chaque citoyen, car au moyen de 1 impôt des vingtièmes, le propriétaire aura payé tout ce qu'il doit en cette qualité, mais d'après son état et ses fonctions. Plus on a une profession lucrative, plus on a d'intérêt dans l'administration qui en assure l'exercice, plus on est obligé à contribuer aux dépenses qu exige cette administration.
Les principes que je viens d'établir sont avoués par le comité d'imposition ; non seulement il propose deux impôts directs, l'un sur les propriétés foncières, l'autre sur la qualité de citoyen actif, et sur les-facultés qui seront déterminées sur le prix des loyers des maisons ; mais il convient encore, page 7 du premier rapport, « que le temps « des erreurs est passé, que l'Assemblée nationale, « ayant détruit tout ce qui s'opposait à l'égale « autorité des lois, et les bienfaits de la Constitu-« tion étant les mêmes pour tous les citoyens, « tous doivent fournir aux besoins de la patrie. »
Nous ne différons que sur l'application des principes admis dans les deux projets. Le mien a pour objet de soulager l'agriculture, en faisant la répartition de l'impôt des vingtièmes sur toutes les propriétés, et en soumettant les propriétés à ce seul impôt. Le plan du comité a, au contraire, en vue d'établir uniquement cet impôt sur les propriétés foncières, et de soumettre encore ces propriétés, à l'impôt personnel, auquel les autres propriétés qui ne sont pas foncières, sont seulement soumises par le plan du comité.
Ce n'est pas le moment de vous faire apercevoir les injustices, les contradictions et les inconvénients que renferme ce projet ; je vous ferai seulement remarquer ici que mon plan a pour bases la justice et l'intérêt public.
Il est juste, parce qu'il soumet tous les propriétaires et tous les citoyens à une égalité proportionnelle dans la Contribution ; car vous avez solennellement déclaré qu'une contribution commune aux charges publiques étant indispensable, elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés.
Cette grande maxime sur laquelle repose le plan que je vous ai fourni, a été dicté par l'intérêt public, qui sollicite le décroissement des impôts perçus sur l'agriculture, au lieu d'en demander l'augmentation.
Vous savez,Messieurs, que suivant l'ancien ordre le fardeau de l'impôt pesait principalement sur ceux qui ont des propriétés foncières, et que les impôts sur le commerce étaient considérables et
arbitraires, tandis qu'un grand nombre de riches propriétaires, je veux dire les capitalistes et les rentiers, ne contribuaient que faiblement aux charges de l'Etat.
Il en était résulté la ruine des agriculteurs, le découragement dans le commerce ; ces grandes sources des richesses de la France étaient presque taries; les acquéreurs attachaient d'autant moins d'importance à des biens surchargés d'impôt, qu'il ne se passait pas d'années où les impôts n'éprouvassent d'accroissement, et qu'ils trouvaient dans les lois fiscales des moyens sûrs de tirer un grand parti de leurs fonds, sans rien payer à l'Etat. Les commerçants, vexés par le même régime, renonçaient ou ne s'attachaient pas assez à une profession dont le produit ne répondait pas à l'intérêt de leurs mises, aux peines qu'elle exige, aux hasards qu'il faut courir.
Voulez-vous, Messieurs, que l'agriculture et le commerce soient en vigueur? éloignez les impositions arbitraires avec lesquelles il n'est pas de véritables propriétés, étendez sur tous les propriétaires le fardeau des impôts, pour qu'il pèse moins sur les propriétaires fonciers ; que ceux-ci sachent quel doit être le taux de la contribution ordinaire des propriétés, et que cette contribution est répartie avec une égalité proportionnelle sur tous ceux qui ont des propriétés; qu'ils soient certains que leur quotité ne sera augmentée qu'autant que les besoins de l'Etat auront exigé un accroissement d'impôt.
Vous verrez alors l'agriculteur s'attacher à son territoire, le négociant augmenter son commerce, l'un et l'autre vivifier et enrichir la France par d'immenses productions et des établissements avantageux.
Remarquez, Messieurs, l'époque où je vous soumets ces réflexions ; c'est lorsque vous allez vendre une grande quantité de biens nationaux. Gomment pourriez-vous tirer parti de ces biens et les porter à leur juste valeur, si, en achetant des propriétés, on n'était pas assuré de les conserver; si des impôts arbitraires et excessifs pouvaient diminuer encore le revenu qu'on aura l'espoir d'en retirer ?
Si mon plan n'est pas exactement juste dans l'établissement de l'impôt sur les propriétés, c'est à l'égard des propriétaires des immeubles et de ceux qui ont des rentes sur des particuliers, puisqu'eux seuls devront supporter les accroissements de l'impôt des vingtièmes, s'il y a insuffisance dans les revenus publics, ou nécessité d'augmenter les impositions.
Il eût été rigoureusement juste, sans doute, de soumettre les autres propriétaires à cet accroissement, j'en avais d'abord formé le projet, et j'avais adopté un plan d'exécution ; mais la perception et la comptabilité infiniment simples, si le décret que je vous propose est adopté, seraient devenues compliquées et difficiles, et ces difficultés auraient pu compromettre la Chose publique, si les règles d'une exacte justice eussent été appliquées aux propriétaires des rentes et pensions sur le Trésor public, les assemblées administratives et les corporations.
J'ai cédé d'autant plus volontiers à ces importantes considérations, que j'ai la .confiance de croire que l'impôt des trois vingtièmes sur toutes les propriétés, et celui de la taxe personnelle Sur tous les citoyens, joints aux impositions indirectes qne vous croirez devoir conserver ou établir, et aux autres revenus publics, seront suffisants pour l'acquit des charges publiques, et qu'eu supposant le contraire, l'établissement d'une imposition in-
directe et le décroissemçnt de Wmpôt, à raison cle i'pxtiiîctjorï des rentes viagères et à feàuse des nôuvëlleséconomies qu'on fera d$ns l'administration, feraient bientôt cesser la surcharge que les propriétàires d'immeubles et ceux des rentes siir les particuliers pourraient éprouver.
'Je n'ai point, au surplus, considéré comme une propriété le traiterpent souvent Passager accordé aùx fonctionnaires'publics. ef je ne l'ai point soumis à l'impôt concernant les' propriétaires; ce traiteménl' étant le salaire dè Ipur travail, \l serait injuste de le diminuer sous le rapport de la propriété. J'ai distingué cette classe de citoyens qui a fait, àvèc la nation, un contrat que chaque partie doit exécuter, d'avec la classe des pen^ sionnaires, quelle que soit la nature de leurs pensions.
Les pensions sont en général la récompense des services rendus et quelquefois l'effet de la faveur, et ceux qui les ont obtenues ont pendant leur yie une propriété qui n'exige aucun service, et (mi est protégée par l'administration du royaume; ils doivent donc contribuer en qualité de propriétaires aux charges de cette administration. v J'ai eu cepepdfint l'attention d'exempter de l'impôt tous les pensionnaires qui ne reçoivènt pas au 4eJà de l,zl)Q livres ; ceux qui jouissent d'une pensioq plus considérable n'éprouveraient point, au moyen de cet impôt, une réduction qui leur laissât moins dè 1,200 livres. Au milieu des principes rigoureux dont je me suis environné, j'ai cru que les besoips devaient être respectés. '
J'ai encore distingué, dans certaines fonctions publiques, le traitement ordinaire attaché au sérvicé^ d avec le traitement extraordinaire relatif aux anciennes jouissances, et je n'ai pas hésité à pèiisér que le traitement 4e la seconde espèce "était sujet à l'imposition des vingtièmes, parce qu'il est une vraie projDPièté indépendante fie topt service public.
' Mais j'ai cru que l'application de la règle générale ne déyaif së faire à' ce pas particulier, que lorsqqe les deux genres de traitement excéde-raiént 1,500 livres, et fut l'éxcédant de 1,200 li-vre^.
 l'égard de l'impôt personnel, j'ai pensé qu'il (levait ejre très 'modéré dans lès classes pauvres des citoye'ps, èt qup la taxe pour ceux qui jouissent dans leur état d'une certaine aisancë, dçva|t p^s être à beaucoup près proportionué au taqx fixé pour l'impôt des vingtièmes, le revenu procédant dans le second cas des propriétés, taudis que, (jans le premier, il est purempnt ipdqgtr^l,
i m fixé, en conséquence, l'impôt persqnnpl au yiqgti^m^ pp'qr ^fonctionnaires publiés, et j'ai ïtppfiq'uér autanj qq'il m'a paru pos^ible^ cptté r|glë ^ cepx qui ë^ercenj; des professions lucrà-; eq çprtp que les propriétés foncières étant gjpVées, spivant içpon pian, de trojs vingtièmes, lin fibçroi^sëinènt d impôt' çjeviënj; indispensable, il §era principalement supporté par les pi,ppfiémre'& |pqçiér§? clés qu'il doit êtrp réparti au soi la livre sur ces deux impôts1.
|Jne e^plic^ioii devient à présept pécess^ire par rapport aqx commerçants, paripi lesquels) lep çân|[jifi§te§ qflf rppt'valpir fétyKâ'rgpnt.devront ètfe comptés-
Çgtfà Cla^e de citpvens n'est pas comprisp j|irèptpipeni dan^ l'impôt des vingtièmes, quoi-qp'pljp'^it f}ap$ le, cqq^erçè des sommés d^p-jgt ^'auifes fqnjjg plus ou nq'oms considéra-files, fHÎ¥$Mw| difefpe$ fapq|tps, pf indépendants ae leur industrie. Voué en' sentez le idotif ; les
propriétés de ce genre, présentant rarement une base certaine, ne peuvent être justement appréciées: ce serait une atteinte portée au crédit qui est le fondement du commerce, que d'obliger les commerçants à présenter chaque année leur bilan, en exigeant d'eux une déclaration de leurs fonds ; ce serait une inquisition alarmante pour ces citoyens et funeste au bien public, que d'examiner la vérité ou la fausseté dè leurs agsertions.
C'est d'après ces motifs que je me suis déter* miné à soumettre les commerçants au seul impôt personnel qui aura néanmoins pour basé leur industrie et leurs facultés indépendantes des propriétés immobilières et des rentes dont ils seront créanciers ; et pour faire cesser^ autant qu'il est possible, l'arbitraire dans une matière où on ne peut appliquer un taux fixe et certain, je vous proposerai de former six classes, dans l'une desquelles chaque commerçant, chaquë marchand, quelle que soit la nature de son corn* merce, devra être nécessairement placé.
Là, les capitalistes, ceux qui font valoir leur argent, et que nous ne pouvons soumettre à l'impôt direct par aucune autre voie, n'échapperont pas à la vigilance des administrateurs.
Là, les différentes fortunes pourront être clas* sées; les municipalités, à portée de les appré** cier, seront d'autant moins sujettes à l'erreur, qu'elles ne pourront excéder le maximum que vous aurez hxé, et qu'elles auront une grande latitude qui leur présentera un minimuth peu considérable sur lequel les fortunes médiocres pourront être taxées.
Dans le cas de surcharge, le recours pourra avoir lieu au directoire du départënoent, qui prononcera après avoir pris l'avis du directoire du district. 1
C'était bien pire dans l'ancien régime, où cette taxe était absolument arbitraire, où rien ne dirigeait la marche des administrateurs.
Plusieurs commerçants éohapperont, j'en conviens, à la justice rigoureuse de l'impôt des vingtièmes ; quelquefois ils ne seront pas assez taxés d'après la proportion avec les autres propriétaires ; mais outre que les institutions humaines né peuvent atteindre au plus haut degré de perfec-i tion, le commerce est si utile à l'agriculture et au royaume en général, que la liberté, dont il jouira d'après la Constitution, leur procurera de bien plus grands avantages que celui d'une lé-, gère augmentation d'impôt sur ceux qui exer-» Cent cette profession.
Je passe au secônc| objet. Je vais vous présenter les objections quë je me suis faites, et le^ réfuter.
PREMIERE OBJECTION.
On voit, dans les fonctions qon salariées, des personnes du même métier plus ou moins occupées ; il en résulte que ''certaines gagnent plus gué d'autres': il est dijnc ïqjuste qe les ta^èr également dans l'impôt ppraphtyèl.
Réponse.
Je conviens de cet -inconvénient, en yous fatr sant remarquer qu'il ne s'appliquera ni au?: gens (le commerce ni aqx fonctionnairçss ppblics, et qu'il ser^ modifié' à l'égard des autres par fljip distinction entre ceux qui hàbltefli des villes op là population est plus ou moins considérable :
mais l'inconvénient serait bien plus grand encore, si la taxe de cet impôt était arbitraire dans les mains des administrateurs.
Il arriverait alors, comme dans l'ancien régime, à l'égard de la capitation, que les pauvres, dénués d'appui, seraient opprimés, et que les riches, protégés ordinairement dans toutes les administrations, seraient moins taxés que ceux dont la fortune serait beaucoup moindre.
De telles surcharges, de pareilles faveurs souvent l'ouvrage du crédit, pourraient avoir lieu encore par l'effet de l'erreur. Pourrait-on savoir toujours quels sont ceux qui retirent un produit plus ou moins considérable de leur profession ?
Les citoyens qui seraient lésés, ou qui croiraient l'être, auraient raison de se plaindre d'une loi qui n'aurait eu aucune base et qui aurait laissé à l'arbitrage des administrateurs une taxe qui, dans mon plan, est fondée sur la profession du contribuable, qu'il lui est libre d'exercer avec toute l'étendue dont elle est susceptible, à une taxe soumise, dans mon projet, à une règle commune d'autant plus simple, qu'elle n'admet pas de distinction, d autant plus propre à exciter l'émulation, que l'ouvrier, l'artiste et l'homme de loi seraient assurés que leur quotité ne serait jamais augmentée au delà du taux commun, quelle que fût la quantité ou la valeur de leurs ouvrages, quelque considérables que pussent être les gains qui doivent en résulter.
Si vous laissez à l'arbitraire des administrateurs la taxe de l'impôt personnel, vous autorisez annuellement, dans toutes les municipalités du royaume, une foule de réclamations; vous n'aurez rien de solide à répondre à ceux dont les plaintes n'auront pas été écoutées; vous ferez naître des inimitiés entre les administrateurs et les contribuables.
Si vous faites, au contraire, une taxe uniforme pour chaque profession, vous ne laissez subsister aucune réclamation à ce sujet ; vous évitez des inquisitions toujours alarmantes et souvent injustes; vous délivrez les personnes en place de la malveillance des citoyens. Organes d'une loi claire et précise qui, protégeant également tous ceux qui exercent le même métier, les aura soumis, à raison de leur industrie, à une quotité parfaitement égale, ils en feront l'application sans injustice et sans erreur.
2e OBJECTION.
L'impôt personnel, ayant pour objet les salaires produits par les diverses professions, ne pourra pas s'appliquer à cette classe d'hommes appelés bourgeois, qui vivent, sans rien faire, du revenu de leurs propriétés.
Réponse.
Les salaires sont, dans mon plan, la principale base de l'impôt personnel; mais ils ne l'ont pas seuls déterminée. Je vous ai déjà observé que le citoyen jouissait en cette seule qualité, sous une infinité de rapports, des avantages de l'administration : d'où résulte la justice de l'imposer, dans la contribution, aux charges publiques.
Il est vrai que cette classe de citoyens, n'ayant aucun métier, ne fait aucun gain par sa propre industrie.
Aussi je propose, à leur égard, une taxe médiocre qui sera égale pour tous, quelle que soit
leur fortune, en établissant seulement une différence entre les deux sexes, parce que, comme je l'ai déjà dit, les citoyens, ayant payé l'impôt des vingtièmes, ne devront plus rien à l'Etat, en raison de leurs propriétés.
11 faut espérer que cette classe d'hommes inutiles diminuera dans le nouveau régime; et il serait impolitique, sans doute, de les attacher davantage à une vie oisive, en les exemptant de l'impôt personnel. Cette considération, jointe à leur obligation résultant de la seule qualité de citoyen, m'a déterminé dans la fixation de la quotité à laquelle je les ai soumis.
3e OBSERVATION.
Elle est prise des conventions que les rentiers ont faites avec le gouvernement, les assemblées administratives, les corporations et les particuliers, et qui assurent aux créanciers l'exemption des charges de l'Etat. La foi publique serait violée, si ces conventions n'étaient pas maintenues; elle le serait surtout à l'égard des rentiers sur le Trésor public, auxquels vous avez dit, le 27 août 1789: Il ne sera fait aucune nouvelle retenue ni réduction quelconque sur aucune des parties de la dette publique.
Réponse,
Votre justice vous a fait reconnaître la dette énorme successivement contractée par le gouvernement; votre générosité vous a portés à ne pas rechercher les usures qu'on a introduites dans certains emprunts, pour en faciliter le succès; mais votre devoir vous empêche d'aller plus loin. Vous avez jeté un voile sur le passé; les fautes des ministres, la cupidité des prêteurs, l'agiotage des acheteurs, tout a été oublié. Vous avez voulu que les lois existantes fussent exécutées pendant tout le temps que subsisterait le régime établi lors de votre mission ; mais vous n'avez pas décidé que les propriétaires des rentes seraient, dans le nouveau régime, exempts de contribution au payement des impôts.
Reportons-nous, Messieurs, à l'époque où fut faite la déclaration qu'on ne manquera pas de m'opposer. Les créanciers de l'Etat étaient dans la plus vive inquiétude; ils craignaient que l'Assemblée nationale, portant le flambeau de la vérité dans les dédales obscurs où la dette publique s'était formée, ne pût pas se dispenser d'en retrancher les usures et les monopoles dont elle est infectée.
Il était alors question d'un emprunt de 80 millions, qui devait être rempli moitié en argent, moitié en effets publics.
Un honorable membre, en vue, sans doute, de faciliter cet emprunt et de calmer les craintes des créanciers, proposa, le 27 août, dans la séance du matin, qu'il fût fait une déclaration solennelle qui, confirmant celles des 17 juin et 13 juillet, rassurât tous les créanciers de l'Etat contre la crainte d'une réduction quelconque d'aucune des parties de la dette publique.
C'est exactement ce qui fut décidé dans cette séance. Je vais rapporter les propres termes de l'arrêté : VAssemblée décide qu'il sera fait une déclaration solennelle qui, confirmant celles des 17 juin et 13 juillet, rassure tous les créanciers de l'Etat contre la crainte d'une réduction quelconque d'aucune des parties de la dette publique.
Cette déclaration fut rédigée dans la séance du soir, et on ajouta, à ce qui avait été décrété le matin, quelques expressions qui prouvent bien qu'on avait en vue de favoriser les créanciers de 1 Etat, mais qui ne peuvent, selon moi, changer le sens du décret rendu le matin.
L'Assemblée déclara que, dans aucun cas et sous aucun prétexte, il. ne pourrait être fait aucune retenue ni réduction quelconque sur aucune des parties de la dette publique.
Or, les termes et l'esprit de ces décrets se concilient parfaitement avec la charge que le nouveau régime doit imposer à ceux qui ont la propriété des rentes sur l'Etat.
Car, en résumant l'ensemble des décrets et de la motion, on voit évidemment que l'Assemblée nationale a seulement entendu consolider la dette publique, sans la soumettre à aucune revision, puisque, sans la réduire et sans faire aucune retenue sur aucune partie de cette dette, on peut soumettre les rentiers au payement d'un impôt relatif à leurs propriétés. .
Tel est le sens des décrets du 27août; telle est la conséquence qui a dû en résulter. Je croirais faire une injure à l'Assemblée, et surtout au membre qui provoqua le décret, que d'en étendre l'influence sur le nouveau régime, que de supposer qu'il ait jugé, par des termes équivoques, la grande question de la nouvelle contribution aux charges publiques, et que ce décret ait mis à votre justice des bornes qu'elle n'aurait plus la liberté de franchir.
Ecoutez la loi que vous avez faite avec la plus mûre réflexion, avec la plus grande solennité; écoutez la loi qui a servi de base à tous vos décrets, et à laquelle vous avez soumis tous les citoyens, à laquelle vous avez eu la noble prétention de soumettre un jour les nations.
Elle porte : que pour Ventretien de la force publique et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable, et qu'elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés.
Vous avez récemment rendu un nouvel hommage à celte maxime équitable, en ordonnant, dans le procès-verbal du 4 de ce mois, séance du matin, l'insertion d'une lettre où un philosophe judicieux vous a présenté la répartition égale et proportionnelle des jConiributions aux dépenses publiques, et l'obligation commune à tous les citoyens d'y satisfaire, comme les principales bases d'une société bien ordonnée.
Jugez maintenant de la bonté de mon plan, puisqu'il est la conséquence nécessaire de ce principe éternel de justice, si outragé dans l'ancienne administration. Décidez si le système que je combats peut se concilier avec l'égalité politique établie par vos décrets, avec l'intérêt du peuple dont vous êtes les organes ; si cette égalité, cette liberté ne rejettent pas la fausse interprétation qu'on pourrait donner au décret du 27 août, en vue de le rendre définitif, et d'exempter les propriétés d'un grand nombre de citoyens du fardeau des impôts, pour en accabler les propriétaires fonciers.
Cependant, si les déclarations faites dans le décret étaient aussi favorables qu'elles sont indifférentes pour la prétention que je réfute, alors même elles ne devraient être à vos yeux d'aucune considération.
Leur contradiction avec la déclaration des droits serait si frappante, qu'elle ne permettrait pas de laisser subsister deux lois aussi différentes. Il faudrait ordonner nécessairement le
rapport de l'un de ces décrets; et pourriez-vous alors hésiter sur le choix, lorsque vous auriez à le faire entre un décret qui, dans la supposition que j'ai faite, serait évidemment injuste, et celui qui a été l'ouvrage de la justice et de la raison.
Et s'il en était autrement; si vous rétractiez le décret qui oblige tous les citoyens aux contributions publiques, en raison de leurs facultés, pour donner la préférence à celui qui en exempterait, dans le cas supposé, une classe de citoyens et d'immenses propriétés, quelle confiance votre déclaration des droits pourrait-elle inspirer? Si vous donniez l'exemple d'une infraction à la disposition la plus équitable de cet acte sublime où vous avez renfermé le code des nations, comment pourriez-vous vous flatter de le leur faire adopter?
A l'égard des conventions que, dans certains contrats, on peut avoir insérées sur la non-retenue des charges publiques, la loi de l'Etat annullait ces conventions, quant aux prêts faits aux particuliers; et, si elles étaient maintenues par rapport aux emprunts publics, il est aisé de sentir que les circonstances difficiles où le gouvernement s'était souvent trouvé, l'avaient contraint à faire fléchir sous l'empire de la nécessité cette loi que l'article 13 de la déclaration des droits a enfin étendu sur toutes sortes de contrats. Mais ce n'est pas à un pouvoir constituant, aux auteurs d'une régénération entière, qu'on doit présenter les abus de l'ancien régime, les lois injustes qui en étaient la suite, les conventions frauduleuses auxquelles son existence était essentiellement attachée, pour les faire maintenir.
Eh I combien de fois n'auriez-vous pas été arrêtés par des difficultés plus sérieuses, si vos opérations eussent pu dépendre des anciennes habitudes, être soumises à l'ancien ordre; si eu régénérant ce vaste Empire, vous eussiez dû céder à des considérations particulières, au lieu d'être conduits par des principes de justice et d'égalité.
Remarquez, Messieurs, la différence que j'ai établie entre les rentiers étrangers et les rentiers citoyens ; avec les premiers, je propose d'exécuter les conventions, parce que n'étant pas citoyens, ils ne peuvent être tenus de contribuer aux impositions: à l'égard des autres, je soutiens que les clauses de non-retenue ne doivent pas les dispenser, dans un régime établi par la main de la justice, et à l'époque d'une entière régénération, de contribuer aux charges de l'Etat.
Si la Révolution s'était faite avec moins de se" cousses, si elle eût causé moins de frais, s'il eût été possible de l'opérer sans éprouver une grande diminution dans la perception des impôts, les réformes que vous avez faites en auraient produit le décroissement.
Privés de l'avantage précieux d'accorder au peuple le soulagement qu'il avait si justement désiré, puisque pendant quelque temps encore le fardeau des impôts doit être le même, ne le privons pas du moins de la consolation de le partager avec tous ceux qui doivent y contribuer.
Après avoir détruit dans les propriétés immobilières un privilège injuste et humiliant pour ceux qui n'en étaient pas l'objet, hâtons-nous de le détruire dans les propriétés des.rentiers; montrons aux peuples des provinces, que, malgré leur éloi-gnement, leurs intérêts nous ont .été chers, que nulle considération ne nous a empêchés de les défendre, et que nous avons poursuivi l'inégalité et l'injustice, partout où nous les avons aperçues, et dans leurs plus forts retranchements.
Moyens d'exécution.
Il ne suffît pas, Messieurs, qu'un plan d'imposition soit parfaitement juste, il faut encore, pour qu'on doive l'accueillir, qu'il puisse être facilement exécuté, et qu'il ne puisse causer aucune interruption dans le service public.
Ici je ne puis dissimuler deux inconvénients que mon plan paraît renfermer;
Rien n'est plus simple que l'établissement de l'impôt personnel, et de la partie de l'impôt des vingtièmes, qui n'a pas pour objet les propriétés immobilières.
Quand le tarif de la taxe personnelle aura été arrêté par l'Assemblée nationale, quelques jours suffiront pour en appliquer les dispositions dans chaque municipalité du royaume : la fixation de l'impôt réel sur toutes les propriétés qui ne consistent pas en immeubles, est l'effet d'un simple calcul. Ces deux objets peuvent être aisément remplis pour l'imposition prochaine.
Mais il n'en est pas de même des fonds de terre et des bâtiments. Il faut, d'après mon projet, qu'ils soient estimés; il faut en fixer fa valeur pour en connaître le produit, puisque c'est sur le produit que l'impôt doit être fixé ; et ce serait compromettre la Chose publique. On ferait peut-être des opérations inexactes et injustes, si elles étaient trop pressées, si l'ou voulait en faire la base ou l'exécution de l'imposition de 1791.
J'avoue que cette partie de mon plan, exigeant un travail de six mois, ne pourra être exécutée qu'en 1792; mais je demande si le plan du comité ne renferme pas le même inconvénient, je demande quel est le plan raisonnable d'un nouveau mode d'imposition, ott il ne doive pas se rencontrer?
II en est un seul; c'est le cas où l'imposition territoriale serait payée en nature. Ce mode aurait le double avantage d'une parfaite égalité entre les propriétaires des terres dans le payement des impôts, et d'être exécuté sans aucun délai.
Mais on ne peut se dissimuler combien, sous d'autres rapports, il serait désavantageux.
Serait-ce au moment de la suppression de la dîme, où les peuples se sont élevés contre cet impôt, où ils en ont refusé le payement, où sa défaveur est grande, qu'il serait politique de la re produire au profit de l'Etat? Serait-ce à une époque où les finances sont épuisées, qu'il serait convenable de substituer une imposition en nature à une imposition en argent?
Quelles pertes pour l'Etat ne verrait-on pas résulter d'ailleurs de ce régime qui nuirait à l'agriculture, en la privant des bras qui contribueront à la faire fleurir, et au Trésor public qui perdrait les frais immenses qu'il en coûterait pour lever cet impôt, et les gains que feraient les fermiers ou les percepteurs ?
Je crois donc que l'Assemblée nationale ne s'arrêtera pas à l'idée séduisante, mais trompeuse, d'un impôt en nature que votre comité d'imposition ne lui a pas du reste proposé, et qui, en rendant inutile l'opération que j'ai adoptée pour l'estimation des terres, n'empêcherait pas celle des bâtiments, sur lesquels l'impôt en nature ne peut pas être perçu.
Or, quels puissants motifs n'avez-vous pas pour faire procéder à une estimation générale de tous les immeubles du royaume? Vous savez qu'il y avait, dans l'ancien régime, des provinces surchargées d'impôts, d'autres qui l'étaient beaucoup
moins; que la même injustice existait, non seulement dans divers diocèses de la même province, mais encore à l'égard des propriétaires d'une même municipalité. Si donc vous voulez amener les contribuables à l'égalité,. vou3 ne devez pas laisser subsister davantage une aussi injuste différence, qui produirait des privilèges que vous "avez eus en vue d'abolir?
Mais à ces importantes considérations se joignent des motifs impérieux. Une estimation légale des biens ci-devant privilégiés est indispensable. Comment pourra-t-on la faire avec justice et proportion, si l'on ne fait en même temps une estimation générale de tous les autres biens.
L'application des nouveaux impôts à l'ancien régime est impossible, à cause de la nouvelle division du royaume, où, dans diverses provinces, le mode d'imposition était différent, où Chaque province avait des lois et des usages particuliers, où tout est changé, bouleversé dans les anciennes limites, où des peuples régis par l'arbitraire sont réunis à ceux des pays d'Etats dans lesquels l'impôt était plus légalemeût réparti.
Ainsi l'estimation des immeubles n'est plus dans mon plan un inconvénient, si elle est nécessaire dans tout autre plan relatif à l'impôt en argent, dès qu'elle est admise dans le plan du comité.
L'intervalle d'une année qui devra s'écouler avant que cette partie de mon projet ait son exécution, cesse aussi d'être un inconvénient, dès qu'il est reconnu que, dans tous les plans possibles, il faut un temps suffisant pour opérer.
Il est vrai que le comité assure que 1 exécution peut s'en faire pour l'imposition prochaine ; mais son projet présente-t-il un mode plus prompt que celui que j'indique? ce plan doit-il rendre inutile une estimation des propriétés immobilières? Non ; il propose aussi une estimation et une procédure beaucoup plus compliquées que celles que j'ai adoptées.
Ainsi le prétendu avantage du plan du comité sur le mien ne tient pas à la manière de procéder; il n'a pour garant qu'une opinion subordonnée à la durée de la procédure : le comité croit que peu de temps suffit pour la clôturer; je pense, au contraire, qu'un temps beaucoup plus long est indispensable.
Si l'espoir du comité pouvait se réaliser; si mes craintes étaient vaines, si cette procédure immense pouvait être faite avec célérité, mon plan, comme le sien, pourrait profiter de cet avantage.
Mais en supposant que l'Assemblée nationale trouve convenable de ne pas trop hâter les opérations des estimateurs et la décision des contestations qui pourront s'élever, afin que ceux-ci opèrent avec plus de justice, et que les parties intéressées aient la faculté de faire valoir leurs raisons; si le parti de la prudence, commandé par les circonstances, parait préférable à celui d'une confiance aveugle que rien n'autorise, que s'agit-il donc de faire pour suppléer en 1791 au défaut d'uneestimation? Il faut chercher le moyen le plus juste et le plus simple pour représenter le montant de l'estimation des immeubles, en exécutant, pour le surplus, le nouveau projet.
Eh bien ! que tout propriétaire d'immeubles soit compris dans le rôle de la prochaine imposition pour la même somme à laquelle il a été taxé en raison de ses immeubles seulement; savoir : le ci-devant privilégié pour l'année courante, et celui qui ne l'était pas, diaprés la taxe qui a été faite en 1789. Cet arrangement paraît convenir à tous
les intérêts, et il a deux avantages qui ne sont pas peu importants; l'un, de donner aux nouvelles administrations deux années pour clôturer le travail du nouveau mode d'impôt; l'autre, de mettre en état, dans très peu de temps, le rôle d'imposition; et si cette immense contribution, jointe à celle des autres propriétaires, à l'impôt personnel et aux autres revenus de l'Etat, ne suffisait pas à l'acquit des dépenses publiques pour l'année prochaine, la répartition du déficit serait faite avec une égalité proportionnelle sur tous les citoyens soumis à l'impôt personnel, et sur le montant de l'imposition foncière.
Ces difficultés éclairées, on ne peut disconvenir de la simplicité de mon plan dans son exécution et dans la perception de l'impôt, Tous les biens seront incessamment estimés, dans chaque muni* cipalité, par les voies indiquées dans le projet de détail, et à peu de frais-
Le propriétaire, lors même qu'il possédera des biens, sujets à des droits ci-devant seigneuriaux et à des rentes foncières et constituées pour toujours ou à terme, sera soumis à payer l'entière contribution à laquelle le revenu de l'immeuble sera taxé, sans qu'on ait besoin de faire aucune procédure pour taxer lei rentes de diverse nature ; et tandis qu'il aura le droit de faire contribuer son créancier aux charges publiques, en retenant les impositions qu'il aura payées à sa décharge, le Trésor public recevra des mains des'propriétaires, par le versement des caisses des districts, et l'impôt qui les concerne, et celui dont le rentier est tenu.
Le Trésor public recevra directement la contribution des citoyens qui ont des rentes et des pensions sur l'Etat; et, indirectement, par les mains du trésorier de district, l'impôt concernant les rentiers et les pensionnaires qui devront être payés par les départements, les districts, les municipalités et les corporations, impôt que le trésorier du district aura retenu, et que les municipalités et les corporations, qui auront fait la même retenue, auront versé dans sa caisse.
A l'égard des droits casuels, le débiteur sera obligé de retenir, en les payant, le montant de l'imposition qu'il versera dans la caisse du district.
Il suffira, pour lever ces deux impôts, d'un percepteur dans chaque municipalité, et d'un trésorier dans chaque district.
Il n'y aura aucun embarras ni dans la perception de l'impôt, ni dans la comptabilité ; et lorsque l'impôt des vingtièmes et l'impôt personnel, joints aux autres revenus de l'Etat, ne suffiront pas, à l'avenir, pour payer les charges publiques; lorsqu'on croira ne devoir pas recourir à de nouveaux impôts indirects, l'impôt personnel et la taxe des vingtièmes qui aura été faite sur les immeubles, offriront une ressource qui n'exigera aucuns frais,etdes bases immuables sur lesquelles l'accroissement de l'impôt sera facilement réparti, avec une égalité proportionnelle, sur tous les citoyens.
Je vais mettre à présent sous vos yeux les injustices, les contradictions et les inconvénients du projet du comité d'imposition.
Le rapporteur du comité a dit, avec raison : que « les bienfaits de la Constitution étant les mêmes « pour tous les citoyens, tous devaient fournir aux « besoins de la patrie ». Mais il a avancé une grande erreur, en ajoutant « que c'était dans cet « esprit qu'avait été fait le travail qu'il vous a « présenté *.
Le projet qui en est résulté soumet les propriétaires fonciers à une première imposition de
306 millions, tandis qu'il né fait rien supporter sur cette somme aux autres propriétaires, c'est-à-dire à ceux qui ont des propriétés en rentes et pensions.
Je n'ajouterai rien à ce que j'ai déjà observé, pour prouver l'injustice de cette proposition ; je vous ferai seulement remarquer que le Trésor public, étant débiteur d'une somme immense en rentes et pensions ; que les départements, les districts, les municipalités, les corporations ayant des dettes énormes, vous affaibliriez notablement le revenu que les propriétés doivent à l'Etat, si vous adoptiez le plan du comité.
Cette injustice est d'autant plus grande, que le plan du comité, évidemment contraire aux principes de la Constitution, après avoir soumis les propriétaires fonciers à un impôt de 306 millions envers le Trésor public, les a encore grevés, en proportion de cette somme, des dépendes locales, auxquelles les autres propriétaires ne contribueraient pas, en raison de l'impôt de 306 millions.
A cette premièrè injustice, le comité en a joint une seconde, sous le seul rapport des propriétés foncières.
En effet, dans l'ancien régime, où l'agriculture était, non seulement surchargée, mais où elle était encore vexée par les lois fiscales, le gouvernement ne percevait que 141,715,999 livres pour la taille et les vingtièmes sur les propriétés foncières, et pour les décimes du clergé, tandis que le comité vous propose de taxer ces propriétés à trois cent six millions-
L'idée du comité est d'autant plus étrange, qu'en augmentant prodigieusement la contribution foncière, il nous assure en même temps, pages 9 et 10 de son premier rapport : « que la masse des contributions publiques ne sera pas aug-« mentée dans Je nouveau régime. »
Mais si la masse des contributions publiques n'est pas augmentée à l'égard du Trésor public; si cette vérité est la suite nécessaire des décrets qui ont produit des réformes considérables dans les dépenses du gouvernement, et qui ont rejeté de nouvelles charges sur les départements et sur les districts, en déchargeant le Trésor publie de plusieurs dépenses qu'il faisait dans l'ancien ordre des finances; pourquoi l'impôtdont étaient grevées les propriétés foncières, a-t-il éprouvé, dans le plan du comité d'imposition, un si grand accroissement, une augmentation qui excède de beau~ coup le double de cet impôt ?
C'est, non seulement parce que votre comité établit tout l'impôt des propriétés sur les propriétés foncières, tandis qu'il en excepte les autres propriétés; mais encore parce qu'il a versé arbitrairement sur les propriétés foncières un torrent d'impôts, faute d'avoir des bases pour pouvoir le fixer avec justice et proportion; c'est parce que le comité a grevé les propriétés foncières, indépendamment des impôts réels existants dans l'ancien régime, du remplacement entier de la dîme, de là gabelle et des droits sur les cuirs. Il me sera aisé d'établir cette assertion.
Le gouvernement perçoit pour les impositions foncières et pour la capitation, 191,034,270 livres ; savoir : sur la capitale, pays d'élection et paya conquis, y compris la contribution du clergé des généralités de Riom, Limoges, Metz et Alsace, et l'abonnement de la capitation du clergé de Franche-Comté et Alsace, 155,650,270 livres; sur les recettes générales des pays d'Etats,24,556,000 livres ; et pour l'abonnement de la Flandre maritime, 823,000 livres.
En tout, 191,034,270 livres, en ajoutant 10 millions de décimes du clergé.
Sur quoi distrait, d'un côté, 7,123,000 livres pour les remises et moins imposés accordés par le gouvernement, et 42,195,271 livres du montant de la capitation, l'impôt foncier est réduit à 141,715,999 livres dans les recettes générales du royaume.
j'ai pria des renseignements avec le comité ecclésiastique sur le produit des dîmes, et il en est résulté que l'opinion la plus commune, dans une appréciation où on n'a pas eu des données certaines, l'a porté à 90 millions de revenu net pour le clergé, et à 6 millions pour les propriétaires des dîmes inféodées-
Le remplacement entier de la gabelle et du droit de marque sur les cuirs, exigerait un accroisse-' ment d'impôts de 69 millions.
Et en joignant ces trois sommes à celle de 141,715,999 livres perçues par lq gouvernement pour la taille, les vingtièmes et les décimes, elles produisent 306,715,999 livres.
Ainsi, le comité ayant taxé les propriétés foncières 306 millions pour le seul service du Trésor public, j'ai eu raison d'avancer que ces propriétés supporteraient, suivant son plan, l'entier remplacement de la dîme ecclésiastique, des dîmes inféodées, de la gabelle et du droit des marques sur les cuirs.
j'en conclus que la surcharge proposée par le comité sur les propriétés foncières, actuellement sujettes à une taxe de 141,715,999 livres, est de 164,284,001 livres, puisque la taxe est de 306 millions.
Encore même les 10 millions des décimes du clergé ne devaient pas être considérés sous le seul rapport de la contribution foncière, puisqu'ils représentaient aussi la capitation des ecclésiastiques, qui en étaient exempts dans l'ancien régime, et qui dans le nouveau seront tenus d'y contribuer.
Je vais à présent réfuter les motifs, ou, pour mieux dire, les erreurs que le comité a opposées dans son second rapport, pour appuyer son étrange et accablant système d'impositions sur la contribution foncière,*
Il faut, dit-il, ajouter à l'ancienne taxe des propriétés foncières le remplacement de la dime.
Je pourrais demander au comité, si le culte public de la religion que nous avons le bonheur de professer n'intéresse que les propriétaires fonciers ; si les autres propriétaires et les citoyens qui n'ont pas de propriétés sont à cet égard sans intérêt?
Je me contenterai cependant de lui observer que la prétention est fausse sous deux rapports :
1° Le Trésor public ne percevait pas le produit de la dîme ; il était perçu par le clergé et par les propriétaires des dîmes inféodées : sa suppression ne laisse donc aucun vide dans les recettes, et si elle augmente les dépenses, à cause du remboursement de la valeur des dîmes inféodées, et à cause des salaires du clergé, ce n'est que pour l'excédent, distraction faite du revenu que la nation retirera directement ou indirectement des biens du clergé, dont le produit net est évalué à 70 millions ;
2° Le remplacement de cet excédent ne doit pas avoir lieu sur les seules propriétés foncières. Que le comité lise le décret de suppression des 14 et 20 avril dernier : il y verra que la répartition doit en être faite sur la généralité des contribuables, et par conséquent sur les divers genres d'impôts.
Il a fallu, dit encore votre comité, remplacer l'impôt de la gabelle et les droits de marque sur les cuirs, et faire supporter la moitié de ce remplacement aux propriétaires fonciers, qui supportaient la plus grande partie de ces impôts.
Je pourrais démontrer la fausseté de cette allégation ; mais il me suffit de renvoyer votre comité à la lecture du décret du mois de mars dernier qui a supprimé la gabelle. Il y verra que ce remplacement doit être fait sur toutes les contributions.
Il me suffit de vous rappeler le calcul que j'ai déjà mis sous vos yeux, pour vous convaincre que les propriétés foncières supporteraient, suivant le plan du comité, non seulement, comme il l'allègue, la moitié du remplacement des impôts indirects que vous avez supprimés, mais encore l'entier remplacement de ces impôts, dont le produit net est, suivant le comité, de 69 millions.
Je pourrais encore opposer au comité, que les dépenses du Trésor puniic étant fort diminuées, soit par les réformes qui ont été faites dans diverses branches d'administration, soit par les nouvelles obarges qu'on a imposées aux départements et aux districts, et dont on a déchargé le gouvernement, l'entier remplacement des impôts indirects n'est pas nécessaire pour le service du Trésor public,
Mais cette observation est surabondante ; et quoique je sois convaincu de la justesse des vues de M. Oelley d'Agier, qui entend non seulement conserver, mais encore augmenter la forme des impôts indirects actuellement existants, quoique je pense que le montant de trois vingtièmes rigoureusement perçus sur toutes les propriétés, et delà taxe personnelle, joints aux impositions indirectes, sera suffisant pour acquitter toutes les dépenses publiques. Je n'examine point ici quels sont les besoins du Trésor public, ni quel sera le produit des impôts indirects, je me borne seulement à combattre le mode d'impôt qui nous est offert parle comité d'imposition, et qui grèverait les propriétés foncières de 306 millions pour le Trésor public, et à justifier un plan où elles sont soumises à une imposition de trois vingtièmes, qui a non seulement pour objet le service du Trésor public, mais encore le payement des charges locales, et qui deviendra progressive ainsi que l'impôt personnel, à mesure que les besoins augmenteront sur l'un et l'autre objet, et lorsque les autres revenus publics seront insuffisants.
Ainsi, à quelle somme que puisse se porter l'impôt qui sera consenti par le Corps législatif pour le service du Trésor public, à quelles sommes que puissent revenir les dépenses locales, mon plan offre constamment une ressource pour y fournir, sans avoir besoin d'établir denouveaux impôts directs, sans rien ajouter aux frais de l'administration, et par l'effet d'un simple calcul.
Veuillez bien remarquer, Messieurs, qu'il serait non seulement inutile, mais qu'enoore il pourrait être dangereux de régler constitution-nellement quelle est la somme dont les propriétés foncières doivent être grevées pour le service du Trésor public ; car il pourrait arriver que cette somme devenant dans la suite insuffisante, soit par des nouvelles dépenses, soit par la nécessité de supprimer certains impôts indirects, il fallût recourir de nouveau à des impôts directs : vous devez au contraire, à mon sens, chercher en quelle proportion les propriétés foncières et celles qui ne ]e sont pas doivent contribuer
avec les objets soumis à la taxe personnelle, tant au service du Trésor public, qu'aux dépenses locales, après avoir distrait les impôts indirects et les autres revenus publics.
Car, lorsque vous aurez déterminé cette proportion, vous aurez la double faculté de fixer la somme des impositions indirectes ainsi que vous le jugerez convenable, et d'augmenter au sol la livre l'un et l'autre des impôts directs quand les besoins publics l'exigeront.
Je crois donc, Messieurs, qu'il est important de borner à présent la discussion à l'impôt direct, et de rendre sur ce pressant objet une prompte décision, pour mettre les assemblées administratives en activité sur les opérations qui leur seront prescrites ; et alors, Messieurs, pendant qu'elles exécuteront vos décrets sur la contribution des „ propriétés et sur l'impôt personnel, vous vous occuperez des impositions indirectes que je suis d'avis d'élever par des moyens doux et peu dispendieux, autant qu'il sera possible, sans cependant trop charger la classe indigente des citoyens.
Je reviens maintenant aux moyens du comité : il ajoute que les propriétés foncières contribuant à l'impôt de la capitation dans l'ancien régime, il est juste d'augmenter, dans la fixation de la contribution foncière, l'impôt foncier qui existe aujourd'hui.
Il est sans doute étonnant, Messieurs, que le comité en, proposant ce moti, fait fourni lui-même l'occasion ae le réfuter. Son plan soumet en effet les propriétés foncières à l'impôt personnel. . indépendamment de la contribution foncière de 306 millions. Je vais l'établir.
Les propriétés foncières sont soumises, par ce plan, à trois genres de contribution : elles de-vrontsupporter :i° l'impôt de 306 millions|auprofit du Trésor public ; 2° leur contribution aux charges locales qui seront immenses; 3° une somme pour laquelle les propriétaires d'immeubles doivent contribuer dans l'impôt personnel, à raison de leurs facultés déterminées par le prix des loyers des logements.
Le comité, |en disant, page 8 du premier rapport, que les propriétaires fonciers doivent être traités dans la contribution relative aux facultés, c'est-à-dire, dans l'impôt personnel, un peu plus favorablement que ceux dont les propriétés ne supportent pas ce premier genre de contribution, a déclaré sans équivoque que les propriétés foncières supporteraient encore une très grande partie de l'impôt personnel.
C'est-à-dire que, suivant le comité, les propriétés foncières devraient, tant à l'égard du Trésor public, qu'en raison des dépenses locales, deux impôts, l'impôt réel et l'impôt personnel; tandis que les autres propriétés ne contribueraient, sous les mêmes rapports, qu'au second de ces impôts.
Au lieu que dans mon plan les propriétés de tous genres ne sont soumises qu'au seul impôt des vingtièmes, et que ceux qui les possèdent ne doivent contribuer à l'impôt personnel qu'en raison de leurs autres facultés.
C'est ici, Messieurs, le lieu de vous faire apercevoir l'embarras et l'incertitude du comité, au sujet des propriétaires de rentes et pensions ; vous allez le voir rendre hommage à l'article 13 delà déclaration des droits, tandis qu'il refuse d'admettre en entier les conséquences qui en résultent; soumettre indirectement ces propriétaires à une partie de l'imposition qui doit résulter des propriétés dans l'établissement de l'impôt personnel, en les exemptant de l'impôt
direct des propriétés, et vous montrer, par une contradiction aussi manifeste, l'impossibilité de concilier, avec la justice, les privilèges dont une classe opulente de citoyens a joui jusqu'à présent, et un mode d'impôt où ils sont conservés.
J'ai déjà observé que, suivant l'avis du comité, les propriétaires fonciers devaient être traités, dans la contribution personnelle, un peu plus favorablement que ceux dont les propriétés ne supportent pas le premier genre de contribution ; d'où je conclus que les propriétés, consistant en rentes sur l'Etat et sur les provinces, ne supportant pas la contribution foncière établie dans le plan du comité, sont cependant soumises, par ce plan, à un impôt non seulement subordonné à la qualité de citoyen actif, mais qui aencore pour base les propriétés et les autres facultés des ci-tovens.
Mais alors, Messieurs, le principe que j'ai puisé dans la déclaration des droits, est avoué par le comité : il est alors convenu, par le comité, qu'il est dû à l'Etat pour tous les propriétaires; quelle que soit la nature de leurs propriétés, un impôt qui ne dépend pas seulement de la qualité de citoyen actif et des autres facultés, alors les conventions faites avec les prêteurs cessent d'être obligatoires dans l'un et dans l'autre plan; alors le décret rendu le 27 août 1789, sur la motion de M. l'évêque d'Autun, est entendu dans sa véritable signification ; il est alors avoué que ce décret n'a pas eu en vue d'affranchir les rentiers de la contribution aux charges publiques, et qu'il n'a eu pour objet que de consolider leurs créances, que d'interdire à l'Assemblée nationale les recherches qu'elle avait le droit d'exiger
Car si le comité eût entendu1 soutenir la prétention contraire, il n'aurait pàs du tout soumis à l'impôt les propriétés des rentiers.
En effet, ou ils sont en qualité de propriétaires de rentes exempts de contribution aux charges publiques, et alors le comité aurait porté atteinte à cè système, en soumettant leurs propriétés à un impôt dont elles sont la base principale, ou bien ils ne peuvent réclamer d'exemption, et alors leurs propriétés doivent contribuer aux dépenses de l'Etat sur le même taux prescrit pour les autres propriétés, puisque vous avez aboli les privilèges de tout genre, et spécialement ceux qui avaient lieu en matière d'impôt.
Voici encore une nouveileinjustice dans le plan du comité.
L'article 4 du projet de décret sur la contribution foncière porte : « Qu'à l'avenir les stipula-« tions sur la non-retenue des charges publiques « seront entièrement libres entre les contractants, « et qu'il ne pourra être fait de retenue à raison « de la contribution foncière, qu'autant que le « contrat en porterait la condition expresse. »
Le comité, dérogeant par là à une loi1 équitable de l'ancien régime, met les propriétaires d'immeubles à la merci des prêteurs ; il entend exempter à l'avenir, de l'impôt des propriétés, une classe de propriétaires, en soumettant les propriétaires fonciers à payer cet impôt pour eux et pour leurs créanciers. En voici la preuve :
Paul possède un immeuble de valeur de 20,000 livres, portant 1,000 livres de rente, qui, suivant mon projet, seraient d'abord soumises à une contribution de 150 livres, il ne doit t rien et sa quotité est parfaitement juste. Mais il est obligé de contracter des dettes, soit à cause des mauvaises récoltes, soit par tout autre motif, et il emprunte 10,000 livres, qui réduisent à 500 livres son ancien revenu.
Je demande au comité si la propriété de Paul, donnant un produit annuel de 1,000 livres, qui se divise également sur deux têtes, il est juste d'affranchir le prêteur de la contribution à l'impôt réel, auquel cette propriété est soumise, et de la laisser tout entière sur la tête de Paul ?
Il suffit du bon sens pour rejeter cette prétention; et si l'on m'oppose que Paul ne trouvera pas à emprunter, s'il ne renonce à la faculté de la retenue, je répondrai que si la loi du nouveau régime, comme celle de l'ancien, prohibe de semblables conventions, tous les prêteurs ne voudront pas sacrifier la voix de leur conscience à celle de leur intérêt, ou que du moins, si l'emprunteur est obligé à souscrire à des engagements contraires à la loi, s'il veut exécuter ceux qui seront constatés, ou s'il est forcé à l'exécution des conventions qu'on aura défigurées par des manœuvres condamnables, il vaut mieux souffrir dans quelques circonstances un mal qu'on ne pourra pas empêcher, que de consacrer par une loi une aussi grande injustice, que de mettre aux réclamations des débiteurs un obstacle que la justice réprouve, et qui ne doit pas, par conséquent, souilller nos décrets.
Il entre donc dans mes vues, non seulement de confirmer les lois qui annulaient les clauses de non-retenue des charges publiques insérées dans les contrats de prêt, mais encore d'en étendre les dispositions sur les ventes d'immeubles et sur les baux à rente, quoique je sois convaincu qu'il est parfaitement juste que cette loi nouvelle n'ait pas un effet rétroactif, parce que les vendeurs et les bailleurs à rente, en connaissant à l'avenir les dispositions, seront avertis qu'ils ne doivent pas diminuer le véritable prix de la vente et celui de la rente sur 'le fondement d'une clause qui ne devra plus avoir d'exécution.
La base de l'impôt personnel, adoptée par le comité, et qui serait déterminée par le prix des loyers des maisons, serait encore une source d'injustices et d'erreurs qu'il serait trop long de mettre sous vos yeux. Je me borne à trois observations :
1° Il est un grand nombre de personnes riches qui occupent de petits logements, tandis que beaucoup d'autres, qui ont moins de fortune, sont grandement logées ;
2° Il serait aisé d'éluder la disposition de la loi, en prenant des logements peu considérables ; et si cet étrange système était accueilli, je n'exagère pas en disant que, dans tout le royaume, il y aurait bientôt un tiers de maisons inutiles et sans possesseurs;
3° Enfin, comment pourrait-on déterminer une imposition sur le véritable prix des loyers des maisons dont il serait si facile de dérober la connaissance aux administrateurs, et sur lequel on peut faire à tout instant de nouvelles conventions, presque toujours insérées dans des actes privés ?
Ne soyez pas, Messieurs, en peine à cet égard : le comité a un timbre tout prêt, qui, en produisant un impôt réprouvé par l'opinion publique, qui l'a considéré comme désastreux pour Je commerce, inquiétant pour les citoyens, contraire à la liberté, empêchera, par une inquisition fiscale, une partie des fraudes auxquelles il doit donner lieu.
Je m'élève hautement, Messieurs, contre cet impôt, dont le moindre vice serait d'être supporté par celui qui n'en serait pas tenu, et lors- I que les Français, encore asservis, ont eu le cou- |
rage de le refuser, je me plais à croire que les représentants de la nation, après avoir conquis la liberté, n'auront pas la faiblesse de l'établir.
Permettez-moi, Messieurs, à ce sujet, une seule observation ; quel est l'objet qu'on a en vue en proposant cet impôt ? C'est d'atteindre les capitalistes, en les soumettant à un droit de timbre sur les obligations qui leur seront consenties ; mais, non seulement, on n'y parviendrait pas parce que l'empire de la nécessité soumettra toujours l'emprunteur aux charges de l'acte, mais encore on rejetterait sur le pauvre, sur le débiteur, un impôt qu'on n'aurait pas eu l'intention de lui faire supporter.
Il n'est qu'un seul moyen d'obliger les capitalistes à contribuer directement aux charges publiques ; il consiste dans la taxe personnelle que j'ai proposée et que je développerai dans le tarif que j'ai annoncé.
L'opinion de M. de Montcalm m'impose ici la nécessité de prouver que ses vues sur la taxe personnelle sont plus séduisantes que solides: j'entends parler des impôts sur les domestiques, sur les chevaux et voitures.
Le premier aurait le désavantage de faire renvoyer, dans le même instant, au moins la moitié des domestiques de tout sexe ; d'exposer à l'indigence ceux à qui leur âge, leur tempérament et leurs habitudes ne permettraient pas de s'occuper de l'industrie et de l'agriculture, dont, et dans ce moment surtout, les travaux ne peuvent pas employer toutes les personnes qui y sont destinées; de surcharger l'Etat obéré d'une population inutile et dangereuse, et d'opérer, dans les gages des domestiques qui seraient conservés, une grande réduction.
Car leur concours pour rester ou pour entrer en service étant considérable, ils seraient forcés de subir la loi qu'on voudrait leur imposer; en sorte que tout comme vous feriez indirectement supporter l'impôt du timbre par les débiteurs, en y soumettant les capitalistes, de même vous jetteriez sur la classe des domestiques un impôt que les maîtres devraient'supporter, suivant l'intention de l'auteur du projet.
A l'égard des deux autres impôts sur les chevaux et les voitures, tandis qu'ils procureraient au Trésor public un modique revenu, le Trésor public ferait une plus grande perte sur l'imposition à laquelle le commerce et l'industrie doivent être soumis.
Vous ne pourriez pas en effet imposer sur les commerçants et sur les ouvriers occupés de ces deux objets, lorsque vous aurez notablement réduit leur commerce et leur industrie, la même taxe que vous leur imposerez, si vous leur laissez la latitude qu'ils ont aujourd'hui.
Ce n'est pas tout : vous porteriez, en adoptant ce plan, un coup mortel au commerce et à l'industrie déjà languissants ; le désespoir dans un nombre infini de familles qui n'ont d'autre patrimoine que le travail de leurs mains, et le principe, déjà décrété sur l'égalité proportionnelle dans le payement de l'impôt, serait ouvertement violé.
Ou l'auteur du plan veut égaliser les fortunes» et alors, au hasard de tout bouleverser, on peu1 s'écarter des règles de la proportion, et imposer les riches arbitrairement sur leurs plaisirs ; ou vous regardez comme sacré le droit de la propriété, et vous croyez politiquement que l'inégalité des richesses est indispensable dans un empire immense par sa population, important par son commerce et par son industrie , et alors
vous ne pouvez pas, vous ne devez pas altérer le droit des propriétaires, et faire supporter aux riches une plus grande masse d'impôt que celle qu'une égalité proportionnelle doit déterminer.
JNe voyez-vous pas, d'ailleurs, Messieurs, que le superflu des riches tourne au profit de la nation ; que les commerçants, les ouvriers et les artistes, après en avoir eux-mêmes profité, en versent une partie dans le Trésor public* et que le riche, après avoir pavé directement à l'Etat l'impôt sur ses facultés, lui paye d'une manière indirecte un tribut sur ses jouissances, non seulement sans contrainte, mais encore avec plaisir?
Renonçons, Messieurs, renonçons à ces systèmes destructeurs, dont l'admission serait à la fois la honte et la ruine de l'Empire; cherchons nos ressources dans des impositions indirectes qui ne soient pas trop à charge à la classe indigente, et dans nos richesses territoriales et com-îBèrciales très suffisantes pour y fournir.
J'ai déjà observé que le comité avait agi, dans son projet, arbitrairement, sans base et sans mesure. J'ajoute qu'il résulterait de cette marche les plus grands inconvénients. Je vais prouver ces deux propositions.
Le comité vous propose de décréter une imposition de 306 millions sur les propriétés fou* cières, sans préjudice de leur contribution à l'impôt personnel et aux dépenses locales; et il entend répartir cette somme énorme sur les quatre-vingt-trois départements, dans la proportion que l'As* semblée nationale voudra déterminer.
Chaque département, instruit de la taxe le concernant de cette contribution, la répartira sur chaque district ; le district en fera la répartition entre les municipalités de son arrondissement, et la municipalité, après avoir procédé à l'estimation des biens-fonds situés dans son territoire, répartira la portion d'impôt qui lui aura été assignée entre tous les propriétaires ou possesseurs, à quelque titre que ce soit.
Le comité a bien prévu qu'une foule de réclamations, suite nécessaire d'un travail qui n'aurait aucun fondement solide, allaient s'elever. Il y a pourvu, en indiquant des tribunaux où elles pourront être portées, et en ordonnant l'exécution provisoire de la répartition.
Voilà la forme de procéder adoptée par le comité. Voici mes réflexions.
Je demande d'abord au comité comment, lorsque l'ancien régime présente partout une différence notable dans la répartition des impositions réelles, certains pays étant beaucoup trop chargés, d'autres ne l'étant pas assez en proportion, lorsque les traces de ce régime vicieux sont partout effacées par de nouvelles divisions, le comité pourra décider, je ne dis pas avec justice, mais avec quelque apparence déraison, ce qui peut convenir à chaque département dans la répartition de l'impôt foncier ; comment les membres de ce comité, assemblés à Paris, pourront connaître les bases des richesses territoriales et commerciales, qui seules doivent déterminer cette répartition, et qui ne peuvent être posées que par le "résultat d'une estimation générale?
Le comité répond qu'il a reçu des mémoires des anciennes provinces et des nouveaux départements : mais indépendamment que ces diverses instructions porteront plus ou moins l'empreinte de 1' intérêt personnel, quand II faudrait suppo* ser ceux qui les ont données insensibles à ce sen* timent, l'état actuel des choses ne peut pas produire des renseignements assez précis pour pou-
voir asseoir avec justice, sur chacun des 83 départements, l'assiette de la nouvelle contribution.
Le hasard, plus que la justice, présidera doue à cette répartition. L'opération vicieuse que fera votre comité, sera nécessairement suivie par les assemblées administratives, qui n'auront pas une mesure plus exacte que celle avec laquelle il aura procédé; et si, parvenue aux municipalités avec tous Ces défauts, elle trouve, dans l'estimation des immeubles, un terme aux injustices que certains départements et certains districts auront éprouvées, il sera toujours impossible de réparer le préjudice qui sera résulté, dans le sein même de la municipalité, des deux premières répartitions.
Un autre vice du projet du comité produirait une nouvelle injustice dans la répartition qui serait faite par les municipalités, parce qu'elle aurait une estimation vicieuse pour fondement.
Le comité propose de la faire d'après la valeur locative pour les biens affermés, et d'après la comparaison avec les biens affermés, pour ceux qui ne le seraient pas - mais il y a des fermes où les fermiers se ruinent, d'autres où ils s'enrichissent. Ici, c'est un bail passé à juste prix et sans collusion; là, le prix est augmenté ou diminué, par des raisons de convenance, sur celui qui, entre le locataire et le locateur, a été véritablement convenu.
La base du comité serait donc sujette à une infinité de variations, lesquelles produiraient autant d'injustices qui s'étendraient sur la procédure de comparaison qu'il faudrait faire pour les biens qui ne sont pas affermés.
Les justes réclamations de certains corps administratifs présenteraient, à la décision de l'Assemblée nationale, une source inépuisable de procès ; les districts, les municipalités, les par* ticuliers entreraient dans cette grande querellé qui agiterait à la fois tout l'Empire, puisqu'elle mettrait en opposition ceux que le hasard aurait favorisés, avec ceux dont il aurait été l'oppresseur dans l'assiette de l'impôt, qui pourrait suspendre le payement des impositions, et combler la mesure de l'anarchie dans laquelle nous sommes depuis trop longtemps.
Mais si les municipalités, qui ne recevraient certainement pas, avant le mois de novembre, le décret qui serait rendu sur le plan du comité, ne pouvaient pas, durant l'hiver où les campagnes sont couvertes de neige où inondées par des torrents, procéder à l'estimation de tous les biens de leur territoire, terminer, dans un si court délai, une procédure qui, d'après les lumières du bon sens et les leçons de l'expérience, ne peut être faite avant six mois, et qui est encore sujette à bien des formalités, pour pouvoir servir de régulateur dans l'assiette de l'impôt, la répartition deviendrait impossible, l'Etat serait privé d'un secours nécessaire, et la dissolution serait inévitable.
Comment est-il donc possible que ces inconvénients se rencontrent dans le plan du comité, et que je les aie évités dans le mien, lorsque l'un et l'autre prescrivent l'estimation de toutes les propriétés foncières ? C'est parce que votre comité a commencé par où 11 fallait finir; c'est parce qu'il entend faire la répartition générale de l'impôt, avant de connaître les bases de cette répartition ; c'est parce qu'il a adopté un mode d'estimation injuste et irrégulier, à la place de celui que je propose dans mon plan.
Sans doute qu'à l'avenir, lorsque l'estimation générale aura été faite, rien ne devra précéder
l'assiette de l'imposition que la législature fera sur chaque département, en proportion de ses facultés ; mais nous nous trouvons aujourd'hui dans une circonstance particulière, qui exige un préalable qu'il est impossible de rejeter sans inconvénient, si on veut faire une bonne opération.
A présent que la surface de la France nous présente, sous le rapport des impositions foncières, l'image d'un Empire naissant, il faut bien, avant d'imposer les départements dans les dé* penses publiques, les distinguer dans leurs différentes valeurs.
L'estimation préalable est donc la première pierre de l'édifice de la nouvelle administration que vous devez établir» Si elle précède la répartition, chaque municipalité connaîtra la vraie va-» leur de Bon territoire; chaque district saura quelle est l'estimation des diverses municipalités qui en dépendent* Les assemblées de district porteront le même éclaircissement dans celles de département; celles-ci dans le sein de la législature qui connaîtra la valeur de chaque départe-ment, et fixera, d'un trait de plume, la quotité qu'il doit supporter dans l'imposition.
Cette règle équitable et simple sera suivie dans les degrés inférieurs, et la France aura pour toujours une administration des finances, qui, ayant son origine dans la pluB exacte justice, n'aura rien à redouter ni de la faveur des gens en place, ni des outrages du temps.
Au lieu que le plan du comité, vicieux dans ses fondements, ne pourra jamais atteindre à ce haut degré de perfection, qui peut seul obtenir aux lois financières la vénération des peuples, qui s'altérerait aisément, si, à une charge trop malheureusement accablante, qu'il est indispensable de lui imposer, on avait l'impolitique de joindre une injuste répartition^
fin deux mots, mon pian vous présente unêdi-fice tout neuf, solide et durable \ et le comité, en employant les mêmes matériaux, vous offre un édifice sans fondement, toujours chaucelant, et qu'à tous les instauts il faudra réparer.
Avant de terminer mon opinion, j'ai à vous faire remarquer encore une différence essentielle dans les deux manières de procéder qui vous sont indiquées.
Le comité veut rendre les officiers municipaux estimateurs de toutes les propriétés de leur territoire. Je propose, au contraire, de faire cette estimation par deB experts nommés hors du territoire, par le directoire du district, Voici les motifs qui me font préférer, au mode du comitér celui que j'ai adopte :
1° Des experts étrangers âU territoire seront exempts de tout intérêt personnel et de toute considération particulière. Lès officiers municipaux, au contraire, auraient à estimer leurs biens propres, Ceux de leurs pàrênts et amis, et des personnes qui Seraient ën mésintelligence avec eux ;
2° Tous les officiers municipaux, surtout ceux des villes, n'auraient pas les connaissances nécessaires à dette grande Opération; tandis qu'on ne choisira pour experts que des personnes versées dans 1 agriculture et dans la construction des bâtiments ;
3° L'opération serait beaucoup plus longue dans les mains des officiers municipaux qui ont d'autres fonctions importantes à remplir, que dans celles des experts qui n'auraient que cette seule occupation.
Enfin, si vous employez les officiers munici* paux à l'estimation, vous privez les propriétaires qui croiront avoir à s'en plaindre, des
juges.les plus naturels, les plus éclairés qui puissent, en première instance, les décider; ce qui est i'un des avantages de mon plan.
Je termine mon avis, en vous rappelant que ce plah a pour base la plus exacte justice, puisqu'il soumet à une égalité proportionnelle tous les propriétaires, tous les citoyens ; tandis que celui du comité exempte les rentiers et les pensionnaires de l'impôt concernant les propriétés, en les soumettant seulement, ainsi que les autres propriétaires, à l'impôt personnel; que mon projet est l'exécution formelle de l'article 13 de la déclaration des droits; que le projet du comité en est la violation manifeste ; que ce projet, injuste et contradictoire dans ses dispositions, porterait un coup mortel à l'agriculture, et pourrait allumer daus tout le royaunàë un incendie d'autant plus difficile à s'éteindre, qu'il aurait sa source daus l'intérêt personnel ; que ce projet, Vicieux dans ses formes, ferait naître, daus les divers départements, le trouble et la dis-cordre, et renverserait la Constitution pâr l'opération la plus propre à l'affermir.
PROJET DE DECRET
sur Vexécution du projet de décret constitutionnel.
L'Assemblée nationale, considérant que le service public exige, dans l'administration des finances, la plus prompte exécution du décret constitutionnel qu'elle a rendu sur le nouveau mode d'imposition, a décrété ce qui suit i.
Art. 1er. L'impôt de trois vingtièmes, établi par le premier
article de ce décret, sera përçu en conformité des articles 2 et 3, et il aura en outre pour
objet les terres labourables, vignes, prés, jardins, bois vacants, et tous autres fonds
sua-ceptibles d'occupation, ainsi que les carrières et les étangBt
Art. 2. Seront soumis à cet impôt toutes les maisons des villes et des campagnes, bâtiments, moulins, manufactures et tous édifices quelcon-* qUes, à l'exception des lieux publics, qui ne seront pas compris dans la disposition du présent article et du précédent, non plus que les domaines réservés au roi*
Art. 3. Il sera applicable aux rentes de toutes les espèces que les citoyens ont sur l'État, sur les départements, districts, municipalités, cor-» porations et sur les particuliers, et aux lods et autres droits casuels.
Art. 4. Les officiers de Chaque municipalité seront tenus* dans la quinzaine de la publication du présent décret, de diviser la ville, le boUrg ou le village de leur domicile en diverses sections, dont il soit aisé de reconnaître les limites, et à chacune desquelles il sera donné une dénomination..
Art. 6i il en sera usé de même à l'égard du territoire, où chaque arrondissement sera divisé des autres, autant qu'il sera possible, par des chemins publics ou autres marques permanentes.
Art. 6. Après que cette opération aura été arrêtée dans le conseil général de la commune, publiée et affichée, tout propriétaire de bâtiments et fonds de terre pourra, dans 1a quinzaine suivante, remettre au secrétaire-greffier de la municipalité ou il aura des propriétés foncières, un état de ces propriétés, signé de lui, s'il sait signer.
Art. 7. Cet état sera détaillé, et il y sera fait mention de la contenance des confronts, ainsi que des sections et arrondissements où ces biens seront situés.
Art. 8. Chaque municipalité du royaume fera ensuite procéder par trois experts que le directoire du district aura nommés, qui seront pris hors du territoire de la municipalité, et qui prêteront serment devant'le juge de paix du canton, à la vérification, estimation et arpentage de toutes les terres et bâtiments que le territoire contient. Chaque article sera estimé séparément, et il sera fait mention de la contenance de ses confronts et du nom du propriétaire.
Art. 9. Deux de ces experts devront être agriculteurs, et le troisième sera versé dans la construction des bâtiments ; l'un d'eux devra aussi être arpenteur.
Art. 10. Ces experts feront, pour les bâtiments de la ville, bourg ou village, autant de cahiers qu'il y aura de sections. La même règle sera suivie à l'égard des divers arrondissements du territoire, et les articles seront classés dans le cahier de la section ou de l'arrondissement où ils seront situés.
Art. 11. L'arpentage sera fait dans tout le royaume avec une mesure égale qui sera incessamment déterminée.
Art. 12. Dans les grandes villes et dans les territoires d'une grande étendue, où l'opération d'une seule procédure serait jugée, par le directoire du département, devoir durer trop longtemps, le directoire du district nommera le nombre d'experts qu'il jugera convenable, entre lesquels le travail sera partagé par la municipalité, par sections et arrondissements.
Art. 13. En procédant à l'estimation soit des terres, soit des bâtiments, les.experts ne feront aucune déduction des droits ci-devant seigneuriaux, et des autres charges et hypothèques pour lesquelles ils seront affectés; mais ils auront égard à l'entière valeur desdites terres et bâtiments, d'après leur revenu net, et le prix des ventes faites depuis moins de dix ans dans le territoire. Us auront, au surplus, tel égard que de raison aux baux de fermes, preuves et présomptions résultant des compoix, cadastres et déclarations faites sur la contribution patriotique, et aux observations que les propriétaires pourront leur faire, soit verbalement, soit par écrit.
Art. 14. L'estimation des terres sera faite en conséquence, après avoir déduit de leur revenu |es frais de semences, entretien, travaux et cultures. Il sera fait la déduction du tiers sur l'estimation des moulins et usines ; et à l'égard des maisons et autres bâtiments et des étangs, il sera distrait le quart de leur estimation, le tout
Eour les réparations dont ils sont susceptibles.
es experts désigneront les terres en quatre classes, sous les dénominations de bon, moyen, faible et inculte, et ils appliqueront au terrain de chaque classe une estimation particulière.
Art. 15. Lorsque les experts auront terminé leurs opérations, le rapport sera déposé au greffe de la municipalité, où tout habitant du territoire pourra, pendant un mois, en prendre connaissance, et faire telles observations qu'il jugera convenables, dont le secrétaire-greffier tiendra sommairement procès-verbal.
Art. 16, Le délai passé, le rapport et les observations qui auront été faites seront examinés dans le conseil général de la commune, qui donnera son avis sur chacun des articles qui auront éprouvé des contestations, et sera tenu d'adresser
au directoire du district et à celui du département une expédition en forme, du rapport des experts, du procès-verbal, des observations des contribuables, et de la délibération qui aura été prise en conséquence.
Art. 17. Ceux qui ne voudront pas acquiescer au jugement de la municipalité pourront se pourvoir, dans le délai de quinzaine, au directoire de département, qui prononcera définitivement, après avoir consulté le directoire du district.
Art. 18. Les directoires de départements et de districts veilleront à ce que la procédure d'experts soit faite sans fraude, sans discontinuation et avec célérité, dans toutes les municipalités dépendantes de leur administration ; et dès qu'elle sera terminée, la municipalité fera un état sommaire du montant de l'impôt, en le fixant aux trois vingtièmes de l'intérêt légal que produirait le prix de l'estimation, eu égard au revenu dont les experts auront fait les déductions prescrites par l'article 14, de manière que l'estimation d'un immeuble ainsi réduite à 1,000 livres, produisant 100 livres d'intérêt, contribue pour 15 livres.
Art.'19. Chaque article sera taxé séparément, et sa contenance y sera énoncée.
Art. 20. Lorsque cette opération sera terminée, le conseil général de la commune fixera la somme totale de l'impôt et la totalité des arpents que l'arpentage aura produits, par une délibération où le résultat de l'arpentage sera distingué sous les quatre classes de bon, moyen, faible et inculte, et que la municipalité adressera au directoire du district, avec l'état détaillé de la contribution et de la contenance.
Art. 21. Le directoire du district, après s'être assuré de l'exactitude des calculs, constatera par une délibération le montant de l'impôt foncier et de la contenance à l'égard du district, dans la forme prescrite par le précédent article, et il l'adressera au directoire du département, avec les états des contributions des municipalités dépendantes de l'administration principale.
Art. 22. Le directoire du département fera un état de la contribution des districts qui dépendent de l'administration principale, et, en la même forme, un état de l'entière contenance du département, et il les enverra au Corps législatif, auquel il est réservé de statuer sur les fraudes et les erreurs qui pourraient être intervenues.
Art. 23. La taxe personnelle, ordonnée par l'article 4 du décret constitutionnel, sera faite, dans les municipalités, en la forme suivante.
Art. 24.11 sera fait par chaque municipalité, dans le délai d'un mois, à compter de la publication du présent décret, une liste qui sera renouvelée chaque année, avant le mois de janvier, et où seront nommés et désignés, par leur état et fonctions, tous ceux qui, faisant dans le territoire leur principale résidence, seront soumis à à cet impôt.
Art. 25. Cette taxe ne pourra être arbitraire dans aucun cas; elle sera faite par la municipalité, d'après cette liste et les observations des parties intéressées, sur le taux fixé dans le tarif prescrit par l'article 6 du décret constitutionnel.
Art. 26. Le recours pourra avoir lieu au conseil général de la commune, et ensuite au directoire du département, comme pour l'impôt des vingtièmes; et lorsque le directoire aura prononcé, après avoir consulté le district, il sera procédé, la première année seulement, de la même manière que pour l'impôt des vingtièmes, à l'effet de faire connaître au Corps législatif la
somme à laquelle chaque département aura été taxé dans la fixation de l'impôt personnel.
Art. 27. Les citoyens propriétaires de rentes sur le Trésor public, sans exception, payeront, à compter du 1er janvier prochain, l'impôt des vingtièmes entre les mains des payeurs des rentes, lorsqu'ils en recevront le payement, ainsi gue les pensionnaires, pour les sommes soumises à cet impôt par les articles 2 et 3 du décret constitutionnel.
Art. 28. Il en sera usé de même, à l'égard des rentes et pensions, sur les départements, districts, municipalités, et à raison des rentes dues par les corporations; mais les collecteurs des municipalités et les trésoriers des corporations payeront au trésorier du district les trois vingtièmes qu'ils auront retenus; et celui-ci en comptera, avec le Trésor public, ainsi que des trois vingtièmes sur les rentes qu'il aura acquittées, soit pour les départements, soit pour les districts.
Art. 29. A l'égard des rentes de toute espèce, créées ou à créer par des particuliers, ils retiendront à leurs créanciers, lorsqu'ils en feront le payement, le montant des impositions qu'ils auront payées à ieur décharge, nonobstant toutes conventions contraires, à l'exception des cas où la prohibition de cette retenue aurait été stipulée dans les premiers contrats de vente ou de ceux à rente passés avant la publication du présent décret.
Art. 30. L'impôt des propriétés et l'impôt personnel, quant aux objets qui ne sont pas de nature à être acquittés au Trésor public et dans la caisse du district, seront perçus par le collecteur de chaque municipalité, qui en versera le montant dans la caisse du district, après avoir déduit les dettes municipales.
Art. 31. La perception de l'impôt réel et de l'impôt personnel, qui doivent être payés dans les municipalités, sera adjugée au rabais par le conseil général de la commune, à la charge par l'adjudicataire de donner suffisante caution, dont les membres du conseil général, soit qu'ils soient présents ou absents lors du bail de cautionnement, seront solidairement responsables. Les frais de régie seront compris dans les dépenses municipales.
Art. 32. Tout débiteur de lods ou autres droits casuels sera tenu, en les payant, de retenir le montant de l'imposition réelle, et de le verser dans la caisse du district, dans le délai d'un mois, à compter du jour de l'acte de vente, passé lequel l'intérêt courra contre l'acquéreur, qui sera tenu du double droit, s'il ne paye dans six mois.
Art. 33. Tout ce qui est prescrit par le présent décret sera exécuté pour l'imposition de 1792, et il n'y sera dérogé, pour l'imposition prochaine, qu'àl'égard de l'impôt des trois vingtièmes sur les biens-fonds; mais pour que le service public puisse être fait sans interruption, tout propriétaire d'immeubles supportera, pour ladite année, dans les municipalités où ils seront situés, la même taxe pour laquelle, en raison desdits immeubles seulement, il aura été compris, tant pour sa contribution au Trésor public, que pour les dépenses locales; savoir : le ci-devant privilégié, dans le rôle d'imposition delà présente année; et celui qui ne l'était pas, dans le rôle de l'imposition de 1789. La première de ces dispositions aura lieu aussi à l'égard des biens ci-devant ecclésiastiques qui n'auront pas été encore aliénés.
Art. 34. Dans les provinces où la taille et ses accessoires sont répartis sur les personnes et sur
les propriétés, il sera distrait un sixième de la taxe de cet impôt, qui, relativement aux propriétés, sera réduit aux cinq sixièmes.
Art. 35. Le rôle de l'imposition prochaine pour l'impôt des propriétés sera fait sans délai dans chaque municipalité, en conformité des deux articles précédents, quant aux immeubles ; et conformément au décret constitutionnel et au présent décret, quant aux autres propriétés; les municipalités donneront connaissance aux directoires des districts du montant de ce rôle; ceux-ci en instruiront les directoires du département, qui adresseront au Corps législatif un état et son produit pour chaque département.
Art. 36. Les syndics ou trésoriers des corporations seront tenus à cet effet de faire, aux municipalités de leur résidence, la déclaration du montant des vingtièmes sur les rentes dont ils sont débiteurs, et ce, dans le délai de quinzaine, à compter de la publication du présent décret, sous peine de 50 livres d'amende en leur propre nom.
Art. 37. Si l'impôt des propriétés, qui sera établi en exécution de l'article 33, et l'impôt personnel prescrit par l'article 4 du décret constitutionnel, joints aux impôts indirects et aux autres revenus de l'Etat, après avoir balancé, par une égalité proportionnelle, lasomme qui aura été consentie par l'Assemblée nationale, en raison du service d u Trésor pub lie pour l'an prochain, étaient insuffisants pour fournir aux autres dépenses publiques, le déficit serait réparti au sol la livre de l'imposition foncière et de la taxe personnelle dans les départements, districts et municipalités.
Art. 38. Lorsque le produit de ces deux impôts aura été arrêté pour l'imposition prochaine, le Corps législatif déterminera le mode et la quotité du versement qui devra en être fait, par égalité proportionnelle, au Trésor public.
Art. 39. Après que les estimations prescrites par le présent décret auront été faites, le mode et la quotité du versement des deux impôts directs seront de nouveau réglés par Je Corps législatif, pour l'année 1792 et les années suivantes.
Art. 40. Les impôts réel et personnel seront payés, par chaque redevable, à compter du mois de janvier prochain, en douze annuités, dont une écherra le dernier de chaque mois; et s'il y a du retardement de la part du contribuable, l'intérêt à cinq pour cent courra au profit du collecteur, qui sera toujours obligé de faire l'avance du fonds qui aurait dû entrer dans sa caisse pour le mois échu.
Art. 41. L'intérêt cessera à la fin de chaque année, et il ne pourra être exigé des contribuables qui ne payeront pas, en contributions directes, la somme déterminée pour pouvoir être citoyen actif.
PROJET DE DÉCRET
contenant le tarif de la taxe personnelle.
L'Assemblée nationale, considérant que l'application de l'impôt personnel, créé par l'article 4 du décret constitutionnel, ne peut être faite dans les diverses municipalités du royaume, qu'après qu'elle aura posé les bases de cet impôt, a décrété ce qui suit :
TITRE PREMIER.
Des fonctionnaires publics.
Art. Ier. Tous fonctionnaires publics, quelles que soient leurs
fonctions, même les officiers de l'armée, de terre et de mer, seront taxés au vingtième de
leur traitement.
Art. 2. Les fusiliers, cavaliers, et toutes autres personnes employées dans l'armée, jusqu'au grade d'oflicier exclusivement, payeront le montant complet d'une journée de leur solde.
Art. 3. Les dispositions des précédents articles ne concernent que les troupes françaises, et les régiments étrangers servant en France n'y sont pas soumis.
Art. 4. La taxe sera faite pour chaque corps par le ministre du département, et le trésorier chargé du prêt des troupes en retiendra le montant, qu'il versera daos le Trésor public.
Art. Cette taxe ne sera pas susceptible de l'accroissement auquel l'impôt personnel a été soumis par l'article 6 du décret constitutionnel.
Art. 6. Seront encore exceptées de la disposition de l'article premier les personnes préposées à lever les impôts indirects; elle seront seulement taxées au montant de deux journées de leur traitement, qui leur sera retenu par ceux qui seront chargés de leur payement, et qui seront tenus de le verser dans les caisses de district. Cette taxe ne sera pas non plus sujette à l'augmentation prévue par l'article 6 du susdit décret.
Art. 7. Si un fonctionnaire public exerçait en même temps une autre profession, il ne pourrait être taxé sous les deux rapports, mais il serait soumis à celle des taxes prescrites pour sa profession ou pour ses fonctions, qui serait la plus considérable.
TITRE II.
Des commerçants et marchands en détail.
Art. 1er. Les commerçants et les marchands en détail, quelle
que soitla nature de leur commerce, contribueront à l'impôt personnel dans la forme suivante.
Art. 2. Il y aura six classes de commerçants : la taxe, pour la première, sera de 400 livres ; pour la seconde, de 300 livres ; pour la troisième, de 200 livres *, pour la quatrième, de 100 livres; pour la cinquième, de 50 livres ; pour la sixième, de 25 livres.
Art. 3. Il y aura six classes pour les marchands en détail : la taxe, pour la première, sera de 200 livres ; pour la seconde, de 150 livres ; pour la troisième, de 100 livres ; pour la quatrième, de 50 livres; pour la cinquième, de 24 livres ; pour la sixième, de 12 livres.
Art. 4. La taxe prescrite pour les commerçants et marchands aura pour objet, dans son application, leurs fonds commerciaux et leur industrie, sans que les effets dépendant des manufactures et autres établissements de commerce sujets à l'impôt deB vingtièmes, puissent être pris en considération, en appliquant à leur égard l'impôt personnel.
Art. 5. Il sera fait annuellement dans chaque municipalité une liste des commerçants, et une autre liste des marchands en détail. Le conseil
général de la commune placera chacun d'eux dans l'une des six classes, en déterminant, d'après les règles ci-dessus prescrites, l'impôt personnel qu'il devra payer.
Art. 6. Les commerçants et marchands pourront, avant cette détermination, proposer au conseil général de la commune leurs observations ; et ceux qui croiront avoir droit de se plaindre de ce qui aura été déterminé, auront la faculté de se pourvoir au directoire du département, qui prononcera définitivement, après avoir pris l'avis du directoire du district, sans que le payement de la taxe qui aura été faite puisse être suspendu.
Art. 7. Tout ouvrier, artiste et autre individu quelconque, qui fera valoir des fonds commerciaux dans ou hors l'exercice de sa profession, pourra être compris dans l'une des six classes déterminées pour les marchands ; mais alors il sera exempt de la quotité qui sera ci-après fixée pour les ouvriers, artistes, ou pour ceux exerçant d'autres professions.
TITRE III.
Des professions et tràvdux relatifs à l'agriculture.
Art. 1er. Tout individu travailleur de terre ou manouvrier,
sera taxé à la valeur d'une journée de travail dans le lieu de son domicile.
Art. 2. La journée ne sera point fixée arbitrairement, elle le sera au contraire suivant l'usage du lieu ; et s'il y a divers prix dans l'année, il en sera fait un prix commun.
Art. 3. Tout fermier de terres, maisons ou au-très propriétés, sera taxé à raison de 10 livres, par 1,000 livres de l'entier prix de son bail; il sera tenu d'exhiber à la municipalité sou contrat de ferme, s'il est public, ou de lui remettre une copie certifiée, s'il est privé, sans qu'il puisse être perçu à cette occasion aucun droit sur les actes de la seconde espèce.
Art. 4. En cas de fraude de la part du premier, la taxe sera double.
Art. 5. Tout agriculteur travaillant, avec ses bestiaux, son propre bien ou les propriétés appartenant à d'autres particuliers, sera taxé six livres.
Art. 6. Tout métayer ou ramonet, ayant la direction d'un bien de campagne, sera taxé quatre livres.
Art. 7. La taxe des bergérs, valets de labour et autres domestiques de la campagne, sera de trois livres.
TITRË IV.
Des ouvriers et artistes.
Art. 1er. Lâ taxe du maître-ouvrier, quel que soit son métier,
sera, savoir : de 6 livres dans les villes au-dessous de 20>000 âmes, et de 9 livres dans
celles où la population est plus considérable.
Art. 2rll ést laissé néanmoins à la prudence des municipalités de modérer la taxe des maîtres-ouvriers, lorsque leur détresse sera jugée telle que la taxe ordinaire deviendrait une surcharge sur leurs facultés.
Art. 3. La taxe des artistes sera, savoir : de 20 livres dans les villes au-dessous de 20,000 âmes, et de 30 livres dans celles dont la population est plUB considérable. Art. 4. Les imprimeurs seront néanmoins taxés
à 50 livres dans le premier cas, et à 75 livres dans le second*
Art. 5. Les maîtres de pension sont compris dans la disposition de l'article 3 ; mais les maîtres d'école, qui n'auront pas des pensionnaires, seront taxés, 6 livres dans le premier cas, et 9 livres dans le second.
Art. 6. La taxe des commis des commerçants sera, dans le premier cas, de 8 livres ; dans le second, de 12 livres. Celle des commis des marchands sera de 6 livres et de 2 livres. La taxe des commis des artistes sera de 4 livres et de 6 livres; celle des commis des ouvriers sera de 2 livres et de 3 livres, le tout d'après"la règle ci-des-sus prescrite.
Art. 7. La taxe des domestiques attachés au service personnel sera de 6 livres pour les hommes, et de 3 livres pour les femmes.
Art. 8. Les maîtres seront responsables, dans tous les cas, de l'impôt personnel de leurs commis et domestiques, sauf à les retenir sur leurs gages et traitements.
TITRE V.
De ceux qui exercent des professions dépendant de l'administration de la justice.
Art. 1er. Tout homme de loi qui, ayant accompli sa
vingt-cinquième année, exercera sa profession auprès d'un tribunal de commerce ou de
district, sera taxé 60 livres.
Art. 2. L'homme de pratique sera taxé 40 livres.
Art. 3. L'huissier sera taxé 20 livres.
Art. 4. Les notaires ou tabellions, ayant droit de passer des actes publics, seront taxés; savoir : dans les villes au-dessous de 20,000 âmes, 40 livres, et dans celles où la population est plus considérable, 60 livres.
Art. 5. Le secrétaire de l'homme de loi et le premier clerc de l'homme de pratique seront taxés 6 livrés ; la taxe sera la même dans le premier cas pour le premier clerc des notaires, et elle sera de 9 livres dans le second cas.
TITRE VI.
Des autres professions.
Art. 1er. Dans les villes au-dessous de 20,000 âmes, les
médecins seront taxés 30 livres, et dans les autres villes dont la population est plus
considérable, 45 livres.
Art, 2. Tous journalistes seront taxés 50 livres dans le premier cas, et dans le second 100 livres.
Art. 3. Tous ecclésiastiques et religieux qui ne seront pas en exercice et salariés par la nation, seront taxés deux livres, soit qu'ils n'aient pas de pension, ou que leur pension n'excède pas six cents livres ; si elle excède cette somme, ils seront taxés 4 livres.
TITRE VII.
Des citoyens vivant du revenu de leurs propriétés.
Art. 1er. La taxe de tous ceux qui vivent du revenu de leur
bien, sans exercer aucune profession, sera de 12 livres pour les hommes, et de 10 pour les
femmes. Art. 2. Si les municipalités remarquaient que
certaines professions n'eussent point été directement ni indirectement comprises dans le présent tarif, elles en instruiraient le directoire du département. qui, après avoir pris l'avis du directoire du district, adresserait ses observations au Corps législatif; mais en attendant qu'il eût prononcé, ceux qui exerceraient ces professions seraient compris dans celle des classes ci-dessus énoncées ou indiquées qui serait la plus relative à leur travail.
J'ai cru devoir prouver, par exemple, que les rôles de l'impôt réel et de l impôt personnel peuvent être faits pour le service de l'année prochaine en 15 jours de temps, dans tout le royaume, d'où il résultera que la perception peut commencer au mois de janvier.
Imposition de 1789. Imposition de 1191.
M. Rey, avocat, député aux Etats généraux.
1. s. d 1.
Capitation....*. 18 Taxe personnelle, 60
Mm' Rey, sa mère 3 Ci...,.......... 6
Un postillon.... 3 10 6
Une servante... 2 3
Un ramonet.... 4 4
Un valet....... 3 Ci.............. 3
33 10 82
A distraire sur l'impôt personnel de 1191 celui
de ................................... 33 10
Augmentation......... 49 10
Taille..........525 15 Ci..............525 15
Vingtièmes..... 33 14 5 Ci............. 33 14 5
Impôt personnel. 33 10 Ci............. 84
Total de l'impo- Total de l'impo-
sition de 1189. 592 19 5 sition de 1191. 643 9 5
On voit, par là, que les opérations relatives à la fixation des deux impôts directs sont tout à fait simples; et si on suppose que leur montant, joint aux impositions indirectes et aux deux autres revenus de l'Etat, soient insuffisants pour fournir aux dépenses publiques de 1791, et que l'Assemblée ait besoin d'imposer encore une somme quelconque sur les contribuables, elle serait facilement répartie au sol la livre sur la totalité de ces deux impôts, par l'effet d'un calcul.
La différence qu'il y a, suivant mon plan, dans l'impôt personnel, entre ma taxe de 17o9 et celle qui seront faites pour 1791, prouve que cet impôt, parfaitement juste dans tous ses rapports, produirait à l'Etat une somme immense : je pense qu'il excéderait 100 millions.
J'ajoute, à l'égard des trois vingtièmes sur toutes les propriétés, qu'il se porterait au moins à 200 millions ; mais celte observation ne peut s'appliquer qu'au régime qui aurait lieu à compter de 1792.
Cependant si, sous l'un ou l'autre de ces rapports, même sur les deux, je me trompais dans mes conjectures, cette erreur ne pourrait pas nuire à mon plan, puisqu'au moyen de l'accroissement qu'il indique, on porterait ces deux impôts, non seulement à trois cents millions, mais encore au-delà, si le besoin du service l'exigeait.
La différence qu'il y a entre le plan du comité et le mien, donne lieu aux questions suivantes :
lre question.
L'impôt des propriétés sera-t-il borné aux propriétés foncières, ou étendu sur toute sorte de propriétés? Tous propriétaires devront-ils contribuer à cet impôt; ou ceux qui ont des propriétés en rentes, en pensions et en fonds commerciaux, en seront-ils exempts ?
2e question.
Les propriétés, après avoir été taxées dans leur impôt particulier, seront-elles encore soumises à l'impôt personnel, ou ne seront-elles sujettes qu'à un seul impôt?
3e question.
L'impôt personnel sera-t-il déterminé par le prix des loyers des maisons, ou par les facultés qui procèdent de l'industrie de chaque individu?
4e question.
L'arpentage et l'estimation des fonds de terre et des bâtiments devront-ils précéder la répartition de l'impôt que l'Assemblée nationale fera sur les départements, ou ne devront-ils être faits qu'après que l'impôt aura été réparti par elle, par les assemblées de département et par celles de districts?
5e question.
Faut-il ordonner que cet arpentage et cette estimation devront servir pour faire l'assiette de l'impôt pour l'année prochaine dans chaque municipalité ; ou est-il plus prudent de n'en faire usage que pour l'imposition de 1792, en faisant contribuer, pour 1791, tout propriétaire ou possesseur d'immeubles, de la même manière qu'il contribuait auparavant, et en exécutant, pour le surplus, le nouveau mode d'impôt qui sera déterminé?
6e question.
L'arpentage et l'estimation seront-ils faits par les officiers municipaux, ou par des experts pris hors du territoire ?
7e question.
Doit-on autoriser, pour l'avenir, les conventions faites entre particuliers sur Ja non-retenue des charges publiques, ou la loi de l'ancien régime qui les annulait comme injustes et usuraires, doit-elle être maintenue?
Plusieurs membres demandent l'impression du discours de M. Rey.
L'impression est ordonnée.
lève la séance à trois heures et uemie.
Séance du
La séance est ouverte à six heures et demie du soir.
, ex-président, occupe le fauteuil en l'absence de M. Bureaux de Pusy, président.
Un de MM. les secrétaires donne lecture des adresses suivantes :
Adresses des administrateurs du district de Vannes, département de Morbihan, en Bretagne, dans laquelle, après avoir combattu les sophismes et les déclamations insensées des ennemis de la Révolution, ils renouvellent leur adhésion pleine et entière à tous les décrets de l'Assemblée nationale, et notamment à ceux qui concernent le nouvel ordre judiciaire.
Adresses du même genre, du directoire du district de Chollet, et de celui de Gosne-sur-Loire ; ce dernier fait part d'un arrêté qu'il a pris en présence des forces armées de cette ville, pour maintenir la perception des impositions indirectes. Il demande si, pour raison du tabac, les visites et saisies domiciliaires sont permises ?
Adresse de douze communautés du district de Segré, département de Maine-et-Loire, qui se plaignent des accaparements des grains, et sollicitent un décret de l'Assemblée nationale qui puisse arrêter les enlèvements frauduleux et assurer la subsistance du pays.
Des officiers municipaux de Quimperlé, qui envoient le procès-verbal dressé par la garde nationale de cette ville, relativement au service qu'elle a fait célébrer pour le repos de l'âme des citoyens morts à Nancy.
Adresse des gardes nationales d'Anet et Evreux , qui ont voté des remerciements à tous leurs frères d'armes, tant gardes nationales que troupes de ligne, qui se sont bien conduits dans l'affaire de Nancy, et ont arrêté une souscription en faveur des veuves et des enfants des malheureuses victimes de leur patriotisme et de leur dévouement pour l'exécution des décrets de l'Assemblé na -tionale.
Des officiers municipaux de Moulins-en-Gilbert, qui remercient vivement ;i'Assemblée d'avoir placé dans cette ville un tribunal de district.
Du conseil général de la commune de Marseille, qui annonce que les sentiments d'admiration,
de reconnaissance et de dévouement, dont les citoyens de cette ville sont pénétrés pour
l'Assemblée nationale, se sont manifestés avec une nouvelle énergie, à l'émission du décret
du 26 août, qui ordonne l'exécution des articles défensifs du pacte de famille avec
l'Espagne, et qui porte nos armements jusqu'à 40 vaisseaux de ligne, avec un nombre
proportionné de frégates et de bâtiments légers. Les Marseillais, dit-il, ont juré de
combattre jusqu'à Ja mort les lâches agresseurs qui tenteraient d'opprimer notre liberté
naissante, pour prouver à l'Europe entière, qu'en respectant les droits des nations, en les
invitant à élever un temple commun à la concorde et à la paix universelle, nous n'en sommes
pas moins prêts
Adresse des administrateurs du district de Beau-caire, qui consacrent le premier moment de leur réunion à présenter à l'Assemblée nationale le tribut de leur admiration et de leur dévouement.
Adresse de neuf compagnies composant la garde nationale de Vervins, en Thiérache, aux gardes nationales qui ont combattu à Nancy pour le soutien des décrets de l'Assemblée nationale, à laquelle copie en a été envoyée.
Pétition des négociants des villes de Rouen, Paris, Montpellier et autres, et dénonciation d'un arrêt du conseil, du 12 septembre 1790, qui confirme la perception de 6 livres par muid d'eau-de-vie, en vertu d'une simple décision du conseil sans lettres patentes.
L'Assemblée ordonne qu'il sera fait dans son procès-verbal mention particulière de l'adresse de Marseille.
La pétition des négociants de Rouen, Paris, Montpellier et autres villes est renvoyée au comité d'agriculture et du commerce.
L'ordre du jour est un rapport du comité de Constitution sur les protestations faites par les administrateurs dîi district et les officiers municipaux de Corbigny, département de la Nièvre, contre le décret qui fixe le tribunal dans la ville de Lorme.
, rapporteur (1). Messieurs, le comité de Constitution vous dénonce les écarts les plus répréhensibles de la municipalité et du district de Corbigny, département de la Nièvre ; il pense que l'Assemblée nationale doit déployer une juste sévérité contre les actes anticonstitutionnels et séditieux, qui bientôt, par la contagion de l'exemple, mettraient en péril la chose publique.
Par un décret du 9 décembre dernier, vous avez décrété que tous les établissements à faire dans un département ne seront pas nécessairement dans le même lieu ;
Que les administrations de département pourront alterner dans les villes qui seront désignées ;
Qu'en conséquence, le comité de Constitution, à lui joints les membres qui lui ont été unis, pourra, d'après les lumières qui lui seront fournies par les députés, déterminer le chef-lieu des établissements divers, ou l'alternative qu'il jugera convenable, pour soumettre ensuite son avis au jugement de l'Assemblée.
Six mille mémoires ont été fournis pour cinq cent quarante-cinq tribunaux. Les habitants des campagnes ont, en général, vu avec indifférence les prétentions des villes et leurs démarches pour obtenir le placement de chacun d'eux ; ils n'ont guère émis leur vœu, par préférence pour des villes contre d'autres, que lorsque des praticiens les ont provoqués en allant sur les lieux présenter aux communes des délibérations préparées par eux-mêmes ; et le comité de Constitution a souvent été à portée de juger que le plus grand nombre de ces réclamations était le résultat de l'intérêt particulier et des intrigues qui les avaient dirigées.
D'après le décret qui porte que les établissements de la Constitution ne seront pas
nécessairement dans le même lieu, les députés du département de la Nièvre ont, par une
délibéra-
Le comité de Constitution, après avoir exposé les moyens employés par la commune de Corbigny, à l'appui desquels elle prétendait obtenir la réunion des établissements, a conclu par vous présenter l'avis des députés du département de la Nièvre qu'il a regardé avec d'autant plus de raison comme déterminant sur un point de localité, que la députation ne convenant pas qu'il fût possible d'exécuter sans inconvénients l'éta-blissemènt des corps administratifs et judiciaires dans la ville de Corbigny, il était non seulement juste, mais indispensable que votre comité vît dans le vœu des députés du département delà Nièvre la vérité et l'intérêt public.
Le procureur de la commune de Corbigny, instruit que votre décret avait admis ce vœu sur l'avis du comité, a présenté à la municipalité un réquisitoire fort extraordinaire : il y conclut « à « ce qu'il lui soit donné acte de ses protestations, « en qualité de procureur de la commune, pour « l'intérêt de cette ville et de tous les habitants, « contre le placement du tribunal du district à « Lorme, chef-lieu de canton, au préjudice des « convenances qui devaient l'arracher à Corbi-« gny, chef-lieU de district, et au préjudice du « vœu de la majorité des paroisses de son ar-« rondissement, et contre toute élection de juges « qui pourrait être faite pour l'exercice des fonc-« tions dudit tribunal audit lieu de Lorme, jus-« qu'à ce que, sur une plus ample discussion, et « d'après l'avis des commissaires qu'il plaira à « l'Assemblée nommer pour constater le commo-« dum et l'incommodum dudit tribunal dans l'un « ou l'autre des deux endroits, il en ait été au-« trement ordonné.
« La municipalité a donné acte au procureur « de la commune de ses dires, remontrances et « protestations contre le placement du tribunal « de Lorme, et de son adhésion aux dites pro-« testations; et arrêté que copie du procès-ver-« bal sera envoyée à M. le président de l'Assem-« blée nationale, au comité de Constitution, ainsi « qu'aux greffe et secrétariat du département de « la Nièvre et du district de cette ville, pour que « l'Assemblée, instruite de la surprise qui a été « faite à la religion et à celle du comité, ren-« voie les parties à l'assemblée du département, « pour, sur l'avis des commissaires qui constate-« ront le commodum et ïincommodum du place-« ment dans l'un ou l'autre de ces endroits concur-« rents, il puisse être statué définitivement sur « ledit placement, et que, jusqu'à ce, les choses « resteraient dans leur premier état.
« Il a été arrêté, en outre, qu'à la diligence du « procureur-syndic, copie du procès-verbal serait « envoyée aux municipalités des paroisses du « district qui avaient voté pour Corbigny, pour « délibérer entre elles sur la convenance ou « l'inconvenance de la fixation du tribunal à « Lorme. »
Le directoire du district de Corbigny, dont le devoir était de réprimer l'écart de la municipalité de cette ville, lui a donné son approbation sur provocation qu'en a faite le procureur-syndic. ^
La tolérance d'écarts aussi blâmables, ou une trop grande indulgence pour leurs auteurs, seraient, Messieurs, le renversement de la Constitution.
Vous n'avez pas cru devoir interdire aux législatures le pouvoir de réformer, sur l'avis des départements, les placements des corps adminis-
tratifs et des tribunaux qu'une expérience éclairée pourra démontrer ne pas convenir à l'intérêt des administrés : mais si vous désirez que ces réformes soient fondées sur des lumières acquises et non sur des préventions rivales ou sur les exagérations de finiérêt particulier» combien ne devez-vous pas être contraires à 1 admission actuelle de pareils changements? rien ne serait plus propre, en effet, à égarer, à occasionner des troubles, à faire commettre des injustices, que d'accueillir, sans le plus mûr examen, sans des formes préalables et rigoureuses, les prétentions, qui pourraient reparaître dès l'ouverture des législatures prochaines de la part des différentes villes, qui ont contesté l'avantage d'être chef-lieu de déparlement et de district; un seul exemple d'un chapgemeht qui serait légèrement prononcé, et qui ne serait pas fondé sur des motifs puissants, renouvellerait toutes les demandes reietées; il ranimerait les dissensions entre les villes, il troublerait de nouveau les assemblées électorales dont les délibérations ont trompé votre attente, parce que l'intérêt particulier a égaré le zèle et le patriotisme des électeurs, sur les véritables convenances qui devaient diriger leur vœu sur la fixation des chefs-lieux de départements de tribunaux et de districts, et ces inconvénients seraient bien plus graves, si en çe moment on pouvait violer ce principe ; mais, Messieurs, dans tous les cas par le recours légal, tardif et mesuré dont vous ne deviez pas priver les administrés, vous n'avez pas voulu autoriser aucune résistance actuelle aux décisions que vous avez portées, auquelles rien ne peut dispenser d'obéir, t
Cette affaire est naturellement l'occasion de vous instruire, Messieurs, que chaque jour des députés extraordinaires arrivent dans cette capitale pour réclamer contre les placements que votre comité vous a proposés, ou contre ceux qui vous ont paru justes, et que vous avez décrétés en faveur d'autre villes que celles pour lesquelles il avait cru pouvoir se décider.
Ces villes sont particulièrement : « Laferre « contre Gouty, Vouziers contre Attigny, Pertuis « contre Apt, Langeais contre Bourgueil, Saint-« Florent contre Beaupréau, Vie contre Ghàteau-« Salins pour le district, Longwy contre Longuion, c Gonesse contre Montmorency, Tarascon contre « Saint-Remy, Auxonne contre Saint-Jean de « Léne, etc, etc. »
Les communes des lieux en faveur desquels vous avez décrété le placement des tribunaux, ont opposé dans les discussions qui ont eu lieu dans le comité de Constitution, que celles qui se disent chargées du Vœu des administrés pour demander le rapport de ces décrets, ont député vers les paroisses de leurs districts, des émissaires munis de délibérations toutes préparées, leur ont en-r voyê des détachements d'officiers attachés aux tribunaux supprimés, ou des administrateurs des districts et de départements, qui, profitant de leur ancienne et nouvelle influence, ont très facilement entraîné les municipalités et les électeurs à vous présenter un vœu ainsi mendié que quelques directoires ont eu la facilité de fortifier par leurs suffrages : votre comité, Messieurs, ne peut vous dissimuler qu'il existe, dans son secrétariat, des preuves multipliées de la vérité de ces faits et de celui très certain que l'on a tourmenté, persécuté les habitants des campagnes par toutes les querelles de villes pour être chefs-lieux de départements ou de districts et que les instruments de ces provocations ont toujours eu soin de disposer d'avance des délibérations qui,
dans l'espace de deux, trois ou cinq jours, ont été signées dans toutes les parties d'un district ou d'un département.
Mais, Messieurs, ces démarches, que l'intérêt de quelaues hommes de loi, la rivalité de quelques villes ont fait faire, blessent l'ordre public d'une manière véritablement affligeante ; les habitants des campagnes voient avec étonnement ces sortes de protestations contre les décrets de l'Assembléenationale ; elles leur servent d'exemple et d'un exemple très pernicieux qui les familiariserait à l'insubordination et au mépris de la loi ; les communes s'accablent de frais de voyage et de dépenses d'autant plus considérâmes, qu'elles ne se contentent pas d'envoyer un ou deux députés, mais souvent un député par chaque canton.
Votre comité, interrompu dans ses travaux par cette multitude de députations, convaincu que toutes ou au moins le plus grand nombre, ne portent qu'un intérêt, qu'un vœu particulier, isolé du bien général, déguisé par tout ce qui pourrait l'annoncer 5 votre comité a pensé que s'il existe quelques inconvénients, ou une lésion quelconque pour les administrés dans le placement de quelques-uns des établissements admi-* riistratifs, judiciaires ou ecclésiastiques, ce n'était pas le moment d'en juger, lorsque les préventions actuelles, les rivalités s'agitent encore avec beaucoup de chaleur, lorsque les villes pensent encore que si elles n'ont un tribunal, il faut en démolir les murs, que leurs habitants ruinés par l'absence de juges de districts abandonneront leurs foyers; le temps viendra, Messieurs, où l'esprit public, des vues plus saines, la simplicité du code porteront la quantité immense de sujets qui se dévouaient à l'étude des lois, et ceux qu empïoyait l'abus des lois (la chicane) à se rendre utiles à la France, sous des rapports plus dignes de l'esprit humain et plus propres à produire la prospérité publique ; votre comité a pensé qu'il appartenait a l'expérience seule d'éclairer les législatures sur l'inconvenance, sa en existe, du choix des lieux décrétés sièges des tribunaux actuels ; il a pensé enfin que juger en ce moment, et même avant quelques années, des réclamations de ce genre, ce serait s'exposer à admettre d'autres erreurs ; ce serait établir, en principe, l'instabilité des décrets ; ce serait altérer la confiance qui leur est due ; ce serait donner lieu à des contestations interminables qui vous accableraient par leur importunité ; il croit d'ailieurs que ce serait faire une chose frustratoire : car à quoi servirait-il de réformer des placements de tribunaux dans quelques districts, lorsque ces districts eux-mêmes pourront être supprimés; lorsque souvent la possibilité, la vraisemblance, la nécessité même de cette suppression ont déterminé l'avis de votre comité*dans la distribution de ces établissements, pour faciliter la réformation prochaine de l'abus des districts, auquel il s'est inutilement opposé, et dont la multitude est pour beaucoup l'effet des députations extraordinaires qui ont embarrassé l'exécution de la division du royaume?
Vous avez préjugé que cet objet était digne de votre attention, par votre résistance à la proposition d'un changement dans les dispositions du décret que vous avez rendu, contre l'avis de votre comité, en faveur de la ville de Longuion ; en cédant au vœu apparent des municipalités, des électeurs et des administrateurs de ce district, vous eussiez rappelé toutes les demandes, et les tribunaux ne se seraient pas organisés.
Je reviens à l'objet principal du rapport auquel
celui-ci m'a paru devoir être lié ; les municipalités et district de Corbigny, en protestant, en suspendant, en adressant aux municipalités cet acte attentatoire, se sont évidemment livrés à l'intérêt personnel ; ils ont préféré cet intérêt au patriotisme qui devait les animer, au respect qu'ils n'ont pas dû cesser de manifester pour la nation, la loi et le roi, et leur délit est inexcusable.
Voici le projet de décret que nous vous proposons :
PROJET PB DÉCHET.
« L'Assemblée nationale, instruite que la municipalité de Corbigny au département de la Nièvre, s'est permis de protester contre le décret qui fixe à Lorme le placement du tribunal du district de Corbigny, et contre toutes élections de juges qui se feraient en conséquence ;
« Qu'elle a même osé prononcer une surséance à l'exécution de ce décret, et arrêté d'envoyer sa délibération à plusieurs municipalités de même district ;
« Que son directoire, dont le devoir était de réprimer l'entreprise de la municipalité de Corbigny, , lui a, au contraire, donné son approbation :
« Après avoir entendu le rapport du comité de Constitution;
« Décrète qu'elle improuve la conduite de la municipalité de Corbigny, et celle du directoire de district de cette ville.
« Elle déelare l'arrêté de la municipalité du 14 septembre, celui du même jour du directoire du district, nuls, attentatoires et contraires au respect dû aux décrets de l'Assemblée nationale sanctionnés par le roi; et décrète que le procureur de la commune, le procureur-syndic du district se rendront à la barre, dans la huitaine du jour de la notification du décret, pour rendre compte de leur conduite.
« Que toutes municipalités, districts et départements qui se permettraient de suspendre directement ou indirectement l'exécution des décrets de l'Assemblée nationale, sanctionnés par le roi, seront personnellement responsables de tous événements.
« Elle charge son président de supplier le roi de faire parvenir ce décret au département de la Nièvre, pour qu'il rappelle à leur devoir le directoire du district de Corbigny, ainsi que la municipalité de cette ville, et leur enjoigne, comme à toutes autres municipalités de ce district, de se conformer à ses dispositions, et à celles du présent décret qui a fixé à Lorme le tribunal du district de Corbigny.
« Elle autorise le directoire du département de la Nièvre, en cas de désobéissance ultérieure, à suspendre de leurs fonctions les réfractaires, et à pourvoir cependant aux administrations muni-, cipales devenues vacantes par cette suspension, sauf plus grande peine qui sera statuée, s'il y a lieu.
« Elle décrète, en outre, que, sur les pétitions de différentes villes et communes pour obtenir dans d'autres lieux les sièges des tribunaux dont les placements ont été décrétés, il n'y a pas lieu à délibérer; et que le présent décret, ainsi que le rapport fait au nom du comité de Constitution seront imprimés et envoyés dans les départements. »
Plusieurs membres présentent quelques courtes observations.
(Le projet de décret présenté par M, Gossin est ensuite mis aux voix et adopté.)
M. Voldel, au nom du comité des recherches, fait un rapport sur les obstacles apportés à Soissons à l'enlèvement de blés qui y avaient été achetés pour l'approvisionnement de la ville de Metz.
. La municipalité de Metz a envoyé à Soissons, pendant le mois j ulllet dernier, M. Saint-Jacques, son homme de confiance, qui a acheté des grains pour le besoin de la ville ae Metz. Le peuple de Soissons s'est assemblé et a empêché la traite du second envoi, consistant en vingt-trois voitures. Le comité a été instruit de cette opposition; il a écrit à la municipalité de Soissons de faire exécuter le décret qui ordonne la libre circulation des grains. En conséquence nouvelle tentative pour la libre extraction des grains ; mais le peuple renouvelle son opposition. La municipalité se borne à des invitations qui ne produisent aucun effet ; le blé est retenu et remis dans les greniers de Soissons. Le directoire du district improuve la faiblesse de la municipalité, qui essaie de ae justifier par différentes allégations, entre lesquelles on remarque ce principe i ce n'est pas la libre extraction des grains d'une ville qu'or* donne le décret de l'Assemblée nationale, c'est la libre circulation. Qr, le peuple de Soissons n'empêchait que la traite et non le libre transit, etc.
Le comité me charge de vous proposer le projet de décret suivant :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des recherches, improuve la conduite tenue par le maire et officiers municipaux de Soissons, lors des événements des 30 juillet et 1** août derniers ; leur enjoint de faire exécuter littéralement les décrets du Corps législatif, sanctionnés par le roi; charge son président de se retirer par devers le roi, pour le prier de donner des ordres, afin que par lebailliage de Château-Thierry, il soit informé contre les auteurs et instigateurs des émeutes arrivées à Soissons, les 30 juillet et 1er août derniers, contre la libre circulation des grains, réserve au sieur Saint-Jacques à faire valoir ses droits oomme et contre qui il appartiendra.
. Je réclame contre le projet du comité. La municipalité de Soissons s'est conduite comme elle le devait. Le peuple devait être inquiet sur sa subsistance, il devait craindre que les grains ne fussent importés à l'étranger ou ne servissent aux troupes étrangères. N'aliénons pas de l'Assemblée nationale le peuple par des décrets tels que ceux qu'on nous propose.
. L'intérêt que le préopinant accorde au peuple de Soissons lui a fait oublier que pendant son opposition à la traite des grains, achetés pour Metz, le peuple de Metz était exposé à mourir de faim; il oublie aussi que dans le même temps où la municipalité de Soissons se dispensait d'exécuter la loi martiale, pour faire sortir du grain superflu, elle exposait celle de Metz à la nécessité de l'exécuter, pour contenir un peuple affamé, qui pouvait se porter aux derniers excès.....Certes les villes frontières seraient
bien malheureuses, si les principes du préopinant étaient admis. Il en résulterait que, quand les grains de l'intérieur sont transportés sur des frontières, on serait autorisé à les arrêter, sous
prétexte qu'ils peuvent passer à l'étranger. Remarquez, Messieurs, que les villes frontières ne peuvent tirer leurs subsistances que de l'intérieur. Quand la France prohibe la sortie des grains, les puissances étrangères usent aussitôt de représailles. Les frontières donc se trouvent tout d'un coup adossées à des pays devenus stériles pour elles, et pour ainsi dire à des déserts. Il faut donc qu'elles tirent de l'intérieur du royaume.... C'est se mettre en une véritable opposition à vos décrets et à la raison, que de distinguer entre la liberté de la traite de ville à ville, et la liberté du passage. Il est évident qu'il serait bien inutile d'avoir ordonné la libre circulation dans le royaume, si les villes pouvaient empêcher la libre traite hors de leur enceinte, pour une autre ville du royaume... Je conclus à l'adoption du décret, ou au moins de la première partie.
met aux voix la division. Elle est rejetée.
(Le projet de décret du comité est ensuite adopté.)
, député du Puy-de-Dôme, demande et obtient un congé de deux mois.
. L'ordre du jour est la suite de la discussion sur le traitement des ordres religieux et des chanoinesses séculières. Dans sa séance du 21 septembre, l'Assemblée a adopté l'article 1er du titre II intitulé : Des religieuses.
, rapporteur, propose de mettre aux voix ensemble les articles 2, 3 et4 du projet, parce qu'ils ont entre eux une relation qui en fait presque un seul article.
propose, par amendement à l'article 3, de conserver aux maisons destinées par leur institut à l'éducation publique et au soulagement des malades, l'administration des biens dont ils ont joui jusqu'ici.
On demande la question préalable sur cet amendement.
La question préalable est prononcée.
Les articles 2, 3 et 4 sont décrétés ainsi qu'il suit :
« Art. 2. Dans les maisons, dont les revenus excèdent la somme de 600 livres, à raison de chaque professe, et celle de 300 livres, à raison de chaque sœur donnée ou converse, il ne sera tenu compte desdits revenus, que jusqu'à concurrence desdites sommes.
« Art. 3. Demeurent provisoirement exceptées des dispositions de l'article précédent, les maisons actuellement occupées à l'éducation publique et au soulagement des malades, et il leur sera tenu compte de la totalité de leur revenu, jusqu'à ce qu'il en soit autrement ordonné.
« Art. 4. Dans les maisons, dont le revenu est inférieur à 700 livres pour chaque professe, et à 300 livres pour chaque sœur donnée ou converse, les traitements des religieuses qui décéderont les premières accroîtront aux traitements des survivantes jusqu'à concurrence desdites sommes. »
, rapporteur, donne lecture de l'article 5.
« Art. 5. Il pourra être accordé, sur l'avis des directoires de département, un secours annuel aux maisons qui, par la destruction de la mendicité, ou par la privation d'autre ressource dont elles avaient joui jusqu'à présent, n'auront plus un revenu suffisant pour leur existence. »
propose que ces secours soient tels, qu'y compris les revenus conservés, chaque religieuse ait au moins 300 livres par an.
Un membre demande que le minimum soit de 400 livres.
demande, au contraire, que ces secours, joints aux revenus conservés aux maisons religieuses, ne puissent excéder la somme de 300 livres par an pour chaque religieuse.
Ce dernier amendement est adoptée
En conséquence, l'article 5 est décrété dans la teneur suivante :
« Art. 5. Il pourra être accordé, sur l'avis des directoires de département, un secours annuel aux maisons qui, par la destruction de la mendicité, ou par la privation d'autres ressources, dont elles avaient joui jusqu'à présent, n'auront plus un revenu suffisant pour leur existence ; mais ces secours, unis au revenu de chaque maison, ne pourront excéder la somme de 300 livres par année pour chaque religieuse. »
lève la séance à 10 heures.
A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE DU
Observations par M. d'Haraïubure sur la répartition de l'impôt foncier entre chaque département, district, canton, municipalité et entre chaque contribuable.
1. La répartition de l'impôt foncier ne sera d'abord que provisoire dans l'année 1791 ; mais, avant la fin de la même année, elle sera portée à son vrai taux qui pourtant ne sera définitif que que dans l'année 1793.
2. L'année 1792 sera accordée à chaquedépar-tement, district, canton, municipalité et à chaque contribuable, pour redresser, par le ministère de commissaires nommés à cet effet, les erreurs et inégalités qui auraient pu avoir lieu dans la répartition de 1791.
3. Néanmoins le recouvrement de l'impôt se fera d'après la première répartition dont il va être parlé ci-après. On sentira qu'il n'y a pas ie moindre inconvénient à cette recette provisoire, puisque la diminution ou l'augmentation de la cote d'imposition de chaque contribuable aura lieu par des sous pour livre en augmentation ou en diminution; ce qui n'oblige à aucune opération compliquée, de la part des percepteurs, ni de celle des contribuables.
4. On prendra pour base de la répartition de l'impôt foncier, la somme que se vend communément,et d'après la notoriété publique, l'arpent de terre dans chaque canton du royaume, en le distinguant seulement par première, deuxième et troisième qualité (1) et quels que soient les productions et fruits que rapportent ledit arpent, ainsi que sa valeur ; ce qui n'infirme, en aucune manière, la base proposée.
Exemple de la manière d'imposer un arpent de terre qu'on estime se vendre communément 400 livres.
5. On prendra pour revenu net présumé, 21/2 0/0 de la somme de 400 livres qui fera la somme de............................. 10 liv. » s
On imposera le quart du revenu
net présumé, qui sera par au..... 22 10
Nota. Le même procédé aura lieu pour les arpents, acres, mesures, sous quelques dénominations qu'elles soient dans le royaume, et quelles que soient la culture et la production desdites mesures de terre.
6. Chaque municipalité fera le rôle de son imposition foncière d'après ce procédé. La cote d'imposition étant Unie, elle y joindra l'impôt d'habitation, celui du citoyen actif, celui des domestiques mâles et femelles, celui des chevaux, la taxe iixée par les décrets sur les terres incultes, ainsi que celles sur les terres nouvellement en valeur, qui sont exemptes d'impôts pendant le laps de temps fixé par les précédents décrets.
Il sera fait une addition de ces différentes sommes afin d'avoir le montant de l'impôt foncier de la municipalité signé d'elle; copie en sera envoyée au directoire du district, qui, après avoir envoyé des commissaires vérificateurs dans chaque municipalité l'adressera à l'Assemblée nationale, signée des membres du directoire du district.
7. L'Assemblée nationale, ayant reçu les rôles de l'impôt foncier de chaque district, fera faire une addition du montant des rôles de tous les districts du royaume.
8. Si la somme se trouvait excéder celle qu'elle a voulu retirer de cet impôt, on calculerait ce que la somme excédante fait de sous ou de deniers par livre sur la somme totale, et elle décrétera qu'il soit diminué tant de sous ou tant de deniers par livre sur la cote d'imposition de chaque contribuable à cet impôt.
Si, au contraire, la somme se trouvait moindre, elle la porterait à son vrai taux par des sous ou deniers par livre additionnels.
Si quelque district négligeait d'adresser les rôles de son imposition, il serait provisoirement taxé d'office, sauf à obtenir d'être rectifié l'année suivante.
10. L'Assemblée nationale rendra public, par la voie de l'impression, le montant des rôles de district, afin que chaque municipalité, chaque district, chaque département puisse se convaincre, par la vérification de commissaires, que tous supportent l'impôt avec une égalité proportionnelle à leur richesse.
11. Les bonifications que pourront produire les vérifications des commissaires seront portées en diminution sur tous les contribuables par des sous pour livre, en déduction de la cote d'imposition de chaque contribuable.
Observations en faveur de ce mode d'imposition.
Déjà l'Assemblée a décrété, qu'il serait fait des sections des maisons et des biens des propriétaires dans chaque municipalité;
Que des commissaires de la municipalité et des propriétaires seraient chargés de ce travail ;
Que les propriétaires déclareraient leurs biens en quotité et en revenu net;
Cette première opération rend prompt et facile le mode d'imposition que je propose.
Il n'y a pas un cultivateur qui ne soit en état de le concevoir et de l'exécuter.
On observe qu'il est illusoire d'établir la répartition de l'impôt sur le revenu net. Tel contribuable prouvera que son revenu net se réduira à peu de chose ; au lieu qu'en l'établissant sur le capital de la valeur présumée de l'arpent, personne ne peut se plaindre d'une taxe arbitraire ; car les estimateurs pourraient dire au propriétaire qui se plaindrait : « Voulez-vous donner votre terre à ferme au prix qu'on l'estime? on vous offre un fermier. »
Il n'y a pas un canton dans le royaume où l'on ne sache, par la notoriété publique, ce que se vend communément l'arpent de terre de première, deuxième et troisième qualité.
Ce mode excite à bien cultiver sa terre, afin de pouvoir en payer l'impôt et en tirer un revenu. Ce serait un grand malheur de voir laisser, par des propriétaires négligents, des terres sans culture.
On voit que le résultat de cette opération termine une question bien embarrassante dans l'Assemblée nationale, puisqu'elle fixe, en moins de sept mois, ce que payera chaque département,district, canton, municipalité et chaque contribuable.
On doit bien se pénétrer de la facilité avec laquelle les plaignants se feraient rendre justice s'il y avait lieu.
Leur plainte ne pourrait porter que sur trois observations aisées à résoudre :
La première, si on leur avait supposé un plus grand nombre d'arpents ou de mesures de terre qu'ils n'en ont ;
La deuxième, si l'on avait estimé trop haut la valeur de l'arpent; La troisième, si leur voisin était favorisé. Les commissaires, aidés des experts et de la notoriété publique, résoudraient facilement ces questions.
Je prie également qu'on se persuade que j'ai eu en vue principalement de proposer un mode commode et certain, pour assurer une répartition bien proportionnelle à la fortune de chaque propriétaire. Il est égal qu'on paye plus ou moins, mais ce qui serait intolérable, ce serait d'être taxé arbitrairement.
Le mode qui fera éviter ce dernier écueil sera un des grands bienfaits de la Constitution.
J'ai fixé provisoirement l'impôt au quart du revenu net présumé, ayant pensé qu'il valait mieux être dans le cas de diminuer que d'augmenter.
J'ai pensé, avec quelques bons esprits à qui j'ai communiqué cette idée, répondre à la juste impatience de l'Assemblée, puisque, par ce procédé simple, on peut, en deux séances, assurer la répartition, l'assiette et le recouvrement de l'impôt foncier dans tout le royaume, pendant l'année 1791. Tout ce travail peut être terminé en sept mois, sous la responsabilité des corps administratifs ; et je demaude qu'ils soient soumis à cette responsabililé dans cette importante opération, par la raison qu'elle est démontrée facile, à la portée de tout cultivateur et de tout officier municipal, que d'ailleurs il en résulte un cadastre assez parfait, sans aucuns frais importants.
Les différents administrateurs doivent se bien
pénétrer que c'est à une association de 24 millions d'hommes, à qui ils sont chargés de rendre justice sur un des points sur lequel il leur importe le plus de l'obtenir.
J'ajouterai encore une considération très propre à faire désirer d'adopter un mode qui, du moins, sans avoir de grands inconvénients, rende justice prompte à chaque contribuable. On sait que le Vexin français, l'Ile de France et quelques au* très provinces sont trop taxées par l'imposition faite sur les anciens privilégiés en 1790, pour en voir prolonger la méthode injuste pendant l'année 1791 ; ce qui ne manquerait paB d'arriver, si l'on tarde à prendre un parti sur cet important objet. Il y a des propriétaires dans ces provinces, qui payent la moitié ou le tiers de leur revenu.
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier au matin. Il est adoplé.
Un de MM. les secrétaires annoncé Une adresse des marchands armuriers de la Ville de Paris, qui demandent une indemnité pour les dommages qui furent causés chez eux les 13 et 14 juillet 1789, lorsqu'on s'empara de leurs magasins.
Cette adresse, avec les pièces qui y sotit jointes, est renvoyée à la municipalité de la ville de Paris.
Adresse des négociants de Cette, par laquelle ils demandent à l'Assemblée nationale la faculté d'établir une chambre de commerce et une boUrse, pour se réunir joUt-nellement, cOnlme dans les autres villes maritimes, et d'imposer, en conséquence, et lever sur les négociants telle somme qu'ils aviseront nécessaire pour l'achat ou louage d'Une maison ou lieu qui sera appelé Bourse, et autres frais indispensables; ils démontrent, très au long, l'avantage qui résulterait d'une telle réunion, pOUr l'accroissement du commerce dans les ports de mer : ils protestent de leur entier dévouement pour les décrets de l'Assemblée nationale, et la préviennent qu'ils ont formé provisoirement, du consentement de la municipalité, Un directoire composé de sept membres, pour la décision des seuls objets qui ne pourraient souffrir aucun délai, lesquels sont en grand nombre dans les circonstances présentes.
L'ordre du jour est là suite de la discussion sur la liquidation de la dette publique.
Je né connais pas assez les grandes opérations de finances pour vous présenter mon opinion
particulière sur la grande et importante question qui est soumise aujourd'hui
« En payant en assignats forcés la dette nationale exigible, fout l'argent disparaît, tous les ateliers se ferment, les ouvriers dé toutes lès Classes ôe trouveht sans travail et Sans pain, les denrées et les marchandises augmentent, de manière que toute balance est rompue au dehors comme au dedans; enfin le commerce national est anéanti. Si la nation se libère, au contraire, par des quittances de finances, tous nos maux sont finis, la confiance renaît, le capitaliste ouvre ses coffres, le fabricant rappelle tous ses ouvriers, et tous les Français heureux bénissent la Constitution. »
Je demande qu'on indique une assemblée extraordinaire ce soir, pour lire les adresses de province que nous recevons tous les jours, pour, sur et contre les assignats, afin que l'Assemblée soit à portée de connaître le vœu de la nation entière, avant de se déterminer sur un objet aussi important.
(L'Assemblée, consultée, remet cette lecture à l'ordre de deux heures.)
(2). Messieurs, votre comité des finances vous a présenté un aperçu approximatif de la dette exigible, montant à 1,900 millions; il vous propose deux moyens pour la payer :
Le premier, uhe émission de 1,900 millions d'assignats en papier-monnaie forcé, ne portant pas intérêt;
Le second,une émission de quittances de finance dé pareille somme, portant intérêt à 5 0/0.
Les opinions sont partagées sur ces deUX moyens, et dans cette Assemblée même les idées ne sont pas fixées. Celles du public sont flottantes; il n'est personne qui ne soit effrayé sur un résultat dont les effets, én changeant là face du royaume, vont prononcer sûr les destinées de la Frâhce.
L opinion de Paris semblé pencher Vers les assignats : l'opinion de la grande majorité des provinces y est formellement contraire.
Nous ne pouvons nous dissimuler que les provinces Constituent le royaume ; sa capitale,
quelque intéressante qu'elle soit, ne peut être qu'un objet de considération, mais non un
motif déterminant, le vœu des provinces doit donc être consulté ; car, en dernière analyse,
leur Volonté fera toujours la loi : et, à cette occasion,Messieurs, je he dois pas cacher mon
étonnement d'avoir entendu un membre de cette Assemblée, avancer, dans la séance du 10, des
idées totalement destructives de la soumission et du respect que des représentants doivent
aux représentés. Dire que nous voulons des lumières^ mais non de corps, parce que nous n'en
connaissons plus ; des lumières pétitionnelles, car nous n'avons jamais voulu, nous né
voulons pas, et nous ne voudrons jamais dé tois ;
Cependant la discussion étant ouverte» il faut examiner cet important problème sous tous ses rapports ; et pour mettre de l'ordre dans la série de ses idées, il faut d'abord se demander :
1° A-t-on besoin d'un papier quelconque?
2° La dette exigible monte-t-elle à 1,900 millions?
3° Faut-il la payer avec des assignats papier-monnaie forcé sans intérêt, ou avec des quittances de finance avec un intérêt?
4° N'existe-t-il pas d'aulres moyens de liquidation que des assignats, ou des quittances de finance ?
La première question* celle qui se présente naturellement à l'esprit est celle-ci :
Avons-nous besoin d'un papier quelconque?
Je voudrais être dans la négative, parce que je suis vivement affecté des inconvénients qui en doivent résulter ; mais, cédant à l'irrésistible nécessité des circonstances, je me vois réduit à en admettre de la manière et dans la quantité que je vais déterminer.
Vous avez déjà décrété, Messieurs, une émission de 400 millions d'assignats papier-monnaie forcé, avec un intérêt de 3 0/13, qu'il faut aujourd'hui regarder comme étant entièrement dans la circulation.
Suivant les derniers rapports de M. Necker, les besoins de l'Etat, devenus plus pressants et plus inquiétants par la difficulté des recouvrements, exigent encore un secours de 200 millions pour l'année 1790, et entamer 1791. Mais comme le nouveau mode d'imposition ne doit commencer qu'au lw jadvier 1791, et que l'impôt direct ne se paye que longtemps après son échéance, car il ne faut pas se flatter que la contribution foncière se paye régulièrement par mois, comme nous le fait espérer notre oomité d'imposition ; que les impôts indirects, qui ne sont pas encore supprimés, sont mal acquittés, et dans plusieurs provinces* presque nuls; je crois devoir proposer une création de 7 à 800 millions, non pas d'assignats, mais de billets de caisse nationale, qui auront cours forcé dans le royaume, et qui ne porteront pas d'intérêt. Je propose 7 à 800 millions,afin : l°de retirer les400 millions d'assignats déjà en circulation; 2° afin de se donner une grande latitude, et ne pas voir le Trésor public à la veille de suspendre ses payements* comme nous en fûmes menacés il y a peu de temps.
J'ai toujours vu avec peine qu'on eût attaché un intérêt de 3 0/0 à l'émission des 400 millions d'assignats. Cet intérêt, qui occasionne un double agiotage, équivaut à un impôt mis sur les citoyens qui ne sont pas dans les affaires, et certes c'est la classe la plus nombreuse* Les caissiers et les payeurs publics retiennent exactement cet intérêt : le rentier, le créancier reçoit sa reûte, sou remboursement sans cette retenue, et cependant elle est perdue pour lui quand il veut changer
l'assignat reçu ; je ne parle pas du monopole de conversion en espèces, qui est de 5 et 6 0/0, en sorte que la perte réelle est pour le créancier de 8 et 9 0/0, Qui fait ce bénéfice énorme ? Le capitaliste, le faiseur d'affaires, l'agioteur.
L'Assemblée doit donp faire cesser cet intérêt soit au 15 avril 1791, soit en faisant retirer de la circulation ces assignats pour y substituer des billets de caisse nationalé. , . . .
La France aurait doue entre 7 à 800 millions de billets de caisse, nationale, auxquels il ne serait attaché aucun intérêt.
Je ne crois pas ce numéraire fictif trop considérable pour soutenir son crédit. Ën effet, le numéraire réel du royaume était, il y a quelques années, de 2 milliards 4 à 500 millions. Qu'on ne me dise pas qu'il en est sorti pour un milliard^ même plus, comme je l'ehtends dire, comme on ne cesse de l'écrire : il en est sorti sans doute, mais avec 200 millions combien d'individus peuvent vivre i Le numéraire est dans le royaume, il est concentré dans les grandes villes, et je ne crains pas d'avancer qu'ily a dans Paris peut-être plus de 800 millions en louis et en écus, qui n'attendent, pour sortir des caisses des banquiers et des gens d'affaires ou de finance, que le résultat de vos opérations.
L'inquiétude, une mê(i,ance exagérée d'une part, de l'autre une avidité ardente, le calcul de ia détresse pu blique, pour tripler sa fortdne, sont les causes de ia rareté du numéraire; il n'est que cache : il faut arriver aux moyens de le faire sortir de ses retraites.
Un royaume peut comporter pour un tiers, ou environ, de numéraire fictif, sans grands inconvénients pour le prix des denrées et de la main-d'œuvre* Son crédit doit se soutenir, quand on assure sa conversion facile en espèces* et son anéantissement successif de la circulation. Une ' émission au delà serait trop dangereuse; elle occasionnerait des convulsions dêsàstreuses dans tous les rapports de l'agriculture, du commerce, du prix des comestibles, du salaire des ouvriers el du payetnenl des fonctionnaires publics. Il n'y aurait plus aucune proportion; et quand les choses auraient été élevées à ce point, une nuit affreuse plongerait les citoyens dans les ténèbres; la société serait dans le chaos. Il faut doue renoncer à l'émission de i,900 nouveaux millions d'assignats, qui, jointe aux 400 déjà en circulation* donnerait un résultat de 2,300 millions; c'est-à-dire que vous auriez autant de papier* monnaie forcé que d'argent monnayé. Quelle serait 1a mesure de l'impôt? Le doublement subit, ou du moins l'augmentation considérable dans le prix des productions et des dépenses, nécessiterait celui des impositions. Comment par-viendriez-vous à les faire payer ? Les habitants des campagnes* qui craignent les assignats et qui repousse n t avec h or reu r l'agio tage, co usén tiraien t-ils pour le seul profit des faiseurs d'affaires à se voir surcharger ? L'assiette de l'impôt serait l'é-cueil de ce déluge d'assignats : là* viendrait se briser avec un déchirement effroyable et s'engloutir cette opération désastreuse.
Des assignats, des billets de caisse* du papier-monnaie forcé, en un mot, tout ce qui tient lieu d'argeut, me paraissent si dangereux, qu'il faut les circonstances impérieuses qui nous commandent, pour que j'opine à une circulation de 7 à 800 millions de billets de caisse. Mais je vais offrir le moyen pour qu'il u'en résulte aucun inconvénient majeur, et que ces billets disparaissent successivement du commerce ; c'est : 1° pour en
empêcher la contrefaçon que ces billets soient signés de douze députés des principales places du commerce. Les assignats actuels ne sont signés que d'une seule personne; vous conviendrez, Messieurs, qu'il est aisé d'imiter une signature ; il est presque impossible d'en contrefaire un grand nombre : la confiance s'établira aussi en raison des personnes connues; et, à cet égard, il est une observation importante, c'est que 300,000 écus faux n'arrêtent pas la circulation de l'argent, tandis que cent billets faux feraient refuser tous les autres. Des registres doivent constater le nombre, les dates, les sommes, les numéros et les échantillons des billets émis et de ceux qui le seront successivement d'après les besoins de l'Etat et sur vos décrets, pour servir, au besoin, de pièces de comparaison; 2° pour les retirer successivement de la circulation, d'ordonner que chaque mois le Trésor public en retirera au moins pour deux millions, qui seront brûlés en présence des douzedéputés du commerce, signataires, qui constateront, par procès-verbal, les numéros, les sommes, le nombre, les dates et la sincérité des billets brûlés.
Le Trésor public conservera toujours encaisse, tant à Paris que dans les capitales des départements et des districts, un certain fonds en espèces pour la conversion exacte des billets, qui auront pour hypothèque les biens nationaux, dont il sera fait une distraction pour servir de gage et comme de cautionnement à la valeur de ces billets.
Au moyen de cette opération, l'Etat profite de 40 millions d'intérêt dans les premières années; elle n'occasionnera aucun mouvement violent; et,avant trente ans, les billets de caisse auront été retirés de la circulation. Je dis trente ans, c'est le maximum : on sent bien que la rentrée serait beaucoup plus prompte, si, au lieu de 2 millions, l'Assemblée ordonne d'en retirer 4, 5, 6 et même 10 par mois.
Je vais passer à la seconde question.
La dette exigible monte-t-elle à 1,900 millions?
Votre comité des finances vous a présenté cet aperçu, mais il est aisé, Messieurs, de prouver la confusion des créances.
La dette que votre comité appelle exigible, pourra l'être en effet quand elle aura été liquidée pour partie, et que de l'autre les remboursements à terme seront échus. Or, il y a des emprunts à terme dont les époques se prolongent jusqu'en 1809 et 1825. Cependant votre comité les a compris dans la dette exigible : certes les créanciers ne sont pas même fondés à demander leur remboursement.
Le comité a également compris, dans la dette exigible, les charges de finance, les cautionnements et autres objets. Mais, indépendamment que la liquidation n'en est pas faite, et qu'elle n'est pas près de l'être, puisque les titulaires sont en exercice, qui peut répondre que ces différents agents de la chose publique ne soient pas débiteurs dans leurs recettes? 11 y aura des comptes à rendre par chacun d'eux, et peut-être que les débets balanceront la finance de leurs cautionnements. Je ne vois donc d'exigible que l'arriéré des départements, et d'autre liquidation qui puisse être commencée sans retard, que celle de3 offices de magistrature et des charges militaires, ou des maisons du roi, de la reine et des princes.
M. Necker, dans son dernier rapport, a estimé ces derniers objets à 541 millions. Eh bien, pour éviter tout mécompte, toute erreur, supposons la
dette exigible actuelle de 600 millions. Il n'y aurait donc que 600 millions à payer, et dont la liquidation puisse être faite sans retard. L'Assemblée n'a donc pour le moment à s'occuper que du payement de 600 millions : c'est une somme considérable, mais qui certes n'est pas au-dessus des moyens du royaume; le remboursement en est facile et j'en indiquerai bientôt les moyens.
La troisième questiou est :
Si la dette exigible doit être payée avec des assignats papier-monnaie forcé sans intérêt, ou avec des quittances de finance portant intérêt.
Je crois avoir assez démontré les dangers d'une émission d'assignats de 1,900 millions, pour être dispensé de les présenter de nouveau.
Il ne faut point d'assignats; il faut des billets de caisse nationale dont j'ai fixé l'espèce et la quantité : ces billets de caisse nationale feront dans tout le royaume le service, et seront du même usage dans les provinces, que les anciens billets de la caisse d'escompte l'étaient à Paris. Mais le crédit d'opinion sera bien différent ; les billets de la caisse d'escompte n'avaient d'autre garantie de la nation, et une hypothèque spéciale sur les biens nationaux.
La dette exigible, quant à présent, montant au plus à 600 millions, il est démontré qu'une émission de 1,900 millions seraient une folie; on ne saurait où les appliquer.
Je vais examiner si ces 600 millions, que je regarde comme l'unique somme à payer dans ce moment, doit l'être par des quittances de finance.
Je ne crains pas de me prononcer contre; vous n'avez déjà dans la circulation que trop de papiers; une augmentation nouvelle de 600 millions achèverait de les discréditer ; la perte moyenne de nos effets est de 20 0/0, elle serait peut-être de 40.
L'intérêt que vous attacherez, Messieurs, à ces quittances de finance, serait une nouvelle charge pour l'Etat; il ne pourrait être au-dessous de 4 0/0 et voilà sur-le-champ une augmentation d'impôts de vingt-cinq millions par an.
Ce serait, en effet, un impôt déguisé; car, en dernière analyse, tout emprunt est un impôt. Eloignons de notre mémoire ces époques où un ministre banquier, fascinant les yeux d'un public crédule, avait comme persuadé qu'il était bien supérieur à ses prédécesseurs, en soutenant une guerre sans impôts. Il a fourni à ses frais par des emprunts énormes, dont les intérêts sont tellement excessifs, qu'il est calculé que le terme moyen de l'extinction des rentes viagères sur les têtes génevoises, ne peut avoir lieu qu'à l'expiration de quarante-trois années, c'est-à-dire que les sommes exportées en payement de ces rentes viagères auront plus que triplé les capitaux importés à l'époque de leur création. C est d'après un examen irréfléchi, que je crois qu'il serait aussi politique qu'économique de rembourser ces sortes de rentes viagères. La création en est moderne; nous aurons longtemps à les payer, et chaque année notre numéraire sort. Genève n'est riche que depuis qu'elle nous a donné un ministre.
Les quittances de finance présentent encore un autre inconvénient; c'est que ne pouvant être qu'appliquées à l'acquisition des biens nation-naux, vous forcez la volonté des propriétaires. Ce n'est pas la marche que doit tenir un peuple libre. Porteur d'une quittance de finance, je dois être le maître de la garder, de la vendre, d'en payer mes créanciers; en un mot, elle doit être
disponible comme le numéraire réel. Si je n'en puis faire d'autre application que dans l'acquisition de biens nationaux, que j'aie des dettes, que je fasse un commerce, que j'aime le séjour des villes, je serai donc dans la dure position, avec des valeurs dans les mains, de ne pouvoir me libérer, de ne pouvoir accroître mon industrie, et d'habiter malgré moi la campagne, au moins une partie de l'année, si je veux mettre en valeur mon nouveau bien-fonds?
Les inconvénients et publics et privés sont assez palpables pour rejeter un moyen qui obstruerait encore la valeur des effets en commerce, et qui serait un attentat à la libre disposition de sa propriété.
La quatrième question consiste à savoir s'il n'existe pas d'autres moyens de liquidation de la dette publique, que des assignats ou des quittances de finance?
Après avoir rejeté ces deux moyens, je vais, Messieurs, avoir l'honneur de vous proposer mes idées.
La dette exigible, à libérer quant à présent, s'élève au plus à 600 millions; votre comité de liquidation doit liquider chaque créance, et joindre au titre de propriétaire ou titulaire de la charge, office ou compte liquidés, un bordereau signé au moins de six membres du comité, qui énoncera la somme liquidée et due, portant une prime décroissante de 4 0/0, à partir de la date de la liquidation. Ce bordereau, joint aux pièces ou titres primitifs de la créance liquidée, sera com-merçable et forcée, de tout débiteur envers tout créancier.
Le porteur du bordereau qui acquerra des biens nationaux dans le six premiers mois, à partir du 1er janvier 1791, touchera la prime de 4 0/0; après six mois, 3 0/0; après l'année, 2 0/0; après dix-huit mois, 1 0/0; et ce dernier délai expire, la prime tenant lieu d'intérêt, demeurera supprimée.
Je propose ces détails pour trois motifs: 1° parce qu'il faut un certain temps pour s'informer, voir et examiner les biens-fonds, dont l'acquisition ne peut se faire du jour au lendemain; 2° parce que les biens que vous voulez vendre n'étant pas suffisamment connus, il faut donner le temps à votre comité d'aliénation, ainsi qu'aux municipalités, de prendre les renseignements suffisants pour les vendre à leur juste valeur; 3° enfin, parce qu'il faut donner le temps à votre comité de liquidation d'examiner les titres qui lui seront présentés, de statuer sur des demandes qui ne peuvent être trop examinées, et d'en dresser les bordereaux.
Je propose que les bordereaux liquidés par voire comité de liquidation, soient commerçables et forcés de tout débiteur envers tout créancier, pour ne gêner la volonté ni le goût de personne. N'en doutez pas, vous trouverez des acquéreurs. Qu'importe que ces acquéreurs aient été, dans le principe, des créanciers de l'Etat, ou qu'ils aient acheté de ces derniers les bordereaux liquidés pur votre comité? Votre but est de vendre; et votre objet de payer les parties exigibles de la dette publique et liquidée; de mettre en même temps loutes les parties intéresséss en mesure de se libérer.
Je propose des bordereaux liquidés par votre comité, auxquels j'attache une prime décroissante, de manière qu'après l'expiration de dix-huit mois, ces bordereaux ne rapportent plus aucun intérêt. C'est la seule manière d'en forcer l'application, en acquisition de biens nationaux,
parce que personne ne voudra garder un fonda mort. Ainsi celui qui ne voudra ou ne pourra acquérir des biens-fonds, trouvera facilement à s'en défaire. Je le répète, il se présentera des acquéreurs, et moins il y aura de biens-fonds, à vendre dans le même moment, et plus les enchères s'élèveront. Votre comité de liquidation doit tenir des registres des bordereaux liquidés et délivrés, lesquels registres seront déchargés, dès que l'emploi des bordereaux aura été fait en biens nationaux.
J'aurais désiré, Messieurs, que, pour connaître la valeur de ces biens, votre comité d'aliénation eût prit le parti de les affermer à la chaleur des enchères. Il faut convenir de cette vérité; c'est que nous n'en connaissons ni la valeur foncière ni la valeur annuelle. On n'en a que des aperçus, et ils diffèrent tantentre eux, qu'il est presque impossible d'avoir une idée arrêtée. Interrogez les ecclésiastiques les plus instruits; ils vous assurent que, depuis la suppression des droits féodaux, et la distraction des forêts et bois conservés, la valeur foncière des biens du clergé n'est que d'un milliard à 1,200 millions. Votre comité ecclésiastique la porte, y compris les biens du domaine, à deux milliards cinq à six cents millions. L'estimation de votre comité n'est soutenue d'aucune preuve; ce n'est donc qu'un aperçu. Je ne parle pas des estimations que l'on trouve imprimées çà et là; il y en a de si exagérées qu'elles ne méritent pas même qu'on en parle.
Croyant avantageux à la richesse nationale et à la garantie de la dette publique de connaître la valeur des biens à vendre, je n'hésite pas, Messieurs, à vous proposer de les affermer sur publication au plus offrant et dernier enchérisseur solvable, en présence des officiers municipaux des arrondissements où sont situés ces biens. Ces officiers en seront les administrateurs et les conservateurs. Leur en laisser la régie, c'est renoncer à connaître leur valeur. Les officiers municipaux ne sont que des hommes ; quelque patriotes qu'ils soient, l'intérêt particulier pourra être plus fort que le patriotisme. Il y aura des abus; vous aurez des plaintes; vous sera-t-il aisé de redresser les torts ou les erreurs de quarante-quatre mille municipalités?
Les baux n'ont jamais empêché une vente. La loi Emptorem a toute sa force en faveur de l'acquéreur ; mais les baux font connaître la valeur des objets, et comment connaître celle des biens cultivés par l'usufruitier? On sait que la plupart des ecclésiastiques se faisaient donner de forts pots-de-viu. Le fermier cependant calculait la mort possible de Yabbè ; il savait que son bail était, dans ce cas, résilié de plein droit, et c'est d'après cette chance et ses avances, qu'il se soumettait à donner tant par an de ferme de telle abbaye, de tel prieuré, etc. Si la vente, des bénéfices se fait d'après de pareils baux : quelle perle pour la chose publique : quel profit, au contraire pour la rue Yivienne!
La vente de ces biens ne pouvant être que successive, le Trésor public aura des revenus connus, certains, lorsqu'ils seront affermés; s'ils ne le sont pus, il lui sera envoyé des quittances de réparations, de frais de régie, d'administration, c'est-à-dire beaucoup de papier et peu d'argent.
Cependant vous avez 600 millions à rembourser incessamment. Opérez ces remboursements par la vente des biens morts, tels que les maisons des villes et autres établissements qui, avec une
grande valeur, ne rapportent cependant pas de revenus, et affermez sans délai tous les biens ruraux.
En me résumant, je le répète, Messieurs, ce n'est qu'en cédant à l'irrésistible nécessité des circonstances, que je propose une émission de 800 millions de billets de caisse nationale, dont 400 seront employés à retirer les 4Q0 millions d'assignats que vous avez précédemment décrétés.
Ces billets de caisse sans intérêt, mais qui auront un cours forcé, ne sont que du papierr monnaie{ et le papiers-monnaie atoujours-repugné âmes principes. Ces opérations, dangereuses pour l'agriculture, le commerce,, le change avec les puissances étrangères et l'assiette de l'impôt; occasionnent des convulsions, des secousses violentes dans un Etat. L'émission en doit être lente et successive. Si elle était augmentée de 1,900 millions, jl y aurait une subversion totale dans les fortunes des particuliers, et un renversement absolu de tout système de finance; le numéraire sortirait de toutes parts, et l'anéantissement politique de la France en serait le résultat.
J'ai préféré aux quittances de finance avec in- térêt, un bordereau de liquidation de chaque créance, auquel est attaché une prime décroissante de 1 0/0 de six mois en six mois, afin d'obliger les porteurs de ces bordereaux à faire l'acquisition des biens nationaux, pour ne pas garder un fonds mort.
J'ai proposé de vendre de préférence les biens nationaux des villes, parce que la plupart ne rapportent pas de revenu, quoique ayant une valeur considérable, mais morte; et d'affermer les biens ruraux, afin de les yendre en plus grande connaissance de leur valeur ; et en attendant leur vente, le Trésor public recevra un produit auquel. Ce produit diminuera d'autant la somme des contributions; car il qe faut pas se déguiser le résultat de la vente des biens du clergé; c'est le remplacement de leurs revenus, par un impôt perpétuel pour payer le culte et $es ministres.
Je crois aussi, Messieurs, qu'il serait instant que l'Assemblée décrétât incessamment la fabrication de 50 à 60 millions de monnaie-bi lion, afin de faciliter ses échanges et ses acomptes ; il n'est pas moins instant de rétablir la force publique : en vain ferez-vous d'excellentes lois si elles restent sans exécution,
D'après ces différents développements, Messieurs, j'ai l'honneur de vous proposer le projet de décret suivant ;
L'Assemblée nationale, persuadée qu'il est de la dignité comme de la justice de la France d'acquitter la dette contractée au nom de l'Etat ; que 1 emprunt est la principale cause du désordre des finances ; que la plupart des opérations n'ont été que des emprunts déguisés, et Ua cause de l'augmentation effrayante de la dette publique ; convaincue que, eans l'entière liquidation de celte dette dont les payements successifs doivent être assurés ; que sans le rétablissement de la force publique qui peut seule effectuer le recouvrement des contributions des peuples, il ne peut exister dans un grand empire aucun moyen de rétablir l'ordre dans les finances, et de garantir les personnes comme leg propriétés, a décrété et dé crête :
Art. 1er. 11 sera créé pour 800 millions de billets de cause nationale, qui auront cours dans tout le royaume sans que cette somme puisse être oxcédéo
Art. 2*Ces billets de 10Ô, 200,300 et 1,000 livres,
reçus de tous débiteurs envers tous les créanciers et dans toutes les caisses tant publiques que particulières, ne porteront point intérêt.
En conséquence, les 400 millions d'assignats décrétés" les 19 et 21 décembre 1789, 16 et 17 avril 1790, avec un intérêt de 3 0/0, seront retirés successivement et remplacés par des bil-| îets de caisse nationale.
Art. 3. Les billets' de caisse nationale seront signés par douze députés du commerce des principales places du royaume. Ces députés tiendront des registres cotés et paraphés, contenant le nombre, la somme, la date et le numéro des billets mis en circulation.
Art. 4- Le Trésor public retirera par chaque mois, à commencer du 1er janvier 1791, pour deux millions au moins de ces billets, lesquels . seront brûlés en présence des douze commissaires-députés du commerce, dont il sera dressé procès-verbal qui constatera le nombre, la somme, fa date, le numéro et la sincérité de ces billets ; les registres seront émargés et déchargés des billets brûlés.
Art. 5. La dette exigible sera payée de la manière suivante :
Chaque partie d'icelle sera liquidée et arrêtée au comité de liquidation ou de judicature, qui, sur le rapport fait et décrété par l'Assemblée nationale, remettra au propriétaire, titulaire ou porteur de la charge, office ou compte liquidé, un bordereau qui sera annexé aux titres constitutifs de la créance.
Art. 6. Chaque bordereau sera signé de six membres du comité de liquidation ou de judicature, en vertu d'un décret de l'Assemblée natio-nale.
Art. 7. Il sera attaché à chacun de ces bordereaux une prime décroissante de 4 0/0, à partir de la date de liquidation.
Art. 8. Les bordereaux, auxquels seront annexés les titres constitutifs et pièces y relatives de la créance liquidée, seront commerçables et forcés de tous débiteurs envers tous créanciers.
Art. 9, Tout porteur de ces bordereaux pourra acquérir des biens nationaux ; et en jouissant de cette faculté dans les six premiers mois, à compter du 1er janvier 1791, Si la date du bordereau liquidé est antérieure à cette époque, il touchera la prime de 4 0/0 ; au 1er juillet 1791, il ne touchera plus que 3 0/0; au l" janvier 1792, que 2 0/0 ; au 1er juillet 1792, que 10/0.
Ce dernier délai expiré, la prime tenant lieu d'intérêt sera supprimée.
En conséquence de ces facilités accordées, la prime décroîtra de six mois en six mois, à dater du jour de la liquidation de chaque bordereau ; en sorte qu'à l'expiration des délais énoncés, il cessera d'en jouir, sans néanmoins perdre de la valeur de son capital, qui pourra, dans tous les temps, être employé en acquisition de biens nationaux.
Plusieurs membres demandent l'impression du discours de M* de La Galissonuière. L'impression est ordonnée.
, député de Carcassonne (1). Messieurs, lorsque les bons esprits, également animés du désir
de découvrir la vérité, se divisent d'opinions sur un sujet, il y a lieu de penser que la
matière est délicate et embarrassée. Telle pou-
Je ne vous répéterai pas ce que d'autres vous ont développé ; je ne yous peindrai pas les assignats, portant la désolation dans toutes les classes de citoyens, mettant aux prises celui qui a prêté son argent avec celui qui pe lui offrirait que du papier ; l'homme confiant et simple, avec le spé^ . culateur adroit ; offrant à l'industrie un salaire mensonger ; ne présentant que des terres inutiles à ceux qui ont besoin de pain ; faisant déserter les manufactures et soulevant partout les habitants des campagnes. Ma présence à cette tribune est le, signe certain de mes alarmes et du danger qui menace la chose publique.
Je conviendrai, si 1 on veut, avec les partisans du papier-mpnnaie, que rien ne serait plus beau dans la théorfe, que rien ne servirait mieux dans la circonstance, si tous les Français, tous les étrangers, s'engageaient sur leur tête à lui prêter une créance constante et inaltérable, mais on ne me contestera pas qu'il n'est rien de plus funeste dans la pratique que ce papier, lorsque chacun le repousse dans la capitale et dans les provinces ; on le reçoit pour une moindre somme que celle qu'il représente,
Ainsi, l'unique ou tout au moins la principale base (la confiance publique) sur laquelle les pro-r moteurs des assignats les font reposer, croule déjà sous nos veux ; ce qui suffirait pour les proscrire sans autre examen,
Encore une fois, mon objet n'est pas de traiter à fond une matière qui a été épuisée par ceux qui m'ont précédé. Sa haute importance seule m'a engagé à vous présenter quelques réflexions détachées, à énoncer mon avis, et à vous montrer l'abîme ou l'on peut vous entraîner,
Dans ce pressant danger, je m'adresserai principalement à cette portion de l'Assemblée nationale qui, par son courage et son grand sens, a sagement secondé la Révolution dans le peuple, opérant dans toutes les parties de l'Empire ; elle ne voudra pas compromettre tant de travaux par une fausse opération de finance.
On vous a souvent répété que vous faisiez une injustice aux créanciers de l'Etat, si vous les payez avec un papier libre, qui ne pourrait pas servir à acquitter leurs dettes, JÀe voit-on pas j qu'en leur cédant les plus belles propriétés du royaume, vous les traitez comme les aînés de la grande famille, au moment même où l'Etat, sans vous, était forcé de leur faire banqueroute? C'est pour eux que vous avez fait rentrer dans vos mains les domaines nationaux » Ces biens qu'il «ût été si doux et si politique d'abandonner a la classe indigente de la nation, sont 4evenus le gage, l'hypothèque et la marchandise que vous avez promis à vos créanciers ; ils ne comptent pas sur autre chose. S'il en était autrement, s'ils pouvaient se défaire, envers qui il leur plairait, du papier territorial qui doit les rembourser, vous mettriez la nation entière entre les créanciers et les biens nationaux, vous lui feriez payer dé sa fortune une liberté qu'elle a conquise sans vous, et que vous ne lui pouvez ravir qu'en la lui rendant odieuse. L'honnête homme, qui n'a point contracté avec l'Etat, qui ne l'a oonnu que pour lui payer de forts subsides, qui n'a pris aucune alarme sur sa fortune, se trouverait tout à cpup Sacrifié.
Le citoyen, qui a assez de ses propriétés, serait tenu d'en acheter de nouvelles, si ses créances ou ses denrées lui rentraient en papier ; il manquerait, faute de numéraire, l'établissement de ses filles, à moins que vous ne supposiez que nos jeunes gens se chargeaient tout à, la fois et d'une femme et d'une dot en assignats.
L'artisan qui n'a que le fonds nécessaire pour ses ateliers, remboursé de ses avances, en papier, gérait réduit à abandonner sa profession, pour devenir agriculteur forcé et malhabile. Pour comble d'infortune, et comme si tous les maux devaient découler de l'opération qu'on vous propose, le papier-monnaie, qui excéderait la valeur des biens nationaux, serait perdu pour les derniers porteurs ; vous comprenez aisément que ce ne géraient pas les créanciers, puisqu'ils auraient été les premiers à les verser dans la société.
On a prétendu que l'immense dette de l'Etat était celle de tous les particuliers, ce qui suppose qu'au besoin et en cas d'insuffisance des biens nationaux, il faudrait les chasser de leurs demeures, pour y loger les créanciers. Quand on professe une pareille doctrine, on doit se mettre peu en peine, si les assignats, dans leur course meurtrière, porteront l'effroi et la désolation dans les campagnes.
Je vous le demande : Pouvez-vous frapper sur la fortuné de tous les pères de famille, au profit d'une classe de citoyens où l'on compte sans doute des gens honnêtes, mais dont une partie a été le fléau de l'État, et deviendrait votre bour- ' reau, depuis qu'elle ne peut plus être votre tyran ? * ,
Moi ! je contribuerais, pour ma part, à anéantir le patriotisme de deux cent cinquante mille individus pauvres et laborieux, qui comptaient sur ma probité ét mon courage pour les défendre ( je le compromettrais, pour faire face à une créance dont une partie est frauduleuse !
Rappelons-nous, mes chers collègues, mes frères de courage, de patriotisme et de persévérance, rappelons-nous les témoignages de confiance et de satisfaction que nous avons reçus dans nos bailliages respectifs de ces bons laboureurs dont ie suffrage nous a revêtus des fonctions augustes que nous remplissons depuis dix-sept mois, en promettant sans cesse d'améliorer leur sort.
Retournerons-nous auprès d'eux pour leur apprendre que nous ne nous sommes occupés que du sort des créanciers qui n'étaient pas les leurs avant le 17 juillet de l'année dernière? Leur di-rons»nous froidement : nous avons converti vos denrées, vps salaires, le douaire,de vos femmes, de vos filles en un papier que vous ne savez pas lire, que vous ne saurez pas discerner quand il sera contrefait, qui sera perdu pour vous quand ii sera faux ; nous avons fait disparaître, concentré dans les coffres des capitalistes, ou chassé chez l'étranger, le seul signe qui ne pouvait pas périr dans vos mains, auquel vous êtes accou tumés, qui avait et méritait seul votre confiance?
Une vérité que la réflexion toute seule dé-= couvre, et que l'expérience démontrera, c'est que si vqus voulez vendre les biens nationaux, il vous faut des quittances de finance, ou des délégations nationales, Si vous voulez aliéner le peu d'argent qui se montre encore, créez des assignats.
Que reste^t-il qui puisse combattre, dans votre esprit, en faveur du papier-monnaie? EsNce le concert qui règne entre des orateurs qui ont paru diriger vos délibérations, parce quils ont
eu le bon esprit de professer habituellement des principes que vous auriez consacrés sans eux ? Mais vous vous êtes soustraits à leur influence toutes les fois qu'ils se sont trompés. Ce n'est pas d'eux que vous avez reçu le décret qui vous constitua en Assemblée nationale, ce qui rend le veto suspensif, et tant d'autres décrets qui n'ont été puisés que dans votre sagesse. Il est satisfaisant peut-être pour vous, que des membres très distingués par leurs talents se soient déclarés partisans du papier-monnaie. En rejetant ce papier qu'ils Vous offrent, vous apprendrez à l'Empire, à l'Europe que la raison seule fixe votre suffrage ; vous répondrez ainsi à la plainte ridicule que j'ai entendu faire, que quelques hommes maîtrisaient l'Assemblée nationale de France.
Je vous prie d'observer que l'orateur qui n'a déployé que de l'éloquence en faveur des assignats, qui nous a menacés de prendre encore la parole, à l'appui de ce système destructeur, est évidemment égaré aujourd'hui par son imagination, ou qu'il l'était l'année dernière. Il écrivait en 1789 : « Le papier-monnaie est un foyer de tyrannie, d'infidélité et de chimère; une véritable orgie née de l'autorité en délire. »
C'est cette proscription, prononcée par M. de Mirabeau, que je vous supplie de confirmer, en rejetant la masse d'assignats qu'il vous propose. Inutilement dirait-il : Le papier que j'ai décrié ne valait pas celui que je vous offre ; l'un portait sur uue confiance folle, sur un prestige que rien ne pouvait justifier; l'autre repose sur des fonds qui sont dans nos mains. Que m'importent des fonds, répondront ceux qui ont un commerce à alimenter, des enfants à établir? Ce n'est qu'avec perte que nous convertirons vos assignats en argent ; vos fonds sont une monnaie dont vous devez payer vos créanciers, sans nous mettre dans la nécessité de les acheter.
En effet, supposons pour un instant que les biens nationaux fussent divisés en coupons correspondants à chacune des créances que vous avez à éteindre : qui me niera, dans cette hypothèse, qu'il faudrait renvoyer chaque créancier en possession de son lot? Si vous ne pouvez pas remplir une mesure aussi juste, aussi conforme aux engagements que vous avez pris, vous en approcherez en donnant à vos créanciers des délégations nationales; ils iront alors, selon leur choix et leur convenance, se placer sur vos domaines, où ils vendront ces délégations de gré à gré aux autres citoyens qui voudront acquérir ; vous éviterez par là de porter le trouble dans la nation qui ne vous demande rien, et qu'un papier-monnaie à grande masse ruinerait infailliblement.
On a répandu dans le public, on a dit dans cette tribune, que la portion de cette Assemblée, qui paraissait contraire à la vente des biens nationaux, ne voulait pas des assignats afin d'éluder un moyen favorable à cette vente. Je doute que le clergé conserve sur ses anciennes possessions une prétention proscrite par la nation entière ; mais ce qu'on ne peut pas se cacher, c'est que le clergé étant salarié il doit craindre, si les assignats prennent la place des écus, qu'on le paye en papier, ce qui forcerait ses membres respectifs d'acheter des biens nationaux, et de mourir de faim en attendant, ou de vendre, pour vivre, les assignats à perte. Ainsi la résistance du clergé peut avoir pour objet de sauver une partie de la subsistance de divers salariés dont il partage le sort, et dont il court les chances.
On a tu ces raisons pour jeter adroitement du doute sur le civisme de ceux qui s'opposeraient
à l'émission des assignats. Déjà des cris menaçants (je ne dis pas payés) se sont fait entendre contre eux dans les groupes qui viennent périodiquement entourer votre salle, et qui grossissent à mesure que votre délibération s'avance.
Ces considérations seules m'eussent imposé le devoir de me montrer dans ce moment pour me rallier à vous, pour déclarer avec vous qu'il n'y a rien que nous ne bravions pour sauver la fortune et la tranquillité de nos commettants, qu'on pourrait compromettre.
Un dernier argument : on n'a cessé de vous dire qu'il faut des assignats pour éviter la banqueroute.
Je réponds que les assignats produiront la banqueroute.
Tous les jours vous pouvez voir comme moi, à la rue Vivienne, qu'ils la produisent partiellement, au préjudice de ceux qui les y échangent avec perte ; aucun de nous ne doute que les marchands d'argent ont déjà gagné plusieurs millions. Si ce jeu redoutable s'introduit en province, on assure que la cupidité l'y a déjà établi, voici ce qui en résultera :
On ne peut évaluer à moins de 15 ou 18 milliards les diverses créances qui existent dans le royaume en contrats à jour, constitués, viagers, lettres de change, billets, prix de ventes, douaires, légitimes, remboursements de droits féodaux, etc., etc. Si les débiteurs de ces créances projettent leur libération en papier-monnaie, s'ils attendent le moment où sa masse sera accrue et sa confiance diminuée, nous les verrons occupés à acheter des assignats avec profit pour les donner à des créanciers qui, s'ils ne doivent rien, (comme cela arrivera souvent) chercheront bien vite à s'en défaire à moindre perte. C'est alors que nous offrirons l'hideux et effrayant spectacle d'une nation d'agioteurs. Toutes les fortunes seront ébranlées, et les assignats auront fait une plaie plus fatale à la société que celle qu'elle aurait reçu d'une banqueroute déclarée.
Si on m'objecte, comme on l'a fait, que les assignats qu'on vous propose, ne portant intérêt, auront un cours plus favorable, tandis qu'aujourd'hui on ne peut s'en défaire qu'en sacrifiant l'intérêt et cinq et un quart en sus, si l'on me soutient qu'ils cesseront de perdre quand leur nombre sera infiniment accru, quand tout le royaume en sera inondé et que la falsification sera mêlée aux autres sujets d'alarme qu'ils entraîneront avec eux, à tous ces absurdes paradoxes je n'ai rien à répondre.
projet de décret.
Je propose le décret suivant : L'Assemblée nationale décrète que le payement de la dette exigible sera fait en papier de cours libre, sous le nom de délégations nationales, sans autre délai que celui qui résulte de la nature des choses. Comme les titulaires des charges ou offices supprimés sont des créanciers forcés et favorables, je consentirais à l'amendement, s'il était fait, d'autoriser les titulaires de rembourser en ce même papier qu'ils auraient reçu, ce qu'ils peuvent devoir du prix de leur charge ou office, hypothéqué par le vendeur.
Ordre de travail.
Je désirerais, de plus, que l'Assemblée adoptât,
sur la délibération relative aux assignats, l'ordre de questions suivant :
1° Remboursera-t-on les créanciers de l'Etat en assignats ou en délégations nationales?
2° Les assignats ou délégations nationales produiront-ils un intérêt, ou non? Si on y attache un intérêt, quels en seront la quotité et le mode?
3° Les titulaires des charges ou offices supprimés seront-ils autorisés à payer avec le papier qu'ils auraient reçu de la nation, ce qu'ils peuvent devoir du prix de leurs charges ou offices expressément hypothéqués par le vendeur ?
4° Remboursera-t-on la dette exigible en totalité ou en partie ?
S'il m'est permis d'énoncer d'avance mon vœu sur tous les points, je dirai: il faut des délégations nationales sans intérêts ; les titulaires supprimés pourront payer ce qu'ils doivent du prix de leurs offices hypothéqués avec les délégations nationales qu'ils auront reçues. La dette exigible doit être éteinte en entier.
J'ai médité les solutions que je vous soumets; je retiens la parole pour vous en prouver la justice, si elles sont soumises à la discussion ; je vous prédis d'avance sur ma tête les plus grands maux, si vous vous en écartez par des ménagements hors de saison.
Je déclare, en finissant, que je ne suis pas de l'avis de M. Démeunier, qui, après s'être élevé contre les assignats, pense qu'on peut en émettre 800 millions: c'est avec regret que je consentirais à une nouvelle émission pour le service strict et nécessaire du Trésor public, pour la fin de cette année. Dans une question où vous allez jouer le sort de l'Empire à rouge ou à noir, je pense, comme M. Démeunier, qu'on doit aller aux voix par appel nominal sur la question actuelle. J'en renouvelle la motion.
(1). Messieurs, vous avez une dette immenst: à payer; vous l'avez reconnue avec une loyauté digne de la nation que vous représentez. Mais le caractère dont vous êtes revêtus vous impose une obligation encore plus sacrée, celle de mettre un terme aux maux du peuple. Epuisé par deux siècles de déprédation, va-t-il renaître, ou continuer de languir? La Révolution sera-t-elle heureuse pour lui ? y sera-t-il attaché par son bonheur ? Voilà sur quoi vous avez à prononcer aujourd'hui.
Les dépenses indispensables de l'Etat, l'intérêt des dettes constituées et les frais du culte emploieront inévitablement un subside de 450 à 500 millions. Indépendamment de cette somme, si vous continuez d'atermoyer vos anciens et vos nouveaux créanciers, il faut pourvoir aux intérêts de 1,900 millions de dettes exigibles, à l'intérêt de 400 millions d'assignats, et à quelques remboursements annuels. Pouvez-vous faire supporter au peuple français cette double charge? Non, j'ose l'affirmer, vous ne le pouvez pas, et j'en appelle au sentiment intime de tous ceux qui m'entendent. Vous ne devez donc pas l'entreprendre, et vous êtes dans la cruelle alternative, ou de compromettre l'autorité nationale par des ordres inexécutables, ou de manquer à tous vos engagements.
Cependant vous êtes rentrés en possession d'un domaine immense; vous avez la volonté d'en
Avant d'entrer en matière, je m'expliquerai sur un point de fait dont on se servira pour combatire mon premier calcul. Le revenu des biens ci-devant ecclésiastiques, vous dira-t-on, doit balancer du moins une partie des intérêts de la dette exigible, et ce revenu doit être déduit des 120 millions désignés comme une charge pour le peuple. Ce n'est point par inadvertance que je ne fais pas cette soustraction. Quelque parfait que soit le système des impôts de 1791, il aura le sort des meilleures institutions, quand elles sont nouvelles. Perception, administration, principes, tout sera neuf. Le bénéfice du temps, de la routine même lui manquera. Il est donc d'une prévoyante sagesse d'accumuler, pour cette première année, de grandes ressources; et je crois nécessaire d'y destiner le revenu des biens nationaux qui seront encore dans vos mains, ainsi que la contribution patriotique de 1791. On ne peut considérer le royaume dans son état intérieur et dans ses relations politiques, sans être pénétré de l'importance dont il est que nous puissions nous montrer l'année prochaine, d'une manière digne de nous, à nos amis ei à nos ennemis.
Je passe à la question.
L'argent, vous a-t-on dit, disparaîtra entièrement vis-à-vis des assignats, lorsqu'ils seront muitipliés comme on vous propose de le faire, et déjà il est caché devant ceux qui existent, au point de rendre très embarrassant Je service du Trésor public et celui de tous les ateliers qui exigent des payements de salaires. Cette objection, la première de toutes, présente d'abord un fait dont les causes méritent d'être recherchées, et ensuite une prophétie alarmante. Après avoir examiné le fait, je passerai au mérite de la prédiction.
Peut-être pourrais-je me dispenser de justifier les assignats du reproche qu'ils essuyent, en prouvant qu'il éiait impossible de s'en passer. Il suffirait de vous rappeler que, longtemps avant leur émission, le numéraire était de la plus excessive rareté ; que les revenus de l'iîtat n'étaient point payés ; que le Trésor public ne subsistait que par uue ressource extraordinaire, et que cette ressource unique était une monnaie fictive qui ne circulait que dans la capitale, qui la surchargeait excessivement, et qui n'était d'aucun usage pour les provinces. Vous n'avez pas oublié que les anticipations sur les revenus de tout genre, ce fruit empoisonné de l'industrie ministérielle et financière étaient un moyen usé, qu'elles coûtaient, en pure perte, 15,800,000 livres par an, et que le discrédit total ne permettait plus de les renouveler. Vous savez que la caisse d'escompte, qui ne possédait qu'un capital de 100 millions, avait déjà fourni pour 170 millions de ses billets, et qu'incessamment cette somme eût été doublée ; que ces billets appuyés sur unefausse baseétaient un véritable papier-monnaie du genre de ceux qu'on ne peut trop se hâter de proscrire, qu'enfin il était bien heureux de leur pouvoir substituer
des assignats établis sur le meilleur et le plus solide des gages. Ces assignats vous ont tirés de ia plus épouvantable crise ; ils vous ont épargné la honte et le malheur d'une suspension totale de payement. On ne pouvait donc s'en passer. Mais on les accuse d'avoir augmenté ou prolongé la raretés de espèces : c'est ce fait que nous allons examiner.
L'argent est le premier besoin des nations formées en société, puisqu'il est l'intermédiaire convenu de tous les échanges ; dès lors, comme toutes les denrées de première nécessité, il devient un objet de sollicitude, toutes les fois que des circonstances alarmantes font naître des craintes, ou réelles, ou imaginaires. Ces craintes et le resserrement qui en est la suite, ont été remarquables dans tous les temps de Révolution. Une Constitution nouvelle, des haines de parti, l'espoir ou l'intrigue des mécontents, l'inquiétude des simples spectateurs, l'incertitude des événements, tout concourt à inspirer des précautions dont l'effet est de receler ce qui, d'un moment à l'autre, peut devenir nécessaire. L'alarme doit être bien plus grande et bien plus générale, lorsque la fortune d'une grande partie des citoyens se trouvant liée à la fortune de l'Etat, les affaires publiques ne présentent que désordre et pénurie. Ainsi l'argent devient nécessairement rare dans un pays où la Constitution est vivement combattue, et où l'on voit en même temps le Trésor public épuisé, le peuple aux abois, et les créanciers de l'Etat justement effrayés.
Telle est, malheureusement notre position. Peut-on s'étonner de l'effet, lorsque la cause est si évidente? Celte cause est très indépendante de l'existence des assignats : ainsi, pour rétablir l'abondance, il s'agit seulement d'affermir la Constitution, d'ôter toute espérance à ses ennemis, de les enchatoer au nouvel ordre de choses, par leur pFopre intérêt, et en même temps de diminuer le malheur du peuple, les embarras du Trésor public, et l'inquiétude des créanciers: alors l'argent reparaîtra, parce qu'il existe, parce que son existence est perdue pour ceux qui le possèdent, tant qu'il est oisif, et qu'au moment où les craintes cessent, l'intérêt individuel reprend nécessairement tout son empire. Mais, est-ce dans la plus horrible détresse qu'il fallait attendre ces fruits tardifs du courage et du temps ? Il était nécessaire de pourvoir au moment et de remplacer d'une manière quelconque le numéraire qui, chaque jour,se dérobait à nos besoins. Ce remplacement, inférieur, peut-être, au vide qu'il eût fallu remplir, a peu changé la proportion qui existait entre les espèces circulantes et les denrées de consommation ordinaire. Aussi leur prix n'a point éprouvé de variation ; mais lorsqu'il s'est répandu un nouveau numéraire, dont les plus petites pièces étaient de deux cents livres, la monnaie, rare depuis longtemps, est devenue un objet de spéculation. Tontes celles du commerce ont pour base des besoins, et la seule concurrence en prévient l'abus. Les acheteurs d'argent se sont trouvés aux ordres d'un trèspe-tifnombre de vendeurs; ils y ont perdu, cela devait être ; car, pour perdre sur une denrée quelconque, il sultii que le nombre de personnes qui veulent la donner en échange, soit plus grand que celui de ceux qui la recherchent. Il était possible d'opposer à cet inconvénient des mesures qui tendissent à rendre moins fréquente la nécessité de l'échange. Une proportion différente dans la division des assignats eût seule apporté un changement notable dans l'effet de
ces négociations, en rendant les appoints plus faciles à payer. Tel qui cherchait soixante-sepiécus n'en aurait plus cherché que quatre : une fabrication de monnaie de cuivre ou de billon, une émission de petite monnaie d'argent, ni assez bonne pour être resserrée ou exportée, ni assez mauvaise pour tenter les étrangers d'en introduire dans le royaume, et surtout une grande facilité accordée à la circulation des assignats eussent rendu presque impossible le moment de la crise.
Au lieu de cela, qu'a-t-on fait ? tout ce que les ennemis delà Révolution eussent conseillé pour décréditer les assignats. Us n'ont pas été plus tôt créés, que dans toutes les caisses on a défendu de les recevoir, dès qu'on aurait un prétexté pour les refuser; de sorte que le peuple a pu croire que le gouvernement mettait une grande différence entre cette monnaie et les écus, qu'il ne s'en servait même que pour lui enlever son argent. Vous avez été poursuivi ici par un projet de décret qui transformait cet abus en loi; Votre sagesse s'y est constamment refusée et certes, si vous l'eussiez adopté, le mal était sans remède. Que l'on fasse donc le contraire de tout ce qui a été fait jusqu'ici ; que les assignats jouissent partout de la plus grande faveur ; qu'une division nouvelle les rende plus propres aux différents échanges et à tous les appoints ; qu'une forte émission.de petite monnaie aille au secours du peuple, et alors l'inquiétude se calmera; alors on verra diminuer sensiblement un mal qui n'a pour origine que le défaut de prévoyance ou les plus fausses combinaisons.
Les premiers assignats étaient donc indispensables : ils ont rendu un grand service à la chose publique*, en suppléant a la rareté des espèces dont jamais ils n ont été la cause, et dont il était si facile de faire disparaître l'effet. Passoas à ce qui concerne l'avenir, et suivons le même ordre de raisonnement pour les nouveaux assignats que l'on vous propose de créer.
Sont-ils indispensables ? Produiront-ils le mal que l'on présage ?Doit-on, au contraire, en espérer le bien que l'on vous promet?
Le premier besoin du peuple est, sans contredit, la diminution des impôts, et il est impossible de les diminuer sans décharger le Trésor public d'une grande partie des intérêts de la dette et des remboursements annuellement promis. Il est également impossible, car cela serait injuste, de modérer les intérêts sans rembourser. Pour être en état de le faire, il faut un moyen qui supplée à l'argent qui vous manque. Vous le trouvez dans ia valeur des immeubles dont la nation peut disposer. Cette valeur n'est pas de nature à être distribuée réellement; mais elle peut être représentée par un signe de convention qui, d'un moment à l'autre, deviendra la chose même.Gette distribution anticipée de valeurs, n'étant que fictive, invite tous ses possesseurs à la réaliser ; on leur en donne les moyens; les immeubles leur appartiennent d'avance ; il ne s'agit, pour eux, que de procéder au partage par la voie de l'ad- judication, et rien n'est plus essentiellement simple. Mais de semblables valeurs dérivant d'une propriété publique ne peuvent pas être bonnes pour quelques citoyens, sans l être également pour tous. C'est de la loi qu'elles tiennent leur caractère. La loi appartient à tous et ne peut favoriser exclusivement personne; il faut donG que ces valeurs puissent être transmises sans négociation et sans risque ; elles doivent donc être une monnaie, et c'est bous ce rapport qu'il faut les considérer pour en juger l'effet. Examinons
d'abord s'il eût été possible d'arriver au même but en suivant la route ordinaire, c'est-à-dire en vendant pour payer, au lieu de payer pour vendre.
On vous a dit que la vente des anciens domaines de "l'Eglise se ferait fort bien sans aucun stimulant; que c'était un soin superflu de créer un nouveau numéraire pour les acheter; qu'il existait plus de deux milliards en espèces dans le royaume;que cette somme, jointe à 400 millions d'assignats existants et à ceux qu'il faudra y ajouter encore, suffirait et au delà pour acheter les biens du clergé. Mais ceux qui calculent ainsi ont-ils songé que, sur cette somme, il faut prélever celle dont les besoins journaliers de vingt-six millions d'hommes exigént l'emploi, et dont on ne peut, sous peine de la vie, changer la destination ? Ont-ils considéré que la culture emploie d'immenses capitaux; que le commerce en absorbe d'autres presque aussi considérables ; que les manufactures n'existent que par eux ; que la seule circulation des peuples au Trésor public par les impôts, et du Trésor public aux citoyens, par mille versements divers, met en mouvement 600 millions qui ne peuvent cesser un seul instant d'y êtrè ? S'il était possible de supputer la somme des salaires d'un seul jour, soit dans l'administration, soit dans l'armée, soit dans les ports, soit dans les ateliers, soit même dans la domesticité, pourrait-on assurer qu'il existe un superflu dont il fût possible de détourner le cours pour le porter vers les acquisitions ? Depuis plus de vingt ans, dix mille terres sont à vendre dans le royaume, et personne ue les achète. Pourquoi? Parce que nous manquons de la denrée avec la-quélle on acquiert des biens-fonds, et c'est dans cet état de stagnation générale qu'on espérerait vendre, avec quelque avantage, une quotité d'immeubles égale, supérieure peut-être à celle du numéraire, ou réel, ou fictif que nous possédons? Non, Messieurs, vous savez trop bien quelle surabondance il faut pour que, tous les emplois lucratifs étant remplis, on se détermine à venir demander à la terre sa fidèle, mais modique rétribution . Etablissez-la donc cette surabondance, sans laquelle vos ventes se feront mal, se feront lentement, ne se feront peut-être jamais. Songez qu'en attendant, il s'accumulera des intérêts énormes. L'échéance des remboursements arrivera, il faudra les suspendre. Vous vous verrez forcés d'écraser ce malheureux peuple que vous pouviez sauver, et vous n'aurez pas même des consolations dans l'avenir. Rembourser pour vendre, est donc le seul moyen de décider, de hâter le3 ventes. La nouvelle émission d'assignats est donc d'une nécessité absolue. Vainement on se flatterait d'y suppléer, en admettant les effets publics dans les payements : les tranquilles capitalistes qui les possèdent sont accoutumés à une jouissance paisible. Ils ne renonceront qu'à la dernière extrémité à un revenu trop considérable, trop commode surtout. La seule crainte de la banqueroute peut les engager à s'en défaire, et cette crainte qui nous assiège, porte à tout réaliser en écus, à les enfouir, ou a .disparaître avec eux. Les titres de charges ne présentent pas, il est vrai, les mêmes motifs, mais que de formalités leur échange n'exigerait-il pas ? Gomment purger les hypothèques dont elles sont grevées? Comment approprier les objets d'acquisition à telle valeur précise ? Que d'entraves, que d'embarras, quel rétrécissement à la concurrence, et peqdaut ce temps-là que deviendront nos domaines ? Ils diminueront tous les jours de valeur.
Chaque municipalité en disposera. L'habitude d'en jouir se transformera en droit, et c'est alors que les acquéreurs alarmés craindront avec raison de se voir entourés d'ennemis dans chacun des lieux où ils voudraient devenir propriétaires. Les assignats parent à tous ces inconvénients, ou les préviennent. Ils sont donc indispensables.
Une seule objection m'a paru avoir quelque solidité. On se croit incertain de la valeur du gage destiné à être représenté par les assignats; mais du moins cette objection suppose que, si le gage était égal ou supérieur à ce qui le représente, il n'y aurait aucune inquiétude raisonnable à concevoir; peut-être pourrais-je me permettre ici d'adresser quelques représentations aux deux qo-mités chargés des affaires ecclésiastiques, l'un pour la régie, l'autre pour l'aliénation, sur ce qu'ils ne nous ont pas encore fourni la véritable réponse, en nous donnant, non des présomptions, mais des états complets. Il est probable qu'ils s'en occupent; mais du moins, en attendant, nous avons, sur cet objet, des aperçus aussi vraisemblables que satisfaisants. J'ai vu depuis quelques jours dans les bureaux ecclésiastiques, et j'ai entre les mains un travail d'évaluation fait d'après le compte rendu par douze cent quatre-vingt-six municipalités prises, non dans le Gambrésis, non en Flandre, ni dans les autres provinces connues pour être si riches en biens ecclésiastiques, mais dans le département de Paris, la ville exceptée, et dans ceux de Seine-et-Marne etxle Seine-et-Oise. Il résulte de ce compte une trè3 grande probabilité, pour ne rien dire de plus, que le revenu territorial des domaines na~ tionaux dans tout le royaume s'élève au delàda 132 millions. Il faut ajouter à cette somme le prix des possessions que renferment la ville de Paris et les autres grandes villes, la valeur des bâtiments d'habitation, 1e revenu attaché aux cure» dont l'évaluation n'est pas compromisedans l'état dont je parle, et enfin les anciens domaines de la couronne. Je crois donc ne rien exagérer, en portant le capital dont nous avons la disposé tion, au delà de quatre milliards ; les bois y sont dans la proportion du quart au cinquième, ainsi nous pouvons, en les réservant, compter encore au moins sur trois milliards, et vous savez que, pour acquitter la dette exigible, et pour absorber les assignats, il n'en faut pas, à beaucoup près autant : une raison, qui me semble très forte, vient à l'appui de ce calcul. Si nous nous trompions beaucoup dans nos évaluations, de combien de preuves ne serions-nous pas accablés par les nombreux intéressés à la conservation des Diens ecclésiastiques? Ils disent bien que nos calculs sont chimériques; mais ils ne le3 réfutent pas par d'autres calculs plus positifs, et cependant ils sont à la source. S'ils avaient des faits à citer, répéteraient-ils si souvent que, tôt ou tard, le clergé rentrera en possession de ses biens, et en chassera les sacrilèges usurpateurs ? Ils sentent à merveille que leur éloquence échouera contre l'intérêt des porteurs d'assignats; et qu'en leur retraçant les horreurs du système, ils ne feraient que les exciter à prendre au plus tôt possession de quelque abbaye, pour se mettre à l'abri de tout danger. Leurs citations, au reste, ne sont pas heureuses, ou du moins ne nous sont pas applicables. Est-il une époque dans l'histoire, où des terres que chacun avait sous les yeux, aient été représentées par des valeurs en papier, et où ces valeurs se soient évanouies? Le Mississipi sera-t-il opposé à l'abbaye de Gîteàu, à l'abbaye de Cluny, et à cette foule de maisons religieuses
dont l'opulence contrastait si fort avec la misère publique ? La difficulté des ventes, faute de moyens d'acquérir, voilà le seul obstacle que vous ayez à vaincre. Cette impuissance, ou générale, ou prolongée, est le dernier espoir des ennemis de la Constitution; mais il sera déçu comme tant d'autres. L'Assemblée nationale n'aura pas vainement entrepris de sauver l'Etat. Les assignats seront le lien de tous les intérêts particuliers avec l'intérêt général. Leurs adversaires même deviennent propriétaires et citoyens par la Révolution et pour la Révolution. Ils vivront de cette terre désormais affranchie malgré eux, et ce sera le terme des vaines terreurs par lesquelles ils voudraient nous arrêter.
Après avoir prouvé que la nouvelle émission d'assignats est le seul moyen de déterminer, de forcer même, en quelque sorte, la vente des domaines nationaux, et que par conséquent elle est indispensable, faudra-t-il répondre au danger de cette affluence de concurrents qui se présenteront aux ventes, et qui seront tous froissés dans l'étroit passage qui leur sera ouvert; cette hyperbole signifie sans doute que la création des assignats animera beaucoup les enchères et élèvera le prix des domaines nationaux. N'est-ce pas précisément ce que nous cherchons? On sera forcé d'acheter trop cher, vous a-t-on dit, et là l'injustice commence. Ah I Messieurs, puissions-nous n'avoir à nous reprocher d'autre injustice que celle d'avoir fait fructifier pour la nation le domaine de la nation 1 Chacune des larmes que nous aurons épargnées au peuple, sera notre récompense. Et qu'importe à l'Etat que les terres soient achetées à un prix élevé ! L'industrie en aura plus d'intérêt à s'y exercer. Faut-il donc, pour être justes, que nous appliquions les calculs de la banque à des valeurs territoriales? Elles n'ont point de denier fixe, comme il n'y a point de bornes à leur produit, lorsque des mains économes et libres les cultivent. Nous reviendrons à des goûts plus simples, à des mœurs plus pures : sont-celà les malheurs dont ori nous menace?
L'avantage des assignats pour la vente des domaines n'est plus douteux; il s'agit à présent d'examiner quelle sera leur influence dans la circulation.
Je commencerai par observer que, si leur effet certain est de se précipiter vers les acquisitions des biens-fonds, ils ne feront que le chemin nécessaire pour y arriver, et que l'intervalle sera bien court entre leur sortie du Trésor public et leur disparition dans la caisse de l'extraordinaire. Mais enfin, suivons-les pas à pas, tâchons de ne pas les perdre de vue un seul instant, et dans la route qu'ils doivent parcourir, examinons s'ils feront tout le ravage dont on les accuse à l'avance. C'est sur ce point que l'on a surtout cherché à effrayer l'imagination. Je ne m'arrêterai pas ici à combattre des prestiges ; c'est la raiso/i qui va nous juger, c'est elle seule qu'il s'agit de convaincre.
A entendre certains spéculateurs, on croirait que, si l'Assemblée nationale décrète le remboursement de la dette exigible en assignats, tout à coup 1,900 millions de papier vont fondre sur têtes, et courant de main en main, suivant l'em-pressément que chacun aura de s'en défaire, vont inonder la capitale tt les provinces. Il semblerait que ce papier, représenté par la dixième partie des propriétés du royaume, aura tout à coup perdu sa valeur en dépit de l'évidence et de l'intérêt très réel que chacun aura à l'employer utilement. De là, on nous peint tous les désastres, arrivant à sa
suite, les ateliers déserts, les denrées les plus nécessaires doublantdeprix, lecommerce anéanti, le peuple au désespoir et le royaume presque déserté par ses malheureux habitants.
A ce tableau fantastique, je n'opposerai que la simple vérité. La fausseté de la supposition me dispensera peut-être d'en discuter les conséquences. L'accumulation des assignats dont on veut nous effrayer, n'est qu'une chimère; leur émission sera successive par le seul mécanisme de leur fabrication; leur distribution sera lente par les formes indispensables de la liquidation. La rapidité de leur écoulement par les ventes surpassera vraisemblablement celle de leur production ; enfin, il sera plus nécessaire de chercher des moyens pour suppléer au retard de leur émission que pour en prévenir l'engorgement, et,- quelque somme que vous en décrétiez, il n'en existera peut-être jamais la moitié. Je ne veux cependant pas éluder la difficulté, et je les suppose tous, non successivement, mais à la fois dans les mains destinés à les recevoir.
Alors de deux choses l'une, ou les besoins de la circulation appelleront les assignats dans le commerce, ou le discrédit les en repoussera. Si la circulation les y appelle, c'est qu'ils y seront utiles ; c'est que, sans leur secours, il y aurait pénurie d'espèces; alors ils s'y soutiendront sans peine, ils y conserveront leur valeur, ils ne seront à charge à personne, et les dangers que l'on vous présage ne sont que des rêves de l'imagination. Si, au contraire, la circulation les repousse, on les refusera dans tout marché libre, ils perdront beaucoup contre l'argent et même contre les marchandises ; mais alors il me paraît démontré que leurs possesseurs, certains de les placer au pair dans l'acquisition des domaines nationaux, se garderont bien de s'en servir pour tout autre usage. Dans l'alternative d'employer à leur dépense des écus ou des assignats, ils ne pourraient hésiter à consacrer de préférence leurs écus aux besoins de la vie, et à réserver les assignats pour leur véritable emploi. Enfin,dans le besoin absolu d'argent, s'ils étaient forcés de s'en procurer à perte, ce ne serait jamais que pour le plus strict nécessaire, et la majeure partie des assignats suivrait toujours sa vraie destination ; car en cela, comme en toute autre chose, l'intérêt est la plus sûre boussole des actions humaines.
Mais, vous a-t-on dit, il pourrait arriver que des particuliers n'ayant que de petites sommes en assignats, ne voulussent pas acheter de domaines et ne pussent échanger leurs billets contre de l'argent.
Je répondrai qu'une somme, quelque modique qu'elle puisse être, est, pour son possesseur, la représentation d'un capital destiné à lui donner du revenu, ou une somme réservée pour ses dépenses. Sous ce dernier rapport, j'ai indiqué les moyens d'administration nécessaires pour faciliter les échanges. Dans la première supposition, celle d'un capital à employer, peut-être ne serait-ce pas un si grand mal que la paresse fût sollicitée par l'intérêt pour i'emploien terres; mais si la paresse est la plus forte, le propriétaire de l'assignat le prêtera à un acquéreur, et aura une hypothèque au lieu d'une propriété foncière; enfin, il fera ce qu'il ferait avec de l'argent, excepté qu'il n'aura plus la ressource d'agioter de3 effets sur la place.
Cette distinction entre les capitaux destinés à être productifs, et les sommes consacrées aux dépenses, mérite la plus sérieuse attention ; elle est décisive dans la question qui nous occupe.
La totalité de ce que vous avez à payer dans ce
moment-ci, consiste en capitaux dont le revenu fait vivre ceuxqui les possèdent : ainsi, en général (car un objet semblable ne peut être considéré qu'en masse), ces capitaux chercheront à se placer plus ou moins avantageusement suivant les circonstances et les possibilités. Un grand marché en biens-fonds s'ouvre à l'instant même où cette foule d'intérêts est dirigée vers un but commun, celui de placer. Ce marché n'est pas seulement dans un endroit, il est sur toute la surface du royaume, et partout, à tous les jours, à toutes les heures, la monnaie de l'Etat est reçue dans son exacte valeur sans contestation, sans parité avec aucune autre. Un assignat de 1,000 livres vaut 1,000 livres d'un bout du royaume à l'autre : il ne s'agit plus de l'échanger contre de l'argent; c'est, au contraire, l'argent qui doit solliciter cet échange; ainsi point de baisse à craindre, point de négociation hasardeuse. Le bien est adjugé, le papier, signe d'une dette de l'Etat, est reçu comme il a été donné, et la dette qu'il représentait, et le signe de cette représentation, disparaissent dans le même instant. Telle est, Messieurs, la marche nécessaire et inévitable de tout ce que vous donnerez pour rembourser des capitaux ; jamais vous n'aurez à craindre de les voir affluer dans la circulation.
Mais, vous a-t-on dit, avant d'arriver à celui qui fera une acquisition, les assignats auront fait un chemin prodigieux," et c'est dans ce chemin qu'ils exerceront leur ravage. En passant de créancier à créancier, ils produiront une révolution dans toutes les fortunes. C'est un étrange abus des mots; car, enfin, en quoi consistera cette révolution? L'État, premier débiteur, sera libéré; le second, le troisième, le quatrième débiteur et ainsi de suite seront libérés de même de ce qu'ils se trouveront en état de payer. Un assignat ne sortira jamais d'une main sans acquitter une dette, et sans l'acquitter loyalement, puisqu'il sera toujours donné et reçu pour la même valeur. Au lieu de toutes ces injustices et de tous ces malheurs que l'on nous annonce, je vois au contraire la solution du plus étonnant problème politique, une libération presque générale de toutes les fortunes, par un moyen neuf, doux, rapide, et, en dernière analyse, je vois des terres immenses passer dans des mains industrieuses et porter un nouvel accroissement à la fortune et à la prospérité publique. Tous ces avantages sont dus à l'emploi des assignats pour rembourser des capitaux.
11 n'en est pas ainsi de la profusion de ces mêmes signes, lorsqu'on les emploie à des dépenses. C'est là qu'une proportion juste est difficile à connaître et importante à saisir. Là, tous les inconvénients se trouvent attachés à l'excès. Vous avez été forcés de destiner 400 millions à cet objet; il en pouvait résulter un renchérissement dans les denrées ; heureusement cela n'est pas arrivé, parce que les assignats n'ont, en en effet, remplacé que le numéraire qui manquait, et que, par cette raison, ils n'ont pas excédé les besoins de la circulation. Il est possible même que le nombre en fut encore augmenté, sans grand inconvénient; mais il serait dangereux de suivre sans réserve ce premier exemple, et de pousser plus loin une tentative que la plus urgente nécessité justifie sans doute, et dont la vente des domaines est le correctif. Mais s'opposer à la fois à des remboursements inévitables de capitaux, et vous proposer une nouvelle émission pour des dépenses, c'est renverser tous les principes; c'est, dans une détermination qui présente des avan-
tages et des inconvénients, ne conserver que les inconvénients et repousser les avantages. Sans doute, Messieurs, il faut pourvoir au déficit dans les revenus; mais toute émission nouvelle de billets pour cet usage doit être proscrite, surtout quand vous ne pouvez la faire sans affaiblir le gage des créanciers ;fsans renouveler, par là, les justes craintes qui, dans ce moment-ci, repoussent le numéraire; sans risquer de renchérir tous les échanges, et sans intervertir peut-être les proportions entre le numéraire circulant et les denrées. 11 faut pourvoir au déficit de nos revenus; mais avant, tout, il faudrait le connaître avec quelque précision. Il est impossible que 200 millions, 150 même nous soient nécessaires ; et sans doute vous ne les accorderez pas, sans vous être fait remettre un état bien circonstancié des revenus sur lesquels on aurait eu tort de compter, et des dépenses qu'on n'avait pu prévoir; mais si ce secours est indispensable, si vous êtes condamnés à prendre un parti de circonstance, le plus fâcheux de tous, un emprunt serait préférable à une émission de billets. Des étrangers, dit-on, vous ont offert 70 millions, et vous les offrent encore de la manière la plus favorable aux circonstances, puisque le quart doit être fourni en numéraire effectif. Vous n'avez pas écouté cette proposition, vous ne deviez pas l'écouter alors; vous étiez loin de penser que les besoins viendraient encore vous affaiblir. Si ces besoins existent, je vous invite à accepter cette ressource, et à voter une taxe quelconque pour l'annuité qui l'acquittera. Si 70 millions ne vous suffisaient pas, ou si, par d'autres raisons, cette offre ne vous convenait point, jamais un moment plus favorable ne se sera présenté pour ouvrir ici un emprunt de plus forte somme à l'intérêt de 3 1/2 ou de 4 0/0. Je sais qu'il sera rempli en assignats; mais ce sera du moins avec ceux qui existent, et le nombre n'en sera pas accru. Je ne saurais trop vous le répéter, la somme d'assignats pour le remboursement des capitaux est indifférente; la somme d'assignats pour le payement des dépenses ne peut être trop resserrée.
Vous êtes au moment d'établir l'impôt, et l'on a toujours été frappé de la difficulté d'atteindre les capitalistes. Quel moyen plus sûr de les atteindre, que de les transformer en propriétaires? Ces richesses' de portefeuille remboursées en assignats, ou s'évanouiront, ou seront changées en propriétés foncières. Le mouvement de toutes les affaires prendra une direction nouvelle. L'oisiveté des grandes villes fera place à l'industrie active des campagnes, et c'est ainsi qu'en ne paraissant que céder aux lois de la nécessité, vous aurez effectivement suivi toutes celles de la morale.
J'ai prouvé qu'autant les premiers assignats étaient nécessaires pour suppléer au déficit des revenus, autant les nouveaux le sont pour suppléer au déficit des capitaux ; que, par un concours de circonstances extraordinaires, les premiers n'ont pas influé sur le prix des denrées, et que, par la seule nature des choses, les seconds ne nous exposent même pas à ce risque. Je crois avoir parcouru les principales raisons dont on se sert pour combattre le système des assignats ; mais lorsque ceux qui l'attaquent sont obligés de mettre quelque chose à leur place, que vous conseillent-ils de leur substituer? Les esprits les plus fertiles en inventions ne vous ont proposé, jusqu'ici, que des quittances de finance. Les divers projets ne diffèrent que sur la somme des intérêts, qui a varié depuis 5 jusqu'à 3 0/0. Dans cette dernière hypothèse, la moins onéreuse de
toutes pour l'Etat, 1,900 millions de remboursement vous coûteraient 57 millions d'intérêts, que les assignats vous épargnent; mais j'ai peine à concevoir, je l'avoue, que l'on vous propose sérieusement de rembourser des effets au porteur à 5 0/0*par d'autres effets au porteur à 3 0/0, et que cela s'appelle un remboursement. Autant voudrait ^déclarer que les intérêts ci-devant à 5 0/0 sont réduits à 3 0/0, et je répondrais à ceux qui feraient cette étrange proposition, par la lecture de votre décret du 27 septembre 1789, qui contient l'engagement formel de ne faire aucune réduction ni retenue sur les rentes. Une idée semblable n'étant ni admissible, ni même présentable, il serait plus simple et plus franc surtout, de dire qu'on trouve les choses très bien comme elles sont, qu'il est désirable de demeurer dans le même état, et que, pour l'uniformité seulement, il est bon de convertir toutes les créances exigibles en quittances de finance à 5 0/0. Alors ce n'est plus57 millions d'intérêts qu'il vous en coûterait ; c'est 95 millions, sans compter l'intérêt des premiers assignats, à moins que, suivant le conseil d'un géomètre célèbre, qui, dans cette occasion, nous a fait part de ses lumières, vous ne vous débarrassiez des intérêts en ne les payant pas, et vous réservant d'en tenir compte au moment des acquisitions. Comme je ne crois pas que ce moyen commode d'épargner les impôts vous paraisse digne de votre loyauté, je ne m'attacherai pas à le réfuter, et je me bornerai à observer que, si vous adoptiez des quittances de finance a 5 0/0, vous ne pourriez contraindre vos créanciers à les recevoir qu'à ce taux, et votre opération se bornerait à avoir fait changer de nom à votre dette; ce qui ne présente pas un grand avantage ; et que, par l'intérêt attaché aux créances sur l'Etat, vous auriez rendu parfaitement invraisemblable la vente des biens nationaux. J'observerai encore à ceux qui désirent des q ui ttances de finance, et qui les disent si bonnes pour toute la nation, qu'elles seraient mauvaises pour ceux qui ne les auraient pas, puisqu'ils contribueraient à en payer les intérêts, et qu'elles seraient encore plus mauvaises pour ceux qui les auraient, si, par malheur, ils se trouvaient forcés à s'en défaire par voie de négociation ; ce qui arriverait souvent, leur transmission ne pouvant être forcée. Il existe aujourd'hui pour environ 700 millions d'effets publics. Ils perdent jusqu'à 20 0/0 dans leur négociation libre contre des assignats. L'emprunt de septembre 1789, ce premier emprunt national à 5 0/0, est presque dans ce cas. Si la masse des effets était plus que triplée, si l'intérêt était à 3 0/0 au lieu de 5 0/0, peut-on prévoir à quel degré les quittances de finance tomberaient? Ainsi ruine pour l'Etat, constamment chargé du payement des intérêts ; ruine pour les particuliers surchargés d'une marchandise trop commune, et redoublement de richesses pour ceux qui, vivant de la détresse publique, mettraient eux-mêmes le prix aux quittances de finance, et par-là se rendraient maîtres de la valeur de nos domaines. C'est augmenter tous les maux sans pouvoir espérer aucun bien. Profitons du moins de notre propre expérience. Au mois de décembre dernier, par toutes les raisons qu'on vous allègue aujourd'hui, car ce sont exactement les mêmes que l'on disait alors, et que l'on a répétées au mois d'avril, on vous engagea à repousser l'idçe des assignats-monnaie, et à décréter des assignats libres à 5 0/0. La caisse d'escompte devait recevoir ainsi les 170 millions qui lui étaient dus. Elle a reçu, en effet, de ceB assignats; et dans
l'espace de quatre mois, elle n'a pu en placer que pour 1,400,000 francs. Changez le mot, et vous retrouverez dans les assignats libres les quittances de finance. Réduisez l'intérêt, et vous aurez celles que l'on vous propose. Alors M. Dupont m'accusait de proposer la banqueroute ; il annonçait, comme aujourd'hui, le pain à six sols la livre. Heureusement son zèle pour le bien public l'a trompé celle fois, et j'espère qu'il le trompe encore.
J'ai cependant proposé moi-même au comité l'admission des quittances de finance dans le remboursement de la dette exigible; mais je les proposais en concurrence avec les assignats, en laissant aux créanciers le choix d'être remboursés d'une manière ou d'une autre; et cette liberté nous mettait à l'abri de tout reproche. C'est ainsi que je pense encore que vous devez décider la question, puisqu'il existe un partage réel dans les opinions. Par là vous modérez l'usage de votre autorité; vous laissez aux esprits le temps de se rasseoir. Vous ménagez tous les intérêts. Les quittances de finance seront prises par ceux qui ne seront pas pressés d'acquérir.L'intérêt modique,ou une prime que je vous propose de leur attacher, est un sacrifice que vous ferez à l'opinion; avec cette mesure vous êtes certains que 8 ou 900 millions d'assignats suffiraient à tout, au moyen de leur émission, et de leur rentrée successive, et puisque personne ne sera contraint de prendre des quittances de finance, il n'y a plus d'injustice.
Quant à vous, Messieurs, vous ne pouvez préférer exclusivement au seul moyen régénérateur une ressource vaine qui n'est favorable, ni au Trésor public qu'elle n'allège pas, ni aux créances qu'elle n'acquitte point, ni à la circulation qu'elle ne peut ranimer, ni surtout à la vente des domaines qu'elle rend presque impossible.
Pour entraîner votre décision, l'on met en avant l'intérêt du commerce, comme si le commerce pouvait prospérer lorsque toutes les parties de l'Etat sont languissantes et obstruées 1 essayons encore d'apprécier ces craintes.
Sous quel rapport le commerce serait-il fondé à redouter l'émission des assignats ?
Est-ce au commerce intérieur qu'elle pourrait nuire? Mais le commerce intérieur ne peut avoir lieu qu'autant que les signes représentatifs des échanges sont abondants et multipliés, et ce plan est le seul qui remplisse cet objet important. La rareté des signes représentatifs est telle encore, malgré les assignats, que les meilleures lettres de change ne se négocient qu'avec beaucoup de difficulté et de perte contre des assignats.
Est-ce le commerce extérieur que ce projet doit alarmer, en lui faisant craindre une plus grande rareté des espèces? Mais le commerce extérieur n'est avantageux et désirable pour une nation, qu'autant que la soulte est en sa faveur, comme elle l'a toujours été pour la France, dans les temps de sa prospérité, et jusqu'à cette soulte ce commerce ne se fait que par des échanges de marchandises.Qu'importe donc auxnations étrangères que les espèces deviennent momentanément rares dans le royaume, et que les payements s'y fassent d'une manière ou d'une autre, si ces nations sont toujours en définitive débitrices de la France, c'est-à-dire si la masse de nos productions territoriales et celle de nos ouvrages ma-nufacturéssurpassentconstammentde 30 à 40 millions au plus bas ce que nous fournissent les nations étrangères. La détresse affreuse qu'éprouvent tous les genres de commerce depuis dix-huit mois que toute circulation est interrompue, est une preuve malheureusement trop évidente de
la nécessité d'adopter un plan qui seul peut rétablir promptement la circulation.
Quant aux manufactures et fabriques de toute espèce, elles périssent faute de pouvoir se procurer des secours. Et comment en trouveraient-elles? Leurs magasins sont remplis, et les acheteurs manquent faute des moyens de payer »
Les prêteurs manquent également par le défaut de confiance qui résulte de ce que les manufactures n'ont aucun débit; et s'il s'en trouve, ce n'est qu'à un intérêt si exorbitant, qu'il absorbe et au delà le bénéfice que les fabricants ont pu se promettre de leur spéculation. Les ouvriers sont partout sans ouvrage, et se voient réduits à l'affreuse alternative ou de mourir de faim^ ou de devenir des brigands. Aussi les assignats qu'on vous représente comme le fléau des ateliers, sont-ils vivement sollicités par beaucoup de ceux qui les dirigent.
Quelle est donc l'espèce de commerce qui pourrait fleurir, ou même se soutenir tant que les fabriques nationales seront dans cet état d'oppression ? Ils prospéreront tous, au contraire, lorsqu'une grande abondance de valeurs représentatives des objets à échanger fera reparaître les acheteurs et baisser l'intérêt de l'argeht.
Il est cependant un genre de commerce qui disparaîtra devant les assignats, mais je neCrois pas que l'Assemblée nationale entreprenne de le relever, lorsque ses détails 6t ses éléments lui seront bien connus, et il faut enfin les lui faire connaître : c'est celui qui a pour base et pour objet de spéculation la pénurie générale, et le discrédit des effets publics. Ge commercé a un grand avantage sur tous les autres : c'est qu'il n'exige aucune mise de fonds, et que cependant il rapporte beaucoup plus que ceux qui obligent aux plus fortes avances.
Ceux qui l'exercent ne sont pas sans relation avec les places du commerce, mais c'est à Paris surtout qu'ils résident, et c'est là qu'ils ont l'art de présenter leur intérêt très personnel, sous le nom respecté de l'intérêt du commerce. Les banquiers qui travaillent dans ce genre n'ont besoin que d'être accrédités à la caisse d'escompte, c'est-à-dire que leurs lettres de change à trois mois y soient acceptées à l'escompte ordinaire de 5 0/0.
Un particulier possesseur d'effets publics, qui a un besoin momentané d'argent, et qui ne voudrait pas se défaire de ses effets lorsqu'ils perdent beaucoup, s'adresse à ses banquiers, et leur demande, par exemple, 100,000 francs pour trois mois. Ils y consentent sur un nantissement en effets publics de 125 OU 130,000 francs, plus ou moins, suivant le cours de la place. Au moment du dépôt fait pour trois mois avec faculté de vendre au bout de ce terme en cas de non payement, l'obligeant prêteur ne donne pas d'argent, mais il tire une lettre de change à trois mois et en envoie recevoir le montant à la caisse d'escompte, sur le pied ordinaire de l'escompte de 5 0/0. Il retient ensuite au moins 1 0/0 par mois, et remet le reste, c'est-à-dire 97.000 livres, à l'emprunteur ; au bout de trois mois on lui rapportent 100.000 livres, il acquitte sa lettre de change, et rend ie dépôt. De cette manière, sa seule signature lui vaut 12 0/0, moins l'escompte, c'est-à-dire 7. Or, comme cela se répète tous les jours, et pour des sommes fort considérables, comme Cela se fait sans aucun déboursé, il est aisé de concevoir que ceux qui ont adopté Cette façon de vivre désirent la conserver, et voient la ruine de leur commerce dans l'anéantissement
des effets publics, et dans la prolongation de la pénurie générale.
Ge n'est pas tout encore : comme la loi n'autorise pas cette manière de prêter sur dépôt, et que tous les dépositaires ne sont pas également délicats, il leur arrive quelquefois d'user pendant leurs trois mois des effets qu'ils ont en gage.S'ils imaginent un moyen de les faire hausser, ils les vendent à leur profit. Au moment de les rendre, ils manœuvrent en sens contraire, et en rachètent* Ge manège rapporte à ceux qui le font habilement & à 10 0/0 au delà de l'intérêt qui leur est assuré par leur marché. Voilà la cause souvent ignorée des variations de prix sur la place. C'est, comme vous le voyez* le chef-d'œuvre de l'agiotage* Les quittances de finance seraient particulièrement propres à l'entretenir ; aussi les gens du métier disent-ils beaucoup de mal des assignats.
Le véritable commerce, cette, profession si honorable et si utile, voit avec horreur, et ces ma* nœuvres obscures, et ces gains illicites. Le rem* boursement des effets publics en est le terme, et les assignats seuls peuvent l'opérer.
Dans cette occasion, comme dans toutes celles où l'esprit de parti joue un grand rôle, on croit fortifier son opinion en empoisonnant les motifs de ses adversaires, et en les présentant sous uu jour odieux. Ceux qui combattent les assignats ne se lassent pas de répéter qu'ils ne sont défendus que par des hommes accablés de dettes, et qui comptent se sauver par ce moyen. On aura, disent-ils, à vil prix beaucoup d'assignats, et on forcera ses créanciers à les prendre. Mais comment les aura-t-on à vil prix ? Quel est le motif qui pourra engager un propriétaire d'assignats à les donner à moitié de leur valeur, lorsqu'il sera toujours le maître de les employer pour leur valeur entière dans l'acquisition des domaines nationaux? Est-ce le besoin absolu du numéraire? Mais ce besoin ne peut engager qu'à l'échange d'un assignat de la plus petite somme* Spéculera-t-on sur des ventes de terres ou de maisons particulières qui s'élèveront à un prix excessif? Mais cette spéculation est-elle probable au moment où trois milliards de biens-fonds de toute espèce présenteront leur concurrence, Vous le voyez, Messieurs, l'injure est ici plus absurde encore que le raisonnement. Le fait est, il faut le dire nettement, que par l'entremise de3 assignats les biens du clergé seront vendus vite, et seront bien vendus, et que c'est là précisément ce que l'on voudrait empêcher.
Il vous a été recommandé de vous méfier de ces inventions par lesquelles on prétend s'affranchir, d'un tour de main, de tous les embarras accumulés par des circonstances inouïes* Sans doute, il faut examiner si ces inventions vous trompent ; si elles vous promettent de vous affranchir, et ne le font pas ; mais assurément ce n'est pas parce qu'une conception est simple, qu'elle est mauvaise.
Vous voyez où nous ont conduits les opérations compliquées, vous voyez les résultats de cette sagesse pusillanime, qui, par ses irrésolutions, paralyse tout, et nous menace de mourir dans les angoisses, après nous avoir fait traîner une vie languissante* Une résolution hardie, hasardeuse même, vaudrait mieux que cette longue agonie; du moins le parti que l'on vous propose vous assure une vente avantageuse de vos domaines, qui, sans cela, dépériraient dans vos mains; du moins, il anéantit des engagements exigibles ou prêts à le devenir* et il épargne au pèuple l'intérêt de deux milliards trois cents mil-
lions outre les sommes de remboursement. Le peuple qui payera cent vingt millions de moins, ne vous accusera certainement pas d'imprudence. Il ne haïra pas ces assignats qui l'auront sauvé. C'est contre cette économie de cent vingt millions d'impôts que viendront se briser tous les efforts de ceux qui repoussent les assignats. Le calcul en est trop simple pour qu'on puisse en imposer à la nation sur ce point. Si vous ne remboursez pas deux milliards trois cents millions que vous devez (et vous ne pouvez les rembourser que par des assignats) il ne vous est pas libre d'en réduire l'intérêt, encore moins de ne pas le payer ni même de le suspendre : et si l'excès de l'impôt légitimait une fois la résistance des contribuables, qui peut nous répondre que même la somme sur laquelle vous avez droit de compter rentrerait au Trésor public ? La confusion, l'anarchie, voilà les fruits inévitables des conseils timides que l'on vous donne. Le courage, Messieurs, est, dans certaines occasions impérieuses, la véritable sagesse ; mais il n'exclut pas la prudence. La sagesse courageuse consiste ici à entreprendre un plan libérateur; la prudence à y ajouter toutes les précautions convenables. Ainsi, tandis que vous ordonnerez le remboursement général en assignats et en quittances de linance, il faut en même temps faire les dispositions nécessaires pour varier les divisions des assignats de manière à les rendre propres à tous les appoints, il faut multiplier les caisses patriotiques pour l'échange des petits assignats contre le monnaie ; il faut faire frapper beaucoup de petites pièces, il faut abréger les formalités des ventes; il faut déclarer que si des vues d'utilité publique vous ont engagés à retenir une partie des bois du domaine national, vous en sacrifierez ce qui sera nécessaire à l'acquittement de la dette; enfin, il faut accélerer les "liquidations, et surtout ne souffrir aucune émission nouvelle d'assignats pour solder les dépenses. Alors, Messieurs, laissez gronder autour de vous la malveillance et l'impéritie; déployez votre grand caractère et comptez sur la seule récompense des hautes entreprises, le succès et le jugement de la postérité.
résumé.
Je crois, Messieurs, que la question des assignats a été considérée sous toutes ses faces ; je crois vous avoir prouvé que leurs avantages sont certains, et leurs inconvénients imaginaires; mais je pense que votre sagesse prévoyante et modératrice doit ménager les préjugés, quels qu'ils soient, lorsqu'ils peuvent influer sur le succès d'une opération ae confiance. Il est aisé de faire évanouir ce fantôme de 2 milliards d'assignats qui n'eût jamais été créé par des esprits observateurs. Permettez-moi de vous présenter des bases sur lesquelles il me semble que vous pouvez avec certitude asseoir votre opération.
La dette qu'il faudra rembourser est effectivement de 1799 millions ; mais vous n'êtes pressés, dans ce premier moment, par aucun des objets qui exigent ou une liquidation ou un apurement de compte, puisque ni l'un ni l'autre ne sont faits; c'est dans cette classe que sont toutes les charges, offices et cautionnements, ainsi que les dîmes inféodées et les rentes constituées par l'ancien clergé.
Mais il est de la plus grande importance de ne pas perdre un moment pour faire disparaître tous
les effets négociables sur la place, dont le nombre et la variété alimentent l'agiotage, et dont le haut intérêt détourne de l'idée d'acquérir; d'ailleurs, c'est le seul moyen d'écarter pour l'avenir les embarras attachés aux remboursements promis à jour fixe, et d'éviter, dès l'année prochaine, l'imposition pour cet objet, ou l'infidélité à vos engagements. Vous pouvez donc vous borner actuellement à ordonner :
1° Le remboursement immédiat de tous les effets suspendus et échus. . . 107,856,925 liv.
2° Le remboursement de tous les effets à échéance prochaine
au éloignée...... . . . 562,600,819
3° L'arriéré des départements 120,000,000
Total..... 790,457,744 liv
Je vous propose, d'après ce calcul, de décréter la fabrication d'une somme de 800 millions d'assignats-monnaie sans intérêt, et une somme pareille de quittances de finance, avec intérêt fixe de 3 0/0 et une prime qui ne sera réalisée que dans le cas et au moment de leur emploi à l'acquisition des domaines nationaux.
Je propose que les 790 millions ci-dessus soient déclarés remboursables d'ici au 1er janvier 1791, et leur circulation, ainsi que leurs intérêts finis à cette époque ; le remboursement serait fait en assignats ou en quittances de linance, au choix des créanciers porteurs desdits effets.
S'il est pris beaucoup plus d'assignats que de quittances de finance dans ce premier remboursement, c'est qu'on aura l'intention de les employer tout de suite à acquérir, ou de les transmettre. Dans ce dernier cas, pour que ceux qui recevront les assignats de leur débiteur ne puissent se trouver lésés, je propose qu'ils soient admis à les rapporter à la caisse de l'extraordinaire, et à les échanger contre des quittances de finance. Je ne propose pas qu'il soit réciproquement permis de changer les quittances de finance contre des assignats, pour que le nombre de ces derniers ne puisse pas augmenter d'un jour à l'autre, et pour éviter la multiplication des détails de comptabilité qui résulteraient des fractions d'intérêts.
De cette manière, il est vraisemblable que les 800 millions d'assignats ne seront pas employés dans la première opération, ou qu'il en rentrera bientôt une partie.
Pendant ce temps-là, on travaillera aux liquidations des charges, de cautionnements, de dîmes inféodées; et à la fin de chaque liquidation, après les formalités nécessaires à la sûreté des hypothèques, on procédera sur les mêmes principes au remboursement des objets liquidés, en laissant aux créanciers le choix d'être payés en quittances de finance ou en assignats, et permettant toujours le retour des assignats pour les changer contre des quittances de finance, dont les intérêts ne courront que du jour où elles auront été délivrées, soit en remboursement, soit en échange.
En supposant que la moitié de la dette à rembourser le soit en quittances de finance, c'est un sacrifice de 36 millions que vous ferez sur le revenu des domaines nationaux, et ce sacrifice n'est pas à regretter, s'il rassure les esprits.
Pendant l'opération, l'état de situation de la caisse de l'extraordinaire serait mis continuellement sous vos yeux; il y rentrera tous les mois par les adjudications, des assignats et des quittances de finance; il est très probable qu'il en
rentrera plus qu'il n'en faudra pour fournir aux remboursements successifs, et alors vous n'auriez jamais besoin de rien ajouter à la première émission de .800 millions. Mais si le contraire arrivait, l'Assemblée nationale sera du moins bien sûre que la somme des assignats n'augmentera jamais sans un nouveau décret, qui lui sera dicté par l'état des affaires et par sa propre expérience.
3'ai en conséquence l'honneur de lui proposer le projet de décret suivant :
PROJET DE DÉCRET.
Art. 1er. La partie de la dette de l'Etat, actuellement
exigible ou devant successivement le devenir, consistant dans les différents emprunts à
termes ou échus ou à échoir, acquisitions à termes, annuités, et dans l'arriéré des
départements, sera liquidée d'ici au 1er janvier 1791, et remboursée en assignats-monnaie ou
quittances de finance, au choix des créanciers.
Art. 2. Les assignats auront cours de monnaie de l'Etat et ne porteront point intérêt; les quittances de finance ne seront transmissibles que de gré à gré. Elles auront un intérêt fixe de 3 0/0 et une prime de i 0/0, de laquelle prime il ne sera tenu compte que dans le cas et au moment de leur emploi en acquisition des domaines nationaux.
Art. 3. Il sera libre à ceux qui auront reçu de leurs débiteurs un payement en assignats, de venir les échanger à la caisse de l'extraordinaire contre des quittances de finance; mais la caisse de l'extraordinaire, dans aucun cas, ne changera des quittances de finance contre des assignats.
Art. 4. L'intérêt de 3 0/0, accordé aux assignats de la première création, cessera au 15 avril, et tous les coupons d'intérêt seront enlevés au moment du payement de la première année.
Art. 5. Les assignats anciens et nouveaux, les quittances de finance et l'argent monnayé seront reçus sans distinction en payement des domaines nationaux.
Art. 6. La vente et adjudication des domaines nationaux sera ouverte devant le directoire de tous les districts du royaume, le 1er novembre prochain, suivant les formes qui seront déterminées par un règlement et une instruction dont le comité d'aliénation présentera incessamment le projet à l'Assemblée.
Art. 7.11 sera procédé sans délai à la liquidation et à l'apurement des comptes de toutes les charges, offices et cautionnements, et à la liquidation des dîmes inféodées, ainsi que de la dette de l'ancien corps du clergé; et les comités des finances, de judicaturè, militaire et ecclésiastique, chacun en ce qui le concerne, présenteront à l'Assemblée, dans la quinzaine, un plan définitif de liquidation, ainsi que les moyens d'exécution les plus faciles et les plus prompts.
Art. 8. Le comité des finances présentera incessamment à l'Assemblée un projet de décret général pour l'exécution entière et prochaine des présentes dispositions, ainsi que pour la fabrication, émission et distribution de nouveaux assignats et des quittances de finance.
Art. 9. Les propriétaires de charges comptables et de cautionnements seront autorisés à transporter sur un immeuble national le prix de leurs charges ou cautionnements, avant l'apurement de leurs comptes. Les titres desdites charges et cautionnements seront reçus pour comptant à la caisse de l'extraordinaire.
Art. 10. Il sera présenté un plan d'organisation de la caisse de l'extraordinaire, qui la rende propre à tous les détails d'administration dont elle sera chargée en exécution du présent décret.
La surveillance des opérations de ladite caisse sera confiée au comité d'aliénation, qui présentera tous les mois à l'Assemblée le résultat desdites opérations et la situation des ventes; et à raison de cette augmentation de travail, le comité d'aliénation sera augmenté de six membres.
Divers membres demandent l'impression du discours de M. de Montesquiou.
(L'impression est ordonnée.)
. Vous avez chargé votre comité d'agriculture et de commerce de vous rendre compte de l'opinion des diverses places de commerce, sur la question que vous agitez aujourd'hui; je viens vous en rendre compte : non seulement, comme on l'a prétendu, les villes de commerce ne sont point de l'avis des assignats, mais sur trente-trois adresses, vingt-six ont été contre, et sept seulement ont été pour. Les villes qui ont voté en faveur de l'émission sont : Bordeaux, Louviers, Saint-Malo, Lorient, Rennes, Tours et Auxerre; celles qui sont contre sont : Lyon, Nantes, le Havre, la Rochelle, Rouen, Lille, Ûunkerque, Niort, Reims, Montmorency, Valenciennes, Angers, Abbeville, Elbeuf, Sedan, Gaen, Orléans, Granville, Laval, Saint-Quentin, le Mans, Montpellier, Dieppe, Marseille, Romorantin et le département de la Saône.
. Je suis porteur du vœu contraire de la plupart des villes que vous venez d'entendre nommer ; je suis prêt à le déposer sur le bureau.
. Je demande la parole. (Non!, non ! s'écrie-t-on dans la partie droite.) Je suis contraire en fait avec le rapporteur du comité, voilà pourquoi je demande la parole.
. Je vais consulter l'Assemblée pour savoir si l'on peut interrompre le rapporteur.
Plusieurs voix s'élèvent dans la partie gauche : Dites: l'interrompre sur un fait.
. Gomme un rapport n'est qu'une suite de faits, si l'on interrompt...
Plusieurs voix s'élèvent : Vous plaidez, Monsieur le Président.
. Que ceux qui veulent accorder la parole à M. de Mirabeau, pour interrompre M. le rapporteur sur un fait, veulent bien se lever.
. Vous avez posé astucieusement la question, Monsieur le Président.
(L'Assemblée décide que M. Riquettide Mirabeau sera écouté.)
. Ce que j'ai à dire est si court et si simple, que je regrette que cela ait interrompu M. le rapporteur : je voudrais dire que, si j'avais jamais pu croire que cette question pût être jugée par le poids des autorités et non par celui des raisons, je me serais récrié contre la longue série des villes qu'on vous a citée, pour vous alléguer que je suis porteur d'un grand
nombre de pétitions de ces mêmes villes, qui sont absolument contraires. Cette contradiction n'est qu'apparente et d'aucune importance, car heureusement ce dissentiment n'est dans ces villes, comme dans l'Assemblée nationale, que celui de la minorité, ta majorité cherche tour jours à éloigner la contre=réyojutipi) ; je dis la contre-révolution, car la pins grande importance que nous apportons k la mesure que nous proposons, c'est que nous la croyons faite pour anéantir toute espèce d'espoir de contre-révolu-" tion. (Qn applaudit,) -
. On entraîne l'Assemblée par ces applaudissements.
, ci?devant ' d'JLprémesnilr M. le Président, engagez. M. de Mirabeau à exposer des faits.
. Voici le fait que j'aurais exposé plus tôt, si je n'avais été aussi fréquemment interrompu par les murmures. Demain j'apporterai la liasse des pétitions qui m'ont été adressées de ia plus grande partie des villes du royaume{ j'en lirai le dossier £ l'Assemblée, et si, contre mon avis, elle donne autant de poids à cette espèce de récolte qu'à des raisonnements sages et justes, elle verra que, sans exception, il n'est pas une des villes dont vous venez d'entendre les noms, dpnt nous ne puissions prér senter les vœux contradictoires. De deux choses l'une, ou l'on donnera beaucoup, ou l'on donnera trop peu d'importance à ces pétitions. Si l'on attache beaucoup d'importance au nombre des pétitions-....
s'écrie : régulières.
je consens à faire rentrer dpns la balance celles dont je suis porteur, sans compter Paris, que je m'étonne un peu de n'entendre pas nommer \ si au contraire on n'en donne qu'au poids des raisons, alors il ne faut ni s'étonner, ni s'indigner de toutes ces lectures. Je voulais donc dire à M. le rapporteur que nous sommes munis de pièces comme lui, et que c'est à raison de ces pieces que nous sommes contraires en faits.
. le sais qu'à Lyon, que l'on vous dit être pour les assignats, on a mendié et calqué des signatures ; voilà les pétitions dpnt M. de Mirabeau est porteur.
. Parmi les villes que l'on vous dit être contraires aux assi* gnats, j'ai entendu nommer celle d'Angers. J'ai remis sur le bureau, dans une des dernières séances, une adresse de la municipalité d'Angers, qui,dans les derniers troubles, s'est montrée avec tant d'énergie ;! elle désavoue la première pétition, au bas de laquelle se trouvent cinquante signatures mendiées, et parmi lesquelles l'on ne compte, pour ainsi dire, que des négociants qui ne font pas pour mille écus d'affaires. Les dix-neuf vingtièmes de la ville demandent l'émission des assignats et désavouent cette première adresse, atin que cette ville pe soit pas soupçonnée d'avoir manqué de patriotisme-!
consulte l'Assemblée, qui déicide que M. Regnauld-d'Epercy fera le rapport dont il a été chargé par le comité d'agriculture et de commerce.
(1). Messieurs, ypgs ave? renyoyé à votre comité d'agriculture et de commerce l'opinion dés négociants de Bordeaux relativement à la nouvelle émission d'assignats qui yqus a été proposée* L'opinion et le vmu des autres places sur cette question importante lui put été successivement adressés, et il vient aujourd'hui vqus offrir le résultat de l'exa' men qu'il a fait de Pes différentes pièces.
Votre comité a pensé. Messieurs, que si les lumières et les talents reunis dans cette Assemblée peuvent suffire pour jeter le plus grand jour sur un problème aussi difficile à résoudre, il n'en est point peut-être sur lequel il soit aussi .indispensable de consulter l'opinion des différentes places de commerce, puisque, dans cette circonstance, surtout, le succès ou la ruine dg vqs opérations dépend entièrement de cette ppi-nion.
Mais ce qui doit encore augmenter yotre confiance, c§ qui doit la justifier, c'est Identité des principes qui put dirigé ces diverses "opinions, eppçues à la fois dans tous les points de l'empire, adoptées par ceux qui sont les premiers intéressés au succès dp vps opérations, exprimées avec cette simplicité qui caractérise le langage de la persuasion et de là vérité ; ce qui dpit augmenter yotre confiance, c'est l'impossibilité absolue où. les places dé commerce ont été de s'entendre et de correspondre entre elles ; c'est la Certitude que l'esprit de partis n'a pu avoir part à leurs délibérations; c'est l'expression touchante de leur patriotisme et du dévouement respectueux qu'elles ont pour la sagesse de vos décrets.
Op vous a dit, (Messieurs, qu'elles n'étaient point d'accord entre elles ; on ypps a dit aussi que la majprité de leurs opinions était en faveur des assignats, L'une et l'autre assertion est également fausse.
Il serait difficile de trouver une identité de principes plus marquée, que celle qn'pn aperçoit d'abord dans toutes les adresses qui vous sont parvenues ; dans toutes, le développement des motifs est presque le même, et, lorsqu'on remarque quelques différences» elles tiennent à dep localités qqi ne peuypnt pas se ressembler, où à d§s conséquences éiçigqéee tjrées des mêmes principe?.
Vous vous convaincrez aussi, Messieurs, si vous daignez prêter quelque attentipn an rapport dp votre comité, que non seulement la majorité dps opipiôns du commerce u est point favorable à une nouvelle émission d'assignats, mais encore que la presque tptâlité y est directement opposée, En effet, Messieurs," ygtre cpmitéa reçu trente-trpis adresses de places de commerce, dpnt sept Semblent favorables à l'émission des assignats et YiPgMx lui sont contraires (2).
Les sept premières spnt\: Bordeaux» LûUViers, Saint-Maio, "Loriènt, Rennes, Tours et
Àpxerre, Les yingt-sjx places qui émettent un vçeu contraire, spnt; Lyon, juntes, le Havre,
Ja&optiellp, Marseille, Rouen, Lille, Yalen'ciennps, Amiens, Atmpville, E.lbeuf, Reims,
Sedan» &ranyille, Gaen, Orléans, Laval, Saint-Queuïii}, Angers» Trpyes, le Mans et
Montpellier, Votre comité vous offrira d'abord leg pbserya-
BORDEAUX.
« I^e premier sentiment qu'a fait naître en ppus « je projet de petfe imposante 'opération, disent « |es négociants 4e Bordeaux, à été un grand (Hon* « nemept : pous n avo0S pij fflêine npus défendre, « npus osons vouer, d'un mouvement 4 effroi à «s l'aspect du système hqpdi qui, changeant tpp5 à copp les destinées d'un grsnd empire» dev^îî « Je plonger dans un aRme le misère, ou l'élever « au faîte de la grandeur et des prospérités. >>
Ce sentiment leur a été commun avec toutes les villes dont l'opinion nous est connue : toutes regardent le décret sur. les assignats comme devant décider infailliblement du salut ou de la perte de la Fr^nOOf
" foutes pensept aussi, copame Jeg négociants 4e Bprdeaûx, qu i] es? utile et même inqjspepssble à |a nation 4 operer l'acquittement de la 4ettp exigible; toutes pensent, comme eux» que la véritable destipatipn dès biens nationaux est le payement
descréapciersdei^Hat» dont pes Wons sQptdevenus le gage : toutes applaudissent à la justes^ et au patriotisme de îpurp vqes» }ors(ju*U§ qisenH ' pe ïppyen attacherait infaïUiWemènti les mé-
eqniépts à la fibbse BÙnllijue, les ponvertirail, « par l'intérêt, à la Révolution, [es fprcerajt àefi-« rjger leurs vues dans le sens 4çs événements « actuels, et rendrait ep quelque sprfe jeup fpi-T « tunë responsable de leur p^rioksme ; jnesti-« mable avantage 1 qu un financier peut compter « pour peu de chose, mais que de vrais citoyens « français considèrent Gomrae le plus salutaire ga-« rant de la Constitution. »
Mais la cqnséquenoe que les négociants de Bpr-deaux tirent 4§ p s principes/ est ; r quélerembourr senien1 total de la dette exigible se fasse en assignats forcés pus intérêt, ay^nt pouf gage et pour amortissement la vente des biens nationaux }£°qué l'émission des4it§ assignats p'ajt lieu dqau lp avril prpcnaipi éppque^^ laquelle écherra |e premier pouppp d'intérêt des 4Q0 rgillipns circulant, lequel sera acquitté, et les deux autres annules, pour ne plus faire qu'HP et même service ayefi les nouveaux; 3? qu'à compter qu jour du décret, les préanpes pxigibjp§ commencent à ${ré remboursées par lé moyen de promesses d'assignats au 15 ayrj[ prochain ; lesquelles promesses'seront dès à présent reçues pour l'acquisition des biens nationaux seulement; 4° qu'il soit créé et, mis en circulation la quantité estimée nécessaire de petits assignats, depuis jusqu'à 200 liyrps.
Ap Dfejnier coup d'oeil, rien ne paraît pins fa-vprabte au système d'une nouvelle émission d'assignats, malgré les {|ifiérence§ faciles 4 apercevoir eptre èeîteopinion et le premier projet; cependant
ie§ négociants 4e Sprdeaux fournissent eux-mêines des ariops contre ieur demande» ior§qpe yopiant rênpnrifè m* objections qu'on peut ïaire contre cgl^ grandeémis^ipu de papier-monnaie,ils qûp, ppur ^tre iipmensei elle n'excède ppiht la somme 4u numéraire existant dans l'Efôç ayant son introduction, çe qu'ils ne tl^mpntfent points et ce qu'Userait essentiel de démontrer; lorsqu'ils
Qbservept que l'émission totale des nouveaux assignats, ne pouvant s'opérer que par une longue succession 4e travaux, et dans un long intervalle de temps, laisserait aux assignats précédemment en qrçpfation, le temps dé s'éteindre par leur placement en biens nationaux, et qu'ainsi le tiers de cette somme 4e papier territorial ne wxait pmt-r
être jamais ddstTwiiê sy,r la purfaçe (lu royaume.
Ait)si, d'après les négociants de Jkirdeaux PPX1, mêmes» il iapt rejeter les assignats, s'il ne peut point y avoir d'équilibre entre eux et le numéraire existant dans îe royaume, et? vraie du fausse, ima* ginaire pu fondée, l'opinion de la destructipn de cèi équilibre par les assignats est rppinion générale •
Votre comité S'attendait aussi que les négociants de Bordeaux examineraient i influence des assignats sur le commerce extérieur, prinqipale source de leurs richesses, et il n'en est pas question dans leur lettre ; la nature de cette influence doit cer pendant contribuer popr beaucoup à la décision de la questipn,
Qn peut ensuite demander ap$ pégppjants de Sprdeaux Pourquoi Ml désirent si yivemeot que l'on défirète deux milliards d'assignats, puisqu ils conviennent que, peu^être» i( U en sera jamais distrioué un tiers -sur la surface du royaume? Votre comité pense que la réponse a cette ques-r tjbn pourrait être embarrassante, parce qu'en bpnnp administratioini moins qu'ai'^urs, il ne faut pas multiplier les êtres sans nécessité, il ne faut pôiqt inutilement effrayer rim§gination et alarmer là faiblesse des citoyens; || faut enfin toujours préférer les opérations les plus siinples et les plus exactes %
LOUVIERS.
Les pommerçants de Louviers n'émettent aucun yœu sur la onestipu des' assignats ep général ; ils croient qu elle est, en quelque sorte» étrangère à un® petite xil'P 4e upipmprêe ^t de fabrica^ou» où iputes les idées sont renfermées dans le cercle des calculs et des pQpi{unaispn$ qui conduisent à l'industrief
Cependant conviennent qqe l'opération des assignats offre, àu premier aperçu, des côtés ^rlljants; qu'elle paraît remettre dans le opm? merce plus de deux milliards de inens qui en étaient retranç^j qu'elle semble indiquer aux capitalistes le cémmerP0. et l'agriculture, çqmme Ips seuls moyens d'activité et d'accrpissQinent, assurer ig crèqit dp |a nation, en 'rendant la ban-querpute imROSSimpj intéresser a Ja Rëvolution ceux qui lui sppt |e p|ps pppo^és, et fapiliter enfin i exécution 4u décret de f Assemblée natio-nale, qui ordonne que les biens êcc|0èiastjque§ soient vendus pour acquitter }és dettes de l'Ëtatr
Ma^ ips çomiuorçants j^ouvier.s no se"4issir mulept pas qu'une question aussi importante ne saurait être jugée par l'enthousiasmé ; qu'il laut voir l'objet spus toutes ses faces, calculer les fncopyénientSi interrogé1, réxperiepoe» entendra les plgections et, ppur se servir de leurs exprès^ sions, lire aven une epppGe qg certitude, dans
ravepjr, les effets qu une si grande émisiion doit produire,
Ces réflexions, dictées par la prudenpe et l'amowr du bien, ne présent,ent, comme ' rops Yoyeili Messieufs, aupupe poKiion, llxé sur la question des assignats.. Aussi l'hpnorable membre qui a parié dans la séance de yéudredi lît a?Mi représenté, au nom des commerçais de ^ouyiers,
qu'ils n'avaient jamais prétendu émettre aucun vœu sur cette question.
Ils ont observé seulement que leurs manufactures ne peuvent s'alimenter que par de l'argent comptant ; qu'un million en papier ne ferait pas pour eux, l'effet de 100 livres en numéraire; que déjà ils payent le numéraire à un prix exorbitant ; que bientôt ils ont à craindre de ne pas trouver à en acheter ; que si ce malheur arrivait par l'émission d'une trop grande quantité de papier, c'en serait fait, non seulement des manufactures, mais de la Constitution, mais du royaume entier. « L'insurrection générale, disent-ils, de « cette immense quantité d'ouvriers qui travail-« lent dans les manufactures, de cette foule in-« nombrable d'hommes qui vivent du travail de « leurs mains,^tconséquemment d'un payement « journalier, aurait bientôt bouleversé la France, « d'une extrémité à l'autre. » Et remarquez, Messieurs, que cette crainte est manifestée en même temps par les manufacturiers et négociants des villes les plus florissantes du royaume.
Cependant ceux de Louviers indiquent comme un remède palliatif à la disette actuelle du numéraire, des assignats de 12 même de 6 livres en y joignant de la monnaie de i^illon pour 150 millions. Ce n'est qu'à raison de ce projet que votre comité a rangé leur opinion parmi celles qui étaient favorables aux assignats : mais il n'a pas besoin de vous faire observer que ce projet n'exige pas une nouvelle émission d'assignats, et qu'il indique seulement l'échange d'une quantité déterminée des assignats déjà émis.
SAINT-MALO.
L'opinion du commerce de Saint-Malo est tellement motivée, qu'on ne peut la regarder comme un vœu en faveur des assignats. Les négociants y déclarent, à la majorité de 35 voix contre 3, que cette grande opération peut être aussi salutaire que funeste à l'Empire. « Si la circulation n'est
pas forcée, disent-ils, et si les biens nationaux « suffisent pour retirer la masse entière du pâte pier, nul doute que l'opération ne puisse sau-« ver l'Etat, parce qu'elle fera augmenter la con-« currence et la valeur des biens nationaux, « parce qu'elle attachera à la Constitution tous « les créanciers remboursés par ce papier, parce « que les créanciers s'empresseront de le con-« vertir en biens nationaux, ou de le prêter ou de « l'échanger s'ils ne veulent point en acquérir. »
Si, au contraire, la circulation du papier est forcée, ces créanciers s'empresseront de le répandre ; ils n'auront plus 1 intérêt personnel de le convertir directement ou indirectement en domaines nationaux; dès qu'ils en seront débarrassés, ils cesseront de soutenir la Constitution, ils l'attaqueront, ils la calomnieront, s'ils en sont les ennemis ; la vente des domaines souffrira nécessairement d'une circulation forcée qui diminuera la concurrence; enfin (ce sont les termes mêmes dont se servent les négociants de Saint-Malo): « cette circulation forcée fera refluer cette « masse énorme de papier, vers des gens qui ne « peuvent acquérir les domaines nationaux; le « commerce et les manufactures en seront inon-« dés. Le peuple, les ouvriers n'en voudront « point; de là, le discrédit ; delà, l'interruption « du commerce; de là, une disparition absolue « de l'argent ; de là, l'accaparement, l'agiotage
du papier, à une perte qui toujours augmen-« tera; delà, enfin, le renchérissement des den-
« rées de première nécessité, ce qui occasionnera « une Secousse générale, des émeutes, des sédi-« tions, et une foule d'événements désastreux qui « ne peuvent se calculer. Ët pourquoi tous ces « maux, ajoutent-ils? Pour procurer un débouché c de plus à des gens qui seront trop heureux de « recevoir un papier-monnaie bien hypothéqué, « et qui ne pourra être mort dans leur porte-« feuille, qu'autant qu'ils seront ennemis de la « Révolution. »
Ainsi, Messieurs, le commerce de Saint-Malo demande des assignats, il est vrai, mais des assignats non forcés et sans intérêts. Votre comité peut donc dire, avec vérité, que cette opinion est totalement contraire à l'émission de deux milliards d'assignats ; que les négociants de Saint-Malo auraient pu employer également toute autre expression, et qu'ils ont abusé des mots en se servant de celui de papier-monnaie, puisque tout papier qui ne circule pas forcément, n'est point un papier-monnaie.
LORIENT.
Le vœu des juges et consuls de Lorient est plus prononcé en faveur des assignats : une simple lettre, où leurs principes et leurs.îmotifs ne sont développés en aucune manière, annonce qu'ils sont pour l'émission des assignats, dans la quantité que la sagesse de l'Assemblée nationale croira devoir décréter ; que ces assignats doivent être forcés et sans intérêts ; qu'une partie en doit être faite par coupons de 100, 50 et 25 livres ; que pour faciliter l'émission et l'échange des derniers assignats dont les objets de détail, il conviendrait d'établir dans chaque ville des caisses pour l'échange de ces assignats contre du billon, lesquelles caisses seraient surveillées par les départements ou les municipalités.
RENNES.
La lettre écrite par le commerce de Rennes est encore plus courte et moins motivée que celle de Lorient. Les commerçants de Rennes sont d'avis de l'émission des assignats, pourvu qu'ils ne portent point d'intérêts ; qu'il n'y en ait point au-dessous de 200 livres, qu'ils seront seuls et uniquement destinés à l'acquisition des biens nationaux, et qu'on les brûle aussitôt qu'ils rentreront au Trésor royal, en présence des commissaires nommés par l'Assemblée nationale.
Cette opinion diffère encore beaucoup d'un assentiment pur et simple au projet de décret qui vous a été proposé.
TOURS.
Mais celle de Tours, dont un commerce plus considérable augmente infiniment l'importance, en diffère encore davantage. Elle demande aussi que le remboursement de la dette exigible se fasse en assignats, mais en assignats forcés et portant, pendant trois ans seulement, un intérêt de 3 0/0 ; elle désire aussi qu'il n'y ait aucun assignat au-dessous de 200 livres. « Nous tremblons, « disent les négociants de Tours, que l'As-« semblée nationale ne se porte à les décréter « monnaie, ce qui serait un malheur affreux pour « le commerce, principalement. »
Enfin, Messieurs, la juridiction consulaire
d'Auxerre pense que l'émi3sion d'une certaine quantité d'assignats, proportionnée à la dette exigible, est indispensable : 1° parce qu'en remboursant avec ce papier la dette exigible, il n'y aura plus d'intérêts à payer, par conséquent diminution dans les impôts ; 2° parce que c'est une justice de rembourser les créanciers de l'Ëtat, surtout ceux pourvus d'offices supprimés, afin que, privés du produit de ces charges, ils puissent au moins disposer de leur capital ; 3° parce qu'en obligeant de ne recevoir que des assignats sans intérêts pour le payement des biens nationaux, cette vente sera plus promptement terminée, et les prix seront portés plus haut que si ce payement se faisait en espèces; le porteur de ce papier, ayant intérêt à le changer contre des biens-fonds, la plus solide des propriétés ; 4° parce que ces assignats, bien loin de faire disparaître le numéraire, en favoriseront la circulation ; 5° parce que ces assignats, étant divisés en petites sommes, telles que 25 et 50 livres, le commerce en recevra plus de facilité dans ses opérations de détail ; 6° parce que les personnes opposées à la Révolution, étant pour la plupart, créancières de l'Etat, auront alors intérêt de la soutenir et de la consolider.
Tel est, Messieurs, l'exposé fidèle des opinions les plus favorables à l'émission des assignats qui vous a été proposée. Votre comité a désiré que je soumisse à votre sagesse les motifs qui les ont dictés, persuadé que leur examen et leur rapprochement jetteraient un grand jour sur le fond de la question.
Vous avez vu, Messieurs, que Bordeaux, Lo-rient et Auxerre sont effectivement les seules villes qui demandent que les assignats soient forcés et sans intérêts, et encore peut-on dire qu'il y a une différence marquée entre le projet de Bordeaux et celui de Lorient, et que la plupart des motifs qui ont déterminé l'opinion d'Auxerre sont également applicables aux quittances de finance ou à tout autre papier qui en tiendrait lieu.
D'ailleurs, Messieurs, il a été remis depuis à votre comité un procès-verbal, extrait du registre des délibérations du comité de commerce de Bordeaux, duquel il résulte que le vœu des négociants de cette ville n'a pu être exprimé légalement.
Saint-Malo, Rennes et Tours, quoique sollicitant des assignats, peuvent être rangées à la suite des vingt-sept villes entièrement contraires à ce système. Louviers n'avait d'abord émis aucun vœu certain, mais, en examinant les aperçus que présente sa lettre, il est facile de se convaincre qu'elle craint plus qu'elle ne désire une émission d'assignats.
Au surplus, le commerce de Louviers vient de s'expliquer d'une manière positive dans une délibération du 22 de ce mois, dans laquelle il dit qu'après un examen approfondi, il voit le précipice qu'ouvre au commerce et aux manufactures le plan désastreux dont .il s'agit, et qu'il vote contre l'émission proposée de deux milliards d'assignats, regardant ce projet comme capable de mettre l'Empire dans le péril le plus imminent.
Votre comité sent bien que, dans une question de cette importance, on ne saurait trop multiplier les raisons et les autorités, et peut-être les adresses des autres places de commerce achèveront-elles de dissiper vos doutes et vos incertitudes?
LYON.
Vous distinguerez surtout, Messieurs, l'opinion de la chambre de commerce de Lyon, de cette ville qu'on peut considérer, à beaucoup d'égards, comme la seconde du royaume, et qui surtout a rendu, depuis si longtemps, les étrangers tributaires de l'industrie française.
Cette opinion seule, votre comité ose le dire, suffirait pour prouver les progrès des lumières et du patriotisme parmi nous.
L'extinction entière et subite d'une dette immense, accumulée pendant des siècles, paraît à la chambre de commerce de Lyon une question également intéressante pour l'Europe entière et toutes les classes de la société, pour les créanciers de l'Etat et pour ceux qui ne le sont pas.
Elle applaudit à l'idée vaste et simple de réduire à une seule espace de papier national les titres nombreux et variés épars dans les mains de ceux qui ont pris ou acquis quelque intérêt dans les fonds publics.
Elle croit même qu'à quelques égards cette opération serait avantageuse pour les créanciers de l'Etat ; mais elle observe que ce n'est plus eux seuls qu'intéresse la création d'un papier-monnaie, que cette opération atteint tous les individus de la société.
Lyon, plus que toute autre ville, est appelée à ressentir la commotion violente que cette opération fait appréhender, par la fixité de l'époque de ses payements et par leur vigueur-
Arrivé à l'ouverture du payement d'août, elle pourrait voir, dès le moment même, la défection totale de sa place et la chute de son crédit.
Dix millions d'espèces lui suffisent à peine annuellement pour le salaire journalier des ouvriers, qui ne doit et ne peut souffrir aucun retard.
Les assignats déjà émis y perdent 4 et 5 0[0; mais cette perte, uniquement supportée par le commerce, n'a, jusqu'à présent, influé ni sur l'ouvrier ni sur le consommateur. La même observation se trouve consignée dans les opinions de Marseille, Valeaciennes, Orléans, Laval, Angers, etc.
Persuadée qu'on ne remédiera efficacement aux maux de l'Etat que lorsqu'on en connaîtra bien les causes, la chambre de Lyon recherche quelles peuvent être celles de la disette du numéraire. Elle les découvre dans la défaveur de la balance du commerce, qui, définitivement, ne peut être soldée qu'en argent, dans la cherté et la nullité presque totale des capitalistes les plus opulents; dans le séjour indispensable de notre numéraire chez l'étranger, à cause du bénéfice qu'il trouve à nous payer en assignats ; dans la méfiance inspirée par les mouvements de la Révolution ; enfin, dans le bénéfice que présente l'échange de l'assignat.
Elle observe que chacune de ces causes devait naturellement peu à peu s'affaiblir, mais que l'admission du projet proposé ne ferait que les aggraver et rendre la guérison de nos maux plus difficile.
Elle compare le sort des premiers assignats et celui qu'éprouveraient les seconds. Les premiers ont été accueillis en même temps par le patriotisme et par l'opinion; le commerce y a vu un moyen de plus de circulation et une hypothèque imposante dont la quotité ne laissait aucun doute, en calculant la proportion de 400 millions de papier avec la somme du numéraire existant.
Croit-on que les seconds produisent le même effet?
Oubliera-t-on que le papier ne peut jamais représenter les valeurs elles-mêmes? La confiance seule et là facilité de changer le signe contre la chose peuvént le faire circuler avec avantagé
Les nouveaux assignats ne représenteraient pas un numéraire efféctir, niais Une masse d'immeubles, de terres dispersées* qu'une aliénation forcée va dégrader, qui séront peut-être vendus lentement, parce qu'on voudra connaître les impôts avant d'acquérir.
Gomment donc des assignats, qui ne pourront se réalisër qUe par des moyens placét} dans un avenir éloigné, et dont l'effet successif, échappant aux yeux du porteur de ces papiers, n'entretient pas sa confiance comme la transmutation journalière et réciproque de l'argent et du papier-monnaie, comment ces assignats, ne portant aucun intérêt, n'êprouveraient-ils pas, dès leur naissance, une perte énorme ? Comment cette perte n'amènerait-elle pas un discrédit absolu et la ruine du royaume?
Ces réflexions. Messieurs, ne sont pas particulières à la chambré de commerce de Lyon ) votre comité les a retrouvées dans l'opinion de Marseille : et presque toutes celles qui suivent sont reproduites dans les adresses qUe les autres villes lui ont fait parvenir,
« Sans doute, dit la chambre de commerce de « Lyon, il est des intérêts que la création subite « des nouveaux assignats pourrait favoriser, des « capitalistes puissants, des agioteurs adroits, « habiles a décréditer eUx-memes les effets qu'ils « veulent acdaparer, peuvent agrandir leur for-« tune des désastres publics ; leur voix insidieuse « peut colorer des prétextes spacieux. Le plan « proposé peut substituer à l'opiniort publique les « clameurs de leurs adhérents, mais elle n'ebran-« lera pas votre sagesse; »
La chambre de commerce de Lyon va plus loin; elle suppose que les nouveaux assignats n'éprouveront aucune perte ; mais alors le prix des denrées, des salaires et des marchandises doublera toujours, pafce qu'il s'établit partout en proportion de 1 abondance des reproductions et de la quantité de numéraire existante Alors les manufactures tomberont dans toute l'étendue du royaume, par 1 impossibilité de la, concurrence avec les manufactures étrangères ; alors l'agriculture, dont 1 état actuel aurait déjà besoin des plus grands encouragements, tombera encore davan*-tage, et sera totalement découragée par le défaut de débouchés pour les denrées qu'elle fournit aU commerce, et le^ matières premières dont elle approvisionne l'industrie ; alors notre misère naîtra de 1 excès de nôtre opulence factice»
Toutes les dépenses publiques suivront la même marche, la solde des troupes sera doublée, et l'on se verra forcé de doubler les impôts.
Ges malheurs réels existeraient, même dans, la supposition que les assignais ne perdraient rien sur la place. Que sera-ce-donc s'ils perdent con-> sidérablement, comme il n'y pas lieu d'en douter ? « Bientôt la chute de nos manufactures amènera « l'évasion dans l'étranger de nos commerçants « eux-mêmes ; la voix puissante de 1 intérêt ies « appellera, puisqu'ils .pourront s'approprier nos « productions avec tant d'avantage, en acquérant} « à vil prix» pour les payer, nos assignats projetés, « tant que le progrès successif de leur discrédit « leuf permettra cette spéculation lucrative* »
Voiiaj comité croit devoir vous observer, ajouterons-nous, Messieurs, qu indépendamment du
vœu de la ohambre du commerce, dont il vient de vous rendre compte, la ville de Lyon, d'une part, et plusieurs négociants et manufacturiers réunis ont également iait connaître le leur, absolument conformes à celui de ia chambre de commerce. Il ne, doit pas non plus vous laisser ignorer qu'une opinion contraire vous a été apportée dès lors par un courrier extraordinaire, dépêché à PariSi par la société des amis de la Constitution, établie à Lyon. Votre comité des finances, à qui cette dernière adresse a probablement été renvoyée, aura sans doute l'honneur de Vous en rendre compte»
NANTES
L'opinion du commerce de Nantes est la même t plus de cent quarante négociants et maisons de commerce les plus considérables ont signé un acte en bonne forme, qu'ils ont envoyé aux dé* putés du commerce, et qui a été remis à votre comité, dans lequel il est, dit, que le commerce de Nantes ayant été invité à s'assembler le 3 septembre, vers cinq heures après-midi, la plupart dès négociants et marchands qui se trouvèrent à cette assemblée ne furent instruits de Son motif que lorsqu'elle se trouva en partie formée. La matière mise ett délibération, 11 parut à tous ceux qui avaient quelques Connaissances commerciales, que 1 dbjêt était d'assez grande importance pour être mûrement réfléchi. Quelques-uns mêmes Crtl-rent devdir faire quelques observations à cet égard. Ils représentèrent que si l'Assemblée na-tioUaie se croyait obligée de décréter de nouveaux assignats pour la libération des dettes de l'Etat, le commerce u'âurait pas & s'y opposer, mais que de tels effets ne doivent donc s'appliquer qu'à cette destination, et qu'on ne pouvait les des* tiher à la circulation du commerce. (Eibeuf, GrahVille et îroyes sont du même avis.) lis ob* servèrent que des billets forcés ruineraient et anéantiraient entièrement le commerce et les arts et métiers. (On retrouve là même observation dans les opinions de Marseille et de Troyes») Us assurèrent que de nouveaux assignats forcés feraient. disparaître le numéraire déjà très rare, que l'émission des premiers asssignats avait rendu plus rare.encore. (Toutes les villes de commerce assurent ia même chose).
Lés principaux négociants de Nantes requirent donc rajouMement de l'affaire misé en délibération, au lundi 6 septembre. Le plus grand nombre des individus dont l'assemblée était composée, parut adopter cet avis, et beaucoup se retirèrent dâtts cette côhflânée.
Vers le 9, à sept heures dU Sdlr, rassemblée devint plus tumultueuse, et dés personnes, sans doute intéressées, eh profitèrent pour faire prendre une délibération illégale, sans réflexion, sans scrutin, qu'on vbus a présentée, Messieurs, comme le vtèu du commerce de Nantes.
Et Cependant oh trouve parmi les signatures dont elle est revêtue beaucoup de noms inconnus dans le commerce. On trouve, au contraire, que toutes celles de la protestation, dont votre comité vous rend Gompte, appartiennent à des négociants ; on y retrouve môme les noms de plu» sieurs particuliers qui avaient signé le premier arrêté, oroyant qu'on n'y demandait pas des assignats forcés, mais seulement des délégations négociables de gré à gré. Il y aurait même eu beaucoup plus de signatures, si l'on avait eu le temps de les attendre,
Nous ajouterons que MM. les maire, officiers municipaux et membres du conseil de la Commune de Nantes, ont chargé un de leurs représentants à l'Assemblée nationale, de s'opposer de tout son pouvoir à la nouvelle émission d'assignats»
LE HAVRR.
L'assemblée générale des négociants du Havre a émis un vœu contraire aux assignats, à la majorité de jcinquante-huit contre oix-huit. Ëtle a considéré Combien il Serait dàttgereU* de fépafi-dre une quantité aussi considérable de richesses factices, dans un temps de troubles, où nous sommes environnés dé gens intéressés â Jeter du discrédit sUr toutes les opérations du gouvernement. Elle observe qu'une semblable opération fournirait un appât et uû nouvel àlimettt a l'agiotage ; elle pourrait bien augmenter les valeurs pour un temps, mais toutes choses devant prendre naturellement un nouveau, il ne s'ensuivrait bientôt que trouble, embarras et désordre pour le commerce et les manufactures.
Les négociants du Havre proposent donc que les créanciers de l'Etat, pour la dette exigible, soient remboursés en quittances de finances ou autres effets, dont lé cours Sera libre et non forcé, né portant point intérêt, et reçus étt concurrence avec les 400 millions d'assignats, préférés même au numéraire, dans Cachât des biens nationaux; que ces nouveaux effets jouissent d'une prime de 6 0/0, jusqu'au 31 décembre 1791 ; de 4 0/0, dans la seconde année, et soient reçus au pair par la suite ; enfin que, s'il en reste après la venté de toUs les biens nàtlodaux, ce qui prouverait qu'on aurait surtaxé la Valeur de ces biens, il fût accordé à céS quittances, après toutes les ventes, 3 0/0 jusqu'au remboursement.
LA ROCHELLE
La chambre dti commercé de là Rôéhélle s'est demandé s'il convenait dé disposer des biens nationaux poUf acquitter la dette exigible, et dans ce cas quéllé forme on devait donner à cette disposition?
D'accord avec toutes les autres places du royaume} elle a conclu qu'on ne pouvait faire un , emploi plus convenable des biens nationaux; mais, rejetant les assignats forcés qu'elle affecte même de ne pas nommer, elle désire qUe l'on délivre aux créanciers de l'Etat des reconnaissances portant promesse d'intérêt à 3 0/0, lés intérêts remboursables, ainsi, que le capital, à mèsure de l'emploi en acquisition de biens nationaux, ces intérêts cessant au terme quë l'Assemblée nationale fixera poUr la consommation de la vente désdits biens. Mais la Chambre ajoute que la manifestation de la valeur des biens nationaux serait indispensable poUr le succès de cétte opération.
MARSEILLE.
Lès mâirè et députés du commerce de la ville de Marseille, voyant leur propre opinion consolidée par l'opinion là plus générale, regardent toute nouvelle émission d'assignats forcés comme une véritable calamité publique» capable de causer la ruine des particuliers et la plus grande commotion dans l'Etat. « Pourrait-on mettre en
« circulation, sans lés plus grands inconvénients, ; « disent-ils, une Massé aUSSi considérable de « papier-monnaie, obligatoire pouf toUSleséchân-« ges, dans un royaume comme là France, dont « le numéraire effectif, en temps ordinaire, n'est « pas évalué à deux milliards? »
Ils montrent d'ailleurs les mêmes craintes que Lyon, pouf la balance du commerce national* pour l'acCfdissëtneût du prix deè denrées, pouf la diminution dés exportations, et la chuté totale du commerce et dëS manufactures.
Ils représentent aussi que les ôpérâtions dê commerce sont déjà sensiblement ralenties, paf les difficultés qu'on rencontre dans les payements-, qu'on ne parvient à se procurer l'argent nécessaire pour les ouvriers, qu'en perdant 4 à 5 0/0, et qUe cette position dévient tous les jours plus pénible et plUS OnérèUsë, qu'elle est même deVë^ nue plus alarmante, dépuis la proposition d'as* signats forcés, faite à 1 Assemblée nationale»
Le commerce de Marseille a encore exprimé son Vœu à cèt égard, dans une assemblée générale du Commerce.
ROUENJ
Le vœU des administrateurs du directoire du département dé la Seine-Inférieure, du directoire du district de Rouen, du conseil général de la commune et dé la Chambre de commerce de la même ville, filera sans doute vôtrë attention. Messieurs, et par Sa nature, et par les motifs qui l'ont dicte.
Ils pensent qu'il est de là sagesse, de la politique même, de faire, dans le plus court délai possible, la transmutation des propriétés nationales, puisqu'elle doit consolider à jamais l'édifice de la Constitution i mais ils né Se dissimulent pas que, quelque meSUrë qU'ott adopte, la vente précipitée d'une masSe si énorme de propriétés foncières, donnera un moindre produit, que n'auraient fait des ventés partielles et successives.
.Ils examinent ensuite si l'émission immédiate de deux milliards d'assignats-monnaie est, comme on l'a dit, un moyen sûr de relever lé crédit, et de faire reparaître le numéraire. « Qu'est-ce que le crédit public ? demandent-ils. « C'est la confiance qu'inspire la position inté-» rieure et extérieure d'un Etat. Qu'est-ce que « l'argent? ceiui des signes de propriété, qui « doit être le plus recherché dans les troubles, « parce qu'il réunit à l'avantage d'être dispo-« hible, cêlui d'avoir une valeur intrinsèque de « toUS lès temps, de tôuS leSjfàys, et qui survit à « la révolution des Empires, si donc, dans Uù État, « continuent-ils, lès limites des pouvoirs sôht « sagement déterminées ; si les ministres ne peu-a vënt disposer arbitrairement duîréSor publiô; « si la paix règne au dedans ; si des traités avan-« tageux et dê bons alliés, tiennent dans le res-« pect, dès Voisins inquiets, le crédit publicsera « florissant, le numéraire réel et le numéraire « fictif circuleront avec une égale facilité; sou-« vent même on préférera le signe fictif, qui se « prête mieux, par sa nature, aux opérations de « la banque, du commerce et des caisses pu-« bliqUès. Mais, après des déprédations énormes « et à la Suite dé violentes Convulsions, lorsque « le trésor ptiblic est épuisé ; lorsque l'impôt ne « présente pas èhcore 1 équilibre de là dépense ; « lorsque léS ennemis de la Révolution affectent c d'exagérer le mal et de ne pas Croire àU re» « inèdé: le discrédit ëst inévitable, le papier
« doit refluer, la position doit disparaître: et « telle est malheureusement la position actuelle « de la France. »
Après ce tableau, qui ne sera sans doute étranger à aucun des hommes d'Etat et des politiques de cette Assemblée, ils observent que, dans des temps de crise, jamais l'émission d'un papier-monnaie n'a relevé le crédit d'une nation ; ils rappellent le peu de succès de celui que créa l'Espagne, au milieu des embarras de la dernière guerre, la perte énorme de celui des Américains, conquérants de leur liberté, qui alla jusqu'à 98 0/0..
Ils représentent que, parmi les créanciers de l'Etat, on compte un grand nombre d'ennemis de la Révolution, et que, s'ils venaient à réaliser, enfouir ou exporter en métaux monnayés, une portion, même légère, du remboursement qui leur sera fait, ils pourraient enlever de là circulation jusqu'à la dernière pièce d'or ou d'argent.
Ils démontrent que la mesure proposée mettrait dans les mains des ennemis de la Révolution, les moyens les plus sûrs de séduction, dé puissance et de despotisme.
Que ceux-là connaîtraient mal les besoins journaliers de l'agriculture, et les détails infinis des fabriques, qui croiraient que des assignats-monnaie peuvent subvenir à tous les besoins du commerce et de l'industrie.
Que les assignats de 24 livres descendront à la vérité, sans difficulté, depuis le capitaliste millionnaire jusqu'à l'artisan, le laboureur et le manufacturier; mais, qu'arrivés à cette classe la plus nombreuse et la plus utile de la société, ils ne feront plus un pas qui n'occasionne des sacrifices, qui ne fasse naître des difficultés, qui ne provoque dés mécontentements, des murmures, des plaintes et peut-être des insurrections.
Que les capitalistes, qui ruinaient la nation, et les grands qui l'opprimaient, en seront quittes pour un sacrifice léger, un sacrifice une fois fait, qui les déchargera de tout ce que ce mode de remboursement a d'onéreux, tandis que le peuple, le peuple seul, qui n'a point contribué à augmenter la dette de l'Etat, supportera, pendant plusieurs années, les frais de la liquidation, et sera plus exposé, que personne, aux vexations et aux ruses de l'agiotage et de la falsification.
Qu'enfin le service de l'armée de terre et de mer, et celui des ateliers de charité, ne peuvent se faire qu'avec de l'argent, ce qui deviendra impossible, si l'on admet des assignats de 100, 50 et 24 livres, parce qu'il est constant qu'alors les sept huitièmes de la taille et de la capitation s'acquitteront en assignats.
Ils proposent donc de substituer aux assignats, pour le remboursement de la totalité de la dette exigible, des quittances de finance ou reconnaissances nationales, lesquelles porteraient un intérêt de 5 0/0, et seraient admises, concurremment avec l'argent, en payement des domaines nationaux.
LILLE.
Les motifs de la chambre de commerce de Lille sont absolument les mêmes que ceux de Rouen ; elle propose aussi le même mode de remboursement, avec cette différence, qu'elle ne désigne point le taux de l'intérêt des quittances de finance, et qu'elle désire qu'on fixe, pour l'échange de ces quittances en domaines nationaux,
une époque au delà de laquelle elles ne porteront plus d'intérêts.
Cependant, Messieurs, les observations de la chambre du commerce de Lille sont précédées d'un fait particulier que votre comité croit devoir mettre sous vos yeux : « Depuis l'émission « des 400 millions d assignats de 1,000, 300 et « 200 livres, dit-elle, notre ville, qui se trouve sur « la frontière de la Flandre autrichienne, voit, de « jour à autre, son commerce dépérir, ses ma-« nufactures, qui sont en grand nombre, s'a-« néantir, et nos ouvriers émigrer et porter leur « industrie chez nos voisins. La Flandre et le « Brabant, ces riches contrées, voient au con-« traire fleurir leurs manufactures, et enlèvent « à tout prix, notre numéraire, par le moyen des «.assignats qu'ils réalisent en Cette ville. Déjà « leur échange pour argent est porté à 6 0/0, et « nous avons à craindre qu'il ne vienne à une « baisse plus considérable, et que, par cette rai-« son, notre commerce et nos manufactures ne « se trouvent entièrement détruits. »
VALENCIENNES.
Les négociants de la ville de Valenciennes et les entrepreneurs des mines d'Anzin, Fresnes et Vieux-Condé, réunis, observent que 30,000 ouvriers sont employés tous les jours à la fabrique des batistes, linons, dentelles, et au blanchiment des toiles ; et que 15,000 et plus sont occupés à l'extraction des inines à charbon dans l'étendue du district.
Ces ouvriers sont salariés tous les jours en argent comptant, et ne peuvent l'être autrement.
Pour s'en procurer, depuis l'émission des 400 millions, les négociants n'ont cessé de faire les plus grands efforts et les plus grands sacrifices. Ils ne les regrettent point, dans la ferme persuasion où ils sont qu'ils ont contribué au bien public, et qu'un meilleur avenir leur fera oublier leurs pertes.
Mais le projet des assignats les alarme : il ne leur offre que la perspective la plus affreuse et les plus grandes calamités.
Us craignent et démontrent qu'ils doivent craindre, de voir passer chez l'étranger, la précieuse manufacture des batistes et linons, qui met à contribution les quatre parties du monde, et n'a besoin que de son propre sol.
Ils craignent de voir la destruction de leurs mines qui, en fournissant la subsistance à 15,000 âmes, donnent un combustible peu coûteux, à 30 lieues à la ronde.
Us craignent enfin, de voir la multitude d'ouvriers qu'ils font vivre, aller enrichir nos voisins et leur porter notre industrie : de voir cette classe de citoyens indigents, si essentielle à ménager, manquer de tout et périr de misère.
Ils adhèrent d'ailleurs aux justes et sages réflexions du premier ministre des finances, adre s-sées à l'Assemblée nationale, le 27 août demie r.
AMIEMS.
La chambre du commerce d'Amiens, également alarmée par le projet de nouveaux assignats forcés, représente que la branche principale de son commerce est la fabrique des étoffes, pour laquelle il faut absolument du numéraire effectif, les ouvriers de tout genre ne pouvant être payés qu'en argent comptant, et la majeure par-
tie des matières premières, ne s'acbèlent que par petits lots.
Elle craint que, les fabriques étant obligées de diminuer leurs travaux, ou même de les cesser entièrement, les ouvriers n'augmentent le nombre des malheureux qui manquent de subsistance et ne se portent à des excès dont nous n'avons déjà eu que trop d'exemples.
ABBEVILLE.
La chambre consulaire d'Abbeville, partageant les mêmes craintes et la même opinion, rappelle d'abord (es différents objets de son commerce, savoir : la fabrication des toiles, celles des draps, des bàracans, des moquettes, la corderie et la serrurerie.
Dans la fabrication des toiles, la matière ne peut se payer qu'en argent.
Dans celle des draps, elle peut être payée en assignats -, mais elle ne fait pas la moitié de la dépense; tout le reste est de la main-d'œuvre qui exige de l'argent, par petites sommes, et par semaines, depuis 2 livres jusqu'à 7 livres.
La valeur totale du baracan se paye presque toute en argent, par petites portions.
Pour la moquette et les cordages, lès matières ne peuvent être payées qu'enargent. Elles ne sont dans les moquettes que le tiers de la valeur; tout le reste est main-d'œuvre payable par semaine, depuis 24 sols jusqu'à 6 livres.
La serrurerie ne se paye non plus qu'en argent.
Toutes les fabriques d'Abbeville souffrent déjà de la première émission des 400 millons, et plusieurs se préparent à cesser, ne pouvant suffire à réaliser de l'argent contre du papier.
La chambre du commerce désire donc qu'on substitue aux assignats, des quittances de finance; admissiblesdansl acquisition des biens nationaux, et faites pour rembourser les hypothèques et les privilèges sur les charges et offices.
DIRECTOIRE DU DÉPARTEMENT DE LA SOMME.
A l'opinion des chambres de commerce d'Amiens et d'Abbeville, je réunis celle du département de la Somme, lequel, après avoir vu la délibération du district d'Abbeville, a entendu les députés composant le conseil général du district d'Amiens, des officiers municipaux, de la chambre du commerce et de la chambre consulaire de la même ville, déclare que, plein dè confiance dans la haute sagesse de l'Assemblée nationale, il ne s'expliquerait pas sur l'importante question qu'elle examine dans ce moment si la raison suffisait seule pour apprêter une opération qui dépend presque entièrement de l'opinion publique et des passions des hommes, qu'il ne s'expliquerait pas même, si l'Assemblée nationale n'avait pas paru elle-même désirer être instruite de l'opinion qui règne dans les diverses parties de l'Empire et des vœux des départements. Puis, passant à l'examen de la question, ce directoire démontre évidemment la différence qui existe entre un papier créé par un peuple libre, assigné sur des fonds territoriaux, et lesbillets désastreux qui, en 1720, ont produit tant de maux et ruiné tant de familles. Les uns représenteraient réellement les sommes et les valeurs qu'ils exprimeraient, tandis que les autres n'avaient d'autre hypothèque que l'imagination exaltée de l'inventeur de ce système ruineux.
Mais le directoire de la Somme ne se dissimu-
lant pas la raison, qui souvent à si peu de force contre les préjugés, et qui ne les détruit qu'avec lenteur, est encore beaucoup plus faible contre les passions, pense avec raison que les possesseurs du numéraire feront toujours la loi à ceux qui n'auront que du papier, et qui pouvant l'acquérir pour un prix au-dessous de sa valeur, rien ne pourra les engager à en payer la valeur entière, d'où naît la conséquence que les assignats-monnaie perdront à l'instant même de leur émission, que leur perte augmentera chaque jour, que dès lors, nous sommes menacés de maux incalculables, que la Constitution serait exposée aux plus grands dangers, et que c'est surtout cette dernière considération que le directoire se propose de soumettre à l'examen de l'Assemblée nationale.
Puis, jugeant des effets que produiraient de nouveaux assignats-monnaie, par ceux que produisent les 400 millions déjà décrétés, le département estime que ceux dont on vous propose d'ordonner l'émission éprouveront une perte encore plus grande ;
Qu'ils feront disparaître entièrement le numéraire, que déjà un coupable agiotage se répand dans les plus petites villes, même dans les campagnes, que les contribuables achètent des assignats pour payer le collecteur qui à son tour vend aux porteurs d'assignats le peu d'argent qu'il a reçu, que bientôt les receveurs des districts feront le même commerce, et que le Trésor public ne recevra plus que du papier, qu'il sera obligé d'échanger avec perte contre du numéraire pour subvenir aux dépenses qu'il est impossible d'acquitter sans numéraire effectif.
Enfin ce directoire après avoir parcouru les différents inconvénients inséparables de la quantité d'assignats que l'on vous propose de décréter, après avoir déposé ses alarmes dans votre sein, offre le plus profond respect pour le décret que vous rendrez ; que si vous vous décidez, Messieurs, à ordonner l'émission de deux milliards d'assignats, il croira que ses craintes n'avaient aucun fondement, ou que vous aurez été enchaînés par des circonstances irrésistibles; et qu'il fera les plus grands efforts pour préparer dans son département l'opinion publique, ou réparer les maux qu'elle entraînerait et maintenir la Constitution.
ELBEUF.
Deux délibérations nous sont parvenues d'EI-beuf l'une des fabricants de cette ville : et l'autre de la commune ; mais la dernière n'est qu'une approbation de celle des fabricants et une adhésion entière à leurs principes.
Ils rejettent l'émission de deux milliards d'assignats, comme une calamité pour le commerce. « Il ne s'agit pas, disent-ils, de nous créer un « numéraire fictif; il s'agit de rétablir la con-« fiance qui fera bientôt reparaître le numéraire « réel. Cette confiance renaîtra par l'extinction « des dettes de l'Etat, que la vente des biens na-« tionaux peut seul opérer; mais cette opération « doit se faire entre la nation et ses créanciers « seulement. La nation doit l'accompagner des « moyens avec lesquels les créanciers, qui ne « voudraient pas devenir acquéreurs, pourraient « céder avantageusement les assignats immeu-« bles qui leur seraient donnés en payement. »
Les négociants d'Elbeuf croient qu'il serait de la dernière importance de procéder au plus tôt à une fabrication de monnaie de billon, spéciale-
ment destinée, autant que possible, aux manufactures.
REIMS»
Lès juges-conStilé ët député^ du éommercé de Rèimé, ëffrayéé dû projet dés noùvéaut assignats, croient ^que. l'agiotàgë le plus effréné en est là sUite inévitable ; que là diSparution du ftuméraire rUibërait biètttot leurg ijtiahUfactures qui ëoiit déjà dans l'état le plus déplorable ; que tous les genres d'industrie dé cette Vilie seraient réduits par là.à l'inactivité la pins désespérante; que les propriétaires de vignes, maltraités, dépuis plusieurs années, paf de mauvaises récoltes, se verraient forcés d'abandonner cette culture dispendieuse, né pouvant plus payer leurs ouvriers ; tque les petits assignats, circulant dans la Classé inférieure des ouvriers, y exciteraient biëûtôt des soulèvemëiîts, et feraient éôlipser le peu de numéraire qui y paraît encore. « Que fera, « djâent-ils, un ouvrier cardeuf qui à quiOÈé ou vihgt flieUfs dabs sa boutique, â qui, chaque « jour, il dohnè une partie dé lettr salaire, pour « la subsistance de chaque joui*, quand il aura « reçu du fabricant un où plusieurs assignats de « 24 livres ? Il faudra les cohvërtir, mais à quel « taux ? Voilà donc la Classe indigente victime • des assignats i » Ët la fcoldë. des troupes dë terre ët dë mer? Ët la subsiêtance des pauvres occupés dans les ateliers publics ? Gomment y pourVoira-t-onf
SEDAN
Le vœu de là villë .dë Sedan est exprimé dans dehx délibérations : 1 tihë des manufacturiers, et l'autrè du corps de la draperie de çëtte ville.
Loin d'approuver là nouvelle émission des assignats, les manufacturiers demandent qu'on opère, le plus promptemënt poésible, lé remboursement des 400 millions.déjà en Circulation^ Ils peignent aVëc une rapidité énergique lës maux que le nouveau projet traînerait à sa suite ; ils observent que les. manufacturiers Ont besoin de leurs capitaux et ne peuvent pas les employer à des acquisitions de terres ; que les nouveaux assignats leur donneraient du papier, et laisseraient l'argent entre les mains du capitaliste timide.
Le corps dë la draperie de Sedan, instruit que quelques personnes, se disant chargées de ses intérêts, ont présenté à l'Assemblée nationale un vœu tendant à Obtenir l'émission d'assignats de 25 ou 50 livres, déclare qUë cëttë demande est absolument contraire à ses désirs et à l'intérêt du commercé, êt qu'elle entraînerait les inconvénients les plus dangereux, en augmentant encore plus la disette des espèces, et en occasionnant, tant aux manufacturiers, qu'à leurs nombreux ouvrier^, une perte journalière et incalculable, et qu'ainsi une .pareille mesure ruinerait le commerce et le crédit public.
GRANVILLE.
Si yôtrë comité, Messieurs, voulait analyser les motifs de la réclamation de la Chambre de commerce de Grahville. contré lë projet des nouveaux assignats, il serait forcé dë répéter ce qu'il vous a déjà dit, en vous faisant connaître l'opinion des
atttrës places dë commerce; mais celle de Gran-ville renferme des détails locaux, qu'il ëfit important de Vous soumettre.
Granville doit son efctéience à la péché de là morue celle des liUîtreS ët du poisâoh ë|t, depuis longemps, le patrimoine du peuple. Malgré la décadence de cè commerce, malgré lës pçrtes qu'il a éprouvées, il formé encore la principale ressource de ses habitants, et son influence s'étend également sur le cultivateur et sur l'artisan. Mais, Messieurs, si l'on en excepte le sel et quelques autres objets que l'armateur peut acquitter en assignats, lë reste dë l'armement êSt formé des productions du soi, àcbetées et payées en détail. Décrétez un notiVëau papier-monnaie ; il n'y a plus d'armement à GfanVille.
Par Uh surcroît de malheur, les assignats raviraient à cette place et aux manufactures nâtio-tionales, les avantages d'Un trafic qui, depuis longtemps, s'est établi entre elle et les lies anglaises de Jersey et Guernesey. Jusqu'à présent la balance dé eu trafic a constamment penché en faveur de la Ffaticé, et presque tous lës ans elle a été soldée en guinées. Mais décrétez des assignats, et notre numéraire va retourner à ces mêmes lies, ddht Grànville était dëVehuë frontière Utilë.
Vous ne devez doûc pas être surprit, Messieurs, que l'adresse du commerce de Granville, que hods regrettons de ne pouvoir tous présenter en entier dàds ce rapport, tende à la suppression du projet des nouveaux assignats.
CAEN.
Celle du commerce de Gâett à le même but. Il représente que ié Commerce de consommation, la fabrique dé dentelles, dé soie et de fil, êt lës autres manufactures, ne pèuVefit exister qu'avec le numéraire réel ; qUe lës assignats n'auraient aùcUn cours dans cette ville, déjà fort maltraitée par les circonstances, et qu'elle Serait entièrement ruinée.
ORLÉANS.
Les juges et consuls d'Orléans se livrent aux. mêmes craintês et fofit les mêmes observations. À. l'exemple du commerce de Lyon , ils comparent l'effet que produiraient de nouveaux assignats â cëlui qu'ont produit les premiers ; ils ne veulent point s'occuper à développer leur ôpiniod, de peur de perdre un temps précieux, et afin qu'elle Soit connue plus tôt.
Us rappellent aussi les sacrifices què les manufacturiers sont obligés de faire journellement, pour se procurer l'argent dbnt ils ont besoin ; lis annoncent que quelques-uns, découragés par cet obstacle, projettent d'abandonner leurs travaux, et que tous sont forcés de les ralentir, ou même de ies suspendre. Ils sont persuadés enfin que l'Assemblée ^nationale trouvera, dans sa sa-* gesse et dans lës lumières de ses membres, d'autres ressources que celle des assignats.
LAVAL.
Votre comité a particulièrement distingué le Vœu des négociants et fabricants de la ville de Laval. Us commencent par proposer d'admettre au payement des domaines nationaux, lés titres liquidés de la dette exigible, ën concurrencé avec
les 400 millions d'assignats décrétés, én leur accordant également, jusqu'à l'acquisition ou au remboursement, un intérêt de 3 0/0 ; et en .donnant au porteur le droit de les transmettre de gré à gré.
Entrant ensuite dans lés détails qui peuvent les intéresser, et qui, d'après l'avis de votre comité, méritent de vous être présentés. Messieurs, ils observent que la manufacture de Laval alimente et vivifie le département entier de la Mayenne et Loire» et de l'HIe-et-Vilaine. Dans un carré de 25 à 30 lieues, elle fait subsister de 120 à 150,000 habitants.
Lors même que tous ces individus auraient la plus grande confiance dans les assignats, ils ne pourraient leur être utiles.
Les toiles, qui se fabriquent dans la ville de LaVal et environs, y sont vendues, tous les sa-médis, à la halle. Dans les temps prospères, chaque marché s'élève à 5 au 600 pièces, et chaque pièce à 200 livres; la vente s'en fait dans une ou deux heures» et dans les trois heures qui les suivent, la dernière pièce est payée C'est donc environ 100,000 livres que les fabricants se partagent entre eux, tous les samedis.
Les villes de Mayenne et de Château-Gontier, ont aussi, chaque semaihê, un marché qui se fait de la même manière.
Lés trois quarts des fabricants ne savent pas lire ï ils ne sont pas riches, ni même aisés : beath coup d'entré eux h'oht dé capital que le mon* tant dé leur pièce de tôllèj et cè tië sont pas les moins précieux.
Lofé ddne qu'on pourrait les déôider si recevoir dès assignats, ils serâiênt niilë entre leurs maihs, à îfldlflsqu'ils né trouvassent à lés échanger contre des écus, en sortant du magasiti des négociants.
Dès l'instant qu'un fabricant a reçu le montant de sa pièce de toile, il en fait le partage. Le dimanche il paye le travail de la semaine à ses tisserands, dévideurs et fileuses; les jours sui-VahtS. il court âill marchés dans les Villages, dans les chaumières, pour acheter Ses fils.
. Dans toutes CeS circonstances, il lui est impossible dè se servir des assignats, môme les plus petits l et Cette impossibilité existe, Messieurs, et de là même maniéré, dans la plupart des fabriques et manufactures de France.
SAINT-QUENTIN.
La délibération du comité de commerce de la villë de Saint-Quentin, dans laquelle l'opinion de cette place est exprimée, est précédée d'observations qui retracent une partie des Vérités déjà présentées par les autres villes du royaume, Mais les motifs dé cette délibération et les moyens qui y sont indiqués méritent peut-être une attention particulière de l'Assemblée,
Le commerce de Saint-Quentin observé que le projet dés assignats-monnaie, offrant, de l'aveu même de ceux qui le défendent, une multitude de dangers et d'inconvénients, il serait utile, par Cela seul, de le rejeter, dans un moment oû l'on peut exposer la chose publique en donnant au hasard, un empire qu'il ne faut accorder qu'au patriotisme et à la raison s
Quelles quittances de finance, pouvant produire la même .libération de la dette exigible, sans les mêmes inconvénients^ doivent être préférées.
.. Qu'on pourrait les délivrer aux créanciers de l'Etat, par coUpôùs détachés, depuis 200 jusqu'à
1,000 livres, lesquels porteraient intérêt de 3 0/0, en forme d'annuités, payables d'année en année, et s'éteignant graduellement à là douzième année, C'est-â-dire au même terme quê lé décret â accordé aux .acquéreurs des biehs nationaux qui leur Serviraient d'hypothèque.
Que ces quittancés Seraient négociables et admises dans les marchés libres,et seulement forcées vis-â-vis des créanciers particuliers hypothéqués eux-mêmes sur les chargés et offices remboursés ; . .
Qd elles seraient admises exclusivement, et concurremment seulement avec les âssigrtatsdéjà 611 émission, dans l'acquisition des biens nationaux.
Le commerce de Saint-Quentin espère que SOtt Opinion sera favorablement accueillie par l'Assemblée nationale : mais si, contre tout espoir, elle sé décidait pour Uûe émission d'assignats mis en circulation, d'excédant pâs la Somme des revenus de l'Etat et soient Constamment gradués dans cette proportion ; . »
Qu'ils soient égaux en tout aux assignats déjà créés et portant uû intérêt de 3 0/0 ; *
Que les uns et lés autres Soient admis exclusivement et sans autre concurrence dans l'aCqUi-sitiott dès biens nationaux;
Qu'il sera éréé, pour la facilité des payements du commercé, des assignats de 24,50 et 100 livres, forcés, safis intérêt, et tellemént fabriqués, que la contrefaçon eh soit plus difficile que celle de tout autre assignat;
Enfin, que la distribution qui en Sera faite a chaque département, soit proportionnée â léurs besoins réspectifs.
Mais, Messieurs, le commerce de Saint-Quentin a une telle confiance dans les lumières et le patriotisme de l'Assemblée, qu'il ne croit pas qu'elle puisse se porter à décider une question d'où dépend ié bonheur on la ruiûe de l Émplré, sans aVoir pesé dans Sà sagesse toutes les raisons pOUi' et contre qui lui seront présentées; et il promet d'avance d'observéF fidèlement et dé recevoir avëc respect le décret qui résultera de ses délibérations. Il ajouté seulement, que, dans tous les Cas, il regarderait comme un bienfait précieux, l'émission dë 40 millions de mohnaie billon, en pièces de 3 et 5 sols*
ANGERS.
Le. commerce d'Angers ne considère qu'avec effroi une nouvelle émission de 4 2 milliards d'assignats forcés, qui ruinerait infailliblement le commerce et bouîevérserait l'Empiré. LeS assignats déjà émis perdent5 et 60/0dans l'échange; le numéraire dévient tous les jours plus rare; la défiance augmenterait encore ; la valeur de toutes les denrées croîtrait en proportion, et les agioteurs redoubleraient d'activité et de moyens*
Les négociants d'Angers pensent que des quittances de finance rempliraient mieux le but qu'on propose, en laissant aux porteurs de ces quittances le droit de les céder de gré à gré à leurs créanciers, ou à ceux qui voudraient acquérir des biens nationaux. Ils désireraient qu'on donnât à ces papiers Une prime de 4 0/0, seulement pour la première année.
TROYES.
Les négociants de Troyes observent j que s'il est juste de rembourser les dettes exigibles de
l'Etat, la natioo ne doit traiter qu'avec les propriétaires de ces créances ;
Que si on les payait avec des assignats forcés, ils s'empresseraient de s'en débarrasser à perte ;
Que cette perle, augmentant par la circulation, frapperait principalement sur le commerce, déjà obéré par les 400 millions de papier déjà en circulation ;
Que l'émission de petits assignats ferait disparaître le reste du numéraire, l'accaparement des espèces se trouvant alors dans toutes les mains, et le commerce extérieur ne se faisant plus qu'au détriment de la France ;
Que si l'assignat n'était pas au-dessous de 1,000 livres, un certain numéraire circulerait forcément, et peut-être avec préférence, si l'intérêt était de 5 au lieu de 3 0/0 ; « car, disent les né-« gociants de Troyes, ou cet intérêt est dû, ou il « ne l'est pas ; s'il l'est, pourquoi ne pas le fixer « au taux de la loi! L'assignat est écu, dit-on : « non; il.ne l'est qu'à l'échéance, puisqu'il « n'existe aucune caisse où ls porteur puisse, à « volonté; le convertir en espèces. Tel était le « motif de la confiance qu'a eu le billet de caisse « sans intérêt. »
Le mode de remboursement qui leur paraît le plus juste et le moins ruineux, est celui d'une création de billets nationaux de 1,000 livres chacun, pour le montant de la dette exigible, avec ou sans intérêts, suivant le délai préjugé pour la vente des biens nationaux, et n'ayant cours que pour l'achat de ces biens. Les citoyens de la ville de Tours ont complètement adhéré aux vœux des commerçants et fabricants de la même ville.
LE MANS.
Le commerce de la ville du Mans trouve, dans l'émission des nouveaux assignats, les mêmes inconvénients que la plupart des villes précédentes. Il met en fait que ceux qui s'opposent à l'établissement de la Constitution, les grandes compagnies de finances et les riches particuliers, font actuellement même des accaparements d'argent, dans l'intention, ou de le cacher, ou d'en retirer un bénéfice usuraire.
« La nouvelle émission d'assignats, disent les « négociants du Mans, ne peut que porter les « coups les plus funestes, si l'on suit le mode qui « a eu lieu, lors de la première de 400 millions, « mode qui n'a pu parer à leur défaveur dans la « négociation. Elle serait au contraire admira-« ble, si la circulation en est libre ; s'il est per-« mis et même enjoint aux receveurs publics de « les recevoir et de les faire sortir; si les dits « receveurs n'envoient au Trésor public quel'ex-« cédant des impositions qui leur restera après « l'approvisionnement des provinces, et si enfin « les dits assignats ne sont point au-dessous de « 200 livres. »
MONTPELLIER.
Le commerce de Montpellier, en convenant qu'il est indispensable, pour la restauration des finances, de payer la dette exigible, et de la payer en papiers admis à l'acquisition des biens nationaux, à l'exclusion même de l'or et de l'argent, désire que ces papiers soient négociables et non forcés; qu'ils ne portent aucun intérêt; qu'on leur accorde seulement une prime pendant la première année ; que cette prime soit décrois-
sante, de 6 0/0, pour ceux qui achèteront les biens nationaux pendant les premiers six mois, de 3 0/0 pour ceux qui les achèteront pendant le dernier semestre ; et que l'année une fois révolue, la prime cesse et les papiers ne soient plus reçus qu'au pair dans les marchés.
DUNKERQUE.
La Chambre du commerce de Dunkerque annonce qu'elle a lu avec attention et pesé mûrement toutes les opinions présentées à l'Assemblée nationale, sur l'émission des nouveaux assignats-monnaie. Sous quelque point de vue qu'elle considère cette question importante, elle regarde l'opération proposée comme infiniment dangereuse ; elle croit que les maux qui en peuvent résulter sont incurables, et que peut-être même les ennemis de la Révolution attendent avec empressement le désordre que cette émission occasionnera. Elle ne pousse pas plus loin ses observations, et elle s'en rapporte au vœu des autres villes de commerce, vœu qu'elle ne connaît point, mais qu'il lui est facile de deviner.
DIEPPE.
La juridiction consulaire, le corps des marchands, négociants et armateurs de la ville de Dieppe, réunis, délibérant sur le projet d'une nouvelle émission de deux milliards d'assignats, le regarde comme un moyen d'expulsion assurée du peu de numéraire encore en circulation, et arrête qu'il sera, au nom du commerce de cette place, fait sur cet objet les plus instantes représentations à l'Assemblée nationale.
ROMORANTIN.
Les maire et officiers municipaux de Romo-rantin supplient l'Assemblée nationale de rejeter totalement le projet d'émission de 2 milliards d'assignats forcés pour la liquidation de la dette exigible, regardant l'exécution de ce système comme ruineuse pour le peuple, par l'augmentation progressive des denrées de première nécessité, et désastreuse pour la France entière par l'anéantissement de l'agriculture et des manufactures.
Telle est, Messieurs, l'analyse exacte et fidèle de l'opinion, des observations et des vues que les différentes places de commerce ont fait parvenir à votre comité. Pour n'en point interrompre le cours, il ne vous a point fait connaître les vœux particuliers de plusieurs corps et communautés, qui lui ont été adressés : mais comme il ne veut rien négliger de ce qui peut éclairer une question aussi importante ; comme il se croit comptable envers vous, Messieurs, de tout ce qui lui a été envoyé de relatif à cette question, permettez qu'il vous offre ici le résultat des délibérations ae la section des Lombards, et de la communauté des tanneurs, corroyeurs, peaussiers, mégissiers et parcheminiers de la ville de Paris.
Section des Lombards, de Paris.
La section des Lombards supplie l'Assemblée nationale de décréter, que la dette exigible soit liquidée par une quantité suffisante d'assignats-monnaie ; que ces assignats ne portent aucun in-
térêt ; qu'ils soient reçus pour l'acquisition des biens nationaux, concurremment avec les espèces ; que leur circulation soit forcée dans tout Te royaume; qu'il soit créé de petits assignats de 100 livres, 48 liv., 24 liv. et 6 liv. ; que cette émission soit précédée d'une fonte considérable de monnaie-billon, faite à la fois dans toutes les monnaies du royaume ; que jusqu'au moment où les biens nationaux pourront être mis en vente par tout le royaume, l'émission n'ait lieu que pour de petits assignats au-dessous de 200 livres, à la charge encore, par la caisse de l'extraordinaire, d'employer ceux de 48 liv. et au-dessous en échange de ceux de 400 millions ci-devant décrétés; enfin, qu'il soit donné tous les jours, par les papiers publics avoués de l'administration. une note exacte de toutes les ventes dans tout'le royaume, ainsi que de la somme et du numéro de tous les assignats brûlés, en conséquence de vos décrets.
Communauté des tanneurs, de Paris.
La communauté des tanneurs de Paris, s'en rapportant à la prudence et aux décisions de l'Assemblée nationale, qu'elle fait profession de respecter dans toutes les circonstances, la supplie de ne décréter l'émission d'aucun papier-monnaie au-dessus de ceux qui ont cours jusqu'à ce jour, attendu qu'il pèserait alors d'autant plus sur la classe la plus indigente et serait très nuisible au commerce.
Après vous avoir rendu un compte aussi détaillé du vœu de chacune des villes les plus intéressées à ia question des assignats, votre comité d'agriculture et de commerce craindrait, Messieurs, d'abuser de moments aussi précieux en vous présentant des réflexions qui sont le résultat naturel de toutes celles qui vous ont été soumises dans le cours de ce rapport. D'ailleurs, Messieurs, votre comité ne saurait, sans passer les bornes des fonctions que vous lui avez attribuées, envisager la question des assignats sous toutes ses faces.
Cependant il osera vous représenter qu'il y est intéressé plus directement qu'aucun autre comité ; qu'il ne s'agit point ici d'une mesure indifférente en elle-même, et dont la sagesse seule puisse déterminer le succès par les précautions que la prudence lui suggérera.
Non, Messieurs, la question des assignats est telle, qu'en se décidant pour l'affirmative, lors même qu'on aurait pour soi la raison et la politique, on ne devrait s'attendre à aucun succès sans le concours de l'opinion générale.
Cette question est importante pour la prospérité publique, que vous n'avez que l'alternative d'un grand bien, ou de la ruine totale de l'Empire et de sa Constitution, tandis que dans d'autres opérations de finances ou d'administration, il vous est quelquefois possible de choisir un moyen terme qui, sans plaire à aucun parti, mérite encore les plus grands éloges, et peut procurer des succès.
Ici, Messieurs, votre décision, pour ou contre le projet qui vous a été proposé, achèvera de ruiner les manufactures et le commerce, qui ont été déjà si maltraités depuis les premiers moments de la Révolution, quoiqu'ilsy aient contribué de toutes leurs forces, quoiqu'ils aient donné des preuves multipliées de patriotisme et de respect pour vos décrets; ou vous leur rendrez le cou-
rage et la vie : vous les dédommagerez tout d'un coup des sacrifices qu'ils ont été obligés de faire, des millions de bras vous devront une nouvelle activité, et la renaissance de la prospérité nationale datera du jour de votre décret.
Et prenez garde, Messieurs, que la ruine du commerce entraînerait celle de i l'agriculture, dont les progrès sont simultanés ; daignez ne pas perdre de vue que ces deux sources de richesses sont le seul espoir de la France, que, sans le cultivateur, le commerçant ne peut rien ; et que, sans l'industrie, l'agriculture est anéantie.
Mais, Messieurs, s'arrêter à de pareilles réflexions serait outrager votre sagesse qui les a conçues depuis longtemps. Depuis longtemps elle a senti l'importance majeure de la question proposée ; elle a voulu s'entourer de toutes les opinions et de toutes les lumières, elle a voulu que le plus simple citoyen fût admis à lui présenter ses vues et ses observations.
Or, Messieurs, dans un tel embarras, dans un tel conflit d'opinions, quelles sont celles que vous distinguerez sûrement?. Invoquerez-vous les arguments de ces capitalistes hardis, qui, substituent toujours leur intérêt à l'intérêt général, qui ne se lassent jamais de faire retentir le mot d'opiniou publique, pour s'engraisser plus sûrement de la substance de leurs concitoyens, qui présentent des plans simples en apparence, trop vastes pour être à la portée de la multitude, et qui montrent des succès sur le papier? Croirez-vous aux désirs de ceux qui n'ont d'autres lumières que celles que peut leur donner l'amour de la patrie, souvent égarés par des suggestions perfides et intéressées, et d'autant plus faciles à tromper, qu'ignorant un fait de finance et d'administration, leur esprit ne peut se rallier à aucun principe ?
Ne préférez-vous pas, au contraire, le vœu de ceux qui, par état, sont le plus intéressés à la décision que vous adopterez, et dont l'intérêt particulier est tellement lié à l'intérêt général, que vous ne pouvez contribuer à leur prospérité, sans assurer en même temps celle de la France ?
Oui, Messieurs, l'intérêt isolé d'un commerçant, peut être contraire à l'intérêt public ; mais lorsque toqs les commerçants du royaume sont d'accord entre eux sur plusieurs points, sans s'être rien communiqué, sans qu'il y ait pu avoir de collusion entre eux ; lorsque leurs délibérations ont été prises en même temps, et presque le même jour, dans toutes les villes et dans différents départements ; lorsqu'ils ont été consultés au moment où ils s'y attendaient le moins ; croyez, Messieurs, que leur vœu est la voix de la vérité, qu'il exprime le véritable intérêt du commerce, et, conséquemment, celui de la nation.
Or, Messieurs, que vous disent unanimement tous les négociants du royaume ?
Qu'il est juste de payer la dette exigible de l'Etat, et d'y appliquer le produit de la vente des biens nationaux. Cet assentiment à vos vues assure donc le succès d'une opération, aussi glorieuse pour la France, qu'inponnue jusqu'à présent dans les annales du monde.
Toutes les places de commerce désirant unanimement que des papiers nationaux soient admis pour l'acquisition de ces biens, et que, pour assurer le succès de ces papiers, on détermine, dans le plus court délai, la valeur de ces mêmes biens.
Ce désir n'a rien que de conforme à l'esprit de justice qui dirige vos opérations, et au système que vous avez adopté, d'en soumettre les moindres
parties aux regards de 1& nation que voue représentez,
La majorité, ou pour mieux dire, la presque totalité des négociants du royaume pense que ces papiers ne doivent point avoir un cours forcé, qu'ils doivent être admis, de préférence à toute autre valeur, dans l'acquisition des biens nationaux; que s'est un moyen 6ûr de faire reparaître le numéraire et de ranimer l'industrie. Votre comité ne répétera point ici les motifs de cette opinion ; il vous en a déjà rendu compte ; mais il veus rappellera qu'en demie? résultai l'avis des aégociants est, qu'qn nouveau papier-monnaie ruinerait entièrement le commerce et les manufactures, et que le projet seul y a rét pandu l'alarme la plus vive.
Une grande partie des places de commerce, fidèles au principe avoué, de tout temps, par l'éopnomie politique, qu'un papier n'est l'équivalent de la somme qu'il représente, que le jppr même oùon peut l'échanger contre des espèces,ont cru que, pour ne rien faire perdre aux créanciers de l'Etat, if fallait accorder à ce papier, un jnr térêt quelconque, mais qu'en même temps, pour accélérer la vente des 'biens nationaux, attacher à la Révolution les nombreux ennemis qu'elle peut conserver parmi les créanciers de l'Etat, et ne pas grever le Trésor public d'intérêts, que l'antipatrjotisme pourrait faire payer longtemps, 11 convenait que cet intérêt n'existât que pendant un temps limité, et qu'il fût sujet au décrpisseT ment.
Ce principe, Messieurs, est en même temps eelui de la justice et de l'amour du bien public, et il ne peut vous être étranger.
La plupart des places de commerce, de quejr que opinion qu'elles soient, pensent encore que, pour faciliter les payements par petites sommes qui se font journellement dans les ateliers publics, les fabriques et manufactures, il eBt nécessaire d'émettre une quantité de monnaie-billon, proportionnée au besoin des différents départements.
Cette opinion n'a besoin que d'être indiquée» pour être accueillie', mais l'Assemblée ayant nommé un comité particulier pour les monnaies, le comité de commerce n'a pas cru devoir s'oc-r cuper de cet objet.
Il croit avoir pleinement rempli, Messieurs, la mission que vous lui avez confiée, en yous éclair rant, comme vous l'avez désiré, sur le vœu des différentes places de eommerce ; mail il a cru devoir y ajouter ce qui n'avait été prévu ni oak culé par elles: il a cru qu'il était important de connaître au juste la quotité de la dette réelle? ment exigible, et de subvenir aux besoins les plus pressants de l'Etat ; il sait que le retard du payement des impôts et de la contribution patriotique, ainsi que le non-remplacement du proa duit de la gabelle, occasionnent dans le Trésor public un vide qu'il est impprtant de remplir, et que la dette actuellement exigible n'est pas aussi considérable qu'on l'a évaluée. Satisfait d'avoir pu préparer, par ses observations, la dé-r cision importante que vous prendrez dans votre sagesse, il ose se permettre de la provenir par ses idées particulières.
Cependant, Messieurs, si veus pensiez que votre comité d'agriculture et de commerce dût vous offrir le résultat de ses réflexions daus qn projet de décret, il est prêt à vous le soumettre.
. L'Assemblée nationale a rendu un décret par lequel elle a ordonné aux seetions dp
la yi|le de Parte de remettre au çoiqité des finfih-çes leur vœu, si elles en emettaieot un» sur la question assignai, commerce Pc Paris, représenté par les grand? gardes de six cprps, a pris une délibération importante et détaillée en faveur des assignats^ Çj'esî ayssi }e vœu des manufacturier, et enfin 4e të Majorité des sèfi*
tioos, qui s'est expliquée unanimement
(1). Messieurs, l'Assemblée nationale, après avoir péniblement démêlé le chaos de la dette publique, connaît enfin la nature et l'étendre des engagements qu'elle à mis sous la sauvegarde de phonneur et ne la loyauté française.
Vous avez, Messieurs, présents à l'esprit les} trois chapitres de l'état de la dette piibljqjje que votre comité des finances a fait imprimer et vous vous rappelé? comment il en a classé Jes objets,
La nation attend de vous, en ce mpmenl, que vous accomplissiez la promesse solennelle qui fut, dans votre bouche, la première et digne expression de sa volonté. Mais ce devoir n'est pas le seul que vous ayez à remplir.
Dans la déipplition 4e i'aotipe édifice des aljup, la proyijfiençè nous ayai( ménagé la découverte d un trésor correspondant à nos besoins, La nation est rentrée dans de vastes domaines; mais polir qu'ils accrussent efficacement sa ri-déesse, pour qu'ils ne dépérissent pas, pour qu'ils ne disparaissent pas, pour qu'ils augmentent bien tôt le nombre des citoyens propriétaires, il faut qu'ils soient promptemént vendm et yen-dus avantageusement.
Il le faut, afin de consolider la di$pps§ession des usufruitiers, conformément à la Constitua tiont
11 le faut, pour effaper promptemént jusqu'aux plus faibles traces de |§ijf; espoir dp retour sur ces propriétés ( chimérique espoir, qui ne scrjt qu' a prolonger des aigreurs, et a nçurrir des méfiances?
Il le faut, afin d'éviter des pop-iyaleurs dans les revenus, des embarras dans comptabilités, des tentations corruptrices au milieu 4'un système régénérateur.
il le faut, enfin, pour être juste envers les départements qui renferment un plus grand nombre de propriétés devenues nationales; car jusr qu'au moment où vos domaines Sprppt yeqdqs, les revenus en seront exportés, pour se verser dans la caisse des dépenses publiques, et les fruits se consommeront ïçiq au sillon qui les a produits.
Le besoin de vendre nos domaines @et dope presque aussi pressant que celui de payer dettes. Si la bonne foi nous prescrit de payer, la bonne administration nous ordonne 4e v£U4*e: il ne s'agit pas d'examiner ce que nQÛ§ pour-* rions faire dans d'autres circonstances ; les yen? tes peuyent seples aujourd'hui ranimer la Circulation, faire reparaître le numéraire et mettre m dernier sceau à la Éévolutipu:
Je ne me reproche pas, Messieurs, Je |g{np§ que j'emploie à. insister sur ce prinpipg; il
in§ paraît essentiel de s'en bien pénétrer, pop seulement pour l'opposer à ceux qui
pourraient, s'éloigner au système 4e vendre, par des motifs que vous ne pouvez pas approuver!
mais encore ppyr répondre aux inquiétudes des calculateurs qui
Vous ave? ouvert un vaste marché de terres d'une extrémité du royaume à l'autre; vous ayej? besoin d'y appeler une foule d'acquéreurs. Vous deve? donp moins vous occuper de recher^ eber quels payements vous pouvez différer encore, que d'examiner quelles dettes vous pouve? déjà éteindre, en l'absorbant dans vos domaines vendus. Ce fut trop longtemps la scipnce funeste de nos administrateurs, de gagner du temps, de prolonger des payements, d'arnlrgr des dettes e d'augmenter sans scrupule la masse de nos charges, pourvu que les embarras du jour fussent rejetés pur [e lendemain. La pénurie pouvait e^ cuser ces mesures dilatoires; aujourd'hui tput est changé; la nation veut et peut payer ses créanciers; elle leur offre ses domaines, non pas comme un gage, mais comme un payement actuel et effectif; son intérêt est de se libérer promptement du plus grand nombre de créances possible. Des remboursements écherraient d'an ^ née en année, et à chaque échéance de nouveaux embarras ; toujours cette distinction de dépenses ordinaires et de dépenses extraordinaires qui enchevêtre, enchérit vos comptes, qui vous oblige à chercher des ressources, a retomber ç}âasTes emprunts, ou à imaginer des impôts.
Ne yaui-il pas mieux, pour nous, prévenir ces écbéaqces et gagner des escomptes, que dé laisser exister plus longtemps cette foule d'effets circulants a titres différents, à intérêts inégaux, a termes successifs,.aliments funestes d'agiotage, et monuments honteux du besoin que nous eûmes si longtemps d'emprunts usuraires, et du talent de les déguiser?"
Justifierai-je encore ]p comité des finances contre M. Neckei*, pour avoir nommé èxiginje la dette du clergé; pour avoir appliqué aux devqjrs d'une nation qui s'acquitte, les lois qui régis* sent les fortunes particulières ; que n eût-il pas eu, au. contraire, a nous reprocher, si, oubliant ]fjs principes qu'il se plaisait à répéter dans ses discours, nous avions pu, une seule fois, séparer 1er» conseils 4e la morale, des calculs de la finance !
J'ai dù défendre le comité des finances contre peux qui l'accusent d'embrasser a la fois trop dq rembOurpemeRts; je d°is ppmbattre un système opposé, pygtèjpe ingénieux, fondé sur des corn* lunaisons très profondes dans la science du crédit public,'et que recommandent de puissante§ autorités.
On vous a proposé d'offrir une concurrence indéfinie à tous les créanciers de l'Etat, sans en excepter les propriétaires des rentes viagères ou constituées. Un de vos pomités a appuyé ce SYS^ tème, qui appelle environ quatre milliards et demi de créances, a se disputer leur emploi, sur des fonds dont nous n'estimons la valeur que trois milliards, Cette concurrence promet ùnë grapde Chaleur dans les ençpères et un débit avantageux des domaines. Mais de fortes objections attaquent ce système?
Ou ]es trois milhards de domaines s'échangeront cpptre les quatre milliards et demi de pa^ piers, ou il survivra des papiers ft la veptg dés terres, Si tPUS les papiers s'échangent, lps terrés ont été portées au delà de igur prix, et les papiers au-dessous d§ leur valeur, et il y a UP8 grande jpjuslice commise envers les porteurs de prôiéfô.
bi tous les papiers ne $ggt pas absorbés, nous
retombons dans un embarras pi nous conduit a une autre injustice; car n est vraisemblable que ce seront les créances constituées qui se seront absorbées les premières ; eJlesperueui aujourd'hui de 25 à 30 0/0 SUF la Place. Acquises à Vil pnXi on peut les donner avec plus de prodigalité en payement des domaines, contre lesquels elles s'échangeront au pair ; mais quand elles se §ë-ront toutes échangées, quand, pvep elles» les domaines seront sortis de nos mains, les créances exigibles resteront ; pu nous pressera de payer, et nous n'aurons plus que l'expédient de ponstîi tuer, c'est-à-dire d'être injustes ; et après avoir remboursé des contrats, nous laisserons protester sur ppus des engagements échus.
Le| comité dès finances paraît donc avoir saisi une juste mesure, en vous proposant d'ouvrir dés à présent la liquidation de toute )a dette comprise dans les deux derniers chapitres dps états qu'il vous a soumis, et de borner là votre liquidation actuelle. L'ensemble de ces deux chapitres monte à 1902 millions; vous avez déjà délégué 400 millions d'assignats sur vos domaines ; ces capitaux suffiront pour animer les ventes qu'il vous importe d'§ff§ctuer bientôt.
L'examen des moyens à prendre pour échanger vos domaines contre ces 1902 millions doit ac~ tueiiement nous oçcyper.
Deux partis vous sont offerts : l'un consiste à délivrer a chaque créancier des reéon naissances du montant de sa'oréaûce, et lui promettre l'intérêt (je son capital, Ce système, qui pi été diff|r rem ment modifié paF plusieurs opinapts, est connu dans cette discussion SPUP le nom de syg-: tème des quittances de finance. ? on s'accorde à convenir qu'elles seraient admises comme payement des domaines nationaux.
L'autre système consiste à considérer les domaines nationaux en bloc, comme dès à présent transmis à f universalité des créanciers de la dette exigible, età les en investir, non par une simple hypothèque, mais par un envoi actuel ou possession ; et afin que chacun puisse particulariser cette délégation générale dans le lieu qui est le mieux à sa convenance, on propose de donner au signe de l'envoi en possession toutes les qualités d'un véritable signe d'échanges, d'une uionnais de l'Etat. C'est ce qu'on nomme le système de§ assignats.
Tout ee qui a été proposé se réduit à l'un de ces 'deux moyens ou à leurs modifications, et la nature des phases n'admet pas d'autres expédients ; car lorsqu'on s'est une fois constitué dér biteur, il faut consentir à devoir, jusqu'à ce qu'on ait consenti à payer.
Payer, en métaux monnayés, 19QQnrtlliQns est une supposition absurde.
Il faut donc se résoudre ou à rester débiteurs, comme par les quittances de finance, ou à s'acquitter en créant des signes comme par les assignats.
C'est donc examiner la question sous son point de vue le plus Simple, que de comparer l'un à l'autre pes deux systèmes, et de b^lanpçr leurs avantages et leurs inconvénients-
Lorsque j ai voulu me rpndro raison des avan-" tages des quittances de finance, et que j ài cherché à m'en pénétrer, soit dans les écrits 4e leurs partisans, spit dans mes propres méditations, j'ai été frappé de ne leur en trouver aucun, kg
plus grand éloge qu'eu aient fait leurs zélateurs, c'ept qu'ils les trouyent exemptes de grand? défauts/Quels seraient en çftpi les avantagea de ces quittancè§ ?
On ne dira pas qu'elles acquittent la dette, puisque constituer est précisément le contraire de payer. On ne dira pas qu'elles animent la circulation, puisqu'elles sont de leur nature, mortes et intransmissibles; qu'elles relèvent le crédit? puisqu'une masse de dettes s'affaisse nécessairement quand on ajoute son poids.
Faciliteront-elles, amélioreront-elles la vente des domaines nationaux ? Mais si elles portent l'intérêt légal, c'est-à-dire l'intérêt ordinaire attaché à de semblables obligations, elles tueront les ventes au lieu de les hâter. Cinq pour cent d'intérêt acquittés par une nation désormais fidèle jusqu'au scrupule, n'engageront pas à acquérir des terres qui ne procurent que 3 0/0 de revenu.
Sous le rapport de leurs inconvénients les quittances de finance n'offrent pas un champ si stérile à l'imagination.
Elles sont d'abord, et c'est à mes yeux le plus grand de tous les maux, elles sont d'une souveraine injustice.
Je lai déjà dit, une quittance de finance est une constitution ; constituer forcément ce qu'on devrait payer, c'est enfreindre toutes les lois de la propriété. Le contrat de constitution, comme tout autre contrat, doit être l'ouvrage de la volonté libre des parties contractantes. La force n'a pas le droit de l'imposer comme une loi à la faiblesse qui le refuse. Si tous se réunissent contre un seul pour lui faire signer ce marché malgré lui, le despotisme a pris la place des lois, et la sauvegarde de l'honneur français est violée.
Une si manifeste injustice sera toujours, Messieurs, impossible à votre probité; elle ne répugnera pas moins à votre sensibilité, quand vous jetterez les yeux sur le sort des victimes d'une si cruelle opération.La plupart de vos créanciers ont eux-mêmes des engagements personnels à acquitter. Si leur capital, dont ils attendaient la rentrée pour leur propre libération, se fixe tout à coup dans vos mains, et s'y consolide malgré eux, réduits à manquer à leurs engagements, ils n'ont plus qu'à périr de désespoir ; ils avaient besoin de capitaux liquides pour s'acquitter, et un fatal parchemin que vous les avez forcé de prendre, et qu'ils ne peuvent transmettre, ne les sauve, ni des frais d'une demande judiciaire, ni de la honte d'une exécution, ni des horreurs d'unéprison destinée aux débiteurs in fidèles. Invo-queront-ils les lois, asile des opprimés ? mais pour eux il n'est point d'asile puisqu'ils sont opprimés par la loi. La loi a consolidé malgré eux leurs créances; ils demandaient un payement à l'Etat, et la loide l'Etat leur donne un contrat. Mais cette loi versatile et cruelle leur défend de s'acquitter comme on s'est acquitté avec eux, exige d'eux ce qu'elle leur a refusé et les écrase sans défense entre l'infidélité de leur débiteur et les poursuites légitimes de leurs créanciers.
Voyez dès lors un nombre infini de ces porteurs de quittances se presser à la Bourse pour les y vendre à perte. Des effets semblables existent déjà pour sept cents millions ; ils perdent 15 0/0; triplez cette masse et calculez la perte qu'élle éprouvera.
Pendant que ces papiers malheureux s'avilissent ainsi dans les mains de leurs possesseurs, ils épuisent l'Etat d'intérêts et aggravent le poids de ses contributions. S'ils sont à 5 0/0, • c'est 95 millions d'intérêts à payer par année ; c'est 38 millions à lever sur le peuple, à ajouter aux
autres impôts, en supposant que le revenu des domaines n'éprouve ni retards ni non-valeurs.
Si vous réduisez l'intérêt des quittances à 3 0/0, comme on l'a proposé, on peut espérer que le revenu des biens acquittera cet intérêt ; mais je ne crains pas de le dire, dans un arrangement forcé, que vous contraignez votre créancier à souscrire-, établir un intérêt de 2 0/0 au-dessous de l'intérêt courant et ordinaire, c'est arithmétiquement la même chose que de faire banqueroute de 40 0/0 sur le capital.
Dans un contrat libre, le vœu mutuel des parties stipulantes fait leur unique loi. Mais quand la volonté générale prescrit des conditions qu'on ne peut pas refuser, elle doit prendre pour mesure le taux habituel des transactions libres, et tout ce qui est au-dessous est infidélité.
Ainsi, pour ne pas ajouter à l'injustice d'un contrat forcé celle d'un contrat inégal, il faudrait accroître de 35 à 40 millions la somme des impositions annuelles ; il faudrait encore, comme je vais le prouver, condamner pour longtemps la France à l'inertie et à la longueur causées par le mauvais emploi de ses capitaux.
Un gouvernement immoral etdissipateur, pressé sans cesse par des besoins renaissants, n'a cessé d'emprunter ce qu'il ne pouvait pas rendre, et de Vendre ce qui ne pouvait pas être commercé.
L'élévation des intérêts, le perfide appât des Chances, la stérile et mensongère richesse des revenus viagers, tout a été mis en usage pour remplacer le véritable crédit qui s'appuie sur l'ordre fit sur la solvabilité ; mais ce n'est pas à la cupidité seule que nos ministres ont su tendre des pièges; toutes les fonctions publiques sont devenues vénales entre leurs mains ; la cour, les finances, les armées, les tribunaux ont été fermés à tous ceux qui n'en achetaient pas l'entrée par des placements sur l'Etat.
C'est ainsi que toutes les fortunes particulières sont venues se fondre et s'absorber dans les emprunts et dans l'acquisition des offices publics; c'est ainsi que quatre milliards et demi de capitaux enlevés à l'agriculture, au commerce, à l'industrie, sont venus se fixer, se paralyser dans un emploi stérile, qui n'ajoute rien à la richesse générale ; les quittances de finance prolongeront encore longtemps cet abus ; les placements infructueux auront changé de nom, mais non pas d'objet ; la même somme restera toujours destinée à épuiser l'Etat d'un intérêt de 5 0/0, ' sans animer aucun genre d'industrie ; l'avilissement de ces effets accoutumant le capitaliste à obtenir de forts intérêts pour son capital, sans autre talent que celui d'acheter à perte des quittances encombrées sur la place, l'intérêt de l'argent sera haussé par la prolongation de cet abus, et l'inertie récompensée éteindra toute émulation productrice.
Voilà le dernier effet des quittances imposées comme loi inévitable aux créanciers de l'Etat.
Je ne fais, Messieurs, que vous indiquer ces idées; votre sagacité vous en fournira les développements.
J'examine maintenant les assignats; comme valeur, je vois en eux l'envoi actuel en possession des immeubles nationaux, réalisables au choix de l'acquéreur.
Comme signes, je les suppose revêtus du titre de monnaie, c'est-à-dire associés, par la loi, au privilège de représenter toutes les valeurs.
Dès l'instant de leur émission, non seulement les anciens usufruitiers sont dépossédés des domaines nationaux, mais la nation elle-même en
est dessaisie au profit de ses créanciers, et ne continue à les administrer pour eux et en leur nom, que jusqu'au moment où ils se les feront répartir entre eux, au gré de leurs convenances réciproques, et suivant la mesure de leurs droits.
Dès que la nation s'est acquittée en assignats, je ne vois plus les domaines nationaux que comme une vaste banque, dont les fonds appartiennent aux créanciers ainsi remboursés ; ils les transfèrent, ils les revirent, ils les transmettent, jusqu'au moment où chacun d'eux, par lui-même ou par ceux qu'il a subrogés à ses droits, vient retirer de la banque indivise la propriété particulière, en remettant, eu éteignant 1e titre qui constatait sa copropriété.
Les avantages d'une semblable libération s'of-frent en foule : elle est rapide, elle est instantanée ; c'est un véritable payement qui éteint le capital et qui efface les intérêts.
Votre créancier est-il débiteur lui-même, il s'acquitte à son tour, et la même loi qu'il a reçue de vous le protège dans sa libération personnelle.
On a présenté comme une grande objection contre les assignats cette suite de payements ré-trogradées qui doit, à leur émission, parcourir toute l'échelle des débiteurs aux créanciers; et cette liquidation progressive est un de leurs plus grands avantages. Qu'on réfléchisse sur les miracles du crédit et de la circulation, et on sera frappé des suites bienfaisantes d'une opération qui règle tous les comptes et qui acquitte toutes les dettes. Un seul remboursement eu assignats, versé par l'Etat entre les mains de son créancier, acquitte successivement vingt débiteurs, éteint les intérêts dont ils étaient accablés, fait cesser des poursuites ruineus'es et crée partout sur son passage, avec la libération, l'incalculable puissance du crédit. N'est-ce pas le crédit qui commande le travail et vivifie la circulation ? N'est-ce pas le crédit qui décuple les richesses ? Et où est 1e crédit, où est la circulation chez un peuple qui, après avoir enchaîné tous les capitaux dan3 une dette amoncelée pendant deux siècles, tient en quelque façon toutes les fortunes particulières courbées sous le poids d'une créance mutuelle, qui ne peut être soldée tant que l'Etat ne soldera pas ses dettes ?
L'apparition des assignats est le signal de la libération universelle; c est aussi le véhicule d'un grand empressement d'acquérir les domaines nationaux.
A Dieu ne plaise, qu'au lieu de fonder cet empressement sur des motifs légitimes, je lui donne pour stimulant la peur, et que je transforme l'Etat en un joueur à la baisse,'comme un ministre des finances n'a pas craint de le supposer. J'ai peine à expliquer ces paniques terreurs, qui semblent avoir tourmenté les derniers instants de ce ministère; mais, certes, elles ne doivent pas s'appliquer à la solidité des assignats nationaux. Et s il y eut jamais une délégation d'une valeur incontestable, c'est celle que la nation française peut offrir à ses créanciers, comme distribution anticipée des riches domaines qu'elle a à sa disposition. Ces engagements ne sont-ils pas inébranlables, comme la Constitution, sacrés comme notre serment civique, inviolables comme ie pacte fédératif que les Français ont juré à la face de la terre et du ciel ? Quelle force pourrait donc abîmer tout à coup trois milliards de valeurs immobilières, qui existent sous nos yeux, ou les arracher des mains d'une nation qui a déclaré qu'elle voulait et qu'elle pouvait eu disposer?
Non, ce ne sera pas la crainte, mais ce sera un
légitime intérêt qui précipitera les assignats vers les ventes.
Cette dette de 1,900 millions, je l'ai déjà observé, est un rassemblement de capitaux prêtés à l'Etat, et tout propriétaire de capitaux veut qu'ils lui produisent des revenus. Il faut donc leur chercher un emploi, et c'est au moment où 1,900 millions de capitaux, successivement reversés sur toutes les parties de l'Empire, attendent et sollicitent un emploi, que vous ouvrez l'immense marché de vos domaines. Ah ! que cette mesure est à craindre pour ceux qui redoutent de voir ces domaines vendus !
Le besoin de placements que vous faites naître parmi vos créanciers, en les remboursant, ne norte avec lui aucun caractère d'injustice. C'est le droit,eomme l'intérêt du débiteur, de s'acquitter ; c'est au créancier remboursé à se procurer un placement prompt et avantageux; vous lui offrez un débouché utile pour ses capitaux ; tous les intérêts d'accord, conseillent donc cette opération: l'intérêt de l'Etat, celui de ses créanciers, celui de tous le3 proprétaires; car si vous ne précipitez pas les ventes des nouvelles propriétés, foncières que vous remettez dans le commerce; si vous ne répandez pas des moyens d'acquérir, égaux à leur valeur, et qui tendent, par leur nature, à s'échanger contre elles, vous avilissez toutes les propriétés existantes, déjà partout offertes et partout trop peu recherchées. Le luxe, la forme arbitraire du gouvernement, la mauvaise assiette de l'impôt, le haut prix des emprunts, toutes ces causes ont conspiré depuis longtemps contre les propriétés territoriales. Il en est mille à vendre qui sollicitent vainement des acheteurs ; faites qu'on ait intérêt d'acheter, qu'on soit pressé de replacer ses capitaux pour ne pas perdre ses revenus, et vous rehaussez toutes les valeurs dans les mains des propriétaires, et vous sauvez, malgré eux, ceux qui dans leur aveuglement s'opposent à la seule mesure qu'ils devraient ardemment invoquer.
Les assignats n'ont-ils donc pas d'inconvénients, et leurs avantages reconnus ne peuvent-ils pas être balancés par des craintes ?
Il est peu de mesures, par ni les plus utiles, auxquelles on ne puisse opposer quelques appréhensions. Mais celles qu'on a si soigneusement accumulées, si péniblement exagérées contre les assignats, me paraissent dépourvues de solidité.
On peut ranger toutes les objections contre les assignats en deux classes, qui portent sur deux hypothèses absolument opposées.
Les uns avancent que les assignats, quoique déclarés monnaie, ne se soutiendront pas au pair avec les métaux monnayés, et raisonnent dans cette supposition.
Les autres supposent que les assignats se maintiennent au pair, et ils argumentent dans cette hypothèse. Cette division bien établie entre deux systèmes d'attaque, qu'on a trop confondus, abrégera beaucoup 1 examen des objections.
Si les assignats perdent sensiblement, c'est-à-dire si leur valeur, toujours au pair quand on agit sous l'empire de la loi, quand on fait des offres réelles, ou quand on acquitte une condamnation, n'est pas reçue sur le même pied dans les transactions libres ; de cette différence entre les actes légaux et les actes volontaires, il résultera quelques injustices qu'on ne saurait nier; mais je suis autorisé à rejeter celte supposition.
l'invoque à mon appui l'expérience et les principes.
L'expérience; oui, Messieurs, j'ose l'invoquer,
Quoiqu'il faille, je le sais, faire quelque sacrifice, pour échanger un assignat contre de l'argent monnayé, il ne s'ensuit pas que l'asBignat éprouve un décri qui constate sa non-valeur. La commodité de l'argent, sa divisibilité, son application plus facile à de petites dépenses journalières, voilà les causes de cette prime qu'on sacrifie pour obtenir de l'argent ; elleest plus forte qu'elle ne devrait l'être, si les échanges de l'argent contre les assignats n'étaient pas inquiétés par les mouvements du peuple; si le rétablissement de l'ordre public, dans toutes les parties de l'administration, n'offrait plus de prétextes à l'inquiétude; si une multitude de petites sollicitudes particulières ne faisaient resserrer à chacun p»ar son usage de modiques sommes, dont la suppression forme un grand engorgement; si le» ventes étaient en pleine activité; enfin, si la Constitution que vous vous hâtez de terminer, était entièrement, et lorsque tant d'obstacles s'opposent encore au succès des assignats, je les vois ne s'échanger qu'à 5 G/0 de perte contre l'argent; et s'échanger au pair, contre toutes les valeurs qui n'exigent pas des payements trop minutieux. Je n'en veux qu'un exemple, il est sans réplique.
Depuis le jour où vous avez déclaré que la nation avait le droit de disposer des biens ci-devant possédés par les ecclésiastiques, il n'est rien survenu qui ait pu changer létat de la dette publique . A cette époque, il n'y avait pas d'assignats. Vous en avez ordonné depuis 400 milllions ; fls «ont presque tons distribués ou représentés par des billets de caisse, équivalents. Interrogez fes cotes de la bourse; les fonds publics y sont aujourd'hui à vendre contre des assignats^le même prix que le 15 novembre, ils étaient a vendre contre des écus ; voilà une marchandise, dont les prix sont notoires, dont les prix n'ont pas changé ; elle juge la question. L'argent resserré par mille causes secondaires, est devenu plus rare; mais les assignats n'ont pas éprouvé de baisse; puisqu'ils sont échangeables contre les effets publics,, aumême prix que l'argent s'échangeaitcontreeux, il y a dix mois. J'ai donc l'expérience pour moi,
?uand je dis que les assignats ne perdront point, ai encore la théorie, vous pouvez soutenir les assignats au pair par des moyens artificiels, vous pouvez même les élever au-dessus de la valeur des métaux monnayés. Vous le pouvez par des sacrifices d'argent, comme si vous accordiez des primes distribuées par tirages, qui ajonteraient aux assignats des valeurs éventuelles, des chances de loterie, toujours évaluées par le public au-dessus de leur véritable avantage. Vous le pourriez, en privant les écus du droit politique de représenter les valeurs, du privilège d'être monnaie, et d'acquitter les payements juridiques, pour concentrer cet avantage dans les assignats.
Je ne vous propose pas, Messieurs, de mettre ces moyens en usage. Je ne; le crois pas nécessaire ; il me suffit de vous les avoir indiqués, pour repousser la supposition de la perte à subir par les assignats.
Avec cette supposition s'évanouissent toutes les objections dont elle est le principe.
Tout ce qu'on a dit sur l'augmentation des valeurs nominales, surl'établissement de deux prix, sur l'iniquité des remboursements en papier de bas aloi ; tout ce qu'on a calculé sur la variation des changes et sur les engagements à terme du commerce ne porte que sur la perle imaginaire des assignats. Mais ces deux dernières objections méritent une réfutation particulière.
On a dit : « tout le commerce n'est appuyé que
« sur les spéculations du crédit. Tout s'achète et « s'y revend à terme. Mais quand une nouvelle « monnaie s'introduit tout à coup dans les af-« faires, et estsujette à -des variationsquicbangent « les valeurs nominales, et dérangent les rap-« ports entre les mots et les choses, ilestim-« possibleée prendre aucun engagement à terme; « car on ne sait de quelle expression se servir « pour s'entendre, et pour que la convention « s'exécute â l'échéance, comme elle a été conçue lors de l'engagement. Or, les monnaies en pa-« pier étant plus sujettes aux variations que les « monnaies en métaux, le commerce n'a plus de « bases dans un état qui admet du papier mon-« naie. »
Je réponds à cette objection, qu'il existe déjà des assignats. Il en existe 400 minions, et comme la circulation en esit fort active, comme ils sont employés déjà à représenter toutes les valeurs qui s'échangent, et à solder tous les engagements du commerce, tout ce qu'on parait craindre des assignats existerait aujourd'hui, 8i ces appréhensions étaient fondées sur quelque réalité. 11 est déjà certain pour tout négociant qui promet de payer, ou qui s'engage à recevoir une somme à une époque déterminée, que le payement sera fait en assignats; c'est assez pour que le mal existe, si quelque mal devait en résulter; c'est assez pour se guérir de cette frayeur, si elle est purement imaginaire, comme la bonté intrinsèque de l'assignat permet de le penser. Un effet ne peut tomber au-dessous du pair, quand il y a un bureau d'échange où on offre de le prendre au pair; et vous ouvrez à la fois 547 bureaux d'échanges, toujours prêts à réaliser au pair la délégation primitive de l'assignat, sa valeur intrinsèque en domaines nationaux.
J'écarte, par le même raisonnement, les menaces faites à nos changes.
L'effet de 40 millions d'assignats est le même sur eux que celui de 2 milliards de cette monnaie. Il a suffi, pour produire cet effet, qu'il y eût possibilité de payer une lettre de change en assignats.
One plus grande émission n'augmenterait pas la différence qui se trouve déjà entre le cours des assignats et celui des métaux monnayés, parce~que cette différence ne résulte pas, comme je l'ai prouvé, du discréditées assignats, qui est impossible, mais de l'incommodité pour les petits achats, d'une pièce de monnaie de 1000, de300oa de 200" livres. Qu'on augmente les assignats à volonté, dès qu'ils n'excèdent pas la valeur en terre qu'ils représentent, ils ne perdront jamais, qu'à raison de cette incommodité qui n'est pas plus grandê, soit qu'on en ait émis peu ou beaucoup ; car il n'y aura pas pour cela plus de petits achats à faire, plus de petites sommes à transporter, et ce besoin de petites sommes reste la seule cause, comme la seule mesure de leur déchet.
Mais quand les assignats perdraient davantage, la situation de nos changes n'en serait pas altérée, la cote -seule du change changerait d'expression. Les mots seraient différents ; tes choses resteraient dans le même état, c'est ce qu'il est facile de prouver.
Entre deux nations qui commencent ensemble, lorsqu'une des deux a plus acheté qu'elle n'a vendu, il faut qu'elle solde en métaux ; je dis en métaux et non pas en. monnaie métallique, car les métaux monnayés ne sont considérés de nation à nation que comme lingots.
La soul'te qu'une nation doit à l'autre àprès tous les échanges balancés, est donc la vraie base des variations du change. Le change est ee faveur de Londres contre Paris; si Londres a vendu à Paris
des marchandises équivalentes à 100 marcs d'argent, et si Paris n'a vendu à Londres que pour 90 marcs, Paris doit en ce cas tenir compte à Londres des frais de transport des 10 marcs à solder.
Que Paris se serve d'une monnaie de papier plus ou moins décriée, cette différence ne change rien à l'état de la balance, entre les deux places, puisqu'elle ne change pas la valeur de leurs envois respectifs ; si la livre tournois s'est avilie en France de 25 0/0, l'aune d'étoffe anglaise qu'on se procurait avec 24 livres tournois, coûtera 30 livres tournois; mais aussi on soldera 30 livres tournois avec 4 gros écus comme par le passé. Les expressions seules auront varié; la situation restera la même. La cote du change, c'est-à-dire les termes pour s'entendre subiront un changement conveniionnel; le change qui résulte de la soulte à acquitter, ne dépendra jamais que de la balance des envois mutuels.
Mais c'est trop longtemps supposer le décri des assignats.
Raisonnons dans la seule hypothèse admissible, leur concurrence au pair avec ses métaux monnaies. « L'augmentation subite du numéraire, « fera, dit-on, monter tous les prix, surhausser « toutes les valeurs rompre toutes les proportions « entre le prix du travail et celui des denrées; « cette augmentation pèsera sur le pauvre, parce « que la progression du prix de ses journées sera « plus lente que l'évaluation du prix des mar-« chandises ; elle pèsera sur tous les fonction-« naires salariés, parce que leurs salaires de-« meureront fixes, quand tous les prix auront « varié; enfin, elle pèsera 6ur le gouvernement, « parce qu'il recevra les impôts sur l'ancien pied, « et payera ses dépenses sur le pied des valeurs « nouvelles. »
On a grand tort de se persuader que 1,900 millions de capitaux remboursés à ceux qui les possédaient, soient prêts à entrer à l'instant dans la circulation. Par quel esprit de vertige tous les pères de famille seraient-ils précipités tout à coup à consommer leur capitaux. Quand onspé cule sur la circulation, il ne faut compter ni sur les prodigues ni sur les avares; l'économie des uns remplace la dissipation des autres. On doit croire que des capitaux ne seront pas dénaturés ; qu'ils ne seront pas follemment lancés dans la circulation, mais qu'ils conserveront leur nature, et qu'après avoir successivement libéré tous ceux qui auront eu des remboursements à faire, ils s'échangeront contre les domaines qu'ils représentent, à moins qu'ils ne soient absolument retenus par les besoins urgents delà circulation, et si c'est la nécessité qui les appelle dans la circulation, loin d'y former engorgement, ils n'y porteront qu'une aisance salutaire, une abondance désirée.
Les Euopéens qui découvrirent l'Amérique, et qui spolièrent ses trésors, augmentèrent en Europe le prix de toutes les denrées, moins par la masse de l'or et l'argent qu'ils y versèrent, que par la manière dont ils répandirent sans mesure ce qu'ils avaient acquis sans travail par leurs brigandages et leurs cruautés.
Ce fut ainsi que, lors du système, les profusions du régent excitaient les prodigalités de ses favoris.
Mais des capitaux payés à des créanciers légitimes ne deviennent pas dans leurs mains une surcharge pour la circulation. L'économie qui les avait amassés, les conserve jusqu'à ce qu'un placement les attire et les absorbe de nouveau.
L'Angleterre a plus de signes que nous, relativement à sa population et à son étendue; il est faux que les denrées de première nécessité y soient plus chères. Le pain, la viande, les étoffes dont s'habille le peuple, y sont à meilleur marché qu'en France; la journée des ouvriers s'y paye beaucoup plus cher, parce qu'il y a plus de capitaux productifs; que les capitaux commandent beaucoup de travail ; qu'ainsi les ouvriers ne donnent pas leur peine au rabais, pressés par le besoin de vivre et réduits par la concurrence. Malgré cette différence dans le prix de la main-d'œuvre, tous les objets manufacturés qui n'exigent pas un fini recherché, y sontà plus bas prix qu'en France, parce qu'où il y a beaucoup de travail commandé, on peut établir une très grande division de travail et cette division est tout le secret du bas prix des manufactures.
Sans doute, Messieurs, c'est accomplir un vœu bien cher à vos cœurs, que d'établir un ordre de choses qui, sans augmenter le prix des objets nécessaires à la vie, rende meilleur le sort de l'homme qui travaille, le soustraie à l'avarice qui calcule ses besoins pour appesantir les lois qu'elle lui impose; un ordre de choses qui le rapproche, par un peu d'aisance, de la fierté qui convient à un peuple libre, et de la conscience de ses droits et de ses devoirs, qui doit être un des fruits de la Constitution.
J'épuise toutes les objections inventées contre les assignats. On me demande (et c'est là contre eux le grand argument) ce qu'ils deviendront dans les mains de l'homme qui ne doit rien à personne, qui reçoit un remboursement en assignats, et que sa convenance ou sa fantaisie détournent d'acquérir des domaines nationaux; car pour celui qui veut en acquérir, tous les signes d'échange sont également bons ; pour celui qui a des engagements à solder, les assignats font fonction de monnaie : il a donc fallu pour trouver une position défavorable aux assignats, supposer un homme exempt de toute dette passive, et déterminé à ne pas concourir aux achats que nous lui présentons.
Cet homme existe4-il? Il existe 1 Et s'il existe véritablement, est-ce pour lui, Messieurs, est-ce en sa faveur que nous devons combiner nos institutions politiques I
Mais je me prête encore à cette dernière supposition. La France est couverte de propriétaires solvables qui sollicitent des emprunts et qui se disputeront ces assignats. Tous ceux qui spéculeront sur les ventes, tous ceux qui ont des affaires à liquider, des entreprises de commerce et d'industrie à vivifier, n'atlendent-ils pas depuis longtemps des capitaux et les laisseront-ils en stagnation dans les mains qui s'en croiraient surchargées? Vous avez donné l'essor à la liberté française; vous donnerez aussi le mouvement à son industrie; vous appellerez les arts utiles, vous encouragerez les découvertes intéressantes, les entreprises productives, les compagnies d'assurance ; vous soutiendrez, par des privilèges bien entendus, les inventions de tout genre, les communications nouvelles, les canaux, les dé^ frichements ; et tandis que la nation, livrée, par votre impulsion, à cette fermentation universelle réparera ses pertes et commencera sa prospérité, les capitaux trouveront partout un emploi avantageux, et les assignats qui ne seront pas attirés par le tourbillon des ventes, seront entraînés par une autre circulation plus active et serviront à la vivifier.
(Ce discours esi fort applaudi).
. Je demande l'impression du discours de M. de Beaumetz. (L'impression est ordonnée.)
lève la séance à quatre heures.
a la séance de l'assemblée nationale du
Moyens de se libérer d'une somme de 2 milliards 600 millions envers divers créanciers de l'Etat, en rétablissant la confiance, en suppléant au défaut de numéraire, .et soutenir la balance du commerce entre la France et l'étranger, et un surcroît de revenu de 82 millions, par Duber-net, négociant.
(Extrait du Moniteur universel.)
D'après le rapport fait par le comité des finances à l'Assemblée nationale, la nation doit 2mil-liards600 millions ; savoir : pour le remboursement des charges, effets exigibles ou suspendus, envi* ron 1,900 millions; pour le montant des assignats déjà en émission, décrétés le 16 avril dernier, 400 millions ; pour le montant des avances que l'on sera nécessairement forcé de faire avant d'avoir établi l'exacte perception des impôts qui doivent assurer au moins le niveau entre la recette et la dépense de chaque année, 300 millions. Total des remboursements pour la liquidation entière des dettes exigibles par les divers créanciers de l'Etat, 2 milliards 600 millions.
Le remboursement de ces 2 milliards 600 millions est aussi assuré que facile, en rétablissant tout à la fois la confiance et en suppléant à la rareté du numéraire.
Je pose d'abord pour base qu'il y a en biens nationaux disponibles pour une somme de 1,400 millions, quoique l'on croie généralement qu'il y en a pour le double : mais pour rendre l'opération certaine il suffit seulement d'en faire connaître pour 1,400 millions par des aperçus modérés dans leur estimation. Voici après ce que l'on doit mettre en pratique.
Créer pour un milliard d'assignats sans intérêt, hypothéqués et affectés spécialement sur le montant des biens nationaux que l'on désignera, s'il est possible.
Pour le montant des premiers assignats en émission, portant 3 0/0 d'intérêt, hypothéqués comme les précédents, 400 millions.
Les assignats qui seront en émission forcée, hypothéqués sur les biens nationaux, 1,400 millions.
Qui doutera de la solidité de ces 1,400 millions d'assignats ? personne, sans doute, puisque le gage certian de leur hypothèque est représenté par des biens qui en valent peut-être plus du double, mais au moins qui font face à leur quotité. Aussi en décrétant encore pour un milliard d'assignats sans intérêt, il faudrait statuer que leur remboursement n'aura lieu qu'après que celui des 400 premiers millions qu'il y a en c ir-culation, portant intérêt à 3 0/0, sera effectué. Il en résultera pour l'Etat l'allégement des intérêts, qui sont de 12 millions chaque année jusqu'à leur remboursement, et d'autres avantages encore qui
favoriseront le succès du milliard d'assignats sans intérêt. Le développement de mes idées serà la preuve de la vérité de mes assertions.
Pour achever l'entière liquidation de 2 milliards 600 millions, il faut ajouter à la création des 1,400 millions d'assignats-monnaie, et de leur circulation forcée pour 1,200 millions de billets nationaux non forcés, auxquels on attachera 3 0/0 d'intérêts. Ces intérêts seront payés exactement chaque année jusqu'à leur entier remboursement, avec l'obligation d'en acquitter le montant, si la masse des biens nationaux, après avoir remboursé les premiers 1,400 millions d'assignats forcés, pouvait encore rembourser les derniers; s'il n'y en avait au contraire que pour acquitter une partie de ces billets non forcés, portant intérêt, la voie du sort acquitterait la partie de ces billets qu'il favoriserait, et cette chance servirait à favoriser la circulation et à prévenir leur discrédit.
Quand tous ces divers assignats et billets nationaux seront faits et signés, on en payerait tous les divers créanciers de l'Etat, à qui l'on fournirait un tiers en assignats-monnaie et les deux tiers en billets nationaux, et à ceux des créanciers à qui l'Etat ne doit pas plus de 200 ou 300 livres,on leur payerait la totalité de leurs créances en assignats; cette petite faveur ne coûterait rien à l'Etat et serait une douceur pour les petits créanciers.
De ces différentes opérations que les personnes instruites en commerce et en finance sauront apprécier, il résultera que les assignats forcés et sans intérêt seront dans le cas d'en produire un égal à l'argent, par une conséquence bien naturelle et très aisée à concevoir.
Vous émettez pour 1,400 millions d'assignats forcés, partie de cette somme est susceptible de ne porter aucun intérêt en restant inactive et ne produisant rien ; la méfiance peut s'accroître, tandis que ces craintes s'évanouis3ent par l'emploi que vous aurez de les échanger pour des billets nationaux portant intérêt : de là, il s'ensuivra que les assignats sans intérêt faciliteront la circulation des biens nationaux qui n'auraient pu se placer sans les assignats-monnaie que par des sacrifices ruineux et insupportables à quelques créanciers ; les uns sans les autres, dis-je, éprouveraient de grandes pertes, tandis qu'en faisant des assignats forcés, et des billets nationaux non forcés,portant 3 0/0 d'intérêt, c'est créer des effets solides, car vous donnez aux premiers une hypothèque certaine pour leur remboursement, et aux autres l'assurance bien réelle du payement des intérêts des 3 0/0 chaque année ; les réformes, les économies et une meilleure administration produiront infailliblement ces heureux effets. Les resources, en France, sont trop étendues pour qu'il soit besoin de le démontrer pour s'en convaincre.
Si, au contraire, on se décidait à payer les 2 milliards 600 millions tout en assignats sans intérêt et forcés, quand on nous prouverait que les biens nationaux seraient suffisants pour les rembourser, une émission aussi considérable leur ferait perdre la confiance qu'ils devraient inspirer, parce que leur emploi n'étant pas subit ils tomberaient dans un discrédit qui entraînerait peut-être la ruine totale du commerce ; et la défiance qu'on attacherait à cette opération déterminerait un grand nombre de personnes timides à employer leurs capitaux en marchandises qu'elles enverraient à l'étranger, qui nécessairement engloutirait notre numéraire; cette perte
détruirait la balance du commerce et nous forcerait à avoir recours à des expédients onéreux, le peuple seul supporterait la perte et quelques individus seuls s'enrichiraient de ses dépouilles, tandis qu'en faisant usage des moyens que j'indique, de créer pour 1,400 millions d'assignats, compris les 400 millions déjà en circulation, formant pour autant de numéraire fictif 1,200 millions de billets nationaux, portant3 0/0d'intérêt, qui représentent des marchandises de spéculation et où s adapte l'emploi des assignats-monnaie, il en résultera que les personnes qui accaparent ou qui enfouissent l'argent, voyant la solidité des moyens employés à l'acquittement de 2 milliards 600 millions de dettes, qu'il serait désavantageux de ne pas acquitter, fatiguées de voir leur argent mort, se hâteront de l'employer promptement en billets nationaux. Si elles persistaient dans»leur mauvaise volonté et qu'elles s'opiniâtrassent à s'opposer à sa circulation, je vais indiquer encore les moyens d'y suppléer et d'empêcher que les assignats-monnaie ne deviennent la proie de la cupidité de ces gens qu'on appelle marchands d'argent et qui cherchaient à détruire la confiance des assignats par manœuvres punissables dont il faut se garantir.
Que l'on autorise les municipalitésou les directoires de chaque département, relativement à leur population respective, à créer de petits billets-monnaie depuis 3, 6,12, 24,48 livres, qui seront reçus pour comptant dans les lieux seulement ressortissants à la municipalité ou au directoire du département, la contrefaçon en serait moins à craindre, leur solidité ne serait pas plus douteuse que les assignats, puisque ce ne serait qu'en échange d'assignats que l'on fournirait ces petits billets, qui resteraient consignés dans les mains des officiers municipaux ou des membres du directoire des départements qui les auraient faits, avec la faculté, à tous ceux qui auraient de ces petits billets pour le montant d'un assignat, de pouvoir les échanger. Cettefacilitéinspireraituneconfiance dont il me paraît inutile de développer les motifs qui, j'en suis sûr, frappent tous mes lecteurs.
Tout porteur d'assignats qui en voudrait la monnaie, c'est-à-dire la division, serait obligé de porter un dixième en argent dont on lui donnerait un petit billet. Ge secours, joint à celui que fourniraient tous les bons patriotes, servirait d'aliment à une caisse qui serait établie pour échanger, à bureau ouvert, en argent, le montant des billets de 3 et 61ivres seulement ; et pour prévenir l'abus des échanges trop multipliés, l'on ne ferait la monnaie que d'un seul petit billet à chaque porteur différent.Dans les petits villages on chargerait quelqu'un de confiance de faire ces échanges ; comme cela, ce ne serait que la classe la plus indigente qui y aurait recours : c'est à elle que l'on doit faciliter les échanges. Dans le commencement l'affluence serait considérable ; mais quand on serait prévenu que cettecaisse serait inépuisable, ce ne serait que l'absolue nécessité qui porterait à en venir demander. Cette opération, toute simple qu'elle est, fertiliserait toutes les parties en finance, commerce, agriculture, industrie, et les ferait sortir de leur dangereuse stagnation. Il ne faut pas admettre que ces petits billets peuvent se faire de suite: ce qui est essentiel, au moins dans ce moment où la pénurie de l'argent arrête les travaux des manufactures.
Je vais présenter tous les résultats des divers moyens que je viens de proposer :
1° L'hypothèque assurée de J ,400 millions d'assignats forcés ;
2° La certitude sur les 1,200 millions de billets nationaux, portant 3 0/0 d'intérêt, de les acquitter chaque année régulièrement, et encore le capital si les biens nationaux sont suffisants, comme je le présume.
Plus de doute pour l'exécution durembourse-ment des assignats forcés, puisque le gage de leur hypothèque est sous les yeux de tout le monde; à l'égard des billets nationaux, vous prenez l'engagement conditionnel de payer le capital si les biens nationaux sont suffisants, après avoir acquitté préalablement les 1,400millions d'assignats, avec cette restriction encore de se réduire au seul payement des intérêts de 3 0/0 attribués aux billets nationaux, jusqu'à leur remboursement en tout ou en partie. Pour prévenir les besoins extraordinaires et très urgents que les circonstances pourraient nécessiter, le remboursement des assignats reste aussi solide, acquiert autant de confiance qu'un contrat sur un effet quelconque valant le double de la somme dont il est grevé.
Il y a encore cet avantage qu'en laissant subsister le décret qui n'oblige de payer rigoureusemen t qu'un douzième du montant des acquisitions des biens nationaux, et en assignats de préférence à l'argent, cela produira une si grande concurrence qu'elle seule procurera une vente plus favorable que si on les payait aussitôt, l'adjudication en totalité en assignats-monnaie ne portant point d'intérêt.
Dailleurs quelles inquiétudes et quelle méfiance n'occasionnerait pas la certitude que la masse des biens nationaux ne peut suffire à l'entier remboursement de ces assignats ? D'avides agioteurs, de cupides usuriers accapareraient tout et profiteraient de la détresse générale, tandis que je n'offre à ces agioteurs que des profits modérés et que je contrains les usuriers à délier leur bourse, leur spéculation ne pouvant être que stérile. J'assure à l'Etat le remboursement de 2 milliards 600 millions en capital, je délivre le peuple des intérêts de cette somme énorme, à raison de 5 0/0 qui s'élèvent à 130 millions. J'offre un surcroit de revenu pendant plusieurs années et pour plus de 10 années au moins, de 82 millions : total des économies annuelles, 212 millions, en supposant qu'il y ait pour 2 milliards 600 millions de biens nationaux. Voici ma preuve :
La nation doit 2 milliards 600 millions; elle reste chargée des intérêts de 400 millions d'assignats, à 30/0 en circulation, 12 millions ; 1,200 millions de billets nationaux, portant 3 0/0 d'intérêt, 36 millions.
Intérêts à payer chaque année, 48 millions.
La nation reste dépositaire des biens nationaux, montant à 2 milliards 600 millions, qu'elle fait vendre le plus promptement possible avec ordre et sans confusion; elle en retire, par les facultés qu'auront les acquéreurs de ne payer qu'un douzième comptant en assignats et point en argent, et le surplus dans 12 années, un douzième chaque année, un prix qui est au moins équivalent à donner 5 0/0 d'intérêt chaque année; ce qui donne un produit, sur les 2 milliards 600 millions, de 130 millions.
A déduire les intérêts que l'on sera tenu de payer chaque année sur les 400 millions d'assignats déjà en circulation et les 1,200 millions de billets nationaux, 48 millions.
Bénéfice au profit de la nation, chaque année, 82 millions.
La décharge et acquittement de la somme de 2 milliards 600 millions à 5 0/0, 130 millions.
Total et résultat des économies, chaque année, 212 millions.
Il y a toujours 82 millions par année de différence jusqu'au remboursement des assignats et des billets nationaux, qui est faii au fur et à mesure des payements qu'en font les acquéreurs de biens nationaux, en assignats et non en argent; ce moyen vaut assurément mieux que celui de rembourser tout en assignats, qui, en outre des inconvénients que j'ai démontrés, acquitterait les 2 milliards 600 millions de dettes exigibles seulement, sans nul autre avantage, parce que la vente des biens nationaux deviendrait obligatoire et presque forcée, et l'on changerait un décret qu'il est de la plus grande importance de maintenir. Vous ne prenez pas des voies de rigueur pour presser l'acquéreur des biens nationaux au pavement. S'il oppose des raisons légitimes, pourvu toutefois que celui des intérêts ne puisse être jamais retardé, les assignats conservent le gage de leurs hypothèques, les billets nationaux celui de la confiance publique. Les 82 millions, que produit cette opération chaque année, sont d'un grand secours pour établir l'équilibre entre la recette et la dépense, qu'il est bien essentiel d'établir sur des bases solides et les plus conformes à l'encouragement de l'agriculture et du commerce.
Une autre réflexion se présente à mon esprit;, quoiqu'elle n'ait pas d'analogie directe aux assignats, elle ne leur est pas'cependant étrangère, puisqu'elle conduit à établir qu'on ne doit pas craindre que l'on en détourne l'emploi à des objets différents qu'à ceux auxquels on les destine.
Des besoins locaux nécessiteront des établissements dans plusieurs départements. Je vais indiquer des ressources aisées et faciles, qui ne gêneront personne. Que tout propriétaire, foncier ou territorial, soit engagé à se cotiser et à donner 1 0/0 du montant de sa propriété foncière; celui qui a 100,000 livres fournit 1,000 livres en donnant son billet, payable dans un an ; à l'échéance il ne peut ou ne veut pas l'acquitter, on le lui renouvelle pour uneaunée, moyennant qu'il paye les intérêts à 2 et demi ou 3 0/0, et toujours d'année en année jusqu'au remboursement, qui n'est de rigueur qu'à la première mutation : ainsi, par cette légère contribution de 30 livres au plus chaque armée, ou de 1,000 livres pour toujours, que donne un particulier ayant 100,000 livres, et en proportion les autres "particuliers plus ou moins riches, l'on se procurera sur l'heure 5 ou 600 millions, s'il est vrai qu'il y ait en France 50 à 60 milliards de propriétés foncières ou territoriales; ceux qui n'ont leur actif qu'en mobilier seront animés, sans doute, du même patriotisme; on ne ferait que de les y inviter, tout autre moyen serait impolitique'; cette ressource ne serait nullement à charge et mettrait à portée de secourir l'humanité.
Je fis, au mois de septembre de l'année dernière, un projet de finance; je l'adressai à M. de Mirabeau l'aîné, à M. Gouy d'Arsy, à M. d'Aiguillon, tous députés de l'Assemblée nationale; je leur proposai les assignats-monnaie sous une autre dénomination, comme un secours indispensable; j'en donnais l'hypothèque sur les propriétés foncières, territoriales et particulières; je ne pouvais la donner alors sur les biens nationaux, dont la nation a repris la possession libre et assurée; ce premier essai m'a porté à présenter celui-ci, et je le soumets avec d'autant plus de confiance qu'il n'a pour but que celui qui anime tous les amis du bien public.
lettre sur les assignats
à Messieurs du comité des finances de VAssemblée
nationale, par Charles Micoud, ci-devant d'Umons, chargé du bureau de Vadministration des invalides de la marine (t).
Messieurs, les observations qui ont été faites, en faveur ou contre les assignats, ne paraissent point assez concluantes pour déterminer l'opinion publique. Je n'ai ni les talents, ni le courage, ni le temps nécessaire pour analyser tout ce qui a été dit sur cette matière ; mais il me semble que, jusqu'à présent, on n'a fait que répéter les idées ordinaires qui sont reçues dans la s^iété, comme autant de vérités mathématiques, sans se donner la peine de les examiner, et sans modification. Or, comme les législateurs d'un grand Empire ne doivent prendre aucune détermination sans en avoir prévu les conséquences, il me paraît utile de calculer l'effet que doit produire l'émission des assignats, et je crois qu'il n'est personne qui ne puisse en juger facilement, si les principes que j'ai consignés dans mon Essai sur le crédit public, sont reconnus et avoués.
Permettez-moi, Messieurs, de transcrire ici, mot à mot, ce que j'ai publié en 1788 (2).
« Un Elat reçoit une plus grande quantité de numéraire par l'établissement d'un papier-monnaie. Dès ce moment, les possesseurs des terres,, les manufacturiers feront payer plus cher, les uns leurs denrées, les autres leur industrie; le même nombre des signes ne pourra pas représenter les objets qu'on se serait procurés avant cet établissement, et la valeur de toutes les consommations, de tous les besoins, se mettant de niveau avec les signes circulants, non seulement l'Etat et les citoyens ne seront pas plus riches,, mais ils s'appauvriront par la cessation du commerce d'exportation; car le prix des objets d'échange ayant reçu une nouvelle valeur, les nations étrangères ne feront aucune demande, et l'équilibre ne se rétablira que lorsque ces nations auront acquis une grande partie des espèces de cet Etat qui restera longtemps encore avec son papier et son indigence.
« Si ce même Etat est susceptible d'une plus grande culture, d'un commerce plus étendu, que son immense population ait besoin de nouveaux moyens d'industrie, et que ce soit l'intérêt trop haut de Vargent, relativement aux autres nations commerçantes, qui arrête ses progrès, l'augmentation de signes produira un bon effet, pourvu toutefois (cette remarque est essentielle) que le gouvernement n'augmente pas les subsides, et qu'il trouve en mênie temps le moyen d'élever la valeur des richesses forestières, en raison de l'augmentation des signes ;: car il ne faut pas perdre de vue que les richesses des nations sont relatives, et que le papier circulant, quelle que soit sa quantité, n'ajoute absolument rien à la richesse de l'Etat, si les propriétés n'acquièrent pas une plus grande valeur réelle; et cette augmentation de valeur effective ne peut avoir lieu que lorsque le produit du sol est plus considérable.
« Supposons que, par une cause subite, et étrangère au gouvernement, une grande partie du numéraire soit enlevée aux cultivateurs et aux commerçants; il n'y aura plus de proportion entre la masse des richesses effectives et les signes représentatifs ; ceux-ci deviendront plus pécieux ; le prix des productions et de la main-d'œuvre tombera; l'Etat sera en langueur et les peuples n'auront point d'émulation. Mais l'équilibre se rétablira presque aussitôt par le commerce avec les étrangers, si l'administration détruit toutes barrières qui gênent l'industrie, et si elle remet aux peuples une partie des subsides.
« Supposons actuellement que la diminution du numéraire, nécessaire à l'industrie, soit l'effet des contributions. Quoique plus lente, cette diminution produira un mal permanent et plus dangereux, parce que, loin de diminuer, la valeur de toutes les productions augmentera; que le peuple, ayant chaque jour moins d'argent, se refusera au travail, et que le commerce national ne pourra plus lutter de préférence avec Vétranger ; d'où il résultera une moindre quantité de reproductions de toutes espèces, et une émission continuelle des sujets de l'Etat.
« L'on voit par ces exemples :
« 1° Que la même cause (la diminution du numéraire) peut laire baisser ou élever le prix des denrées, et de tous les objets du commerce, selon le principe de cette diminution ;,
« 2° Que l'augmentation du numéraire n'est un mal politique que lorsqu'il n'y a plus de proportion entre les richesses réelles et les signes de ces richesses; c'est-à-dire lorsqu'on ne peut pas espérer d'augmenter la masse des productions et du commerce dans la même proportion;
« 3° Que cette augmentation est salutaire lorsqu'il est possible de donner, en même temps, plus de valeur aux richesses réelles; lorsqu'on peut élever le produit de la terre, de l'industrie et du commerce, et faire disparaître toute disproportion entre le signe et l'objet représenté.
« Enfin, ce n'est que lorsque l'intérêt de l'argent est bas, que le cultivateur peut se livrer à des défrichements, et que le commerçant, pouvant se contenter d'un moindre bénéfice lutte de préférence avec l'industrie étrangère. La baisse de l'intérêt de l'argent, qui est l'effet d'un crédit public, est donc le grand moyen d'encouragement pour toutes les reproductions; mais il faut que l'abondance de numéraire ne change point la proportion convenable entre les subsistances et les prix de la main-d'œuvre, entre les signes représentant les richesses, et le produit des richesses elles-mêmes; car, si vous augmentez la masse du numéraire, outre mesure, sans procurer un plus grand revenu aux possesseurs de terres, il résultera certainement de votre opération un effet contraire à celui que vous désirez : les richesses diminueront, ou du moins elles resteront ce qu'elles étaient, et l'Etat s'appauvrira de plus en plus. Maintenir l'équilibre entre le produit possible de la terre, du commerce et les rentes; entre les richesses et les signes qui les représentent, est le grand art de l'administration .
« Ainsi, dans l'état actuel, il n'existe en France aucune proportion entre les richesses réelles el les signes qui k'S représentent. Les premières sont à vil prix, et les autres, fort rares et fort chers. Ainsi, la terre qui se vend en Angleterre le denier 34 de son produit, est offerte en France au denier 20. Ainsi l'opinion générale des hommes, qui croient que l'abondance des espèces Ml tou-
jours hausser le prix de toutes les productions, parce qu'elle fournit les moyens de donner davantage, n'est juste qu'autant qu'on suppose une certaine quantité déterminée de productions et d'argent qui doivent se représenter l'un par l'autre ; mais si lacultureet lecommerce sont susceptibles d'une plus grande extension, l'abondance du numéraire sera un véhicule pour l'industrie; la quantité des productions et des échanges s'augmentera en proportion, et la masse des richesses nationales se trouvera en équilibre avec les signes représentatifs : d'où il faut conclure que si, dans un Etat favorisé par la nation, tel que la France, l'intérêt de l'argent baisse, et les signes circulants aug-ment, il y aura une rivalité qui donnera de l'accroissement à l'industrie, qu'elle-même fera baisser la valeur de chaque objet d'échange ; parce que la réduction du prix est une conséquence nécessaire de la rivalité que l'encouragement aura produit.
« C'est faute,peut-être, de prendre garde à ces distinctions et à l'effet de l'accroissement des impôts en Europe, que plusieurs nations sont tombées dans l'erreur et qu'elles ont calculé les plus grands profits de l'industrie sur la cherté des objets, pendant qu'ils ne peuvent provenir que de son étendue.
« D'après ces principes, je crois qu'un papier circulant serait très utile. Remarquez cependant,, qu'on ne doit pas songer à rembourser tous les créanciers de l'Etat en peu d'années ; que cette opération, fût-elle même praticable, serait nuisible, parce qu'il est une mesure à observer dans tous les actes du gouvernement ; qu'une trop grande quantité de signes, mise en circulation, ferait hausser le prix des denrées et de la main-d'œuvre d'une manière effrayante; que les dépenses de l'Etat se trouveraient considérablement augmentées ; et que l'intérêt de l'argent étant trop bas, il ne resterait plus de rapport entre les signes et les moyens de les faire valoir. »
D'api è3 les principes que j« viens de rappeler, je crois qu'une augmentation die deux milliards dans le numéraire excéderait les bornes qu'il est essentiel d'observer entre les richesses réelles et les signes qui les représentent. Il s'agirait detrou-ver un médium, qui en laissant aux créanciers de l'Etat même la faculté de prononcer sur leur sort, prévînt l'émission d'une trop grande quantité d'assignats, et remplît, néanmoins, les vues de l'Assemblée nationale, relativement aux 100 millions d'intérêts dont elle désire soulager le peuple.
Or, ce moyen conciliatoire, Mesêieurs, est si simple, qu'il n'a besoin d'aucun commentaire,, et qu'il suffit d'exposer les principaux articles que je proposerais de décréter.
Art. 1er. Les titres de créances exigibles sur l'Etat seront
vérifiés d'après les principes précédemment décrétés par l'Assemblée nationale dans le délai
de______ et Les porteurs de ces lettres recevront, à leur choix, des assignats sur les biens
nationaux, ayant cours de monnaie forcée, mais ne produisant aucun intérêt, ou des quittances
de finance portant deux et demi pour cent d'intérêt chaque année.
Art. 2. Les quittances de finance seront au porteur, et elles seront reçues concurremment avec les assignats,, en payement des biens nationaux; mais elles n'auront point cours de monnaie forcée entre particuliers.
Art. 3. Les créanciers de l'Etat qui, dans le principe, auraient préféré des quittances de finance, conserveront la faculté de les échanger
contre des assignats. De même ceux qui auraient reçu des assignats pourront prendre des quittances de finance toutes les fois et aussi souvent qu'il conviendra à leur intérêt ; mais ces échanges n'auront lieu qu'en faveur des créanciers directs de l'Etat, et pour la somme seulement à laquelle leurs titres primitifs s'élevaient; en sorte que les quittances de finance, ou les assignats, qui seraient passés dans les mains de particuliers qui, dans le principe n'auraient pas été porteurs d'un titre de créance sur l'Etat, ne seront pas susceptibles d'être échangés.
Art. 4. Les 400 millions d'assignats, décrétés par l'Assemblée nationale le......... seront retirés de la circulation, et échangés contre de nouveaux assignats, et les intérêts seront payés aux porteurs à raison de .3 0/0 jusqu'au 1er avril 1791, passé lequel terme, lt sdits assignats, qui resteraient encore en circulation, ne porteront plus d'intérêts.
Art. 5.11 ne sera fabriqué aucun assignat au-dessous de 60 livres tournois, etc., etc.
Je n'ai pas le temps, et je crois inutile, Messieurs, de m'étendre davantage sur les détails réglementaires que le décret de l'Assemblée nationale pourrait contenir, afin de prévenir la fraude et d'obliger les directoires de départements à mettre en vente les biens nationaux dans le plus bref délai; mais vous apercevrez, sans doute, Messieurs, que l'option proposée en faveur des créanciers de l'Etat, ne détruit aucune des vues de l'Assemblée nationale.
Quelles sont ces vues ?
1? De vendre promptement les biens nationaux ;
2° De payer la dette exigible ;
3° De faire baisser l'intérêt de l'argent sans trop augmenter la main d'œuvre;
4° De procurer des secours abondants à l'agriculture et au commerce ;
5° Enfin, de soulager le peuple de 100 millions d'intérêt, qu'il payerait pour la dette exigible.
Voyons si ces conditions sont remplies.
Supposez, Messieurs, que les 2 milliards exigibles soient remboursés, moitié en assignats, moitié en quittances de finance, la nation ne payera que 25 millions d'intérêt pour ces derniers effets, jusqu'à ce que les porteurs des quittances de finance se déterminent à les échanger contre de la terre.
Ainsi, le peuple se trouvera réellement déchargé de l'intérêt de la dette exigible. Celui de l'argent baissant en raison de l'augmentation de numéraire, Fagriculture, les arts et le commerce recevront des secôurs plus abondants, et les fruits de la terre et de l'industrie s'accroissant chaque année, la concurrence ne permettra pas à la main-d'œuvre de s'élever au delà de la proportion convenable.
Tels seraient, Messieurs, les résultats nécessaires de l'exécution de l'idée que j'ai i'honneur de soumettre à vos lumières. J'ajouterai, Messieurs, que l'Assemblée nationale ne sèrait exposée à aucun reproche, puisqu'elle ne déterminerait pas seulement la quantité d'assignats qui serait mise en circulation, et que les créanciers de l'Etat régleraient eux-mêmes leur sort. D'ailleurs, la vente des biens nationaux pouvant s'effectuer aussi promptement que l'émission des assignats, il est plus que vraisemblable que, dans aucun temps, la masse de ce papier qui serait en circulation, n'excéderait jamais 7 et 800 millions.
Enfin, Messieurs, contre l'opinion de quelques personnes, je crois que le numéraire existant en
France n'est point en raison de nos besoins ; et il me semble que la seule mesure pour juger cette question est le taux habituel de l'argent comparé avec celui que l'on paye chez les nations commerçantes qui nous entourent. D'où je conclus que les commerçants se tromperaient sur leurs véritables intérêts du commerce s'ils s'opposaient à l'émission d'une quantité raisonnable de papiers circulants et d'un papier tel qu'il n'en a jamais existé de plus solide.
Je crois aussi, Messieurs, que le délai accordé pour l'entier payement des biens nationaux est trop long ; car il ne suffit pas de sauver le corps politique, il faut encore prévenir la perte des membres du corps social qui seraient séduits par le désir de posséder et procurer au citoyen prudent le moyen de faire un emploi utile des petits capitaux que sa sagesse ne lui permettrait pas de convertir en terre. Il faut enfin que la loi nous protège contre nos passions, qu'elle prévienne l'erreur comme le crime. Il me semble donc que le payement en annuités, pendant six ans, présente le double avantage de laisser aux acquéreurs le temps de faire des emprunts à 4 et même à 3 1/2 0/0, et aux petits capitalistes, celui de placer leurs fonds avec privilège sur des terres.
Je ne dissimule pas, Messieurs, que ces réflexions auraient besoin d'être développées : je pourrais démontrer, ce me semble, que les assignats n'ont réellement aucune analogie avec le papier-monnaie qui a circulé en Ecosse et en Amérique; que ce n'est pas même un papier-monnaie, suivant l'idée qu'on attache à ce mot. Enfin, j'oserais peut-être avancer une opinion bien paradoxale dans ce moment, et qui ne me paraît pas moins une vérité importante ; savoir : que l'or et l'argent peuvent être remplacés par un papier, avec de grands avantages pour la nation? mais le temps et les circonstances ne me permettent pas de m'en occuper.
ENCORE UN MOT SUR LES ASSIGNATS, par Charles Micoud ci-devant d'Umons.
En publiant ma réponse aux réflexions de MM. Dupont, Lavoisier et de Condorcet, contre les assignats, je ne m'attendais pas aux nouvelles objections de M. l'évêque d'Autun, de cet orateur non moins célèbre que les deux académiciens auxquels j'ai pris la liberté de répondre/Voyons si la réputation méritée de ce prélat n'a pas servi de passeport à ses raisonnements.
« Rappelez-vous, Messieurs, a dit M.d'Autun, que, dans la dernière refonte des monnaies, on crut s'être trompé d'un vingt-neuvième de leur valeur, et qu'on pensa que cette erreur pouvait influer extraordinairement sur le change étranger. Combien plus devez-vous craindre que les aesignats ne nous le rendent défavorable, puisque la perte qu'ils éprouveront sera plus considérable que le déchet d'un vingt-neuvième. »
Tels sont les raisonnements de M. d'Autun, que le rédacteur du journal de Paris s'est empressé de citer comme des modèles de précision et de la véritable éloquence des choses et non des mots. S'il ne se fût laissé entraîner à l'impulsion d'un premier mouvement, il eût reconnu que le raisonnement de M. d'Autun n'est applicable qu'aux métaux, et non au papier-monnaie; que si les premiers, qui servent seuls de signes commuus pour toutes les nations, ne peuvent être altéré3 par l'une d'elles, sans changer tous ses rapports
avec les autres ; le second (le papier-monnaie) quelle qu'en soit la quantité, nesaurait faire varier d'un seul schelling, le change avec l'étranger. Il aurait comparé les métaux à une langue qui serait entendue généralement par tous les peuples, et le papier-monnaie, à la langue nationale; d'où il aurait conclu que le peuple qui se permettrait de changer les mots de la langue commune à tous, ne serait plus entendu de ses voisins; mais que ce même peuple peut changer ou modifier son langage particulier, sans nuire à ses rapports avec les autres nations.
Pour parer à cet inconvénient, continue M. l'évêque d'Autun, on vous propose, et vous pouvez déclarer que les assignats ne perdront point de leur valeur ; mais, ce qui passe votre puissance, c'est d'ordonner ^[ue l'argent ne gagnera point. Or, qu'importe que les assignats ne perdent pas si l'argent gagne, etc. »
J'avoue, à ma confusion, que cette dialectique ne me séduit point. Il me semble, au contraire, qu'aucune puissance ne peut empêcher que les assignats ne perdent, si l'Assemblée ne s'occupe, sans relâche, du rétablissement de la force publique, et de la perception de l'impôt; et qu'à l'égard des métaux, tous les décrets possibles ne sauraient influer sur la valeur qu'on y a attaché. L'assignat pourra donc perdre sans que l'argent gagne dans nos rapports commerciaux avec l'étranger. Mais, suivons M. d'Autun :
« Voici, Messieurs, ce qui arrivera de l'émission des assignats par rapport au change étranger. Je prends un exemple familier : Londres doit à Paris 100 marcs; au lieu d'acquitter cette dette en métal, elle acquiert des assignats qui perdent contre l'argent, et s'acquitte, par ce moyen, d'une dette de 100 marcs avec 80 ou 70, suivant la perle qu'éprouvent les assignats. Au contraire, Paris doit à Londres 100 marcs; mais comme les assignats ne sont pas reçus à Londres, Paris est obligé d'acheter de l'argent, pour se libérer d'une dette de 100 marcs, il paye 110 ou 120, suivant la perte des assignats. »
Pour démontrer, à mon tour, combien ce raisonnement est erroné, je me servirai aussi d'un exemple qui, je crois, ne sera pas familier à la plupart de nos législateurs. Paris achète 100,000 livres tournois de marchandises à Londres ; Paris paye Londres avec de l'argent. Mais comme les assignats perdent 20 0/0, Paris demande en argent 100,000 livres argent, ou 120,000 livres assignats. Ainsi le prix de l'objet vendu à Paris ne varie que fictivement, suivant la nature du numéraire donné en payement ; c'est-à-dire que Paris n'ayant pas confiance dans les assignats, évalue à 20 0/0 les risques auxquels il s'expose, en les recevant en payement de ses marchandises. Je prie le lecteur de rapprocher les deux exemples et de prononcer sur le bénéfice de Londres sur Paris.
La manière de compter entre Paris et Londres, dans l'hypothèse des assignats qui perdraient 20 0/0, seraient donc exactement la même que nous employons avec les colonies de l'Amérique, où un écu de 6 livres s'appelle 9 livres (1). Si M. d'Autun n'eût voulu parler que du moment résent il aurait supposé que Londres doit à aris et il eût dit : Faites attention, Messieurs, que Londres doit à Paris 100 millions dont il va
s'acquitter avec 80, parce que vos assignats perdront 20 0/0, et cette réflexion serait juste ; mais comme il fait le même raisonnement dans l'hypothèse inverse, il est clair que l'orateur a cru que la France ne pourrait plus avoir de relations commerciales avec l'étranger, sans perdre en raison du discrédit des assignats.
Remarquez, au surplus, que vous auriez d'autres résultats, s'il s'agissait d'une augmentation de métaux. Deux milliards de plus en écus, jetés dans la circulation, feraient augmenter les ouvrages de nos fabriques et influeraient d'une manière très sensible sur le prix des denrées, jusqu'à ce que ce métal se fût écoulé et qu'il eût pris son niveau, comme l'eau. Que si vous supposez dix milliards de métaux de plus, vous doublez le prix de toutes les denrées en Europe, au lieu que le numéraire fictif qu'une nation adopte, quelle que soit même sa quantité, ne change rien, absolument rien, aux relations commerciales dé cette nation avec de3 voisins. Elle substitue seulement, dans sa sagesse, un signe économique à un métal fort cher dont elle se défait en faveur des étrangers, chez qui la main-d'œuvre augmente dans la proportion des métaux qu'ils reçoivent.
Ces idées paraîtront paradoxales, absurdes même au premier aperçu : mais il est impossible de convaincre qui ne veut pas prendre la peine de réfléchir dans le silence ae son cabinet. Au surplus, ma folie est d'une espèce si rare, qu'avant de me condamner, j'ai lieu d'espérer que l'on voudra bien oublier un moment ces grands mots de balance du commerce, de valeur réelle ou fictive, de monnaie, de change étranger, d'agio, et tout ce fatras scolastique, qui rappelle à l'esprit d'anciennes idées, la plupart mensongères. Je prie donc mes lecteurs de remonter aux principes de tous les échanges et de ne prononcer qu'après avoir distingué les matières premières au commerce, des objets du commerce ; les besoins de convention, des besoins réels; et les signes des richesses, d'avec les richesses elles-mêmes.
Mais je ne puis me résoudre à abandonner l'assertion de M. l'évêque d'Autun, et je me demande encore comment un papier-monnaie pourrait faire passer nos métaux chez l'étranger, à moins que, comme l'Espagne et le Portugal, nous n'achetions beaucoup plus de nos voisins que nous ne leur vendrons. Me dira-t-on que le manufacturier demandera 120 livres d'une pièce de drap qu'il ne vend aujourd'hui que 100 livres et que ce haussement de prix ne lui permettra pas d'exporter son drap ? Je répondrai encore que c'est une erreur de mots; que ce fabricant continuera à fréquenter les marchés étrangers, parce que 100 livres en guinées ou en florins lui donneront 120 livres en assignats, et que, la perte de 20 0/0, supposée gratuitement, ne serait supportée qu'une fois seulement par des Français, en faveur d'autres Français ; car, toutes les opérations que les membres d'une société font entre eux, se réduisent à un déplacement, et rien n'est perdu que ce que les éléments détruisent. Je répondrai que Ie3 étrangers ne gagneront pas une obole de plus avec nous, quand les assignats perdraient 50 0/0, à moins que plus confiants et plus courageux, ils ne les achètent de nous, et dans ce cas, ou la France acquerra de nouveaux citoyens, ou ces mêmes étrangers, si nos malheurs se prolongent, seront forcés d'alimenter nos fabriques, ainsi que je l'ai démontré dans ma réponse du 16 de ce mois. Je répondrai, enfin, que les assignats en quantité limitée ne perdront pas, lorsque tous les
intérêts, toutes les volontés s'uniront pour le rétablissement de l'ordre.
Si j'attachais quelque importance à ces observations qui ne m'ont coûté quelapeine de les écrire, je pourrais aussi les rendre plus concises; mais je me hâte de présenter quelques considérations sur le projet de décret proposé par M. Anson.
J'ai dit, dans ma lettre adressée au comité des financesie 10 de ce mois, qu'en accordant l'option entre des quittances ou obligations nationales, auxquelles on attribuerait 2 0/0 à titre d'intérêt ou de prime, et des assignats ne produisant aucun intérêt, avec faculté d'échanger les assignats contre des obligations et celles-ci contre des assignats, l'Assemblée national étoufferait toutes les plaintes, préviendrait la surabondance de numéraire, et remplirait entièrement tous les objets qu'elle se propose. Quel peut donc être le motif de refuser aux seuls porteurs de quittances de finance ou obligations nationales la faculté de les échanger contre des assignats ? Le comité ou M. Anson penseront-il qu'un intérêt de 3 1/2 0/0 est suffisant pour déterminer les créanciers de l'Etat à préférer cet effet aux assignats? non, sans doute. Je répéterai à cet égard ce que j'ai déjà dit au sujet d'un emprunt de 500 millions, à 3 0/0, qu'il n'est personne qui ne soit disposé au sacrifice d'un 0/0 sur les intérêts, pour avoir la faculté d'échanger à volonté sa quittance de finance con-tredes assignats, et j'ajouterai que si cette faculté est refusée, l'on doit s'attendre à une émission de papier-monnaie beaucoup plus considérable; parce que les créanciers de i'iitalcraindront d'engager leurs capitaux et de se mettre dans la nécessité absolue d'acheter un bien national. Ainsi je persiste à penser que l'échange réciproque proposé dans tous mes écrits est indispenfable, si l'on veut prévenir la surabondance de numéraire; gu'il est utile en ce qu'il épargne 1 0/0 sur les intérêts affectés aux obligations nationales; qu'il e&t juste en tin (t agréable aux créanciers de l'Etat, parce qu'il leur conserve la liberté de disposer de leurs fonds; s'ils ne s'empressent point à acquérir des biens nationaux et qu'ils se contentent de 2 1/2 0/0 d'intérêt, il faudra s'en féliciter.
Je ne conçois pas davantage pourquoi M. An-son propose de décréter que les assignats seront reçus dans un emprunt à 4 0/0 s'il en reste en circulation après la vente des biens. Sa sollicitude à cet égard, loin de rassurer les esprits sur la valeur des biens nationaux, ne sert qu'à éveiller la défiance, et ce n'est pas certainement l'effet que M- Anson s'est proposé.
Il me semble donc que pour concilier tous les intérêts, il suffit des changements ci-après aux articles de décret que j'ai pris la liberté de proposer au comité des linancesT sauf les détails réglementaires.
Art. 1er. Les titres de créance exigibles sur l'Etat seront
vérifiés et remboursés, et les porteurs de ces titres recevront à leur choix des assignats
sur les biens nationaux, ayant cours de monnaie forcée, mais ne produisant aucun intérêt, ou
des quittances de finance aux porteurs auxquelles seront attribués 21/20/0 chaque année, à
titre d'intérêt ou de prime, ou des obligations nationales produisant3 1/20/0 tous les ans.
Art. 2. Tous ces effets seront reçus concurremment avec l'argent en payement des biens nationaux.
Art. 3. Les porteurs d'assignats, soit qu'ils les aient reçus en payement de leurs créances sur l'Etat, soit qu'ils les aient eu autrement, auront toujours la faculté de les échanger contre des
quittances de finance ou contre des obligations nationales.
Art. 4. Ceux qui, dans le principe, auraient reçu en remboursement de leurs créances sur l'Etat des quittances de finance pourront également les échanger contre des assignats, et il leur sera tenu compte des intérêts éclaus; mais cette facilité d'échange ne sera aceordée qu'aux seulis créanciers directs de l'Etat (1).
Art. 5. Les obligations nationales portant 3 1/2 0/0 d'intérêt chaque année, et dont il sera tenu compte aux propriétaires lorsqu'ils les donneront en payement des biens nationaux qui leur auront été adjugés, ne seront pas susceptibles d'être converties ni en assignats, ni en quittances de finance.
Art. 6. Les intérêts attribués aux 400 millions elc., cesseront à compter du 1er avril 1791, et le coupon de l'intérêt échu sera payé à bureau ouvert; mais comme cette opération exige beaucoup de temps, ledit coupon aura cours de monnaie forcée pour sa valeur réelle jusqu'à ce qu'il soit remboursé.
Art. 7. Les assignats seront de 60, 100, 125, 200, 300 livres, jusqu'à 1,000 livres, etc.
Art. 8. L'Assemblée nationale désirant accélérer la rentrée des assignats et procurer en même temps aux particuliers qui ne peuvent disposer que de sommes modiques, les moyens de les prêter, avec privilège, aux acquéreurs des biens nationaux, a jugé convenable de réduire à six ans le délai qui avait été accordé d'abord.
Nota. —On assure que M.Tévêqued'Autun a reconnu combien, ses raisonnements sont erronés. Législateurs, vous qui avez applaudi ces mêmes raisonnements, songez que les palliatifs impuissants sont la ressource des femmes, et que le sort de l'Empire dépend de votre décision.
Pari6, le
Mémoire pour la ville de Lille contre le projet de liquidation de la dette nationale exigible par assignats forcés (3).
L'Assemblée nationale désire acquitter, sans délai, la dette exigible. La justice lui impose une obligation, et elle peut la remplir.
On lui propose à cet effet de payer les créanciers de l'Etat, ou avec des assignats forcés, ou avec des quittances de finance.
Partagée entre, ces deux opérations, dont l'événement doit perdre ou sauver la France, l'Assem-lée nationale paraît attendre le vœu de la nation pour prononcer.
La ville de Lille ne peut pas se condamner au silence dans une occasion si importante.
Elle observera d'abord que, peut-être, plssieurs villes, ainsi que les grands capitalistes., demanderont des assignats, parce qu'ils ont à payer,.
Et, au contraire, que les villes de fabrique, ainsi que l'honnête citoyen à qui il est dû regardent commeun arrêté de mort une nouvelle émission d'assignats forcés.
Des assignats forcés.
La ville de Lille doit s'opposer autant qu'il est en elle à ce mode de libération. Tel est son vœu, hâtons-nous de le justifier. Qu'est-ce qu'un assignat forcé? M. de Mirabeau l'aîné nous l'a dit: C'est un emprunt à main armée ; nous pourrions dire plus encore______
Il n'y a, quant à présent, que pour quatre cents millions d'assignats en circulation, et ils perdent déjà 6 0/0, malgré qu'ils produisent 3 0/0 d'intérêt.
Peut-on se flatter que, lorsqu'il y aura pour deux milliards trois cents millions d'assignats forcés,perte ne sera pas infiniment plus grande encore principalement sur ceux qui ne produiront pas d'intérêts? Personne ne le croira.*
N'est-il pas certain, en effet, que i'on doive avoir plus de confiance dans un emprunt de quatre cents millions, lorsque c'est le même gage qui en répond?
Il faut donc s'attendre que si l'on décrète encore pour dix-neuf cents millions d'assignats forcés ce papier éprouvera nécessairement une baisse considérable.
On craindra alors que le gage ne soit infiniment au-dessous de la somme énorme qu'il doit garantir.
On dira d'abord que l'estimation faite des biens nationaux est exagérée, parce que ces biens ont été portés à plus haut prix que ne sont vendus les biens des particuliers; et qu'à prix égal ces derniers seront toujours préférés.
On dira, de plus, que l'estimation a été faite sur la valeur des fonds ruraux, avant la Révolution; et qu'il est possible que cette valeur tombe de moitié, et même au delà , soit par une augmentation d'impôt sur les terres ; soit par une baisse dans le prix des denrées ; soit enfin par les craintes que pourraient nous donner les puissances étrangères.
Ce ne sera donc pas sans raison que l'on regardera comme insuffisant le gage de cette grande masse d'assignats : et cette défiance dont les meilleurs amis de la Constitution ne pourront se garantir, jettera nécessairement ce papier dans le plus grand discrédit: de là, une baisse incalculable.
Il ne sera plus possible, alors, que les fabricants fassent travailler. Déjà ils réduisent chaque jour le nombre de leurs ouvriers, quoiqu'ils ne perdent encore que six pour cent sur le papier qui leur est donné en payement.
Des hommes qui veulent répondre à tout, objecteront, peut-être, que le fabricant peut prévenir celte perte en augmentant le prix de sa marchandise.
Ignorent-ils donc que le peuple, dénué de tout moyen de subsistance, ne pourra supporter cette augmentation?
Ignorent-ils que nous ne pourrons plus vendre à l'étranger le produit de nos marchandises ?
Ignorent-ils enlin que nous aurons la douleur
cruelle de voir affluer les marchandises étran"* gères, parce que les droits d'entrée seront infiniment au-dessous de la perte que les assignats causeront à nos manufacturiers?
Mais il y a plus encore :. qui répondra que les assignats ne perdront pas trente pour cent, et peut-être plus, au jour du payement des marchandises, au lieu de six pour cent qu'ils perdaient au moment de la vente? Et dès qu'il n'y a rien de certain à cet égard, tous nos fabricants ne peuvent plus faire travailler.
La même raison forcera les capitalistes à retirer les fonds qu'ils ont prêté aux commerçants, parce qu'ils ne peuvent pas placer leur argent à quatre ou cioq pour cent, lorsqu'ils ont à craindre d'être remboursés avec du papier, qui leur ferait perdre beaucoup au delà de ce bénéfice.
On croira nous répondre en vous opposant pour exemple la confiance dont jouit la banque de Londres» Mais la position de l'Angleterre est-elle donc la nôtre? Non... D'ailleurs,,les billets de la banque peuvent être échangés à toute heure pour de l'argent, et vos assignats sont loin de cette faveur.
Ce n'est pas sur des raisonnements que l'on doit décider une question aussi majeure; il faut un guide sûr, lorsqu'il s'agit de prononcer sur le sort de l'Empire, et ce guide est l'expérience seule.
Or, l'expérience prouve que les assignats ne valent pas l'argent. Comme leur valeur n'est que relative à la confiance qu'on leur accorde, et que cette confiance est dans la sûreté du gage qui en répond, il est donc certain que plus on les multipliera, et plus ils perdront.
Concluons, de tous ces faits, que le mode de libération projeté, en consommant la ruine du commerce, jettera dans le désespoir des milliers d'infortunés. Trop heureux si nous n'avons alors à regretter que leur industrie!... Qui oserait répondre que ce n'est pas là où nous attendent le3 ennemis de la Révolution?
Mais, si l'on peut tout craindre d'une nouvelle émission d'assignats forcés, nous nous plaisons à croire que la dette exigible peut être liquidée par des quittances de finance, sans aucun inconvénient.
Des quittances de finance.
Il est certain que la nation doit payer, et à défaut d'argent, elle peut se libérer par des quittances de finance (1) avec intérêt du retard qu'elle se permettra. Gela est d'autant plus juste qu'elle jouit des revenus des biens qu'elle doit vendre, pour acquitter cette dette. Voulant être fidèle à ses engagements, elle doit faire ce qu'on est en droit d'exiger de tout débiteur.
On ne peut pas dire qu'en accordant un intérêt pour les quittances de finance, on grève la nation, parce que cet intérêt sera toujours au-dessous des revenus des biens nationaux.
Il est bon d'observer que les intérêts des quittances de finance ne devraient être liquidés que lorsque ces quittances seraient données en payement d'une acquisition. On en devine la raison : c'est que les porteurs se presseraient d'acquérir.
On objectera, sans doute, que les créanciers de l'Etat ne pourront point acquitter leurs dettes,
avec des quittances de finance, comme ils le feraient avec des assignats forcés. Cette objection n'est pas réfléchie.
Ces créanciers sont divisés en deux classes : les uns ont à rembourser des contrats de rente, et c'est le plus grand nombre. Ils peuvent donc différer leur libération ; mais beaucoup de leurs crédiUrentiers accepteront le remboursement de leurs contrats de rente, en quittances de finance; parcequ'ils pourront,avec ces quittances, acquérir des biens nationaux; et qu'ils ne le pourraient pas avec des contrats de rente, et c'est le plus grand nombre.
Les autres créanciers, qui ont des dettes exigibles, pourront aussi payer une partie avec des quittances de finance ; et, pour le surplus, il leur sera aisé d'en négocier sans perte, parce que les capitalistes, n'ayant plus à craindre une nouvelle émission d'assignats forcés, préféreront ces quittances, qui produiront intérêt, à, des sacs d'écus qui ne produisent rien.
Du reste, ne trouvât-on pas à négocier au pair des quittances de finance, la perte qu'on éprouverait serait toujours peu sensible. Les créanciers de l'Etat devraient donc eux-mêmes préférer ce second mode de liquidation au premier.
Résumons.
Eu payant en assignats forcés la dette nationale exigible, tout l'argent disparaît, — tous les ateliers se ferment. Les ouvriers de toutes les classes se trouvent sans travail et sans pain. — Les denrées et les marchandises augmentent, de manière que toute* balance est rompue au dehors comme au dedans. — Enfin, le commerce national est anéanti. — Ce moment fatal arrivé, il va se faire une explosion générale qui, détruisant les travaux de l'auguste Assemblée, livrera le plus bel Empire du monde à toutes les horreurs de la guerre civile.
Au contraire, si la nation se libéré par des quittances de finance, tous nos maux sont finis. La confiance renaît, — le capitaliste ouvre ses coffres, — le fabricant rappelle ses ouvriers, 3g, et tous les Français, heureux, béniront la Constitution .
Les députés extraordinaires du commerce de la ville de Lille,
Braussier-Mathon, Wiart.
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du 23 septembre au soir.
, secrétaire, lit le procès-verbal de la séance d'hier.
Ces procès-verbaux sont adoptés sans réclamation.
fait donner lecture d'une note de M. Je garde des sceaux, qui annonce que le roi a donné sa sanction, le 18 de ce mois, aux décrets ci-après indiqués :
« 1° Au décret de l'Assemblée nationale, du même jour, relatif aux attroupements armés qui se font autour de Versailles, sous le.prétexte de détruire le gibier sur les propriétés particulières.
« 2° Le 20 du même mois, au décret du 19, rendu à l'occasion des démarches qui ont été faites à Rueil et à Courbevoie vers le corps des gardes-suisses.
« 3° Le 21, au décret du 9 mai, concernant les domaines de la couronne.
« 4° Au décret du 5 du présent mois, qui prescrit la forme du bouton uniforme des gardes nationales.
« 5° Au décret du 10, concernant diverses renies, indemnités, secours et traitements dont plusieurs sont supprimés par ce décret, ainsi que la commission établie pour le soulagement des maisons religieuses.
« 6° Au décret du 11, concernant le logement de l'intendance du Trésor public et de ses bureaux, et portant que les dépenses variables, ainsi que celles relatives aux pensions des comédiens iranpais et italiens et autres, relatives aux spectacles seront rejetées du Trésor public.
« 7° Au décret du 12, relatif à la perception des droits et impositions indirectes.
« 8° Au décret du 13, concernant l'élection de la municipalité de la ville de Rocroy.
« 9° Au décret du même jour, qui autorise les habitants de Vanoze à faire reconstruire leur maison presbytérale, et imposer le montant du prix de l'adjudication de Cette reconstruction sur tous les contribuables de la paroisse.
« 10° Au décret du même jour, concernant les concessions d'apanages.
« 11° Au décret du 14, portant que les conseils de départements ne se rassembleront que le 3 novembre.
« 12° Au décret du même jour, relatif aux attentats commis à Angers le 6 de ce mois.
« 13° Au décret du même jour, portant que les receveurs des décimes verseront à la caisse de l'extraordinaire la totalité des deniers étant en leurs mains pour reliquat des comptes par eux précédemment rendus, et que ces receveurs rendront sans délai, par-devant les directoires, le dernier compte de leur administration.
« 14° Au décret du même jour, qui détermine le territoire de chacun des six tribunaux du département de Paris.
« 14° Au décret du même jour, portant qu'il sera délivré un fonds extraordinaire de 4,600,000 livres, pour pourvoir, tant aux dépenses de l'escadre de Brest, qu'aux frais du nouvel armement.
« 16° Au décret du 15, portant que la municipalité de Strasbourg prononcera en dernier ressort sur les troubles de Schelestadt.
« 17° Au décret du même jour, concernant l'augmentation de solde des gens de mer.
« 18° Au décret du même jour, concernant les mouvements qui ont eu lieu parmi les équipages de Brest, lors de la publication du code pénal delà marine.
« 19° Au décret du 16, portant qu'il sera payé par le Trésor public, à la caisse des invalides, la somme de 210,000 livres pour la prestation des oblats.
« 20° Au décret du même jour, portant que la perception des droits, dont l'hôpital général de Lille jouit actuellement sur les vins, bières et
eaux-de-vie, continueront à avoir lieu provisoirement.
« 21° Au décret du même jour, portant que la créance des Nantukois sera exceptée de l'arriéré.
« 22° Au décret du même jour, portant que les citoyens actifs de Montauban seront convoqués en assemblées primaires, pour procéder au choix des électeurs qui concourront à l'élection des juges.
« 23° Au décret du même jour, portant que la ville de Saintes est définitivement le siège de l'administration du département de la Charente-Inférieure.
« 24° Au décret du même jour, portant que la ville de Niort est le siège de l'administration du déparlement des Deux-Sèvres.
« 25° Au décret du 17, portant qu'il sera remis à la disposition du directoire du département de la Haute-Vienne, une somme de 80,000 livres, pour être employée au soulagement des malheureux incendiés de la ville de Limoges.
« 26° Au décret du même jour, portant quelle traitement des curés royaux dans les départements du Haut et Bas-Rhin, seront acquittés pour la présente année par les receveurs des impositions.
« 27° Au décret du 18, relatif aux faits qui se sont passés dans la ville de Mauriac, à l'occasion de la municipalité de cette ville.
« 28° Au décret du même jour, portant que tout jugement postérieur à la publication du décret, des 14 et 20 avril dernier, qui tendrait à obliger les locataires des fermiers de biens ci-devant ecclésiastiques, de payer en d'autres mains qu'en celles des receveurs de district, doit être regardé comme non avenu.
« 29° Au décret du même jour, portant qu'il sera procédé à une nouvelle élection des administrateurs de chacun des districts du département de l'Ardèche, réduits à trois, au lieu de sept qui avaient été provisoirement formés.
« 30° Au décret du même jour, portant qu'aucune municipalité où corps administratif ne peut, sous aucun prétexte, arrêter, ni suspendre le départ d'aucun bâtiment de guerre.
« 31° Au décret du même jour, qui autorise la municipalité de Versailles, à percevoir les droits perçus ci-devant par le roi, pour subvenir aux dépenses particulières de cette municipalité, et à l'entretien de ses établissements publics.
« 32° Au décret du 19, sur une difficulté relative aux comptes du régiment de Soisson* nais.
« 33° Et enfin au décret du 20, relatif à l'insurrection, qui a eu lieu à bord de deux vaisseaux de l'escadre de Brest, depuis l'arrivée du Léopard. »
Paris, le
Signé: Champion de Cicé, Archevêque de Bordeaux.
, député du département du Lot, demande un congé de quinze jours, pour raison de santé. Ce congé est accordé.
Le sieur David, graveur, fait hommage à l'Assemblée d'un tableau allégorique, représentant la personne du roi dans l'Assemblée nationale, à la séance du 4 février 1790.
donne lecture d'une lettre des cinq députés du Port-au-Prince et de la Croix
des Bouquets, qui ont accompagné M. de la Galis-sonnière à son passage en France.
L'Assemblée renvoie cette lettre au comité des colonies.
Un membre observe que l'on n'a pas donné lecture à l'Assemblée des articles décrétés le 21 de ce mois, sur le rapport fait au nom du comité militaire.
(L'Assemblée décide que cette lecture sera faite demain à l'ouverture de la séance.)
expose que les élus généraux de la ci-devant province de Bourgogne se refusent à rendre leur compte aux commissaires des divers départements qui composent cette province; que les pièces envoyées par ces commissaires ont été remises au comité de3 finances depuis plus d'un mois, et qu'il est urgent d'en faire le rapport.
(L'Assemblée décrète que le comité des finances fera ce rapport mardi à la séance du soir.)
L'ordre du jour est la suite de la discussion sur le mode de liquidation de la dette publique.
(1). Messieurs, je n'ai pas la prétention de jeter un nouveau jour sur une question qui déjà depuis longtemps agitée devrait être suffisamment éclaircie. Comme représentant de la nation et député d'un pays de manufactures, je me crois obligé de donner mon opinion.
J'ai remarqué que presque toutes les raisons, tant constitutionnelles que politiques et financières qu'on a allégué pour l'émission de deux milliards d'assignats, pouvaient être rétorquées contre, et que beaucoup de celles qui ont été données contre ne pouvaient être administrées pour.
La Constitution, s'est-on écrié, sera en danger si on ne décrète pas l'émission de deux milliards d'assignats-monnaie : elle sera bien plus en danger, a-t-on répondu, si on en décrète pour une aussi forte somme.
Si on attribue, a-t-on ajouté, un intérêt de 50/0 à des quittances de financé, qui seront faites pour le montant de la dette exigible, on augmente l'impôt de 100 millions : ce qu'on ne dit pas, et qui est très probable, c'est que les assignats, portés à une somme aussi épouvantable que Celle de deux millards, perdront 40 à 50 0/0, et qu'alors l'impôt se trouvera doublé. D'ailleurs, en ne payant l'intérêt ou la prime de vos quittances de finance ou délégations sur les domaines nationaux qu'autant qu'elles seront employées à leur achat, et en bornant les intérêts au terme de deux ou trois ans, la concurrence des acheteurs les fera vendre plus cher, et dédommagera de ces même intérêts, dont toutefois il faut déduire le revenu des domaines nationaux.
C'est, dit-on, attacher les Français à la Constitution et à leur patrie, que de les mettre,
pour ainsi dire, dans l'obligation d'acheter des domaines nationaux, et c'est acquitter la
dette de l'Etat par le moyen le plus simple : mais si vos deux milliards d'assignats perdent
beaucoup, (comme je m'engage de vous prouver, dans un
Je reviens, Messieurs, à prouver, comme je m'y suis engagé, que les assignats, émis en somme considérable, perdront de leur valeur primitive. Déjà la crainte de cette émission a fait resserrer l'argent et augmenter la perte sur Jes assignats qui sont en circulation ; déjà cette crainte, comme nous l'annoncent les gazettes, fait, chez l'étranger, négocier à perte les lettres de change sur Paris; déjà elle a considérablement influé sur le change à notre désavantage ; déjà elle a fait renchérir les matières premières que nous sommes obligés de tirer du dehors ; déjà elle a fait suspendre les ventes d'une grande partie de celles qui sont en France. Les piastres sont à 5 livres 7 sols contre argent, et à 5 livres 18 sols contre assignats. Le vin de Bordeaux est à 200 livres contre argent, et à 220 livres contre assignats; ce sont là des faits, et les faits prouvent plus que les raisonnements.
On est autorisé à croire que les domaines nationaux disponibles à vendre dans ce moment ne montent qu'à environ 1 milliard ou 1,100 millions, parce qu'il faut déduire les 2 milliards 400 millions déjà circulants ; parce qu'il ne faut pas comprendre la valeur de toutes les forêts réservées, et des maisons habitées ou difficiles à vendre. Si donc on se persuade, si seulement on s'imagine que 100 ou 200 millions de ces assignats portent à faux, et n'ont pas pour hypothèque une partie équivalente de dom?ines nationaux, il y aura un reflux et une baisse de 500/0, et peut-être de beaucoup plus, comme cela est arrivé dans l'Amérique anglaise.
La stagnation seule des assignats, en augmentant les craintes et la défiance, suffirait pour les faire tomber de 50 0/0; et, Messieurs, cette stagnation est inévitable : avec le désir d'acheter, ou ne trouvera pas ses convenances autour de soi. Passera=t-on d'un département dans un autre? s'expatriera-t-on pour acquérir? les difficultés,les formalités retarderont encore lès ventes, ce qui est disponible ne sera pas vendu avant trois ans; la stagnation d'une grande partie de ces assiguats est donc inévitable; elle embarrassera le mouvement et occasionnera le désordre.
En vain m'objectera-t-on que la fabrication de 2 milliards d'assignats, les signatures à y ap-
poser demanderont beaucoup de temps et mettront tout naturellement la succession et les intervalles convenables dans l'émission.
Non, Messieurs ; si les 2 milliards sont décrétés, on ne considérera que la masse entière, et l'imagination frappée,grossissant encore ce flot d'assignats, le verra fondre et engloutir le commerce, les manufactures.
Je ne vous développerai pas de nouveau une vérité qui vous a été présentée de tant de manières : lorsqu'on double la masse du numéraire, les denrées et la main-d'œuvre augmentent de moitié ; les matières premières, qu'on est obligé de tirer de l'étranger, renchérissent encore par la nécessité de les payer en écus, ce qui interrompt tout commerce avec l'étranger. Je vous observe cependant, et comme manufacturier j'appuie surtout sur cette observation, parce qu'elle regarde l'ouvrier, c'est que la main-d'œuvre n'augmente jamais, ni aussi vite, ni en exacte proportion avec les denrées, parce que son renchérissement ralentissant nécessairement la vente dans les manufactures, en réduit l'exploitation.; et le fabricant, cherchant toujours à procurer les moyens de subsistance au plus grand nombre possible d'ouvriers,, leur mesure l'ouvrage, ainsi que dans les longs et pénibles voyages on mesure les vivres aux matelots pour les faire lutter contre la mort.
Oui, Messieurs, si, contre toute raison, les 2 milliards d'assignatsétaient décrétés, telle serait, dans peu, la situation de plusieurs millions d'ouvriers, et quelle serait alors celle de tout l'Empire !
Les 2 milliards d'assignats feront ressortir et circuler l'argent dans le royaume, ou le feront passer dans l'étranger, soit pour l'y plaeer dans les banques, soit pour y former des établissements, et surtout pour solder nos comptes qui ne peuvent pas l'être en papier-monnaie. S'ils le font ressortir et circuler chez nous, nous nous trouverons dans le cas du doublement dunuméraire; s'ils le font passer dans l'étranger, nous n'augmenterons pas notre numéraire en circulation ; nous aurons, au lieu d'argent, des assiguats, qui s'éteindront à mesure qu'ils se convertiront en domaines nationaux; nous retomberons dans une double pénurie d'argent et de papier, et notre agriculture, nos manufactures,notre commerceserontanéantis.
L'Angleterre n'a pas, comme on vous l'a dit, cinq milliards en billets de banque en circulation, elle en a tout au plus pour deux milliards. Les billets de banque ne conviennent au commerce que parce qu'ils ne sont pas forcés. Si, par un faux calcul, on en met pour une trop forte somme en circulation, ce qu'il y a de trop est rapporté à la caisse, et l'équilibre s'établit.
Les mêmes personnes qui, au sujet des intérêts ou prime à accorder aux quittances de finance, font l'objection des cent millions d'impôt à laquelle j'ai déjà répondu, disent que si on ne donnait pas cet intérêt de 5 0/0, on ferait supporter aux créanciers de l'Etat une espèce de banqueroute. Eh! Messieurs, ne sommes-nous pas dans cet état de banqueroute?Toute la nation n'en souffre-t-elle pas? Pourquoi ne pas avoir au moins la loyauté de prononcer le mot lorsque la chose existe? les assignats déjà circulants ne perdent-ils pas 7 0/0? La perte doit-elle plutôt atteindre l'habitant des provinces éloignées de Paris, le laboureur, le manufacturier, que les créanciers-de l'Etat, dont la plus grande partie a bien voulu être créancière, et l'est encore avec avantage?
Il faut que quelqu'un perde. Il s'agit de savoir
si c'est la nation entière, qui doit perdre le plus ou les créanciers de l'Etat?
Jamais question ne s'e3t présentée avec les mêmes circons'ances, et n'a été considérée sous plus de points de vue différents que celle qui nous occupe. Ceux de nous qui ne connaissaient pas cette matière, agités dans tous les sens par ceux qui ne la connaissent que trop bien et la voient avec l'œil, troublé, de leur intérêt particulier, ont pu croire un moment que le moyen de faire le moins mal, était de distinguer lequel de tous ces intérêts particuliers s'accordait le plus avec l'intérêt général ; en envisageant constitutionnel-lement la question, peut-être auraient-ils fait, sans le vouloir, et avec la meilleure intention, tout ce qu'il fallait faire pour empêcher l'achèvement de la Constitution, et rendre vos travaux inutiles. Ce malheur n'est plus à craindre; ils ont vu démasquer les agioteurs, dont un grand nombre rôde continuellement aux environs de cette salle, dans l'espoir d'y faire pénétrer une perfide influence,
Ces députés sont instruits des énormes opérations d'agiotage qui se sont faites sur les effets publics pour les échanger contre des assignats; éclairés par les dernières réflexions d'un ministre,- dont enfin il est permis de dire du bien dans cette tribune; ramenés à la vérité par la discussion et par leurs propres méditations; leurs opinions seront aussi pures et bonnes que leurs intentions l'ont toujours éié.
Hier,le dernier préopinant embellit tellement des charmes de son esprit et de son éloquence le système des deux milliards d'assignats, qu'on crut et qu'on eût raison de croire jusqu'à la fin qu'il allait conclure pour une plus forte somme ; les amateurs furent tous surpris de Je voir se réduire de beaucoup. Les antagonistes de cette opinion se dirent : puisque M. de Beaumetz, avec ce bel enthousiasme, a conclu pour 800 millions, la bonne proportion doit être de 400 millions.
Je réduis mon opinion à trois points principaux :
Le premier e3t de nous réserver la faculté de créer pour 3 à 400 millions d'assignats, en tout semblables à ceux en circulation, afin de pouvoir subvenir aux besoins du Trésor public, jusqu'à la parfaite organisation de l'impôt; et encore afin d'assurer les frais de la guerre, s'il arrive que malheureusement nous ne puissions l'éviter.
Secondement, que le comité des finances examine avec la plus scrupuleuse attention les divers titres des créanciers de l'Etat; et que ceux de ces titres qui sont payables au porteur soient convertis en un titre uniforme, afin de détruire l'agiotage jusque dans sa racine. J'observe que, forcés comme nous le sommes d'échanger les titres des créanciers de l'Etat contre des portions de terre, ces nouveaux titres dont je parle seront intitulés : délégations territoriales. Il y aura des précautions de détail à prendre en distribuant ces délégations à certaines classes de créanciers; de manière, par exemple, que ceux à qui il est dû des capitaux remboursables échus, soient traités plus favorablement que les titulaires d'offices ou porteurs d'effets remboursables non échus. Mais il sera temps de soumettre à la discussion cet ordre à établir, quand l'Assemblée aura décrété les principes que je l'invite à adopter.
Troisièmement. Je crois concilier la justice due aux créanciers, avec le soulagement dû au peuple, en proposant de cumuler l'intérêt avec le principal, c'est-à-dire de ne pas payer d'arrérages aux porteurs de délégations territoriales ; mais de re-
cevoir en payement des domaines nationaux ces délégations ; plus la crue de 5 0/0 pour la première année, de 4 seulement pour la seconde, de 3 pour la troisième, on s'arrêterait à ee taux, qui est à peu près le pair d'un revenu en immeuble. Il faudrait que ces titres de créance nationale fussent forcés seulement à l'égard de ceux qui ont prêté sur des charges, sur des fonds d'avance, ou de toute autre manière qui les rend créanciers de la nation ; au bout de trois ans, le Trésor public payerait aux porteurs de délégations territoriales qui ne les auraient pas employées à acquérir des terres, les intérêts échus de ces délégations, mais au taux de 3 0/0 l'an seulement, et, pour la suite, les intérêts continueront d'être payés sur ce même pied, de six mois en six mois, à raison de 3 0/0 l'an.
En y réfléchissant, Messieurs, vous sentirez, que ceplan, qui a l'avantage d'accélérer la vente des domaines nationaux, diminue de beaucoup et pour toujours le fardeau de l'impôt, en réduisant les intérêts de la dette à 3 0/0, ce qui ferait nécessairement baisser l'intérêt de l'argent.
Je finis, Messieurs, en vous suppliant de diriger votre attention sur tous ces moyens qui nous sont annoncés, comme devant opérer la liquidation de la dette; car si nous manquons-Cette opération, tout ira en se détériorant; et nous n'aurons plus aucune digue à opposer à la défiance et au découragement du peuple. C'est pourquoi, jusqu'à ce que la discussion sur cette matière soit tout à fait épuisée, je m'oppose au prononcé d'un décret qui, prématuré, pourrait bouleverser le royaume,, et nous replonger dans une situation pire que celle qui a forcé la cour et les ministres à nous abandonner les rênes de l'administration.
Plusieurs membres demandent l'impression du discours de M. Decrétot.
L'impression est ordonnée.
J'avais proposé en 1789 au ministre des finances une quantité de papiers-monnaie, pour la valeur des biens nationaux.....Il
serait aisé de prouver que cette émission ne fera renchérir aucune denrée; on citerait l'exemple de l'Angleterre, dans laquelle 5 milliards de papier de ce genre n'ont point fait hausser de prix des denrées. 11 serait injuste de rembourser les créanciers de l'Etat avec des quittances de finance, dont la libre circulation favoriserait l'agiotage; et tandis qu'elles seraient livrées à ce jeu cruel et déprédateur, les biens nationaux, vers lesquels elles ne se porteraient qu'après avoir assouvi les vampires financiers, tomberaient dans une dégradation qui les ferait vendre à vil prix.....Qui empêche que les commerçants elles manufacturiers des divers départements de la France n'imitent encore l'Angleterre, en créant dans leur arrondissement des billets de moindre valeur que celui que vous décrétez, et ne fassent circuler dans leurs ateliers des billets de 25 livres, en gardant leur valeur en véritables assignats? Celte ressource suppléera à la disette du numéraire, fera marcher des assignats vers leur destination, et fera reparaître les écus, carcelui quiadeséeusachèteradu papier pour avoir des terres, seule manière de placer son argent, lorsqu'on ne pourra le placer dans le commerce ou dans l'industrie. Encore une fois, les billets de banque d'Angleterre n'ont point d'hypothèque et ne perdent point, et l'on veut que nos assignats, qui auront la plus solide hypothèque, éprouvent une perte immense!
Eu un mot, yous avez créé pour 400 millions
d'assignats : vous êtes forcés, pour les besoins du Trésor public, d'en émettre encore. Le concours des quittances de linance écraserait les assignats sans ressource. — L'Assemblée qui a détruit tous les genres d'aristocratie fléchira-t-elle contre celle des capitalistes, ces cosmopolites, qui ne connaissent de patrie que celle où ils peuvent accumuler des richesses? J'ai l'honneur de vous proposer de décréter qu'il sera créé une suffisante quantité d'assignats pour rembourser la dette exigible et subvenir aux dépenses de l'année courante. Ges assignats porteront un intérêt ou une prime de 3 0/0 qui ne sera payée que lors des acquisitions. Les assignats seront reçus comme monnaie; l'intérêt des 400 millions déjà mis en circulation sera converti en une prime semblable, et à l'époque de cette conversion les intérêts échus seront payés aux porteurs de ces assignats. Les nouveaux assignats seront de 225 livres, 200 livres, 150,etc.
(1) propose le plan de liquidation qui suit :
1° La partie de la dette exigible non échue sera liquidée aux époques de ses échéances en assignats, ayant cours sans intérêt ;
2° La dette exigible, tant celle échue, que provenant des suppressions d'offices, de charges, d'emplois, de remboursements, et autres objets désignés dans les états du comité des finances, à l'exception des rentes sur le clergé, montant à douze cents millions environ, sera divisée en huit parties, formant chacune 150 millions ;
3° Le quart de la dette exigible, comprenant deux huitièmes, et montant à 300 millions, sera payé aussitôt qu'on aura fait la liquidation de chaque partie en assignats, ayant cours forcé sans intérêt ;
4° Les six huitièmes restants de la dette exigible seront soldés après la liquidation en obligations nationales, portant intérêt annuel de 3 0/0, payables en six années consécutives, une chaque année ;
5° Dans chaque année, à commencer du ^'janvier 1792, on payera en assignats l'un des huitièmes échus avec l'intérêt ;
6° Il sera alloué une prime de 2 0/0, tant aux assignats qu'aux obligations nationales qui seront employés au payement des biens nationaux; ladite prime, indépendamment de l'intérêt alloué aux obligations et aux premiers assignats ;
7° L'intérêt alloué aux premiers assignats décrétés cessera le 15 janvier prochain ;
8° Les assignats indistinctement, les obligations nationales, l'argent et les titres de créance, dont le remboursement aura été décrété, seront reçus également en payement des ventes des biens nationaux ;
9° Les obligations nationales, dites assignats, reçues en payement des biens nationaux, seront brûlées en présence des commissaires nommés par l'Assemblé nationale; l'argent qui pourra en provenir sera employé à retirer de la circulation les assignats qui seront également brûlés;
10° Tous le3 trois mois il sera fait une liste des biens nationaux vendus et des assignats et obligations nationales, éteints par ladite vente. Cette liste sera imprimée et rendue publique ;
11° Il sera fabriqué des assignats de 50 et de 100 livres, dans les villes qui le
demanderont; on pourra fabriquer des coupures d'assignats ae 5,
(de Nemours) (1). Messieurs, toutes les raisons qui ont été débitées, plus ou moins - éloquemment, dans cette tribune, en faveur du projet d'une émission de près de deux milliards de papier-monnaie, se réduisent à celles que je vais avoir l'honneur de réfuter en très peu de mots.
« On a des dettes exigibles : il faut les payer.
« On a des domaines à vendre : et l'on a intérêt « qu'ils soient bien vendus, il faut multiplier les « moyens de les acheter.
« Les facultés des contribuables sont bornées; « il faut diminuer, autant qu'on le pourra, la « masse des impositions pour surcharger moins « les revenus qui doivent les acquitter. »
Ces trois principes isolés sont très vrais en eux-mêmes ; mais l'application qu'on en a faite à l'énorme émission d'assignats que l'on vous a proposée, porte sur des suppositions totalement, et même absurdement fausses. Il a été impossible, en partant de ces fausses suppositions, de tirer du principe vrai une conséquence juste, une règle de conduite raisonnable. Aussi a-t-on été entraîné par ce mélange mal digéré de vrai et de faux, aux sophismes les plus étranges dont on puisse fatiguer les oreilles et la pensée d'hommes accoutumés à discuter les droits et les intérêts des nations ; on est arrivé aux conclusions les plus dénuées de sens, aux conseils les plus dangereux pour la gloire et pour le salut de l'Empire.
Voici, Messieurs, quelles sont ces fausses suppositions :
Première supposition fausse : que Von puisse payer des dettes exigibles, ou aucune espèce de dettes, avec des assignats.
Seconde supposition fausse : que l'émission des assignats puisse donner aucune facilité de plus, d'acheter les domaines nationaux, ni ajouter en rien à la valeur de ces domaines.
Troisième supposition fausse : que la suppression des intérêts dus à la portion ae la dette exigible, ou de toute autre dette qu'on rembourserait en assignats, fût une diminution d'imposition.
Vous allez reconnaître, dans un moment, combien ces trois suppositions sont fausses ; et aussitôt que leur fausseté sera manifestée, vous verrez s'écrouler l'édifice fantastique par lequel on a cherché à séduire l'imagination du public et à influer sur vos résolutions.
PREMIER PARALOGISME.
De ceux qui proposent les assignats-monnaie, ' portant sur la première fausse supposition.
La nation a des dettes, elle ne peut les payer au moment où elles sont exigibles. On
propose de donner en son nom, aux proprié-
On vous dit: nous devons; nous donnerons des assignats, et nous aurons payé.
Non, Messieurs, vous n'aurez rien payé du tout; lorsque vous aurez donné des assignats ; vous n'aurez qu'échangé un titre de créance contre un autre titre de créance,
^ Depuis, peut-on regarder comme synonymes l'effet s t la promesse; l'expression de payer et celle de renouveler son engagement?
Les assignats que vous avez donnés jusqu'à présent sont très bons et très solides, de même que ceux que vous pourriez donner à l'avenir, de même que toute autre délégation sur vos domaines ou sur vos revenus; mais ces assignats n'ont point été un payement; ce sont des engagements, ce sont dès anticipations que vous avez faites sur vos domaines, comme celles que l'on faisait autrefois sur vos revenus.
Vous n'avez point supprimé les anticipations. Quoi qu'on vous l'ait dit avec emphase, vous avez même été obligés de les accroître, à raison du retard éprouvé dans la rentrée d'une partie des revenus publics; mais vous avez change leur hypothèque, vous en avez déchargé le trésor ordinaire pour en charger la caisse de l'extraordinaire ; vous avez en cela fait une excellente opération d'administration et de comptabilité ; et il n'en est pas moins vrai que vous n'avez rien payé de vos dettes; qu'au contraire, le malheur des circonstances vous a forcés de les augmenter.
Le payement ne sera véritable que le jour où les assignats seront échangés contre les domaines nationaux, ou remboursés de quelque autre manière. Jusqu'alors, la nation, après avoir donné ses assignats à ses créanciers, leur devra précisément la même somme qu'elle leur doit aujourd'hui.
Le désir honnête que vous avez, ce désir de payer vos dettes, si conforme à votre loyauté, ne sera donc point rempli, si vous donnez, comme on le propose, des assignats et des assignats-monnaie, sans intérêt. Vous n'aurez fait qu'une manœuvre au-dessous de la dignité d'une grande et vertueuse nation, en forçant vos créanciers à un échange de titres qui ne leur produiront aucun intérêt, contre les titres également valables qui leur assuraient un revenu, vous aurez abusé de votre puissance; comme le disait énergique-ment, au milieu de vous, M. de Mirabeau, à Versailles, vous aurez emprunté le sabre à la main. Vous aurez, sabre à la main, prolongé le terme de vos dettes exigibles, et supprimé l'intérêt légitime que vous deviez à vos créanciers.
Comment s'apppelle, Messieurs, une suppression de payement, accompagnée du retranchement de l'intêrêt stipulé et de la perte inévitable sur le capital qui doit résulter de ce retranchement?... Je ne le dirai pas... ; un de vos décrets les plus respectables, me le défend dans cette Assemblée. Mais je m'en rapporte à vous ; est-il permis, quand on attermoie, de prétendre ou d'affirmer qu'on a payé ? Est-il possible d'attacher une égale valeur a deux titres de créance d'une égale somme et d'une égale sûreté, qui diffèrent du revenu ? Y a-t-il un seul d'entre vous qui n'estime pas davantage un engagement de ce même débiteur, pur, simple, sans intérêts et que vous
ne pourriez réaliser à l'instant même qu'en diminuant l'escompte sur le capital? ^C'esiTdonc une illusion qu'on se fait et qu'on veut vous faire, lorsqu'on vous dit qu'avec des assignats il ne tient qu'à vous de payer toutes vos dettes. Ces assignats ne seraient qu'une manière despotique de manquer à tous vos engagements.
SECOND PARALOGISME
de ceux qui proposent les assignats-monnaie, fondé sur la seconde fausse supposition.
Nous avons une quantité de domaines à ven-. dre, et l'on vous dit « qu'il est nécessaire, pour les vendre à leur véritable valeur, d'ajouter à la masse actuelle delà monnaie, une nouvelle masse de numéraire. »
Mais, Messieurs, ce n'est pas de numéraire que vous avez besoin pour que les domaines nationaux soient vendus à la plus grande valeur possible; ce n'est pas avec du numéraire que l'on achète ; il n'y sert que d'iBstrument et d'appoint. On achète avec des capitaux accumulés. Beaucoup de gens ont du numéraire en plus ou moins grande quantité; très peu de gens ont le moyen d'acheter des terres, parce que très peu ont de3 capitaux libres et disponibles. Ce. sont donc des capitaux qu'il faut appliquer à la vente de vos domaines nationaux, c'est une masse d'objets d'échange, autant ou plus considérable que les biens-fonds dont vous avez à disposer.
Cette masse, vous l'avez, et vous l'avez très supérieure à la valeur des biens à vendre.
Il dépend donc de vous de leur donner une grande valeur; et par le système des assignats-monnaie on vous propose de ne leur en donner qu'une partie.
Vous ne vendez les domaines nationaux gue pour payer une partie des dettes de la nation, qui toutes ont droit de poursuivre leur hypothéqué et d'entrer au concours, pour être payées en biens-fonds, si les propriétaires montrent, par les enchères, qu'ils préfèrent le remboursement successif que vous leur assurerez certainement par la création d'un fonds d'amortissement très solide,.
Vous avez donc actuellement la totalité des créances sur l'Etat, et de leurs propriétaires à appeler, à inviter, à encourager aux enchères de vos biens-fonds ; et l'on vous offre, comme une bonne mesure, pour vendre plus avantageusement ces domaines, de repousser environ la moitié de ces acquéreurs, et de leurs moyens de payer; on vous propose de donner un privilège exclusif à environ la moitié de vos créanciers pour acquérir vos biens; on vous propose de supprimer ia concurrence que leurs co-créanciers pourraient apporter dans un marché qui vous serait si favorable.
Et, parce qu'on aura donné à ceux de vos créanciers qu'on veut favoriser un nouveau titre, ou comme on dit en jurisprudence, un titre nouvel, on veut vous persuader que ce titre nouvel d'une créance ancienne formera un nouveau moyen de payer les biens-fonds sur lesquels elle est hypothéquée ; que cette soustraction opérée sur la masse des valeurs que vous pourriez admettre, que vous devez admettre en payement, que vous ne pouvez en repousser sans injustice,
est une addition à cette même masse dont on retranche la moitié.
Vous vous laissez dire ces choses, Messieurs ! vous faites bien : la liberté de parler doit être respectée. Mais les croire !... Vous ne le pouvez pas. Vous ne pouvez pas n'être point frappés de cette vérité palpable, qu'en donnant à une partie de vos créanciers, à la place du papier qui contient leur titre actuel, un nouveau papier qui contiendra un nouveau titre, précisément de la même valeur, vous n'ajoutez aucune valeur nouvelle à celle qui existait et qui se présentait déjà pour acheter vos terres.
Vous ne pouvez pas n'être point frappés de cette autre vérité également palpable, qu'en excluant du droit d'échange que vous attribuerez aux assignats contre les biens-fonds, les autres titres de créances, dont les propriétaires n'ont pas un moindre droit d'hypothèque sur les domaines nationaux, vous diminueriez la concurrence, les enchères, la valeur de ces biens, en même temps que vous feriez injustice aux propriétaires de créanoes à qui vous ne permettriez pas de prendre part à votre grande liquidation.
A entendre les propositions que vous ont faites plusieurs des préopinants, il semblerait qu'il n'y aurait que les créanciers de ce qu'ils appellent, il est vrai, avec une très grande extension, la dette exigible, qui eussent droit de participer à la vente des biens-fonds et d'offrir, pour prix de ceux qui leur seront adjugés, leurs titres de créance. Je ne puis trop vous répéter que c'est une erreur. Je ne puis trop vou3 répéter que se conduire en conséquence serait une injustice. Certainement les propriétaires des rentes sur les tailles, sur les cuirs, sur les aides et les gabelles ont tout autant de droit au fonds et dans la forme, de concourir et de participer, pour leur remboursement, au produit delà vente des biens domaniaux, que les propriétaires des rentes sur le clergé. Leur gage est encore plus disparu, si le gage des dettes d'une grande nation qui se régénère pouvait être littéralement spécial.
Mais vous ne prétendez pas que ce gage soit spécial et que ceux qui vous proposent d'ajouter pour dix-neuf cents millions d'assignats aux quatre cents millions que vous avez déjà créés ne le prétendent pas plus que vous. Rien ne peut les assurer que la totalité des domaines à vendre, soustraction faite des bois qui sont réservés, des dîmes et des droits seigneuriaux, qui sont anéantis, vaillent deux milliards trois cents millions. M. de Montesquiou vous a dit, d'après un aperçu dont il n'a point détaillé les bases, qu'ils vaudraient trois milliards, quatre milliards, et peut-être jusqu'à sept milliards; mais votre comité ecclésiastique, le seul qui puisse avoir, à cet égard, de véritables lumières, n'a cessé de vous aire que vous deviez porter, dans la dotation du clergé la plus stricte économie et résister aux mouvements de votre humanité généreuse, attendu que les biens du clergé, malgré l'extrême diminution du sort des bênéficiers riches, ne rendrait pas de quoi suffire à l'augmentation de celui que vous devez aux curés et à la dotation des religieux et religieuses. Au reste, Messieurs, il n'est pas nécessaire que vos domaines nationaux vaillent tant de milliards, pour que vous ayez un bon crédit et de grands moyens de puissance. La véritable hypothèque de tout le passif de la nation est sur la totalité de son actif, dont les biens-fonds disponibles ne forment qu'une partie, mais dont le surplus est composé de revenus publics, très solides, puisqu'ils por-
tent sur tous les revenus particuliers. La véritable hypothèque est dans la résolution que vous-avez prise, que vous avez annoncée au nom de l'honneur et de la loyauté nationale, de payer, d'une manière quelconque, avec vus domaines, jusqu'à due concurrence, avec vos contributions pour le surplus. Ce qui vous importe aujourd'hui, afin d'acquitter plus de dettes et de diminuer davantage vos contributions, est que vos domaines aient une grande valeur. Or, cette valeur ne sera nullement accrue, elle sera loin même* de s'élever à son véritable niveau si vous ne permettez qu'à une partie de vos créanciers de se présenter pour acquérir.
Le projet des assignats ne donne donc aucun nouveau moyen d'acheter les domaines à vendre ; il diminue une partie de ceux que les circonstances, l'état de vos finances, et la justice offraient naturellement et sans effort.
C'est donc par un paralogisme, par un sophisme que les auteurs de ce projet vous l'ont présenté comme la meilleure manière de donner de la valeur à vos biens fonds; qu'ils se persuadent à eux-mêmes, et qu'ils veulent vous persuader que ce sont eux qui désirent que les domaines nationaux soient promptement et bien vendus, et que ce sont les autres citoyens qui, en vous demandant d'admettre le double de fonds en payement, de ne repousser aucun acquéreur, de multiplier, au contraire, la concurrence des acquéreurs, ayant intérêt et moyen d'acheter, que ce sont ceux-là qui voudraient que les biens ne fussent pas vendus, ou le fussent len'ement et mal-
Messieurs, c'est une habitude lâcheuse à laquelle on est trop conduit par l'aigreur des discussions, que de supposer des intentions perverses. Il faut faire grâce aux intentions; on doit les croire bonnes et, vraisemblablement, elles ie sont, mais il ne faut faire aucune grâce à la logique inconséquente, ni aux raisonnements absurdes. Les mauvais logiciens ont corn mis plus de crimes involontaires que les mauvais hommes n'en ont fait à dessein.
TROISIÈME PARALOGISME
de ceux qui proposent les assignats-monnaie, qui résulte de leur troisième fausse supposition.
On vous dit, Messieurs, que vous opérez une grande diminution de l'impôt en échangeant les titres de créance, auxquels un intérêt est attaché, contre des assignats, ou nouveaux titres de créance qui ne porteront aucun intérêt.
Messieurs, c'est encore une fausseté. L'impôt sera parfaitement égal dans les deux cas; l'impôt sera, dans les deux cas, de toute la valeur de l'intérêt qui pourra courir jusqu'au remboursement. La seule différence est que cet impôt ne portera pas sur les mêmes personnes et qu'il sera plus inégalement réparti; qu'il sera réparti avec une extrême injustice dans le système des assi-gnats-monnaie, sans intérêt.
Si vous ne frustrez pas vos créanciers de l'intérêt qui leur est légitimement dù, cet intérêt sera payé, en partie, par le revenu des domaines nationaux, jusqu'à leur vente qui en éteindra un plus considérable encore. Le surplus sera payé par le produit d'une imposition également assise sur tous les citoyens et qui ne coûtera qu'une portion du revenu de chacun d'eux, à chacun d'eux en proportion de sa fortune.
Si, au contraire, vous donnez en payement de
vos dettes, dont les propriétaires avaient droit à un revenu sur lequel leur subsistance était fondée, de simples promesses de payer, des assignats sans intérêts, le retranchement de fortune qu'éprouveront ces propriétaires, sera précisément égal à la valeur de ces intérêts supprimés ^c'est-à-dire que vous les imposerez de toute la valeur de ces intérêts qui forment leur revenu; c'est-à-dire que vous les soumettrez à une imposition dé la totalité de leur revenu.
On dit que ces intérêts»se monteront à cent millions, dont les revenus des biens domaniaux pourront payer soixante. Pour éviter d'imposer quarante millions sur toute la nation, dans laquelle les créanciers «ont compris, et doivent, à «ion sens, être cotisés par leurs contributions, sur le même pied que les autres propriétaires, on vous propose d'imposer cent millions. Sur ces seuls créanciers, et de peur de prendre une portion du revenu de tous, on vous propose de prendre par forme, ou sans forme, d'imposition, aux créanciers de l'Etat, un impôt très réel de tout leur revenu.
Erreur quant à l'existence et à la somme de l'imposition ; qui Beront parfaitement semblables ; injustice dans la manière de la répartir.
résultai des sophismes des projeteurs d'assignats-monnaie sans intérêts*
Vous voyez, Messieurs, que tout est illusion dans les motifs qui vous ont été présentés pour Vous faire imaginer qu'il y aurait quelque avantage à répandre pour deux milliards d'assignats-monnaie sans intérêts.
On vous a parlé de payer tes dettes de l'Etat, et les assignats ne pourraient payer aucune de ces dettes: ils ne seraient qu"une manière entièrement iTiùti le et singulièrement despotique de les attermoyer. On peut attermoyer avec plus de douceur, d'utilité, d'équité, de bonne foi ; c'est ce que j'aurai l'honneur de vous établir d'une manière incontestable avant de finir mon opinion; et je ne suis pas inquiet de la résolution que vous prendrez; je n'aurais pu l'être que si elle eût été précipitée, car la précipitation peut conduire les premiers des hommes à l'erreur. Je vôus connais parfaitement, je sais parfaitement qu'après une discussion suffisante, il est impossible-de vous empêcher de préférer un parti honnête, avantageux et sûr, à un parti déshonnête et dangereux.
On vous a parlé de la nécessité de présenter de nouveaux capitaux à .offrir en échange de vos domaines nationaux ; et les assignats ne donneraient pas la valeur dhin écu de capital nouveau à offrir -ou à recevoir- en échange de ces domaines. Ils feraient même une soustraction d'environ la moitié des capitaux, naturellement et justement applicables, sans aucun effort, à cette opération salutaire.
On vous parlé de diminuer les impôts qui pourraient prendre une partie du revenu de tous les contribuables, à raison de leur fortune; et C'est en mettant un impôt de la même somme qui ne porterait que sur une seule classe de contribuables, et qui absorberait la totalité de leur revenu.
Ainsi, il n'y a pas un seul des motifs qui vous ont été présentés, pas une seule des raisons qui vous ont été alléguées à leur appui, qui ne soient un paralogisme et une erreur.
11 y a peu à espérer d'un projet uniquement fondé sur des erreurs : je dois vous exposer, de plus, et encore une fors, tout ce qu'il y aurait à en craindre.
Dangers inévitables de l'opération proposée.
Vous connaissez, Messieurs; la plupart de ces dangers ; ils vous ont été exposés par les préo-pinants, avec beaucoup de clarté et beaucoup de force ; je ne ferai que les résumer, y appliquer le calcul, et ajouter quelques vues nouvelles.
Je commencerai par une observation fort simple, c'est que les personnes qui vous ont proposé de créer pour dix-neuf cents millions de nouveaux assignats, en veulent pour une somme beaucoup plus considérable.
Ils vous ont demandé pour les remboursements suspendus et dont les propriétaires se trouveront trop heureux de voir indiquer la fin de ta sus pension sous une forme quelconque, aussi-rapprochée que l'est celle de la vente des domaines nationaux.
Ils vous en onft demandé pour la dette exigible et arriérée, qui n'en sera pas moins arriérée, et dont les parties prenantes seront aussi très satisfaites d'être admises, sous une forme quelconque, à l'acquisition de ces domaines.
Ils vous en ont demandé pour les charges de judicature et autres offices supprimés* dont la finance n'est pas liquidée, et peut être rendue applicable de mille manières, sans assignats-monnaie, à'l'achat des biens que vous avez à vendre-Us vous en ont demandé pour les fonds â?a-rmnces, prix d'offices et remboursements des compagnies de finance, dont les comptes ne sont pas rendus, ét qui n'ont rien à prétendre que leur intérêt, jusqu'à l'apurement de ces comptes, qui constatera, seul, si l'Etat est leur débiteur, et de quelle^somme.
Ils vous en ont demandé pour tous les usages, par Tapport auxquels eu peut s'en passer. Ils ne vous en otit point demandé pour le seul usage qui puisse impérieusement les exiger, pour l'appoint des dépenses courantes, tant ordinaires qu'extraordinaires de l'Etat, jusqu'à ce que le complet rétablissement des perceptions ait remis la nation en jouissance de ses revenus.
Il fallait vous exciter pour vous faire destiner des assignats-monnaie à des besoins imaginaires. On savait que la nécessité lie vous contraindrait que trop à user de cette forme dartticipation pour les besoins réels de la chose ptfblique.
Il est vrai que M. de Mmtesquiou, qui veut deux milliards d'assignats pour tous les objets qui n'en exigent point, vous a proposé de pourvoir aux dépenses courantes par un emprunt. S'il avait été question d'un emprunt véritable, on aurait pu sourire à la proposition de faire emprunter une nation tellement dénuéedewédit au moment actuel, qu'elle ne peut payer qu'en papier ses dettes exigibles, et qu'elle se voit depuis six mois obligée de payer en papier forcé presque tous les Irais de son gouvernement. M. de Montesquieu s'étant mieux expliqué, vous avez compris que ce qu'il appelait un emprunt ne serait que le rappel d'une partie de vos assignats pour lesquels vous donneriez des obligations nationales avec intérêt,-et que vous répandriez ensuite comme monnaie forcée et sans intérêt sur vos fournisseurs qui, sans doute, s'occuperont du soin de S'Indemniser d'avance ilans leurs marchés. li ne faut done pas s'arrêter plus longtemps à cette
idée, assignats pour assignats, intérêt pour intérêt sur l'anticipation nécessaire aux dépenses courantes de l'Etat, l'effet sera le même, et il suffit que M. de Montesquiou convienne du besoin journalier.
Selon qu'on aura la paix ou la guerre, selon que l'ordre et la soumission aux lois seront plus ou moins promptement rétablis dans toutes les parties du royaume, ce besoin journalier sera plus ou moins durable, plus ou moins considé^ rable. Il ne peut être au-dessous de cent millions', il peut s'élever à deux cents. Il peut monter plus haut suivant les circonstances. Les personnesqui sollicitent dix-neuf cents millions de nouveaux assignats, faciles à suppléer par des moyens plus sages et plus doux, savent parfaitement ou doivent parfaitement savoir qu'il en faudra pourdmcou trois cents millions de plus qui seront commandés par des besoins urgents et indispensables. C'est donc réellement deux milliards ou deux milliards cent millions ou deux milliards deux cents millions de nouveaux assignats qu'ils demandent. Ce sont, avec ceux qui existent déjà, deux milliards cinq h six cents millions de cette monnaie qu'ils veulent voir en circulation. Je vous laisse à juger, Messieurs, de l'effet d'une telle masse de nouveau numéraire sur leprix des productions et des services publics et privés.
Vous connaissez la théorie du prix des marchandises, vous savez qu'il est, pour chacune d'elles, formé de la quantité d'autres marchandises que l'on peut ou que l'on veut donner en échange ; què relativement à i'argent et à l'or, qui ont été pris pour échelle commune, tant à cause de leur propriété usuelle pour faire de la vaisselle, des bijoux et desustensiles,que de leur rareté et de la facilité d'en constater le titre, la valeur générale des marchandises est en raison de la quantité d'argent qui se présente pour les acheter.
Uncitoyen affilié à cette Assemblée, M. Lavoisier, député suppléant du bailliage de Blois, appuyé sur l'autorité de Hume, sur celle de Smith, et encore plus sur celle de la raison, a parfaitement démontré que « si tout à coup la quantité de « numéraire se trouvait réduite à moitié, les prix « des marchandises, relativement à l'argent, bais-« seraient de moitié, et que les autres nations « viendraient se pourvoir chez nous des mar-« chandises dont elles auraient besoin, jusqu'à ce « que nous eussions acquis une quantité de nu-« méraire qui remit nos prix à peu près au ni-« veau de ceux qui ont cours dans les autres « pays; que si, au contraire, la quantité de « numéraire se trouvait doublée tout à coup les « prix de nos marchandises doubleraient jusqu'à « ce que notre numéraire s'étant écoulé chez l'é-« tranger, l'équilibre qui doit nécessairement « régner avec de faibles différences locales entre « les nations, se fût rétabli. »
Il a fait voir que la quantité de numéraire en circulation est naturellement bornée par les besoins de cette circulation, puisque l'argent étant un moyen d'échange qu'il faut acheter, personne ne veut employer ou conserver en monnaie, au delà de ce qui est nécessaire pour le service auquel la monnaie est destinée. . lia encore montré que le numéraire en argent étant le seul auquel on attache partout un prix égal, qui puisse en conséquence avoir cours chez tous les peuples, nous ne pourrions établir chez nous une surabondance de deux espèces de numéraires, 1 un réel et l'autre fictif, sans que l'espèce la plus précieuse, l'argent monnayé,ne passât à l'étranger,
jusqu'à ce que l'exagération de no3 prix fût cessée.
Le numéraire en papier nous restant, parce que les étrangers n'en voudraient pas, et le niveau ne pouvant se rétablir que par la sortie du numéraire métallique,, nous risquerions de nous trouver à la fin presque totalement dénués d'ar-gént monnayé.
Il arriverait même que nos assignats devant être brûlés à mesure que les ventes s'effectueraient, le dernier résultat de l'opération, après nous avoir donné pendant quelque temps une surabondance de numéraire ruineuse pour le peuple dont la subsistance serait extrêmement renchérie, ruineuse pour nos manufactures qui ne pourraient plus rien vendre à l'étranger, le dernier résultat serait de nous priver presque entièrement de toute espèce de numéraire.
L'argent chassé par le papier, et le papier brûlé après les ventes, vous seriez réduits aux échanges en nature, jusqu'à ce que le cours du commerce vous eût ramené d'autre, argent.
Ainsi la nation passerait assez promptement par les deux extrémités opposées, du plus grand renchérissement au plus grand avilissement des prix. On ne pourrait raire en France aucune spéculation, ni pour les salaires, ni pour aucun genre de travail ou de commerce.
Les plus affreux périls pour une nation et surtout pour une nation qui vient de se donner une Constitution nouvelle, seraient dans ces crises alternatives, dont votre sagesse préservera la patrie.
Ne croyez point, Messieurs, que je vous expose ici des systèmes purementphilosophiques, à cause que ce sont des philosophes que je vous ai cités, et la raison, la nature des choses que j'ai invoquées devant vous : les faits ont vérifié cette théorie.
M. Arnoult vient de faire imprimer le tableau du prix du blé dans quatre marchés principaux éloignés les uns des autres, en France, pendant les années 1718, 1719, 1720 et 1721. Il vous l'a envoyé. Vous y avez vu combien la surabondance du numéraire fictif avait subitement haussé le prix des grains en 1720, au milieu d'une année abondante qui succédait à deux autres années abondantes. Vous avez vu comme le prix retomba, lorsque l'illusion cessée eut fait disparaître ce numéraire excessif. Et vous savez par l'histoire que le blé fut cependant la marchandise dont le prix changea le moins, parce qu'il était moins sous la main des agioteurs, et dans le courant de numéraire fictif dont les flots s'agitaient principalement à Paris.
Ce n'est donc pas une hypothèse quelle haussement rapide du prix des productions et des marchandises occasionné nécessairement par une grande émission de numéraire fictif. C'est un fait dont vos pères ont été témoins et victimes, dont la preuve authentique se trouve dans tous les for léaux des marchés du royaume. Hier, à cette même place, M. de Montesquiou s'adressant nommément à moi, et non sans quelque amertume, a nié le fait futur. Je désirerais savoir comment il niera le fait passé, et l'axiome de logique qui veut que du fait à sa possibilité, la conséquence soit valable (1).
S'il prétendait, comme il l'a insinué, que ce qui est arrivé à cet égard en 1720 n'arrivera
pas en 1790 et 1791, parce que notre numéraire fictif
Ce que je viens de vous faire remarquer, Messieurs, d'après ce fait grave et avec les meilleurs observateurs politiques de l'Angleterre et de la France, suppose néanmoins que les assignats conserveraient exactement la même valeur que les écus; vous savez bien que la chose est impossible, mais il est bou que vous examiniez quelle en serait la différence.
Vous venez de le voir, Messieurs, les écus eux-mêmes perdraient cinquante pour cent, vis-à-vis des subsistances et des marchandises par le doublement subit du numéraire, si ce doublement pouvait avoir lieu, et ne se rapprocheraient de leur valeur naturelle que par les opérations successives, mais nécessairement lentes de l'acquisition des biens-fonds, d'une part; de la transpor-tation de la monnaie métallique chez l'étranger, de l'autre part.
Jusqu'à ce que l'effet de ces deux opérations se fût fait sentir, il y aurait une époque plus ou moins longue, pendant laquelle l'avilissement inévitable d'un numéraire tellement surabondant obligerait de donner six francs en argent monnayé, pour la marchandise de quelque nature qu'elle soit, qui ne coûte aujourd'hui qu'im écu.
Mais il est au delà de votre pouvoir, il est au-dessus de tout pouvoir humain d'inspirer pour une monnaie de papier forcé, quelque excellente que soit son hypothèque, la même confiance, de lui donner la même valeur dont jouit la monnaie métallique; car la monnaie de papier sera toujours privée de deux avantages qu'a la monnaie métallique : l'un de pouvoir servir aux plus petits achats dans l'intérieur du royaume, l'autre de pouvoir être employée dans le commerce avéc l'étranger. Or, le nombre des propriétés usuelles d'une marchandise ou d'une monnaie contribue toujours à en soutenir la valeur ; et, à l'inverse, le défaut de ces propriétés amène inévitablement un décri qui augmente progressivement en raison de la surabondance de la marchandise ou de la monnaie décriée.
Les assignats que vous avez aujourd'hui en émission ont précisément la même hypothèque et le même gage que ceux qu'on vous propose d'y mettre; et, de plus, ils portent un intérêt que l'on vous propose de refuser à ceux que vous mettriez en circulation à l'avenir. Je ne m'arrêterai point à l'absurdité de mettre en concurrence des assignats portant intérêt et des assignats sans intérêt, ayant tous les deux la même hypothèque, et de prétendre qu'ils auront tous les deux la même valeur.
Je veux bien supposer un moment que cette valeur puisse être égale, quoique la supposition répugne à tout bon sens; je m'arrête seulement à ce que doit produire Yoctuplation des assignats. Vous avez sous les yeux l'expérience que lorsqu'il y a eu dans la circulation pour environ trois cents millions des assignats actuels, ils ont perdu contre l'argent six pour cent, y compris la valeur des intérêts dont il faut faire le sacrifice,
outre celui de la prime que l'ou donne pour avoir des écus.
L'arithmétique la plus commune dit que lorsqu'il y aura huit ou neuf fois davantage, ils perdront contre l'argent au moins huit ou neuf fois six pour cent ou de quarante-huit à cinquante-quatre pour cent. - Ainsi l'argent perdant cinquante pour cent relativement aux salaires et aux marchandises, et les assignats perdant cinquante pour cent, relativement à l'argent, la perte totale de ceux-ci, par rapport au prix nominal auquel s'élèveront les marchandises et les productions, devra être d'environ soixante-quinze pour cent.
Cet effet serait inévitable, si la totalité des assignats pouvait être mise en un jour en émis sion, et si d'autres causes ne balançaient pas leur influence. Il ne sera pas complet, si l'émission complète des assignats proposés n'a pas eu lieu; et il pourra recevoir plusieurs modifications selon la nature des circonstances atténuantes ou aggravantes. Il vous convient, Messieurs, de prévoir les circonstances afin dé ne vous exagérer ni le bien, ni le mal. L'art de les discerner/et d'estimer d'avance quelle sera leur intensité, et quelle réaction elles pourront avoir les unes sur les autres, est indispensable chez les législateurs qui envisagent leur devoir avec le sentiment religieux qu'il exige.
Dans 1 auguste fonction que nous avons à remplir, Messieurs, il n'y a point de véritable probité sans lumière, et nous sommes obligés de mettre toute l'application de notre esprit à nous rendre habiles pour être honnêtes gens.
S'il y avait autant d'argent enfoui que d'assignats mis en circulation, et peut-être est-ce aujourd'hui le cas, car l'enfouissement d'un cinquième ou d'un quart du numéraire suffit pour le faire paraître extrêmement rare, quoiqu'il y en ait encore une somme immense employée au service de l'agriculture, des manufactures et du commerce ; si l'on pouvait, dis-je, retirer de la circulation précisément autant de monnaie mé tallique que l'on y mettrait de monnaie*de papier, l'ancien prix des productions et des marchandises subsisterait. Je vous laisse à penser seulement où serait l'avantage d'avoir troqué son argent contre du papier.
Mais l'enfouissement a des bornes, et il est vraisemblable que ces bornes sont atteintes, il n'y a que les riches qui puissent resserrer lèur argent; car il n'y a que les riches qui puissent former des capitaux sur leurs économies. Les pauvres et les personnes d'une fortune médiocre sont obligés de dépenser journellement leur revenu, à mesure qu'ils reçoivent pour leur subsistance. Ils sont obligés de remettre en circulation les produits de leur commerce et de leur travail pour pouvoir continuer ce travail et ce commerce.
Il y a même apparence que la plupart des riches, ayant été privés d'une portion de leurs revenus ou des rentrées habituelles de leurs entreprises, ne pouvant espérer de longtemps un revenu égal, ni le complet rétablissement des travaux que tant de circonstances majeures ont interrompus, seront obligés de remettre en circulation, pour vivre, une partie du capital qu'ils avaient accumulé, et ne pourront augmenter leurs accumulations, quelque désir qu'ils en eussent.
Une nouvelle émission d'assignats aura donc des effets différents de la première, elle influera davantage sur les prix : car la surabondance du
numéraire n'aura plus d'autre emploi que le passage à l'étranger et, jusqu'à son écoulement, le renchérissement des prix de toutes les pro luc-tions et de toutes les marchandises sera un effet mécanique de l'excès du numéraire, effet sur lequel la volonté des hommes ne pourra rien.
Jusqu'où s'élèvera ce renchérissement? cela dé-
fend de la quantité de numéraire qui circulait en rance avant les assignats.
Le plus grand nombre des écrivains politiques pensent qu'il y en avait pour environ deux milliards.
Si cette supposition est fondée, le numéraire actuel en circulation doit être de seize cents millions d'écus ou de louis, et de quatre cents millions d'assignats; car il doit y avoir eu des louis et des écus resserrés pour une somme égale à celle des assignats, puisque les prix des productions et des marchandises ne sont pas sensiblement changés, et qu'il n'y a encore que les assignats qui éprouvent delà perte.
Mais un plus grand enfouissement devant être possible, faute de riches qui aient le moyen d'enfouir, toute augmentation de numéraire réel ou fictif doit nécessairement augmenter le prix de tous les objets de consommation dans la proportion de chaque nouvelle émission, avec l'ancienne masse du numéraire.
Et l'avilissement déjà commencé du papier contre l'argent, croîtra de même, en raison de ce que le papier devenu plus abondant, plus de gens éprouveront le besoin de le réaliser en argent et que la concurrence entre eux deviendra plus animée pour s'en procurer.
Si l'imagination pouvait rester paisible, et ne rien ajouter à ce balancement, à cet équilibre naturel des prix, il n'y aurait rien de plus facile, Messieurs, que de vous présenter le tableau graduel de chaque renchérissement des productions et des marchandises tant par rapport à l'argent, que par rapport aux assignats, et celui de chaque avilissement graduel du papier, relativement à l'argent, tels qu'ils auraient nécessairement lieu à chaque création de papier-monnaie. On pourrait vous le dire mois par mois, à ne pas se tromper d'un sou, comme on calcule quand arrivera le trop plein d'un bassin d'après la hauteur du réservoir et le diamètre de l'ajutage.
Mais si ces effets physiques peuvent être soumis à un calcul rigoureux, il faut une philosophie bien plus profonde et bien plus salace, pour prévoir et pour évaluer l'influence, la réaction des causes morales sur la circulation et sur les valeurs respectives des productions, des marchandises, de l'argent et du papier.
On ne peut pas empêcher, surtout à présent, chez les Français, que la liberté ne soit plus aimable et attrayante que la contrainte, ni par conséqu nique les écus qui circulent librement ne paraissent encore plus préférables qu'ils ne le sont réelement au papier valable en soi, que l'on fera circuler par le poids de l'autorité. Vous avez formé des hommes libres, et vous croiriez pouvoir leur redonner des fers, dans les conventions sans cesse renaissantes, relatives à leurs travaux journaliers? La nature humaine y répugne. Il ne suffit pas que les assignats soient bous; ils le sont; mais pour qu'on les croie tels, autant qu'ils le sont, il est indispensable de ne le pas commander. G'est le pius noble sentiment de l'âme que celui qui fait haïr et repousser l'abus de la force. Examinez les actions les plus louables, les plus agréables, les plus respectables, les plus salutaires, et vous, voyez comme elles se
changent en crimes odieux, lorsqu'on y veut employer la, violence. Voyez combien l'intolérauce et la persécution déshonorent la religion elle-même, lorsqu'on ose les déployer pour elle.
La contrainte et la perte ne peuvent qu'amener le dégoût. La force, luttant contre le dégoût, produit nécessairement l'indignation et la terreur, dont le terme n'a plus de borne*, et dont les suites échappent à toutes les combinaisons de l'arithmétique.
Ainsi, d'après la gradation successive de l'émission des assignats-monnaie, leur fâcheuse influence peut être diminuée ou ralentie pendant un temps; leur perte pourra, dans les commencements, être moindre que ne l'indiquerait la sévérité du calcul appliqué aux conséquences d'une émission subite. Mais lorsque cette perte aura passé un certain terme; lorsqu'elle sera parvenue au point de déranger absolument les spéculations de l'agriculture, des manufactures et du commerce ; lorsque des capitalistes qui peuvent la supporter sans une ruine totale, elle se sera étendue jusqu'au peuple laborieux qui ne peut subsister que de tes gains habituels et qui n'a aucun moyen de perdre, alors il deviendra impossible d'éviter une secousse funeste, il deviendra impossible d'empêcher que la progression du discrédit des assignais ne soit pas aussi précipitée qu'effrayante et incalculable.
Vous avez sous les yeux une expérience récente de l'effet de la crainte et du décri sur un papier-monnaie, quia une fois commencé à perdre dans une forte proportion- et de l'impuissance de l'autorité publique, en ce eas, sur les meilleurs citoyens.
Nous avons eu, il y a dix ans, dans les Etats-Unis de l'Amérique, 1 exemple d'assignats ou de papier-monnaie hypothéqués, comme ceux que l'on vous propose, sur l'honneur et la loyauté de la République entière, hypothéqués comme ceux que l'on vous propose sur une masse énorme de biens-fonds sur des milliers de milliers de lieues carrées de territoire fertile et bien arrosé que l'on mettait en vente à très bon marché, soutenus comme ceux que l'on vous propose par des discours très éloquents, par des décrets très impérieux du Corps législatif, par l'importance du salut de l'Etat, par les fondateurs très zélés d'une République et d'une Constitution nouvelle; et vous avez assez vu, malgré tous les efforts du congrès, de Payne, d'Adams, de Washington, de Franck!in, ce papier s'avilir au point qu'une paire de bottes se vendait en papier trente six mille francs, et que peu de temps après un souper donné à quatre amis qu'on aurait payé dix écus en espèces, a coûté cinquante mille écus en papier-monnaie.
Vous ne pouvez pas douter qu'au bout de quelques mois, la journée ou la semaine de l'ouvrier monterait à la valeur du plus peut de vos assignats, qui ne procurerait cependant pas à l'ouvrier plus de pain, plus de vin, plus de viande qu'il n'en peut acheter aujourd'hui avec le prix de sa journée ou de sa semaine actuelle. Des législateurs comme vous, Messieurs, oseraieut-ils prendre sur eux le risque de porter un tel dérangement dans toutes les combinaisons sociales?
Ou vous a dit qu'il n'y aurait point de dérangement., parce que la valeur des biens nationaux en vente, balançant celle des assignats, le changement général des valeurs ne serait pas tel que je viens de le calculer.
Mais, Messieurs, premièrement, personne ne peut vous assurer qu'il y ait pour deux milliards
trois cents millions, moins encore pour deux milliards six cents millions de biens nationaux à vendre. Je vous ai fait remarquer la différence qui se trouve, à cet égard, entre l'opinion de M. de Montesquiou el les rapports qui vous ont été faits ! par le comité ecclésiastique. Mais quand on croirait que les deux milliards trois cents millions ou enfin les deux milliards six cents millions, de do-fc maines nationaux existassent, on sait très bien qu'ils ne peuvent être vendus dans le cours d'un mois, comme il faudrait qu'ils le fussent, pour que l'influence des assignats sur le prix de toutes les marchandises fût peu sensible. On est très certain qu'au contraire, il faut un temps assez considérable aux acquéreurs, pour prendre connaissance dt'S biens sur lesquels ils voudront enchérir, pour choisir ceux de ces biens qui leur conviendront le mieux, et pour se déterminer à des offres avantageuses. On est également certain que, d'auprès vos décrets, et à raison des facilités que vous avez voulu procurer aux acquéreurs peu riches, il suffira de donner la première année un huitième de la valeur des biens ruraux ordinaires, un tiers de la valeur de ceux qui sont le plus susceptibles de détérioration ; on est certain que vous avez accordé douze années pour acquitter le surplus.
On a donc la certitude que, quand il y aurait des biens à vendre, pour la valeur totale des assignats, on ne pourrait pas retirer plus d'un sixième de ceux-ci dans la première année.
La faculté de les réaliser, à l'instant, en achats de biens- fonds que l'on vous met sans cesse en avant, est donc une faculté interdite à une si forte somme d'assignats, par la nature des choses d'une part qui ne permet pas aux citoyens d'aller si vite sur l'emploi de leur fortune et par les décrets que vous avez prononcés dans d'excellentes vues d'humanité et de bonne économie publique pour rendre les acquisitions à la portée des culti- 1 vateurs, des propriétaires de campagnes et des autres citoyens u'une fortune médiocre.
On a donc la certitude que d'après les mesures, ; même très sages, que vous avez prises, les cinq sixièmes des assignats qu'on vo ^s propose circuleraient, c'est-à-dire dénatureraient tous les prix pendant un espace très long, et plus que suffisant pour opérer les plus grands désordres.
La prédiction trop certaine de ces malheurs inséparables d'une trop grande émission d'assignats-monnaie a fait quelque impression sur l'avis de leurs partisans.L'un des plus éclairés d'entre eux, M. de Mirabeau, a déclaré qu'il ne se livrait point aux combinaisons absurdes et aux mauvais ; calculs de ceux qui veulent des assignats par milliards, et qu'il ne croit nécessaire d'en faire que pour un milliard ou douze cents millions.
Sera-ce en y comprenant les quatre cents millions existants, et les deux ou trois cents millions de nouvelles anticipations auxquelles vous pouvez être contraints pour les besoins journaliers du service publie? Alors il serait possible que sa demande n'excé ât le besoin que de quatre ou cinq cents millions; mais c'estencore un grand mal lorsque l'on peut être dans la triste nécessité d'avoir, malgré soi, pour six ou sept cents millions depapir-monnaie, d'en créer,en outre, pourci?^ cents millions de plus, dont on n'a que faire.
M. Anson est revenu ainsi à peu près à la même mesure ; il a demandé qu'il ne fût créé que pour six cents millions de nouveaux assignats-monnaie qui, avec ceux qui existent, ne feraient qu'ttn mil-Hard, et il a paru réserver un grand avantage à la liberté des actions et des opinions, en ouvrant à ceux qui ne voudraient point d'assignats la li- i
berté de les échanger contre des quittances de finance ou obligations nationales.
M. de Montesquiou, en paraissant regretter que l'on ne pût pas jeter sur la place deux milliards d'assignats à la fois, ce qui, dit-il, ferait un beaucoup meilleur effet, a pourtant annoncé, comme réponse aux objections, qu'il ne crovait pas qu'il pût y en avoir en réalité pour plus d'un milliard circulant. Il a d'ailleurs adopté l'idée de M. Anson sur la liberté réservée aux citoyens de préférer aux assignats les obligations nationales.
C'est quelque chose que ce respect apparent pour la liberté ; mais dans l'oceasio i présente, c'est quelque chose de bien illusoire; cir les assignats ne seront jamais embarrassants pour ceux qui pourront avec eux effectuer des payements ou acheter des domaines nationaux. Ils'ne seront ruineux et funestes que pour les manufacturiers et les cultivateurs qui ne sont pas assez riches pour retirer leurs capitaux de leurs entreprises journalières,quinepeuvent acheter de biens-fonds, et qui ne pourront faire des assignats qu'ils auront reçus au pair aucun autre usage que de les vendre à perte contre des écus, afin de pouvoir payer leurs ouvriers.
Certainement ces cultivateurs et ces fabricants n'auraient ni motif ni intérêt pour user de la faculté de changer en quittances de finance ou obligations nationales ces assignats, à la place desquels il n'y aurait que les uns qui pussent satisfaire à leurs besoins et assurer la continuation de leurs travaux.
Le projet de M. Anson ne diffère donc pas sensiblement des idées de M. de Mirabeau. S'ils n'en changent pas encore une fois l'un et l'autre, s'ils se bornent à la proposition d'un milliard d'assignats, et si vous adoptiez cette proposition, le numéraire du royaume ne serait augmenté que d'environ les deux cinquièmes; les mauvais effets de l'opération sur les productions, sur les marchandises et sur les salaires, seraient, en conséquence, plus modérés : le mal même pourrait ne se pas faire sentir tout à coup; il serait voilé en partie, tant que les troubles publics opéreraient le resserrement du numéraire métallique : en ce sens, les troubles publics seraient une opération de finance; opération excellente, pour les assignats, à la nécessité desquels ils feraient croire en rendant l'argent rare et difficile à se procurer; opération horrible et désastreuse pour le peuple, dont elle corrompt les mœurs, pour les finances elles-mêmes, dont elle arrête le rétablissement, et pour la vente des do naines nationaux qui ne saurait être avantageusement effectuée que lorsqu'on pourra compter, avec certitude, sur l'entière sûreté des propriétés et des personnes. Mais enlin le respect pour la loi deviendra la vertu caractéristique de tous les Français; les troubles cesseront, et à leurs ravages succéderait te désordre dans les prix, causé par la surabondance d'un numéraire fictif d'un milliard ou de douze cents millions, ajoutés au numéraire réel qui suffisait à nos travaux, avant que leur cours ordinaire eût été ralenti par les grands événements qu'a dû entraîner, même la plus heureuse des Révolutions.
Ce désordre achèverait de ruiner l'Etat qui ne peut pas plus supporter, dans les combinaisons de son agriculture, de ses manufactures el de son commerce, une perte de trente pour cent sur l'argent, et de quarante-cinq pour cent sur les assignats, qu'une perte de cinquante ou soixante-quinze pour cent.
Si M. de Mirabeau entend que l'émission nou-
velle sera d'un milliard ou de douze cents millions, non compris les quatre cents déjà existants et ce que vous pourrez être obligés de décréter encore pour combler le déficit des recettes jusqu'à ce qu'elles soient rétablies, nous arriverons une seconde fois au résultat de dix-sept cents ou de dix neuf cents millions de papier-monnaie ; et j'avoue que s'il faut qu'il y en ait pour dix neuf cents millions ou pour deux milliards six cents millions ou pour six milliards en circulation, le renversement du royaume et de la Constitution me paraît tellement inévitable dans l'une et dans l'autre hypothèse, que le choix entre ces divers degrés de calamité publique, est, à mes yeux, presque indifférent.
On a dit que les assignats étant forcés, ils n'opéreraient pas une grande perte à ceux qui les recevraient du gouvernement, parce qu'ils les donneraient comme ils les auraient reçus à leurs créanciers qui les rendraient enfin au gouvernement, soit pour les impositions, soit pour les achats des biens nationaux ; de manière que les assignats, quoiqu'ils puissent être décriés relativement à l'argent et aux marchandises, passeraient néanmoins, de créancier en créancier, pour la valeur prescrite par la loi.
Messieurs, ce raisonnement est encore un sophisme dont l'illusion est facile à dissiper.
Si chacun des créanciers du gouvernement avait précisément autant de dettes envers d'autres citoyens que de créances à exercer sur l'Etat, il pourrait, en effet, n'éprouver aucune perte ; et si chacun de ces créanciers était, lui-même, engagé pour des sommes égales à celles qu'il aurait à recevoir; si enfin le dernier créancier devait au gouvernement une somme égale à celle qui lui parviendrait en assignats, ou se trouvait assez riche pour se permettre, sur son capital, des acquisitions équivalentes à ces assignats, la prétention des défenseurs des assignats-monnaie aurait quelque vraisemblance.
Mais aucune de ces suppositions ne s'approche de la réalité. Il est rare 'que les créanciers du gouvernement doivent précisément autant qu'il leur est dû par lui. II est rare que les pères de famille à qui les créanciers du gouvernement doivent, et qui ont de l'ordre, naient pas un actif^ supérieur à leur passif. Chacun d'eux éprouverait donc, sur la portion d'assignats qu'il recevrait et qui excédérait ses dettes, la perte ou de quarante-cinq ou de soixante-quinze pour cent à laquelle seraient condamnés, par leur masse énorme, les assignats qu'on propose de créer.
Quant à la portion de ces assignats qui pourrait passer effectivement de créancier en créancier, jusqu'aux premiers fournisseurs, qui puisent directement les richesses dans les sources de la nature et de l'industrie, qui sont créanciers de tout le monde, et qui n'ont de créanciers que les ouvriers et les journaliers, qu'ils emploient, et qu'ils sont obligés de payer en petites sommes, le malheur serait encore plus affligeant et plus injuste. Car ces premiers fournisseurs, les cultivateurs, les manufacturiers, qui seraient forcés de réaliser en argent leurs assignats pour les dépenses journalières de leurs ateliers et de leurs entreprises rurales, ces honnêtes producteurs de toute richesse qui n'ont jamais eu aucune relation ni avec le gouvernement, ni avec les créanciers du gouvernement, supporteraient sans recours sur personne la perte qui pourra être, si vous écoutez M. Anson ou M. ae Mirabeau, de quarante-cinq pour cent, si vous écoutez M. de Montesquiou ou M. de Couy-d'Arsy, de soixante-quinze pour cent,
la perte énorme, enfin, dans un cas ou dans l'autre, qui serait inévitable sur la plus grande partie des assignats qui leur passeraient dans les mains; car, les frais de culture seront toujours plus considérables que le loyer des terres et que l'impôt ; et même en supposant que l'on puisse payer exactement et sans appoint les impositions et le prix des baux en assignats, les frais de culture devront toujours l'être en argent. Quant aux fabriques, l'achat de celles de leurs matières premières qui viennent de l'étranger, ne peut être fait qu'en argent, et tous leurs frais de manutention journalière, qui souvent sont plus considérables encore que ceux de la matière, ne peuvent non plus être soldés qu'en argent.
En supposant môme que leur perte sur ces dépenses perpétuellement renouvelées fût beaucoup moindre que ne l'indique le calcul, il serait impossible que les entreprises rurales et des manufactures n'en fussent pas écrasées. Il serait impossible qu'une nation, qui ruinerait ainsi dans une année son agriculture et ses fabriques, ne fût pas réduite l'année suivante aux plus horribles calamités, à commencer par une irrémédiable famine. .
On prétendra que les cultivateurs et les manufacturiers auront la ressource d'acheter des domaines nationaux ou de vendre leurs assignats à ceux qui voudront acheter ces domaines.
Acheter des domaines nationaux ? Cela serait impossible à la plupart d'entre eux. Personne ne peut acheter sur les rentrées habituelles destinées à ses consommations journalières, et à solder les coopérateurs de son travail; personne n'achèlé qu'avec les capitaux disponibles qu'il a pu se procurer par les accumulations d'une lente économie. Très peu de cultivateurs, très peu de manufacturiers sont actuellement dans le cas d'avoir ainsi des capitaux accumulés. Presque tous ont été obligés de consommer leurs petites économies pour Taire face aux dépenses extraordinaires que les Circonstances ont amenées, et au défaut de leurs rentrées habituelles.
Vous comprenez qu'il serait encore plus diffi cileaux ouvriers et journaliers, pour lesquels on vous a proposé de faire dqpetits assignats, d'acheter avec ces petits assignats des domaines nationaux; onne peut pas en vendre pour six francst pour douze francs, pour un louis; et quapt on le pourrait, l'ouvrier a besoin des six francs, des douze francs, du louis qu'il a gagnés dans sa semaine pour vivre Ja semaine suivante ou pour payer le fournisseur, pauvre lui-même, qui lui a fait l'avance de sa subsistance, et qui n'est guère plus que lui en état d'acheter de terres.
Faire de petits assignats et les répandre dans le commerce journalier, ce serait, pour la commodité d'un moment, chasser du pays l'argent qui servait à cette circulation, et qui, devenant superflu, ne trouverait d'autre emploi que d'être vendu à l'étranger; ce serait retarder la vente des domaines nationaux, en retenant dans une circulation habituelle, qui ne peut laisser échapper ses moyens nécessaires de communication, le numéraire destiné à l'achat de ces biens ; ce serait centupler le danger de 1 a confection,en rendan t impossible l'établissement des bureaux de vérification pour un si grand nombre d'assignats ; ce serait liàter le discrédit des assignats, en mettant une concurrence extrême entre là multitude des citoyens les plus assiégés par le besoin, et dont chacun d'eux sera obligé, lorsqu'il voudra échanger ses petits assignats en menue monnaie,
de subir la loi qu'auront faite la pauvreté et l'empressement des pttis misérables.
En deux mots, on n'achète de capitaux aussi considérables que le sont vos domaines, qu'avec des capitaux. Les créanciers de l'Etat en ont d'applicables à cet usage, qui ne sera pour eux que la transmutation, le changement de nature de leur fortune qui leur paraît en danger de manquer de base, s'ils n'en faisaient pas cet utile emploi ; parmi les autres citoyens, ceux qui sont riches, ne le sont que parce que leur fortune est déjà solidement assise dans les terres qu'ils possèdentoudans leurs entreprises de culture, de fabriques ou de commerce-; de sorte que, loin de pouvoir, comme les créanciers de l'Etat, disposer, pour des acquisitions, de tous leurs capitaux, ils ne sauraient y consacrer qu'une petite partie du produit de leurs économies ; car ils ne voudront pas changer leurs terres et leurs maisons contre d'autres maisons et d'autres terres.
Ceux qui sont pauvres vivent à grand'peine au jour la journée et sont dans l'impuissance absolue de placer en terres aucun capital.
Vendre leurs assignats contre des écus, c'est donc tout ce que pourront faire les cultivateurs, les manufacturiers, les commerçants, les artistes et les ouvriers hors de portée d'acheter les domaines nationaux ; et c'est là que les attendent les capitalistes spéculateurs. Cette vente, en effet, se ferait au cours de la place, c'est-à-dire avec une perte de vingt, de trente, de cinquante, peut-être de soixante-quinze pour cent, selon que l'opération aura été plus ou moins brusquée, plus ou moins exagérée, et qu'un effroi très légitime aura plus ou moins ajouté au mal réel. Les capitalistes, qui se seraient ainsi procuré des assignats pour un quart de leur valeur nominale, abuseraient ensuite de vos lois pour les faire accepter à leurs créanciers, sur le pied de cette valeur que les assignats n'auraient plus, ou les donneraient au Trésor public en échange des biens nationaux qu'ils acquerraient, par ce moyen, pour le quart ae ce que cès biens valent réellement.
Je ne vous dis pas assez, Messieurs ; il faut vous expliquer plus nettement, et plus complètement la chose.
Le projet des assignats-monnaie, appliqué, comme on a voulu le faire, au payement de près de deux milliards de dettes dont il n'y en a pas une qui exigeât cette ressource, est une invention très ingénieuse, une invention vraiment admirable pour mettre quelques hommes intelligents en possession gratuite, en pleine propriété d'une grande partie ae vos domaines nationaux, sans qu'ils soient obligés de fournir, à leurs dépens, aucun prix d'achat.
Voici, Messieurs, la mécanique de l'opération :
On achète à terme des effets suspendus ou d'anciennes actions des Indes,'perdant vingt-cinq pour cent plus ou moins ; celles-ci perdent davantage. On en est payé en assignats, et l'on gagne provisoirement un quart du capital qu'on n'a point déboursé: il y a de ces marchés faits, il y en a beaucoup. Mais, je reviens.
Les vendeurs d'actions, qui reçoivent les assignats de la seconde main, ont quelque regret, puis se consolent en passant les assignats à leurs créanciers, en les versant sur le commerce; au bout de quelques mois, ces assignats arrivent aux manufacturiers et aux cultivateurs, après avoir commencé, chemin faisant, à déranger le prix des marchandises et des productions/
Ils sont ramenés ensuite sur la place, par le
concours de ces premiers fabricants de productions et de marchandises, qui ne peuvent absolument se passer d'écus. Là, ils perdent, comme je vous l'ai démontré, selon ce que la raison peut prévoir de l'influencecumulée des causes physiques et morales, jusqu'à soixante-quinze pour cent : alors les moteurs de l'entreprise qui, dès le premier pas, ont sur un million de marchés à terme gagné deux cent cinquante mille livres, emploient ces deux cent cinquante mille livres à racheter pour un million d'assignats, avec lesquels ils souscrivent et enchérissent généreusement pour un million de biens-fonds. On les leur adjuge. Et les voilà très bons citoyens qui se glorifieront d'avoir bien fait vendre à bon prix les domaines nationaux, et qui seront très régulièrement, très légalement propriétaires d'une terre d'un million, qui ne leur aura pas coûté un écu. Il est vrai qu'il en aura coûté deux cent cinquante mille livres aux créanciers actuels de l'Etat, et sept cent cinquante mille livres aux pauvres agriculteurs, manufacturiers, ouvriers, parles mains desquels les assignats auront passé.
Si l'on se borne au plan de M. Anson ou à celui auquel se réduit aujourd'hui M. de Mirabeau; si l'on ne crée que pour un milliard ou douze cents millions d'assignats, la spéculation sera moins brillante,la plupart des profits baisseront de moitié, on ne pourra se passer entièrement de capitaux, on ne fera peut-être que doubler ceux qu'on aura; et il pourra en coûter jusqu'à cinq cent mille francs, pour avoir une terre d'un million. Mais enfin, c'est un résultat qui mérite encore qu'on s'en occupe.
Lorsque de telles spéculations sont à faire, Messieurs, ne soyez pas surpris que les opérations, qui peuvent y conduire, trouvent des partisans nombreux et pleins de chaleur.
Vous savez que le plan n'est pas né dans cette Assemblée ; qu'il a été formé par des étrangers d'une grande capacité, accoutumés à jouer dans nos fonds publics, et qui n'ont aucune autre profession. Ne soyez pas surpris que ces hommes de génie ayant déployé toute leur habileté pour le revêtir de couleurs spécieuses qui pussent faire impression sur ceux de nos collègues qui, ayant la modestie de se défier de leurs propres lumières dans des questions si épineuses, croient, avec raison, devoir profiter de celles des hommes les plus exercés à combiner le commerce du papier, et à faire des plans de liquidation et de remboursement de la dette de l'Etat.
Nos collègues sont irréprochables; ils se sont crus guidés par l'opinion publique. En décorantdes idées qui ne venaient pas d'eux,mais qui se présentaient sous un aspect également imposant et séducteur, ils ont été entraînés eux-mêmes par l'ingéniosité de leur esprit, par le charme de leur propre éloquence, qui les enivre les premiers, avant d'éblouir leurs auditeurs. Nous devons respecter leurs vues, nous devons admirer leur talent, nous devons excuser la jeunesse de la plupart d'entre eux; mais nous leur devons encore plus d'éclairer leurs intentions et de dissiper leur erreur. C'est pour eux que les vieux citoyens qui ont blanchi dans le métier en étudiant avec zèle, avec une application soutenue, avec l'infatigable passion du bien public, ces matières importantes, redoublent ici leurs efforts.
Vous venez de pénétrer, Messieurs, jusque dans les entrailles du système des assignats.
M. de Montesquiou vous a parlé de l'agiotage qui a lieu sur les effets publics, et M. I évêque a'Autun vous a fait voir qu'il continuerait, d'une
façon ou de l'autre, soit que vous fassiez des assignats ou des obligations nationales* M. de Montes-qui o«i,qtii croit les assignats propres aies faire cesser, vous a dit1 néanmoins qu?ils n'auraient cette puissance qu'après que leur émission aurait passé deux milliards. Il demande du temps qui est, en effet, indispensable pour cette émission énorme ; c'est-à-dire qu'il demande, sans y penser, du temps pour la continuation de l'agiotage contre lequel il a déclamé. Et c'est en y pensant encore moins qu'il n'a pas vu l'inévitable abîme d'agiotage, bien plus redoutable encore, qu'ouvriraient les assignats, et dont je viens de vous montrer la profondeur.
Je me hâte de Unir.
Je ne vous répéterai point ce que vous a si savamment et si clairement dit M.l'évêque d'Autun, de l'effet desas&ignats sur les payements entre concitoyens; de leur effet plus redoutable encore sur le change et sur les payements à l'étranger, de l'impuissance où nous tomberions si on se livrait à ce système de soutenir notre commerce extérieur. Je pourrais vous mettre sous les yeux, à cet égard, des lettres d'undes banquiers les plus distingués d'Amsterdam, quii, né Français et voyant le péril où nous courons, croit devoir avertir sa patrie. Mais ce qui vous a été dit par M. Vêvêque d'Autwi, avec une si pressante logique* et avec de si justes applaudissements de notre part, ne peut être sorti de votre mémoire.
Je n?en conclurai cependant pas, comme je l'aurais fait il y a un an, comme je le faisais lorsque la possibilité des recettes de la présente année laissait encore quelque espérance au courage, au travail, au génie. Je n;en conclurai pas qu'il faut vous abstenir aujourd'hui de toute émission d'assignats-monnaie. Les temps sont changés, les moyens sont épuisés, les moments les plus précieux sont perdus, ettous vos efforts n'ont pu encore balancer entièrement ceux des amis du désordre et ramener partout la soumission aux lois.
Je vois donc, ou du moins, je crois, avec douleur, que vous serez trop vraisemblablement dans la nécessité de créer encore quelques assignats de la nature de ceux qui existent déjà, et qui pourront être indispensables pour le seul besoin réel que vous puissiez avoir, pour le seul besoin dont les solliciteurs d'assignats ne vous ont point parlé; dont ils ont même repoussé l'idée lors-qu'a lle a été présentée d'une manière vague dans cette Assemblée et que, pour unir toutes les singularités dans son éloquent discours, M. de Montesquiou a combattu hier. Je ne dis donc pas que vous puissiez éviter tout usage de cette forme d'anticipation, lorsque vos armements et les autres dépenses courantes, auxquelles les revenus retardés ne pourront subvenir, exigeront au moins une promesse de payer avec gage de payement. Je vous supplie seulement de n'appliquer celte ressource extrême qu'à ce besoin extrême et impérieux. Je vous supplie, si vous êtes contraints d'y pourvoir par des assignats, de ne vous permettre d'eu créer que dans une quantité modérée, que dans la plus faible quantité que vous pourrez, seulement dans celle que vous jugerez physiquement nécessaire pour empêcher la cessation du service public, jusqu'à l'établissement complet des impositions et des perceptions; nulle-autre cause ne peut exiger une émission d'assignats.
Veuillez ne pas oublier que le système de cette énorme émission n'a pas été inventé par les étrangers agioteurs habitués de cette capitale,
pour le besoin de payer la .dette exigible dont on décuplait l'estimation, et qui peut être aussi bien payée sans ces moyens insidieux; qu'il ne l'a pas été pour favoriser la vente des biens nationaux, qui se fera beaucoup mieux et beaucoup plus vite quand vous y aurez appliqué un capital double qui n'aura point d'autre usage et qui ne divaguera point sur votre agriculture, sur vos manufactures et votre commerce, pour détruire leurs travaux et les ruiner. Daignez voir, au contraire, un fait que tout démontre : c'est que l'opinion du besoin de payer à la fois la dette exigible, la dette arriérée, les remboursements suspendus, les charges de judicature, les fonds et cautionnements de finance qui ne seraient nullement payés par l'échange que l'on proposait d'un titre ancien contre un titre nouvel; que cette opinion mensongère est née, s'est accrue, a pris une grande consistance et que l'occasion et le prétexte de la vente des domaines nationaux ont été saisis, afin de donner lieu à l'opération des assignats et à la belle spéculation de quelques capitalistes, pour payer leurs dettes et acquérir les biens-fonds à peu de frais.
Ce sont ces capitalistes, ce sont les plus savants et les plus intrépides agioteurs de l'Europe qui crient à Y agiotage, si vous hésitez à ouvrir ce large champ à leurs talents et à leur fortune; ce sont eux qui, par ce mot effrayant pour le peuple, et propre à faire impression, même aux bons esprits, ont excité le zèle de plusieurs d'entre vous.
Quelle est la chose à faire à la place de V émission d'assignats-monnaie qui est proposée?
Un grand nombre de citoyens, Messieurs, ont été frappés comme moi, comme vous, des inconvénients majeurs attachés à l'émission d'une somme énorme d'assignats-monnaie ; mais ils ont tant entendu dire et répéter qu'il n'y a point d'autre ressource, qu'ils sont inquiets et demandent comment sortir de la crise où nous sommes f Et si l'on repousse les assignats, que veut-on mettre à la place ?
Messieurs, il n'y faut rien mettre, ou presque rien que la simplicité et la bonne foi. En économie politique, comme en médecine, plus on peut s'aider des forces de la nature , sans troubler sa marche, et moins on cherche à faire par soi-même, mieux on fait.
La seule maladie grave et urgente de nos finances est dans la suspension, dans le défaut actuel de rentrée de nos revenus. Ce mal cessera aussitôt que l'ordre public sera solidement assis et que les impositions seront en recouvrement régulier. Jusqu'alors, l'Assemblée nationale ne pourra éviter de continuer Y anticipation sur le produit des ventes de biens nationaux, et de créer, à mesure du besoin, les assignats dont on ne pourra se passer, pour face aux armements et aux dépenses publiques.
Cette émission graduelle d'assignats, bornée à la quantité prescrite par le besoin, quoiqu'elle puisse augmenter leur perte, relativement à l'argent, n'aura pas une influence aussi sensible sur les valeurs, qu'elle l'aurait eue dans un autre temps, parce que les causes mêmes qui la nécessiteront entretiendront'l'inquiétude qui resserre aujourd'hui le numéraire métallique. Ainsi, comme il arrive encore en médecine, le mai même fournira au mal une sorte de remède et de contrepoids.
Vous donnerez donc des assignats pour l'appoint des dépenses courantes qui ne peuvent être
retardées, pour lesquelles vous manqueriez I à-vis de leurs bailleurs de fonds; de les faire d'argent effectif, et auxquelles, malgré les pro- jouir de la justice que vous devez à des créan-messes de M. de Montesquiou, vous ne pour- ciers publics, et que vous ne pouvez payer qu'en riez certainement pourvoir par aucun emprunt. promesse s, en autorisant et même en ordonnant Quant à la dette exigible et arriérée de l'Btat, la remise de ces obligations nationales à tous les vous donnerez d'autres promesses qui rie seront bailleurs de fond^; jusqu'à due concurrence des monétaires que pour votre caisse de l'extraordi- fonds par eux fournis. M. Démeuniers vous a naire, en échange de vos biens-fonds. démontné que les bailleurs de fonds n'avaient
Il n'y a rien de plus simple que de délivrer réellement aucun autre droit, et qu'ils étaient aux porteurs des différents titres qui s'y trouvent. I loin de s'être atten lus à un sort aussi avantageux compris, un nouveau titre uniforme, sous le nom que celui que vous leur procurez en transportant d'obligations nationales ; car j'adopte ce mot de sur les domaines nationaux, qui seront incessam-M. Anson comme plus clair, plus noble, et plus ment vendus, leur hypothèque qui n'était pas, intelligible que celui de quittances de finance dont à beaucoup près, si solidement assise, ni si propre on s'est servi jusqu'à ce jour. Ces obligations à leur procurer une rentrée aussi avantageuse transmissibles de gré à gré, et divisibles à la et aussi prochaine.
volonté des propriétaires, mais non pas en plus Quant à tous les autres propriétaires de créances, petites portions que les assignats actuels, seraient sur l'Etat, qui ne sont point exigibles, lorsqu'ils admises en payement des domaines nationaux en voudront participer à cet achat, chose à laquelle concurrence avec les assignats et avec l'argent. I il faut les autoriser spécialement, s'ils préfèrent Rien n'est plus simple et plus juste que d'at- cette manière d'être remboursés, et ils la préfé-tacber à ces obligations un intérêt pareil à celui reront à l'hypothèque générale, sur le3 revenus que vous avez attribué aux assignats ; car puis- publics et aux remboursements progressifs, qu'elles doivent concourir avec eux pour l'acqui- j qu'opéreront, dans la suite, la caisse de l'extraor-sition des domaines nationaux, il faut qu'elles y dinaireet le fonds d'amortissement, il sera simple concourent avec une entière égalité, et qu'elles I et juste de leur laisser la liberté d'échan ger, à cet ne puissent donner lieu à aucun agiotage. I effet, leurs titres de créance, quels qu'ils soient,
Si l'on ne peut éviter quelque mouvement sur contre des obligations semblables, les effets publics actuels, jusqu'à la délivrance Pour leur en inspirer le désir, il sera simple et des obligations nationales; du moins l'agiotage juste de n'admettre à l'acquisition des domaines sera banni entre elles, et les assignats, s'ils sont nationaux, que ïes obligations nationales, les égaux en revenus et pareillement reçus dans I assignats et Y argent : à la charge, pour ce dernier, l'acquisition des biens nationaux, et si une trop I d'être employé, sur-le-champ, en remboursement grande surabondance de numéraire fictif ne né- I d'assignats, et lorsque tous les assignats seront cessite pas ce surhaussement, du prix des den- I retirés, en remboursement d'obligations nationales. rées et l'avilissement de ce numéraire. De cette manière, la totalité des dettes publiques
L'intérêt modéré sur le même pied que celui peut entrer en concours pour l'acquisition des des assignats attribué aux obligations nationales, domaines nationaux, en passant par l'état d'obli-se trouverait avoir embrassé d'avance l'imposi- gâtions nationales. La valeur des biens-fonds à tion que les capitalistes, porteurs de ces divers vendre pourra, en conséquence, s'élever à une titres de créance, devraient à l'Etat, en propor- somme beaucoup plus haute qu'elle ne le serait, tion de cette partie de leur richesse, comme les si l'on n'admettait à ce concours si nécessaire que autres citoyens dont l'Etat garantit la propriété. la portion de dette pour laquelle on veut aujour-II serait réglé comme celui que vous avez d onné d'hui donner des assignats, aux assignats d'après Je revenu des biens- Les porteurs d'obligations nationales qui n'au-fonds que vous avez à vendre, et dont les obli- raient pas voulu enchérir pour des domaines na-gatioDS et les assignats représentent une partie, tionaux, seraient remboursés, tant par le produit de sorte que la délégation soit véritablement des ventes en argent, comme il vient d'être dit, l'image de la chose, et qu'elle donne le revenu que par le fonds d'amortissement, dont notre sa-qu'on en espère, sans diminuer cependantl'attrait gesse ordonnera la création, et qui peut être qui porte à se mettre en possession du gage réel, combiné de manière qu'avec la cumulation des A mesure que la finance des charges et offices intérêts cessés et nos rentes viagères éteintes, il sera liquidée et que les comptes de finance se- rembourse, en dix ans, ou plus, ou moins, selon ront rendus et apurés, il sera simple et juste que vous le jugerez convenable, tout ce qui pour-encore de donner aux titulaires, aux financiers, rait rester d'obligations nationales, après la vente aux employés, des obligations nationales pareil les; des biéns-fonds. Les propriétaires de celles-ci il sera simple et juste de conserver le privilège n'auraient point à se plaindre, car ce serait à de leurs bailleurs de fonds, même de ceux qui, leur volonté et sur leurs sollicitations, qu'on au-ayant négligé les formalités des obligations 110- rait échangé leurs titres actuels contre des obliga-tariées, se sont contentés d'obligations, de pro- tions nationales ; et puisque ce serait encore par messes, ou de billets sous-seing privé, mais dont leur volonté qu'ils n'auraient pas assez poussé il est reconnu et convenu de bonne foi que la les enchères, pour s'assurer la préférence dans la fourniture des fonds d'avance ou cautionnement, vente des domaines nationaux. est l'objet. Il sera simple et juste de conserver à L'Etat cependant se trouverait déchargé par ces créanciers légitimes le droit de main-mise une convention libre, et du consentement même sur les obligations nationales qui succéderont au de ses créanciers, d'une somme considérable d'in-fonds qui leur était engagé ou hypothéqué, le térêt. Il n'y aurait rien que de noble et d'équitable droit d'opposition à la délivrance de ces obliga- dans ces utiles conventions. tions à leurs débiteurs, comme ils auraient celui On dit, Messieurs, que les obligations natio-d'opposition au sceau, si les offices, conservant nales perdront comme les assignats. Il est pos-ieur nature, eussent été aliénés par les titulaires, sible qu'elles perdent comme les autres effets Il sera simple el juste de réserver en même temps publics qu'elles remplaceront. N'ayant qu'un ia-à ces titulaires le droit corrélatif et réciproque térét plus faible, elles perdraient davautage si qui leur est donné par la nature de la chose, vis- ' leur remboursement n'était pas plus prochain;
mais l'expérience a prouvé que la certitude et la proximité des remboursements soutenaient encore plus le prix des. effets publics que le taux de l'intérêt. Il n'y a donc aucune apparence que les obligations nationales perdent plus que ne font aujourd'hui les autres titres de créance sur le gouvernement. Il y a certitude qu'elles perdront moins, lorsque les ventes de bi#ns commenceront à s'effectuer.
Il est impossible que les obligations nationales perdent autant que les assignats, parce que ne circulant pas parmi les mêmes citoyens, n'étant pas monnaie, leur cours n'aura lieu qu'entre les gens riches qui ne sont pas pressés ni forcés de vendre leur papier, ni susceptibles de prendre des terreurs exagérées, et encore, parce que *ne pouvant déranger les prix des productions et des marchandises, elles n'exciteront aucune fermentation publique. Au lieu que les assignats-monnaie, passant, par l'effet des salaires et des dettes commerciales, dans des mains pauvres, forcées de s'en défaire à l'instant, ils seront sans cesse décriés par le besoin perpétuel de leurs porteurs, çt que, haussant le prix des denrées et de tous les autres objets de consommation, ils feront nécessairement, sur l'imagination des citoyens, une impression qui précipitera leur discrédit et la ruine de ceux qui les auront reçus en payement, et qui ne seront pas assez riches pour pouvoir les employer en achats de terres.
On prétend, Messieurs, que les porteurs d'assignats seront plus affectionnés à la Constitution, et cette idée est faite- pour vous toucher. Mais pourquoi les porteurs d'assignats seront-ils plus attachés à 1a Constitution que les porteurs d'obligations nationales ? N'est-ce pas le même capital dont il s'agit? N'est-ce pas pour le même objet que les deux promesses de payer seront créées? N'est-ce pas dans le même but ? Et les porteurs d'obligations,qui n'auront d'autreusageà en faire que l'acquisition de vos domaines, ne s'y porteront-ils pas avec plus de zèle et d'activité que les porteurs d'assignats qui en auraient besoin pour vivre et qui, en raison de ce besoin, seraient contraints, en votre nom et par votre autorité, à des sacrifices très onéreux ?
Les cultivateurs, les fabricants, les ouvriers, qui n'éprouveront aucune secousse par l'effet des obligations nationales, puisqu'elles ne circuleront qu'entre les créanciers de l'Etat et le Trésor public, et qui, par la vente successive des bieos-fonds,verront chaque jour diminuer les impôts, ne seraient-ils pas plus affectionnés à la Constitution que si, payés de leurs fournitures en assignats, et ne pouvant pourvoir à leurs besoins qu'en échangeant ces assignats à perte, ils éprouvent, sur leur dépense en assignats, l'effet d'un impôt aussi imprévu que terrible ?
Les obligations nationales peuvent être en plus grosses sommes, étant moins nombreuses, n'étant pas monnaie, et ne devant passer que des mains connues en mains connues,pour revenir au Trésor national par les ventes ou le remboursement, il y aura moins d'intérêt, plus de danger, plus de difficultés à les contrefaire; elles seront comme les rescriptions ou les autres effets publics qui ont paru aux contrefacteurs un mauvais champ de spéculations. Il ne sera donc pas nécessaire d'accumuler autant de précautions pour prévenir la contrefaçon qui ne présentera pas le même attrait ; il en résultera que cette fabrication pourra être prompte et verser rapidement dans la société les moyens de payer les biens nationaux, moyens si nécessaires pour en hâter les ventes.
Ce n'est pas, Messieurs, un petit avantage. Vous avez l'expérience des longueurs qu'exige la fabrication des assiguats; si vous vous borniez à employer ceux-ci, le jour où vous en auriez décrété seulement pour un milliard, à quoi se montent les plus faibles propositions qui vous ont été faites, ou croirait déjà les voir, et l'imagination frappée produirait, seule, la plupart de leurs inconvénients. Cependant leur émission réelle ne serait que lente et successive, et vous réuniriez les deux dangers, celui d'un numéraire fictif que l'on regarderait comme existant, et qui romprait l'équilibre de tous les prix et de toutes les spéculations commerciales, et celui néanmoins de la disette de capitaux dont vous avez besoin pour que la plus forte somme possible sur la valeur des domaines nationaux soit versée dès la présente année, et dans le commencement de l'autre, au Trésor public.
Je vous demande donc, Messieurs, de ne vous permettre d'assignats que pour le service public le plus indispensable, et de donner les obligations nationales pour tous les autres usages auxquels elles pourront satisfaire et pour lesquels on avait, sans raison, sollicité les assignats.
Telle est l'opération simple, utile, mesurée, douce et prudente que je crois qui doit être suppléée au système des assignats-monnaie. J'espère qu'elle aura votre suffrage. J'ai tâché d'en renfermer les dispositions dans le projet de décret qUe je soumets à vos lumières.
PROJET DE DÉCRET.
L'Assemblée nationale a décrété et décrète ce qui suit :
Art. ler. Il ne sera fait aucune émission d'assignats-monnaie
que successivement, et seulement pour les sommes qui"pourraient être reconnues indispensables
par l'Assemblée nationale, afin de subvenir aux armements et autres dépenses publiques,
jusqu'à ce que les impositions soient en plein et entier recouvrement.
Art. 2. Il sera donné : 1* pour la dette exigible, à raison des fournitures faites aux départements ; 2° pour la dette arriérée ; 3® pour les remboursements suspendus, des obligations nationales portant 3 0/0 d'intérêt, dont les sommes pourront être au choix du porteur, mais non pas au-dessous de deux cents livres, lesquels seront admises concurremment avec les assignats et avec l'argent comptant dans les payements à faire pour l'acquisition des biens nationaux.
Art. 3. A mesure que la finance des charges et offices de judicature ou autres non comptables supprimés par les décrets de l'Assemblée nationale sera liquidée, il sera donné aux propriétaires pour le montant de ladite finance des obligations semblables, et qui jouiront de tous les mêmes avantages.
Art. À. Il sera donné de pareilles obligations et jouissant aussi des mêmes avantages en remboursement des fonds d'avance des compagnies de finance et cautionnements de leurs employés, comme aussi en remboursement de la finance des charges et offices comptables, à mesure que le3 comptes desdites compagnies desdits employés et desdits comptables seront rendus et apurés.
Art. 5. Tous les créanciers de l'Etat mentionnés aux deux articles pourront offrir lesdites obligations nationales à tous leurs créanciers bailleurs. de fonds pour l'acquisition des offices ou pour la formation des avances et cautionnements
de finance, soit que lesdits fonds aient été fournis sur des obligations notariées ou sous-seing privé, ou par simples billets renouvelables, antérieurs au quinze août de la présente année.
Pourront aussi lesdits bailleurs de fonds mettre opposition entre les mains du caissier de l'extraordinaire, à la délivrance desdites obligations nationales aux titulaires des offices, ou membres et employés des compagnies de finance, en requérir et en exiger le dépôt, soit dans ladite caisse de l'extraordinaire, soit dans celle du district de leur domicile : auquel cas lesdits créanciers et bailleurs de fonds jouiront de l'intérêt desdites obligations et pourront, ou les retirer le jour qui leur conviendra, ou en attendre le remboursement qui sera effectué, ainsi qu'il sera dit ci-après.
Art. 6. Tous les autres créanciers de l'Etat, même ceux des dettes non exigibles, pourront faire liquider leur finance à raison du revenu de leurs contrats, et en demander le remboursement en obligations nationales pareilles qui seront également admissibles dans l'achat des domaines nationaux.
Art. 7, Tout l'argent monnayé qui, proviendra de la vente des domaines nationaux, sera employé à retirer et à éteindre des assignats, et lorsqu'il n'y aura plus d'assignats à retirer et éteindre des obligations nationales,
Art. 8. Dans le cas où la totalité des obligations nationales n'aurait pu être retirée par la vente complète des domaines nationaux, le surplus sera rembourséannuellement et progressivement, dans le terme qui sera fixé et selon les règles qui seront incessamment établies pour l'amortissement général des dettes nationales. A présent, Messieurs, que vous avez connaissance de mon plan et que vous voyez combien l'émission d'un milliard ou deux de nouveaux assignats-monnaie est inutile; combien elle serait onéreuse au peuple laborieux, c'est-à-dire au peuple qui vous fait vivre, vous el toute la société; combien elle dérangerait les prix des productions des marchandises et des salaires ; combien ce que i'on croit y trouver d'avantage serait concentré sur les grands capitalistes, sur les grands débiteurs, sur les grands agioteurs ; combien il est facile de remplir mieux, plus efficacement, plus profitablement pour la vente des domaines nationaux, tous les objets d'utilité qu'on attribuait aux assignats-monnaie, sans s'exposer à tant de périls si redoutables : j'ose invoquer votre véracité et votre conscience, y a-t-il quelqu'un de vous qui soit bien certain que l'émission d'assignats qui vous a été proposée, ne renferme aucun danger? Y a-t-il quelqu un de vous qui soit bien certain que l'opération des obligations nationales telles que je viens de la proposer, soit susceptible de quelque objection qui ne s'applique avec encore plus de force aux assignats-monnaie? Ne vous paraît-il pas que dans la position actuelle de cet Ëmpire, c'est un grand point de faire en sorte que la cause de nos créanciers et de nos domaines qui doivent les payer, et toute xette circulation extraordinaire que nous avons à précipiter, soient séparées de la circulation habituelle de notre agriculture, de nos manufactures et de notre commerce, dont le travail et les combinaisons doivent être autant respectés qu'il soit possible, aussi peu écartées qu'il soit possible de leur marche naturelle? Y a-t-il quelqu'un d'entre vous qui ne sente pas que c'qgt l'arche du salut que les travaux champêtres et ceux des manfactures, et qu'il faut trembler lorsqu'on risque d'y porter une main téméraire? Y
a-t-il quelqu'un de vous qui voulût avoir à répondre sur sa tête, et, ce qui est bien plus; sur son honneur, d'avoir fait passer de sa seule opinion, le décret de la création d'un ou de plusieurs milliards de nouveaux assignats, celle d'un seul assignat de plus que ce qui pourra être nécessaire pour attendre le rétablissement des perceptions ? Moi, je veux bien répondre sur ma tête et sur mon honneur de m'y être opposé de toute ma puissance, et j'en demande acte à la patrie, à l'Europe, à l'histoire.
Quant à vous, Messieurs, si vous avez le moindre doute, la cause des assignats est perdue; car, dans le doute, il n'est pas permis de hasarder le sort de ses concitoyens, et les législateurs sont religieusement obligés de se tenir au parti le plus sûr.
Il faut prendre un parti : on ne peut vivre sans argent et sans papier; il ne faut pas se borner à détruire, il faut édifier. La médecine ex pectante convient mal à un malade agonisant. En finance, l'économie du temps est la plus importante de toutes les économies publiques. Les domaines nationaux sont la dot de la Constitution. (On applaudit.) Le plan de M. Necker n'en est pas un ; il ne s'occupe que de l'instant qui passe; il abandonne l'avenir aux soins de ravenir. Il s'agit de refaire la fortune publique; de petits moyens ne donnent que de petits résultats ; et ce n'est pas avec de l'hysope qu'on bâtit le temple de Salomon. (On applaudit.) J'ai été frappé, je l'avoue, d'un plan que j'ai combattu dans le comité de liquidation ; c'est celui de M. l'évêque d'Autun. Je ne puis, autant que lui, étendre la dette exigible. Si nous appelons les rentes viagères, nous ne verrons arriver que les cacochymes, les mourants, et non les mortels. (On applaudit.) Ce serait une loterie où toutes les chances seraient contre nous, et l'état de nos finances ne nous permet pas de jouer à ce jeu-là. Nous ne devons pas rembourser les créanciers constitués. La justice ne va pas jusque-là; ils n'ont rien à demander, quand on servira exactement leurs intérêts; bientôt nous nous verrions obligés à constituer la dette exigible; ce serait un jour de fête pour la rue Vivienne, et un jour de deuil pour les peuples. (On applaudit.)
Je calcule le besoin, le danger; le résultat le moins équivoque est le doute, et une discussion impartiale sur les assignats devrait avoir pour texte : non liquet. Il faut consulter et respecter l'opinion ; l'opinion exerce une véritable dictature, elle a le veto ab3olu, et si elle ne sanctionne pas votre décret, vous périrez. Les assignats sont l'optimisme du papier ; sans doute, ils ont une hypothèque indestructible, une délégation certaine ; mais ils sont toujours du papier; mais les hommes seront toujours menés par des mots. Il faut s'enfermer dans le temple de la bonne foi, et se dire : Ce papier ne sera pas admissible dans nos relations extérieures ; souvent il ne paraîtra dans nos transactions libres que pour un peu s'y déshonorer. En effet, vous pouvez faire qu'ua assignat de 1,000 livres trouve une quittance de 1,000 livres et non 1,000 livres en écus. Les assignats émis pour 400 millions étaient enfants de nos confiances; ceux-ci le sont de la détresse; les places de commerce les demandaient, et à présent il n'est pas certain que ce soit leur vœu. Enfin quatre grains d'émétique sauvent un homme, que vingt grains tuent.Un ae nous, M. de Montesquiou, vous a tracé la marche des assignats au moment où l'assignat partira de la manufacture,
et ce sera bien la manufacture la plus active du royaume, pour se précipiter vers les domaines nationaux; il se chargera en route des dettes ; il les payera; il arrivera au dernier créancier, en fera un propriétaire, et il reviendra, lui assignat, pour être brûlé après s'être chargé de toutes les iniquités; un autre voit le papier brûlé, les terres dégradées ; il voit qu'il en coûte 50,000 écus pour se divertir avec ses amis.
Dans ce partage d'opinions, pressés entre des avis contraires, il faut décrire une diagonale et prendre une moyenne proportionnelle; il faut convenir que la conséquence de l'émission de deux milliards d'assignats est inaccessible à tous les calculs. On dit qu'elle sera graduée, on se rassure sur sa lenteur; mais le possesseur d'assignats sentira toujours derrière lui les deux milliards qui vont naître. Je crois que les adversaires de cette opération se trompent, en disant que le doublement du numéraire doublera le prix des denrées. Un écrivain anglais dit que, s'il n'y avait que 500 livres sterling dans les trois royaumes, on aurait un bœuf pour un sou; mais on raisonnaitdans l'hypothèse d'un numéraire inextinguible et celui-ci doit s'éteindre dans un temps donné; il faut même resserrer ce temps. Une seconde léllexion effraie les imaginations, c'est que les assignats ne seront jamais remboursés en écus: il faut donc chercher un calcul approximatif. J'approuve l'avis qui consiste à doser ce numéraire qui, comme commodité, sera toujours utile ; comme remède, il faut le donner avec une extrême prudence. Je pense donc que la mesure de M. Anson est bonne dans un sens, et mauvaise dans un autre; elle offre la liberté de choisir des obligations nationales ou desassignats; mais tout le monde prendrait des assignats. Je crois qu'on ne doit pas adopter une prime décroissante, mais qu'on peut la réduire à deux ans. Vous devez payer les intérêts dans leur intégrité; une prime de cette nature ressemblerait aux ariêts du conseil où les fermiers généraux abusaient du droit du plus fort et de celui du plus fin. Je pense donc qu'il faut donner aux propriétaires des créances exigibles, moitié en assignats, et moitié en délégations nationales, portant intérêt à 5 0/0, et décider qu'après deux ans l'intérêt sera réduit à 4 0/0. (On murmure.) Je ne pèse pas sur cette observation, puisqu'elle déplaît à l'Assemblée, je ferai seulement deux observations: la première que tout y mène; la seconde qu'on ne vendra bien qu'en faisant baisser l'intérêt. Mais il faut à présent donner 5 0/0, l'Assemblée le doit, rien ne peut l'empêcher de remplir ce devoir. Un citoyen annonçait une ressource importante pour l'Etat : Aristide fut chargé de l'examiner; Aristide dit: La proposition de Thémistocle serait utile, mais elle n'est pas juste. L'Assemblée a répondu : Nous n'en voulons pas; telle sera votre réponse. L'assignat doit être forcé, celui qui n'est pa6 le maître de ne pas le recevoir doit être le maître de le transmettre: il ne doit porter nul intérêt, puisque vous vous libérez: vous les destinez à votre libération et à des acquisitions, donc, il n'est pas nécessaire d'en faire moindres de 1,000 livres. Les petits assignats affligeraient le peuple et rendraient la falsification plus facile.
Jenecrois pas pouvoirexclure,de la plusgrande transaction qui ait jamais eu lieu entre l'Etat et les peuples, le signe représentatif le plus connu,le plus accrédité. Je crois donc que l'argent doit être reçu en concurrence dans les ventes. Je crois qu'il faut donner aux porteurs d'assignats une perspective qui assure une prochaine libération, dire que celui
qui achètera, moitié en obligations, moitié en espèces, payera en trois termes éloignés, chacun d'une année; que celui qui achètera, avec moitié d'assignats et moitié d'argent, fournira en six ans six payements égaux. C'est avec les calculs tranquilles du bon sens, c'est avec ces mesures réunies, que vous répondrez aux principales objections. J'ai une dernière proposition à vous faire pour hâter la consommation des assignats, c'est une loterie patriotique, expiatoire du mal qu'a fait longtemps ce jeu immoral : elle consiste en une prime d'un demi pour cent sur les premiers 500 millions en assignats et en argent comptant, portés dans les acquisitions; je donne aussi lieu à une vente de 1,500 millions, puisqu'on peut ne payer qu'un tiers en acquérant. Ainsi donc il faudrait décréter que, dans six mois, les porteurs de litres de la dette exigible les remettront au comité de liquidation; qu'ils en recevront le montant, moitié en assignats forcés, moitié'en obligations nationales, portant intérêt à 5 0/0, pendaut deux années Feulement, et ensuite à 4, etc.
. .L'Assemblée va se retirer dans ses bureaux pour procéder à la nomination : 1° de son président; 2° de trois sécrétaitres, en remplacement de MM. Anthoine, Gillet de La Jac-queminière et Dauchy ; 3° de sept membres à adjoindre au comité de Constitution.
(La séance est levée à trois heures et demie.)
Séance du
La séance est ouverte à six heures et demie du soir.
annonce que le résultat du scrutin, pour la nomination du Président, a donné, sur 505 votants, 284 voix à M. Emmery, et 211 à M. Merlin. M. Emmery a, en conséquence, réuni la majorité absolue des suffrages.
Les nouveaux secrétaires sont MM. Ver nier, Bégouen et Bouche qui remplacent MM, Anthoine, Gillet de La Jacqueminière et Dauchy.
Un de MM. les secrétaires annonce une lettre de M. ûaiteg à M. le Président: elle contient l'hommage fait à l'Assemblée d'un dessin représentant l'autel de la patrie, aperçu sous tous les points de vue désirables.
L'Assemblée ordonne que ce tableau sera déposé dans ses archives.
Un autre de MM. les secrétaires fait lecture de plusieurs adresses dont la teneur suit :
Adresse de félicitation, remerciement et adhésion du bourg d'Eyrieu, district de Vienne, dé-partementde l'Isère. Les habitants supplient l'Assemblée d'ordonner et fixer la division entre eux d'un communal d'environ 600 bicherées de terrain inculte;
Des électeurs du district de Verdun, qui, de
De la garde nationale de Lunévflle, qui, vivement affectée de n'avoir pu donner, lors des troubles qui ont agité cette ville, des preuves de son ardeur et de son zèle pour la cféTense de.la patrie et le maintien de la Constitution, s'empresse de montrer qu'elle a été entraînée parle torrent des circonstances, et que la neutralité qu'elle a gardée a été te résultat nécessaire des faits qu'elle met sous les yeux de l'Assemblée ;
D'une société de gens de, lettres, amis de la Constitution, qui présentent à l'Assemblée l'hommage d'un nouveau journal contenant desextraits raisonnés de plana, dé projets, de découvertes et inventions nationales et étrangères. Elle offre la distribution de deux prix annuels : l'un de 1,200 livres, l'autre de 600 livres, pour les deux meilleurs ouvrages, dont l'Assemblée voudra bien désigner le sujet à chaque session,.
Délibération de la commune de Saint-Trivier en Bresse, par laquelle elle dénonce les manœuvres de la ville de Pont-de-Vaux pour obtenir de l'Assemblée U révocation de son décret du 17 août dernier, qui fixe à Saint-Trivier l'emplacement du tribunal du district de Pont-de-Vaux.
Procès-verbal d'option de l'assemblée administrative de district, faite par la ville d'Evron.
Adresse deB gardes nationales de la Rochelle, qui font hommage à l'Assemblée d'un plan de souscription proposé à toutes les gardes nationales du royaume, pour venir au secours des familles de leurs frères d'armes qui ont péri dans la malheureuse affaire de Nancy ;
De l'assemblée générale de l'académie royale de chirurgie, qui annonce que la permission qui lui. a été donnée, par l'Assemblée nationale, de dresser un projet de statuts conforme à la Constitution actuelle du royaume, a divisé celte compagnie, et produit deux partis et deux assemblées délibérantes.
Les membres de l'une se qualifiant de libres, présentent leur plan de réforme ;
De l'académie des inscriptions et belles-lettres, qui présente le projet de règlement que l'académie des inscriptions et belles-lettres a rédigé en exécution des décrets de l'Assemblée nationale.
, secrétaire, présente un mémoire de M. Gbazot, lieutenant général commandant à Lubec : c'est une esquisse de sa vie, servant de suite à l'histoire de Frédéric II.
L'Assemblée renvoie aux archives ce mémoire, dont elle ordonne une mention honorable dans son procès-verbal.
propose de renvoyer au comité des monnaies un essai présenté par le sieur Bou-cault, maître charpentier à Paris, pour tirer une monnaie de la matière des cloches. Cet avis est adopté.
présente, en conséquence d'un arrêté du directoire du département de l'Aisne, une adresse du district de Laon, qui réclame la sollicitude de l'Assemblée nationale en faveur des ouvriers qui manquent d'ouvrage, et demande l'établissement d'ateliers publics, et des secours proportionnés aux besoins qui se manifestent de toutes parts.
L'Assemblée renvoie cette adresse aux comités des finances et de mendicité.
L'ordre du, jour est la suite de la discussion des articles proposés {par iè comité ecclésiastique sur le traitement des religieuses. Le premier article à mettre en délibération est le 6e du litre II.
, rapporteur, donne lecture des articles 6 à 19, qui sont décrétés sans opposition ainsi qu'il suit :
« Art. 6. Dans le cas où les religieuses renonceraient au bénéfice de la disposition du décret qui leur permet de rester dans leurs maisons, les emplacements en seront aliénés, et les intérêts du prix employés à l'augmentation des traitements, jusqu'à concurrence des sommes portées en l'articte premier. »
« Art. 7. Les religieuses qUi, ayant quitté la vie monastique en vertu d'un bref du pape, ne seraient pas rentrées dans leurs maisons avant la publication du décret du 29 octobre dernier; celles qui avaient, avant la même époque, abandonné volontairement leurs maisons sans la permission et le consentement de leurs supérieures, ne seront comprises dans l'état de celles qui ont droit aux pensions. »
« Art. 8. Celles qui n'étaient sorties d'une maison religieuse que pour entrer dans une autre seront portées dans l'état de la maison où elles ont fait profession, pour jouir d'un traitement proportionné aux revenus de ladite maison.
« Art. 9. Les religieuses nées en pays étranger, et qui se trouvent dans une maison de France sans y avoir fait profession, ne seront pas comprises (fins l'état de ladite maison; et néanmoins elles continueront provisoirement d'y rester, l'Assemblée nationale se réservant de statuer incessamment sur leur sort.
« Art. 10. La masse des revenus de chaque maison.sera formée d'après les principes et de la manière prescrite par les articles 22, 23 et 24 du décret du 25 juillet, concernant le traitement du clergé actuel.
t Art. 11. Seront portés dans ladite masse les seeours annuels que les maisons étaient dans l'usage de recevoir, soit sur la caisse des économats, soit sur celle du clergé, soit sur toute autre caisse publique.
« Art. 12. A compter du 1** janvier 1791., le traitement des religieuses sera acquitté, par quartier et d'avance, par les receveurs de leur district, sur une quittance de l'économe donnée au pied d'un état contenant le nom de toutes les religieuses qui auront déclaré rester, et qui seront en effet dans la maison : ledit état sera signé des religieuses, et visé par la municipalité.
« Art. 13. Il sera dressé, en conséquence, par les municipalités de chaque lieu, un état de toutes les religieuses de leur arrondissement, lequel sera adressé au directoire de district dans ite courant du mois d'octobre prochain.
« Art. 14. Eu formant cet état, les municipalités recevront la déclaration des religieuses, si elles entendent sortir de leurs maisons, ou si elles préfèrent de continuer la vie commune; et, pour y parvenir, elles se transporteront dans les maisons, à l'effet de prendre lesdites déclarations de chaque religieuse en particulier. Feront lesdites municipalités mention de ladite déclaration dans lTétat qu'elles enverront au directoire du district.
« Art. 15. Les directoires de district formeront au plus tôt un état des religieuses de leur arron-
dissement, et ils adresseront cet état au directoire de département dans le cours du mois de novembre,
« Art. 16. Le directoire de chaque département formera le tableau de toutes les religieuses qui y existent, et enverra ce tableau à l'Assemblée nationale dans le cours du mois de décembre.
« Art. 17. Les religieuses qui sont sorties de leurs maisons depuis la publication du décret du 29 octobre dernier, ainsi que celles qui en sortiront, jouiront de leur traitement comme celles qui resteront et sans aucune différence; elles seront payées par le receveur du district, dans lequel elles auront fixé leur domicile, sur leur quittancé, ou sur celle de leurs fondés de procuration spéciale, à laquelle sera annexé, lorsqu'elles ne toucheront pas elles-mêmes, un certihcat de vie, lequel sera délivré sans frais par les officiers de la municipalité.
« Art. 18. Né pourront néanmoins les religieuses qui sont, par leur institut, actuellement employées à l'éducation publique ou au soulagement des malades, quitter leurs maisons, sans en avoir prévenu les municipalités trois mois d'avance, ou sans un consentement par écrit desdites municipalités.
« Art. 19. Dans les maisons mentionnées en l'article précédent, dont les revenus, affectés au soulagement des malades ou aux frais de l'éducation, ne sont pas distingués des autres revenus, le traitement des religieuses qui sortiront ne sera fixé que sur ce qui restera, déduction faite de tout«s les charges et frais des malades et dë l'éducation, sans néanmoins que ledit traitement puisse être inférieur à celui décrété par l'article 5 ci-dessus. »
, rapporteur, lit l'article 20.
propose de substituer à ces mois : à leurs parents les plus proches, ceux-ci : à lews héritiers de droit.
Après quelques courtes observations pour et contre, l'amendement est adopté et l'article est décrété en ces termes :
« Art. 20. Les articles 1, 2 et 3 du décret des 19 et 20 mars, concernant les religieux, seront exécutés à l'égard des religieuses. En conséquence, celles'qùi sortiront de leurs maisonsde-meureront incapables de succession, excepté toutefois le cas où elles ne se trouveraient en concours qu'avec le fisc. Elles ne pourront recevoir par donation entrevif et testamentaire que des pensions et rentes viagères ; elles seront capables de disposer de leurs meubles et immeubles acquis depuis leur sortie du cloître ; et, à défaut de disposition de leur part, lesdits biens passeront à leurs héritiers de droit.
rapporteur, donne lecture de l'article 21.
demande une exception en faveur de Mmel'abbesse de Fontevrault, comme chef d'ordre, et expose les raisons de justice qui doivent faire adopter son amendement.
propose de donner à toutes les prieures et abbesses inamovibles, qui ont une juridiction, un traitement différent de celui des simples religieuses.
invoque une excep-
tion en faveur des prieures et abbesses qui ont une masse séparée.
demande la question préalable sur tous les amendements.
dit qu'il y a lieu de procéder par division et appuie l'amendement relatif à l'abbesse de Fontevrault.
Après une discussion assez vive l'amendement est mis aux voix et adopté.
L'article 21 est ensuite décrété ainsi qu'il suit :
« Art. 21. Les abbesses perpétuelles et inamovi-bles'jouiront, savoir : cellesdont la maison n'avait pas un revenu excédant 10,000 livres, d'une somme de 1,000 livres, celles dont la maison avait un revenu au delà de 10,000 livres, mais moins de 24,000 livres, d'une somme de 1,500 livres,et celles dont la maison avait un revenu excédant 24,000 livre, d'une somme de 2,000 livres.
« Dans le cas toutefois où les revenus des maisons ne suffiraient pas pour fournir,avec les traitements ci-dessus, ceux des religieuses choristes à raison de 700 livres, et des sœurs converses à raison de 350 livres, les traitements des abbesses éprouveront une réduction proportionnelle à celle des autres religieuses, sauf dans la suite leur complément par la réversibilité des pensions qui s'éteindront les premières.
« Demeure exceptée des dispositions du présent article l'abbesse de Fontevrault, qui en sa qualité de chef d'un ordre, composé de monastères d'hommes et de monastères de femmes, jouira du traitement décrété par l'article 14 du décret du 24 juillet ».
, rapporteur, donne lecture de l'article 22 et de deux articles additionnels. Ils sont décrétés, sans discussion, en ces termes :
« Art. 22. Les religieuses sorties de leurs maisons depuis la publication du décret du 29 octobre, et celles qui sortiront avant le premier janvier 1791, pourront recevoir provisoirement, jusqu'à cette époque, un secours qui sera fixé par le directoire du département, sur l'avis du directoire du district, d'après la demande de la municipalité, sans que le dit secours puisse, dans aucun cas, excéder les proportions fixées par les articles 1 et 2 du présent décret.
« Art. 23 (additionnel).Pourront les religieuses qui sortiront de leurs maisons, disposer du mobilier de leurs cellules et des effets qui auraient été à leur usage personnel, ainsi qu'il a été réglé pour les religieux.
« Art. 24 (additionnel). Il sera accordé, pour la fin de la présente année, par les directoires de département, sur l'avis des directoires du district, d'après la demande des municipalités, tous les secours nécessaires aux maisons qui ne jouissent d'aucun revenu, ou dont les revenus sont insuffisants pour l'entretien des membres qui les composent. »
, rapporteur, lit l'article 23 devenu l'article 25.
demande qu'on adjoigne un commissaire ecclésiastique à l'officier municipal.
n'accepte l'article qu'à la condition de laisser les abbesses chefs de leurs maisons.
(Oa demande la question préalable sur ces amendements.)
demande la suppressipn des mots officier municipal, attendu que les municipalités n'ont rien à voir en semblable matière.
Tous les amendements sont successivement écartés.
Les articles 23, 24 et 25 devenus les articles 25, 26 et 27 sont ensuite décrétés comme suit :
« Art. 25. Les religieuses, qui auront préféré la vie commune, nommeront entre elles,au scrutin et à la pluralité absolue des suffrages, dans une assemblée qui sera présidée par un officier municipal, et qui se tiendra dans les huit premiers jours du mois de janvier 1791, une supérieure et une économe, dont les fonctions ne dureront que deux années, mais qui pourront y être continuées tant qu'il plaira à la communauté.
c Art. 26. Il sera dressé sur les états des religieuses, qui seront envoyés par les directoires de département à, l'Assemblée nationale, un tableau général de toutes les religieuses, dans lequel seront distinguées celles qui seront restées dans leurs maisons, et celles qui en seront sorties, et sera ledit état rendu public par la voie de l'impression.
« Art. 27. A chaque décès de religieuse, soit qu'elle ait quitté, soit qu'elle ait continué la vie commune, la municipalité du lieu de sa résidence sera tenue d'en donner avis dans quinzaine au directoire du district, lequel instruira tous les trois mois le directoire du département, du nombre et du nom des religieuses qui pourraient êire décédées dans son arrondissement : le directoire du département enverra tous les ans au Corps législatif les noms desdites religieuses, pour en être dressé une liste qui sera rendue publique. »
Un membre demande que le comité ecclésiastique présente son travail sur le traitement des maisons religieuses, collèges et autres établissements pour les étrangers passés en France.
dit que cette question présente des côtés délicats au point de vue des puissances étrangères ; il propose, en conséquence, de charger de ce travail les comités diplomatique et ecclésiastique, réunis.
, député de Forcalquier. En 1633, des dames religieuses anglaises demandèrent à Louis XIII la permission de former à Paris un établissement. Cette permission leur fut accordée, à condition qu'elles feraient elles-mêmes tous les frais de leur établissement; que,dans aucun cas, elles ne seraient à charge à la nation, et qu'elles ne recevraient dans leur couvent que des Anglaises ou des demoiselles dont les pères et mères seraient originaires d'Angleterre. Elles ont religieusement observé ces conditions. La maison qu'elles occupent maintenant a été achetée des fonds qu'elles avaient apportés de leur pays. Elles ont subsisté des secours qui leur ont été fournis par des prêtres catholiques anglais. Jamais elles n'ont été à charge à l'Etat. Dans ce moment-ci elles sont alarmées sur leur sort. La vie retirée qu'elles mènent daus un cloître les prive de l'avantage d'avoir auprès de vous des amis et des protecteurs. Je me suis chargé de vous porter leur réclamation; il est impossible, sans doute, que l'Assemblée nationale croie pouvoir s'emparer ae leur bien : ce serait leur faire payer cher l'hos-
pitalité que la France leur a donnée. Juste envers tous, l'Assemblée nationale sera encore plus scrupuleuse envers des étrangères qui, en se consacrant à l'éducation publique, ont bien mérité d'elle. Je demande, en conséquence, que la détermination à prendre sur le couvent des dames anglaises soit renvoyée aux comités ecclésiastique et diplomatique réunis, et que, provisoirement, il ne soit rien changé à leur situation actuelle.
(La motion de MM. Fréteau et d'Eymar est adoptée.)
demande ensuite à être entendu sur trois articles additionnels : le premier, relatif au traitement des sœurs converses ; le second, concernant les déclarations à faire par les religieuses avant de toucher la pension qui leur est accordée: le troisième, tendant à donner aux religieuses la liberté de porter l'habit qu'elles se choisiront.
Après une courte discussion, les articles sont décrétés en ces termes :
« Art. 1er. Les costumes particuliers des ordres et maisons de
religieuses demeurent abolis, ainsi qu'il a été décrété pour les costumes des ordres
religieux.
« Art. 2. Le traitement des sœurs converses et données, dans les cas réglés par les articles 4 et 5 ci-dessus, sera moitié de celui des religieuses de choeur.
« Art. 3. Toutes religieuses sans distinction, avant de recevoir le premier payement fixé au mois de janvier prochain, seront tenues de déclarer si elles ont pris ou reçu quelques sommes ou partage, quelques effets appartenant à leurs maisons, autres que ceux dont la libre disposition leur est laissée, et d'en imputer le montant sur le quartier ou les quartiers à échoir de leurs pensions : ne pourront les receveurs du district payer aucun traitement que sur le vu de la déclaration, laquelle sera et demeurera annexée à la quittance de chaque religieuse, et seront celles qui auront fait une fausse déclaration privées pour toujours de leurs pensions. *
(La séance est levée à 10 heures.)
Séance du
La séance est ouverte à onze heures du matin.
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier au matin.
Ce procès-verbal est adopté.
donne ensuite lecture d'une lettre de M. d'Espagnac, qui sollicite l'Assemblée de l'autoriser à continuer la jouissance de la moitié de la forêt de Ruffy, aménagée à raison de cinquante arpents de futaie. Cette lettre, et les pièces y jointes, sont renvoyées au comité des domaines pour eu faire le rapport incessamment.
, en installant M. Emmery proclamé président, dit :
« Votre choix a tout dit en faveur de celui qui me succède : ce que j'ajouterais ne ferait qu'àf-faibljr cet éloge ; mais en Jui abandonnant une place dont il est si digne, je puis sans doute avouer que je cède à l'impression de mes propres sentiments, autant qu'aux ordres de yptre discernement et de votre justice, »
, président, prononce ensuite le discours suivant :
« Messieurs, (a p|ace à laquelle vos bontés m'appellent ne pouvait être, sous aucun rapport, l'objet de mon ambition : elle a été plusieurs fois celui de ma crainte \ mais je dois aujourd'hui repousser un sentiment qui nuirait à mes efforts pouf répondre à l'honorable confiance que vous daignez m'accorder.
« Je vous offre un dévouement sans bornes ; c'est tout ce que je peux : permettez que je pompte sur beaucoup d'indulgence de votre part ; fose dire que m*ayant choisi, malgré mies faibles moyens, vo'us më devez de plus grands secours, Votre dignité se trouve intéressée à ce que ie ne reste pas trop au-dessous de mes devoirs : écartez donc. Messieurs, je vous en supplie poqr votre propre gloire, écartez de moi les difficultés que le çeie seul ne parvient pas à vaincre, dont la prudence, les talents et l'habilité de mes prédécesseurs n'ont pas triomphé sans peine: que ce soit pour moi un motif d'encouragement, de penser que la grâce que je prends la liberté de vous demander, tient essentiellement à toutes les mesures qui peuvent accélérer la fin de votre immortelle entreprise, et assurer le bonheur du peuple français. »
(L'Assemblée vQte ensuite des remerciements pour M. -Bureaux, ex-président.)
annonce que les députés extraordinaires des manufactures et du commerce demandent à être admis à la barre, pour y faire part du vœq 4e tefflff commettants sur l'émission des assignats.
Divers membres font remarquer que les adresses desdits députés sont imprimées, qu'elles ont été distribuées à chacun des membres de l'Assemblée et qu'il est inutile de lies reproduire en séance publique.
Sur cette observation, Y Assamblée décide que lesdits députés n§ seront pas entendus.
, rapporteur du comité des finances, fait un rapport sur les besoins actuels du Trésor public et proposé de décréter que la caisse d'escompte fournira 25 millions pour le service du mois de septembre courant et de partie de celui d'octobre.
La détresse du Trésor royal provient, dît-il, du déficit énorme qui s'est trouvé, dans le recouvrement desimposilions. On avait lieu decompter sur 135 millions et il n'en a été versé que 110. Il fallu d'ailleurs faire face aux anticipations que l'Assemblée a proscrites à*jamais . Vous savez, d'autre part, que les fonds que vous avez délivrés sont insuffisants pour faire le service du mois, il faut encore 10 millions. Votre comité s'est
assuré des faits : il vous présentera très incessamment le tableau des dépenses et des recettes : la première épreuve imprimée est déjà corrigée.
L'Assemblée nationale a rendu un décret par lequel elle ordonne au eomité des finances de faire imprimer et distribuer les états de recette et de dépense du Trésor public. Je demande que ce décret soit strictement exécuté, afin qu'on ne soit pas continuellement obligé de donner, peut-être toujours à l'avanee, 30 ou 40 millions dont on ne justifie pas l'emploi.
J'appuie cette observation pt j'insiste pour qu'il soit donné connaissance à l'Assemblée, dans le plus grand détail, de toutes les rentrées du Trésor public et des moyens qui sont employés pour les effectuer. Si les départements ne payent pas, il faut les faire payer; si, au contraire, ils payent, nous ne devons pas donner l'argent qu on nous demande.
Je crois que pour le service du reste de ce mois l'on doit accorder dix ou quinze millions, mais qu'il faut surseoir à décréter le surplus, jusqu'à ce que chaque membre ait pu recevoir et méditer lès états qu'il a été ordonné au comité des finances de faire imprimer, afin que la nation, sans doute étonnée des demandes de fonds si souvent répétées, soit instruité que l'Assemblée veut procéder avec méthode et connaissance de cause. M. le rapporteur, dans le tableau des dépenses du Trésor public, a compté 250,000 livres par mois pour se procurer des espèces sonnantes ; l'on ne voit cependant pas circuler beaucoup dé monnaie nouvelle. Ce défaut de circulation est, sans doute, produit par la mauvaise administration des monnaies et la malveillance des ennemis de la Constitution. J'insiste donc pour que les états de recette et dépense du Trésor public soient imprimés et distribués de quinzaine en quinzaine, avec les bordereaux de la monnaie battue et de son versement dans le Trésor public.
Il y a, sans doute, de la sagesse et de la justice dans les mesures que propose le préopinant; mais, faute de donner attention à la partie monétaire, il a passé sous silence les meilleures raisons. Votre système monétaire, qui est un des plus encombrés qui existent, soit qu'on l'examiné commercialement ou politiquement, ressemble aux étables d'Augiasj jl est tel, que l'on gagne 48 sous 9 deniers 2 quinzièmes par marc, sur les éeus, pour eh faire des lingots. C'est là un fait que je défie à aucun charlatan du métier de contester, et j'ai de bonnes raisons de me servir du mot de charlatan. On voudrait faire croire que le système monétaire est une science d'adepte; je dis, moi, que rien n'est aussi simple, et que quant à la fabrication il n'est point d'orfèvre qui nfen puisse être juge. Rappelez-vous que je vous ai dit à Versailles que chaque piaf, chaque meuble d'argent que le patriotisme faisait porter à la monnaie, étaient un envoi que l'on faisait à Londres, Jugez, d'après cela, si vous devez être surpris de la rareté du numéraire. Lorsque le moment de s'occuper du système monétaire sera arrivé, je demanderai à l'Assemblée la permission de lui apporter mon faible contingent de lumières. Je pense que la mesure de l'impression des bordereaux, quelque bonne qu'elle soit, ne sera pas aussi efficace qu'on lè pense, et qu'il n'en faut pas attendre
toute l'influence que fait espérer le préopinant.
Le 11 de ce mois, quand l'Assemblée a décrété qu'il serait versé 20 millions au Trésor public, elle a renvoyé au comité des finances trois motions ayant pour objets : l'une de faire imprimer les états des recettes et des dépenses; l'autre de contraindre les receveurs des impositions à justifier de leurs recettes; la troisième de ne plus accorder de somme que sur une ordonnance du roi, contresignée du ministre. Je suis surpris que le comité des finances n'en ait pas rendu compte ainsi qu'il en avait été chargé. Je demande donc que l'on veuille bien adopter le décret que je vais présenter :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des finances, décrète que la caisse d'escompte remettra au Trésor public la somme de 10 millions;
« Que les motions faites le 11 de ce mois et renvoyées au comité des finances, ensemble la motion faite ce jour sur l'impression des bordereaux des hôtels des monnaies, seront remises à l'instant au rapporteur du comité des finances, pour que, dans trois jours au plus tard, le comité présente un projet de décret sur lesdites mo-tiops ; *
« Que les 10 millions dont la remise est ordonnée par le présent décret seront remis au Trésor public sur la signature de l'ordonnateur dudit Trésor. » (Ce projet de décret est mis aux voix et adopté.)
L'ordre du jour est la suite de la discussion sur le mode de liquider la dette publique.
(1). Messieurs, il n'est sans doute aucun bon citoyen qui ne désire concourir au succès du projet vaste et simple de libérer l'Etat d'une grande partie de sa dette par la vente des biens nationaux.
Cette idée à peine conçue, on a désiré d'en précipiter l'exécution ; ces premiers mouvements tiennent à notre caractère. Au moment où nous saisissons une grande et belle idée, les délais et les moyens tempérants de la prudence nous irritent et nous importunent.
La facitité qu'on a eue de remplir le vide du Trésor public en versant une certaine quotité de délégations sur les biens nationaux et en leur donnant le caractère de papier-monnaie, le succès avec lequel on a ainsi remédié au défaut des recettes, et remboursé 200 millions de capitaux, a persuadé même de très bons esprits que ces délégations bu assignats pouvaient également acquitter la totalité de la dette exigible.
On s'est flatté en même temps, et c'est l'illusion la plus générale, que des sommes énormes ainsi rendues aux créanciers, et reversées dans le public, allaient y faire l'effet d'un remboursement réel, et auraient les heureuses influences d'un accroissement de richesses.
Le caractère qu'un souverain imprime sur une monnaie ne peut en dénaturer l'essence; ainsi,
ce qui paraît le plus important dans la grande question qui nous occupe actuellement, cest de
bien examiner ce qu'est en réalité un assignat. Je renfermerai ma discussion sous ce point de
vue principal, et j'éviterai de traiter cet objet
L'assignat sur les domaines nationaux est une délégation, non sur des revenus, mais sur des biens-fonds; on ne peut ni on ne doit donc considérer cette délégation comme un remboursement réel, mais seulement comme un échange contre un bien-fonds.
L'assignat, même avec le caractère de monnaie, est purement et simplement la conversion d'un capital dont l'intérêt était payé par une portion des contributions publiques, en un capital en fonds de terre, dont l'intérêt sera payé par les produits de cette terre.
Il est donc évident que. cette conversion ne présente en elle-même aucun accroissement dans la richesse publique, qu'il pourra en résulter un emploi plus utile; mais nous n'y observons d'abord qu'un département dans les revenus et les dépenses particulières : ce sont les ci-devant usufruitiers des domaines nationaux, qui, par la conversion et la réduction de leur usufruit, fournissent aujourd'hui ce que payaient ou auraient pavé d'autres contribuables.
D'ailleurs, le numéraire ne s'obtient et ne s'accroît réellement dans un royaume que par l'accroissement des revenus. La richesse d'un Etat dépend moins de la masse de ce numéraire que de la rapidité avec laquelle il circule, parce que la richesse réelle d'un peuple dépend uniquement de la quantité des productions de la terre et de la quantité du travail des habitants ; en sorte que ce n'est pas autant la somme gagnée qui a été utile à l'Etat, que la manière dont elle a été gagnée, et l'émulation qu'elle occasionne : ce qui conduit à conclure que la quantité positive des marcs d'argent ou du numéraire n'est point en soi Le principe de la culture, de l'industrie et de la population, ét, nous le disons dë nouveau, il n'y a dans cette opération aucun accroissement de richesses publiques : il n'en résulte dans le royaume aucune quantité positive de marcs d'argent, ou d'arpents de terre au delà de ce qui y était auparavant. Oa peut me dire, il est vrai, que les lettres de change, ou les bons papiers de commerce qui multiplient le travail et vivifient l'industrie, sont des assignats-monnaie à un plus court terme, qu'elles triplent ou quadruplent le numéraire en Europe.
En effet, les lettres de change et les papiers de commerce représentent la prodigieuse quantité de denrées des quatre 'parties du monde, qui sont successivement consommées par ses habitants ; mais c'est sur cette consommation successive (qui n'est que l'échange mutuel des productions) que sont délégués en réalité les papiers de commerce. Ainsi, ce ne sont point des assignats sur des capitaux, mais sur des revenus; et, en ce sens, on a dit avec raison que les lettres de change étaient le meilleur et le premier de tous les papiers-monnaie, lorsqu'il est d'ailleurs appuyé sur la bonne foi et l'opinion publique.
Mais il ne faut pas perdre de vue que les lettres de change sont, en même temps, une obligation précise et sévère de payer telle somme dans un temps déterminé ; que le numéraire, avec lequel elle doit être acquittée, existe en métal, ou la monnaie est en chemin, si je peux me servir de Cette expression, pour être présentée à son échéance; que ce papier circulant n'est donc qu'une avance sur la mounaie effective qui doit inévitablement être mise successivement en circulation ; que les mêmes valeurs ne peuvent être
remises en émission que par la confiance libre et volontaire du prêteur ; qu'ainsi ce serait par erreur, ou de mauvaise foi, qu'on croirait pouvoir entreprendre, au moyen des assignats sur des biens-fonds, d'accroître notre numéraire d'une somme de deux milliards, avec autant de succès qu'il peut l'être fictivement par les papiers de commerce.
Ce serait encore de mauvaise foi qu'on voudrait s'appuyer sur l'accroissement que produisent dans le numéraire en Angleterre les billets de banque; l'échange qui s'en fait contre de l'argent à tous les instants et à la volonté du prêteur, ainsi que l'engagement impérieux de payer une lettre de change à l'échéance déterminée, écarte et dissipe bientôt les inquiétudes que la méfiance ou la malveillance répandent sur la confiance publique ou particulière de ces papiers circulants.
Ges considérations si importantes et si décisives n'échapperont pas à l'Assemblée. Je reprends ma discussion sur l'assignat : nous avons dit que l'assignat-monnaie ou la délégation sur les biens nationaux, c'est-à-dire sur des biens-fonds, ne peut être assimilé à un papier de commerce qui est en réalité une délégation sur les revenus des consommateurs, et non sur leurs capitaux ou propriétés foncières.
Cette différence bien établie, il faut examiner si une délégation qui porte sur un fonds de terre, qui ne peut être remboursée que par l'échange de ce fonds contre cette même délégation, peut être créée monnaie, et en faire l'usage, si on ne saisit pas une mesure proportionnée aux extinctions probables, c'est-à-dire sur la quotité progressive des rentrées, par les revenus et les ventes de ces biens-fonds, je dis hardiment que non.
S'il en était autrement, cette monnaie porterait avec elle l'évidence qu'elle ne peut rester dans aucun coffre, ni portefeuille, comme un objet liquide, comme une valeur de tous les temps et de tous les pays; qu'il est donc indispensable de s'en défaire pour réaliser sa fortune, ou se résigner à la convertir forcément en un bien-fonds.
Si on veut réfléchir que, jusque dans la dernière classe du peuple, l'homme est naturellement porté à mettre un petit pécule à l'abri des inconvénients, à être matériellement convaincu qu'il a sous sa main le moyen de sè procurer pour une ou plusieurs années sa subsistance, on peut se faire une idée de la sollicitude et du désespoir effrayant des citoyens de toutes'les classes, s'ils ne pouvaient satisfaire leur prévoyance, s'ils étaient poussés et forcés de convertir leurs assignats en Siens-fonds, sans pouvoir éviter, faute de moyens additionnels pour mettre en valeur de pareils placements, de voir réduire à moitié leurs dépenses par la réduction du produit de leurs petits capitaux.
L'assignat-monnaie délégué sur un fonds de terre ne peut donc convenir à tout le monde. Il ne peut être d'un usage général, ni un moyen de payement dans l'étranger.
Je ne répéterai pas ici, relativement aux pertes énormes que nous éprouverons dans nos relations extérieures, ce qui vous a été si clairement exposé par M. l'évêque d'Autun ; j'observerai seulement que M. Anson, qui a prétendu que la plus value en assignats que nous serions obligés de donner pour acquitter dans l'étranger les objets importés en France, serait compensée par la plus forte quotité des mêmes assignats que les étrangers seraient obligés de se procurer en France pour y payer nos denrées, a fait, dans cette asser-
tion, un aveu bien solennel et bien important à saisir : c'est que le désavantage de nos assignats dans les payements intérieurs ou extérieurs, sera toujours en définitive au préjudice de ceux qui les convertiront èn denrées, et alors, Messieurs, je vous conjure de vous pénétrer des conséquences funestes au surhaussement du prix, de vos productions, dans le moment où à peine elles peuvent soutenir la concurrence de vos rivaux dans les marchés étrangers, lorsqu'en même temps les matières premières, importées en France, et qui sont l'aliment de l'industrie nationale (je citerai les laines d'Ëspagne pour exemple), par le même effet de vos assignats, reviendront aux Français à 15 ou 20 0/0 plus cher qu'aux fabricants anglais ou allemands.
On veut cependant se dissimuler un résultat si effrayant, et on reprend le raisonnement de M. Anson, en disant qu'en définitive la balance du commerce doit toujours être à notre avantage, et qu'en solde de compte général, les pertes que les provinces qui font de grandes importations dans le royaume, en matières premières, éprouveront sur le change, seront compensées par le bénéfice de celles qui font de grandes exportations. Je répondrai d'abord, que si les matières premières importées en France, telles que les laines, les soies, les cotons du Levant, les huiles d'Espagne et d'Italie, les bois de teinture, la cochenille, l'indigo, les fers, les cuivres et la prodigieuse quantité de pareils objets qui entretiennent notre industrie, et la partie immense de notre population qui vit de son travail ; si, dis-je, ces denrées de première nécessité pour nos manufactures nous coûtent 10 et 15 0/0 plus cher qu'aux Anglais, et autres nations étrangères, rivales de notre industrie, il est évident que nous lutterons encore avec plus de désavantage dans là concurrence ruineuse que nous éprouvons jusque dans nos foyers, et nous ne pourrons nous présenter dans aucuns marchés étrangers ; que par ce seul résultat évident, incontestable, la balance de notre commerce est perdue, et si en même temps vous considérez que, dans ce moment, vos colonies sont ouvertes aux étrangers, les côtes de toutes vos provinces livrées aux contrebandiers, vous ne pouvez ni ne devez espérer qu'en réalité la balance du commerce soit à notre avantage ; et alors, on voudra encore, ainsi que cela a été fait lors du désastreux traité de commerce avec l'Angleterre, nous consoler par la vente espérée de nos vins. Mais observez, Messieurs, que l'effet du traité de commerce était de les établir en Angleterre à meilleur marché, et que le principe sur lequel M. Anson s'appuie aujourd'hui, les fait payer plus cher aux étrangers. Dans tous les cas, les provinces purement agricoles nese chargeront pas de nourrir les provinces dont la population s'est augmentée, non en raison du sol, mais de leur industrie. Pénétré de cette effrayante vérité, je doisannoncer solennellement à cette tribune, en acquit de mes devoirs et des hautes fonctions qui me sont confiées, comme représentant de la nation française, que si nous ne protégeons pas son commerce et son industrie ; si nous croyons cette nation uniquement appelée à être une nation agricole ; si nous la livrons aux étrangers pour ses propres consommations ; si son immense population n'est pas entretenue par un échange de productions; si l'homme qui n'a pas de terres n'est pas maintenu dans le droit de donner un habit, fruit de son industrie, à celui qui lui donne du blé, son agriculture sera perdue, ainsi que son commerce, et son sol réduit à un vil prix.
Sous ce nouveau rapport, vous ne serez pas indifférents, Messieurs, à la perte de notre crédit dans l'étranger, de nos meilleures maisons de banque et de commerce, par l'éloignement natu rel que les étrangers auront d'avoir des débiteurs qui ne pourront les payer qu'en un papier dont l'émission exagérée pourrait éprouver un engorgement, et exigerait forcément dans leurs mains l'échange en un domaine national, avec lequel on ne peut en réalité acquitter une lettre de change, expédier un vaisseau, faire un armement ou continuer soii commerce. On ne peut donc espérer, si l'émission des assignats n'est pas mesurée avec prudence et sagesse, qu'ils conservent dans leur circulation, et dans leur durée, l'évaluation ou le titre qu'ils auront reçu dans leur émission (1).
Je sais bien qu'en me répliquant par les mêmes distinctions que j'ai établies entre le papier de commerce et l'assignat sur un fondsde terre, on ne conviendra pas que la masse entière de ce papier qui circule en Europe, et que nous considérons ' volontiers comme un papier-monnaie, soit dans la seule proportion des consommateurs, ou des dépenses annuelles : on m'observera qu'il y en a de fortes sommes qui sont mises en circulation, et données en avance, et par anticipation sur des productions espérées; que depuis plusieurs années les acquéreurs des effets royaux ont successivement emprunté sur ces effets : que ces emprunts ont été effectués par une émission considérable de lettres de change bien évidemment données sur des capitaux.
Je réponds que la circulation de lettres de change de cette nature, nonobstant le terme de leur payement, est exposée à beaucoup de vicissitudes par la seule incertitude de la valeur et de la vente des objets qui sont affectés au payement, définitif de pareils emprunts, et cependant leur émission est en général calculée sur la probabilité de la vente successive des fonds publics.
Mais admettons que la délégation sur Un bien-fonds mis en vente puisse être considérée comme un papier de commerce à longue échéance, et que, sous ce point de vue, il n'y eut pas d'inconvénient d'en faire un papier-monnaie ; alors il est indispensable d'observer, pour ces délégations, la même mesure à laquelle doivent être assujetties les délégations particulières, pour ne pas en décréditer l'usage ni la circulation.
J'admettrai même qu'il peut y avoir une partie du papier de commerce mis en circulation, qui ne peut être acquittée que par des productions espérées, mais éloignées, ou par la vente progressive des effets publics qui en représentent la valeur.
Ce n'est pas être très rigoureux dans les principes sur les assignats-monnaie et ce n'est pas une excessive prudence que d'invoquer, sur leur émission, la même sagesse et la même proportion qui est généralement observée dans toutes les avances et anticipations faites sur des valeurs disponibles.
Je vous proposerai donc, Messieurs, de poser les bases sur lesquelles peut s'opérer la
libéra-
1° Vous fixerez, dans votre sagesse, la masse des assignats qui pourront être mis en circulation, et celte masse, ainsi fixée, ne pourra être augmentée sous quelque motif ou prétexte que ce soit; elle-pèsera plus ou moins dans toutes les transactions de la vie et du commerce, mais si on écarte toute inquiétude sur le nouveau poids qu'on pourrait être tenté de jeter dans la balance, c'est-à-dire dans la circulation ; elle le mettra facilement en équilibre avec les forces qui doivent les soutenir. Un Etat, ainsi qu'une grande maison de commerce, doit fixer une f mesure bien combinée dans l'usage de son crédit, parce qu'il est un point qu'on ne peut dépasser sans un danger extrême.
2° Vous vous persuaderez, Messieurs, qu'on ne peut entreprendre aucune grande opération de finance, ni de commerce, aucune liquidation publique ou particulière, sans auparavant porter dans les esprits de ses créanciers, de ses prêteurs et du public, la conviction qu'elle est sagement combinée et proportionnée aux moyens d'exécution, en même temps qu'il faut conserver et maintenir, dans tous les engagements de quelque nature qu'ils soient, une égale confiance et un égal crédit.
Sous ce point de vue, Messieurs, vous présenterez dans la vente successive des biens domaniaux, dans ce fonds inappréciable d'amortissement, les moyens progressifs, mais indubitables, de la délibération de tout ce dont vous aurez déterminé le remboursement ; alors il suffira pour satisfaire les plus pressés, les dettes urgentes, que votre caisse de l'extraordinaire, à mesure qu'elle retirera, par le produit des revenus des ventes des domaines nationaux et autres recettes extraordinaires, une certaine quantité d'assignats, soit autorisée de les remettre en circulation en échange des créances et des titres que vous voulez liquider; et cependant, ces créances, ou ces titres, ainsi que les assignats, pourront également concourir dans l'acquisition des domaines nationaux. Ainsi, Messieurs, toute la dette que vous voulez rembourser sera, en même temps, appelée à être convertie en assignats-monnaie et en domaines nationaux. C'est ainsi que vos engagements et vos opérations, combinés sur vos moyens d'extinction, répondront aux espérances du public, et conserveront la confiance.
3° Vous serez convaincus, Messieurs, que ce n'est pas même par un remboursement réel de capitaux qu'on pourrait espérer de ranimer le travail et de revivifier l'industrie nationale.
Nos ateliers, nos manufactures ne reprendront leur activité qu'en raison des moyens que chaque individu aura acquis de s'assurer un revenu.
Vous vous persuaderez que personne ne veut vivre sur ses capitaux ; que si vous remboursez forcément un capital qui produisait au propriétaire une rente assurée, en une pareille somme d'assignats-monnaie, sans que leur émission soit proportionnée aux ventes, la sollicitude de ce propriétaire le portera d'abord sur les moyens de préserver ce capital d'être entamé. Privé de son revenu, ses premières dispositions seront de diminuer ses dépenses et ses consommations; il n'élèvera ses dépenses au-dessus du strict nécessaire, qu'après s'être rassuré sur le sort de la fortune publique, et qu'après avoir peut-être parcouru toute la France avant d'avoir obtenu le
placement de ses capitaux, conservés en tout ou partie, soit en fonds de terre, soit en intérêt.
4° Enfin, vous observerez, Messieurs, qu'il ne faut pas confondre la dette à terme avec la dette exigible ; qui à terme ne doit rien ; mais en même temps qui a fait des engagements doit les tenir. Alors ce sont dans ces deux propositions que se renferment les engagements réciproques de la nation envers ses créanciers ; vous examinerez s'il convient à la nation de rembourser immédiatement des emprunts tels que ceux de la ville de Paris et de l'ancienne compagnie des Indes, montant ensemble à 112 millions qui ne coûtent que 4 1/2 0/0 d'intérêt, et dont les remboursements ne sont ordonnés que progressivement jusques en 1814 et 1822.
Vous examinerez si l'emprunt national, les emprunts à Gênes et en Hollande, celui de 80 millions, celui de 125 millions, les annuités données à la caisse d'escompte et aux notaires^ dont la masse totale s'élève à 356 millions, et n'est remboursable qu'à des échéances successives, jusqu'en 1810, peuvent réellement vous être présentés comme une dette exigible. D'après cet aperçu vous croirez peut-être qu'il serait convenable de diviser la totalité de la dette qu'on appelle exigible en trois classes. Vous satisferez d'abord aux dettes les plus urgentes auxquelles vous vous persuaderez que ces dettes réunies aux besoins du service public n'exigeront qu'une création nouvelle de 400 millions d'assignats-monnaie. Vous déterminerez alors que cette masse ne pourra être augmentée sous aucun prétexte, ët à mesure qu'il y aura 10 millions de réalisés dans la caisse de l'extraordinaire, vous ordonnerez qu'ils soient remis en émission pour être distribués successivement par la voie du sort aux créances dont vous aurez déterminé le remboursement, à commencer par les titres placés dans la première classe dont tous les numéros seront mis dans la roue de fortune jusqu'à ce que le tirage en soit épuisé avant de procéder à l'échange des titres de la seconde classe.
En ayant égard à ces différentes considérations, vous concilierez, Messieurs, la justice qui est due aux créanciers de l'Etat, et la saine politique (qui ne vous permet pas de hasarder une interruption forcée dans les revenus) avec la mesure que vous devez observer dans les contribulionsé
C'est dans cet esprit que j'ai rédigé, Messieurs, un projet de décret ; mais comme il est réglementaire et qu'il pourrait prolonger beaucoup la discussion, je crois, Messieurs, qu'il convient, dans les circonstances actuelles, de poser et de décréter préalablement les principes dans les termes suivants ;
Art. 1er. Il sera fait une création nouvelle de 400 millions
d'assignats-monnaie pour assurer le service courant des dépenses publiques, dans le cas où
les recettes ordinaires ne pourraient y suf^ fire, et rembourser successivement les dettes
exigibles les plus pressantes, lesquels 400 millions, réunis aux 400 millions ci-devant
décrétés, élèveront le montant total des assignats-monnaie à 800 millions.
Art. 2. L'Assembléenationaledéclare qu'elle veut borner et fixer l'émission des assignats-monnaie à la somme de 800 millions : en conséquence, elle décrète que cette masse de 800 millions ne pourra être augmentée sous aucun prétexte.
Art. 3. Les 400 millions d'assignats-monnaie, dont la création sera ainsi effectuée en exécution de l'article Ie', emporteront avec eux, ainsi que les 400 millions ci-devant décrétés, hypothèque, I
privilège et délégation spéciales, tant sur le revenu que sur le prix des domaines nationaux,
Art. 4. Les créances sur l'Etat, autres que celles constituées en rentes perpétuelles et viagères, seront seules admises ainsi que les 800 millions d'assignats déterminés et fixés dans les précédents articles à concourir dans l'acquisition des domaines nationaux^
Art. 5. LesaSsignats quisopten émission, ou qui y seront mis en exécution des articles 1, 2, 3 du présent décret; porteront 3 0/0 d'intérêt jusqu'au 15 avril prochain: ils n'en porteront plus aucun, passé cette époque. A cet effet, le caissier de l'ex-traordinaibe én acquittant l'intérêt des 400 millions précédemment décrétés, qui écherront le 15 avril 1791, est autorisé de retrancher de l'assignat, les trois coupons qui y sont annexés.
Art. 6. Ces différentes créances, autres que les titres de celles constituées en rentes perpétuelles et viagères seront converties en de nouveaux titres uniformes en sommes rondes et disponibles portant 5 0/0 d'intérêt, la première année, èt 4 0/0 les suivantes.
Art. 7. Avant l'échange de Cés nouveaux titres Contré les créances, autres qué celles constituées en rëntes perpétuelles et viagères, lesdites créances Seront divisées en trois classes. L'Âssembjée nationale charge son comité des finances de lui présenter incessamment un tableau de cette division, en observant dé placer, dans la première Classe et successivement dans la seconde, les créances qui, par leur nature et leur création, seront plus ou moins exigiblés.
Art. 8. Aussitôt qu'il y aura une somme de 10 millions de réalisés en assignats-monnaie dans la caisse de l'extraordinaire, par le produit des revenus et des ventes des domaines nationaux et autres recettes extraordinaires, il en sera dressé procès-verbal, et ils seront remis dans la circulation en échange des nouveaux titres ou reconnaissances nationales qui auront été délivrés et placés dans la première classe, et successivement dans les deux classes suivantes, en exécution des articles 5 et 6 du présent décret.
Art, 9. L'Assemblée nationale charge son Comité des finances dé lui présenter Un projet réglementaire sur les dispositions du présent décrel, et les moyens qui concilieront l'intérêt de l'Etat cl celui des propriétaires des titres nouveaux, pour accélérer l'échange de leurs créances contre des domaines nationaux.
Plusieurs membres demandent 1'impresSiûn du discours de M. Le Couteulx.
L'impression est ordonnée.
interrompt la discussion pour donner ledture d'une lettre de M. Lambert, qui expose à l'Assemblée que, dans plusieurs villes, les tanneurs ont refusé, dès l'année dernière, de laisser prendre en charge les Cuirs de leur fabrication, et se sont soustraits, par là à l'obligation imposée à tous les tanneurs d'acquitter les droitsi II demande qu'en exécution de son décret du 22 mars dernier, l'Assemblée détermine l'estimation moyenne dé la valeur des droits dus par les tanneurs en douze payements et en douze Mois, conformément audit décret.
(L'Assemblée renvoie cette lettre a son comité des finances.)
(i£att annonce que par le résultat
du scrutin, lès membres adjoints au comité de Constitution sont :
MM. Êarnaye,
De Clermont-Tonnérre,
Alexandre de Lametb;
Du port,
Buzot,
Pétion,
De Beaumetz;
an notice ëgaieniëht que MM. Salomon et Charles-Claude Deiacôur, fci-aë-yaiit d]Ambëziëux. oiit réuni lés suffrages et sont nommés cotâtinssairés ïnspêclëurs des archives.
annonce tiiië lettré dé M» l'abbë Perrotlh, dit de Barmond ; elle est ainsi cotièuê :
« Monsieur le Président, nies rêclarnations pourràiént paraître importunés a l'Assemblée, si la justicé de mâ. causé était Moins évidëntë \ jfe ne réclame que l'éxécùtiorj dë yo's décrets. "Vous ave,? ordonné que le comité des recherches rémettrait au procureur du roi tôutës lés pièces relatives a mon affaire : èlles ont été rémises, dix-sept témoins ont été entendus, le procès allait être jugé, lorsque le, comité dés recherches a annoncé,qu'il avait dé,nouveaux témoin^ à faire entendre et de nouvelles pièces àjiroduire : en vain ont-elles été réclamées, elles n'ont point encore été produites. Je prie 1 Assemblée qe vouloir bien ordonner que ie comité des recherches remettra, dans le jôurj les nouvelles pièces relatives à nidn affaire, et qu'il lut soit enjoint de he se mêler aucunement d'phe affaire qui ne peut être iniquité en méfie,, temps par deux tribunaux, sans blesser à lâ fois la justice et l'humanité. »
, tfierhbtë du ibmiiè des fë-'cheVçhès. Le procureur dU rbi au Châtélet a été saisi des pièces dêbiilS hier àU soir. Céfc pièces n'àht pli etrë êHvdyéeè bluS tôt patcë que plu-éiéUrs êiaiëni afriVeês reéëmméht et qu'il avait été tfêéëââairë d'attébdre que lë comité se trbuVât en hoîhbrë pour les ëàûiinër.
,ei-éevûnt d'Eprémesnil. L'Assemblée a décrété que M. l'abbé de Barmûnd serait én ëtàt d'arrestation. On ne sait pas comment cette arrestation a été exécutée. Je représente à votre ËUihànitë que non seulement sa porte est gardée, mais qu'il a un détachement dans sa cour et que trois offlciërs ëouchent dans sa chambre ; il në peut pas travailler:
(Oti demaudë vitemënt la reprise de l'ordre du jour.)
met cette proposition aux voix. 111e est adoptée.
La discussion est reprise mr lé mode de liquida tion de la dette publique.
(1). Messieurs, si nous ne voulions écouter que le sentiment qui s'est produit de nos
divisions -particulières, peut-être il serait de l'intérêt d'un grand nbmbrë d'entre nous de
vous abandonner à une mesure impudente, qui justifierait, auprès des peuples, nos
réclamations continuelles et le zèle constant
Vous aviez décrété pour 400 millions de ventes des domaines du roi et du clergé; les quatre cents millions d'assignats que vous aviez mis en circulation pouvaient être considérés, dès lors, comme une sorte d'anticipation; C'était en quelque manière des billets de l'échiquier pour lesquels le malheur des temps vous avait forcés de commander la confiance, et cependant vous n'avez pas tardé à vous apercevoir combien cette opération était malheureuse et insuffisante. C'est en vain qu'on a voulu vous en adresser des éloges, et vous ëri vanter le suecèSj le premier ministre des financés ne vous a pas laissé ignorer que vos assignats, repoussés de toutes parts, étaient obligés de se réfugier dans toutes ieë caisses du Trésor public. La primë de 3 0/Q d'intérêt, les efforts de certaines villes de com-riièree; les tentatives de vos clubs, de vos sociétés patriotiques, rien n'a pU leè sauver d'tinë perte et d'un discrédit progressifs, ét C'est d'après cette triéte expérience, C'est lorsque vous êtes encore dans les embarras d'une première opération mauvaise qU'oti vient vous én proposer une plus mauvaise ëtlëorë, en vous pressant de l'ëiagérer, au point d'en couvrir toUté la dette publique exigible.
Certes, MéSsiëUrS* il est difficile de croire que CeUx qui vous dut conseillé line semblable édtre-prise, én aient bioâ calculé tous les dangers ; ils Vous Ont déjà été développés avëc une grande sagacité. Il ne me reste qu'à ajouter quel^bës réllëxions aUx éxcëllëntes observations qui vbus ont été présentées j et podr celà jë considérerai d'abord l'opération dès assignats dans sa nature, j'en examinerai ensuite la nécessité.
Lé premier caractère qui se présente dans la nature des assigttatâ^mOttnaie qu'on voUs prO-^ pèse, é'est leur hypothèque fictive, et je l ap-pelle exprès hypothèque Activé parce que vous allez voir que cettë hypothèque n'a aucun terme réel et qu'elle est toujours prête à fuir dèvant ie porteur d'assignats.
En effet, en convieUdra que toute hypothèque, pouf être bonne, doit être constituée dë manière à répotidre certainement dU prix, qu'elle a pour objet. Or, je laisse ici de côté tous les doutes âne jë pourrais élëver sur la sûreté dë l'hvpo-tnêque qu'oti nous présente; mais je soutiefis quë quand thème les biens nationaux pourraient être regardés comme tînè bonne hypothéqué poUr la dette publique, il ne s'ensuivrait pas pour cela qu'ils dussent être regardés comme une dondë hypothèque pour les assignats : là raison en est bien simple. S'il në s'agissait qUe de trétt-* hiï tous les dréanëiers de l'Etat et dë leur pré-1 Renier une masse de biens territoriaux, jugée égale ou supérieure à leur créance, cette hVpo* thêque pourrait leùr paraître vâlablè et sûre ; mais du momënt qu'on mobilise eu même temps l'hypothéqué ét la dette, Sans les faire corres1-pondre dans leurs parties, de la même manière qu'elles correspondent eh masse, leurs Mattohs changent évidemment de nature, ët l'hypothèque ëst nécessairement altérée, par cëla seul qu'elle
se- trouve enchaînée à toutes les convulsions des ventes partielles ; car on aura beau dire qu'il y aura deux milliards de terres pour deux milliards de créances, si, pour cent pistoles d'assignats, il n'y a pas de même pour cent pistoles de terre. Aussi, tandis que dans les hypothèques ordinaires le créancier est indépendant du prix des ventes, et que même il a souvent intérêt à ce que la chose hypothéquée se vende mieux pour être plus assuré des prix de sa créance; dans celle-ci, au contraire, il a toujours intérêt à ce qu'elle se vende moins, et il se trouvera toujours mieux payé, envraison de ce qu'elle se vendra plus mal.
On peut s'étonner d'après cela que les partisans des assignats ne cessent d'appeler leur papier papier-arpent, papier-territorial, et qu'ils osent même en comparer la valeur à celle des écus. Je De sais si un écu est un assignat; mais c'est un assignat dans lequel est développée une valeur fixe et déterminée, et cette valeur l'accompagne sans cesse : l'empreinte de i'écu, qu'on veut comparer à l'assignat, est donc un certificat sûr de ce qu'on donne, au lieu que l'empreinte de l'assignat, non seulement n'offre pas un certificat sûr de ce qu'on donne, mais n'offre pas même une assurance positive de ce qu'on donnera. Je ne connais qu'une manière de rendre la valeur des assignats égale ou approchante de celle des écus, la voici :
Je suppose que le gouvernement ait un cube d'argent de la valeur de deux milliards, et que ne pouvant le dépécer assez tôt, il soit néanmoins pressé d'en jouir, je conviens qu'avec beaucoup de confiance et un ordre parfaitement établi, il pourra parvenir à le mettre d'avance en circulation par le moyen d'assignats; mais alors, on sent que chaque assignat répondrait à une partie aliquote fixe et déterminée du bloc. C'est ainsi qu'est organisée la banque d'Amsterdam.
Vous avez une masse de propriétés disponible que vous estimez deux milliards, trois milliards, quatre milliards. Je veux bien ne pas vous contrarier dans vos calculs, mais je vous demande si les assignats 6ont une partie aliquote fixe de cette masse de propriétés? Si les assignats ne représentent pas une partie aliquote fixe de cette masse de propriétés, ils ne sont donc point une véritable assurance, une sincère représentation de leur hypothèque; et comment peut-on les comparer alors? soit à de bonnes lettres de change, soit à de bons billets de banque, surtout à des écus qui, non seulement sont des représentations d'une quantité fixe de métal, mais qui sont le métal lui-même.
A l'égard du papier-arpent, veut-on savoir comment il serait possible de faire en grande masse un véritable papier de cette espèce ? Le voici, mais vous allez voir combien il serait différent de vos assignats. Je me représente une plaine immense de terre, partout d'une égale valeur; je suppose que la tenue de cette plaine soit bien circonscrite, c'est-à-dire composée d'une Suantité fixe de cases d'une étendue déterminée. ne fois maîtres de cette étendue de terrain, après l'avoir fait estimer suivant le taux commun de terres du pays, il est clair que vous pourriez la mobiliser pour ainsi dire, et en constituer des signes représentatifs, que vous mettriez en circulation. Un assignat de mille livres, par exemple, représenterait une mesure fixe de terre; un assignat de 500 livres, une demi-mesure; un assignat de 250 livres, un quart de me-
sure, ainsi de suite; de manière que l'assignat serait toujours une partie aliquote fixe de cette masse de terrrain. C'est alors que ce qu'on appelle aujourd'hui l'hypothèque des assignats serait solide et invariable.
C'est précisément de cette manière que les gouvernements font estimer-la valeur du cuivre qui est un véritable assignat sur l'or et sur l'argent, et l'or et l'argent, à leur tour, sont aussi des assignats sur le cuivre. Mais on sent que, dans tous ces cas, l'hypothèque se subdiviserait toujours dans la même proportion que l'assignat, et que l'assignat correspondrait, d'une manière invariable, à toutes les subdivisions de l'hypothèque. En dernière analyse si l'assignat, c'est-à-dire une parcelle donnée de la dette, ne répond pas invariablement à aucune partie aliquote fixe de la terre, nos assignats ne sont pas même de véritables assignats.
Ici je sais qu'on a fait deux objections qui ont paru importantes ; la première, c'est que l'or et l'argent monnayés, eux-mêmes, ont deux valeurs différentes ; une comme marchandise, l'autre comme signe des échanges, et on a voulu en conclure qu'il pourrait en être de même du rapport de l'assignat avec la terre; cette objection ne présente qu'un seul point d'obscurité qui est très facile à éclaircir. L'argent est-une marchandise, les denrées sont des marchandises aussi. Les unes et les autres ne sont susceptibles d'énchérir qu'en proportion de leur abondance ou de leur rareté. L'argent en monnaie ne fait ici aucune différence ; car l'argent en monnaie ne présente autre chose qu'une barre d'argent divisée en différentes fractions de poids déterminé, et auxquelles on appose un sceau qui en atteste la pureté et le poids.
La différence de valeur, qui se trouve entre l'argent monnayé et l'argent en barre, ne peut donc être autre chose que celle qui se trouve naturellement entre la valeur d'une manière hrute et celle d'une matière ouvrée. Que le gouvernement prenne ou ne prenne pas un droit de seigneu-riage, cela ne fait qu'un accident à la valeur de l'argent, comme les marques sur les cuirs, sur certaines étoffes, les droits sur certaines marchandises, deviennent des accidents particuliers dans leur valeur; tout cela n'a rien de commun avec les assignats, tout cela ne dit pas que, comme représentation, leur valeur soit fixe et invariable.
La seconde objection, c'est de comparer le cours forcé de la monnaie au cours forcé des assignats. J'avoue que je sais bien ce que c'est que des assignats forcés; mais je ne sais nullement ce que c'est que des écus forcés, à moins qu'on ne veuille parler de ceux qu'on fabriquait du temps de Philippe de Valois et de Philippe-le-Bel. Je vends une mesure de "blé dix écus; je conviens donc librement que je prendrai dix écus en échange de ma mesure de blé ; les dix écus n'ont donc pas pour moi un cours forcé ; mais si au lieu de dix écus, dont j'ai connu la pureté et l'aloi, on me donnait dix écus d'une monnaie étrangère ou fausse, ou dix pièces de cuivre, ou morceaux de papier,il est clair que ma convention libre serait violée. Une infinitéde conventions libres de cette espèce existe en France; nombre de propriétaires ont consenti à échanger leurs fonds, leurs prés, leurs bois, leurs denrées, leurs marchandises, contre un certain nombre d'écus; que fait cependant votre émission d'assignats ? Elle dénature toutes ces conventions, elle fait que tous ceux qui avaient promis des écus en échange
des propriétés ou des marchandises, pourront violer leurs promesses et ue payer qu'avec du papier/C'est dans ce sens uniquement qu'on peut dire que votre papier est forcé, parce que vous le substituez en effet de violence à des écus qui ne l'étaient pas.
Passons maintenant à quelques détails sur vos assignats considérés comme monnaie; je ne parlerai pas de la facilité de la contrefaçon, tout le monde convient qu'aucun moyen possible ne peut vous en mettre à l'abri; et voilà sur ce seul point la fortune du royaume livrée au hasard; mais je m'attacherai sur les vices attachés à leur expression, quelque forme que vous lui donniez.
Les assignats doivent représenter des sommes ; mais quelles sommes doivent-ils représenter? Si vous leur conservez la même expression qu'ils ont aujourd'hui, il est clair que vous aurez l'avantage de laisser dans le commerce une quantité de numéraire circulant; mais il est ciair aussi qu'ils ne tarderont pas à en venir embarrasser et obstruer toutes les opérations; car un homme, avec des sommes considérables, pourra se trouver hors d'état de faire les moindres affaires; ce serait donc comme s'il y avait dans le commerce un métal en barre, et qu'il y eût peu ou point de monnaie, et cependant on aurait alors la ressource, comme dans les premiers âges de la civilisation, de dépécer ces barres, et d'en livrer les morceaux au poids, ce qui ne se peut faire pour le papier.
Il ne resterait donc évidemment que la ressource des changes; mais on va sentir combien ces changes, toujours pressés et multipliés, et toujours difficiles, donneraient de la valeur à la monnaie, en même temps qu'ils feraient descendre celle des assignats.
Dans un vaste Etat, dont les mouvements sont déjà composés depuis longtemps, il règne une proportion constante entre les grandes et les petites affaires. Or, quel embarras ne surviendrait-il pas dans le commerce, si la monnaie, propre aux grands mouvements qui sont rares, devenait surabondante, tandis que celle qui est propre aux petits mouvements qui sont communs et journaliers, deviendrait elle-même excessivement rare; si le manufacturier, par exemple, ne recevait sans cesse pour son travail qu'un prix qui lui serait inutile pour ses ouvriers? Celui qui achète en gros pour vendre en détail, pourrait faire ses affaires; mais celui qui achète en détail pour vendre en gros, serait sans cesse arrêté.
Or, comme tout commerce est échange, comme dans tout, et principalement dans les objets de nécessité, le change d'un objet rare conlre un objet commun se fait toujours au désavantage de ce dernier, il arriverait que, même en supposant à l'assignat la meilleure valeur et la meilleure hypothèque, la seule rareté de la monnaie par rapport à lui la ferait baisser de prix. Ainsi, indépendamment de toute autre considération, il est clair que l'assignat doit nécessairement diminuer de prix à mesure que son moyen de change deviendra respectivement plus rare.
Ces inconvénients vous mèneront nécessairement à faire de petits assignats ; mais du moment que vous aurez adopté cette mesure, voici les nouveaux embarras qui vous attendent. Toutes les opérations de commerce intérieur ne se feront plus qu'en assignats ; l'étranger, au contraire, ne se fera solder qu'en monnaie. Le numéraire disparaîtra de plus en plus, il s'enfuira par toutes les issues de la France, et pour peu
que le papier baisse, on craindra qu'il ne baisse encore; on tremblera de.montrer de l'argent de peur cle recevoir ensuite en retour du papier. L'argent se resserrera et augmentera de prix ; le papier se montrera partout et baissera de valeur; c'est alors que l'un et l'autre deviendront des objets de spéculation, c'est alors que les détenteurs de l'argent se combineront pour procurer ces convulsions de hausse et de baisse, ressource éternelle de l'agiotage.
Sans doute, comme vous l'a dit M. l'évêque d'Autun, cet agiotage sera inévitable dans tous les partis; mais tandis qu'autrefois il ne s'exerçait qu'au détriment des classes opulentes, ici, il portera des ravages jusque sur les dernières classes de la société. L'agiotage s'exerçait sur des effets royaux qui appartenaient à des banquiers, à des capitalistes,àdes hommes du fisc; mais il y a autant de différence de cette espèce d'agiotage à celui qui s'exercera sur la monnaie, qu'il pourrait y en avoir entre des accaparements de sucre et des accaparements de blé. Le nouvel agiotage se fera donc sentir à la médiocrité et à l'indigence; il poursuivra le peuple jusque dans ses premiers besoins, la nation entière s'en trouvera pour ainsi dire enveloppée, et l'inquiétude d'une situation toujours pénible et tourmentée la portera inévitablement à toutes sortes de mouvements et d'excès.
Ces inconvénients sont, comme on le voit, inséparables de la nature même des assignats. De quelque manière qu'on forme leur représentation, soit en grandes sommes, soit en petites sommes, ils subsisteront toujours. Et l'on vous propose d'en créer ainsi pour quatre cents millions, pour huit cents millions, pour deux milliards ; on vous propose de doubler tout à coup la masse de numéraire qui est en circulation 1
Il est vrai qu'on nous dit que la somme des effets de commerce sera doublée, puisqu'on met en vente pour un prix semblable de terres qui n'étaient point dans le commerce ; mais il est aisé de s'apercevoir que la masse du numéraire qu'on veut mettre en circulation sera bien plus mobilisée, bien plus divisible que celle des terres à vendre; que,par conséquent, le nouveau numéraire s'attachera bien davantage à toutes les opérations partielles entre lesquelles il circulera nécessairement, avant d'arriver à des acquisitions vers lesquelles il n'a aucune tendance obligée ; or, tandis qu'il traversera avec lenteur toutes les relations d'affaires et de commerce existantes dans le royaume, il est impossible qu'on ne voie augmenter sur-le-champ le prix de toutes les denrées, de toutes les marchandises, de tous les objets de commerce ; car le prix des marchandises étant réglé aujourd'hui sur le rapport de leur quantité avec celle de la monnaie, il est clair que la quantité de celle-ci augmentant du double, tandis que la quantité de l'autre demeurerait au même niveau, les marchandises doivent nécessairement augmenter du double ; et qu'on fasse bien attention que ce qui arrivera ici, arriverait également quand même, au lieu de doubler la monnaie circulante par de mauvais papier, vous la doubleriez par de bon numéraire. Qu'on juge après ce qui arrivera si, au lieu de doubler cette circulation par de bon numéraire, vous la doublez par de mauvais papier. C'est alors que la défaveur du papier fera qu'on en voudra davantage pour s'indemniser en quelque sorte de chances qu'il peut courir ; c'est alors qu'il est impossible de calculer jusqu'où pourraient aller le renchérissement de la monnaie et la dépré-
dation du papier, et les différentes convulsions dans le prix des marchandises suivant les différents accès dé crainte ou d'espérance; c'est alors, en un mot, qu'il est impossible de prévoir tous les malheurs et les désordres auxquels serait livré ce royaume.
Les partisans des assignats ne laissent pourtant pasque d'être rassurés sur toutes ces craintes. M. Anson, pour discréditer nos présages sinistres, a cherché surtout à nous établir en cohtradietion. Il nous a opposé d'abord ce que nous disons des assignats qui doivent nécessairement faire fuir la monnaie; or, si les assignats chassent la monnaie, dit-il, il n'y aura donc plus d'excédant de numéraire, les denrées n'augMëntéront donc pas de prix; et pourquoi se servir, a-t-il ajouté, d'une arme à deux tranchants, en opposant d'une part la rareté de la monnaie, et de l'autre la surabondance du numéraire?
Ma réponse à Ce reproche de contradiction sera bien simple, c'est que nous ne parlons pas de la rareté de la monnaie et dë la surabondance du numéraire coïnmë dë deux effets contemporains, mais comme de dëux ëffèts qui doivent être la conséquence l'un de l'autre. Nous disons que les assignats chasseront les écus,etcëlà est démontré; mais pour les chasser, il faudra qu'ils soient quelque temps aux prises; il faudra qu'ilâ Coexistent ensemble. Or, ce sera pendant cettë coexistence, que tous les objets doublerodt nécessairement de valeur; et çju'oii ne diâe pas que les lenteurs pour l'émission physique des assignats modéreront le surhaussërïient de toutes les denrées : cëtte élévation subite aura lieu, pour ainsi dire, du moment.de l'émission dë votre décret, et je sais que déjà, éur1 le simple bruit de la question que nous agitons, les ventes dans plusieurs de nos ports ont été SUspëhdUes.
Du resté, il faudrait avoir bien peU de con- j naissance de la matière Sur laquelle bous délibérons, pour ignorer que tout excédant même d'argent dans un royaume se chasse lui-même; et que, quoi qu'on fasse; il tend à se placer à un certain niveau ; mais ici il ne se placera à ce niveau qu'à notre détriment; qu'en enrichissant les étrangers de tout notre numéraire réel, et nous laissant pour unique ressource un triste et stérile papier. Ori se plaint aujourd'hui de Ceux qui enfouissent l'argent : encore quelques instants, et on le verra reparaître ; mais on le verra reparaître attiré par les spéculations impudentes d'un lucre excessif et usuraire, et après que ceux qui le possèdent aujourd'hui l'auront fait ressortir pour usurper toutes les possessions et toutes lés richesses : il ne s'enfuira pas moins dans les pays qui nous environnent, en nous laissant les Victimes de toulës les ruses de ia citpidité.
C'est donc en vain qu'on cherche à éloigner l'idée du surhaussëment des denrées; c'est un effet nécessaire et inévitable de toute émission nouvelle de monnaié, et surtout de papier-monnaie, et alors comment se dissimuler l'action terrible que cet effet aurait sur toutes les classes indigentes? On cherche à nous persuader que le prix des salaires augmenterait dans la même proportion. Et moi je réponds que cela n'est pas sûr; que le prix de la main-d'œUVfé ne se règle pas sur lé besoin que les ouvriers Ont d'un certain salaire, mais sur le besoin qu'on a des ouvriers , et puis, si les deux effets ne marchaient pas d'une manière correspondante et parallèle* à quelles secousses n'exposeriez-vous pas le royaume ?
Mais je veux m'attacher ici à une Considération
plus importante encofe et plus décisive, c'est que lë prix dë toutes les denrées ayant doublé en France, les dépenses du gouvernement doubleront de la même manière. Or, comment fera-t-il pour acquitter le prix de toutes les dépenses accoutumées avec un revenu qui n'aura pas crû avec elles; car il est évident qu'ayant les mêmes dépenses à faire, et les payant moitié plus, c'est comme si, dans un état ordinaire, il "percevait moitié moins.
Cependant songez encore qu'il n'aura que du papier i or, il lui faudra nécessairement négocier une partie de ce papier, tant pour une infinité d'appoints, que pour tous ses besoins extérieurs, et si des événements malheureux nous entraînaient dans une guerre étrangère, croit-on qu'il serait (rès Commode de payer avec des assignats une armée campée en pays ennemi ? Croit-on qu'il serait très facile de rembourser en napier des avances que les fournisseurs auraient faites en écus? croit-oh que nos escadres se ravitailleraient gaiement de cette manière, que les bois de construction qu'on tire de l'étranger, les ambassadeurs, les consuls qu'on y entretient, que toutes les matières exotiques qu'on est forcé de tirer de toutes les parties du monde, se solderaient facilement en papier? Voilà donc le gouvernement réduit sans cesse aux abois ; voilà les ministres et les généraux dans des embarras extrêmes, lës voilà réduits â ne prendre conseil que des événements, et à tirer, comme ils pourront, parti des circonstances, sauf à aller expier ensuite sur un échafaud, comme le maréchal de Marillae, les désordres que le besoin le plus pressant àurait fendUs inévitables.
Cë n'est pas tout, le royaume de France n'est pas isolé, il vit, si j'ose m'exprimer ainsi, avec et au milieu de toute l'EUrope, et il a des relations de commerce et d'affaires établies avee le monde entier. Or, quel commerce la France pourra-t-elle fairë aVëc l'étfanger, du moment que tous ses objëts de commerce auront augmenté du double, 'et quë les mêmes objets, hors de chez elle, seront demeurés au même taux ? qui voudra aller porter à l'étranger pour un écu, ce qu'il aura acheté six francs ? Le commerce d'exportation sera donc bien arrêté. Le commerce d'importation au contrairé Sera favorisé dans un sens extravagant et disproportionné; car celui qui achèterait un écU à là frontière pour le porter en France, se trouverait le vendre deux ou trois fois plus. Il serait aisé de prouver que les relations et la proportion du commerce d'importation et d'exportation sont moins arbitraires et plus essen-tiélles à cbnserVër qu'on tie pense; mais indépendamment de bette considération, c'est que du moment qu'avec un écu de monnaie réellë, on pourra se procurer facilement six francs ou neuf francs dë monnaie fictive, la monnaie fictive ne tardera pas à se.placer bientôt à ce point de valeur, par rapport à là monnaie réelle. Tant que durera celte bouffissure artificielle, les assignats perdront donc nécessairement par rapport à l'argent toute là différence qui se trouvera entre le prix externe des marchandises et leur prix interne. Of, quelle Convulsion affreuse non seulement dans les changes, mais dans toutes les affaires, dans toutes les fortunes particulières t lorsque celui qui aura affermé des terres ou des propriétés se trouvera en solder le prix au-dessous de moitié de leur valeur ; lorsque cette fouie de Citoyëns, propriétaires, riches, aisés, médiocres OU pàuvrés, se trouveront tout à coup frustrés d'une partie dé leur fortuné! PiU§ d'emprunts*
plus de billets, plus de lettres de change qu'à un taux usuraire, toutes les propriétés attaquées, toutes les conventions anéanties. Il n'est pas possible de se former une idée des désordres qui accompagneraient un semblable état de choses.
Et qu'on ne dise pas qu'avec 5 ou 600 millions seulement d'assignats on éviterait la plus grande partie de ces malheurs. Je sais que des hommes à démi-résolution vous ont proposé une demi-mesure comme un moyen terme avantageux, et moi je crois que toutes les demi-mesures en finance sont les plus mauvais de tous les partis, et les hommes à demi-résolution les plus dangereux de tous les conseillers; Sans doute, ceux qui voient dans cette opération de germes de bonheur et de prospérité, des moyens pour faire fleurir le commerce et les arts, pour ramener parmi nous l'abondance et l'opulence, sont excusables de nous proposer uu parti que le patriotisme égaré peut conseiller, et que l'égarement seul du patriotisme peut excuser; mais ceux qui, d'après leur conviction, vous ont fait un tableau déchirant des malheurs auxquels l'opération des assignats livrerait le royaume; ceux qui ont vu dans vos mains un glaive dont vous perceriez lout le peuple français, et qui viennent ensuite vous proposer de ne l'enfoncer que d'une certaine profondeur, ceux-là sont véritablement coupables : je lés accuse ici devant voiîs et devant la nation entière; car ils ont menti à leur conscience et à leurs lumières.
Non, Messietirs, lés demi-partis qu'on vous propose hé libéreraient pas le royaume et ne feraient qu'avancer notre ruine. Du moment que voUs auriez passé les barrières de là justice, qui pourrait encore vous retenir au delà? tous n'autoriseriez pas moins la méfiance et la crainte; tous les contrats, tous les actes, toutes les conventions fie se croiraient pas moins menacés. Prés d'un milliard de monnaie fausse ne circulë-ra.it pas moins avec la véritable, et comme c'est là disette du numéraire qui vous force aujourd'hui à celte opération, cette opération augmenterait elle-même cette disette, qui vous forcerait encore à une nouvelle émission. C'est ainsi que les peuples et les rois, qui ont commencé une fois à abuser de la monnaie, éë soht vus bientôt entraînés malgré eux aux mesures les plus désastreuses.
Songez-y, Messieurs, ce furent ces abus de la monnaie qui, après dés siècles de malheurs, obligèrent les Français à appeler sur eux l'impôt de la gabelle. Quelle sëtàitla malheureuse destinée de Ce royaume, Si à peine racheté de ce dernier fléau, il était forcé dé revenir à l'autre. Rappelez-vous toUs lès mouvements qui agitèrent le règne de Philippe-le-fiel, et auxquels Ce prince n'échappa que par sa mort. Rappelez-VoUs les associations des provinces, ces ligués, ces fédérations dont le dépôt est Conservé encore au trésor dés chartes pour votre instruction et celle des âges à venir. Craignez que . les mêmés mouvements né së reproduisent. Tous les jours vous montrez tarit d'inquiétude pour votre Constitution chérie ; mais c*est bien alors qué vous verriez Vos tràvaUx attaqués, vos sUccès anéantis. Vous avez passé comme un torrent sur nos usages, nos institutions, nos abus ; inais les torrents, après avoir entraîné les débris des montâgriës, finissent par se pérdré dans les sables qu'ils ont accumulés.
Eufin, vous avez vu que l'opération des assignats forcés qu'on vous propose était mauvaise par sa nature, cju'elle n'offrait aucune véritable
hypothèque, et qu'il était absurde de la comparer avec des écus ; vous avez vu les inconvénients graves d'en faire une émission, sans en morceler les prix, et les inconvénients plus graves encore de les morceler ; en un mot, vous avez vu le bouleversement que causerait dans le royaume une émission considérable d'àssigriâté. Ainsi, toiit justifie pleinement le mot échappé à un dés membres de votre comité des finances, lorsqu'il les a appelés comme d'inspiration t ces misérables assignats.
11 ne me reste qu'à voir comment une opération aussi dangereuse a pu Vous être Conseillée, il faut qu'on l'ait jUgée indispensable. Je vais donc en examiner la nécessité.
Il est un seul but auquel vous devez tendre, c'est d'acquitter la dette publique, c'est de payer avec les biens nationaux les créanciers de l'Etat ; c'est d'établir assez de concurrence à ces biens nationaux, pour s'assurer qU'ils ne seront pas vendus au-dessous de leur valeur. Or, pour que ces biens soient vendus au moins au niveau de leur valeur, il faut s'assurer d'une assez grande quantité de signes pour les acheter. Les signes sont ici le moyen, ils doivent être proportionnés à leur lin qui est la vente. Mais comme le numé-raire* qui est aujourd'hui en circulation, suffit à peine pour les mouvements journaliers du commerce, il est clair qu'il ne pourrait se toUrner du côté des biens nationaux, qu'autant que ceux-ci descendraient extrêmement de leur valeur, d'oU il résulterait un grand dommage pour la chose publique. Il faut donc absolument trouver de nouveaux moyens, il faut que vous formiez un levier proportionné, à la masse que vous avez à remuer; en un mot, puisqu'il faut le dire,il vous faut nécessairement un numéraire fictif; si toutefois c'est par des ventes partielles que vouscomptez effectuer le dépècement des biens nationaux. Mais s'il vous faut un numéraire fictif pour cela, il est évident du moins qu'il ne Vous le faUt que pour cela, et qu'il ne doit pas avoir d'autre but. Or, en mettant en billets d'Etat ou en quittances de finance, soit la dette exigible, soit la dette en général, eû leur donnant valeur d'espèces dans les achats des domaines nationaux, voilà, Ce me semble, le seul numéraire fictif dont vous avez besoin, vos vues sont entièrement remplies, et je ne vois pas pourquoi on vous proposerait d'aller au delà.
On voué a désigné à cet égard plusieurs précautions essentielles à prendre, premièrement de faire en sorte qué ce numéraire fictif fût au niveau de son emploi, et si vous ne le mettez qu'au niveau vous pouvez n'avoir pas Une dohcurfehçë assez active. Il faut donc que vous preniez urt, de ces deux partis ; que voUs montriez une prédilection particulière pour la partie de la dette qui est exigible, alors vous serez forcés d'y associer, pour animer la concurrence, tout ce qui sé trouvé entioré de numéraire daus le royaume, ét qui voudra bien s'y présenter. Mais ici un nouveau danger vous menace; c'est qu'en admettant le numéraire réel, cette mesure peut effrayer la côrilianée. On peut douter de la fidélité du Trésor public envers une accumulation de sommes, que le3 besoins pressants du gouvernement détourneraient peut-être bientôt aé leur but primitif. Car depuis que la fatale doctrine de la nécessité s'est accréditée parmi nous, il serait à craindre que les premiers événements difficiles, que des troubles iutérieUrs ou extérieurs, que des suspensions de recouvrements d'impôts, que je né sais combien de causes
puissantes ne portassent la main du gouvernement dans le dépôt sacré de la créance publique.
Le second parti qui se présente n'aurait pas cet inconvénient. Ce serait celui de couvrir toute la dette publique avec vos billets d'Etat, et c'est celui que M. l'évêque d'Autun vous a proposé. Par ce moyen vous auriez sur-le-champ cinq à six milliards d'effets qui, se portant sur deux milliards de fonds, en élèverait nécessairement la valeur à un taux assez avantageux.
Il est pourtant bien essentiel de remarquer que si on voulait admettre aux achats des biens nationaux que la seule partie de la dette qui est exigible, il n'y en aurait jamais qu'une partie qui pourrait s'employer; car non seulement ce qui entrerait dans le commerce par la circulation de confiance, ne pourrait s'appliquer à des achats, mais encore tout ce que les spéculations de l'agiotage viendrait à bout d'en accaparer; et les capitalistes seraient d'autant plus portés à se prêter à ces mouvements qu'ils verraient avec plus de regret leur fortune échapper de leur portefeuille.
Si l'Assemblée n'adoptait pas cette mesure, quelle est celle qu'elle pourrait lui substituer? Gomment parviendrait-elle à forcer la partie de la dette publique qu'elle aurait privilégiée, à se verser sur les»possessions territoriales? Serait-ce en stipulant que les billets d'Etat ne porteraient aucun intérêt? cette mesure opérerait certainement son effet; mais il s'agit de savoir si elle serait juste, s'il serait juste de jausser ainsi ses promesses, et de se rendre in fidèle aux engagements les plus solennels pris au nom de l'honneur et de la loyau té française? Serait-ce de diminuer l'intérêt de ces créances au point que leurs possesseurs se trouvassent comme contraints à se tourner vers les biens natioQaux?Ce parti serait une moindre injustice sans doute ; mais il serait encore une injustice, et, encore une fois, quand on a abandonné certains principes on ne sait plus où l'on doit s'arrêter. Enfin seraitrce de suspendre seulement ces intérêts pour les payer ensuite sur le fonds des ventes? rien n'empêche il est vrai d'adopter cette mesure, il faudrait même l'adopter pour la totalité des intérêts plutôt que pour une partie; mais alors vous avez encore à craindre que votre masse de numéraire n'étant qu'au niveau ou même au-dessous du niveau, la concurrence pour les biens nationaux ne fût tiède et insuffisante.
Mais ce qui affaiblit surtout ce système de M. l'évêque d'Autun, c'est qu'on ne peut se dissimuler que la concurrence de la dette constituée avec la dette exigible, d'une dette que vous devez rembourser actuellement si vous êtes justes, avec une dette, que vous pouvez ne rembourser jamais, ne présente des difficultés graves, et si l'on pense à la disproportion du capital d'une partie de cette dette avec ses revenus, les difficultés s'aggravent encore. En un mot, avec ce moyen, vous êtes sûrs de vendre, vous êtes encore sûrs de payer; mais il peut arriver que vous payez ceux à qui vous ne devez pas, et que vous ne payez pas ceux à qui vous devez.
Jfavoue que j'aurais bien désiré que M. l'évêque d'Autun eût fait quelques efforts pour nous sauver de cette difficulté.
En attendant, je crois pouvoir vous dire qu'il vous reste un autre parti qui ne vous a point été proposé : parti qui eût été, suivant moi, le plus loyal, le plus simple et le plus facile de tous, si on avait su l'adopter dans le principe, et surtout, si les besoins de la caisse d escompte n'avaient
pas commencé à nous familiariser avec les ressources malheureuses auxquelles nous nous sommes accoutumés; ce parti serait encore de faire d'une portion de la créance publique, une masse absolument semblable à celle des bieus nationaux disponibles, et de couvrir l'une avec l'autre, en constituant tous les créanciers du royaume pour élire une commission entre eux. Cette commission travaillerait avec un de nos comités ad hoc, à l'effet de procéder ensemble à la liquidation de cette partie de la dette. En cette forme, il serait nommé des experts par les directoires des départements : il en serait nommé également par la commission, et les biens seraient ainsi livrés directement à ces créanciers, au prix et suivant i l'estimation amiable.
Je sais qu'une opération de cette espèce réveille l'idée des formes dispendieuses consacrées dans les anciens tribunaux; mais il serait si facile d'en éloigner les formes inutiles et avides des praticiens, et j'ose croire que se faisant ainsi dans toutes les parties du royaume à la fois, dans moins de trois mois, avec du zèle et de l'intelligence, elle pourrait être achevée.
Sans blâmer le projet de liquidation de la dette publique par le moyen des quittances de finance, d'obligation nationale ou de tout autre papier de confiance, j'avoue que ce serait ce dernier parti que j'adopterais de préférence.
Dans tous les cas, je ne peux imaginer que vous ayez le droit de créer des assignats-monnaie. Dans aucun cas, vous ne pouvez renverser toutes les conventions, dissoudre toutes les fortunes, disposer de toutes les propriétés. Dans aucun cas, vous ne pouvez forcer des citoyens à s'immoler pour le bonheur ou]e bien-être d'autres citoyens. Les bords de l'abîme où la banqueroute nous appelle présentent assurément une situation douloureuse ; il faut en éloigner autant qu'il sera possible les créanciers de l'Etat; mais il ne faut pas y appeler pour cela les créanciers de la terre, les citoyens possesseurs des fonds etdes denrées, et leur faire subir les chances funestes d'un jeu auquel ils n'ont pu songer au sein de nos campagnes agricoles ou de nos \villes commerciales.
On vous dit qu'il faut attacher un grand nombre d'amis à la Révolution, et moi, je dis que cette mesure vous donnera partout des contradicteurs et des ennemis. Je pourrais dire encore, qu'on s'attache toujours facilement à une Révolution qui est bonne. Si votre Constitution n'a pas violenté les rapports des hommes par l'appât d'une trompeuse égalité, si elle a accoutumé leur cœur à un sentiment d'indignation pour les spoliations èt les injustices, pour les scènes de cruauté et de barbarie, pour les délations, les inquisitions, les trahisons de toute espèce ; si elle les a façonnés au respect de l'ordre, de la religion, de l'humanité; de tout ce qu'il y a de plus sacré parmi les hommes,sans doute votre Constitution sera honorée et admirée, sans doute elle sera appuyée et défendue. Vous n'avez pas besoin de lui donner des étais de papier; vous n'avez pas besoin de lui chercher des partisans du moment, des partisans d'ar-geut, des partisans précaires; malheur à une Constitution pour laquelleil faut acheter des amis, pour laquelle il faut corrompre la convictioq intérieure par l'appât de l'intérêt. Laissons aux démagogues I des républiques, le soin de tout acheter et de tout corrompre; mais nous, j'ai cru que nous étions faits pour d'autres moyens et pour d'autres destinées.
Je conclus en exposant : 1° Que les premiers
assignats, rais dans la circulation, peuvent être convertis en billets d'Etat et de confiance;
2° Que les créanciers delà dette publique exigibles peuvent être constitués pour former entre eux une commission ;
3° Que cette commission pourra travailler avec un comité ad hoc, pris dans le sein de l'Assemblée nationale, à l'effet de se faire adjuger, comme chargés de procuration spéciale, une masse des biens territoriaux égale à celle de la dette exi-gible ;
4° Les directoires des départements ouïes biens nationaux se trouveront placés, ainsi que la commission des créanciers de l'Etat, nommeront des experts pour estimer la valeur desdits biens qui seront livrés à la commission, suivant et conformément au tarif de leur estimation.
Je dois vous ajouter, Messieurs, que je ne fais ici que vous indiquer cette mesure sans prétendre vous la proposer ; car je vous préviens que, quand vous l'adopteriez, comme elle a pour base la spoliation territoriale du clergé, aussi bien que celle de l'usufruit des titulaires, je serais forcé d'opiner contre ; car l'une et l'autre ont toujours été et seront toujours contre tous mes principes et contre tous les sentiments de mon cœur. Mais j'ai cru qu'au milieu des maux qui nous entourent, il était permis de vous indiquer le moindre, et c'est le seul motif qui m'a déterminé. Encore une réflexion, Messieurs, et c'est la dernière : c'est que, quelque parti que vous preniez, il n'en est poiutsans le rétablissement de l'ordre public, sans la restauration de l'autorité et de la dignité royale. Les calamités présentes sont certainement l'effet de nos passions ou de nos principes, ce sont donc nos passions ou nos principes qu'il faut d'abord réformer.
L'impression du discours.
Voix nombreuses : Non I non I
(La séance est levée à 3 heures.)
A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE, DU
Nota. Nous insérons ci-dessous un document qui sert en quelque sorte de complément à l'opinion de M. de Montlosier sur les assignats. — Ce document a été imprimé et distribué à tous les membres de l'Assemblée nationale.
Observations sur les Assignats, par M. de Montlosier, député d'Auvergne.
Iniquitas mentit a est sibi.
Elle est donc déjà tombée dans l'opinion cette grande, cette sublime opération à laquelle vous aviez attaché toutes vos espérances (1) ! Elle est
tombée; il ne vous restera plus que la honte d'avoir aggravé nos malheurs, et à nous l'insuffisante consolation de vous les avoir prédits. Ce n'était donc rien que la fortune de tous les citoyens français; puisque vous ne craigniez pas d'en faire l'abandon à de vils agioteurs ; puisque vous ne craigniez pas de leur immoler en même temps tous les principes de l'honneur et de la justice, et jusqu'aux lois éternelles de la propriété I Mais vous avez trouvé bien plus doux de céder à de petites affections pour Je misérables usuriers, ou à de petites haines contre des prêtres. Vous avez trouvé bien plus doux de consommer une œuvre prônée avec tant de complaisance et annoncée avec tant d'éclat. Depuis longtemps elles étaient désignées vos victimes ; vous avez voulu les atteindre à tout prix, et vous n'avez pas craint de percer tout un peuple pour arriver jusqu'à elles. Voyez-le donc actuellement, ce peuple, se débattre au milieu des maux que vous avez faits. Entendez ce cri unanime qui a rompu tout à coup le silence que vous aviez imposé et qui demande où sont les pères de la patrie I C'était bien la peine de tourmenter avec si peu de générosité des frères, des concitoyens, des amis ; c'était bien la peine de mettre tant d'art à appeler sur eux l'opprobre, la persécution, l'indigence ! Et voilà comme l'iniquité s'aveugle et se trompe elle-même. De tant de maux que vous avez faits jusqu'à présent, vous n'en avez encore retiré aucun fruit. Vous avez semé partout la désolation et les larmes; et ces larmes même ont frappé de stérilité la terre qu'elles ont arrosée. Tant d'exemples seront-ils toujours inutiles à votre instruction ? Il faut croire que vous prendrez enfin le parti de sonder sérieusement l'étendue de nos maux; ils sopt grands, mais ils ne sont peut-être pas encore sans remède, et du moins nous voulons conserver jusqu'à la dernière extrémité l'espérance d'un roi et de la liberté.
Je jetterai d'abord, si vous le trouvez bon, un coup d'œil rapide sur l'opération des assignats en elle-même; j'en montrerai tous les vices; j'examinerai ensuite la position actuelle des finances, mais avant de calculer vos ressources, j'espère vous montrer qu'elles sont nulles sans la confiance ; et peut-être aurai-je l'honneur de vous convaincre que ce n'est pas en agaçant, comme vous avez fait, tous les intérêts et toutes les haines qu'on peut venir à bout d'établir cette quiétude politique sans laquelle il ne saurait y avoir ni confiance, ni crédit, ni Constitution, ni prospérité.
Lorsqu'un Etat est endetté et qu'il veut payer ses dettes, il n'a qu'un seul parti à prendre, c'est d'augmenter sa recette ou de diminuer sa dépense; et encore mieux de faire l'un et l'autre. Car ce sont toujours les impôts d'une nation qui sont le premier gage de ses créanciers. En France, tant que les impôts ont été au niveau des engagements publics, la confiance s'est soutenue. Du moment que les impôts ont paru au-dessous, la confiance a baissé; bientôt l'opinion publique s'est montrée d'une manière menaçante, et il a fallu bien vite s'environner de moyens extraordinaires pour la calmer. Malheureusement ces moyens extraordinaires n'ont su se tourner que contre leur propre destination. Au lieu de commencer à raffermir le gouvernement et l'impôt, ces deux bases de tout crédit, leur premier mouvement a été de les détruire. Des hommes appelés à montrer de la sagesse n'ont voulu faire ostentation que de leur force ; il a fallu que cette force se mesurât à tout et c'est au milieu des in-
cendies et des ruines qu'ils ont prétendu fixer la confiance épouvantée,
Irrités alors,plutôt qu'instruits parleurs revers, ils ont porté leurs regards sur l'opulence d'une classe d'hommes si longtemps respectée; on s'est concerté de toutes parts pour soulever l'opinion publique contre eux, et l'on n'a pas craint d'imiter à leur égard l'injustice de ces temps barbares envers une peuplade malheureuse à laquelle on ne manquait pas de supposer des crimes dans les calamités publiques, pour se donner un prétexte de les dépouiller. Enfin, après bien des sophismes et des jeux de dialectique établis pour la forme, l'Assemblée nationale, juge et partie, a déclaré que tous les biens de l'Eglise étaient à sa disposition : principe qu'on a d'abord voulu laisser reposer quelques moments pour pouvoir plus à son aise en tirer des conséquences, mais qu'on a repris bientôt avec plus d'ardeur pour en faire sortir la superbe opération des assignats.
Ici je veux bien admettre pour un moment le principe pour n'examiner que les conséquences. Et d'abord quand il serait vrai de dire que les biens du clergé sont à la disposition de la nation, je crois qu'il ne s'ensuivrait pas pour cela que ces biens lui appartiennent, et qu'elle peut les détourner de leur véritable destination pour les employer à son profit. On dit aussi que les matériaux d'un édifice sont à la disposition d'un architecte; que les revenus d'un pupille sont à la disposition de son tuteur ; certains emplois d'un Etat à la disposition du ministre; on ne veut pas dire pour cela que l'architecte, le tuteur ou le ministre aient le droit de détourner à leur profit, ou pour des objets étrangers, tout ce qui est à leur disposition. Mais en supposant encore que les biens du clergé appartiennent à la nation, qu'en résultera-t-r-il ? Je soutiens, moi, qu'en vertu de ce principe même, elle ne peut ni les aliéner ni s'en servir pour acquitter la dette publique. En effet, que direz-vous d'une communauté qui, pour payer ses impôts, voudrait vendre une partie de ses propriétés, telle» par exemple, que la forêt qui sert à l'usage et au chauffage cgm-mun ? Vous verriez dans cette entreprise une injustice distributive, une atteinte manifeste portée au droit du pauvre en faveur du riche. Si les Biens du clergé appartiennent à la nation, il est évident qu'ils forment de même une propriété indivise à laquelle tous les individus ont un droit égal, et sur laquelle le riche n'a pas plus de prétentions à exercer que le pauvre ; or, en ordonnant l'aliénation de ces biens pour la dette publique, il en résulte que le pauvre fournit pour cette dette un contingent égal au riche; que le pauvre, qui ne doit rien parce qu'il n'a rien, paye autant que le riche, qui doit beaucoup parce qu'il a beaucoup. En un mot, c'est la propriété et la subsistance du pauvre que vous vendez à ladé*-charge du riche qui doit pour payer le riche à qui il est dû. Que l'on rassemble tous les pauvres du royaume, qu'on leur étale leurs droits avec vos principes, qu'ils se soulèvent ensuite ; vos décrets à la main, qu'aurez-vous à leur dire?
D'un autre côté les biens du clergé appartiennent, dites-vous, à la nation, et c'est par cette raison que vous voulez les vendre ; moi je dis que c'est par cette raison que vous ne le pouvez pas! Car si en principe ces biens appartiennent à la nation, c'est donc par la nation même que les détenteurs actuels de ces biens en sont investis. Confondez tant qu'il vous plaira le domaine avec l'Empire, il n'en est que plus certain que vous ne pouvez pas dépouiller les détenteurs actuels, s'il
est vrai qu'ils tirent tout à la fois leurs droits et de l'Empire de la nation et de son domaine. Dites dope, après cela, que ces biens sont à la disposition de la nation de 1780 qui ait pu légitimement ôter ce que la nation de 1789 avait pu légitimement donner. Voilà les notions les plus simples du bon sens ; voilà le résultat des lumières naturelles de la raison.
Si ce guide ne vous suffisait pas, il en existait, ce me semble, un autre encore plus sûr, qui devait vous entraîner. Cet instinct de l'honnêteté, ce cri clu sentiment, comment ne vous a-t-il pas attaché à la cause de ceux qui, confiant dans la justice et dans la loi, ont abandonné par générosité leur fortune personnelle à des parents pauvres, à des frères, à des amis; comment ne vous a-t-il pas intéressé à ceux que les frais indispensables de leurs établissements ont forcé à des avances considérables, à ceux qui, souvent, ont amélioré ces établissements, les ont embellis, enrichis aux dépens de leurs jouissances propres, souvent de leur patrimione ? Ces maisons qu'ils ont bâties, ces jardins, ces champs, si longtemps ornés ou cultivés de leurs mains, il faudra qu'ils les voient passer à de vils usuriers, à des banquiers, à des gens du fisc. Et ces hommes dans la décrépitude de l'âge, ces respectables vieillards, il faudra qu'ils se sentent mourir avant de quitter la vie, il faudra qu'ils renoncent pour jamais à des habitudes douces qui ont fait toute leur existence et toutes leurs délices. Les barbares qui, à diverses reprises, se sont emparés du plus grand empire de l'Asie, en respectèrent les usages et les mœurs; et vous!... oui, quelque nation de l'Europe que ce fût qui eût conquis la France, elle aurait épargné ce que vous avez détruit, elle aurait respecté ce que vous avez violé, et il eût été plus doux pour une grande pariie de vos frères de tomber dans les mains de leurs ennemis que dans les vôtres.
Vous sentez bien à présent que je pe m'arrêterai pas longtemps sur l'hypothéqué des créanciers du clergé, hypothèque qui devait du moins vous paraître sacrée ; car enfin ceux-là n'avaient pas commis le crime d'être prêtre; or, puisque toutes les lois, toutes les institutions de la terre étaient convenues de ce principe que l'hypothèque fait essentiellement partie de la proprié té, de quel droit avez-vous cru pouvoir détruire ce que la justice de toutes les nations avait consacré? Quel était donc le tort de ces honnêtes propriétaires des provinces, de ces hommes si respectables qui, sur la foi des lois, étaient venus placer le produit de leur économie, de leurs travaux, de leur industrie, non pas à un intérêt souvent usuraire comme une partie des créanciers publics, mais au taux le plus faible, le plus modéré ; par quel crime de leur part prétendez-vous aujourd'hui leur ôter une hypothèque qu'ils ont achetée par des sacrifices? par quel crime de leur part, ces véritables bienfaiteurs de la patrie vont-ils se trouver les derniers dans le remboursement des créances de l'Etat, tandis que les hommes avides, tandis que ceux qui se sont enrichis de la ruine publique, sont ceux que vos spéculations ont embrassés les premiers? C'est que, dans toutes vos opérations fiscales, insensibles aux principes de l'équité, vous n'avez jamais été touchés que de ce qui vous a paru profitable, vous avez pesé vos intérêts, vous avez mesuré vos forces, jamais la justice. Encore si, courbés sous le faix des événements comme Atlas sous le poids du monde, on voyait que vous ne faites que céder à l'empire irrésistible de la nécessité, et que vous donnez du moins des larmes aux
malheurs que cette nécessité vous commande, l'Europe, attentive à tous vos mouvements, pourrait compâtir à votre sort et honorer du moins vos intentions et votre bienveillance; mais accumuler par plaisir des maux inutiles, dévêtir vos semblables et insulter ensuite à leur nudité, affecter un air sardonique et je ne sais quel sentiment de complaisance au milieu des émanations homicides de votre puissance, quel effet attendez-vous dans l'estime des hommes d'un système de conduite aussi bizarre et aussi dénaturée?
Des conséquences que vous avez tirées passons actuellement au principe même. Les biens du clergé, dites-vous, sont à la disposition de ia nation; je veux le croire, mais dans quel sens?Ces biens, comme vous ne pouvez l'ignorer, ont été donnés à divers établissements dont l'existence, subordonnée au consentement de la nation, ne peut se conserver sans elle. Aussi dès que la nation retirera son consentement, il faudra bien que l'établissement s'anéantisse, et que les biens de cet établissement, se trouvant sans maître, soient dès ce moment à la disposition de la nation, ne fût-ce que par droit d'épave ou de déshérence. Mais alors en doit-elle disposer pour épargner aux propriétaires des impôts qui sont à leur charge, ou doit-elle les employer à des institutions en faveur des pauvres, à des objets analogues aux premières intentions des donateurs? Je veux bien ne pas entrer dans cette question; cependant je ne pourrai m'empêcherde remarquer, comme une inconséquence de votre part, de ne pas détruire certains de ces établissements et de vous emparer de leurs biens, délaisser subsister, par exemple, une partie des évêques et des éyêches, et d® vous saisir de leur patrimoine. Gomment, des titulaires que vous conservez et que vous dépossédez! des hommes vivants auxquels vous succédez 1 et vous appelez cela une révolution! Ah, je le crois! c'en est une très grande, surtout dans les principes de délicatesse et d'équité (1).
Ç'est ainsi qu'escortés de sophismes et d'illusions de toute espèce, vous avez marché vers le terme de vos espérances; et malheureusement encore vous avez manqué votre but. Quatre cents millions de papier-monnaie, et de papier monnaie portant intérêt! L'exposé seul de cette opération présente des idées inconciliables. Si ce papier avait une base solide, pourquoi en faire du papier-monnaie? s'il n'avait point de base, ou s'il en avait une mauvaise, pourquoi opérer la ruine de toutes les créances particulières en faveur de la créance publique? Etait-il bien nécessaire de parer le coup qui menaçait les courtiers du lise pour le diriger sur les propriétaires seuls des provinces, et de vous emparer tout de suite de l'honneur de mille banqueroutes frauduleuses pour vous éviter le malheur de mille banqueroutes frauduleuses pour vous éviter le malheur d'une banqueroute forcée? N'était-ce pas dans tous les sens la plus odieuse, la plus détestable de toutes les opérations financières ?
Le papier-monnaie portant intérêt! Comment deux monnaies en France ; une qui porte intérêt; et l'autre qui n'en porte pas 1 N'est-il pas évident
qu'à conliance égale l'une devrait nécessairement anéantir l'autre? Mais quel a donc été votre but? Vous vouliez, disiez-vous, augmenter le numéraire ; et vous créez les appâts d'un intérêt assez fort pour en arrêter la circulation, vous décrétez une prime contre cette circulation. D'un autre côté, avez-vous songé qu'en augmentant la quantité du numéraire, vous faisiez, par là même, hausser le prix des deniers; et aviez-vous bien calculé l'influence que cette augmentation subite aurait sur le salaire des ouvriers, sur le commerce et sur les manufactures ?
Des assignats sur les biens du clergé I Mais vous deviez vous apercevoir que c'était une opération déjà manquée, et que vous ne faisiez que renouveler avec moins d'avantage... Gar les premiers offraient 5 0/0 d'intérêt, et ceux-cin'en portent que trois; or, lés premiers étaient libres avec un gros intérêt et personne n'en voulait; ceux-ci seront forcés avec un modique intérêt, et tout le monde courra après. — Oui ; mais le clergé alors n'était pas entièrement exproprié. — Dites plutôt que c'est vous-mêmes qui l'êtes; car s'il est démontré que l'administration de vos 48,000 municipalités et de vos 300 districts ne vous rendra jamais ia dixième partie des salaires que vous avez fixés, s'il est démontré que vos nouvelles administrations, substituées tout à coup à l'ancienne, seraient encore une opération vicieuse, à ne supposer que de l'incurie, et sans compter môme le gaspillage et les déprédations inévitables dans de3 gestions de Gette espèce, quel effet pouvez-vous attendre d'une expropriation qui, au lieu de vous enrichir, vous a évidemment appauvris? car c'est là, n'en doutez pas, la règle invariable du crédit; et vous deviez bien vous attendre qu'avant de s'appuyer sur cette base, elle serait scrupuleusement sondée. Qu'est-ce donc que cette expropriation que vous prônez I cette expropriation inutile, cet acte d'une éminente injustice, qui a relâché tous les liens de la propriété I Et c'est cet acte scandaleux qui vous a paru plus attrayant pour la confiance que l'offre qui vous était si loyalement et si généreusement faite.
Quatre cents millions de papier-monnaie! Lorsque vous avez en dettes, actuellement exigibles, plusd'unmilliardà acquitter, qu'avez-vous attendu d'une opération aussi partielle? comment n'avez-vous pas vu que tant qu'il restera un gouffre immense qui ne sera pas rempli, l'imagination s'effrayera sans cesse de cegouffre, et que la confiance se gardera bien d'aller se placer sur ses bords? Gomment n'avez-vous pas vu que les milliards qui vous restent à acquitter repoussaient sans cesse le crédit pour les 400 millions que vous vouliez créer? Gomment n'avez-vous pas appris, par votre propre expérience, que c'est en croquant toutes vos opérations de finance que vous les avez toujours manquées? Ou vous voit comme des enfants dans les tenèbres, qui tournent sans cesse autour du but sans pouvoir l'atteindre, ou qui le dépassent sans le connaître; et vous voulez que la confiance publique se compose de votre propre timidité ; et c'est votre ignorance que vous nous donnez pour flambeau.
Enfin j'ai dit qu'une des grandes injustices de cette opération, c'est que vous faisiez retomber sur les propriétaires toutes les pertes dont vous vouliez préserver les hommes de finance. Gela n'est pas difficile à expliquer. Vous avez vu qu'un agent du fisc a reçu le capital de sa créance en papier-monnaie, n en aura acquitté, dès ce moment, toutes ses dettes, si cela lui a fait plaisir. Je dis, si cela lui a fait plaisir, car ici toutes les
chances sont en sa faveur contre son créancier. Si le papier est en hausse, si, pour 1,000 livres ds papier, il peut acheter pour 1,200 livres d'écus, il est clair qu'il payera alors en écus plutôt qu'en papier. Si le papier, au contraire, s'avilit, s'il s'avilit même au point de s'anéantir, non seulement il a pu s'acquitter au pair avec son papier, mais même si le capital qu'il a reçu en papier ne lui suffit pas avec une petite somme en écus, il achètera sur la place une forte somme en papier, avec laquelle il éteindra toutes ses dettes, et ruinera tous ses créanciers. Au moment où vous avez rendu votre décret, vous avez pensé aux créanciers du fisc; mais vous n'avez sûrement pas pensé à la position cruelle de tous les créanciers du royaume; de tous les propriétaires qui ont consenti des baux à ferme; de tous ceux qui ont fait des ventes de fonds, ou de grandes avances en argent ou en marchandises.
Vous n'avez pas pensé au coup terrible que vous alliez porter à la bonne foi et aux mœurs ; aux désordres que vous alliez introduire dans tous les marchés, dans toutes les fortunes. Cette opération vous a été conseillée; mais par qui? par des spéculateurs en état de faillite, des capitalistes obérés, ou peut-être encore par d'infâmes agioteurs, espèce d'hommes toujours attirés par l'odeur de la ruine publique. Ainsi vous voyez que votre papier perdant circulera nécessairement de créance en créance, jusqu'à la dernière, et que ce n'est qu'à ce point d'arrêt qu'il pourra servir à acheter des biens du clergé; car si le dernier créancier, porteur de ce papier, ne trouve pas le moyen de le faire passer aux impositions publiques, il faudra bien qu'il prenne ce parti; mais alors il est évident qu'il supportera en perte toute la différence qui se trouvera entre la valeur nominative de son papier et sa valeur réelle; car, si un bien, par exemple, peut s'acheter 20,000 francs en papier, et que je puisse me le procurer par le moyen de 10,000 francs en écus, la perte du dernier créancier, qui est forcé à devenir acheteur, est évidemment de moitié. Si, au contraire, il peut faire passer ce papier dans les impositions, il en arrivera de toutes les parties du royaume; toutes les caisses seront engorgées, tous les services de détail suspendus, et la machine politique menacée d'une dissolution entière.
Ce que vous venez de voir dans une espèce particulière était facile à apercevoir dans toutes. Comment n'avez-vous pas vu, dans tous les marchés, le vendeur voulant être soldé en écus, et l'acheteur ne voulant payer qu'en papier? Comment n'avez-vous pas vu la confiance, dans toutes les lettres de change, altérée du moment que le débiteur serait le maître de les solder avec celle des deux monnaies qui se trouverait perdante à leur échéance? Comment n'avez-vous pas vu l'intérêt de l'argent s'élever à un taux immodéré ; toutes les fortunes exposées à des jeux de hausse et de baisse; tous les mouvements vivifiants du commerce et de l'industrie, remplacés par les spéculations désastreuses de la cupidité et de l'agiotage; en un mot, tout le numéraire s'enfuyant à l'étranger, une misère générale et une désolation profonde?
J'ai assez parlé de vos fautes, il serait temps que je m'occupasse de vos ressources. Dans le nombre de ces ressources vous avez vu que je ne compte en aucune manière le papier-monnaie, parce que je le regarde en effet, sous quelque forme qu'on le présente, comme le plus grand fléau que le génie fiscal des nations ait pu in-
venter. Et d'abord vous avez pu vous convaincre que le papier-monnaie avec intérêt est une absurdité, puisque, en supposant qu'il ait de la confiance, il est organisé de manière à s'opposer de sa propre circulation ; et qu'à supposer qu'il n'en ait pas, il a tous les autres défauts du papier-monnaie et, de plus, celui d'aggraver sans cesse, par l'accumulation des intérêts, le fardeau de la dette (1).
Le papier-monnaie sans intérêt me paraît beaucoup moins absurde ; et quand même il serait aussi mauvais pour le corps de la nation, il est toujours bien moins onéreux pour le gouvernement, puisqu'en faisant semblant de payer et ne payant pas du tout, il se trouve néanmoins qu'au bout d'un certain temps, quand il faut payer réellement, on a gagné tous les intérêts.
Entre tous les papiers possibles, je ne vois donc que celui d'une banque qui puisse offrir de grandes ressources dans de certaines circonstances et dans des gouvernements stables (2). Mais dans un gouvernement nouveau, dans un gouvernement ou des mains malhabiles ou malveillantes n'ont su faire, jusqu'à présent, que de larges et profondes blessures; dans un gouvernement où l'on a armé tous les intérêts, et où il n'existe aucune force pour les contenir; dans un moment de désorganisation générale, où des classes puissantes nourrissent encore des espérances ennemies ou divergentes, et où la moindre commotion, soit extérieure, soit intérieure, suffi-
sait pour tout plonger dans l'abîme et dans le néant ; à quoi servirait toute espèce de papier, à quoi servirait même toute espèce de projet partiel et isolé, qu'à nous approcher davantage de notre ruine, et ajouter encore de nouvelles calamités à nos anciennes calamités.
Il faut le dire, dans l'état actuel des choses, on ne peut se dissimuler que des projets de celte espérance seront toujours nuls et insuffisants : ils seront toujours nuls dans la position actuelle du roi, dans ^organisation actuelle du Corps législatif, dans la situation actuelle des milices nationales et de l'armée; ils seront toujours nuls dans l'éréthisme violent de toutes les têtes, dans l'insurrection générale qu'on a excitée dans toutes les classes des citoyens;il seront toujours nuls tant que la confiance, la douce confiance, verra toujours nos décrets abreuvés de fiel et baignés de larmes ; en un mot, il seront toujours nuls jusqu'à une revision amiable de toutes les choses (1), une recomposition des bons principes, une réconciliation de toutes les volontés et de tous les esprits. Car voilà la premiète base qu'on doit poser; sans celte base, toutes les autres crouleront faute d'appui ; sans cette base, il n'est plus d'espoir et de salut pour la chose publique.
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin.
, secrétaire, lit le procès-verbal de la séance d'hier dimanche.
donne lecture du procès-verbal de la séance du samedi au soir, 25 septembre.
Ces procès-verbaux sont adoptés.
, secrétaire, fait lecture de la note des expéditions en parchemin, pour être déposées dans les archives de l'Assemblée nationale, ainsi qu'il suit :
« 1° De lettres patentes sur un décret du 13 juillet dernier, relatif à la perception du droit de péage et pontonage, au Quesuoy, département du Nord ;
« 2° De lettres patentes sur le décret du 13 ^oftt, relatif à la suppression de diverses places, et des menues dépenses concernant les monnaies ;
« 3" D'une proclamation sur le décret du même jour, qui supprime divers traitements,
gratifications et dépenses, décharge le Trésor public de quelques autres, et porte que le
ministre de l'intérieur et le ministre des hnauces se feront fournir, quand ils auront des
courses nécessaires, des courriers et des chevaux par la poste ;
« 5° D une proclamation sur le décret du 16, portant réduction des dépenses de l'administration générale des domaines, et suppression des contrôleurs généraux des domaines ;
« 6" D'une proclamation sur le décret du 18, par lequel l'Assemblée déclare vendre à la municipalité d'Orléans le moulin foulon, situé sur la chaussée de la rivière du Loiret ;
« 7° D'une proclamation sur le décret du 20, concernant les académies ;
« 8° Daune proclamation sur le décret du 23, concernant M. l'abbé Perrotin, dit de Barmont.
9° D'une proclamation sur le décret du 24, concernant l'exécution dans les départements qui se partagent l'ancienne consistance de la ci-devant province de Lorraine et Bar, de celui du 28 novembre 1790, sanctionné par le roi, et de la proclamation du 14 février 1790, pour l'imposition des biens au lieu de leur situation ;
« 10° D'une proclamation sur les décrets des 22, 23, 24 et 26, concernant les postes et messageries ;
« 11° D'une proclamation sur le décret du 26, relatif à des pétitions formées par des députés extraordinaires des municipalités de Tulle et d'Uzerche, et à une dénonciation faite par le procureur du roi de la maréchaussée de 111110 ;
« 12° De lettres patentes sur le même décret;
« 13° D'une proclamation sur le décret du 28, conteuant aliénation, à la commune de Paris, des domaines nationaux y mentionnés ;
« 14° De lettres patentes sur le décret du 29, portant réformation de l'article 10 du décret du 26 juillet précédent, relatif au droit de propriété et voirie sur les chemins publics ;
« 15° D'une proclamation du décret du même jour, relatif au payement, tant des invalides pour la présente année, que des personnes portées daus l'état des gratifications annuelles, assignées sur les fonds de la loterie royale pour l'année 1788;
« 16° De lettres patentes sur le décret; du 31, concernant la continuation jusqu'au 31 septembre suivant, du travail des commissaires intermédiaires, nommés par les anciens Etats de Bretagne, relatif aux impositions de 1790 ;
a 17° De lettres patentes sur le décret du môme jour, concernant les ateliers de secours à former, soit dans la ville de Paris et sa banlieue, soit dans différents départements;
« 18° D'une proclamation sur les décrets des 26 janvier et !•» de ce mois, par lesquels l'Assemblée nationale déclare qu'aucun de ses membres ne peut accepter du gouvernement, pendant la durée de cette session, aucune place, don» pension, traitement ou emploi ;
« 19° D'une proclamation sur le déq^et du 3 du présent mois, qui réduit provisoirement la dépense de la bibliothèque du roj, et celle de l'observatoire ;
« 20° D'une proclamation sur le décret du même jour, relatif à la détention des sieurs Pillau et Saillard, dans les prions de Salins ;
« 21° D'une proclamation sur le décret du même
jour, portant que la juridiction des prudhommes établie à Marseille et à Toulon, subsistera provisoirement;
« 22 D'une proclamation sur le décret du 4, portant qu'il y a lieu à accusation contre M. Ri-quetti le jeune;
« 23° D'une proclamation sur le décret du même jour, qui renvoie le sieur Eggss à se pourvoir au Gbâtelet de Paris sur sa demande en élargissement;
« 24° D'une proclamation sur le décret du même jour, relatif aux sommes payées ou accordées, tant au collège de Louis-le-Grand, qu'aux divers collèges et universités des provinces, écoles d'é-quitation, école gratuite de dessin à Paris;
« 25° D'une proclamation sur le décret du même jour, portant que le tribunal indiqué dans la ville de Gondrecourt, sera placé dans celle de Vaucou-leurs, et que la première conservera le district ;
. 26° D'une proclamation sur le décret du même jour, portant que les deux municipalités dont la ville de Tonneins est composée, seront réunies en une seule ;
« 27° D'une proclamation sur le décret du même jour, portant que la ville de Lassay est le siège du tribunal de district, fixé à Vilaine;
« 28° D'une proclamation sur le décret du même jour, portant que la ville de Toulon est le siège du directoire du département du Var;
« 29° D'une proclamation sur le décret du même jour, portant que le bailliage de Nancy continuera ses informations sur les attentats commis dans la journée du 31 août dernier ;
« 30° D'une proclamation sur le décret du 6, portant que le conseil doit statuer, jusques à jugement définitif, sur toutes les instances sur le fait de's postes et messageries qui y étaient pendantes avant la publication du décret du 9 juillet ; dernier ;
« 31° D'une proclamation sur le décret du même jour, qui déclare valables quelques élections, et contient diverses dispositions pour accélérer les élections relatives à la municipalité de Paris;
« 32° D'une proclamation sur le décret du 7, portant qu'il sera ordonné aux tribunaux d'informer contre les quidams qui ont fait le jeudi 2 septembre, des motions d'assassinats sous les fenêtres de l'Assemblée, et aux officiers municipaux de Paris de veiller soigneusement au maintien de l'ordre;
« 33° D'une proclamation sur le décret du même jour, portant que pour procéder à l'élection des juges de district, les électeurs s'assembleront dans les villes où les tribunaux sont placés;
« 34° D'une proclamation sur le décret du même jour, concernant les pièces de canon qui sont dans ce moment-ci à la disposition de la garde nationale de Nîmes, et le maintien de la tranquillité de cette ville ;
« 35° D'une proclamation sur le décret du même jour, portant que les électeurs du district de Vervins, départemeut de l'Aisne, se réuniront à Marie pour l'élection des juges ;
« 36° D'une proclamation sur le décret du même jour, relatif aux assemblées tenues dans le château de Jalley, et portant que le roi sera supplié de donner des ordlres pour qu'il soit informé contre les auteurs, fauteurs et instigateurs
des arrêtés inconstitutionnels contenus au procès-verbal de ces assemblées ;
« 37° D'une proclamation sur le décret du même jour, relatif aux événements arrivés à Saint-Etienne-en-Forez, et spécialement à l'assassinat commis en la personne du sieur de Berthéas ;
« 38° D'une proclamation sur le décret du 9, portant que Privas est définitivement chef-lieu au département de l'Ardèche ;
« 39° D'une proclamation sur le décret du même jour, portant que les protestants de la confession d'Ausbourg, domiciliés dans les terres de Blamont, Glémont, Héricourt et Ghâtelot, y jouiront de l'exercice public de leur culte;
« 40° D'une proclamation sur le décret du même jour, concernant les deux corps de l'artillerie et du génie, et le corps des mineurs et les sapeurs;
« 41° D'une proclamation sur le décret du même jour, portant que la ville de Montivilliers est définitivement le siège de l'adminisfration du district ;
« 42° D'une proclamation sur le décret du même jour, portant que le roi sera prié de donner des ordres au Gnâtelet de Paris, d'informer dans le jour contre le sieur Henri Gordon, ci-devaut comte de Lyon, comme prévenu d'un plan de conspiration contre la liberté publique, et coutre les auteurs, fauteurs, complices et adhérents dudit plan;
« 43° D'une proclamation sur le décret du 11, portant que Goutances est définitivement le siège de l'administration du département de la Manche;
« 44° D'une proclamation sur le décret du même jour, concernant le sieur Trouard, ci-devant de Riolles ;
« 45° D'une proclamation sur le décret du même jour, portant que Rodez est définitivement chef-lieu du département de l'Aveyrou ;
« 46° D'une proclamation sur le décret du même jour, portant que les citoyens actifs de Saint-Pargoire et de Gessenon se réuniront en assemblées primaires pour nommer des électeurs ;
« 47° D'une proclamation sur le décret du 12, concernant le régiment du Guienne ;
« 48° D'une proclamation sur le décret du 14, portant que le uirectoire du département du Gard et celui du district de Nîmes rentreront dans le droit de requérir les troupes réglées et les gardes nationales, pour l'entier rétablissement de la tranquillité publique dans la ville de Nîmes;
« 49° D'une proclamation sur le décret du 18, concernant les incursions à main armée qui ont été faites dans le grand parc de Versailles ;
« 50° D'une proclamation sur le décret du 19, rendu à l'occasion des démarches qui ont été faites, à Ruel et à Gourbevoie, vers le corps des gardes-suisses ;
« 51° Et enfin, d'une proclamation sur le décret du même jour, rendu à l'occasion d'une difficulté relative aux comptes du régiment de Sois-sonnais.
« Paris, le 25 Septembre 1790.»
L'envoi des décrets souffre toujours des retards malgré les soins que le comité,
que vous avez nommé à cet effet, apporte dans la suveîllance de cet envoi, afin que les municipalités les reçoivent à temps et heure.
Pour lever toutes les difficultés, j'ai l'honneur de vous proposer de rendre un nouveau décret dont voici les termes :
« Art. ler L'Assemblée nationale décrète que le garde des
sceaux et tous les ministres du roi feront, jour par jour, parvenir au comité des décrets, un
avis ou attestation signée par eux, et datée, contenant que tel jour, tel ou tels décrets ont
été envoyés aux directoires des départements.
« Art. 2. Le garde des sceaux et les autres ministres du roi, chacun en ce qui les concerne, seront tenus, conformément aux décrets du mois de novembre 1789 et juillet 1790, ainsi que du présent, de remettre sans délai, au comité des décrets, les certificats de réception s qui leur auront été adressés par les différents départements, à fur et mesure qu'ils leur seront parvenus.
« Pour rendre les certificats de réception uniformes, le modèle suivant sera joint au premier envoi de décrets :
Certificat de réception.
« Département de ou district de ou municipalité de
Nous soussignés avons reçucejourd'hui le ou le3 décrets contenant que
Fait à le du mois de 179 .
Signé :
« Art.3. Le présent décret sera présenté aujourd'hui à la sanction, et commencera d'avoir son exécution dès le moment- qu'il aura été sanctionné. »
Je crois qu'il vaudrait mieux établir un mode direct de correspon-dau ce entre K s ministres et les municipalités. L'envoi et l'exécution des décrets sont du domaine du pouvoir exécutif et non du domaine de vos comités. Je crois donc qu'il y a lieu de renvoyer au comité de Constitution lexamen de la proposition de M. Bouche.
(Cette motion cet adoptée.)
demande que le président du comité de liquidation soit autorisé à écrire aux présidents des assemblées coloniales pour faire connaître aux colons que la métropole fait et fera les plus grands sacrifices pour entretenir l'harmonie qui doit régner entre les différentes parties de ce vaste Empire.
(Cette autorisation est immédiatement accordée.)
donne ensuite lecture d'une lettre du ministre de la mariné, qui, pour remplir les vues de l'Assemblée nationale, lait connaître la situation des finances de la Martinique et des autres villes qui en dépendent, sur les exercices de 1789 et 1790, en observant que les exercices antérieurs à ces deux années so nt soldés.
L'ordre du jour est la suite de la discussion sur le mode de liquidation de lu dette publique.
,all d'Abbecourt (1). Messieurs, en rendant hommage aux grands talents des orateurs qui ont discuté l'oDjet important qui nous occupe aujourd'hui, je ne me permet, trai pas d'abuser de vos moments précieux, si, après un examen réfléchi sur une partie de ce qui a été dit dans cette tribune, je ne trouvais dans mon opinion de nouvelles considérations à vous présenter.
Je ne m'écarterai jamais des bornes du respect qui est dû. à l'Assemblée des représentants de la nation ; mais nous avons tous un devoir sacré et indispensable à remplir : celui de servir la patrie, de dire librement son opinion ; rien ne doit nous effrayer, que les malheurs publics. La crise où nous trouvons est affligeante: la perspective de l'avenir est, sans contredit, très alarmante; mais le salut de la chose publique n'est pas désespéré. Nous pouvons encore, nous devons réparer ce qu'un zèle aigri par une fatalité de circonstances, par l'esprit ide contradiction, nous a fait faire souvent contre nos intentions.
L'intérêt du parti que nous prendrons, le moyen de le faire réussir, c'est l'unanimité dans une délibération aussi importante.
Un collègue aussi vertueux qu'estimable (M.Oel-ley d'Agier) nous apréseuté des bases consolantes sur l'imposition. Mais, Messieurs, la première et la plus essentielle est la paix et la tranquillité publiques : c'est l'échafaudage de la Constitution. Que nos ennemis frémissent de rage en voyant l'union et l'harmonie s'établir parmi nous ; que ces mots d'aristocrates, de démocrates, que le vulgaire ignorant prononce sans en sentir le sens, soient bannis de notre langue, comme inconstitutionnels.
N'ayons tous qu'un même esprit, une même âme ; que nous tendions tous au même but et par le même chemin ; que la majorité et la minorité ne se distinguent plus par cette ligue de division qui sera la perte de la France. Songeons, Messieurs, que notre malheureuse patrie attend sa destinée de nos décisions. Songeons que nos concitoyens partagent nos sentiments qu'ils ne connaissent en nous que les pères de la patrie. Songeons que nous sommes tous Français, enfants (Tune même famille, réunis pour corriger les abus, ainsi que pour le salut et le bonheur de la nation française.
Devenons un spectacle imposant pour la nation, pour l'Europe entière qui a les yeux fixés sur nous ; méritons le respect du peuple par la dignité de nos délibérations. La première soumission aux lois que nous aurons dictées, les peuples à l'euvi inviteront l'exemple des législateurs, ils payeront l'impôt. Tel sera le premier gage et l'hypothèque des assignats, que, dans la nécessité des circonstances, nous penserons devoir créer. Tout dépend de la confiance ; si elle est détruite, hâtons-nous de la rétablir. Songeons, Messieurs, que des législateurs et des réformateurs doivent être sans passions, comme la loi qu'ils prononcent. Si nous corrigeons avec sévérité les abus, notre sensibilité/doit plaindre et consoler les victimes de nos réformes.
Que l'on grave sur la porte de cette salle cette maxime,: telle qu'elle doit être daus nos cœurs :
« Le salut de la patrie nous a réunis,nos concitoyens nous ont honoré de leur confiance. »
Songeons, Messieurs, quenous avons été envoyés pour donner à la France une sage Constitution; mais non pas, je le pense au moins, pour jouer la fortune ae nos citoyens par une opération qui n'est pas du ressort du législateur. Ou la majorité des Français répugne à ce projet, ou elle l'adopte ; c'est ce que nous devions connaître en les engageant à faire ce qu'ont fait les sections de Paris et quelques villes de commerce. Mais à force de dire que le temps nous pressait, il est devenu si insistant qu'il faut définitivement prendre son parti.
Considérons, Messieurs, qu'est-ce qui nous a amenés au point où nous en sommes?
Le papier-inonnaiè qui circule en ce moment-ci ; la dette nouvelle occasionnée par la suppression de la vénalité des charges, et la justice du remboursement après leur extinction.
La dette exigible, enfin, connue sous le nom d'anticipations.
Suivons lu progression de nos maux.
Une augmentation de dépenses,le défaut de perception des impôts de 1790, le désir de nous libérer des 170 millions que la nation devait à la caisse d'escompte, nous ont déterminés à créer pour 400 millions d'assignats ; et aujourd'hui l'on nous propose d'en créer pour deux milliards 1
Je vais parcourir rapidement toutes ces considérations, ët je pose pour principe que l'origine de tous nos maux est due à la caisse d'escompte. La facilité avec laquellêelle s'est prêtée aux opérations ministérielles, auxquelles elle servait de ressources et d'aliment nous a précipités dans l'abîme où nous gémissons.
Sans cette facilité de créer une monnaie fictive et idéale qui ne cessera.de l'être que par le système que j'aurai l'honneur de vous proposer, si au lieu d'errer dans la métaphysique de l'agiotage, nous eussions fait au mois d'avril une opération un peu sévère, mais qui nous sauvait.
Alors l'inertie de toutes les affaires n'existait que parce que le plus grand nombre des
affaires ne se payait qu'en billets décaissé ; que pour les réaliser, on était, ainsi que
l'on est aujourd'hui, la victime d'une usure aussi scandaleuse que dévorante. Pour cicatriser
cette plaie mortelle du corps politique, il n'y avait qu'un moyen : rendre papier mort cette
monnaie fictive, et ne lui don^ ner pour débouché que la vente des biens nationaux. Huit
jours après, les besoins journaliers auraient fait reparaître le numéraire; le billet noir
Pour n'avoir pas coupé dans le vif une maladie active, nous avons étendu dans les provinces un embarras qui n'était concentré que dans Ja capitale. Nous avons décrété l'émission de 400 millions d'assignats; celte dangereuse facilité de se créer des ressources a retardé l'organisation des finances: pendant ce laps de temps, le numéraire a disparu, le contribuable s'est accoutumé à ne plus payer l'impôt, et, pour remédiera ce mal qui nous presse de toutes parts, on nous propose encore de créer pour 2 milliards d'assignats !
Je demande à interrompre ua instant l'orateur pour une courte observation. Le désir de parler le plus tôt possible a porté plusieurs membres à s inscrire sur la liste où leur tour devait être le plus proche. Puisque M. de. Coulmiers parle contre, je demande qu on entende tout de suite un opinant pour.
Je me propose de parler sur, pour et contre la proposition de M. de Mirabeau. En conséquence, on doit me maintenir la parole. (On Ht beaucoup).
consulte l'Assemblée qui décide que M. de Coulmiers continuera son discours.
En vain, un de nos plus célèbres orateurs (1) nous a dit, dans la séance du 27 août, que la création de 400 millions d'assignats eut tout le succès annoncé par ceux- qui l'avaient conçu, et que la chose publique était alors sortie de l'état de détresse qui nous menaçait d'une ruine prochaine.
Je vous le demande, Messieurs, si cette hardie assertion s'est réalisée : non, nous ne sommes pas sortis de cet abîme; nous nous y sommes de plus en plus plongés; et l'orateur a mal chosi son instant pour nous débiter cette consolante annonce.
Les conspirateurs de la rue Yivienne, qui font à leur gré hausser ou baisser l'usure, ayant donné le projet de cette fabrication, et calculant le profit qu'elle devait rapporter, avaient fait monter l'échange du billet ae la caisse d'escompte à 10 0/0. Maîtres de tempérer cet agiotage, le fléau du peuple, calculé sur les besoins journaliers du citoyen, ils tirent baisser, le lendemain de la création des 400 millions, cet agiotage à 4 0/0 ; et cette modification qui, dans d'autre temps, eut été traitée d'attentat, parut être un allégement qui ne fut pas de longue durée,puisque aujourd'hui,à l'heure que j'ai l'honneur de vous parler, l'argent s'achète ô et 1/2 0/0, sans la perte de l'intérêt de 3 0/0 de première création.
Ainsi, de vils capitalistes volent par minute un intérêt qu'il y a trois anson eût appelé usuraire, s'il eût porté sur des capitaux prêtés pour une année.
Tels sont cependant, Messieurs, les effets d'une opération qui fit, vous dit-on, sortir la
chose publique de l'état de détresse qui vous menaçait d'une ruine prochaine. Mais, je vous
le demande, cette ruine est-elle moins prochaine ? La question que nous agitons est-elle un
indice de prospérité ? Et si le succès que l'on doit en attendre, n'est que celui qui nous
est présagé par la première émission ae quatre cents millions, que devien-
A-t-on bien" calculé la perte que supporte le commerçant, le manufacturier à la fin de chaque semaine, quand il faut payer les ouvriers, et qu'il n'a reçu en payement que des billets, qu'il faut qu'il achète de l'argent à un intérêt aussi odieux qu'usuraire pour acquitter ses obligations journalières ? Y a-t-il un impôt comparable à celui-là? Je ne considère que le citoyen d'une fortune bornée et médiocre; le capitaliste aisé peut faire des sacrifices; il peut, s'il le veut, garder ses billets; mais quelles consolations présenterons-nous à cet ouvrier qui gémit, et c'est malheureusement la classe la plus nombreuse ?
Faisons, Messieurs, une réflexion qui n'a pu vous échapper. Un particulier, porteur d'une ordonnance de 3,000 livres, se présente au Trésor royal ; on le paye en billets de la caisse d'escompte ou en assignats. Il faut qu'il commence par acquitter en argent l'intérêt échu le jour du payement, qui aujourd'hui se monterait à 39 livres 5 sous. Cependant, remarquez, je vous prie, que la caisse d'escompte n'a fait aucun déboursé en espèces, puisque le payement ne se fait qu'en billets sortant souvent de la presse, qui a tout au plus coûté un sou ou deux de déboursé, tant pour le papier que pour la façon.
Calculez, je vous prie, le profit que fait le Trésor royal ou ia caisse d'escompte sur cet impôt provenant de la première émission, et suivons le billet dans sa course ou circulation. ;
Il faut convertir ce billet en argent, ce qui est indispensable, comme je l'ai dit, pour les manufacturiers qui ont des ouvriers à payer eti détail. Au taux où l'on achète aujourd'hui l'argent, il sera eocore obligé de supporter une nouvelle perte de 5 0/0, qui, pour les 3,000 livres, feront 160 livres, qui, réunies avec les 39 livres 5 sous déjà payés, forment pour lui une perte réelle de 199 livres 5 sous.
Gomment est-il possible que le commerce se soutienne avec de pareilles opérations ?
Le même billet sorti du Trésor royal peut, par une suite d'opérations faciles à présumer, rentrer une heure après dans le Trésor pour servir à acquitter un second payement; et, par une circulation très naturelle, rentrer et sortir plusieurs fois par jour avec le même bénéfice pour le Trésor royal ou la caisse d'escompte, et une perte égale pour ceux qui vont chercher le montant de leurs obligations. On peut comparer ces deux caisses qui opèrent ensemble à des pompes foulantes et aspirantes, qui pompent notre numéraire, pour ne nous renvoyer que de ces odieux billets, aliment de l'agiotage.
Le calcul de l'impôt qui reflue sur le peuple par cette opération, est trop effrayant pour être détaillé; il pourrait être soupçonné dexagération. Il est toujours très prudent de ne pas effrayer le malade, quand on a l'espoir de le guérir.
Une autre considération non moins importante : une émissi9n aussi considérable de monnaie fictive occasionnait nécessairement une augmentation de 25 0/0 sur toutes les marchandises ; ce qui serait un surcroît de malheurs pour le peuple, qui nous a honorés de sa confiance et à qui nous n'avons cessé de promettre un avenir heureux.
L'on vous propose le remboursement des charges eu assignats.
Ce serait la plus cruelle des injustices de créer dea assiguats qui . seront sujets à toutes les vi-
cissitudes de l'agiotage, pour rembourser des charges qui ont été payées comptant, dont ou a également payé comptant les droits du marc d'or et centième denier ; charges qui,sous l'ancien régime, étaient soumises à toutes les vexations ministérielles: elles étaient devenues les réservoirs des taxes arbitraires.
Par cette opération, vous culbuteriez toutes les fortunes; ceux qui n'avaient pas des fonds pour liquider leurs offices ont emprunté; ils ont passé des contrats à 5 0/0 d'intérêt: ils rembourseraient avec les assignats qu'ils auraient reçus en payement, qui pourraient perdre moitié sur la place. Si l'on place les assignats sur les domaines nationaux, on sait que les propriétés territoriales nesontquede21/2Q/0; donc il v aurait une perte de moitié pour les prêteurs. Il est donc.de la . plus rigoureUse justice de rembourser strictement, ' et en effets d'une valeur réelle et assurée, les titulaires de places ou Offices supprimés : agir autrement, ne nous le dissimulons pas, c'est faire banqueroute.
Il nous faudra nous occuper, pour ce remboursement, d'un mode qui exclue l'agiotage.
J'admets, Messieurs, pour un moment, l'opération proposée. Connaissons-nous le véritable gage de l'émission de deux milliards d'assignats? L'irria-gination exaltée nous a représenté les propriétés du clergé comme une mine inépuisable où iàraient se perdre et se confondre toutes les dettes de l'Etat.
Cette idée serait bien consolante. Je pense même que si la chose était ainsi, les anciens titulaires du ci-devant clergé auraient assez de patriotisme pour se consoler des sacrifices exigés par la nécessité des circonstances, en pensant qu'ils ont sauvé la patrie du danger qui la menaçait. C'est, sans contredit, une grande, jouissance pour tout citoyen qui ne calcule que le bien et l'avantagé général ; mais, Messieurs, d'après un aperçu fondé sur des recherches et des bases à peu près exactes, j'ai reconnu que les propriétés du clergé ne montaient qu'à deux milliards, depuis la suppression des dîmes.
Vous avez sagement décrété, et pour l'avantage de la France, que les bois ne seraient vendus que jusqu'à une certaine concurrence ; cé qui diminuera la vente d'un quart au moins; reste doncl,500 millions. Les droits féodaux supprimés et autres objets de ce genre peuvent être, sans exagération, évalués à 200 millions.
Vous avez décrété une première émission d'assignats de 400 millions; ce qui fait déjà un total de 1,100 millions à déduire sur les deux milliards.
Dans mon estimation générale^ je comprenais les biens de l'ordre de Malte, des collèges, des maisons d'éducation, des hôpitaux, sur lesquels vous vous êtes réservé de prononcer. Par l'aperçu le plus modéré, je porte cette évaluation à 300 millions; ce qui, avec les 1,100 millions ci-dessus désignés, font 1,400 millions employés. Il ne * nous reste plus que 600 millions'de nos deux milliards, sur lesquels j'aurai l'honneur de vous proposer une nouvelle émission de 200 millions d'assignats. ,
C'est un grand malheur que nous soyons forcés de recourir à la création de nouveaux assignats; mais le numéraire enfoui, sa circulation interrompue, il faut nécessairement trouver le moyen de la rétablir. Ce moyen doit être doux, réfléchi, et doit secourir l'Etat jusqu'au moment de la répartition et de la perception de l'impôt.
Pair ce calcul simple, je pense avoir démontré
qu'il ne vous restera plus à^ votre disposition que pour 400 millions de domaines nationaux qui certainement ne peuvent servir de gage et d'hypothèque àl'émission qui vous est proposée.
De plus, Messieurs, je pense que la première opération est nécessairement indippensable pour tout mandataire. Que l'enthousiasme ne nous séduise pas; nous ne sommes que des mandataires, et des mandataires qui, un jour, rendrons un compte sévère de nos opérations : nous devons consulter les départements pour connaître leurs vœux, la juste et véritable valeur des domaines nationaux. Par Je décret du 2 novembre, en déclarant que les biens du clergé étaient des propriétés nationales, on a fait des réserves pour les départements; il est donc de notre devoir d'attendre qu'ils aient exprimé leurs vœux dans une délibération aussi importante.
Il est, je»pense, de votre prudence et de votre sagesse, Messieurs, d'établir une mesure qui assurerait la solidité des assignats, ferait le bonheur général en appelant le plus de citoyens pqssibîe a la propriété, détruirait jusque dans leurs derniers retranchements les accapareurs d'argent qui, dans leurs odieuses spéculations pourraient accaparer les assignats, si la loi que j'aurai l'honneur de vous proposer, n'était adoptée.
Les riches capitalistes auraient un trop grand avantage sur les propriétés nationales; ils établiraient le despotisme, j'aurais presque dit l'aristocratie des richesses, la plus dangereuse de toutes; ils feraient des spéculations au détriment du bonheur général, qui seul doit nous animer; s'ils ont enfoui leur argent, il faut, par un acte de justice. les forcer à le mettre en circulation, en établissant le plus de concurrence possible.
D'après ces idées, j'examine d'où nous viennent nos propriétés nationales; je trouve que c'est une conquête qu'une partie de la nation vient de faire sur une autre partie de la même nation, sous la condition néanmoins bien annoncée de salarier les ci-devant détenteurs desdites -propriétés. Or, Messieurs, le conquérant, quand il conserve l'esprit de justice, dispose de ses conquêtes de la manière qu'il croit la plus avantageuse au bien général. Les frais du culte devant peser par la suite sur tous les citoyens, il faut combiner nos opérations de telle manière que le plus grand nombre aient une part aux propriétés nationales. J'ai, en conséquence,l'honneur de vous proposer la loi la plus juste. Personne ne.pourra acheter plus d'une ferme avec ses dépendances, que vous fixerez et déterminerez à 350 arpents, mesure de roi, au plus ; vous diviserez à l'infini les propriétés nationales ; vous ferez le bonheur d'un plus grand nombre d'individus; cette loi sera dans les principes de la plus rigoureuse justice; vous établirez une concurrence entre les terres des particuliers qui sont en vente et qui sont en très grand nombre, qui supporteraient une réduction vraiment affligeante pour les propriétaires, en jetant dans le commerce une masse énorme de propriétés nationales; vous anéantirez les spéculations des agioteurs qui se proposent d'acheter au plus bas prix vos domaines nationaux, dans l'espérance d'uue revente avec un très gros bénéfice, préjudiciable à nos concitoyens qui, ne pouvaut entrer en lutte avec eux, ne se présenteraient pas même aux adjudications.
Vous ne ferez aucune injustice aux riches; s'ils ont le désir de devenir de très gros propriétaires,
ils pourront porter leurs spéculations sur les autres terres mises en vente.
Vous assurerez l'émission de vos assignats, dont le gage sera incontestable; vous ferez en toute sûreté les ordonnances rigoureuses que vous croirez nécessaires pour anéantir l'agiotage.
Après vous avoir entretenus, Messieurs^ des dangers d'une émission de deux milliards d'assignats, je ne suis pas moins convaincu de la nécessité d'en créer encore pour sauver la patrie : mais il n'en faut user que comme d'un calmant qui vivifiera la première émission, rétablira la circulation libre, anéantira insensiblement l'usure, et finira par son entière extinction ; nous nous débarrasserons enfin de cette monnaie fictive; nous forcerons les accapareurs d'argent, les ennemis les plus dangereux de la Constitution, d'abandonner leurs spéculations dangereuses et usuraires, de déterrer leur or, ou de périr avec lui ; vous vous acquitterez avec la caisse d escompte, avec les porteurs d'assignats, l'or se convertira de lui-même en billets qui, changés en acquisitions de domaines nationaux, rentreront dans la caisse de l'extraordinaire, dont ils ne sortiront que pour être publiquement brûlés.
J'ai, en conséquence, l'honneur de vous proposer le décret suivant:
L'Assemblée nationale, persuadée que tous les papiers-monnaie serveut d'aliment à l'usure et à l'agiotage, désirant anéantir à perpétuité, et s'acquitter par l'aliénation d'une partie des domaines nationaux qu'elle a déclarés être à sa disposition : 1° des 400 millions d'assignats qu'elle a décrétés; 2°des 200 millions qu'elle croit devoir décréter de nouveau, afin d'établir l'équilibre de la recette et de la dépense, et jusqu'au moment où l'impôt sera déterminé et sa perception assurée ; a décrété :
1° Que par la suite, et dans aucun temps, il ne pourra plus être créé d'assignats-monnaie, ni aucuns billets de caisse portant intérêt;
2° Que les 170 millions dus par la nation à la caisse d'escompte, seront remboursés en assignats qu'en conséquence, elle sera tenue de présenter ses comptes d'ici au 1er janvier 1791 ; qu'à cette époque, elle sera supprimée ;
3° A compter du leP octobre prochain, l'intérêt des assignats ou billets de la caisse d'escompte, fixé par le décret du.....à 3 0/0, sera entièrement supprimé;
4° Indépendamment des400 millions d'assignats déjà décrétés, il en sera créé .encore deux cents qui auront, par premier privilège, pour hypothèque spéciale les propriétés nationales ;
5° Le3 200 millions d'assignats de nouvelle création seront composés des coupons de 5 livres, de 10 livres, de 25 livres, de 50 livres, de 75 livres et de 100 livres;
6° Tous les acquéreurs de biens nationaux seront tenus de les payer en assignats, qui, seuls, et exclusivement même à l'argent monnayé, seront reçus en payement, jusqu'à l'entière et parfaite extinction des 600 millions d'assignats décrétés, lesdits domaines nationaux étant particulièrement et par préférence le gage et l'hypothèque des assignats ;
7° Chaque assignat, qui aura été employé pour l'acquisition d'un domaine national, sera aussitôt barré et croisé, tant par le receveur ou le caissier du département vendant, que par celui qui l'aura présenté pour payer son acquisition, en sorte qu'il deviendra effet mort, et que jamais il ne pourra rentrer en circulation ;
8° Tous les mois, les receveurs des districts ou
départements rendront le compte le plus exact et le plus détaillé au caissier de l'extraordinaire, du montant des assignats versés dans leurs caisses, du prix et de la quantité des domainés nationaux qui auront été vendus;
9° Le trésorier de l'extraordinaire rendra tous les mois, par la voie de l'impression, un compte public: 1° de tous les assignats croisés envoyés à sa caisse; 2° de chaque bien national aliéné, et du prix qu'il aura été vendu ;
10° Le compte sera divisé par ordre de département;
11° Le double du compte sera envoyé au comité de l'aliénation;
12° Chaque compte de l'extraordinaire sera vérifié par six commissaires de l'Assemblée, qui le signeront et le parapheront avant l'impression.
D'après ces dispositions préliminaires pour la sûreté et la garantie des assignats-monnaie, l'Assemblée décrétera:
1° Les assigants-monnaie seront reçus partout pour argent comptant, et sur le prix de l'argent monnayé ;
2° Tout particulier, marchand ou fournisseur qui les refusera en payement sera regardé comme un mauvais citoyen, et soumis à des peines qui seront déterminées;
3° Tout agioteur, de quelque qualité que ce soit, qui, après le 1er octobre, prendra ou exigera des intérêts en échange des billets qui lui seront présen tés, et n'en rendra pas, soit en argent, soit en billets, la valeur stricte et réelle énoncée par le premier billet, sera puni Comme criminel de lèse-nation;
4° Pour donner le temps et la facilité de foire les coupons de détail, et que la circulation ne soit pas arrêtée, la rigueur de la loi énoncée par l'article 3, concernant l'échange des billets pourra être prorogée jusqu'au 15 octobre;
5° Le comité des monnaies sera invité de présenter, le plus tôt possible, le moyen de fabriquer pour 50 millions de monnaie billon ;
6° Afin d'appeler plus de citoyens à la propriété dans la vente des domaines nationaux, personne ne pourra acheter plus d'une ferme, métairie ou domaine, avec ses dépendances, qui sera fixée et déterminée à 350 arpents, mesure de roi.
Vous avez à prononcer sur une opération qui mettra le sceau à la Constitution. On convient généralement qu'un parti décisif est indispensable en ce moment; qu'il faut nécessairement libérer l'Etat de la dette sous le poids de laquelle il gémit. On ne peut faire d'objections contre les assignats, qui ne puissent être rétorquées contre les quittances de finance. Les unes comme les autres ont la même hypothèque, deux milliards de biens-fonds : les assignats forcés et en petite somme ont toutes les propriétés du numéraire; ils remplaceront donc le numéraire exilé ou enfoui. Il est nécessaire que la vente des biens nationaux soit rapide; les assignats sans intérêt se porteront naturellement vers les fonds territoriaux, qui seuls pourront leur procurer les intérêts auxquels les propriétaires d'assignats doivent tendre naturellement. Qu'on cesse donc de s'effrayer d'une opération vaste, il est vrai, mais nécessaire, qui trompe les vues de ceux qui sont intéressés à retarder la vente des biens nationaux, qui aceélère cette vente, qui paye la dette, et débarrasse le peuple de plus de quatre-vingts millions d'impôts. Je pensé que tout mélangé de système ne vaut rien,
et qu'en conséquence, il doit être créé autant d'assignats ayant cours forcé, et sans intérêt, qu'il sera nécessaire pour payer la dette exigible. Je demande que la discussion soit continuée sans désemparer. (On applaudit).
,l'aîné. Il s'est introduit un ordre pour la parole extrêmement étrange, qui éloigne mon tour chaque fois que je me présente. L'Assemblée m'a accordé de résumer la question. Je demande qu'elle fixe le moment où elle daignera m'entendre. Je désirerais que M. l'abbé Maury me répondît, que M. Barnave fût ensuite entendu, et que la discussion fût fermée.
Je n'ai point composé de pièce d'éloquence, je n'ai point de discours: je demande que M.de Mirabeau monte à la tribune,qu'il parle, et moi, près du bureau de M. le président, je lui ferai mes objections, auxquelles il répondra.
(L'Assemblé repousse cette proposition et décide que M. l'abbé Maury parlera à son tour.)
, après avoir fait un parallèle assez étendu des billets du système de Law et des assignats, présente un projet de décret dans lequel il propose de faire fournir à l'Assemblée, par l'ordonnateur du Trésor public, un état des dépenses à faire cette année pendant les mois d'octobre, de novembre et décembre, et des recouvrements à faire pendant les mêmes mois : qu'il sera créé une quantité d'assignats-monnaie portant intérêt de 3 0/0 pour établir une balance dans les dépenses , et qu'il ne pourra être créé d'autre papier que pour le strict nécessaire ; que ces nou veaux assig nats auront un cours forcé, avec cette différence seulement, que nul porteur de ces assignats ne pourra forcer son créancier, dont la créance serait postérieure au présent décret, à les recevoir qu'au prix courant de l'argent, prix constaté par les consuls, et affiché dans les salles consulaires, etc, etc.
Je propose qu'il n'y ait plus que deux colonnes, une pour, et l'autre contre..
(Après une légère discussion, cette proposition est adoptée.)
est à la tribune. M. l'abbé Maury près du bureau fait signe qufl veut parler. — On observe que M. l'abbé Maury n'a pas la parole.
Me voici placé, si M. Mirabeau veut me proposer ses difficultés.
(L'Assemblée repousse de nouveau ce mode de discussion.)
Messieurs, j'eus l'honneur de vous exposer, le 27 août dernier, la mesure que je croyais la plus convenable pour liquider cette partie de la dette nationale, appelée la dette exigible ; et je me félicite du temps écoulé dès lors jusqu'au moment actuel , qui nous approche d'une résolution définitive sur cette matière. Le projet que je soumis à votre examen et les raisons dont je l'appuyai ont engagé une discussion très étendue; la question a été agitée dans tous les sens, soit dans cette Assemblée, soit dans les sociétés particulières; de nombreux écrits; ont été publiés contradictoirement ; rien ne manque, ce me semble, de tout ce qui péut mûrir une décision.
Mais il arrive, dans des matières de cette étendue, susceptibles d'être envisagées sous tant de faces, qu'on s'embarrasse enfin par la multitude des objections et des répoeses; et la discussion, où tout semble exposé et balancé, reporte les esprits au même point d'incertitude d'où ils sont partis, car le doute est bien plus le résultat des lumières vagues que de l'ignorance. Je pense donc qu'après le grand jour jeté de toutes parts sur cette question, le meilleur moyen de trouver une issue dans celabyrinthe c'est de nous rallier aux principes, de saisir le fil qu'ils nous offrent, et de marcher alors avec courage à travers les difficultés et les fausses routes. Ce serait également offenser vos lumières, et abuser d'un temps précieux, que de tenir compte de toutes les difficultés élevées contre notre moyen de liquidation, et de m'occuperà y répondre. Quelques tableaux où je retracerai des vérités qu'on oublie, des principes que l'on veut ébranler; où je repousserai, entre des attaques quelconques, celles qui m'ont semblé les plus spécieuses, et d'autres même qui peuvent emprunter quelque éclatde leurs auteurs ; où je ferai marcher en opposition la mesure des assignats-monnaie avec d'autres mesures que l'on vous présente : voilà ce que je vsis mettre sous vos yeux.
Pourquoi suis-je obligé d'insister de nouveau sur un fait que nous regardons tous comme la pierre angulaire de l'édifice que nous élevons ; de raffermir une base sur laquelle reposent toutes nos espérances ; de rappeler que les domaines que nous appelons nationaux sont entre les mains de la nation ; que certainement elle en disposera par votre organe ; de déclarer que la Constitution est renversée, le désastre inévitable, la France en dissolution, si la vente des biens nationaux ne s'effectue pas immanquablement, si elle n'est pas partout protégée, encouragée ; si les derniers des obstacles qui peuvent s'y opposer ne sont pas renversés, détruits ; si le moindre acheteur peut éprouver, de la part des premiers usufruitiers, des premiers fermiers, quelque empêchement à rechercher, à examiner les possessions à sa convenance ; si tout, dam ces acquisitions, en un mot, ne présente pas une face accessible qui les favorise ?
Quel est le but de ces observations ? Vous ne l'ignorez pas; c'est qu'on semble encore douter, ou du moins on voudrait faire douter que la vente des biens nationaux puisse s'accomplir, et triomphe des difficultés qu'on lui oppose. Ecoutez les discours qui se répandent; lisez les écrits que l'on publie ; voyez surtout les mémoires du ministre des finances, qui vint attrister cette Assemblée, au sein des espérances dont je venais de l'entretenir. Vous verrez qu'on ne veut pas croire à cette opération nationale; qu'on part, dans tous ces raisonnements, d'un principe de doute et de défiance; car il serait absurde de prétendre renverser un projet solide, fondé sur la valeur réelle de nos assignats, si l'on ne contestait pas au fond cette valeur, si l'on ne se plaisait pas à regarder comme conjectural tout le système de la restauration de nos finances, qui repose Biir ce fondement.
C'est donc la persuasion de la vente certaine et instante des biens nationaux qui peut seule assurer le succès de sotce projet de liquidation par les assignats, comme il ny a que cette vente effective qui ,puisse sauver la chose pu-blique.Ainsi, je j»ets au nombre des ennemis de l'Etat, je regarde comme criminel envefs la nation, quiconque cherche à ébranler c$tte Jraç
sacrée de tous nos projets régénérateurs, à faire chanceler ceux qui s'y confient. Nous avons juré d'achever, de maintenir notre Constitution; c'est jurer d'employer les moyens propres à ce but ; c'est jurer de défendre les décrets sur les biens nationaux, d'en poursuivre jusqu'à la fin, d'en hâter l'exécution ; c'est un serment civique compris dans le serment que nous avons fait ; il n'y a pas un vrai citoyen, pas un bon Français qui ne doive s'y réunir. Que la vente des biens nationaux s'effectue ; qu'elle devienne active dans tout le royaume; la Frauce est sauvée. (On applaudit.) .
Je pars donc de ce point fondamental, et j'ai d'autant plus de raison que, quelque système qu'on embrasse, reconstitution, contrats, quittances de finance, assignats, peu importe, il faut toujours en revenir là. Que vous échangiez les créances sur l'Etat contre des titres nouveaux et uniformes, qui aient pour gage des biens nationaux, ou que les créanciers soient admis à l'acquisition de ces biens par l'échange immédiat de leurs créances, la libre disposition des biens nationaux, la sûreté de l'acquisition pour les créanciers n'est pas moins nécessaire dans tous les cas, pour que la liquidation de la dette puisse s'opérer. Qu on ne s'imagine donc pas, en énervant la confiance due aux assignats, en présageant d'après cela une dégradation sensible de leur prix, pouvoir faire prédominer quelque autre plan de liquidation ; il serait frappé du même vice; et il faut convenir, ou qu'un assignat, ou qu'une portion équivalente des biens nationaux, c'est la même chose; ou que la dette nationale est impossible à acquitter d'aucune manière^ par ces mêmes biens. Il n'y a pas de réponse à cela. (il s'élève des murmures. On remarque les mouvements de M. l'abbé Maury.) Je parle de la confiance due à la valeur de nos assignats, et dans ce sens il n'y a pas, sans crime, de réponse à ce que je viens de dire.Ainsi, ne nous départons point de cette vérité, et que les adversaires de notre mode de liquidation le sachent enfin : c'est que nos assignats ne sont point ce qu'on appelle vulgairement du papier-monnaie. Il est absurde, en changeant la chose, de s'obstiner à garder le mot, et de lui attacher toujours la même idée. Nos assignats sont une création nouvelle, qui ne répond à aucun terme ancien ; et nous ne serions pas moins inconséquents d'appliquer à nos assignats l'idée commune de papier-monnaie, que nos pères ont été peu sages d'avoir estimé le papier de Law à l'égal de l'or et de l'argent. Et, ici, l'on prétend m'opposer à moi-même. L'on veut que je me sois élevé ci-devant contre ce même papier-monnaie que je défends aujourd'hui. Mais dans quel lieu, dans quel temps? Dans cette même Assemblée ; dans la séance du Ie* octobre dernier, où il s'agissait aussi de papier-monnaie. Ouvronsdonc le journal de cette séance. Voici mot à mot ma réponse à M. Anson, «comme elle est rapportée dans les journaux du temps : « Je sais que dans les occasions critiques une nation peut être forcée de recourir à des billets d'Etat (il faut bannir de la langue cet infâme mot de papier-monnaie), et qu'elle le fera sans de grands inconvénients, si ces billets ont une hypothèque:, une représentation libre et disponible. Mais qui osera nier que, sous ce rapport, la nation seule ait le droit de créer des billets d'Etat, un papier quelconque, qu'on ne soit pas libre de refuser ? Sous tout autre rapport, un papier-monnaie attente £ la boqne foi et à la liberté nationale ; c'est la peste circulante. »>
Voilà ce qu'on appelle mon apostasie. Vous voyez cependant que je distinguais alors ce que je distingue aujourd'hui ; que je distingue aujourd'hui ce que je distinguais alors. Vous voyez que je suis constant dans mes principes ; et vous voyez aussi que mes adversaires sont parfaitement constants dans les leurs.
Je poursuis. Qu'est-ce qui constitue le prix des métaux monnayés ? C'est leur valeur intrinsèque, et leur faculté représentative qui résulte de cette valeur. L'or et l'argent, considérés dans les objets auxquels ils sont propres, ne sont que dés mé-tanx.de luxe, dont l'homme ne peut tirer aucun parti pour ses vrais besoins. Ils ne sont pas moins étrangers aux premiers des arts, aux arts nécessaires, qu'ils ne le sont à notre nourriture, à nos vêtements. Mais nonobstant cet usage restreint et non essentiel des métaux précieux, leur qualité représentative s'est étendue conventionnellement à tous les objets de la vie. Comparons maintenant nos assignats aux métaux-monnaie. A la différence de ceux-ci, ils n'ont aucune valeur intrinsèque; mais ils ont à sa place une valeur figurative qui fait leur essence. Les métaux, dont se forme la monnaie, ne s'emploient qu'aux arts secondaires, et la chose figurée par les assignats c'est le premier, le plus réel des biens, la source de toutes les productions. Or, je demande à tous les philosophes, à tous les économistes, à toutes les nations de la terre, s'il n'y a pas plus de réalité, plus de richesses véritables, dans la chose dont les assignats sont le type, que dans la chose adoptée sous le nom de monnaie. Je demande dès lors si, à ce type territorial, à ce papier figuratif du premier des bieos, une nation comme la nôtre ne peut pas attacher aussi cette faculté de représentation générale, qui fait l'attribut conventionnel du numéraire?On la donne à des billets de banque, à des lettres de change qui suppléent les métaux et les représentent ; comment refuserait-on le même crédit à des assignats qui sont des lettres de change payables à vue en propriétés territoriales? Gomment n'auraient-ils pas le même cours, le même privilège que les métaux, celui d'être un instrument général d'échange, un vrai numéraire national?
Mais qos assignats, dit-on, éprouvent ce désavantage, comparativement à la monnaie ; c'est de ne représenter en dernier résultat qu'une seule chose, savoir les biens nationaux. Eh qu'importe, si les biens nationaux eux-mêmes représentent tout? Quel est le créancier qui ne trouve pas ses écus sûrement placés, et représentés très valablement, quand ils ont pour hypothèque un équivalent en propriété foncière? C'est donc en envisageant, de fait et de droit, dos assignats sous ce point de vue; c'est en leur attribuant la valeur jurée par la nation, que je défends le projet de financedont ils sont la base, et quine pourrait sans cela se soutenir. Et je regarde tout homme, poussé par l'intérêt à prêcher une défiance qui les dé-prise, comme plus coupable envers la société que celui dont la main criminelle dégrade les métaux précieux, et altère leur titre à la foi publique. Garantir cette base contre les attaques de la mauvaise foi, de la légèreté, des sophismes,ou de l'ignorance, c'est répondre à la plupart des objections élevées contre la proposition que nous avons faite. Je ne m'attendais pas, j e l'avoue, à trouver tour tes ces objections ramassées, accumulées dans le mémoire du ci-devant ministre des finances. Dans une matière aussi grave, je ne lui dois que la vérité. Les égards qu'il mérite d'ailleurs ne peuvent affaiblir, dans mes muas, «me défense toute con-
sacrée au plu3 grand intérêt de la patrie. Quel n'a pas été mon étonnement, et vous l'aurez partagé sans doute, d'entendre ce mémoire qui semble, d'un bout à l'autre, vouloir ôter tout crédit aux moyens d'alléger la dette publique, d'arracher les affaires, par une nouvelle révolution, à cette langueur qui nous tue ! Tout ce mémoire repose sur l'avilissement présagé de nos assignats, et ne renferme pas un mot qui rende une justice ferme et encourageante à cette valeur. Tous les pronostics de décadence, applicables au plus vil des papiers-monnaie, y poursuivent notre numéraire territorial. Certainement, si nous eussions eu besoin d'un écrit pour faire entrevoir à la nation le prochain rétablissement de la fortune publique, pour développer à tous les yeux l'étendue et la certitude de nos ressources, pour faire marcher, par une impulsion d'espérance et de courage, toutes nos affaires vers un amendement si désiré, nous aurions attendu un tel écrit de celui gui était à la tête de nos finances. C'est lui aujourd'hui qui vient assembler les premiers nuages sur la carrière que nous devons parcourir. N'est-il pas clair que tout se ranimera chez nous par le retour de la confiance, et que c'est à la faire naître qu'il faut s'appliquer? N'est-il pas clair que, désespérer d'emblée de tout rétablissement fondé sur notre seule ressource actuelle,c'est empêcher cette confiance précieuse de se rétablir? Qu'est-ce donc qu'on prétend par ces cris d'alarme? Celui qui les pousse est-il, quelques lumières qu'on lui accorde, un raisonneur si sûr qu'on ne puisse, sans malheur, s'écarter de ses opinions ? Si cela n'est pas, si, nonobstant ses craintes, vous osez penser qu'on peut néanmoins marcher en avant,ne nuit-il pas dès lors au succès de vos résolutions? Gar les ennemis du bien public profitent de tout pour nuire aux affaires; et parmi les moyens qils cherchent, celui que leur fournit le mémoire ministériel ne leur échappera certainement pas. Non que l'adoption d'une mesure quelconque, à plus forte raison d'une mesure si importante, doive jamais être irréfléchie et précipitée, non que la confiance publique ne doive être le fruit d'un mûr examen, d'unju-gement éclairé par les discussions contradictoires. Mais c'est précisément contre cette ardente précipitation à trancher une question si grave et si compliquée ; c'est contre cette violence de censure que je m'élève ; c'est parce qu'un mouvement si impétueux, comme s'il s'agissait d'arracher la nation aux flammes, part d'un point assez élevé pour répandre une frayeur aveugle, pour remplir les esprits de préventions; c'est pour cela que nous sommes fondés à le réprimer. Gonvient-il, dans la situation actuelle, de sonner la trompette de la défiance, au risque d'exciter cette défiance par ses prédictions, quitte à dire, si ces maux arrivent : On pouvait les éviter; je l'avais bien dit... Eh ! de grâce, dites-nous donc aussi ce qu'il faut faire, car il ne suffit pas, quand le vaisseau s'enfonce sous nos yeux, de crier à ceux qui veulent tenter d'en sortir : Ne vous fiez pas à cette nacelle ; il faut leur fournir un moyen plus sûr de salut.
. Mais voyons si notre ressource est tellement frêle qu'il soit périlleux de s'y confier; voyons du moins si les objections qu'on forme contre elle sont assez solides pour que npus devions la rejeter.
Le tableau que trace, dès les premières lignes, le mémoire que nous examinons, c'est celui de la disettadu numéraire : marchands, manu facturiers, artisans, consommateurs, tous la ressentent, tous
s'en plaignent. L'administrateur se dit tourmenté par la nécessité de pourvoir à cette partie des besoins publics. Il semble presque attribuer cette disette d'espèces à la trop grande abondance d'assignats qui sont déjà en circulation. Je VUvais craint, dit-il, et le temps Va prouvé. Oserai-je remarquer qu'il y a peut-être ici quelque ingratitude envers les assignats-monnaie et que ce serait plutôt le cas de reconnaître tous leurs bons services? Qu'aurions-nous fait, et qu'aurait fait lui-même le ministre, si ces fâcheux assignats ne fussent venus à notre secours? Qui peut savoir où nous en serions sans cette ressource si déplorable? Le numéraire, alors, était déjà rare, rien n'alimentait le Trésor public; c'étaient les mêmes plaintes qui se renouvellent aujourd'hui. Les assignats libres croupissaient dans la caisse d'es-eompte ; il a fallu en faire de la monnaie pour leur donner cours ; et quelque temps après voici ce que ce ministre dit dans cette Assemblée, mémoire du 24 mai : « Vous apprendrez sans-doute avec intérêt que le crédit des assignats s'annonce aussi bien qu'on pouvait l'attendre... Le trésorier de l'extraordinaire ne peut suffire à toutes les demandes qui lui sont faites de nouvelles parties de billets destinés à la circulation. «Cet hommage rendu aux assignats-monnaie parle ministre est d'autant plus probant et d'autant plus noble, qu'il n'avait aucune part à cette mesure.
Que prouve donc aujourd'hui contre les assignats cette disette de numéraire dont le public souffre, et l'inquiétude de l'administrateur à ce sujet? Elle ne prouve autre chose sinon que leur service n'est pas assez divisé, assez général. Les assignats actuels ont mis une valeur numéraire entre les mains de ceux qui n'avaient point d'espèces; il faut maintenant qu'ils puissent les convertir en de moindres valeurs; et c'est encore ce que de petits assignats permettront de faire. Mais cette solution même forme une objection nouvelle dans le mémoire ministériel. Il n'envisage qu'un redoublement de difficultés, d'embarras, dans cette infinité d'échanges, puisque enfin lesderniers assignats doivent se résoudre en numéraire. Je réponds à cela : premièrement que, dans l'état actuel des choses, la difficulté est bien plus grande, puisqu'il faut changer un assignat de 200 livres, non seulement quand on a besoin de quelque monnaie, mais de toutes les sommes qui sont au-dessous de cette valeur : ce qui ^arrivera pas quand trois ou quatre assignats inférieurs les uns aux autres joindront les assignats de deux cents livres à notre numéraire effectif. Alors le plus grand nombre de ces petits assignats seront destinés à échanger de forte somme; et il en résultera un bien moindre besoin.de numéraire pour effectuer ces sortes d'échanges. Est-il douteux que l'administrateur qui a éprouvé tant de difficultés à rassembler les espèces nécessaires pour ses divers payements, n'eût été très soulagé par les petits assignats dont nous par Ions, et dont ces payements pouvaient être formés en grande partie ?
Je réponds, en second lieu, que si l'or et l'argent ont pris des ailes pour s'envoler en d'autres climats, il nous faut inévitablement quelque suppléant qui les remplace ; et que s'ils sont resserrés par l'effet de la défiance ou de quelque mauvaise intention, il n'y a rien de tel que de les rendre moins nécessaires, pour qu'ils se montrent et redescendent à leur premier prix. C'est ici le lieu d'expliquer cette maxime financière si rebattue et si mal appliquée : le papier, dit-on, chasse l'argent. Fort bien : donnez-nous donc de
l'argent; nous ne vous demanderons point de papier. Mais quand les espèces sont chassées, sans que le papier s'en mêle, admettez pour un temps le papier à leur place ; et ne dites pas que c'est lui qui les chasse. Le papier chasse l'argent ! De quel papier parlez-vous ? Le mauvais papier, un papier-monnaie sans consistance, sans garantie, sans hypothèque disponible, qui est introduit par le despotisme d'un gouvernement obéré, qui est répandu sans bornes connues, et n'a point d'extinction prochaine ; celui enfin dont je parlais le 1er octobre dernier, je vous l'accorde : quand un tel papier prétend rivaliser avec le numéraire, celui-ci se cache, et ne veut pas se compromettre dans la parité.
Le panier de commerce chasse encore l'argent, ou plutôt il le fait servir à d'autres dispositions, quand il abonde sur une place débitrice envers l'étranger, et que les espèces y sont envoyées. Il le chasse, de plus, ou plutôt il le resserre, quand le papier afflue au point de faire suspecter sa qualité et d'éveiller la défiance. Mais ce n'est pas là notre papier. Les terres productives de tout valent bien les métaux qu'elles produisent ; elles peuvent marcher de pair avec eux. Notrè signe territorial ne chassera donc pas les espèces ; il en tiendra lieu jusqu'à ce que Inactivité les rappelle. Ils conspirent alors amiablement ; ils circuleront ensemble dans la masse des échanges et des affaires. Mais j'entends ici l'auteur du mémoire se récrier de concert avec les détracteurs des assignats : « Quoi, disent-ils, l'expérience ne ren-verse-t-elle pas déjà vos conjectures? Ne connaît-on pas le prix des assignats contre de l'argent? Que serait-ce si leur masse était quintuplée! » Vous allez vous convaincre, d'un côté, que si les assignats perdent dans l'échange contre de l'argent, de l'autre, la cause qu'on en donne est fausse, et que ce fait ne prouve rien contre l'assignat. Je fais deux classes de tous les objets qu'on peut se procurer par les assignats; ceux qui excèdent ou égalent, par leur valeur, celle des assignats dont ou les acquitte ; et ceux qui étant au-dessous de la moindre valeur de ces assignats ne peuvent être payés qu'en espèces. Si les assignats étaient déchus de leur prix par trop d'abondance, les marchandises d'une certaine valeur, qu'on payerait par des assignats en nature, seraient renchéries ;'c'est ce qui n'est pas. Il est de fait qu'on achète aujourd'hui avec un assignat de 200 livres toutes les choses dont la valeur en espèces était de 200 livres avant la création des assignats, et le vendeur, au surplus, tient compte de l'intérêt des assignats sans difficulté. Il n'est donc pas vrai que l'assignat perde sous ce point de vue, qui offre le seul moyen de connaître la juste valeur dans l'opinion publique. Je sais bien que les assignats ont tort de se soutenir, puisque nos infaillibles raisonnements assurent qu'ils doivent perdre ; mais ce n'est pas ma faute, et je raconte les choses comme elles sont. (On mur-mure.)
Pourquoi donc les assignats perdent-ils contre du numéraire? C'est qu'il faut du numéraire à tout prix; c'est qu'il en faut beaucoup pour l'échange de nos assignats actuels; c'est que nos assignats ont beau être rares, les espèces le sont davantage. Eh n'avons-nous pas un fait bien capable de nous éclairer sur cette matière ? On sait que les écus perdent quand on veut les échanger contre les louis. (On murmure.) Dira-t-on pour cela que les écus sont en discrédit? Non, mais c'est que l'or est encore plus rare que l'argent. Il y a plus; si le billon venait à manquer pour le
peuple, c'est le billon qui ferait la loi ; et nous verrions l'or et l'argent le rechercher avec perte. Le papier même de commerce gagne sur les espèces, quand on a un grand besoin de ce papier, et qu'il est fort rare. On raisonne donc mal, on n'analyse rien, on prend une cause pour une autre, quand on attribue à la dépréciation des assignats le renchérissement des espèces. Faites en sorte d'avoir moins besoin de les échanger; créez de plus petits assignats ; vous ne chasserez pas l'argent, vous le rapprocherez du pair, et vous sentirez moins sa rareté. Cette seule observation répond aux trois quarts du mémoire ministériel. On insiste; on dit que des difficultés de toute espèce naîtront, si l'on répand cette multitude de petits assignats dans une classe peu aisée, où leur échange serait un besoin de tous les instants. Mais qu'on me dise comment la même quantité d'espèces employées aujourd'hui à échanger de forts assignats ne suffirait plus à changer les fractions de ces assignats. Qu'on me dise comment, quand les assignats de deux cents livres n'auront plus besoin d'être convertis en argent, puisqu'ils seront divisibles en assignats de moindre valeur; comment il sera si difficile de pourvoir alors avec cet argent aux derniers échanges nécessaires ? Ce louis, que des laboureurs aisés, ou des artisans économes, ont actuellement dans les mains, s'anéantira-t-il, si un assignat de vingt-quatre livres est mis à sa place? La société, pour recevoir un nouveau numéraire représentatif, cessera-t-elle d'être le dépôt commun de notre numéraire métallique? La petite monnaie, qui est l'or du peuple, quittera-t-elle sa bourse pour fuir en Angleterre ou en Allemagne? Un nouveau mouvement, au contraire, étant imprimé à notre industrie, le crédit renaissant par l'extinction de la dette publique, le numéraire étranger viendrait plutôt chercher nos productions, et peut-on craindre qu'en de telles circonstances notre avoir actuel en numéraire tende à s'échapper ?
Mais ce n'est pas uniquement, je le sais, jusque dans les derniers rameaux de la circulation, que les ennemis des assignats les poursuivent pour les décrier; ils les considère aussi dans leur masse : cette auantité que nous proposons les épouvante. Au lieu d'une puissance productive, ils n'y voient qu'un torrent de destruction. Le moindre éclair de la raison dissipera ces vaines terreurs. Je demande aux détracteurs de notre plan, de quel génie bienfaisant, de quel pouvoir surnaturel ils attendent donc la restauration de nos arts, de notre commerce, de tous nos moyens de prospérité. Je leur demande si c'est de là sécheresse de nos canaux qu'ils espèrent voir sortir des fleuves d'abondance. N'entendent-ils pas le besoin général qui pousse un cri jusqu'à nous? Je le répète, riches en population, riches en sol, riches en industrie, nous ne l'avons jamais été en numéraire. Pourquoi? c'est qu'un gouvernement vampirique a, depuis plus d'un siècle, sucé le sang des peuples, pour s'environner de faste et de profusion. (On applaudit.) Ce prodigieux mouvement d'espèces qui en résultait dans la capitale, pour fournir à des emprunts immodérés et aux jeux forcenés qui en sont la suite, n'a jamais été qu'une circulation stérile en bien, trompeuse dans ses apparences, désastreuse dans ses effets. La pléthore était au centre de l'Empire; le marasme, la langueur aux extrémités. L'énor-mité de notre luxe en vaisselle, qui fait passer tant d^écus> du coin au creuset, est une source de destruction pour le numéraire*Les vices de notre
système monétaire en sont une autre chaque jour plus active. Ainsi,1'pour bien des raison?, nous n'avons jamais atteint le point de prospérité auquel nous étions appelés par la nature; et les métaux précieux, qui sont à la fois le signe et le moyen de cette prospérité, ont toujours été chez nous fort au-dessous de nos besoins.
On craint une obstruction générale par cet accroissement subit et prodieux du numéraire. Quant à moi, j'ai une crainte d'un autre genre; c'est que les opérations préliminaires et indispensables pour la liquidation de la dette, la vérification des titres, la fabrication et la délivrance successives des assignats, en prenant beaucoup de temps, ne prolongent notre langueur, et ne nous privent d'une partie des avantages qu'une plus prompte émission d'assignats nous procurerait. Nous appréhendons d'être écrasés sous le poids de ce numéraire de liquidationl Ne le sommes-nous donc pas sous celui de la dette qu'il faut liquider? Les avantages qui doivent résulter des remboursements et du crédit qui en est la suite ne sont-ils pas une belle réponse à ceux qui craignent que ce précieux numéraire ne s'avilisse, que l'argent ne fuie devant lui? Vos assignats-monnaie ne sont-ils pas un papier actif qui remplace le papier dormant, le papier fâcheux dont une grande partie de la dette exigible se compose? Cette surabondance nous effraye l Que nos'voisins doivent rire de nos craintes ! Comparez leur sol, leur population, leurs moyens aux nôtres ; comparez ensuite à notre quantité de numéraire les valeurs qu'ils savent mettre en activité, vous verrez qu'ils en ont beaucoup plus que nous, sans comparaison, et que, dans les valeurs qui forment leur circulation, il entre plus de billets que d'espèces. Vous verrez, par conséquent, que si nous portions notre papier-monnaie même à deux milliards, nous en aurions bien moins encore que ces riches insulaires. Et pour connaître à cet égard tous nos avantages, pensez que notre papier ayant disparu, il reste à sa place des campagnes, des domaines, les propriétés les plus précieuses, et que le papier national des Anglais ne porte que sur le prestige du crédit. Quoi donc! craindrions-nous-la ruine, en nous acquittant avec notre signe territorial, tandis que l'Angleterre prospère, malgré l'immensité de sa dette, au moyen d'un signe d'opinion, d'un vain simulacre de richesses?
Ce sont de grandes erreurs sur la circulation du numéraire, qui font craindre si fort l'accroissement des assignats que nous proposons. On pense que tout le numéraire répandu dans la société doit se porter jusqu'aux derniers rameaux de la circulation, et se subdiviser comme ces eaux qui, sortant de l'Océan, n'y retournent qu'après s'être transformées successivement en vapeurs, en pluies, en rivières. Mais si une portion du numéraire est destinée à la partie fécondante et productive de la circulation, une autre portion non moins considérable a pour objet le commerce, le transport des immeubles, les dépôts, une multitude de gros échanges. Or, si la subdivision des espèces est nécessaire dans la circulation productive, pour atteindre la main-d'œuvre, pour satisfaire aux menues dépenses, aux petits salaires, l'autre partie de la circulation commerciale n'éprouve pas les mêmes besoins. C'est à grands flots que le numéraire y roule ; les déplacements ne s'y font qu'en certaines masses, et comme te ; billon ne passe guère de la première de ces çir-! culations à la seconde, de même la somme des métaux précieux qui servent à celle-ci est eo
plus grande partie étrangère à l'autre. Vous en pénétrez la conséquence. C'est particulièrement cette dernière sphère de circulation que vous êtes appelés à enrichir par l'émission de vos assignats, parce que c'est aussi dans cette sphère que se trouvent placés les fonds territoriaux qui leur correspondent. Vous jetez dans cette région du commerce de nouvelles marchandises et de nouvelles richesses; et, par l'activité des ventes, le signe disparaît à mesure que la chose le remplace. Vous n'arrêterez donc point de cette manière, vous n'embarrasserez point la circulation productive : elle profitera de tout ce qu'elle pourra s'approprier dans la circulation supérieure, pour s'étendre, se vivifier. Celle-ci même puisera, dans la source abondante que vous ouvrirez, de quoi alimenter ses diverses branches, et le superflu de tous ces besotns sera nécessairement refoulé, par la force des choses, vers la masse des biens nationaux.
Or, je vous demànde comment voir dans cette marche naturelle des affaires, ce désordre, ce chaos dont on nous menace? N'est-il pas plutôt dans les idées de ceux qui le peignent? Figurez-vous qu'au lieu d'un ou deux milliards d'assignats de 1,000, de 300, de 200 livres et au-dessous, vous missiez en circulation des pièces d'or de même valeur et en même nombre, ne voyez-vous pas : 1° qu'une grande quantité de ces pièees seraient employées pour les grands besoins, sans être jamais échangées contre d'autres pièces ; 2° qu'il y aurait une autre partie de ces espèces dont la conversion en moindres valeurs se ferait sans sortir de ce nouveau numéraire dont nous vous parlons; et qu'enfin les moindres de ces pièces d'or qui se rapprocheraient de notre numéraire actuel, et dont l'échange serait nécessaire, y trouveraient de quoi se convertir en écus, comme ceux-ci se convertissent en petites pièces de monnaie ? Ainsi s'accompliraient,de proche en proche et sans embarras, tous les échanges nécessaires à la circulation générale.
Maintenant mettez des assignalsde même valeur à la place des grosses pièces d'or que nous avons supposées; vous ne dérangez rien, les choses restent dans le même état et vos assignats entrent dans la partie de la circulation à laquelle ils sont propres; ils s'échangent entre eux et avec notre numéraire, comme seront ces masses d'or dont nous venons de suivre les divers emplois.
Il est vrai que je place toujours vos assignats sur la môme ligne que les métaux précieux; s'ils ne les valaient pas il faudrait renoncer à notre mesure : mais comme des propriétés foncières sont une chose aussi précieuse que des métaux, et qu'on ne peut pas faire circuler en nature des arpents de terre, je pense qu'il est égal d'en faire circuler le signe et qu'il doit être pris pour la chose même. (On applaudit.) Relèverai-je ici un singulier rapprochement fait entre nos assignats et le papier-monnaie de certaines banques des Etats-Unis d'Amérique et de plusieurs puissances du nord de l'Europe? « Plusieurs de ces banques, dit-on, malgré des hypothèques territoriales, équivalentes à. leurs billets, n'en ont pas moins fait banqueroute. Les papiers de ces puissances, malgré les biens particuliers et nationaux qui les garantissent, n'en sont pas moins tout à fait déchus. » Mais pour mettre, par un seul argument irrépli-quable, nos assignats hors de pair avec de tels papiers, je demanderai seulement à ceux qui font ce parallèle si nos assignats, qui ne s'éteignent qu'à une époque indéterminée lors de leur «emploi pourkl'acquisition des biens nationaux, peuvent
être comparés à des billets de banque payables à vue, et qui mettent la banque en faillite au moment où elle cesse de payer ? Je demanderai,relativement au papier-monnaie des autres puissances, s'il y a aucune comparaison à teuter entre la prétendue garantie de ce papier, entre ces hypothèques vagues, qui ne sont point disponibles, dont personne ne peut provoquer la vente, et nos biens nationaux, dont la vente est actuellement ouverte, et qui sont moins une hypothèque qu'un remboursement ? J'aimerais cent fois mieux avoir une hypothèque sur un jardin que sur un royaume. (On applaudit.) Enfin, j'entends les Américains dire aux Français : Nous avons créé, pendant notre Révolution, de mauvais papier-monnaie, et cependant ce papier tel quel nous a sauvés; sans lui notre Révolution était impossible. Et vous qui avez aussi une Révolution à terminer; vous qui, à côté de grands besoins, possédez de grandes ressources; vous avez encore plus de domaines à vendre què d'assignats sur ces domaines à distribuer; vous qui en créant ce papier solide ne contractez point une dette, mais en éteignez une, vous n'oseriez vous confier à cette mesure ! Allons, après avoir commencé votre carrière comme des hommes, vous ne la finirez pas comme des enfants. (On applaudit.)
Le principe de la parité de prix entré les métaux précieux et nos assignats étant admis, et il faut bien l'admettre, car c'est non seulement un principe vrai, mais le seul qui nous sauve dans tous le3 systèmes ; ce principe admis, toutes les objections formées en général contre le papier-monnaie ne regardent pas nos assignats. Ce principe admis, les choses en marchant avec le temps vers un rétablissement général doivent conserver entre elles ces rapports dont on redoute mal à propos le renversement. On nous parle de la hausse des denrées, du renchérissement de la main-d'œuvre et de la ruine des manufactures qui doit s'ensuivre. Eh ! qu'on nous parle donc aussi des centaines de manufactures qui n'ont point d'ouvrage, de cette foule d'ouvriers qui meurent de faim, de ces milliers de marchands dont les affaires s'anéantissent dans un repos dévorant; qu'on nous parle des cruels effets, quelle qu'en soit la cause, de cette soustraction du numéraire qui, s'il existe encore dans le royaume, est du moins sorti de la circulation, et qu il remplacera, d'une manière ou d'autre, sous peine de ruine 1 Vous fermez les yeux sur tous ces maux actuels, qui s'appellent, se multiplient les uns et les autres, et dont on ne peut cacul-culer la durée et les conséquences : et quand on vous présente un remède à notre portée, un moyen de vaincre la cruelle nécessité, toute votre industrie est de rechercher, de grossir les inconvénients attachés à notre projet. Certes ce n'est pas une chose juste de ne compter pour rien tous ces avantages et de venir ensuite subtiliser à perte de vue sur les prétendues conséquences qu'ils entraînent; conséquences si éloignées et si obscures, que l'esprit le plus profond a bien de la peine à les démêler. Oui, il est un point d'abattement dans les forces du corps politique, où il faut de grands moyens pour le remonter, sans qu'il en résulte, même incessamment, tout l'effet qu'on doit s'en promettre. Vous verrez des millions d'assignats se répandre, combler les vides,réparer les pertes,avant même qu'on s'aperçoive d'un vrai retour de force et de santé.
Ce n'est pas la nation seule qui ait une dette à liquider. Dans ces temps nécessiteux, où des milliers de citoyens ont usé toutes les ressources
pour se soutenir, ils ont entre eux une immensité de comptes à solder, une liquidation générale à faire.Ce sera là, sans doute, un des plus grands services, un des premiers emplois des assignats. Et quand leur effet se fera sentir près des premières sources de nos productions, de notre in^ dustrie, quelque renchérissement daire la main-d'œuvre serait peut-être un signe de prospérité : cela prouverait qu'il y a plus d ouvrage que d ouvriers. En supposant ce renchérissement, malgré la faveur maintenue aux assignats, par le crédit acquis à une grande nation qui se libère, et malgré la nécessité qui ne fait pas moins la loi à celui qui vend son travail qu'à celui qui en a besoin, le système des assignats fournirait ici lui-même une compensation à celte perte ; car leur effet devant être d'abaisser l'intérêt de l'argent, le commerçant, le fermier, l'entrepreneur, profiteront de cet avantage, puisque la plupart sont débiteurs des fonds qu'ils emploient. Quand je pense que les biens natiouaux et notre, caisse de l'extraordinaire sont le débouché où vos assignats doivent tendre, où tous, enfin, doivent s'engloutir, je ne comprends pas qu'on puisse les traiter d'avance comme des valeurs détériorées, des titres qui perdront leur prix.
Gomment ne pas sentir que ce numéraire ne pourrait déchoir sensiblement, sans.être recueilli par des mains empressées à lui faire remplir sa destination? Se soutient-il, c'est une preuve qu'il est nécessaire. Tend-il à descendre, la vente des biens nationaux n'en est que plus prompte. Ici, comment se défendre d'un resseotiment patriotique? Vous avez entendu, dans cette tribune, ces mots du mémoire ministériel : On dira aux créanciers de l'Etat : «Achetez des biens nationaux; mais à quelle époque, et dans quel lieu?» a quelle époque ? à l'époque de la dette approfondie, connue, arrêtée; à l'époque où toute la nation met son salut dans la vente des biens nationaux, et saura conspirer à l'accomplir; à l'époque où les propriétés territoriales reprendront leur prix, et ne seront plus grevées par une féodalité barbare, Ear des impositions arbitraires, dans quel lieu ? ans un lieu que le ciel a favorisé de ses plus heureuses influences; dans un Empire sur lequel passeront les orages de ia liberté, pour ne laisser après eux que le mouvement qui vivifie, que les principes qui fertilisent; dans un pays qui appellera ceux qui cherchent un gouvernement libre, ceux qui fuient et détestent la tyrannie. (Une grande partie de l'Assemblée applaudit.) Voilà à quelle époque et dans quel lieu les créanciers de l'Etat sont appelés à devenir propriétaires. Et si l'homme qui a prononcé ces étonnantes paroles était encore à la tête de nos finances, je lui dirais à mon tour : A quelle époque tenez-vous un tel langage; et dans quel lieu vous permettez-vous de le tenir? (Les applaudissements redoublent.)
Ce même administrateur, qui plus vivement que personne a peint iedénùment que nous éprouvons, trouve néanmoins que nous avons encore assez de numéraire pour effectuer la vente de deux milliards de biens nationaux. Il ne pense pas que ces terres ajoutées à tant d'autres terres, qui déjà ne se vendent point faute de moyens, se vendront bien moins encore, si le numéraire n'est point augmenté. 11 redoute les assignats qui payent la dette publique; mais il craint moins ceux qui ne la payent pas. Il permet que le capital de la nation se ronge, se détruise pour acquitter, tant bien que mal, les intérêts qu'elle doit, pour subvenir à un déficit journalier ; alors les assignats lui semblent nécessaires. Mais l'opération qui nous
libère par leur entremise, et prépare pour le Trésor public les moyens de diminuer à l'avenir ces secours extraordinaires, il la repousse, il la décrie comme désastreuse ; et, sans nous rien offrir qui nous en tienne lieu, il nous livre de nouveau à la merci des événements. Joindrai-je ici d'autres objections qui, pour être énoncées par des hommes respectables, n'en sont pas moins faibles ou exagérées? On nous assure que mettre dans les mains du public tous ces assignats, dont on annonce à plaisir le discrédit, c'est diminuer partout les moyens de consommation, c'est porter coup aux reproductions qu'elle encourage; c'est énerver le corps social ; et l'on vous tient ce langage quand les consommateurs n'ont plus le moyen de consommer, quand les reproductions ne sont plus encouragées, quand le corps social souffre de langueur, quand un nouveau numéraire, appelé fictif, quoique très réel, semble créé par les circonstances comme le meilleur moyen d'appeler le mouvement et la vie 1
On vous dit que c'est une erreur en politique de vouloir qu'un Etat acquitte sa dette; que les intérêts de cette dette sont un suc nourricier et productif qui fait fleurir et prospérer la société. Et l'on ne considère pas que ces intérêts si productifs ne produisent rien quaud on ne peut plus les payer ; et que c'est alors que leur suppression est une ruine. On ne considère pas que c'est ensuite de ce pernicieux système, que les Etats n'ont plus qu'un apparence de prospérité, qui peut s'évanouir au premier revers. On ne considère pas que ce sont des guerres insensées, de coupables profusions, de mémorables extravagances, qui ont obéré à la longue les gouvernements, accablé les peuples, corrompu les mœurs, avili les âmes. On ne considère pas que si c'est là l'ouvrage du vice et de la folie, ii n'est pas d'une politique bien sage, bien vertueuse, de nous exhorter à le maintenir. On vous dit qu'avoir en vue, dans ces opérations financières, de faire hausser ou baisser le prix de l'argent, c'est incapacité ou charlatanisme. Eh ! quand l'incapacité ou le charlatanisme ont formé, dans la capitale de l'Empire, un tourbillon d'affaires dévorantes, an gouffre d'espèces ; quand ils ont fait excéder par ce moyen toute borne au taux de l'agent, qu'on vous permette de tenter à cet égard cpelque réforme, elle ne peut être que salutaire.
Faire rétrograder l'intérêt par des principes contraires à ceux qui l'ont si monstrueusement élevé, c'est travailler à la prospérité nationale, c'est fonder le bien du commerce, de l'agriculture, sur l'anéantissement d'une circulation improductive, d'un agiotage pernicieux. Ou vous dit que doubler ainsi le numéraire, c'est doubler en peu de temps le prix de tout ; que le même nombre d'objets à représenter ayant le double de signes, chacun d'eux doit perdre la moitié de sa valeur. Fausse conséquence s'il en fut jamais ; car les signes étant doublés, les objets à représenter se multiplient, les consommations, les reproductions s'accroissent; mille choses abandonnées reprennent leur valeur; les travaux augmentent, d'utiles entreprises se forment, et l'industrie fournit une nouvelle matière à de nouvelles dépenses. Aujourd'hui que la moitié du numéraire semble évanouie, voyons-nous que tous les objets nécessaires à ia vie s'acquièrent à moitié prix? Depuis l'émission des assignats, qui. forment à peu près la cinquième partie de notre numéraire effectif, voyons-nous que le prix des choses se soit élevé d'une cinquième partie, qu'il ait môme reçu
quelque accroissement? Qu'on cesse donc de nous harceler eu contant ces rêves ; qu'on ne pense point nous effrayer par ces vaios fantômes.
Je lis encore un pamphlet, où l'on prétend avertir le peuple sur le renchérissement uu pain parles assignats. Mais. mal raisonner n'est pas instruire ; égarer n'est pas avertir. On représente dans cet écrit l'argent comme une marchandise. A la bonne heure, dans sa qualité de métal, comme seraient le fer et le plomb; mais dans sa qualité de monnaie, cela n'est pas. Alors l'argent représente tout; il sert à tout : c'est ce qu'aucune marchandise ne peut faire. Ces marchandises périclitent à les garder ; elles ruinent le marchand par le chômage ; il faut les vendre. Mais je n'ai pas encore ouï dire qu'on eût grande hâte de porter son argent au marché pour s'en défaire. Cette faculté que possède l'argent, de représenter l'universalité des choses, le soustrait aux conséquences établies par l'auteur. L'augmentation du numéraire n'augmentant pas le besoin des premières subsistances, puisque ce besoin est borné par sa nature, mais facilitant et multipliant leur production, la plus grande partie du numéraire qui s'accroît se porte vers de nouveaux objets, et crée de nouvelles jouissances. Oublie-t-on encore nos relations commerciales ? Et ne voit-on pas qu'un renchérissement sensible dans les objets de première nécessité les ferait affluer de toutes parts ? Les faits se joignent ici au raisonnement. L'auteur donne l'exemple de l'Angleterre, où le numéraire sur-{tasse de beaucoup le nôtre; aussi, dit-il, lessou-iers y coûtent 12 francs. J'aurais beaucoup à dire, sur ces souliers de 12 francs : espèce de souliers qui apparemment ont la propriété particulière de coûter 12 francs à Londres, et ensuite, a raison du transport, des droits d'assurance et d'entrée, de venir s'offrir à 7 francs, rue ûauphine, à Paris. Mais, sans remarquer que les personnes qui sont appelées à consommer des choses recherchées et d'un prix un peu élevé, font aussi des profits plus considérables, je demanderai à l'auteur pourquoi il ne nous parie pas du prix du pain en Angleterre, puisqu'il s'agissait du pain dans son écrit ; pourquoi il ne nous parie pas eu général du prix des aliments de première nécessité daus ce pays-là, du salaire des journaliers et1 de la main-d œuvre ordinaire? Il est vrai qu'il aurait été forcé de convenir que tout cela n'est pas plus cher, que tout cela même est inoins cher en Angleterre qu'en France. Il aurait vu, dès lors, que le numéraire doublé ne double pas le prix des choses nécessaires, et il n'aurait pas publié sa feuille.
Mais puisque nous en sommes à l'Angleterre, qu'on me permette encore uu mot sur cet échafaudage de raisonnements, dont on veut épouvanter nos manufactures, en montrant leur ruine dans nos assignats. L'augmentation du numéraire, dit-on, renchérira les vivres; ceux-ci renchériront de prix ; nous ne pourrons plus soutenir la concurrence ; et tandis que nous ne vendrons rien aux étrangers, ils nous inonderont de leurs marchandises, et finiront par emporter le reste de nos écus. Si cela pouvait être vrai pour nous à l'avenir, cela devrait l'être aujourd'hui pour les Anglais, puisqu'ils sont plus riches que nous en moyens de circulation. Or, vous savez comme nous devons craindre, par leur exemple, que cet horoscope ne s'accomplisse à notre égard. Fasse le ciel que les assignats ruinent bientôt notre commerce, comme la multitude des guinées et des papiers ruine aujourd'hui celui de l'Angleterre l
Cejne sont là, sans doute,de la part de nos adversaires, que des caricatures économiques, qui ne permettent pas les regards sérieux de la raison. Mais je dois à cette Assemblée une observation plus grave sur les aberrations d'un de ses honorables membres, en fait d'économie politique, et sur le cas qu'on doit faire de sa diatribe contre les assignats et leurs défenseurs. Gomment, après avoir blanchi, comme il - le dit, dans l'étude des matières qui nous occupent, et j'ajouterai dans la carrière de la plus incorruptible probité, étonne-t-il si fort aujourd'hui et ceux qui le lisent et ceux qui l'entendent? Quoil le même homme qui naguère, dans cette Assemblée, justifiait les arrêts de surséance obtenus par la caisse d'escompte ; qui défendait un privilège de mensonge et d'infidélité accordé aux billets de caisse, puisque ces billets portaient : Je payerai à vue, et que l'arrêt disait : Vous êtes dispensé de payer à vue ; qui trouvait très convenable, très légale, l'immoralité de ce papier- monnaie, créé par l'impéritie du gouvernement, et dont le juste discrédit a donné à la confiance publique un ébranlement que nous ressentons encore; le même homme vient décrier aujourd'hui notre papier territorial, dont le prix repose sur l'or de nos plus riches propriétés ; un papier, qui, étant toujours payable en fonds nationaux, ne peut jamais perdre un denier de la valeur foncière, ni tromper un instant la confiance de son possesseur I Ainsi donc ce membre caresse une caisse en faillite, un suborneur; et il diffame un papier national,un titre sacré, dont la solidité est inaltérable. Est-ce là le résultat que nous devions attendre de ses travaux et de ses lumières? {On applaudit.)
On vous dit, et ce sont des hommes célèbres, des académiciens que je cite, on vous dit que les assignats actuels embarrassent déjà la circulation. Possesseurs d'assignats, dites-nous en quoi votre embarras consiste; et moi je vous montrerai des embarras toutautrementgraves, faute d'assignats. {On applaudit.) Oq ajoute qu'un plus grand intérêt, attaché à ces assignats, en eût fait au moins un placement. On oublie donc que leur création ayant été sollicitée de toutes parts par les besoins d'une circulation anéantie, c'eût été créer un étrange remède au manque d'argent, que de faire encoffrer les assignats, imaginés pour en tenir lieu. On prétend encore que ces assignats ne remédieront point à la stagnation du numéraire. Ils n'y remédieraient point sans doute, si, comme ces auteurs l'entendent, on favorisait, par de forts intérêts, la stagnation des assignats. Eufin,on est aussi fondé à soutenir que les assignats sont inutiles,parce qu'ils ne feront point reparaître les espèces, que nous aurions été fondés, durant la disette, à rejeter le riz, parce qu'il ne faisait pas revenir du blé.
Les mêmes détracteurs des assignats comptent parmi leurs dangers celui de faire penser bientôt au public qu une seconde Chambre, dans l'Assemblée nationale, composée de propriétaires plus riches, aurait réprouvé cette fatale mesure. Or, voici qu'un autre détracteur des assignats dit au peuple, dans son pamphlet sur le renchérissement du pain, que les assignats ne sont bons que pour les gens riches. Daignez doue vous accorder, pour que nous sachions auquel répondre.
En attendant, nous demandons à celui qui semble invoquer le jugement des riches propriétaires contre ces assignats, comment il pense que ces propriétaires s'accommodent de la situation actuelle des choses, où les terres perdent chaque jour de Survaleur faute d'argent pour les acqué-
rir ; où un très grand nombre d'entre eux sont forcés de les vendre à vil prix, soit qu'ils ne trouvent pas à emprunter pour les affranchir, soit qu'elles ne puissent pas supporter l'intérêt énorme qu'on leur demande. Qu il nous dise si, le numéraire n'étant point augmenté, ces terres ne seront pas encore plus déprisées par la concurrence prochaine de deux ou trois milliards de biens nationaux. Qu'il nous dise encore si des contrats ou des quittances, dont les dix-neuf vingtièmes seront à vendre, loin de fournir de nouveaux moyens de circulation, ne l'appauvriront pas toujours davantage ; si tout cela peut relever le prix des fonds territoriaux, et améliorer le sort des propriétaires.
Il ne manquait plus à ce philosophe que de se passionner contre le projet des assignats, au point d'y voir trois ou quatre banqueroutes les unes sur les autres. Que nous conseille-t-il à la placé? les chères quittances de finance, c'esta-dire la perte inévitable du quart au moins de ces quittances pour la malheureuse foule des vendeurs ? En vérité, c'est là un étrange remède. On reproche au système de liquidation par les assignats qu'ils seront répandus longtemps avant que les domaines nationaux s'achètent ; que l'acquit de ces domaines, par leur moyen, ne s'accomplira qu'au bout de plusieurs années ; et qu'ainsi l'on ne peut regarder l'achat des biens nationaux comme débarrassant à mesure la circulation, puisqu'elle en sera d'abord surchargée. J'observe sur cela: 1° Qu'il s'en faut bien que la somme d'assignats que nous proposons double, dans la circulation actuelle, la somme de numéraire que nous possédons ordinairement. La moitié peut-être de cet avoir en numéraire-a disparu de la circulation ; Ce déficit qui tend à s'accroître peut parvenir au point le plus effrayant. Ainsi l'émission proposée ne fait, en plus grande partie, que combler le vide et réparer la perte. 2* Il est impossible, quelque diligence que l'on mette dans l'examen des créances, l'apurement des comptes et la fabrication des assignats, de consommer cette grande opération sans un travail de plusieurs mois, peut-être de plus d'une années On n'a donc-pas à craindre une émission prompte et brusque de la totalité des assignats. 3° Avant la liquidation de la dette exigible, et l'émission de tous les assignats décrétés, une partie de ceux qui auront déjà été délivrés rentrera daos la caisse de l'extraordinaire, soit pour le premier payement des acquisitions effectuées, soit pour le payement complet de celles dont les acquéreurs ne voudront pas jouir des délais ; de sorte qu'il n'existera jamais à la fois dans la circulation des assignats émis. 4° Cette mesure ayant pour objet de nous faire franchir, par des secours nécessaires, cette époque de compression et de besoin, le numéraire, à mesure que le calme et la confiance reprendront le dessus, et que les affaires se rétabliront, sera rappelé, et remplacera à son tour les assignats, qui s'écouleront,par les payements annuels,vers la caisse de l'extraordinaire. Cette substitution du numéraire aux assignats aura douze ans pour s'accomplir. Pendant ce temps, la nation jouira du produit des biens qui ue seront pas encore vendus ou acquittés ; et les particuliers tireront des assignats tous les secours que les besoins de la circulation et l'état des choses pourront exiger.
Mais est-on plus heureux dans les mesures qu'on propose au lieu d'assignats pour la liquidation de la dette, que dans le combat qu'on livre pour les écarter? On vous parle des quittances de
finance escortées d'un intérêt plus ou moins fort. A la réquisition du porteur elles seront échangées directement contre les biens nationaux; et voilà cette créance éteinte, cette partie de la dette liquidée. J'entends : on parle donc de cette vente comme incontestable; c'est de l'or que l'on met dans la main du créancier, qui n'a qu'à vouloir pour acquérir. On ne peut donc pas refuser aux assignats la même. solidité, la même valeur ; c'est de l'or aussi; et la moindre défiance qui ébranlerait leur crédit ferait tomber de même les quittances. Mais ces quittances, qu'en feront les propriétaires? Que de papiers morts ajoutés à d'autres papiers morts I Quel cimetière de capitaux ! Ces quittances auront-t-elles la faculté de métamorphoser leurs maîtres en agriculteurs? Le plus grand nombre d'entre eux ne pourront pas iaire cette disposition de leur fortune. Une foule de créanciers et d'arrière-créanciers se présenteront : le gage n'est pas transmissible à volonté ; et il faudra vendre. Cette masse énorme d'effets va créer, dans la Bourse de Saris, un nouveau commerce improductif qui achèvera de ruiner toutes les branches du commerce utile et toute autre espèce d'industrie. C'est là que les assignats actuellement en circulation et le peu d'écus qui restent encore dans le royaume, seront attirés par ce nouveau tourbillon vraiment dévorant. C est là que seront pompés les derniers sucs qui laissent encore à nos affaires une ombre de vie. Mais qui s'engraissera derechef aux dépens de la chose publique? Ceux-là seulement qui ont des écus libres, des millions à leurs ordres; tandis que la pluralité des créanciers de l'Etat verront leur ruine au moment où ils feront argent de leurs quittances.
En laissant dans l'abîme cette multitude de victimes, suivons la destinée de ces effets. Ou le capitaliste accapareur, après avoir spéculé sur les quittances, spéculera encore sur les domaines, il dictera la loi aux campagnes et vendra cher son crédit à leurs habitants; ou il gardera dans son portefeuille ces quittances acquises à vil prix, qui lui. rapporteront un intérêt considérable; et dès lors les biens nationaux ne se vendront pas. Le remède à ce mal serait donc de soustraire ces porteurs de quittances à la servitude de leur position, à l'empire de leurs créanciers; de donner à leurs créances sur l'Etat une valeur qu'elles ne pussent perdre, de manière que, passant de main en main, elle rencontrassent enfin un propriétaire qui pût les réaliser. Or, c'est là précisément la nature et la fonction des assignats-monnaie. Des revers multipliés, dit-on, les attendent dans la carrière qu'ils ont à fournir. Mais ces prophètes de malheur ne connaissent pas de quels spéculateurs ils sont les aveugles échos ; ils se perdent dans l'avenir et ne savent pas voir ce qui se passe autour d'eux. Voici le mystère : on peut faire trois classes principales des détracteurs ou des défenseurs des assignats. La première est composée de ceux qui, jugeant la.mesure des assignats indispensable, ne laissent pas d'en dire beaucoup de mal; et pourquoi? C'est qu'ils veulent, par ce moyen, empêcher l'essor des effets publics; et ils en achètent tant qu'ils peuvent, certains de la faveur que la nouvelle création d'assignats leur donnera. Le décrides assignats est pour ces gens-là une spéculation de fortune. La seconde classe est celle qui a vendu des effets à terme ; elle tremble que ces effets ne haussent : son intérêt est aussi de décrier les assignats, de prêcher les quittances de finance, les moyens qui retardent le crédit; mais voyant que la mesure des assignats prend faveur, ils s'efforcent de leur associée du inoins quelque
papier lourd, d'attacher le mort au vif, afin de retarder l'action de celui-ci et de diminuer leur perte. La troisième classe est celle qui se déclare en faveur des assignats, rondement, consciencieusement, en les regardant comme un moyen nécessaire et patriotique. Je crois fermement qu'on doit ranger dans cette classe les premiers promoteurs des assignats et la grande majorité de ceux qui sont attachés à cette mesure. (On applaudit.)
Un orateur s'élève avec un nouveau projet à la main; il rejette, dès l'entrée, les assignats, et ses premiers arguments sont les troubles répandus dans le royaume, les désordres suscités par les ennemis de la Révolution et la défiance publique qui en est la suite. Or, je vois bien là les raisons qui chassent l'argent, qui créent la misère générale ; mais je n'y vois pas celles qui empêchent qu'on ne remplace cet argent, qu'on ne subvienne à cette misère, et je plains l'orateur qui marche ici à rebours de ses intentions, et qui plaide si bien, sans s'en apercevoir, en faveur du parti qu'il voulait combattre. Il coutinue ; il se récrie de ce qu'on pense faire des amis à la Constitution par la cupidité et non par la justice.Mais les assignats-monnaie font justice à tout le monde; mais ils soustraient une foule de citoyens à ia cupidité de quelques hommes.Eh ! vraiment il est permis peut-être ae combattre un intérêt par un autre ; il est permis d'opposer à l'intérêt mal entendu, qui fait les antirévolutionnaires, un intérêt bien entendu, qui arrache les égoïstes à leur système d'indépendance, et les lie, par leur fortune particulière, a la fortune publique, au succès de la Révolution. Je supplie donc ces moralistess ublimes, qui s'indignent ici contre moi, de me permettre de ramper loin d'eux dans la bassesse du sens commun et d'une raison toute vulgaire. (On applaudit.) L'honorable membre descend enfin à la proposition d'un décret où il admet pour 800 millions de ces redoutables assignats. L'académicien qui les a comparés à de l'arsenic pourra trouver que la dose ici en est un peu forte ; mais voici le grand antidote : ce sont les quittances de finance. L'orateur en demande pour le remboursement de la dette, et ces quittances ne pourront être refusées en payement par les créanciers bailleurs de fonds. Mais rien, selon moi,de plus inadmissible que cette mesure. Comment l'Etat peut-il distinguer deux espèces de créanciers pour la même quittance ? Cel m qui la reçoit de la seconde main ne devient-il pas créancier de l'Etat au même titre que celui qui la reçoit de la première? Pourquoi donc cette quittauce commence-t-elle par exercer, en faveur de l'un, les droits de papier forcé, pour tomber tout à coup au préjudice de l'autre dans les inconvénients du papier libre? La justice a-t-elleainsi deux poids et deux mesures? Et la nation peut-elle les admettre dans sa balance? Un prélat a fixé l'attention sur cette maitêre. Je ne me propose pas de suivre le fil délié de sa discussion contre les assignats. Il me suffira d'en saisir quelques traits essentiels, et de leur opposer un petit nombre de vérités simples et incontestables.
Cet orateur observe que les biens nationaux n'étant point une augmentation de richesses territoriales, les assignats qui en sont le type ne représentent point non plus une richesse nouvelle; et il rejette, en conséquence, la qualité de monnaie qu'on veut leur donner. J'observe, à Dion tour que si les biens nationaux ne sont pas une nouvelle richesse, ils sont du moins une nouvelle marchandise ; que les assignats peuvent être institués, par là même, comme une monnaie
accidentelle pour les acquérir, et qu'ils disparaîtront quand la vente sera consommée. (On applaudit.) On a vu des nations forcées de créer au hasard du papier-monnaie dans des circonstances pareilles aux nôtres. Plus heureux dans nos besoins, nous avons une richesse réelle à mettre en circulation. Ceux qui achèreraient des bien nationaux avec des quittances de finance, les achèteront également avec des assignats; mais ceux qui n'en pourront pas acheter avec leurs assignats, par le besoin d en disposer pour quelque autre usage, qu'auraient-ils fait de leurs quittances? Ils les auraient vendues à perte pour se procurer ces mêmes assignats.Ainsi l'assignat, par cela même qu'il est entraîné pour quelque temps dans la circulation, atteste sa double utilité; et la quittance de finance ne peut point le remplacer à cet égard.
Supposons que la nation acquit tout à coup assez de numéraire pour payer sa dette; qui pourrait se plaindre qu'elle l'appliquât à cet usage? Qui pourrait se récrier contre une telle opération et la repousser par ses conséquences? Je soutiens que nous avons un numéraire moins dangereux pour nous libérer; il n'est pas à demeure; il ne nous surchargera pas. Nos fonds territoriaux seuls sont permanents ; et c'est un papier à temps qui les représente. Ce papier, quoique fugitif, ne prendra pas du moins le chemin de notre vaisselle, de nos bijoux et de nos écus. (On applaudit.) C'est donc une utile, une heureuse mesure pour ia nation, que de remplacer son numéraire par les assignats, tout en s'acquittant, par là, de ce qu'elle doit. C'est à tort que le même censeur de notre projet distingue, quant aux assignats, deux ordres de personnes : les débiteurs qui s'en déchargent et les créanciers qu'ils en embarrassent. Car les mêmes hommes, considérés individuellement, étant pour la plupart créanciers et débiteurs à la fois, peu leur importe de quel moyen d'échange ils se servent, pourvu que ce moyen soit reconnu valable, et qu'ils puissent le transmettre comme ils l'ont reçu.
On a peine à comprendre que l'honorable membre dont je parle ait pu imputer aux assignats le mauvais usage ou l'emploi détourné qu'on pourrait en faire, comme de les resserrer par malice, d'en acheter de l'argent afin de l'enfouir, d'acquérir par leur moyen des biens particuliers et non nationaux. Car mettez, je vous prie, des quittances de finance à la place des assignats, et voyez si la mauvaise intention n'en tirera pas le même parti. Mais, direz-vous, il faudrait vendre pour cela les quittances de finance, et il y aurait trop à perdre. J'avoue que je n'ai rien à répondre à une pareille apologie des quittances de finance. Créer des assignats-monnaie, pour- livres à six livres douze sous. Je conviens d'abord que s'il n'y avait point d'assignats on ne pourrait pas leur comparer les écus, et que ceux-ci ne gagneraient rien vis-à-vis des assignats. Mais alors les écus gagneraient sur une foule de choses, qu'on achète aujourd'hui au pair avec l'assignai, et l'on aurait pour six livres, non pas seulement ce qui se paye aujourd'hui six livres douze sous, mais des valeurs peut être de sept ou huit livres* Or, j'aime mieux, à tous égaras, que la raceté des écus leur fasse gagner un peu sur loi assignats, que si la plupart des choses perdaient beaucoup contre les écus. Je reviens donc à cette
vérité, c'est que l'assignat gradue la valeur des espèces, et que la rareté seule de ces espèces en hausse le prix. Suivons l'orateur dans ses observations sur le change, relativement à notre commerce avec l'étranger, en supposant la perte future qu'il attribue à l'assignat-monnaie. Il en résulte, dit-il, qu'alors le Français qui commerce avec l'Angleterre, soit comme vendeur, soit comme acheteur, perdra sur le change. Mais pénétrons plus avant, et passons du principe à la conséquence. Que les marchandises anglaises renchérissent pour nous; dès lors, moins de consommation, moins de demandes pour les objets de fantaisie, moins d'argent qui sort du royaume, et tout se compense. Que les marchandises françaises soient acquises à meilleur marché par les Anglais, dès lors il y aura plus de débit, plus de commissions; le prix haussera, on regagnera d'un côté ce qu'on perd de l'autre, Enfin, alimenter, raviver notre industrie, mettre la balance de notre commerce en notre faveur, c'est l'essentiel. Il n'y a rien de plus ruineux pour un pays que d'y payer l'argent au poids de l'or, d'y languir, de ne rien manufacturer, de n'en rien exporter. Quelques inconvénients, qui même sont bientôt balancés par des avantages, ne sont rien au prix d'une telle calamité, et les plus fines, les plus ingénieuses argumentations contre les assignats-monnaie n'ébranleront jamais la masse des raisons et des faits qui en établissent la nécessité.
L'habile orateur doDt je parle s'est contenté dans son projet de décret d'écarter les assignats comme les ennemis les plus dangereux de son dernier plan de liquidation. Il me suffit donc, pour écarter son plan, d'avoir vengé contre lui les assignats.
Mais j£i, entre notre signe territorial et ces divers moyens de remboursement, une grande différence se préseute à son avantage. C'est lu nation qui paye l'intérêt de'ces reconnaissances, de ces quittances mortes. Mais l'assignat agit, fructifie comme numéraire entre les mains qui l'emploient;, et tandis qu'il circule la nation perçoit l'intérêt des biens dont il est le gage.
Et je ne puis m'empêcher de m'élever contre divers projets d'association qui ont été présentés entre l'assignat-monnaie et les quittances de finance, soit contrats ou reconnaissances, pour le payement de la dette. Je m'élève, dis-je, contre cette association, comme n'ajoutant rien à la confiance due aux assignats, comme compliquant la mesure, comme prodiguant des intérêts inutiles, comme ouvrant la porte à des spéculations dont les suites peuvent être pernicieuses. Et quant à l'option laissée aux créanciers, dans quelques projets, entre les assignats et les obligations territoriales, pourquoi cette option a-t-elle été imaginée ? C'est en comptant, dit-on, sur la préférence quir sera donnée aux assignats. Je demande si une aussi puérile combinaison est digne de cette Assemblée?
Je sais qu'en dernière analyse la nation ne gagnerait rien à l'économie d'intérêt dont je viens de parler si l'assignat venait à tomber en discrédit; mais après tout ce que nous avons observé à cet égard, il nous est permis de regarder cette épargne d'intérêt comme quelque chose. Nous devons surtout en sentir la conséquence dans les circonstances où nous entrons.
L'impôt dont le nom seul jusqu'à présent a fait trembler les peuples , mais qui doit présenter maintenant un tout autre aspect ; l'impôt va recevoir chez nous une nouvelle forme. Nos charges
seront allégées ; mais nous avons encore de grands besoins. Le fardeau ci-devant plus divisé et supporté dans ses différentes parties, de jour à jour pour ainsi dire, se faisait peut-être moins sentir, bien qu'en somme il pesât "cruellement sur la nation. Aujourd'hui qu'il va se concentrer en quelque sorte el se rapprocher plus près des terres, il peut étonner le peuple et lui semble pénible à porter. Cependant il n'est aucun de nous qui ne sente combien le succès de cette grande opération importe à celui de tout notre ouvrage. Nous n'aurions rien fait pour la tranquillité et pour le bonheur de la nation, si elle pouvait croire que le règne de la liberté est plus onéreux pour elle que celui de la servitude. (On applaudit.)
Nous pouvons affaiblir maintenant cette redoutable difficulté; nous pouvons diminuer les impositions de toute la différence qui existe entre l'intérêtqu'onattacheraauxquittances de finance, ou autres instruments de liquidation, et le revenu d'une masse de biens nationaux, équivalents au capital de ces quittances. Nous pouvons les diminuer encore de la différence entre l'intérêt de la somme des quittances qu'on voudrait donner en remboursement des divers offices et celui que perçoivent aujourd'hui leurs titulaires. En rassemblant ces deux objets, dont l'évaluation dépend du rapport entre ces différents intérêts, on peut assurer à la nation pendant plusieurs années une grande épargne, si l'on acquitte par des assignats la dette actuellement échue. Il est bien d'autres épargnes qui seraient le fruit de cette mesure, mais il.en résultera évidemment un moins imposé pour les Français. Or, si le parti des assignats présente d'ailleurs tant d'avantages, et si nous pouvons les regarder comme un titre d'une solidité si parfaite qu'on ne doive point en craindre l'altération, vous sentez quelle prépondérance y ajoute le soulagement qu'ils apportent au fardeau des subsides ; vous sentez même quel accueil cette économie peu valoir à la mesure des assignats, et comment le public sera disposé à favoriser leur succès par la confiance ; vous sentez combien votre système général d'impôt trouvera plus de facilité à être adopté, en le présentant comme un résultat diminué d'une somme si considérable; vous sentez enfin quel avantage ont encore ici les assignats, qui, en allégeant les impositions, en facilitent de plus le payement par leur qualité circulante : au lieu que les quittances de finance, avec tous les autres vices, aggravent les charges de l'Etat, et ne fournissent aucun moyen de les supporter.
Quand je réduis la création des assignats-monnaie à la somme strictement nécessaire pour le payement de la dette actuellement exigible, c'est que nous devons leur laisser tout l'appui d'un gage étendu, et que la juste confiance qu'il importe de leur assurer nous prescrit à cet égard des bornes inviolables. Et je ne conçois pas comment l'on a inféré, de mon précédent discours sur ce sujet, que je comprenais dans cette dette exigible cellé qui rigoureusement n'est pas exigible, celle qui ne l'est point encore et qui ne le sera qu'avec le temps. Je ne comprends pas que quelques personnes se soient effrayées de ma proposition, comme si j'avais demandé la création de 2 milliards d'assignats-monnaie, tandis que je n'ai pas articulé une seule somme. Quand même la masse , des fonds nationaux et disponibles pourrait s'élever à 3 milliards, pouvons-nous compter sur cette somme? Nous savons bien que tout est à vendre; mais la fleur des biens attirera les premiers empressements ; et quant au
reste, une partie peut rester longtemps sans acheteurs. La prudence nous oblige donc à borner l'aperçu de cette richesse territoriale à 2 milliards. Joignons aux 400 millions d'assignats répandus une réserve à peu près égale pour les besoins futurs et contingents; reste au delà d'un milliard pour l'acquit dé cette partie de la dette publique à laquelle on peut donner le plus strictement le nom d'exigible. Si nous savions nous réunir sur les objets que je viens de mettre sous vos yeux ; si nous savions écarter les nuages d'une fausse défiance, -d'où peuvent encore partir les tempêtes; si, nous ralliant aux vérités qui sauvent, nous n'avions d'ardeur que pour les défendre et les propager, toute incertitude, toute crainte cesseraient, et la restauration de nos affaires serait très prochaine. Rien n'est plus fragile que la confiance, puisqu'elle dépend toujours en quelque point de l'opinion; l'ébranler est donc un grand tort, quand elle repose sur de bonnes bases, quand elle peut faire le salut de la nation. Tous Français, compatriotes et frères, nous ne pouvons ni périr, ni nous sauver les uns sans les autres : en nous élevant au-dessùs de circonstances passagères, sachons voir que les mêmes intérêts nous commandent les mêmes vœux, nous prescrivent le même langage. (On applaudit.)
Comment donc souffrir, dans fa grande affaire qui nous occupe, qu'on emploie plus de mouvements pour diviser les opinions des citoyens qu'il n'en faudrait pour les éclairer et les réunir? lgnore-t-on les menées, les instigations, les instances que l'on s'est permises? Ignore-t-on qu'après avoir fait parler l'aveugle intérêt, et soufflé son rôle à l'ignorance, on vient ensuite nous donner ce résultat comme le jugement libre et réfléchi de l'expérience et des lumières, comme le vœu respectable des manufactures et du commerce ? Est-ce là cet oracle pur de l'opinion publique, qui devait nous servir de guide? N'est-ce pas plutôt la voix déguisée d'un égoïsme astucieux, qu'il nous suffit de reconnaître pour le repousser ? Et voulez-vous pénétrer les motifs de ces clameurs mercantiles, de ces répulsions financières, qu'il a été si aisé d'exciter contre les assignats-, sondez les intérêts d'un certain ordre de commerçants; apprenez quels sont les calculs des fournisseurs d argent et de crédit. Les manufactures sont toutes tributaires des uns ou des autres. Ceux-là, soit que voués au commerce de commission, ils fassent des fonds aux fabricants sur leurs marchandises; soit qu'adonnés à la banque, ils se chargent d'acquitter leurs engagements, tous mettent un prix de 6 0/0 à leurs avances; ceux-là, riches commanditaires, portent jusqu'à 10 0/0 et au delà l'intérêt de leurs capitaux. Or, créons des capitaux en concurrence; élargissons, facilitons la voie des emprunts et du crédit; abaissons par là même le taux de l'intérêt; n'eutendez-vous pas crier aussitôt ces commissaires, ces banquiers, ces capitalistes? Mais vous ne vous y tromperez pas : ce cri est un suffrage des manufactures ; c'est le signal de leur prochaine restauration, c'est un préjugé favorable pour les assignats. (On applaudit.) Législateurs, rapprochez donc les volontés par le concert de vos sentiments et ue vos pensées ; votre opinion ferme et arrêtée sera bientôt l'opinion publique ; elle aura pour elle tous les fondements que la sagesse et la nature des circonstances peuvent lui donner. Mais ne pensons pas nous dérober entièrement à leur empire. Nous marchons chargés d'une dette immense, d'une dette que des siècles de despotisme et de désordre ont accumulée sur nos têtes. Dépend-il
de nous, même en l'allégeant, de faire qu'elle puisse être su portée sans aucun embarras, sans aucune gêne? Est-ce enfin des choses impossibles que la nation exige de nous? Non, elle n'entend pas que nous convertissions soudainement et par miracle la pénurie en abondance, la fortune adverse en prospérité; mai3 qu'en opposant à ces temps nécessiteux toute la grandeur des ressources nationales, nous servions aussi la chose publique, selon la mesure de nos forces et de nos lumières. Si doue la nation se confie dans le zèle de cette Assemblée, sans doute aussi celte Assemblée peut se confler dans la justice de la nation. (On applaudit.)
Non, il n'est pas de la nature des choses, dans ces conjonctures calamiteuses, d'user d'un moyen qui ne porte avec lui ses difficultés ; celui des assignats-monnaie en serait-il donc le seul absolument exempt? Ce n'est pas ici l'objet d'un choix spéculatif et libre en tout point; c'est une mesure indiquée par la nécessité; une mesure qui nous semble répondre le mieux à tous les besoins, qui entre dans tous les projets qui vous ont été offerts, et qui nous redonne quelque empire sur les événements et sur les choses. Des inconvénients prévus ou imprévus viennent-ils ensuite à se déclarer ? Eh bien ! chaque jour n'apporte pas avec lui seulement ses ombres, il apporte aussi sa lumière ; nous travaillerons à réparer ces inconvénients : les circonstances nous trouveront prêts à leur faire face, et tous les citoyens, si éminemment intéressés au succès de notre mesure, formeront une fédération patriotique pour la soutenir. (La salle retentit d'applaudissements.)
Ainsi tout doit fortifier votre courage. Si vous aviez prêter l'oreille jusqu'à ce jour à toutes les instances des préjugés, des vues particulières et des folles craintes, votre Constitution serait à refaire. Aujourd'hui, si vous défériez à tous ces intérêts privés, qui se ccoisent et se combattent les uns les autres, vous finiriez par composer avec le besoin ; vous concilieriez mal les opinions, et la chose publique resterait en souffrance. C'est d'une hauteur d'esprit qui embrasse les idées générales, résultat précieux de toutes les observations particulières, que doivent partir les lois des Empires. Un administrateur qui viendrait vous vanter l'art de ménager tous les détails, comme formant le véritable génie de l'administration, vous donnerait sa mesure, il vous apprendrait bien le secret de tous les embarras qui ont fatigué sa marche, mais il ne vous apprendrait pas celui d'assurer la vôtre. Oser être grand, savoir être juste, on n'est législateur qu'à ce prix. (Les applaudissements redoublent à plusieurs reprises.)
Je propose donc et j'amende de cette manière le décret que j'eus l'honneur de vous soumettre le 27 août dernier :
1° Qu'il soit fait une création d'assignats-mon-naie, sans intérêt, jusqu'à la concurrence d'un milliard, pour le payement de la dette actuellement échue et rigoureusement exigible, lequel payement devra s'effectuer, à mesure que la liquidation des différentes créances sera arrêtée, à commencer par l'arriéré des départements, les rentes en retard, les effets suspendus, la partie actuellement liquide des charges et offices, et ainsi de suite, selon l'ordre et l'état qui seront dressés à cet effet;
2°Qu'on s'occupeincessamment de la fabrication de petits assignats au-dessous 200 livres, pour la somme totale de 150 millions, dont 50 seront échangés, à commencer du 15 décembre prochain,
contre la même valeur d'assignats actuellement en circulation ; et le reste des petits assignats sera distribué pour le payement des diverses créances, et réparti sur toute l'étendue de ce payement ;
3° Qu'à la susdite époque du 15 décembre prochain, l'intérêtattaché aux 400 millions d'assignats actuels cessera d'avoir lieu, et que l'intérêt échu jusqu'alors soit acquitté, par la caisse de l'extraordinaire, aux porteurs de ces billets dont les coupons seront retranchés ;
4° Que la vente de la totalité des domaines nationaux soit ouverte le 15 octobre, et que les enchères en soient reçues dans tous les districts ;
5° Que les assignats et l'argent soient admis également en paiement pour l'acquisition desdits domaines; que l'argent qui sera reçu serve à éteindre une somme égale d'assignats;
6° Que le comité des finances soit chargé de dresser une instruction et un projet de décret pour fixer ces différentes opérations, et les mettre en activité le plus tôt possible, comme aussi de présenter à l'Assemblée nationale le plan de formation d'un bureau particulier, qui serait chargé de la direction de tout ce qui concerne la dette publique.
Voix nombreuses : L'impression 1
(L'impression du discours de M. de Mirabeau est ordonnée.)
Il m'a été remis deux lettres, l'une detM. dePeynier, l'autre de M. de La Luzerne; elles sont relatives aux colonies. Le ministre demande que l'Assemblée s'occupe promptement de différents objets énoncés dans sa lettre. Je pense que l'Assemblée jugera à propo^ d'entendre la lecture de ces pièces, pour les renvoyer ensuite à tel comité qu'elle croira convenable.
Par la première de ces lettres, M. de Peynier annonce que le décret du 8 mai avait d'abord été reçu.a vec allégresse par les assemblées paroissiales comme un bienfait de la mère-patrie; que l'assemblée coloniale avait paru y adhérer, afin de mieux fasciner les yeux ; mais que bientôt, par des actes sans nombre, elle a usurpé la souveraineté. M. de Peynier rapporte qu'il a pris tous les moyens pour réunir les colons a la même opinion, qu'il a lait tous les sacrifices personnels qu'il a cru nécessaires pour ramener la paix et que sa conduite a arraché des éloges à ceux mêmes qui s'efforçaient de le rendre odieux. Cependant le désordre augmente; encore un moment, et la moitié de la colonie pouvait être égorgée par l'autre. M. de Peynier, informé dans la soirée du 29 juillet que le comité de l'ouest tenait une assemblée nocturne, et convaincu de la uécessité de dissoudre cette assemblée, a donné ordre à M. de Mauduit de faire mai cher un détachement vers le lieu où cette assemblée tenait ses séances. Beaucoup de citoyens s'étaient réunis aux troupes par hasard, ou par l'effet d'une conspiration ; la garde du comité était quadruplée, et la maison remplie d'hommes armes. On a répondu à la sommation de M. de Mauduit par une décharge d'artillerie. Trois des soldats qui s'étaient avancés avec cet ofncier ont été tués ; les troupes ont tiré* et la perte des personnes qui étaient dans la maison a été plus considérable.
(Un de MM. les secrétaires lit la lettre de M. de La Luzerne.)
11 est juste d'attendre pour
prononcer que les députés envoyés de Saint-ûo-mingue soient entendus.
L'affaire de Saint-Domingue se divise en deux parties : 1° les mesures indispensables et pressantes pour porter»la paix dans la colonie et pour tranquilliser les nombreux citoyens, qui, après avoir prouvé leur patriotisme, ne peuvent pas attendre longtemps notre appui; 2° le parti à prendre relativement à la ci-devant assemblée coloniale de Saint-Marc. La première partie est extrêmement pressante. Nous n'avons pas besoin d'entendre les députés du Port-au-Prince ; le comité a toutes les lumières nécessaire?. Quant à la seconde, on les entendra avant de les juger, avant de prononcer les peines qu'ils ont encourues. Il ne faut pas différer à rétablir l'ordre. L'humanité, la stricte justice exigent seulement que vous entendiez les motifs de la conduite des membres de la ci-devant assemblée coloniale, pour juger si ses fautes ont été l'effet d'illusions fâcheuses et non de projets coupables ; mais l'humanité exige également que vous rétablissiez le bon ordre, et que vous rassuriez la tranquillité de ceux qui ont multiplié leurs efforts pour empêcher qu'elle ne fût troublée. La justice demande que vous leur donniez des éloges ; vous verrez que les lettrés, que les actes de M. de Peynier sont également remplis de fermetéet du patriotisme dontii adonnél'exemple. Je prie donc l'Assemblée de décider qu'immédiatement après avoir entendu (es députés du Port-au-Prince, elle prendra un parti sur ce dernier objet, et qu'il n y a pas lieu à délibérer quant à présent.
(L'Assemblée décrète que jeudi prochain au soir les députés du Port-au-Prince seront reçus, et ordonne le renvoi des pièces au comité colonial.)
(La séance est levée à quatre heures.)
A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE DU
Opinion Stanislas de Clermont-Tonnerre, dans la question des Assignats (1).
Messieurs, la discussion est avancée, les questions sont posées, et les divers systèmes se sont assez longtemps combattus pour que l'homme attentif et sans préjugés puisse maintenant distinguer celles des raisons ou des objections qui n'ont pas été détruites ou affaiblies dans le cours de cette lutte intéressante. Il n'est cependant pas devenu beaucoup plus facile d'adopter une opinion décisive; il existe encore, tant dans la nature des choses que par l'empire des circonstances, une multitude de difficultés que redoute rhomn^e de bonne foi, l'homme dont les yeux ne voyent que le bien public, dont les pas ne tendent qu'à ce but, et qui n'est intéressé par aucune considération étrangère, à préférer telle ou telle route parmi celles qu'on lui présente.
La discussion est renfermée dans un petit nombre de questions.
Décréterez-vous une émission de 2,400 millions d'assignats, pour Je payement de ce qu'on appelle la dette exigible?
Acquitterez-vous la dette exigible par des quittances de finance?
Admettrez-vous les titres de la dette constituée et ceux de la dette exigible à être directement échangés contre les biens déclarés nationaux ?
Adopterez-vous quelques-uns des partis mitoyens qui peuvent résulter de la combinaison des différentes systèmes principaux?
Ces questions peuvent elles-mêmes se résoudre par d'autres.
Parcourons d'abord rapidement les difficultés ou les avantages dont chacun de ces systèmes nous paraît environné.
Les partisans des assignats vous présentent le tableau satisfaisant de la régénération de nos finances, de la renaissance du crédit, des manufactures, de l'agriculture, du commerce ; ils y voient un véritable numéraire, en faisant toutes lés fonctions, influant et sur le prix des denrées, et sur le prix des salaires, et sur la rapidité des échanges : ils voyent enfin l'avantage inappréciable d'avoir payé la dette publique, d'être déchargé des intérêts et de jouir encore du revenu total ou partiel des biens nationaux jusqu'à, ce que les ventes des diverses parties de ce gage de la dette publique soient définitivement consommées. Nul doute dans leur système sur la valeur qu'auront les assignats ; ils ne sont point un papier-monnaie puisqu'ils ont une hypothèque; ils ne doivent perdre, puisque la valeur des hypothèques est égale à la somme des assignats; ils ne peuvent pas surcharger la circulation, car le trop-plein sera sans cesse absorbé par les ventes ; ou ces ventes seront lentes et successives, et alors il sera évident, non seulement que les assignats ne perdent pas et n'embarrassent pas la circulation, mais encore que le public les préfère à l'objet dont ils sont le signe, ou bien les ventes seront rapides, et alors elles se feront à un haut prix par le concours des assignats, et alors vous serez parvenus prompte-ment à l'aliénation des biens déclarés nationaux, aliénation qui rend la Révolution solide et la Constitution inattaquable. L'expérience est aijissi invoquée par les partisans des assignats ; aucun mauvais effet n'a suivi la première émission que vous en avez ordonnée ; le numéraire n'est ni plus, ni moins rare, et les échanges se consomment plus facilement sans lui. Le prix de l'escompte est peu ou point augmenté, et l'on vous observe qu'il ne faut pas comparer l'assignat avec l'argent, qui est une véritable marchandise devenue plus ou moins rare pour des eausee étrangères aux assignats, mais avec le papier, lettre ae change, mais avec les objets mobiliers et immobiliers qui ne seraient plus en vente, ou dont valeur serait haussée si l'assignat perdait contre eux. On vous dit que si les heureux effets des assignats ne sont pas encore étendus aux classes les moins riches de la société, c'est Uniquement parce que n'en ayant pas décrété au-dessous de 200 livres, vous ne les avez pas rendus aussi favorables au commerce de détail, qu'ils peuvent bientôt le devenir en les décrétant à plus petites sommes; à l'appui de cette mesure, on vous présente la possibilité d'établir une échelle entre l'assignat le plus haut et la plus petite monnaie, en échangeant, dans des caisses que le patriotisme créera, l'assignat de 50 livres contre celui
; de 36 livres et 14 livres; celui de 36 livres, contre l'assignat de 25 livres et 11 livres; et celui de 25 livres contre des espèces monnayées ; de celte manière, l'argent devenu moins nécessaire deviendra nécessairement moins rare, et l'ouvrier ou le pauvre cultivateur dont les salaires ou les ventes s'élèvent qu'à de petites sommes, jouiront de l'avantage des assignats.
Enfin,et l'on insiste sur cette raison, quel que soit le sort des assignats en finance, ils auront au moins eu politique, l'avantage inappréciable d'attacher tous les individus pour leurs intérêts à la Révolution présente ; il n'y aura personne qui ne voie qu'un changement dans notre système politique doit entraîner le inversement de sa fortune particulière, doit livrer le porteur d'assignats à la plus horrible misère, doit appeler sur chacun de nous des maux infiniment plus effrayants que ceux dont peuvent se plaindre les victimes de nos réformes, et cette opinion, généralement répandue, doit donner autant d'apôtres à la Révolution, qu'il y aura d'hommes que pourra atteindre le discrédit des assignats. C'est avec cette masse de raisons que les partisans des assignats vous présentent leur système ; quelqu'un d'eux ajoute que l'on ne peut pas le combattre sans être ennemi de la Révolution française; mais ils me pardonneront sans doute de ne pas insister sur ce raisonnement, qui n'est, en définitive, qu'une injure, de ne rien opposer a cette arme, qui ne blesse que celui qui l'emploie, mais qui ne produit aucun effet sur l'homme sûr de ses principes et qui pourrait tout au plus produire, dans l'homme qui aurait plus ae caractère que de raison, une sorte de ténacité dans des opinions qui auraient peut-être cédé à des raisonnements plus justes, ou à des procédés plus honnêtes.
Jepasse aux objections que l'on oppose à ce système. — Les assignats, dit-on, sont destinés à la double fonction d'obligation hypothéquée sur un bien-fonds, et de monnaie circulante sous la sauvegarde de la loi: comme papier hypothéqué, ils ont une valeur, et en raison de cette valeur, ils ont un usage comme monnaie; sous ces deux points de vue, et pour ces deux causes, ils doivent être discrédités. Comme monnaie, ils ont d'abord à l'égard de l'argent une infériorité réelle, car l'argent est en même temps monnaie et marchandises, et les assignats ne sont évidemment que monnaie : la valeur de l'argent lui est inhérente, et n'en peut être détachée ni par le fait, ni par l'imagination; la valeur de l'assignat en est séparée par le fait, puisqu'il y aura des formalités, une concurrence, des ventes, avant que le signe puisse être réalisé, et l'on sent combien l'opinion peut ajouter encore à la distance réelle qui sépare l'assignat de sa valeur.
Comme monnaie, il est encore inférieur à la valeur des objets d'achats ou d'échanges ; en effet, la balance de la monnaie aux marchandises n'est réglée que par le nombre des signes monétaires : s'il y a deux milliards en circulation, et qu'il n'y ait qu'une même quantité de productions ou marchandises, que lorsqu'il n'y avait qu'un milliard en circulation, il est évident que l'objet payé précédemment dix sols s'élèvera au prix d'une livre; d'où l'on conclut que deux millions d'assignats, ajoutés à la circulation, présentent une augmentation de valeur, et 1 on voos dit que ce n'est pas payer vos dettes que de les acquitter avec une monnaie qui est évidemment inférieure à celle que vous ont donnée vos créau-
cïers. Si l'on prétend opposer à ces causes du discrédit la valeur réelle des assignats, leurs adversaires répondent qu'il suffit de les suivre dans la circulation pour apercevoir uue nouvelle cause de discrédit, et une nouvelle immoralité dans l'ensemble de ce système ; il est clair que la loi ne pouvant rien sur les conventions libres, l'assignat aura sa valeur légale du créancier au débiteur, et sa valeur réelle du consommateur au marchand : cc qui veut dire, en d'autres termes, que la totalité de ceux qui doivent feront à la totalité de ceux à qui il est dû une banqueroute équivalente à la somme de cette différence. Oh ajoute que cette opération démontrée injuste, sera encore désavantageuse à la balance du commerce. Si le commerce n'était qu'intérieur, il serait entravé par une monnaie dont la valeur doit nécessairement varier ; il y aura de l'incertitude dans les marchés à terme, parce que l'homme qui ne doit être payé qu'à 21 mois de date ne peut établir aucune spéculation certaine, si des causes étrangères à lui peuvent à cette époque augmenter ou diminuer de 3, 4 ou 10 0/0 la valeur du signe monétaire avec lequel on le payera \ cette considération fera participer plus ou moins de la nature du jeu sur les fonds toutes les conventions à terme. Pour éviter cet inconvénient, il faudrait prendre l'argent pour base des conventions ; mais alors l'assignat n'est plus la véritable monnaie, puisqu'on en recevra plus ou moins pour une même valeur, selon le rapport où ils se trouve-rontavec la véritable monnaie, lors de l'échéance du payement.
Transportez ces inconvénients dans toutes les conventions du commerce extérieur, et vous verrez le négociant français payé et payant en assignats, mais supportant seul, en définitive, la différence du papier, supportant aussi la diminution qu'apportera dans son commerce, la méfiance de létranger, méfiance qui restreindra nécessairement nos opérations mercantiles à celles dont la solde pourra être placée par retours dans le commerce même de France ; vous verrez, dit-on, le commerce ainsi contrarié dans toutes ses opérations, et ce qui est toujours la honte d'une loi, vous verrez la bonne foi lutter contre elle ; et quand la loi aura dit : cet assignat vaut 200 livres, l'honnête homme sera forcé de dire contre la loi : cet assignat vaut pour moi 10 livres de moinsî
On se refuse aux conséquences que l'on voudrait tirer en faveur d'une nouvelle émission d'assignats, du bon effet qu'ont produit les 400 millions décrétés ; on convient qu'il y a en» core une grande quantité d'objets, tant mobiliers qu'immobiliers, que les propriétaires veulent vendre et dont ils offrent l'échangé, même contre des assignats; mais on nie que ce fait ait aucun rapport à la question; on trouve,-dans la crise violente qu'a éprouvée l'Empire français, dans les défiances, dans les émigrations, dans le dérangement des fortunes, des causes plus que sufhsantes de la richesse désastreuse de nos marchés: on compte, parmi cette affluence de vendeurs, beaucoup de gens qui ne vendent que pour s'acquitter, quelques-uns pour s'expatrier, et tous n'acceptant des assignats que parce qu'il n'y a que des assignats, et que leurs créanciers ou leurs craintes les forcent à préférer même une perte à leur état actuel. Qu'est-ce, vous dit-on., d'ailleurs, que 400 millions d'assignats, dont vous avez payé les dépenses de l'année, qui se sont répandues parmi des créanciers déjà ruinés par une longue attente, auxquels vous avez attaché
un intérêt de 3 0/0, qui, outre, pour cet intérêt, perdent 5 1/4 contre l'argent, et contre " lesquels on n'échange à perte des objets, que l'on ne veut ou ne peut pas garder, que dans l'espérance et avec le projet de ïeuréchanger bientôt eux-mêmes contre le peu d'argent que les agents du numéraire souffrent encore sur la place.
Etendre aux classes moins aisées l'émission des assignats, en en créant de la valeur de 50 livres, 36 iivres et 25 livres, c'est, dit-on, consommer la ruine entière du pauvre,-car l'assignat perdant contre l'argent, le déchet sera supporté par celui quia besoin d'argent, et alors il n'y aura que le pauvre qui ait besoin d'argent, puisque tous les marchés considérables se feront avec du papier; c'est faire disparaître tout à fait le peu d^argent que la nécessité mit en circulation, c'est opérer promptement un changement dans le prix du pain, puisque le setier de blé sera payé dans une monnaie vacillante et dont les variations influeront nécessairement d'un jour à l'autre sur le pain dont il est la matière première. Et qu'on ne dise pas que, si le pain est plus cher, les salaires augmenteront dans une proportion égale ; cela est vrai d'une augmentation graduelle, cela ne l'est pas d'une augmentation subite. On emploiera moins l'ouvrier de luxe, on fera faire moins d'ouvrages de tous les genres; si le salaire veut exiger une augmentation soudaine, alors ceux qui n'auront plus d'ouvrage tomberont à la charge de la société ou la troubleront, et l'on ne pourra, sans injustice, les punir du mal qu'on leur aura fait.
Si l'on prétend trouver un remède à ces maux par l'établissement des banques destinées à l'échange des petits assignats, on voit dans ce remède un nouvel inconvénient; ces établissements seront dispendieux, ils seront même dangereux pour ceux qui les auront faits; ces hommes aisés qui, par esprit de patriotisme, achèteront à perte de l'argent qu'ils donneront au pair pour l'assignat, seront exposés à toutes les méfiances de la multitude, leurs opérations seront désignées par la malveillance comme des accaparements criminels, et on ne peut compter sur la durée d'un établissement que tant de dangers environnent.
Enfin, par l'émission de 2,400 millions d'assignats, on obstrue la circulation réelle pour lui substituer une circulation forcée et illusoire, on fait banqueroute même à ceux à qui l'Etat ne doit rien ; cette opération est, en politique, en finance et en -morale, le rêve le moins admissible; elle ne précipitera même la vente des biens nationaux que dans le cas où, tombés dans un discrédit funeste; ayant laissé partout des traces désastreuses de leur passage, repoussés aussi vite que reçus par les créanciers auxquels La loi les présente, accumulés dans les mains de l'homme qui ne doit rien à personne, ils se précipiteront enfin à la vente de ces immeubles qui peut-être ne conviendront point aux acquéreurs, mais qu'il faudra bien qu'ils achètent pour n'être pas ruinés.
Voilà, Messieurs, les objections que l'on oppose à l'émission des assignats, elles en balancent au moins les avantages; l'esprit, fatigué de ces incertitudes, voudrait trouver un système qui lui offrît moins de dangers: on craint lorsqu'il s'agi de se dire par un seul décret, par une seule me«• sure, nous parvenons au plus haut degré de la richesse, ou nous tombons dans les abîmes de la misère.
Quelles que soient les raisons de part et d'autre
un sentiment de défiance leur survit; on se bornerait à moins de biens pour éviter des maux aussi grands, et on se reporte volontiers dans un autre ordre d'idées, et on examine avec plaisir des propositions peut-être moins fastueuses, mais dans lesquelles une erreur n'est du moins pas punie par la mort. Telle est peut-être l'idée des quittances de finance, et nous allons l'examiner.
Pour liquider la dette exigible, on vous propose d'en convertir tous les titres en un papier hypothéqué sur les biens nationaux, nommé quittance de financé; on veut qu'il ne soit pas monnaie, et qu'uniquement destiné à l'acquisition des biens territoriaux qu'il représente, il porte seulement l'intérêt légal, dont une partie même sera réservée, pour en être tenu compte sur le prix de la vente, lorsque la quittance de finance sera appliquée à son véritable usage.
On vous dit, à l'appui de ce système, que le droit de votre créancier est évidemment respecté, puisque vous lui mettez entre les mains, puisque vous lui livrez véritablement le gage même de sa créance ; que sa jouissance d'intérêt est aussi scrupuleusement maintenue, puisque même après lui avoir assuré le gage, vous lui èn payez l'intérêt, jusqu'au moment où il aura pu ou voulu s'en Baisir en consommant l'acquisition.
On ajoute que ce moyen économise véritablement plusieurs millions sur les intérêts actuels, et sans avoir l'inconvénient des assignats qui, par cela même une émission monnaie augmente nécessairement les prix et les salaires de tout genre, ajouteront plus à la dépense annuelle des départements, qu'ils ne pourront la soulager par une diminution d'intérêt. On remarque que, s'il est vrai, comme on le soutient dans l'autre système, qu'il faille une augmentation de signes monétaires lorsqu'il y a une augmentation de capitaux, ce but est parfaitement rempli par les quittances de finance, avec cette différence, tout entière à leur avantage, qu'elles ne seront que le signe de ce qu'elles représentent et qu'elles ne bouleverseront pas les fortunes comme les assignats, qui, n'étant naturellement que le signe d'un immeuble et devenu forcément par la loi le signe de toutes les denrées, auraient tou3 les dangers, tous les inconvénients attachés à une double fonction dont l'une est évidemment usurpée.
Enfin, repoussant le terrible argument dont on appuie les assignats, on soutient que les quittances de finance feront plus de prosélites à la Révolution que les assignats ne pourront lui en faire : l'on observe qu elles feront des prosélytes dans une classe et parmi des hommes où ir n'est pas indifférent que ses apôtres soient nombreux. On nie même que le porteur d'assignats soit nécessairement intéressé à ce que la Révolution se consomme, si laconfiance la plus absolue n'environne pas ce papier, ceux qui craignent d'en être surchargés ne seront-ils pas aussi prêts de la tentation de s'opposer à son cours, que du désir de les soutenir au pair, ce dont ils n'auront souvent ni l'espérance, ni les moyens : les mécontents des assignats ne trouveront-ils pas des auxiliaires dangereux, dans cette multitude d'hommes peu éclairés, qui se sont aujourd'hui passionnés pour ce Système sans l'entendre,et qui se passionneront contre lui lorsqu'ils l'entendront à moitié?
D'ailleurs gui veut-on convertir à la Révolution? Le peuple? il l'est : il ne s'agit que d'empêcher qu'on ne l'égaré. Les riches, ceux qui sont mal intentionnés, vendront les assignats à perte, auront de l'argent et l'enfouiront ou l'emporteront. Les assignats ne produiront donc pas cet effet ; les
quittances de finance, au contraire, hypothéquées sur la vente des biens nationaux, qui ne sont rien si elles ne se vendent pas, tandis que l'assignat serait encore quelque chose quand !a vente n'aurait plus lieu; les quittances de finance qui, données en remboursement aux possesseurs d'office, et à tant d'autres dont la position luttait contre leur patriotisme, attachant évidemment leur fortune à la consommation des ventes domaniales, les intéressent directement à ce qu'elles s'effectuent et fortifient doublement la Révolution, en lui associant par l'intérêt ceux même que l'intérêt en éloignait précédemment ; enfin il y aura toujours, dit-on, cette différence en dernière analyse, entre le porteur d'assignats, et Je porteur de quittances de finance, en les supposant tous deux mécontents, que le premier ne pourra jamais irriter le peuple pour un intérêt qui lui sera totalement indifférent.
Tels sont les avantages que présente le système des quittances de finance, système si courageusement soutenu par M. Dupont, et par plusieurs honorables membres; on sera peut-être étonné de me voir honorer du n om de courage, l'accom plissement strict du devoir ; mais ce qui est arrivé à M. Dupont, m'autorise à me servir de cette expression; il est affreux qu'un bon citoyen soit insulté, menacé par des hommes attroupés à la porte de notre Assemblée. Que le peuple ouvre enfin les yeux sur cette exécrable menée qui déshonore son caractère, et le feront calomnier dans toute l'Europe; que les hommes coupables ou Insensés, qui tiennent les fils de ce ressort, cessent enfin d'indigner les bons citoyens, ou qu'avouant la tyrannie, ils se nomment et nous montrent nos ennemis, alors le peuple, dont leurs vils agents usurpent le nom, leur prouvera s'il les avoue.
Voyons maintenant les objections qu'on oppose à ce système.
On soutient que ce mode de liquidation est ruineux pour le créancier, et par cela même de la plus haute injustice ; en effet, plusieurs créanciers ne peuvent pas acheter les biens domaniaux, étant eux-mêmes débiteurs, soit d'une somme totale, soit de diverses sommes à différents particuliers, ils ne peuvent se libérer qu'avec un numéraire effectif ou légal, et la quittance de finance n'étant point un numéraire, ils ne peuvent en acquérir qu'en les vendant à perte, et à une perte d'autant plus considérable, que la nécessité absolue les mettra tout à fait entre les mains des acquéreurs de leurs titres. On observe, à l'appui de cette assertion, que plusieurs des dettes que peuvent avoir les créanciers de l'Etat étant hypothéquées sur les charges ou offices qu'ils possèdent actuellement, deviendront subitement exigibles par ce prétendu remboursement; et on conclut que c'est véritablement les spolier que de les livrer à leurs créanciers sans moyens pour les acquitter.
La perte, démontrée énorme pour les créanciers débiteurs, ne le sera pas moins, dit-on, pour ceux des créanciers de l'Etat qui voudraient employer leurs quittances de finance à l'acquisition des biens nationaux. Ils trouveront, en effet, une concurrence désespérante dans les porteurs de quittances de finance achetées à vil prix des créanciers débiteurs : le discrédit de ce genre de titre deviendrait donc général, et, vous dit-on, ce n'est pas payer ses créanciers que de leur livrer un titre qui porte en lui-même les sources et les causes certaines d'uneforte diminution de valeur.
Ces objections, Messieurs, vous empêcheront peut-être d'adopter exclusivement la mesure des quittances de finance.
Passons au système présenté par M. l'évêque d'Autun.
Admettre la dette exigible et la dette constituée à l'acquisition des biens nationaux, c'est sans doute assurer la vente de ceux-ci en multipliant les acquéreurs; c'est par une seule et grande opération livrer le gage de la dette à tons ceux qui peuvent y avoir droit ; c'est établir une concurrence tellement effrayante pour les créanciers, que les biens domaniaux disparaîtront avec une extrême promptitude ; ces avantages sont incontestables.
Mais on oppose à ce système des arguments ni en attaquent la moralité : on dit que la somme es créances étant supérieure à la valeur du gage, il est évident que la dette ne sera pas payée, que la crainte de se trouver en retard forcera les créanciers à porter les biens en vente à un taux ex traordin ai rement élevé; ce qui, en d'autres termes, signifie que leurs titres perdront beaucoup de leur valeur, et cette perte, vous dit-on, est une véritable faillite ; enfin, en plaçant sur la même ligne la dette exigible et la dette constituée, on commet une véritable injustice ; car ces deux espèces de titres sont évidemment différentes. On if oit un capital à l'un, et on ne le doit plus à l'autre : il n'est qu'un état de banqueroute dans lequel des titres aussi divers puissent être assimilés par une perte commune ; mais dans une liquidation complète et juste, ces titres doivent être classés chacun à sa véritable place.
Tel est, Messieurs, l'aspect des différents systèmes qui partagent les opinions ; aucun d'eux n'est sans avantages, aucun d'eux n'est sans dangers ; mais peut-être peut-il naître de leurs sages combinaisons un moyen d'en obtenir le bien sans en éprouver le mal; un moyen de liquider votre dette, de vérifier votre commerce, d'aliéner vos capitaux et de faire justice à tout le monde ; je dis : justice, et justice exacte, car sans elle, il n'est ni véritable liquidation, ni véritable prospérité, ni révolution durable. II m'a paru que ces divers avantages se trouvaient réunis dans un plan créé par l'un des hommes qui s'est le plus occupé de finance, qui a acquis une grande expérience dans cette partie, M. Mahy de Gormeré, dont une grande calamité particulière n'a pas ralenti le zèle pour la chose publique. Mais avant de vous exposer cette idée, permettez-moi de vous rappeler que la condition nécessaire dans tous les systèmes, c'estlerétablissémentde l'ordre public, que cet ordre ne peut naître que de l'organisation de la force et de la cessation des défiances ; toutes les parties de la Constitution politique se tiennent, il n'y a pas de finances publiques florissantes dans un état où les fortunes particulières sont ébranlées, où la sûreté personnelle est compromise, où la malveillance trouve des excuses dans les mesures mêmes que l'on prend pour l'étouffer : l'état de guerre et l'état d inquisition sont des états ruineux pour la fortune publique, il faut faire cesser l'état de guerre et d'inquisition. L'état d'anarchie rend les mouvements impossibles et tarit les sources du Trésor national ; il faut faire cesser l'état d'anarchie. Vous le pouvez par l'accord seul de vos volontés, personne ne le peut, tant que cet accord n'existera pas ; voilà ce qu'on ne peut trop répéter, voilà ce que vous à sans cesse dit ce ministre auquel vous me permettrez de donner un regret dans cette Assemblée dont tant de membres ont donné des larmes à_son exil en 1789, et chez cette nation éteruelle-
ment souveraine, à qui le nom de M. Necker rappellera longtemps sa première convocation libre.
Je passe à l'exposition du plan. 11 consiste en une seule idée; il est fondé sous un petit nombre de principes :
Nous avons deux espèces de dettes: celles qu'on appelle constituées et celles qu'on appelle exigibles.
Celle-ci, ou plutôt une partie de celle-ci, doit être nécessairement liquidée : l'autre doit du moins acquérir une forme plus simple, plus facile, dans laquelle l'intérêt du créancier soit respecté et celui de l'Etat considéré; nous avons des immeubles dont il faut opérer une vente prompte, nous avons de plus le besoin de suppléer à la disparition de notre numéraire par une mesure qui facilite les échanges sans introduire parmi nous les maux d'un papier-monnaie discrédité. Observez, Messieurs, que la mesure, qui atteindra ces divers buts, contiendra nécessairement des parties qui se modifieront mutuellement et se serviront de contre-poids. Je m'explique.
Pour payer la dette avec justice, il faut un mode tellement varié quq toutes les espèces de créanciers puissent y' trouver un avantage.
Pour vendre les biens domaniaux à un prix utile pour l'Etat, sans être désespérant pour l'acheteur, il faut qu'il y ait une concurrence qui soit composée de tous ceux à qui cesacquisi-v tions conviennent, et où ne seront pas forcément traînés ceux qui ne veulent pas acquérir.
Pour donner à l'assignat-monnaie toute ia force et tout l'avantage dont il peut être capable, il faut qu'à l'instant où il surchargerait la circulation, à l'instant où il excitera une méfiance, il puisse trouver un débouché facile, un débouché au moyen duquel il ne puisse jamais tomber au-dessous d'une valeur raisonnable et déterminée.
Toutes ces conditions sont remplies, si je ne me trompe, en décrétant que les créanciers de l'Etat seront payés, à leur choix, soit en assignats-monnaie, soit en quittances de finance à 3 0/0, avec 2 0/0 réservés lors de la vente, soit pour un titre nouveau de reconstitution de rente à 4 0/0 ;
Que chacun de ces trois titres ou genre d'effets pourront être échangés les uns contre les autres par le Trésor public, à la volonté des porteurs.
De cette manière, vous n'aurez point trois assignats, puisqu'ils pourront être perpétuellement échangés contre des terres, par (e moyen des quittances, ou con tre des capitaux à 4 Q/0, taux égal à celui qui est en usage chëz les autres peuples, et au-dessus duquel nous ne nous étions élevés qu'à cause du dérangement de nos finances. Enfin, vous donnez à ce papier-monnaie l'existence la plus avantageuse, puisque vous le soutenez à sa hauteur raisonnable par un contrepoids, qu'aucun agiotage, qu'aucune manœuvre ne peut déranger.
De cette manière, vous vendez les biens domaniaux promptement, puisque vous donnez une prime de 1 0/0 à ceux qui voudront y placer leurs capitaux, puisque vous appelez à ce concours, une multitude de créanciers qui n'y sont point appelés dans quelques-uns des autres systèmes, et dont la concurrence portera vos biens, non pas à une valeur illusoire ou qui ne serait qu'une banqueroute par son injustice, mais à toute la hauteur à laquelle ils doivent véritablement prétendre sans rompre l'équilibre et bouleverser les fortunes. J'avoue que Ces différents avantages, dont la réuïïion né sé trouve dans au-
cun autre plan, et que l'absence ou la diminution des inconvénients dont les autres plans sont remplis, ont totalement décidé mon opinion. S'il reste encore des craintes, on peut borner l'émission des assignats à une somme de 800 millions ; cette mesure de prudence n'est pas incompatible avec mon plan, et j'en ai fait les huit articles de mon décret. Il ne me reste plus qu'à vous en présenter le projet; quelques clauses additionnelles, qui ne seraient que le développement, les corollaires de ce plan, répondraient parfaitement en détail au petit nombre d'objections qu'il m'a paru possible de faire, mais dont la discussion n'eût fait qu'allonger encore l'opinion que mon respect pour le temps de l'Assemblée et ma défiance pour mes forces, auraient peut-être dû abréger, si j'avais pu considérer .autre chose que l'importance et la grandeur du sujet.
PROJET DE DÉCRET.
Art. 1er. La dette exigible sera remboursée à la volonté des
créanciers, soit en assignats, soit en quittances de finance, soit en contrats de
constitution.
Art. 2. L'assignat fera fonction de monnaie, et sera reçu comme telle à la vente des biens nationaux, dans tous les échanges et dans tous les payements.
Art. 3. Les quittances de finance seront reçues à la vente de biens nationaux, et en remboursement de capitaux ; elles porteront 3 0/0 d'intérêt; il sera tenu compte de 20/0 sur le capital lors de la vente des biens nationaux.
Art. 4. Les contrats de constitution seront 4 0/0 et seront admis à la vente des biens nationaux.
Art. 5. Les porteurs de la dette constituée seront admis de gré à gré, à la liquidation de leur créance, mais le capital n'en sera estimé que sur la somme des intérêts dont ils jouissent actuellement.
Art. 6. Les assignats, quittances de finance et contrats de constitution pourront être rapportés au Trésor national et changés les uns contre les autres, à la volonté des porteurs.
Art. 7. Les 400 millions d'assignats décrétés précédemment cesseront de porter intérêt, à dater du premier janvier et les coupons d'intérêt seront rapportés et payés au Trésor national.
Art. 8. L'émission dassignats ne pourra, dans aucun cas, excéder 800 millions en circulation.
Opinion DE M. de la Roehefoncanld, député de Paris, sur la proposition d'une émission nouvelle d'assignats-monnaie (1).
Messieurs, les travaux auxquels vous m'avez chargé de coopérer dans deux comités ne m'a-vaient pas laissé le loisir nécessaire pour rédiger par écrit une opinion sur la grande question qui vous occupe, et je comptais, profitant de la dis-
cussion que vous avez sagement prolongée, et des nombreux écrits répandus dans le public, former en silence mon vœu réfléchi sur la grande et importante décision que vous allez rendre; mais quelque peu prépare que je sois à vous présenter mes idées, j ai cru devoir, au moment où l'erreur d'un peuple trompé se manifestait à l'égard de ceux qui soutiennent une opinion qui est aussj la mienne, vaincre la timidité qui m'avait retenu, et montrer à ce même peuple que ses amis véritables, que les hommes vraiment attachés à ses intérêts, préfèrent le devoir de le servir, même avec le risque de lui déplaire, au vain plaisir de recevoir, en flattant ses désirs momentanés, des applaudissements que le vent emporte avec lui.
A ce motif puissant s'en joint un autre personnel. J'ai parlé, le 15 avril, dans cette tribune, en faveur des 400 millions d'assignats-monnaie dont vous avez décrété la création, et je vous dois compte de la différence apparente entre mon avis de ce jour et celui d'aujourd'hui. Je dis appurer^te, parce que la question n'était point du tout la même, car il ne s'agissait point alors de l'émission de deux milliards de papier-monnaie-; je pourrais même dire que les assignats du 15 avril doivent, à l'intérêt dont ils sont accompagnés, un caractère qui les distingue de ce papier justement décrié dans l'opinion publique.
Je ne lui comparerai pas non plus absolument les assignats nombreux que l'on vous propose de créer aujourd'hui : ils eu approchent davantage, puisqu'ils sont dénués de tout intérêt, mais ils ont une hypothèque solide qui établit en leur faveur une nuance que leurs partisans vantent trop, mais que je me garderai de méconnaître. Ainsi, je ne m'écrierai pas avec quelques-uns des préopinants : « On veut renouveler le système « de Law, et les assignats-monnaie, représenta-« tifs des domaines nationaux, auront le Sort « des billets de banque dont l'hypothèque était « une chimère. » Non, Messieurs, cette assertion n'est pas vraie ; mais, sans produire peut-être des effets, aussi funestes que ceux dont l'histoire de la Régence nous a laissé le souvenir effrayant, l'opération que je combats causera de grands maux, et elle est injuste.
Et d'abord, pour que les assignats ne fussent pas un véritable papier-monnaie, dans toute l'étendue de ce terme, il faudrait que leur somme fût évidemment inférieure à la valeur des domaines nationaux qui sont actuellement en. vente; et je ne vois pas qu'aucun des orateurs ait entrepris cette appréciation. Je crois que ces domaines vaudront beaucoup plus que ce à quoi je les entends communément estimer ; je doute cependant qu'en déduisant les réserves que vous avez faites, ceux vendables dans le moment équivalent à deux milliards ; mais je ne pousserai pas plus loin cet argument, puisque l'opinion contre laquelle il serait dirigé me paraît abandonnée, même par son auteur. Occupons-nous donc seulement de la valeur de l'assignat-mon-naie le mieux hypothéqué,'comparativement avec la monnaie métallique, qui est le signe convenu de toutes les valeurs. S'il ne fallait chercher qu'un exemple, les assignats actuellement existants en fournissent un exempt de doute, puisque, malgré l'intérêt qu'ils portent avec eux, ils sonttombés considérablement au-dessous du pair; mais voyons si la nature des choses ne commande pas cette infériorité de valeur.
Le papier n'en a aucune par lui-même ; et il n'en emprunte une idéale, que d'après la certi-
tude, qu'avait son possesseur, de pouvoir l'échanger contre d'autres valeurs. Il faut donc que toutes les personnes avec lesquelles il peut avoir des relations partagent cette certitude. Ainsi, la confiance générale est une donnée nécessaire, pour que le cours d'un papier puisse se soutenir ; mais, en supposant même cette confiance, il n'est pas divisible en petites parties, comme la monnaie de métal, et il ne prête pas, comme elle, au payement exact de toutes les sommes dont on a besoin. Il faudrait donc qu'il pût, dans tous les temps et dans tous les lieux, être échangeable contre elle ; sinon, malgré la confiance même bien établie dans sa solidité, il manquera de ce caractère de commodité, et devra, par conséquent, être moins recherché qu'elle.
Mais les assignats-monnaie, non seulement ne seront point échangeables à volonté contre de l'argent ; ils ne le seront même pas du tout ; et personne n'a imaginé de proposer à l'Assemblée nationale l'établissement de bureaux de change dont tout le monde sent l'impossibilité dans les circonstances actuelles. Ils ne seront donc en définitive échangeables que contre des portions de domaines nationaux ; mais, quelque bon que soit ce gage, il n'est pas aussi aisément amovible que la monnaie de métal ; il faut quelques peines, quelques formalités, quelque temps pour procurer cet échange ; et c'est alors une cause qui doit tenir dans le commerce l'assignat-mon-naie au-dessous du pair. Il s'établira donc nécessairement une différence de prix entre l'assignat et l'argent; et plus il y aura d'assignats, plus cette différence sera sensible, puisque, dans tous les marchés, l'affluence d'une denrée la fait baisser. Il faudra donner une somme plus forte en assignats, pour avoir une somme moins forte en argent; et, de là, le désavantage de notre change avec l'étranger, sur lequel je ne m'arrêterai pas, parce qu on vous en a démontré le mécanisme avec clarté.
Mais ce désavantage existera aussi dans l'intérieur du royaume, tant pour les dépenses du gouvernement, que pour celles des particuliers. En effet, puisque les assignats auront une valeur inférieure à celle de l'argent, tous les gens qui auront des denrées à vendre exigeront une somme plus forte en assignats; et comme, leur cours étant forcé, ils devront toujours calculer d'après cette monnaie fictive, ils hausseront leurs prix jusqu'à un taux qui les mette à l'abri de la perte ; ils les hausseront même au delà, s'ils le peuvent, dans l'incertitude où ils seront de la valeur qu'aura, peu de jours après, l'assignat qu'il vont recevoir, car cette valeur ne sera pas toujours ni partout la même; elle variera selon l'abondance des assignats dans les marchés, et sans doute il y aura des spéculateurs qui tireront partie de eette espèce d'agiotage, plus funeste encore que celui dont on se plaint avec tant de raison.
L'opération proposée aura donc pour effets certains le surhaussement de prix de toutes les denrées, et l'incertitude plus fâcheuse encore de ces mêmes prix, puisqu'ils seront réglés sur le taux toujours variable de celui des assignats. De là l'incertitude dans toutes les combinaisons du commerce, dans tous les calculs de l'industrie, dans toutes les transactions particulières, l'augmentation dans toutes les dépenses, et plus encore dans celles du gouvernement que dans toutes les autres, puisque, ne touchant ses revenus qu'en assignats, il sera obligé d'acheter de l'argent fort cher pour un grand nombre de
payements, solde des troupes, payements d'ouvriers, etc.; qu'il ne peut pas effectuer en monnaie fictive, et puisque le prix de toutes les denrées s'étant élevé sans que la somme des contributions publiques participe à cette augmentation, il sera obligé de payer plus cher ses fournitures, ses salariés, et d'augmenter enfin le traitement des fonctionnaires publics, de qui la condition deviendrait sans cela trop malheureuse. Voilà donc cet espoir séduisant de la diminution des impôts qui s'évanouit, et l'accroissement des dépenses qui nécessite un accroissement de charges.
Ce n'est cependant pas tout encore ; indépendamment de l'effet général que produira sur le prix des denrées la différence de prix entre les assignats et l'argent, elle en produira encore un larticulier pour tous ceux qui auront besoin de es échanger immédiatement contre la monnaie métallique; et ceux-là seront en général de tous les possesseurs d'un assignat, les moins aisés et ceux dont les besoins seront les plus urgents, deux raisons qui leur feront éprouver encore une perte plus considérable (1); et ne leur dites pas qu'ils pourront les échanger contre des portions de domaines nationaux, parce que les gens qui auront peu d'assignats et beaucoup de besoins, seront pressés de vendre, et ne seront point en état d'acheter.
Les partisans de l'opération proposée ne se dissimulent pas ces vérités; mais ils croient y avoir répondu en disant que la vente ouverte des domaines nationaux soutiendra les assignats. Il faudrait donc pour cela qu'elle pût leur imprimer une valeur idéale plus forte que celle de la monnaie pour compenser l'infériorité de prix que leur défaut de divisibilité et la privation de l'échange à volonté doivent leur donner ; et je ne vois pas encore qu'aucun opinant nous en ait fourni le moyen ; car celui d'exclure l'argent des ventes ne peut pas être présenté comme praticable, il répugne trop à toutes les idées reçues, et même à toutes les notions saines d'économie politique, et d'ailleurs ce moyen et celui des primes tendraient à priver l'habitant des campagnes, étranger à toutes les spéculations, de prendre part aux adjudications, dont l'effet le plus heureux sans doute, serait la plus grande division possible des propriétés nationales entre des mains cultivatrices; le résultat de ces moyens serait donc un privilège pour les spéculateurs, contre ceux qui ne le seraient pas.
Mais quelque active qu'on suppose la vente des domaines nationaux, elle ne peut jamais l'être assez pour absorber instantanément les assignats-monnaie ; ils se répandront donc dans le commerce et y porteront, en attendant, un trouble proportionne, non pas à la somme réelle en émission, mais à la masse dont la création aura été annoncée ; car l'opinion est prompte, et, prenant votre décret pour base, elle fondera tous les calculs sur la possibilité la plus étendue : ainsi, dans une opération dont la marche ne peut être soumise qu'à sa volonté, vous devez calculer comme elle, et redouter jusqu'aux effets de son égarement.
J'ai dit que je ne comparais pas les assignats-monnaie avec les billets de Law ; mais permettez-moi de vous observer que l'état de fermentation inséparable d'une grande révolution ne permet pas de mesurer les effets qu'une cause
moindre pourrait produire; et que si quelque chose pouvait mettre eu danger la Constitution que nous établissons, ce serait le résultat malheureux d'une mesure plus que hardie.
On dit encore que peu d'assignats resteront dans le commerce, parce que ce seront des capitaux que vous rembourserez ; mais les 170 millions, que vous avez remboursés à la caisse d'escompte, et les 130 millions d'anticipations étaient aussi des capitaux, et cependant ils y sont entrés, et cependant, malgré l'intérêt attaché à ces premiers assignats, ils sont au-dessous du pair ; d'ailleurs, si ceux qu'on vous propose d'émettre encore devaient être gardés comme capitaux par ceux à qui vous les donnerez, ils se trouveraient privés de l'intérêt auquel ils ont droit, et s'ils les transmettent à d'autres, la perte qu'ils ne feront pas sera supportée par ceux qui les échangeront en définitive contre de l'argent ; ainsi tout autre usage que l'acquisition immédiate des domaines nationaux fera éprouver une perte injuste aux possesseurs des assignats; il n'existe qu'un moyen d'éviter cette alternative, c'est de payer vos créanciers en délégation sur les domaines nationaux, en obligations nationales, comme M. Anson les a nommées, mais en obligations nationales portant l'intérêt commun.
Plusieurs objections ont été faites contre cette mesure, et ie ne me dissimule pas leur force; les créanciers de l'Etat seront lésés, dit-on ; cela est vrai, car les porteurs de créances exigibles, dont la somme au reste est beaucoup moins forte que plusieurs opinants ne l'ont calculée, auraient droit à un payement immédiat en argent; mais, de ce que la position actuelle des affaires vous met dans l'absolue impossibilité d'effectuer ce payement en espèces, devez-vous, en changeant l'injustice de place, la faire supporter aux autres citoyens, à ceux qui n'ont jamais fait d'affaires avec l'Etat; non, vous devez faire avec vos créanciers directs le meilleur arrangement possible, el il n'en est pas un plus juste que de leur dire : Voilà des biens que je vous abandonne ; allez avec votre titre vous en mettre en possession.
Mais on craint, à la fois, ou que l'intérêt attribué aux obligations nationales n'engage les créanciers à les garder et ne les éloigne d'acquérir les biens nationaux, ou que ces obligations n'éprouvent une perte considérable lorsqu'un créancier voudra les transmettre au lieu de les employer en acquisitions territoriales; il faut cejpendant choisir entre les deux craintes, car elles ne peuvent pas subsister ensemble ; la dernière est la plus vraisemblable, au moins dans les commencements, mais je ne vois pas pourquoi la situation, malheureuse, sans doute, du créancier de l'Etat dans ce cas, serait une raison pour faire supporter ce malheur à ceux qui ne le sont pas. La vente des domaines nationaux sera encore le remède à ce mal, comme à celui de la perte des assignats, avec la différence cependant que les obligations nationales n'auront pas fait en chemin les mêmes ravages. Si donc vous supposez qu'elles perdent dans le commerce, elles se dirigeront vers les domaines nationaux, dont la vente s'accélérera de cette manière, tout autant qu'avec les assignais-monnaie, ainsi le mal sera moindre et le but sera rempli.
Mais si, au contraire, les obligations nationales se soutenant au pair, les créanciers les gardaient pour en toucher les intérêts, je dis d'abord que ce serait le signe non équivoque d'une confiance qui produirait, à d'autres égards, des effets très
heureux; je dirai ensuite que cette confiance même n'empêcherait pas la vente des biens nationaux ; car, croyez, Messieurs, que les propriétés territoriales ont toujours de l'attrait, et d'ailleurs, vos créanciers sentiraient alors que vous trouveriez, à la faveur d'urup confiance si bien établie, le moyen de réduire, par des opérations très simples, le taux des intérêts dont l'Iitat est chargé, et qu'ils préféreraient l'acquisition de vos domaines à la perspective de cette diminution.
Pour moi je ne crois ni à l'une ni à l'autre de ces propositions extrêmes; les obligations nationales perdront d'abord, mais moins qu'on ne l'assure; et la vente des domaines nationaux, dont les opérations préliminaires, lentes à la vérité par les circonstances, sont cependant plus ou moins avancées dans tous les départements (1) relèvera bientôt leurs prix, sans le porter cependant, d'ici à un certain temps, à un temps qui puisse en rendre la conservation aussi précieuse.
L'objection, la plus forte sans doute contre les obligations nationales, c'est la nécessité d'en payer les intérêts; mais premièrement, si c'est une justice, il n'y a point à balancer ; et quant à l'accroissement d'impôt que cette nécessité pourrait exiger, il faut, pour l'apprécier, commencer par en déduire le revenu des domaines nationaux; ainsi, la somme nécessaire à ajouter à ce revenu, n'irait certainement pas à plus de cinquante millions; mais est-il indispensable de les imposer? Non,Messieurs, vous devez songer que quelque heureusequ'aitété notre Révolution, le dérangement de beaucoup de fortunes, la stagnation du commerce et de l'industrie .exigent des ménagements; vous n'imposerez donc pas ces cinquante millions, vous les prendrez sur le prix des ventes que vous aurez faites, et quand, dans l'espace de deux ou trois années, les législateurs seraient dans le cas d'employer,en diminution des charges publiques, cent ou cinquante millions pris sur ces biens, ce serait encore, pour la nation, une excellente mesure.
Après avoir pesé les inconvénients des deux partis entre lesquels nous balançons, si je les trouvais égaux, je croirais devoir vous dire, Messieurs, ne prenez pas celui dont un moment de méfiance, dont le moindre événement peuvent déjouer tout le succès; mais ici les inconvénients ne sont certainement pa3 compensés; ie remboursement de la dette publique en obligations nationales est donc le seul parti que vous ayez à prendre le seul qui puisse assurer la vente des domaines nationaux et l'extinction d'une grande partie de vos charges, sans exposer l'Etat et les citoyens au péril d'une convulsion dont il serait impossible, quoi qu'on en puisse dire, de calculer les effets.
Mais, me dira-t-on, il faudra bien créer des assignats pour le courant des dépenses publiques, jusqu'au moment où le recouvrement des impôts aura repris son activité. Eh bien ! tout cède à la nécessité, vous y céderez aussi, mais vous y céderez le moins possible; et comme toutes vos déterminations sont publiques, vous ne craindrez pas que l'opinion les amplifie, et qu'il se fasse des combinaisons sur des sommes plus fortes que celles que vous aurez décrétées : ainsi le prix des denrées n'éprouvera pas ces varia-
tions subites toujours funestes et les ventes en activité vous feront retirer, en peu de temps, une proportion d'assignats assez considérable pour que l'équilibre du commerce n'en soit pas dérangé; ainBi, vous arriverez sans secousse au temps où la France, heureuse par sa Constitution, verra refleurir toutes les branches de son économie politique.
Je crois donc que l'on peut, sans crime, voter contre l'opération proposée; et je conclus, en conséquence, pour l'adoption du projet de décret qui vous a été présenté le 10 de ce mois par votre comité d'aliénation (1), en changeant leur titres de créances en obligation nationale, et en vous réservant de créer, a mesure des besoins publics, la quantité d'assignats-monnaie nécessaires pour y subvenir, sans qu'il puisse en être créé pour d'autres usages.
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier 27 septembre. Il est adopté.
(de Saint-Lô), secrétaire, donne lecture de la lettre suivante des membres du directoire du département de Seine-et-Oise :
« Messieurs,
« Vos cœurs seront sans doute aussi satisfaits que les nôtres l'ont été, en apprenant que ceux que l'on vous a présentés comme des brigands menaçant le petit parc, le château et la ville de Versailles, ne sont autres que les habitants des campagnes voisines, induits en erreur, et auxquels il avait été publiquement annoncé que le roi avait permis de détruire tout le gibier du grand parc ; et il est de fait que Sa Majesté avait ordonné qu'il fût tué pour être distribué aux pauvres.
« Sur notre invitation, deux membres du district s'étant transportés sur les lieux, il
résulte de leur procès-verbal que tous ces chasseurs, qui n'étaient pas à. beaucoup près si
nombreux qu'on s'est plu à vous le dénoncer, et parmi lesquels se trouvaient d'honnêtes
citoyens également trompés, croyaient jouir innocemment des bienfaits de Sa Majesté; nous
vous laissons maintenant apprécier les craintes que l'on a réussi à inspirer à l'Assemblée
nationale et à jeter dans le cœur du roi, et qui se sont répandues dans
« Nous sommes avec respect, Messieurs, vos très humbles et obéissants serviteurs.
« Les membres qui composent le directoire du département de Seine-et-Oise :
« Signé ; IIuet, Challar, Vaillant, ChÉRON, Durand, Hénin, Chovot, Le Flamand. »
Je demande que cette lettre soit présentée au roi par M. le président.
Je propose de la faire imprimer atin de lui donner une plus grande publicité.
(Ces deux motions sont adoptées.)
Dom Gerle, député d'Auvergne, demande et obtient un congé de trois semaines pour affaires.
, député d'Orléans, sollicite pour affaires domestiques un congé d'un mois qui lui est accordé.
L'ordre du four est la suite de la discussion sur le mode de liquidation de la dette publique.
fait lecture d'une lettre, par laquelle M. Duval, ci-devant d'Eprémesnil, demande à présenter un plan qui n'est ni celui des assiguats, ni celui des quittances de finance, ni celui de deux opérations mêlées ensemble, mais un plan tout à fait nouveau et seul capable de rétablir la tranquillité publique.
(On demande que M. Duval ne soit entendu qu'à son tour.)
L'Assemblée doit montrer d'autant moins d'empressement à entendre M. d'Eprémesnil, qu'il a dit qu'il ne paraîtrait plus que pour proposer une contre-révolution.
Je n'ai point tenu un pareil propos, seulement j'ai bien pu dire ea société que, s'il y avait une contre-révolution à proposer, je voudrais la proposer à la tribune même de l'Assemblée nationale : sans m'arrêter à ces réflexions puériles, jedemande que l'Assemblée veuille bien entendre la lecture de mon plan, après le discours de M. l'abbé Maury.
(L'Assemblée décide qu'elle passera à l'ordre du jour.)
, député de Pa~ miers( 1). Messieurs,j'ai cru pendant quelque temps que le projet de
rembourser la dette prétendue exigible, en entier ou en partie, au moyen d'une émission de
papier-monnaie, n'était point d'une réfutation sérieuse. J'avouerai même, puisque la
Il a cependant acquis une telle consistance par les décorations éblouissantes qu'une pompeuse éloquence ne cesse de lui prodiguer, qu'il n'est peut-être plus temps de faire tomber le masque qui cache sa difformité et de détruire l'illusion qu'il a fait naître.
Lorsque j'ai vu un essaim d'orateurs employer tous les ressorts d'une imagination féconde à l'examen d'une matière purement didactique; sortir sans cesse de la question ; mêler, dans leur opinion, ces heureuses réticences, ce langage à la mode du temps, dont l'effet est toujours certain, au milieu au patriotisme qui nous écoute; ces expressions civiques dont chacune vaut un applaudissement ; ces sentiments révolutionnaires qui concilient la faveur; j'ai pensé qu'on était plus jaloux de persuader que de convaincre. Je suis resté froid au milieu de tant de chaleur, et je me suis confirmé dans cette pensée que, les vérités abstraites n'étant point à la portée de tous les hommes, l'art oratoire pouvait aisément s'en emparer, les corrompre ou les obscurcir à son gré.
Je me suis rassuré cependant en songeant que la sagesse et la vérité résidaient toujours dans cette auguste enceinte, et que les élans les plus fougueux de l'enthousiasme y subissaient tôt ou tard le joug de la raison.
Je vous apporte en ce moment le tribut d'une conviction intime contre le projet dont vous balancez avec tant de maturité et de prudence les avantages et les inconvénients. Oui, Messieurs, jusqu'à ce que, par un assentiment que je n'ose prévoir, vous ayez réconcilié ma raison et mon jugement avec une émission quelconque d'as-signats-monnaie, pour un remboursement de la dette publique, personne ne répugnera plus que moi au choix d'une telle ressource : je la crois aussi inconciliable avec la paix et le bonheur de mes concitoyens qu'avec la régénération des finances. Celte opinion est fortement prononcée dans mon cœur et dans mon esprit. Je vais vous rendre compte de mes motifs.
Je commencerai par jetèr un coup d'œil sur la méthode uniforme qu'emploient les partisans des assignats-monnaie pour vous familiariser avec leurs inconvénients.Ils partent tousde cettesuppo-sition imaginaire qu'il faut rembourser sans délai la dette qu'ils ont appelée exigible; et sans vouloir faire attention que vous êtes dans l'impossibilité absolue de la rembourser réellement dans le moment actuel, ils vous présentent différentes combinaisons, auxquelles ils appliquent le nom de remboursement, et entre lesquelles, selon eux, vous êtes obligés d'opter. Vous plaçant, en conséquence, entre deux écueils : les assignats forcés d'un côté, et les quittances de finance de l'autre, ils vous pressent de prendre un parti.
Selon eux, « les quittances de finance sont un « abîme d'infidélité et de mauvaise foi : leur « idée seule compromet la loyauté de la nation « française et de ses représentants : le déshon-« neur et l'opprobre en sont inséparables. Les as-« signats, au contraire, malgré les inconvénients « qu'on leur suppose, offrent une manière loyale « et généreuse dacquitter nos dettes. Nés au sein « de la détresse du Trésor public, auquel ils
« prêtent d'abord une heureuse assistance, ils « répandent bientôt la vie et la fécondité sur « toute la surface de l'Empire ; ils réchauffent « l'industrie languissante; ils vivifient les arts, « le commerce, l'agriculture ; ils consument les « germes empoisonnés qui nuisent à l'aisance « du peuple; leur préférence est partout marquée « par des bienfaits. »
Si, l'expérience et le calcul à la main, quelqu'un déchire le voile qui couvre ces prétendues merveilles, alors, avec une politique imperturbable, on effraye votre imagination sur l'alternative qui vous menace, et on vous entraîne, malgré vous, dans l'abîme que vous alliez éviter.
Ne pourrions-nous pas faire cesser enfin ces mouvements oppressifs que l'abus d'une éloquence facile opère tous les jours dans cette Assemblée? Ne serait-il pas possible de détruire, par une analyse exacte de notre situation présente, les hypothèques chimériques sur lesquelles se sont constamment appuyés les amis du papier-monnaie, et de leur ôter l'espoir de nous égarer plus longtemps?
Et d'abord, examinons en quoi consiste la dette exigible que l'on vous propose de rembourser. .
Il est bien reconnu qu'on ne peut appliquer cette dénomination qu'à l'arriéré des départements, qui s'élève à une somme de 120 millions, et aux charges de magistrature et militaires qui forment, selon le comité des finances, un capital de 450 millions. La totalité compose une somme dé 570 millions, qui seule peut exciter notre sollicitude dans le moment de pénurie où nous nous trouvons.
Il n'est pas douteux qu'il faut la rembourser, si la chose est possible ; mais, de bonne foi, cette possibilité existe-t-elle, lorsque nous ne possédons point la monnaie courante, qui seule peut opérer un véritable remboursement ? Que pourrions-nous donc faire de mieux en faveur des créanciers, si le secret pernicieux du papier-monnaie nous était inconnu? Nous leur offririons loyalement nos propriétés, nos domaines ; nous donnerions à leurs contrats la forme la plus avantageuse jpour les acquérir ; enfin, nous les dédommagerions, par un intérêt légitime et fidèlement acquitté, ue la perte qu'essuierait leur fortune avant l'acquisition, et nous ne croirions les avoir vraiment remboursés qu'au moment ou ils seraient entrés en possession de nos biens. C'est ainsi que nous serions justes à leur égard; car on a tout fait pour la justice lorsqu'on a fait tout ce qui est possible. Et je dis que nous aurions fait alors ce qui aurait été possible, parce que je ne compte point au nombre des possibilités ce qui ne serait que l'effet d'une puissance tyrannique. Certes, un créaucier a droit de tout attendre des facultés de son débiteur, maisjrien de sa puissance, et le débiteur souverain n'est, sous ce rapport, qu'un simple individu.
Mais, nous dira-t-on, les assignats, que nou3 voulons délivrer aux créanciers, ne diffèrent en rien des espèces courantes : où est donc la tyrannie ? où est l'abus d'autorité ? Si cette assertion est vraie, je conviens avec vous que l'opération est juste, qu'elle est sage, et je me rallie sur-le-champ à votre système ; mais promettez-moi de convenir aussi, a votre tour, que vous poussez la déraison et l'immoralité à son comble, si je parvient à vous prouver le contraire.
C'est vraiment là que gtt la solution du problème qui nous divise. Examinons donc de bonne foi si je puis compter sur le prix .qu'il vous
plaît d'attacher à vos assignats, et s'il ne m'est pas facile de vous prouver, au contraire, qu'un papier quelconque, non conversible en argent à volonté et sans intérêt, de quelque solide hypothèque d'ailleurs qu'il puisse jouir, quelque confiance qu'il puisse inspirer, doit perdre a côté de l'argent, c'est-à-dire que, dans les transactions libres, une valeur numérique en écus doit avoir un plus haut prix qu'une pareille valeur numérique que représente un papier de cette espèce.
Ceux qui, comme moi, sont bien convaincus de cette vérité, voudront bien m'excuser, si je ne me dispense pas de l'établir encore une fois, malgré que plusieurs préopinants en aient poussé la démonstration au degré de l'évidence. On ose si souvent la contester ou l'éluder, qu'il ne sera peut-être pas superflu d'y revenir.
Il est bien reconnu que les métaux précieux, en même temps qu'ils sont une marchandise universellement recherchée, tiennent bien plus de leur nature que d'aucune convention légale, la propriété de servir de terme de comparaison et d'échange entre les différentes valeurs. Vouloir donc attribuer au papier les fonctions de la monnaie métallique, c'estd'abord vouloir changer l'essence des choses, c'est vouloir tenter l'impossible. En effet, pour que la valeur numérique d'un papier quelconque soit égale à celle d'une pièce de mon-maie, il faut que ce papier procure à son possesseur les mêmes avantages que la pièce de monnaie ; il faut qu'il puisse en obtenir aussi complètement et aussi commodément les mêmes services.
Gela posé, comparons un assignat de la nature de ceux qu'on vous propose, c'est-à-dire solidement hypothéqué, forcé dans le commerce et sans intérêt, avec un certaiq nombre d'écus qui, jusqu'à présent, ont représenté la valeur numérique qu'on veut attacher à l'assignat. Voyons les services qu'on peut obtenir de l'un et de l'autre de ces deux objets.
L'assignat peut servir à payer une somme égale à celle qu'il représente: les écus le peuvent aussi.
L'assignat est propre à l'acquisition d'une portion de terre qui lui sert d'bypothèque ; les écus peuvent remplir le même but, et on conviendra peut-être que, dans l'acquisition d'un domaine qui ne serait point national, il est possible qu'ils obtinssent la préférence. Première différence.
L'assignat peut procurer, de gré à gré, l'achat de diverses denrées ou marchandises; mais il peut être absolument refusé ou accepté avec perte : une longue expérience nous a appris que les écus ne l'étaient jamais. Deuxième différence en faveur des écus.
Si l'assignat n'a pas des sous-espèces aussi divisées que les valeurs métalliques, il ne peut point servir à l'usage multiplié et indispensable des appoints. Il est vrai que quelques-uns ont trouvé facile de lui procurer cette faculté, en fabricant des assignats de 24 livres, de 6 livres et même de 3 livres, plus ou moins. Mais qui est-ce qui se chargera de faire accepter sans murmure cette monnaie à l'artisan, au laboureur, au manouvrier, toujours armés d'une méfiance naturelle fondée sur la brièveté de leurs ressources, l'étendue de leurs besoins journaliers, et profondément préveuus en faveur du métal qui, jusqu'à présent, les a fait vivre? S'ils tiennent trop fortement à leurs habitudes, il faudra bien concentrer l'usage des assignats daus le cercle des hommes assez riches pour posséder deux cenlst cent ou cinquante livres. Il s'établira
donc, quoi qu'on en dise, une troisième différence en faveur des écus.
Il en existe une quatrième, et celle-ci est la plus étendue et la plus inévitable de toutes : elle résulte de nos rapports extérieurs.
Notre commerce avec l'étranger se fait, ou en achetant comptant, ou par le moyen des lettres de change qui se balancent mutuellement de nation à nation, lorsque le change est au pair, et que la valeur des importations égale celle des exportations. Lorsque cette parité n'existe pas, il faut solder la différence en espèces sonnantes. Dans notre position actuelle, le change et la balance du commerce étant malheureusement à notre désavantage, il faut que nous fassions passer des espèces chez l'étranger. Les assignats, il faut en convenir, ne peuvent point remplir cet objet, ils restent donc inférieurs aux écus, sous ce dernier rapport. Je prescinde ici du mécanisme inévitable qui accroît cette sortie d'espèces, en raison de la quantité de numéraire fictif qui circule dans le royaume, et de la perte qu'il subit. Je n'envisage encore nos relations extérieures que sous un point de vue comparatif, entre l'usage des écus et celui des assignats ; et je me hâte de conclure, avec plusieurs préopinants, qu'une valeur numérique en assignats ne pouvant procurer à son possesseur les mêmes avantages qu'une pareille valeur en écus, il faut nécessairement que tout le monde, étant bientôt averti par l'expérience, se ravise sur ce point, et ravale la première monnaie au-dessous de la seconde. J'ai donc prouvé, par un rapprochement très naturel, que les assignats-monnaie doivent perdre plus ou moins dans la circulation, et cela, par la nature des choses et en leur supposant toujours, dans toute son intégrité, le crédit qui véritablement leur est dû.
Quelle confiance, Messieurs, peuvent vous inspirer les protestations des partisans du papier-monnaie, lorsqu'ils vous promettent que, loin d'essuyer quelque perte, ce papier forcera l'argent à sortir promptement des coffres des capitalistes ? De quel poids peuvent être leurs prédictions sur l'avenir, tandis qu'ils ont poussé la présomption au point de vouloir vous persuader que, dans le moment présent, les assignats valaient autant que les écus ? Certes, je ne ferai point à l'Assemblée l'injure de combattre une telle assertion.
D'autres ont dit avec emphase qu'ils perdaient moins qu'une lettre de change. Ce phénomène n'est point difficile à expliquer, du moment que les lettres de change ne sont acquittées qu'avec des assignats. Ne les rendez point forcés pour l'acquit des lettres de change seulement, et vous verrez laquelle de ces deux valeurs acquerra un plus haut prix. Du reste, les assignats sont de véritables lettres de change, à terme inconnu, et payables en immeubles. Ce dernier point de vue constate encore la perte ou l'escompte qui est inséparable de ces sortes d'effets.
Encore une fois, c'est sur cette perte qu'est fondée, selon moi, l'absurde iniquité des assignats-monnaie. J'aurais désiré que les préopinants, M. de Mirabeau surtout, n'eussent point éludé cette question. J'invite ceux qui parleront après moi à ne pas divaguer sur ce point, et à prouver nettement, et sans éloquence, que les assignats ne seront point inférieurs aux écus dans les transactions libres, ou à convenir franchement de la proposition contraire. Dans ce dernier cas, je leur ferai une question à laquelle ils voudront bien aussi répondre sans détour. Je leur demanderai si une anticipation sur les domaines
nationaux,dont quelqu'un doitindispensablement payer l'intérêt, doit être supportée par les créanciers directs du Trésor public, ou répartie sans aucune égalité sur les derniers porteurs des assignats ? Quant à moi, je pense que, dans l'une et dans l'autre hypothèse, il y aurait infidélité de la part de la nation ; mais si j'étais réduit à opter entre ces deux inconvénients, je trancherais la question contre les créanciers directs.
Mais comment ose-t-on proposer à l'Assemblée nationale de contraindre tous les créanciers de l'Empire à recevoir en payement des valeurs évidemment inférieures à celles qui leur sont dues; et de leur occasionner sciemment un dommage proportionné à l'infériorité du papier dont on les menace.
Il est probable que la perte qu'essuiera ce papier, sera variable surtout si l'émission en est successive. Mais s'il est permis d'en juger par analogie, on peut raisonnablement calculer que si 400 millions d'assignats déjà émis, et portant 3 0/0 d'intérêts, essuient une perte de 7 0/0, y compris l'intérêt, 800 millions d'assignats perdront 14 0/0; car tout le monde , sait qu'une marchandise s'avilit en raison de son abondance. Je me dispenserai d'évaluer la perte scandaleuse qu'essuieraient deux milliards de papier-monnaie, parce que je crois bien qu'ils ne peuvent point circuler spontanément, et que d'ailleurs on De me paraît point insister sur une émission aussi immodérée.
Quoi qu'il en soit, qu'on me permette de supposer un instant une perte de 10 0/0, et je ferai une comparaison qui pourra faire sentir l'odieux du système qu'on propose. Il ressemblerait vraiment, dans une partie de ses résultats, à celui par lequel vous déclareriez,, par un décret, que la valeur de toutes les monnaies est forcément augmentée d'un dixième, pour profiter ensuite d'un décret et payer vos dettes en écus. Le Trésor public gagnerait 200 millions sur 2 milliards : les derniers créanciers de ses créanciers essuieraient cette perte, et, dans les transactions libres, l'argent ne serait pris, malgré le décret, que pour sa valeur intrinsèque.
La différence qu'il y a entre cette ridicule opération et celle qu'ou vous propose, c'est que dans celle-ci la nation ne fait aucun bénéfice, si ce n'est celui que vous pourriez lui procurer injustement, en frustrant les assignats d'un intérêt; mais dans l'une comme dans l'autre, les derniers créanciers essuient une perte de 10 0/0. Si mon hypothèse mérite à juste titre le nom de banqueroute, comment qualifier le résultat de celle que je combats ?
On ne finirait pas si on voulait s'appesantir sur les pénibles réflexions que présente le remboursement de la dette exigible en assiguats-mou-naie. Ou a beau envelopper sous mille formes différentes cet iucroyable système; ou a beau dire, comme M. Auson et plusieurs autres opinants, que l'on laisserait aux derniers porteurs deces assignats la faculté de les convertir en contrats portant à ou 4 0/0 d'intérêt, faculté dérisoire pour la plupart des individus à qui elle est offerte, la profonde immoralité de ce plan perce à travers tous les sophismes dont on ne néglige point de i'étayer, et bien loin que le tableau d une aussi grande injustice soit affaibli par les avantages que la nation peut en retirer, sa ruine totale eu est, comme on le verra bientôt, l'effroyable résultat. Taut il est vrai que l'intérêt public est toujours inséparable de la règle et de
l'équité, et que la morale n'est jamais impunément violée par la loi 1
Mais, nous dit-on, que peuvent avoir les assignats de si effrayant, de si désastreux? Le créancier direct les reçoit et les transporte à son créancier; si celui-ci ne peut point trouver le même débouché, c'est une preuve qu'il fait peu d'affaires et qu'il n'a besoin que de capitaux : les domaines nationaux lui offrent une ressource satisfaisante; il peut d'ailleurs se présenter pour obtenir un contrat. Faux calculateurs 1 ne voyez-vous pas que ce créancier n'a très souvent qu une mince fortune; que tantôt il a besoin de ses faibles rentrées pour solder les ouvriers d'une manufacture bornée ; que tantôt il est forcé de faire un payement chez l'étranger; et qu'enfin on ne s'acquitte souvent envers lui que de ce qui est absolument indispensable à sa subsistance journalière?
Vous conviendrez que, dans ces cas, il est à la merci des gens à argent et qu'il en devient tributaire. La foule des créanciers de cette espèce, que les assignats rencontreraient sur leur chemin, est immense.
Faut-il donc que ces hommes honnêtes, qui jamais n'ont eu des affaires d'intérêt avec le gouvernement, qui jamais n'ont joué sur les effets publics, endossent tout le fardeau d'un remboursement inutile? Faut-il que le laborieux manufacturier renverse ses ateliers ou qu'il fasse partager à ses malheureux ouvriers la détresse qui l'opprime? Que le négociant qui a compté sur la rentrée de l'intégrité de ses fonds, pour faire honneur à une dette étrangère, porte ses assignats sur la place pour les convertir en argent et se procurer, à grands frais, l'acquisition d'une lettre de chauge? que le laboureur, qui alimente une nombreuse famille, par la vente de ses denrées et de ses bestiaux, ne rencontre, dans toutes les foires et dans tous les marchés, qu'uu papier infidèle, dont il est hors d'état de connaître la valeur réelle, constamment au-dessous de la valeur légale, et qu'il soit réduit à la cruelle alternative de ne point vendre ou d'essuyer tous les embarras et toutes les vicissitudes inséparables de la monnaie qu'il aura reçue?
Que répondre à ces hommes, lorsqu'ils demanderont, avec une juste amertume, quel est le gé nie malfaisant qui étouffe eu un instant toutes leurs combinaisons, toutes leurs habitudes, toutes leurs espérances? Faudra-t-il leur dire que l'intérêt des créanciers du gouvernement a prévalu sur leurs droits et sur leurs besoins? Faudra-t-il leur dire qu'il était bon d'avoir l'air de rembourser les créanciers et qu'il a fallu tout sacrifier à cette fausse politique? Faudra-t-il enfin leur avouer qu'il a paru plus convenable de faire circuler, le sabre à la main, un brevet d'infidélité pour les débiteurs, et de ruiue pour les créanciers, que d'imposer, d'une manière égale sur tous les citoyens, la différence qui existe entre les intérêts de la dette exigible et le revenu des domaines nationaux, qui Jui servent d'hypothèque? Gomment oser leur dire que cette différence ne s'élève pas à 20 millions, et que, sans lever de nouvelles contributions, il était facile d'y faire face, en y destinant le produit des premières ventes?
Cependant on a fait sonner bien haut le bénéfice de l'impôt dont il faudrait grever les peuples, gour acquitter les intérêts de la dette exigible, et impôt est évité, nous dit-on, par un remboursement en assignats. Mais ne voit-on pas ott ne veut-ou pas voir que le remède est cent fois pire que le mal, et que les assignats eux-mêmes
sont un impôt ; qu'il n'en est point de plus inégal ni de plus désastreux ; un impôt tel que les peuples voudraienl le racheter, à quelque prix que ce fût, lorsqu'il n'en serait plus temps?
Il n'est guère possible de rien dire de nouveau sur Je sujet qui nous occupe. J'insisterai cependant sur une considération bien importante, foudée sur nos relations extérieures.
On peut les considérer sous deux rapports principaux : Je premier est celui des rentes que Ja France doit acquitter annuellement envers l'étranger ; cet objet s'élève, selon le comité des finances, à 60 millions ; le second est l'achat des matières premières indispensablement nécessaires à l'usage de nos fabriques et de nos manufactures, et des objets propres à l'entretien de notre marine.
Ces obligations et ces besoins sont mal compensés par nos objets d'échange, car, de quelque temps, la balance du commerce ne pourra point s'établir en faveur de la France : 1° a cause de la masse énorme des dettes qu'il faut payer aux nations voisines; 2° à cause de l'importation extraordinaire des marchandises étrangères, importation occasionnée par le traité de commerce, ou par toute autre cause ; 3° à cause de la diminution sensible de son commerce avec les colonies, qui, avaut la Révolution, procurait à la métropole, par l'effet d'une dépendance absolue, le sucre, l'indigo, en échange de ses productions territoriales et industrielles, lesquelles marchandises exportées chez les nations voisines les rendaient constamment débitrices de la France, disposaient le cours des changes en sa faveur, et y attiraient une grande importation de numéraire. Il faudra donc, peudant longtemps, subir une émigration considérable d'espèces, qui serait tout à coup augmentée par l'effet du remboursement de la portion de la dette publique, qui regarde les étrangers. De là une grande recherche d'argent, son renchérissement, et une nouvelle cause de défaveur pour notre papier. Les négociants étrangers en profiteraient pour effectuer leurs payements à bon marché, ce qui augmenterait -notre pénurie, ainsi que M. l'évêque d'Autun vous l'a déjà fait sentir. On aurait, à la vérité, liquidé 1a dette de l'Etat par la vente des biens nationaux ; mais pendant la durée de l'opération, la France se serait vue dépouiller insensiblement du peu de numéraire qui lui reste. Alors elle n'aurait plus ni papier, ni argent. Mais comme uu Etat ne peut subsister saus des moyens d'échange, il faudrait nécessairement créer un nouveau papier-monnaie dénué de toute hypothèque. C'est ainsi que, de calamités en calamités, on ne pourrait plus supporter enfin les maux irréparables dans lesquels nous aurait plongés une fausse mesure.
L'Assemblée nationale doit être actuellement bien convaincue que la vente des domaines nationaux n'est qu'un artificieux prétexte, dont les partisans des assignats se sont servi avec trop de succès, pour rendre leur système agréable à tous ceux qui, comme moi, sont bien persuadés que l'expropriation du clergé est un des précieux effets de la Révolution. Ce n'est pas sans adresse qu'ils ont soigneusement insisté sur un motif qui, en même temps'qu'il flattait par lui-même uu patriotisme inattentif ou peu éclairé, corroborait celte première impression, par la résistance infaillible de tous ceux qui nourrissent encore dans leur âme la coupable pensée de ressusciter l'ancien ordre de choses ; mais il a fallu ouvrir les yeux, lorsqu'on nous a exposé sans réplique que,
de tous les moyens qui avaient été offerts de vendre çromptement les biens ecclésiastiques, il n'en était pas de moins efficace que celui d'une émission d'assignats-monnaie; que la masse de tous Jes effets publics admis au concours dans toutes les ventes avec les assignats déjà émis, offrait un bien plus grand nombre de chances en faveur d'une vente rapide et avantageuse : car ces effets, perdant 30 0/0 sur la place et n'ayant pas, comme les assignats, la faculté d'intervenir dans les opérations commerciales, et de les bouleverser, doivent arriver plus sûrement et plus promptement à leur unique destination.
Plus je réfléchis sur l'influence mortelle du papier-monnaie sur la Constitution, sur l'agriculture et sur les finances de l'Empire, et plus j'ai de peine à concevoir qu'il faille combattre encore le projet antipatriotique d'eu inonder le royaume.
Je ne retracerai point le tableau de toutes les spéculations honteuses que vous saurez faire échouer. Je ne vous répéterai point que, si l'on remonte à la source du projet que l'on a osé faire parvenir jusqu'à vous, on y trouvera l'avarice et la mauvaise foi, fixant un œil avide sur les débris de la fortune publique. Oui, Messieurs, il n'est plus possible de se le dissimuler; ce n'est point pour rembourser la dette exigible, ni pour vendre les domaines nationaux, que les assignats ont été imaginés. La dette exigible, au contraire, a été ingénieusement inventée pour faire intervenir les assignats, dont on avait dans la tête le projet intéressé. On avait mis en mouvement tous les agents de change de cette capitale; on s'était approprié une grande masse d'effets publics, achetés à crédit et à 20 et 30 0/0 de perte, et on a trouvé avantageux et commode d'en être remboursé au pair par le Trésor public. Voilà tout le patriotisme dont on rebat sans cesse nos oreilles ; voilà tout le secret du papier-monnaie.
Hâtez-vous, Messieurs, de repousser ce fléau. Non, vous ne donnerez point à l'Europe étonnée le spectacle effrayant d'un peuple qui ne recouvre un instant la liberté, que pour l'engloutir sous les ruines de sa fortune et de son industrie. Une grande erreur en finance ne fera point disparaître comme un songe tant de pénibles travaux, et les plus sublimes combinaisons de l'esprit public et de la philosophie. Vous saurez rétrograder au bord du précipice qu'on a entr'ouvert sous vos pas. Vous ne céderez point à l'impatience de vouloir tout embrasser, tout exécuter avec une seule idée. Vous résisterez aux prestiges d'une éloquence mensongère, et à cette fougueuse impéritie qui ne voit de salut que dans des milliards d'assignats.
Après avoir rejeté bien loin tout projet de remboursement en papier-monnaie, si, pour guérir le corps politique de la maladie que lui a occasionnée une interruption malheureuse dans la rentrée des contributions publiques, vous êtes obligés de recourir à ce terrible émétique, vous en userez du moins avec assez de péserve pour ne point le rendre mortel.
Quant aux moyens de vendre promptement-et saus danger les domaines nationaux, je n'ai rien à ajouter à ce que vous ont du les préopinants. Je m'en réfère au projet iatinimeut sage et réfléchi du comité d'aliénation.
(1). Messieurs, je sens
Il ne faut pas se le dissimuler, Messieurs, de votre opération va résulter ou la félicité ou le malheur de la nation. J'ai entendu, dans celte tribune, des membres respectables par leurs vertus et leur civisme, vous faire un tableau effrayant de tous les maux dont nous serions environnés, si l'on adoptait l'émission de deux milliards d'assignats; ils vous ont peint les manufactures anéanties, le commerce ruiné, l'agriculture dépérissante, les marchandises et la main-d'œuvre augmentées en proportion du numéraire fictif, enfin les comestibles en tout genre rehaussés à un prix qui porterait la désolation dans la portion du peuple, dont votre devoir est de vous occuper plus essentiellement.
Je ne puis qu'applaudir à. leur zèle patriotique. Il suffit de la bonne foi et d'un jugement sain, pour convenir et être convaincu de la vérité et de la solidité de tous ces raisonnements ; ils ont été trop bien développés par M. l'évêque d'Autun, M. Malouet et plusieurs autres membres pour qu'il puisse rester des doutes à cet égard. Tous les malbeurs qu'entraînerait une émission de deux milliards de papier-monnaie, dont la contrefaçon serait le moindre; tous ces malheurs, dis-je, sont incalculables, font frémir d'horreur et précipiteraient l'Etat dans un abîme effrayant.
Examiuons maintenant, Messieurs, de sang froid et sans prévention, la position de la France. Une longue suite de dilapidation dans les finances l'a précipitée dans le plus grand désordre; des emprunts successifs, onéreux à l'Etat, avantageux aux seuls capitalistes, ont porté la dette publique à un taux excessif.
Il est instant de prendre un parti. Vous devez compte à la nation et du choix et de l'exécution. La tache est pénible, sans doute; mais il faut avoir le mâle courage de l'exécuter. Je sais qu'une pareille opération doit frapper nécessairement. sur quelqu'un, mais mettons tous nos soins et notre impartialité à ne pas commettre d'injustice manifeste, à assurer, autant que la circonstance l'exige, le sort de ceux sur qui pourrait porter cette opération.
Je ne vois qu'un moyen pour arriver à votre but : c'est de rembourser sur-le-champ la dette exigible de l'Etat, avec deux milliards de reconnaissance de créance, ou de quittances de finance ne portant point intérêt, et n'étant point mises en circulation ; alors tous les malheurs dont on nous menaçait disparaîtront, et vous allégerez la dette publique de 100 millions.
Voilà la marche que votre devoir vous impose pour soulager le peuple; le malheur de la circonstance vous le commande impérieusement.
Il faut, pour être justes envers vos créanciers, que les reconnaissances de créance, ou quittances de finance, dont ils seront porteurs, puissent seules être reçues en payement des domaines nationaux, et que l'argent comptant n'y soit pas admis; par ce moyen, ceux qui ne seront pas dans l'intention d'acheter des terres, échangeront nécessairement leurs reconnaissances de créance contre l'argent de ceux qui voudront acheter des domaines nationaux : vous vous ac-v
quitterez alors en remettant entre les mains de vos créanciers le seul signe représentatif de vos domaines.
L'hypothèque est spéciale et unique; elle peut se réaliser à volonté ; et certes, le bien général et la raison exigent, puisque la dette est remboursée,. qu'elle ne pèse plus sur le peuple, et qu'il ne soit plus écrasé par le poids énorme des intérêts. Si quelqu'un peut souffrir de cette opération, la raison dit qu'il vaut mieux; qu'elle porte sur le riche que sur le pauvre.
Les capitalistes se plaindront sans doute ; leur spéculation est de tout envahir; ils chercheront à vous émouvoir en vous parlant de ceux à qui ils doivent (que je traite de sous-capitalistes).
Je répondrai aux uns et aux autres, que la même.créancequi était hypothéquée, soit sur des fonds versés dans le Trésor public, soit sur des places ou des charges de quoique nature qu'elles soient, ne sera pas affaiblie, puisqu'elle se rapportera sur la terre quel'assiguat représente, et que la spéculation financière ne tardera pas à effectuer.
Je leur dirai de plus : Soyez citoyens avant tout! Rappelez vos justes inquiétudes sur le délabrement de nos finances, et transportez-vous au ministère de M. de Galonné : certes, la position est bien différente ; mais malheureusement l'intérêt particulier vient se mêler trop souvent à l'intérêt public, et ne manque jamais, pour cacher sa cupidité, de se couvrir du manteau de la vertu et de l'intérêt général.
Je crois cependant, Messieurs, devoir vous faire une observation en faveur des créanciers de l'Etat, de la dette constituée, dans la classe indigente, dont la créance ' ne dépasserait par 6,000 livres. Il me semble qu'il serait de votre justice de laisser à ceux-ci le remboursement à leur choix : il faut être sévère, mais sans dureté.
Je voudrais aussi qu'à commencer de la publication du décret qui sera porté, on continuât à payer pendant six. mois aux créanciers de l'Etat les intérêts affectés à leurs créances.
Si vous aviez daigné, Messieurs, accueillir la motion que j'ai eu l'honneur de vous soumettre il y a six mois, qui remplissait à peu près les mêmes vues, on n'aurait pas payé depuis ce temps douze millions pari mois d'anticipations ni leurs intérêts ; ni ceux de la dette publique, qui auraient cessé à cette époque.
Mais, Messieurs, vous avez cru qu'il était de votre sagesse de mettre de la lenteur dans une décision aussi importante ; vous avez voulu laisser mûrir les opinions par le développement des idées particulières, les peser, les combiner, et tirer de leur choc une solution qui pût faire le bonheur du peuple, votre principal objet.
Ce motif vous commande de bâter votre décision, et vous impose l'obligation de vous renfermer dans les principes de justice et de sagesse qui doivent diriger tous vos décrets. Votre lenteur, jusqu'à présent, n'était que prudence ; mais songez que la dette pèse tous les jours sur la nation et que vous lui devez compte de votre retard.
PROJET DE DECRET.
L'Assemblée nationale, considérant la nécessité indispensable et urgente de mettre de l'ordre dans les finances, a cru devoir employer les moyens les plus sages et les plus prompts pour diminuer le fardeau de la dette de l'Etat, qui
pèse sur le peuple, lui enlève uoe partie de son nécessaire pour fournir aux intérêts de cette somme.
Ën conséquence, elle a décrété et décrète ce qui suit:
Art. 1er. Il sera délivré sur-le-champ aux créanciers de
l'Etat, pour deux milliards, soit de reconnaissances de créances, soit de quittances de
finance, ou d'obligations nationales, hypothéquées sur les domaines nationaux.
Art. 2. Ces reconnaissances de créances ou quittances de finance seront le signe représentatif des domaines nationaux ; elles seront seules reçues en payement de ces biens, l'argent comptant même n'y sera pas admis.
Art. 3. Elles ne porteront point intérêt et ne pourront pas être mises en circulation forcée.
Art. 4. Les intérêts affectés à chaque créance continueront à être payés seulement pendant six mois, à commencer de la publication du présent décret ; mais les créances qui ne portaient point intérêts ne pourront profiter du bénéfice ci-dessus.
Art. 5. Ces reconnaissances de créances ou quittances de finance seront délivrées en forme de remboursement aux créanciers de la dette exigible de l'Etat, à commencer du premier octobre 1790. Et dans le cas où les créanciers de l'Etat ne se seraient pas présentés pour recevoir ainsi leur remboursement, toute rente ou intérêt cesseront, de plein droit, à compter de ce jour.
Art. 6. La reconnaissance de créance ou quittance de finance sera faite au nom du créancier de l'Etat, et portera la totalité de sa créance, de manière qu'il sera dans la nécessité de l'endosser, pour la passer au profit d'un autre.
Art. 7. Lorsque le créancier de l'Etat sera dans le cas d'acheter des domaines nationaux à un moindre prix que la totalité de sa créance, les municipalités alors mettront au bas de sa quittance de finance ou reconnaissance de créance que telle somme est acquittée et que le litre n'a plus de valeur que pour la somme de... etc.
Art. 8. Les créanciers de l'Etat, de la dette constituée, dont le capital ne dépasse pas six mille livres, ne pourront être forcés d'accepter le remboursement ; ils resteront maîtres du choix.
Art. 9. Les municipalités seront chargées de la vente des domaines nationaux, mais ne pourront la consommer sans l'autorisation des départements qui vérifieront si ces biens ne sont pas donnés au-dessous de leur valeur, auquel cas ils arrêteraient la vente. Les départements jugeront aussi, conjointement avec les municipalités, des cas où il serait plus avantageux de morceler ces biens et de les vendre en détail pour en tirer un meilleur parti.
Art. 10. Les dispositions ultérieures seront conformes au mode déjà établi par l'Assemblée nationale pour les 400 millions d'assignats décrétés le...... et seront exécutés selon leur forme et teneur.
Les adversaires des assignats me paraissent tomber dans plusieurs erreurs : la première, c'est de ne montrer la question que du côté des finances, et jamais sous ses rapports politiques, sous les rapports qu'elle peut avoir avec la Constitution. Je crois que la seule manière de l'envisager est de calculer ses effets sur la Révolution. Il faut se placer au milieu de la Constitution, et prononcer sur ce qui peut hâter sa marche, ou la retarder. Les rapports financiers ne
doivent être l'objet que d'un examen secondaire. Parlons-nous de Constitution, l'émission des assignats ne peut être mise en question ; c'est l'unique et infaillible moyen d'établir la Constitution. Parlons-nous de finance, il ne faut pas raisonner comme dans une situation ordinaire : nous ne pouvons faire face à nos engagements; il faut employer la seule mesure qui puisse remédier à tant de maux. La justice nous recommande impérieusement l'émission des assignats, car la justice consiste à s'acquitter lorsque l'on doit. Il est malheureusement encore des ennemis d'une Révolution qui rétablit l'homme dans ses droits; il fautle3 plaindre, ilfautgémirsurlesortdeceuxqui s'amusent à calculer leurs pertes, sans examiner que la Constitution sera le plus riche patrimoine de leurs enfants. Je vois ces partisans des abus, ces pensionnaires de l'ancien régime, considérer les débris de l'antique édifice, et se flatter d'en réunir encore les matériaux.
Les biens du clergé nn seront pas vendus, disent-ils, les charges de finance ne seront pas liquidées. Voilà les bases sur lesquelles ils appuient leurs projets de contre-révolution. Voulez-vous déranger toutes ces combinaisons, donnez la plus grande activité à la vente des biens nationaux, divisez-les, multipliez tellement ces lettres de change que chacun en soit porteur. C'est là le moyen de rendre l'intérêt personnel lui-même gardien de la Constitution. Elle passera chez tous les mécontents, cette pensée, que pour attaquer ce bel ouvrage il faudra détruire toutes les fortunes particulières. Quand il y aurait, comme on le prétend, une petite différence entre le numéraire fictif et le numéraire réel, quand il serait démontré que nos changes avec l'étranger perdraient pendant quelque temps, il nous faudrait encore l'adopter. Nous pouvons supporter les pertes légères, mais nous ne pouvons pas souffrir que la Constitution ne soit assise sur des bases stables et solides. On a fait bien des suppositions; on a présenté bien des calculs; mais a-t-on des données sûres V Non. A-t-on des exemples ? Pas davantage. Les quittances de finance que l'on propose n'offrent que des pertes aux pères de famille qui s'en trouveraient porteurs. Faites que les débiteurs payent leurs créanciers, faites que les échanges se multiplient, alors vous obtiendrez la concurrence que vous désirez pour la vente des biens nationaux. Quoique je pense que l'émission d'assignats soit l'unique moyen de régénérer la chose publique, je laisserai la liberté d'opter entre les assignats et les quittances de finance. En conséquence, j'adopte le projet de M. de Beaumetz, avec l'amendement, qu'il ne sera point accordé aux quittances de finance d'intérêt annuel, mais seulement une prime de 3 0/0, et qu'au bout de trois ans on ouvrira un emprunt à 4 0/0 pour recevoir les assignats dans la vente des biens domaniaux.
réclame la parole.
Plusieurs membres de la partie gauche demandent que M. l'abbé Maury soit entendu.
Tout membre a ici également le droit d'avoir la parole.
(On demande que MM. l'abbé Maury et de Cazalès soient entendus contre, et MM. Barnave et Duport pour.)
Plusieurs membres réclament l'ordre du jour.
(L'Assemblée décide que M, l'abbé Maury sera I entendu sur-le-champ.)
(1) Messieurs, je m'étais préparé à soutenir un combat dans cette Assemblée et non pas à prononcer un discours (2). M. de Mirabeau, qui avait d'abord loyalement ramassé le gant que je lui avais jeté eh votre présence, s'est ensuite refusé constamment à un mode de discussion, qui aurait résolu tous nos doutes et qui aurait dissipé tous les vains prestiges de l'éloquence. Je regretterai toute ma vie ce dialogue intéressant que nous avions annoncé à l'Europe entière; et mes regards cherchent encore dans ce moment, M. de Mirabeau, sur celte même arène où, au milieu de tant d'adversaires de mon opinion, je me vois réduit avec douleur à la solitude du monologue.
Vous êtes placés dans cet instant, Messieurs, en-treles biens nationaux dont vous vous êtesattribué la disposition par vos décrets, et les créanciers de l'Etat dont vous avez promis de respecter les titres. Vous n'avez encore médité, ni sur le mode d'aliénation, ni sur l'ordre des remboursements ; mais l'intérêt personnel, accoutumé dès longtemps dans cette capitale à prendre le masque du zèle du bien public, vient de former en silence un double complot contre la dépouille du clergé, et contre les propriétaires de la dette exigible; et pour consommer ce projet désastreux du plus infâme agiotage sur nos immeubles, ces vampires de la France osent nous proposer l'émission soudaine et imprévue d'un papier-mon-naie, élevé à la somme effrayante de 2 milliards.
Au moment où ce coupable décret vous a été demandé, vous avez cru qu'il était de votre sagesse de douter noblement de votre puissance et de vos lumières. Vous avez voulu vous investir du vœu de toutes les chambres de commerce du royaume; et cette précaution, qui associe l'opinion des représentés aux décisions des représentants, était bien digne en effet d'un Corps législatif dont toutes les déterminations doivent être l'expression de la volonté général. Le commerce est placé entre l'agriculture qu'il doit vivifier, et les finances qu'il peut seul soutenir. Toutes les villes commerçantes ont, pour ainsi dire, parlé le même jour; et sans s'être consultées, d'une extrémité de la France à l'autre, elles vous ont fait entendre un concert unanime des mêmes motifs, des mêmes alarmes, des mêmes oppositions. J'ose dire, Messieurs, que la question qui nous occupe, est irrévocablement résolue, par cette uniformité d'adresses qui rejettent le papier-monnaie comme une véritable calamité. Toutes les fois qu'en matière de confiance et de crédit, l'opinion publique est ou partagée ou inquiète, ou même simplement prévenue, cette insurrection universelle des esprits avertit les législateurs de s'attacher à ce grand principe de murale : que, dans le doute, il faut s'abstenir, parce q'uune décision prématurée compromettrait la sainte autorité de la loi, et exposerait l'Empire aux plus grands troubles, en précipitant une opération à laquelle les peuples ne sout pas préparés.
Au milieu des réclamations de la France entière, la ville de Paris s'est en quelque sorte
sé-
Ce n'est cependant point par ses fins de non-recevoir, que je veux combattre l'étrange système de la ville de Paris, quand elle s'isole ainsi au milieu de tout le royaume.
Le vœu de la ville de Paris me paraît, en dernière analyse, très contraire aux assignats. Son adresse n'est autre chose que la proposition de syndiquer tous les porteurs des titres de la dette exigible, et de leur abandonner la masse des biens nationaux. El les contient l'aveu formel que l'émission d'un papier-monnaie serait infiniment funeste, si les assignats ne sortaient promptement de la circulation du commerce, qui prévoit d'avance l'extrême danger de leur dépréciation. Elle devrait donc demander d'abord que l'appréciation des immeubles précédât l'émission des assignats, puisque cette estimation serait aussi ruineuse qu'inutile, après le décret que nous aurions rendu sans connaître ni le montant de la dette exigible, ni la valeur des domaines nationaux. >.
Ce syndicat, cette évaluation n'entrent point dans les vues de l'Assemblée. Nous devons donc prévoir qu'en se servant de l'intermédiaire des assignats, plusieurs créanciers seront entièrement remboursés, soit par de promptes adjudications, soit en acquittant leurs propres engagements, tandis que les créanciers qui ne participeront pas aux premières ventes, ou qui n'auront point eux-mêmes de créanciers, sur lesquels ils puissent rejeter les assignats dépréciés, seront exclus du gage commun, et subiront une véritable banqueroute. Ce sera ainsi que les assignats multiplieront les faillites sur leur route, et ruineront tous les citoyens qui ne doivent rien, et auxquels on doit une partie ou la totalité de leur fortune. Le commerce de Paris recevra donc en assignats tout ce qui lui est dû. Je ne doute pas qu'il ait des débouchés déjà prêts pour les transmettre à ses créanciers, mais si les assignats se deprécient. comme il est aisé de le prévoir, il faudra, dès cé moment, que le commerce de la capitale renonce à toute espèce de crédit. Or, je demande à la ville de Paris, en plaçant ainsi la question dans son véritable point de vue, si cette capitale, qui consomme tout et ne produit rien, peut se passer de crédit ? Je lui demande si les assignats ne lui rendraient pas son commerce impossible avec les provinces et avec l'étranger? Je lui demande s'il y aurait un seul fabricant dans le monde, qui, après avoir été payé par elle, en effets discrédités, voulût faire la moindre avance aux négociants parisiens, qui auraient ainsi, dans leurs mains,
un bilan de banqueroute? Je n'écoute donc plus le vœu insensé de la capitale, je consulte ses véritables intérêts ; et je dis que les assignats ruineraient les Parisiens, comme tous les autres commerçants du royaume, parce qu'il est démontré, pour tout marchand qui fonde les combinaisons de sa fortune sur l'avenir, que la ressource du papier-monnaie, c'est-à-dire la fausse monnaie, n'est bonne pour tromper qu'une seule fois (1). Ce n'est jamais sur la fraude, c'est sur la confiance qu'inspire la probité qu'un négociant doit régler ses spéculations.
Le véritable intérêt du commerce de Paris ne saurait donc être distingué du vœu des autres
villes du royaume. La fortune de tous les manufacturiers est entre les mains des marchands
qui jouissent d'un crédit de neuf mois, et plus souvent encore d'une année, pour payer les
marchandises qu'ils achètent dans les fabriques. Si vous décrétez une nouvelle émission de
papier-monnaie, tous ces marchands ne payeront plus qu'en assignats, et vous savez que les
assignats perdent déjà plus de 7 0/0 de leur valeur primitive. Le fabricant, ainsi remboursé,
sacrifiera donc au moins 7 0/0, quand il voudra convertir ces assignats en numéraire; et, dès
lors, ses prolits et même ses fonds seront engloutis. Lorsqu'il viendra lui-même payer avec
un papier déprécié, que vous l'aurez contraint de recevoir, les soies, les laines, les cotons
dont il aura besoin, il essuyera nécessairement la même perte de 7 0/0, pour acheter ces
matières premières de son commerce, par l'augmentation du prix qu'exigera le vendeur toujours
libre dans.ses appréciations. En effet, Messieurs, la toute-puissance de vos décrets suffira
sans doute pour ruiner les créanciers qui seront forcés de recevoir votre papier; mais, ne
vous y trompez pas, votre pouvoir ne s'étend pas jusqu'aux transactions Volontaires. Votre
autorité finit au moment où le citoyen n'est plus tenu à l'exécution d'un contrat. Dans tout
marché libre, la souveraineté individuelle de chaque contractant commence. C'est cette
souveraineté à laquelle aucune puissance humaine ne peut commander, qui force ie négociant de
payer, quand il achète, toute la différence qui existe entre la valeur nominale et la valeur
commerciale du papier-monnaie, différence dont on ne lui a tenu aucun
Remaquez, Messieurs, que je ne vous peins qu'à demi les ravagés de votre papier-monnaie, en bornant son action commerciale à l'intérieur du royaume. Le commerce de France doit 300 millions aux étrangers. Si vous décrétez l'émission de vos nouveaux assignats, Cette somme ne pourra plus être payée qu'en écus; car votre autorité législative finit à vos frontières, et quand vous aurez placé le balancier de l'Etat dans une papeterie, vous ne parviendrez pas à faire circuler votre papier-monnaie dans toute l'Europe. Outre que la loyauté de vos négociants vous prédit d'avance qu'ils ne se prévaudront jamais d'une loi injuste, pour se dipenser d'acquitter eh argent leurs créances envers les étrangers, ces étrangers eux-mêmes convertiraient à perte en métal les assignats qu'ils auraient reçus de vous, et transporteraient ainsi tout votre numéraire hors du royaume. Ajoutez maintenant à cette prochaine et inévitable extraction de votre numéraire par les canaux du commerce, toutes les autres issues, qui en faciliteraient .l'écoulement dans les Etats voisins. Vous devez plus de 60 millions de rentes viagères aux Hollandais, aux Suisses, ou aux Génevois. Vous n'avez guère que du numéraire à fournir dans votre commerce des Indes. Vous ne payez plus qu'en argent des soies du Piémont. Les fournitures de bois, de chanvre, dé cuivre, què vous tirez du nord pour votre marine, ne sont plus soldées qu'en argent. Vous perdez plusieurs millions chaque année, par votre traité de commerce avec l'Angleterre ; vos vins, vos huiles, Vos sels, vos savons ne peuvent suffire à vous rendre la balance du commerce favorable. Jusqu'à présent vous n'avez dù la supériorité de vos rapports commerciaux qu'à vos seules colonies qui vous fournissaient, outre vos consommations en sucre, en café, én coton, en indigb, une vente annuelle de plus des 25 millions à l'Europe entière. L'insurrection de vos colonies en a ouvert lès ports à vos voisins. Le bénéfice de cet immense commerce exclusif est presque anéanti; de sorte que si vous perdez en même temps l'excédent des denrées de vos colonies, vos échanges avec vos voisins et le numéraire qui pourra seul solder vos
engagements et fournir à vos besoins, il est facile de prévoir que votre numéraire sera promptement divisé en deux portions, savoir : votre numéraire fictif en papier, qui restera dans le royaume, et votre numéraire effectif en argent qui passera chez vos voisins.
A peine celte énorme émission d'assignats-monnaie aura-t-elle été décrétée,qu'elle couvrira toutes les places de commerce. Nos villes et nos campagnes en seront accablées; le papier n'y paraîtra que pour en chasser l'argent ou pour le forcer de se cacher. Alors, il se fera dans 1 intérieur du royaume un effort général pour rejeter tout ce papier-monnaie jusqu'aux extrémités de l'Empire. Ce sera là que le génie du commerce de toutes les nations viendra l'attendre pour lui dire, comme l'Etre suprême aux flots menaçants de la mer : Tu n'iras pas plus loin 1 Les ravages se concentreront ainsi dans notre malheureuse patrie. Une circulation rapide en infectera surtout nos provinces frontières, où il viendra s'accumuler sans cesse du centre à la circonférence du royaume, comme l'océan repousse sur le rivage les cadavres qu'il a engloutis.
Il est donc démontré, par ces considérations, que, dans ses rapports avec l'étranger, notre commerce ne peut pas se passer de numéraire. L'état de change qu'il est obligé de consulter sans cesse, et qu'un papier-monnaie rend toujours désavantageux, ne lui permet pas d'employer d'autre médium, que les espèces monnayées ou les valeurs de commerce, qui se transforment en argent à des époques déterminées.
On vient de nous débiter sur le change de très beaux discours dans cette tribune. Il serait facile sans doute de se livrer à toutes ces savantes abstractions qui deviennent les lieux communs de la matière dont il s'agit, quand on les dépouille du langage technique aonton se plaît à les environner. Le change n est autre chose que le cadran du commerce extérieur. C'est lui qui indique avec certitude les prolits ou les pertes de nos rapports avec nos voisins. Quelque avantageux que puisse être le commerce par les spéculations et les marchés des négociants, il ruine infailliblement un Etat, quand le change lui est habituellement contraire. Or, le change tombera nécessairement à votre préjudice; si vous ne pouvez envoyer que du numéraire à l'étranger, tandis que l'étranger ne vous en enverra jamais. Tel sera l'inévitable résultat de votre papier-monnaie, qui ne tiendra lieu d'argent qu'à vous seul, et qui, en vous condamnant à le recevoir pour comptant ne vous offrira jamais la faculté de le transmettre à vos voisins. J'ose dire qu'aux yeux de tout homme instruit cette baisse persévérante du change, qui serait l'effet nécessaire de l'émission papier-monnaie, suffit pour juger la question sans appel et sans retour.
Nous avons déjà éprouvé ce funeste inconvénient, depuis que nous avons mis quatre cents millions d'assignats en circulation. Je ne daignerai pas réfuter 1a misérable objection qui nous a été Ïirésentée, quand on a dit que, depuis cette époque, e change avait haussé au profit de Paris. Cette capitale était le centre de toutes les correspondances commerciales du royaume avec l'etranger. Le change n'a paru hausser en sa faveur, que parce qu'on n'a plus voulu y faire adresser les mêmes sommes, de peur de n'y être plus payé qu'en papier. Toutes les places de commerce du royaume ont repris leurs relations directes avec les étrangers. Paris n'a donc point été favorisé; il a été délaissé par les Bourses de Lyon, de Marseille,
de Rouen, de Nantes, dé Bordeaux, qui se sont hâtées de se séparer de la Capitale ; et le change baissait au préjudice de toutes ces villes commerçantes qui avaient des recouvrements à faire, au moment où il semblait se déclarer en faveur de Paris qui n'avait plus rien à recevoir. C'est ainsi que l'introduction du papier-monnaie a rendu le change à peu près nul pour Paris, et funeste à tout le reste du royaume.
Mais on a fait dans cette tribune une autre observation plus éblouissante relativement, au change. On prétend que l'effet des assignats sur les changes n'influera en rien sur la prospérité de la nation, parce que le mouvement naturel du commerce suffira pour opérer en notre faveur une compensation qui nous dédommagera de Ja perte sur nos payements, par les profits sur nos recouvrements. Si le change nous est défavorable, dit-on, quand nous payerons en Angleterre les marchandises que nous y aurons achetées, cette baisse du change elle-même nous deviendra profitable pour le prix des denrées que les Anglais achèteront en France, lorsqu'ils seront obligés de nous en compter la valeur. Par exemple, si nous tirons des étoffes d'Angleterre, en comptant sur un change de 30 deniers sterling pour 3 livres, et que le change tombe tout à coup à 25 deniers, il est clair qu'au lieu de 3 livres, nous payerons un sixième de plus, c'est-à-dire 3 livr. 10 s. Mais d'un autre côté, un négociantde Bordeaux enverra des vins à Londres, et au lieu de chaque somme de 3 livres qu'il attendait en payement, il recevra trois liv. 10 s. par le seul bénéfice du change. L'un gagnera ce que l'autre aura perdu : la richesse de l'Etat n'en sera donc pas diminuée.
11 y a plus d'une réponse à faire à cet étrange raisonnement.
D'abord, la meilleure manière de juger sainement d'une maxime générale, c'est de la pousser à ses dernières conséquences; et celle qu'on nous oppose aboutit à la plus révoltante absurdité : savoir, qu'il est indifférent à un Etat que le change soit en sa faveur ou à son détriment. L'expérience de toutes les nations commerçantes atteste cependant que le change n'est jamais longtemps, au préjudice d'un pays, sans opérer sa ruine.
En supposant que votre raisonnement fût juste, vous ne pourriez en tirer quelque avantage que dans le cas où les Anglais achèteraient autant en France que nous exportons de leur île. Mais si vous êtes forcés d'avouer que cette proportion n'existe plus, surtout depuis votre dernier traité de commerce, il est manifeste que la baisse du change les enrichira sans pouvoir-jamais vous dédommager.
Enfin, votre raisonnement, considéré en lui-même, est évidemment faux. Gomment les Anglais nous payeront-ils ce que nous leur vendrons? En livres tournois, ou en lettres de change qui exprimeront des livres tournois. Moins il leur faudra de deniers sterling pour acheter des livres tournois, sur le pied de la baisse du change, plus il leur sera facile de s'acquitter envers nous à bon marché. L'opération leur sera donc également avantageuse, soit qu'ils vendent, soit qu ils achètent, parce qu'ils payeront nos livres tournois à un plus bas prix, et que leurs deniers sterlings nous coûteront plus cher, toutes les fois que le change nous sera défavorable.
Les Anglais ont si bien compris cet immense avantage uu change dans leurs rapports commerciaux, qu'ils vont escompter tous les ans à Cadix à un très petit intérêt, souvent même au pair, toutes les lettres de change payables à douze
mois de terme, que nos négociants y envoient pour acheter annuellement environ 30 ou 40 millions en lingots. Les négociants anglais, munis de ces valeurs de commerce, observent ensuite l'état du change, dans toute l'Europe ; et dés qu'ils s'aperçoivent que le change va nous être favorable, dans une ville où nous avons plus à recevoir qu'à payer, ils couvrent aussitôt les places, qui nous seraient avantageuses, de nos billets achetés à Cadix, lesquels font baisser prompte-ment le change à notre préjudice. Ces savantes combinaisons ne manquent jamais de dédommager les Anglais du sacrifice de leurs avances, par le gain qu'ils font sur nous, en fixant le change à notre détriment, dans les principales places de l'Europe.
Il résulte de ces considérations que, lorsqu'on dit vaguement que le numéraire est rare dans le royaume, cette phrase si commune et souvent si vide de sens dans la bouche de ceux qui la répètent, prouve seulement que le commerce y languit. Le numéraire paraît commun, et devient commun en effet toutes les fois que le commerce est dans une grande activité, parce qu'alors le numéraire change très fréquemment de mains. Nous avions à peine 2 milliards et demi de numéraire en France ; et cependant on y faisait annuellement un commerce de 25 milliards. Une telle circulation semble un prodige au premier coup d'oeil. Pour consommer ces étonnantes opérations, il suffisait toutefois que le numéraire changeât dix fois de propriétaires, chaque année. Voilà quelle était l'admirable fécondité de ce commerce qui a rendu la France si florissante, et auquel on nous propose de présenter aujourd'hui un autre mode de circulation en papier-monnaie, fait pour tout confondre, tout ruiner, tout anéantir. C'est une calamité publique que l'on ose nous prescrire au nom du patriotisme. C'est un système immoral et désastreux dont je ferai connaître les causes, les effets, les moyens, et, s'il le faut, les coupables moteurs. Mais avant d'entrer dans ces délails, nous devons invoquer quelques principes lumineux pour résoudre cette importante question ; je vais allumer, devant moi, les fanaux destinés à éclairer cette route ténébreuse que je suis obligé de parcourir.
Pour se former des idées nettes sur le mouvement de l'argent, il faut distinguer d'abord trois différentes circulations.
Il y a une circulation de numéraire pour les besoins journaliers de la vie. Ce numéraire, destiné aux comestibles et aux achats peu considérables, se déplace sans cesse, et rien ne peut le suppléer.
Il y a une autre circulation de numéraire dans les causes des négociants et des banquiers. Celte circulation n'est réelle que lorsqu'elle introduit l'argent dans la circulation journalière : elle s'opère principalement en valeurs de commerce ou lettres de change. Plusieurs marchands sont débiteurs, les uns envers les autres, dans des villes différentes. Au lieu de s'acquitter en espèces, ils s'envoient mutuellement des lettres de change. Le numéraire effectif ne se déplace donc entre eux que pour solder leurs opérations réciproques, et tout l'excédent reste en caisse. Cette seconde circulation exige très peu de numéraire; elle décide le prix du cours de l'argent, c'est-à-dire du change, parce que les marchands sont très attentifs à démêler le besoin qu'on en a dans les différentes places de commerce.
Enfin, il y a une troisième circulation parmi les gens d'affaires, agioteurs et financiers, qui, sans
employer le numéraire, sont porteurs d'effets publics, étrangers au commerce. Les banquiers et les négociants recherchent ordinairement ces effets, pour participer aux profits qu'ils y aperçoivent, en les échangeant contre des lettres de change. Cette troisième circulation communique immédiatement avec la seconde par les lettres de change, comme la seconde touche à la première par le numéraire.
Ainsi, il y a une circulation de numéraire, une circulation de numéraire et de crédit, et une circulation de crédit seul.
Si vous ôtez à la première et à la seconde le numéraire,, pour le remplacer par le crédit, vous en arrêtez nécessairement le cours.
Quant à la première, qui se fait parle seul numéraire, rien n'e8t plus évident.
La seconde doit éprouver la même stagnation, dès que le numéraire ne l'alimente plus, parce que la circulation du commerce fait l'office d'une pompe, dont une branche rend ce que l'autre aspire. Si vous mettez du papier d'un côté, le numéraire ne pourra plus sortir de l'autre.
Retirez le crédit de la troisième, qui n'existe que par lui, elle sera aussitôt anéantie.
Si, pour rendre la vie à la circulation qui avait lieu parmi les agioteurs, vous avez recours à votre numéraire, l'argent se déplacera des autres circulations qui cesseront alors, puisqu'elles ne peuvent pas se passer d'espèces. Voilà ce que nous avons fait, l'expérience de nos malheurs est venue enfin nous instruire.
Le seul mécanisme des circulations que nous avons toutes confondues, aurait dû nous prédire d'avance notre détresse actuelle.
Au lieu de se corriger, en revenant en arrière, on veut donner aujourd'hui une extension illu-mitée à cette circulation de crédit qui a ruiné le royaume; et si on y réussit, la France entière sera bientôt dans le même état où se trouve à présent la capitale.
Les agioteurs, qui avaient prêté à l'Etat à toutes sortes d'intérêts, ne pouvant plus faire circuler leurs effets parmi les banquiers, se sont vus ruinés, et ils ont crié, de toutes parts, que la chose publique était perdue. On n'aurait pas dû écouter ce cri d'alarme, parce que les effets de l'agiotage sont très étrangers au commerce. Les agioteurs ne peuvent communiquer avec les négociants que pour leur enlever les lettres de change et le numéraire, qui sont l'aliment de toute circulation commerciale. Voilà précisément ce qui est arrivé.
G'est cette usurpation continue, qui, en appelant les agioteurs en concurrence avec les commerçants, a fait hausser le prix des lettres de change et de numéraire, et a ainsi porté un coup mortel à nos manufactures.
Le gourvernement aurait dû couper aussitôt la communication, qui s'était établie entre l'agiotage et le commerce, comme on coupe la communication d'une maison qui est en feu. On y a jeté, au contraire, des matières combustibles qui ont rendu l'incendie universel.
Ce point de communication qu'il fallaitdétruire, c'était la caisse d'escompte, qui, sous la fatale influence de M. Necker, a ruiné le commerce, en l'alliant à l'agiotage.
Qu'a fait le gouvernement? Il a attribué à la caisse d'escompte le droit de garder les valeurs que le commerce lui avait confiées. Il l'a autorisée à ia plus honteuse banqueroute, en lui permettant de retenir ses fonds, à ne plus payer qu'en billets; et le commerce, qui s'est aperçu trop tard de sou imprudente alliance, s'est vu scandaleu-
sement immolé à cette grande violation de la foi i dent déjà plus de 7 0/0, et leur dépréciation sui-publique. vra toujours leur multiplication. Supposons donc
Les a^iotenrs se sont ainsi mis a Ja place des negot iants et ils oat etabli leurs affaires per- sonnelles aux d6peos de la chose pubJique.
on a mis, en circulation, une somme ae cent quatre-vingls millions de billets de caisse. 11 en est resulte que Paris, qui, dans son aveugle cu- pidite, avail eu I'iwiprudence de confondre toutes les circulations; Paris, qui ne vit que des den- izes qu'il achele; Paris} cetle Ii6re et sterile ca- pilale, pour qui le papier n'engendrait plus que du papier, qu ellecomptait par millions, abaissC les yaux dans sa fausse opulence devant ses creancieis, et au lieu du numeraire effcctii qu'elle devait aux provinces, elle ne Ieur a plus donne que des billets imposteurs, paralyses par un arrit de surseance qui en suspendait le payement.
On vous propose aujourd'hui, Messieurs, d'é- à une époque bien éloignée pour connaître l'ori-tendre la même calamité dans tout le royaume, I gine du papier-monnaie. Cette invention appar-en réduisant la circulation au seul papier-mon- I tient à notre siècle; et je prédis hautement qu'elle naie. I sera proscrite avant qu'il soit révolu. Non, jus-
Or, si une circulation de 180 millions a déjà I qu'au xvm0 siècle aucun gouvernement n'avait répandu tant d'alarmes; si l'émission de 400 nou- I imaginé de mettre du papier en circulation, pour veaux millions d'assignats a dégradé le com- I y remplacer les métaux. Quant on ne consultait merce; si vos ports sont devenus solitaires et vos I que les lumières du bon sens, quand l'agiotage manufactures désertes, depuis que vous avez eu I n'avait pas encore essayé ses expériences hardies recours à un si dangereux supplément du numé- I et conquérantes, nos pères auraient regardé cette raire, calculez, si vous le pouvez et si vous l'osez, monnaie auxiliaire, connue sous le nom de pales ravages que produira la circulation de 2 mil- I pier-monnaie, comme une très fausse monnaie, liards de papier-monnaie dans le royaume.
plus I moins timides; mais l'expérience nous a prorap-le numéraire deviendra rare, et par conséquent I tement appris que tous les Etats qui voulaient plus il sera cher.
Quoi que l'on en dise, notre argent n'est pas I ment hypothéqué, un nouveau signe de richesse, encore sorti du royaume. Des émigrations consi- I n'y trouvaient que leur ruine, dérables ont dû sans doute en attirer une portion I Ce fut en 1720 que le papier-monnaie prit nais-dans l'étranger; mais c'est surtout la circulation I sance, dans le même temps, en France et dans du papier-monnaie qui a intercepté la circulation l'Amérique septentrionale. Je vais solliciter d'a-du numéraire. bord votre attention, non pas sur le papier de Law,
J'avoue, toutefois, que plusieurs autres causes dont on a parfaitement développé le système et ont favorisé celte stagnation désastreuse. La les désastres dans cette tribune, en prouvant que, cherté récente des denrées a fait passer, dans les dans sa plus grande faveur et dans une année mains des propriétaires et des fermiers, des fonds très abondante, il avait fait excessivement mon-extraordinaires dont nous n'avons pas encore vu I ter le prix du pain. C'est sur le papier-monnaie l'emploi. Une méfiance universelle a retenu cet I américain que j'appelle vos regards avec d'autant argent dans les caisses. Mais le numéraire reste I plus d'intérêt, que M. de Mirabeau a totalement encore dans le royaume; et il n'en est peut-être I défiguré l'histoire de ce papier, et qu'il n'a pu pas sorti pour 200 milions, quoique les spécula- I échapper aux conséquences les plus accablantes, teurs vulgaires citent perpétuellement les émi- I qu'en confondant tous les papiers-monnaie de grations de la peur comme la cause unique de I l'Amérique, en embrouillant leur organisation, et notre détresse présente. en niant les faits les plus incontestables, avec
Qu'importe, au reste, que rargent reste en France? II v est aneanli par le fait pour le com- merce, dfis qu'il est renferme; et cette stagnation riurera jusqn'a ne que la eonfiance gener-ile Jui ouvre line issue, et surtout jusqu'a ce que, af- franchi de la rivalite du papier-raoonaie, il soit forc£ de reparaitre dans le commerce. Toutes les J'ois qu'il existe en circulation un papier dont le cours est /orc£, le papier fait sur l'argent ce que I'argent fait sur l'or. On ne livre son or que lors- qu'on n'a plus d'argent, et on no paye en argent que Jorsqu'on ne peut plus s'acquitter en papier.
diet, quand il y a un papier-roonnaie en circulation, quand lout papier subit une depre- ciation inevitable, com me je le demon trerai bien- tdt, il s'etublit iiecessaireuicnt sur la place deux cours valeur pour Je numeraire : le cours du numeraire fictifet le coursdu numeraireeffectif. Que doit-il rcsulter de cette double appreciation des numeraires, si ce n'est que p us le papier se df?precje; plus 1'argent se cache1' I'os assignai? per
dent déjà plus de 7 0/0, et leur dépréciation vra toujours leur multiplication. Supposons donc qu'ils perdent 10 0/0, alors le capitaliste, qui a de l'argent, peut le tenir enfermé dans coffre pendant deux ans, sans s'exposer à au-cune perte; attendu qu'il retrouvera toujours, dans la somme qu'il voudra échanger pour acheest comme je le démontrerai bien- venaient de conquérir leur argent, s'il l'avait mis en circulation,
Jusqu a present je n ai pas encore mterrogg l'experience, je n'ai raisenile que dans la rigueur des principes : et je dcmande maintenant hi nos adver-aires m6riteat d'etre ficoutfis, quand its osenl nier que la circulation du papier-roonnaie intercepte uecessairement la circulation du nu- meraire?
Mais il est temps, Messieurs, de descendre de ces speculations aux lecons encore persuasives que nousdonne I'histoire. 11 ne faut pas remonter h une epoque bien 6loign6e pour connattre Tori- gine du papier-monpaie. Cette invention appar- tient a notre si6cle;et je predis haatement qu'elle sera proscrite avant qu il soit revolu. Non, jus- qu'au xviii0 siecle aucun gouvernement n'avait imagine de mettre du papier en circulation, pour y remplacer les metaux. Quant on ne consultait que les lumieres du bon sens, quand i'agiotage n'avait pas encore essaye ses experiences hardies et conqugrantes, nos p6res auraient regarde cette monnaie auxiliaire, connue sous le norn de pa- pier-monnaie, comme une tres fausse monnaie. Le besoin uous a rendus moins raisonnables et raoins timides; rnais Pexperience nous a prorap- tement appris que tous les Etats qui voulaient chercher dans le papier-monnaie, le plus solide- ment hypothequ6, un nouveausigne de richesse, n'v trouvaient que leur ruine.
Ce fut en 1720 que le papier-morinaie prit nais- sance, dans le meme temps, en France et dans I'Am§rique sepfentrionale. Je vais solliciter d'a- bord votre attention, non pas sur le papier de Law, dont on a parfaitement developpe le systfeme et les desastres dans cette tribune, en prouvant que, dans sa plus grande favour et dans une annee tr£s abondante, il avait fait excessivement mon- ter le prix du pain. C'est sur le papier-monnaie arnericain que j'appelle vos regards avec d'autant plus d'interSt, que M. de Mirabeau a totalement deligure Fbistoire de ce papier, et qu'il n'a pu echapperaux consequences les plus accablantes, qu'en con fondant tou's les papiers-monnaie de I'Amerique, en embrouillant leur organisation, et en niant les faits les plus incontestibles, aveo une intr^pidite que je suis loin d'imputer a son ignorance.
vous comptez trop, Messieurs, sur le respect qui vous est du, pour peAser que je veuille vous entretenir du papier-monnaie continental, ou du papier du congrfcs. Ce papier-monnaie, deshonoro par ia plusinfame banqueroute (jusqu'a I'epoque de son extinction, il perdait plus de 91 0/0), a failli renverser la liberie des Arnerioains. J'lu- voque, a cet egard, avec conliance, le temoi- gnage de tous les membres de cette Asssemblee, qui elaient dans I'Amcriquc septentrionale, a Tissue de la demis e Revolution. Jd lenr de- mands si les efforts de cos genereux citoyen3, qui venaient de conquerir leur independence avec tant de gloire, n'ont pas ete au moment d'echouer devant cette emission d'un papier-monnaie, que les Anglais avaient contrefail et dont ils avaient mis en circulation des sommes immenses? Je Icurdemandesi ou apu Gviter l .'s lioribles effets do co psipioMconnaio, aulromont quo pas' une
banqueroute? Les législateurs, qui veulent aujourd'hui fonder la liberté de la France, auraient-ils déjà oublié une leçon si instructive et si récente?
Je ne parlerai donc ici que du papier-monnaie de la Pensylvanie, le seul qui mérite dans cette Assemblée une discussion sérieuse. S'il a jamais existé un papier-monnaie qui parût digne d'inspirer la confiance publique par Ju sûreté de son hyothèque et par la sagesse des méthodes qui présidèrent à son émission, c'est assurément le papier de cette colonie, qui n'a cependant pas pu se soutenir au pair contre les métaux. Voici son histoire sur laquelle je ne crains pas d'être contredit.
En 1720, la rareté du médium du commerce ou de l'argent se fit sentir à Philadelphie. Après une longue résistance des propriétaires de cette colonie, l'un de ses représentants, chargé des pouvoirs réservés au roi d'Angleterre par la charte ae concession faite à Guillaume Penn, accorda le consentement royal, malgré le vœu de ses commettants et de son souverain, à un acte de l'Assemblée générale qui créait un papier-monnaie. Ce papier était un véritable assignat sur des immeubles, garanti par l'hypothèque du mort-gage, qui est une véritable transmission de propriété. On n'en a mis dans la circulation, jusqu'en 1758, que pour la somme de 67 mille pounds, monnaie de Pensylvanie qui vaut encore 18 livres tournois.
Une émission si bornée et surtout l'exactitude des amortissements déterminèrent le parlement d'Angletere, non pas à approuver ce papier-mon-naie, mais à le tolérer. Le commerce anglais en retira d'abord quelques avantages. Les exportations de l'Angleterre, pour Philadelphie, augmentèrent très rapidement. Mais ce papier n'en éprouva pas moins une dépréciation sensible dans le commerce. Le change, entre Philadelphie et Londres, dont le pair devait être de 433 0/0, tomba bientôt à 157 et même à 180.
Celte altération du change aurait promptement ruiné la Pensylvanie, si les négociants de Philadelphie n'avaient réexporté avec un grand profit les marchandises anglaises, soit chez les Indiens, soit dans les autres colonies. Philadelphie n'était qu'un comptoir anglais. L'Assemblée de Pensylvanie changea la dénomination des pounds, des schellings et des pence, et en détermina le taux, d'après le cours du change. Le papier-monnaie ne changea donc pas de valeur nominale: ce fureDt les sighes métalliques qui changèrent eux-mêmes de prix, pour suivre le dépérissement du papier, lorsque la monnaie cessa d'être réglée par la célèbre proclamation de la reine Anne. Le papier-monnaie de Pensylvanie subit ainsi une dépréciation continuelle, depuis sa première émission, jusqu'à sa conversion en papier continental, en 1778.
La première création de ce papier fut ordonnée en billets de différentes valeurs. L'Etat en garantissait l'amortissement et l'extinction, et il y affecta subsidiairement tous ses revenus. Pour le répandre dans la circulation, le gouvernement consentit à le prêter, à condition que personne ne pourrait en emprunter plus de 100 pounds; que, pour en obtenir, il faudrait engager un immeuble libre de toute hypothèque, d'une valeur double de la somme empruntée, sans faire entrer les bâtiments dans cette estimation; que l'emprunteur payerait l'intérêt annuel, sous peine d'être poursuivi pour le rembourser en huit paye-oie^ annuels et Ii fut ordonné qu'en
rentrant dans la caisse publique, ce papier serait brûlé. L'émission en était calculée sur les besoins de la circulation. Malgré de si sages mesures, ce papier soutint constamment le change à un cours désavantageux pour Philadelphie; et quoiqu'il fût hypothéqué sur des biens-fonds très fertiles, sur des domaines situés à la porte de Philadelphie, sur des propriétés dont l'Etat jouissait paisiblement depuis plus de quarante années, le papier-monnaie de la Pensylvanie n'a jamais pu se soutenir au pair, et sa dépréciation est tombée jusqu'à 60 0/0 de différence entre sa valeur nominale et sa valeur commerciale (1).
Avouons, Messieurs, que si le père de famille, le plus précautionné, voulait établir un papier-monnaie dans sa propre tribu, il lui serait impossible de prendre des mesures plus sages que celles qu'ont employé les Etats delà Pensylvanie ; et cependant, quoiqu'on eût la faculté (je dis la faculté et non pas l'ohligation) d'échanger ce papier à volonté, à jour, à terme fixe, contre des excellentes propriétés territoriales, il n'en a pas moins été flétri par la plus constante dépréciation.
j'aurais trop d'avantages si je voulais suivre le papier-monnaie dans les autres Etats, qui ont adopté ce mode de circulation. L'Angleterre n'a jamais eu de papier-monnaie : tous les effets de la banque y sont payables à vue. Il y a un papier-monnaie en Russie; et au moment où je voU3 parle, il perd 33 0/0 à Pétersbourg.
Dira-t-on que l'on préservera notre papier-monnaie de cette dépréciation, par la solidité des hypothèques? Mais d'abord, tout papier-monnaie doit nécessairement avoir une hypothèque. Ce serait trop compter sur l'imbécillité du genre humain, que d'oser mettre en circulation, comme monnaie, un papier qui n'aurait ni valeur intrinsèque, ni caution assurée. Law lui-même, le charlatan Law, avait hypothéqué sa banque sur tous les revenus du roi. Toutes ses hypothèques si imposantes, n'ont cependant jamais préservé et ne préserveront jamais le papier-monnaie de la dépréciation qui est inhérente à sa nature.
Nous touchons au véritable nœud de la question. Voici donc le principe de décision auquel je ramène mes adversaires ; et je les somme de répondre d'une manière satisfaisante au raisonnement que vous allez entendre.
S'il est possible que vous mettiez dans la circulation Un papier-monnaie qui ne perde rien
de son titre, je consens qu'il soit décrété sans aucune difficulté, pourvu que vous gardiez,
dans son émission, les mesurés convenables. Je fais ici beau jeu aux partisans de l'opinion
contraire, en me réduisant à une condition si évidemment
Je dis donc qu'il est impossible que le papier-monnaie mis en circulation ne perde pas sur son titre, et cela pour deux raisons péremptoires : 1° à cause du danger et de la facilité des contrefaçons ; 2° à cause des spéculations et des opérations de l'agiotage. Voici la question développée dans son vrai point de vue et fondée sur la seule théorie des valeurs.
1° Un élément très important de la valeur d'un papier-monnaie, c'est la quantité probable de papier contrefait qui circulera dans le commerce, Je né cherche point à inspirer de vaines terreurs. Mais il serait souverainement imprudent de négliger les craintes raisonnables; et l'expérience a démontré qu'il était impossible d'éviter entièrement la contrefaçon d'un papier forcé. Les endossements et plusieurs autres précautions peuvent prévenir ce brigandage dans l'émission d'un papier libre; mais ils ne servent de rien quand le cours du papier est forcé. D'ailleurs, l'endossement d'un papier forcé est absolument contradictoire avec la propriété qu'on veut lui attribuer d'être une monnaie. L'essence de la monnaie est de terminer dans l'instant, sans aucun recours ultérieur, toutes les transactions commerciales. Tout papier qui n'aura pas cette propriété ne sera plus une monnaie. Les endossements inquiètent le peuple; et d'ailleurs quand le papier est forcé, les endossements ne sont pas plus difficiles à imiter que le papier.
Je ne déterminerai pas l'effet de cet élément de dépréciation. Personne, sans doute, n'en contestera le résultat dans le commerce.
Pourquoi l'or et l'argeut ont-ils un si grand prix dans l'opinion des hommes? parce qu'outre leur rareté, il. est impossible de les imiter et de les contrefaire. Il ne faut pas considérer les écus simplement comme monnaie, il faut les apprécier comme métal. Sous ce dernier rapport, il ne sont plus simplement un signe de richesse, ils sont une richesse véritable, dont le poids et le son attestent la valeur intrinsèque, indistinctement reconnue chez toutes les nations ; au lieu que Je papier ne peut jamais avoir qu'une estimation locale et toujours incertaine.
Les habitants de la campagne ont contracté, par l'habitude la plus familière, la connaissance des écus, et la facilité de les juger. Ou a d'ailleurs beaucoup moins de moyens pour les tromper, par l'imitation de la monnaie que par la contrefaçon des assignats. Il est physiquement plus difficile d'établir un balancier dont le seul
bruit dénonce à la société un ennemi commun, que de fabriquer clandestinement du faux papier-monnaie dans les papeteries complices d'un pareil brigandage.
Si vous mettez en circulation des assignats pour de petites sommes, les ouvriers qui ne savent pas lire seront les premières victimes de cette fausse monnaie de papier. Ce sera surtout le peuple, ce malheureux peuple qui provoque maintenant à grands cris sa ruine, en nous demandant des assignats, comme un homme prêt à se noyer se saisirait d'un fer rouge ; ce sera lui d'abord, je le prédis hautement, que l'on trompera. Les faux monnayeurs de papier préféreront la circulation des petits assignats pour mieux échapper à la vigilance des hommes instruits qui pourraient découvrir la fraude.
Vous êtes tellement assurés, Messieurs, du brigandage que je vous dénonce, que vous ne pouvez vous dispenser de déclarer formellement dans votre décret, si la nation payera ou ne payera pas le faux papier-monnaie, qui aura été reçu de bonne foi dans la circulation. La délibération, je l'avoue, est un peu embarrassante ; car si vous ne prenez pas cet engagement, vous discréditez vos assignats; et si vous le contractez à vos périls et risques, vous vous exposez à ruiner le Trésor public.
De deux choses l'une : ou le signe caractéristique du bon papier sera connu de tout le monde, ou l'administration s'en réservera le secret. Dans le premier cas, la contrefaçon sera toujours exacte, et dans le second la connaissance du faux ne sera pas possible, du moins dans les classes communes de la société. Qui de nous, Messieurs, n'a pas vu, et peut-être n'a pas reçu, dans ces derniers temps, des billets contrefaits de la caisse d'escompte? En voici un de cent écus qui m'a été remis en payement et qui pourra convertir les plus incrédules.
Le seul danger de la contrefaçon donnera toujours une grande supériorité à l'argent sur le papier. Eh ! Messieurs, jetez les yeux sur le Gode des Américains : vous y trouverez à chaque page des lois contre les faux monnayeurs, tant qu'il y a eu en Amérique un papier-monnaie en circulation. Ouvrez les registres de leurs tribunaux, vous les trouverez remplis de sentences de mort pour punir les contrefacteurs du papier. Ges contrefaçons sont des crimes créés, en quelque sorte, par les gouvernements, qui placent ainsi les malheureux entre la tentation de l'opulence et l'espoir de l'impunité. Les faux monnayeurs de papier peuveutsecacherdanstout l'univers pourexécuter leurs complots. L'Europe entière est ouverte à ces criminelles fabrications. Si vous avez une guerre avec vos voisins, ils encourageront chez eux la fraude; ils décerneront des prix aux contrefacteurs les plus habiles; ils infesteront vos Etats de ce faux papier, comme les Anglais en ont couvert l'Amérique septentrionale, au milieu de la dernière révolution. Les faux monnayeurs trouveront ainsi partout, pour ruiner la France, sûreté, protection, encouragements; et au lieu de deux milliards de papier-monnaie que vous aurez cru mettre en émission, peut-être en aurez-vous dix milliards en pleine circulation, dans l'intervalle de six mois.
Législateurs de la France, j'invoque dans ce moment votre humanité! N'arrosez pas de sang humain ce nouveau champ de la liberté, qui n'a déjà été que trop souillé par son effusion. Je vous conjure, au nom de votre patriotisme, de peser sur cette importante considération, qui éveillera
d'avance vos remords. Je vous supplie de penser dans quel siècle et dans quelle ville vous êtes chargés de prévenir des crimes, qu'il serait si facile de commettre, et si triste de punir. Voyez de quelle corruption, de quelle savante immoralité, de quelles systématiques scélératesses, vous êtes environnés, et à quelle horrible anarchie le faux papier livrerait la France !
Au commencement de ce règne, quand on voulut frapper de nouveaux louis au coin de notre auguste monarque, le gouvernement crut d'abord que, pour marquer le changement de cette monnaie, il suffirait d'y imprimer les armes de France. Deux mois après cette innovation, l'on s'aperçut que l'imitation des chaînes qui forment les armes de Navarre rendait la contrefaçon des louis plus difficile et on se hâta de rétablir l'empreinte ancienne. Les précautions que des ministres ont prises pour prévenir 1 imitation d'une monnaie d'or, avertissent les législateurs des inquiétudes que doit leur donner la fabrication d'un papier-monnaie.
Les alarmes que répandait dans nos têtes ardentes et légères la circulation d'un papier-monnaie, le condamneraient donc nécessairement à une dépréciation funeste en concurrence avec l'argent. Or, il est souverainement injuste d'autoriser le vol au nom de la loi, en mettant en émission une monnaie dépréciée.
Les spéculations et les opérations des agioteurs augmenteraient encore infailliblement la dépréciation d'un papier-monnaie.
Ici, Messieurs, vous voudrez bien considérer qu'il n'y a que deux manières d'agioter : on joue à la hausse ou à la baisse. Pourra-t-on jouer à la hausse sur vos assignats? Non, sans doute. Pour espérer qu'ils s'élèveront au-dessus de leur valeur, il faudrait leur appliquer des intérêts éventuels, qui pussent mettre en jeu l'imagination, et éveiller les espérances de la cupidité par les profits des dividendes, comme les actions de la Compagnie des Indes, de la Caisse d'escompte ou des Eaux de Paris. Mais vous n'appliquerez certainement aucun intérêt à vos assignats, parce qu'il serait absurde qu'une monnaie portât intérêt. On sera donc réduit à jouer à la baisse; car il faut bien que les agioteurs vivent, quoique nous n'en voyions pas trop la nécessité. Alors, Messieurs, qu'arrivera-t-il ? Je vais l'expliquer.
Les agioteurs liront dans la première page de leur Manuel qu'on ne doit jamais jouer à la
hausse que sur des effets dont la circulation est libre, et qu'un papier forcé appartient
exclusivement aux spéculations de la baisse (1). Ils auront dans leur caisse un papier qui
arrivera tout déprécié d'avance dans leurs mains, un papier qui perd déjà sept pour cent de
sa valeur, quand on veut le convertir en monnaie. Un pareil fonds
Je ne les calomnie pas : ils ne sont pas calom-niables I Pour justifier mes tristes prévoyances, ils n'ont pas même besoin du mérite de l'invention; ils ne seront que de misérables échos des vieilles formules que leurs prédécesseurs employaient en 1720. Quand ils auront ainsi discrédité les assignats; quand ils les auront fait descendre à 30, à 40, à 50 0/0 de perte, et peut-être au delà, ils se disposeront à les accaparer. Ne pensez pas qu'ils se contentent de gagner alors quelques millions d'escomptes : ce seront de légers profits qu'ils abandonneront à leurs commis. Après s'être ainsi rendus maîtres des assignats, ils les placeront dans leurs payements forcés, le plus utilement qu'il leur sera possible; ils renouvelleront ensuite rapidement la même manœuvre; et de négociations
en négociations, de baisse en baisse, ils finiront par s'aproprier successivement vos assignats, votre argent et vos biens nationaux. En effet, vos remboursements leur livreront d'abord votre papier. Votre papier sera promptement converti à perte en numéraire. Ce numéraire se doublera bientôt en se métamorphosant de nouveau en papier, et finira par conquérir gratuitement vos antiques domaines dont vous aurez si imprudemment décrété l'aliénation.
11 y aura donc une multitude d'intérêts privés et de moyens faciles, pour faire continuellement varier et baisser la valeur des assignats forcés 1 Tant de variations inévitables ne rempliront les vues des agioteurs qu'aux dépens de la classe très-nombreuse des porteurs dd ce papier, qui ne pourront jamais participer à la direction de leurs manœuvres criminelles.
Pour échapper aux conséquences qu'engendrent ces principes, on a objecté que la monnaie de mêlai était elle-même sujette aux variations que je vous dénonce aujourd'hui, comme si dangereuses dans l'émission d'un papier-monnaie. 11 est constant, en effet, que le prix de la monnaie de métal varie, et que les variations des prix des denrées influent véritablement sur la valeur relative des métaux. Si le setier de blé que je payais l'année dernière 24 livres, me coûte 48 livres celte année, la valeur relativede l'argent est diminuée de moitié; et c'est ainsi que toute la science du commerce consiste définitivement à deviner les besoins, et à acheter des écus ou des louis à bon marché pour les vendre ensuite fort cher.
J'avoue que cette variation du prix des denrées, qui déprécie réellement les métaux, est nécessaire au commerce, parce qu'il ne rechercherait et ne conserverait pas les denrées, s'il ne pouvait plus spéculer sur l'augmentation de leur prix.Mais la tnonhale de papier éprouvera,outre cette variation relativement aux denrées, uneautre variation relativement aux écus. Cette dernière variation est toujours nuisible, tandis que l'autre est évidemment avantageuse, pourvu qu'elle n'excède pas de justes limites. La monnaie de papier réunissant ainsi les deux genres de variation, expose les peuples à un danger de plus, parce que cette valeur trop bien nommée alors papier-monnaie, perd à la fois et comme papier à l'égard de l'argent et comme monnaie à 1 égard des denrées.
Après une exposition de principes si incontestables, je ne développerai point ici une autre cause de dépréciation des assignats, que je tirerais de l'incertitude de leur amortissement régulier et complet. La dette non constituée et les besoins actuels du service public s'élèveront fort au-dessus de la valeur des biens du domaine et du clergé; et on doit s'attendre à d'étranges mécomptes dans l'appréciation de ces immeubles, qui, ne suffisant point à l'amortissement du papier-monnaie, influeront nécessairement, et à son préjudice, sur sa valeur contingente dans le commerce.
Outre cette dépréciation des assignats relative à l'incertitude de leur extinction, il faut en prévoir une autre relative aux échanges. De plus, je n'ajouterai rien aux sages observations que l'on a faites dans cette tribune, pour prouver l'influence qu'aura l'émission d'un papier-monnaie sur le renchérissement des denrées. M. Dupont a parfaitement prouvé que l'augmentation soudaine du numéraire diminuerait sa valeur relative; et que plus la monnaie devenait commune, plus le prix des comestibles et des marchandises devait augmenter.
Cependant M. de Beaumetz, qui a osé avancer dans cette tribune que nos assignats étaient actuellement au pair, quoiqu'ils perdent manifestement plus de 7 0/0, nous a dit que l'émission d'un papier-monnaie qui doublerait notre numéraire, n'influerait aucunement sur la valeur des denrées. Pour prouver son assertion sans réplique, il a prétendu que le prix des effets publics n'avait point varié à la Bourse depuis le décret de la spoliation du clergé, et même depuis la circulation de nos assignats. Je demande pardon à cette Assemblée de lui dérober quelques moments pour réfuter une pareille objection ; mais nous devons répondre à tout, parce que cet excès de patience, dans la discussion, convient parfaitement à l'évidence de nos principes.
D'abord, l'assertion de M. de Beaumetz n'est pas exacte. Les jouraux publics nous ont constamr ment indiqué, depuis le mois d'avril dernier, et surtout depuis le mois de novembre, époque de l'invasion des biens ecclésiastiques, une assez grande fluctuation dans le prix des effets publics. La perte sur les remboursements suspendus a varié depuis 6 jusqu'à 22 0/0. Quant au déoret qui a énvahi les biens ecclésiastiques, certes, il ne serait pas bien merveilleux qu'il n'eût point fait baisser les valeurs des papiers de la Bourse. Les étais que l'on place pour soutenir un édifice ne hâtent ordinairement pas sa chute. Mais passons au décret qui a ordonné la circulation d'un papier-monnaie. Les billets de caisse portant promesse d'assignats, ne sont pas restés à Paris. Je ne crains pas d'être démenti par le caissier de l'extraordinaire qui m'entend, si javance que dans les six premières semaines de l'endossement des billets de la caisse d'escompte, il en a vérifié pour plus de 100 millions qui appartenaient aux provinces. Les assignats ont pris ensuite la même route; de sorte que notre décret,portant création de ce papier-monnaie, n'en a réellement pas augmenté Ja circulation dans la capitale. D'ailleurs, comment M. de Beaumetz a-t-il pu choisir pour base ou pour étalon des valeurs commerciales, le genre de bien dont la valeur est la plus mobile et souvent la plus bizarre? Les métaux ont eu seuls jusqu'à présent cette prérogative; et je doute que les commerçants suivent une autre règle d'appréciation. J'ajoute que les négociations de la Bourse se font en papier. Quand on paye les effets en espèces, ont obtient sans difficulté la remise de la différence qui existe entre le cours du papier et le prix de l'argent. Si l'on continue de suivre cette méthode, je ne serais pas surpris de voir bientôt l'emprunt de 120 millions au pair; mais si cette révoluiion arrive, j'observe que nous apercevrons en même temps un inconvénient d'un autre genre dans l'état des changes ; et alors M. de Beaumetz jugera s'il a raison de penser que le cours du change n'Intéresse ni le commerce ni la prospérité publique.
Voilà donc tous ies sophismes écartés. Voilà bien incontestablement nos assignats en pleine dépréciation avant leur émission même et destinés à être travaillés ensuite par le génie infernal de l'agiotage, soit dans leur mouvement, soit dans leur repos dans la circulation. Ces vils agioteurs que nous ne devons jamais perdre de vue dans la délibération qui nous occtipe, comme un général prudent calcule d'avance le nombre et les ruses des ennemis qui doivent l'attaquer, renouvelleront en France les mêmes opérations par lesquelles leurs prédécesseurs se sont signalés en Espagne, où, tantôt par de fausses alarmes, tantôt par de perfides promesses, ils n'ont cessé de
tourmenter l'opinion, en faisant varier continuel-ment le prix des mines du Nouveau-Monde. Ils ont déjà formé des spéculations sur le décret qu'ils veulent nous arracher aujourd'hui. Nous connaissons tous la compagnie qui a acheté récemment pour plus de 40 millions d'effets de la dette suspendue, à 25 et à 30 0/0 de perte. Si vous mettez en émission de nouveaux assignats, toutes les parties de cette créance exigible, dont M. l'archevêque de Sens interrompit le remboursement avec tant de scandale, remonteront aussitôt au pair; de sorte que les agioteurs auront reçu de votre munificence environ 12 millions de profit sur cet accaparement de papiers déjà dépréciés par eux à la Bourse. Pour mieux nous cacher leurs manœuvres, ils ont voulu d'abord faire cause commune avec tous les propriétaires de la dette exigible, en sollicitant son entier remboursement par une émission de 2 milliards d'assignats. Mais, quand ils ont vu le patriotisme de cette Assemblée s'élever unanimement contre une si effrayante multiplication de papier-monnaie, ils nous ont offert de capituler, à coudition que nous décréterions de nouveaux assignats pour la somme de 800 millions. La totalité des remboursements suspendus se trouverait comprise dans cet amortissement; et c'est la seule proie dont ils veuillent d'abord s'emparer. Ne pensez pas en effet que, malgré toutes leurs hypocrites protestations de justice, ils s'inquiètent réellement du payement de vos dettes. Les perfides ! ils ne sont occupés que de la portion de vos créances qu'ils viennent d'acheter, à près d'un tiers de perte, et dont ils ee flattent d'être remboursés au pair. Ils avaient admis avec eux dans leur nacelle tous les autres créanciers de la dette non constituée, pour se confondre ainsi dans la foule; mais, dès qu'ils ont entendu gronder l'orage dans cette tribune, ils ont jeté les passagers à la mer. Si vous les connaissez, les voilà!
Tel est le véritable secret de cette capitulation de 800 millions que l'on nous a offerte. Les agioteurs plaidaient,il n'y a que8 jours,avec la plusar-denteéloquence,pourlepayementtotal decetiedette non constituée, dont la liquidation n'est pas faite encore* Ils voulaient vous faire décréter que l'Etat rembourserait au hasard, en aliénant des biens évalués au hasard : c'est-à-lire qu'ils se proposaient de gagner à vos dépens, aux dépens du commerce, aux dépens des propriétaires de la dette exigible, aux dépens de tous les autres créanciers de l'Etat, 10 ou 12 millions sur leur première opération. Si vous pouviez adhérer à leur demande, vous feriez à la fois banqueroute et à ceux de vos créanciers que vous payeriez et à ceux que vous nerembour^ seriez pas : aux créanciers que vous payeriez, puisque vous vous acquitteriez par la remise d'un papier déprécié en leur faisant perdre toute la différence qui existe déjà entre le titre et la valeur de vos assignats : aux créanciers que vous ne payeriez pas* puisque vous leur ôteriez une hypothèque à laquelle ils ont tous un droit égal, en participant tous, au marc la livre, au produit de vos ventes.
L'opération que l'on ose invoquer ici, au nom du patriotisme, ne servirait donc qu'à enrichir une horde d'agioteurs que la justice devrait punir. Oui, Messieurs, la justice publique à son réveil déploiera toute sa rigueur contre des brigands qui se sont endettés systématiquement depuis plusieurs années, et qui calculent à présent Îe3 moyens de faire banqueroute à leurs créanciers, sans s'exposer à être flétris du nom inlâme de banqueroutier. Qu'ils soient avides d'argent, je le ponçoisj jpis que, dan§ Jettrs complots, ils egpè*
rent encore reconquérir leur honneur, voilà certes un nouveau genre d'agiotage qui appelle dès ce moment l'infamie sur leurs tètes I Pour tenir en haleine les inquiétudes d'un peuple trompé, on nous parle tous les jours dans cette capitale, en conjurant réellement contre le gouvernement, de je ne sais quelles conjurations illusoires contre l'Etat. Oa fatigue notre patriotisme de toutes ces prétendues conjurations ridicules que le peuple lui-même méprise, et qu'il regarde avec raison comme un impôt établi pal' l'imposture sur la crédulité. Ah! s'il faut nous environner de vaines terreurs pour assurer notre liberté, comme on accoutume de jeunes soldats à de fausses alarmes pour leur apprendre à braver ensuite des dangers plus réels, pourquoi ne nous dénonce-t-on pas ces grands crimes de lèse-nation qu'enfante l'agiotage? Voilà les mauvais citoyens dont on devrait s'occuper dans vos comités des recherches,dans ces tribunaux despotiques qui sô sont institués eux-mêmes parmi nous, sous les enseignes de la liberté!
Je n'exagère rien, en me livrant à ces mouvements patriotiques. Je ne raisonne que sur des faits connus et avérés. En matière d'agiotage révéler, dans une ville telle que Paris, la possibilité d'une conjuration pécunaire, c'est, en démontrer l'existence. Déjà la voix publique en désigne hautement les chefs. Eh ! le moyen de se défendre d'une indignation vertueuse contre de vils agioteurs qui suivent nos séances, comme les corbeaux suivent les armées, pour dévorer les victimes de nos décrets! Ils ont corrompu le peuple pour le tromper, ils ont dénaturé notre caractère national; et ils osent dénoncer tous les jours à la multitude, comme de mauvais citoyens, ces mêmes représentants de la nation qui ont le courage de s'exposer à la mort pour défendre l'intérêt public I Au reste cette formule insolente de calomnie n'est pas même de leur invention. Lorsqu'en 1720 l'écossais Law ruinait le royaume, voici comment ses complices parlaient de lui dans la préface de son plan de finance : Ce grand homme, disait-on,a fait voir à la France que Louis XIV, avec Vautorité la plus absolue, n'a pu lui prendre plus qu' il ne lui restitue; aussi ria t-il plus d'autres ennemis que les ennemis du genre humain. Eh bien ! nous braverons avec courage toutes ces qualifications injurieuses qui deviendront un jour, et peut-être bientôt, des titres de patriotisme et de gloire. Que l'on nous dénonce tant qu'on voudra aux ressentiments d'un peuple séduit! Les listes de proscription seront tôt ou tard des sauf-conduits dignes d'envie. Nous n'avons pas paru dans cette tribune, quand on nous a fait houteusement notre part sur la confiscation de notre revenu. Mais nous élevons notre voix quand on veut ruiner le peuple, en lui promettant de l'enrichir. Que ce peuple, dont on flatte la cupidité par l'appât d'un papier-monnaie qui, loin de suppléer à l'argent, le fera totalement disparaître du royaume, ou du moins de la circulation, que le peuple nous entende et qu'il nous juge! Qu'il examine avec impartialité, je ne dis pas quels sont ses amis et ses ennemis, le peuple ne doit avoir que des amis ; mais qu'il juge de quel côté il verra le plus d'avantages ou de dangers. Qu'il comprenne quel est le marché insidieux qu'on lui propose , et quelles sont les fausses espérances dont on l'amuse. Qu'il nous dise s'il sera plus heureux, quand, à la place du numéraire qui peut seul convenir à ses besoins et à ses travaux, on ne lui livrera plus que des billets qui l'inquiéteront lorsqu'il les recevra, et qui le ruineront lorsqu'il voudra s'en dessaisir.
Ûîii qu'il nous dise, çe peuple dominateur, §'j{
a le droit d'imposer des lois aux représentants de la France; si c'est par des proscriptions et par des émeutes qu'il doit manifester son respect pour l'hospitalité, en recevant dans son sein les députés de toutes nos provinces; si la France doit être concentrée dans la rue Vivienne; si c'est par des menaces aussi maladroites qu'atroces, qu'il se flatte de commander à la confiance publique; s'il se croit plus instruit que toutes les chambres de commerce du royaume; s'il compte faire la loi longtemps et surtout au loin, du haut de la terrasse des Feuillants, à l'opinion de tous les Français ; s'il s'imagine pouvoir associer impunément aux agioteurs, dont il est l'organe à son insu, d'honnêtes citoyens qui n'ont jamais joué avec l'Etat, qui, en payant l'impôt absorbé par la capitale, ne veulent ne se mêler de nos remboursements, ni prendre aucune part au jeu criminel de l'agiotage? De quel droit veut-on nous forcer de compromettre, de sacrifier la nation tout entière, en la plaçant par l'émission d'un papier-monnaie, entre le Trésor public et les créances de l'Etat ? Hélas! est-il donc écrit dans les destinés de ce malheureux Empire, que la libération même de nos dettes doive nous être encore plus funeste que la dilapidation de nos finances ?
Ah ! que le peuple de Paris se montre moins hardi dans ses opinions, quand il s'agit d'une question d'où dépend le salut ou la perte de tout le royaume. Cette révolution, dont on l'a rendu l'instrument,doitlui coûter assez cher dans la suite, par la ruine du clergé, de la noblesse, de la magistrature, par la suppression des tribunaux, des compagnies de finances, de tous ces grauds corps enfin qui dépensaient annuellement plus de trois cents millions dans cette capitale; oui, la Révolution doit coûter assez cher à Paris, sans qu'il consomme, aujourd'hui son désastre en demandant du papier-monnaie avec lequel il d'éprouveraplus que les horreurs de la famine, au milieu de quatre-vingt-trois départements qui lui laisseront ses assignats, et qui lui refuseront leurs denrées. Paris doit se souvenir de la terrible leçon de 1720. Nous n'avons pas oublié qu'à cette époque désastreuse, ce fut Paris seul qui enivra et ruina toute la France. Hélas! je presse dans ce moment même de mes tremblantes mains plusieurs de ces billets de Law, que j'ai tirés d'un vaste dépôt, où l'on a accumulé, pour l'instruction de la postérité, ces gages fictifs d'un capital immense et illusoire.En contemplant avecdouleur ces papiers instruments de tant de crimes, je crois les voir encore couverts des larmes et tlu sang de nos pères, et je les offre aujourd'hui aux regards des représentants de la nation française, comme des balises placées sur des écueils, pour perpétuer Je souvenir d'un grand naufrage.
C'est sous cette image instructive que je me retrace à l'avance l'institution d'un papier-monnaie. Dans un moment d'abondance, cette opération de confiance serait peut-être d'autant plus possible, qu'elle ne serait pas nécessaire. Moins' on aurait besoin de cet expédient, plus l'opinion publique serait docile pour l'adopter, parce que le numéraire fictif cesse d'être dangereux, lorsqu'on peutàchaque instant le convertir en espèces de crise et de détresse, vouloir faire d'un papier-monnaie le supplément du numéraire, c'est annoncer qu'il ne reste plus aucune ressource, et si j'ose hasarder la seule expression qui rende exactement ma pensée, c'est, clans le conseil des pilotes de l'Etat, ordonner sans déguisement, le désastreux signal de sauve gui peut!
Au lieu de voir ainsi dans l'émission de 2 milliards de papier-monnaie qu'il nous conseille, l'infaillible avant-coureur d'une calamité générale, M. de Mirabeau proclame d'avance ce décret comme le présage assuré de la prospérité publique. Il nous présente la circulation du papier-monnaie, comme un des fondements de la grandeur de l'Angleterre; et il observe que ce numéraire fictif ne saurait faire renchérir parmi nous ni les denrées ni les marchandises, puisque le pain et les étoffes communes sont à meilleur marché en Angleterre qu'en France.
Combien de réponses différentes nous pouvons faire à cette objection de M. de Mirabeau! D'abord il n'existe aucun papier-monnaie en Angleterre; et nous n'attribuons le renchérissement inévitable des denrées, qu'à la circulation d'un papier forcé. Les billets de banque ou de l'échiquier sont payables à vue, et les capitalistes les conservent dans leur portefeuille, pour jouir des intérêts qui y sont attachés. D'ailleurs, il s'en faut de beaucoup que ces effets publics s'élèvent à la somme de 2 milliards,comme on ose nous l'affirmer sur la foi des agioteurs, dont l'avidité semble réellement être tombée en démence. Les deux confesseurs d'Etat qui règlent les opérations de la banque savent seuls le secret du nombre des billets qui circulent en Angleterre. Mais les conjectures les plus raisonnables, portent à croire que leur émission ne s'élève pas au-dessus de 300 millions tournois. Tous les billets de banque étant payables à vue, les trésoriers de cet établissement sont obligées d'avoir toujours en caisse une somme très considérable, pour acquitter en argent les divers effets qui leur sont présentés. Cet argent toujours stagnant est retiré de la circulation ; et il en résulte que sa disparution empêche les renchérissements que devrait produire l'excessive abondance du numéraire effectif ou fictif.
D'ailleurs, l'industrie et les machines diminuant infiniment les frais de la main-d'œuvre, et employant utilement les enfants dés leur plus bas âge, en Angleterre, y entretiennent les étoffes communes à bas prix; mais on n'a jamais regardé la circulation du papier libre, comme l'une des causes qui influent sur la valeur des marchandises. Quant au prix du pain qui est communément d'assez mauvaise qualité en Angleterre, les Anglais en consomment beaucoup moins que nous. Le blé doit être au reste plus abondant, parmi ces insulaires, qu'il ne l'e3t en France, parce qu'outre la perfection de leur culture, leurs terres ne produisent que du blé, à l'exception des forêts et des prairies, au lieu que la sixième partie de notre territoire est couverte de vignobles. L'exemple de l'Angleterre ne prouve donc rien en faveur du papier-monnaie,
M. de Mirabeau prétend que la Constitution est renversée, le désastre inévitable, la France en dissolution, si la vente des biens nationaux ne s'effectue pas immanquablement. Il m'est impossible de croire à celte prophétie. La vente des biens ecclésiastiques diminuerait la masse des impôts, de toute la différence qui existe entre leur produit et les intérêts de la dette q ue cette aliénation acquitterait. Je n'observerai pas d'abord que cette diminution serait étrangement compensée par les frais du culte qui tomberaient ainsi à la charge du Trésor public. Mais je déclare hautement à à M. de Mirabeau, que le sort d'une bonne Constitution ne saurait tenir à une si faible portion de la dépense publique. Il est souverainement impolitique de tromper le peuple sur une vérité que le comité de Constitution a enfin avouée :
savoir, que notre nouveau gouvernement ne sera point du tout économique. On a persuadé aux contribuables que les impositions seraient diminuées ; et il est de toute évidence, au contraire, qu'il faut les augmenter.
On ne pourrait pas, selon M. de Mirabeau, disputer sur la valeur réelle de nos assignats, si Von ne contestait pas au fond la valeur des immeubles dont l'aliénation est projetée. Je prends acte de cet aveu de mon adversaire; il reconnaît donc enfin que le sort des assignats dépend de la valeur éventuelle des biens affectés à leur amortissement ? et je lui demande comment nous pouvons décréter des assignats pour 2 milliards, avant d'avoir évalué leur hypothèque? Si nous nous occupions sagement de cette estimation, il nous serait facile, avant qu'elle fût terminée, de découvrir des moyens efficaces pour nous préserver d'un remède si dangereux.
Il faut convenir, ajoute M. de Mirabeau, ou qu'un assignat et une portion équivalente de biens nationaux, c'est la même chose, ou que la dette nationale est impossible à acquitter d'aucune manière par ces mêmes biens. Voilà certes une étrange manière de raisonner ! Ne peut-on employer les biens nationaux à acquitter une portion équivalente de la dette, sans l'intermède convulsif des assignats forcés ? C'est précisément parce que l'assignat doit représenter une portion équivalente de ces biens, qu'il ne peut pas faire l'office de monnaie, tant que leur valeur restera indéterminée. Eh 1 quand déterminera-t-on cette valeur? Nous n'y avons pas même encore pensé. Nous n'avons établi aucune balance exacte entre ces immeubles et les assignats. Une hypothèque vague n'est-elle pas un hypothèque nulle?
S'il faut en croire M. de Mirabeau nos assignats sont une création nouvelle qui ne répond à aucun terme ancien. Le mot est nouveau, la chose ne l'est pas. L'ancien papier-monnaie de la Pensyl-vanie était une véritable délégation sur des immeubles, et son hypothèque était infiniment plus sûre que celle de nos assignats. Le papier-monnaie de Pensylvanie a cependant perdu 25 0/0 dans le moment même où on pouvait le convertir en propriétés foncières. La vente de l'Isle de la province dans la Délaware peut nous fournir, à cet égard, des exemples instructifs, sans remonter au delà de l'époque de 1781.
Qu'est-ce qui constitue le prix des métaux-monnaie? s'écrie M. de Mirabeau ; c'est leur valeur intrinsèque et leur faculté représentative qui résulte de cette valeur. Je sais gré à mon adversaire de faire ici un aveu que je lui aurais pourtant arraché avec deux syllogismes, s'il se fût obstiné à s'y refuser. Il reconnaît donc que la faculté représentative résulte de la valeur intrinsèque? Cette faculté augmente-t-elle dans la monnaie sa valeur métallique? C'est un problème très difficile à résoudre. Mais il y a encore une autre donnée très importante dont M. de Mirabeau a soigneusemeut évité de parler: c'est lacer-titudequ'on peut se procurer aisément du titre des métaux-monnaies, et l'extrême difficulté de faire circuler une monnaie altérée. Au reste, les combinaisons multipliées qu'exigerait la solution de ce problème, suffisent pour prouver que l'excédent du prix des mêlaux-monnayés ou monnayables, sur leur valeur intrinsèque, est très peu considérable. Si cet excédent était plus sensible, on le déterminerait aisément. J'ai dit des métaux monnayés ou monnayables, parce que les métaux en lingots sont, pour le commerce, la véritable et la seule monnaie ; et c'est dans cette hypothèse
que j'invite M. de Mirabeau à attaquer le problème qu'il s'est si légèrement chargé de résoudre, quand il voudra se prévaloir du principe qu'il paraît avoir adopté sans réflexion.
Lorsqu'il compare les assignats aux billets de banque ou aux lettres de change, auxquelles on donne crédit dans le commerce, il oublie que les papiers d'une circulation libre peuvent non seulement se soutenir au pair, non seulement remplacer le numéraire, mais qu'ils gagnent souvent sur les métaux eux-mêmes, sans que l'on doive en rien conclure en faveur des papiers-monnaie dont le cours est forcé.
Quel est le créancier, ajoute M. de Mirabeau, qui ne trouve pas ses écus sûrement placés et représentés, très valablement, quand ils ont pour hypothèque un équivalent en propriétés foncières? Ici, je vous arrête, Monsieur de Mirabeau. Je ne dois pas insister sur une vérité généralement reconnue, et dont vous conviendrez vous-même : c'est qu'une hypothèque n'est jamais regardée comme sûre, que lorsqu'elle est assise sur des immeubles, d'une valeur très supérieure à la créance dont ils répondent. Ce principe élémentaire appartient au catéchisme de l'économie politique. Mais je vous dirai que vous argumentez toujours d'après une transaction libre, quand il s'agit d'une transaction forcée, et que vous ne pouvez rien conclure de l'une à l'autre.
J'ajouterai que les plus solides contrats sont encore infiniment éloignés de la propriété actuelle du numéraire.
Je regarde, dit M. de Mirabeau, tout homme poussé par l'intérêt à prêcher une défiance qui déprise les assignats comme plus coupable envers la société, que celui dont la main criminelle dégrade les métaux et altère leurs titres. Je me lasse ici de vous réfuter; je vais vous traduire, pour rendre plus intelligibles toutes vos bravades patriotiques. Voici donc ce que signifie cette brusque incartade. Je regarde tout homme qui avertit ses concitoyens, que l'on cherche à répandre parmi eux une monnaie réellement dégradée, comme plus coupable envers la société que le faux monnayeur lui-même. Or, je vous le demande : quand même celui qui révèle un pareil danger serait poussé par l'intérêt, qu'importent ses motifs, pourvu qu il raisonne avec justesse, et qu'il ne demande jamais aucune confiance sur parole? Loin d'être coupable, il est réellement utile à la société. Il vous dit qu'il faut juger les assignats par leur valeur intrinsèque, avant de les décréter, parce que ce sera par leur valeur intrinsèque,que le commerce les appréciera dans la circulation. En bien ! c'est moi qui veux être cet homme que vous croyez intimider en le rabaissant au-dessous des faux monnayeurs. Est-if un mauvais citoyen, celuiqui met l'Assemblée na-tionaleen état de juger d'avance de ses opérations par leurs résultats? Est-il un mauvais,citoyen celui qui veut prévenir un désastre public? Est-il un mauvais citoyen, celui qui présente toujours ses raisons en exposant son avis dans nos délibérations, et qui ne voue pas, aux projets de M. de Mirabeau, ce respect de soumission et de silence qui commanderait à peine les décrets du Corps législatif? Ce n'est plus à des hommes raisonnables que vous parlez. Vous oubliez que je suis là, et que je vais vous répondre quand vous vous permettez de pareilles inculpations contre ceux de vos collègues qui n'adoptent point vos nouvelles opinions. Vous les dénoncez aux tribunes avec une véhémence oratoire qui vous assure leurs suffrages, mais qui ne vous en promet aucun autre; et quelle que soit aujourd'hui notre
décision, jë vous cite à mon tour aux tribunes, et je les invite à ajourner seulement la question pendant troiè mois. Je me soumetsd'avanceà leur jupement, dans trois mois, si l 'émission des deux milliards d'assignats qUe vous demandez,est décrétée. Osez leur adresser loyalement le même défi.
Vous prétendez que les espèces se sont cachées, sans que le papier s'en soit mêlé? Et moi je dis que le numéraire n'a disparu d'une manière vraiment alarmante, dans la capitale et dans les provinces, que depuis le moment où les billets forcés de la caisse d'escompte sont venus prendre sa place. Les mêmes villes de commerce qui en avaient sollicité l'émission, comme des malades impatients et effrayés implorent toUs les remèdes, ont enfin jugé ce papier-monnaie par ses effets ; et leurs nombreuses adresses d'oppositions, que nous n'avons pas sans doute anéanties, en refusant de les lire* quoique nous les eussions provoquées, sont une éloquente amende honorable de l'imprudent désespoir qui leur avait dicté leurs pétitions en faveur des assignats forcés.
11 paraît au reste infiniment simple à M. de Mirabeau, que le papier-monnaie perde sur l'argent, puisque l'argent éprouve lui-même cette dépréciation, lorsqu'on veut le convertir en or; et il croit bien consoler d'avance les porteurs d'assignats de la perte inévitable qui leur est destinée, en observant qu'àParis les louis gagnent trente sols la pièce quand on les échange avec des écus. Mais, est-il bien vrai que les écus perdent dans le commerce? Ne sont-ils pas reçus partout selon la valeur de leur titre ? Est-on obligé de faire des payements en or? Non, sans doute. Les monnaies d'or sont une espèce de luxe de numéraire dont on peut très bien se passer. On ne les achète que dans la capitale, et peut-être dans trois ou quatre villes du royaume où elles rendeht plus faciles les fréquents transports des sommes considérables. M. de Mirabeau ne peut donc pas mieux nous prouver la pénurie de ses moyens, qu'en seprévalantd'unepareillecomparaison. C'est la défiance qui fait échanger le papier-monnaie contre l'argent; et le porteur du papier-monnaie expie sa crainte en subissant une dépréciation, lorsqu'il veut se procurer des écus. C'est au contraire la seule commodité qui fait échanger l'argent contre l'or et la commodité se paye alors comme une véritable fantaisie, sans que l'on puisse en conclure que l'argent est en perte relativement à l'or. Il ne s'agit plus dans cet échange de la valeur commerciale des métaux, mais uniquement d'une simple préférence que l'on donne à une monnaie sur l'autre,
M. de Mirabeau, qui ne néglige, comme on le voit, aucun des petits sophismes dont il peut s'entourer pour défendre son opinion, présente quelquefois comme des preuves de sou système les objections même qui le renversent. Qite prouve contre les assignats, dit-il, cette disette de numéraire dont le public souffre ? Elle ne prouve autre chose, sinon que leur service ri est pas assez divisé. Mais, de bonne foi, oserait-on donner au papier les divisions de la monnaie elle-même? Si les assignats représentaient de petites sommes de 25 et même de 12 livres, comme on nous l'a proposé, ils atteindraient alors les dernières classes du peuple. Les salaires des ouvriers ne seraient plus payés qu'en papier; et vous allumeriez une guerre civile dans le royaume, par la simple émission de ces assignats sur lesquels tous les hommes de journée subiraient une perte inévitable quand ils Voudraient acheter des denrées. L'amour sacré du peuple vient continuellement
figurer dans vos discours. Je le cherche dans votre cœur, je le cherche dans vos principes; et je vous accuse hautement d'être l'ennemi du peuple, d'attenter s Allégement à sa subsistance, si jamais vous faites décréter un papier-monnaie dont les valeurs soient assez divisées pour payer, c'est-à-dire pour voler les journées de la classe indigente. Quel serait le résultat de cette division de services monétaires en papier forcé, que vous avez l'incroyable barbarie de regretter? Le numéraire disparaîtrait absolument devant des assignats qui le remplaceraient ainsi pour les plus petites sommes; et ce serait à cette époque terrible où le peuple ne verrait plus un écu qu'il jugerait en connaissance de cause, entre vos principes et les miens.
Je suis confondu, je l'avoue, de l'intrépidité avec laquelle M. de Mirabeau affirme, qu'on achète aujourd'hui avec un assignat de 200 livres toutes les choses dont la valeur en espèces était de 200 livres avant la création des assignats, et que le vendeur, au surplus, tient compte de l'intérêt des assignats sans aucune difficulté. Dites que l'on paye ses dettes avec des assignats, en vertu du décret qui force le créancier de les recevoir ; mais n'insultez point à votre propre raison, en assurant que les assignats se soutiennent au pair dans les achats libres. Toutes vos formules oratoires ne nous éblouiront pas sur la dépréciation évidente d'un papier qui ne peut perdre contre le numéraire, comme vous êtes forcé d'en convenir vous-même, sans perdre aussitôt contre les marchandises. Ici, je me lasse de réfuter, je ne dis pas M. de Mirabeau, je n'en ai plus besoin, mais ses partisans qui tiennent plus que lui à ses principes. Je vais donc lui répondre d'une autre maniéré, en citant ses propres paroles, dont chacun de nos auditeurs pourra demander compte à sa bonne foi. Je sais bien, dit-il, que les assignats ont tort de se soutenir, puisque nos infaillibles raisonneurs assurent qu'ils doivent perdre ; mais ce n'est pas ma faute, et je raconte les choses comme elles sont. Voilà ce que M. de Mirabeau a dit, écrit et imprimé. Les personnes qui ne l'ont ni lu, ni entendu, auront de la peine à le croire. Mais ce n'est pas ma faute, je raconte les choses comme elles sont. Ce n'est pas ma faute, si tous les juges impartiaux de la question, si les partisans même des assignats ont pensé que M. de Mirabeau avait porté un coup mortel au papier-monnaie dans cette Assemblée, par la faiblesse des moyens qu'il nous a présentés pour défendre son opinion. Ce n'est assurément pas ma faute, si en nous exposant les raisons de tribune, qui ne pouvaient convaincre personne, il nous a laissé ignorer les arguments secrets qui ont pu le subjuger lui-même. La constante opposition qu'il nous avait montrée depuis plus d'un an, pour toute espèce de numéraire fictif, était sans doute appuyée dans son esprit sur des principes trop dominants, pour qu'il ait pu masquer par sa rhétorique l'embarras où il s'est trouvé, quand il a voulu changer tout à coup de doctrine. Enfin ce n'est pas ma faute, si tous les commerçants honnêtes, auxquels on demande le prix de leurs marchandises1, donnent un démenti formel à M. de Mirabeau, fen répondant aussitôt aux acheteurs, par Cette question qui suppose évidemment deux prix, et par conséquent la dépréciation des assignats : Comment me payerez-vous? Sera-ce en argent ? sera-ce en papier?
Il n'y aurait sans duute qu'une seule opinion datis cette Assemblée, comme dans le commerce, sur la dépréciation trop réelle des assignats, et
sur le terrible danger d'en mèttre pour deux milliards en circulation, si la crise de nos finances nous laissait le choix des moyens de régénération les plus sages et les plus doux. Tout le monde convient, tout le monde sent du moins qu'une telle émission de numéraire fictif est une véritable calamité publique. Mais c'est un mal nécessaire, nous dit-on ; et si vous rejetez l'expédient désastreux du papier-monnaie, que met-trez-vous à la place? Mais s'il est démontré que le papier-monnaie serait un fléau national, ne faut-il pas d'abord renoncer à cette ressource avant d'en examiner aucune autre? Ce que je mets à la place? Eh! que voulez-vous que je mette à la place d'une bête féroce qui va me dévorer? Ce que je mets à la place? Sommes-nous donc réduits à ne pouvoir plus choisir qu'entre des calamités, et à tirer, pour ainsi dire, au sort de l'urne du destin, le mode fatal da nos désastres? Ce que je mets à [la place? J'y mets votre patriotisme, j'y mets vos lumières, j'y mets un plan de finance que j'ai conçu, j'y mets vingt autres plans de finance que je connais, et qui renferment tous des idées lumineuses et dés projets utiles ; j'y mets surtout la déclaration très expresse, qu'en discutant depuis plus d'un mois la question du papier-monnaie, nous nous sommes bornés à cet unique moyen de restauration ; et que nous nous flattons peut-être d'avoir épuisé toutes les combinaisons de salut public, tandis que nous n'avons pas même encore abordé la discussion des véritables moyens qui doivent régénérer nos finances. Ce n'est point un nouveau numéraire de circulation, mais simplement un mode de libération que la France attend aujourd'hui de nous. Les assignats-monnaie ne sont donc pas nécessaires. Si nous en décrétions inconsidérément l'émission pour deux milliards, nous devrions prévoir, dès aujourd'hui, qu'après avoir parcouru tout le royaume, après avoir éteint frauduleusement sur leur route une multitude innombrable d'engagements particuliers qu'ils n'étaient pas destinés à acquitter, nos assignats reviendraient chargés de tous ces crimes inutiles au Trésor public, où la nation serait obligée de les recevoir pour comptant, à la hauteur primitive de leur titre.
Ehl qui pourrait contempler sans effroi cette longue chaîne de désastres que leur circulation étendrait sur toutes nos provinces ? Sortons de cette enceinte, et suivons le cours des assignats dans toutes les classes delà société, si nous voulons évaluer d'avance les ravages dont elles sont menacées. Placez donc les assignats entre le roi et les peuples; les impôts ne seront plus payés qu'en papier; vous ne verrez plus arriver aucune contribution en numéraire au trésor de l'Etat. Le gouvernement subira toute la dépréciation des assignats pour les convertir en argent, quand il faudra payer la solde des troupes et les dispendieuses consommations qui sont à sa charge. Entre le débiteur et le créancier, le papier monnaie légitimera la banqueroute ; et tous les citoyens qui vivent de leurs renies pécuniaires seront inévitablement ruinés. Entre le consommateur et le propriétaire, les assignats feront promptement hausser le prix des denrées; et on les ramènera toujours, dans les transactions libres, à leur valeur actuelle et effective. Entre le manufacturier et les ouvriers, les assignats forceront de renchérir les prix de la main-d'œuvre; et votre commerce ne pouvant plus soutenir la concurrence avec les fabriques étrangères, sera dès lors anéanti. Enfin, entre les Français et les
autres nations de l'Europe, votre papier-monnaie ne vous tenant jamais lieu de numéraire, fera sortir tout l'argent du royaume et vous isolera ainsi dans vos relations commerciales avec tout l'univers.
Je reconnais toutefois avec douleur que la perception des impôts étant altéréedepuis plus d'une année, le service public exige une nouvelle émission d'assignats ; mais le besoin seul et le besoin le plus impérieux doit nous dicter la délibération qui en déterminera la quotité.
Lorsque ce décret provisoire sera rendu, nous devrons nous occuper sans aucun délai de la restauration définitive des finances. Ici, Messieurs, je crains, je l'avoue, que les mesures de prudence dont je dois vous faire hommage, dans ce moment, ne soient regardées par la prévention, comme des moyens dilatoires, comme des ressources équivoques ou éloignées* et que l'impatience de votre patriotisme même ne vous précipite brusquement vers une décision que je ne crois pas encore suffisamment approfondie.
Cependant je braverai sans crainte les interprétations de la malveillance et les soupçons de l'esprit de parti. J'ai rédigé un plan de liquidation pour libérer l'Etat de la dette non constituée. Je connais plusieurs autres projets sur la même matière. Chacun de ces systèmes indique des opérations utiles qu'il est facile d'amalgamer les unes aux autres, pour former, de toutes ces combinaisons particulières, un résultat unique et lumineux. Mais il est impossible de vous présenter à cette tribune des plans qui supposent tous les calculs, dont la vérification n'est pas faite encore, et qui, n'étant appuyés sur aucune autorité, ne sauraient vous inspirer aucune confiance. Vous êtes dans l'usage de ne recevoir que par l'organe d'uu comité les projets de décrets importants qui sont soumis à vos délibérations. Si vous voulez instituer, dès aujourd'hui, un comité chargé de discuter tous les moyens de liquidation relatifs à la dette non constituée, huit jours de travail suffiront à cette grande discussion. Un ajournement si court ne me paraît susceptible d'aucun inconvénient; au lieu que la précipitation nous expose à des dangers réels, et peut-être à des malheurs irréparables.
Ce n'est pas à moi qu'il faut s'en prendre, si, en nous bornant à un seul mode de libération, nous n'avons discuté depuis un mois que la trompeuse ressource des assignais. On aurait rappelé a l'ordre les orateurs qui seraient venus nous proposer une autre forme de liquidation. Les esprits sont trop fatigués dans ce moment, pour qu'on puisse appeler leur attention sur un plan très vaste, sur un plan compliqué, sur un plan qui exige surtout des détails abstraits. Il faudrait d'ailleurs avoir une bien étrange présomption, pour oser vous soumettre un pareil projet, avant qu'il vous soit recommandé par le suffrage de vos commissaires. Remarquez, Messieurs, que votre délibération va finir par où elle devait commencer. Il aurait fallu instituer d'abord le comité que je sollicite, et prendre pour base de discussion un rapport impartial et raisonné sur tous les expédients dé libération, au lieu de vous borner au parti exclusif et extrême de décréter une émission d'assignais-monnaie pour la somme de deux milliards. M. de Montesquiou a fait plus qu'on ne lui demandait, en nous proposant ce mode sinistre, qu'il n'a cessé de reproduire sous différentes formes depuis dix mois. Son système fut rejeté avec l'indignation la plus unanime, la première fois qu'il l'exposa au comité
des dix. Vous avez constamment manifesté la même opposition, lorsqu'il a insisté avec- une si édifiante persévérance pour vous le faire adopter. M. de Montesquiou ne s'est point rebuté ; il a enfin réussi à engager la délibération; et s'il parvient à éblouir cette Assemblée par ses paradoxes, le décret qu'il vous demande rétablira les finances des agioteurs, en ruinant les vôtres. Je vous rappelle donc, Messieurs, à vos propres usages, pour écarter préalablement tous ces égoïstes spéculateurs. Vous n'avez jamais délibéré sur aucune matière importante, que d'après le vœu d'un comité. Vous avez institué des comités toutes les fois qu'ils vous ont été indiqués, et souvent pour les intérêts les plus personnels. La libération de la dette non constituée est la grande affaire de tout le royaume. Si la proposition que je vous soumets sur la foi de vos maximes les plus constantes, devait être rejetée, j'en demanderais acte du moins à cette Assemblée, afin que le peuple qui m'écoute s'en souvînt dans quelques mois; et en cédant ainsi à regret à la nécessité où je serais réduit d'opter entre les assignats-monnaie et les quittances de finance, j'adopterais, avec quelques amendements, le projet de décret de M. Dupont.
Nous sommes arrivés à une circonstance grande et difficile. De la résolution que nous allons prendre dépend peut-être le salut de la nation. Ge serait méconnaître l'étendue de la question que de borner ses rapports à ces deux objets importants par eux-mêmes : la vente des biens nationaux et le remboursement de la dette publique. Si l'on veut la considérer sous les véritables points de vue, on y verra les moyens de ranimer l'industrie, le commerce, l'agriculture, Je rétablissement de la tranquillité publique. La Constitution s'achève. Quoique les travaux que nous avons encore à parcourir soient de grande importance, ils ne sont pas aussi étendus dans leursdétails queceux auxquels nous nous sommes déjà livrés. Ce qui reste principalement à faire aujourd'hui, c'est de rallier ces différents pouvoirs... La Constitution s'achève, et la Révolution s'avance rapidement vers son terme. Chacun se dit : De grandes institutions ont été formées, il faut leur imprimer le mouvement. Chacun cherche un grand moyen de résoudre les difficultés, de consommer la Révolution, en rapprochant les opinions, en confondant les intérêts. Chacun aussi fonde son espoir sur la vente des domaines nationaux. La question actuelle existe donc essentiellement dans la manière dont nous en disposerons. Deux moyens sont proposés. Je laisse de côté pour le moment les moyens partiels; ces deux moyens sont les assignats sans intérêt, ayant cours forcé, et des quittances de finance portant intérêt, et ne pouvant être acceptées dans les transactions libres que de gré à gré.
Je ne m'occupe pas d'un troisième moyen, qui consiste dans les quittances de finance sans intérêt, ce serait se résoudre à une banqueroute partielle, ce serait faire une chose que votre loyauté ne vous permettra jamais. Donc la question simple ne présente à votre discussion que des assignats sans intérêt, des quittances de finance portant intérêt.— Deux objets également précieux et pressants sont l'imposition et l'acquittement de la dette. Les assignats diminueront la somme des impôts ;ilsserviront à les acquitter. De cette réduction, de cette facilité de payement, résultera une chose sans laquelle un Etat n'est rien. Avec des quittances de finance l'imposition
sera plus considérable\ la facilité de payer les impôts sera nulle. De là des maux dont vous connaissez le tableau, et dont le perspective effrayante doit éveiller votre sagesse et influer sur vos délibérations. Quant à l'acquittement de la dette, eu donnant des assignats vous donnez ce qu'on a droit de demander, un titre sûr et éminemment disponible. La monnaie a une qualité réelle, et une qualité qu'elle tient de la loi. L'assignat a également une qualité réelle et une qualité qu'il tient de la loi ; vous vous acquitterez donc avec des assignats. Avec des quittances de finance vous ne vous acquitteriez pas, vous donneriez de nouveaux titres qui ne seraient point améliorés; la créance aurait la même hypothèque, vous ne feriez que suspendre des payements échus, vous feriez plus de mal encore. L'impôt, ce second gage de la créance dépérirait, s'anéantirait.
Ainsi, sous ce second point de vue, les assignats sont préférables. Examinons s'ils doivent être préférés dans le rapport des ventes. Le moyen qui met un signe représentatif entre toutes les mains accroît nécessairement le nombre des acquéreurs et l'avantage de la vente : c'est ce que fait l'émission des assignats. L'autre moyen proposé ne met un signe représentatif de valeur qu'en très peu de mains; cesigue, lui-même productif de revenus, donne un intérêt réel à conserver les capitaux; ainsi les biens nationaux ne se vendront pas.
Les quittances de finance n'étant pas monnaie, restant dans un petit nombre de mains, ne créant qu'un petit nombre d'acheteurs, les propriétaires exclusifs de ces titres mettront aux domaines nationaux le prix qu'ils voudront, et, après avoir usé de manœuvres pour forcer les créanciers peu riches à leur livrer à perte les quittances de finance ils forceront la nation à vendre à perte ses biens. Ce parallèle ne peut pas laisser d'incertitude. Il a fallu chercher ailleurs des objections, elles se réduisent à une seule, qui n'est autre chose qu'une erreur de fait, d'où l'on a tiré une grande erreur de doctrine. On a parlé de l'avilissement des assignats, du doublement des prix, de la destruction des manufactures et l'agriculture; toutes ces suppositions partent d'une seule, de celle de l'avilissement des assignats. On prête deux causes à cet avilissement : le défiance dans la société, la baisse des valeurs par la multiplication du numéraire. Quant à la défiance, on a dit que la facilité de la contrefaçon introduirait une masse considérable de faux assignats, et que les inquiétudes que donnerait sur chacun de ces papiers l'incertitude de la falsification en occasionneraient le discrédit. J'observerai que si cela était vrai, il n'existerait pas un papier-monnaie en Europe.
Quoi qu'en ait dit le préopinant, la contrefaçon de la monnaie-métal est plus facile que celle des papiers circulants. Les moyens d'éviter celle des assignats se perfectionnent tous les jours; nous en avons recueilli qui ne laisseraient aucune inquiétude. Cette objection, déjà détruite par notre propre expérience, s'appliquerait au système contraire. Elle ne paraît avoir quelque force qu'à cause que nous n'avons pas de banque nationale : elle serait rejetée avec le plus grand mépris, si on la proposait au parlement d'Angleterre, ou dans les corps délibérants de Hollande. (On applaudit.) La faiblesse d'un pareil moyen était trop évidente pour qu'on ne l'étayât pas de toutes sortes de chimères. On n'a pas craint de comparer les assignats aux papiers-monnaies qui
ont été l'objet du mépris de divers peuples ; à celui de l'Amérique, hypothéqué sur toutes les terres des Etats-Unis, où aucune de ces terres n'était disponible, où, les terres mêmes ne sont rien, où l'argent est tout; à côté de ces terres qui servaient d'hypothèque, il en était d'autres qu'on donnait aux étrangers qui voulaient les exploiter, (iOn applaudit.)
Quant au papier de Law, vous savez quelle était sou existence : assis sur les prétendus profits d'une banque fantastique, il n'avait pas d'autre solidité que celle de l'opinion délirante du moment. Répandu sans mesure, sans calcul, il s'était élevé à cinq milliards, sans y comprendre les actions de banque ; il était mis en circulation sans qu'il y eût un objet existant qui le représentât. C'était une valeur nouvelle; il était naturel qu'il changeât la proportion des valeurs. On pourrait dire que quoiqu'il fût le mépris de la nation, c'est par l'impossibilité de son retrait qu'il devînt désastreux. Il avait favorisé l'industrie et le commerce, et procuré une prospérité momentanée. Or,-je demande si le retrait des assignats n'est pas assuré, si vous ne devez pas esperer une prospérité durable; si, tandis que le papier de Law était hypothéqué sur les fantômes du Mississipi, le nôtre ne l'est pas sur les très réelles, très appartenantes à nous, les propriétés du ci-devant clergé ? (On applaudit.) Vos assignats ont toute la valeur que peuvent avoir les choses dans la société; la valeur des terres leur est attachée par la loi, comme la propriété de chacun de nous nous est attachée par la loi ; l'une et l'autre sont séparées, c'est la loi seule qui les lie. (Une grande partie de l'Assemblée applaudit.) Les assignats ont donc tout ce qui constitue les vraies valeurs; ils ont, de plus, la facilité de la transmission qui constitue les valeurs propres à devenir circulantes. Ils ne redouteront donc pas le discrédit, puisque les assignats que nous avons déjà n'ont presque pasperdu. (La droite murmure.)
On a déjà démontré que les assignats n'ont pas éprouvé de discrédit réel : s'il y a eu quelque chose à donner dans leur échange contre de l'argent, c'est à cause de la commodité, c'est à cause de la plus grande division de l'argent. Tandis que l'argent perdait 4 O/Osur les assignats de 1,000 liv., les petits assignats gagnaient 2 0/0 sur les gros. (On applaudit.)
Il sera possible de diminuer cette perte par différents moyens; par exemple, par une coupure plus avantageuse, par rétablissement de banques d'échanges dans plusieurs villes; et l'intérêt que chacun aura de les colporter et de les répandre est un garant de leur circulation. Ils ne perdront rien de leur valeur effective, ils s'échangeront avec beaucoup de facilité. Quand on commencera les ventes, on n'osera plus élever de doute sur la solidité des assignats. (On murmure à droite; on applaudit à gauche.) Déjà les estimations sont faites en beaucoup d'endroits, les formalités qui précèdent les ventes sont effectuées ; déjà le comité' d'aliénation e3t préparé à présenter des moyens propres à accélérer ces ventes; alors vous verrez l'inquiétude disparaître et le crédit des assignats s'assurer.
On a bien pensé qu'il ne suffirait pas de chercher à établir que les assignats éprouveront du discrédit; on a cru devoir slappuyer du changement dans la proportion des valeurs. Il a fallu faire la fausse supposition d'une émission simultanée de 1,900 millions d'assignats : on a proposé, à la vérité, de rembourser les créances exigibles
pour cette somme; mais il est faux que cette émission simultanée soit possible; mais vous verrez, du moment où les ventes seront ouvertes, se faire des achats considérables; en ne calculant les ventes, qui sont actuellement certaines, qu'au cinquième de la masse des soumissions qui ont été faites, au moment où les ventes s'effectueraient il y aurait un retrait de 4 ou 500 millions d'assignats. Il en rentrera d'autres pendant le temps considérable qui sera nécessaire pour la liquidation : ainsi peut-être n'y aura-t-il jamais en circulation que le tiers des assignats que vous aurez décrétés. Si cependant on conserve des craintes, il est facile de déterminer dans le décret la quantité qui pourra être simultanément en émission ; le langage de la loi peut rassurer, s'il reste des incertitudes sur le fisc. (On applaudit.)
En créant des assignats, ce ne sera pas mettre des valeurs nouvelles, dans le commerce, mais donner la faculté de se mouvoir aux biens enchaînés dans les mains du gouvernement; c'est en quoi ce papier ne ressemble en rien aux autres papiers-monnaie. Vous manquez de numéraire et de capitaux circulants; les droits féodaux doivent être remboursés, les biens nationaux se trouvent mis en vente, et vous n'avez pas les moyens d'acquérir. Il se trouve avec une grande augmentation de choses à vendre, une grande diminution des moyens d'acheter ; donc la proportion des valeurs baisserait prodigieusement, si l'on augmentait les moyens d'acquérir; donc, en augmentant les moyens d'acquérir dans une proportion égale à l'augmentation des choses à vendre, la proportion des valeurs ne sera pas changée. (On applaudit.) Quelle est la véritable volonté de ceux qui demandent des assignats, et de ceux qui les combattent ? Les uns veulent rétablir l'équilibre entre les moyens de vente et les moyens d'achat : les autres veulent le détruire. (On applaudit.) Je réduis ce parallèle à des expressions plus simples : ceux qui veulent des assignats veulent la possibilité d'acheter, les autres l'impossibilité de vendre, l'impossibilité de transmettre, l'impossibilité d'être dépouillés. (Les applaudissements redoublent.)
On a multiplié avec prodigalité les maux qu'on prétendait devoir résulter, pour l'agriculture, de l'émission des assignats, et 1 on a écarté les maux qui devaient résulter, pour les propriétaires de terres, de la privation de capitaux circulants. Ces mêmes propriétaires auraient intérêt à la circulation, s'ils n'avaient intérêt à empêcher l'exécution de nos vues constitutionnelles. ((Jne grande partie de l'Assemblée applaudit.) Les adversaires des assignats se sont bien gardés de donqer à ces signes circulants leur véritable place. Ils ne les ont pas mis dans ces grandes transactions où ils sont nécessaires et avantageux à la société. Ils les ont placés dans les consommations immédiates, dans le prix des .comestibles, où ils ne prendront que la place du numéraire disparu. On n'aurait vu que richesse et prospérité; on n'aurait pas vu 1,900 millions de capitaux destinés à acheter du pain.(Les applaudissements redoublent.) Il est cependant certain que les assignats entreront immédiatement dans la circulation des capitaux, parce qu'ils seront substitués aux capitaux des créanciers de l'Etat. On ne consomme pas avec ses capitaux. La circulation de consommation n'attire que ce qui est absolument nécessaire. De même, quand un particulier n'a pas assez de revenu, il est obligé de prendre une petite partie de son capital pour la joindre à son revenu. (Les applaudissements augmentent.)
J'ordonne aux tribunes de se tenir dans le silence.
continue. C'est donc une véritable absurdité, une souveraine ignorance des principes de la circulation, que de croire et de dire que tes assignats seront employés en quantité cousi-dérable à l'achat des consommations. Lorsqu'on a cité l'autorité de Smith, dont on n'a cessé de travestir les raisonnements, il aurait fallu exposer ses véritables principes, qui sont en entier à l'avantage de mon opinion. A quoi seront donc employés les capitaux, pendant le temps qu'ils passeront dans la société, avant de s'amortir sur les biens ecclésiastiques ? Aux grandes transactions qui font fleurir l'agriculture, qui vivifient le commerce. Ils augmenteront l'activité des manufactures; ils favoriseront l'industrie et amélioreront le change, au lieu de le détériorer. Tant qu'il n'y aura pas de proportion entre les choses à vendre et les moyens d'acheter, il n'y aura donc nulle diminution dans les valeurs ; la proportion du numéraire, par la mise en vente des biens nationaux, se trouvera moins considérable qu'avant la Révolution. Donc le* change, loin de nous être défavorable, tournera à notre avantage. Il en sera de même de la balance du commerce. Je le prouve par le fait: elle a perdu depuis le commencement de la Révolution : ce n'est pas l'augmentation de consommation de marchandises étrangères, car tout le monde sait qu'on en a moins consommé. Elle n'a pas perdu par l'accroissement du numéraire, car tout le monde sait qu'une grande partie du numéraire a disparu. Elle n'a pas perdu par l'augmentation du prix des salaires, car tout le monde sait que ce prix a diminué. D'où résulte donc la diminution de notre balance de commerce depuis la Révolution?
C'est du dessèchement, c'est du besoin des capitaux ; c'est donc là qu'il faut porter le remède. 11 est si réel que c'est par le défaut de capitaux et de numéraire, que c'est toujours par les mêmes coups qu'une nation perd ou gagne dans la balance du commerce : si le désavantage dans cette balance venait de l'augmentation du numéraire, la Pologne serait, sous ce rapport, le pays le plus favorisé. L'Angleterre et ia Hollande, les deux nations qui ont le plus de numéraire, sont celles qui profitent le plus dans les transactions avec les autres peuples; elles ont augmenté leurs papiers circulants, pour consacrer leur Numéraire effectif aux opérations extérieures. Si vous voulez dire que la Pologne est dans une meilleure position à cet égard que ces deux nations, supprimez le numéraire; si vous reconnaissez que l'Angleterre et la Hollande sont les plus industrieuses et les plus commerciales des nations, reconnaissez donc qu'il faut accroître le numéraire, que c'est le moyen d'augmenter la balance du commerce et les avantages uu change; ou ïes raisonntmentb et les faits ne sont rien, ou les conséquences de ce parallèle sont incontestables. Ce parallèle est ici la véritable prophétie. Gela est si vrai, qu'avant le moment où la défiance avait tau disparaître le numéraire, chacun -se plaignait du défaut des capitaux, chacun demandait la sortie de ces capitaux enfouis, resserrés au centre du royaume, - par un gouvernement emprunteur.
Il y a longtemps que le commerce bien entendu, que l'industrie vraiment active sollicite cequ'on vous propose aujourd'hui. (On applaudit.) Ainsi toutes les frayeurs dont on s'étaye portent ;
sur deux erreurs de fait, l'avilissement des assignats, la diminution de l'industrie. S'il est vrai que les assignats ne seront pas avilis, qu'ils feront revivre l'industrie, c'est à nous à les rétorquer à ceux qui les ont présentés. Mais, s'il n'y a rien de réel dans ces motifs, il en est d'autres qu'on ! n'a pas voulu dire ; ils sont palpables. Si l'on s'est attaché à scruter les intentions de ceux qui veulent des assignats, il est juste de scruter les intentions de ceux qui les combattent. (On applaudit.) Je divise ces adversaires en* deux classes ; je trouve, d'un côté, l'intérêt des financiers, des agioteurs, des agents de change; de l'autre, l'intérêt de ceux qui ne veulent pas la Révolution (On murmure à droite ; on applaudit à gauche.) Cette opération, qui balaye la place des papiers qui s'y réunissent, qui anéantit ce genre coupable d'industrie, fait grand tort à ceux que cette industrie alimentait. Il est évident que les créanciers opulents retiraient un intérêt plus fort; il est évident qu'avec des quittances de finance ils accapareront les biens nationaux. Il est évident que ceux qui ont dans leurs mains tous les capitaux sont les usuriers de la société, qu'ils vivent de l'usure continuelle qui a perdu l'Etat et l'industrie ; il est clair qu'ils perdent dans une opération qui répand les capitaux dans toutes les mains, et qui assure à l'Etat et à l'industrie des secours à un prix modéré ; il est clair qu'ils perdent dans une opération qui fera disparaître ces richesses usurières.On a osé opposer ici l'agiotage aux assignats, dans le même moment cù l'on proposait des quittances de finance. Maiscomments'alimentei'agiotage?Par la variabilité de valeurs, par les marchés étroits et concentrés. Dans des marchés resserrés, on peut, en répandant des nouvelles fausses, des inquiétudes préparées, faire changer les prix; mais quand les capitaux sont disséminés sur toute la surface du royaume, il n'est que la raison et la vérité qui fassent varier les valeurs.
Les quittances de finance se trouvant en peu de mains, n'étant pas transmissibles, iront des mains du créancier pauvre dans les mains du créancier riche ; elles se concentreront davantage ; toutes les nouvelles agiront sur elles, et leur valeur variera sans proportion ni mesure. Dans cette foule de transactions qui se font continuellement entre le pauvre et le riche, Jes prix et les valeurs varieront dans les proportions diverses des besoins des divers vendeurs. Dans un gouvernement arbitraire, un petit nombre d'hommes semaient l'espoir et la crainte et disposaient de la fortune publique ; l'agiotage n'aura pas, il est vrai, les mêmes ressources chez un peuple libre ; mais les illusions momentanées et locales, qui n'existeront pas pour les assignats répandus partout, influeront sur les quittances de finance qui ne se trouveront qu'à la Bourse, dans ce marché étroit et concentré, où l'adresse et l'intérêt sauront, avec succès, multiplier leurs dangereux elforts. Donc les quittances de finance ne se trouveront instituées que pour l'agiotage. Mais après avoir fait rentrer dans ses mains, d'une manière inique, les quittances de finance, le petit nombre de leurs propriétaires viendra faire, sur les biens nationaux, les mêmes opérations. Le pauvre avait été dépouillé, parce qu'on avait abusé de ses besoins, on abusera de même des besoins publics. Ainsi les quittances de finance favorisent l'usure envers les pauvres créanciers, envers l'Etat, une usure énorme qui avilirait les ventes, en enrichissant quelques-uns. De là ces écrits, ces délibérations des villes : l'in-
térêt est dévoilé ; la cause est donc connue ; ceux qui sont intéressés à empêcher l'émission des assignats impriment le mouvement contraire au vœu de l'intérêt national et de la raison. (On applaudit.)
il y a encore un autre motif pour empêcher que la vente des biens ci-devant ecclésiastiques ne s'effectue ; on espère que l'impôt, par son accroissement, devenant odieux au peuple, on ne pourra mettre en mouvement nos institutions, payer nos administrateurs, et que la Constitution n'existera que sur le papier. On a beaucoup dit ici qu'il fallait rétablir l'ordre, qu'il fallait rendre de l'énergie à la puissance publique, de l'activité aux lois; que, sans cela, on n'aurait ni numéraire, ni impôt, ni crédit ; mais tout cela ne se fait qu'avec le numéraire.
Les juges qui ne seront pas payés ne jugeront pas. Les administrateurs qiii ne seront pas payés n'administreront pas; vous ne vous laisserez pas tromper à ces motifs. Ceux qui sont véritablement attachés au bien public, au salut de la patrie ; ceux pour qui des raisonnements astucieux et faibles n'ont aucun prestige, ne produisent aucune illusion, verront que l'opération qu'on vous propose est bonne ; ils verront ie retrait des assignats assurer la facilité certaine de ralentir à volonté l'émission ; ils verront que c'est en alimentant le nerf de la puissance qu'on rendra à la puissance publique l'énergie dont elle a besoin; ils verrout que les créanciers de l'Etat ne peuvent s'acquitter avec leurs propres créanciers, qu'il faut faire cesser cette gêne générale des fortunes; que-si l'on veut le bonheur du peuple il faut enfin lui procurer du travail ; que c'est par le travail qu'on rétablira l'ordre public, qu'on créera un patriotisme tranquille; c'est par là que vous arriverez au terme de vos travaux. On semble appeler le désaveu et la haine du peuple sur ceux qui proposent ce moyen de salut ; mais croyez que si, chacun a, pour pressant motif, le bien de la chose publique, le salut public et le salut personnel sont le mobile des hommes. Je dois dire qu'une immense responsabilité pèsera aussi sur ceux qui se seront opposés au seul moyen de sauver l'Etat. (La salle retentit d'applaudissements.)
Nous l'accepterons cette responsabilité, et nous demandons l'appel nominal avec ^l'inscription et la liste des noms, afin de les faire passer dans les provinces. (La droite applaudit).
Quelques préopinants n'ont pas caché leur pensée ; ils ne peuvent, disent-ils, voter en aucun cas sur des mesures qui favoriseraient, qui accéléreraient la vente des biens du clergé. (La droite murmure.) En effet, il ne faut pas se dissimuler qu'il est plus facile de décréter cette vente que de l'effectuer ; la même opposition que vous avez rencontrée dans vos décrets, vous la rencontrerez dans cette opération ; ils ne voteront pas, mais ils défendent un moyen qui, en rassemblant dans peu de mains les capitaux, qui, en liant ces capitaux aux mains qui les auront reçus par l'intérêt qu'ils porteront, ralentira excessivement la vente", si elle ne l'empêche pas, et produira le dépérissement des biens nationaux ; ils espèrent que vos maux seront comblés avant que le moment de la restauration-soit arrivé. Mais la nation entière veut cette vente, elle approuvera l'opération, sans laquelle sa volonté ne serait point exécutée. Par cette opération,
vous assurez la résolution de la dette, sa subdivision entre tous les citoyens, la propriété géné-nérale revient à sa source ; par là vous êtes libérés. L'opinion publique repoussera ceux qui s'y opposent ; mais ceux-là mêmes deviendront propriétaires ; conduits par leurs propres intérêts, ils agiront avec vous, au lieu d'agir contre vous. Si, au contraire, ou vous entraîne dan9 l opération des quittances de finance, bientôt on prétendra vous démontr.er que vous avez fait une mauvaise opération, en mettant à la disposition de la nation les biens ecclésiastiques, et dans un an peut-être ou vous proposera politiquement, financièrement, nationalement, de remettre ces biens dans les mains du clergé. (Une grande partie de l'Assemblée applaudit).
Le moyen proposé hier, qui semble se rapprocher de l'utilité générale, s'en éloigne; il ne présente qu'un allégement partiel de l'impôt; il n'anéantit pas l'agiotage, puisqu'il met la dette en concurrence avec le numéraire qui sera créé. L'opération la plus grande, la plus simple en elle-même, est incontestablement la meilleure. La crainte de voir en circulation 1,900 millions disparaît par le fait, faites-la disparaître par la loi; vous calmerez aussi les inquiétudes de ceux^ui doutent que les biens du clergé soient égaux à la somme aont ils seraient la représentation, l'hypothèque et le gage ; car, dans le temps que laissera l'émission successive des assignats, des renseignements certains et authentiques nous parviendront. Jé propose de décréter : 1° que la totalité de la dette exigible, échue ou à terme, sera remboursée en assignats-monuàie sans intérêt; 2° que l'émission s'effectuera progressivement, par ordre de liquidation et d'échéance, de manière qu'il ne puisse jamais y avoir plus d'un milliard d'assignats en circulation indépendamment de ceux qui ont été précédemment décrétés ; que les comités des finances et d'aliénation réunis présenteront un projet d'article pour tous les accessoires de l'opération.
(M. Barnave descend de la tribune au milieu des applaudissements réitérés de la majorité de l'Assemblée.)
(On demande que la discussion soit fermée.)
Le comité des finances m'a fait prévenir qu'il demanderait la parole avant que la discussion fût fermée. (Il s'élève des murmures. Plusieurs personnes disent que le comité n'a pas pris de délibération à ce sujet.) M. Lebrun m'a dit qu'il la demandait au nom du comité, et qu'il en était chargé.
Ce n'est pas une discussion, ce sont des faits dont le comité m'a donné ordre de vous rendre compte; ce sont les vœux des départements, des directoires et des municipalités.
Je n'ai demandé la parole que pour faire deux observations sur 1e peu de mot3 proférés par M. Lebrun. L'une ne tend qu'à l'éclaircissement d'un fait, si, contre mon avis, il a quelque importance : l'autre, est une observatiou d'ordre souverainement importante. La première est que plusieurs de mes collègues peusent que le comité des finances n'a pas délibéré sur la démarche de M. Lebrun, et que quand ie comité a fait son rapport et que la question est lancée, il n'a plus droit à être entendu. L'observation infiniment plus essentielle, c'est qu'il est extrêmement inconvenant de venir apporter à cette tribune, sur une , question qui nous est
soumise, les réclamations des départements et des municipalités. (L'orateur est interrompu par des applaudissements et des murmures.) Je demande à être entendu jusqu'au bout, car je déclare que mon opinion à cet égard est tellement prononcée, que si ma réprimande est déplacée, je dois être sévèrement réprimandé. ^ Je dis donc qu'il est très scandaleux, très coupable, au moment où il s'agit de fermer une discussion importante, de venir lancer, comme le Parthe, en fuyant, le vœu des directoires et des municipalités, quand au bruit des applaudissements unanimes de cette Assemblée....(La partie droite murmure ; la partie gauche applaudit. On entend, à travers les murmures de la droite, ces motsprononcés par M.Duval d'Eprémesnil : Des ap-paudissements payés)... ; quandily a peu de jours, l'Assemblée, sur une observation de ce genre, échappée au zèle d'un de ses membres, eut la bonté de couvrir de ses applaudissements l'observation que, si de telles interventions étaient permises, le gouvernement représentatif était renversé, et la monarchie détruite. (On applaudit de toutes parts.)
rappelle les tribunes à l'ordre.
Il est très permis, il est très simple d'avoir deux opinions sur une question d'économie politique aussi importante; mais il n'est pas permis de mettre des intermédiaires entre nous et la nation ; il ne l'est pas d'avoir la mauvaise foi de donner les neuf personnes qui composent un directoire comme l'écho du département; il ne l'est pas que ceux qui nous ont accusés de vouloir une république jtédérative viennent soutenir par leurs cris une opinion qui ferait au même instant du royaume une république fédérative. (On applaudit.) Ce n'est pas aux corps administratifs, dans les mains desquels sont en ce moment les biens nationaux, à donner leur avis sur les dispositions des biens nationaux; ce n'est pas à ceux qui ont dû rémarquer que, par le pur respect que nous devons aux principes du gouvernement représentatif, nous n'avons pas montré le vœu de la ville' de Paris, sur qui pèserait davantage cette opération par la nature de son commerce et de ses richesses, à venir appuyer l'étrange proposition qui vous est faite. Ils ont eu l'imprudence de ne pas vouloir voir notre sage réserve, ef nous ont accusés de pàyér les applaudissements des tribunes; expressions gratuitement insolentes. (On applaudit.) Ce n'est pas à eux à venir élever contre nous des maximes destructives de la Constitution, dont, nous aussi, avons posé quelques bases. Qu'ils croient que le feu sacré de la Constitution est aussi bien dans nos faibles mains que dans leurs mains si pures. (Il s'élève à droite des murmures.)
A la question !
M. le président, je suis fâché qu'on s'aperçoive si tard de la suite inévitable d'une motion aussi imprudente ; moj, je consens, par confiance dans la cause que jé défends, je consens à finir en assurant nos adversaires que nous savons qu'il est également compris dans notre serment de défendre la Constitution contre ses ennemis cachés de même que Gontre ses faux et insidieux amis.
J'atteste que l'Assemblée,
par un décret, a chargé son comité des finances de faire un rapport avant la'fin de la discussion ; j'atteste également que le comité en a chargé M. Lebrun.
(On demande que la discussion soit fermée.)
On ne peut fermer une discussion qui n'a pas été ouverte, à moins que M. de Mirabeau n'ait dit le pour et le contre.
(La discussion est fermée sur la proposition de M. Lebrun. — Cette proposition est rejetée.)
(On demande que la discussion soit fermée sur le fond de la discussion.)
Il est physiquement impossible de rendre un décret à l'heure qu'il est, surtout par appel nominal, et que l'appel nominal est le vœu des deux côtés de l'Assemblée ; dès lors, nul intérêt ne peut engager à fermer la discussion en ce moment. 11 est au contraire un très grand intérêt, qui doit déterminer à la prolonger à demain. La matièré est importante, elle a besoin de l'opinion, èt l'opinion n'est favorable à un décret qu'autant que les discussions sont calmes et lentes. M. Barnave a coloré d'une manière infiniment adroite des raisons très faibles. Je prends l'engagement de répondre catégoriquement à ses observations, sans phrases, sans réclamations, telleàaent que non la majorité, mais l'universalité sera convaincue. (La majorité murmure.) La mauvaise foi seule pourra méconnaître l'évidence de mes réponses, et je sui3 loin de penser qu'il y ait une seule personne de mauvaise foi dans celte Assemblée ; je conclus donc à ce que la séance soit prorogée, et à ce qu'il soit décrété que demain l'Assemblée nationale prendra un parti définitif.
En opposition avec M. de Cazalès, je demande que la discussion soit fermée, et que l'Assemblée prononce en ce moment. De même que M.deCazalès croit avoir à répondre à M. Barnave, de même nous croirions avoir à répondre à M. de Cazalès. Il y a un mois que la discussion est ouverte, elle doit être complète. Nous avons annoncé que nous voulions accélérer nos travaux et l'on s'efforce de les retarder. (On applaudit.) Il est évident qu'on peut décréter seulement deux articles, qui contiennent les bases de l'opération; et renvoyer les questions subséquentes aux comités. Mais j'ajoute que quand on craint que la coufiance publique ne se réunisse pour les assignats, on oublie qu'on saura qui aura attaqué les assignats, qui les aura défendus. (On applaudit et on demande à aller aux voix.)
Je change mon projet de décret, et je demande que demain la discussion soit fermée à une heure.
(La discussion est fermée sur le fond de la délibération.)
(On demande le renvoi à demain, pour prendre un parti définitif. Après quelques oppositions, ce renvoi est décrété, et l'Assemblée arrête que la discussion étant fermée, demain, sans désemparer, elle décidera la question du mode de liquidation de la dette publique*)
L'heure est trop avancée pour que l'Assemblée puisse avoir une séance ce soir.
(La séance est levée à cinq heures.)
PRÉSIDENCE DE M. EMMERY.
Séance du
secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier dans, lequel se trouve la mention que M. de Mirabeau a demandé la parole.
Divers membres rappellent que, par un décret, l'Assemblée a décidé que le nom des opinants ne serait pas inscrit dans les procès-verbaux. En conséquence, ils proposent de retrancher le nom de M. de Mirabeau du procès-verbal de la séance d'hier.
(Cette motion est adoptée.)
M. de La Luzerne, ministre de la marine, m'a adressé la lettre suivante :
« M. le Président, je reçois deux lettres de M. de Peynier, dont je vous prie de faire part à l'Assemblée nationale. Dans l'une, il me marque que l'aviso le Serin, expédié de France pour Saint-Domingue, ayant relâché d'abord aux Cayes, le 24 juillet, le commandant de cette ville envoya, par un cavalier de maréchaussée, au gouverneur général les paquets dont j'avais chargé le bâtiment ; que le comité municipal de la ville, à qui il en fut donné avis, Fit partir deux hommes armés qui attaquèrent, sur le grand chemin, près de Saint-rLouis, le cavalier de maréchaussée, et le forcèrent, le pistolet sur la gorge, à leur reme ttre mes lettres.
« La seconde dépêche de M. de Peynier m'instruit que celles qu'il avait confiées pour moi au navire la Gloire, qui a fait escale à Saint-Marc, y ont été interceptées par des commissaires que l'assemblée générale a envoyés à bord.
« Comme je sais que tous les papiers de cette assemblée ont été transportés en France sur le Léopard, par ceux de ses membres qui s'y sont embarqués, j'ose espérer que l'Assemblée nationale, qui les a mandés à sa barre, voudra bien leur ordonner d'ayoir à lui remettre, sans délai, les originaux tant des lettres que j'adressais à M. dePeynier,etquiont été enlevées près de Saint-Louis, que de celles qu'il m'écrivait et ont été .saisies dans la rade de Saint-Marc; je la supplie de plus dé m'en faire aussitôt délivrer des copies.
« Ce n'est pas que j'aie, en aucune manière, le dessein de me plaindre des violences qui ont été exercées, ou de requérir que ma correspondance reste secrète. Je désire, au contraire, qu'elle soit bien constatée, et je déclare que mon vœu est qu'on lui donne la plus grande publicité. Mais de l'interception de ces lettres il peut être résulté de grands malheurs pour la colonie. J'ai lieu de croire qu'on a arrêté précisément celles où je mandais à M. de Peynier ce qui se passait en France, et l'exhortais à prendre, de son côté, les mêmes mesures pour concilier les esprits, et faire renaître la concorde parmi les citoyens. Je l'instruisais, dans d'autres dépêches, de l'armement de plusieurs puissances maritimes ; je lui indiquais les précautions à prendre, et il sera fort a regretter que ces avis ne lui soient pas parvenus.
« Quant aux dépêches de M. de Peynier intercep-
« Il me paraît très désirable, pour l'intérêt de la colonie et de la métropole, qu'on ait enfin connaissance, quoique bien tard, de ce qui a été soustrait, afin que je puisse apporter, autant qu'il me sera possible, remède aux maux que cette interception à dû occasionner. Tel est l'Unique but de la demande que j'adresse à l'Assemblée nationale, et sur laquelle je crois très important qu'elle statue. »
(L'Assemblée ordonne le renvoi de cette lettre au comité colonial.)
fait donner lecture d'une lettre du garde des sceaux contenant l'annonce de la sanction des décrets suivants :
« Le décret du 23 de ce mois, relatif à celui du 8 mai, portant que les membres de l'Assemblée nationale actuelle ne pourront être nommés pour remplir les fonctions de commissaires du roi dans les tribunaux de justice, ne se trouve pas à la vérité dans les proclamations des 24 août et 11 septembre,"mais ce n'est pas par «omission ». Ce décret n'avait pas été présenté à l'acceptation du roi, et il n'eût pas été régulier de le comprendre dans les proclamations susdites.
« Au surplus, Sa Majesté, d'après le décret du 26 janvier dernier, qui contient implicitement l'exclusion décrétée le 8 mai, n'a fait aucune nomination qui y fût contraire, et le décret du 8 mai, présenté à Sa Majesté le 24 de ce mois, et accepté par Elle le 27, va être incessamment publié. »
Le roi a aussi, en même temps, donné sa sanction :
« 1° Au décret du 19 du présent mois, par lequel l'Assemblée nationale déclare les présidents des administrations de département et de district éligiblesaux places dé jugés;
« 2° Au décret des 17,19 et 20, relatif aux frais des poursuites criminelles; aux lois ou statuts qui doivent régir les biens ci-devant féodaux ou censuels dans certains pays, et aux formalités qui, dans d'autres, tiennent du nantissement féodal ou censuel ;
« 3° Au décret du 20, qui autorise les officiers municipaux de Compiègne à faire un emprunt de 12,000 livres,pour l'établissement d'uu atelier de charité;
« 4° Au décret du même jour, qui autorise les officiers municipaux de la ville de Chauny à faire un emprunt de 8,000 livres, aux intérêts ordinaires; > : i ri: .
« 5° Au décret dq 22, par lequel l'Assemblée déclare que les droits d'aides, droits réservés, et tous autres imposés sur les boissons et vendanges, continueront provisoirement d'être levés ;
« 6° Et, enfin, au décret du 23, portant que les abonnements arrêtés pour le payement des droits qui sont établis à Saint-LÔ, en remplacement de la taille, seront exécutés provisoirement.
Signé : CHAMPION DE ClCÉ, Archevêque de Bordeaux.
Paris, le
Un de MM. les secrétaires fait ensuite lecture d'une lettre du sieur Berthier, commandant de la garde nationale de Versailles, dans laquelle il demande à faire connaître la vraie cause des dé-
gâts et dés troubles arrivés dans le parc de Versailles.
Gomme cette lettre annonce des faits absolument contraires à ceux que le directoire du département de Seine-et-Oise a mis la veille, à ce sujet, sous les yeux de l'Assemblée nationale, il est, d'après la motion qui en est faite, rendu le décret suivant :
« L'Assemblée nationale, ayant entendu la lecture d'une lettre de M. Berthier, commandant de la garde nationale de Versailles, décrète que l'exécution de son décret, rendu hier sur la lettre du directoire du département de Seine-et-Oise, demeurera suspendue, et renvoie la lettre du directoire et celle du sieur Berthier au comité des rapports, pour en rendre compte à l'Assemblée. »
annonce que le corps des sous-officiers, grenadiers et soldats du régiment Roy.al-la-marine, pour témoigner sa respectueuse et parfaite soumission aux décrets de l'Assemblée nationale et aux ordres du roi, a fait avec la plus entière satisfaction à la patrie le sacrifice des ressentiments particuliers quiavaient occasionné l'éloignement des officiers de ce régiment, et a écrit, le 22 du présent mois, pour demander le retour de ces officiers.
La lettre est ainsi conçue :
« Monsieur,
« L'exemple peut-être dangereux que pourrait donner un corps dont la conduite patriotique a d«ù lui concilier de justes appréciations de sa conduite et de ses motifs, ne sera jamais soupçonné de vouloir persister dans des réclamations qui pourraient induire en erreur des êtres qui, dans une position et avec des motifs différents, s'en feraient un titre pour intervertir l'ordre public.
« Le régiment Royal-la-marine borne donc son ambition à faire voir que ses motifs furent louables, et, content de l'avoir démontré, il fait avec la plus entière satisfaction à la patrie le sacrifice des ressentiments particuliers. Daignez donc être l'interprète de notre soumission et de notre déférence entière aux ordres d'un souverain que nous adorons et qui daigne être notre père; portez aux pieds de son trône auguste et nos cœurs •et nos volontés ; dites-lui que nous verrons avec joie à notre tête des officiers dont le grand nombre emporte nos regrets et que toujours fidèles, soumis, Français enfin, nous avons en horreur l'esprit de parti qui pourrait faire soupçonner notre loyauté.
« Vous ne refuserez pas, nous l'espérons, d'être l'interprète de notre gratitude et de notre soumission à vos vertueux coopérateurs dans la régénération d'un Etat qui déjà vous doit l'aurore du bonheur et bientôt la réalité.
« Ile d'Oleron, 22 septembre 1790.
« Signé : Les sous-officiers, caporaux, grenadiers, soldats et chasseurs du régiment Royal-la-marine. »
(de Saint-Lô). J'observe que comme il est vraisemblable qu'on procédera pendant la séance à un appel nominal, il est important qu'aucun étranger ne vienne se placer sur les sièges destinés aux membres de l'Assemblée nationale.
Voici le décret que je vous propose :
« L'Assemblée nationale enjoint à toutes personnes qui ne sont pas députés, s'il s'en trouve actuellement dans la salle, de sortir à l'instant;
faute de quoi, sur la désignation qui en sera donnée par les huissiers, elles seront constituées prisonnières.
« Elle ordonne aux huissiers de se distribuer dans la salle, de manière qu'il y en ait toujours un à chacun des côtés intérieurs pour reconnaître les députés qui entreront, et qu'il leur soit défendu de laisser entrer des étrangers, sous quelque prétexte que ce soit; que, dans le cas où il se fera un appel nominal, chaque membre, en répondant, sera tenu de se lever. Le présent décret sera ponctuellement exécuté pour toutes les séances de l'Assemblée nationale. » (Ge décret est adopté.)
le fait exécuter à l'instant.
Votre comité des recherches m'a chargé de vous présenter une dénonciation contre un curé de la Flandre maritime. La municipalité demande qu'on lui indique les moyens pour faire cesser les prédications dangereuses de ce prêtre fanatique- Non seulement il n'a publié au prône aucun décret, mais il damne impitoyablement ceux qui parlent de la vente ou de l'acquisition des biens nationaux. Il va plus loin, il étend la damnation jusqu'aux derniers individus de leur famille, ^t jette ainsi le trouble dans sa contrée. La dénonciation est signée du procureur syndic de la commune. Votre comité des recherches vous propose le décret suivant :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des recherches, charge son président de se retirer par devers le roi, pour le prier de donner les ordres les plus prompts, afin que, par la municipalité de Saint-Omer provisoirement, et jusqu'à ce que les nouveaux tribunaux soient en activité, il soit informé des faits dénoncés par leprocureur dejla commune deNoort-Pesme, par sa lettre en date du 22 de ce mois ; à l'effet de quoi cette lettre sera envoyée à ladite municipalité. » (Ge projet de décret est mis aux voix et adopté.)
L'ordre du jour est la suite de la discussion sur le mode de liquidation de la dette publique et Vémission de nouveaux assignats.
annonce que M. Duval d'E-prémesnil et M. Périsse du Luc demandent à lire des projets de décrets sans les faire précéder d'aucune discussion.
. (M. Duval d'Eprémesnil monte à la tribune.)
N'oubliez pas que votre décret doit se réduire à la simple lecture.
La discussion est fermée, et je m'en souviens très bien. Je vais lire mon projet de décret sans aucune observation ; je supplie qu'on l'écoute sans interruption :
Projet de décret pour la restauration des finances, la liquidation de la dette publique et le rétablissement de la tranquillité.
« L'Assemblée nationale, toujours animée du zèle du bien public, avertie par l'expérience qu'elle n'obtiendra pas la paix tant qu'une défiance, bien ou mal fondée, éloignera une partie des citoyens de leur patrie, a décrété et décrète : « Art. 1er. Là caisse d'escompte reprendra ses opérations originaires ; les 400millions d'assignats
décrétés seront rendus à leur nature primitive; il en sera créé de plus pour 600 millions, sans intérêt, à compter du 15 octobre; ceux déjà créés cesseront de porter intérêt. Au 15 janvier prochain la caisse d'escompte payera en argent comptant et à bureau ouvert; tous les fonds versés à ladite caisse seront composés des valeurs ci-dessous désignées.
« La nation accepte, par l'organe de l'Assemblée, l'offre de 400 millions, qui lui a été faite au nom du clergé : les communautés religieuses donneront à l'Etat, sur leur revenu, pendant dix ans, un secours extraordinaire, qui sera fixé de con-. cert entre elles et le roi. » (Il s élève dans la partie gauche de grands éclats de rire,)
Je réclame la liberté des opinions.
Je n'ai point accordé la parole à M. d'E »rémesnil pour faire la satire des décrets de l'Assemblée. Je vais la consulter pour savoir si elle veut vous entendre.
Je demande la parole là-dessus. Je ne suis pas monté à la tribune pour faire la critique ni la satire des décrets de l'Assemblée. Je lui proteste sur mon honneur que mon sentiment est que le royaume est perdu sans un mode de payement à bureau ouvert. L'Assemblée ne fera qu'affermir sa puissance et se couvrir de gloire aux yeux de toute l'Europe, en revenant sur quelques-uns de ses décrets.
Je demande que M. Duval soit enlendu;il est bon que l'Assemblée connaisse l'opinion de ses membres.
continue :
« Le clergé tant séculier que régulier est rétabli dans la possession de tous les biens dont il jouissait. Le clergé séculier demeure autorisé à ouvrir tous emprunts nécessaires pour réaliser lessommes promises, d'après les règles qui seront fixées par les lettres patentes du roi. Les communautés re-ligieusespourrontaussi faire des emprunts d'après les mêmes formes.
« Tous les officiers civils et militaires, supérieurs et inférieurs, fourniront un supplément de finance. Les officiers de finance et les employés payeront un supplément de fonds ; tous les corps, communautés et corporations fourniront également un supplément de finance.
« La justice reprendra son ancien cours, et les titres des offices seront provisoirement trans-missibles.
« A l'exception des servitudes personnelles, les citoyens seront rétablis dans leurs propriétés.
« La contribution patriotique ne sera plus forcée.
« Tous les anciens droits, à l'exception de ceux de gabelles et de francs-fiefs,seront perçus comme par le passé ; les tribunaux veilleront à l'exécution de ce décret.
« Les fonds provenant de ces divers secours seront versés à la caisse d'escompte en quantité suffisante, pour qu'elle puisse effectuer ses payements ; les détails de ses opérations ne pourront être mis à exécution qu'après avoir été concertés entre le ministre et les administrateurs de la caisse d'escompte.
« Tous les privilèges pécuniaires demeureront abolis.
« Toutes les rentes à 4 0/0 éprouveront la retenue d'un dixième.
« La dette arriérée sera divisée en deux classes; la première sera payée dans l'aunée prochaine, en douze payements égaux; la seconde sera constituée au denier vingt.
« Il sera créé une caisse d'amortissement, composée des sommes provenant de l'extinction des rentes.
« Si ces impositfons ne suffisent pas, on pourra faire les augmentations de sous pour livres nécessaires.
« Le décret qui prescrit l'aliénation des domaines de la couronne sera regardé comme non avenu.
« La juridiction prévôtale sera rétablie.
« La maréchaussée sera augmentée d'un tiers.
« Les princes du sang seront prié* de rentrer dans le royaume; les autres citoyens absents seront invités à faire de même et seront mis sous la sauvegarde la loi.
« Les comités des re herch^s de l'Assemblée-nationale, de la vil|p, et tous ceux q ii courraient être établi* dans le royaume, seront abolis.
« L'Assemblée nationale, désirant que le souvenir des troubles qui ont désolé le royaume depuis un an, soit effacé, suppliera le roi d'accorder une amnistie générale.
« Le présent décret sera porté au pied du trône par l'Assemblée nationale en corps.
« Le roi sera supplié d'y donner une prompte sanction , en lui assurant qu'il n'est point de Français qui ne soit disposé à tous les sacrifices.
« L'Assemblée, en sortant de chez le roi, ira porter ses respects à la reine. » (Les éclats de rire recommencent.)
Ce que je propose est bon. L'événement décidera.
« Il sera chanté dans toutes les églises et paroisses un Te Deum en action de grâce de la réunion des esprits; le roi sera supplié de se trouver avec son auguste famille à celui qui sera chanté dans la cathédrale de Paris ; l'Assemblée y assistera en corps, et espère y voir tous les princes et les Français absents. »
Plusieurs membres demandent le renvoi de ce décret au comité de santé ; d'autres au comité d'aliénation.
Je demande que M. d'Eprémesnil soit envoyé pour quinze jours à Charenton.
Gomme il est important que la nation sache d'après quels principes se conduit l'Assemblée, je demande qu'on passe à l'ordre du jour, mais qu'on motive ainsi cette décision : « L'Assemblée nationale ayant, pour prouver la liberté la plus entière des opinions, entendu jusqu'à la fin la lecture du projet de décret de M. Duval, et le regardant comme l'effet d'une imagination en délire, a passé à l'ordre du jour. »
Je voulais exprimer, comme le préopinant, ce que j'avais éprouvé à la lecture do projet de M. Duval; je voulais dire que le délire et la folie pouvaient seuls excuser un projet qui mériterait toute la sévérité de l'Assemblée ; on ne peut mieux faire que de passer à l'ordre du jour, en témoignant le plus profond mépris pour la motion et son auteur. Le terme de mépris paraîtra singulier, mais il peut seul exprimer l'intention de l'Âssem-
blée. J'appuie la motion de M. de Lametb, de passer à l'ordre du jour, en le motivant.
Avant d'adopter une proposition que j'appuie, je, demande que l'Assemblée déclare qu'il est permis à un de ses membres d'en insulter un autre, ou bien qu'elle rappelle à l'ordre MM. de Lameth et de Montmorency ; si elle ne le veut pas, je lui demande acte de son décret ; et moi, qui me suis constamment abstenu, dans cette tribune, de prononcer aucune expression injurieuse, je demanderai la permission d'insulter nominativement...
On demande que je sois rappelé à l'ordre ; comme je crois qu'il est aussi contraire à l'honneur de faire des injures que d'en souffrir, je déclare que, quand j'ai fait la motion d'envoyer M. Duval à Gharenton, je n'ai voulu que lui donner du ridicule, mais non l'insulter. Il est insensé ou il est coupable. Dans l'époque où nous nous trouvons, au milieu des bruits qui se répandent, je me contente de tourner en ridicule un membre dont on pourrait sérieusement et peut-être très utilement instruire le procès. Dans un moment où l'on cherche à nous intimider par la réunion des parlements, où le mot de contre-révolution retentit dans toutes les places publiques, il est un peu fort d'en présenter le projet à l'Assemblée nationale. Quand on sait que les agents de la contre-révolution mettent tout en œùvre pour prévenir le roi contre l'Assemblée ; quand on veut enlever le roi ; que le comité des recherchés en est instruit ; que l'on publié que l'on en viendra à bout avec 50,000 hommes ; que Rouen est l'endroit où l'on voudrait le placer sous la protection du parlement ; quand une réponse du roi, que tout bon Français aurait voulu oublier, se trouve dans le préambule du décret proposé par M. Duval, vous craindriez encore de donner du ridicule à ce membre ! Les espérances de nos ennemis sont plus fortes que jamais ; nous n'avons pas un moment à perdre, le péril est extrême : il faut la coalition de tous les bons citoyens.
M.,l'abbé Maury et M.de Cazalès engagent M.Duval à monter à la tribune. —Il y paraît.
Qu'il descende à la barre ou qu'il soit conduit en prison.
Je demande que M. de Lameth soit rappelé à l'ordre.
M. de Mirabeau demande la parole. — La partie droite s'oppose à ce qu'elle lui soit accordée.
L'Assemblée décide que M. Mirabeau sera entendu.
Lorsque j'ai demandé la parole, je ne voulais que réclamer la priorité pour la motion motivée de l'ordre du jour ; mais dans les débats j'ai aperçu M. Duval articulant des sons confus que je n'ai pu démêler ; je demande qu'il soit entendu, et de parler après lui.
Et moi après vous.
Je demanderai donc la parole, à moins qu'on ne préfère de mettre sur-lè-champ aux voix la motion de M. de Lametb, comme motion de tolérance et d'indulgence, et ce qui me la fait regarder ainsi, et ce qui me
provoque à l'appuyer, c'est que, en mon particulier, je rends grâce à M. d'Eprémesnil d'avoir levé tout à fait le voile qui couvrait les instructions de ceux qui s'opposent à la mesure des assignats. (On applaudit).
, à la tribune: Je suis accusé ; je veux répondre.
On demande à aller aux voix.
L'Assemblée ferme la discussion.
La motion de M. Alexandre de Lameth est mise aux voix et adoptée.
La parole est donnée à M. Périsse Duluc.
, député de Lyon, lit le projet du décret suivant :
L'Assemblée nationale, voulant améliorer la vente des biens nationaux; acquitter ses engagements envers les créanciers de la dette vraiment exigible; fournir au service du Trésor public; éviter sur la circulation et les valeurs une commotion funeste ; tranquiliser sur leur sort tous les fonctionnaires publics et une foule de citoyens. qui ne vivent que du modique revenu de quelques capitaux; décharger enfin les impôts d'une masse considérable d'intérêts, a décrété et décrète cé qui suit:
Art. 1er. Il sera ouvert un emprunt pour l'amortissement de la dette exigible, dans lequel seront versés exclusivement par les créanciers tous les titres de leurs créances, au fur et à mesure qu'ils seront reconnus et liquidés.
Art. 2. Il sera créé et délégué sur les biens nationaux des assignats pour une somme équivalente aux deux tiers de la valeur supposée de ces biens; et seront ces assignats donnés en échange ou remplacement des susdits titres de créances.
Art. 3. Ces assignats ou délégations seront transmissibles par endossement et à volonté, ainsi qu'il est d'usage pour les lettres de change et seront divisés par portion de 1,000, 300, 200 et 100 livres.
Art . 4. Il sera attaché une prime sur le pied de 4 0/0 l'an, pendant quatre ans, c'est-à-dire 160/0 pour quatre années, à compter de la date de leur émission, laquelle prime sera divisée ainsi qu'il suit :
Art. 5. Cette prime sera de 8 0/0 pour les assignats qui seront apportés aux ventes des biens nationaux dans le cours de la première année de leur émission et s'accroîtra, savoir : de 4 0/0 pour ceux qui seront apportés dans la seconde année; de 3 0/0 dans la troisième; de 2 0/0 dans la quatrième.
Art. 6. La prime cessera d'être exigible pour lesîassignatsqui n'auront pas été apportés aux ventes des biens nationaux dans le cours de quatre années, à partir de la date de leuï émission, et restera dès lors convertie en un intérêt de 3 0/0 l'an, à compter de ladite date, lequel se cumulera avec le capital, pour en être fait compte seulement lorsque lesdits assignats seront employés dans l'acquisition des biens nationaux.
Art. 7. Les assignats de la création du 16 avril 1790 pouront être échangés contre les assignats à prime qui sont créés par le présent décret; auquel cas il sera fait compte au porteur des intérêts échus.
Art. 8. Les porteurs de titres de la dette exigible qui ne voudraient pas les convertir en assignats sur les domaines nationaux, dans le susdit emprunt d'amortissement, y recevront des
obligations nationales en échange, lesquelles porteront intérêt à 3 0/0 l'an. En conséquence, et à à compter du 1er janvier 1791, il ne sera plus fait compte d'aucun intérêt au-dessus de 3 0/0 sur quelque partie que ce soit de la dette exigible.
Art. 9. Tous les assignats émis en vertu du présent décret, qui, après les quatre années échues de la date de leur émission, n'auront pas été employés dans l'acquisition des biens nationaux et auront ainsi perdu l'avantage de la prime, resteront dans l'emprunt ainsi et sur Je pied qu'il a été dit dans l'article ci-dessus. Ils continueront d'être admis, dans les ventes des biens nationaux, en concurrence avec l'argent el avec les susdites obligations nationales; et à défaut, seront, ainsi que lesdites obligations, remboursés à la caisse de l'extraordinaire avecles deniers provenant de ladite vente, lequel remboursement sera fait dans l'ordre et au rang qui sera pour lors fixé.
Art. 10. Il sera émis une quantité d'assignats semblables à ceux de la création du 16 avril 1790, laquelle ne pourra excéder la somme de 200 millions et sera exclusivement employée au service nécessaire du Trésor public et à mesure qu'il y faudra pourvoir.
Art. 11. Et pour rétablir la confiance des capitalistes et des étrangers, si souvent ébranlée depuis plusieurs années par les divers projets de papier-monnaie qui ont été proposés pour la liquidation de la dette publique et les dépenses du gouvernement, l'Assemblée nationale décrète, comme article constitutionnel, qu'il ne sera plus, à l'avenir, créé dans le royaume aucune espèce de papier forcé en circulation, sous quelque dénomination que ce puisse être.
Plusieurs membres demandent la question préalable sur ce projet de décret.
La question préalable est prononcée.
, secrétaire, commence la lecture des divers projets de décrets déjà connus de l'Assemblée.
Pendant cette lecture, beaucoup de membres lui font passer de nouveaux projets.
Les projets lus émanent de MM. Gigongne, An-son, Malouet, de Custine, de Lablache, aeGouv, Rewbell, de TGustain-Virày, d'Allarde, Blin, d'Harambure, LeGouteulx, Pisondu Galand, Barnave, Dubois-Grancé, de Glermont-Tonnerre, Poignot.
L'Assemblée nationale est au moment de jeter dans la circulation une masse effrayante de papier-monnaie. (On observe que la discussion est fermée.) J'ai l'honneur de répondre que c'est un amendement.
Le règlement porte que la discussion étant fermée, les questions seront réduites par oui ou par non. Parler sur la manière de réduire laquestion, c'est exécuter le règlement. Beaucoup de personnes se sont fait inscrire pour exposer leur opinion sur cet objet. (Onlit la liste ; il s'élève beaucoup de murmures.) On témoigne de l'étonnement de voir tant de personnes inscrites pour la parole et l'on demande à s'occuper de la question de priorité; le vœu de l'Assemblée fait ma loi.
Je crois de la justice de l'Assemblée de s'expliquer clairement et avec loyauté sur la nature des engagements qu'elle prend avec les porteurs d'assignats. Je demande donc qu'elle
décide si elle payera les faux assignats. (Les murmures augmentent.)
L'Assemblée décide que M. de Gazalès ne sera pas entendu.
demande la priorité pour le projet de décret de M. Poignot.
Ce projet de décret contient 6 articles, les 3 premiers sont ainsi conçus :
« Art ler. Toutes les créances sur l'Etat, à l'ex^ ception de
celles constituées en rentes viagères ou perpétuelles, et de celles à terme, seront
remboursées à mesure des liquidations, et suivant l'ordre qui seraindiqué, en
assignats-monnaie sans intérêt.
« Art. 2. En aucun temps et sous aucun prétexte, il ne sera mis en circulation au delà d'un milliard d'assignats.
« Art. 3. Il ne pourra être fait des assignats au-dessous de 100 livres; mais il en sera fait de 125 livres, de 150 livres, et ainsi dans les diverses coupures, qui seront jugées les plus propres à favoriser les échanges. »
D'après la multitude des projets de décrets présentés, il est difficile d'accorder la priorité à aucun d'eux avant d'avoir dégagé les propositions principales des dispositions réglementaires. La première question à proposer est celle-ci : Pourvoira-t-on actuellement au remboursement total de la dette exigible à termes échus ou à échéance prochaine?. 2° Le mode du payement sera-t-il uniquement en assignats forcés ou en assignats non forcés, ou résultera-t-il de la combinaison de ces deux modes? Déterminera-t-on un terme au delà duquel ne pourra pas s'élever l'émission du papier forcé? Ce terme excédera-t-il 800 millons? Quoique je pense que la monarchie serait dissoute, si nous consultions les provinces, je crois cependant que quand vous avez dit que le vœu du commerce serait entendu, que quand, le 3 novembre, vous avez décrété que vous ne disposeriez des biens nationaux que sur l'instructiondes provinces..... (Il s'élève des murmures.) On interprète mal ma pensée, si l'on conclut de ce que je dis que je veux m'opposer à la vente des biens nationaux ; je n'avais pas été de l'avis de votre décret, mais à présent je reconnais que la vente de ces biens importe au salut public.-
La discussion est fermée. Je respecterai votre décret et je ne me permettrai pas de suivre les observations du préopinant, je me bornerai à demander c(ue la priorité soit accordée à la motion qui paraît la plus claire et qui conduira le plus promptement à la délibération. Celle de M. Barnave me paraît remplir éminemment cet objet. Après un mois de discussion, il vaut mieux se renfermer dans un décret qui exposera les deux principes de liquidation et les grandes bases de cette opération. Je trouve dans la proposition de M. Poignot un défaut capital. Il propose de ne rembourser que ce qui est déia échu. Un décret qui, d'un seul mot, exclurait du remboursement des créances en valeur de 560 millions qui offrirait encore à l'agiotage une opération lucrative, qui détournerait de la vente des biens nationaux pour 560 millions de créances, que les propriétaires garderaient, parce qu'elles portent intérêt, ne peut être adopté. Je demande que l'Assemblée décrète d'abord ce grand principe, qu'elle est décidée à remboureser en totalité la dette exigible désignée par le comité des finances. Je demande encore qu'elle adopte le second article de M. Barnave, mais je présente un amen-
dement à cet article. M. Barnave propose de borner à un milliard l'opération simultanée des assignats; mais ce n'est pas au hasard, c'est d'après un calcul certain que celte opération doit être faite. Les effets suspendus, l'arriéré des départements, les effets circulant sur la place, etc., forment un capital de 790.millions800 mille livres. Il est problable que la seule somme de 800 millions pourra suffire pour toute l'opération, en faisant faire la navette à tous les assignats circulant.
En accordant la priorité à l'un de ces projets de décrets, vous ne pouvez avoir en vue que de préndre un canevas des délibérations, sans rien préjuger. Il me semble que M. deBeaumetz s'est trompé en réclamant la motion de M. Barnave. Vous avez à vous décider sur des questions qui sont la base fondamentale de l'opération ; les trois premiers articles de la motion de M. Poignot vous présentent, sauf amendement, le moyen de terminer prompte-ment la délibération. Dans la circonstance où nous nous trouvons, quel que soit le parti que vous preniez, tous les bons citoyens se réuniront pour le soutenir, et ils le, soutiendront; mais il est un ordre à établir, qui peut rallier tous les esprits; il faut décider d'abord quelle somme d'assignats pourra être mise simultanément en circulation. En conséquence, le second article de M. Poignot deviendrait la première question. Ceux qui ont combattu l'immense quantité d'assignats pour 2 milliards se réuniraient à cette opinion. La seconde question regardera le mode de remboursement, et la mesure des assignats cessera de paraître dangereuse avec la certitude qu'on n'ira pas au delà d'un miliard, sauf l'amendement de M. deBeaumetz. Je demande donc qu'on mette aux voix le second, puis le premier, puis le troisième article du projet de décret de M. Poignot.
J'ai demandé que les dettes à termes fussent exceptées du remboursement; en effet elles montent à 560 millions : il y a 400 millions d'assignats en circulation, 200 millions sont nécessaires pour les besoins du Trésor public; la dette suspendue s'élève à 108 millions, la dette arriérée à 100 millions ; ainsi vous auriez délivré 1,368 millions d'assignats avant d'avoir rien fait pour les créanciers du clergé, pour les titulaires d'offices et autres; et si vos ventes n'étaient pas aussi rapides que vous l'espérez, vous seriez obligés ou de différer le remboursement de ces créanciers, qui ont tant de droit à votre justice, ou de créer une plus grande quantité d'assignats. C'est pour cela que j'ai demandé que la dette à terme fût réservée, et que ces objets passassent auparavant. Mous ne savons à quelle somme peuvent monter les biens nationaux, je crois qu'ils peuvent s'élever à 2 milliards 500 millions, ou 3 milliards; mais il y aurait moins de danger à se trouver de 500 millions au-dessus, que de 500 millions au-dessous. Voilà mes motifs, je vous les soumets. (On applaudit.)
On complique maintenant la question par des observations incidentes; d abord celles d'un des préopinants ont roulé sur des suppositions extrêmement fausses. Personne n'a dit que la dette exigible montât à 1,900 millions; un autre préopinant a encore compliqué la question par le calcul effrayant du nombre des assignats qui peuvent se trouver en circulation. Ou n'a jamais prétendu
que rémission de toute la somme qui pourra être nécessaire dût être simultanée, et ce n'est que pour guérir l'imagination que M. Barnave a stipulé, dans son projet de décret, qu'il n'y aurait jamais plus d'un milliard en émission. Je n'ai demandé la parole que pour dire que je trouve dans les principes de la pieuse nécessité des circontances... (Des rires se font entendre dans la partie droite.) Peu m'importent les rires de ceux qui trouvent l'impiété dans la liberté. Je voudrais qu'on nous dît sans ambages pourquoi nous décrétons plus que nous ne devons, nous ne devons que la dette exigible échue. C'est une chose inutile de déclarer que jamais il n'y aura plus d'un milliard en circulation. Si l'on dit que l'émission ne sera que simultanée, c'est une chose niaise, car c'est la nécessité de. la nature des choses. Je demande si, par impossible, sans qu'il y eût des assignats rentrés, un créancier venait, sa créance échue à la main, vous demande de l'argent, vous pourriez le refuser? Je finis par Une remarque de détail, et j'observe que 800 millions sont échus, et qu'il n'y a pas de raison pour ne pas se mettre au courant. J'invite à bien remarquer que l'émission dont il s'agit est au dehors des 400 millions déjà en circulation.
M. de Mirabeau a proposé une première émission de deux milliards; je demande pourquoi il nous dit aujourd'hui que nous n'avons pas besoin, à beaucoup près, de cette somme?
Ma réponse est extrêmement simple : d'abord le comité n'a porté la dette exigible qu'à 1,400 millions; quant à moi, mon premier discours, mon premier décret est imprimé; j'atteste mon discours et les journaux que je n'ai pas proposé une émission de deux milliards. Dans mon second discours, qui est également imprimé, j'ai demandé un milliard pour la dette rigoureusement exigible : voilà comme la mémoire de M. Malouet n'est pas toujours très heureuse et très fidèle.
On demande que la discussion soit fermée.
M. l'abbé Maury réclame la parole. — On la lui conteste. — L'Assemblée décide qu'il sera entendu.
Nous nous Occupons d'un principe, et l'on vous mène aux conséquences. On nous propose un décret, et l'on veut qu'il en renferme dix. Notre marche est tracée : sur quoi avons-nous délibéré ? Sur les besoins du Trésor public. M. le président pourrait mettre aux voix la question de savoir quelle somme est nécessaire pour le service du reste de l'année courante, et pour lé commencement de l'année prochaine. Cette difficulté résolue, les deux opinions contradictoires se trouveront l'une devant l'autre; on décidera alors cette question : Le Trésor public remboursera-t-il la dette constituée en assignats forcés, oui ou non? C'est-à-dire l'Assemblée nationale veut-elle placer la nation entre le Trésor public et les créanciers de l'Etat ? L'Assemblée nationale voudra-t-elle que le commerce et l'agriculture. .. ? (On rappelle qu'on ne peut se permettre aucune discussion.) On a élevé des sophis-mes qui ne seraient pas difficiles à combattre. L'appel nominal doit porter sur la seconde question que j'ai posée.
(La discussion est fermée sur la question de priorité.)
(MM. de Montlosier et de Folleville réclament. Il est impossible de les entendre.)
Vous discutez depuis un mois ce principe :1a dette exigible sera-t-elle liquidée par des assignats? seront-ils libres,seront-ils forcés? Voilà les objets de votre délibération.
Le côté droit réclame la discussion sur la priorité.
Après de longues agitations,. M. Demeunier saisit un moment de silence pour faire lecture des articles de M. Poignot. — Il est interrompu.
Dans une question dont les suites sont si importantes, je vous demande le silence. Vous vous le devez à vous-mêmes, car c'est votre loi.
Je demande la parole.
A l'ordre 1 Monsieur.
Je veux parler.
A l'ordre! Monsieur.
Dussé-je être mis à l'ordre, dussé-je éprouver toutes les punitions qu'on voudra, rien ne pourra m'arrêter. Je déclare, en présence de la capitale et de tous ceux qui sont dans les environs, que, si l'on ne pose pas textuellement la question, tout le monde pourra dire que je n'aurai participé en rien à la délibération. (Une partie du côté droit se lève pour s'unir à cette délibération). La question se borne à ceci : Y aura-t-il des assignats-monnaie, oui ou non ?
Voici à quoi se réduit en effet la question : La dette exigible sera-t-elle remboursée en assignats-monnaie ? Voilà la première question. (La grande majorité se lève pour appuyer cette manière de la poser.) Je propose ensuite cet amendement : Il n'y aura pas en même temps plus de 800 millions d assignats en circulation : or, d'après vos principes, l'amendement doit être délibéré avant la motion. (La partie droite réclame. \ Vous n'avez pas d'autre route que la route légitime ; la route légitime est celle que prescrit le règlement, et à cet égard le règlement est formel. (La partie droite fait entendre de longs murmures. On demande à aller aux voix.)
L'Assemblée délibère, et la priorité est accordée à la question posée par M. Camus.
Il fait lecture de son amendement rédigé en ces termes :
« En aucun temps et sous aucun prétexte, il ne sera mis en circulation au delà de 800 millions d'assignats, outre les 400 millions existants. »
(On applaudit. — Une grande majorité appuyé cet amendement.)
monte à la tribune.
L'amendement est mis sur-le-champ aux voix, et décrété. L'Assemblée applaudit.
La droite se soulève.
s'élance de la tribune au bureau du président. — Quelques membres de la droite le suivent. — Il parle avec violence. — Il fait des gestes menaçants. — Un codéputé de M. le président court se placer entre M. de Cazalès et lui. —Les huissiers entourent M. le président qui se couvre. -— La majorité applaudit, se découvre et reste dans le silence. — Le tumulte de la minorité recommence. — Elle devient un moment silencieuse. — Les agitations violentes de M. de Cazalès continuent ainsi que ses
menaces au président, qui demeure ferme, et impose silence. —Quelques applaudissements se font entendre. — M. le président s'élève contre ces applaudissements. — Pendant quelque temps la délibération reste suspendue. — Peu à peu le tumulte de la droite diminue. — Le calme se rétablit.
Quand j'ai réclamé la première fois l'ordre et le silence, qui conviennent à vos délibérations, si je n'eusse été interrompu, j'ose dire d'une manière indécente, je crois que j'aurais prévenu la scène au moins désagréable... (Plusieurs voix s'élèvent: Dites scandaleuse.) On dit qu'on n'a pas entendu, quand j'ai mis aux voix l'amendement de M. Camus ; je vous propose, pour qu'une délibération de cette importance ne soit point accusée, de recommencer l'épreuve.
(Le tumulte de la droite se renouvelle.)
s'écrient : Faites-nous connaître maintenant la question sur laquelle nous avons délibéré.
demande la parole.
Quelques membres de la partie gauche s'opposent à .ce qu'il l'obtienne ; d'autres, du même côté, appuyent sa demande.
On relit la motion et l'amendement, il se fait un grand silence.
On propose ici deux sous-amendements ; l'un consiste à réduire à 200 millions les assignats qui seront décrétés ; l'autre à n'avoir en circulation que 800 millions d'assignats, y compris ceux déjà décrétés.
Je demande que les amendements soient divisés de la question principale, et qu'en conséquence cette question soit mise immédiatement aux voix.
L'Assemblée décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur le sous-amendement de 200 millions.
La question préalable est invoquée sur le second sous-amendement. Une première épreuve paraît douteuse.
On observe que ce sous-amendement n'exprime pas la quantité absolue qui sera mise en circulation, mais la quantité qui y sera mise à la fois.
Que veut dire à la fois?
J'avais entendu, par l'amendement sur lequel le sous-amendement a été fait, que jamais il n'y aurait en circulation plus de 1,200 millions d'assignats, parce qu'on craignait que la circulation ne fût gênée par une plus grande quantité. Voici l'amendement en termes très clairs :
« Il n'y aura pas en circulation au delà de 1,200 millions d'assignats, y compris les 400 millions déjà décrétés. »
Si l'on ne commence pas par la question principale, tout ce côté-ci n'entend pas délibérer.
L'Assemblée décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur le second sous-amendement.
L'amendement de M. Camus est une seconde fois décrété.
Une partie de la droite ne prend point de part à ces deux délibérations.
On demande à aller aux voix par appel nomi-
nal sur la question principale, ainsi posée : « La dette non constituée de l'Etat et celle du ci-devant clergé seront remboursées, suivant l'ordre qui sera indiqué, en assignats-monnaie, sans intérêts. » L'amendement de M. Camus est joint à cette proposition.
On invoque le règlement contre la demande de l'appel nominal.
Un de MM. les secrétaires lit les dispositions suivantes : Les voix seront prises par assis et levé) et s'il y a du doute elles seront recueillies par appel nominal.
le jeune. Je déclare que mon opinion personnelle étant qu'il doit y avoir en circulation 1,200 millions d'assignats, par l'am-biguité du décret proposé par M. Camus, il m'est impossible de voter. On croirait, ce qui n'est pas, que l'Assemblée décrète plus de 1,200 millions, et que ees assignats feront la roue. Il faut dire qu'il sera fait une émission de 800 millions d'assignats qui, réunis aux 400 millions déjà décrétés, formeront la somme de 1,200 millions; qu'il ne pourra être fait uue autre émission que par un décret de l'Assemblée nationale, et d'après les renseignements qui sëront donnés par les départements.
Nous appuyons l'amendement de M. de Grillon.
Un de MM. les secrétaires fait lecture de la motion principale avec l'amendement décrété :
« Art. 1èr La dette non constituée de l'Etat, et celle du ci-devant clergé, sera remboursée, suivant l'ordre qui sera indiqué, en assignats-monnaie, sans intérêts.
« Art. 2. Il n'y aura pas en circulation au delà de 1,200 millions d'assignats, compris les 400 millions déjà décrétés.
« Art. 3 Les assignats qui rentreront dans la caisse de l'extraordinaire seront brûlés; et il ne pourra en être fait une nouvelle fabrication et émission sans un décret du Corps législatif, toujours sous la condition qu'ils ne puissent ni excéder la valeur des biens nationaux, ni se trouver au-dessus de 1,200 millions en circulation. »
On applaudit. — On demande à aller aux voix.
L'appel nominal est de nouveau réclamé.
M. le président, vous devez exécuter le règlement, il ordonne qu'on aille aux voix par assis et levé.
La motion principale est mise aux voix.
M. de FoIIeville réclame le doute, et demande l'appel nominal. — La droite l'appuie.
Je ne crois pas qu'il y ait du doute, cinq de MM. les secrétaires sont du même avis.
et la partie droite renouvellent la demande de l'appel nominal.
Après de longues agitations, M. le président propose de faire une seconde épreuve, ou de consulter l'Assemblée pour savoir s'il y a du doute.
Le règlement dit positivement que s'il y a du doute on procédera à l'appel nominal.
demande la parole.
Si l'on ne procède pas à l'appel nominal, j'invite tous ceux de mon opinion à manifester demain leur vœu par écrit
(Une partie du côté droit se lève pour répondre à cette invitation.)
L'appel nominal éclairera les consciences.
La partie gauchedemande l'appel nominal, et l'on y procède.
La motion principale amendée est adoptée à une majorité de 508 voix contre 423. (On applaudit de toutes parts.)
La séance est levée à huit heures et demie.
A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE DU
Des assignats, par M. ûupqrt, député de Paris (1).
Lorsqu'on vous proposa, Messieurs, il y a 3 mois, le projet d'une vente de 400 millions aux municipalités, j'osai la combattre dans cette tribune, comme présentant une manière partielle et dangereuse de disposer des biens nationaux. Aujourd'hui l'on soumet à votre délibération une idée vaste et grande, la seule, à mon sens, qui soit en proportion avec nos besoins et les circonstances, qui arrive jusqu'à la racine de nos maux, qui rétablisse nos finances, notre agriculture, qui ranime partout le travail, ce premier besoin de tous les pays policés, cé principe unique de la richesse, delà prospérité et de la tranquillité publique; la seule enfin qui soit le sceau et comme la garantie de notre heureuse Révolution.
Ce n'est pas ici le lieu de savoir si la France même, sans les propriétés immenses qu'elle possède, ne devrait pas créer un papier circulant, pour suppléer à la rareté des espèces : il n'est pas temps d'examiner si, au sortir d'une Révolution aussi complète, après la réunion de tant de causes naturelles et forcées de la disette numéraire, il ne serait pas nécessaire de créer un papier circulant qui pût rendre inutiles les efforts de nos ennemis, en soutenant notre commerce, notre agriculture, et nous aider à franchir, sans désastre, le court intervalle qui nous sépare encore des jours de la paix et de la prospérité. Mais vous refuseriez d'entrer dans tous les détails longs et abstraits de cette importante question, et vous désirez que la discussion se resserre dans les bornes que lui assigne la situation actuelle des choses. Je vais donc examiner la question des assignats, en la liant aux différentes circonstances qui les accompagnent, et aux diverses conditions sous lesquelles on propose qu'ils existent.
Quelle est notre position actuelle? nous avons des dettes exigibles, et pour les payer, nous n'avons que deux moyens : vendre des biens qui sont en régie, et établir des impositions. Quel
est notre désir, notre devoir? De payer nos dettes, de nous libérer entièrement, de veodre dos biens promptement et à bon prix, de soulager le peuple d'impositions. Or, je prétends que les assignats réunissent seuls ces trois avantages.
I. — Avec des assignats, nous payons nos dettes avec justice; car nous devons de l'argent à nos créanciers, à défaut d'argent nous leur remettons un effet qui a toutes les propriétés de l'argent, et une de plus, celle de faire vendre les biens nationaux. Le créancier immédiat peut, avec des assignats, acheter des terres,' placer ses fonds dans le commerce, les prêter à un acheteur, payer ses dettes, ou en faire tel usage qu'il lui plaît. Il n'est pas lésé. Le créancier de celui-ci a les mêmes moyens, et l'assignat parcourt ainsi toutes les transactions, opère toutes les soldes, jusqu'à ce qu'il arrive dans les mains de celui qui veut l'employer réellement, c'est-à-dire à acheter une terre. Là il se repose, il s'arrête, et bientôt il est anéanti. Personne n'est donc lésé, à moins que les assignats ne viennent à perdre, mais outre les moyens que je vous proposerai, par la suite, pour empêcher cet effet, la valeur de l'assignat n'est point idéale et de pure convention ; elle est l'effet d'une contre-valeur solide de la terre qui lui donne la propriété d'une véritable lettre de change, payable en terre au dernier porteur.
2° Avec des assignats nous sommes entièrement libérés, car, certains une fois de la justice de votre payement, et de l'impossibilité du retour contre vous, vous rayez de votre liste vos créanciers et leurs titres. Vous dites à tous ceux à qui vous devez : prenez mes terres, en voilà le moyen; vous dites à tous ceux qui. veulent acheter des terres : en acheter des assignats, voilà le moyen. Dès lors, plus de cet arriéré scandaleux, plus de cet exigible si embarrassant, plus de soupçon d'injustice dans l'opération sublime de l'abolition de la vénalité des offices, plus de prétextes et de ressources à la mauvaise foi des ministres et de leurs agents; plus de mélange d'ordinaire et d'extraordinaire plus d'enchevêtrement d'exercice, tout est soldé sur-le-champ ou dans l'année, nos comptes sont clairs et simples, notre crédit est assuré, mdtif bien puissant dans ces conjonctures où les ennemis du dehors voudraient peut-être profiter du moment où nous nous livrons à l'arrangement de nos affaires.
II. — Il faut vendre nos biens promptement à un bon prix. Pour cela, deux choses sont nécessaires : 1* Donner aux citoyens un grand intérêt à les acheter ; 2° leur en faciliter les moyens. Il n'est qu'une manière d'intéresser tous les citoyens à acheter et par conséquent de vendre, c'est d'intéresser l'existence et la fortUhe de tous à cette vente. Qu'elle devienne le principe du bonheur général, si elle a lieu, ou qu'elle cause un malheur général, si elle ne se fait pas. Voilà le secret de l'opération. Il est hardi, mais sûr et indubitable. Demandez aux anciens possesseurs des biens, s'ils veulent des assignats. Demandez aux ennemis de notre Constitution s'ils veulent des assignats, et jugez sur leur réponse s'ils ne les regardent pas comme l'arrêt de leur dépossession. Les assignats comptent, je le sais, des patriotes parmi leurs adversaires ; mais cela tient à des causes que je discuterai plus bas.
2° Il faut faciliter aux citoyens le moyen d'acheter, sans quoi vos biens ne se vendront pas, ou se vendront mal, et vous manquez la plus essentielle de vos vues, celle de multiplier les propriétaires et de diviser les propriétés.
Cette vérité a été portée jusqu'à l'évidence par un honorable membre, M. de Cernon, qui a démontré qu'il fallait chercher moins à vendre pour payer, qu'à payer pour vendre. Ce qui signifie qu'il faut fondre dans la circulation tous ces capitaux impropres aux transactions, les diviser, les répandre, afin de les proportionner avec toutes les divisions possibles des biens nationaux, et que partout où ie désir d'acheter se trouve rapproché du besoin de vendre, cette double volonté puisse s'effectuer par l'intermédiaire d'un effet sans cesse apporté par le cours naturel de la circulation auprès de chaque individu, et qu'il peut ainsi se procurer sans effort et sans perte.
On ne fait pas d'attention, je trouve, à la situation de nos biens, dans la main et sous l'administration des directoires, et au spectacle scandaleux de tant de propriétés dans l'état de saisie réelle, et loués par baux judiciaires. On connaît les abus de cette espèce de gestion où tout est absorbé par les frais. Onne calcule pas non plus combien il sera difficile de retirer les biens de cette administration. On ne peut nier que les membres des directions, même sans "un motif honteux ne forment bientôt secrètement des vœux pour voir se prolonger dans leurs mains une régie opulente qui ajoute à l'importance de leur place, qui augmente et fortifie les liens de tout genre qui leur attachent leurs concitoyens, en les mettant à même de leur être utiles. Ajoutez le désir des fermiers d'acheter les terres avec des termes, ou de se voir continuer après l'expiration de leurs baux, ajoutez l'intérêt du peuple qui les entoure, les efiorts des anciens possesseurs et des mécontents et vous verrez quelle masse de résistance s'élèvera contre vos intentions, si vous ne parvenez à associer tous les citoyens au désir de voir la vente s'opérer, et si vous ne prenez courageusement une mesure qui, contenant en elle-même le principe' de son action, brave la malveillance des hommes, trompe leurs efforts ouverts ou secrets, tourne en notre faveur tous les intérêts qui maintenant militent contre vous, qui prévienne la dilapidation de nos biens, en faisant cesser la régie des directoires, en même temps à ces institutions naissantes l'espoir de la régénération de l'esprit public et des mœurs, les travaux, les difficultés, les séductions de tout genre et la calomnie qui ne manquerait pas de s'attacher à leurs opérations. Décrétez qu'il sera fait des assignats et confiez ensuite à l'intérêt le soin de se faire paver. C'est un allié sûr et puissant, que l'intérêt. Il ne trompe jamais. Il De vous trahira point, lorsque vous lui remettrez le succès de votre opération.
III. Je ne m'arrêterai pas longtemps à vous prouver combien est sage et juste une opération qui permet de soulager le peuple de 100 millions d'impositions. Mais je vous prierai. d'observer que cela est absolument nécessaire dans notre position actuelle et qu'avec des assignats vous avez l'avantage de faciliter le payement des contributions qui restent, d'abord par la diminution même, ensuite parce que la matière imposable s'augmentera de tous les secours donnés au travail et à l'agriculture, et que la circulation ramenant plus promptement les moyens de vivre et de payer, rend moins sensible la charge des impositions. Enfin, Messieurs, vous facilitez le moyen d'acquitter les droits féodaux et d'en rembourser le capital, et cette liquidation a cet avantage heureux qu'elle ranime la fortune déjà affaiblie des anciens seigneurs, qu'elle ramène la tranquillité dans les campagnes et qtt'ori'fléut
entrevoir le moment où le sol ne sera plus grevé d'aucune charge que de l'impôt.
En tin, partout les affaires languissent ; on cherche en vain à emprunter; on demande en vain ce qui est dû, on désire en vain de se libérer, rien ne se fait, tout est en stagnation par le défaut de moyen et de signe d'échangé ; les assignats vont tout ranimer, tout revivifier.
Qui peut contrebalancer tant d'inappréciables avantages? Discutons un moment les autres plans de délibérations proposés.
Il n'y a que deux manières de rembourser la dette exigible, de même qu'il u'y a que deux espèces de biens meubles et immeubles. Si vous ne donnez pas en remboursement un effet mobilier, vous donnerez un immeuble ; aussi vous propose-t-on des quittances de finance. Or, c'est une chose bien remarquable que l'opération des quittances réunit sans exception tous les inconvénients que nous devons éviter; car elles ne payent pas avec justice les créanciers de l'Etat, elles ne nous libèrent pas, elles ne font pas vendre les biens, elles nous forcent à mettre.des impositions.
I. — Elles ne payent pas avec justice ; car, des sommes qui ont sur la nation une créance exigible à qui elle doit de l'argent, doivent recevoir de l'argent ou un effet qui en ait toutes les propriétés, avec lequel on puisse acquérir, payer des dettes, faire toutes sortes de placements, ou même pourvoir aux besoins journalier, de la vie* Mais donner à des créanciers d'une dette exigible un parchemin qui n'est bon qu'à acheter des terres, c'est les forcer à recevoir une Constitution, opération trouvée si injuste sous l'ancien régime, ou les forcer à acheter des terres, lorsqu'ils ne veulent ou ne peuvent pas le faire.
II. — La nation n'est pas libérée, cela est évident; car elle n'a fait que donner un titre nouvel contre elle. Elle doit toujours des capitaux, et toujours des intérêts, jusqu'au moment indéfini et impossible à prévoir où ses biens seront vendus. Gomment peut-on vous proposer comme un moyen de libération, une nouvelle charge qui n'est compensée que par le produit des biens nationaux, produit presque nul, et qui nécessite le plus embarrassant, le plus obscur, et le plus ridicule de tous les comptes entre les directoires et l'Assemblée nationale ?
III. — Nos biens ne seront pas vendus. Cela me paraît facile à prouver ; car, voici ce qui arrivera. Si par l'opération des quittances de finance, vous restez chargés de 100 millions d'intérêts, vous mettrez 100 millions d'impositions pour les fonder, votre loyauté ne permet pas d'en douter ; alors ou les impôts seront payés ou ils ne le seront pas. S'ils n'étaient pas payés, votre -Constitution serait détruite. S'ils le sont, comme tout bon citoyen doit le croire, vos biens ne seront pas vendus; car, des particuliers qui jouiront de 5 0/0, d'intérêts, ne s'empresseront pas à acheter des biens qui ne leur en rapporteront pas 3, puisqu'ils seront sûrs d'être payés, que la force publique est prête à se développer en faveur de leur propriété, et qu'en général les capitalistes sont moins touchés de la simplicité et de la vérité des plaisirs de la campagne que de l'exacte et périodique rentrée de leur argent.
Je sais bien que l'on a proposé deux choses pour remédier a ce terrible inconvénient. On a proposé de réduire à 1/2 0/0 d'intérêt des quittances de finance. On a proposé aussi d'imputer l'intérêt sur le pied de la vente; mais ceux qui ont appris de l'abbé Terrai cet expédient de rô-
duire pour se libérer, devraient être plus hardis et demander la suppression entière des intérêts ; car une fois que I on n'est plus retenu par la justice, je ne vois plus rien qui puisse empêcher de faire tout ce qui plaît ou convient. Jusqu'alors on avait pensé que la loi même ne devait pas fixer l'intérêt de 1 argent, encore moins le placer pour son avantage au-dessous du taux commun, et qu'il n'y avait pas de milieu, ou de rendre un capital ou d'en payer l'intérêt courant. Mais d'autres idées s'établissent, ou plutôt sont mises en avant tous les jours sur la morale et l'honnêteté. On ne sait plus bientôt où est la vertu, lorsque les actions les plus répréhensibles en prennent hardiment le nom. Des hommes, qui ont prêché le papier-monnaie véritable, au moment où il n'avait ni fondement, ni excuse, viennent ici jeter les hauts cris, lorsqu'un papier soutenu d'une valeur territoriale est présenté à ia France comme sa seule ressource. Il est des hommes à qui les contradictions ne coûtent point, et qui n'ont rien de constant que leur opposition à la raison et à l'intérêt public. Mais malheureusement ces moyens injustes sont encore funestes, car l'intérêt de la quittance de finance s'accroît tous les jours, jusqu'au moment où il est absorbé dans la vente ; il est évident que le dernier porteur, loin d'être pressé d'acheter, a intérêt à garder un papier dont la valeur augmente avec letemps, parce que les billets nationaux loin de se précipiter vers les terres,sont encore ralentis dans leur course. Ajouter que vos porteurs d'effets ont encore l'intérêt de laisser dépérir les biens dans l'espérance de les acquérir à meilleur marché.
Mais, tranchons le mot. Qu'est-ce pour opérer cette vaste opération que quelques centaines d'hommes qui seuls aux yeuxae la nation entière disposeraient du sixième peut-être de son territoire? n'est-ce pas donner à tous les citoyens un penchant pour contrarier la vente? Quoil dans la plus vaste, la plus importante de toutes les opérations nationales, les citoyens y seront étrangers, leur argent même sera repoussé par des titres civils? Comment des biens seront-ils vendus avec des capitaux qui ne se prêtent à aucune division qui ne circulent pas, qui sont susceptibles de hausse et de baisse dans ce marché étroit et resserré de ia„place, où l'intérêt, la méchanceté, toutes les passions ont des effets si sensibles? Quelle est cette nouvelle et absurde: mesure d'échange qui est raide et inflexible, et qui n'est propre à rien mesurer ? Qu'est-ce que des immeubles pour acheter d'autres immeubles? Appelez tous les Français, même les étrangers à se procurer vos billets d'achats, ayez les Français pour acheteurs, et la France entière pour marché, et vous vendrez mieux, plus- sûrement et plus noblement.
On a tout dit aux hommes honnêtes, aux bons .citoyens, aux hommes qui usent de la raison, lorsqu'on leur a démontré la nécessité d'adopter une mesure. Il n'est ni d'un bon esprit, ni d'un cœur droit, de chercher à se débattre contre un irrésistible pouvoir; et les efforts qu'on oppose à ce qui doit nécessairement arriver, ne sont pas seulement inutiles, ils sont encore dangereux. Néanmoins, Messieurs, c'est un avantage qu'il ne faut pas négliger que de résoudre, lorsqu'on le peut les difficultés qu'on présente. Il est heureux de pouvoir attribuer à la raison' seule un parti que la nécessité avait commandé avant elle. Je ne les parcourai pas toutes, je m'arrête à celle qui posait le plus important, le surhaus-.sement des denrées.
On a cherché, pour vous effrayer, Messieurs, à vous rappeler les temps du système de Law, et de ranimer cette terreur héréditaire qu'il a transmise jusqu'à nous. Ceux qui ont bien lu l'histoire du système, savent bien qu'il n'avait rien de commun avec ce qu'on propose : eh bien 1 moi, j'admets l'objectjon. Vous vous souvenez en même temps, Messieurs, d'avoir lu avec quels séduisants dehors de richesses et de prospérité il s'annonça; l'agriculture se ranima, le commerce fleurit, tout concourut à l'ivresse dans laquelle la France fut plongée, quelques opérations trop hardies, des mesures mal prises, commencèrent à donner de l'inquiétude : peu à peu, la confiance se refroidit; les billets revinrent en foule, on ne put les solder. Or, Messieurs, si à cette époque le Mississipi avait pu paraître, vous ne doutez pas qu'il n eût été vendu en trois mois. Eh bien 1 ce Mississipi imaginaire existe ici; ce sont les biens nationaux. Nous voyons ce que nous devons craindre de la plus terrible comparaison à laquelle on ait osé soumettre les assignats.
Je pourrais dire à mes adversaires que cent millions d'impositions que remplacent les assignats augmenteraient bien davantage le prix des denrées, surtout celles de première nécessité, à moins que le propriétaire déjà surchargé ne plie entièrement sous le fardeau et n'abandonne le sol au percepteur. Mais je vais directement au fait. Expliquons-nous. Vous n'entendez pas dire, j'espère, que les denrées ne sauraient être à trop bas prix. Vous ne faites pas consister en cela la richesse et le bonheur d'une nation. Vous n'ignorez pas que si les denrées sont à trop bas prix, les propriétaires sont ruinés, quoique les commerçants puissent momentanément s'enrichir. Vous ne voulez pas non plus que le prix des journées ne payent qu'un pain bien sec à l'homme qui travaille, et que ses enfants et sa femme meurent de faim. Ce n'est pas là votre manière d'enrichir et de rendre heureux une nation. Sans cela vous ne m'inspireriez qu'horreur et mépris. Vous convenez que les denrées doivent payer le prix de leur production avec cette générosité qui engage le propriétaire à doubler ses avances, à multiplier ses efforts et son industrie, à augmenter la part et la masse qui va se partager entre tous. Vous convenez encore que dans cette société entre le propriétaire et le journalier, dans laquelle l'un met son capital et l'autre son travail, chacun doit en tirer de quoi vivre honnêtement. Qu'il faut surtout animer le travail, cette source unique, je le répète, de subsistance, de prospérité et de paix ; que tout est bien ordonné dans un pays, lorsqu'on y travaille beaucoup, car l'intérêt particulier sait bien ensuite rendre utile ce travail. Ainsi, ce n'est point en soi le haut prix des denrées ni l'augmentation qu'elles peuvent recevoir de la richesse et de l'aisance générale qu'il faut craindre, mais seulement le surhaussement soudain et factice qui serait causé par une masse évaluée de numéraire mise dans la circulation; or, je prétends que celle-là ne saurait avoir lieu.
Car lorsque les assignats seront dans le public, il arrivera de deux choses l'une : ou qu'ils perdront contre l'or et l'argent, et alors il s'établira deux prix dans le commerce, l'un contre les assignats et l'autre contre l'argent, ou ils auront une valeur égale entièrement à l'argent et à l'or, les denrées augmenteront el contre les assignats et contre l'argent.
Si les denrées n'augmentent que contre les as-
signats, nécessairement ils sont repoussés de la circulation, il n'y entrera que la quantité qui lui est strictement nécessaire, car personne ne consent à perdre sur un effet lorsqu'il peut le placer ailleurs au pair: or, pendant que le marchand ou le manufacturier repousseront l'assignat, ou le prendront avec perte, le propriétaire qui veut s'arrondir, ou l'homme qui veut acheter des terres, recherche l'assignat, le demande comme l'intermédiaire nécessaire entre son argent et la terre. Il résulte de cette double action que l'assignat va aussi promptement qu'il est possible à la destination, puisqu'il est poussé par le marchand et attiré par le propriétaire. Il ne peut pas exister de mouvements mieux appropriés à leur but, puisque tout concourt à les y diriger. Remarquons en passant que, dans cette hypothèse, les denrées ne surhaussent pas, puisqu'elle restent constamment dans la même proportion avec l'argent ; seulement, dans leur rapide passage au travers de la circulation, les assignats éprouveraient une légère et insensible diminution de valeur. Mais ce n'est qu'une hypothèse dont nous allons voir la fausseté.
Si les assignats conservent, dans toutes les transactions, une valeur égale à l'argent, s'ils roulent avec lui dans la circulation, alors ce n'est plus par leur nature ou leur qualité, mais par leur masse qu'ils peuvent agir, et alors, dit-on, les signes d'échange devenant plus communs, ils s'aviliront, et les denrées, conséquem-ment augmenteront. Il est aisé de démontrer la fausseté de cet effet; mais pour cela, il faut remonter un moment aux principes élémentaires de la question.
Dans tout pays civilisé, le travail des habitants produit toujours au delà de leurs besoins, et de l'excédant accumulé d'années en année se forment ce qu'on appelle des capitaux : ces capitaux devenus durables par l'invention du numéraire, reversés sur la terre et dans le commerce, servent à y fairé naître de nouveaux produits, et la société s'enrichit sans cesse par cette formation successive de produits. Ces vérités sonLconnues.
Ces capitaux n'entrent point directement dans la circulation des meubles, ils ne servent point à acheter des objets de consommation ; car, à moins de se ruiner, personne ne vend un contrat, un fonds, pour acheter un habit, du blé, du vin, etc. Il est bien vrai que l'agriculteur qui emprunte un capital l'emploie en achat d'instruments et d'avances mobilières qui augmentent le prix de ces objets; mais aussi, ils sont, de leur nature, destinés à former de nouveaux produits en améliorant la terre et sa culture. Ainsi, l'augmentation des denrées qui s'opère de cette manière est à la. fois l'effet et la cause de la richesse et de l'aisance, elle est le partage des pays riches et florissants; ce n'est pas, je.pense, celle qu'on redoute ici.
Il y a toujours, dans chaque pays, un nombre plus ou moins grand de capitaux qui, pour devenir productifs, cherchent à se placer* soit dans les entreprises du commerce ou d'agriculture, soit dans les fonds publics, partout enfin où la certitude de revoir son fonds, ou, du moins d'en toucher exactement les intérêts leur est offerte. Ces capitaux roulant, s'il est permis de parler ainsi, dans un lit qui leur est propre, ne se mêlant point dans la circulation des meubles, ne peuvent y porter aucun surhaussement sur aucun renchérissement; or, si les assignats ne diminuent point la masse des capitaux, s'ils servent à en former de nouveaux et à les rendre plus productifs, il
estévident qu'ils ne causent aucun surhaussement comme augmentation factice et forcée dans les prix.
En effet, dans ie projet de donner des quittances de finance aux créanciers de l'Etat, voici comme on raisonne. On dit, il y a des terres à vendre, il y a [des capitaux à rembourser. Il faut donner les terres pour les capitaux. Je dis de même il faut donner des assignats pour les capitaux. Mais vous craignez si fort que du payement que vous allez faire, il ne s'en répande une goutte dans la circulation, que vous croyez devoir l'enfermer dans un immeuble solide, afin qu'il puisse ainsi traverser la route du Trésor national aux terres et biens nationaux ; vous croyez que la moindre extravasion dans la circulation, semblable à un poison funeste, y porterait le trouble et le désordre. Suivons cette marche et les motifs qui vous guident :
1° D'abord tous ceux de vos créanciess qui auraient acheté directement des terres avec vos quittances de finance en achèteront de même avec des assignats, et beaucoup mieux, car la concurrence de l'argent et l'avilissement de la quittance de finance feraient payer les terres au moins le double de leur valeur aux créanciers porteurs de ces dernières ;
2° Si vos créanciers payent les leurs en leur remboursant des capitaux, vous conviendrez encore que les assignats font l'office d'immeubles, excepté que la liquidation du premier créancier s'opère ici avec justice, et de l'autre manière, elle s'opère avec une effroyable perte.
3° Mais voici que vous croyez avoir raison. Si le premier créancier ou le second ont des dettes mobilières, tout est perdu, car ils payent leurs dettes avec des assignats, la circulation en est inondée, et le numéraire s'accroît d'abord : on raisonne sur cela par analogie avec ceux qui existent, sans réfléchir qu'ils ont été donnés pour des arrérages ou intérêts; qu'ainsi ils ont été mis dans la circulation tout de suite ; que loin d'avoir fait enfouir le numéraire, il était plusrarë avant leur émission. Mais reprenons votre raisonnement. Un particulier dont vous faites cesser les bénéfices et qui, au moyen de cela, se trouve dans la nécessité de se liquider, au moment où il cherche à vendre ses terres, à fondre ses capitaux, pour satisfaire ses créanciers, où trente individus attendent leur existence du payement de leurs créances, vous, précisément pour empêcher cé payement que vous regardez comme la ruine de l'Etat, vous remettez au particulier en question un ou plusieurs immeubles, qu'il ne puisse subdiviser, avec lesquels il lui soit impossible de payer ses dettes mobilières ; vous donnez de la terre à celui qui vend les siennes pour se libérer. Ainsi, entre un débiteur et des créanciers malheureux, par votre opération, vous parvenez à les mécontenter tous, lorsque vous pourriez les satisfaire tous. Eh bien 1 ce n'est pas cette effroyable injustice, cette barbare spéculation que jecombats : je dis que les assignats qui auraient servi aux créanciers successifs à se libérer de leurs dettes mobilières, ainsi répandus dans la circulation, y auraient formé de nouveaux capitaux.
En effet, lorsque je paye à un débiteur 1,200 livres que je lui dois, cet homme doit nécessairement en épargner une partie quelconque, sans quoi, il se ruine; cette partie épargnée forme un capital, ou ajoute à des capitaux déjà formés. Il en est de même de tous les payements qui seront faits ; l'ouvrier ou le fournisseur en retirent toujot rs une portion qui forme entre ses
mains une épargne, et ces capitaux ainsi formés sont les véritables, ceux qui naissent du mouvement progressif de la société et de l'excédent du travail sur les besoins : vos immeubles, au contraire, sont des capitaux factices et forcés, qui ne tirent leur nature des capitaux que de la violence et de l'autorité arbitraire, et ceux qui trouvent mauvais que la société appelle monnaie du papier, comment ne voient-ils pas qu'elle n'a pas plus droit d'appeler capitaux des sommes mobilières? Ainsi, par le moyen des assignats, se formeront dans toute la France de nouveaux capitaux qui seront promptement entraînés vers la terre, parce que les assignats ne sont pas propres à la thésaurisation.
Mais ce n'est pas tout, les capitaux, pour être utiles à la société, ont besoin de devenir productifs, et pour cela d'être subdivisés dans la main de celui qui les a empruntés. Ainsi, si je prête à un agriculteur ou à un commerçant 10,000 écus, il les emploie en journées ou en achat d'avances mobilières qui doivent augmenter la richesse nationale, en forçant la terre à donner de nouveaux produits. Voilà ce qui résultera dé l'opération des assignats, ils feront baisser le taux de l'argent, ils auront fertilisé dans leur passage le sol de l'industrie et de l'agriculture, ils auront animé le travail, ce seul élément de la richesse, je le répète, ils auront arrosé dans sa racine cet arbre qui produit toute l'aisance sociale, l'agriculture, et qu'on semble vouloir arroser par les feuilles, lorsque, prêtant l'oreille aux discours intéressés des ouvriers de luxe ou des commerçants, on veut voir le bonheur ou le malheur des peuples dans leurs seules relations extérieures et les mesures avec cette fautive et trop vantée balance du commerce. Messieurs, soignez l'agriculture, encouragez le travail ; tout le reste ira de lui-même.
On dira peut-être que pour encourager le travail, il faut de l'argent, je réponds que les assignats, s'ils sont reçus comme intermédiaires nécessaires entre l'argent et la terre, ramèneront nécessairement le premier dans la circulation, tandis qu'ils iront se perdre dans la terre.
On vous a présenté les assignats comme favorisant l'agiotage. Gela dépend de l'idée qu'on attache à ce mot. Sans doute, les effets remonteront, il faut s'y attendre, où est le mal pour la nation? Des débiteurs payeront. toutes leurs dettes en assignats. Gela n'est malhonnête qu'autant qu'ils perdraient ; ce qui, comme on va le voir, ne saurait arriver ; mais si la Bourse, déjà chargée de capitaux qui perdent 20 0/0 contre des assignats, en est encore inondée, nui doute qu'ils ne s'avilissent au point de perdre 50 0/0jie leur valeur, est-ce là une belle spéculation d'agioteurs ? Je ne les blâme point ; que leur importe que nos biens restent invendus, que notre agriculture soit écrasée, que nos bras soient sans travail, ont-ils une patrie? des concitoyens ? Non, ils ont gagné ; voilà tout ce qu'il leur faut. Mais, vous, les représentants d'un grand peuple, vous, chargés de la gloire de la nation, consentirez-vous de prêter à un tel projet de discrédit et d'avilissement ? Quoi I vous qui êtes venu examiner, venger, punir les opérations funestes des ministres, vous en feriez une plus funeste encore ? Le premier titre que donne sur elle une nation qui reprend ses droits, comme dans ie monde par sa loyauté et sa bonne foi, riche de plusieurs millions de biens-fonds , ira se dégrader à la Bourse, et se placer dans l'estime publique au-dessous des effets les plus décriés I Non, Messieurs, l'honneur, votre crédit, vos intérêts vous le défendent ! Dans une
dégénération aussi complète que celle-ci, tous vos travaux se tieuneut, et ne peuvent être séparés dans la pensée des biens ; la confiance ne peut s'éloigner d'une, sans s'affaiblir par les autres ; et si vos effets perdent 50 0/0, votre Constitution perdra nécessairement dans l'esprit des peuples : aussi l'instinct du patriotisme et de l'intérêt générai semblent déjà avoir rallié partout autour de celte idée, les meilleurs amis de la Constitution,
Mais, en vous pressant, Messieurs, de toute la chaleur d'un homme fortement convaincu, d'adopter cette mesure, en vous priant de ne pas croire que la grandeur et la hardiesse des vues soient des signes de réprobation, lorsqu'au contraire, les remèdes qui conviennent à ces maux doivent avoir surtout ce caractère. Je sens combien il est sage de donner attention aux moyens d'adoucir les effets violents d'une émission subite et excessive, voici les moyens que je propose pour les tempérer
1° Ne négliger aucun moyen de faciliter la vente. On se plaint de toutes parts qu'elles ne soient pas plus avancées. Je suis loin d'inculper en cela le comité; mais je crains que, formé pour une opération partielle, il n'ait pas l'organisation la plus convenable. Trouveraient-ils mauvais que je leur propose l'adjonction de six nouveaux membres, parmi lesquels je voudrais voir un homme dont le courage, la sévérité et le travail opiniâtre ne sont au-dessous d'aucun obstacle, et mon respectable collègue, M. Camus, à qui désormais les travaux du comité des pensions ne paraissent avoir permis une autre occupation?
2° Je propose qu'il soit attribué aux assignats, une prime de 2 0/0 pour la vente. L'argent n'étant admis que pour l'enchère, et non pour la vente, l'assignat obtient, par là, sur lui, un avantage dont l'effet est de le porter plus sûrement à la terre, et de le retirer encore de la circulation ;
3° Qu'il soit ouvert un emprunt de 300,000 livres à 3 0/0 d'intérêt dont les effets soient reçus à l'enchère; cette mesure qui vous a été proposée avant moi, me paraît remédier à tout. Elle prévient la trop grande quantité du numéraire; elle empêche la crainte de l'avilissement de ce numéraire, et, par là, le surhaussement des denrées; car celles-ci ne peuvent augmenter que si les assignats perdent. Cela est évident, elle agit toujours avec cette flexibilité qui suit les mouve-vements naturels; elle ne force rien; elle s'unit , à tous les intérêts, et prévient toutes les craintes;
4° Enfin, il me paraît que pour donner encore un frein capable d'arrêter les inactions faibles, il convient que le même comité soit chargé de surveiller à la fois la vente des biens nationaux et l'émission des assignats. Par là, vous serez toujours averti des différences trop marquées de l'uue de ces opérations sur l'autre, et vous pourrez conserver contre elles le parallèle nécessaire, avec la légère compression que les assignats doivent opérer pour cette venle. Voilà, ce me semble, de quoi calmer toutes les inquiétudes.
Mais, Messieurs, prenez enfin un parti. C'est en finances surtout que la lenteur à nous décider peut nous perdre. Déjà beaucoup de maux se font sentir, dont le plus funeste, est que nous dissipons nos capitaux pour des besoins journaliers.
Je finis par cette réflexion. On vous a dit, Messieurs, qu'il fallait attacher, par leur intérêt, tous les individus à la Constitution; mais un exemple pourra bien aisément faire sentir toute la force de cet argument. L'Angleterre n'ose tenter au-
cun changement dans une Constitution dont chacun reconnaît les vices. Ce qui en est la cause principale est bien connue, c'est que presque tous ies individus sont médiatement ou immédiatement intéressés à la chose publique, et que le moindre choc dans la fortune publique ébranlerait toutes les fortunes particulières. Voilà le ciment qui lie entre elles toutes les parties de l'édifice politique anglais. Jugez, Messieurs, de la force de ce lien, autour d'une Constitution libre, déjà favorable à tous les intérêts, à la raison et à la justice. Walpole fit contracter des dettes aux Anglais, pour les attacher à la maison de Brunswick, et nous, Messieurs, nous payerons les nôtres pour attacher les Français à l'ouvrage de leurs représentants, nous aurons uni ainsi, d'une manière indissoluble, la politique et la justice.
Pour moi, qui sacrifierais tout ce que je possède au monde, hors la liberté, au bonheur de voir les Français réunis, je me plais à.les voir au moins jurer la paix sur l'autel de l'intérêt. Vous craignez ce mouvement rapide et général dans la circulation qui va agiter la société, moi, je le désire comme la plus précieuse et la plus douce des institutions. C'est lui qui placera l'espérance auprès de tous ceux qui, maintenant sont abattus; c'est lui qui deviendra le principe d'une activité bienfaisante. Au lieu de ces sentiments aigres et violents qui maintenant nous agitent, il donnera le change, il dénaturera toutes ces passions haineuses qui nous tourmentent même dans le sein de nos familles et de nos amis, pour y faire naître un intérêt commun, fruit du besoin et de l'intérêt particulier : c'est ainsi que la chose publique acquerra de nouveaux défenseurs et de nouveaux appuis.
Après avoir donné des lois à la France, vous donnerez à ses habitants tout ce qui les fait chérir, la richesse et la paix. Après la physionomie toujours austère de la liberté, vous leur montrerez la riante image de la prospérité, d'une agriculture florissante, d'un commerce animé, d'impôts diminués. Tant de biens émousseront enfin la pointe des malheurs inséparables d'une Révolution. Ils embelliront la fin de vos travaux. Ainsi, il ne sera pour aucun citoyen, même pour vos ennemis aucun bien, aucune jouissance dont l'origine ne remonte jusqu'à vous. Vous aurez ainsi parcouru avec succès la carrière louable où le choix du peuple vous avait placés, et dans laquelle il vous a si généreusement soutenus.
Séance du
La séance est ouverte à dix heures du matin,
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier.
Ce procès-verbal est adopté.
(ci-devant le vicomte). J'ai reçu du collège de Pontlevoy un mémoire qui présente un nouveau système d'éducation publique. Il m'a paru d'autant plus important que l'Assemblée nationale a le projet de s'occuper de cet intéressant objet. Ce collège a joint à ce mé-
moire une lettre, dans laquelle ces bons citoyens se plaignent du désagrément que leur ont occasionné leurs principes et surtout leur agrégation à'une société des Amis de la Constitution établie dans leur ville. Je demande qu'on fasse mention du mémoire et de la lettre dans le procès-verbal.
Un de MM. les secrétaires lit une lettre de la municipalité de Versailles, dont voici l'extrait : « Sans doute, il est fâcbeux de rappeler des événements désagréables; mais aujourd'hui on nous inculpe d'exagération; on nous accuse d'avoir voulu affliger le roi, et troubler l'Assemblée nationale. 11 nous importe de rendre notre justification éclatante, et nous supplions l'Assemblée de charger un comité de l'examen de notre conduite, etc. »
(L'Assemblée ordonne le renvoi de cette lettre au comité des rapports.)
On fait lecture d'une, lettre des membres de rassemblée coloniale de Saint-Domingue.
Extrait de cette lettre.
« A peine les représentants de la colonie de Saint-Domingue ont touché au rivage de Brest, qu'ils ont envoyé à l'Assemblée nationale une adresse pleine des expressions du dévouement et du respect dont ils sont pénétrés pour elle; cette adresse n'est point parvenue à l'Assemblée : sans songer à leur âge, aux fatigues de la traversée, ils se sont hâtés de venir réclamer votre justice ; mais les infirmités dé quelques-uns ont été un obstacle à leur empressement, et leur réunion entière ne pourra être effectuée que le 5 du mois prochain. — Les calomniateurs ont pris le devant; mais l'Assemblée distinguera l'innocence: qu'elle daigne suspendre son opinion, jusqu'à ce que les réprésentants de Saint-Domingue lui aient dévoilé toutes ces intrigues : le témoignage de 8-5 cultivateurs, chargés des pouvoirs de leur colonie, sera sans doute de quelque poids aux yeux des législateurs de l'Empire français. » (Cette lettre est revêtue ae 15 signatures.) (L'Assemblée décrète le renvoi de cette lettreau comité colonial.)
Je dénonce lé numéro de M. Ma- rat.....(Il s'élève des murmures dans l'Assemblée).
(M. Moreau cherche en vain à se faire entendre ; plus il s'agite, plus les murmures redoublent. Il porte sur le bureau le numéro qu'il voulait dénoncer et l'Assemblée décide de passer à l'ordre du jour.)
, député de Dax, demande un congé de trois semaines.
, député de Carcassonne, demande à s'absenter pour un mois.
, député de Rodez, sollicite la permission d'aller à ses affaires pour six semaines.
, député de Vitry-le-François, demande par lettre une prolongation de congé de trois semaines. Ces congés sont accordés.
Le comité de Constitution demande la parole pour un projet de décret qui est urgent.
, rapporteur. Vous avez décrété que toutes les chambres des vacations des parlements de province cesseraient leurs fonctions le 30 septembre; la seule chambre des vacations du parlement de Paris est prorogée au 15 octobre. La cour supérieure provisoire que vous avez établie à Rennes, a jugé plus d'affaires en six mois que les anciens juges n'en expédiaient en dix-huit mois. Les justiciables sont extrêmement contents du zèle et de l'activité de ces nouveaux juges. La ville de Rennes nous a écrit pour solliciter leur prorogation jusqu'à l'élection des nouveaux tribunaux. Nous avons pensé que celte prorogation était sans inconvénient. Le comité de Constitution auquel nous avons communiqué cette lettre a été de notre avis; j'ai l'honneur de présenter le projet de décret suivant :
« L'Assemblée nationale déclare que la cour supérieure provisoire, créée à Rennes au mois de février dernier, n'est pas comprise dans les dispositions du décret du 7 de ce mois;
« Décrète, en conséquence, que ladite cour provisoire continuera ses fonctions jusqu'au 15 octobre prochain. >
J'observe que la province de Bretagne vous demande un privilège, et que si vous le lui accordez, vous ne pourrez le refuser à aucune des autres provinces qui vont vous accabler de pétitions, pour conserver chacune leur chambre de vacations.
Si vous refusez le décret que nous sollicitons en faveur de la ville de Rennes, ce sera le signal d'une insurrection. Songez que la cour supérieure provisoire de cette ville est votre ouvrage, et qu'elle n'a, sous aucun poi nt de vue, nul rapport avec les chambres dés vacations.
Je demande la même faveur pour la cour provisoire de Dijon.
(Après plusieurs oppositions et plusieurs amendements proposés au projet de décret lu par M. Le Chapelier, et qui sont écartés par la question préalable, le décret est adopté.)
, au nom du comité diplomatique, fait lecture d'une adresse des ligues Grises qui est renvoyée aux comités diplomatique et militaire réunis, pour en rendre compte à l'Assemblée.
Il faut nous occuper de compléter la grande opération qui nous occupe depuis plus de six semaines. 11 faut éclairer le peuple abusé par le mémoire du premier ministre. On lui a persuadé, dans certains départements, qu'il aurait un assignat de 200 livres pour 6 livres.
(On demande l'ordre du jour.)
Vous avez décrété hier pour 1,200 millions d'assignats. Le devoir de tout bon citoyen est de donner à cette opération tout le crédit qu'elle mérite. Je demande, en conséquence, que le comité des finances soit chargé de rédiger une adresse pour démontrer aux départements tous les avantages du plan que vous avez adopté.
J'appuye de toutes mes forces la motion du préopinant. Il est du devoir de tout bon citoyen de concourir de toutes ses forces à l'exécution des décrets, lorsqu'une fois ils sont ren-
dus. (On applaudit dans toutes les parties de la salle.) La motion dé M. de Liancourt est adoptée à l'unanimité en ces termes :
« L'Assemblée nationale a renvoyé le décret rendu hier sur les assignais, à ses comités des finances et d'aliénation des domaines nationaux, pour, par ces deux comités réunis, lui être présenté un projet de décret réglementaire, et rédiger une instruction aux départements et districts, dans laquelle seront rappelés les motifs du décret. »
L'ordre du jour est le rapport du comité des rapports sur la procédure instruite par leChâtelet sur l'affaire du 6 octobre 1789.
, rapporteur, commence la lecture de son travail (nous le donnerons in extenso dans la séance de demain).
A trois heures et demie on demande l'ajournement à demain.
L'ajournement est prononcé.
La séance est levée.
Séance du
La séance est ouverte à six heures et demie du soir.
rappelle à l'Assemblée qu'elle a délibéré, au mois d'août 1789, qu'il serait frappé une médaille relative à l'abandon de tous les privilèges. Il propose qu'il soit donné des ordres pour acquitter sur le Trésor public le prix que peut coûter les deux coins nécessaires pour l'empreinte de cette médaille.
Plusieurs membres font des observations sur cette motion, et l'un d'eux dit que, quelle que soit l'empreinte de cette médaille, elle doit être payée aux dépens de l'Assemblée, et que, jusqu'après cet examen suffisant, les coins doivent être déposés aux archives. Il propose, en conséquence, un décret qui est adopté en ces termes:
« L'Assemblée nationale décrète: 1° Que les deuxcoinsqui ontété gravés pour frapper unemé-daille en mémoire de l'abdication des privilèges, faite dans la nuit du 4 août 1789, seront payés au moyen d'une contribution établie sur les membres de l'Assemblée ;
« 2° Que lesdits coins seront apportés et mis en dépôt aux archives de l'Assembiee, qui se réserve de statuer sur l'usage qu'il conviendra d'en faire. »
Uh de MM. les secrétaires donne lecture des adresses ainsi qu'il suit :
Adresse de la paroisse de Mézières, district de Montdidier, offrant un don patriotique de la somme de 579 livres. 3 sols.
Adresse des gens tenant la cour supérieure provisoire de Bretagne, qui, pour répondre au
vœu que leur a mauifesté une députation solennelle du conseil général de la commune de
Rennes, ont pris l'engagement public de continuer leurs tra-
Adresse des municipalités et gardes nationales du canton d'Olivet, qui démentent de la manière la plus expresse l'accusation, faite contre elles dans l'Assemblée, d'être dans la plus grande fermentation, Elles renouvellent leur serment civique.
Adresse des habitantsde la commune de Gion-ges-Futaines, qui ont solennellement fait un pacte fédératif pour le maintien de la Constitution^
Adresse de la commune de Sainte-Foy, du département de la Gironde ; elle fait le don patriotique du produit du rôle de supplément des six derniers mois 1789, s'élevant à la somme de 1,406 livres 2 sols 6 deniers.
Adresse des administrateurs du district de Sancerre et celui d'Orthez en Béarn,du directoire du district de Serres, département des Hautes-Alpes, et de l'assemblée administrative du district de Grenade, département de la Haute-Garonne, qui consacrent les premiers moments de leur existence à présenter à l'Assemblée nationale le tribut de leur admiration et de leur dévouement. Les administrateurs du district de Serre et de celui de Grenade adhèrent notamment aux décrets concernant l'ordre judiciaire.
Adresse de la garde nationale de Vervins en Tbiérache, et de Montigny-l'Encoup, qui donnent de justes regrets aux citoyens morts à Nancy pour la défense de la loi.
Adressé des officiers municipaux de la ville de Faulquemont, qui remercient vivement l'Assemblée d'avoir placé dans cette ville un tribunal de district ; ils réclament contre les prétentions du directoire du département de la Moselle, qui se propose de faire supprimer ce tribunal, ainsi que le district, pour le réunir aux districts de Metz et de Boulay.
Adresse des amis de la Constitution et de l'égalité de la ville de Montpellier, qui annoncent que tous les citoyens soldats du département de l'Hérault n'ont pris aucune part aux délibérations séditieuses du camp de Jalley, et que la députation que cette assemblée illégale devait leur envoyer pour s'informer des vérités des faits relatifs aux derniers troubles de Nîmes, n'a pas eu lieu, sans doute parce qu'elle aurait été reçue de manière à faire perdre aux mauvais citoyens l'envie de chercher dans Montpellier des fauteurs et des complices.
Adresses des officiers municipaux d'Auxerre, de Rethel et de* Cou tances, qui annoncent que, de concert avec les citoyens armés de ces villes, ils ont fait célébrer un service funèbre pour les gardes nationales qui ont péri dans cette malheureuse affaire, de Nancy.
annonce le résultat du scrutin pour former le comité de salubrité. Ce comité, avec les seize médecins de l'Assemblée, est composé de :
MM. Rabaud (de -Saiat-Étienne) ; De Talleyrand, évêque d'Autun ; Gossin ; Heurtault-Lamerville ; Lebrun; Périsse-Duluc; De La Rochefoucauld, député de Paris; De Delley-d'Agier; Dumouchel; Malouet; L'abbé de Bonnefoy; Livré; DéBousmard; L'àbbé Grégoire ; Creuzé; Bureaux de Pusy.
fait lecture d'une adresse dans laquelle le directoire du département de Seine-et-Marne demande que tous nos concitoyens domiciliés en Italie, ou qui y voyagent, soient mis sous la sauvegarde particulière de la nation. (L'Assemblée renvoie cette pétition au comité diplomatique.)
, membre du comité des pensions, propose deux projets de décrets: l'un relatif aux élèves soutenus dans le collège de Sainte-Barbe par la bienfaisance de M. l'archevêque de Paris ; l'autre, concernant le sieur Bousquet, auteur d'un ouvrage sur les matières ecclésiastiques et bénéficiâtes : tous les deux sont adoptés ainsi qu'il suit :
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité des pensions, par forme de provision seulement, décrète.que la municipalité de Paris remettra au supérieur du collège de Sainte-Barbe, sur les revenus dont jouissait ci-devant M. l'archevêque de Paris, la somme de 4,000 livres, pour la pension des boursiers dudit collège, ci-devant payée par M. l'archevêque de Paris, à la charge, par le supérieur dudit collège de rendre compte à la municipalité de l'emploi de ladite somme de 4,000 livres. »
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport du comité des pensions, décrète que le ci-devant receveur général du clergé remettra au sieur Bousquet, sur les deniers étant entre ses mains, la somme do 3,000 livres, par forme de provision, sur les récompenses et gratifications promises, en 1785 , audit sieur Bousquet, pour l'ouvrage par lui composé sur les matières ecclésiastiques et bénéficiâtes. »
La députation du Port-au-Prince et de la Croïx-des-Bouquets est introduite et entendue à la barre.
, orateur de la députation, dit : Messieurs, vous admettez dans votre sein les députés de deux paroisses considérables de la colonie de Saint-Domingue : celle du Port-au-Prince, capitale de l'île, et celle de la Croix-des-,Bouquets, qui comprend la plaine de Cul-de-Sac et ses dépendances. A cette députation, Messieurs, se joindra celle de la province du nord dont nous avons eu l'honneur de remettre les dépêches à M. le Président de cette auguste Assemblée. Les circonstances n'ont pas permis que les députés de la province du nord partissent avec nous. Les événements qui ont donné lieu à notre départ précipité n'étaient point connus dans le nord. Cette province, dans les mêmes principes que la partie saine des habitants de Saint-Domingue, tendait au même but. Vous les connaissez ces principes, ils sont puisés dans votre décret du 8 mars, dans les sages instructions qui l'accompagnent : vos décrets sont toute notre force. Quelque vrais que soient les faits dont nous ayons à vous entretenir; .quelque simple qu'en sera le récit, ce n'est pas sans crainte que nous nous présentons à la barre de l'Assemblée des représentants d'une grande nation. Pleins de respect pour vos lumières, pleins de soumission pour vos décrets, nous réclamons vos bontés.
La colonie de Saint-Domingue, Messieurs, la plus belle des colonies françaises, importante sous tous les points de vue possibles, aussi intéressante à la France qu'une grande partie de cet Empire, par la valeur de son sol, la richesse de ses productions, l'industrie, l'activité de ses habitants ; plus encore par leur fidélité ët leur atta-
chement à la mère-patrie et à leur roi, à ce bon roi dont avec tous les Français ils adorent les vertus : oui, tous les créoles sont Français, ils chérissent leur roi, ils chérissent leur patrie.
C'est avec enthousiasme que nous avons juré d'être toujours inviolablement attachés à la nation, de ne reconnaître de lois que celles décrétées par ses augustes représentants. Vous venez, Messieurs, d'entendre la profession de foi de la colonie. C'est sous cet étendard que nous nous présentons à vous. Adoptez-nous, traitez-nous comme des enfants attachés à leurs pères, et qui veulent concourir au bonheur général et écarter tout ce qui pourrait le troubler.
La colonie de Saint-Domingue qui formerait seule une grande puissance, si là nature ne lui avait refusé la jouissance des premiers besoins ; cette colonie, dont les productions lient l'Empire français à toutes les puissances étrangères et les rendent tributaires, a été menacée de sa perte. Peut-être eût-il été sage, peut-être la colonie de-vait-elle attendre en paix que la régénération s'opérât ici. Les fruits heureux se seraient fait sentir dans toutes les possessions françaises, et nous en eussions joui. La colonie n'aurait point éprouvé les secousses dont elle a été agitée. Les premiers troubles sont nés dans les premières assemblées; les premières divisions, de la diversité d'opinions. Il y avait des réformes à faire : elles pouvaient s'opérer facilement, parce qu'elles tenaient au grand ensemble que l'on rectifiait. C'était là l'opinion de quelques hommes froidement sages qui lisent dans le livre de la nature et calculent les hommes; l'opinion contraire a prévalu. L'on a formé des assemblées, il s'établit des comités. Les députés furent nommés ; vous les avez admis dans votre sein ; et la colonie, qui ne peut plus être séparée de l'Empire français, y a été représentée.
La colonie enfin a couvert ses premières opérations par une conduite plus légale : il s'est formé des assemblées de paroisses ; dans ces assemblées on a nommé des électeurs chargés de préparer les cahiers de demandes et d'établir des plans de réformes. Leurs instructions portaient qu'ils respecteraient les lois établies, qu'ils n'attaqueraient en rien le régime de l'administration de la colonie, qu'ils n'innoveraient rien. Cette institution pouvait être utile, en préparant les matières sur lesquelles vous aviez à prononcer. Cette assemblée était composée de députés de toutes les paroisses, et offrait un ensemble de quatre-vingt-deux personnes. Elle ne portait pas le caractère d'assemblée coloniale.
Le ministre, informé de ces détails et des prétentions des'électeurs, envoie un mode de convention, qui ne fut point adopté ni pour la forme ni pour le lieu où. l'assemblée coloniale devait tenir ses séances. Les quartiers, les paroisses s'assemblèrent de nouveau. Il fut arrêté un mode de convocation qui parut satisfaire l'esprit de ceux qui y avaient mis de l'intérêt. Le nombre des députés fut fixé; le siège de l'assemblée établi à Saint-Marc, une des principales villes de la colonie. Je touche, Messieurs, à la partie purement historique dè ce qui s'est passé. Je ne dirai rien dont je n'aie la preuve à la main. Je n'offre point à l'Assemblée, à chaque titre, la lecturevde la pièce au soutien : nous en ferons le dépôt, elles deviendront pièces de conviction. C'est sur ces pièces que vous porterez un jugement sur un corps constitué assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue. Dans l'analyse que je vais faire, je ne me permettrai aucune application, je ne nommerai personne.
Les députés à l'assemblée coloniale nommés, ils se rendirent à Saint-Marc, lieu de leur séance. Jeme vous ai point parlé des brigues et des cabales employées pour être nommé, cela est encore hors de mon sujet.
L'ouverture de l'assemblée se fit avec un faste étonnant. On décréta qu'il serait chanté un Te Deum dans toutes les paroisses. La colonie avait prêté le serment à la nation, à la loi et au roi ; et sur le rideau de la salle de l'assemblée on lisait : Saint-Domingue, la loi et le roi; plus bas : Notre union fait notre force. On préparait de loin les esprits aux opinions que des gens inquiets et dangereux devaient ouvrir. Le président de l'assemblée fit un discours qui indisposa tous les esprits, même dans l'assemblée qu'il présidait.
Cette assemblée, qui nedevait être que provisoire et purement consultative, méconnut ses droits et ses fonctions. Pour ne trouver aucun obstacle à ses desseins, elle exigea des pouvoirs illimités, elle mit tous ses membres à couvert de l'inviolabilité ; enfin assemblée subordonnée, puisqu'elle ne représentait qu'une sectiou de l'Empire français, elle affecta d'exercer tous les droits et les pouvoirs de l'Assemblée nationale : comme si les attributs des pouvoirs souverains pouvaient appartenir à d'autres qu'à ceux qui exercent les droits de la nation dans sa totalité; comme si s'assimiler à eux, ce n'était pas supposer un empire dans l'Empire, et prétendre à représenter une nation indépendante et séparée.
Contre tout principe, cette assemblée décréta que la correspondance des administrateurs ne pouvait être rangée dans la classe des secrets privés; qu'elle ne devait pas être surtout mystérieuse pour les représentants de la commune, et qu'en conséquence les lettres et paquets à l'adresse des administrateurs, étant des lettres et paquets ministériels et d'administration, seraient ouverts par le président en présence de l'assemblée. Les administrateurs, Messieurs, sont les hommes de la nation et du roi. Chargés de gouverner à deux mille lieues une colonie imtaense, objet de la jalousie des nations rivales, quels inconvénients n'aurait-on pas à craindre si le secret de l'Etat était entre les mains et à la connaissance de tout le monde. C'est ce qui est arrivé. Rien n'était secret : les administrateurs ne savaient que par le bruit ou les papiers publics le contenu des paquets qui leur étaient adressés. Vous croiriez, Messieurs, que les correspondances particulières étaient plus respectées : il serait facile d'administrer la preuve du contraire. La conduite que tenait l'assemblée était imitée par les comités dévoués à ses principes, qui ne respectèrent même pas les secrets des familles. Ces comités étaient composés d'hommes étonnés de se voir agents de la chose publique.
Un décret mande M. de Campan, capitaine de grenadiers au régiment du Port-au-Prince, major par intérim à Saint-Marc, pour avoir refusé d'assister à l'installation d'une1 assemblée qu'il ne pouvait pas reconnaître pour légale, et dans laquelle on ne lui donnait pas la place que son rang lui assignait. Il présente une lettre de son chef. Il est décrété qu'un officier général, commandant en second de la partie de l'ouest, sera mandé à la barre de l'assemblée pour y rendre compte de la défense faite à M. de Campan.
(17 avril.) Décret qui ordonne que M. le gouverneur général renverra sous huit jours, sur un bâtiment du roi, les deux cent quatre-vingts hommes de recrue arrivés au Port-au-Prince ; que cet embarquement se fera en présence- de
deux commissaires du comité de l'ouest, et qu'il ne sera' plus reçu de recrues dans la partie française de Saint-Domingue, jusqu'à ce que l'assemblée en ail autrement décidé. Ces recrues étaient composées de jeunes gens nécessaires au régiment dont le fond diminuait par les mortalités et les congés acquis. L'assemblée établit un comité de recherches, et décrète que les comptables enverront, du jour du décret au 10 mai, leurs bordereaux de caisse dûment visés de l'officier d'administration ; et défend à ceux de Saint-Marc de se démunir de leurs fonds, sans l'autorisation de l'assemblée.
(24 avril.) L'assemblée invite M. le gouverneur-général à se rendre, auprès d'elle pour manifester ses principes et sa véritable opinion. On lui observe que, par son refus, il ne forcera point à prendre des mesures désagréables pour l'assemblée, comme pour lui; qu'il ne la mettra pas dans le cas de déployer les moyens qu'elle a dans ses mains. Oh lui marque qu'il occupera dans l'assemblée la même place qu'occupent les ministres du roi parmi vous, lorsqu'ils se présentent officiellement. C'est au représentant du roi que l'assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue, dont la constitution n était pas même légale, parle avec une pareille hauteur. C'est elle qui ose se comparer aux repré-sentans de la nation, qui n'ont point d'égaux. Une pareille conduite, Messieurs, n'offense point M. de Peynier, gouverneur général. Il pensa qu'une démarche que l'on n'avait pas droit d'exiger de lui, pourrait avoir un bon effet. Il se rendit à Saint-Marc. Cet homme loyal, cebrave militairequi a tout sacrifié à l'amour de la paix, au désir de la maintenir, n'a pas eu lieu d'être content de sa résignation. On a lu en sa présence des paquets interceptés qui lui étaient adressés ; il y a été interpellé d'une manière outrageante. C'était une victoire pour l'assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue d'imaginer qu'elle avait forcé le gouverneur-général à se rendre auprès d'elle. Cette victoire lui en préparait d'autres.
(26 avril.) En suivant ce qui s'est passé dans Cette assemblée par ordre de date, le 26 avril, elle reçut de la province du nord un paqûet qui contenait votre immortel décret du 8 mars, décret à jamais mémorable, décret qui assure le sort des colonies. Un décret, Messieurs, rendu par les représentants d'une grande nation, est le serment de toute là nation. La nation a donc juré que nos propriétés mobilières et immobilières seraient respectées ; que ce que nous possédions légitimement^ parce que la loi et lé prince en sont garants, ne serait plus l'objet d'une discussion que la raison ne peutélayer. Nos propriétés sont d'un poids immense dans la balance générale. Si les Etats sont des masses combinées, plutôt par la nature qui dirige tout, que par les calculs des hommes ; si ces masses, qui doivent essentiellement exister pour se soutenir ou se détruire mutuellement et faire place à d'autres, influent dans l'ordre politique, quel vide n'éprouverait pas cette monarchie, si de faux calculs, si des préjugés olus vains lui faisaient per-pre ses colonies ? Dans l'ordre politique nos propriétés sont inaltérables ; dans l'ordre moral même elles sont inattaquables.
Votre éternel décret, qui fait époque dans la colonie, Votre éternel décret qui avait rappelé la joie et la tranquillité dans tous les cœurs, fut soumis à l'examen de l'assemblée générale de la I partie française de Saint-Domingue, quicependanta
arrôté qu'il vous serait fait une adresse de renier ciments. Vous avez su avec quel enthousiasme il a été reçu dans toute la colonie, et que des actions de grâces ont été rendues à l'Eternel pour ce signalé bienfait.
(26 avril.) L'assemblée décrète que son installation sera notifiée au conseil supérieur de la colonie par deux commissaires du comité de l'oue?t qui y prendront les places d'honneur, seront couverts, reçus et reconduits par deux de Messieurs jusqu'à la porte de la salle d'audience. Cette cérémonie a eu lieu. Le conseil a fait ce sacrifice à l'amour de la paix, et pour ôter tout prétexte à des esprits dangereux de faire le mal.
(30 avril.) La permanence de l'assemblée est décrétée à l'unanimité. Les députés, dit le décret, ne sont plus les représentants de leurs paroisses, mais de toute la partie française de Saint-Domingue. En conséquence, ils n'ont plus de mandats à recevoir de leurs constituants ; ils ne peuvent être révoqués que pour cause de forfaiture jugée. Les membres rappelés continuent leurs fonctions. Faite pour préparer des plans, celle assemblée marchait à l'indépendance de tous les genres.
Pour que toutes les branches d'administration gémissent sous le despotisme de cette assemblée, il est décrété que le préposé à l'administration des finances, ses subalternes et comptables sont dès ce moment sous ses ordres, et continueront d'è re aux appointements de la partie française de Saint-Domingue; que le commissaire, chargé de la direction des finances, se transportera, sous quinzaine, à Saint-Marc avec ses bureaux. La j lus légère réflexion eût fait apercevoir les dangers et les frais énormes de ce déplacement. Le décret fut sans effet.
(5 mai.) Cette étonnanle assemblée, toujours hors de mesure, confirme le conseil du Cap, et s'attribue un droit qui ne pouvait lui appartenir. Elle confirme les jugements rendus par ce nouveau tribunal, défend au conseil supérieur de la colonie de connaître des affaires dans l'arrondissement de la province du Nord. .Ce décret inconstitutionnel peut avoir des effets dangereux pour tes particuliers qui auront poursuivi des jugements incompétemment rendus. La réunion des deux conseils a été funeste à la province du nord. Nous devons regarder cette réunion comme le principe des troubles dont cette brillante et principale partie de la colonie a été si cruellement agitée.
(8 mai.) Après avoir attaqué tous les degrés de juridiction, cette assemblée décrète encore que les administrateurs n'accorderont plus de concessions.
(13 mai.) Elle décrète le rétablissement de la plaidoirie, oubliant toujours, même dans les choses bonnes eu elles-mêmes, qu'elle ne peut q je proposer.
Je vous ai dit, Messieurs, que votre décret du 8 mars avait été reçu avec enthousiasme ; que les paroisses en avaient témoigné leur allégresse et avaient fait des adresses à l'assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue pour notifier leur pleine et entière adhésion à ce précieux décret, el l'inviter à en adopter les principes. La province du nord, la Croix-des-Bou-quets, d'autres paroisses encore lui témoignent qu'elles s'opposeront à l'exécution de tout décret qui ne sera pas émané de vous; qu'elles arrêteront la promulgation de tout arrêté qui n'aura pas été préalablement communiqué aux assemblées provinciales; revêtu de la sanction provisoire du gouverneur général, et terminé
par ces mots: sauf la décision définitive de VAssemblée nationale et la sanction du roi. Cette conduite sage et réfléchie devait éclairer l'assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue, et la rappeler aux vrais principes. Toujours loin du plan qui lui était tracé, elle chercha à jeter des craintes dans les esprits; elle interprêta l'article 4 de votre décret et de vos instructions du 28 mars. Fatigué de tant d'incertitudes et d'écarts, on se plaignit hautement de la conduite de l'assemblée qui lit une adresse insidieuse à ses constituants. Les municipalités devaient être établies sur le mode de celles de France en ce qui ne nuirait point aux convenances locales. L'assemblée décrète un nouveau mode sans le soumettre à la sanction provisoire du gouverneur général : quelques p aroisses adoptèrent ce nouveau plan ; beaucoup le rejetèrent.
(28 mai.) Par son décret du 28 mai, l'assemblée annonce qu'elle attendra que vous ayez fait connaître vos dispositions. Ce décret, suivant l'assemblée, devait tranquilliser les esprits et ramener la paix, elle le présentait comme conforme à votre décret. Il serait inutile de rien ajouter aux observations de l'assemblée provinciale du nord qui n'ont point été affaiblies par le développement qu'en a fait l'assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue. C'est en vain qu'un écrivain de celte assemblée a voulu identifier le décret du 28 mai avec celui de votre auguste Assemblée : en vain a-t-il prétendu rappeler la confiance publique sur un acte où tous les principes constitutionnels sont méconnus, et où les liens, qui doivent unir les colonies à la mère-patrie, sont presque entièrement brisés. Un député de l'assemblée générale écrivait à sa femme (sa correspondance est imprimée) : « La « colonie est maintenant entre la liberté et la « servitude. Si elle est digne d'être libre, elle « acceptera notre décret du 28 mai, et se confiera « à nous pour la perfection de l'ouvrage, si elle « s'en tient au décret de l'Assemblée nationale et « aux instructions qui l'accompagnent, elle n'aura « fait que changer de joug, et alors ce n'est pas « la peine de se tuer pour ne rien faire ». Le môme jour, l'assemblée arrête qu'elle adhère au décret du 8 mars avec reconnaissance, en tout ce qui ne contrarie point les droits de la partie française dè Saint-Domingue, déjà consacrés dans son décret du 28 mai.
(4 juin.) Dans les mêmes principes, l'assemblée décrète que tous les affranchissements, pour quelque cause que ce soit, demeureront suspendus, à compter du jour de la notification du présent décret; que quant aux libertés qui se trouvent actuellement données, soit par testament ou par tout autre acte, et dont les demandes seraient ordonnancées et non encore homologuées, elles demeurent également suspendues ; que quant à celles qui seraient demandées par la suite, l'assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue s'en réserve la connaissance, pour y être statué ainsi qu'il appartiendra. Prenant en considération les abus résultant plus particulièrement des libertés qui s'obtiennent par mariage, l'assemblée fait défense de passer outre à la célébration, jusqu'à ce qu'il en ait été autrement ordonné; seront réputés frauduleux et nuls tous les affranchissements qui, postérieurement au présent décret, seraient accordés contre les règles usitées de la partie française de Saint-Domingue.
La colonie, Messieurs, d'après vos décrets, et pour arrêter les écarts de l'assemblée, s'occupait
de convoquer des assemblées de paroisses, pour déterminer si celle de Saint-Marc continuerait ou s'il s'en formerait une autre, d'après vos intentions : elles sont indiquées.
Effrayée de cette nouvelle marche, dans la crainte de se voir dissoudre, l'assemblée choisit, dans son sein, les émissaires qu'elle doit envoyer dans tous les quartiers, dans toutes les villes, pour se faire des partisans. Cet emploi est donné à ceux dont les talents promettent plus de succès. Le Cap est départi à un jeune orateur qui possède éminemment le talent de la parole; toujours sûr de lui et de l'effet qu'il doit produire. Il avait déjà ébranlé les esprits. Ses collègues et lui s'étaient annoncés porteurs de paroles de paix et de conciliation. Leurs discours étaient incendiaires et tendaient à diviser les esprits et à mettre le trouble dans la ville et les dépendances. La province du nord clairvoyante, occupée de la chose publique, enjoint à cet orateur et à ses collègues, d'avoir à désemparer du Cap avant le coucher du soleil, de la province, sous quarante-huit heures, sous peine d'être embarqués. Plusieurs paroisses ont résisté aux insinuations de ces émissaires envoyés pour les séduire: elles ont révoqué l'assemblée; d'autres l'ont maintenue purement et simplement; d'autres, à la charge de se conformer à vos décrets et' aux instructions qui les accompagnaient : c'était dire que, jusque-là, elle s'en était écartée. Onze paroisses ont gardé le silence. L'assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue, ses partisans, n'ont rien oublié pour rendre ces assemblées orageuses, en écarter le citoyen tranquille et rester maîtres des délibérations. Ces excès sont consacrés dans les pièces que nous produisons. Us ont été au Port-au-Prince, au point que l'église, lieu de l'assemblée, a été vide en un instant; que les bons citoyens se sont retirés, et que la délibération de ce jour a été prise par quarante ou cinquante partisans de l'assemblée, dont les noms ne sont pas connus en majeure partie. Us n'osèrent cependant pa3 fixer, dans leur délibération, la continuation pure et simple de l'assemblée; ils arrêtèrent que les vœux seraient portés, par scrutin, chez les capitaines de districts, et que le dépouillement s'en ferait à l'église à un jour indiqué. On nomma des commissaires presque tous pris dans le comité de cette ville, vendu à l'assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue. Le dépouillement des scrutins se fit. L'on passa, sans examen, tout ce qui était en faveur de l'assemblée ; on compta, comme positifs pour la continuation, les vœux conditionnels, et on livra, à la plus sévère discussion, l'état, les personnes, les qualités de ceux qui en demandaient la dissolution, dont la majeure partie furent désignés comme incapables de voter, par cela seul qu'ils étaient contre l'assemblée. L'animosité des partisans de l'assemblée alla plus loin ; on désigna les opposants ; on leur fit craindre des outrages ou des malheurs. On s'était déjà familiarisé avec ces excès. Sans jugement, sur le cri du peuple, un ancien juge du petit Goave y avait été décapité; cette ville est ouvertement dévouée à l'assemblée. Un citoyen connu et estimé du Port-au-Prince, avait été, de la manière la plus indigne, traîné par la ville; un mulâtre pendu par les agents du comité. Ce comité était assemblé ; prévenu du désordre qui devait régner dans la ville, et quoiqu'il eût appelé à lui la police, dont il avait dépouillé ceux qui devaient y veiller par état, il ne se donna aucun soin pour prévenir le crime.
Dans un récit rapide, il serait difficile de rapprocher des événements qui se sont vivement succédé, et qui ont eu lieu aux mêmes époques; les réflexions qu'ils entraînent nécessairement, en coupent le fil. J'y mettrai toute la précision qui sera en moi, pour ne point fatiguer votre attention. L'assemblée du Port-au-Prince, dont j'ai eu l'honneur de vous entretenir, a eu lieu le 13 juin. Elle fut orageuse; rien n'y a été libre que la violence des partisans de l'assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue, qui y voulaient dominer; ils y ont réussi. Le lendemain, les citoyens, que le trouble et la crainte avaient écartés, se rendirent chez un notaire, et y protestèrent contre l'assemblée du jour précédent. Cette.protestation porte un caractère bien différent ; elle est signée par tous citoyens connus, dont la fortune et l'état pouvaient supporter le grand jour. Cette protestation ne fut pas le seul effet des craintes des bons citoyens; ils se réunirent et formèrent une compagnie de volontaires composée de la jeunesse la plus active, -la plus dévouée aux bons principes et à l'esprit du bon ordre. On comptait aussi, dans cette compagnie, les citoyens les plus recomman-dables par leur état et les plus estimables par leurs qualités. Cette compagnie nomma des chefs. Elle avait deux destinations : elle était civile et militaire. Elle nomma un président de ses assemblées; le choix tomba sur moi. Le serment que fit cette corporation, la légitime aux yeux de l'honneur; il est joint aux pièces. Je vais vous en donner lecture.
Serment prononcé par la compagnie des volontaires du Port-au-Prince, le
«. Nous Français, citoyens de la paroisse du « Port-au-Prince, ici rassemblés en corps de vo-« lontaires, jurons et promettons; par les lois de « l'honneur, de nous soutenir et secourir. dans « toutes les occasions, et de nous réunir d'esprit, « de cœur et d'actions à tous les bons citoyens, « qui, n'abjurant point leur.mère-patrie, adop-« tent, comme loi sacrée et fondamentale, les « décrets de l'Assemblée nationale, en date des « 8 et 28 mar3, et les instructions adoptées par « ladite assemblée.
« Promettons, en outre, de protéger et: défendre « l'assemblée coloniale de Saint-Domingue, qui « sera reconnue par le vœu général de la colonie, « en tant qu'elle ne s'écartera jamais, sous au-« cun prétexte, des décrets de l'Assemblée natio-« nale, ci-dessus rappelés.
« Pour copie conforme à Voriginal,
« Signé : du colombier, secrétaire.
L'assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue, qui sentait de quel poids serait cette nouvelle formation, si bien organisée, qui devait donner de l'activité et inspirer de la confiance, lança un décret4' qui portait l'anéantissement de cette compagnie. Ce décret fut sans effet.
Par un nouveau décret, l'assemblée défend aux directeurs des postes de délivrer aucune lettre ni paquet, qu'après qu'un membre du comité aura présidé à l'ouverture des malles du courrier. Par cette précaution, le comité était instruit des paquets adressés au gouvernement et du lieu de leur départ. Par cette opération, le départ des courriers.était retardé; le commerce en souffrait, et l'assemblée pouvait répandre les écrits qui favorisaient ses projets. M. ie gouverneur général,
conformément à vos instructions, fait la proclamation de la continuation de l'assemblée, par une majorité qui n'était qu'apparente : il compté aussi, comme positifs, les suffrages conditionnels, et quoiqu'il connût parfaitement les cabales et les intrigues de l'assemblée et de ses agents, il se croit obligé de prononcer la continuation d'une assemblée aussi dangereuse ; mais il déclare formellement, qu'inviolablement attaché aux intérêts de la nation, il ne permettra l'exécution d'aucun décret de l'assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue, qu'autant qu'ils auront reçu la sanction. Plusieurs paroisses font connaître, d'une manière bien exprimée, leurs principes, leur adhésion à vos décrets. Leurs arrêtés vous seront remis.
Malgré le voeu des paroisses qui n'étaient pas dans les principes de l'assemblée; malgré les réclamations de la province du nord, cependant elle décrète encore l'établissement des municipalités, sur un plan combiné par elle et éloigné du mode des municipalités du royaume. Le gouverneur général, qui voyait avec douleur l'assemblée s'égarer pour ne pas adopter vos principes, publie une interprétation de vos décrets des 8 et 28 mars, dont il ne veut ni ne peut s'écarter, et renouvelle sa profession de foi : cet homme loyal, ce brave militaire ne prétendait rien changer à vos décrets; il annonce ce qu'il sent,, ce qu'il éprouve en les méditant, ce qu'il croit que tout homme honnête doit sentir. L'assemblée le dénonce comme usurpateur du pouvoir législatif; l'accuse d'attenter à l'autorité de cette auguste Assemblée; le déclare convaincu d'avoir violé les droits de la partie française de Saint-Domingue, et exercé le despotisme le plus affreux. Le délire le plus absolu avait anéanti toutes les facultés de cette assemblée. M. de Peynier, Messieurs, est l'homme le plus simple, le plus droit, le moins attaché aux prérogatives de son état, le moins jaloux d'honneur, le moins entreprenant.
L'assemblée décrète que le préposé à l'administration des finances versera, chaque mois, jusqu'à nouvel ordre, entre les mains du receveur de Saint-Marc, une somme de 200,000 livres, qui sera à la disposition de l'assemblée, avec injonction aux receveurs de s'y conformer, sous peine d'y être contraints comme dépositaires de deniers publics. Une ordonnance du commissaire ordonnateur, faisant fonctions d'intendant, arrête l'effet du décret.
Par un nouveau décret, l'assemblée casse et annulle l'assemblée provinciale du nord, et déclare déchu, pendant dix ans, du droit de citoyen actif, quiconque n'obéira pas au décret.
Elle avait tenu la même conduite en décrétant la suppression de la compagnie des volontaires du Port-au-Prince.
Cette assemblée prend, sous sa sauvegarde, l'exempt de maréchaussée de Saint-Louis, qui avait désobéi à son chef, en matière grave.
Au delà de toutes les bornes, sans caractère, comme, sans principes, cette assemblée ne marchait que d'erreurs en erreurs. Ëlle ouyre tous les ports aux étrangers. Les précautions prises par ce décret sont illusoires; l'examen le confirmera. Lecommerce des colonies mérite une grande , considération. Le temps est venu où toutes les discussions vont finir entre les cultivateurs et les négociants. Pour le bonhedr général, l'union doit régner entre eux d'une manière irrévocable. C'est à cette auguste Assemblée à la fixer. Point de commerce, point de colonies : aussi "point de
colonies, point de commerce. Aujourd'hui le commerce intérieur, les échanges de royaume à royaume n'occuperaient pas la trentième partie du commerce national. Ce sont les colonies qui sont l'âme du commerce: ce sont les colonies qui décident des mouvements de la terre entière ; ce sont les colonies qui lient tous les hommes répandus sur la surface du globe, en se transmettant mutuellement leurs besoins. Si les colonies reçoivent des avances, reçoivent les objets dont elles ne peuvent se passer, elles doivent aussi le retour de leurs productions territoriales. C'est au commerce national à profiter de cet avantage, tant que les colonies n'éprouveront point de disette par le fait du commerce. Cette vérité est reconnue aujourd'hui, parce que les négociants sont des hommes instruits et sensibles. Aussi, Messieurs, jamais, le commerce n'a témoigné de dispositions plus heureuses pour les colonies, qué dans ce moment. La progression du commerce est sensible; il tient à la vérité, à la consommation : à tout il faut un aliment; On n'opère pas sur le néant que l'on présente aux négociants un point sur la terre où ils puissent placer utilement leurs fonds, ils y voleront. Dépositaire de l'or, le commerce doit les avances dont les intérêts ne peuvent être payés que par le produit des terres. Cet aperçu, tout faible qu'il est, vous démontrera que le sort des colonies et du commerce est dans vos mains. Cette cause intéressante sera portée à votre tribunal. Vous aurez à juger que les productions des colonies sont dues de préférence au commerce national qui aura rempli ses engagements, mais que ce même commerce ne peut se refuser à ce que les colonies trouvent chez l'étranger ce qu'il est impossible que le commerce national lui fournisse.
Vous venez de voir l'étranger admis dans nos ports;le licenciement des troupes marehait avec cette dernière opération: il est décrété. Il ne fallait ni puissance ni force qui pussent s'opposer aux dispositions et aux entreprises de cette assemblée. En prononçant l'amnistie en faveur des déserteurs, on invite les troupes à abandonner leurs drapeaux, et à venir se ranger sous ceux de l'assemblée. Le déserteur pouvait s'enrôler dans les troupes nationales, ou rester citoyen actif, en se faisant connaître de la municipalité.
A l'expiration du nouvel engagement, le soldat devait être gratifié d'une concession, s'il restait dans la colonie. L'assemblée s'était ménagé cette disposition dans la défense faite aux administrateurs, par lé décret du 8 mai, de ne délivrer aucune concession nouvelle. Cette conduite, Messieurs, n'a eu d'effet que sur les détachements du régiment du Port-au-Prince, en garnison aux Cayes et à Saint-Marc. Le. dernier détachement a été embarqué sur le vaisseau le Léopard. Vous avez rendu un décret à ce sujet. Un simple interrogatoire que l'on ferait subir à ce détachement donnerait de grandes lumières sur la conduite et les projets de l'assemblée. Il est impossible d'imaginer les moyens de séduction employés pour corrompre le régiment du Port-au-Prince : prières, présents, espérances flatteuses, tout a été mis en usage. Ce beau, ce brave règlement était sur le point de succomber, lorsque le chevalier de Mauduit, qui en était colonel, revint dans la co!onie> dont il avait été_ huit mois absent. Aimé du soldat, il en connaissait le caractère. Il .s'attacha à découvrir les traîtres agents de ce complot. Il peint aux soldats les dangers, la honte attachée à la désertion, et fait passer dans leurs cœurs les sentiments de l'hon-
neur. Il èn est plein. Ses regards électrisent son régiment; aussi le dernier soldat est-il un homme sur lequel on peut compter. Nous devons aussi les éloges les plus marqués aux officiers de ce régiment; tous ont tenu une conduite admirable dans les circonstances critiques où ils se sont trouvés. Ils méritent que cette auguste Assemblée les prenne en considération, lorsque le moment sera venu d'organiser la colonie, et de déterminer les forces nécessaires à sa tranquillité. Nous offrirons un mémoire relatif à cet objet : il est visé du gouverneur général qui l'a adopté. L'avancement, la préférence qu'il y ♦demande pour les officiers déjà attachés au régiment du Port-au-Prince est une justice.
Le désintéressement du brave colonel y est bien caractérisé. Il s'oublie, pourvu que les officiers et les soldats soient pris en considération par l'Assemblée. M. de Mauduit, Messieurs, dont Washington disait : « Ce qui m'étonne le plus « dans ce brave et jeune chevalier français, « c'est sa modestie » ; M. de Mauduit est le héros, l'ange tutélaire de la colonie : tout était perdu sans lui. C'est lui qui a ranimé des ressorts trop relâchés ; c'est lui qui a dit, qui a prouvé qu'il y avait plus de danger à s'abandonner aux écarts de l'assemblée générale delà partie, etc., et des perfides comités qui en étaient les agents, qu'à les arrêter dans leur marche; c'est lui quia sauvé la colonie, en relevant l'âme du soldat, et en l'attachant & la cause des bons citoyens. Quel sort eût été le nôtre, Messieurs, si, par l'inspiration de l'assemblée, les soldats eussent abandonné leurs drapeaux!Un mauvais soldat est un malhonnête homme. Cette troupe débandée se serait portée à tous les excès ; les gens honnêtes en eussent été les premières victimes. Le chevalier de Mauduit, par son seul caractère, a rappelé à l'honneur, des gens qu'on disposait au crime; il les a rappelés à la fidélité qu'ils devaient à la nation ; aussi est-il béni par tous ceux qui ne s'aveuglent point. Nous l'aimons tous. Il a reçu nos félicitations. Un homme estimé de Washington, le législateur, le créateur de l'Amérique, doit être vertueux. Il est bien doux pour l'amitié d'ajouter une pensée à l'opinion publique. Cependant on vous le peindra comme un traître, comme un scélérat.
Un nouveau décret de l'assemblée générale défend de connaître de l'affaire qui se poursuivait à la juridiction du Port-au-Prince, contre un des membres du comité de cette ville: il en était alors président. 11 était, avec d'autres confrères, accusé d'avoir cherché à corrompre les soldats, d'avoir tramé des cabales abominables et des projets affreux : -les dépositions en font foi. Ce sont sur de pareils hommes que l'assemblée ouvrait sa main protectrice! Un second décréta donné le même appui à celui qui avait le premier présidé l'assemblée, et qui en avait fait l'ouverture. Il est défendu aux tribunaux du Gap de faire aucune poursuite. Il était accusé d'avoir été le moteur d'une prise d'armes, dans la nuit du 16 au 17 décembre, dont l'effet devait être funeste à MM. de Vincent et de Gambfort. Il était question de s'assurer de leurs personnes, pour ne plus trouver d'obstacles à ses projets ambitieux.
Les trames ourdies pour séduire les troupes furent dirigées aussi contre l'équipage du vaisseau du roi le Léopard, en rade au Port-au-Prince, et commandé par M. de La Galissonnière, dont le nom illustré par de grandes actions serait un
titre, si ses services ne le rendaient recomman-dable. Les membres du comité du Port-au-Prince furent les agents de ce complot: nous vous produirons des lettres de l'assemblée générale. Pour arrêter les effets de la séduction, M. de Peynier crut indispensable de faire lever l'ancre à ce vaisseau, il donna l'ordre à M. de La Galissonnière d'appareiller pour le Cap. L'équipage refusa d'obéir, et dit qu'il était aux ordres du comité du Port-au-Prince, et de l'assemblée générale, qui avait rendu un décret du 27 juillet, portant, en substance, que l'officier commandant le vaisseau du roi/e Léopard, ainsi que les forces navales alors au Port-au-Prince, seraient requis au nom del'honueur, du patriotisme, de la nation, de la loi, du roi, et particulièrement de la partie française de Saint-Domingue, de ne point sortir de la rade du Port-au-Prince, jusqu'à nouvel ordre. Les officiers de ce vaisseau n'étaient plus en sûreté à leur bord ; ils reçurent l'ordre d'en descendre, et l'équipage, soutenu dans son insurrection, persista dans sa désobéissance.
Il ne fut plus possible, Messieurs, de tolérer les abus qui se multipliaient. Les craintes des gens honnêtes augmentèrent. On voyait, dans le vaisseau le Léopard, un ennemi dangereux que l'on pouvait diriger contre la ville; et peut-être cela eût-il été exécuté, si les coups n'avaient pu n'être portés que contre les objets de leur haine. M. le gouverneur général assembla un conseil ; on y examina toutes les pièces qui démasquaient les séditieux : on délibéra sur le parti à prendre pour assurer la tranquillité de la ville. Par les dépositions qui venaient de toutes parts aux chefs, par les avis qu'ils recevaient des mouvements que l'on remarquait dans la ville, tout annonçait des projets dangereux. L'on a même su que.'si ces projets n'avaient pas été exécutés à certaine époque, c'est que les moyens n'avaient pas été bien concertés. Il fut arrêté que pour prévenir un désastre qui ne devait porter que sur la partie saine de la ville, et ceux dont l'état et la fortune pouvaient dédommager les scélérats qu'on emploierait; il fut arrêté qu'on s'assurerait des plus dangereux agents de cette perfidie; ils furen t désignés ; M. de Mauduit en reçut l'ordre. Ses différents pelotons commandés attendaient que la frégate l'Engageante fût hors de la portée du canon du Léopard, dont on craignait le ressentiment, lorsqu'il saurait que ses partisans étaient arrêtés. La frégate appareilla, et lorsqu'elle fut hors de loute atteinte, les pelotons se mirent en marche. Il était une heure après minuit. Les vents, qui commandent l'instaut de départ des bâtiments, n'avaient pas permis une expédition plus prompte. M. de Mauduit est informé que ia- maison où se tenait le comité est remplie de gens armés, au nombre de plus de trois cents, quoique la garde n'y fût ordinairement que de vingt hommes. Il en instruit le gouverneur général, et l'assure qu'il dissipera cet attroupement, s'il en reçoit l'ordre. Le général le lui envoie. M. de Mauduit apprend que l'attroupement augmente; que de tous côtés l'on voit dans la ville des gens qui forcent les citoyens à abandonner leurs maisons pour se rendre en armes au comité; que les patrouilles bourgeoises sont de 40, 50, même de 80 hommes ; qu'une patrouille militaire de 5 hommes a été désarmée; que l'on annonce des projets sur les magasins du roi, où l'on veut attirer toutes les forces, afin d'exécuter plus sûrement les projets concertés. 11 y envoie un piquet sous les ordres d'un capitaine. A l'instant où l'on y voit déboucher une patrouille nombreuse^
avec deux fanaux, quoique la lune éclairât de manière à faire saisir tous les objets.
M. de Mauduit envoie tous ces détails au gouverneur général, et lui mande qu'il est instant de prendre les mesures nécessaires pour arrêter de plus grands malheurs." L'officier, porteur des avis du colonel, lui rapporte l'ordre de M. de Peynier de tout faire pour prévenir le mal. Alors M. de Mauduit réunit les différente pelotons, parce qu'il présume que les gens désignés pour être arrêtés étaient au comité. Il prend deux pièces de canons. Les pelotons réunis formaient 84 hommes, auxquels se joignirent 25 volontaires qui s'étaient rendus aux casernes, sur les mouvements que l'on voyait dans la ville.
Ce colonel se porte vers la maison qu'occupaient les gens armés. Arrivé à l'encoignure de la rue, il place sa troupe. Seul il s'avance à vingt pas en avant, et somme cet attroupement, au nom de la nation, de là loi, du roi, et d'après les ordres de M. le gouverneur général, d'avoir à se dissiper. Il reçoit pour toute réponse : Non, nonl et une décharge de eoups de fusils, dont il n'est point atteint. Avec un sang-froid qu'aucune expression ne peut rendre, il recommence la même sommation ; une seconde décharge de coups de fusils et d'espingoles est dirigée sur lui. Un sapeur et un grenadier qui s'étaient avancés lors du premier danger qu'il avait couru, sont tués à ses côtés : plusieurs soldats sont tués et blessés derrière lui. Deux volontaires le furent aussi.
Alors il ordonne à sa troupe de faire feu. Deux S artisans du comité sont victimes. On crie: Grâce! '. de Mauduit, aussi généreux ét humain, qu'il est brave, fait cesser le feu et contient les soldats jusqu'à ce que les malheureuses victimes de la séduction eussent eu le temps de s'échapper. Les soldats frémissaient de, rage de voir leurs camarades tués et blessés : mais ils obéissent à leur chef, qui ne permet d'entrer dans la maison que lorsqu'il là crut évacuée. Il ordonna à ses soldats de se saisir des armes abandonnées parles fuyards. On trouva beaucoup de fusils, de pistolets, trois espingoles; 35 personnes étaient encore enfermées dans cette maison. M. de Mauduit les met sous la sauvegarde de l'honneur. Les soldats les conduisent aux casernes où elles ont passé le reste de la nuit.
Voilà, Messieurs, le récit fidèle de l'événement qui a eu lieu au Port-au-Prince dans la nuit du 29 au 30 juillet. En vain les ennemis de la vérité, les ennemis de M. de Mauduit voudraient le calomnier, ils n'altéreront point ces faits. Ils publient que ce colonel avait des projets destructeurs. C'est avec cent huit hommes qu'il en attaque quatre cents retranchés et armés. Deux hommes sont tués par le feu de la troupe bien servi; un plus grand nombre de soldats sont victimes d'un feu mal dirigé par des gens peu accoutumés au maniement des armes.
M. de Mauduit avait deux canons qui n'ont effrayé que par leur bruit. Ils n'étaient point chargés pour être meurtiers. C'était l'intention de ce colonel, qui n'a point attaqué, qui n'a point tiré le premier. Il ne voulait point de victimes: il voulait dissiper un attroupement devenu dangereux, parce qu'il était dirigé par des scélérats qui voulaient profiter du désordre. Ces hommes atroces, pour irriter les esprits, annoncèrent que la ville devait être livrée au pillage. Ils n'ont produit que le découragement, et il n'y a pas eu de pillage. Us ont osé lâchement calomnier la
troupe et leur chef : leur calomnie est retombée sur eux.
La ville, inquiète auparavant, toujours agitée de craintes, est rentrée dans le calme le plus profond par la fuite des auteurs du désordre. La proclamation que le gouverneur général fit le lendemain, aurait ramené la sécurité; elle a été troublée par la déclaration de guerre de l'assemblée de la partie française de Saint-Domingue, dont il avait prononcé la dissolution, ainsi que Celle du monstrueux comité du Port-au-Prince. La destruction de cette assemblée était le vœu de tous les honnêtes gens de la colonie.
Tandis que cet événement s'opérait au Port-au-Prince, sans s'être concertée, la province du nord faisait des dispositions qui tendaient au même but; elle envoyait douze députés, pris dans tous les corps, pour offrir au gouverneur général force, appui, et le prier d'user de l'autorité et des moyens qu'il avait dans ses mains, pour y parvenir.
Cette députation annonçait le départ d'un corps de troupes patriotiques et d'un détachement du régiment du Gap, sous le commandement de M. de Vincent, qui devait attendre des ordres aux Go-naires.
Je vous ai dit, Messieurs, que les préparatifs pour opérer la dissolution de l'assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue, se faisaient à deux points éloignés, sans avoir été concertés. Dans le même temps, l'on disposait au Port-au-Prince, un détachement de troupes patriotiques et réglées, qui devait se porter à Saint-Marc, M. de Mauduit devait le commander; on l'avait demandé, parce que le sort de la colonie repose sur lui.
C'est dans ces circonstances que le vaisseau le Léopard partit du Port-au-Prince. On croyait qu'il faisait voile pour la France; il alla s'embosser à Saint-Marc, de manière à écraser toutes les forces qui auraient pu le porter du Port-au-Prince sur cette ville, par terre et par mer. Le ministre a dû vous faire parvenir les détails relatifs à ce vaisseau.
L'assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue cria aux armes ; elle invita toutes les paroisses à se réunir. Je vais vous donner connaissance des lettres et proclamations.
Séance du 31 juillet.
« L'assemblée générale, transportée d'une vive « indignation aux nouvelles affreuses qu'elle « vient de. recevoir du Port-au-Prince, et péné-« trée du sentiment le plus juste et le plus pro-« fond, jure de venger le sang des braves citoyens « contre lesquels l'exécrable Mauduit, avoué par « le traître Peynier et par son infernal conseil, a « osé enfin tourner des armes destinées à défen-« dre les habitants de cette île.
« Invite, au nom de l'honneur et du salut de « la patrie en danger, toutes les paroisses de la t partie française de Saint-Domingue, d'accourir « très promptement au secours de leurs frères du « Port-au-Prince qu'on égorge.
« Déclare le comte de Peynier et les sieurs « Mauduit, Goustard, Gournoyer, La Galissonnière « et La Merveillère, traîtres à la nation, ennemis « publics, et, comme tels, les proscrit.
« Ordonne à tous les citoyens de la partie fran-« çaise de Saint-Domingue, de poursuivre, à ou-« trance, les infâmes auteurs des massacres hor-« ribles qui plongent la patrie française de Saint-« Domingue dans le deuil.
« Fait en assemblée générale, les jour, mois et « an que dessus. Signé : T. Millet, président; de Pons, vice-président, etc. »
« Saint-Marc, 31 juillet.
« Messieurs et chers compatriotes, nous vous « prévenons, au nom de l'assemblée générale, « que la conspiration contre la partie française « de Saint-Domingue a éclaté, au Port-au-Prince, « la nuit du 29 au 30 de ce mois, par l'assassinat « d'un grand nombre de citoyens, ordonné par « le comte de Peynier, et exécuté par Te colonel « Mauduit. Songez à vous, et comptez sur l'iné-« branlable fermeté de vos représentants.
« Rendez-vous au Cul-de-Sac en armes, le plus « tôt que vous pourrez.
« Nous sommes, avec les sentiments fraternels « que la douleur resserre encore,
Messieurs et chers compatriotes,
« Vos très humbles, etc.
« Signé : T. Millet, président ; de Pons, vice-président, etc. » *
31 juillet.
Proclamation de rassemblée générale.
« Au nom de la nation, de la loi, du roi et de « la partie française de Saint-Domingue en péril,
« Toutes les paroisses sont invitées et pressées « de se réunir sur-le-champ, pour venger les as-« sassinats qui viennent d'être commis au Port-« au-Prince.
« L'horrible conjuration a éclaté. Les exécra-« bles Peynier,Mauduit, Goustard, La Jaille, etc..., « se baignent dans le sang. Que les bons citoyens « courent aux armes. »
Union, célérité, courage.
« Les points de ralliement sont Saint-Marc pour « toute la partie du nord et les paroisses adja-« centes;Gul-de-Sac pourleMirebalais, Montrouis, « les Vases, Arcahaye, Boucassin et dépendances ; « Léogane pour la partie du sud. Signé : T, MiL-« let, président, de Pons, vice-président. »
Séance du 2 août.
« L'assemblée décrète incompétente, séditieuse, « attentatoire, tant aux décrets de l'Assemblée « nationale, qu'aux droits des citoyens de la « partie française de Saint-Domingue, la procla-« mation mensongère et despotique que le sieur « comte de Peynier a osé publier, le 29 juillet « dernier, contre leurs représentants, et qu'il « n'a rendue que pour autoriser les assassinats « qu'il préméditait de faire exécuter sur les ci-« toyens dans la nuit suivante, par le colonel « Mauduit ; déclare que ce nouveau crime du « sieur comte de Peynier est d'autant plus punis-ci sable, qu'il l'a commis au mépris des ordres du « roi, que lui transmettent les dernières dépê-« ches du ministre, en faveur des citoyens, des « municipalités, et surtout de l'assemblée géné-« raie des représentants de la partie française « de Saint-Domingue. Ordonne en conséquence, « de plus fort, l'exécution de ses décrets des «31 juillet et 2 de ce mois, qui proscrivent et t destituent ledit sieur de Peynier; et sera le « présent décret imprimé à la suite de ladite
« proclamation, et envoyé dans toutes les pa-« roisses dont le sieur de Peynier a osé fouler aux « pieds le droit le plus sacré.
« Fait en assemblée générale, séante à Saint-Marc, lesdits jour, mois et an que dessus. Signé r T. Millet, président; de Pons, vice-président. »
Séance du 2 août.
« L'assemblée générale, considérant l'horrible « trahison dont le comte de Peynier s'est rendu « Coupable envers la partie française de Saint-« Domingue et envers la nation entière, par les « meurtres et les autres excès lâchement commis, « par ses ordres, sur les citoyensduPort-au-Prince, « et dont le but est aujourd'hui bien manifesté « par la découverte de l'affreuse conspiration qui « se tramait d'un bout de cette île à l'autre, pour « opérer une contre-révolution ;
« Considérant que les attentats du comte de « Peynier deviennent plus odieux, d'après la « connaissance que l'Assemblée vient d'acquérir « de la lettre du comte de La Luzerne, et des au-« très dépêches apportées aux Gayes par la cor-« vette le Serin, lettres et dépêches qui prouvent « que les horreurs commises au Port-au-Prince « n'ont été précédées d'aucuns ordres qui aient « pu autoriser le sieur de Peynier à prendre des « mesures aussi sanguinaires et aussi désas-« treuses que celles qu'il vient d'effectuer dans « ladite ville;
« Considérant enfin que sa tête a été proscrite « par le décret de l'Assemblée du 31 du mois « dernier, en haine de.son abominable conduite;
« Décrète que ledit sieur de Peynier est et de-« meure destitué, par le seul fait, du gouverne-ci ment de la partie française de Saint-Domingue.
« Fait défense à qui que ce soit de lui obéir « en cette qualité, sous peine d'être réputé com-« plice de sa trahison; et attendu que le sieur « de Vincent, qui devrait le premier lui succéder « au gouvernement, est devenu l'un de ses fau-« teurs et complices, par sa coalition avec lui et « avec les autres ennemis de la partie française « de Saint-Domingue; attendu aussi que le sieur « Coustard, appelé à ce poste au défaut du sieur « de Vincent, est un des infâmes conseillers du « comte de Peynier, et comme tel, proscrit, et « que les autres officiers supérieurs qui viennent « après lui sont justement suspects, l'assemblée « déclare, à l'unanimité, que le commandement « général de la partie française de Saint-Domin-« gue est et demeure dévolu provisoirement, et « jusqu'à ce qu'il en ait autrement été pourvu « par le roi, à M. de Fierville, actuellement com-« mandant particulier de la ville des Cayes, dont « le patriotisme s'est fait connaître, sans équivo-« que, dans les circonstances critiques où se « trouve cette colonie, l'invite à se rendre, sans « délai, auprès de l'assemblée générale.
« Enjoint aux gardes nationales soldées ou non « soldées, et à tous autres, de quelque classe et « condition qu'ils soient, de le reconnaître én « cette qualité et d'obéir à ses ordres ; et comme « le sieur de Peynier a dans ses mains une partie « des forces de la partie française de Saint-Do-« mingue, l'assemblée générale, voulant épar-« gner, s'il se peut, le sang des citoyens qui se « réunissent, de toutes parts, pour exercer les « justes vengeances dues à ceux de leurs frères « qui ont été les victimes de sa fureur, décrète « que copies collationnées de la lettre du comte « de La Luzerne et des autres dépêches apportées
« aux Cayes par la corvette le Serin, et dont les « originaux sont tombés au pouvoir du comte de « Peynier, par la dispersion et la spoliation du « comité de l'Ouest, auxquels ils avaient été « adressés pour lui être remis, lui seront, sura-| bondamment et sans délai, adressés, pour qu'il « ait, à l'instant de leur notification, à désarmer « les troupes qui l'entourent, jusqu'à ce que « M. de Fierville en ait pris le commandement ; « sinon, et faute par ledit sieur de Peynier d'o-« béir au présent décret, l'Assemblée déclare f qu'elle laissera aux bons citoyens qui brûlent « de voler au Port-au-Prince, et dont le nombre « s'accroît rapidement, la liberté de punir, par « la voie des armes, lès énormes forfaits qui ont « été commis par le sieur de Peynier, et qui le « rendront ainsi que ses fauteurs et cohérents, « à jamais exécrable à toutes les nations.
« Sera le présent décret apporté à M. de Fier-« ville, par ceux de MM. les citoyens des Cayes, « dont le, courageux patriotisme a prouvé à l'as-« semblée la connaissance des précieuses dépê-« ches venues par le Serin, lesquels elle nomme « ses commissaires à cet effet; sera en outre ledit « décret notifié au sieur de Peynier, imprimé, « publié et affiché dans toute la partie française « de Saint-Domingue.
« Fait en assemblée générale à Saint-Marc. Signé ; T. Millet, président; de PoîfS, vice-président. »
M. de Vincent était aux Gonaires à la tête des troupes de la province du nord et du détachement du régiment du Cap. Ses ordres portaient qu'il sommerait l'assemblée d'avoir à se dissoudre, et que, sur le refus d'obéir, il ferait marcher sa troupe. Cette négociation traîna plusieurs jours, et donna lieu aux lettres que nous déposerons. M. dé Vincent déclara qu'obligé d'obéir aux ordres qui lui avaient été donnés, il allait marcher. Rassemblée s'embarqua sur le Léopard, qu'elle nomma le sauveur des Français, et se fit escorter par le détachement en garnison à Saint-Marc* qu'elle avait séduit. Elle annonce son départ à toute la colonie, dans une lettre dont nous sommes porteurs.
Les proclamations, les cris d'alarmes de l'assemblée dont je vous ai donné lecture, firent l'effet qu'elle en attendait dans différentes paroisses, et remplirent d'indignation les quartiers qui n'adoptaient pas des principes aussi désastreux.
A Léogane on força la poudrière; on fit des préparatifs d'attaque et de défense; on porta des canons dans les grands chemins et dans la ville.
Au petit Goave, le même vertige produisit les mêmes effets. Aux Cayes ils furent plus violents. Les récits exagérés de l'événement de la nuit du 29 au 30 juillet, les proclamations incendiaires de l'assemblée générale, aigrirent les esprits au point que tout fut dans le désordre. On y arrêta de prendre les armes, de courir au secours des malheureux que l'on égorgeait au Port-au-Prince. La ville des Cayes avait longtemps manifesté des principes sages et modérés : elle avait contrarié ceux de l'assemblée générale. Il se forma, tout d'un coup, dans cette ville, un club, dont la composition n'était pas heureuse. Ce club en imposa, par des moyens tranchants, aux citoyens honnêtes et paisibles qui se retirèrent, gardèrent le silence. Ce club devint l'arbitre des délibérations et l'appui de l'assemblée dans cette partie de l'Ile. Il y fut décidé que l'on s'emparerait des lettres contresignées du gouvernement et de l'administration. Une lettre adressée à M.
de Cauders, ancien major du régiment du Cap, homme estimé, retiré sur ses terres, père de famille, fut la cause de sa perte. Deux cents personnes se transportent chez lui ; mettent le feu à deux pièces de canon; pillent sa maison, ses meubles ; se saisissent de lui et le traînent aux Cayes comme un criminel. Lé premier cri fut de le pendre. Des personnes sages représentent qu'un citoyen ne peut être exécuté sans un jugement qui ordonne sa mort. La fureur qui avait paru s'apaiser, se ranime. Il est percé de plusieurs balles, sa tête coupée et portée dans toute la ville, et avec affectation sous les fenêtres des officiers du régiment du Port-au-Prince, détachés aux Cayes et détenus prisonniers, pour avoir voulu s'opposer à la désertion de leur troupe séduite par les agents de l'assemblée gé* nérale. Je vais donner lecture d'une lettre de la commune des Cayes, qui en fera connaître l'esprit et les dispositions.
« Cayes, ce
« Nos chers concitoyens, nous vous donnons « avis qu'hier à huit heures un quart du soir, « nous avons récompensé, sur la place d'armes, « M. Cauders des bonnes intentions qu'il avait « pour nous. Sa correspondance, qu'on est à « même de lire, va nous prouver combien il nous « était attaché.
« Nous désirons, chers concitoyens, d'apprenti dre que quelques âmes charitables nous débar-« rassent de trois ou quatre têtes qui causent nos « maux. N'épargnez rien : nous avons ici cent « mille livres à votre disposition.
« Nous avons l'honneur d'être tout à vous.
« Signé: Bergobsom,
secrétaire de la commune.
« A Messieurs du comité provincial du Port-au-Prince. »
Dans le nombre des paroisses qui ont protesté contre l'assemblée générale, dont les. protestations sont jointes aux pièces, on doit citer celle de l'Arcahaie et de la Croix-des-Bouquets. La première a remis des lettres intéressantes qui font connaître le génie et les principes de l'assemblée générale. La Croix-des-Bouquets, dont deux députés sont ici présents, a envoyé un corps de troupes patriotiques à M. le gouverneur général, pour l'aider à dissiper les restes du désordre.
Dans un récit aussi réservé qu'il a été possible, vous avez vu la colonie dans ses différentes positions depuis qu'elle a conçu le dessein d'avoir des représentants dans cette auguste Assemblée qui a précédé l'assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue. Dans son organisation elle devait être provisoire et consultative, préparer, vous offrir les plans relatifs à la colonie. Nos besoins nous donnaient un droit ; nos vœux nous donnaient un titre pour participer à la régénération de ce bel Empire. La colonie devait nécessairement occuper vos soins. Nous avions confié à l'assemblée générale ce précieux dépôt.
Vous avez vu ses prétentions, son orgueil. Composée de citoyens dont le caractère était tracé, vous l'avez vue en adopter un tout opposé. Simple assemblée de province, elle a rendu des décrets; elle a absorbé tous les degrés de juridiction, envahi tous les pouvoirs. Le représentant du roi, dépouillé de son autorité; les tribunaux sans vigueur. Cette assemblée a autorisé un tribunal supérieur, illégal dans sa formation,
à rendre la justice ; elle a souffert que le comité du Port-au-Prince, l'exécuteur de ses volontés et de ses décrets, informât en matière criminelle ; elle tendait à concentrer dans ses mains un despotisme bien plus dangereux pour la colonie, que celui sous lequel elle gémissait auparavant. Enhardie par les premiers succès de folles prétentions que l'on regardait comme l'effet de l'amour-propre énorgueilli, elle a tout osé ; elle a méconnu la puissance de l'Assemblée des représentants de la nation, dont elle a soumis les décrets à une nouvelle revision, même après la sanction ; elle a appelé l'étranger dans nos ports, licencié les troupes, augmenté la paye du soldat, pour le séduire ; elle s'est permis de divertir les fonds de la colonie, dont les destinations sont fixes ; elle a débauché l'équipage du vaisseau du roi le Léo-ard. Les lettres de l'assemblée à cet équipage, e décret qui autorise son insurrection sont au nombre des pièces. Vous y verrez aussi les dépositions des soldats, les manœuvres pratiquées pour les corrompre. Des membres de l'assemblée générale y sont inculpés ; ses agents, répandus dans toute la colonie, y entretiennent le désordre, inspirent des craintes, et, par de fausses apparences, séduisent oh intimident les gens sans méfiance. C'est par là qu'elle a obtenu l'apparente majorité dont elle se targuait.
Si nous ne nous étions pas imposé, Messieurs, la loi de. ne vous présenter que ee dont nous avions la preuve écrite, nous pénétrerions dans le sein de cette assemblée; vous y liriez, en caractères bien exprimés, tous les égarements du cœur et de l'esprit ; vous y verriez méconnaître la nation et l'autorité de ses respectables représentants; vous y entendriez une voix forte proférer ces cris déchirants, ce blasphème: La France n'est point notre mère, c'est une maFâtre ; il est temps de marcher à l'indépendance; une nation voisine n'attend que l'expression de nos vœux. Ce bruit s'est généralement répandu et peut-être est-il parvenu jusqu'à vous.
L'assemblée de la partie française de Saint-Domingue a comblé la mesure par ses proclamations, par les cris de guerre. La conduite du gouverneur général, qui n'a point de reproches à se faire, n'eût-elle pas été dictée par les circonstances qui l'ont forcé d'agir, cette assemblée devait-elle prononcer des proscriptions, mettre des têtes à prix, inspirer le crime? Devait-elle mettre les armes à la main à une colonie qui trouvait son repos dans un moment de crise, à la vérité, mais que la prudence du chevalier de Mauduit a rendu le moins funeste possible? L'assemblée présente le comte de Peynier comme un scélérat dévoué à la mort. Ce brave militaire, ce général qui a toujours bien combattu, qui a été l'émule et le camarade d'armes de Suffren, verra la mort avec plaisir, si elle est utile à la nation. Les braves officiers compris dans la proscription portent le même caractère. Fidèles à la nation, à ta loi et au roi, qu'ils ont toujours généreusement servi, ils ne haïssent que les traîtres.
L'assemblée générale a fait à la colonie un mal irréparable, en s'écartant de son objet. Placée entre la colonie et les représentants de la nation, elle a renoncé à la plus belle prérogative, celle qui flatte le plus des cœurs vertueux, celle de participer, de coopérer aux travaux des génies bienfaisants, des génies tutélaires qui s'occupent à rendre le peuple français le peuple le plus heureux de la terre, sous la protection de la loi, que le caprice ni l'intérêt ne pourront plus altérer, et dont le crédit des grandes places ne pour-
ront plus abuser, parce que les législateurs veilleront sur le peuple.
Nous avons, Messieurs, fidèlement rapporté les faits. L'examen des pièces en rappellera d'autres également prouvés. Nous pensons que le principe du mal était dans l'assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue, que sa destruction était nécessaire. Elle a effrayé les esprits par, ses dispositions, par ce génie dominant et intérieur qu'il1 est difficile de peindre, parce qu'en le désavouant, elle en effacera les traits, dont l'empreinte est cependant durement gravée dans nos cœurs. Elle a mérité de perdre notre confiance, et d'être dissipée. Cependant, Messieurs, vous avez à prononcer sur nos frères. Avant de nous haïr, avant d'être divisés d'opinion, ils étaient nos amis; ils sont colons comme nous, pères de famille ; nos vœux les plus ardents sont que la colonie ne fasse plus qu'une famille dont vous deviendrez les chéfs, après en avoir été les arbitres.-
Comme eux, loin de nos foyers, la volonté de nos constituants-nous a fait un devoir d'un départ précipité et de souffrances multipliées. Nos peines deviendront pour nous un sujet de joie, si la colonie n'est plus divisée en factions, si l'union se rétablit, si toute trace de haine est effacée. Du jugement que vous allez porter dépend ce bien précieux.
Nos constituants, Messieurs, dans les instructions, dans les pouvoirs qu'ils nous ont donnés, ont mis le sceau à notre bonheur, en nous procurant l'honneur de jurer à cette auguste Assemblée, en leurs noms, aux nôtres, que nous sommes Français, inviolabiement attachés à la nation, à la loi, au roi; que les décrets émanés de vous, sanctionnés par notre bon roi, seront les seules lois que nous adopterons, auxquelles nous obéirons ; que nous désirons, que nous soupirons après la régénération qqe préparent vos cœurs généreux et bienfaisants. La colonie, Messieurs, qui a été effrayée de l'idée d'un changement de domination, qui a craint d'être séparée de ses législateurs, vous jure, par notre organe, une soumission, une reconnaissance éternelle.
Signé : Arnauld, Trottier, Lajard, députés du Port-au-Prince; Daulnay de Chitry, Hamon de Vaujoyeux, députés de la Croix-des-Bouquets.
Extrait des registres des délibérations de la paroisse du Port-au-Prince.
L'an mil sept cent quatre-vingt-dix, et le neuvième jour du mois d'août, à dix heures du matin, les citoyens delà paroisse du Port-au-Prince, extraordinairement et régulièrement assemblés en leur église paroissiale, ont proposé, pour leur président, le plus ancien d'âge, vu l'absence de M. le marguillier. M. Kenscoff père, s'étant trouvé le plus ancien, d'après l'interpellation faite par l'Assemblée, a été reconnu président de droit.; M. Kenscoff ayant représenté qu'il ne pouvait remplir cette place, M. Sammartin aîné s'étant trouvé après lui le plus ancien de l'assemblée, il a été nommé pour président, et il a nommé M. Pacaud pour secrétaire.
Sur la proposition faite par le président, de savoir s'il serait nécessaire de nommer des députés auprès de l'Assemblée nationale, à l'effet de faire connaître les troubles qui se sont élevés dans cette colonie, et notamment dans la ville du Port-au-
Prince, depuis l'existence de l'assemblée générale, séante à Saint-Marc, il a été arrêté que, pour donner son avis sur cette question, ceux qui voteraient pour l'envoi des députés, passeraient au côté nord de l'église; et ceux qui voteraient pour la négative, passeraient au sud: ce qui ayant été fait, il a été reconnu que la presque totalité des citoyens étaient pour l'envoi des députés ; en conséquence, il a été arrêté qu'il en serait nommé.
Sur la proposition faite par M. le président, de savoir quel serait le nombre des députés à envoyer en France, dans quelle classe ils seraient élus, et M. le président ayant représenté qu'il lui semblait convenable de choisir entre quatre et six, il a été arrêté, à l'unanimité et par acclamation, qu'il en serait nommé quatre, qu'ils seraient choisis parmi tous les citoyens éligibles, et que les frais de celte députation seraient supportés par la paroisse.
Le choix de MM. les commissaires-scrutateurs, ainsi que le nom bre, ayant .été laissé à la disposition de M. le président, il a cru nécessaire de les porter au nombre de six, et a nommé :
MM. Grandmaison, conseiller;
Le chevalier Volant, habitant;
Girault, curateur aux successions vacantes ;
Gaudin, négociant;
Lenud, négociant ;
Bourgenot, marchand tapissier.
Après le dépouillement du scrutin, il a été reconnu que
MM. Arnauld a réuni deux cent quàrante-sixvoix;
Trottier, deux cent trente-trois;
Picard, deux cent treize;
Lajard, deux cent treize;
Chachereau, dix-huit ;
Le chevalier Volant, seize ;
Benoît, quatorze ;
Girault, onze ;
Sait-Martin ainé, six;
Piémont, cinq;
Massac, quatre;
La Marnière, quatre;
Allemand aîné, quatre;
Lefranc, trois ;
Bumoustier, deux;
Pelé, deux;
Pacame, deux;
Darac, une;
Poupin, une;
Touron ainé, une;
Et qu'il résulte de ce dépouillement que MM. Arnauld, Trottier, Picard et Lajard sont nommés pour aller en France : il a été arrêté qu'il serait envoyé à chacun d'eux deux députés pour les prier de déclarer s'ils acceptaient la mission qui leur est confiée, et qu'en cas de non-acceptation de leur part, ceux qui ont réuni le plus de voix après eux, rempliraient cette mi-sion.
M. le président, ayant proposé à l'assemblée la question de savoir si les citoyens veulent ou non rappeler leurs députés à l'assemblée générale de la colonie, il a été observé, par plusieurs citoyens, que M. le gouverneur général, ayant dissous, par sa proclamation du 29 juillet dernier, ladite assemblée les députés se trouvaient rappelés de droit; cependant d'autres citoyens ayant pensé qu'encore que M. le gouverneur général eût prononcé la dissolution de l'assemblée générale, cependant I il convenait et il appartenait à la paroisse de rap- j peler et révoquer ses députés : la matière mise j en délibération, il a été arrêté que, pour donner | son avis sur cette question, ceux qui voudraient j
rappeler leurs députés à l'assemblée générale de la colonie, passeraient au côté nord de l'église et que ceux qui ne le voudraient pas passeraient au côté sud, ce qui ayant été fait ; il a été reconnu que la totalité des citoyens était pour rappeler leurs députés à l'assemblée générale de la colonie ; en conséquence, il a été arrêté qu'ils étaient et demeureraient rappelés : à l'effet de quoi la présente délibération leur sera notifiée.
Plusieurs citoyens ayant représenté à M. le président, qu'ils croyaient nécessaire de manifester leur adhésion et celle de tous aux proclamations de M. le gouverneur général, des 29 et 30 juillet dernier, contre l'assemblée générale séante à Saint-Marc, et le comité provincial de l'ouest ; M. le président ayant mis la question en délibération, il a été arrêté à l'unanimité que tous les citoyens adhéraient auxdites proclamations de M. le gouverneur général.-
L'assemblée a ensuite arrêté qu'il serait adressé à M. le gouverneur général, des remerclments sur la conduite prudente et ferme qu'il a manifestée pour opérer la tranquillité dans la colonie, et particulièrement dans cette ville, et qu'il serait prié de vouloir bien continuer ses mêmes soins et surveillances; qu'à cet effet M. le président se rendrait auprès de M. le gouverneur général, pour remplir, à cet égard, le vœu de l'assembJée, et qu'il se ferait accompagner par trois personnes qu'il choisirait, lesquelles ont été MM. Thomin, Chambellan et Michateau.
M. le Président a proposé à l'assemblée de donner des instructions à MM. les députés de la paroisse, et la proposition ayant été acceptée, lecture a été faite par M. le président d'un projet d'instruction remis par un des membres de l'assemblée, lequel projet ayant été discuté, il a été définitivement arrêté, ainsi qu'il suit :
« Nous, citoyens français de la paroisse du « Port-au-Prince, extraordinairement et réguliè-« rement assemblés dans l'église, lieu ordinaire « des délibérations, après avoir pris en considé-« ration l'état affreux dans lequel se trouve la « colonie, et la perspective effayante que lui pré-« parent les décrets de la soi-disante assemblée « générale, séante à Saint-Marc; après avoir « nommé MM. Arnauld, Trottier, Picard et La-« jàrd, députés extraordinaires auprès de l'As-« semblée nationale et du roi, pour faire connaî-« tre les alarmes des bons Français qui habitent « Saint-Domingue:
« Nous recommandons particulièrement à nos « députés de mettre sous les yeux du Corps légis-latif, de la nation et de Sa Majesté, la marche « d'abord irrégulière et ensuite criminelle de la-« dite assemblée.
« Ils peindront les anxiétés des colons de Saint-« Domingue; ils diront que l'assemblée générale, « osant marcher d'un pas égal avec l'Assemblée « nationale, a effectué, autant qu'il était en elle, « le dessein qu'elle n'avait d'abord que manifesté « contre tous les principes politiques qui fondent « la société, en s'arrogeant plus de pouvoirs, plus « d'autorité que n'en a donné la nation française « à ses représentants.
« Us diront que cette assemblée générale a « rendu des décrets, lorsqu'elle ne pouvait que « proposer des plans pour faire participer la colo-« nie au bienfait de la régénération.
« Us diront qu'elle a déclaré ses membres in-« violables et indépendants de leurs constituants, « appliquant follement à une contrée dans laquelle « le salut public, loin d'être en danger, se trouve « garanti par la puissance redoutable d'un peuple
« qui doit sa liberté à son énergie, à son courage; « appliquant, disons-nous, à une telle contrée « des principes que des circonstances d'un danger « imminent ont pu faire adopter par l'Assemblée « nationale.
« Ils diront qu'elle a sacrifié un temps précieux « à mander des officiers publics pour les humilier « et caresser sa propre vanité; que non contente « de porter, par de telles démarches, le relàche-« ment dans la partie de l'administration publique, « qui intéresse le plus la sûreté de tous, elle a « cherché à faire mépriser l'autorité dont le roi .« a confié l'exercice à son représentant, dans "« l'intention d'absorber tous les pouvoirs et de « tyranniser la colonie.
« Ils diront qu'à l'arrivée des décrets des 8 « et 28 mars, la colonie entière les a regardés « comme la base de la régénération coloniale, et « qu'elle a, en conséquence, manifesté son vœu « de se soumettre à leur exécution ; mais que l'as-« semblée générale, feignant d'obtempérer à cette « acclamation publique, a promulgué un décret « le 1er juin, qui restreint tellement ceux des « huit et .vingt-huit mars, qu'elle les arendus vains « et dérisoires.
« Ils diront qu'en vain plusieurs paroisses de « la colonie, se ralliant avec confiance aux décrets « des 8 et 28 mars, n'ont consenti à la confirma-« tion de l'assemblée générale, qu'en lui imposant « l'obligation de se conformer littéralement à ces . « deux décrets; qu'en vain, d'autres paroisses « mieux éclairées sur les vues perverses de cette « assemblée, en ont prononcé la dissolution ; que « l'assemblée générale a méprisé toutes ces con-« sidérations, et n'a poursuivi qu'avec plus d'au-« dace ses desseins criminels.
« Ils diront qu'elle s'est servie, avec une abo-« minable adresse, du dévouement du comité du « Port-au-Prince, pour séduire le régiment qui y « est en garnison, ainsi que les équipages du « vaisseau du roi le Léopard el di s frégates « mouillées dans la rade du Port-au-Çrince.
« Ils diront que l'honneur qui fut toujours l'é-« tendard du régiment du Port-au-Prince, lui a « fait rejeter, avec mépris, les démarches et les « offres des ennemis du bien public; que l'équi-« page du vaisseau du roi le Léopard s'est "souillé « par la plus complète des trahisons, en se ren-« dant sous les ordres de l'assemblée générale, « déclarée traître à la patrie par le représentant ' du roi, à la réquisition de la province du nord, « de la ville du Port-au-Prince, de la paroisse de « la Croix-des-Bouquets.
« Ils diront qu'après avoir divisé les citoyens « du Port-au-Prince, par les instigations du co-« mité de cette ville ; qu'après avoir échoué dans « son plan de séduction, à l'égard du régiment « du Port-au-Prince, elle a conçu le projet exé-« crable d'armer les citoyens contre les citoyens ; « que ces menées sourdes, ces trames criminelles « ont donné lieu à l'événement funeste arrivé en « cette ville le 30 juillet dernier.
« Ils diront enfin qu'elle a comblé la mesure « de ses iniquités, en opérant la défection du « détachement des troupes réglées en garnison à « Saint-Marc, en forçant les soldats de ce déta-« chement de prendre les armes contre leurs « concitoyens, et en jetant dans des cachots leurs « officiers qui, plus attachés à leur honneur qu'à « leur vie, n'ont pas voulu participer au crime « dans lequel l'assemblée avait entraîné presque a tous leurs soldats.
« Nous recommandons, au surplus, à nos dépu-« tés de manifester à l'Assemblée nationale et au
« roi notre parfaite adhésion aux décrets des « 8 et 28 mars.
« Nous arrêtons enfin que M. le gouverneur « général sera supplié de faire partir nos députés « le plus tôt possible, sur une corvette du roi, « s'il peut en disposer. »
L'assemblée a arrêté ensuite qu'il serait remis à MM. les députés, allant eu France, expédition de la présente délibération ;•laquelle sera, au surplus, imprimée aux frais de la paroisse, au nombre de mille exemplaires.
Ët à l'instant sont arrivés à l'assemblée MM. les commissaires envoyés auprès de MM. les députés nommés pour France, et ont dit que MM. Ar-nauld, Trottier et Lajard acceptaient la mission, et que M. Picard est absent.
Fait et clos les jours et an que de l'autre part, et ont les paroissiens signé.
Certifié conforme au registre des délibérations de la paroisse. Au Port-au-Prince, le douze août mil sept cent quatre-vingt-dix. Signé : Saint-Martin, l'aîné, président; PaCAUD, secrétaire.
Extrait des registres des délibérations de la Paroisse de la Croix-des-Bouquets.
L'an mil sept cent quatre-vingt-dix, le dimanche huit août, issue de la grand'messe paroissiale ; "
MM. les habitants et citoyens de la paroisse de la Croix-des-Bouquets s'étant assemblés en l'église paroissiale, sur l'invitation à eux faite par M. Ha-nus de Jumécourt, en sa qualité de capitaine général des districts de la paroisse; mesdits sieurs les habitants et citoyens ont nommé par accla-tion M. Digneron, habitant, pour présider l'assemblée, et M. Bernanosse pour secrétaire.
L'assemblée paroissiale, prenant en considération l'iutention de MM. les citoyens patriotes du Port-au-Prince, a décidé unanimement, que M. Daulnay de Chitry et M. Hamon de Vaujoyeux partiraient de suite pour France, avec MM. les députés de la ville du Port-au-Prince et des autres paroisses de la colonie; qu'à cet effet, il sera donné auxdits deux députés de cette paroisse, des pouvoirs particuliers et en forme, pour rendre compte à l'Assemblée nationale et au roi de la position affligeante où se trouve la colonie, et porter les vœux des bons citoyens.
2° Qu'attendu que M. Daulnay de Chitry remplissait à la paroisse les fonctions de major général des districts, et que, dans les circonstances actuelles, cette place est d'une importance infinie, il a été procédé de suite à son remplacement, et M. Lestage aîné a réuni tous les suffrages ;
3° Et comme M. Lestage aîné remplissait la charge de capitaine du district des Varreux, il a été arrêté que le district des Varreux s'assemblera pour nommer un capitaine, aux lieu et place de mondit sieur Lestage.
4° MM. les capitaines et officiers de districts ont rendu compte de leur transport sur différentes habitations, dont les citoyens avaient marqué jusqu'à présent peu d'empressement à se rendre aux assemblées de paroisse et de district: tous ont promis de concourir à la sécurité de la paroisse, et au formulaire arrêté au Port-au-Prince, par MM. les commissaires de la conciliation.
5° 11 a été arrêté, en outre, qu'il sera nommé et choisi un officier de plus par chaque district de la paroisse.
6° MM. les citoyens de ladite paroisse ont de
nouveau prêté serment d'être fidèles à la nation, à la loi et au roi ; d'obéir aux ordres de MM. les officiers de districts, et de concourir au bien général, et à maintenir la tranquillité publique! 7° M. Prcquau, comme capitaine des districts du bourg, tiendra la main àce-que tous $e» citoyens actifs et domiciliés audit bourg fassent le service des districts!; !et il a été arrêté que tous ceux qui s'y refuseraient seraient expulsés du bourg, et regardés comme pertubateurs du repos public.
8* Il a été de plus arrêté que MM. les officiers des- districts de la paroisse rédigeront les pouvoirs qui vont1 être confiés aux membres de sa dëputation qui va partir pour France.
Fait, clos et arrêté en assemblée paroissiale, Ie8dits jour, mois et an, et ont tous lesdits habitants et.citoyens signé:
Ainsi signé: Digheron, président; Hanus de J'a-rûécourt, capitaine général; Lathoison des Var-rtux, V.'-Drouillard, aîné; Bailly, Bonnet, Fassy; Travers, Daulnay de Ghitry, Terrelouge, le Bache-lerie, î. On ni ère', E. Faure, J. Alvarés, Aubin Duhamel, J. Dutiïlh, de Manneville, Glaumé, j. Gil-la'rd, Lacommë, Four nier, J. L. Lamaighèzé, Adam, BeaUguil, Berve, dé Parage, 'îo'lly, C. la Mothe, Mérillon, aîné; Martin, Picq,'F. Faurès, Turbé, la Màrre, Thomas de la Turbalière, Fôur-cade, Lemeilleur, Braud, Danger, de Vezins, Wasse, Pomès ; .Basque, Ludot, Duval, Lussaud, Sarrel, Robin, Leboule, Villeneuve, Gardon,' Na-zaret, Badaud, Trublet, Dugué, Dérochés, Lan-gldis dé Barville, Castafède, Thuet j., Hillouta,, de la Ville-Robert, Coustard, Du chemin, S.-Victor, Drouillard de la Regnièrev J. d'Espinoée, Dabe-déilhe, d'Estréez, aîné; Lefièvre et Bernanosse, secrétaire.
Suivent les pouvoirs donnés par MM. les officiers des districts.
L'an mil sept Cent quatre-vingt-dix, le huit août.
MM. les capitaines et officiers dès districts de la paroisse de la Groix-des-Bouquets, quartier du Gul-de-Sac, île Saint-Domingue, s'étant assemblés, au désir de l'arrêté plis ce jour, en1 l'assemblée paroissiale, à l'eftet de donner dés pouvoirs à MM. Daulnay de Ghitry et Ram on de Vaujoyeux, députés nommés par la paroisse, vers l'Assemblée nationale et le;roi ; mesdits sieurs les capitaines ët officiers, justement alarmés dès troubles qui déchirent dâhs' ce moment la colonnie, et la dé-putation de MM. Daulnay de Chitry etHamon de-Vaujoyeux vers l'Assemblée nationale et le roi ayant pour pbjèt de peindré la situation aussi cruelle qu'alarmante où se trouve la plus riche de ses possessions d'outre-mer, et combien les bons citoyens et -vrais patriotes dé cette contrée auraient besoin de -spn secours pour ramener l'ordre, la paix, et prévenir l'effusion de sang prêt à couler, mesdits sieurs les capitaines et officiers des districts donnent, par le présent arrêté, tous pouvoirs à mesdits sieurs de Ghitry et flamon de Vaujoyeux afin de représenter légalement la paroisse de la Groix-des-Bouquets auprès de la mère-patrie, pour la bien pénétrer de la situation alarmante où se trouve maintenant la colonie, et aviser aux plus prompts moyens de la faire éësser ; et seront les présents pouvoirs annexés à la délibération de la paroisse,- de ce jour, pour y avoir recours àû besoin ; autorisant M. Bernanosse, secrétaire de l'assemblée, à en délivrer toutes expéditions nécessaires à MM. de Ghitry etHamon de Vaujoyeux, pour leur valoir
auprès de l'Assemblée nationale et du roi ; et ont mesdits sieurs les capitaines et officiers de dis-tritcts signé.
Ainsi signé : Hanus de Jumécourt, capitaine général ; Turbé, Lamarre, Seignoret* Proquau, Beaugu'il, J. Lestage, J. d'Espinose,. d'Estréez, aîné:; Travers, Wasse, V. Brouillard, aîné; La Bachelerie, Villeneuve et Drouillard de la Regnière.
Gollationné et délivré par nous, secrétaire susdit et soussigné.
Signé : REHNANOSSE.
répond à laldéputation :
« L'Assemblée nationale a écouté avec intérêt lé compte que vous vénez de lui rendre.;
« Après avoir fait tout ce que sa sagesse et sa justice lui prescrivaient pour rétablir le calme dans les colonies, et pour en assurer la prospérité,elle n'a pu voir sansétonnement que l'exécution de ses décrets , ait éprouvé quelque résistance, et que de nouveaux troubles aient été excités à Saint-Domingue.
i « L'Assemblée, nationale s'occupe de l'examen des faits; aussitôt qu'ils lui seront parfaitement connus, elle s'empressera de prendre les mesures nécessaires pour le rétablissement de l'ordre. Alors les bons citoyens qui, par leur courage, leur fidélité et leur soumission à la loi , ont contribué à garantir la colonie des dangers qu'elle a courus, peuvent compter sur les témoignages les plus éclatants de la satisfaction de l'Assemblée ». ;
Vous venez d'entendre la relation des événements qui ont eu lieu dans la colonie : ces faits sont susceptibles d'autres détails qui vous seront présentés. Je pense que pour mettre, nonseulement de la justice,"mais même là plus grande apparence de justice, il peut être avantageux d'entendre les membres de l'assemblée de Saint-Marc: plusieurs sont ici*avec leurs registres; ils ont déjà écrit à M. le président.pour demander à être entendus. 11 est d'autant plus important de les entendre sans délai, qu'il n'y a pas d'intrigue qu'on n'emploie pour égarer l'opinion. Taudis que j'étais au bureau, on m'a apporté trois écrits en faveur de l'assemblée générale. Qu'ils viennent à la face de la nation présenter leurs moyens ; qu'aucune décision ne soit prise avant de les avoir entendus; Je propose, en conséquence, de décréter : « que l'adresse que vous venez d'entëndre sera imprimée ; que les membres de l'assemblée dé Saint-Marc seront entendus samedi.au soir; et enfin,que le comité colonial ferason rapport sur cette affaire lundi prochain, xi
(Cette motion est adoptée.)
, député d'Evreux, demande un congé de six jours.
, député de Chartres, demande un congé de 15 jours.
Ces congés sont accordés.
, membre du comité d'agriculture et de commerce, présente un projet dé décret tendant à autoriser M. Weyland-Stahtt à choisir un emplacement sur la rivière, depuis Beauvais jusqu'à Greil, pour y construire un moulin à poudre.
Ge projet est renvoyé aux trois comités réunis, des finances, militaire et d'agriculture.
La séance est levée à 9 heures.
NOTA.
Pour rendre plus faciles les recherches dans la collection des Archives parlementaires, et pour établir une différence essentielle entre les articles proposés -et les articles, adoptés d'un décret, les textes seront & l'avenir disposés de la façon suivante :
Les articles proposés continueront, comme par le passé, à être numérotés sur la même ligne que le texte, tandis que le numérotage des articles adoptés sera mis en vedette. De la sorte, il n'y aura pas de confusion possible.
J. M. et E. L.
Séance du er octobre 1790
La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin.
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier 30 septembre au matin.
Ce procès-verbal est adopté sans réclamation.
Dix-sept mille citoyens, qui composent la garde nationale de Bordeaux, se plaignent de l'affront fait à l'uniforme national dans la personne de trois de ses membres, qui ont été dépouillés de cet uniforme à Saint-Pierre-la-Martinique par ceux qui ont envahi inconslitu-tionnellement tous les pouvoirs pour y opprimer le parti patriote, seul attaché à la mère-patrie, et qui ont osé y proscrire la garde nationale, la cocarde nationale et l'uniforme de la nation. C'est le motif de l'adresse que les citoyens armés de Bordeaux m'ont chargé de vous présenter.
Après la lecture de cette adresse, M. Nairac propose un projet de décret qui est adopté en ces termes :
» L'Assemblée nationale décrète que l'adresèe du conseil militaire de la garde nationale bordelaise, en date du 28 août .dernier, sera renvoyée au comité colonial pour être jointe aux autres pièces qui constatent les excès commis à la Martinique, et notamment le dépouillement de l'uui-forme national en la personne de trois membres de la garde bordelaise. »
(ci-devant le vicomte). Les corps suisses demandent, dans une note qui a été envoyée à votre comité militaire par le ministre de la guerre, qu'il soit attribué la même solde aux soldats et sous-officiers des régiments suisses, que vous avez accordée aux soldats et sous-officiers des régiments français ou étrangers ; ils sollicitent également de votre justice qu'au terme de leur capitulation, les traitements, pensions et émoluments qu'ils ont obtenus leur soient conservés pendant le cours de leur vie.
Votre comité militaire pense, sur le premier objet, que l'égalité que vous avez étabiie
entre les hommes ne permet pas de mettre une différence entre des soldats qui se dévouent
également au service de la patrie; il observe que chez toutes les puissances de l'Europe où
il y a des corps suisses avoués par des traités, ils sont plus
Sur le second objet, le comité militaire ayant consulté le comité des pensions a vu que par un décret du 15 avril vous n'aviez pas compris les pensions et traitements des Suisses dans les règles que vous aviez établies pour le reste de l'armée, et qu'à cet égard vous vous étiez conformés aux termes de vos traités et capitulations.
Pour fixer d'une manière certaine le sort des troupes suisses, et pour montrer au corps helvétique que la nation française sait attribuer un juste prix aux services qui lui ont été rendus, et donner à un allié fidèle des preuves de gratitude, le comité militaire a l'honneur de vous proposer, conformément à vos précédentes délibérations, de décréter ce qui suit :
« L'Assemblée nationale, d'aprè3 le rapport de son comité militaire, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« Les soldats et sous-officiers suisses recevront la même solde que les soldats etsous-ofliciers français ou étrangers. En conséquence, la solde des régiments suisses sera augmentée de djx-huit deniers, dont quatre deniers donnés à l'ordinaire, six deniers en poche et huit deniers à la masse d'entretien. Cette augmentation aura lieu à partir du premier octobre 1790.
Art. 2.
« Les officiers, sous-officiers et soldats suisses continueront à l'avenir, ainsi qu'il avait été décrété provisoirement le 15 avril dernier, de jouir des pensions, traitements et émoluments qui leur ont été accordés jusqu'à l'époque du premier mai 1789. »
(Ce décret est adopté.)
, au nom du comité des finances,, expose que, malgré deux décrets rendus par l'Assemblée nationale, les élus de la ci-devant province de Bourgogne trouvent le moyen de retarder la reddition de leurs comptes. Il donne lecture d'un projet de décret.
, sans attaquer le fond même du décret proposé par le rapporteur, pense qu'il est bon d'y introduire diverses dispositions pour le rendre général à toute la France.
Aprè3 quelques explications échangées de part et d'autre, le décret est rendu en ces termes :
« L'Assemblée nationale, instruite des différentes difficultés qui suspendent dans plusieurs départements, notamment dans celui de la Côte-d'Or et autres, l'exécution du décret du 28 décembre dernier, enjoint aux élus et à tous autres comptables de rendre par-devant les commissaires de département, leurs comptes non jugés par des cours supérieures ou jugés depuis la sanction et l'envoi dudit décret, en appuyant les comptes à rendre par ceux du trésorier et pièces relatives, lesquels comptes seront rendus dans la huitaine pour tout délai, du jour où les comptables en auront été requis; autorise lesdits départements et commissaires à redemander à tous dépositaires desdites pièces, chambres des comptes et autres, moyennant récépissé, toutes celles qui leur paraîtraient nécessaires, soit pour les nouveaux comptes, soit pour la revision de ceux des dix dernières années non jugés par des cours
supérieures; enjoint, au surplus, auxdits dépositaires, quels qu'ils soient, de remettre toutes les pièces qui leur seront demandées sur récépissé, et ce nonobstant tous arrêts ou jugements à ce contraires, à peine contre les comptables, ou dépositaires de pièces refusant, 'ou en retard de s'exécuter, d'être les uns et les autres poursuivis comme débiteurs et reliquataires, suivant la forme des ordonnances, et à la requête des procureurs généraux syndics des départements, le tout sans entendre préjudicier à ce qui pourrait être légitimement dû pour les épices ou taxations des comptes qui auraient été dûment clos et arrêtés.
(de Saint-hô), secrétaire, donne lecture d'une lettre adressée à l'Assemblée parles officiers municipaux et le conseil général de la commune de Niort ; ils annoncent qu'au moyen des mesures qu'ils ont prises, la tranquillité publique est rétablie dans la ville ; que le prix du grain y est entièrement libre ; et que quelques-uns de ceux qui avaient excité les troubles, ont été arrêtés, et qu'on continue d'informer contre eux.
(Cette lettre est renvoyée au comité des recherches.)
Les occupations du comité d'aliénation devenant de jour en jour plus multipliés, le nombre des membres qui Iccom-posent est insuffisant. Je demande, en conséquence, qu'il lui soit adjoint huit membres nouveaux.
Je demande que le nombre des commissaires à adjoindre soit porté à douze.
Je réclame l'exécution de votre règlement afin que les membres qui seront nommés ne fassent partie d'aucun autre comité.
On demande la question préalable sur les deux amendements.
La question préalable est prononcée.
L'Assemblée décrète ensuite qu'il sera adjoint huit membres nouveaux au comité d'aliénation des domaines nationaux.
L'ordre du jour est la lecture du rapport sur la procédure du Châtelet relativement aux affaires du 6 octobre 1789 (1);
, rapporteur. Messieurs, un attentat horrible a été commis le 6 octobre; les ministres de la loi ont recherché les coupables ; et venus dans cette enceinte, ils vous ont dit : le secret est découvert, et les coupables sont assis entre vous.
Vous avez ordonné dans votre affliction profonde, à votre comité, d'éclairer ce cruel mystère ; et je vous apporte le fruit de ses soins.
Quelque calme avait succédé aux agitations qu'éclairèrent les jours à jamais célèbres de la Révolution ce calme couvait la tempête.
Des inquiétudes saisirent les esprits, soit que de chimériques appréhensions en fussent le
principe, soit que divers incidents, qui venaient de se succéder, eussent dénoncé des dangers
réels, soit que de3 chimères et la réalité eussent été combinées et mises à profit.par
quelque faction méditant des complots.
Peut-être des scélérats sont répandus dans cette multitude ; ils la gouvernent à leur gré, elle est un instrument mobile, dont ils abusent dans leurs desseins.
L'asile du monarque est environné, sa garde est menacée ; le sang coule; mais quelque agression, quelque imprudente bravade n'a-t-elle pas provoqué ce malheur? . *
L'armée parisienne accourt ; des citoyens qui ont conquis la liberté répriment la licence; l'ordre renaît, la nuit s'achève dans le silence.....
dans un silence perfide.
Le jour paraît pour donner le signal des forfaits. — Les barrières sont forcées; les gardes du roi sont massacrés aux portes de son palais ; une bande homicide s'avance. Dans sa fureur elle vomit des imprécations, dans ses blasphèmes elle ne respecte rien, dans son ivresse elle est capable de tous les crimes. — Elle est aux
portes de la reine..... D'intrépides guerriers
combattent; mais ils succombent; il n'y a plus de résistance ; il n'y a presque plus d'espace entre ces tigres et l'épouse de Louis XVI.
Rassurez-vous : un respect involontaire va retenir leurs pas; la majesté du lieu est le rempart qu'ils n'oseront franchir, et le crime n'ira pas jusqu'à son dernier excès.
Voilà une esquisse, et vous demandez un tableau; vous désirez que l'on vous montre les causes qui amenèrent cette subite convulsion, que l'on remonte, s'il est possible, jusqu'à la première étincelle qui commença cet incendie affreux, que l'on développe devant vous les détails d'une abomination qui semble se multiplier par toutes ses circonstances.
C'est un labyrinthe à parcourir, et l'on a peine à saisir le fil qui doit guider dans ses détours.
En ce temps critique d'une Révolution qui met tout en mouvement, au milieu de l'action et de la réaction rapides des intérêts qui se croisent, l'esprit de parti répand son influence et s'empare même du passé.
Vous avez été presque les témoins d'un événement qu'à peine vous reconnaissez dans ses versions nombreuses.
Peut-être un grand ascendant a tenté de diriger le jugement du peuple ; peut-être des desseins secrets ont été associés aux récits de la renommée ; peut-être aussi le patriotisme abusé s'est abandonné à la prévention et a repoussé, sans les apprécier, des témoignages proférés par des bouches qui lui étaient suspectes.
On a crié à la coupable insouciance, lorsque les comités des recherches et les tribunaux se taisaient ; on a crié à la partialité, lorsqu'une procédure solennelle a été entreprise et poursuivie.
Des libelles ont dit que le crime triomphait sur les ruines des lois; des libelles ont dit que l'on méditait le renversement des nouvelles lois chères à la nation.
C'est au milieu de ces préjugés disparates, que le comité des recherches de la ville de Paris a dénoncé les crimes du 6 octobre, et que les juges du Châtelet ont accompli une volumineuse infor--mation.
Des décrets eu ont été la suite. La conscience des juges leur a désigné deux membres de l'As-
semblée nationale, et voici ce qu'ils ont ordonné à leur égard.
« Attendu que MM. Louis-Philippe-Joseph d'Or-« léans et de Mirabeau l'aîné,députés à l'Assemblée « nationale, paraissent être dans le cas d'être dé-« crétés, disons que des expéditions de la pré-« sente information... seront portées à l'Assem-« blée nationale conformément au décret du « 26 juin dernier sanctionné par le roi. »
L'Assemblée nationale va donc décider s'il y aura accusation contre M. de Mirabeau et M. d'Orléans.
Lorsque les juges du Châtelet vinrent déposer dans votre sein cette opinion que vous allez discuter, un discours véhément sembla se mettre en opposition avec le doute sur lequel on vous consultait ; l'assurance des accusateurs parut mise à la place de la sage hésitation des juges; on eût dit qu'il n'était pas permis de balancer, et que votre délibération ne devait intervenir que comme une vaine formalité.
C'est à vous, Messieurs, de désigner des accusés, s'il faut les trouver dans votre sein ; mais on ne dut pas se flatter d'enchaîner votre discussion, et le secret n'est pas découvert encore, puisque vous n'avez pas prononcé.
il a dû toutefois s'armer de quelque courage, celui qui est appelé à déchirer devant vous le voile qui couvre la vérité. Il va marcher entre des écueils ; autour de lui murmurent des passions opposées qui l'attendent au retour de la carrière qu'il va fournir ; et tout ce qui a droit de faire impression sur les cœurs humains, se réunit pour l'étonner dans la carrière.
Eh bien! ses regards seront attachés vers le but, et il ne les détournera point ; il traversera les murmures sans les entendre, et il arrivera inflexible comme la vérité qu'il vous doit.
Lors même que les juges du Chàtelet ont érigé en certitude ce qui ne fut qu'un soupçon peut-être téméraire, il est permis de demander encore si les horreurs du 6 octobre ne furent pas l'un de ces jeux cruels où le sort se plaît quelquefois à confondre la prévoyance humaine.
Cette idée n'est peut-être qu'une illusion, mais elle est précieuse; elle conserve au milieu d'un souvenir déchirant, les forces nécessaires à une recherche pénible : si elle vient à se disàiper, elle n'en laissera que pour crier vengeance.
Plan de votre comité.
1° Examiner les causes éloignées ou prochaines de l'insurrection du peuple, et des excès qui en furént là suite.
2° Rechercher si M. de Mirabeau et M. d'Orléans ont eu part aux causes et aux effets;
3° Résumer les preuves, poser des principes, et enfin conclure.
PARTIE PREMIÈRE.
Causes de l'insurrection et des excès commis.
Quand même la recherche des causes dont je vais vous occuper d'abord ne serait pas liée à la décision que les juges et le public attendent de vous, elle ne serait pas d'une indifférente curib-, sité. Il est nécessaire de donner enfin des notions justes d'un événement qui, dans ses nuages, laisse aux intentions perverses trop de détours à par-
courir, et sur lequel il n'existe encore pour la bonne foi que de l'incertitude.
L'affaire du 6 octobre, étrangère en soi à la Révolution, s'y trouve comme identifiée par les rapports qu'ont fait circuler les ennemis de la Révolution. Il faut que le peuple soit instruit, il faut, s'il est des coupables, séparer leur cause de la cause générale, et imposer silence à une dangereuse calomnie.
Une grande insurrection peut avoir été méditée, mais elle peut tenir à des causes naturelles. On a dit que le peuple fut conduit par les agents d'une intrigue profonde; oa a dit que le peuple soulevé par ses besoins et par l'intérêt de ses droits voulut se venger d'une offense nouvelle.
Des scènes sanglantes ont été regardées tour à tour comme l'effet d'un hasard aveugle dans des circonstances inopinées, et comme l'accomplissement imparfait d'un complot heureusement déconcerté.
Pour fixer tant d'irrésolutions, j'examine d'abord si un complot est prouvé avoir suscité et l'insurrection et les horreurs qui la suivirent.
J'apprécie en second lieu les causes apparentes et naturelles de mouvements auxquels le peuple s'est livré.
Enfin je tâche de découvrir comment il fut poussé jusqu'à des forfaits.
Ier«
. J'ouvre l'information; et le premier témoin, le sieur Peltier, me dit avoir su par des bruits publics que M. d'Orléans avait un parti formé pour s'emparer de l'administration du royaume. s
Des bruits de société ont appris au sieur Lafisse que plusieurs membres de l'Assemblée nationale étaient liés à ce parti.
La déposition de M. Malouet énonce de noirs pressentiments qu'il avait d'une conjuration contre le roi et contre les membres de l'Assemblée nationale attachés aux principes constitutifs de la monarchie.
Des bruits publics, des bruits de société, de3 pressentiments! presque toujours ils sont trompeurs, quelquefois ils ont été des précurseurs funestes et trop véridiques.
Toutefois, le fait du complot n'a pas été déterminé; nul témoin n'a montré la chaîne d'une intrigue concertée : il faut, pour dévoiler le mystère qui se dérobe, amasser des traits épars : vous attendez un tableau, je vous en apporte cent. Vous verrez si enfin vous pourrez les lier et composer un ensemble.
J'aurai besoin de votre attention, j'aurai besoin de votre indulgence : dans cette longue suite de témoignages détachés que j'ai à mettre sous vos yeux, il n'est pas aisé d'être concis et d'être clair.
Quand il s'agit d'aller à la découverte d'un fait déterminé, on combine les preuves, on le compose de ses circonstances, et l'on arrive à forther un tout par une succession de détails où l'intérêt est soutenu ; et si alors le rapporteur ne doit pas l'attention à lui-même, ia chose l'obtient et le discours marche avec rapidité.
Ici je suis forcé de dépecer, pour ainsi dire, mon ouvrage. Chaque article fait comme un corps détaché, dont la liaison avec le tout est éloignée, équivoque, souvent nulle; chaque article demande sa discussion particulière; et dans leur longue et fastidieuse série, l'intérêt s'éteint, et il est à craindre que l'on ne soit également découragé, et de dire et d'entendre.
Je ne vous dirai pas les motifs que j'ignore, pour lesquels l'on a recueilli l'information du Châteletdes faits et des propos que leurs dates lient aux grands événements du mois de juillet.
Deux témoins rappellent des piques fabriquées le 14 juillet par un ouvrier de M. d'Orléans.
M. de Tonnerre indique des renseignements à prendre sur des alarmes données alors à Cherbourg, à Cherbourg où il a grande attention d'exprimer que commande un ancien officier de l'un des régiments de M. d'Orléans.
Le sieur de Ville-Longue déclare qu'alors aussi des domestiques de M. d'Orléans avaient des liaisons dans le faubourg Saint-Antoine et avec un inspecteur de police.
Il révèle un envoi de poignards, fait de Marseille à Paris.
On apprend ensuite de l'ouvrier même que les piques avaient été commandées par les citoyens du district des Filles-Saint-Thomas.
Les éclaircissements indiqués sur les alarmes de Cherbourg n'ont pas été recherchés, parce qu'on a vu probablement qu'ils n'éclairciraiént rien.
Les habitudes des domestiques de M. d'Orléans sont de ces faits qui ont toutes les faces, auxquelles on fait signifier tout ce qu'on veut, et qui par cela même ne signifient rien. i
Quant aux poignards venant de Nice, ils avaient été saisis au débarquement longtemps auparavant, et les préposés de la ferme générale les faisaient passer à Paris avec de la gaze, produit d'une autre saisie.
On déjeûnait chez M. Malouet le 17 juillet. M. Malouet déplorait les excès qui avaient déshonoré la Révolution. M. Coroiler, l'un des convives, se jouait dans la liberté de la conversation ; et supposant que le nouvel ordre des choses éiait peu agréable aux autres convives, il abusait de son triomphe. Il disait qu'une Révolution ne pouvait arriver sans commotion, et que la commotion avait été suscitée; que l'on avait provoqué les insultes faites à M. l'archevêque de Paris, contraire alors à la réunion des ci-devant trois ordres ; que l'on avait préparé la défection des gardes françaises; que le renvoi de M. Necker avait hâté des mouvements dont on aurait plus tard déterminé l'éclat en mettant le feu au Palais Bourbon : il prouvait ainsi que la Révolution avait dû nécessairement arriver, et se faisait un malin plaisir d'annuler toutes les objections.
Trois convives, MM. Dufraissej Taillardat et Guilhermy tenaient registre de cette conversation ; et comme, devant le salut de l'Etat, les devoirs de l'hospitalité ne sont rien, ils ont déposé et ils ont tout dit.
Outre que de là aux scènes du mois d'octobre il y a peu de rapport, j'aurais imputé à une ironie légère les propos de M. Caroller ; et, eussé-je osé franchir la discrétion que commande l'intimité d'un déjeuner, j'aurais cru ne devoir pas allonger une information du récit d'un vain persiflage.
M. Perrin, avocat, entendit une harangue au Palais Royal, où l'orateur proposait de déférer à M. d'Orléans la liëutenance générale du royaume.
M. de Mirabeau avait parlé à M. de Virieu d'une tentative faite pour porter M. d'Orléans à cette place : il aurait dû robtenir du roi pour le prix de sa médiation entre le roi et le peuple; et alors où était, je vous prie, le motif de blâmer?
Antérieurement, M. de Mirabeau avait dit à
M. Bergasse avoir sondé là-dessus M. d'Orléans, qui lui avait répondu des choses très aimables.
M. de Virieu conversa le 17 juillet avec un officier de la garde nationale, et celui-ci lui dit que, s'il eût été attenté à la sûreté de l'Assemblée nationale ou de quelqu'un de ses membres, on avait résolu à Paris de nommer M. d'Orléans protecteur ou lieutenant général du royaume.
C'était, si je puis dire ainsi, une prévoyance plutôt qu'un projet, et ce n'est ici ni le temps ni le lieu d'examiner quelles mesures pouvaient être alors légitimes.
M. de Tonnerre va plus loin : le sieur Bèsson lui a'dit que le 12 juillet, comme on promenait les bustes de M. d'Orléans et de M. Necker, quelqu'un dit au peuple : N'est-il pas vrai que vous voulez ce prince pour votre roi? Et quelques voix répondirent : Nous le voulons ! —Il n y a qu'une observation à faire. Le sieur Besson a donné son témoignage, et il n'a pas dit cela ; on est léger dans des propos familiers; en est grave quand on dépose devant des juges.
Mais tout cela nous rappelle le renversement de la Bastille. En cherchant des délits, n'a-t-on pas l'air d'entreprendre un panégyrique? Si quelque complot précéda, prépara ce grand événement, légitime en soi, il le fut encore par le succès; il fit la gloire de Paris, le salut de l'Empire, et nous voulons découvrir ceux qui doivent être punis, et non ceux qui ont mérité des lauriers.
Je voudrais, pour soulager votre attention, mettre quelque ordre dans l'énumération dont je vais l'occuper.
Je mets d'un côté les bruits, les ouï-dire;j'ajoute les faits qui m'ont paru peu importants. — Je réserve pour un examen plus sérieux ce qui est grave, ce qui peut avoir des droits à quelque examen.
Deux témoins ont ouï dire que depuis un certain temps, des conciliabules se tenaient à Passy dans la maison d'éducation des enfants d'Orléans. M. de Mirabeau le jeune, l'un de ces témoins, cite M. et Mm® Coulomier qui ont vu... vous croiriez que vous allez apprendre quelque chose : M. et Mme Coulomier sont appelés; ils n'ont rien vu, et vous n'avez rien appris.
Les pressentiments de M. Malouet étaient partagés par une société intime dans laquelle il avait rassemblé plusieurs d'entre vous; elle était composée de MM. de Marnesia, l'évêque de Langres, Henry, Lally, Mounier, de Virieu, Redon, l)es-champs, Madier, Dufraisse, Faydel, Taillardat, Lachêze, Paquart, abbé Mathias, Durger et autres.
Les alarmes de ces messieurs avaient pour principes un entretien des domestiques de M. Malouet, des lettres anonymes, et des listes de proscription fréquemment adressées à MM. Malouet, Mounier et Lally.
M. Malouet tenait de ses domestiques le bruit d'un projet d'enlever le roi et l'Assemblée nationale.
Les domestiques le tenaient de l'officier de M. Malouet.
L'officier le tenait d'un parfumeur de Versailles, lequel apparemment le tenait aussi de quelqu'un.
Cette généalogie donne peu de lumières; mais deux soldats de la garde de Paris avaient dit à M. Faydel, quelques jours avant le 6 octobre, que dans peu l'on viendrait chercher le roi.
Mais M. Mounier avait connaissance d'un dessein de forcer le roi à se rendre à Paris ; les ministres avaient, dit-il, là-dessus, des avis alarmants.
Cela s'accorde mal avec la déposition du docteur Làfisse et avec celle du docteur Roussille de
Chamseru, suivant laquelle les conjurés désiraient la fuite du roi, et devaient en profiter pour le faire interdire.
Forcer le roi à se rendre à Paris, et compter sur sa fuite, sont des mesures diverses qui ne peuvent appartenir au même dessein. .
11 y a des témoins pour, il y a des témoins contre. On pourrait dire que les bruits répandus alors étaient vagues et contradictoires.
L'incertitude n'est pas fixée, parce que, disent quelques autres témoins, une insurrection du peuple était annoncée plusieurs jours auparavant; car ce n'est pas dans l'insurrection en elle-même que peut être le délit; il serait dans l'intrigue qui aurait provoqué ce mouvement, et dans le secret dessein qui en aurait été l'objet.
A l'égard des lettres anonymes qu'avaient reçues MM. Malouet, Lally et Mounier, elles n'auraient probablement rien appris de plus; leur patriotisme n'eût pas été muet sur des avis de quelque importance, et aujourd'hui encore ces lettres paraîtraient.
M. de La Fayette, pressé de partir pour Versailles dans ia matinée du 5, avait entendu proférer les mots de conseil de régence.
M. Guilhermy, se rendant à minuit à la séance qui venait d'être proclamée, l'un des membres de l'Assemblée, qu il ne connaît pas, lui dit que l'objet de la séance allait être de nommer un conseil de régence.
Un garde uational a dit au sieur de Bevilje, le 6, que si le peuple n'avait pas trouvé le roi à Versailles, il aurait proclamé Monsieur le Dauphin, et qu'au défaut de Monsieur le Dauphin, il aurait proclamé Monsieur d'Orléans.
Dans tout cela, peut-être ne faut-il voir que des murmures sans tenue.
Assurément celui qui disait vers minuit, à M. Guilhermy, que l'on sJassemblait pour nommer un conseil de régence, ne savait ce qu'il disait, et n'était d'aucun complot.
Par l'un, j'explique les autres : ceux qu'entendit M. de La Fayette, celui qui parla au sieur de Beville, n'étaient pas plus instruits.
Maxime assez sûre : quand on médite des complots, on ne parle pas; et si le peuple est quelquefois l'intrument des conspirateurs, il n'est jamais leur confident.
Le sieur Peltier qui n'a rien vu, mais qui a ouï dire beaucoup de choses, tient, on ne sait de qui, que Mm« de Tessé, faisant reproche à M. Barnave sur sa conduite envers M. Mounier, que l'on supposait irréguliére, M. Barnave lui répondît bonnement : Que voulez-vous, Madame ? je suis engagé.
La réponse est assurément sans finesse; et voilà, dit ensuite le sieur Peltier, un complot antiroyaliste ; c'est un conjuré qui s'est trahi.
Si vous ne connaissiez mon estimable collègue, je vous dirais ce qu'il est, et au moins vous ne croiriez plus à la réponse.
Un abbé Paulmier a dit un laïc, qui a dit à un abbé Dupré, et tous trois ont dit encore à d'autres, qu'un curé, membre de l'Assemblée nationale disant son office dans l'un des bureaux, de nuit et sans lumière, Monsieur d'Orléans et M. de La Touche y entrèrent après lui, ne l'y soupçonnant pas, et il entendit entr'eux ce colloque: «le coup est donc manqué?— Oui.—On n'a aonc pu gagner d'Estaing? — Non : il n'y faut pas compter. »
Interrogez l'abbé Paulmier, souche de ce bruit : il ne sait où il l'a pris.
Interrogez M. de La Ghèze : il place ce fait vers
le temp3 où l'on avait parlé dans l'Assemblée nationale de la succession à la couroune.
Interrogez M. de ûigoine : il prétend qu'on lui a rapporté cette aventure quelques jours avant le 6 octobre.
On se demande, après tout cela, ce qu'exprime ce colloque, quel pouvait être ce coup manqué, comment M. d'Orléans exposait ses secrets dans un lieu ouvert à mille personnes, et où deux mille pouvaient l'entendre au travers des cloisons légères qui en forment l'enceinte.
M. Bergasse et le sieur Reynier, bourgeois de Paris, rapportent une conversation de M. Mounier et de M. de Mirabeau, et c'est du premier qu'ils disent ia tenir.
Il faut supposer qu'il est question de changements dans le gouvernement du royaume, que M. Mounier témoigne son attachement à la monarchie, et est alarmé de ce qu'on lui dit.
« Eh mais! bonhomme, lui répond M. de Mirabeau, qui vous dit qu'il ne faut pas un roi? Mais que vous importe que ce soit Louis XVI ou Louis XVII? »
Je n'ai pas lu de sang-froid ces paroles abominables ; et dans mon indignation, j'ai presque dit, sans aller plus loin : il y a uu complot, il y a des coupables.
Revenu au calme qui me convient, je cours à la déposition de M. Mounier ; elle n'est pas concise; il n'est pas suspect de vouloir céler le crime ; il dit tout ce qu'il sait, tout ce qu'il présume. Son silence m'apprend ce que je dois penser des deux dépositions que je cite.
Si des bruits, si des ouï-dire, si des pressentiments sont ordinairement sans consistance dans la recherche des crimes, il faut peut-être s'en occuper davantage lorsqu'il s'agit de conspiration, dans les convulsions d un gouvernement qui se re-nouvélle, et parmi les partis divers qui se disputent l'explication des-événements.
Laissons les bruits; passons à des faits.
M. de La Salle, membre de l'Assemblée, a déposé que les ouvriers en fer de la salle de spectacle du Palais royal avaient été occupés à faire des piques depuis le 3 octobre. C'est d'un sieur Durban que M. La Salie tient cela. Je cherche parmi les témoins produits le sieur Durban, je cherche les ouvriers indiqués, je cherche les conducteurs de ces ouvriers... Je ne les trouve pas... Craignait-on d'être éclairé? On l'avait été par le serrurier Faure à l'égard des piques fabriquées au mois de juillet.
Le 5 octobre, l'armée parisienne longeait Passy à l'entrée de la nuit. René-Remy Magin, qui marchait dans la ligne, remarqua que la maison de Monsieur d'Orléans à Passy était éclairée extraordinairement ; et il dit à ses camarades que l'on n'aurait pas fait mieux si le roi eût été daus cette maison, ou si l'on y eût préparé un bal.
On pourrait observer : 1° Que le témoin ne dit pas avoir vu cette maison dans d'autres temps, à la même heure, et avoir pu faire comparaison ; 2° que tout étant en mouvement, une armée passant, lorsque quelque inquiétude se mêlait inévitablement à un spectacle inattendu, quelque lumière extraordinaire n'aurait été qu'une mesure de prudence ; 3° que l'on devrait avoir plus d'un témoin d'un tel fait.
Dans la même soirée, pendant que le sieur Maillard, environné de femmes, discourait à la barre de l'Assemblée, M. de Sillery dit que le roi venait de partir; M. Taillardatle nieetM. de Sillery ne lui répond pas. De l'autre côté de la salle où passe M. Taillardat, il entend M. de Noailles don-
ner la môme nouvelle, et dire qu'il la tient de M. Malouet. Le lendemain M. Malouet proteste qu'il n'avait pas même parlé la veijle à M. de Noailles.
Il faut bien que cela signifie quelque chose, puisque M. Taillardat l'a soiguensement déposé ; mais j'avoue que jcela passe mes lumières.
Je vous donne à deviner une autre énigme.
MM. Claude-Louis de La Châtre, de Mirabeau le jeune et de Bouthillier la proposent.
Dans la matinée du 5 octobre, un inconnu vient à M. l'abbé Sieyes, et lui dit que Paris est dans une grande agitation, n- Je le sais, répond M. l'abbé Sieyès; mais je n'y comprends rien ; ça marche en sens contraire.
Il faut qu'il y ait là-dessous quelque mystère profond ; car leChâtelet nous à donné ces expressions soulignées.
Après les énigmes, je vous entretiens de prédictions, car il y a de tout dans le recueil que je parcours.
Quelques jours avant le 6 octobre, un officier de la garde nationale de Versailles, chevalier de Saint-Louis, se présente au jeu de la reine; on le refuse à cause de son habit.
A cause de l'habit national 1 c'était peut-être une imprudence : on pouvait le refuser pour une autre cause.
Il montra des officiers de chasseurs en uniforme ; on lui répondit qu'ils étaient reçus comme appartenant à la garde actuelle du roi.
En se retirant mécontent, il disait: « Nous verrons qui entrera dimanche » ; et il accompagnait ce propos d'un geste menaçant.
C'est du sieur d'Walt, seul, que nous tenons ce fait ; et apparemment il en conclut que le voyage de Versailles était dès lors déterminé. Un propos et un seul témoin ne font peut-être pas charge : déplus on disait alors que les soldats des ci-devant gardes françaises se vantaient du projet de venir reprendre, auprès du roi, les postes qu'ils avaient occupés. S'ils avaient formé un complot pour cela, ce n'est pas celui que nous cherchons.
Le sieur Blaizot, libraire, alla chez M. de Mirabeau dix à douze jours avant la fatale scène ; ce dernier lui communiqua des craintes. Il croyait, disait-il, apercevoir qu'il y aurait des événements malheureux à Versailles.
Le sieur de Belleville qui rapporte, d'après Blaizot, cette conversation, ajoute de son chef, pour rendre l'histoire plus piquante, que M. de Mirabeau fit retirer trois secrétaires.
Cette circonstance soustraite, dont Blaizot ne parle pas, il ne reste qu'une inquiétude, qu'onne pouvait guère alors ne pas avoir. M. Malouet et sa société intime avaient aussi leurs noirs pressentiments, et nous n'y trouvons rien d'étrange.
M. de Mirabeau dit le 4 octobre, à l'hôtel de la reine, en la présence du sieur Girin de la Motte, que, sous peu d'heures, on verrait bien des choses.
Ce dernier trait n'est pas plus extraordinaire que celui qui précède. Je vois l'effet d'une appréhension universelle, que l'état des choses allait justifiant de plus en plus.
Un particulier, regardant des livres chez Blaizot; disait : « J'ai une lettre qui m'est venue d'un tel, dans laquelle il me marque qu'il a peur pour moi ; qu'il se répand qu'il doit arriver à Versailles des événements sinistres, et il me prie de lui donner de me3 nouvelles. »
Blaizot, qui entendait ce propos, croit que la lettre venait de Toulouse.
Or, le sieur Labouche, citoyen de Versailles,
était à Toulouse, le 29 septembre. Il se proposait d'aller à Bordeaux, et comme il faisait connaître ce dessein, quelqu'un lui dit : « Si vous êtes de Versailles et que quelque chose vous y attache, vous ferez bien d'y retourner ; car si vous allez à Bordeayx. et que vous y restiez quelques jours, vous ne retrouverez plus le roi à Versailles. »
Je saisis ces dernières expressions ; elles expliquent tout ; car alors on craignait, en effet, que le roi ne fût enlevé et conduit à Metz par une faction, et peut-être vous ferai-je voir bientôt que ce n'était pas un simple bruit populaire.
Voici un témoignage qui, dans le genre merveilleux, surpasse de loin ces prédictions :
« Le 28 septembre, une femme (Marguerite An-« del, veuve Ravel), est abordée entre Auteuil et « Passy, par un inconnu ; elle lui confie ses cha-« grins.ll lui conseille d'avoir recours aux bontés « de M. d'Orléans, et lui offre une lettre de re-«( commandation ; elle va avec lui à- Versailles.». .« Il la conduit par une rue qui est presque vis-« à-vis la maison de M. d'Orléans. Après un cer-« tainj trajet de chemin, près, d'une église, il la « laisse là, lui disant de l'attendre» Un quart « d'heure et demi après, il lui apporte une lettre, « à l'adresse de M. d'Orléans... Il lui dit que le « prince reconnaîtra le cachet, en lui recomman-« dant de ne la remettre qu'au prince, ou à M. de « La Touche, ou à M. Marcel, son valet de chambre ; « que si elle ne trouvait ni les uns, ni les autres, « elle le rejoindrait à la grille de Montreuil... Le « suisse la reçoit fort mal. Elle va à une autre « porte; elle trouva un postillon,qui lui dit que « monseigneur est très généreux; que la veille, « une femme lui a présenté une lettre, et qu'à « la vue du cachet, il lui a remis dix louis. Le « postillon lui indique un passage. Elle demande « à un des gens de monseigneur; il lui dit qu'elle « ne peut lui parler; lui-demande de quelle part « elle vient, et ne pouvant le dire, elle est ren-« vovée.Elle va chez M. de La Touche; lui ni son « valet n'y sont...elle vaau parc...Elle romptleca-« chet; elle trouve un grand papier épais, au haut « duquel est une espèce de timbre en ovale, par-« tagé par deux petites barres,' entre lesquelles « est écrit le mot concordia; au-dessus des deux a barres est un demi-soleil, de la bouche duquel c sortent deux lances qui traversent les deux « barres, et passent aussi sur deux mains unies, « symbole de la bonne foi, qui sont au-dessous « des barres. Au haut de l'ovale, en dehors, est « une couronne ornée de trois fleurs de lis, dont « celle du milieu est renversée. D'un côté de « l'ovale est une double aigle, et de l'autre, une « femme tenant un ancre d'espérance; le tout « imprimé. Le reste et moitié du verso du pre- mier feuillet de cette feuille de papier sont « remplis de chiffres, mêlés de caractères, qu'elle « croit grecs, avec des signatures et des paraphes. « Elle met ce papier dans sa poche. Sur la route « de Marly, elle voit deux cavaliers, ayant l'air « de chercher quelqu'un, courant à bride abat-« tue... Ils demandent si on n'a pas vu une femme. « Us ralentissent leur course, et vont de côté et « d'autre. Ils demandent de nouveau si on n'a « pas vu une femme. Jugeant alors que ce peut « être elle que les cavaliers cherchent, elle s'en-« fonce dans les charmilles, et coupe avec ses « ciseaux en petits morceaux le papier qu'elle a « trouvé dans l'enveloppe, et l'éparpillé dans les « charmilles... Plus loin, les cavaliers accourent, « la saisissent, la fouillent dans ses poches, et « jusque dans son estomac »
Je n'ai rien ajouté; cette aventure est assuré-
ment étonnante ; on se demande si on a bien entendu? Ce n'est rien. Il y a dans la déposition de Marguerite Andel, une autre aventure non moins touchante, et non moins singulière.
Cette femme est elle-même un prodige; quelle mémoire 1 quelle justesse dans cette description du papier mystérieux! et c'est sur l'examen de quelques minutes, et après huit mois, qu'une ouvrière en linge vous rend tout cela, comme à l'Académie de dessin !
le ne commenterai pas ce véridique récit; mais je remarquerai deux faits :
1° Marguerite Andel, appelée au comité des recherches, y fit sa déclaration le 4 janvier, et je n'y ai pas trouvé un mot de l'histoire du 28 septembre ;
2° Cette femme se présenta chez M. de Tonnerre dans le mois d'avril, et lui parla des événements du 6 octobre, et même de cette autre aventure, dont je vous ai dit que le détail est dans la déposition ; et elle ne lui parla point de celle-ci.
CeB considérations ne laiseent pas d'ajouter quelque chose à la vraisemblance du témoignage de Marguerite Andel.
Je poursuis mon énumération.
Vous n'avez pas oublié, Messieurs, que la loi de la succession au trône fut un instant l'objet de votre attention.
Je n'ai pas cru devoir vous rendre compte des dépositions que les juges du Châtelet ont reçues sur les discours proférés par les membres de l'Assemblée, soit dans son sein, soit dans leurs conférences particulières.
Vous jouissez, vous devez jouir dans vos discours, comme dans vos opinions et dans vos travaux de la plus entière liberté; rappeler ici ces discours, même pour les justifier, ce serait, en supposant que les juges ont pu en informer, blesser votre droit; et lorsque les tribunaux seront autorisés à aller jusque-là, aussitôt il n'y aura plus d'Assemblée nationale.
M. de Virieu et M. Henri de Longuêve remarquent que dans les délibérations de la première séance du 5 octobre, ils furent frappés de la raideur d'opinions qui se manifestait dans une partie de l'Assemblée nationale.
Je relève ce témoignage particulier, parce qu'il est grave dans ce qu il dit, et plus encore dans ce qu'il ne dit pas.
Quel rapport veut-on établir entre la.disposition des esprits dans l'Assemblée nationale, et une insurrection ignorée encore par ceux qui n'auraient pas été instruits du mystère qui la préparait?
Je ne sais que vous dire : une définition me semble périlleuse; il y a de l'indiscrétion peut-être dans ces dépositions, si elles sont insignifiantes; si la réticence intervient, je n'ose la qualifier... Je m'arrête; ma mission n'est pas de justifier l'Assemblée nationale, qui n'en a pas besoin.
Vous allez entendre des révélations qui partent de votre comité des recherches.
On a vu des plaques de métal aux armes d'Orléans. Trois hotiorables membres de l'Assemblée, MM. Taillardat, Henry et Turpin, ont consigné cette découverte dans l'information. Je me suis d'abord figuré des marques d'une chevalerie nouvelle... Quelque signe de ralliement entre des conjurés... J'ai vu de lourdes masses.
On est allé à la source? et l'on a su qu'elles avaient été ordonnées en 1788, et destinées à marquer des limites attachées à cet effet à des poteaux.
On a su que le sieur Simon, graveur, en fit le modèle, et qu'elles furent exécutées dans l'hiver suivant, en plomb, par le sieur Rousseau, et en fonte, par le sieur Giblard.
Voici le pendant des plaques.
Plusieurs caisses sont arrêtées, dit-on, à la suite de l'un des régiments de M. d'Orléans, elles contenaient des fragments de bois taillés de manière à s'entrelier sous diverses formes, de la hauteur d'un pouce, de l'épaisseur d'une ligne, et ne présentant désassemblées que de petites pièces endentées avec symétrie.
J'ai vu une croix à piédestal formée de ces pièces réunies ; bagatelle préparée par la patience des solitaires; badinage à poser sur une corniche de cheminée ; chef-d'œuvre de légèreté qui ne recèle assurément rien de suspect.
M. Taillardat a déclaré cette prise ; un autre témoin, le sieur de Rosnel, a rapporté une conversation, dans laquelle on lui avait dit que de telles pièces de bois étaient employées par les anciens à construire des ponts pour passer les rivières... Il semble apparemment au sieur de Rosnel qu'il voit déjà des régiments de ligueurs portant leurs ponts, comme leurs fusils, et les fleuves n'être plus un obstacle.
Les mêmes témoins dénoncent des lettres cachetées venues d'Angleterre, arrêtées à la poste, adressées soit à des personnes de la maison de M. d'Orléans, soit à d'autres personnes, et où l'on croit avoir reconnu le sceau ou l'écriture de M. d'Orléans.
Quand ces lettres furent arrêtées, je ne sais comment, on recourut au roi. Il fut répondu qu'on ne pouvait autoriser la violation du secret des lettres; mais que lés tribunaux pouvaient en ordonner l'ouverture, lorsqu'elles appartenaient à des personnes prévenues.
Les ministres décidaient ainsi assez légèrement sous le nom du roi une grande et délicate question ; mais nul tribunal n'ayant ensuite ordonné l'ouverture des lettres dont je parle, le sceau a été respecté.
Je ne sais cé que l'Assemblée en pensera. Les prévenus peut-être jouissent encore de tous les droits des citoyens, et je dis que le secret des lettres est l'un de'nos droits les plus sacrés.
Ces lettres ne seraient-elles pas les pièces de conviction dont les juges du Châtelet vous ont dit que le comité de la commune leur refusait la connaissance? Alors on pourrait regarder comme naturel que ce comité n'ait pas vu des moyens de conviction dans des secrets qu'il n'a pû ni dû pénétrer.
Je ne dirai pas maintenant que tous les témoignages que je viens de vous exposer sont, ou en eux-mêmes insignifiants, ou démentis presque aussitôt par leur propre vertu ou par d'autres témoignages, ou enfin étrangers à l'affaire du 6 octobre et au complot que nous recherchons.
Si je n'avais à aller plus loin, je le dirais peut-être hardiment. Mais j'aborde les traits plus marqués qui doivent entrer dans mon tableau ; l'horizon se rembrunit, et les faits isolés dont je vous ai entretenus, peuvent prendre un autre caractère, si nous devons rencontrer les preuves qui nous manquent jusqu'à cé moment.
Le sort de la reine de France est trop étroitement lié à celui de l'Etat, pour que le complot qui l'aurait menacée, soit regardé comme étranger à la chose publique.
Le sieur de la Tontinière et le sieur Laimant ont déposé que, dès les premiers jours de sep^
tembre, un assassinat menaça les jours de la reine.
Le nommé Blangez, domestique du sieur Laimant, s'énivre à Versailles le 12 ou le 13. Il se retire. Un homme se trouve sur ses pas, l'interroge et lui fait concevoir le dessein d'un parricide.
Les détails de ce fait sont dans les deux dépositions, elles répètent le récit fait par Blangez lui-même, et je ne ferai presque que transcrire.
Blangez goûte avec deux de ses amis dans un cabaret de la rue des Récollets ; il les quitte à sept heures, il passe chantant dans la rue du Vieux Versailles, et de là, comme il tourne dans celle de la Surintendance, un jeune homme sortant de l'auberge du Juste, le félicite sur sa gaieté.
Il répond qu'il chante, mais qu'il n'est pas plus gai pour cela; qu'il est atissi affecté que tout le monde des malheurs publics ; qu'il a entendu dire que la reine en est la cause... Qu'il s'estimerait heureux, s'il pouvait en délivrer la France.
L'inconnu le loue de„ses sentiments patriotiques, l'emmène à Y écart près la boutique d'un cordonnier, et lui offre une forte grosse bourse pleine d'or et d'argent. Il lui promet bien davantage, s'il exécute sa résolution. Il ajoute que c'est un complot formé, auquel ont part plus de soixante personnes. Il lui propose de se rendre le même jour à Paris, à la place Louis XV, pour y souper avec ses complicés. Blangez répond qu'il n'a pas besoin d'argent, qu'il aura le courage d'agir sans intérêt. Il refuse d'aller à Paris, on promet qu'on lui fera parvenir des nouvelles.
Il part plein de cette conversation, sa tête s'échauffe dans cette pensée... Sur la route il court sus à un homme, le poursuit à coups de bâton, l'atteint, le saisit; on l'arrache de ses mains... Dès lors il ne sait plus ce que l'on a fait de lui; il a repris ses esprits le lendemain, et s'est trouvé couché dans l'écurie du sieur de La Tontinière.
Il semble d'abord que ces deux témoignages se réduisent en un ouï-dire; car ies témoins n'ont rien vu, et ils déposent ce que leur a dit Blangez.
Je n'ai pas cru cependant devoir les ranger dans la classe des simples ouï-dire.
La scène de là rue du Vieux-Versailles se prolonge, pour ainsi dire, jusqu'à la ménagerie où habite le sieur Laimant, et jusqu'au domicile du sieur de La Tontinière, qui en est voisin, et dans l'écurie duquel Blangez passa la nuit.
Il me semble que, saisissant Blangez presque dans les derniers instants de cet événement, lorsqu'il était encore dans l'émotion qui en était la suite, ils ont comme vu l'événement dans son entier; ils n'y ont pas apporté cette curiosité vaine qui entend un récit après un intervalle,ils ont presque reçu l'impression des témoins oculaires.
Et pourtant, après avoir été frappés d'un sentiment qui maîtrisait presque ma croyance, quand je relis, mon esprit aperçoit des raisons de douter.
Le sieur de La Tontinière et le sieur Laimant donnèrent avis aux ministres de ce qu'ils avaient appris de Laimant. Gomment n'a-t-on pas pris à l'auberge du Juste des renseignements sur le jeune homme qui en était sorti?
Blangez est saisi par ceux qui accourent au secours de l'homme qu'il poursuivait et qu'il maltraitait: il passe la nuit dans l'écurie du sieur de la Tontinière. Gomment ne rencontre-t-on dans 1-informalion, ni l'homme maltraité, ni ceux qui le
secoururent, ni les gens de la maison du sieur de La Tontinière, qui lui donnèrent un asile?
En se rappelant le fait, on trouve étrange que le secret d'une conjuration soit confié à un homme ivre, àla première vue, et qu'on lui offre, sans le connaître, une fort grosse bourse ;
Qu'il reconnaisse, tout en refusant cette bourse et dans l'obscurité, qu'elle est pleine d'or et d'argent;
Que pour lui parler à l'écart, on l'emmène près de la boutique d'un cordonnier, d'où à sept heures du soir, il est fort à craindre qu'on ne soit entendu;
Qu'on lui indique imprudemment, et sans l'avoir éprouvé, des complices et un rendez-vous avec eux.
Blangez pouvait être ivre, bavard, et pourtant honnête : où était la caution qu'il ne crierait pas à l'assassin? et quel gage avait-on de la discrétion de cet homme rencontré par hasard?
Ivre à l'excès, comment conserve-Ml la mémoire de tout ce qui s'est passé dans cette rencontre, et la perd-il bientôt de ce qui suit?
Il ne sait pas dire comment il a eu une retraite pendant la nuit, et il conte une conversation avec une présence d'esprit admirable.
On a vu souvent l'ivresse se dissiper dans un violent exercice, il aurait augmenté celle de Blangez.
La déposition du sieur de La Tontinière, que ces réflexions engagent à revoir de près, semble accoler des circonstances inconciliables ; il alla chez le sieur Laimant pour s'informer des propos que l'on imputait à Blangez; on cherchait ce domestique depuis le matin, il le trouva enfin au bout des cours dans un poulailler, monté sur un perchoir, presque nu, les yeux étincelants, avec les symptômes de la fureur. Il l'interrogea. Get homme répondit avec l'expression la plus véhémente, « qu'il sentait bien qu'il était un « homme perdu, mais qu'il s'en f..., qu'il se res-« souvenait bien d'avoir dit la veille qu'il lui avait « été offert de l'argent pour assassiner la reine. »
Gomment accorder le souvenir qu'a Blangez de ce qu'il avait dit la veille avec l'entier oubli de ce qu'il devint? à qui donc avait-il fait nette confidence dangereuse? Dans la route il trouve un seul homme et il le veut assommer. Il arrive et il ne voit, ne dit, n'entend plus rien; il ne reprend ses esprits que le lendemain ; il semble que son secret est entier.
Le sieur de La Tontinière et le sieur Laimant diffèrent dans quelques points ; et pour augmenter l'embarras, un troisième témoin produit pour les confirmer, les contrarie encore ; c'est Pierre Boucher, engraisseur de volailles à la ménagerip.
Selon le sieur de La Tontinière, on cherchait Blangez depuis le matin; pourtant Boucher, qui est de la maison, conversait tranquillement avec lui et pouvait l'avertir.
Le sieur de La Tontinière voit Blangez sur un perchoir, dans un poulailler, presque nu ; cette manière de se blottir est assez extraordinaire, et pourtant elle échappe à Boucher.
Voici une diversité remarquable.
Ecoutez Je sieur Laimant, je transcris ses paroles : « Ledit Blangez est revenu le soir à la mè-« nagerie sur les 8 à 9 heures; il dit à lui dépo-« sant, etc., etc. » Rien n'est plus positif, plus affirmatif; l'heure même est exprimée ; comment est-il donc vrai qu'il fût porté dans l'écurie du sieur de La Tontinière ?
11 faut convenir que le sieur Laimant rajuste sa déposition comme il allait achever de contre-
dire le sieur de La Tontinière qui avait déposé trois jours plus tôt. Je n'ose conjecturer comment il revient sur ses pas ; mais on croirait que le sieur de La Tontinière est derrière qui lui dit :— J'ai conté cela autrement; ou que quelque autre le dit à la place du sieur de La Tontinière.
Restent dans la déposition ces paroles : « Ledit « Blangez est revenu le soir à la ménagerie sur « les 8 à 9 heures ; il adit, etc., etc., » et puis l'on y trouve ces autres paroles : « Observe le déposant « qu'il n'a point vu son domestique dans laprès-« midi, mais seulement le lendemain à 10 heu-« res.., » Or, j'aimerais autant que le sieur Lai-mant me dît : « J'ai vu Blangez le soir à 8, à « 9 heures, c'est-à-dire, le matin à 10 heures. »
Ce n'est pas tout ; selon le sieur de La Tontinière, un seul homme avait abordé Blangez à Versailles; vous en trouvez deux dans le récit du sieur Laimant.
Le premier le fait partir du cabaret où il a goûté, rue des Récollets ; le second le fait aller au café et boire des liqueurs.
Enfin pour compléter la bigarrure, Boucher convient que Blangez conversant avec lui, lors* que le sieur de La Tontinière parut, tenait des propos repréhensibles, et qu'il J'en réprimandait; mais il a oublié l'espèce de ces propos, ce qui est, comme on voit, fort naturel, s'agissant seulement de la reine de France et d'un assassinat.
Voilà un fait en même temps bien grave et bien estropié que je livre à vos réflexions.
La déposition du sieur de Miomandre-Château-neuf va vous présenter un autre fait qui mérite votre attention.
Il avait assisté le 1er octobre au repas donné par les gardes du roi ; il suivit une troupe ivre et joyeuse sur la terrasse; il en sortit par le passage qui conduit au grand escalier.
« Je fus arrêté, dit-il, (dans ce passage) par un « chasseur des Trois Evêchés, qui était ie front « appuyé sur ie plombeau de son sabre hors du « fourreau. Cet homme me saisit par le poignet « gauche, et me dit qu'il était bien malheureux. « La douleur la plus profonde était peinte sur sa « figure... Il dit qu'il n'avait besoin que de la « mort... seslarmes l'empêchaient des'expliquer... « puis se voyant seul avec moi, il prononça ces « mots sans aucune liaison: « notre bon roi... cette « brave maison du roi... je suis un grand gueux 1 « les monstres... qu'exigent-ils de moi? Qui, lui « demandai-je? ces j.f. de commandant et d'Or-« léans... » Beaucoup de monde survint; il de-« vint furieux... il se mit la pointe du sabre sur « l'estomac... je m'écriai à moi, du Verger, il vint « et désarma le chasseur... Nous ne pûmes em-« pêcher qu'il ne se blessât ; le sang vint; l'homme « devint plus furieux; plusieurs personnes à moi « inconnues lui donnèrent du secours... Je diri-« geais ma marche pour déposer cet homme au « corps de garde ; j'aperçus M. le comte de Saint-« Marceau, je le priai d'être témoin des aveux « que nous espérions avoir de cet homme... Je « fis étendre une botte de paille ; j'y fis placer cet homme... il était dans un abattement total; « plusieurs de ses camarades survinrent... qui « s'avancèrent, et l'un id'entre eux lui détacha « deux coups de pieds dans l'estomac, en disant « que c'était un mauvais sujet dont ils voulaient « se défaire ».
Apparemment l'homme mourut, le témoin n'en dit pas davantage (1).
Le sieur de Rebourceaux confirme en partie, et en partie dément ce récit. « On dansait, dit-« il, sous le balcon du roi; un dragon se livra « au désespoir, en disant qu'il était un malheu-« reux d'avoir reçu de l'argent pour trahir son « maître ; il voulait se tuer, on lui enleva son « sabre. »
Ce n'est plus dans le passage, c'est sous le balcon du roi ; la scène n'est point ensanglantée, et il y a peu de discours.
Ces contradictions légères ne doivent pas étonner. L'un des témoins était auprès du chasseur, il le suivit ; l'autre ne se trouva pas à portée d'être instruit aussi précisément.
On peut les regarder comme conformes sur la séduction qui paraissait avoir enveloppé cet homme, et c'est ici le fait essentiel.
D'ailleurs, vous entendrez dans la suite un grand nombre de témoins dénoncer ces distributions d'argeut faites aux soldats, et vous concevez ce qu'ajouterait d'importance à ces deux témoignages la certitude des distributions.
Toutefois, je vous propose quelques questions qui se présentent à mon esprit.
Le chasseur était ivre; mf a-t-il pas une sorte de vanterie à laquelle son propos pourrait appartenir ?
Monsieur d'Orléans qu'il nomme, est-il allé jusqu'à lui ? Lui a-t-il parlé? lui a-t-il communiqué d'horribles desseins? comment enfin cet homme a-t-il le droit de nommer Monsieur d'Orléans ?
Gomment deux témoins peuvent-ils être divers sur le fait simple en soi de l'homme se blessant, ou retenu et désarmé,sans blessures?
Gomment un événement si singulier et si intéressant est-il, au milieu d'une grande foule, le secret de deux personnes ?
Gomment ne trouve-t-on pas, parmi les témoins de l'information, le sieur du Verger qui est supposé avoir désarmé l'homme ? _ Gomment accorder la bassesse de l'homme qui se vend avec l'héroïsme de l'homme qui 3e tue pour s'être vendu ?
Quelle idée se faire du soldat ivre qui choisit et attend quelqu'un pour lui faire sa confidence avant de mourir, et qui la lui fait à demi, qui joue les grands mouvements, qui s'exprime avec des réticences que l'on dirait étudiées, qui coupe son discours par des trois points comme un poète tragique?
Le soldat s'arrêtant dans un passage étroit, le sabre nu, posé de manière à en faire usage, lorsque l'instant sera venu, commandant à sa fureur assez pour avoir le temps justement de proférer quelques paroles qui expliquent ce qui va se passer ; des passants qui voient froidement cette situation qui présageait un homicide ; des spectateurs tranquilles qui ne s'étonnent pas, lorsque l'arme, dont la pointe était d'abord à terre, est ensuite retournée offensivement ; un confident immobile qui réserve à un tiers le soin d'arracher à la victime le fer meurtrier, afin qu'elle ait le loisir de parler, de prendre ses mesures et de se frapper.....Tout cela n'a-t-il pas l'air d'un coup de théâtre compassé, dont la moindre omission ferait manquer tout l'effet?
L'attention est encore suspendue... Pour prolonger l'intérêt on transporte l'homme, et afin de couronner 'inexplicable bizarrerie de toute cette histoire, ses camarades viennent, le regar-
dent, le font expirer sous les coups de pieds, sans que personne s'en formalise, comme en passant ou écrase un reptile.
J'ai lu dans une déclaration du sieur Le Coin-tre, citoyenfde Versailles, que, dans l'ivresse de cette fête, on escalada le balcon du roi, et qu'un dragon voulait se tuer pour avoir manqué l'escalade. On pourrait soupçonner que le dragon du sieur Le Cointre, et le chasseur du sieur de Mio-mandra, ne sont que le même homme.
Je cours à d'autres faits :
M. Diot entend le 5 octobre, à sept heures et demie du soir, à l'entrée de l'avenue dé Paris, la conversation de trois personnes ; une baraque est entre ces personnes et lui : l'une des trois fait part aux deux autres d'un complot qui doit être exécuté le lendemain ; les gardes du roi seront massacrés, 1a reine sera assassinée, une personne attachée à Monsieur d'Orléans payera largement les complices ; il n'est question de rien moins que de 50 louis pour un ou deux spadassins... M. Diot est aperçu ; un homme sous des habits de femme va a lui l'épée à la main, il pare de sa canne, il désarme l'agresseur, et il fuit.
Il voulait, dit-il, monter au château pour révéler ce qu'il venait d'ouïr, il était difficile de pénétrer-, on l'insultait; sa vie était en périt... M. Diot se relira.
M. de Baras déclare une seconde conversation qui ressemble beaucoup à la première ; elle se passe de même entre trois personnes dont l'une parle, et les deux autres écoutent ; c'est encore de même à l'entrée de l'avenue de Paris ; mais c'est entre dix et onze heures, et il n'y a point de déguisement.
Or, la personne qui avait la parole, disait que l'on serait bientôt en force ; que l'on irait au château; que l'on se saisirait du roi, de la reine et de tous les coquins qui les entouraient : qu'on n'avait pas besoin de ces gens-là; que puisqu'ils ne savaient pas gouverner, il fallait se débarrasser de ce fardeau : qu'un homme de la milice nationale arrivait, dont on était sûr, et qui seconderait ces desseins. M. de Baras voulut faire quelques représentations ; on lui répondit brusquement : « Bon, bon I à quoi bon un roi ? plus ae tout cela. »
Le témoin donne le signalement de l'orateur.
Je fais quelques observations :
Ces deux témoins ont l'air d'avoir la prétention de se rencontrer ; chez l'un et chez l'autre c'est une conversation ; c'est le 5 octobre, c'est dans la nuit, c'est entre trois personnes ; c'est à l'entrée de l'avenue de Paris, et pourtant ils ne se rencontrent pas.
Des conjurateurs ne se livrent pas, peut-être, dans un lieu public, à des indiscrétions propres à les déceler.
Us cherchent sans doute l'obscurité ; mais ne la craignent-ils pas, lorsqu'elle peut favoriser des espions et des témoins?
Cinquante louis pour un homme ou pour deux sont un prix énorme, lorsqu'il faut supposer que des milliers d'hommes doivent être achetés.
Si la promesse est vaine, comment imaginer des complices qui s'engagent sur la parole d'un inconnu?
Des malfaiteurs séduisent-ils des coopérateurs un à un, pour s'assurer du secret, ou deux à deux pour être trahis plus probablement ?
Attend-on l'instant d exécuter un grand crime, pour recruter les scélérats qui doivent le commettre ?
L'obscurité fut profonde durant cette nuit;
M. Diot en convient, et j'en trouve la preuve dans Ja déposition de Vincent Arnaud, qui parle de onze heures, et dans celle du sieur Guéroult de Valmet, qui fut en faction depuis sept heures et demie jusqu'à minuit ; et après cela je ne conçois pas comment M. Diot vit qu'un bomme venait à lui l'épée à la main ; comment il para avec sa canne, et comment M. de Baras s'assura du signalement très précis qu'il à donné de la personne dont il entendit le discours.
Je sais que ia garde hationale de Paris arrivait pour contenir le peuple ; je sais que le lendemain elle fut le salut des gardes du roi, lorsqu'elle accourut pour faire cesser des excès qu'elle n'avait pu prévoir, et il me semble que le dessein de l'inculper perce trop dans la déposition de M. de Baras.
Que penser enfin de deux citoyens à qui le hasard a procuré de telles révélations, et qui ne prennent aucunes mesures pour qu'un abominable forfait soit prévenu ; de M. Diot qui se retire, parce qu'il était insulté, et parce qu'il craignait pour sa vie, comme si alors il eût été permis de s'occuper de son repos etde sa vie ; de M. de Baras qui fait à dés scélérats quelques remontrances froides, et les laisse à leurs desseins ?.... Si je crois leurs récits, je dois mettre sur leur tête, je dois imputer à leur coupable insouciance tous les crimes qui étaient médités devant eux.
Vous savez que quelques-unes des femmes venues à Versailles furent admises chez le roi; elles rendirent compte à leurs compagnes de l'accueil paternel du prince. Plusieurs, satisfaites, dirent qu'il fallait retourner à Paris ; M. Le François de Rosnel entendit plusieurs autres s'y opposer, parce qu'il y avait ordre exprès de rester.
Or, cet ordre de rester devait tenir à quelque dessein ; cé dessein n'était antre peut-être que celui d'engager le roi à se rendre à Paris; il était peut-être moins excusable.
Mais pourquoi faut-il que le sieur de Rosnel entende seul parmi une multitude de témoins ; -qu'il ne désigne pas celles qui parlaient ainsi, et que l'on ne puisse remonter à la source d'un tel discours, et en demander l'explication?
Le sieur Le Clerc, officier du régiment de Tou-raine, de ce régiment connu par les vues que l'on eut sur lui, le sieur Le Clerc se rendant dans la nuit à l'Assemblée nationale, fut conseillé de prendre le costume que ses membres avaient originairement porté.
Il marchait rassuré sous cette égide, lorsque dans ia cour même, une fusillade est dirigée contre lui.
11 entre, il se plaint de cette attaque, elle n'étonne personne : vous n'avez pas, lui dit-on, une manchette déchirée, et le morceau attaché sur la manche.
Cette fusillade se passe sans bruit, elle est ignorée de tous les autres témoins ; mais ce n'est pas ce qui importe dans la déposition.
La manchette déchirée, le morceau attaché sur la manche ; voilà une livrée de conjuration : comment le sieur Le Clerc ne fait-il pas connaître les personnes qui lui parlèrent de ce signe mystérieux ? comment ce signe ne fut-il vu sur qui que ce soit par aucuns des témoins, pas même par le sieur Le Clerc?
Parmi les preuves qui peuvent indiquer un complot formé, les distributions d'argent doivent être comptées comme propres à donner de grandes lumières.
On avait offert à Blangez une grosse bourse
pleine d'or et d'argent. Le chasseur dont je vous al fait l'histoire, en avait reçu. Vous allez voir qu'il n'était pas épargné.
D'abord on avait payé des filles de joie, et on les avait envoyées aux soldats du régiment de Flandre. Elles allèrent par légions au-devant de cette troupe à Saint-Denis, et elles la suivirent à Versailles.
Je remarque dans la déposition de M. Dupuis de Saint-Martin, des femmes levant leurs jupes devant les soldats, dans la soirée du 5 octobre, au sein de la boue doDt elles étaient couvertes.
On pourrait dire que les conjurateurs ont choisi là des confidents peu discrets; ils en cherchaient partout, jusques dans la maison de M. du Châ-telet, dont le cocher fut surpris subornant des soldats et leur inspirant la désobéissance.
Ce n'était pas assez de payer des filles pour les livrer aux soldats, il fallait encore donner de l'argent aux soldats mêmes, pour s'en assurer mieux. Je ne cite pas les témoins, ils sont en grand nombre.
Ils m'apprennent que les soldats couraient du cabaret au café, ne payant qu'avec des écus de 6 livres;
Qu'à Saint-Denis, ceux du régiment de Flandre avaient été attendus par une distribution de .45,000 livres et une promesse plus magnifique;
Que le 5, le 6 octobre et les jours suivants,, on avait fait encore de nombreuses distributions ;
Que chaque soldat avait reçu 1 écu, que l'un se présenta trois fois, et eut 3 écus.
Je passe légèrement sur ces témoignages vagues; je fais station, lorsque je rencontre quelque chose de plus précis.
M. Demassé prêta 12 sols, le 4, à un soldat, et le 7, il lui vit des écus de 6 livres; le soldat lui dit que c'était le prix de quelques travaux faits par lui et par ses camarades : cet officier ajoute savoir qu'en effet les camarades reçurent quelque argent.
Ces travaux faits, ces écus de 6 livres reçus pourraient expliquer les courses dans les cafés et dans les cabarets.
M. de Montmorin vit, le 5, une femme portant un panier d'osier couvert d'une toile, dans lequel il y avait de l'argent qu'elle distribuait aux soldats.
M. Veytard et M. de La Chèze disent aussi quelque chose du panier d'osier; mais c'est par ouï-dire, et cela se confond avec la déposition de M. de Montmorin.
Après avoir acheté les soldats, il était naturel que l'on marchandât le peuple.
Le sieur Duval de Grand-Maison dit que l'on a vu jeter de l'argent par les fenêtres du Palais-Royal; son auteur est le sieur Lamorte; rien n'est plus heureux.
Le sieur Lamorte dépose immédiatement après, parle de l'argent jeté, et cite à son tour, comme son auteur, le sieur Duval de Grand-Maison.
Gela date, je crois, du mois de juillet; mais cette réciprocité de témoignage est trop piquante, pour que l'on y regarde de si près.
Du reste, le sieur Duval a vu de ses propres yeux que l'on donnait de l'argent au Palais-Royal ; il ne manque que les uoms, ou au moins la désignation de ceux qui donnaient et de ceux qui recevaient.
Il n'y avait qu'à se baisser, et même on vous en épargnait la peine. Le sieur Perrin a déposé, d'après un sieur abbé Hesse, que l'on remit un jour dans la poche d'une personne qui se promenait avec cet abbé, 30 à 36 livres en paquet, avec
une étiquette portant simplement le nom de M. Otel.
Si le sieur abbé Hesse a conté cela au sieur Perrin, il s'en tait dans sa déposition.
Un portier refuse un inconnu qui lui propose d'aller au cabaret, de signer son nom, et de passer ensuite au Palais-Royal, pour recevoir 6 livres de M. Otel, doDt l'adresse est dans les pelotons du Palais-Royal.
Les portiers ne sont, pas ce qu'il y a de plus cher. Augustin Dupuis, domestique de M. de Virieu, vous parlera d'une compagnie de cinquante garçons vitriers, engagés à 1 louis par tète.
Le sieur de Saint-Firmin a ouï dire qu'un seigneur, qui habite le Palais-Royal, est allé déguisé en femme sur un bateau de blanchisseuses, pour enrôler ces dames, et leur offrant 6 et 12 livres pour chacune.
Le sieur Rigonneau a ouï dire que dans un autre bateau, qui descendait à Saint-Gloud, un homme bien mis a engagé à boire un groupe de femmes, et a vidé sa bourse dans leurs mains; ce qui a produit à chacune 6 livres et quelque monnaie.
M. Roy sait que deux louis furent donnés à chacun des ouvriers de la veuve Héricourt, qui prirent l'argent et n'allèrent pas à Versailles. — Selon la veuve Héricourt, ce ne sont, plus ses ouvriers, ce sont des peintres, travaillant au Palais-Bourbon ; et enfin ces peintres, devenus garçons sculpteurs dans la déposition du sieur Cayeux, se trouvent n'avoir reçu que 3 livres.
Le sieur Gérard-Henri de Blois avait ouï dire que 6 à 7 millions étaient arrivés de Hollande, le jeudi 1er octobre, pour moyenner le soulèvement du peuple, et la séduction des soldats du régiment de Flandre.
Aussi, hommes et femmes, tout en demandant du pain le 5 èt le 6 à Versailles, avaient beaucoup d'argent; c'étaient de pleines poches; de pleins tabliers, des poignées d'or et d'argent, des 100 et 200 livres. Ils montraient fièrement des haillons et des richesses.
Le sieur Galleman dit que des femmes, entrant dans ta salle de l'Assemblée nationale, montraient de l'argent qu'elles venaient de recevoir; probablement •il y avait un bureau à la porte; mais le sieur Galleman a su cela tout seul.
Marguerite Andèl fournit le signalement de deux distributeurs; l'un dans l'Assemblée nationale donna, le 5 octobre, à une poissarde, de l'argent caché sous une cocarde. Je voudrais d'autres témoins, et le lieu me montre qu'il eût été facile d'en avoir. — L'autre distribuait dans les cours du château; mais déjà l'on emmenait les gardes du roi, qui n'avaient pas été massacrés dans les premiers moments. Déjà M. de La Fayette donnait des ordres pour les sauver; Marguerite An-del nous apprend tout cela, sans s'en apercevoir; enfin on était' au terme, et il n'était plus temps de payer et d'ordonner des crimes.
Et puis en lisant la déposition entière de Marguerite Àndel, ne croirait-on pas qu'on tient un chapitre des Mille et une nuits? Or, quelques dispositions que l'on ait à croire, cela décourage prodigieusement.
M. Taillardat entendit trois jeunes gens, dont l'un disait avoir reçu cent sols.
Le sieur Pirault parle d'un homme et d'une femme; le premier récapitulait ses exploits; et le sycophante disait : nous n'avons pas volé notre argent.
Voilà une suite d'attestations bien précises
elles sont si multipliées, qu'il semble difficile de ne pas croire que de l'argent a été distribué.
Et cependant une conclusion formelle serait, à mon sens, hasardeuse; je ne sais comment vous rendre ma pensée, je reste entre le soupçon et la croyance : si l'on ajoute quelque chose, je pourrai croire, si l'on ôte, je n'oserai plus même soupçonner.
Parmi tous ces témoins dont j ai suivi les révélations, M. de Montmorin affirme le fait du panier; et bien qu'il dise avoir vu, mon irrésolution subsiste; un panier plein d'argent est un poids trop lourd pour une femme; des yeux qui distinguent de l'argent au travers d'une toile, sont trop perçants; c'était de loin et le jour tombait, et puis je ne me fais pas à l'idée d'un seul témoin pour ce qui devrait en avoir mille. M. de Montmorin crut voir, et ne vit pas.
Je compte presque pour rien Marguerite Andel; j'en ai dit les raisons ; la vérité même n'est plus croyable à côté des visions de cette femme.
Je voudrais que les autres témoins eussent vu et connu des distributeurs; je voudrais trouver devant moi ceux qui ont reçu; je voudrais que des détails particuliers fussent à la place des attestations vagues, et des témoignages immédiats à la place des ouï-dire.
Et puis de l'argent jeté par la fenêtre, des paquets glissés subtilement dans les poches, l'adresse de M. Otel à poste fixe dans les pelotons du Palais-Royal, des millions arrivant librement de Hollande, lorsque partout on était à l'affût pour arrêter l'argent allant et venant, une passade de 45,000 livres, qui tombent du ciel pour un régiment, comme la manne du désert, des témoins en ouï-dire réciproques, des soldats achetés pour des écus de six livres, et des femmes pour des pistoles... Toutes ces bizarreries brouillent mes idées, et je ne sais encore pour combien ces preuves entreront dans mon résultat.
Je crois n'avoir rien omis dans la recherche que j'ai faite des indices d'un complot; je pourrai mal apprécier, mais je suis fidèle dans l'énu-mération.
Une considération vous aura déjà frappés : le devoir d'un rapporteur est de réunir sous un point de vue facile et comme en un faisceau, les traits épars dont la lumière doit jaillir. Il n'a rien fait, s'il n'a pas composé un ensemble où l'attention puisse se reposer.
Je suis allé au devant du reproche auquel je m'attendais, je prévoyais que je n'aurais à mettre sous les yeux de l'Assemblée qu'une liste de faits sans liaison, et au lieu d'un ouvrage assemblé, une multitude de pièces qui ne s'enchâssent pas.
Il ne m'était pas donné de créer ; mon imagination a dû dormir ; et après avoir étudié la procédure dont je vous rends compte, je l'expose telle qu'elle est, et ne puis établir des rapports que je ne rencontre pas.
Et peut-être dans la confusion de 393 dépositions, dout presque chacune semble avoir son thème à part, séparer des faits indigestement mélangés, et leur donner quelque ordre, à défaut de la liaison qu'ils ne comportent pas, c'jjtait la seule méthode dont on pouvait attendre quelque clarté.
§ II-
Nous allons maintenant changer le plan de nos recherches. Elles avaient pour objet un complot supposé ou présumé avoir préparé les forfaits du
6 octobre ; elles vont tendre à la découverte des causes qui auraient amené ce désastre, indépendamment de toute prévoyance mystérieuse.
Des grenadiers de la garde nationale de Paris vont à M. de La Fayette le 5 octobre. Une grande rumeur est parmi le peuple, et ils sont calmes et froids. L'un d'eux porte la parole, ses camarades font silence... Voici son discours :
« Mongénéral, nous ne vous croyons pas un traître ; mais nous vous croyons trahi par le gouvernement : votre comité des subsistances mal verse ou est incapable d'administrer son département : dans les deux cas il faut le changer ; le peuple est malheureux, la force du mal est à Versailles; il faut aller chercher le roi et l'amener à Paris. Nous ne pouvons tourner nos baïonnettes contre un peuple et des femmes qui nous demandent du pain. Nous irons à Versailles exterminer le régiment de Flandre et les gardes du roi qui ont osé fouler aux pieds la cocarde nationale. »
Je retrancherai une phrase que les témoins rapportent diversement.
Cette harangue que j'extrais de l'information est d'une éloquence simple et vraie. Assurément je ne dis pas que tout le monde ait été de bonne foi dans cette insurrection alarmante ; mais je répondrais de la bonne foi du grenadier orateur.
Or il m'apprend que le pain manquait à Paris. - II m'apprend que l'on craignait la cour et quelque trahison nouvelle.
Il m'apprend qu'une profonde indignation était excitée contre les gardes du roi, que l'on accusait d'une insulte faite au signe de la liberté nationale.
11 m'apprend que l'on désirait amener le roi à Paris et tarir ainsi à Versailles la source du mal.
Voilà des causes naturelles de l'insurrection de Paris. Si je découvre qu'elles agirent en effet, si je vais même jusqu'à reconnaître qu'elles n'étaient pas sans fondement ; quelque jour se produira peut-être dans les ténèbres que nous parcourons.
Ilest constantque la raretédu pain était extrême à Paris. Le peuple obtenait avec peine sa subsistance journalière.
Dès le 4 il y avait eu quelques mouvements à la halle.
Le 5, un boulanger est surpris vendant à un poids faible, le peuple voulait se faire justice.
Une jeune fille prend une caisse et donne l'alerte dans le quartier Saint-Eustache.
Le curé de Sainte-Marguerite s'oppose à ce que l'on sonne le tocsin dans sa paroisse; il convient qu'il ne s'agissait-que de la rareté du pain.
Le même jour on fait subitement une visite dans la maison des Petits-Pères, où l'on soupçonne des magasins d'accaparement.
Le peuple s'agite et marche à Versailles ; on crie que l'on va chercher du pain, que l'on va en demander au boulanger et à la boulangère ; on désigne ainsi le roi et la reine.
Ce sont les premières réclamations qui s'ébruitent à Versailles.
Une députation de cette multitude se présente à l'Assemblée nationale, et ne demande que du pain.
Sans doute cette caravane d'un peuple entier avait quelque chose d'effrayant ; le moindre écart aurait été la porte ouverte au plus grand désordre.
Grâce au sieur Maillard, qui gagna la confiance de cette armée de femmes, une sorte de discipline fut observée. On n'a pas assez fait d'attention à cette action d'un citoyen obscur. Je me plais à
lui payer ici le tribut d'éloges dû à son courage, à sa présence d'esprit, à sa conduite sage.
Et le lendemain, dans la joie que l'on témoignait en escortant la famille royale, on faisait entendre ces expressions basses, mais énergiques : « Nous aurons du pain, nous emmenons le boulanger, la boulangère et le petit mitron. » Il semblait, quand le roi serait à Paris, que Paris deviendrait le séjour du bonheur et de l'abondance.
Je ne cite pas des témoins, je n'articule aucunes particularités. On peut ouvrir l'information au hasard ; on trouvera presque à chaque page, presque à chaque ligne le récit des craintes que le peuple avait conçues pour sa subsistance.
Le plus impérieux des besoins agit assez par sa propre énergie ; si quelque autre in'térét vient agiter en même temps les esprits, il n y a plus de frein qui retienne la multitude ; des torrents se joignent, et toutes les digues sont rompues.
Quelque mouvement extraordinaire semblait se préparer ; on était dans cette position d'inquiétude, où l'exemple du passé agite la défiance sur le présent, et montre Forage dans l'avenir, et la renommée qui exagère tout, partait du soupçon, le nourrissait en allant, et semait des alarmes.
Il était annoncé publiquement que la cour conspirait contre le peuple ; que le roi devait être enlevé et conduit a Metz, qu'aussitôt on tenterait de dissoudre l'Assemblée nationale, et la guerre civile serait ouverte.
La fuite du roi avait été prédite dans des harangues au Palais-Royal.
Les murmures allaient prenant de la consistance à la tin de septembre, et le nom de M. de Bouillé, mêlé dans ces présages, semblait désigner le général d'une armée prête à s'assembler.
Des changements de cocarde aigrirent les pressentiments du peuple; les représentants de la commune furent obligés de faire publier, le 4 octobre, une proclamation pour interdire les cocardes blanches ou noires.
M. deFoucault, venu le même jour àParis,se convainquit de l'indignation qu'inspiraient ces cocardes suspectes substituées à la cocarde nationale.
Il y avait quelque chose de plus que ces avis et ces signes, équivoques peut-être.
M. de Lafond d'Agulhac avait eu lieu de soupçonner qu'une trame perfide était ourdie ; un sieur de La Prade lui avait fait entrevoir la possibilité de la retraite du roi à Metz ; il avait vu le sieur de La Prade et deux inconnus vêtus d'uniformes verts, parements rouges, qui n'appartenaient à aucun régiment de l'armée; il ajoute dans sa déposition, qu'après le 5 octobre, le sieur de La Prade disparut et l'on dit qu'il s'était retiré à Londres.
Le docteur Chamseru était dans une société où l'on parlait de guerre civile ; là on en fondait le succès en faveur des ordres privilégiés, sur les moyens qu'ils ayaient de soutenir trois campagnes, pendant que le troisième ordre pouvait à peine en soutenir une. Il était question de l'enrôlement d'un nouveau corps de troupes, à titre de surnumérariat indéfini des gardes du corps, d'une marche imprévue de divers régiments vers la capitale et Versailles, d'un projet de faire enclouer les canons de Paris, etc.
L'uniforme du sieur de La Prade n'était-il point celui du surnumérariat dont parle le docteur Chamseru? Le régiment de Flandre, arrivé à Versailles non sans quelques intrigues et sans quelques mécontentements, n'était-il point l'avant-garde des troupes qui devaient marcher ?
On apprend de cinq ou six témoins que, dans la soirée du 5 octobre, les voitures du roi se présentèrent à la grille de l'Orangerie et qu'on les força de rétrograder.
Ce premier coup manqué, un procès-verbal de la garde nationale constate que les voitures de la reine parurent à la grille du Dragon, et qu'on ne les laissa pas passer.
Au milieu de la nuit, selon le même procès-verbal, un palefrenier de M, d'Estaing rentra par la grille du iDragon,conduisant plusieùrs chevaux de main qu'il avait eu ordre de conduire dans le parc.
Peut-être le voyage de Melz eût-il été devancé de quelques jours ou de quelques heures, si les voitures eussent passé. Mais la résolution subite de partir donne lieu de croire que les préparatifs avaient été pressés.
Votre attention se soutiendra ; car l'intérêt va croître.
J'ai eu de MM. du comité des recherches de Paris, dont le zèle a tant de droit à la reconnaissance publique, la proclamation du 4 octobre et le procès-verbal fait à la grille du Dragon. Ils m'ont confié aussi la déclaration du sieur Le Cointre, que j'ai déjà eu l'occasion de citer. Elle vous apprendra d'abord comment la Cour
Çarvint à faire appeler le régiment de Flandre à ersailles.
M. d'Estaing exige le serment du secret ; puis il lit à l'Etat-major de la garde nationale une lettre de M. de La Fayette. Selon cette lettre, les ci-devant gardes françaises menaçaient d'aller de force reprendre leurs postes à Versailles ; il s'a-issait de demander au roi un secours de mille ommes d'infanterie que l'on pût leur opposer. La proposition passe, on la porte à la municipalité qui exige l'impression de la lettre de M. de La Fayette.
Pour ne pas compromettre M. de La Fayette, on substitue une lettre de M. de Saint-Priest ; la demande projetée est faite au roi qui croit l'accorder au vœu des citoyens de Versailles.
Le régiment de Flandre était tout prêt ; il arrive le 3.
Il fut question le 19 de faire approuver, par les compagnies de la garde nationale, ce que l'on venait de faire à leur insu.
On eut l'aveu de 14 et le refus de 28; mais le régiment entra.
Toutes ces mesures pouvaient être sages et légitimes, mais les entours étaient faits pour donner de l'inquiétude.
D'abord le serment, puis les persécutions contre lés capitaines dont les compagnies n'accordèrent pas ce que l'on voulait.
Le sieur Le Breton et lesieurdeLa Baleine, employés dans les bureaux des ministres, furent traités comme d'insolents subalternes qui ne savent pas obéir, et qui ne méritent pas du pain ; on les menaça de la perte de leurs emplois.
Le 4 octobre, M. Le Cointre monte au château dans l'objet d'obtenir, à l'issue du conseil, une audience de M. Necker.
11 vit dans la galerie trois dames distribuant, de concert avec plusieurs abbés, des cocardes blaDcbes.
« Gonservez-la bien,disaient-elles,à celui qu'elles en décoraient; c'est la seule bonne, la seule triomphante... Ces dames exigeaient le serment de fidélité du chevalier qu'elles avaient initié, et il obtenait la faveur de leur baiser la main. »
Le sieur Le Cointre ne dissimule pas combien il est indigné; un sieur Cartousière, champion
des belles distributrices, est planté là, armé de toutes pièces, pour soutenir à outrance envers et contre tous la prééminence de la cocarde blanche, et le spadassin provoque le citoyen.
Le sieur Mattereau, qui a fait aussi une déclaration, suivit le 4, le sieur Le Cointre au château. Il vit les trois syrènes distributrices de cocardes blanches; elles allèrent à lui; ce fut une conquête qui leur échappa.
Je remarque que le procureur du roi du Ghâ-telet n'a appelé en témoignage ni le sieur Le Cointre, ni le sieur Mattereau ; vous croirez qu'ils ne lui ont pas été désignés, ce fut ma première pensée; je demandai à M. le procureur du roi les listes que le comité lui avait remises, je vis qu'elles comprenaient et le sieur Le Cointre, et le sieur Mattereau.
A côté des déclarations du sieur Le Cointre et du sieur Mattereau, j'ai trouvé une autre pièce qui n'est pas sans intérêt : elle est écrite de la main de M. d'Estaing, elle était sous les scellés qui furent apposés chez lui. Vous savez dans quelles circonstances; c'est probablement un brouillon de lettre sous la date du 14 septembre.
M. d'Estaing y marque son inquiétude sur les bruits répandus; il y parle des signatures du clergé et de la noblesse que l'on prend; d'un projet de campagne et d'enlèvement du roi; des généraux chargés de cette expédition ;.de M. de Breteuil retenu pour en être le conseil, de M. de Merci malheureusement nommé, comme agissant de concert ; il ne cache point à la reine que son effroi a redoublé chez M. l'ambassadeur d'Espagne; là il à appris que la signature d'une association a été proposée à quelqu'un de considérable et de croyable; il supplie la reine de calculer tout ce qui pourrait arriver d'une fausse démarche; la première, ajoute-t-il, coûte assez cher.
Vous n'atteudez pas de moi un commentaire de cette épître. Il serait délicat, périlleux, il serait inutile, et le texte dont je donnerai connaissance à l'Assemblée, n'est pas équivoque.
Je pourrais ici vous rappeler le» affaires connues du sieur Augeard et du sieur Douglas ; que n'ajouteraient-elles pas aux faits que je viens de vous exposer ? Mais j'ai dû chercher les preuves d'une alarme, et non amasser les indices de la conspiration qui en était, la source.
Les sujets du mécontentement que le peuple avait conçu contre les gardes du roi doivent encore vous être développés; ils tiennent à cette conspiration de la Cour, dont on avait des soupçons, et ils purent encore en eux-mêmes être l'une des causes naturelles de l'insurrection du 5 octobre.
Le sieur Lefebvre a déposé avoir ouï quelques jeunes gardes du roi tenir des propos indécents, en ajoutant pourtant qu'ils étaient réprimés par leurs camarades. C'est peu de chose.
Mais que dirai-je de ce surnumérariat dont parle le docteur Chamseru ? Etait-il recruté à l'insu des gardes du roi? S'ils le savaient, comment l'expliquer à leur décharge ?
On apprend des déclarations du sieur Le Cointre el du sieur Mattereau, que le premier ayant proposé d'exiger des gardes du roi qu'ils prêtassent le serment civique et qu'ils portassent la cocarde nationale, des citoyens qui avaient servi dans ce corps, déclarèrent qu'on ne devait point en attendre cette condescendance. Quelles étaient donc les dispositions des gardes du roi avec lesquelles le serment civique et les couleurs de la nation ne pouvaient sympathiser ?
Ne nous arrêtons pas à ces indices éloignés.
Un grand spectacle est ouvert: les gardes du roi donnent des fêtes solennelles; écoutons: la franchise et les écarts de l'ivresse peuvent laisser échapper leurs secrets.
Quelques témoins de l'information parlent du dîner du 1er octobre, pour en louer la décence. Tous les gardes du roi' ouïs protestent qu'il ne s'y passa rien de répréhensible.
Pourtant le sieur Lefebvre dit qu'il vit dans les cours du château des soldats, des dragons, des gardes du roi jouant d'une manière peu convenable; que plusieurs personnes trouvaient cette scène indécente, et disaient à lui, déposant, avoir ouï cette soldatesque se répandre en propos injurieux contre le tiers état, la cocarde et l'Assemblée nationale. Il ajoute avoir ouï dire qu'un nommé Leclerc, étant entre deux gardes -du corps, avait crié : Vive le roi, la reine, au diable l'Assemblée nationale.
Pou r tant David Lesieur sait que la cocarde blanche fut hautement proposée aux convives, et le sieur Le Cointre, qu'elle fut acceptée parle sieur Varin llls, qui la portait le 4.
Pourtant le sieur de Canecaude, garde du roi, lui-même convient que la musique exécuta le morceau : 0 Richard! 0 mon roi, l'univers t'abandonne, dont la perfide allusion ne pouvait n'être pas sentie.
Pourtant le sieur Le Cointre, confirmant l'anecdote de la musique, ajoute qu'elle fut un signal auquel on escalada les loges, jeu significatif peut-être, dans lequel on s'essayait pour quelque plus grand effort.
- Pourtant le même sieur Le Cointre déclare que l'on porta dans ce repas les santés du roi de la reine, de M. le dauphin, de la famille royale, et que la nation ne fut proposée que pour être rejetée dédaigneusement.
Le déjeuner du 3 jeta dans un brasier des matières combustibles.
Le sieur de Canecaude ne dissimule pas qu'il y fut tenu des propos incendiaires ; il les impute a un intrus portant l'habit du roi, sans l'être, et qui étant observé disparut.
Les murmures passèrent de Versailles à Paris, il y eut un cri presque universel contre les gardes du roi; et ce soupçon vint, aux personnes qui expliquent les actions, que les gardes du roi avaient été, dans les desseins de la cour, des athlètes indiscrets, embouchant la trompette avant la victoire.
Je prends encore M. d'Estaing à témoin. C'est dans un autre brouillon d'épître ayant la date du 7 octobre.
Il avait été du premier dîner, et il convient que la santé de la nation y fût omise de dessein prémédité, qu'on lui avait dit formellement qu'on ne voulait pas boire à la nation.
J'ajoute un billet du sieur Hiver à M. d'Estaing, du 3 octobre. Il y atteste qu'un homme ivre cria sur la terrasse, après le dîner : Vive le roi, la reine, au f... l'Assemblée nationale et le duc d'Orléans.
La déclaration du sieur Le Cointre et le billet du-sieur Hiver m'instruisent d'un fait qui ne dut pas contribuer à calmer les agitations. La reine avait donné des drapeaux à la garde nationale de Versailles, des députés lui témoignèrent la reconnaissance des; citoyens. La reine répondit... La reine ajouta : Je suis enchantée de la journée de jeudi 1 de cette journée que le peuple détestait.
Maintenant je ne dirai pas il est prouvé que la santé de la nation fut rejetéè, bien que le sieur Le Cointre et M. d'Estaing en soient d'accord ;
Que l'on envoya l'Assemblée nationale au diable, bien que le sieur Lefebvre, le sieur Le Gointre et le sieur Hiver l'affirment;
Que la cocarde blanche fut proposée, bien que le sieur .David et le sieur Le Gointre l'aient attesté ;
Que l'orchestre s'étudia à des allusions dangereuses, bien que le sieur de Canecaude l'avoue, etc., etc.
Mais je dirai: les deux festins du 1er et du 3 octobre furent dénoncés au peuple comme des orgies coupables, et je ne cherche pas tant ce qui s'était passé, en effet, que ce qui en avait été dit publiquement.
Le dessein d'amener le roi à Paris se joignit naturellement peut-être aux impressions diverses qu'avaient produites toutes ces circonstances.
Depuis plus d'un siècle la capitale regrettait la présence aenos rois; elle n'avait pas perdu l'espoir de les posséder de nouveau. L'accomplissement de son vœu dépendait d'une occasion ; elle se présenta, et on ne la perdit pas.
Paris était menacé de la faminè. Peut-être, dit-on au peuple que, quand le roi y viendrait habiter, la disette n'y serait plus à craindre ; et ceux qui dirent cela connaissaient les cœurs français et cet amour confiant qui les lie à leur roi.
Le peuple respirait dans un nouvel ordre de choses l'air nouveau pour lui de la liberté. Une conspiration était annoncée, le peuple n'imaginait pas que son roi voulût l'abandonner, mais il pouvait lui être enlevé, mais l'éloignement du roi allait être le commencement de la guerre intestine... Le séjour du roi à Paris devait guérir toutes ces craintes.
Si je ne vois pas que d'abord cette idée d'engager le roi à se rendre à Paris ait été générale, j'ai lieu de croire qu'elle était celle de plusieurs; qu'elle fut proposée, qu'elle fut applaudie dans la matinée du 6 et peut-être dès la veille; et surtout qu'elle ne fut pas due au hasard du moment.
S III.
Maintenant, Messieurs, vous auriez à choisir entré l'opinion qui veut lier à un complot profond l'événement qui vous occupe, et l'opinion moins cruelle qui l'attribue aux causes naturelles que j'ai déduites; mais vous n'êtes pas au terme.
J'aurais voulu épargner à votre sensibilité des détails affligeants, ils peuvent vous éclairer et je vous les dois. Il y a de l'effet à la cause des rapports qui font juger de l'une par l'autre. Le caractère de l'insurrection naissante se décèle peut-être encore à son dénouement ; et s'il y a plusieurs routes pour aller à la vérité, il ne faut dans de si grands intérêts en négliger aucune.
Un nom auguste fut prononcé par le peuple attroupé le 5 octobre au milieu des imprécations; Dispensez-moi d'une éuumération d'horreurs qui n'ajouterait rien d'utile à la vérité que je vous expose.
Avant ce jour,l'audace n'allait pas à ces excès; i!entends des murmures, je ne rencontre pas des fureurs.
Le trône est comme au fond d'un sanctuaire où le peuple tient de loin ses regards attachés. Une sorte de croyance religieuse lui dit que là est déposé le pouvoir de le rendre heureux : et il adore, pénétré d'un sentiment dont il ne se rend pas raison.
Si cette croyance délicate est blessée, le peuple passe de l'adoration au blasphème, et cette ré-
volution tient à peu de chose ; elle naît d'une erreur; un nouveau préjugé la produit.
La reine avait dit : Je suisancharrtée de la journée de jeudi. — Des femmes avaient, presque sous ses yeux, attaché d'odieuses cocardes ; l'habit national avaitété à sa porte un titre d'exclusion; que sais-je!... Mille riens échappés sans doute, sans dessein, sans importance, avaient pu être remarqués... Je vous confie mes timides conjectures.
Je remarque que, dans les emportements de la multitude, la reine est comme associée aux gardes du roi. C'est à eux, c'est à elle qu'en même temps s'adressent ses grossières apostrophes.
Je suis loin de penser cependant qu'un détestable assassinat ait été médité ; quelquefois il vient à ma pensée que les gardes du corps eux-mêmes eussent été respectés, si des incidents imprévus, si des fautes peut-être n'avaient provoqué une troupe farouche, qu'il eût été prudent d'apaiser même par des caresses.
Parmi les femmes étaient, au dire de plusieurs témoins, des hommes déguisés sous les habits de ce sexe ; des hommes déguisés me sont suspects sans doute ; mais lorsque dans la matinée du 6, une partie de cette populace fit tomber soùs ses coups plusieurs gardes du roi, et se porta vers le grand escalier, des hommes sans masque marchaient à la tête et frappaient; qu'avaient donc signifié les déguisements? - Je sais que M. Diot entendit ou crut entendre une conversation abominable ; je sais que M. Po-chet eut des craintes pour la reine, et qu'il les communiqua à la dame Gamelin; je sais... mais si les faits démentent les propos !
Or, voici les faits tels qu'ils me paraissent prouvés.
Les gardes du corps étaient en bataille sur la place d'armes ; le peuple tranquille les considérait, et peut-être, par quelques vains murmures, leur témoignait le ressentiment dont il était animé*
Le sieur de Marcenay dit qu'ils étaient insultés; M. Madier explique le genre de l'insulte, en ajoutant, hués.
M. Desroches prétend qu'à l'insulte se joignit raggression de fait; il suppose un coup de lance.
Le sieur Leclerc et Jean Blanchoiû, domestiqué de M. Malouet, parlent, le premier de fusillade, et le second, d'un coup de fusil, tiré sur les gardes du roi, dans l'avenue de Paris. Ils étaient là en même temps ; comment sont-ils divers ?
Mais justement le sieur Boisse et le sieur Golomne, gardes du roi, furent à la découverte dans l'avenue deParis. Le dernier a grande attentionné déposer que lui et ses camarades furent menacés du canon, et ni l'un ni l'autre ne parle de fusillade.
Le sieur Gueroult de Berville dit bien qu'après avoir dîné à l'hôtel Charost, lui et ses camarades furent exposés ; qu'on leur tira dessus, et que lui en particulier reçut un coup de massue. Mais le sieur Gueroult de Valmet n'est pas d'accord ; sortant de l'hôtel de Charost, il entendit seulement des propos ; et enfin mis en faction depuis sept heures et demie jusqu'à minuit, ce fut pendant cette faction qu'on lui appoita son frère blessé d'un coup de massue.
L'heure précise, qui n'est pas déclarée par les témoins, importe beaucoup; le coup de lance et les fusillades peuvent être vrais et postérieurs aux premiers coups qui furent frappés sur la place d'Armes»
Il était quatre heures et demie, cinq heures.
Un homme en habit de la milice parisienne, selon le sieur -Grincourt ; trois, suivant le sieur de Guillemet; même des femmes, suivant Marguerite Paton, traversèrent les rangs.
S'il fallait en croire le sieur de Saint-Au lai re, le soldat parisien n'avait pas seulement traversé les rangs, il avait fondu le sabre à la main dans le centre des escadrons, sabrant à droite et à gauche.
Ce fait est peu vraisemblable, et de plus vous allez voir que le sabre de cet homme était dans le fourreau ; je remarque même, que selon M. Ma-dier, il venait de derrière les rangs, lorsqu'il y eut du mouvement.
D'abord Marguerite Paton reçut un coup de
filat de sabre, qui au moins l'étonna et la lit pâ-ir, selon Anne Forêt.
Puis trois gardes du roi se détachent; le sieur de Savonniêres était du nombre; il poursuit le soldat parisien et lui tend des coups de sabre ; c'est alors seulement que le soldat tire le sien, pour parer les coups en fuyant (1). * Le sieur Motte de Vareiile entend ce cri : On nous laisse assassiner ; et alors un coup de fusil part, et le sieur de Savonniêres est atteint.
Je ne prétends pas que les gardes du roi n'aient pas dû s'opposer à ce que leurs rangs fussent traversés, je ne fais pas un crime à M. de Savonniêres de sa poursuite; mais j'examine l'impression que dut faire tout cela sur le peuple, et surtout le cri : On nous laisse assassiner ; et j'y vois la causedmmédiate du coup de fusil tiré sur le sieur de Savonniêres.
Remarquez que trois dépositions désignent le sieur Charpentier, comme l'auteur de ce. coup de fusil, et que les juges duChâtelet ne l'ont pas décrété. Ils ont pensé sacs doute qu'il y avait eu provocation, et qu'elle changeait la nature du fait.
A huit heures et demie, les gardes du roi ont ordre de se retirer, ils s'ébranlent, ils marchent; le peuple encore ému les accompagne de ses buées; ils les souffrent impatiemment, bientôt ils veulent s'en venger.
Le sieur Bertier dit qu'un coup de pistolet partit de la queue de l'escadron ; le sieur Hiver, qu'un homme en fut légèrement contusionné; le sieur Liaacourt, qu'un garde du roi lira successivement ses deux pistolets, et fut imité par ses camarades ; et le sieur Leclerc, que quelques coups de pistolet partirent de la compagnie de Luxembourg.
Un ou plusieurs, l'effet fut le même; la garde nationale de Versailles, sur qui la décharge avait porté, répondit vivement et sans ordre à cette attaque, et dès lors la guerre fut déclarée.
Je ne vous peindrai pas la fureur dont le peuple fut aussitôt possédé ; je ne.vous transporterai pas au sein de l'hôtel des gardes, où la faim du pillage se joignit à la soif de la vengeance, et enfin la remplaça.
La garde nationale de Paris arriva en bon ordre, et sa présence en imposa.
On la reconnaissait aux feux qui lui servaient de guides. Je saisis une distraction qui m'est offerte au milieu d'un douloureux récit.
Un homme du peuple, resté sur la place d'armes, était appuyé contre la barrière : de là il faisait de grossiers reproches à un homme arrêté
dans l'intérieur de la cour, qui était ou qu'il croyait être un garde du roi.
« Vois, lui dit-il, quand il aperçut de loin le « front de la colonne, vois cette belle armée qui « s'avance ; ce ne sont pas les esclaves d'un des-« pote, ce sont les fiers soldats de la liberté. »
Il y avait de la dignité dans la colère qui s'exprimait ainsi.
Ici je fais une remarque importante. La garde nationale se retira vers le milieu de la nuit. A trois heures, le château n'était gardé que comme il le fut à six. Le sieur Bernard, cent-suisse, vit que, dès quatre heures, la grille royale était ouverte; M. de Digoine aperçut que, d'un autre côté, le château n'était pas fermé.
Voilà le moment favorable à des conjurés, où tout serait pour eux, et l'obscurité, et l'avantage du nombre, et la surprise d'une irruption subite.
Et pourtant alors, tout lut dans ie calme et la sécurité; c'est peu-têtre un argument contre l'existence de tous complots.
La multitude revint avec le jour sur la place d'armes et dans les cours ; et c'est ici qu'il importe de saisir la chaîne des incidents qui s'appelèrent, pour ainsi dire, les uns les autres.
Le sieur Duperrey allait vers la cour de marbre : un homme, vêtu en veste, fut tué à ses côtés d'un coup de feu.
Louis Prière vit le feu d'une arme tirée par une croisée à gauche de la salle des gardes, et le coup tua un homme qui était sur les marches de la cour de marbre.
Jeanne Martin dit que le peuple montait sur les grilles, que les gardes du roi firent une décharge, dont un homme fut tué dans la cour de marbre.
. Elle dit encore qu'un garde du roi poignarda un citoyen. Le sieur Richer entendit dire qu'un garde du corps avait frappé de trois coups ' de couteau un soldat parisien, entre la chapelle et les petits appartements.
Le docteur Goudran était à six heures dans la cour royale; il entendit un coup de fusil, et l'on apporta un homme mort, que l'on disait avoir été tué par les gardes du roi.
Le sieur Laurent était sous la voûte de la chapelle; il entendit un coup de fusilj puis un jeune homme, tenant un fusil brisé, lui dit : En voilà un qui ne vous tuera plus, car je viens de l'assommer ; il a déjà tué mon camarade.
Jusque-là il n'a été commis par le peuple aucun excès qui ait provoqué ces meurtres.
Jeanne Martin dit qu'après la décharge, dont elle a, parlé, un garde du roi fut saisi et immolé.
Elle et le sieur Richer déclarent que le garde du roi, qui avait poignardé un citoyen, fut massacré sur-le-champ; et le sieur Laurent vit passer le cadavre.
Voilà les premiers excès commis sur les gardes du roi, el il faut convenir qu'ils avaient été provoqués.
Le sieur Valdony, rent-suisse, était au pied du grand escalier. Un homme, dit-il, est tué à côté de lui d'un coup de fusil ; on accusait les gardes du roi ; mais il croit, au contraire, que le coup était dirigé contre eux, étant parti d'un côté où il n'y avait pas de gardes du roi. . Le sieur Prioreau entendit six coups de fusil dans le grand escalier, et ensuite il vit un homme mort dans la cour de marbre.
Le sieur de Lisle, garde du roi, vit un hompie mort au milieu de la cour de marbre; ses camarades lui dirent qu'il avait été tué dans le grand escalier, par un garde national, tirant sur les
gardes du roi, et qu'on en avait injustement accusé ceux-ci.
Selon le sieur de Saint-Aulaire, un homme s'avançant dans la cour de marbre, glisse, tombe en arrière et se tue. On cria d'abord qu'il avait été tué par les gardes du roi ; mais après l'avoir visité, on reconnut qu'il n'avait aucune marque de coup de feu, et qu'il avait la tète fendue par derrière.
Le sieur Gallemand était sur le grand escalier ; il dit qu'un garde national, tirant sur un garde du roi, le manqua, et que le garde du roi cassa d'un coup de pistolet la tête du garde national.
Le sieur Morel vit dans le groupe qui montait le grand escalier un homme couvert d'un chapeau bordé; on le prit vraisemblablement pour un garde du roi, et du pallier au-dessus on tira sur lui, et un autre homme en veste eut le crâne emporté.
Enfin le sieur du Repaire, garde du roi, se défendait à la porte de 1a salie; au moment où il entrait, on entendit un coup de pistolet, dirigé vraisemblablement contre lui, qui renversa un homme à ses pieds.
On désirerait que les moments fussent marqués précisément dans chaque déposition. On ne peut se dissimuler qu'il y a quelque confusion.
Il paraît cependant que le premier choc eut lieu du côté de la chapelle; car c'est là que se porta d'abord le peuple; c'est par là qu'il arriva sur la terrasse où il fut vu par le sieur Gueroult de Saint-Denis, par le sieur de Lisle, et entendu d'abord par la dame Thibault et la dame Augué, femmes de la reine.
Or, du côté de la chapelle, les gardes du roi débutèrent par donner la mort à deux hommes. Il est vrai que les détails nous manquent et des doutes restent.
Une variation inexplicable rend surtout énig-matiques les récits de ce qui se passa dans le grand escalier, où chaque témoin, pris à part, ne suppose qu'un meurtre, tandis que pris ensemble ils en supposent trois.
Il n'y a qu'une manière de sortir de cette incertitude, c'est d'expliquer plusieurs incidents par celui dont on est instruit en termes clairs et positifs.
Or, un citoyen est renversé d'un coup de feu dans la cour de marbre ; il n'était pas armé, il n'offensait personne ; trois témoins entendent le coup, trois témoins le voient tomber; la déposition du sieur de Saint-Aulaire ne saurait l'emporter.
Aussitôt on saisit un garde du roi, et l'on venge sur. lui le malheureux qui vient de périr : voilà un fait qui me paraît constant.
Et puisque le peuple n'a commis ici un meurtre que pour en punir un autre, j'ai tout lieu de croire que le même effet est venu de la même cause, du côté de la chapelle.
Ët ensuite j'ai tout lieu de croire que de là venait toute la fureur qui s'est exercée dans le grand escalier (1).
Aussi je remarque que le grand escalier est le théâtre de la dernière scène, parce que la multitude irritée se porte vers le lieu où les gardes du roi sont attaqués par une sorte de représailles.
Aussi je remarque que deux têtes seulement sont coupées, bien qu'un plus grand nombre de gardes du roi périsse; parce que la vengeance
épuise dans ses premiers moments son atrocité.
Aussi je remarque qu'une rage excessive se dissipe tout à coup, lorsque les gardes du roi étant retirés et retranchés, la troupe qui les poursuivait, ne peut plus atteindre l'objet de sa colère.
Je l'ai dit, la rage se dissipa : à une tempête succéda un silence froid ; et une poignée de soldats parisiens éconduisitsans résistance ces hommes qui tout à l'heure auraient tout bravé.
Ceci s'accorde mal avec certaines versions.
Le sieur Rabel, garçon de la chambre du roi, dit que la reine passa chez le roi. — Que le roi était allé chez la reine par un autre passage ; qu'il revint... qu'une minute plus- tard il aurait vu tous les gens à piques dans la chambre de la reine;
Gela suppose que les gens à piquesentrèrent dans la chambre delà reine, et le sieur Gallemand prétend les avoir vus entrer.
Le sieur Duveyrier l'a ouï dire ainsi; Morizot de Langres déclare que Boussard, perruquier de Paris, lui a dit avoir vu fuir la reine presque en chemise; et M. Claude-Louis de La Châtre, pénétrant quelque temps après dans l'appartement dë la reine, frémit à l'aspect de son lit, qui lui parut avoir été bouleversé par des malfaiteurs.
Il est certain, au contraire, que l'appartement de la reine ne fut pas souillé de leur présence.
Rabel n'affirme pas les avoir vus. Il était chez le roi. Lui et Marquaud son camarade, ouvrent à la reine l'œil-de-bœuf, et le referment; car peu après, le roi frappe de nouveau pour se faire ouvrir. Il est probable que Rabel demeura dans l'œil-de-bœuf, et que, dans le troublé où-l'on était, il crut ce qui n'était pas.
A l'égard de Gallemand, il était dans la foule, il vit qu'un garde du roi fut terrassé, volé, et il se retira. Il pensa que l'on allait pénétrer; mais il né put le voir. Il ne fait pas attention, lorsqu'il dit avoir vu, que selon lui-même la porte était fermée, puisque le garde du roi n'avait pu donner avis que par le trou de la serrure du danger auquel il croyait la reine exposée.
La vanterie de Boussard et le ouï-dire du sieur Duveyrier ne méritent pas que l'on s'y arrête.
Quant à M. de La Châtre, je considère le moment et le lieU... je considère son inquiétude mêlée de timidité et dë respect... un regard fur-tif le servit mal... et son imagination fit le reste.
J'ai conjecturé, maintenant j'affirme.
Biaise Etienne, feutier de la reine, déclare qu'aucun de cette troupe n'entra jusque dans la chambre à coucher.
La dame Augué, l'une des femmes de la reine, poussa un verrou et je ne trouve point que cet obstacle ait été forcé.
Bersy, valet de pied de la reine et le sieur Bernard, cent-suisse, n'en disent rien, et leur silence vaut une dénégation expresse.
La porte que la dame Augué avait fermée fut ensuite ouverte; le sieur Gueroult de Berville, le sieur Gueroult de Valmet et le sieur de La Roque entrèrent chez la reine, ils y trouvèrent le roi, ils y restèrent après lui; la preuve que les gens à piques n'y étaient pas, n'y allaient pas, c'est 1a présence de ces trois gardes.
Enfin le sieur de Miomandre Sainte-Marie, baigné dans son sang, laissé pour mort par les gens à piques, volé par eux, et les suivant, lorsqu'ils s'éloignèrent de ses regards inquiets, les vit passer dans la grande salle des gardes et ne craignit plus pour la reine.
Des bandits armés ne pénétrèrent donc pas jusque dans l'appartement de la reine; l'asile de la beauté et ae la majesté fut préservé de la
Jirofanation... je respire; cette certitude me sou-age ; elle m'aide à continuer ma recherche.
Nous allions à la découverte d'uD complot dans les détails de l'événement qui pouvait en être la suite. Nous trouvons des excès, mais nous apercevons une impulsion immédiate qui peut avoir tout fait.
Le 5, la fureur est provoquée par des coups de sabre.
Le 6, des meurtres la suscitent de nouveau. On crie vengeance, et ceux que l'on accuse sont poursuivis, ils ne se montrent que pour être immolés; mais s'ils disparaissent, tout change] la multitude, qui ne peut plus se venger, s'apaise, et le feu meurt faute d'aliments.
Je ne veux pas conclure de là qu'il n'y a point eu de complot, mais je dis que l'événement ne m'en présente aucun vestige, et même je crois avoir déduit au moins quelques raisons d'en douter.
II est temps que, revenant sur nos pas, nous sachions ce que nous avons fait au milieu d'une longue carrière; on a besoin de se retourner et de mesurer des yeux l'espace que l'on a parcouru.
Nous avons énuméré des faits et des bruits qui nous ont rappelé le mois de juillet et des efforts généreux.
Des bruits, des rapports plus rapprochés du mois d'octobre, quelques récits ridicules, la fable grossière de Marguerite Àndel, quelques faits de peu d'importance souvent étrangers à notre examen, nous ont ensuite occupés ; ils laissent à peine dans la pensée cette première surprise où je dirais que le soupçon commence à poindre.
Mais nous avons recueilli le fait de filangez, celui du chasseur désespéré, les conversations entendues par M. Diot et par M. Baras, le propos ouï par le sieur de Rosnel, le 5 octobre, qu'il y avait des ordre de rester, l'avis donné au sieur Leclerc, d'un signe de ralliement porté sur la manche, entin les distributions d'argent.
Ces faits isolés les uns à l'égard des autres se répondent cependant vers un ceutre commun qui est le complot qu'ils supposent ; ensuite on descend au fait sans peine, où ils semblent se remontrer encore comme dans leur conséquence.
Admettez un complot, et vous verrez que Blan-gez et le chasseur ont été choisis, tentés, séduits pour en être les complices; que les conversations entendues s'y enchaînent; que les femmes attroupées ont ordre de rester pour l'exécuter; que les conjurés se reconnaissènt à la manchette déchirée, et que les distributions d'argent supposent des chefs puissants qui ont acheté des scélérats.
Admettez un complot, et l'argent distribué vous montrera le moyen d'une catastrophe préparée. Blangez et le chasseur seront des moyens secondaires qui auront manqué; et enfin le.temps ou l'occasion d'exécuter arrivant, les conversations nocturnes et l'ordre de rester seront les dernières mesures qui s'enchaînent avec les circonstances; car on restera selon l'ordre prétendu, et l'on semblera n'être resté que pour donner l'affreux spectacle qui commencera la journée suivante.
Or, ce qui se lierait si parfaitement et à un complot et à l'exécution donne nécessairement sur le complot même quelque chose de plus que des indices pressants; et alors les bruits, les ouï-dire, tous les indices éloignés auxquels on a
cru d'abord ne devoir pas s'arrêter, revivent avec quelque force.
D'un autre côté, cependant,, vous croyez avoir saisi l'explication naturelle de tout l'événement.
Alarmé pour sa subsistance, alarmé pour sa liberté, menacé de l'éloignement de son roi et du fiéau de la guerre intestine, le peuple s'émeut et cherche à se rassurer; et puis des incidents malheureux se succèdent, ils amènent des horreurs qui, peut-être, n'avaient pas été méditées.
On s'arrête avec complaisance à cette idée, ou se porte avidement à tout ce qui la favorise; on voudrait qu'elle fût vérifiée; une réflexion la détruit, une autre la ramène à l'esprit inquiet.
D'habiles conjurateurs auraient pu se couvrir de toutes ces apparences; avec leurs trésors,disposer des subsistances; avec leurs agents, calomnier la cour et les gardes du roi. Le peuple aveugle aurait eu des motifs, l'artifice dont ils auraient été le chef-d'œuvre, lui eût échappé.
Par une fatalité qui appartient à cette affaire, on ne quitte cette conjecture que pour passer à une conjecture opposée.
Les ennemis du peuple ne cherchaient-ils point dans leur astuce à l'égarer, à l'employer comme l'instrument de sa propre ruine; et le dessein d'enlever le roi n'avail-il pas besoin de quelque désordre au milieu duquel le prince trompé lui-même fût livré à une faction qu'il aurait méconnue ?
Vous n'apercevez encore que des nuages.
Suspendez votre jugement; il sera temps de le former, lorsque vous aurez apprécié les charges dans leurs rapports particuliers avec le rôle que M. de Mirabeau et Monsieur d'Orléans ont pu jouer dans ces événements.
PARTIE DEUXIÈME.
Charges contre M. de Mirabeau et Monsieur d'Orléans.
Un complot a pu exister sans que vos deux collègues y aient eu part; mais les crimes du 6 octobre, réduits à des assassinats, ne peuvent être les leurs. S'ils ont contribué à ces assassinats, il y avait un complot. A leur égard l'un est lié à l'autre, et tel est l'intérêt de notre recherche actuelle qu'elle peut déterminer même le résultat de celle qui nous a d'abord occupés.
J'appelle premièrement votre attention sur les charges qui affectent M. de Mirabeau.
Je laisse de côté tout ce qui remonte à cette époque précieuse où le retour à la liberté consacra tous les efforts qui furent faits pour elle* Je ne parle ici ni des opinions soutenues dans l'Assemblée nationale ou entre ses membres, ni des pressentiments communiqués à Blaizot et l'hôtel ae la reine.
J'excepterais le propos tenu à M. Mounier, si la déposition de M. Mounier n'en démentait Je rapport.
Un témoin a dit que M. de Mirabeau entretient des liaisons suspectes, il a désigné trois personnes, elles ne sont plus désignées après lui dans l'information; ce n'est qu'un vain propos.
Le 5 octobre arrivé, le peuple de Paris est annoncé à Versailles ; M. de Mirabeau donne au président de l'Assemblée nationale en secret le conseil de se trouver mal pour rompre la séance, et aller tout de suite chez le roi.
Je suis d'autant plus embarrassé de l'importance que l'on donne à ce conseil bon ou mau-
vais de rompre la séance et d'aller chez le roi, que l'on ne tarde pas d'interpréter mal dans des circonstances qui ne différent pas beaucoup, le conseil de ne pas aller chez le roi; or, si ce fut une trahison en derdier lieu de s'opposer à ce qu'on allât chez le roi, il semble qu'en premier lieu la proposition d'y aller ne fut pas une trahison.
On dit que, dans la soirée, M. de Mirabeau fut vu dans les rangs ou derrière les rangs du régiment de Flandre portant un sabre nu, et parlait aux soldats.
Supposant M. de Bouthillier, le lieutenant colonel entendit assez pour s'être porté à quelque extrémité, s'il avait été plus maître de sa troupe.
Le sieur Miomandre-Sainte-Marie va jusqu'à rapporter, d'après M. de Valfond, ce que disait M. de Mirabeau : « Mes amis, prenez garde à vous, « vos officiers et les gardes du roi ont formé une « conspiration contre vous ; les gardes du roi « viennent d'assassiner deux de vos camarades « devant leur hôtel, et un troisième dans la rue « Satory ; je suis ici pour vous défendre. »
Voilà M. de Mirabeau jouant le rôle de Don Qui. chotte, transformé en visionnaire, qui pense qu'à l'ombre de son sabre des régiments n'ont aucune offense à redouter. Or, je connais peu M. de Mirabeau, mais il me semble que ces visions ne sont pas son fait.
Je prends la déposition de M. de Valfond, et je vois qu'entre lui et M. de Mirabeau tout se réduisit à cette conversation. « Vous avez l'air d'un Charles XII, dit le premier; on ne sait, répond l'autre, ce qui peut arriver. »
Ce n'est pas tout : le sieur de La Morte déclare qu'un officier d'infanterie lui a dit que l'homme vu dans les rangs du régiment de Flandre, était M. de Gamache; il ajoute que celui-ci ressemble de figure à M. de Mirabeau.
De plus M. de Ëessancourt a déposé qu'il vit un homme en redingote, de la taille de 5 pieds 7 à 8 pouces, lequel portait un sabre nu, et disait être le comte de Ces trois étoiles vous surprennent dans une information où l'on cherche les noms comme les choses ; quant à moi, je remarque que la taille énoncée n'est pas celle de M. de Mirabeau.
11 se pourrait donc que la personne vue armée d'un sabre nu ne fût pas M. de Mirabeau ; mais quelle qu'ait été cette personne, il n'y a rien à dire, si le discours rapporté par le sieur Miomandre n'a pas été fait; et puisque personne ne l'a entendu, il ne reste qu'une promenade indifférente.
Le sieur Thiery.de La Ville vit des membres de l'Assemblée nationale se trouver à la rencontre des femmes sortant de chez le roi, et leur crier, courage et liberté; dans ce nombre il crut reconnaître M. de Mirabeau ; j'observe d'abord l'incertitude du témoin, et ensuite, que dans ce moment il n'y avait aucune raison de ne pas applaudir au peuple, qui était venu exposer ses besoins et ses craintes, et qui n'avait annoncé aucun dessein hostile.
M. Deschamps, allant au château dans la nuit, entendit des femmes crier: —Où est notre comte de Mirabeau? nous voulons notre comte de Mirabeau 1
Partout ailleurs que dans une information, je prendrais cela pour une mauvaise plaisanterie.
Mais le même M. Deschamps, en cela d'accord avec M. Henry, m'apprend que quelques instants après, comme ces femmes introduites dans la salle de l'Assemblée nationale y mettaient le
trouble, ce fut M. Mirabeau qui les gourmanda vivement.
Le second fait ne permet plus les interprétations mystérieuses du premier.
Deux soldats parisiens arrêtent dans la nuit un citoyen de Versailles pour lui demander où est l'habitation de M. de Mirabeau. Vous allez penser que ces deux hommes cherchent M. de Mirabeau, et sont des émissaires ou dés complices; c'étaient un avocat et un tapissier, et l'un des deux déclare qu'il a l'honneur d'être l'ami intime du valet de chambre de M. de Mirabeau.
Vous ne désirez pas une glose sur ce passage.
Le lendemain 6, M. de Mirabeau fut vu par le sieur Gailemand, caché avec d'autres membres de l'Assemblée nationale derrière les rangs du régiment de Flandre. Alors la fatale scène était passée, et je ne concevrais pas M. de Mirabeau se cachant, quand il n'y avait assurément aucune raison de se cacher.
M. de Mirabeau vous proposa une adresse aux provinces, pour les rassurer sur un événement, dont il était à craindre qu'on ne leur fit des récits divers et menteurs.
Il ajouta qu'il fallait apprendre aux Français que le vaisseau de l'Etat allait avancer plus rapidement vers le port.
M. Madier a grand soin d'assurer qu'il rapporte fidèlement les expressions de l'orateur, et le Châtelet souligne, et moi je cherche le mystère ;. mon intelligence est mise à la torture, et je ne vois pas ce que cette tournure oratoire cèle d'important et de suspect.
Voici , un apophtegme recueilli par le sieur Peltiér. M. de Mirabeau parlant de ce qui venait de se passer, s'était exprimé ainsi : le peuple a besoin quelquefois qu'on lui fasse faire le saut du tremplain.
Je vois bien ce que l'on peut, en quintessen-ciant ce propos, en tirer de parti pour un commentaire ; mais pour fonder une accusation, il n'est pas besoin d'aller si loin ; et puis personne n'a entendu le propos que le sieur Peltier a ouï dire seulement.
M. de Mirabeau et Monsieur d'Orléans sontmré-venus d'une trame commune. Je vais vous taire part des seuls faits dans lesquels l'information les réunisse.
Monsieur d'Orléans était déterminé à passer en Angleterre. M. de Mirabeau, pour l'en détourner, lui dit que l'on n'avait contre lui que des indices, et que son départ allait produire des preuves ; c'est encore un ouï dire du sieur Peltier.
Apparemment le conseil de M. de Mirabeau avait été goûté; mais pour retenir Monsieur d'Orléans, on avait penséqu'il fallait le dénoncer à l'Assemblée nationalé, et M. de Mirabeau s'en était chargé; lé jour était pris, la séance était ouverte, lorsque M. de Mirabeau reçut une lettre de Monsieur d'Ur-léans, qui lui mandait : j'ai changé d'avis, ne faites rien, nous nous verrons ce soir.
C'est le docteur La Fisse qui a ouï dire cela.
Or, non seulement M. de Mirabeau ouvre et lit la lettre, de manière que quelqu'un placé derrière lui peut la lire aussi ; de plus il la fait pas-* ser à l'un de ses voisins, qui sans doute était de la confidence; de plus, il s'exhale en reproches peu discrets, qualifiant rudement le personnage qui lui avait écrit, en ajoutant ; il ne mérite pas la peine qu'on s'est donnée pour lui.
Le sieur Peltier et le docteur La Fisse ont ouï dire; et je m'étonne que ce qui s'est passé dans le sein de l'Assemblée nationale, avec si peu de
réserve ne nous parvienne que par des rapports.
Au milieu de l'ennuyeuse monotonie de ces anecdotes, votre impatience me demande si je n'arriverai pas enfin à de plus graves récits ; vous m'accusez de m'appesantir sur des riens, et de retarder, par une vaine prolixité, une délibération importante.
Eb bien ! j'ai tout dit ; voilà l'énumération complète et fidèle des charges que j'ai péniblement cherchées contre M. de Mirabeau.
Je n'entends pas prévenir ici le jugement de l'Assemblée nationale. Je ne dis pas que ces charges, bien que très légères à mon sens et au premier coup d'oeil, ne méritent aucune attention; souvent on a vu les plus faibles indices marquer de loin les traces de la vérité, et y conduire enfin— Nous jugerons, quand nous aurons un ensemble.
Arrêtons cependant quelques points principaux; la promenade dans les rangs du régiment de Flandre, et l'accord que supposent, entre M. de Mirabeau et Monsieur d'Orléans, ces conseils sur le départ du premier et le dessein d'une dénonciation bientôt abandonnée, voilà ce gui peut faire croire que M. de Mirabeau eut part à un complot. Il n'y a de ceci que des ouï dire, mais des ouï-dire qui, se répondant ainsi, peuvent faire quelque impression.
Quant à l'affaire isolée du ,6 octobre, le sabre nu dont on prétend que M. de Mirabeau était armé la veille, peut être un indice, mais il est le seul.
Venons à Monsieur d'Orléans.
La première partie de mon rapport vous a présenté une énumération de bruits divers et de faits qui ne durent par attacher vos regards.
Je vous rappellerai le chasseur ivre et déses-péré*qui, sur les questions du sieur Miomandre, nomma Monsieur d Orléans,et le même nom échappé dans la conversation qu'entendit M. Diot.
Je vous rappellerai encore ce conseil de ne pas partir pour l'Angleterre, donné par M. de Mirabeau, et ce projet avorté de dénonciation.
Je m'arrête à ces distributions d'argent faites aux soldats, faites au peuple, el que des indices multipliés, quelquefois pressants, semblent constater.
Simple interprète de la procédure, je crains d'abord de me livrer à des conjectures qu'elle ne m'offre pas explicitement.
Elles sont au moins indiquées par le sieur Peltier qui suppose que Monsieur d'Orléans a fait une dépense énorme, et par le chasseur du sieur Miomandre qui, suivant le sieur de Rebour-ceau, avait reçu de l'argent.
Marguerite Andel reçoit un passeport miraculeux avec lequel elle doit pénétrer jusqu'à Monsieur d'Orléans, et quand elle l'aura vu, elle sera riche. Rien n'est extravagant comme la déposition de cette femme, si elle fut de bonne foi ; rien n'est plus grossièrement fourbe, si elle jouissait de ses sens et de son entendement. On ne discute pas des témoignages de ce genre.
La déposition de M. de Frondeville demande un instant vos regards.
Il vit Monsieur d'Orléans, le 2 ou le 3 octobre, descendant de sa voiture, qu'une grande foule suivait, et entrant dans l'Assemblée nationale, il remarqua quelque chose qui paraissait peser dans la pocne droite du frac de Monsieur d'Orléans, il pensa que c'était un sac d'argent ; il observa de façon à pouvoir s'en assurer, et vit très distinctement le frac tomber dans la basque droite de l'habit par une ouverture faite à la doublure, et la tête
du sac répondre dans la ceinture de la culotte à laquelle elle était attachée. Il vit M. d'Orléans dans cet état durant deux jours de suite, et auparavant il n'avait rien vu de pareil.
Il semble que le témoin a dit à M. d'Orléans : arrêtez-vous, renversez votre poche, soulevez la basque de votre habit, découvrez votre ceinture, et que ce plaisant exercice a recommencé le lendemain.
Et le témoin ne sait pas même si le sae contenait en effet de l'argent, il n'en a vu faire aucun usage; le même volume s'est conservé durant deux jours... Après tout, il était permis à M. d'Orléans de porter un sac d'argent, de l'attacher à sa ceinture, de percer la doublure de sa poche... et puisque tout cela pouvait se voir très distinctement, il en fallait peut-être conclure qu'il n'y avait rien de suspect.
Je fais une réflexion. M. de Frondeville observe, dit-il; il avait sans doute quelque motif d'observer; il attachait quelque importance à ce qu'il voyait, il en lirait quelque induction. Comment ne communiqua-t-il sa remarque à personne? comment demeura-t-il le seul témoin d'un fait qui lui parut aussi singulier, et eut-il, durant deux jours entiers, la patiente discrétion de garder sa découverte pour lui?
Je vous dis sans déguisement, non sans une sorte de peine et d'embarras, ce qui se présente à mon esprit attentif dans la recherche de la vérité; tout ménagement est une dissimulation, toute dissimulation serait un mensonge.
On prétend que le jardin du Palais-Royal était le théâtre des distributions, le lieu d'adresse du distributeur Otel.
Les distributions et le distributeur sont une étrange chose; je ne sais déplus singulier que l'argent jeté par les fenêtres, et qu'ont déclare le sieur Duval sur la parole du sieur de La Morte, et le sieur de La Morte sur la parole du sieur Duval.
Les distributions du Palais-Royal fussent-elles bien avérées, peut-être faudrait-il, pour compromettre M. d'Orléans, remonter jusqu'à lui, et je ne trouve pas le chemin qui conduit jusques-là.
Si des millions sont venus de Hollande, je ne vois pas qu'ils aient passé dans les mains de M. d'Orléans; si de grandes sommes ont été distribuées, je ne vois pas qu'elles aient été répandues par lui, et l'information à la main, je dois penser peut-être que ces faits lui sont étrangers.
Le sieur Peltier a ouï dire que M. d'Orléans fit appeler les gardes du Palais-Royal pour leur faire l'histoire du dîner du premier octobre, et leur recommander de la rendre publique. Pourquoi les gardes n'ont-ils pas été produits pour confirmer un ouï dire qu'il était si aisé de vérifier : cette charge particulière aurait été de quelque conséquence 7
Le sieur Peltier a ouï dire encore qu'un grand nombre de courriers avait couvert les routes, de la part de M. d'Orléans; M. deBouthillier vit, dans ia nuit du 5 au 6 octobre, deux hommes à cheval, arriver de Paris à Versailles, et entrer dans la maison de M. d'Orléans, et successivement un autre homme à cheval partir de cette maison et aller vers le château ; mais en soi des courriers ne sont pas suspects, c'est la mission qui caractérise la course, et ce que vit M. de Bouthillier pouvait n'être qu'un mouvement indifférent.
Quittons un moment M. d'Orléans, pour parler de ses enfants.
Le sieur de Raigecourt était auprès d'eux le 5 octobre, assistant à l'Assemblée nationale dans
la tribune des suppléants. La réponse du roi, à la déclaration des droits, donnait lieu à des débats; le sieur de Raigecourt entendit ou crut entendre à côté de lui M. de Chartres et M. de Barbantane qui était avec lui, dire qu'il fallait encore des lanternes, expressions qui furent répétées.
Je dis : ou crut entendre; car on m'a assuré que le sieur de Raigecourt est extrêmement sourd, et je vois que M. de Barbantane lui en fit le reproche.
M. de Beauharnais cependant entendit aussi ce propos, mais il ne l'entendit qu'une fois, et il put attribuer à M. de Chartres ce qui était la fin de la querelle et des explications que l'on donnait au sieur de Raigecourt.
De ce fait au reste, fût-il bien constaté, il y aurait peu de chose à conclure.
Je retourne à M. d'Orléans, et je vais le suivre pendant le 5 et le 6 octobre.
Je lis d'abord l'exposé que M. d'Orléans a publié de sa conduite, page 17 :
« il n'y avait pas d'Assemblée le dimanche 4, « et j'étais parti pour me rendre à Paris ; j'étais « dans l'intention de retourner le lundi matin à « Versailles; mais je fus retenu par le travail qu'a-« vaientà faire, avec moi, quelques personnes de « ma maison. J'appris successivement pendant ce « jour l'effervescence qui régnait dans Paris, le
« départ pour Versailles......Je ne sus d'ailleurs
« rien de ce qui se passait à Versailles jusqu'au « lendemain matin, que M. Le Brun me fit éveiller. « Le même jour, vers huit heures du matin, je me « mis en route pour me rendre à l'Assemblée na-« tionale. Tout me parut tranquille, jusqu'à l'en-« trée du pont de Sèvres. Mais là je rencontrai « les têtes des malheureuses victimes delà fureur « du peuple. Entre Sèvres et Versailles, je ren-« contrai quelques charrettes chargées de vivres, « et escortées par un détachement de la garde « nationale. Quelques-uns des fusiliers pensèrent « que ma voiture ne devait pas passer ce convoi... « Mon postillon était Anglais, et ne savait pas a un mot de français; il écoutait sans comprendre, « et continuait son chemin. Un des fusiliers le « mit en joue à bout portant, et tira son coup de « fusil, qui, par bonheur, ne partit point. L'of-« ficier accourut, réprimanda le soldat, ordonna « qu'on me laissât passer, et me donna deux « nommes à cheval pour escorte. Je sortis sur-le-« champ de chez moi pour me rendre à l'As-« semblée nationale, je trouvai une partie des dé- pûtes dans l'avenue;ils m'apprirent que le roi « désirait que l'Assemblée se tînt dans le salon « d'Hercule, je montai au château, et j'allai chez c Sa Majesté. J'appris ensuite que l'Assemblée se « tiendrait dans la salle accoutumée, et j'y re-« vins. »
Vous avez entendu la version de M. d'Orléans, vous allez juger de celle de l'information.
M. de Foucault était à Paris le 5, il sortit à la pointe du jour, il rencontra M. d'Orléans au boulevard Saint-Honoré, en redingote grise et chapeau rond. M. de Foucaud était sorti de bonne heure, par curiosité. M. d'Orléans était sorti de même, il n'importe par quel motif, ce fait ne m'apprend rien.
Le même jour, à onze heures, le sieur de La Corbière, étant au bois de Boulogne, vit deux quidams à cheval demandant le chemin de Boulogne. Un quart d'heure après, il vit M. d'Orléans, suivi de deux jockeys, entrer par la porte Maillot, s'arréler près de l'obélisque, donner des ordres aux jockeys, ceux-ci ie quitter, l'un allant vers Neuilly, 1 autre vers la Muette, et lui
aller vers Boulogne. Il vit ensuite M. d'Orléans revenir seul, et ayant repassé la porte Maillot, rester un moment indécis, puis revenir sur ses pas, et prendre au galop le chemin de la Révolte. II était alors midi et demi environ.
Pierre Loutaud, domestique du sieur de La Corbière, tenait deux chevaux près de la porte Maillot ; il ne vit qu'un quidam demander le chemin de Boulogne, puis il vit M. d'Orléans et les deux jockeys, puis il ne vit plus rien.
J'ignore comment il ne vit pas, ainsi que son maître, M. d'Orléans, revenir, s'arrêter et prendre le galop, ce qui semble être le fait dans lequel la charge consiste.
Le sieur Gornier, médecin, venant de Rueil à midi, entre dans le faubourg Saint-Honoré, puis retourné à pied à Rueil. Il chemine entre le bois de Boulogne et Neuilly avec un boucher. Trois cavaliers, un maître en habit gris, et deux jockeys en habit rouge, viennent à eux. Le maître aborde le boucher ; après quelque conversation, le boucher rejoint le sieur Gornier, et lui dit qu'il croit avoir parlé à M. d'Orléans.
Je me demande, d'aprè3 ces témoignages, pourquoi le valet ne voit qu'un quidam, tandis que le maître en voit deux ?
Pourquoi il ne voit pas revenir M. d'Orléans 1
Comment M. d'Orléans revenu seul de Boulogne à midi et demi, suivant le sieur de La Corbière, se trouve à peu près à la même heure revenir de Neuilly avec les deux jockeys.
Enfin, quel rapport il y a entre ces courses de M. d'Orléans, le quidam ou les deux quidams, et ce qui devait se passer à Versailles le même jour et le lendemain ?
Mon embarras augmente, si je lis la déposition du sieur Boisse, garde du roi; car le même jour, à une heure, il vit à Versailles M. d'Orléans sortir de l'Assemblée, monter à cheval et partir pour Paris.
Il me paraît difficile que M. d'Orléans soit sorti du bois de Boulogne, seul à midi et demi, ait été rencontré revenant de Neuilly, bien qu'il eût pris un autre chemin et ait été vu en même temps à Versailles.
Le même sieur Boisse vit encore M. d'Orléans à Versailles au déclin du jour, sur le trottoir de l'avenue de Paris, à droite. Croyant le voir à une heure en plein jour, lorsqu'il ne pouvait y être, puisque deux et même trois témoins le voyaient ailleurs; on aurait quelque raison de croire qu'il se trompe de même, et plus facilement quand la nuit tombait ; et puis si M. d'Orléans sortit de l'Assemblée à une heure, s'il parut dans l'avenue à la fin du jour, comment put-il n'être vu que par le sieur Boisse ?
M. de Mirabeau le jeune remarqua dans la soirée qu'un buvetier distribua au peuple, ses cervelas, ses fruits, son vin. On demanda à cet homme s'il voulait se ruiner, et M. de Mirabeau l'entendit répondre que M. d'Orléans lui avait donné ses orares.
Cependant M. de Mirabeau ne vit point M. d'Orléans, et il ne fut vu par aucun autre, ni dans l'Assemblée, ni à la buvette; je ne puis m'empêcher de dire combien tout cela me paraît singulier : j'ajoute que, selon la déposition de M. Anthoine, le président de l'Assemblée avait dit au buvetier de donner des vivres à cette foule exténuée, dernier témoignage qui m'a été confirmé par d'autres personnes ; et je vous donnerai connaissance d'une déclaration qui en a été faite en dernier lieu, d'après la publicité de l'information.
Voici deux faits qui me semblent tout à fait insignifiants; mais je ne dois rien céler, et ce n'est pas à moi de juger. - M. de Balz conversa quelques instants avec l'une des femmes introduites dans l'Assemblée ; cette femme lui parla de ses loges aux spectacles, de ses chevaux, de sa femme de chambre et d'un prince du sang qui était allé plusieurs fois chez elle; on la nommait Beaupré. J'apprends de la déclaration que cette femme a faite au comité des recherches de Paris, que son vrai nom est Ëlisabeth Girard. Ët ce qui me donne l'idée de sa fortune et de ses habitudes, c'est que le matin du 5 octobre elle fut appelée par des marchandes d'huîtres, et alla avec elles à Versailles. Que signifie sa vanterie d'avoir vu un prince chez elle ?
Un espion apparemment est envoyé chez la reine; cest un valet de chambre de Monsieur d'Orléans; M. de Digoine et M. de Frondeville étaient présents : on raisonnait librement, la reine imposa silence, en avertissant qu'un homme de Monsieur d'Orléans venait d'entrer; et cela était si vrai, que ces Messieurs se retournant, M. de Digoine le vit en habit puce et cheveux gris-blancs, et M. de Frondeville en habit et cheveux bruns.
Je conviens que M. de Frondeville n'achève pas le signalement; il se ravise, et dit que sa mémoire peut ne pas être fidèle sur un fait aussi indifférent. Mais pourquoi déposer d'un fait indifférent? pourquoi se raviser sur un fait indifférent?
Au surplus, j'observe que M. de Digoine avait déposé le 19 avril, et M. de Frondeville déposé le 21; le dernier se ravise, comme a fait le sieur Laimand dans l'affaire de Blangez; fort à propos j'achève là mon commentaire.
La matinée fatale commence, fi Un sieur Burkoffer a ouï dire que le sieur Morel, en faction à l'une des portes du château, vit passer plusieurs fois dans la nuit Monsieur d'Orléans. Le sieur Morel, appelé, dit avoir été mis à 6 heures et demie, 7 heures, en sentinelle, à la porte de la salle des gardesduroi, tenant à l'œil-de-bœuf; que sa consigne était de ne laisser entrer personne, et que Monsieur d'Orléans s'étant présenté, et ayant été refusé par lui, passa dans une autre pièce. Je serai obligé de revenir à cette déposition.
Le sieur Chauchard a ouï dire au sieur de Roux, que Monsieur d'Orléans fut vu dans la nuit, soit au château, soit à l'Assemblée nationale, et même qu'il fut question entre lui et M. de La Fayette d'une lettre qu'il avait écrite à ce géné-' ral. Le sieur de Roux vient ensuite, pour transporter, bien avant dans la matinée et après le calme rétabli, la conversation de Monsieur d'Orléans et de M. de La Fayette.
Déjà les deux têtes des gardes du roi étaient soulevées sur des piques, et d'infâmes meurtriers les portaient comme en triomphe loin du lieu de leur crime, lorsque M. Glaude de La Gbâtre vint à sa fenêtre; il ne vit plus les têtes, il ne dit pas l'heure, mais il déclare qu'il était avec Jacques Guenissey, Antoine Hudeline et Glaude Mericourt. Il déclare encore que très peu temps après, l'homme à la grande barbe a passé à la porte du pavillon de Talaru, et a parlé au suisse, auquel il a demandé une prise de tabac. Ges circontances nous aideront à découvrir l'heure.
Il vit Monsieur d'Orléans, longeant la ligne des troupes qui étaient postées dans la cour des ministres.
Jacques Guenissey dit que c'était vers huit à neuf heures.
Claude Méricourt dit huit heures.
Antoine Hudeline était revenu de Paris ce jour-là même, et arrivé, dit-il, à huit heures, et l'on conçoit qu'il n'est pas allé sur-le-champ à la fenêtre.
François Dupont, suisse de Mmo de Talaru, ne vit pas M. d'Orléans; mais il dépose qu'il était neuf à dix heures quand l'homme à longue barbe lui demanda du tabac.
M. d'Orléans montait vers la cour des princes. Selon M. de Frondeville, il était sept à huit heures.
Selon Brayer, dix ou onze heures ; selonQuence, huit heures et demie; selon la nommée Besson, et selon Jean Jobert, sept heures, et selon M. Guilhermy, par ouï dire, six heures.
Mais si Hudeline, revenu de Paris, et le suisse Dupont, nous ont aidés à découvrir l'heure véritable de ce fait, le sieur de La Borde et le sieur Dodemain achèvent l'éclaircissement.
Le premier était aussi venu de Paris, et il était neuf heures, lorsqu'il vit M. d'Orléans; le second remarque que, lorsque M. d'Orléans montait vers la cour des princes, tout était déjà tranquille, et le roi s'était montré à son balcon.
Il faut remarquer d'ailleurs que, dès lors, les troupes étaient en lignes, ce qui est de beaucoup postérieur aux scènes du grand escalier.
Il ne s'agit pas tant de déterminer précisément l'heure à laquelle M. d'Orléans parut dans la cour des ministres, que de juger s'il alla au château avant ou après la scène tragique,- et dans un temps éloigné ou voisin de celui-là.
On pourrait dire que M. d'Orléans traversa deux fois la cour des ministres ; mais comment la première fois personne ne l'aurait-il vu retourner?
Ce qui donnerait quelque crédit à cette explication, c'est la différence des vêtements que les témoins disent avoir vu sur M. d'Orléans.
On reconnaît bientôt le peu de justesse de cet indice; car la différence d'habits n'est point liée à la différence d'heure.
M. d'Orléans est en redingotte ou en lévité à six heures et demie, sept heures, suivant le sieur Morel et suivant Jean Jobert ; à huit heures un quart, suivant le sieur de Miomandre-Châteauneuf, et à huit, à neuf heures, selon Guenissey.
Il est en frac rayé à six heures, selon le sieur La Serre; à cette même heure, M. de Digoine le voit en frac gris ; et le sieur de Saint-Autaire et le sieur Santerre l'habillent encore en frac gris à neuf heures et demie.
De plus, il a un chapeau à trois cornes à six heures, lorsqu'il est vu par M. de Digoine, et à neuf heures lorsqu'il est vu par Hudeline, et pourtant il porte un chapeau rond, selon Jobert et Morel, à sept heures; selon Guenissey, à huit à neuf heures; et selon le sieur de Saint-Aulaire, à neuf heures et demie.
Voilà de singulières diversités; mais comme elles s'étendent également sur tous les moments de l'intervalle de temps dont il s'agit, on ne peut pas en conclure que M. d'Orléans ait monté deux fois la cour des ministres pour aller à celle des princes.
Ajoutez à cela l'exposé de M. d'Orléans, qu'il est parti de Paris vers huit heures, qu'il a vu les deux têtes sanglantes à Sèvres, comme le sieur de La Borde, venant de même de Paris, les y avait vues, et vous douterez de plus en plus que M. d'Orléans ait été au château de Versailles,
dans le temps des atrocités qui y furent commises.
Avant de passer à d'autres faits, il faut suivre celui-ci daus ses circonstances.
Selon le sieur Duval de Nampti, le peuple entourait et suivait M. d'Orléans, traversant la cour des ministres, et l'on entendait crier : Vive le roi d'Orléans! M. de La Châtre et M. de Frondeville répètent le même cri; le sieur Boisse prétend qu'il l'avait entendu la veille.
M. d'Orléans, souffrant de telles acclamations, n'aurait pas été exempt de blâme, quand même on n'aurait pu lui reprocher de les avoir provoquées.
Ce fait mérite donc d'être examiné.
Si l'on suppose ces acclamations antérieures aux excès commis par la multitude, on les conçoit et on juge l'intention qui les a produits.
Mais le sieur Boisse excepté, dont vous savez que le témoignage unique fait promener M. d'Orléans le 3, dans l'avenue de Paris, elles sont évidemment postérieures, et alors je demande si l'on peut y croire une minute, et quel sens elles pourraient avoir ?
Je dirais volontiers que le sieur de Nampty, M. de La Châtre et M. de Frondeville étaient occupés, d'après ce qui venait de se passer, de mille conjectures, et entendaient un cri pour l'autre dans leurs distractions.
Aussi ceux qui n'étaient pas distraits, ceux qui ne conjecturaient pas, Méricourt, Brayer, Quence, Guenissey, qui, étant dans la cour, entendaient de plus près ; le sieur de La Borde qui arrivait, le sieur la Serre lui-même que vous verrez bientôt n'être pas timide en témoignage, disent qu'ils ouïrent crier : Vive le duc d'Orléans! Ce sont six témoins qui ont mieux entendu que trois.
Peut être encore les cris de : vive le duc d'Orléans 1 ne sont-ils pas exempts de reproche et de mystère aux yeux de ceux qui veulent à tout prix trouver de3 crimes.
Des acclamations, témoignages d'amour, hommage flatteur du peuple à qui sa publicité ne permet pas d'être suspect, des acclamations seraient un attentat dans ces sérails de l'Asie, d'où un maître ombrageux règne par la crainte et défend tout autre sentiment.
Là un seul homme est compté; mériter de l'être est une trahison; et un sultan dans sa vieillesse imbécile, commande aux ministres de sa vengeance de laver dans le sang de son fils le crime d'avoir été aimé.
Mais parmi des hommes libres, ces bénédictions qui honorent les bons citoyens et acquittent l'Etat, sont le trésor du peuple, le germe à la fois et la récompense du patriotisme.
Je demande votre attention ; je vais vous rendre compte d'une charge très grave.
Elle résulte principalement de la déposition du sieur La Serre. Celui-ci montait, dit-il, le grand escalier au milieu de la foule après six heures ; il entendait proférer autour de lui ces mots : Notre père est avec nous; marchons. Quel est donc votre père? demande-t-il. — Eh I est-ce que vous ne le connaissez pas? Eh f...., est-ce que vous ne le voyez pas? il est là, lui répondit-on d'un ton très energique. Alors levant la tête et se haussant sur la pointe des pieds, il vit M. d'Orléans vêtu d'un frac rayé, sur le second palier à la tête du peuple, faisant du bras un geste qui indiquait la salle des gardes du corps de la reine ; il le vit ensuite tourner à gauche pour gagner l'appartement du roi ; lui-même il alla dans cet apparte-
ment, et il apprit que M. d'Orléans n'était pas chez le roi.
Cette déposition n'est peut-être pas isolée.
Le sieur Morel, conduit en faction à 6 heures et demie, 7 heures, vit M. d'Orléans se présenter pour entrer chez le roi; il semble qu'échappé aux regards du sieur La Serre, M. d'Orléans passe immédiatement sous ceux du sieur Morel.
Bercy, valet de pied de la reine, entendit, on ne sait précisément d'où, des voix dire : C'est là! c'est là I au moment où la multitude arrivait au-dessus de l'escalier. S'il disait une voix, on pourrait croire que c'était M. d'Orléans qui accompagnait de ces mots son geste indicatif.
M. de Digoine assure qu'il vit M. d'Orléans au bas de l'escalier des princes; il se pourrait que, monté par le grand escalier, il fût allé descendre par l'escalier des princes.
Le sieur de Miomdndre-Ghâteauneuf, après avoir été témoin du premier choc qu'essuyèrent les gardes du roi au-dessus du grand escalier, se retira chezMm® d'Ossun ; il y fut retenu quelque temps ; il sortit, descendit le grand escalier au pied duquel il vit deux cents suisses ; l'un de ceux-ci levant son chapeau, il lui demanda qui il saluait, et on lui fit apercevoir M. d'Orléans à côté de deux hommes déguisés en femmes ; il était alors, dit-il, huit heures et un quart. Je ne sais si cette déposition ne se rapprocherait pas de celle du sieur La Serre. Alors je voudrais que les deux cents suisses eussent été produits.
Le sieur Duval de Nampty a ouï dire au sieur Groux, garde du roi, que ce dernier avait vu M. d'Orléans en grande redingotte grise indiquer du bras au peuple le grand escalier.
Le sieur Thiery de La Ville dépose, d'après le sieur Rousseau, maître d'armes, que celui-ci avait vu M. d'Orléans montant le grand escalier, en indiquant du bras au peuple l'appartement de (a reine.
Enfin un sieur de Lartigue a dit, selon M. Guil-hermy, avoir vu M. d'Orléans parmi les brigands qui s'introduisirent dans le château.
Je ne sais si j'énonce bien cette série de témoignages qui s'accordent, et s'entr'aident mais elle me semble effrayante. Que dira M. d'Orléans pour se dérober à cet ensemble dé lumières? que deviendra son exposé qu'il était à Paris, d'où il ne partit que vers huit heures? Quelque confiance que puisse mériter le prévenu, ne meurt-elle pas devant des dépositions ?
Notre devoir est pourtant d'étudier ces dispositions. Si à l'examen nous parvenons à reconnaître qu'elles n'ont pa3 l'importance que nous leur supposons au premier coup-d'œil, nous jouirons de la satisfaction que l'on goûte à dépouiller des soupçons affligeants. Si, au contraire, le résultat de notre analyse doit être de confirmer une triste découverte, alors au moins, dans les conséquences de notre recherche, nous nous rendrons ce témoignage consolant, que nous n'avons rien omis, et que la présomption sacrée de l'innocence n'a été abandonnée qu'aprè3 des soins infructueux.
La déposition de Bercy, exprimant plusieurs voix, ne saurait désigner Monsieur d'Orléans. On ne voit pas ce que signifiaient les mots : c'est-là! c'est-là ! Une conjecture peut les expliquer, mais elle suppose une foule qui s'indique elle-même, et exclut l'idée d'un indicateur particulier.
M. de Digoine ne dit pas l'heure à laquelle il trouva Monsieur d'Orléans au pied de l'escalier des princes ; et si l'on en voulait juger d'après son récit, il faudrait consulter le temps qu'il dut
mettre à se lever lorsqu'il fut averti de ce qui se passait, à se rendre de chez lui au château, à se présenter à la porte du salon d'Hercule qu'il trouva fermée, à marcher de là au grand escalier, à le monter, et ne pouvant pénétrer dans la salle des gardes, se rendre de là à l'escalier des princes, et le descendre.
Or, M. de Digoine dit bien qu'il fut averti à cinq heures et demie; mais cela était-il possible avant les faits mêmes dont on lui donnait avis? Il était six heures lorsque le peuple s'avança dans les cours, et de là pénétra plus avant; le docteur Goudran, le sieur valdony, la dame Thibaut et la dame Augué déclarent précisément cette heure.
Si donc M. de Digoine a vu Monsieur d'Orléans au pied de l'escalier des princes, c'est évidemment trop tard pour que ce fait vienne à la suite de celui du sieur La Serre.
11 en est de même de la rencontre, au bas du grand escalier, du sieur Miomandre, car lui-même dit huit heures et un quart.
Le rapport du sieur Duval de Nampty, la ré-dingotte grise et Monsieur d'Orléans guidant la foule du bas de l'escalier, s'accordent mal avec la déposition du sieur La Serre.
Le sieur Rousseau est produit dans l'information» et ne confirme pas le propos qui lui est attribué par le sieur Thiery.
Le sieur Groux et le sieur de Lartigue, cités par le sieur de Nampty et par M. Guilhermy, ne sont pas dans le nombre des témoins, et il ne reste que les rapports.
Le témoignage du sieur Morel est plus sérieux ; voici ce qu'it faut remarquer. Allant à sa faction, il traverse la multitude qui occupe le grand escalier, et c'est au moment de l'invasion, car il est témoin du coup de feu qui casse la tête d'un homme au pied de l'escalier, et c'est ensuite qu'il est posté vers l'œil-de-bœuf, et ensuite qu'il voit Monsieur d'Orléans.
Or, là garde nationale ne prit les postes dans l'intérieur du château qu'après avoir expulsé les bandits qui s'y étaient introduits. Quand ceux-ci montaient le grand escalier, les gardes du roi occupaient seuls ces postes, seuls ils résistèrent, seuls ils se barricadèrent.
Aussi le sieur Morel ne vit rien de tout cela. J'en conclus qu'il n'y était pas ; j'en conclus que, s'il fut mis en faction vers l'œil-de-bœuf, ce fut dans un autre moment, et dès lors sa déposition ne s'accorde plus avec celle du sieur La Serre.
J'en conclus que pour vouloir se donner comme témoin de trop de choses, le sieur Morel laisse voir qu'il n'a été témoin d'aucune.
Ces considérations sembleraient réduire la déposition du sieur La Serre à elle-même; mais dans un fait si grave, une seule déposition, au milieu de certaines conjectures qui la renforceraient et seraient renforcées par elle, serait encore d'une grande importance, et l'on aurait peine à se défendre d'un sentiment, même supérieur au soupçon.
Le sieur La Serre est-il au-dessus de toutes contradictions? C'est ce que vous allez reconnaître.
Je serais tenté de lui demander d'abord comment il se trouvait alors dans le grand escalier. Il n'était appelé par aucun service, il n'apportait aucun secours; quel était son dessein?
Il moule en même temps que la foule le grand escalier. Nous savons qu'à l'instant même un combat s'engagea. Un homme fut tué au-dessus de l'escalier, et un autre au-dessous. Les gardes
du roi furent, après quelque résistance, accablés par la fureur et le nombre... Eh bienl le sieur La Serre n'a pas vu cela.
Un garde du roi est terrassé, volé; forcés de céder, lui et ses camarades se retirent, se ferment, se barricadent... Eh bien I toute cette action échappe au sieur La Serre.
Il est le seul homme qui, dans toute la journée, ait vu M. d'Orléans en frac rayé.
Il voit M. d'Orléans tourner à gauche pour gagner l'appartement du roi ; et les passages pour aller chez le roi sont condamnés.
Lui-même il va dans l'appartement du roi, comme lorsque dans les moments les plus calmes, toutes les avenues sont libres d'obstacles.
Et parvenu miraculeusement dans les appartements du roi, il n'y remarque aucun mouvement extraordinaire, ni l'inquiétude du roi, ni la fuite de la reine, ni les alarmes que reproduisent de minute en minute les mouvements, les efforts et la bruyante colère de la troupe forcenée qui est aux portes.
Il avait sur le grand escalier et des oreilles et des yeux, il est frappé dans ces deux sens, aussitôt qu'il a aperçu M. d Orléans, et il ne voit plus et n'entend plus.
Après avoir battu ce témoignage par lui-même, on peut le battre par d'autres.
Le sieur d'Haucourt, garde du roi, vit d'abord deux femmes entrer dans la salle des gardes, et en faire le tour : il faudrait supposer, si quelque projet était médité, qu'elles venaient prendre connaissance du lieu, et que la troupe n'avait pas de guide plus sûr.
Le sieur Valdony, cent-suisse, était au pied du grand escalier, lorsque le peuple s'y présenta — et il ne vit point M. d'Orléans.
Le sieur Galleman, qui monta l'escalier dans le même temps, remarqua bien deschoses, et il n'entendit pas le propos : notre père est avec nous, et il ne vit pas M. d'Orléans.
Au premier bruit que l'on entendit sur l'escalier, les gardes du roi accoururent. Le sieur Gueroult de Berville, le sieur de La Roque, le sieur d'Haucourt, le sieur de Miomandre-Sainte-Marie, le sieur de Rebourseaux tentèrent d'arrêter le peuple qui montait l'escalier, et ils ne virent pas M. d'Orléans.
Le sieur de Miomandre-Gbâteauneuf était avec les gardes du roi ; il fut présent au premier choc, et il ne vit pas M. d'Orléans.
Dans de telles conjectures, ne pas dire que M. d'Orléans marchait avec le peuple et à sa tête, c'est affirmer qu'il n'y était pas.
Le peuple seul, guidé par son emportement, et le peuple ayant à sa tête M. d'Orléans, sont deux spectacles qui ne se ressemblent point; et les témoins rapportent qu'ils ont vu le premier, parce qu'ils n'ont pas vu le second.
Enfin, pour se retirer, en prenant à gauche, M. d'Orléans aurait dû traverser quelque espace, et passer quelque part; et pourtant il n'a paru d'aucun côté, et personne ne s'est trouvé sur ses pas; car je ne compte plus le sieur Morel. Etait-il donc invisible pour tout le monde, en vertu de quelque charme, dont le sieur La Serre seul n'éprouvait pas l'effet?
Après avoir épluché, pour ainsi parler, l'étrange déposition du sieur La Serre, il est difficile de conserver quelques dispositions à la confiance; dans un examen indifférent ou de pure curiosité, on dirait franchement : c'est une fable ridicule; dans un rapport et devant l'Assemblée nationale, on hésite, et l'on ne forme une résolution qu'après avoir balancé avec soin et patience le pour et le
contre de cette charge particulière, et le pour et le contre de la totalité des charges.
Si ces témoins, qui n'ont pas vu M. d'Orléans à la téte du peuple, et qui n'en ont pas parlé, eussent dit : nous ne l'avons pas vu ; alors même on aurait à remarquer que rigoureusement un seul peut voir ce qui échappe à plusieurs, et que les dépositions qui nient, n'ont jamais la force de la déposition qui affirme. Or le silence n'est qu'une dénégation implicite.
Achevons des détails longs et pénibles.
L'information vous apprendra que plus tard, et le calme étant rétabli, M. d'Orléans fut vu dans les appartements du roi, seul et rêveur, par un sieur de Maison-Blanche; libre, gai et causant avec diverses personnes, par M. de Digoine et par les sieurs du Rosnel et Santerre. M. d'Orléans convient qu'il est allé chez le roi.
Le sieur Le Gentil de Paroy le vit, à son grand, étonnement,.dans la galerie, causant avec MM. de Liancourt, Sillery et La Touche. Le sel de cette déposition est, comme on voit, dans le grand éton-nement du témoin, qui pourtant ne prouve rien.
Puis M. de Vaudreuil le remarque au salon d'Hercule, à côté de M. de Liancourt, ce qui est très indifférent.
Puis lorsque le roi fait annoncer qu'il ira à Paris, le sieur Dupré voit que M. d'Orléans frappe du pied, et se retire ; le sieur de Prioreau note qu'il entre en conférence avec M. de Biron; et le sieur de Rosnel l'entend dire que, puisque le roi va à Paris, il ignore pourquoi l'on s'assemble, et qu'il n'y a plus besoin d'Assemblée nationale; discpurs tout naturel, puisque le roi n'avait demandé l'Assemblée nationale au château, que pour prendre conseil d'elle sur le voyage à Paris.
Puis le sieur Galland l'aperçoit se promenant de sa maison à l'Assemblée nationale, et recevant et rendant les saluts du peuple; ce qui alors au moins n'était plus suspect.
Enfin on le suit à Passy. Le peuple allait, marchant au-devant des voilures du roi. M. d'Orléans, placé sur la terrasse de la maison qu'habitent ses enfants, voyait passer avec eux. Le peuple criait : Vive le duc d'Orléans. Le roi approchant, M. d'Orléans faisait signe que l'on se tût ; et comme les acclamations continuaient, il se retira.
C'était peut-être un ménagement, un procédé discret ; mais il faut qu'on en ait jugé autrement au Cbâtelet, car après la déposition du sieur de Rosnel qui avait déclaré ce fait, deux filles ont été produites, uniquement pour 1e confirmer.
J'ai rapporté ces particularités indifférentes en elles-mêmes, et ridicules dans les dépositions qui les expriment, parce que j'ai dû tout dire.
La liste des charges contre M. d'Orléans est nombreuse. Je continue de ne relever que ce qui me présente une certains importance.
Ainsi vous avez à retenir que M. d'Orléans fut nommé par le chasseur du sieur de Miomandre et par la personne suspecte, dont M. Diot entendit les discours.
Vous avez à retenir les distributions d'argent que quelques indices semblent ramener à M. d'Orléans.
Vous avez à retenir surtout la déposition du 6ieur La Serre.
Vous avez à retenir enfin ce que l'on dit s'être passé entre M. d'Orléans et M. de Mirabeau, au sujet du départ de celui-là pour l'Angleterre.
Après avoir fondé dans tous ses retranchements ce secret funeste, dont la découverte vous fut
annoncée, vous allez composer, s'il se peut, un ensemble des détails que vous avez parcourus, et chercher dans un résumé général les motifs de la conclusion à laquelle vous devez enfin vous arrêter.
PARTIE TROISIÈME.
Résumé.
Quelques faits et beaucoup de matière offerte aux conjectures, voilà, pour ainsi parler, la provision que nous avons faite.
« Une foule innombrable sort de Paris, et se rend à Versailles le 5 octobre.
« Bans la soirée, un officier des gardes du roi est blessé ; plus tard, l'escadron défilant, reçoit une grêle de coups de fusil ; des excès et le pillage de l'hôtel des gardes suivent ces premiers mouvements.
« Le peuple eatre à six heures du matin dans les cours du château, et des gardes du roi sont massacrés.
« Successivement le grand escalier est rempli d'une troupe furieuse,quirenversetoutdevantelle; les gardes du roi soutiennent l'ardeur d'une première attaque; ils sont accablés, forcés de fuir et de se retrancher. »
Voilà le délit déhoncé au Cbâtelet; et il est avéré.
On a dit que des scélérats, couverts du sang de leurs victimes, pénétrèrent jusque dans l'appartement de la reine : je n'hésite pas, je retranche ce fait d'un désastre qui n'a pas besoin d'exagération.
Deux témoins supposent cette dernière horreur ; mais je Considère ce qu'ils disent avoir vu; et je reconnais que leur expression va au delà; sept témoins contraires, et surtout le verrou qui ne fut pas forcé, déterminent ma conviction.
Le délit étant réduit à ses vrais termes, il faut chercher les coupables, dans ses circonstances, dans sa préparation, dans ses accidents. Il y a des bruits d'un complot profond; dans les détails, à peine passons-nous les ouï dire, et les idées éloignées qui se présentent aux esprits soupçonneux.
L'aventure de Blangez est un conte absurde qui se décrie par ses circonstances.
Il y a un apprêt plus que suspect dans l'histoire de ce chasseur, que le sieur de Miomandre fait expirer, que le sieur de Rebourceaux sauve de son désespoir, et dont le sieur Le Cointre ne fait qu'un ridicule bravache, désolé d'avoir manqué l'escalade d'un balcon.
Les propos nocturnes entendus par M. Diot et M. de Barasont contre eux leur invraisemblance, le sang-froid des deux témoins, après d'horribles menaces, l'obscurité profonde au sein de laquelle un coup d'épée est paré avec une canne, et un signalement est tiré avec une extrême exactitude ; et enfin M. Diot et M. de Baras sont témoins isolés, chacun dans le fait qu'il rapporte.
Le sieur Le Clerc est Je seul qui parle de ce signe d'une manchette déchirée, et d'un morceau attaché sur la manche qui aurait distingué des factieux; et même il ne le vit point. Observez que le sieur Le Clerc est celui qui, à la suite de la fête du 1er octobre, cria : Vive le roi, la reine, et au diable l'Assemblée nationale et M. d'Orléans.
L'argent distribué, dont parlent tant de témoins, fait une impression plus durable. Toutefois, M. de Montmorin est le seul de ces témoins qui ait vû le fait du panier d'osier, et Marguerite Andel a
vu trop de choses; il n'y a point d'autres témoins positifs.
Depuis plus d'un an, s'il faut en croire ce qu'on noua dit, le peuple est payé et les écus se donnent, et pourtant les écus ne furent jamais si rares. Quelle est donc la magie qui les répand et les retire, et comment passent-ils dans tant de mains, et ne se trouvent-ils dans aucune ? Nous voyons donc l'abondance et la disette se toucher et se confondre; et l'argent, versé comme la rosée, s'évapore de même.
Des distributions d'argent peuvent appartenir à toutes les conspirations. Nous en cherchions une, nous avons suivi les traces d'une autre ; on nous a parlé d'une faction qui pouvait amasser les moyens de trois campagnes, et qui s'était assurée de la délivrance d'un million et demi par mois. C'est donc là qu'était l'argent; mais d'où partaient les canaux qui l'ont distribué, si ce n'est du réservoir où il était amassé?
Bien des gens ont voulu que la source de cette dangereuse générosité ne fût pas intestine. On a soupçonné les ennemis de la France d'un dessein artificieusement combiné, où les moyens auraient été de l'enrichir, et le but de la perdre ; et ainsi des trésors nous auraient été envoyés pour opérer notre ruine.
Au milieu de ces versions, on ne puise que l'incertitude; et Jà où l'on avait cru d'abord démêler quelque objet réel, on finit par ne voir que ces fantômes vains qu'en ces temps de troubles et de discordes, des imaginations frappées sont sujettes à produire.
Mon devoir est de vous rendre compte de toute l'impression que j'ai reçue. La multitude des bruits, des rapports, des propos, m'étonne, et semble condenser devant moi un nuage que ma vue ne peut percer. Je suis peu touché du discours que le sieur de Rosnel seul a entendu. Je crois que, si dés femmes avaient parlé d'un ordre de rester, elles auraient été entendues de plusieurs autres; mais l'action répond au propos ; ces femmes restent, et voilà ce qu'il est difficile d'expliquer.
On peut dire que le dessein d'amener le roi à Paris retint à Versailles ce peuple qui y passa la nuit; on peut dire qu'il fut successivement arrêté par le ressentiment que provoquèrent les coups de sabre et les coups de pistolet des gardes du roi, et enfin par l'obscurité de la nuit ; mais on ne se dissimule pas que quelque doute survit.
11 reste à combiner avec ces considérations générales, qui m'ont.appris peu de choses, les considérations particulières qui me ramènent à M. de Mirabeau et à M. d'Orléans.
Rappelons-nous les charges :
M. de Mirabeau a été le 5 octobre dans les rangs du régiment de Flandre. On suppose un discours que personne n'a ouï; il portait un sabre nu; mais il n'en a fait aucun usage, mais il a fait comprendre qu'il songeait à sa sûreté; enfin il n'est pas certain que l'homme désigné ait été M. de Mirabeau.
Un conseil, dont le motif serait un aveu, a été donné à M. d'Orléans sur son départ pour l'Angleterre; une dénonciation a été concertée pour le retenir, et ce projet échouant a attaché encore un aveu dans un discours aigre et impatient; on a ouï dire cela, personne n'a vu, personne n'a entendu; le rapport qu'il y a entre ces deux traits frappe d'abord, mais l'impression ne dure pas.
M. d'Orléans a été nommé par le chasseur du sieur de Miomandre; il n'y a que ce dernier qui le dise, et son récit choque la vraisemblance.
Il a été nommé encore dans un groupe où l'on
conseillait d'abominables attentats; mais M. Diot a contre lui et sa solitude, et même toutes les circonstances du fait qu'il déclare.
Quelle apparence d'ailleurs que l'on regarde comme une preuve de complicité, le nom qu'ont proféré des scélérats capables en un sens de méditer des forfaits? Ils le sont dans tous, et ils pourraient êtreapostés pour faire entendre parmi des horreurs le nom le plus respectable.
La déposition du sieur La Serre n'est pas réduite à des mots proférés, elle est aussi affirmative qu'elle est grave; je serais tenté de dire qu'elle est la clef de la voûte : si elle tient, nous avons une masse qui va résister; si elle manque, tout s'écroule.
Je ne saurais me figurer M. d'Orléans marchant à la tête du peuple, montant le grand escalier, et indiquant l'appartement de la reine, sans remonter à l'idée d une trame ourdie, dont ce fait étrange serait la suite et l'explication.
D'autres dépositions semblent confirmer celle. du sieur La Serre. Celle du sieur Morel est la seule qui soutienne les premiers regards ; mais bientôt le sieur Morel se décèle. On voit qu'il n'a pas été, qu'il n'a pas pu être mis en faction à l'heure qu'il cite, et son témoignage s'évanouit.
Après avoir écarté les apparences qui m'avaient présenté quelque liaison entre la déposition du sieur La Serre et d'autres dépositions, je n'aborde celle-là qu'avec une extrême défiance.
Et lorsque je la trouve démentie par elle-même, démentie par les témoignages nombreux, démentie par toutes les circonstances, je ne dirai pas quel sentiment succède aux doutes que j'avais conçus; un masque tombé à mes yeux, et je m'attache d'autant plus à la vérité qui se montre, que j'en avais été dévoyé durant quelques moments.
Je l'ai remarqué : de cette déposition vérifiée pouvait dépendre l'importance de l'information entière. Après la conviction acquise sur un tel fait, il ne restait rien qu'il ne fût aisé de croire ; l'invraisemblance n'était plus une raison de douter, et les conjectures les plus hardies devenaient des preuves.
En sens Contraire, dès que l'imposture est évidente, dès qu'une si positive affirmation n'est pas un garant de la vérité ; il devient permis de douter de tout, et il ne reste d'indices que contre les témoins, et en faveur des prévenus.
Une difficulté m'arrêterait, si l'insurrection du 5 octobre et les crimes du 6 se montrant à moi dans tout ce qu'ils ont d'étonnant, je ne pouvais en démêler les causes et calmer les inquiétudes de mon imagination.
Tout s'aplanit, lorsque je vois le peuple de Paris accourir à Versailles, parce qu'il manque de pain, parce qu'il croit sa liberté menacée de quelque attentat nouveau, parce que, dans ses alarmes, il pense que la présence du roi au sein de la capitale sera le terme de tous ses maux.
Tout s'applanit, lorsque l'on me montre l'occasion du coup de fusil tiré sur le sieur de Savon-nières, dans les coups de sabre et dans le cri : on nous laisse assassiner; celle de la décharge bruyante qui part ensuite sur l'escadron des gardes du roi, dans les coups de pistolet tirés de cet escadron contre les citoyens, et enfin celle de ce qu'eut d'horrible la matinée du 6, dans l'aspect des victimes qui parurent immolées par la vengeance ou par la trahison des gardes du roi.
Des doutes agitaient mon esprit; maintenant 8'il n'en est pas guéri, au moins doit-il les faire
céder. Il est un terme où il faut enfin se résoudre et choisir entre des alternatives même hasardeuses.
Or, d'un côté mes soupçons ne m'expliquent rien, d'un autre côté je descends de la cause à l'effet par une liaison sensible. Des preuves m'éclairent ici, là je vague dans des combinaisons conjecturales; eussé-je démêlé les traces d'une conspiration, nul rayon de lumière ne se réfléchit sur des coupables.
Après tout cela, y a-t-il lieu à une accusation contre M. de Mirabeau et M. d'Orléans ?
J'avoue que les juges du Châtelet n'ont pas douté ; c'est en vertu de votre décret du 26 juin qu'ils ont eu recours à vous ; et si M. de Mirabeau et M. d'Orléans* n'eussent pas été membres de l'Assemblée nationale, déjà l'accusation existerait. Ils ont écrit sur la procédure que M. de Mirabeau et M. d'Orléans étaient dans le cas d'être décrétés, et vous n'avez pas oublié qu'admis à la barre, ils ont pris un ton plus affirmatif encore.
Si nous partons des mêmes principes, les juges du Châtelet et moi, nous devons nous rencontrer dans là conséquence ; le résultat sera divers, si les principes le sont.
Or, je dis que l'accusation est un procédé de la loi, qui suspend dans l'homme qu'elle atteint l'exercice de la liberté, et des droits du citoyen. Je ne vous dirai pas quel est le prix de l'une et des autres, à vous, qui avez fait tant de choses pour les rendre aux Français. Je vous dirai que la loi ne doit pas aller légèrement jusqu'à me ravir les premiers de ses bienfaits. Je vous dirai que, pour accuser, elle doit se prescrire des mesures, uu examen, et ne venir à moi qu'avec des preuves.
Les idées reçues différent de celles que j'expose; la jurisprudence de nos tribunaux, facile pour l'accusation, réservait toutes ses épines pour le jugement, Ici on demandait des preuves, là on connaissait d'autres moyens et d'autres règles, ou plutôt on ne connaissait rien; la loi se taisait; de gros livres avaient été faits, où l'arbitraire était érigé en une espèce d'art. Les juges étaient abandonnés à eux-mêmes, aux caprices de leurs soupçons, et les décrets étaient comme une production spontanée dans la vaste latitude des indices.
Voici ma pensée. Parmi les esclaves que le despotisme conduit, sans dérober à leurs yeux sa verge de fer, l'accusation et le jugement ne sont qu'un ; à peine est-il besoin d'être soupçonné pour être puni, et nul n'a le droit de défendre sa tête, quand le despote ou ses agents la demandent.
Sous les gouvernements qui se disent modérés, parce que le pouvoir arbitraire s'y cache sous des formes où les lettres de cachet sont mises à la place des muets, et la procédure à la place des volontés du Cadi; on respecte la vie des hommes, mais on ne se doute pas qu'ils aient des droits ; on ne pense pas à là liberté, et conséquemment le jugement est une affaire et l'accusation n'est rien.
Tels sont, si je puis ainsi m'exprimer, les errements que les juges du Châtelet ont suivis. Mais à un nouvel ordre de choses, d'autres idées conviennent. Après la déclaration des droits, après la Constitution, nous avons été citoyens : il est pour des citoyens quelque chose à côté de la vie, et l'accusation doit prendre un autre caractère.
S'il suffisait d'articuler un crime, et de nommer un citoyen pour donner l'être à une aceu-
sation, aucun ne pourrait dire au lever du soleil qu'il sera libre encore à la fin du jour : l'accusation demande donc des preuves.
J'appelle preuves, cet ensemble de renseignements appliqués à un fait et à un homme, qui me démontre la vérité de l'un et l'opération de l'autre.
Admettre, pour fonder l'accusation, des preuves qui n'auraient pas cette étendue, ce serait retomber dans le danger qu'il s'agit d'éviter; car, au-dessous de la démonstration, le moyen est d'établir des degrés.
Et plus le fait dénoncé est grave et offense de grands intérêts, plus la démonstration est difficile; car elle a à surmonter les arguments que je tirerai de l'invraisemblance du fait.
S'il faut, par exemple, supposer une conspiration contre l'Etat, ou contre le prince, elle est nécessairement enveloppée de combinaisons, dont la considération a dù précéder le fait, et qui rendent ma croyance plus lente.
Mille chances sont pour la chute du conspirateur, contre une pour le succès.
Il craint les regards de tous les citoyens, parce qu'il va les offenser tous. .
Il craint l'infidélité, la faiblesse, les remords, l'imprudence de ses complices.
S'il a le bonheur d'échapper à ces premiers périls, il n'a rien fait encore, et il poursuit une entreprise où ses mesures peuvent sans cesse être déconcertées par les incidents les plus inattendus.
Enfin, s'il est découvert, le supplice est prompt, rigoureux et irrémissible.
Ils sont rares, heureusement, les scélérats que cette perspective ne contient pas; et pourtant une conspiration ne peut pas être l'ouvrage d'un seul.
Lors donc qu'une telle accusation est provoquée, une carrière pénible s'ouvre devant les juges; ils ont d'abord à se défier du délit même, et l'incrédulité est un devoir qu'ils doivent remplir longtemps.
Voilà peut-être ce qui a échappé aux juges du Châtelet ; ils ont vu, dans leur immense procédure, des dépositions effrayantes, et ils n'ont rien approfondi. Les bruits d'un complot leur ont paru prendre de la consistance, à côtédu fait de Blangez du récit du sieur Miumandre, et de celui du sieur La Serre. Ainsi, dans cette jurisprudence barbare, dont l'Assemblée nationale nous délivrera, l'accusation pouvait être fondée sur des apparences, et la conscience des juges n'allait enfin au-delà, que lorsque, après une longue captivité, les victimes étaient amenées devant eux pour entendre leur dernier arrêt.
Messieurs, si vous eussiez pensé que le droit d'accuser les citoyeus dût tenir à ce premier coup d'oeil qui suftit dans les choses indifférentes et légères, M. de Toulouse serait dans les fers.
Deux témoins affirmatifs, clairs, uniformes, avaient chargé M. de Toulouse, et il s'agissait aussi d'une conspiration ; les juges du Châtelet auraient dit que M. de Toulouse paraissait être dans le cas d'être décrété.
Vous ne fûtes pas séduits par une apparence vraiment imposante; vous allâtes encore à la découverte de la vérité, là où les juges du Châtelet auraient presque vu la conviction; la calomnie ne soutint pas vos regards, et M. de Toulouse fut absous. .
Ce que vous avez fait alors, vous le ferez aujourd'hui. Vous êtes entre vos collègues inculpés, et le précipice vers lequel on les pousse, entre
la vérité et les témoins, entre la justice et la prévention, et votre sagesse saura choisir.
J'ai presque dit qu'il n'y a pas lieu à accusation, et pourtant une réflexion profonde m'arrête encore.
Eh quoil des juges accoutumés à parler au nom de la loi, accoutumés à rechercher et à découvrir les méfaits qui la violent, auront désigné deux citoyens prévenus, et l'Assemblée nationale, qui fait la loi, imposera silence à ses organes, et proclamera des innocents ! Et deux membres de l'Assemblée nationale seront l'objet de cette étonnante contradiction!
Mais un soupçon outrageant va survivre, texte livré à la malignité des commentaires; l'opinion publique balancera entre les législateurs et les juges. On dira que, si la présomption de l'innocence est suffisante pour la foule des citoyens, d'autres obligations sont imposées aux représentants du peuple;on dira que ceux-là sont quittes envers la société quand elle ne les a pas convaincus, et que ceux-ci ne le sont pas, quand elle les soupçonne.
Ces objections ont je ne sais quel ascendant qui me pénètre. Je demandais des preuves pour l'accusation ; je ne les trouve pas, et pourtant j'hésite; ma conscience serait tranquille, mon esprit ne l'est pas; et, pour me déterminer enfin, j'ai besoin de me recueillir encore.
Il est une attention nécessaire aux juges dans leurs recherches, sans laquelle souvent ils embrasseront des illusions, et la vérité fuira devant eux.
Un crime dénoncé tient à des circonstances qui le caractérisent. Les preuves reçoivent aussi l'influence des conjectures. Isolez l'affaire des passions générales ou particulières qui l'accompagnent, vous serez dans les ténèbres ; ramenez-la, pour ainsi dire, dans le cadre auquel elle appartient, vous serez surpris de l'éclat de lumière qu'elle va réfléchir.
Ainsi, dans les maux imprévus qui affligent le tempérament infecté d'un vice originaire, le médecin expérimenté, comptant peu sur des symptômes accidentels, remonte à la maladie chronique et en suppose toujours l'action.
J'ai peut-être enhn aperçu le moyen d'aller à la vérité sans nuages.
Une grande révolution a changé la face de la France ; elle doit faire des heureux ; elle a produit des mécontents.
L'édifice de la Constitution n'a pas été fondé sans contradiction. Des attaques ouvertes ont échoué, des attaques secrètes le minent encore. Il va s'élevant au milieu des efforts et de la rage impuissante d'une faction toujours vaincue, mais toujours révoltée.
Une faction, une faction révoltée contre la Constitution!... voilà (souffrez que je m'exprime ainsi), voilà la maladie originaire; et cette grande procédure qui attire tous les regards, n'est peut-être qu'une fièvre éphémère qu'elle a produite, et quelle va nous expliquer.
Supposez un événement. Au milieu de deux partis qui s'observent, âvez-vous intérêt de l'approfondir? N'interrogez ni d'un côté ni de l'autre; au lieu de témoins, vous trouveriez des champions, et vous ne trouveriez pas la vérité.
Découvrez quelque personne simple, étrangère à la querelle, qui ail vu le fait et qui ne le commence pas, c'est là que vous serez instruit.
Ainsi, par exemple, le grenadier qui harangua M. de La Fayette le & octobre; ainsi Maillard qui parla dans l'Assemblée nationale au nom
d'une troupe de femmes qu'il avait guidée et contenue, vous 'diront naïvement comment le peuple fut poussé à l'insurrection, et quels desseins le conduisirent à Versailles.
Des témoins commentateurs, intéressés peut-être, envelopperont ce récit d'un mystère conforme à leurs vues.
Ainsi Blaizot vous dira sans ornement que M. de Mirabeau l'a entretenu de pressentiments fâcheux, et le sieur de Belleviile aura ses raisons pour ajouter que M. de Mirabeau fit retirer Irois secrétaires.
Ainsi plusieurs témoins, dont les oreilles sont neutres, entendent crier : Vive le duc d'Orléans, et trois autres personnes entendent d'une plus grande distance : Vive le roi d'Orléans.
Ainsi des témeins disent que M. d'Orléans riait en traversant la cour des ministres, et le sieur Dodemain s'érige en appréciateur de la pensée, et'remarque que M. d'Orléans n'avait pas l'air qu'il devait avoir dans une pareille circonstance, etè., etc.
Il ne suffit pas d'avoir choisi les témoins, il faut encore apprécier le fait avec soin, et juger de son origine par les intérêts qui ont probablement donné l'impulsion.
Je vois bien que l'on n'assigne aucun terme aux projets que l'on suppose à M. d'Orléans et à la faction dont on dit qu'il fut l'âme; mais je tiens qu'à la face de tout le royaume armé, cette ambition n'eût été qu'une inutile extravagance, et que l'on ne tente pas ce qui est impossible.
Il est plus facile de croire que des mesures ont été prises contre de bons citoyens que leur patriotisme avait fait haïr et rendus redoutables, et les mouvements d'une secrète astuce conviennent à la méchanceté faible, honteuse de ses défaites.
Si j'avais appartenu à une faction antipatriotique, si j'avais été appelé à concerter l'enlèvement du roi et la guerre civile, j'aurais pu désirer le soulèvement de la capitale; j'aurais pu susciter des inquiétudes sur les subsistances ; j'aurais pu provoquer des distributions de cocardes odieuses; j'aurais pu semer des bruits inquiétants; j'aurais pu employer tous les moyens de produire des alarmes, et je me serais dit : c'est au milieu du trouble qui va naître, qu'il sera aisé de tromper le roi, de le ravir à son peuple, d'étouffer la liberté naissante, ou de la faire acheter encore par des flots de sang.
J'articule des conjectures qui s'opposent à d'autres conjectures.
L'information que nous avons examinée, n'est-611e pas elle-même un complot? Quelqu'un a dit que le Châtelet faisait le procès à la Révolution : cette remarque fut peut-être une grande vérité. On disait cela lors de la poursuite que la cour des aides avait entreprise ,au sujet de l'incendie des barrières. On serait ici tenté de le répéter.
J'éprouve quelque peine à porter mes regard3 sur les juges ; à Dieu ne plaise que leurs intentions me soient suspectes et que je veuille ajouter aux épines de leur ministère celles d'une censure injuste ou indiscrète 1
Il est des circonstances où les intentions les plus pures sont un principe d'erreur, où l'on est entraîné l'on ne sait comment, où l'on cesse en quelque sorte d'être soi, pour avoir une pensée d'emprunt. Ainsi, parmi les discordes et les factions, la bonne foi même environnée de pièges n'en est pas toujours préservée.
J'avouerai l'impression qu'avait faite sur moi ce discours trop énergique peut-être, dans lequel
vos collègues vous furent dénoncés ; je cherchais l'immobile équilibre de la justice ;je crus démêler dans la balance une secrète oscillation.
Quelque prévention m'a-t-elle ensuite guidé? Je l'ignore ; je vais vous exposer mes griefSs, et vous les jugerez.
D'abord je n'aime pas la complaisance avec laquelle on a transmis, dans l'information, des récits qui appartiennent à une époque glorieuse où les desseins avaient été un droit, et les entreprises des moyens légitimes; il semble qu'en naine de la Révolution, l'on remonte jusqu'à son berceau, et l'on voudrait le briser.
Sans doute, des témoins appelés peuvent s'expliquer avec les détails qu'ils estiment nécessaires, et il n'est pas permis aux juges de les interrompre ; mais il ne faut pas que les dispositions sortent du fait qui est a éclaircir ; car audelà, elles sont au moins inutiles, et si les juges laissent ainsi vaguer la plume du greffier, l'information pourra être bientôt étrangère à elle-même.
Je ne fais pas aux juges du Gh&telet le reproche seulement de n'avoir pas avisé les témoins qui les amenaient ainsi hors de leur mission. Entre ce qui tenait et ne tenait pas à cette mission, la nuance pouvait être délicate, mais l'intention n'est plus équivoque, lorsque l'on trouve des dépositions absolument relatives aux faits du mois de juillet.
Or, Louis Poterne, Antoine et Joseph Faure n'ont été appelés que sur le fait des piques fabriquées le 14 juillet. Le sieur de Villeiongue n'a paru que pour articuler le3 mouvements prétendus des jockeys de M. d'Orléans à la même époque. N'est-il pas clair, après cela, que les juges ont voulu informer sur les faits du mois de juillet?
Il y a des circonstances où je reconnais dans la suite de l'information la scrupuleuse exacti-titude qui veut aboutir à la vérité ; mais il y en a qui me font apercevoir des omissions où l'on semble avoir craint la lumière. Je ne dis pas que les juges du Châtelet ont réservé l'exactitude pour ce qui renforçait les charges, et les omissions pour ce qui les aurait atténuées. Vous allez voir, dans quelques traits, ce qu'il faut en penser.
Le comité des recherches de la commune avait provoqué la poursuite et donné des listes de témoins.
L'on ne s'arrête pas à ces listes et l'on a raison.
Les premiers témoins appelés en indiquent d'autres que l'on appelle à leur tour. Tels sont les sieur et dame Coulomiers sur le fait des conciliabules de Passy : tel est le sieur de Valfond sur le sabre nu ae M. de Mirabeau et la promenade dans les rangs du régiment ; telles sont les deux filles qui avaient vu, le 6 octobre, M. d'Orléans sur la terrasse à Passy ; tels sont les deux abbés qui semblent n'avoir quitté leur séminaire, le 5, que pour entendre seuls, dans l'Assemblée nationale, M. Dillon parler de la reine sur le ton des femmes qui étaient à la barre.
On découvre des personnes qui ont vu M. d'Orléans le & octobre au bois de Boulogne, et à qui les courses qu'il a faites ont paru suspectes, et ces personnes sont incontinent produites.
Lorsque les témoins cités se taisent, on sait bien les interroger. Tel est 1e sieur Rousseau, fondeur, sur le fait des plaques ; tel est encore le sieur de Valfond.
Voilà le beau côté ; voici le revers.
Est-il question des piques fabriquées le 3 oc-
tobre par les ouvriers du Palais-Royal? un sieur Durban est cité ; on ne demande point son témoignage, on néglige celui des ouvriers.
Est-il question du chasseur dont a parlé le sieur de Miomandre? celui-ci a nommé le sieur du Verger, le sieur de Saint-Marceau ; il est allé vers un corps de garde; on ne fait déposer ni le sieur du Verger, ni le sieur de Saint-Marceau, ni les soldats qui étaient alors dans le corps de garde.
Le docteur Chamseru indique sur des rensei-
nements particuliers le sieur Lintex et le sieur
u Quenoy ; ils paraissent, et on les laisse, sans les interroger, dire qu'ils ne savent rien.
Rousseau, fondeur, est interrogé à l'égard des plaques, il disait d'abord ne rien savoir. Il explique le fait, il déclare que sur l'une des plaques Gibiard a gravé le nom de M. d'Orléans et le sien.
Gibiard arrive, il dit ne rien savoir, et on ne l'interroge pas.
M. d'Orléans a publié un exposé justificatif; il y déclare qu'il était à Paris le 6 octobre; qu'il fut éveillé par le sieur Lebrun, arrêté sur la route de Versailles par un détachement de la garde nationale, dont l'officier le fit escorter.
Le sieur Lebrun était un témoin à produire; il en aurait indiqué d'autres.
11 n'était pas bien difficile de découvrir les personnes qui composaient le détachement rencontré à Sèvres, et surtout l'officier qui le commandait.
J'aurais désiré que les officiers du Châtelet fussent allés jusque3-là; je n'admettrais pas l'excuse qui serait puisée dans le défaut de notification légale ; il me semble que l'amour de la vérité ne s'enveloppe pas dans cette pointillé de formes.
Hél je remarque trois dépositions dont l'objet unique fut de justifier un ministre. On avait cité, on avait altéré probablement un discours de M. de Saint-Priest; trois témoins sont soigneusement découverts et produits pour restituer ce discours dans sa vérité.
On se permettait ainsi de sortir, pour l'intérêt ou pour la gloire d'un homme en place, des bornes de la mission que l'on avait à remplir. Lorsqu'on faisait si peu d'état de la justification du citoyen, je demande pourquoi cette étrange prédilection en faveur du ministre?
Il est bien plus difficile de concevoir les officiers du Châtelet dans l'intention qui éloigne de l'information M. d'Estaing, le sieur Le Gointre et le sieur Mattereau dont le témoignage était si précieux à recueillir. Je les remarque entre plusieurs dont les noms étaient sur la liste du comité des recherches, et qui n'ont point été appelés. Et pourtant j'aurais cru que cette liste faisait en quelque sorte une partie de la dénonciation ; j'aurais cru qu'il n'appartenait pas aux tribunaux de composer ainsi avec les. indications fournies par les dénonciateurs. Ce triage que l'on fait au Châtelet, a quelque chose de singulier dont il est difficile de ne pas marquer son étonnement.
Je n'ai pas dû reprendre ici tout le fil de la procédure. J'ai réuni quelques traits principaux ; ils suffisent au développement de mon idée.
Si les juges ont laissé échapper quelques signes d'un secret penchant à décrier la Révolution, je vois que les témoins n'ont pas même pensé à le déguiser.
Que signifient les rapports multipliés du sieur Peltier, qui ayant tout ouï dire et n'ayant rien vu, remplit douze pages de son fiel antipatriotique, et semble n'ouvrir l'information que pour
donner dans la malignité du prélude la juste idée de ce qui va suivre.
Que signifie la longue narration au début de laquelle M. Mounier avertit qu'il dira plus qu'il n'a vu, et dont les détails semblent n'être ensuite qu'une glose amère qui, ne s'arrêtant pas aux faits, va jusqu'à supposer les intentions?
Que signifie l'histoire des pressentiments de M. Malouet et de sa société intime, où l'on sépare dans l'Assemblée nationale une classe de membres attachés aux principes constitutifs de la monarchie ; comme si ces principes, dans leur pureté, avaient pu être divers?
Que signifie cette affectation malicieuse qui, lorsqu'il s'agit des crimes du 6 octobre, rappelle une ancienne conversation de M. Coroller, et montre un mystère dans une légèreté ;
Qui met dans la bouche de M. Barnave un discours ridicule pour supposer l'aveu d'un complot;
Qui répète des expressions indifférentes de M. l'abbé Sieyès, avec le ton que l'on prend pour faire sous-entendre un sens profond;
Qui établit M. Duport au milieu des soldats du régiment de Flandre pour les haranguer ;
Qui entasse les membres de l'Assemblée nationale parmi le peuple agité, pour le stimuler encore;
Qui dans l'affreuse matinée du 6 octobre, déguise en femmes MM. Barnave, Le Chapelier, d'Aiguillon, Lameth; qui ruei un mystère dans les conversations de Monsieur d'Orléans avec M. Du-
Çort, de Liancourt, de Biron, de Sillery, de La
ouche;
Qui, dans la même matinée, environne M. de Mirabeau entouré de plusieurs de ses collègues mal vêtu, et se cachant derrière les rangs d'un régiment? etc., etc., etc.
Ce que tout cela signifie?... Ouvrez l'information : voyez comme ces atroces suppositions sont vagues, comme on s'enveloppe de rapports, comme les moments et les lieux sont à dessein ou confondus, ou passés sous silence, afin que la calomnie, sûre de son effet, se replie, change de face, et dans sa mobilité échappe à toutes les lumières?
Ce que tout cela signifie?... Voyez les noms qui sont proférés, choisis sur la liste des amis de la liberté et des cûopérateurs de la Constitution, noms chers aux citoyens, et odieux aux ennemis du peuple ?
Ne vous est-il pas démontré que la Constitution est le but de tous les traits que l'on aiguise en secret ? Les fureurs qui veulent la renverser ne sont-elles pas exercées d'abord contre l'Assemblée nationale, dont elle est l'ouvrage?
Vous n'avez pas oublié la remarque de M. de Virieu et de M. Henry, que, le 5 octobre, il y avait de la raideur dans certaines opinions; M. de Frondeville va renchérir.
Il vous dira ce qui se passait à l'Assemblée nationale lorsque le peuple de Paris y fut annoncé. « L'Assemblée, ajoutera-t-il, l'Assemblée, dont la « très grande partie n'était pas dans le secret de « ce qui devait arriver, continua son travail. »
l'Assemblée, dont la très grande partie n'était pas dans le secret!... En peu de mots combien de choses exprimées!... Combien elle est imprégnée de venin, l'intention qui la suggère!... Sera-t-il en vous une force d'indignation qui réponde à l'outrage?
Écoutez encore : M. de Frondeville se joint à M. de Batz : qualifiez cette basse et méchante note de la prétendue adresse des forçats de Toulouse,
« qui n'ayant point d'argent à donner, offraient à « l'Assemblée nationale leurs bras et leurs services « pour le maintien de la Constitùtion »... Sarcasme que je ne saurais apprécier dans la bouche de quelque énergumène, étranger à l'Assemblée nationale.
Ne quittez pas M. de Frondeville ; il est fécond. Lui, M. de Digoine et M. Claude de La Châtre vont apprendre à la France que le roi hésitait sur la déclaration des droits et sur les articles constitutionnels qui lui avaient été présentés. Les femmes qui allèrent chez le roi le 5 octobre disaient en sortant :
« Nous savions bien que nous le ferions sanc-« tionner : ce qui prouve, dit M. de Frondeville, « qu'elles avaient ajouté à leurs demandes l'ac-« ceptation pure et simple du roi ».
Ici la querelle à la Constitution ne se déguise pas: elle est ouverte,elle est déclarée.--On veut que l'acceptation du roi soit imputée à l'empire des circonstances; on veut que le peuple craigne encore de n'avoir embrassé dans ses lois nouvelles qu'un fantôme assis sur des fondements ruineux.
Ont-ils donc cru, nos détracteurs insensés, que ces vains subterfuges convinssent aux grandes affaires des peuples, et que le monarque, qui fut assez grand pour rendre hommage à nos droits, voulût un jour voir sa gloire ternie dans un repentir inutile?
Ont-ils pensé que cette déclaration des droits, évangile immortel de la raison et de la nature, que votre sagesse a recueilli pour les hommes, et pour les nations, dût, comme.les transactions de l'intérêt, dépendre de quelques formes et de quelques volontés?
Ainsi la Providence a voulu que, dans la tentative même qui nous menaçait, on nous laissât reconnaître le piège qui nous était tendu. Ainsi la procédure du Chàtelet décèle l'esprit secret qui la suscita.
A présent vous allez expliquer sans peine tout ce qu'elle avait pour vous de difficile.
Vous concevrez comment l'extravagance d'un soldat, payé peut-être, pour dire qu'il l'avait été, a fourni le sujet d'une description aussi incroyable que pittoresque ?
Comment a été conçue l'aventure de ce valet associé, dans son ivresse, au coin d'une rue, à une grande conspiration ?
Vous concevrez le sieur Le Clerc fusillé, parce qu'il ne portait pas une manchette déchirée, quand personne ne portait une manchette déchirée. .
Ces richesses distribuées au peuple par des mains libérales et invisibles ; les bruits, les rapports, les discours entendus, etc., etc.
Vous concevrez cette déposition du sieur La Serre, dont l'atroce imposture se trahit elle-même, avant d'être démentie ?
Vous concervez cette histoire ridicule de Marguerite Andel, ce voyage férie-cette amulette si bien décrite, et qui ressemble au rameau d'or de la Sybille,.à la vue duquel les portes de l'enfer laissaient passer les vivants.
Eh ! quels prodiges ne sont pas intervenus dans cette affaire étonnante? Le ciel, vous le savez ; le ciel même, y a pris intérêt. En ce temps profane où l'art des miracles et des révélations semblait depuis longtemps oublié dans la perversité du monde, la Vierge a bien voulu descendre jusqu'à des mortelles, et déposer dans leurs mains son témoignage irrécusable.
Que penser enfin de l'affaire où le merveil-
leux intervient, et où les moyens naturels qui mènent à la vérité ne suffisent pas? Je le dirai franchement ; quand pour me faire croire on a recours à des miracles, c'est lors que je ne crois pas (1).
Messieurs, je n'ajoute rien. — Mon irrésolution est fixée. L'affaire où mon esprit a été successivement tourmenté de tant d'impressions diverses, est ramenée à ces termes simples où un seul point éclairci donne l'explication de tous; et il me semble enfin qu'enlacement par enlacement, j'ai défait le nœud gordien.
Je ne vois plus qu'une conspiration, celle qui a été ourdie contre la Constitution. Une ligue s'est formée sur les débris de l'ancien régime, pour tenter le renversement du régime nouveau.
Elle a dit : la force est unie contre nous à la justice, nous avons développé d'inutiles efforts ; ployons pour nous relever ; opposons l'intrigue à ta force, et l'artifice à 1a justice.
Agissant ensuite dans l'ombre, elle a marqué un but dont elle ne s'écarte pas ; déconcertée, elle substitue une mesure à une mesure nouvelle, et son art est de se reproduire sous toutes les formes.
Elle avait appelé cette armée qui devait envahir Paris et la liberté naissante, elle a suscité, elle a nourri cette procédure monstrueuse, cette guerre de greffe, passez-moi l'expression, dont le prétexte n'a pu dérober à nos yeux la prétention secrète.
Je m'abuse peut-être, mais partout je crois voir son influence.
Je l'accuse de la tiédeur dans laquelle le patriotisme semble s'engourdir, et de cette sécurité dangereuse qui a pris la place d'une sage et nécessaire réserve.
Je l'accuse des nuages qui ont obscurci ces jours purs où les bons citoyens n'avaient qu'une Ame et ne formaient qu'un vœu.
Je l'accuse des vains démêlés où cette milice généreuse qui, de la capitale, donna à tout l'Empire un si noble exemple, ne craint pas d'exposer enfin le fruit de ses travaux.
Je l'accuse de l'inconcevable illusion dont nous sommes frappés^; et où germe, entre les vrais serviteurs de la patrie, cette défiance qu'ils devaient garder pour ses ennemis.
Je l'accuse de la division cruelle qui se propage entre nous et dans le sein de l'Assemblée nationale, alors même que la liberté est l'objet commun de notre culte ; comme si les dogmes de cette religion étaient à la merci des tiistesdis-putes qui enfantent les sectes !
Ainsi l'on nous égare pour nous surprendre, et l'on nous divise pour nous vaincre ; et lorsque nous allons échapper à une embûche, d'autres plus dangereuses peut-être sont dressées, où nous sommes attendus, que dis-je ?... où nous sem-blons courir de nous-mêmes.
Citoyens, vous êtes les maîtres de votre sort. Abjurez de funestes débats; que les soupçons, que la défiance n'habitent plus parmi vous. Serrez-vous, continuez de former cette masse imposante qui renversa tous les obstacles, et qui doit repousser tous les assauts. Vous n'avez pas acquitté votre dette envers la patrie; elle est toujours menacée. Le temps viendra, mais il n'est pas encore, où, délivrés d'alarmes, vous n'aurez plus qu'à
recueillir, dans le bonheur du peuple et la prospérité de l'Empire, la récompense digne de vous, qui vous est promise.
Ët quant aux malheurs du 6octobre (car il faut enfin ne plus voir que d'horribles malheurs dans cette journée fatale); nous les livrerons à l'histoire éclairée pour l'instruction des races futures ; le tableau hdèle qu'elle en conservera fournira une leçon utile aux rois, aux courtisans et aux peuples. Voici le décret que le comité vous propose : L'Assemblée nationale, après avoir oullecompte, que lui a rendu son comité des rapports, de l'information faite à la requête du procureur du roi au Châtelet, les 11 décembre 1789 et jours suivants, et des charges concernant M. de Mirabeau l'aîné et M. Louis-Philippe-Joseph d'Orléans,
A déclaré et décrété qu'il n'y a pas lieu à accusation.
ASSEMBLÉE DES REPRÉSENTANTS DE LA COMMUNE DE PARIS.
Extrait du procès-verbal de l'Assemblée des représentants de la commune de Paris, du dimanche 4 octobre 1789.
L'Assemblée, informée que plusieurs ont pris des cocardes différentes de celles qui sont aux couleurs de la ville, et notamment des cocardes noires ; considérant que la Cocarde originairement adoptée a été un signe de fraternité pour tous les citoyens, et que Sa Majesté a adoptée elle-même ; ordonne que les arrêtés précédemment rendus, qui sont en tant que de besoin confirmés, continueront d'être exécutés ; déclare que la cocarde aux couleurs rouge, bleue et blanche est la seule que les citoyens doivent porter ; fait défenses à tous particuliers d'en porter d'autres ; enjointàM. le commandant général de donner les ordres nécessaires pour l'exécution du présent arrêté, qui sera imprimé, affiché, envoyé à tous les districts et aux différentes municipalités des environs de Paris.
Signé : Bailly, maire ; Moreau de Saint-Méry, président ; de Joly, secrétaire.
N° II.
Ce
Déclaration de M. Grincourt, sous -lieutenant de la compagnie Jouanne .
Je certifie que le cinq octobre dernier, j'ai vu arriver de Paris vers les quatre heures et demie après-midi, quantité de femmes et d'hommes ; aussitôt j'ai vu accourir les gardes du corps du roi qui ont formé un cordon de trois rangs vis-à-vis la grille du château, faisant face à l'avenue de Paris. Le régiment de Flandre s'est mis sous les armes, a formé un cordon de trois rangs, qui faisait l'équerre, conjointement avec les gardes du roi. Je me suis transporté entre la grille du cbâ-
teau et les gardes du roi ; j'ai vu, comme j'approchais, un desdits gardes'du roi qui avait quitté son rang, courir après un garde national de Paris, le sabre en main, et escadronnant après le garde qui, se voyant poursuivi, a tiré son sabre, et s'est mis en garde ; mais tout en parant les coups que lui portait le garde du roi, il prenait la fuite et a dirigé sa course vers les baraques adossées à la cour du château ; il avait Pair de chercher à se réfugier dans une desdites baraques; et comme il étaittoujours surla défensive, il n'aperçut pas un tonneau ; ce gui 1e lit à moitié culbuter. Le garde du corps qui le poursuivait profita du moment pour lui donner un coup de sabre sur la tête ; pendant cette poursuite, deux autres gardes du roi, le sabre en main, se mirent à courir au galop après plusieurs citoyens qui se trouvaient dans cette place ; cequi mit l'alarme ; chacun s'enfuyait, et comme ces deux Messieurs paraissaient disposés à aller plus loin, un garde national de Versailles voyant celui de Paris en danger, tira un coup de fusil ( I), qui remit le calme aussitôt.
D'après ce, je me suis mis en marche pour aller chez moi; j'ai rencontré plusieurs tambours qui battaient la générale; j'ai vu plusieurs compagnies s'assembler sur l'avenue de Saint-Cloud : fa mienne était du nombre; je l'ai rejointe ; mais comme Pon n'avait aucun ordre, personne et nos capitaines ne savaient quel parti prendre, lorsque M. Le Cointre, notre lieutenant-colonel, vint à nous, conseilla seulement, et non à litre d'ordre, de nous rendre au corps de garde de la place d'armes, et que là il espérait que le commandant général nous donnerait des ordres, en nous recommandant la plus grande prudence dans notre conduite : deux heures se sont écoulées assez tranquillement, chacun sur les armes, et inquiet sur l'issue de ce qui se passait. A peu près vers les huit heures, M. le comte d'Estaing est venu et a ordonné aux troupes de se retirer. Les gardes du corps ont défilé par la rampe pour retourner à leurs hôtels. Une partie de la populace leur a lâché quelques huées; dans ce moment plusieurs gardes du roi se retournèrent et tirèrent plusieurs coups de pistolet, qui se trouvèrent dirigés, non sur la populace, mais sur la arde nationale, et fut riposté par quelques gardes ourgeois. Je suis rentré aussitôt chez moi, et n'en suis sorti qu'à six heures du matin ; à sept heures je me rendis dans les cours du château ; j'ai vu dans la cour de marbre un homme en veste, un tablier de toile verte à la ceinture, couché sur le dos, les pieds en face du grand balcon; cet homme avait la moitié de la tête du côté droit totalement emportée, et plusieurs personnes dirent que c'était l'effet d'un coup de fusil tiré par les gardes du roi des appartements. Je vis paraître un inst >nt après un garde du roi, que deux gardes de Paris, en habit uniforme, tenaient au collet, entourés d'un grand nombre de populace de Paris ; ils amenèrent le garde du roi près l'homme qui était tué, en lui disant : regarde, malheureux, ton ouvrage. Le garde du roi répondit : Messieurs, ce n'est pas moi. Plusieurs voix dirent ensemble : c'est ton camarade; c'est la même chose : tu vas périr. Le garde du roi dit : je vois bien que je vais mourir; mais je vous assure que je ce suis pas coupable. On criait toujours : il faut le tuer. J'étais alors vêtu très simplement. Je me suis mêlé parmi cette popu-
lace; et afin de gagner du temps pour le sauver, j'ai crié : Non, Messieurs; c'est à Paris qu'il faut le pendre. Il n'y eut qu'un cri pour me répondre : Non; tout de suite. Je leur représentai qu'il fallait au moins que nos camarades de Paris en fussent témoins; mais la présence du cadavre les transportait tellement de colère, qu'ils ne voulaient entendre à aucune représentation. Cependant, à force de crier à Paris, on s'achemina vers le grand corps de garde. Arrivé là, on voulait le pendre, lorsque M. de La Fayette arriva et le sauva.
J'ai appris depuis par M. de Gannecaude, garde du corps du roi, que, le 5 octobre au soir, dans le moment où tout le monde était sous les armes, plusieurs d'entre ceux qui étaient au château voulaient, et avaient même commencé une lettre adressée à la municipalité et à la garde nationale de Versailles, pour les assurer que l'intention de leur corps n'avait jamais été d'insulter personne, et qu'ils étaient prêts à punir ceux qui s'étaient écartés de ce principe. La lettre commencée, ils reçurent ordre de leur capitaine de n'en rien faire.
Fait à Versailles, ce 10 novembre 1789.
Signé : Grincourt, sous-lieutenant de la compagnie
Jouanne.
N° III.
Ce
Rapport de la conduite qui a été tenue par les officiers et gardes bourgeois du poste de la grille au Dragon, lors de l'apparition des voitures de la reine, le 5 octobre 1789, et explication faite avec un palefrenier rentrant dans la ville avec les chevaux de M. le comte d'Estaing, dans le cours de la nuit du 5 au 6 dudit mois d'octobre.
Le lundi 5 octobre 1789, 9 heures trois quarts du soir, cinq voitures de la reine, attelées de six et huit chevaux, se présentèrent à la grille du Dragon pour sortir : elles étaient escortées de plusieurs cavaliers en habits bourgeois; et toutes les autres personnes des équipages, tant cochers, postillons qu'autres, étaient aussi en habits bourgeois. Un desdits cavaliers, reconnu pour être le sieur Valentin, piqueur de la reine, cria au suisse de cette grille : « Chenette, c'est nous ; ouvrez-« nous. Comme le sieur Chenette se disposait à « ouvrir, le factionnaire de la grille, le sieur « Baptiste, garde de la compagnie Jouanne, dont « un détachement occupait le poste de la grille, « s'opposa a cette ouverture, en en demandant «. la raison. Alors le sieur Valentin dit encore « au suisse : c'est de la part de la reine ; c'est « pour aller à Trianon. » Cette assertion ne paraissant pas véridique, ledit sieur Baptiste continua de s'opposer à cette sortie.
Le sieur Emard jeune, tapissier à Versailles, pour l'instaut commandant le poste comme caporal, et que le bruit occasionné par l'apparition des voitures avait fait sortir à la tête des gardes du détachement, engagea ceux qui escortaient les voitures à leur faire reprendre le chemin d'où elles venaient; ce qui fut exécuté. 11 détacha même trois des gardes qui étaient avec lui, pour accompagner les voitures. Ces gardes ne revinrent que quand elles furent toutes remisées aux écuries de la reine.
Le sieur Ray, bourgeois de Versailles, sergent de ladite compagnieJouanne^ en l'absence duquel ledit sieur Emard avait commandé le poste, revenant de prendre l'ordre au château, fut instruit de tout ce qui s'était passé, tant par le monde qu'avait amassé cet événement, que par ledit sieur Emard et les autres gardes du poste. Il trouva la conduite qui avait été tenue d'autant plus à propos, qu'elle était conforme à l'ordre qui avait été apporté au corps de garde par M. Barbier, aide-major, de la part de l'état-major de la garde nationale de Versailles, de faire fermer la grille, et de ne laisser sortir qui que ce soit par le parc, excepté M. Bertrand, député, qui avait un logement au delà de la grillé.
Pans le milieu de la nuit, un palefrenier conduisant plusieurs chevaux de selle (tous bridés et sellés), se présenta en dehors de ladite grille, pour entrer dans la ville. Sur l'interrogation qui lui fut faite où il allait, d'où il venait, et pourqu'oi il demandait à entrer, il répondit « que c'étaient les « chevaux de M. le comte d'Estaing, qu'il avait « été chargé la veille au soir de conduire ainsi « arrangés dans le parc; et que ne voyant personne « venir, il prenait le parti de rentrer dans la ville ». D'après cette explication^l'officier du poste qui avait été appelé, crut saus difficulté devoir dire au factionnaire de faire ouvrir la grille, et délaisser entrer l'homme et les chevaux. Autant qu'il soit possible de se rappeler, les chevaux étaient au nombre de cinq.
Nous, officiers et gardes de la compagnie Jouanne, composant le détachement du poste de la grille du Dragon, le 5 ôctobre dernier, certifions véritable ce que dessus et des autres parts.
A Versailles, ce 8 décembre 1789.
Signé : Emard jeune, Ray, Lozière, Cauville, Louis Tranchant, Mansart, Baptiste, garde nationale, compagnie de Jouanne, Le Sieur.
N° IV.
Déclaration de M. Baudart, cent-suisse de la garde du roi.
M. Baudart, l'un des cent-suisses de la garde-ordinaire du roi, s'est présenté au comité le 10 décembre 1789, et a déclaré que le 6 octobre à 6 heures 1/4, beaucoup d'hommes armés de piques et de fusils, accompagnés d'un soldat de la garde natioDale de Paris, se sont présentés à la porte de la salle de la reine, en ont enfoncé les panneaux; qu'alors il est allé avertir ses camarades. A son retour les portes étaient ouvertes. Ils entraienten foule avec des piques et d'autres armes. Le citoyen en uniforme dit aux autres : Messieurs, il ne faut point entrer dans la salle des cent-suisses, et je passerai la baïonnette au premier qui voudra s'y rendre. Ils ont remis aux cent-suisses les pertuisçmes qu'ils avaient prises dans la salle des gardes, en leur disant que c'était à eux qu'elles appartenaient. Ils ont remis le drapeau des gardes du roi à M. Bernard, l'un des cent-suisses, en lui disant aussi que ce drapeau lui appartenait. Ensuite ils sont tous sortis, les uns dans le jardin, les autres par la cour. Il ignore tout ce qui s'est passé ailleurs : le répondant est resté dans la salle des cent-suisses jusqu'à 9 heures. Déclare que M. Bernard et M. Valdony, qui étaient en sentin-nelleau bas de l'escalier, pourront donner de plus
grands détails. Déclare qu'il n'a pas vu un garde du roi tuer un citoyen avec un banc, comme on l'a prétendu. .
Signé : Baudart, cent-suisse de la garde du roi.
N° V.
Du
Déclaration par M. Le Cointre, négociant, lieute-nant-colonel, commandant la première division de la garde nationale de Versailles.
Aujourd'hui 11 décembre 1789, dix heures du matin, est comparu devant nous M. Laurent Le Cointre, négociant et lieutenant-colonel, commandant la première division de la garde nationale de Versailles, quartier Notre-Dame, y demeurant rue de Paris; lequel, sur la réquisition à lui par nous faite par nos deux lettres des 4 et 7 du présent mois, qu'il nous a représentées, et à lui rendues au même instant, a dit : Messieurs,.fortement pénétré de mes devoirs de citoyen, dans la seule vue de l'intérêt de le patrie, et pour rendre hommage à la vérité, je vous fais la déclaration qui suit :
Le 18 septembre dernier, M. le comte d'Estaing, commandant général de la garde nationale de Versailles, se rend à midi au comité ; il ouvre la séance en priant tous ceux qui n'étaient pas de l'état-major ou capitaines, de se retirer : eux retirés, il nous fait prêter serment, et sous la religion de ce serment, il nous communique une lettre : ici..... je m'arrête, je me tais; je passe donc sous silence tous les faits qui ont rapport à l'entrée du régiment de Flandres dans la ville de Versailles, quelque puise être l'intérêt de la patrie à pénétrer ce mystère, j'ai fait un serment; je ne puis seul prendre sur uioi dans cet instant de l'enfreindre. J'estime que c'est à vous, Messieurs, de prononcer s'il est de mon devoir, malgé mon serment, de passer outre pour le bien de la patrie,
et,en ce cas, de m'en faire une loi impérieuse.....
Sur quoi, après nourêtre tous réunis, il en a été délibéré, et nous avons décidé que le salut de la patrie délie M.Le Cointre du serment qu'il a antérieurement prêté, soit comme citoyen, soit comme garde national, et l'oblige à révéler généralement tout ce qu'il sait; en conséquence, M. Le Cointre a ajouté :
M. le comte d'Estaing nous communique une lettre de M. le marquis de La Fayette, qui annonce que ce général n'est plus maître de contenir les gardes françaises qui menacent d'aller reprendre leurs postes à Versailles.
M. d'Estaing nous peint l'inquiétude du roi, le danger que courraient l'Assemblée nationale et la famille royale, si cette insurrection avait lieu. 11 ajoute qu'un régiment d'infanterie qui se joindrait aux gardes du corps, aux autres troupes du roi et à nous, nous mettrait à l'abri des malheurs que l'on redoutait. Après de longues et sérieuses discussions, il fut décidé que la municipalité serait requise de demander au roi un secours de mille hommes; M. le comte d'Estaing se rendit avec six officiers auprès d'elle, et le réquisitoire de la garde nationale fut adopté, sous condition que la lettre de M. de La Fayette serait déposée et annexée aux registres de la municipalité.
M. le comte dTïstaing observa qu'il serait dangereux pour son auteur de la faire connaître ; mais la municipalité persistant à vouloir un titre
qui autorisât sa démarche, il proposa d'aller à M. de Saint-Priest, ministre, et d'avoir de lui une lettre qui pût remplacer celle de M. de La Fayette. M. Clausse, président, ayant consenti, le modèle fut.fait sur-le-champ, agréé par la municipalité, et porté au ministre, qui l'approuva et le revêtit de sa signature. La municipalité, ayant ce qu'elle désirait, lit sa demande au roi (l).
Le lendemain, à l'ordre, M. le comte d'Estaing nous fait part du dessein où il est d'aller à Paris, malgré le danger imminent qu'il y aurait pour sa personne, si la cause de son voyage était connue par les gardes françaises, pour s'aboucher avec M. le marquis de La Fayette. Le plus grand nombrè des officiers le prie avec instance de rester à Versailles ; lorsque ce fut à moi de parler, je dis ; Mon général, si j'étais à votre place, dans une affaire aussi délicate, rien ne m'empêcherait de partir ; je prendrais seulement la précaution d'avoir toujours deux officiers avec moi (ce fut à qui serait tie ce nombre).: le général, sans rien décider* passe dans la pièce voisine avec quelques ofticièrs, qui, un instant après, nous apprennent que le général cède aux instances qui lui ont été faites; qu'en conséquence, il n'ira point à Paris. M. le comte d'Estaing paraît ; on l'applaudit. Ensuite tt fut fait, au comité militaire, une motion leqdant â prévenir les compagnies de l'arrivée du régiment, et à se procurer leur vœu par écrit; et malgré quel-
ues personnes, qui prétendaient que les arrêtés
e l'état-major ét de là municipalité dispensaient de cette formalité, elle fut adoptée. Les raisons qui déterminèrent à prendre cette dernière précaution, furent que le 17 août dernier, lorsqu'il s'était agi de faire entrer deux cents chasseurs des Trois-Eyêchës dans la ville, la municipalité n'ayant prévenu ni par affiches ni autrement ia bourgeoisie, lorsque ce détachement se présenta, il fut refusé aux portes, et obligé de passer la nuit dans les cours du château de Trianon, et le lendemain quinze cents hommes de la garde nationale se mirent sous les armes pour aller au-devant d'eux et les introduire.
Le 21, dix-sept capitaines apportent les procès-verbaux de leurs compagnies; neuf se trouvèrent pour, et huit contre l'admission du régiment. Je présidais l'assemblée ; eteomme c'était le surlendemain qu'il devait entrer, j'ordonnai que les compagnies qui n'avaient pas encore manifesté leurs intentions, se rassemblassent sur-le-cbamp, et que les procès-verbaux fussent remis dans le jour. Dix-huit se trouvèrent opposants, et cinq, seulement, favorables aux dispositions déjà faites (2).
Ainsi, des quarante-deux compagnies formant la garde nationale, vingt-huit refusèrent de recevoir le régiment de Flandres.
Le 22, les capitaines ont ordre de représenter aux compagnies de quelle importance il était que la nouvelle troupe entrât, et M. le comte d'Estaing prend toutes les mesures nécessaires à cet effet, sans en communiquer avec l'état-major; je lui en fis des reproches par écrit; il a bien voulu me répondre de la même manière : les pièces sont entre nos mains.
Enfin le 23* notre général annonce que le régiment est aux portes de la ville, et que le roi a démandé la liste des officiers de la garde nationale qui iront au-devant avec leurs commandants; il part eu disant ces mots. Chacun le suit à la municipalité pour y prendre M. le président, qui précéda le cortège, et de là aux Menus-Plaisirs, où l'on s'arrêta dans un des bureaux de l'Assemblée nationale. M. le comte d'Estaing écrivit aussitôt son nom en tête d'une feuille de papier blanc et invita chacun à imiter son exemple, et à donner ainsi au roi un témoignage de dévouement et de respect. Sur l'observation faite par un officier, que donner à Sa Majesté une liste partielle, ce serait compromettre ceux q#e l'absence, ou l'ignorance de ce qui se passait, empêcherait de signer, M. le commadant géuéral la finit en disant que tous lés officiers qui étaient alors dans Versailles, l'ont accompagné.
A cinq heures du soir on apprend que le régiment parait : le détachement de la garde, et M. Clausse, président de la municipalité, se rendent à pied hors de. la barrière; les gardes du corps bottés et prêts à monter à cheval se promenaient sur l'avenue de Paris. (1).
La troupe arrivant est conduite sur la place d'armes, où elle prête serment entre lies mains de la municipalité en présence des officiers de la garde nationale. Elle amenait avec elle deux pièces de canon de quatre, huit barils de poudre, six caisses de balles, pesant chacune cinq cents livres, un caisson de balles pour la chasse, un de mitraille, environ six mille neuf cent quatre-vingt-dix cartouches toutes faites, outre celles dont les gibernes étaient garnies (2),
Le 24, le roi écrivit, de sa propre inaiu, à M. le comte d'Estaing, une lettre pleine d'expressions de bonté, pour remercier la garde nationale de l'empressement à recevoir le régiment de Flandres (3). .
Le 28, MM. les gardes du corps invitent nominativement quelques-uns de nous à se trouver au repas qu'ils doivent donner le jeudi. Déjà l'on parle de changement de cocarde.
Le 29, les lieutenants-colonels bourgeois sont présentés à la reine, qui daigne leur annoncer le don qu'elle fait d'un drapeau à chacune de leurs compagnies.
Le trente, les drapeaux sont bénis; la municipalité donne un dîner à M. l'archevêque de Paris, aux ministres, aux généraux, à des officiers et gardes nationaux, enfin à des officiers de tous les corps; j'étais de ce nombre : on porta les santés de la nation, du roi, de la reine, de la famille royale, etc., etc., tout s'y passa avec dignité.
Le 1er octobre, jour de la fêle promise par M. les gardes du
roi, pour laquelle le prix du dîner fut arrêté avec le sieur Deharmes, traiteur, pour le
nombre de deux cent dix convives, à raison de vingt-six livres par tête, en ce, non compris
le vin, les liqueurs, les glaces et les bougies, l'on se rend, du salon d'Hercule, lieu
du rendez-vous, à la salle de l'Opéra, où elle devait avoir lieu (1>).
Au second service, on porta quatre santés, celles du roi, de la reine, de monseigneur le dauphin et de la famille royale.
La santé de la nation fut proposée, mais les gardes du corps la rejetèrent.
La reine, après avoir paru dans la salle avec te roi et monseigneur le dauphin, fit, en portant ce prince dans ses bras, l&tour de la table au milieu des applaudissements les plus vifs et des acclamations les plus bruyantes. La course retire après avoir accepté les santés offertes par les gardes du corps, les grenadiers de Flandres, les suisses, les chasseurs des Trois-Evôchés, car ou avait admis à l'entremet des soldats de tous les corps.
Bientôt la fête, qui jusques-lâ n'avait été animée que par une gaieté un peu plus libre il est vrai, mais encore décente, se change en une orgie complète ; le vin échauffe les têtes; la musique du régiment de Flandre et celle des gardes du corps exécutent différents airs propres à exalter les esprits (ô Richard! 6 mon Roi! et la marche des Houllans dans Iphigénié).
On sonne la charge ; les convives chancelants escaladent les loges et donnent un spectacle à la fois dégoûtant et horrible. Dans un moment d'ivresse, on lâche les propos les plus indécents, la cocarde nationale est proscrite et remplacée par la cocarde blanche, que plusieurs capitaines de la garde nationale s'empressent d'adopter $).
Cependant l'on s'était porté en foule à la suite de la cour; les gardes, les différents officiers, les soldats se livraient dans la cour de marbre à des excès de folie dont on ne retrouve les exemples que dans les récits fabuleux de l'ancienne chevalerie.
M. Perseval, aide-de-camp de M. le comte d'Estaing, escalade le balcon de l'appartement de Louis XIV, s'empare des postes intérieurs des gardes,et s'écrie : « ils sont à nous I Désormais que l'on nous appelle garde royale. » Il se pare de la cocarde blanche; plusieurs personnes y applaudissent en l'imitant. Un grenadier de Flandre arrive parla même route, au mène balcon; le sieur Perseval le décore d'une croix de Limbourg qu'il porte ; un dragon moins heureux, voulut, se détruire, pour n'avoir pu escalader comme les deux autres (3).
Le tumulte devient tel que l'alarme se répand dans la ville. Quelques corps de garde éloignés
envoient pour s'instruire d'un événement qui inquiète les citoyens; la sentinelle gardant les drapeaux chez moi, me fait part des craintes du peuple; je monte sur-le-cnamp à cheval, suivi de mon aide de camp; je monte au château, dont je ne tardai pas à descendre, lorsque j'eus vu que ce n'était que la lin d'une orgie. Je m'empressai de répandre dans la ville qu il n'existait aucun danger, et, j'eus la satisfaction de voir mes concitoyens calmés regagner tranquillement, leurs demeures;
Le lendemain, M. le comte d'Estaing vieiftt chez moi et me témoigne du regret que je n'aie pas $të invité. Général, lui répondis-je, on parie fort mal de la journée d'hier, et il est quelques particularités qui affligent et qui inquiètent le bon citoyen. Pour moi, répliqua le général, je me suis retiré au café.
Ce même jour, une députation delà garde nationale va porter aux pieds de la reine notre respect et notre reconnaissance du don qu'elle nous a fait. Sa Majesté nous témoigne sa satisfaction en ces termes : « Je suis fort aise d'avoir donné des drapeaux à la garde nationale dp Versailles. La nation et l'armée doivent être attachées au roi, comme nous le leur sommes nous-mêmes; j'ai été enchantée de la journé du jeu^i. » C'est donc à tort, en conclut M. d'Estaing, que quelques-uns en sont formalisés (1).
Nouveau repas donné par M M. les gardes du corps le samedi 3 octobre. Le général fait savoir qu'un fusilier de chacune clés compagnies
fieut y assister. M. Plateau, ïe la cpmpagnie ouanne, m'ayant demandé s'il devait y aller, je l'en détournai, ainsi que M, Girard Descoti, de la compagnie Le Tellier; et je m'applaudis fort du conseil que j'avais donné, quand j'appris que Fin-décence la plus marquée avait été l'âme de la fête, et que des gardes nationaux s'en étaient retirés avec indignation.
A cette seconde fête, tous les gardes du corps se réconcilièrent avec M. le duc de Guiche; il fut décoré de quatre bandoulières en signe de réconciliation.
Le quatre, la municipalité donne trois pièces de vin pour les soldats de Flandre'; M. le comte d'Estaing invite notre corps à faire les honneurs. Le général, l'état-major du régiment de Flandre, partie de nos officiers s'y trouvèrent; tout se passa dans le plus grand ordre.
Ce même jour, en dînant avec le général et M. Berthier chez M. de Baleine, je demande et j'obtiens la permission de m'absenter huit jours pour vaquer aux affaires de mon commerce, que j'avais négligées depuis six semaines..
Le soir, je vais au château pour avoir une audience de M. Necker à sa sortie du conseil ; arrivé dans la galerie, j'aperçois trois dames, dont deux se nomment Laboureau, de Villepatour, distribuant, de concert avec plusieurs abbés, de3 cocardes blanches. Conservez-la bien, disait-on à ceux qui en recevaient; c'est la seule.-bonne,, la triomphante ; ces dames exigeaient le serment de fidélité» et donnaient leur main à baiser a u récipiendaire.
J'ai vu distribuer un certain nombre de ces cocardes pendant une heure que je restai seul, et après quoi je fus rejoint par M. le chevalier Desroches, major de bataillon. Nous en vîmes une à nos pieds en nous promenant : M. Desroches la
ramassa, en disant : Je ne suis pas riche ; en ajoutant un peu de bleu à celle-ci, elle deviendra uniforme (1).
Bientôt après nous passons dans l'appartement de l'Œil-de-Bœuf, où nous trouvons M. Varin fils,
garde national, en uniforme, portant une cocarde lanche. Je l'invite tout haut à la quitter; il me répond que le jeudi octobre, les gardes du corps la lui avaient fait prendre, en l'assurant qu'elle était plus agréable à la cour, et qu'il a cédé d'autant plus facilement à leurs instances, que son père possède plusieurs charges chez les princes. Il ajoute qu'il n'a fait que suivre l'exemple des officiers, qui l'ont adoptée avec plaisir au repas de l'Opéra. Je n'eus pas de peine à le convaincre de ses torts, et bientôt il reparut avec la cocarde nationale (2). Le conseil fini, M. Necker sort, et je le suis. Un groupe assez considérable entourait sur le passage les dames Laboureau, qui, dans le moment, recevaient d'uh nouveau prosélyte à genoux, le serment de fidélité, et lui présentaient leur main pour qu'il y mît le sceau d'un attachement inviolable. Il est bien étonnant, dis-je, que l'on se permette de tenir une telle conduite chez le roi ; ou la couleur des cocardes tombera sous huit jours, ou tout est perdu. Aussitôt un chevalier de Saint-Louis, qu on m'a dit depuis se nommer M. Cartousière, gendre de la dame Emmery, bouquetière de la Reine, s'avance et me dit, étant encore dans l'Œil-de-Bœuf : « C'est l'épée à la main
3ue vous me ferez raison de ce propos.» Je répon-is : «Nousserons deux >-, en suivant toujours le ministre, qui, près d'entrer dans sa chaise, voulut bien m'accorder l'entrevue que je sollicitais.
Alors le sieur Cartousière me dit : Nous irons avant, derrière le cavalier Bernin, vider notre différend.— Non, lui dis-je : tout à l'heure sur la place ; attaque si tu l'oses ; autrement, ne crois pas que j'aille sottement me mesurer avec un homme né pour la destruction des citoyens, lorsque moi, je né fais que les conserver. » Nous arrivons vis-à-vis l'hôtel : je me dispose à entrer; le sieur Cartousière insiste pour que nous descendions plus loin ; le service ae la ville, pour lequel je me rendais auprès du ministre, me fait loi. J'entre, et promets de sortir par la même porte ; l'audience finie, je me retire avec M. Haracque, négociant, que je trouvai avec le ministre. M. Cartousière vient à moi, me réitère le défi, et d'aller à la pièce d'eau des Suisses. « Non, lui dis-je : c'est ici qu'il faut terminer; mais ne crois pas, vil gladiateur, que je m'expose à me mesurer avec toi, suivant rusage; tire ton épée, et le plus adroit poignardera l'autre.» Un ami du sieur Cortousière, comme lui chevalier de Saint-Louis,se joignit à M. Harac-ue, et ils empêchèrent un combat qui eût pu onner le signal et lever l'étendard de la discorde.
Le cinq, à l'Assemblée présidée parM.Berthier, je parlai de cequi'm'était arrivé la veille, et de la lermentatiojkoùétaient les esprits depuis le jeudi
précédent. Je demande que nos deux commandants (1) soient invités à se rendre sur-le-champ parmi nous, et que l'on propose au général de faire monter à cheval les gardes du corps et de leur faire prêter entre les mains de la municipalité le nouveau serment prescrit par l'Assemblée nationale, et de leur donner la cocarde que nous portons. Plusieurs de nos capitaines, anciens gardes du roi, rejettent vivement ma proposition, et me disent que c'est connaître bien mal ce corps, que de penser qu'il se rende à nos désirs.
Un d'eux, M. le chevalier de Beau mont, me dit :
« Monsieur, vous ne connaissez pas la force
« de ce corps ; j'y ai servi vingt-deux ans, et ja-
« mais il ne se soumettra à cé que vous demandez;
« votre personne même courrait les plus grands
« dangers, si vous persistiez dans votre motion. »
Rien ne m'étonne. J'insiste, en disant :
« qu'il « nous est plus avantageux de connaître les
« troupes qui se refusent aux décrets de l'As-
« semblée nationale, que de craindre sans cesse
« un corps qui peut à chaque instant nous écra-
« ser; et je renouvelle ma motion .
M. Bertnier y apporte des obstacles, et prétend que, si elle a lieu, elle peut être le signal d'une guerre civile. Je cède en obtenant que l'on priera M. le comte d'Estaing de se rendre le lendemain au comité, afin de statuer sur cet objet qui me semblait de la plus grande importance.
Je rentre chez moi à deux heures et je me disposais à profiter du congé que j'avais obtenu ; j'allais partir; on me dit qu'un peuple nombreux arrive de Paris. Je fais dételer mes chevaux qui étaient à ma voiture et j'attends l'ordre du général. Inquiet de n'en pas recevoir, j'envoie chez lui : il ne s'y trouva point.
MM. de Robard, de Baleine, Jouanne, Tellier et d'autres capitaines de ma division me demandent des ordres. Je leur dis que je n'en ai point, mais qu'ils doivent rassembler leurs compagnies et se tenir prêts devant leur maison.
Des hommes armés de piques arrivent; je monte à cheval pour me rendre au château; je rencontre en chemin, et auprès du régiment de Flandre déjà rangé en bataille avec les gardes du corps et les dragons, notre commandant en second, Monsieur de Gouvernet. Je le prie de me donner des ordres : il s'yirefuse en me disant qu'il n'en a point reçu, qu'il n'en donnera point et qu'il ne sait où est Je général. Je vais aux compagnies de mà division, je leur commua nique la réponse de notre commandant en second, et je les exhorte à se compléter et à se former en ligne sur l'avenue de Samt-Cloud.
Je retourne à la place d'armes où je retrouve M. de Gouvernet; je demande de nouveau des ordres: il refuse encore de m'en donner; je lui dis qu'en l'absence du général, c'est à lui de commander.
Voyant que ma représentation était sans effet, j'ordonne aux compagnies de se rendre au corps de garde principal, celui des gardes-françaises, toujours dans l'espoir d'y trouver le général; plusieurs y étaient déjà: je les range en bataille, et je cours arrêter quelques autres compagnies qui se portaient sur l'avenue de Paris ; je les fais rejoindre le corps de la troupe.
C'est dans cet intervalle que le sieur Bunout, soldat de la garde nationale parisienne non soldée, compagnie Ruelle, est arrêté par un groupe de
femmes qui veulent l'emmener chez le roi avec elles.
Les gardes du corps s'opposent à leur passage, et M. de Savonnières, lieutenant, s'attache particulièrement à ce sieur fiunout, le poursuit avec trois gardes, en le frappant de coups de sabre. Ce malheureux, séparé des femmes, se voyant assailli par le nombre, tire son épée qui lui sert à parer les coups qu'on lui porte. « Fort, fort! crient les gardes du roi ; c'est un parement blanc de Paris. »
Malgré les instances de la garde de Versailles, qui priait de ménager un citoyen, malgré les plaintes de Bunout, M. de Savonnières s'obstinait, avec M. de Montesquiou et un autre garde du corps, à sabrer ce malheureux ; ils lui coupent le passage du corps de notre garde et le forcent de se réfugier dans une des baraques attenant le château. Un soldat national, le voyant près de succomber, tira un coup de fusil et cassa le bras à M. de Savonnières. Je crois me rappeler qu'il m'a été dit dans le temps que ce garde était de la compagnie Rollet, quartier Saint-Louis. M. de Montesquiou et ses camarades lâchent alors leur proie, vont au secours de leur chef qu'ils emmènent, et Bunout est rendu à la vie, qu'il eût perdue sans doute en sortant de la baraque où il s'était sauvé et dont il avait effrayé la maîtresse, qui lui disait qu'il allait la faire égorger. Il était alors quatre heures et demie de relevée; c'est le premier acte hostile entre les deux corps.
Divers détachements de gardes du corps couraient çà et là, sabraient les uns (la femme Ne-mery, teinturière, rue de la Calandre, et la veuve Leloutre, marchande mercière, rue Mondétour à Paris, de ce nombre) ils écartent les autres avec leurs chevaux, et les couvrent de boue. Une dé-putation de l'Assemblée nationale, à la tête de laquelle était M. Mounier, président, qui accompagnait les femmes pour l'audience du roi, essuya les mêmes avanies (1).
Dans ces entrefaites et sur les trois heures de relevée, M. d'Estaing faisait assembler la municipalité et en obtenait un pouvoir dont il a fait voir l'original à M. Perrot, alors lieutenant de la garde nationale, compagnie Rollet, et aujourd'hui officier municipal, et à moi, le 13 octobre dernier. Il est signé de cinq ou sept officiers municipaux, et conçu à peu près en ces termes :
« Sur l'exposé fait par M. le comte d'Estaing, « qu'un grand nombre d'hommes et de femmes « armés arrivent de Paris, et que le roi et la fa- « mille royale pourraient être en danger, la mu- « nicipalité autorise M. le comte d'Estaing à ac- « compagner le roi dans sa retraite, et à ne rien ; négliger pour le ramener à Versailles le plus « tôt possible. » Cet ordre l'autorisait de plus à tenter toutes les voies de conciliation, et à repousser, s'il le fallait, la force par la force (2).
J'ai appris, depuis, que cette pièce originale n'était pas enregistrée à la municipalité. En effet, quand elle eut connaissance de la lettre de M. d'Estaing, elle envoya M. Glausse, son président, au comité militaire, pour conférer avec nous, et sur-le-champ nous fîmes vers elle une députation de laquelle était M. du Breton, capitaine, qui m'a assuré que, vérification faite en présence de la députation, le pouvoir n'existait pas sur les registres.
Arrivées au corps de gardedesgardes-françaises, les compagnies représentèrent qu'elles n'avaient point de cartouches; j'aperçois pour la première fois de l'après-dîner, M. Berthier, à qui je demande des ordres, et qui, comme le commandant en second, refuse d'eu donner, se rejetant sur le commandant général qui ne lui en a pas donné. J'expose à ce major général le besoin que nous avons de munitions; M. de La Tontinière, chargé de la garde de l'artillerie, me répond, et m'affirme avec M. Berthier, qu'il n'en existe plus.
Peu confiant dans cette assertion, je sollicite l'ouverture du magasin; j'en fais moi-même la visite, et je ne trouve rien. Je fais part aux compagnies de la détresse où nous sommes, et je le3 invite à se persuader que nous ne serons pas réduits à avoir besoin de cartouches (l).
M. Berthier se retire; la pluie vient à tomber; la nuit vient, l'inquiétude est générale; on interprète différemment la conduite des gardes du corps. Je déclare que je vais sonder leurs intentions; je pars en conséquence suivi de deux officiers, M. Poivet, mon aide de camp, et M. Lainé fils, aide-major. Arrivé à la tête des gardes, je demande aux chefs ce que la garde nationale doit espérer ou craindre d'eux; j'ajoute que le peuple se croit en danger, et que l'on désire savoir comment on doit les regarder. Un d'eux me répond : « Monsieur, vos doutes sont cruels; ce-« pendant nous oublions le traitement fait à un « des nôtres, et nous ne sommes animés que du « désir de vivre en bonne intelligence. Nous ne « commettrons aucun acte d'hostilité. » Je lui donne la même assurance au nom de la garde nationale, et ie le prie de faire remonter sa troupe plus haut, prés des grilles, afin de dégager l'entrée de notre corps de garde; ce qui fut exécuté sur-le-champ.
Après avoir rendu à ma troupe compte de ma démarche, je me porte au régiment de Flandre. Les officiers m'entourent et me donnent leur parole que jamais ils n'ont eu l'intention de faire du mal aux bourgeois; les soldats le jurent unanimement ; et pour exprimer mieux leurs sentiments, ils délivrent à des détachements de nos compagnies une assez grande quantité de leurs cartouches.
Muni d'un gage aussi certain du dévouement du régiment de Flandre, je cours en faire part à mes camarades, et je m'informe si l'on sait le nombre, les forces et les projets des hommes armés de canous qui stationnaient devant l'Assemblée nationale. Personne n'ayant pu me répondre, je vais à eux, accompagné de mon aide de camp et de l'aide-major dont j'ai parlé ci-dessus.
A peine arrivé, je me fais annoncer, et je demande à être introduit sous escorte. Douze hommes armés de fusils se présentent; je descends seul de cheval, et je dis aux officiers qui m'accompagnaient, de rester aux gardes avancées. L'on me place, pour m'entendre, à la bouche des canons; les mèches éclairaient le cercle qui se forma.
Vos frères de Versailles, dis-je à haute voix, étonnés de vous voir dans cet équipage, m'envoient vous demander quel sujet vous amène, et ce que vous désirez ? Un cri général me répondit : du vain et là fin des affaires.
Nous subviendrons à vos plus pressants besoins, mais nous ne pouvons, leur dis-je, vous laisser vous répandre dans la ville avec vos armes; un malheur, s'il arrivait, troublerait la tranquillité du roi; que nons devons tous respecter. Jurez-moi donc que vous ne dépasserez pas le poste que vous occupez, et je vais travailler à ce qu'il vous soit délivré suffisamment de pain : combien êtes-vous? — Six cents. — Autant de livres de paia suffironl-'éllés?— Oui.
Je partais pour remplir ma promesse : deux hommes de la troupe viennent à moi avec fureur, ét prétendent que c'est pour les trahir que je me suis informé de leur nombre ; ils me demandent mon nom, mon état et ma demeure pour garants de la conduite que je tiendrai avec eux ; un troisième s'approche et se porte caution de ma franchise et ae ma loyautéHl affirme qu'il me connaît du temps qu'il travaillait chez le sieur Lecomte, maître perruquier dans ma rue; que je jouis de la meilleure réputation dans la ville; qu on peut prendre confiance en ma parole.
Cette troupe, dont il commandait un détachement, le charge de m'accompagner pour veiller au prompt effet de ma parole. Je l'accepte avec un de ses camarades, mais je me refuse au désir que l'on témoigne de me faire escorter par vingt-quatre fusiliers. Je reçois de nouvelles assurances ae tranquillité et de confiance. Je remonte à cheval: les députés de la troupe s'emparent de la briae. et me conduisent à la municipalité.
Je fais à ces messieurs le tableau touchant de la situation des hommes qui m'envoient. Je demande pour eux les 600 livres de pain que je leur ai promises.
J'observe que le serment de ne pas entrer dans la ville pendant la nuit, n'a été prêté et reçu qu'à ces conditions.
M. de Montaran dit qu'étant chargé des subsistances, il ne peut, sans s'exposer à faire manquer la ville, disposer d'une aussi grande quantité de pain.
M. Glausse dit que la donner, c'est engager les Parisiens à fondre sur Versailles. Il conclut à ce qu'on refuse.
Un autre observe que la distribution sera embarrassante, le payement et le transport difficiles. J'offre deux chevaux, un domestique, de l'argent pour payer, et je me charge de faire exécuter l'ordre ae la municipalité, s'il lui plaît de le donner. J'ajoute qu'on ne peut, sans danger, refuser à ces malheureux un secours qui leur est indispensable. M. de Montaran prend de nouveau la parole, et dit que le seul sacrifice que l'on puisse faire dans ce moment, est de donner deux tonnes de riz. En vain j'oppose l'impossibilité de le faire cuire, et le ridicule d'une telle proposition : on fait retirer mes deux aides de camp et les deux députés, et l'on va aux voix. La motion pour délivrer du riz obtient neuf voix; celle pour du pain n'en a que sept, mon
suffrage compris (dans la municipalité de Versailles, l'officier commandant de la garde nationale y a voix délibérative); M. Rivière de Grais opine pour qu'on ne donne ni pain ni riz. Un officier ne veut exprimer aucun vœu; on fait rentrer la députation ; la municipalité lui signifie 6on décret, et en même temps elle me charge de la triste commission de savoir si la troupe veut que te riz soit cuit ou cru. En ce moment, on vient m'apprendre que les gardes du corps et la garde nationale se sont fusillés ; je fais reconduire les députés par mon aide-de-camp, en ordonnant de leur délivrer tout le pain qui était chez moi, et de dire que la circonstance était trop malheureuse pour qu'on fît plus pour eux.
Arrivé au camp des Parisiens, dont on devine facilement le vœu,M. Poivet s'acquitte, avec beaucoup de difficulté, de la mission délicate dont il était chargé. On le renvoie avec les deux mêmes députés pour avoir le riz cuit qu'ils étaient venus proposer; la municipalité était déjà dissoute; et le sieur Chausse, qu'ils rencontrèrent, les prévint que le suisse avait reçu de la municipalité un paquet contenant un ordre pour M. LeCointre; il était conçu en ces termes :
« L'assemblée municipale laisse M. Le Gointre maître de faire tout ce qu'il jugera plus convenable pour la tranquillité. » A Versailles, ce 5 octobre 1789. Signé: Loustaunau,président:
En vain je suis retourné à la municipalité pour faire interpréter cet ordre ; je n'ai trouvé personne.
Mon aide de camp quitte les députés, en les assurant que, dès qu il m'aurait trouvé, nous nous occuperions de leur procurer ce dont ils avaient besoin.
En arrivant à la caserne, j'apprends que M. le comte d'Estaing a paru un instant pour renvoyer les compagnies; l'on me dit aussi qu'il avait essuyé des reproches assez vifs de l'abandon où il nous avait laissés. Plusieurs compagnies exécutèrent l'ordre de retraite qu'elles avaient reçu du général; mais le plus grand nombre, voyant les gardes du corps rester sur la place d'armes, annonça qu'il ne partirait qu'après les avoir vus défiler. L'ordre leur en fut donc donné ; et ils prenaient le chemin de leur hôtel, lorsqu'un d'eux, le seul de tous qui fût sans manteau à la queue de l'escadron, s'en sépara de la distance de vingt pas, et tira sur la garde nationale un coup de pistolet, dont la balle contusionna la joue du sieur Briand, fusilier de la compagnie Hiver.
Les esprits étaient déjà aigris des divers actes d'hosilité commis par les gardes du corps, tant sur les anciens que sur nous ; ce dernier mit le comble au mécontentement; et quelques gardes nationaux, armés de fusils chargés, ripostèrent aux gardes du corps dont le dernier rang fit un feu roulant sur nous (1).
Gomme les gardes du corps tiraient en marchant, nous en fûmes quittes pour quelques cha-paux et quelques habits qui furent percés; un cheval des gardes du roi fut tué, un autre eut la jambe cassée (2).
La garde nationale, qui venait de courir les plus grands dangers, comptant bien sur le retour
de ses ennemis (car on ne peut plus donner d'autre nom aux gardes du roi), demanda de nouveau des munitions. Sur le refus du sieur de La Tontinière, M. de Bury, sous-lieutenant, certain qu'il en existait, le meuaça de lui faire sauter la tête, s'il ne donnait à notre troupe de quoi se défendre. La peur de perdre la vie détermine ce même garde d'artillerie (M. de La Tontinière), qui précédement m'avait assuré n'avoir ni pondre ni balles, qui m'avait même ouvert un magasin, à délivrer une demi-tonne de chacune de ces munitions (1).
Rassurés sur les suites de cette affaire, qui pouvait devenir très sanglante, nos soldats, déterminés à faire une défense vigoureuse, chargent les canons, qui bientôt sont braqués vis-à-vis] la rampe, où l'on s'attendait à voir reparaître les ennemis.
Arrivé assez tôt pour être le témoin de ces dispositions, j'approuve que l'on se prépare à la résistance, mais je défends que l'artillerie sorte de l'esplanade, comme quelques-uns trop ardents le proposaient.
M. Joigemini, capitaine de la compagnie d'artillerie, était à la recherche du comte d'Estaing, qu'il ne trouva pas.
Cependant le garde du corps, M. de Moucheton, delà compagnie écossaise, dont le cheval venait d'être tué, était tombé dans les mains des femmes de Paris, et courait le plus grand risque. M. de Baleine et M. Raisin en sont informés; ils partent avec un détachement de leurs compagnies, et parviennent à le sauver, en assurant les femmes qu'ils vont le faire juger sur-le-champ par un conseil de guerre. On l'emmène à la caserne où les secours lui sont prodigués, et il y reste jusqu'au lendemain.
Pour sortir de l'inquiétude où nous jetait l'abandon de nos trois chefs supérieurs, les officiers restés à la caserne s'assemblent dans la chambre du capitaine commandant le poste, M. Dutannay, qui l'avait laissé depuis six heures aux ordres d'un lieutenant, pour délibérer si nous nous en donnerions d'autres pour le moment. Il fut arrêté que, Si le lendemain ils ne paraissaient pas, nous prendrions le parti convenable aux circonstances; du nombre de ces officiers réunis étaient MM. de Vauchelles, major, Villantrois et de Baleine, capitaines, et autres.
Mon aide de camp me rejoint, et me remet les pouvoirs que la municipalité avait confiés pour moi à son suisse; mais les hommes à qui je m'étais engagé de procurer des vivres, voyant qu'on ne leur tenait pas parole, se crurent dégagés du serment qu'ils m'avaient fait de rester campés dans l'avenue dè Paris, et se répandirent dans la ville. Un grand nombre, auquel des femmes s'étaient jointes, se réfugie à la caserne pour y passer la nuit.
La faim était telle, que le cheval mort dans le combat fut rôti à moitié et mangé. Après les avoir engagés à la tranquillité et à la paix, après avoir invité notre troupe à donner tous les secours possibles à ces malheureux, je monte au château, dans la cour des ministres, où une partie des gardes du corps, après avoir fait la ten • tative de passer par l'avenue de Sceaux pour gagner la rampe, tentative qu'ils abandonnèrent aussitôt d'après l'avis qui leur fut donné par un citoyen, que la garde nationale venait d'être abondamment pourvue de munitions, était revenue
par les rues de l'Orangerie et de la surintendance, se ranger en bataille avec le régiment des suisses; les autres étaient sur la terrasse. Je trouve auprès d'eux notre commandant en second, M. de Gouvernet, à qui je témoigne toute ma surprise; il me répond qu'il passe au côté des gardes du corps, et qu'il restera avec eux. Après avoir exprimé mon mécontentement, je retourne à la caserne : le calme y régnait, j'ordonne des patrouilles nombreuses et fréquentes.
En ce moment cinq voitures de la reine se présentent à la grille du Dragon ; le suisse se disposait à l'ouvrir pour les laisser sortir; mais la sentinelle, étonnée du nombre, appelle le commandant du poste : la garde sort ; le piqueur dit que la reine est dans la voiture, et qu'elle veut aller à Trianon. «Dansces moments de trouble, il serait dangereux pour Sa Majesté de quitter le château », réplique le commandant : nous offrons de reconduire la reine à son appartement, mais nous ne pouvons prendre dur nous de la laisser sortir de la ville. Le piqueur insiste, l'officier refuse, et les voitures rentrent sous escorte aux écuries.
La dame Thibault^ première femme de chambre de la reine, était, dit-on, partie en avant et Mm* de Salvert, avec sa femme | de chambre, était dans le carrosse de Sa Majesté,qu'elle représentait.
On a remarqué que les gens de la reine étaient en habits bourgeois.
Uûe autre voiture, chargée de malles et d'une vache, est amenée au corps de garde par une patrouille qui avait empêché qu'elle ne sortit ; je m'informe à qui elle est; j'apprends qu'elle appartient à M. de Saint-Priest ; je répète qu'elle ne doit pas sortir; je défends qu'on en fasse la visite; et pour que ce qu'elle contient ne coure aucun risque, je la fais garder par deux fusiliers. Le lendemain au soir elle a été remise sans dommage.
Je monte h cheval avec le capitaine dé Baleine; l'avant-garde parisienne arrive, et se range sur la place d'armes; je vais à M. le duc d'Aumont qui la commandait ; ce seigneur me prodigue et reçoit de moi les assurances de l'intimité et de la fraternité la plus complète ; il me promet de faire rester sa troupe sous les armes jusqu'à l'arrivée de M. le marquis de La Fayette. Je continue ma ronde, et j'ordonne aux boulangers de cuire extraordinairement; j'apprends bientôt que le corps de l'armée est aux portes de la ville ; je vais au-devant avec M. de Baleine, capitaine, et M. Poivet, mon aide de camp ; M . de La Fayette était à la tête, et M. de GouvernetTaccompagnait; enfin j'obtiens de lui ce que j'avais sollicité vainement tout le jour, un ordre ; mais c'était celui d'avertir mes camarades de l'arrivée de la garde parisienne, et de la recevoir avec distinction. Les portes du corps de garde s'ouvrent, nos frères de Paris se répandent dans la caserne. Quelle fut ma surprise en voyant dans la partie droite six tonnes de poudre, et plus de 4,000 cartouches prêtes à recevoir la poudre 1 On travaille à déplacer ces munitions; M. de Gouvernet lui-même aide à rouler les tonnes.
M. de La Fayette se rend auprès du roi ; la garde parisienne s'empare de3 postes du château.
En achevant ma ronde dans la ville, j'apprends qu'un garde du corps du roi, compagnie de Luxembourg, s'est réfugié au corps de gardé du poids à la farine; que le sieur Marcus, commandant du poste, et les gardes à ses ordres, l'ont acgtiéilli, lui ont donné à souper, et l'ont fait reconduire à
l'hôtel sous un manteau, et avec un chapeau bourgeois. Un procès-verbal, paraphé de moi, et déposé aux archives de la garde nationale, atteste ce fait.
Voyant que tout était tranquille, et ayant appris que M. de La Fayette était retiré à l'hôtel ae îïoailles, je rentre chez moi à quatre heures du matin.
A six heures M. JouanDe, capitaine, M. Ri-chaud, officier de notre garde, viennent chez moi ; je donne, selon leur désir, au tambour de leurs compagnies, l'ordre de publier en mon nom une invitation aux habitants de Versailles, de faire l'accueil le plus fraternel à la garde parisienne, même de la traiter individuellement. J'ai eu la satisfaction de voir nos vœux exaucés à l'envi par les citoyens de toutes les classes ; je donne avis à M. Leroy, mon collègue, du parti que j'ai pris, et je l'invite à en agir de même dans .le quartier qu'il habite. A huit heures je monte à la place d'armes, et j'apprends avec horreur les événements du matin : on me dit que plusieurs personnes ont été massacrées; que ce qui a occasionné les premières violences, est un coup de fusil tiré du haut de l'escalier de marbre, qui a fait sauter le crâne d'un jeune homme qui était au pied (1) ; que le peuple, irrité le ce meurtre, avait traîné ce cadavre au milieu de la cour de marbre, en criant vengeance, et disant qu'il sacrifierait les gardes du corps dessus.
M. Gondran, capitaine de la garde parisienne, ayant été le témoin oculaire de tous ces désordres, s'étant porté, à la tête de toute sa compagnie, pour les réprimer, m'en a remis une note ; mais elle est égarée ; ainsi on peut recourir à cet officier pour avoir à ce sujet des détails de la plus grande importance.
Le sieur Beuzard, sergent-major de la compagnie Bulard, m'a rapporté un fait que je ne dois pas laisser ignorer.
Le sieur Gârdaine, fusilier de la garde nationale de Paris, compagnie de Maury, district de Saint-Jean-en-Grève, arrivé avec sa compagnie le cinq au soir, étant sorti sans armes le lendemain à cinq heures du matin, fut rencontré dans la cour des ministres par un garde du corps qui lui porta un coup de couteau. Gardaine, oubliant qu'il a reçu une blessure mortelle, se jette sur son ennemi, lui arrache son couteau, et allait sans doute en tirer vengeance, lorsque le peuple bientôt informé accourt; une partie emmène le garde parisien, l'autre immole le garde du corps a sa juste fureur, lui coupe la tête; c'est la première qui ait été mise au bout d'une pique.
Le sieur Cardaine a été transporté chez M. Du-parc, procureur au bailliage; il y a reçu tous les secours dont il avait besoin. Il existe encore dans nos archives une pièce authentique, paraphée de moi, qui atteste cet affreux événement.
A neuf heures je me rends au château; je rencontre M. de La Fayette, à qui je demande des ordres : ce général ne m'en ayant donné aucun, ie prends un fort détachement; j'invite mon collègue d'en faire autant, et nous allons chercher nos drapeaux; lorsqu'ils sont sur la place d'ar-
mes, j'envoie aux appartements du roi quarante hommes de la compagnie Jouanne, que le général, M. le marquis de La Fayette, m'avait fait demander par le capitaine Hiver, qui y était entré de service quelques instants auparavant, avec un faible détachement de sa compagnie.
Peu après se passe cette scène attendrissante dont je ne donnerai pas de détails, parce que je ne la connais, comme tout le monde, que par le rapport qui m'en a été fait.
Les gardes du corps quittent les retraites où ils avaient passé la nuit ; ils se confondent parmi les soldats avec lesquels ils changent de chapeaux; la paix que le roi venait de dicter se cimente de plus en plus ; et bientôt la cour se rend aux vœux de la capitale, et laisse, en quittant Versailles, ses malheureux habitants livrés au désespoir le plus affreux.
Dès le lendemain de la perte incalculable que nous avions faite, le bruit se répand que l'on indispose le roi contre nous, et que l'on ose nous accuser d'avoir, les premiers, tiré sur ses gardes, et de les avoir assassinés.
Le 8 octobre, je demande au comité, en présence de MM. les officiers de la garde de Paris, que M. le comte d'Estaing soit invité de se rendre à l'assemblée suivante pour y exposer les raisons qui l'ont déterminé à nous abandonner dans des moments aussi critiques. Une lettre de lui nous est remise, et l'on arrête qu'elle sera imprimée.
Le 9, la garde nationale, voyant avec peine que la calomnie s'obstine à la perdre et à la déshonorer, décide qu'il sera fait un exposé de notre conduite. Deux capitaines sont nommés avec moi pour travailler à sa rédaction. Les pouvoirs m'en sont délivrés.
M. le prince de Poix, informé de ce qui se passe, vient chez moi m'engager à garder un silence qui plaira d'autant plus au roi, que Sa Majesté verrait avec peine que l'on écrivît contre ses gardes. Je réponds au prince que l'honneur de tous les Français est également cher au roi, et que notre justification ne peut que lui être agréable.
M. le prince de Poix insiste pour qu'on n'écrive pas ; je résiste à ses arguments, en lui donnant ma parole que nous ne sortirons pas des bornes d'une juste modération.
Le 11, M. d'Estaing me fait dire par son aide de camp, M. de Perseval, qu'il est loin de m'en vouloir de la demande que j'avais faite le 8 contre lui; il me fait assurer qu'il me regarde comme un bon citoyen, et m'engage à lui conserver mon estime.
Ge même jour, le détachement de la garde parisienne qui était resté à Versailles, nous quitte. Ce départ fait la plus grande sensation dans la ville; l'inquiétude qu'en conçoit la municipalité la détermine d'écrire à M. le marquis de La Fayette pour le prier de nous rendre les deux pièces de canon que le régiment de Flandre nous avait amenées, et que par méprise, on* avait conduites à Paris. M. de Gouvernet en écrit une de son côté, et je suis chargé, avec M. Perrot, lieutenant, de les porter toutes deux.
En route, je lui propose de m'accompagner chez M.le comte d'Estaing, que je désirais devoir. Nous nous y rendons à notre arrivée. A peine suis-je entré qu'il m'embrasse et me demande la continuation de mon estime et de mon amitié. - Monsieur le comte, lui répondis-je, vous forcez par votre aménité les hommes à vous aimer; mais depuis la journée du cinq, je ne puis vous accorder la même estime. » Il me répond : « Le salut du
roi, de la reine, de la famille royale, j'avais tout à ménager.Je désirerais avoir le temps de vous entretenir de ces détails; je vous prouverais que je n'ai jamais cessé de mériter votre confiance à tous.» Je lui présente sa lettre du huit, et lui dis : « N'est-il pas visible par l'ordre que vous aviez pris de la municipalité, que votre résolution était de nous abandonner et d'emmener le roi? » Alors il me montre l'original de l'ordre. Il était conçu, autant que je me rappelle, dans les termes que j'ai cités plus haut, folio vingt-sept. Je lui observe enfin que par sa lettre, il inculpe grièvement la garde nationale, lorsqu'il dit: « Ge n'est pas « des consolations dont les gens tels que vous « ont besoin ; il faut les servir. C'est ce que l'on « m'a vu faire, lorsque me mettant devant les « fusils qui tiraient sur les gardes du corpp, je con-« jurais de tirer plutôt sur moi, parce que me « tuer serait moins contraire aux intérêts de ceux « que la colère aveuglait.» Or, Monsieur le comte, vous savez qu'avantque la garde nationale tirât,il y eut des coups de pistolettirés parles gardes du roi. M.lecomte d'Estaing me répond: « Je saisqu'ilaété tirés deux coups de pistolet du côté où était l'arrière-garde des gardes du corps, mais je ne puis croire qu'ils aient été tirés par eux. »—« Au moins, Monsieur le comte, lui dis-je, vous eussiez dû, en écrivant des faits,dire ce qui vient à décharge,comme ce qui charge, sans vous rendre l'accusateur d'un corps que vous commandez. Après cela, jugez si la garde nationale a tort de paraître mécontente (1).
Nous quittons M. le comte d'Estaing; nous allons à l'hôtel de ville; dous remettons à M. le marquis de La Fayette nos dépêches ; le général nous ajourne à son hôtel à 5 heures du soir. Arrivés, nous demandons audience; l'officier qui voulut bien se charger de nous annoncer, nous dit que M. de Gouvernet était avec le général. M. deGou-vernet sort l'instant d'après. Je m'adresse à lui; je lui demande s'il a recommandéau général la dépêche de la municipalité; il me répond qu'il n'en a pas été question. Je m'adresse au général ; il me laisse apercevoir la nécessité de l'adhésion à notre demande de MM. les représentants de la commune, auxquels il en fera part; il assure qu'il répondra parla voie de M. le comte de Gouvernet, qui reste à Paris; le général rentré dans son cabinet, M. de Gouvernet vient à moi, et me dit qu'il faut renoncer au mémoire justificatif. Ce discours de M. de Gouvernet me surprit d'autant plus, que j'étais porteur de ses pouvoirs et de ceux de l'état-major pour réfuter différents bruits mal fondés, desquels on voulait faire résulter que le lundi soir 5 octobre, c'était la garde nationale qui avait commencé à tirer sur les gardes du corps et abandonné la garde du roi. J'en joins ici la copie (2).
Ma réponse ayant occasionné une discussio assez vive, Mmo de La Fayette présente pen~ dant une partie du temps qu'elle a duré, je l'ai» sur-le-champ, transcrite, d'accord avec M. Perrot» et le lendemain quatorze, j'en ai donné lecture au comité, et l'ai remise sur le bureau ; on a témoigné le plus grand désir de savoir ce qu'aurait à répondre M. de Gouvernet. La lecture faite, arrive une lettre de lui qui annonce sa démission; malgré cela, plusieurs voulaient encore qu'il parût pour rendre compte de sa conduite.
Le seize, M. le comte d'Estaing envoie sa démission ; je joins ici extrait de cette lettre qui a été remise ledit jour (1), parce que, quoique cette lettre ait été imprimée, il ne m'en reste qu'un exemplaire. Plusieurs compagnies expriment leur vœu par écrit, à l'effet que M. le comte d'Estaing soit entendu. Les compagnies Géant, de Baleine et Jouanne sont de ce nombre.
Le dix-neuf, M. Berthier, major général, m'écrit qu'il désirait me voir le matin avant mon départ; il vient m'engager à ne point remettre en délibéré ma motion contre M. de Gouvernet, que j'avais retirée la veille, et de me contenter de sa démission. Je promets à M. Berthier une réponse ostensible dans le jour, avant mon départ. Je fais ma lettre, je prie M. Harach, lieutenant, compagnie Tellier, de la remettre au comité, afin qu'elle y soit lue. Le but de cette lettre était que M. le comte de Gouvernet en usât avec moi, comme avait fait M. le comte d'Estaing. La lecture de cette lettre a été faite sans réclamation sur son contenu. La demande que je faisais à M. de Gouvernet n'a pas eu de suite, parce que M. de Gouvernet n'ayant plus de commandement, j'ai cru ne devoir pas insister, et que, d'un autre côté, le parti dévoué aux gardes du corps m'a suscité affaires sur affaires, afin de fatiguer ma patience et de vaincre le zèle que je mettais à rétablir l'honneur de la garde nationale et de la ville, attaqué de toutes parts, tant par des anonymes que par des mémoires authentiques.
Tous mes débats aujourd'hui avec ceux de la garde nationale qui m'étaient opposés, sont terminés par une transaction du 30 novembre, qui a dévoué nos démêlés à l'oubli le plus profond.
Il ne fallait pas moins, Messieurs, qu'une loi impérieuse comme celle qui m'est faite, pour révéler et publier les faits ci-dessus transcrits, ainsi que la conversation avec M. de Gouvernet,
chez M. de La Fayette, que je transcris ici, d'après l'arrêté que j'en ai fait dans le temps avec M. Perrot, gui l'a signé avec moi, et que je garde en mes mains, comme pièce de conviction qui doit me rester, et que je vous prie de parapher.
Suit cette conversation :
Alors M. de Gouvernet, se rapprochant de nous, nous a parlé de MM. les gardes du corps, au sujet du mémoire justificatif que nous nous occupions de faire pour détruire les imputations fausses qui étaitent faites à la garde nationale de Versailles, d'avoir fusillé les premiers. Il nous a priés et exhortés de n'en rien faire ; nous lui avons répondu que notre mémoire serait simple, uni, Vrai, mais qu'il était impossible que des citoyens,qui,lors de la malheureuse journée du 5, livres à eux-mêmes, sans commandant, sans chef, sans ordre, né sachant quel parti prendre , avaient encore la douleur de se voir accusés par ces mêmes chefs qui, loin de les protéger, les défendre, les instruire, semblaient ne les avoir abandonnés que pour avoir l'occasion de se joindre à leurs ennemis contre eux, ne répondissent pas à des calomnies ; que la lettre de M. le comte d'Estaing ne justifiait que trop cette présomption, dans l'endroit où il dit : « Ce n'est pas des consola- « tions, Messieurs, dont les gens tels que vous ont « besoin; il faut les servir. C'est ce qu'on m'a vu « faire, lorsque, me mettant devant les fusils qui « tiraient sur les gardes du corps, je conjurais de « tirer plutôt sur moi, parce que me tuer serait « moins contraire aux intérêts de ceux que la « colère aveuglait. »
Alors nous avons fait remarquer à M. de Gouvernet que cette partie de la lettre de M. le comte d'Estaing était d autant plus réprébensible, que sur la remarque que nous venions d'en faire le matin à lui-même, il était convenu que deux coups de pistolet avaient été tirés du côté des gardes du corps avant la décharge de mousqueterie, mais qu'il était persuadé qu'ils étaient incapables, d'en être les auteurs; sur quoi nous lui avions remarqué qu'étant notre commandant, il aurait dû au moins citer les faits avec exactitude, et non en supprimer d'aussi essentiels. Alors M. de Gouvernet, prenant la parole avec vivacité, dit et soutint que la garde nationale avait commencé l'agression; sur quoi nous lui avons reparti qu'il était étonnant que des chefs qui avaient abandonné à elle-même une infortunée bourgeoisie qui, en les choisissant, avait cru trouver un appui en eux, et n'y avait trouvé que des chefs qui, dans un moment aussi désastreux que la journée du 5, ne semblaient avoir paru un instant avec eux que pour être contre eux, ou leurs accusateurs ; et instant contre M. de Gouvernet, nous nous sommes permis de lui dire : Si vous avez paru, si, vous nous avez parlé qualre ou cinq fois sur la place d'armes, lorsque nous vous avons demandé des ordres, que nous avez-vous répondu ? Je n'en ai point du général; je ne vous en donnerai aucun.
M. de Gouvernet, avouant qu'il s'était ainsi expliqué avec nous, nousnous sommes permis de lui dire rEhbien ! Monsieur, puisque le commandant en chef nous abandonnait, quel était votre devoir ? Celui de le remplacer, de calmer nos alarmes, de rétablir nôtre confiance. Vous n'en avez rien fait ; et votre seule gloire aujourd'hui est de donner de la force aux fausses imputations qui nous sont faites !
M. de Gouvernet insistant sur les torts qu'il imputait à la garde nationale, nous lui avons dit : M. le comte, la lettre de M. lë comte d'Estaing a déchiré le voile; le départ du roi et de la famille royale était résolu dès la matinée du 5 ; vous avez sans doute craint de trouver en nous des citoyens trop attachés à la personne du roi pour l'abandonner; vous avez craint que le roi, voyant notre zèle> ne rétractât un consentement donné peut-être sur des terreurs paniques qu'on avait su lui inspirer. De là la défection de nos chefs, les apprêts d'un départ précipité. Or, Monsieur, vous-même pouvez-vous méconnaître que dans la cour des ministres, lorsque partie des gardes du corps y était en bataille, je vous demandai : M. le commandant, quel ordre? que faisons-nous? t|ue devenons-nous ? vous m'avez répondu : Monsieur, je passe du côté des gardes du corps, je me joins a eux. Je vous ai observé que quiconque commande un corps, ne doit jamais porter les armes contre ce corps; que vous deviez rentrer chez vous; alors M. de Gouvernet repartit : Oui, Monsieur, je l'ai dit, et je le répète, qu'il valait mieux être àvec des hommes qui sussent se battre et sabrer, qu'avec des milices indisciplinées.
Alors nous lui avons reparti : Monsieur, lorsque le public lira, d'un côté, l'endroit de la lettre de M. le comte d'Estaing, où il dit : Le dernier article de l'instruction que notre municipalité m'a donnée le 5 de ce mois, à quatre heures après midi, me prescrit de ne rien négliger pour ramener le roi à Versailles, le plus tôt possible, il verra clairement la retraite du roi Concertée avec nos commandants, la cause de letir inaction auprès de nous, celle de leur défection lorsqu'ils ont cru que tout était prêt : càfr c'est à l'instant d'après celui où vous m'avez déclaré que vous passiez avec les gardes du corps, que les voitures ae la reine se sont présentées à la porte du Dragon, pour sortir de la ville, entrer dans le parc, recevoir sans doute la famille royale, pendant qu'uhe partie des gardes du corps, pour en imposer, continuait de rester en bataille dans la cour des ministres, et que l'autre, déjà en bataille dans le, parc, n'attendait que l'arrivée des voitures pour partir tous ensemble. Heureusement pour le salut ae la France, les ordres que j'avais donnés aux différents postes, de ne plus laisser sortir personne, ont été exécutés. Les voitures se sont présentées ; l'ouverture des portes a été refusée, nonobstant l'empressement du suisse à les ouvrir, et que les écuyers insistassent à dire que la reine était dedans, et qu'elle voulait aller à Trianon. Le commandant du poste répondit avec le respect dû à la personne dont l'écuyer empruntait le nom : dans un moment de trouble comme celui-ci, la sûreté de la personne de la reine serait compromise en la laissant sortir de la ville ; c'est pourquoi il offrit escorte pour reconduire les voitures à l'hôtel des écuries ; ce qui fut fait. Le coup manqué, les chevaux de M. le comte d'Estaing sont sortis du parc, tout sellés, par là même grille du Dragon.
Nous avons observé à M. de Gouvernet que lorsque tous ces faits seraient connus par la voie de l'impression, qu'où y aurait joint les preuves les plus complètes de l'agression de la part des gardes du corps, des services que nombre d'officiers et gardes nationaux avaient rendus à plusieurs d'entre eux, suivant leurs certificats, le public, le roi lui-même, désabusé, connaîtront que ses infortunés sujets de Versailles, toujours fidèles, mais abandonnés, calomniés nour les rendre odieal à ses yeux et à ceux de l'univers
entier, méritaient un meilleur sort et de plus dignes chefs.
Alors M. de Gouvernet, ne se connaissant plus de colère, nous dit avec violence : Si vous faites imprimer toutes ces choses, vous êtes ruinés, écrasés, anéantis; le roi n'habitera jamais votre ville.
Nous observons à M. de Gouvernet, que, ruinés perdus, déshonorés, notre silence sur tant de calomnies en justifierait les auteurs, nous rendrait infâmes aux yeux de l'univers ; qu'il suffit d'être ruinés dans nos fortunes et dans nos personnes; que nous devons laisser à nos enfants les noms de victimes infortunées, mais au moins sans opprobre ; que notre parti est pris ; que notre roi, que l'univers nous jugeront, mais après nous avoir entendus, et non sur les délations de courtisans iutéressés à notre perte, pour couvrir leurs fautes.
M. de Gouvernet, à ces dernières paroles, ne se possédant plus, nous dit: Je vous déclare, Messieurs, que votre ville est vouée à l'exécration... Eh bien! Monsieur, perdus, ruinés, dévoués à l'opprobre et à l'infamie, qu'avons-nous de mieux à faire que de démasquer les auteurs de nos maux? Gomment l'un de nos commandants généraux, fils de ministre, peut-il se permettre, ou de nous interdire toute défense, ou de nous déclarer que notre ville est vouée à l'exécration ? Nous vous déclarons donc que, malgré l'ana-thème prononcé contre nous, et dont vous vous dites le héraut, nous dirons toujours la vérité, nous la préconiserons, et rien ne sera capable d'ébranler notre constance ; et sans nous abandonner nous-mêmes, nous garderons le château du meilleur des rois, mais trompé; nous défendrons nos possessions et nous montrerons à la France, étonnée de nos malheurs et de notre constance, qu'il existe des hommes vraiment citoyens, bons sujets, et dignes d'un meilleur sort, dans Versailles.
Je vous requiers, Messieurs, d'annexer à ces présentes toutes les pièces, au nombre de trois, que je vous ai présentées ci-devant, après quelles seront signées et paraphées, tant par vous, Messieurs, que par moi, qui les certifie véritables.
Vous m'avez demandé, Messieurs, des informations par rapport aux canons qui ont été amenés à Versailles en juillet dernier, et déposés sur leur affût aux écuries de la reine : j'ai appris que le nombre en était de six pièces; savoir: trois pièces de 12livres de balles, et trois de 6 livres; une forge et un gril pour rougir des boulets ; plus, uu grand nombre de voitures chargées de munitions de guerre.
J'ai vu moi-même ces canons; mais dans le temps je n'y ai pas porté une attention scrupuleuse. D'un autre côté, les portes des écuries de la reine étaient fermées; des artilleurs les gardaient, et empêchaient la communication du passage qui se fait ordinairement par la cour de ces écuries, avec les rues de la Pompe et de la Paroisse ; il fallait absolument demander quelqu'un de l'hôtel pour entrer.
Les personnes dont vous pourrez avoir des connaissances certaines, sont:MM.Valentin, piqueur de la reine, celui-là même qui précédait les voitures dans la nuit du cinq octobre (c'était de M. de Salvesle, écuyer, commandant, qu'il avait reçu des ordres) ; Réal, cocher de la reine, qui conduisait le premier carosse ; Dubois, autre cocher de service à ces mêmes voitures; Defoy, cocher; Langlois, limonadier, rue de la Paroisse, prèslesdites écuries; toutes ces personnes, étant
habituellement dans la cour où étaient ces canons, vous instruiront positivement de l'état de ces forces; peut-être même ayant nécessairement conversé avec les artilleurs qui couchaient aux écuries, pourraient-ils vous instruire de la destination de ces forces.
Vous pourriez même avoir des renseignements précis de M. Vauchelle, commis aux bureaux de la guerre, qui demeure vis-à-vis la grande porte des écuries, et dont les croisées du second étage qu'il occupe, plongent droit dans la cour, d'où on voit absolument tout ce qui s'y passe.
Une personne dont le témoignage pourrait être très précieux à la patrie, si ceux qui ont eu des emplois auprès de M. le maréchal de Broglio pouvaient être citoyens, ce serait M. Berthier, fils de M. Berthier, concierge de l'hôtel de la guerre à Versailles, aujourd'hui notre commandant général en second, nommé le 15 juin dernir aide-major général des logis de cette armée, et aide-de-camp de M. le.maréchal de Broglio, pour ce service.
C'est à votre prudence, Messieurs, à décider sous quel rapport vous devez entendre cet officier.
Voilà, Messieurs, l'exposé simple, mais exact, que vous avez exigé de moi, de tous les faits qui ' se sont passés sous mes yeux, et qui sont parvenus à ma connaissance par des témoins dignes de foi, et d'après des pièces dont je vous garantis l'authenticité.
Je vous en demande acte, ainsi qu'une copie en bonne forme des présentes.
Eu conséquence du réquisitoire ci-dessus dudit M. Le Gointre, toutes les pièces, au nombre de trois, qu'il nous a ci-devant présentées, sont demeurées jointes à ces présentes, après avoir été signées et paraphées, tant par lui que par nous. Nous lui avons donné acte de la présente déclaration, et nous lui avons déclaré, à l'égard de la copie demandée, que le secret inséparable de nos recherches ne nous permet pas de la lui accorder, et a, ledit sieur Le Gointre, signé avec nous ces présentes dans le cours desquelles il a été rayé, de son consentement, douze mots comme nuls. Signé : le Gointre, négociant, lieutenant-colonel de la garde nationale de Versailles, commandant la première division, quartier Notre-Dame; Oudart, Agier.
!Réquisitoire de messieurs les commandant en chef et députés des capitaines et de Vétat-major de la garde nationale de Versailles, à l'assemblée générale de la municipalité de Versailles.
Les députés soussignés, conformément à la délibération de l'assemblée des capitaines et de l'é-tat-major de la garde nationale de Versailles, et d'après la lettre de M. le comte de Saint-Priest, en date de ce jour, annexée en original à la présente réquisition, sont venus à l'effet de déclarer l'insuffisance de leurs forces, attendu les divers avis plus alarmants les uns que les autres qui se succèdent continuellement; et après avoir protesté qu'ils ne compteraient pour rien le sacrifice de leur vie, ils ont dû, pour le salut des autres citoyens encore plus que pour le leur, notifier à l'assemblée générale de la municipalité, que, d'après la lettre de M. le comte de Saint-Priest, il était indispensable pour la sûreté de la ville, pour celle de l'Assemblée nationale et pour celle du roi, d'avoir le plus promptement possible uu secours de mille hommes de troupes réglées, qui
seront aux ordres du commandant général de la garde nationale de Versailles. Lesdits députés sont venus en conséquence pour réquérir de la manière la plus forte et la plus positive la municipalité de demander au roi ce secours. A Versailles, le dix-huit septembre mil sept cent quatre vingt-neuf. Signé : d'Estaing1, Berthier, Le Cointre, Dulannay, Jouanne, Denois, et Durups de Baleine.
A Paris, ce
Messieurs (1), ceux de nos camarades qui sont venus bier à Paris ont bien voulu me confirmer les excellentes dispositions dont votre sagesse et les soins de vos officiers supérieurs et généraux ne m'avaient pas permis de douter un seul instant. M. Curtaise, qui avait suivi le roi volontairement, vous aura sûrement rendu compte de qui s'était passé, et de la bonne santé de tonte la famille royale. Je prie M. de Perceval de s'ac-uitter aujourd'hui de la même commission, et e vous remettre la lettre que j'ai l'honneur de vous écrire. Le dernier article de l'instruction que notre municipalité m'a donnée le -5 de ce mois à quatre heures après midir me prescrit de ne rien négliger pour ramener le roi à Versailles le plus tôt possible. Ce devoir m'est trop précieux à remplir, il importe trop à la prospérité delà ville, pour qu'il n'ait pas dominé împérieuse-mènt tous les autres sentiments, qui m'auraient fait désirer de rester avec vous. Ce n'est pas des consolations, Messieurs, dont les gens tels que vous ont besoin ; il faut les servir. C'est ce que l'on m'a vu faire, lorsqu'en me mettant devant les fusils qui tiraient sur les gardes du corps, je conjurais de tirer plutôt sur moi, parce que me tuer serait moins contraire aux intérêts de ceux que la colère aveuglait. J'agirai toujours de même; et l'attachement dont on m'a donné quelques inarques dans ce malheureux moment, n'a pu qu'accroître tous les sentiments qui m'unissent à vous.
Un autre devoir ne m'imposait pas moins la loi de suivre le roi. Le règlement discuté par l'é-tat-major, corrigé par les commissaires, communiqué au ministre, et qui, au moment d'être sanctionné par tout le corps municipal, allait être ensuite recommandé, par le moyen de l'impression, et par un discours que j'y ai joint, à l'influence des capitaines et au zèle des compagnies : ce règlement, devenu exécutoire pour moi, prescrit l'honneur précieux de mettre, en cas d'absence, sous les yeux du roi, le nom de ceux à qui Sa Majesté permettra de continuer à former une partie de sa garde. Je n'ai pu que me proposer, et j'ai rempli à cheval ces augustes fonctions pendant la route : plût au ciel que ie fusse à la vtille de les remplir de même pour le retour 1 Je ne vous cache point que l'exacte et totale adoption, et que l'exécution du règlement seront un des moyens secondaires sur lesquels je compte davantage. Il en est un autre qui n'est pas moins indispensable : c'est de considérer, de traiter, sous tous les rapports, et d'aimer la garde nationale de Paris comme nos frères ; ils. sont nos aînés par les moyens; se plaindre d'un droit d'aînesse, dont le bien général diminuera sans doute le poids, ce serait en rendre la force plus durable. Vous connaissez ma sincérité : c'est celle d'un citoyen qui, élevé avec vos pères, a presque
toujours vécu depuis en soldat et en matelot, et qui a toujours dit la vérité à ceux à qui l'on craint trop souvent de la montrer dans toute son étendue.
J'ai l'honnetir d'être, avec tin tendre attachement et respect, Messieurs, votre très humble et très obéissant serviteur : d'Estaing.
P. S. Comme le compte que je rends à la municipalité est peu détaillé, je vous supplie de lui communiquer cette lettre. Il me paraît nécessaire qu'elle le soit aussi aux compagnies, lorsque la prudence des chefs trouvera convenable que MM. les capitaines les assemblent.
Arrêté à l'assemblée de l'état-major et des capitaines de la garde nationale de Versailles, que la présente lettre serait imprimée, et qu'à cet effet, M. Berthier, major général de ladite garde, demeurerait autorisé. À Versailles, le 8 octobre 1789.
Signé : Gouvernet, Berthier, Leroy.
Extrait du registre de rassemblée générale de la municipalité de Versailles, du 18 septembre 1789.
L'assemblée, après avoir pris communication du réquisitoire de M. le commandant général et des autres députés, tant de l'état-major que des capitaines de la garde nationale de Versailles, ensemble de la lettre de M. le comte de Saint-Priest, ministre de la maison du roi, qui y est relatée,
Délibérant sur les motifs urgents énoncés dans ce réquisitoire, ainsi que dans la lettre du ministre, à arrêté unanimement, que le salut public exigeait le secours demandé de mille hommes d'infanterie française, lequel corps sera sous les ordres immédiats du commandant général de la garde de la ville, et prêtera le serment prescrit parle décret de l'Assemblée nationale du 10 août dernier.
L'Assemblée a aussi arrêté que, dans tous les cas, l'activité de ce corps sera déterminée de concert entre la municipalité et la garde nationale qui conservera les postes d'honneur auprès de la personne du roi et de la famille royale; elle a aussi arrêté que ledit réquisitoire et ces présentes seront imprimés et affichés. Signé : d'Estaing, Porchon, Bougleux, LeBeuf, Busnel, Le Clerc, Cornut,Angot, Vignon, Gilbert, Le Roi,Gravoi8,Ghambert, Chanteclaire, Grouvizier, Godiu,Baud,Legrand,Deslandres, Jeanty, Remy, Mellin, Rollet, Menard, Verdier, Fontaine, Forestier, Rivière de Gray, Niort, Clausse, président, et Emard, greffier municipal.
Il est ainsi aux minutes desdits réquisitoire et délibération, étant en la possession de nous, greffier municipal de Versailles. Signé : Emard.
Lettre du roi écrite de la propre main de Sa Majesté à M. le comte d'Estaina, commandant général de la garde nationale ae Versailles, par lui lue à rassemblée de Vétat-major et des capitaines de ladite garde, le 24 septembre 1789, et qu'elle a consignée dans ses registres.
« Je vous charge, mon cousin, de remercier la « garde nationale de ma ville de Versailles, de « l'empressement qu'elle a marqué à aller au-« devant de mon régiment de Flandre ; j'ai vu « avec plaisir la liste que je vous avais demandée, « et que tous vous ont accompagné. Témoignez
« à la municipalité combien je suis satisfait de sa « conduite; je n'oublierai pas son attachement et « sa confiance en moi, et les citoyens de Versailles « le doivent à mes sentiments pour eux. C'est « pour l'ordre et la sûreté de la ville que j'ai fait « venir le régiment de Flandre, qui s'est bien « conduit à Douai et ailleurs; je suis persuadé « qu'il en fera de môme à Versailles, et je vous « charge de m'en rendre compte. »
Ce
Signé : Louis.
Je, soussigné, major général de la garde nationale de Versailles, certifie la copie de la lettre ci-dessus conforme à l'original, étant ès mains de M. le comte d'Estaing, et dont pareille copie est transcrite dans les registres du bureau de l'état-major de ladite garde nationale. A Versailles, le 24 septembre 1789. Signé : Berthier.
N° VI.
Déclaration du sieur Denise et autres à l'état-major de la garde nationale de Versailles, remise le 12 décembre par M. Le Cointre, lieutenant-colonel de la garde nationale de ladite ville.
L'an 1789, le 5 octobre, le sieur Denise, sergent de la garde nationale de Versailles, compagnie de M. Simon, commandant le poste de la grille du Grand-Montreuil arec huit hommes, expose au comité de l'état-major de la garde nationale, que vers les quatre heures après midi, il est passé un page du roi qui allait au-devant de Sa Majesté qui était à la chasse. Ce page fut arrêté à quelque distance de cette grille par plusieurs brigands, armés de piques, de bâtons et autres armes ; ils se sont emparés de la personne du page et de son cheval,et le menacèrent de le massacrer s'il ne marchait pas ; alors le sieur Denise s'est présenté à eux, et les a engagés, eu les priant avec instance, de ne pas maltraiter ce page : ils ont répondu s'il voulait prendre son parti, et ils lui présentèrent avec fureur leurs piques et autres armes sur sa poitrine en lui disant de se retirer. Le sieur Denise n'eut dans cette occasion d'autres parti à prendre que celui de la modération et de la prudence, afin de conserver sa vie et celle des personnes qui étaient de garde avec lui ; d'après cet événement, le 3ieur Denise détacha un des fusiliers de son poste pour aller au corps de garde des gardes françaises, pour savoir ce qu'il devait faire; il n'eut point de nouveaux ordres, malgré cette démarche ; alors il demanda du renfort au détachement du régiment de Flandre, qui est en Provence : il lui fut accordé dix hommes et un sergent.
Vers les neuf heures et demie du soir, quatre gardes du corps se sont préseotés au poste dudit sieur Denise, et lui ordonnèrent de fermer la
trille, et que les Parisiens arrivaient, et qu'il ait ne laisser entrer que les suisses qui revenaient de Gourbevoie ; il leur répondit qu'il ne pouvait exécuter leur ordre, n'en devant recevoir que de M. le comte d'Estaing ou de l'état-major de la garde : effectivement, il en est passé à peu près deux cents ; et une demi-heure après, M. le duc d'Aumont est arrivé à la tête de quatre mille Parisiens, avec un grand «ombre d'artillerie, qui ont passé par cette même grille.
Ce qui est dit au présent ci-dessus etautres parts, certifié véritable, et ont signé ledit jour et an.
Signé : Denise, sergent ; Bienaimé, au régiment de Flandre ; de Montoussin, sergent au caporal régiment de Flandre.
N« VII.
Du
Déclaration de M. Emard jeune, caporal, servant dans la compagnie de Jouanne.
Le cinq octobre mil sept cent quatre-vingt-neuf, à onze heures du soir, après avoir arrêté les voitures de la reine, une compagnie de la garde nationale de Paris soldée, un sous-lieute-nant à la tête, vint au poste de la grille du Dragon, où j'étais de garde, comme on le verra par le procès-verbal que j'ai signé, me demanda l'ouverture de la grille; je lui dis que j'avais des ordres pour ne laisser passer que M. Bertrand, député de l'Assemblée nationale, qui demeurait à Trianon, et que je ne pouvais lui accorder ce qu'il me demandait.il me dit qu'il avait envie de faire des patrouilles dans le parc : je le priai d'attendre que j'aille demander de nouveaux ordres à notre état-major; il m'a dit qu'il attendrait bien volontiers mon retour, et que je tâche de ne pas être longtemps. Je fus pour aller au grand commun, où siège notre état-major; passant par la place d'armes, je vis la compagnie de grenadiers de la garde nationale de Paris. Je m'arrêtai un instant pour les voir défiler; je vis M. le comte de Gouvernet au milieu d'eux, qui leur faisait compliment sur leur arrivée à Versailles. Je le tirai en particulier et lui demandai si je pouvais satisfaire à la demande qui venait de m'être faite à mon poste. M. de Gouvernet me dit que si l'on persistait, je pouvais donner entrée. Je fus pour m'en aller à mon poste : M. de Gouvernet me rappela, et me dit que j'aille, en m'en retournant, sur la terrasse avertir MM. les gardes du corps qui étaient en retranchement, que la garde nationale de Paris se proposait de faire des patrouilles dans le parç, et qu'ils aient à aller à Trianon. Je répondis à M. de Gouvernet que je n'en avais pas le temps, attendu qu'il fallait que je rendisse réponse à la patrouille qui m'attendait. Quittant M. de Gouvernet, je passai cour royale où montait la garde, pour examiner plusieurs compagnies de suisses qui étaient en attente. Je fus pour passer à la grille de la chapelle; je vis la même patrouille, que je croyais être à m'attendre à la grille du Dragon, demander l'ouverture de celle de la chapelle. Il n'y avait pas de sentinelle : se trouva là le coureur de Monsieur, frère du roi, qui prit un pavé, et cassa un très gros cadenas qui formait ladite grille. La compagnie entrée, je dis au sous-lieutenant que j'avais ordre de lui ouvrir : il me répondit qu'il craignait que jé ne fusse trop longtemps; et, comme je le voyais, il avait cherché à entrer ailleurs; alors je m'en retournai à mon poste.
A Versailles, ce 12 décembre 1789 : rayé neuf mots comme nuls.
Signé : Emard jeune, caporal servant dans la compagnie Jouanne.
N® VIII.
Du
Déclaration par M. Durups de Baleine, secrétaire du département de la guerre, et capitaine du premier bataillon de la première division de la garde de Versailles.
Aujourd'hui dix-oeuf décembre mil sept cent quatre-vingt-neuf, après midi, est- comparu de-vant nous M. Jean-Louis Durups de Baleine, .capitaine au bataillon de Qoodé, secrétaire du département de la guerre, et capitaine de la quatrième compagnie du premier bataillon de la première division de la garde nationale de Versailles, y demeurant avenue de Saint-Gloud, n° 35.
Lequel, sur la réquisition à lui par nous faite, par notre lettre du onze du présent mois, qu'il nous a représentée et à lui rendue au même instant, a dit :
Messieurs, je n'ai pu me rendre au moment de votre invitation, comme mon cœur l'aurait désiré; jf'ai dû consulter M. le. comte de La Tour-du-Pin, ministre de la guerre, au secrétariat duquel je suis attaché, et obtenir de lui la permission de m'absenter de Versailles. Ge ministre, dont les vertus patriqtiques sont connues, m'a fait un crime dé n'avoir pas obéi sur-lé-champ; ses intentions m'ont été manifestées hier ; je m'empresse de réparer ce retard.
Vous me demandez, Messieurs, que j'aie à déclarer tout ce que je sais sur ce qui s'est passé à Versailles depuis le mois de juin, jusques et compris les journées des 5 et 6 octobre dernier, et ledit mois.
Je dois vous observer, Messieurs, que depuis que je sers dans la garde nationale, j'ai été plusieurs fois requis de prêter serment ; ce que j'ai fait, et ce qui m'empêcherait de vous faire un récit suivi, à moins que vous ne me releviez de cea mêmes serments.
Sur quoi, nous étant tous réunis, et après en avoir délibéré, nous avons décidé a l'unanimité,
Îuele salut de la patrie délie M. Durups de Baleine e tout serment qu'il peut avoir prêté antérieurement, en quelque qualité que ce soit, et l'oblige à révéler dans la plus exacte vérité et le plus grand détail tout ce qu'il sait.
Messieurs, j'ignore civilement le nombre effectif des troupes qui étaient aux environs de Versailles dans le courant de juin, jusqu'à l'époque du 13 juillet ; je n'y ai vu que les deux régiments de Nassau et Bouillon, qui y ont séjourné dans l'Orangerie, un gros détachement de hussards, les troupes ordinaires, composant la garde du roi, un guet des gardes du corps extraordinairement retenu à Marly, un détachement de suisses, aussi extraordinairement appelé de Courbevoie, dans cette ville, et logé aux grandes écuries du roi, et enfin un détachement d artillerie, logé aux écuries de la reine ; ce dernier avait un train d'artillerie ; l'impossibilité d'entrer dans les écuries de la reine m'a empêché de juger moi-même du nombre de chariots et de pièces de canons dont il était composé ; mais plusieurs gardes de ma compagnie, attachés à ces mêmes écuries, m'ont dit dans le temps, et me l'ont encore répété hier, qu'il était composé de dix pièces de canoDS, de deux forges, d'un gril à chauffer les boules, et d'une quinzaine de chariots, dont les caissons ont
été présumés contenir des munitions de guerre. Comme je n'ai pu juger du nombre de ces chariots par moi-même, je ne puis, Messieurs, que vous nommer une partie des personnes de qui je tiens ces faits,, MM. Godin, Leclerc, Langlois, Réal, Dubois, Marescaut, Rouget, Comtois, Lavar, La Ravine, tous gens attachés aux écuries de la reine.
M. Bertbier (ils, aide-maréchal général de logis de l'aripée, que l'on dit avoir été employé près de M. de Broglip» pourra, je pense, vous donner des renseignements plus positifs à ce sujet.
Le dix-huit septembre dernier, M. le comte d'Estaing arriva au comité de là garde nationale de Versailles, et après avoir annoncé qu'il avait quelque chose d intéressant à communiquer à MM. les capitaines seulement, pria tous les officiers qui n'avaient pas ce grade de se retirer ; il exigea de nous serment de ne pas parler de ce dont il allait nous entretenir : le serment prêté, il nous fait lecture d'une lettre par laquelle M. le marquis de La Fayette le prévenait d'une incursion qu'environ dix-huit cents gardes françaises ou gens mal intentionnés se proposaient de faire à Versailles ; ce qui pourrait faire courir des risques au roi et à l'Assemblée nationale : cette lettre et les discours pathétiques de M. le comte d'Estaing noi^s firent frémir et ébranlèrent la résolution où nous étions de ne souffrir plus l'entrée d'aucun régiment dans la ville, qui renfermait deux dépôts si précieux, spécialement confiés à notre garde depuis quelque temps. La question positive qu'il nous fit : Etes-vous en état de résister à dix-huit cents ou deux mille hommes disciplinés et bien armés? détermina la majorité de l'Assemblée à demander qu'on allât aux voix pour savoir s'il fallait demandèr des troupes, et de quelle arme.
La majorité de l'assemblée vota pour que la municipalité fût sur-le-champ invitée à demander un régiment de ligne de deux bataillons, pour être sous ses ordres, et à ceux du général de la garde nationale, pour aider à cette même garde à repousser tous malintentionnés qui voudraient troubler l'ordre public. Mais il fut spécialement arrêté que le régiment qui allait être appelé ne concourrait en aucune manière avec la garde nationale à faire la garde de Sa Majesté.
Ces faits décrétés, et avant qu'on procédât à la nomination des députés près de la municipalité, le général proposa de demander le régiment de Flandre qui s'était bien conduit à Douai; corps dans lequel la discipline s'était bien maintenue, et sur la fidélité duquel on pouvait d'autant plus compter qu'il était commandé par un membre de l'Assemblée nationale, dont le zèle patriotique était connu.
On nomma une députation de six membres; j'étais l'un d'eux ; le général à notre tête, nous allâmes à la municipalité.
M. le comte d'Estaing fit lecture de la lettre de M. de La Fayette, développa les motifs de crainte qu'il nous avait inspirés et pria MM. les officiera municipaux de délibérer sur la demande de la garde nationale.
Ge corps délibéra en notre présence, pensa qu'un régiment était nécessaire pour repousser les ennemis du bien public, et demanda que la lettre de M. de La Fayette fût déposée en ses mains.
M.d'Estaing prétendit qu'il le ne pouvait pas, de crainte de compromettre son auteur, mais proposa de la remplacer par une de M. de Saint-Priest, qu'il nous dit avoir reçu les mêmes avis.
La municipalité adhéra; le général monta au château, rapport» la lettré qu'il avait proposée. Les députés firent le réquisitoire en forme, te signèrent et le laissèrent au corps municipal, qui promit de faire les diligences nécessaires auprès du ministre do roi.
Le dix-œuf, H lui ordonné à Pordre, de près» sentir les, compagnies sur l'arrivée prochaine d'un régiment. Le môme jour et le jouc suivant, la grande majorité des compagnies protesta contre l'arrivée du régiment, qui leur avait été annoncé; particulièrement la mienne exigea que je protestasse, en son nom contre le vœu que j'avais porté le dix-huit, observant que ni moi ni les autres capitaines n'avions pas eu le pouvoir de traiter die cette importante affaire, sans au préalable avoir consulté les compagnies. Je rempli sou vœu.
Le vingt, sur l'assurance que le général nous donna, que. l'Assemblée nationale sanctionnait l'arrivée du régiment'de Flandre, je lui observai qu'il serait important que la ville, et particulièrement les compagnies en fussent informées; mon observation ne lui plut pas, et je n'eus pas Heu d'être satisfait de la réponse dure qu'il me
Le même jour, en sortant de l'ordre, j'allai, accompagné du capitaineBiuteau, chez M.le comte d'Estaing* pour le prier de se trouver au rassemblement de ma compagnie, en l'assurant que, s'il voulait y paraître, il obtiendrait sûrement qu'elle retirât sa protestation ; le capitaine qui m'accompagnait avait la même grâce à lui demander.
Ce général, furieux de l'opposition cju'avait portée à ses désirs la compagnie que j'avais l'honneur de commander, me traitant encore plus durement que le matin, me rendit responsable de son opinion, me fit remarquer mon peu de fortune, le nombre de mes enfants ; récapitula les émoluments de ma place au secrétariat de la guerre, et ce que ma femme pouvait espérer de celle qu'elle occupe près de madame Victoire; me dit que le glaive était sur ma tête; que dans çinq minutes, je perdrais tout, si je ne lui apportais le vœu de ma compagnie ; que quand on avait servi sous ses ordres, on devait savoir commander une compagnie de garde nationale; qu'il m'en connaissait le talent, puisque j'avais par elle rendu des services essentiels lors de l'établissement de cette troupe. Il me renvoya par devant M. de Gouvernet, notre commandant général en secoftd, ep me répétant encore : Allez, Monsieur, songez que vous êtes perdu sans ressource ; songez que votve femme et vos enfants auront à vous reprocher le manque d'existence, si dans cinq minutes vous ne m'apportez le vœu de votre compagnie ; sortez, Monsieur, et voyez M. de Gouvernet.
Je me relirai confondu; toutes mes facultés restèrent un instant suspendues ; la douleur m'ôta celle d'alléguer une seule réponse ; s'il avait pu m'entendre,il ne m'aurait pas été diffîciledele convaincre des efforts que j'avais fait pour ramener ma compagnie à son avis, qui était aussi le mien, puisque j'avais le premier signé le réquisitoire.
Mou compagnon ne fut pas bien traité non plus ; mais sa position était bien différente de la mienne, il répondit qu'il était marchand épicier, qu'il veu4ait de bonnes marchandises et que le général ne pouvait rien sur lui.
J'allai chez M. le comte de Gouvernet; j'avais le oqtnr gonflé en entrant; je fus bientôt à l'aise ; aussi humain que M. d'Estaing avait été dur, il daigna m'entendre avec bonté; voulut bien croire aux efforts que je lui dis avoir faits près de ma
compagnie pour l'arrivée du régiment ; il m'ordonna delà faire rassembler dans l'instant même chez lui ; ee que je lis. Environ quatre-vingts personnes s'assemblèrent : il voulut bien pendant trois heures joindre ses instances aux mieneed; mais elles furent inutiles; nous ne pûmes rien gagner. Pendant celte longue-séance, dans laquelle M. de Gouvernet montra tout son attachement pour la patrie, un membre de l'assemblée fit un procès-verbal très détaillé de la conduite que j'avais toujours tenue avec la compagnie, depuis que je la commandais, et particulièrement lorsqu'il avait été question de l'arrivée du régiment de Flandre ; il attestait, au nom de tous, qu'il n'était aucun moyen que je n'eusse mis eh usage pour lui en faire sentir la nécessité ; ils signèrent tous, et prièrent M. de Gouvernet de le faire, ce qu'il fit.
La compagnie partit : ce général eut la bonté de m'assurer qu'il ferait revenir M. d'Estaing sur mon compte, et eut celle de convenir qu'il était bien méritant à moi d'avoir pu contenir une compagnie dont les membres avaient tant de caractère. M. Dubreton a aussi été à l'instant de perdre sa place de commis aux bureaux de la guerre, parce que sa compagnie n'était pas d'avis de l'entrée du régiment de Flandre; mais une députation du comité, près du ministre, l'a préservé de ce dangeç.
Le 23, M. le comte d'Estaing annonça à l'ordre que Sa Majesté l'avait chargé d'aller au devant du régiment de Flandres, qui allait arriver, ainsi que de lui apporter la liste des officiers qui l'auraient accompagné. Nous allâmes prendre MM. les officiers municipaux, et nous nous rendîmes dans un des bureaux de l'Assemblée nationale, en attendant le moment de l'arrivée du régiment. Là, il se fit apporter une feuille de papier, y signa son nom, et nous engagea à en faire autant, ann de pouvoir remettre le soir même cette liste au roi, comme Sa Majesté lui avait ordonné de le faire. Le régiment n'arriva qu'à 6 heures, et prêta serment entre les mains du corps municipal; beaucoup de gardes du corps à pied, bottés, armés et prêts à monter à cheval, se promenaient au milieu du concours de monde que la curiosité avait amené sur l'avenue de Paris.
Le 24, M. le comte d'Estaing fit lecture à l'ordre d'une lettre du roi, dont je vous remets copie paraphée de moi.
Ce même jour, j'éprouvai les bons effets de la promesse que m'avait faite M. de Gouvernet, de faire revenir M. d'Estaing sur mon compte. Je commandais le poste de la garde du roi ; ce général vint à moi (il était 7 heures du matin), me prit la main, confessa ses torts envers moi, m'assura du retour de son amitié, et m'annonça qu'il me destinait une place supérieure dans la troupe soldée qu'il se proposait d'établir à Versailles. Sur l'observation que je lui fis, que je ne quitterais pas mon emploi que j'aimais, il me dit que tout était arrangé avec M. de La Tour-du-Pin.
Le trente, on bénit les drapeaux de notre garde nationale.
Le premier octobre, MM. les gardes du corps donnèrent un grand alner à MM. les officiers du régiment de Flandre, à ceux des chasseurs des Evêchés et à quelques officiers et gardes nationaux. A la nuit tombante, j'entendis un grand bruit (mon bureau en dans la cour de3 ministres) dans la cour de marbre; j'y descendis; je vis des gardes du corps, des officiers, soldats et chasseurs des corps qui étaient à Versailles, et un grand concours de monde que la crainte ou la
curiosité y avaient conduit; je remarquai que le vin avait échauffé les têtes ; je me retirai et parvins,en m'en retournant, à faire rebrousser chemin à une patrouille, qui, ignorant la cause de ce tapage, se portait vers le château.
Le trois, il y eut un déjeuner que MM. les gardes du corps donnèrent à. leur hôtel ; on m'a assuré qu'il avait été plus indécent encore que le dîner ; j y avais été invité ; un pressentiment, dont je m'applaudis, me fit refuser d'y aller.
Dès ce jour, il existait une indisposition dans la ville contre MM. les gardes du corps ; beaucoup de personnes se plaignaient d'avoir été insultées par eux, relativement aux cocardes blanches qu'ils portaient tous, et qu'ils voulaient leur faire prendre.
J'en parlai au comité, qui prit l'arrêté que j'ai l'honneur de mettre sur le bureau, après que je l'ai eu paraphé.
Le cinq, à l'ouverture de l'assemblée, M. Le Cointre rendit compte de ce qui lui était arrivé la veille à l'œil-de-bœuf, relativement à une distribution de cocardes blanches que faisaient des femmes et des abbés, et à un duel qui lui avait été proposé, parce qu'il avait témoigné hautement sa surprise de ce que l'on en usait ainsi dans les appartements du roi;, et de ce qu'il avait fait reprendre à un garde national sa cocarde, qu'il avait eu la faiblesse de changer contre une blanche.
Cet officier fit ensuite la motion que MM. les commandants généraux seraient priés de se rendre à l'instant au comité, et que M. le comte d'Ëstaing voulût bien ordonner (en sa qualité de commandant général da toutes les troupes alors à Versailles) à MM. les gardes du corps de monter à cheval, de se rendre sur la place d'armes, pour y prêter, entre les mains de la municipalité, qui serait invitée à s'y transporter, le serment prescrit par l'Assemblée nationale.
J'appuyai de tout mon pouvoir cette motion, en observant qu'elle pourrait faire cesser l'indisposition que la conduite de quelques gardes du corps avait fait naître, et que cela empêcherait sûrement les rixes que l'on craignait.
M. deBeaumont, capitaine d'une des compagnies, dit avec chaleur, en s'adressant au lieutenant-colonel, qui avait fait cette motion, que jamais ce corps, dans lequel il avait servi vingt-un ans, ne s'y soumettrait ; que, sans doute, il ne le connaissait pas ; que lui M. Le Gointre courrait des risques, s'il persistait dans son opinion.
M, Berthier fils, alors major général, fut en quelque façon de l'avis du chevalier de Beaumont, et dit que cela pourrait devenir le germe d'une guerre civile ; que, de plus, l'objet était trop important ; qu'il fallait y réfléchir, le remettre au lendemain, et inviter MM. d'Ëstaing et de Gouver-net à s'y trouver.
Le même jour, 5 octobre dernier, j'étais encore à table, lorsque plusieurs membres de ma compagnie vinrent en armes chez moi; me dirent que MM. les gardes du corps étaient, ainsi que le régiment de Flandre, en bataille sur la place d'armes; què plusieurs gardes du corps avaient poursuivi un garde bourgeois de Paris, revêtu de son uniforme, qui voulait entrer au château ; que ce garde, sabré par ces messieurs, s'était mis sous la protection de la sentinelle avancée du poste voisin; que cette sentinelle avait crié aux plus avancés de ces gardes du corps de se retirer; mais que ces derniers continuant de sabrer ce Parisien, l'un d'eux avait reçu un coup de fusil, dont il avait été blessé; que cette rixe avait ex-
cité une grande fermentation ; que, de plus,il y avait sur l'avenue de Paris un grand nombre de femmes de la capitale, avec quelques pièces de canon, et que, sans doute, on ne tarderait pas à rassembler les compagnies.
On battit en effet l'assemblée, et à quatre heures et demie ma compagnie se trouva réunie, ainsi que plusieurs autres, sur l'avenue de Saint-Gloud.
M. Le Gointre, commandant de notre division,
Ïtassa dans ce moment ; j'allai à sa rencontre ; je ui demandai des ordres; il dit n'en avoir point encore à me donner; qu'il cherchait les généraux ; qu'il ne les rencontrait nulle part.
Je restai dans la même position jusqu'à ce que M. Le Gointre, repassant encore, m'ordonna de poster ma troupe au rendez-vous général (l'esplanade devant le corps de garde de la place d'armes), il n'avait rencontré que M. le comte de Gouvernet, qui ne lui avait point donné d'instructions, n'en ayant point reçu de M. le comte d'Ëstaing.
En arrivant, je demandais des cartouches àM. de La Tonlinière, qui toujours avait été chargé de ces détails ; il me dit qu'il n'en avait pas (je n'en avais que douze pour soixante-douze hommes).
Sur les huit heures du soir, un officier supérieur, que je ne pus reconnaître, et dont je ne pus m'approcber, ordonna aux compagnies de se retirer; elles répondirent qu'elles ne le feraient qu'après les gardes du corps. Dans l'intervalle de ce moment à celui où le même officier revint, je fus informé que des voitures du roi s'étaient présentées pour sortir par la grille de l'Orangerie, et que cela avait occasionné du tumulte. Pour m'en convaincre, j'envoyai un caporal et quatre hommes à ce poste qui était occupé par des gardes de la compagnie de Presle; au retour de ce petit détachement, je sus qu'en effet plusieurs voitures des grandes écuries du roi s'étaient présentées pour sortir par cette grille, mais qu'au refus que fit la garde nationale de son ouverture, elles s'en retournèrent au galop au lieu d'où elles étaient parties.
Gomme je vous le disais dans le moment, Messieurs, le même officier supérieur reparut dans le corps de garde de la garde du roi, et dit que MM. les gardes du corps allaient se retirer.
Sur les huit heures un quart, MM. les gardes du corps défilèrent par quatre, en longeant l'esplanade, pour se rendre a leur hôtel. Le dernier peloton avait le sabre à ia main, et en faisait usage sur des gens que l'obscurité ne permettait pas de distinguer; dans l'instant, quelques coups de pistolet partirent de ce dernier peloton; et dirigés sur la garde nationale, l'une des balles perça le chapeau du sieur Moneret, la même ou une autre traversa les vêtements du sieur Loudel, l'un et l'autre gardes de ma compagnie, alors dans l'enceinte de l'esplanade. J'étais présent, et j'ai vu que l'un de ces coups de pistolet avait été tiré par un officier ou garde arriéré de quelques pas de la colonne/et le seul peut-être qui fût sans manteau.
Quelques gardes bourgeois qui se trouvèrent dans ce moment sur l'esplanade et dont les armes étaient chargées, ripostèrent par quelques coups de fusil. A cette décharge, le dernier et l'avant-dernier escadron des gardes du corps firent un à droite en très mauvais ordre, et une décharge de leurs mousquetons, à laquelle on riposta, mais faiblement.
Les gardes du corps galopèrent et disparurent bientôt.
L'alarme devient générale : on craint de voir reparaître les gardes du corps réunis et en force ; on assure qu'il existe des munitions ; on somme de nouveau M. de La Tontinière d'en donner; un sergent, M. Burry, le menace de lui faire perdre la vie, s'il n'en donne pas ; la*crainte s'empare du premier, qui fait mettre sur l'esplanade une demi-tonne de poudre et un demi-baril de balles.
On charge alors les fusil3 et les canons; on se met en état de repousser les gardes du corps, s'ils reparaissent avec des desseins hostiles.
Dans ce moment, des hommes armés de piques, du peuple de Paris, arrivent sur l'esplanade; ils demandent du pain. M. Dutannay, capitaine, avait quitté le poste ; j'en avais pris le commandement; M. Raisin était en second : j'envoie chercher du pain chez tous les boulangers, et une barrique de vin que je leur fais distribuer.
Cette distribution à peine finie, un groupe de poissardes et de lanciers de Paris arrivèrent au corps de garde par la rampe de la rue de la Chancellerie, conduisant un garde du corps qu'ils disaient vouloir décapiter. Je les arrête, je les prie de suspendre un moment, je m'approche du garde, qui me remet ses armes; je lui rends son sabre ; je ne garde que son pistolet, parce qu'il était chargé; il dit hautement et sans être interrogé qu'iZ ri était d'aucun complot ; qu'il n'avait point été du dîner ; qu'il était dans son lit avec la fièvre, mais que l'honneur lui avait fait la loi de monter à cheval. Je lais de nouvelles instances pour modérer la colère des lanciers : je parvins à les conduire dans un des dortoirs du corps de garde, où ils jugèrent qu'il devait périr, parce qu'il était un de ceux qui avaient tiré sur lepeuple. Je n'étais plus maître d'eux; ils se portent dans le corps de garde où ils ne le trouvent plus. Pendant ces discussions, M. Raisin, à qui j'en avais donné l'ordre, était parvenu, à l'aide de plusieurs hommes de ma compagnie, à le faire sortir et à le cacher dans la chambre du chirurgien des anciens gardes-françaises, qui loge dans la caserne. Leur colère se tourne alors contre moi ; ils m'accusèrent d'avoir ordonné cet élargissement, pendant que, pour les tromper, je les entraînais d'un autre côté; beaucoup concluaient pour me faire subir le sort qu'ils destinaient au malheureux garde du corps ; beaucoup aussi étaient portés à m'excuser : je crus prudent de m'évader pour quelques moments (1).
Sur les neuf heures, je m'aperçus que MM. les gardes du corps étaient en bataille dans la cour des ministres, et les gardes suisses aussi en bataille à quelques pas devant eux.
Tout était assez calme; je partis pour me rendre chez moi; je conduisis mon détachement, qui y prit quelque nourriture; je me rendis chez M. Le Cointre avec deux gardes de ma compagnie; M. Jouanne y était; ce capitaine reçut ordre de joindre sa compagnie à la mienne et sous mes ordres, et il me donna celui de me rendre sur l'esplanade, d'y former ma troupe en bataille, afin d'être prêt à me porter où le besoin l'exigerait. J'obéis; en chemin j'ai appris que deux voitures de la reine, précédées du sieur Valentin, piqueur, s'étaient présentées pour sortir par la grille du Dragon; que l'ouverture leur en avait été refusée; que ciuq autres voitures des écuries
de la reine étaient en mouvement pour sortir aussi. D'après les renseignements que j'ai pris, j'ai su que les deux premières voitures étaient conduites parles nommés La Jeunesse et Brugnon, et les cinq autres par les nommés Dubois, Comtois, Béai, Jérôme et Biron, et que madame de Salvert, femme du commandant de l'écurie, était dans celle conduite par ce dernier.
Sur les dix heures, M. Le Cointre parut sur l'esplanade, m'ordonna de monter à cheval avec lui, et délaisser ma troupe aux ordres de M. Jouanne.
J'accompagnai ce lieutenant-colonel, qui alla reconnaître M. le duc d'Aumont, qui venait d'arriver de Paris, à la tête d'une division qu'il avait mise en bataille sur la place d'Armes, la droite appuyée à l'hôtel des gardes de la porte.
Je "suivis encore M. Le Cointre sur l'avenue de Paris, où il reconnut le corps de l'armée; nous y trouvâmes M. le comte de Gouvernet (il était environ minuit), à la tête des grenadiers, qui donna des ordres au lieutenant-colonel qui me transmit celui de me rendre au corps de garde de la place d'Armes, où il se rendit aussi; d'y tout disposer pour recevoir la garde parisienne qui venait partager avec nous la garde de Sa Majesté.
La garde parisienne prit possession des casernes dont les dortoirs venaient d'être ouverts.
L'ordre établi, je reçus celui de faire des patrouilles et de me retirer.
Il était environ trois heures et demie lorsque je rentrai chez moi ; un instant après je vis passer M. le Cointre qui allait en faire autant; je me mis à ma fenêtre, et l'engageai à reconduire jusque chez eux deux cent-suisses en uniforme galonné, que la ressemblance des habits pouvait, dans l'obscurité, faire prendre pour des gardes du corps. Il eut la bonté de se rendre à ma prière.
Le 6, sur les sept heures, au son du tambour, les citoyens furent invités à fournir gratuitement des vivres à nos frères de Paris.
A dix heures, on battit les drapeaux ; chaque division prit les siens, et alla se former sur la place d'Armes, la première ayant sa droite appuyée à la grille du château, et la seconde sa gauche sur la même grille.
Le roi partit sur les une heure.
Le 8, à l'ordre, M. Le Cointre demanda que M. le comte d'Estaing fût invité à déduire les raisons qui l'avaient porté à ne point donner d'ordre dans les journées des 5 et 6 : sa motion, quoique goûtée, n'eut point de suite.
Le même jour, il fut fait lecture d'une lettre de ce général ; il fut décidé qu'elle serait imprimée.
Le 9, on produisit au comité plusieurs écrits qui nous accusaient d'avoir mal gardé le roi, et d'avoir les premiers tiré sur les gardes du corps. Pour détruire ces assertions, il fut décidé que l'on serait un mémoire justificatif de notre conduite; MM. Le Cointre, Thoriflon et moi, fûmes chargés de le faire.
La lettre de M. d'Estaing revenue de l'impression, que je vous représente ici, on s'aperçut que la municipalité avait, dans la journée du 5 et avant quatre heures après midi, donné des ordres à notre général de ramener le roi à Versailles le plus tôt possible. Cette phrase n'étant pas très explicative, il fut envoyé une dépu-tation à la municipalité, pour lui demander une copie de cet ordre que l'on présumait transcrit sur ses registres, mais il ne s'y trouva point porté. (M. du Breton était de cette députation.)
Quelques jours après, M. Le Cointre rendit compte au comité d'une conversation que lui et
M- Perrot ayfliçnt eue chez M. de La Fayette* ave.c M. de, Gouvernet, et demanda qu'il fût inr vite à yçnir à l'Assemblée* Un instant après, arrive uqe lettre, de lui ; on en fait lecture ; elle contenait sa démission.
Le î§> une lettre de M. le . comte d'Estaing, qui contenait sa démission, fut imprimée et envoyée aux compagnies j quelques jours auparavant il en .avait écrit Une autre, par laquelle il priait M. Berthier d'assurer M. le commandant de ,1a première division de l'estime particulière qu'il avait, et qu'il conserverait toujours pour lui.
Telle est, Messieurs, l'exposition simple , que vous m'avez demandée des faits dont j'ai été témoin, et qui sont parvenus à ma connaissance.
Je vous requiers, Messieurs, de m'en donher acte, En conséquence du réquisitoire dudit sieur Duriips de Baleine, tdtites les pièces qu'il nous a présentées, au nombre de trois, sont, à sa réquisition, demeurées jointes à ces présentes, après avoir été signées et paraphées' par lui et par nous, et nous lui avons aocordé actë de la présente déclaration i Eayés dans l,e cours de la présente déclaration, du consentement dudit sieur de Baleine, vingt-six mots, comme nuls ; et a, ledit sieur dë Baleine, signé avec ziotts.
Signe: Durups de BAtfcmÉ; Agièr, PÉRiidN.
AVIS.
Gomme des papiers publics disënt que quelques particuliers se sont permis dë changer de cocarde, la garde nationale de Versailles, regardant comme inséparables la nation et lë roij et la cocarde qu'elle a adoptée représentant l'un et l'autre, déclare qu'elle sèra- aussi constante à l'égard de sa cocarde, qu'ellë le sera à jamais dans ses sentiments de fidélité envers la îlâtion, la ]oi et,le roi.
Arrêté à l'àssemblée de l'état-majbr et des capitaines de la garde nationale de Versailles, le quatre octobre mil sept cent quatre-vingt-neuf.
Signé : d'EsTAiNG, Berthier, Le Cointre, Leroy, le c^valiëiv Déroche t)ks§inqyj Hyver, YfCCHÇL^E, jQUANNEr^'E^NIflp:, comïtissuire aux revues sjmon, MIïttereÀU, Devilliers dè LÀ Bèl^angerie.
Nota. La lettre dû roi à M. d'EStaltig, ët la lettre de MM. les officiers fit capitaines, së troijfënt à la fin de la declaratloii dè M. Lë Cointrb.
No IX.
DU
Déclaration ae M. mettereau, çtnçien capitaine de Ip garde natipnçile fersa^lles, et faimnt fynjpiiQns draide de çtapip auprès de M. le çomie.pÈst(iihg.
MëSsieuts, en exécution deë ordres què Vdus m'avez donnés par votre lettre du préséiii mois, jë vous fait ma déclaration ainsi qu'il Suit :
En septembre dernier, M. le comte d'Estaitlg; à l'ordrë, après avoir invité MM. lès officiers qui n'étalent pas au moins du gradë de Capitaine, à se retirfer, ce qui fut fait* demande notre ferment sur des objets dë la plUs haute iihportattëë: Le sermènt proféré* il nous lit une lettré de M. dë
La Fayette, par laquelle ee général annonçait que l'insubordination des gardes-françaises était telle, qu'il n'en était plus le maître ; qu'il craignait qu'ils ne se portassent à Versailles et n'y causassent les plus grands désordres. ,
M. le comté d'fistaing part de cette lettre pour nous faire Bentir la nécessité que Versailles soit renforcé de douze cents hommes, au moins,, d'infanterie réglée; que cette force jointe à.celle de la maison du roi, et de notre milice, mettra notre ville à l'abri de toute incursion. La crainte que plusieurs capitaines conçurent d'une demande de troupes réglées, après les événements du mois de juillet* occasionna plusiëurs débats; enfin, la majorité s'étant rendue aux ràjsons du général, oh députa à la municipalité (j'étais de ce nombre-là) M. le comte d'Estaing montra la même lettre de M. de La Fayette ; la municipalité, consentit à se prêter à cette demande* en gardàrit la lettre de M. de La Fayette. Le général, craignant que . la publicité de cette lettre ne fût préjudiciable à son auteur, proposa de l'échanger contre une de M. de Saint-Priest, ministrë} ce qui fut agréé; en conséquence, fit* le Comte d'Estaing monta au ohâteau. Mes affaires m'appelant, je n'ai pas vu la fin de cette séance;
Quelques jours après, M. le GOmte d'Estaing, à l'ordre, bous dit que le régiment de Flandre arrivait ; qUe le roi lui avàit ordonné de lui donner là liste des officiers qui iraient au-devant de ce régiment : il part; nous le suivons, et sur les six heures le régiment paraît ; nous l'accompagnons jusque sur la place d'Armes; où il prête serment entre les mains de la municipalité.
Le lendemaiti le roi écrivit de sa main une lettre à* M. le comte d'Estaing; pour lui témoin gner sa Satisfaction de notre conduite.
Quelques joilrs après, plusieurs d'entrë nOUs reçoivëpt des lettres d'irivitatidn dé MM. lés gardes dU roi de se trouver le premier octobre à un repas qu'ils donnent a là salle d'opéra. Je n'ai pas été dë cette fête; je n'en connais lës détails que par buï-dire ; pour quoi je n'eh dis rièh ici;
pès ,çe£ iptanj; on parlait du changeaient de cocardes. Plusieurs dè nos ofticiërs avaient déjà arboré la blanche.
Le quatre octobre au soir, je fqùs rencontre dans le parc, de M. Le Cointre, notre lieutenant-colonel, qui étajt avec M* Haracque, lieutenant, compagnie Tellier; je leur dis que nombre d§ braves citoyens se plaignaient que MM. les gardes du corps avaient arraché et foulé aux pieds la cocarde nationale ; que cependant jé ne croirais ces exoès qu'après les avoir vus;
Nous montons à l'œil-de-bœuf; mon devoir auprès de M. le comte d'Estaing m'y appelait : je croyais lë trouver dahs les appartemerits du roi ; en conséquence, je passe dans l'appartement où est le lit de Louis XIV : à -peine suis-je entré,-qu'un officier des gardes du roi, décoré de la croix de Saint-Lbùis, viëtit à moi; et regardant ma cocarde d'uù airdédaigheiifc, me dit : - Est-ce bieri là la cocàrde que vous adoptez? Groyez-vous que la majeure partie de votre corps pensé fcomme vous ? — Oui certainement, jë ie crois. » 11 nie quitte alors d'un air de colère et de mépris ; et je lui dis : «Il est indécent, Monsieur,que YQu§ me fassiez.cët^e question, e$ que vgus teniez cette conduite ctièzie roi.» Je rentre dans l'œil-de,-bœuf. Je rencontre M. de La Bellangerie, l'un de nos Capitaines, qui avait à son chapeau une cocarde blanche d'une grosseur énorme. Il me dit
que Gâtaient des dames qui l'avaient attachée à sôq chapeau. Jé lf! quitte avec indignation- .
Je jsgssp dans là grande galerie? Je raiç renbon|re de trois daines qui viennent à moi, en disant : Vive laco.Garaé blanche! c'est la bonne, et m'en,proposent une; je me fétide s^ns leur répondre, me contentant de leur exprimer \e mépris dp leur proposition par un coupd'œil d'indignation.
N'ayant point reftponyré M. le comte d'Estaing, je yaip phea lui; il y était ; je lui fais part de ce qui vient de m'arriyer. Je lui fôis je signalement du garde du corps; il me témoigne de la surprise, et m'observe que le grand nombre de gardes du corps ne lui permetp^s ij'pspérpr qu'il pourra connaître, celui que je lui ai désigné.. Je me retire.
Le lendemain, à l'ordre. M, Le Gointre rend compte d'une scène qu'il avait eue par rapport aux cocardes blanches* et demanda que M. le comte d'Est^jpglâf priédeserendre, et, qu'il rpaqdâi.aux gardes dû corps de veniràfthpval sur la plaep d'Armes prêter le serment à |a municipàU.té. Nombre de nos capitaines,, surtout ceux qui ont servi dans les gardes du corps; s'opposèrent à cette motion du lieutenant-colonel ; l'un d'eux lui dit même que sa vie cçiuraM le plus grand danger s'il persistait ; M. le major général supposa aussi de toutes ses forces à cette motion, qui ejjt beaucoup 4e partisans, teile^nept qu'on arrêta que ies génér raux seraient invités de se trouver à l'ordre du lendemain peur terminer cette affaire.
A ma rentrée.f-hea moi le même joiir, j'apprends qu'un nombre d'hommes et de femmes armés arrivent de Paris, portent du côté du.château; je rassemble ce que je peux de ma compagnie, et, selon l'ordre ducpmmandant de ma division, je me rends aq corps de garde des cMevant gardes? françaises, l'y suis resté depuis 5 heures jusqu'à 8 heures en station, sans généraux, sans ordres, avec pèù dé munitions quoique j'en aie demandé au garde de l'artillerie, qui nous dit n'en plus avoir. Après être resté 3 heures la pluie sur le corps dans - cette position, M. le cdihte d'Estaing parait, nous dit que tout est tranquille, que l'on peut se retirer. Nos gartjes |uj disent qu'il pppv|ent que les gardes du corps én fassent autant ; il en donne l'ordre; ils défilent vers la rampe; des coups de pistolet, tjrés de quelques-uns de ceux de leur arrière-garde, sur nos pelotons, Attirent une riposte de quelques coups de fusil de notre part» i u Alors, tqute. cette arrière-garde fait Volte-face et lâche une décharge de mousqueterie, tant sur nous que sur quelques volontaires de la Bastille, qui étaient çà ei là dans la place d'Armes et s'enfuient : nous avons eqcore riposté à cette décharge par quelques coups de fusil, ainsi que les volontaires Ue la Bastille. Les gardes du corps retirés, j'ai sorti notre esplanade, et j'ai vu un cheval tué et un autre blessé. Personne ne paraissant, n'ayant plus du tout de munitions, je me suis retiré et j'ai fait des patrouilles dans la ville jusqu'à minuit.
Le lendemain 6; ayant entendu battre l'assemblée^ je passe chez le général, le comte d'Estaing, et li|i demande des ordres. Il me dit qu'il ne pouvait m'en donner; une personne lui dit que M. Le Gointre fait battre l'assemblée; il répond qu'on peut se réunir, et m'engage à passer avant, si je peux, chez le roi, s'informer d^ sa part de l'état du roi, et lui demander si Sa Majesté a des ordres à lui faire passer. Je pénètre chez le roU que je trouve dans là consternation, ainsi que la reine* avec Madame leur fille. Ils parurent sensible à ce quë je leur dis de la part de M. le comte d'Estaing j Le roi me dit qu'il n'àvait rien cependant à lui mander.
Je me retire quoique je fusse en habjt bourgeois, j'eus beaucoup de peiné à sqrtir, plusieqps, et en grand nombre, m'arrêt^pt et mé prenant pour un garde du çprps ; de sorte qq'ën différents endroits des bourgeois ont été sommés de dépigt-rer s'ils nie cqnpaissaient ; autrement j'aurais couru le. plus grand danger.
Aussitôt que j'ai été libre, j'ai rassemblé , ma compagnie, et m8 sUis transporté dans la place d'Armes, M partie dp nia diyisipri était déjà rangée sur 3 ligqes. Gomme il se faisait différentes décharges de mousqueterié, une balle est venue me frapper à la .tête : j'ai été emporté çfipz moi blessé; où j'ai été un mois à guérir, cë qui m'a fait donner ma démission dé capitjiiqe . Tel est l'exposé au vrai dq topt ce que j'ai vq et qui est parvenu à ma. connaissance : en fui §ë quoi j ai signé le présent, à Versailles, ce vingtdeqx dépembre mil sept fiint quatre-yiht-ueuf,
Il se trouve dans le contenu de la présenté déclaration dix-huit mots f$ityî somme . hljls. Approuvé le contenu de ta présente déclaration, comme sincère et véritable. Signé : MettereàU, ancien capitaine de la garde riàilonfrle de Versailles, et faisant, les fonctions d'aidé de camp auprès de M. le comte d'Estaing.
NoX
Déclaration de la veuve Ruvet.
Lp qpât?p janvier mil sépj; cent qiiatre-vjhgt-dixqstcQmparue par-devant nous Ànne-Margq^ritq Handel, yeiivé dp François Ruvet, dempufanf rqe jfp la Ohanyerrgrje, n° if ; laquelle npqs jj déplarp qu'étant ajlçe a Ver^illps lé, 3 optqbre p'recèqenL pdi^r se§ affaire^ qqmpie elje se rej^ dait sur les ç|nq heyire^ /cliez M. façgçtj ppur consulter,,n pue jehçpntr^ d^ns l'avèpiie aé. Paris ùpe ' trpjipe, de femmps ef/d'nqini^ës armés de piques ; ptusièurs ^'eutrë cps fpjnmçs lq pr9VûquèrenL la. squpçQnnânt çl'êtrg qpè aristocrate (c'était le mot aoqt elles il seryirëni;) et l'entraîpérept à la saljq «Je l'Assemblé^ pâtjpq^ile, où plié; passa le j^iiit aveq éliës, jusqu'environ cinq heures et demie.» jue ces femmçs se déterminèrent à aller àu château, et l'entraînerënt de nouveau aveq qUes flans les cours du châtëau^ où elle fut excès cpmqais, contré les
gardes dit corps, et ëptpndit différentes femaies crièr, lorsqu'pn apprit que M. qe La Fàyettp sauvât quelques gardes ay corps et demanqq.it leur grâce, que c'était lin traître il la nation eç qu'il faî® s'en ài&m, E!)e s'approc^ plus p^rtipu-î^remeqt q'iin jgrpppe cj.e .feoqtgie^ gqi étaient près des qrp^s ;4u P^té de 1'appartenièqt de Mm« glisahetb, e£ op se trouvait un particulier ayee l'uni/prmo national, taille de c|nq Died^f qpatrè pqiipes environ, yisqge ovàlé ,et j^emëj, nez aqujlin, grande boucfteV sodrçiïs ëpàis, chevelure "forte et poire, §,vec un chapeau rabattu^ sur les, yeux, portant upe croix dp Malfëj fie particulier lui parut glissçf dp i argept aansja maip ,ae ce^ femmes , qm se pressaient toutes autour qe lui i, elle, 1 enteqgit leur dire qu'ji fallàii respecter M. le Dauphin et Monseigneur le duc d'Qriéan3. mais qu'il fajlait gypir Ta Jte|e de là veine èt de Si. de La Fayette; que ce dernier était iip traître., puisqu'il n était parti de Par^s qUjé malgré luij très tard, et qu'étaht ail pont
Louis XVI, il s'était écrié : Faut-il que je trahisse mon roi ! Qu'on avait été obligé de le faire marcher en tirant à côté de lui quelques fusils en l'air. Elle vit parmi ces femmes une qui avait beaucoup de barbe, une figure affreuse, et une espèce de faucille, et qui s'écria : c'est moi qui lui couperai la tête, à cette g.... La veuve Ruvet s'a^ançe vers ce particulier, et lui dit qu'il cherchait à tirer les marrons du feu avec la patte du chat ; que cet assassinat était une chose affreuse ; mais que si c'était une chose si glorieuse, et s'il y avait quelque récompense, il n'avait qu'à le faire lui-même ; sur quoi ce particulier lui répondit qu'elle ne savait ce qu'elle disait. La veuve Ruvet lui répartit que ce n'était point à eux à se mêler de tous ces différends ; qu'ils étaient faits pour obéir, et non pour assassiner leur souverain ; qu'ils se feraient le plus grand mal, parce que certainement les troupes nationales ne souffriraient point cet assassinat, et qu'elles tireraient sur les assassins les canons qu'on avait amenés : sur cette réponse une de ces femmes s'écria qu'elle parlait comme une aristocrate, lui porta un coup violent sur la poitrine, qui lui a fait cracher longtemps le sang, et dont elle s'est ressentie pendant plus de trois mois. Ce coup n'a pas empêché la veuve Ruvet de les exhorter de nouveau à se tenir tranquilles ; mais ces femmes lui répondaient qu'on leur donnait de l'argent pour cela ; que c'était un officier de la garde nationale, et qu'elles voulaient avoir M. le duc d'Orléans sur le trône, et tuer M. de La Fayette. La veuve Ruvet leur disait toujours que ce serait amener les plus grands malheurs et la guerre civile, et qu'il valait mieux qu'elles gardassent l'argent et se tinssent tranquilles; elle entendit encore deux de ces femmes dire, lorsque M. de La Fayette rentrait, après avoir sauvé les gardes du corps, qu'il faudrait prendre le moment où un particulier avec deux épaulettes, qui accompagnait M. de La Fayette, le quitterait, pour se défaire de lui. La veuve Ruvet entendit dire que ce particulier était un commandant de bataillon; elle l'a vu et reconnu depuis, à un corps de garde de la rue Quincampoix.
La veuve Ruvet a de plus déclaré que le lundi 28 décembre dernier, elle a rencontré, sur les cinq heures du soir, aux Tuileries, où elle était allée pour tâcher de présenter un placet à Mme Elisabeth, ce même particulier, habillé d'un habit rayé, et avec sa croix dé Malte, qui l'a abordée, l'a interrogée sur ce qu'elle faisait ; et apprenant d'elle que divers malheurs l'avaient réduite dans un état de détresse, il lui dit comme elle était douée de beaucoup d'intelligence, il pouvait lui être utile ; que cela dépendait d'elle. Il a ajouté qu'il était impossible que l'état de choses actuel durât ; que les représentants de la Commune à l'hôtel de ville n'agissaient que pour leur intérêt ; que quand ils auraient fait leur coup, ils s'en iraient; que l'ancien ordre de choses reviendrait ; que la noblesse et le clergé reprendraient le dessus; que la nation serait alors sacrifiée ; qu'il fallait prévenir cela, et que si la veuve Ruvet voulait se prêter à faire des commissions pour des personnes qui voulaient rétablir les choses, elle n'aurait qu'à venir tous les jours aux Tuileries avec une camisole à longues manches, sur lesquelles seraient des boutons qu'on lui donnerait, et qui serviraient à la faire reconnaître; que la veuve Ruvet lui déclara qu'elle était bonDe citoyenne; qu'elle ne se prêterait à rien de ce qui serait contraire à l'intérêt de la nation ; que tout en prolongeant cette conversa-
tion, ce particulier la conduisit jusque dans les Champs-Elysées, toujours l'exhortant à se prêter au rôle qu'on voulait lui faire jouer; que la veuve Ruvet témoignant quelque effroi d'être seule si tard et au milieu de la nuit, ce particulier chercha à la rassurer et lui dit qu'on lui donnerait une carte afin de lui procurer une entrée libre dans tous les appartements de la Cour, où elle aurait l'air d'aller présenter un mémoire. Ensuite il appela un autre particulier qui le suivait à quelques pas, et lui demanda quelle était la dame qui était de semaine chez la reine; ce particulier parla si bas qu'elle ne l'entendit pas. Gomme ils étaient dans les Champs-Elysées, ce dernier s'approcha et demanda au particulier s'il avait bientôt fini, en lui ajoutant que c'était une marchandise dont il fallait se défaire. Celui-ci répondit en le priant de faire tenir son cabriolet au Gours-la-Reine, et continua à exhorter la veuve Ruvet à se charger de ces commissions, en lui promettant beaucoup d'argent. Voyant qu'il ne réussissait pas, il voulut employer un ton doucereux, et se porta même jusqu'à caresser le menton de la veuve Ruvet ; ce qui l'indigna tellement que d'un coup de pied elle l'étendit à terre, se jeta sur son épée, la tira, lui donna un coup, et se sauva précipitamment. Elle rencontra en fuyant l'autre particulier qu'elle avait déjà vu à côté du cabriolet, et lui dit que son camarade le demandait, le tout afin de l'empêcher de la poursuivre. Lecture à elle faite de la présente déclaration, a reconnu qu'elle était vraie, excepté que l'offre de la carte lui a été faite dans les Tuileries, et non dans les Champs-Elysées.
Je certifie que les faits contenus dans la présente déclaration sont véritables, et j'offre de venir déposer en justice. Ce quatre janvier 1790.
Veuve Ruvet.
N° XI.
Déclaration de M. Regnier.
Le vingt-cinq septembre mil sept cent quatre-vingt-dix, est comparu devant moi, membre du comité de recherches de la municipalité de Paris, M. Marcel Regnier, un des électeurs réunis au 14 juillet 1789, lequel a déclaré qu'il a vu avec surprise dans le recueil de la procédure criminelle instruite au Châtelet de Paris sur la journée du 6 octobre, partie première, page 224, que M. de Mirabeau le jeune a déposé que l'homme qui tenait la buvette de l'Assemblée nationale, du côté de la rue des Chantiers, et qui vend actuellement des brochures sous le couloir qui conduit de la salle de l'Assemblée aux Tuileries, avait distribué des comestibles avec profusion à tous venants, et que deux personnes lui ayant demandé qui est-ce qui le payerait, il avait répondu : M. le duc d'Orléans m'a dit que je pouvais donner ; que le déclarant était, lors de cet événement, dans la matinée du 10 octobre, à la tribune des suppléants ; qu'à côté de lui était un jeune homme, qui doit être le buvetier dont parle ledit sieur de Mirabeau le jeune dans sa déposition; que ce jeune homme dit au déclarant et à d'autres personnes présentes, qu'il était extrêmement fatigué, ayant distribué toute la nuit du pain, du vin, des cervelats et autres comestibles au peuple, qui était dans la salle de l'Assemblée nationale ; qu'il en avait reçu l'ordre de M. Mou-
nier, président de l'Assemblée; ordre qu'il montra, tant au déclarant qu'à plusieurs autres des personnes qui étaient dans la tribune; que le déclarant croit se rappeler que ledit ordre était effectivement écrit en entier de la main de M. Mounier; qu'ayant vu hier ledit buvetier, qui vend aujourd'hui des livres à l'entrée de l'Assemblée nationale, près les Tuileries, le déclarant lui demanda s'il se rappelait lui avoir montré cet' ordre de M. Mounier ; qu'il lui a répondu qu'il devait l'avoir encore, attendu qu'il n'était pas encore payé; que lui ayant demandé son nom, afin de pouvoir le citer, il lui a dit s'appeler Brille, et querson mémoire de fourniture se monte à cent soixante-dix livres quelques sous. Ajoute le déclarant qu'il ne connaît point les personnes qui étaient avec lui dans la tribune des suppléants, lorsque le buvetier leur montra cet ordre de M. Mounier. Lecture faite de ladite déclaration, M. Regnier a déclaré y persister, et a signé avec moi; seize mots et trois chiffres à la quatrième ligne rayés comme nuls.
J.-Ph. Garran, Regnier.
N° XII.
Lettre de M. le procureur du roi du Châtelet à M. Chabroud, avec la liste des témoins à assigner.
Monsieur, j'ai l'honneur de vous adresser les trois listes des témoins qui m'ont été indiqués sur la dénonciation des faits du 6 octobre 1789, et que vous avez pris la peine de me demander. Comme ces listes sont celles qui m'ont été remises par M. le procureur-syndic de la part du comité des recherches de la municipalité, je vous prie, lorsqu'elles ne vous seront plus utiles, d'avoir la complaisance de me les faire repasser, afin que je les fasse joindre au reste de la procédure.
M. le rapporteur de l'affaire du sieur abbé de Douglas, étant, Monsieur, dans ce moment-ci à la campagne, j'ai fait reprendre toutes les pièces de la procédure dont j'aurai l'honneur de vous donner communication quand cela pourra vous convenir. Je voudrais savoir le moment qui vous sera le plus commode, afin de m'arranger de manière à me trouver chez moi.
J'ai l'honneur d'être très respectueusement, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur,
de flandre.
Paris, ce premier
LISTE DES TÉMOINS A ASSIGNER.
MM., le comte de Luxembourg, capitaine des gardes.
le marquis d'Aguesseau, major des gardes, rue de Ventadour, n° 8.
Sudan, valet de pied de la reine.
Gondrau, capitaine de la compagnie centrale de Saint-Philippe-du-Roule, rue des Saussaies, n° 6.
Théodore de Bery, valet de pied dsuisses de la garde ordie la reine.
Rodolphe de Bery, valet de pied de la reine.
Biaise Etienne, feutier de la reine.
Baudart, l'un des cent-naire du roi.
le duc d'Ayen.
• Regnier, ancien contrôleur à la cour des aides, rue Basse, porte Saint-Denis ou rue d'Orléans.
MM. Durepaire, garde du roi, cul-de-sac des Petits-Pères, n° 6. Duval Dumets, garde du roi. Joseph Bernard et Joseph Valdony, deux des cent suisses.
de Champseru, docteur en médecine, rue du Hasard.
le chevalier de Maubourg.
le marquis de Maubourg, député, donnera sa de meure.
Chaussard, capitaine d'infanterie, aide de camp de M. le duc d'Ayen, à l'hôtel de Noailles, rue Saint-Honoré. Le Cointre, négociant, et lieutenant-colonel de la
garde nationale, à Versailles, le comte d'Estaing, ci-devant commandant de
ladite garde. Jouanne, négociant et capitaine de ladite garde. Esnard, jeune, caporal dans la compagnie do Jouanne.
Simon, graveur de la maison d'Orléans, au Palais-Royal.
Jean Bernard et Jean Valdony, des cent-suisses. Mm0' de la Varenne, portière du petit hôtel d'Aligre, rue Saint-Honoré. la marquise de Tourzel, gouvernante des enfants
de France. Adélaïde et Victoire, tantes du roi. la duchesse de Narbonne, dame d'honneur de
Madame Adélaïde, la comtesse de Chastellux, dame d'honneur de Madame Victoire. MM. Bergasse, Mounier et Lally-Tolendal. de La Fayette, commandant général. George Mandier, caporal de Flandres, compagnie
de Champagny. Julien, avocat au parlement, et aide de camp de
M. de La Fayette. Denise, sergent-major de la garde nationale de
Versailles, compagnie de Simon. Amelin, commandant de bataillon de la garde
nationale de Paris, de Vareilles, ancien contrôleur de la régie, et sergent-major de la compagnie de Jouanne, à Versailles.
Grincourt, lieutenant dans la môme compagnie.
Mutel, conseiller au Châtelet.
Roussilhe de Champseru, médecin.
le duc d'Ayen.
le baron de Totl, en Suisse.
le comte de Luxembourg.
Henry, député à l'Assemblée nationale, avocat du roi à Orléans. Mm0 Thibault, femme de chambre de la reine. M1,e Larrivée, du district des Filles-Saint-Thomas, rue Grétry, n° 1.
MM. Gondrau, capitaine de la compagnie du Centre district Saint-Eustache. Borey, valet de pied, et Etienne, feutier de la reine.
Sudan, valet de pied de la reine; ils sont deux frères au même service. Mm0 Elisabeth, sœur du roi. MM. Rousseau, fondeur, rue de la Verrerie.
Caze, maître des requêtes. Monsieur et Madame. Les valets et les femmes de chambre.
MM. Durups de Baleine,capitaine au bataillon de Condé, et secrétaire au départament de la guerre. Bluteau, capitaine de la garde nationale de Versailles. le chevalier de Maubourg.
Mattereau, ancien capitaine de la garde nationale de Versailles, et faisant fonctions d'aide de camp auprès de M. le comte d'Estaing. l'abbé Dupré et l'abbé Pommier, habitués à Saint-Roch.
Carra, de la bibliothèque du roi. Diot, député d'Artois à l'Assemblée nationale. Mmo Augué, femme de chambre de la reine. MM. Gibiard, fondeur, rue de Lappe, faubourg Saint-Antoine.
le comte de Chastellux, écuyer de Madame Victoire*
le vicomte de Narbonne, écuyer de Madame Adélaïde.
Mm" les femmes de chambre de ces deux princesses, de service au mois d'octobre dernier, la marquise de Combarel.
la veuve Ruvet, demeurant rue de la Chanverrerie, n° 18.
MM. Joyminy, entrepreneur de bâtiments, et capitaine de la garde nationale de Versailles.
Mm" Gailliara, rue Froid-Manteau, n° 40.
Richard, rue Jean-Tison, maison de madame Pi-chault, fruitière.
No XIII.
Du
Brouillon de lettre de M. le comte d'Estaing à la reine.
Il m'est impossible de ne pas mettre aux pieds de la reine le véridique hommage de mon admiration. La fermeté inébranlable avec laquelle Sa Majesté s'est refusée à la proposition de se séparer du roi, est décisive; la reine triomphera de tout; elle aidera à sauver la monarchie, et nous lui devrons le repos ; mais il faut qu'elle croie uniquement ses vrais serviteurs. L'ondulation des idées a plus d'une fois pensé tout perdre. Le roi a toujours voulu le bien; c'est en sacrifiant tout au désir de le faire qu'il est arrivé, comme il le disaitlui-même avant-hier,au point où nous en sommes. Plusieurs de ses anciens ministres, si calomniés, si dévoués à la haine, ne l'ont peut-être méritée que par l'instabilité des principes, et des démarches (puisse ce mot m'être pardonné I) qu'ils n'ont peut-être pu empêcher. Ge malheureux dîner, la santé à la nation omise de dessein prémédité, la visite qui aurait pu tout réparer si cette santé avait été portée par des bouches augustes, et qui a caractérisé le mal, parce que tout a été interprété à contre-sens ; le dîner aussi impromptu et aussi nuisible du lendemain ; de si faibles erreurs, si peu importantes dans tout autre temps, ont persuadé ce qui n'était pas, et le malheur que j'avais prévu est arrivé. Si le roi n'avait pas été à la chasse, et que j'eusse pu lui parler lorsque l'on m'a dit formellement qu'on ne voulait pas boire à la nation ; si au moins à son retour la visite ne m'avait pas été cachée, d'innocentes victimes... ce tableau est affreux, mais je dois encore en rappeler une partie. Le hasard, car il est plus consolant d'y croire qu'aux complots, a fait ensuite partir avant-hier deux coups de pistolet; ils ne sont pas des gardes dU Corps; ils étaient tirés de trop bas pour venir de gens à cheval ; la fureur que les imputations avaient préparée s'est enflammée. Je me suis vainement placé devant les fusils; j'ai détourné ou relevé les coups ; j'ai inutilement crié que j'aimais mieux qu'on tirât sur moi. La plupart de ces frénétiques, en me respectant, en m'assurant qu'ils préféreraient de se tuer eux-mêmes à me faire du mal, m'ont désobéi, et m'ont fait courir tout le risque d'un combat. Cinq furieux qui me menaçaient de me tuer si je ne faisais pas délivrer des cartouches, se sont laissé entraîner par moi, sans s'en apercevoir, dans l'intérieur des cours ; et là, au milieu de tous les gardes à cheval, et devant M. d'Agues-seau, ils ont continué leurs imprécations. Un mot d'un de nous, et ils étaient exterminés; ils le voyaient alors, et ils ne se taisaient pas. Tels furent dans tous les temps les martyrs de l'en-
thousiasme; il est indispensable que les rois s'en rappellent souvent la force.r
Il en faut un autre enthousiasme; et qui plus que la reine a le pouvoir de le faire naître? Là voilà dans ce Paris, qui le reçoit si vite et qui le communique de même. La route a été terrible ; elle doit être oubliée; ce grand théâtre est digne de Votre Majesté : il peut résulter de grands biens du malheur passé : l'Assemblée nationale peut enfin en recevoir le mouvement; sa mortelle inertie ne sera plus possible ici; bientôt la reine, avec quelques soins, sera adorée ; ellè fera mouvoir Paris. Qu'elle se croie encore madame la dànphine; qu'elle daigne oublier les torts qu'on a eus, et ils n'en îiuront plus. Votre Majesté m'à aperçu hier au milieu d'eux tous ; je l'atteste, la foule criait iVNe la reinei qu'elle est belle, disaient-ils I comme elle caresse ses enfants! qu'ils sont charmants? n'a-t-elle pointpeur? empêchez donc qu'on ne tire; et puis c'était-.Vive la nation, vive le roi ! Ah ! Madame, sbyez notre première citoyenne; pensez-le, dites-le, prouvez-le; et vous seriez tout si vos principes vous permettaient de le vouloir. Je l'ai écrit, je l'ai répété, et cela n'est actuellement que trop démontré ; nous en avons une triste preuve de plus : la seule noblesse ensemble était les gardes du corps; et hier le peuple, depuis les faubourgs, n'a fait que crier à bas la calotte. Le clergé et la noblesse n'ont, que le roi pour les sauver; ils achèvent de se perdre sans le vouloir; leurs impuissantes-et tardives tentatives entraîneront la couronne avec eux. M. de La Fayette m'a juré en route, et je le crois, que les atrocités avaient fait de lui Un royaliste : tout Français le doit être jusqu'à un certain point; il n'a pas à choisir; nous nous sommes donné la main : je lui ai offert de le seconder dans le peu que je puis; et quelque contraire que cela soit à mes goûts et à mon âge, s'il le veut, et qu'il le trouve nécessaire, je lui tiendrai parole ; c'est à mon devoir que je l'ai donnée. La dernière chose que j'ai dite au roi et qui acquerrait quelque valeur si la reine la rappelait, c'est qu'il fallait avoir confiance dans M. de La Fayette, et l'en persuader. Je n'ai parlé qu'une fois d'affaire à M. Mercy : cette seule fois m'a suffi pour me convaincre qu'il pense comme moi; il dirait, je crois de même, s'il avait vu les mêmes choses.
N° XIV.
Brouillon de lettre de M. le comte d'Estaing à la reine.
Mon devoir et ma fidélité l'exigent... il faut que je mette aux pieds de la reine le compte du voyage que j'ai fait à Paris. On me loue de bien dormir la veille d'un assaut ou d'un combat naval. J'ose assurer que je ne suis pas timide en affaires. Elevé auprès de monseigneur le dauphin qui me distinguait, accoutumé à dire la vérité à Versailles dès mon enfance, soldat et marin, instruit des formes, je les respecte sans qu'elles puissent altérer ma franchise ni ma fermeté... Eh bien! il faut que je l'avoue à Votre Majesté, je n'ai pas fermé l'œil de la nuit. On m'a dit dans la société, dans labonne compagnie, et que serait-ce, juste ciel, si cela se répandait dans le peuple ? on m'a répété que l'on prend des signatures dans le clergé et dans la noblesse. Les uns prétendent que c'est d'accord avec le roi, d'autres croient
que c'est à son insu. On assure qu'il y a un plan de formé; que c'est par la Champagne ou par Verdun que Je roi se retirera ou sera enlevé; qu'il ira à Metz. M. de Bouillé est nommé, et par qui? par M. de La Fayette, qui me l'a dit tout bas à table chez M. Jauge. J'ai frémi qu'un seul domestique ne l'entendit. Je lui ai observé qu'un mot de sa bouche pouvait devenir un signal de mort. Il est froidement positif M. de La Fayette... Il m'a répondu qu'à Metz comme ailleurs, les patriotes étaient les maîtres, et qu'il valait mieux qu'un seul mourût pour le salut de tous. M. le baron de Breteuil, qtii tarde à s'éloigner, conduit le projet. On accapare l'argent, et l'on promet de fournir un million et demi par mois. M. le eômte de Mercy est malheureusement cité comme agissant de concert. Voilà les propos î s'ils se répandaient dans le peuple, leurs effets sont incalculables. Cela se dit encore tout bas. Les bons esprits m'ont paru épouvantés des suites : le seul doute de la réalité peut en produire de terribles (1). J'ai été chez M. l'ambassadeur d'Espagne, et c'est là, je ne le cache point à la reine, où mon effroi a redoublé. M. de Fernarid-Nunez a causé avec moi de ces faux bruits* de l'horreur qu'il y avait à supposer un plan impossible, qui entraînerait la plus désastreuse et la plus humiliante des guerres civiies, qui occasionnerait la séparation ou la perte totale de la monarchie, devenue la proie de la rage intérieure de l'ambition étrangère, qui ferait le malheur irréparable des personnes les plus chères à la France. Après avoir parlé de la cour errante, poursuivie, trompée par ceux qui ne l'ont pas soutenue lorsqu'ils le pouvaient, et qui voudraient (2) encore, qui veulent actuellement l'entraîner dans leur chute par là,et m'être affligéd'unebanqueroute générale, devenue dès lors i ndispensable et de toutes épouvantable (3), je me suis écrié que du moins il n'y aurait d'autre mal que celui que produirait cette fausse nouvelle, si elle se répandait, parce qu'elle était une idée sans aucun fondement. M. l'ambassadeur d'Espagne a baissé les yeux à cette dernière phrase; Je suis devenu pressant, et il est enlin convenu que quelqu'un dé considérable et de croyable 1 ui avait appris qu'on lui avait proposé de signer une association. If n'a jamais voulu me la nommer; mais soit par inattention, soit pour le bien dé la chose, il n'a point heureusement exigé une parole qu'il m'aurait fallu tenir. Je n'ai pas promis de ne dire à personne Ge fait : il m'inspire une grande terreur que je n'aijamais connue : ce n'est pas pour moi que je l'éprouve. Je supplie la reine de calculer dans sa sagesse tout ce qui pourrait arriver d'une fausse démarche : la première coûte asse? cher. J'ai vu le bon cœur de Sa Majesté donner des larmes au sort des victimes immolées ; actuellement ee serait des flots d'un sang versé inutilement qu'on avait à regretter. Une simple indécision peut être sans remède; ce n'est qu'en allant aU devant du torrent, ce n'est qu'en le caressant , qu'on peut parvenir à le diriger en partie. Rien n'est perdu : la reine peut reconquérir au roi son
royaume; la nature lui en a prodigué les moyens : ils sont seuls possibles : elle peut imiter son auguste mère; sinon je me tais. Le trouble d'hier au soir n'était rien. Il me paraît que le boulanger nommé Augustin, demeurant rue Sainte-Famille a voulu vendre uu pain quatre fois plus cher. Il a vu le réverbère descendu, la corde prête; ses pauvres meubles ont été brûlés : il sera jugé; et ceux qui allaient faire justice eux-mêmes le seront aussi*
Je supplie la reine de m'accorder une audience pour un des jours de cette semaine.
No XV.
Du
Général, je suis trop attaché au roi, je le suis trop à votre personne, pour vous taire ce qui vient de m'être dit à l'Assemblée nationale par des députés. Je suivrai la conversation.
D. Etiëz-vous du dîner de jeudi?
R. Non.
D. Ç'aété une belle orgie. On y a porté la santé du G. d'Ar. On a envoyé au f... l'Ass. nat.
R. Vous avez été trompés. Je jurerais sur ma tête'qu'il n'y a pas un mot de cela.
D. C'est très vrai. Et de plus, on nous a assuré quë trente grenadiers étaient disposés à venir le sabre à la main dans la salle nous forcer à boire à la santé du G. d'A.
R. Ge propos prouve le fâux du premier : si vous voulez y réfléchir, vous le sentirez mieux que moi.
D. Tout est possible. D'ailleurs, On peut faire venir le G. d'Es. rendre compte de sa cbbduite.
R. Je la réponds pure, et je suis certain que ses réponses seraient aussi simples que son honneur est intact.
D. Il se trame encore quelque chose.
R. MM. Que peUt-on faire? Vous régissèz tout. Les représentants delà nation peuvent-ils craindre, au milieu de& m. de patriotes? MM. les nqouches vous paraissent de aigles; les grands intérêts qui remplissent vos têtes, grossissent tous les objets à vos yeux. J'ai quitté.
Il est vrai que le propos a été tenu sur la terrasse par un homme ivre ; mais de cette manière V.: le R. et la R. AU F. l'Ass. nat. et le due d'O.
Permettëz-moi actuellement* général, une réflexion. La réponse de la reine dit qu'elle est enchantée de la journée de jeudi. Le jeudi déplaît généralement. Cette citation déplaira; ce jour était celui des gardes du corps et non le nôtre. Notre jour de fête était mercredi. Son don était mercredi; sa réponse ne peut être relative qu'à mercredi.' S'il y est cité un jour où nous n'étions qu'une portion invitée nominativement, et non ën,corps, il y aura des interprétations, réflexions qui feront tort à l'intention. Ge inoment mé semble fait pour éviter de donner prise; les choses les plus'simples étant interprétées suivant l'esprit dominant. Je croirais prudeiit de ne pas donner de publicité à ia réponse de Sa Majesté. Votre sagesse, général, appréciera mes réflexions.
Permettez-moi d'en ajouter une autre: tâchez de faire cesser les buvettes: si elles continuent, nous perdrons le Rég. do Flandrë, et peut-être nous demandëra-t-on de renvoyer les gardes du corps. Mes notions ne sont pas fausses.
Je suis avec un profond respect, mon général, •votre très humble et très obéissant serviteur,
Hyver.
N° XVI.
Lettre de M. La Fayette à M. le président de VAssemblée nationale.
Monsieur le Président, j'apprends que dans le rapport fait hier à l'Assemblée, il est question d'une lettre de moi, ainsi que de l'usage irrégulier et mystérieux qu'on en lit. Le billet que voici fut écrit de l'Hôtel de ville, non à M. d'Estaing, mais à M. de Saint-Priest, ministre du département.
Je-suis avec respect, Monsieur le Président, votre très humble et obéissant serviteur,
La Fayette.
Paris, ce jeudi.
Copie du billet écrit par M. de La Fayette au ministre.
Leduc de LaRochefaucauld vous aura dit l'idée qu'on avait mis dans la tête des grenadiers, d'aller cette nuit à Versailles; je vous ai mandé de n'être pas inquiet, parce que je comptais sur leur confiance en moi pour détruire ce projet ; et je leur dois la justice de dire qu'ils avaient compté me demander la permission, et que plusieurs croyaient faire une démarche très simple, et qui serait ordonnée par moi : cette velléité est entièrement détruite par les quatre mots que je leur ai dits, et il ne m'en est resté que l'idée des ressources inépuisables des cabaleurs. Vous ne devez regarder cette circonstance que comme une nouvelle indication de mauvais desseins, mais non en aucune manière comme un danger réel. Envoyez ma lettre à M. de Montmorin.
On avait fait courir la lettre dans toutes les compagnies des grenadiers, et le rendez-vous était pour 3 heures à la place Louis XV.
N° XVII.
Lettre de M. La Reynie à M. lie président du comité des recherches.
Monsieur le Président, je ne prétends pas prononcer sur les intentions des juges du Ghâtelet dans l'instruction de la procédure criminelle dont on a commencé hier le rapport à l'Assemblée nationale : mais on pourrait, je pense, leur demander pourquoi ils ont préféré les dépositions d'uneinfinité de personnes absentes de Versaillés, à celles d'une infinité d'autres personnes qui auraient pu jeter un grand jour sur cette affaire. Pourquoi, par exemple, le sieur Hulin, qui marchait à la tête des volontaires de la Bastille le 5 octobre, et qui arriva cinq heures avant l'armée parisienne, n'a-t-il pas été entendu? pourquoi vingt autres de ses camarades ne l'ont-ils pas été? pourquoi ne l'ai-je pas été moi-même? par la même raison que M. Le Gointre et M.....ne le furent pas.
Cependant je dois à la vérité de dire qu'un émissaire du Ghâtelet, que je nommerai, vint au mois de février me tâter pour savoir à peu près ce que j'avais à dire, en m'avertissant que j'allais être assigné. Apparemment que, de même que MM. Le Gointre et Hulin, je savais trop de choses, et que je ne savais pas ce qu'on voulait que je susse. Je déclare que j'ai presque tout vu dans ces deux fameuses journées; que j'ai tout médité, et que j'indiquerai vingt autres personnes qui n'ont pas plus démérité que moi dans leur poste de citoyen dans ces moments tumultueux, qui auraient dû être consultées. On a fait déposer tant de gens qui ont entendu par d'autres à qui on avait dit avoir appris, etc., qu'il me semble à propos de faire enhn déposer ceux qui ont vu de leurs propres yeux et entendu de leurs propres oreilles.
Je demande donc au nom de tous les amis de la Constitution, et j'y suis autorisé, que si l'on donne quelque suite à cette étonnante procédure, l'Assemblée nationale ordonne que les bons citoyens, lés véritables témoins de cette affaire, soient entendus avant de prendre aucun parti.
Je suis avec un profond respect, Monsieur le Président, votre très humble serviteur.
J.-B. Louis La Reynie, çi-devant aide-major de la garde nationale parisienne, et l'un des vainqueurs de la Bastille.
N° XVIII.
Extrait du registre de police du comité du Gros-Caillou adresséau rapporteur, le \er octobrelTèQ.
Gejourd'hui premier octobre mil sept cent quatre-vingt-dix, le comité assemblé, il a été fait lecture du rapport de M. Ghabroud à l'Assemblée nationale, rapporté par le postillon par Calais ; il y est dit, page 7 : « Vers six heures du matin du « six octobre,le sieur Lasserre monte avec la foule « le grand escalier: « Allons,disait le peuple, nous « avons notre père à la tête.--Quel est votre père, « lui dit le sieur Lasserre ? —Est-ce que vous ne « le voyez point? il est là? » Alors le sieur Lasserre « se lève sur ses pieds, aperçoit M. d'Orléans, « sur le second palier, indiquant la salle des « gardes du corps du roi. D'autres témoins s'ac- « cordent sur ce fait et sur d'autres antérieurs et « postérieurs. »
Le sieur Bisseau, ici présent à la lecture de ce paragraphe, a dit que le six octobre étant avec soixanter hommes qu'il commandait, à la hauteur de l'église d'Auteuil, près le Point-du-Jour, sur la toute de Versailles, à sept heures et demie du matin, il a vu M. d'Orléans étant dans un carrosse attelé à quatre chevaux, venant de Paris, et allant à Versailles ; que sa troupe a porté les armes, et qu'il les a salués. Il ajoute que lui avec ses soixante hommes, allant aussi à Versailles, ont rencontré, dans l'avenue du Point-du-Jour au pont de Sèvres, sept ou huit hommes portant deux têtes sur des piques, et il juge que M. d'Orléans peut les avoir rencontrés a Sèvres. — Signé à l'original : bisseau.
Et tout de suite les sieurs Pognot, Brossard, Larcher et Perisé ont été mandés. Il leur a été fait lecture de la déposition du sieur Bisseau; ils ont déclaré être du nombre des soixante citoyens armés, qui ont été à Versailles avec ledit sieur Bisseau; que sa déclaration ci-dessus contient vé-
ri té dans toutes ses parties ; qu'ils y donnent leur adhésion; et ont signé à l'original, Larcher, Brossard, Pognot, Perisé.
Gollationné conforme à l'original :
Giraud, secrétaire greffier.
Nota. Les déposants offrent un plus grand nombre de témoins.
fait lecture d'une lettre de M. de La Fayette, concernant le rapport de M. Cha-broud.
On demande que cette léttre soit imprimée à la suite du rapport.
Cette motion est adoptée.
(Voyez cette lettre insérée dans les pièces justificatives ci-dessus, sous le n° XVI).
Messieurs, la calomnie qui s'attaque à la vertu n'obtient jamais que des succès bornés, que des triomphes passagers. En vain les scélérats, qui avaient tant d'intérêt à tromper le peuple et à l'égarer, qui avaient tant d'intérêt surtout à se frayer un chemin facile jusque dans l'asile sacré de nos rois, ont entrepris de diffamer les gardes du corps : la voix publique les a bientôt vengés. — Dans cette prétendue orgie devenue le prétexte malheureux de tantde crimes, tout homme sage n'a vu qu'un repas fraternel, consacré par l'usage entre les corps militaires, et dont l'intention était innocente et pure. Pour la première fois, dans cette tribune, et dans un rapport qui, je l'avoue, m'a paru un modèle de plaidoyer pour tous les grands criminels, on a osé avancer que, dans les affreuses journées des 5 et 6 octobre, les gardes du corps avaient été les agresseurs. On a osé plus, on a eu l'étrange courage, dirai-je de s'étonner ? dirai-je de s'applaudir? de ce que deux têtes seulement ont été coupées. On a tenté de rejeter sur les prétendues violences de ces guerriers, que j'appellerai vraiment stoïques, et qui se sont laissé égorger sans résistance,, de rejeter, dis-je, sur eux, les atrocités qui, dans la matinée du 6 octobre, ont souillé le palais de nos rois, et entaché à jamais notre histoire. Vains efforts ! méchanceté inutile I Vous tous vous avez été témoins des faits.
Vous tous, vous avez lu les pièces du procès, les seules dispositions légales et juridiques. La vérité est au grand jour. La France et l'Europe entière savent que les gardes du corps, toujours fidèles à l'honneur, toujours fidèles a la nation, à la loi et au roi, les gardes du corps qui ont tant de fois combattu pour la patrie, et qui l'ont quelquefois sauvée, n'ont jamais été si grands que lorsque, par excès d'amour et d'obéissance pour le roi, ils ont laissé enchaîner leur courage; héroïsme sublime qui n'eut jamais de modèle ni d'égall Oui, Messieurs, jamaisils n'ont été plus dignes d'hommages etde respects que le jour où, frémissant de rage et de désespoir, ils se sont laissé massacrer sur les marches du trône que le roi leur avait interdit de défendre. Ils sont tombés, victimes innocentes, sous le fer des assassins :et l'on ose encore outrager leurs cendres I Mais, Messieurs, en se sacrifiant, ils ont sauvé la reine, ils ont sauvé le roi, peut-être, et ils sont morts contents.
Pour moi, Messieurs, membre de ce corps respectable, auquel j'ai toujours fait gloire d'appartenir, et qui ne m'a jamais été plus cher que depuis qu'il est malheureux, de ce corps dont l'honneur et la loyauté furent toujours les seuls guides, je craindrais d'être désavoué par lui, si
je m'abaissais à le justifier, si je m'abaissais à repousser des calomnies grossières, et qui partent de trop bas pour l'atteindre. En réponse au récit d'un sieur Le Cointre, en réponse a la déclaration illégale de cet homme, trop connu pour que son témoignage dût être compté, en réponse aux allégations de M. le rapporteur, qui n'a pas craint de s'appuyer d'un tel témoignage, j'opposerai seulement quatre cents ans de courage, de victoires et de vertus, et malgré leurs lâches détracteurs les gardes du corps du roi, mes braves frères d'armes, seront toujours ce qu'ils ont été ; ils seront toujours, tels que Bayard : sans peur et sans reproche. (La partie droite applaudit.)
(On demande l'impression du rapport fait par M. Chabroud.)
Le rapport est déjà imprimé ; il ne peut être trop tôt distribué. Il est temps que cette question qui couvre de blâme quelques membres de l'Assemblée soit profondément discutée. Je demande qu'il me soit permis d'inviter M. de Bonnay à plaider contre les grands criminels, et je prpteste de ne point prendre ma revanche sur le repas fraternel dont il vous a fait l'apologie.
Je déclare que mon dessein n'a pas été de discuter la procédure; je reconnais mon insuffisance à cet égard. J'ai dù monter à la tribune, pour justifier un corps dont je suis; quant à l'expression dont je me suis servi de modèle de plaidoyer pour le grand criminel, et que je ne rétracte point, je déclare que je n'ai voulu retracer que la antique sévère à laquelle le rapport de M. Chabroud m'a paru et me paraît encore donner lieu.
(La discussion est continuée au lendemain.)
(La séance est levée à quatre heures.)
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
ex-président,-occupe le fauteuil à raison d'une indisposition de M. le Président.
secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du jeudi soir, 30 septembre.
(de Saint-Lô)secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier, vendredi, 1er octobre.
La rédaction de ces deux procès-verbaux est adoptée.
Si les auteurs des attentats horribles du 6 octobre échappent à 1 a vengeance des lois,
comme nous le présage le rapport de M. Chabroud, à guoi bon conserver plus longtemps des
comités inutiles, tels que les comités
Plusieurs voix à gauche demandent à passer à l'ordre du jour,
Cette proposition est mise aux voix et adoptée.
L'Assemblée a décrété que la cour provisoire établie à Rennes : continuerait ses fonctions jusqu'au 15 du courant; je demande qu'un décret semblable soit rendu pour la cour provisoire de Dijon.
Je fais une proposition plus générale : c'est d'étendre la mesure à toutes les chambres de vacations.
Comme les scellés ont dû être apposés le 30 septembre sur les archives de toutes les cours, aussi bien sur celle de Dijon que sur les autres, et que par conséquent elles ont cessé leurs fonctions, je demande qu'on passe à l'ordre du jour.
(Cette proposition est mise aux voix et adoptée.)
député de Nemours, rapporteur du comité militaire. J'ai été le premier à demander que la nomination aux emplois militaires fût suspendue jusqu'à ce que l'Assemblée eût statué sur le mode d'avancement. Aujourd'hui que cette opération est faite, je vous propose le projet de décret qui suit:
« L'Assemblée nationale décrète qu'ayant arrêté le mode d'avancement dans l'infanterie et dans les troupes à cheval par son décret des 20, 21 et 23 septembre, il sera nommé à l'avenir aux emplois vacants, à l'exception de ceux de sous-lieutenants, d'après les règles qu'elle a établies. »
(Ce projet de décret est mis aux voix et adopté. )
Je fais une motion pour que les comités de Constitution et de jurisprudence criminéîlé àiëht à proposer incessamment le mode d'après lequel les accusations publiques seront intentées et poursuivie^ èt pour que le projet dé décret soit imprimé et distribué 24 heures à l'avance.
(La discussion de cette motion est ajournée à jeudi prochain.)
rapporteur du comité de Constitution.Presque tous les districts ont déjà nommé leurs receveurs. Il vous reste à fixer le traitement auquel ils auront droit. Vous avez aussi décrété qu'ils fourniraient un cautionnement en biens-fonds, mais quelques districts le demandent exorbitant, d'autres le réclament trop faible. Voici un projet de décret que nous vous proposons sur ces objets :
Art 1". Les administrations de chaque district, ou leurs directoires, proposeront la fixation du cautionnement en biens-fonds à fournir par les receveurs du district et celle de son traitement ; ils enverront la délibération qu'ils auront prise à cet effet à l'administration du département ou à son directoire, qui réglera provisoirement la fixa^ tion du cautionnement, d'après lu quotité du recouvrement dont le receveur sera chargé.
Art. 2. Leâ administrations de département ou leurs directoires enverront, sans délai, au comité
de l'imposition de l'Assemblée nationale, l'état motivé de la fixation du cautionnement, ainsi que leurs observations sur le traitement à régler auxdits receveurs.
Art. 3. Aussitôt que ces état? seront arrivés, le comité de l'imposition présentera à l'Assemblée nationale un projet de règlement pour la détermination définitive des cautionnements et des traitements desdits receveurs.
Vos comités s'engagent dans une voie dangereuse en demandant constamment des avis aux corps administratifs. Tous les corps ont une tendance à empiéter; après avoir émis leurs avis, ils vous adresseront des remontrances.
Les cautionnements et les traitements doivent être fixés au marc la livre de la perception des receveurs de district, attendu que ce mode, proportionnellement juste, lève toutes les difficultés.
(Cette motion est renvoyée au comité des finances ainsi que le projet de décret.)
au nom du comité d'imposition, présente un autre projet de décret qui a pour objet de faire connaître les différents droits perçus dans le royaume et le montant des impositions indirectes ; il est mis aux voix et adopté ainsi qu'il suit :
« L'Assemblée nationale décrète que tous les administrateurs, fermiers, régisseurs, directeurs; contrôleurs et receveurs des impositions indirectes, et des différents droits qui se perçoivent dans le royaume, seront tenus de fournir aux administrations de département, ou à leurs directoires, sur leurs demandés par écrit, toutes communications et tous renseignements sur le produit des impositions ou droits dont lesdits administrateurs, fermiers, etc., ont l'administration ou la perception. »
Le comité militaire annonce que dans l'élection par lui faite, pour le comité central, la pluralité des suffrages a été obtenue par : MM. Bureaux de Pusy,
de Noailles, député de Nemours.
M. le garde des sceaux fait parvenir à l'Assemblée une note de 23 expéditions en parchemin concernant les décrets* qui doivent être déposées dans les archives de l'Assemblée nationale.
Expéditions en parchemin pour être déposées dans les archives de l'Assemblée nationale :
« 1° D'une proclamation sur les décrets de l'Assemblée nationale, des 12 et 24 juillet, 3, 6 et 11 août, pour la constitution civile du clergé, et la fixation de son traitement;
« 2° D'une proclamation sur l'instruction de l'Assemblée du 12 août, concernant les fonctions des assemblées administratives ;
« 3° D'une proclamation sur les décrets du 16, concernant l'organisation judiciaire';
« 4° D'une proclamation sur le décret du 23, qui désigne lés villes où seront placés les tribunaux de district ;
« 5° D'une proclamation sur les décrets des 25 août et 2 septembre, faisant suite au décret concernant l'organisation judiciaire ;
« 6° D'une proclamation sur les décrets des 2 et 6 septembre, relatifs à la liquidation des offices et aux dettes des compagnies ;
« 7° D'une proclamation sur le décret du 4 sep-
tembre, qui conserve provisoirement à la dame Coutenceaux son traitement ;
« 8? De lettres patèntes sur le décret du 8* portant que, jusqu'à ce qu'il ait été établi un mode d'impositions uniforme pour tout le royaume, la ci-devant province de Lorraine continuer^ d'être assujettie aux droits qui se perçoivent au profit du Trésor public, et dent l'qboliiion n'a pas encore été prononcée* et notamment à ceux qui se perçoivent à Nancy, sous différentes dénominations; :
« 9° D'une proclamation sur le décret du 9, suivié d'une instruction relative au payement des différentes dépenses qui ont été faites en exécution des lettres deeonvocation du 24 janvier 1789, ou à leur occasion* pour la tenue des assemblées primaires ;
« 10° D'une prqclamation sur le décret du 10, portant suppression de diverses rentes, indemnités, secours, traitements et de la commission établie pour le soulagement de maisons religieuses ;
» 11° D'une proclamation sur le décret du 11 * concernant lë logement de l'intendance du Trésor public et de ses bureaux, et portant que les dé--penses variables, ainsi que celles relatives aux pensions des comédiens français et italiens* et autres relatives aux speetaolës, seront rejetées du Trésor public j
« 12° De lettres patentes sur le décret du 18, concernant l'ordre et la surveillance à observer pOur la perception des droits et impositions in* directes ;
' > 13? De lettres patentes sur le décret du même jour, concernant lë cours des assignats ou prd-messes d'assignats ;
« 14° De lettres patentes sur lë dépret du 13, qui autorise la reconstruction du presbytère de Vanose,et pourvoit à l'imposition pour la dépense;
« 15° Dé lettres patentes sur ledécteil du 14, qui ordonne le versement dans la caisse de l'extra^ ordinaire, des bons et gras de caisses* existants dans les caisses des reoeveurs des impositions dù clergé J
t 16Q D'une proclamation sur le décret du 15* relatif à l'exécution des décrets sur là liberté dé là circulation intérieure des grains, et pàrticu-lièremënt des dispositions prohibitives de toUjë exportation à l'étranger ;
f 17° D'une proclamation sur le décret du 15, portant que la créance desNantukois sera exceptée de l'arriéré ;
« 18° D'une proclamation sur le décret du même jour, portant qu'il sera payé par le Trésor publiG à la caisse des invalides la somme de210*000 livres pour la prestation des oblats ;
« 19° De lettres patentes sur le décret du même joUr, concernant la continuation provisoire des droits perçus sur les boissons ail profit de l'hôpital de LillëJ
« 20° D'une proclamation sur le décret du 17, portant qu'il sera remis à la disposition du diréc-toirè du département dë la Haute-Vienne une somme de-60*000 livres, pour être employée au soulagement des malheureux incendiés dë la ville de Limoges ;
a 2i° D'udë proclamation sur le décret du 48, qui alitorise la municipalité de .Versailles à percevoir le§ droits pferguë ci-devant par Sà Majësté, pour subvenir aux dépenses particulières dé cëtte municipalité et à l'entretien de ses étabiissefnehts publics'
fc 22" D'une proclamation sur le décret du même I jour; portant qUë lout jugemeût postérieùt à la f
publication du décret des 14 et 20 avril dernier, qui tendrait à obliger les locataires ou fermiers ; de biens ci-devant ecclésiastiques de payet en d'autres mains qu'en celles dès receveurs de district, doit être regardé comme non avenu ;
« 23? Et enfin, d'une proclamation sur le décret du 19, par lequel l'Assemblée déclare qus les présidents des administrations de départements et districts sont éligibles aux places de juges.
Le rapporteur des comités réunis de l'aliénation* des finances et dés domaines a la parolé pour faire un rapport sur la question de savoir par qui séront supportées les ' dépenses des logements des tribunaux et oorpè adi/ninisiratifsi
rapporteur (i)i, Messieurs* la nation abandonnera-t-elle aux directoires de départements et de districts, ceux des édifices nationaux qui pourront convenir à leur établissement ?
Si elle ne leur abandonne pas, par qui sera supportée la dépense de cet établissement?
QUëllë est la disposition à faire de des édifiées publics* que le nouveau régimëa rendus entièrement inutiles?
Telles sont lës questions â agiter dans lé rapport qUë je suis chargé dë vous faire.
Toutes les propriétés nationales sont indubitàr blèment affectées à l'éxtinction de la dette noq constituée, et sont le gagé commun des crë^h-ciers dé cette classe s elles doivent doue être toutes mises en Vèntë sans aucune réserve, sauf aux départements et aux districts à acheter les emplacements nécessaires à l'établissement de létirs directoires:
Déjà vous avez décrété que, lorsque les corps municipaux vaudraient acnétër, ce Gérait eothme particuliers qu'ilà le feraient : quel serait à cet égard lë motif d'une différence entre les municipalités et les corps adpainistFatifs ?
Votre Comité Va vous proposer de décider que les palais dé justice* ainsi que les prisons, serô'nt à la chargé dés justiciables et cëtte proposition pâraît supériëure à toute disCUsëioii : là conséquence immédiate est que lé§ directoires dë dë*-partement doivènt être logés aux frais dlî déparier inent, et les directoires de district aux frais du district. Le principé auquel tout doit céder* fe'èst que les établisséments dë chaque administration sont la charge commune des administrés.
Nulle nécëssité cependant pour lës corps ad*-mihistratifs d'acheter soit des ëdificës nationaux; soit des bâtiments particuliers, et il doit lëbr' être très permis de lobër, si c'est leur cottveriâqeë ; au moins télle ëst i'Opihion de votre éofnité. Posons donc pour maxime* que les aeqtijsitidfls ët les locations doivent être supportées jjàr Chaque district et par chaque départemëht. '
Quand ce prihci^ë n'existerait pas, il faudrait lë créer, à raison du tjânger des ëbdsëqiiënbës. Ces corps administratifs s'empareraient dés plus beaux édifices : souvent ils ed dérangeraiéht lés dispositions intérieures et pë séràieûl pas sans prétexte pour s'y permettre des dépenses qu'il n'éStpas peU intéressant d'éviter.
Ge n'est pas une sirnpilë hypothèse ni Une in*-quiétude exagérée quë nous'avohs l'honneur
dë vous soumettre. Déjà les faits déposent; déjà plusieurs directoires së sont établis dans
de très beaux édifices. Si bh lës leur abandonnait, que
{produit de la vente de plus de 500 édifices pour es districts; ce qui formerait, avec les remplacements nécessaires aux directoires de départements plus de 600 édifices ; et par l'aperçu le plus modeste, plus de 200 millions de perte pour la nation.
Une circonstance augmenterait singulièrement cette perte, c'est qu'il y a des jardins et des enclos attenant à tous ces édifices, jardins sur j lesquels les regards des districts s'arrêtent avec quelque complaisance, et voici le texte de l'adresse de l'un d'eux : après avoir demandé qu'on lui abandonne un bâtiment immense, il ajoute que ce bâtiment offre les promenades les plus saines et les plus agréables, dont les administrateurs pourraient profiter sans se séparer, dans le moment où Vesprit a besoin de délassements.
Tel est lé texte dans toute sa pureté.
Viendraient ensuite les municipalités, qui diraient qu'elles ont un droit égal à celui des corps administratifs; qu'il leur conviendrait fort d'être mieux logées qu'elles ne le sont, d'avoir des promenades saines et agréables ; et il serait assez difficile de le leur nier : or, quelle serait la limite? où cela ne mènerait-il pas ?
D'ailleurs, le moyen le plus sûr et le plus simple de réduire tous les directoires au nécessaire précis, c'est de décider qu'ils achèteront ou qu'ils loueront, et qu'on ne les logera pas.
Contre toutes les réclamations qui pourraient s'élever, une seule réponse suffit. Qu'auriez-vous fait, peut-on leur dire,etcoinmentvousseriez-vous logés, si l'Assemblée nationale n'avait pas décidé que les biens ecclésiastiques étaient à sa disposition? Supposez que vous n'êtes qu'au mois d'octobre 1789 et établissez-vous. Si lors du placement des corps administratifs, on avait demandé aux députés des villes: bâtirez-vous ? oui, auraient-ils répondu.
Au surplus, que les villes qui trouvent que cette portion du fardeau public pèse trop, renoncent aux districts, cela conduira plus rapidement à la réduction si désirée de ces trop nombreux établissements.
Aux prétentions générales sont.venues s'unir des prétentions particulières; les présidents et procureurs de la commune entendent, dans beaucoup de districts,qu'ils seront logés; il est même des départements et des districts dont le directoire a proposé très uniment au comité d'aliénation de le loger, en annonçant qu'il se proposait de vivre en commun dans l'édifice qu'il indiquait, parce que cela serait plus économique. 11 n'est pas inutile de rectifier leurs idées sur cet article, et de leur faire perdre une illusion que rien n'a dû leur donner.
L'Assemblée, en fixant le traitement de chacun des membres des corps administratifs, n'a pas entendu que la nation les logerait, et on ne peut l'induire d'aucun de vos décrets. Après avoir fixé leur traitement, l'Assemblée n'a pas dit: Et en outre ils seront logés. Les administrateurs n'out pas plus de droit à l'être que les juges.
Un seul individu semble faire une juste exception; c'est le secrétaire du directoire ; parce qu'il doit toujours habiter avec ses papiers, et qu'il ne saurait veiller ce dépôt de trop près.
On répondra que les greffiers des cours n'étaient pas logés, que ceux des bailliages, sénéchaussées et autres sièges inférieurs ne l'étaient pas davantage ; et que les greffiers de districts ne le seront pas non plus.
D'abord, le juge en général n'a besoin de la présence de* son greffiier que pour la tenue des audiences : car très ordinairement ce sont des greffiers-commis que l'on emploie pour l'instruction des procédures criminelles : tandis qu'il faudra que le directoire ait à chaque instant son secrétaire près de lui, non seulement pour le service ordinaire, mais pour répondre a toutes les demandes. Rien ne marchera sans un secrétaire qui soit là comme le dieu terme.
Les deux premières questions discutées, vient la troisième :
Quelle est la disposition à faire des édifices publics que le nouveau régime a rendus inutiles?
Cette question conduit à examiner, d'abord l'article des anciennes intendances; il y en a qui ont été bâties par les provinces, d'autres par les villes seules: la justice veut que les villes con-„ servent les intendances qu'elles ont bâties.
Il est un autre cas particulier, c'est celui où les villes n'ont pas bâti sur uu terrain public; alors il est de règle étroite de procéder à. une ventilation, d'après les principes établis pour les circonstances semblables.
Quant aux provinces, la nation se chargeant des dettes qu'elles ont pu contracter, pour fournir à la construction de ces édifices, ils deviennent des propriétés nationales, et ils se confondent dans la masse des domaines de la grande famille.
En négligeant cette règle, on se jetterait dans un embarras dont, on ne sortirait que très difficilement. Les provinces se trouvant mêlées, par la nouvelle division du royaume, il y a tel département qui a contribué à la construction des deux intendances dont une a coûté plus ou moins cher que l'autre : delà un enchevêtrement dont on ne pourrait se tirer sans heurter quelques intérêts.
Il est d'ailleurs une considération devant laquelle tout se tait : les provinces entrent dans une grande association, et chacune d'elles doit s'honorer d'y metire son contingent.
Il faut que tous les Français s'élèvent à la hauteur des principes sur lesquels repose la Constitution, et le premier de ces principes est celui qui d'un peuple ne fait plus qu'une famille immense, où on ne connaît ni égalité, ni exhé-rédation.
Les municipalités, au contraire, ont été envisagées, relativement aux biens nationaux, comme des individus isolés, et il est assez exact de dire qu'une municipalité est dans la nation : ce qu'une famille est dans la municipalité ; c'est en ce sens qu'on les a admises à une acquisition de 400 millions : or, dès qu'elles sont des particuliers,-elles doivent conserveries édifices qu'elles ont bâtis : de là sort la différence à établir entre les villes et les provinces : c'est vraiment celle qui existe entre des édifices publics et des propriétés privées.
Les localités varient à un tel point qu'il serait impossible de graduer une échelle, pour déterminer l'étendue des emplacements des corps administratifs : il devient donc indispensable, pour se décider, d'avoir sous les yeux les observations et les renseignements de tous les directoires. Il est même des détails qu'une loi ne comporterait que très difficilement, et qu'il est juste d'abandonner à leur sagesse et à leur patriotisme. Sans doute, ils n'oublieront jamais que les administrateurs les plus estimables sont ceux qui sont les plus avares de la fortune publique ; qu'une économie sévère doit être pour
eux une jouissance, en même temps qu'elle est un devoir, parce que chaque fois qu'ils vont au delà du besoin, ils commettent une sorte de vol envers les malheureux; parce qu'enfin la liberté commence à se compromettre le jour où elle permet au faste de pénétrer dans sa modeste demeure.
C'est d'après ces vérités, si bien faites pour être senties par tous les membres des corps administratifs,qu'il paraît convenable de décréter qu'ils exposeront au comité chargé de leur emplacement, leurs différentes vues et leurs Observations locales ; qu'à ce mémoire ils joindront un devis ou plan estimatif, contenant l'étendue de l'édifice que chacun jugera lui convenir.
Ce procédé est le seul à suivre, pour ne pas se jeter dans des dispositions vagues, et pour ne pas accorder trop ou trop peu. Il est des départements d'onze cent mille âmes, et il en est qui n'en comptent guère que cent cinquante mille : de là l'impossibilité d'établir des règles générales.
Il est des convenanees auxquelles il faut avoir un légitime égard, comme il est de dépenses indispensables pour assurer le mouvement de la machine ; et l'intérêt de la chose publique défend l'excès même dans l'économie. En tout, ne quid nimis. Assez pour le besoin, assez pour la sagesse, et rien pour le luxe; voilà la véritable règle de proportion : c'est en y obéissant que l'on conserve des nuances qu'il serait ridicule de vouloir confondre.
Votre comité, fidèle aux motifs qui veulent que tout soit vendu avec promptitude, d'une manière tranquille, et sans que les anciennes provinces ou les villes puissent avoir de justes réclamations à élever, vous propose les dispositions suivantes :
« Art. 1er. Les édifices qui servaient à loger les commissaires
départis, et que les villes justifieront avoir bâtis sur leur terrain et à leurs frais seuls,
ou avoir acquis sans contribution de provinces, continueront à appartenir aux villes qui
pourront en disposer; et dans le cas où ils auraient été construits sur une terrain national,
il sera procédé à un ventilation, d'après les règles reçues ; à l'égard des autres, ils
seront vendus comme biens nationaux; et, en conséquence, la nation se charge des dettes
encore existantes qui ont été contractées par les provinces pour la construction desdits
édifices.
« Art. 2. Les hôtels de ville continueront à appartenir aux villes où ils sont situés; et lorsqu'ils seront assez considérables pour recevoir le directoire de district ou celui de département, ou tous les deux à la fois, lesdits directoires s'y établiront, et seront tenus des réparations pour la portion de l'édifice qui sera par eux occupée.
« Art. 3. Les palais de justice continueront à servir à l'usage auquel ils étaient destinés, et recevront aussi les corps administratifs, si l'emplacement est assez vaste pour les contenir; et les hôtels de ville insuffisants; lesdits corps administratifs en supporteront les réparations dans la proportion qui vient d'être déterminée; et s'il s'élève des difficultés à raison de ces divers arrangements et convenances relatives, les directoires de département y statueront provisoirement et sans délai, à la charge d'en rendre compte au Corps législatif, pour y prononcer définitivement.
« Art. 4. Tous les autres édifices et bâtiments quelconques, ci-devant ecclésiastiques et domaniaux, aujourd'hui nationaux, non compris dans
les articles précédents, seront vendus sans exception, sauf aux directoires de district et de département lorsque les hôtels de ville et palais de justice ne seront pas assez vastes pour les contenir, à acheter ou louer, et chacun aux frais de leurs administrés respectifs, ce qui pourra leur être nécessaire pour leurs établissements, sans qu'aucun membre desdits corps administratifs, autre que le secrétaire puisse y être logé.
« Art. 5. Chaque directoire enverra au comité chargé de l'emplacement des tribunaux et corps administratifs, un mémoire expositif de ses vues, et y joindra un devis ou plan estimatif, contenant l'étendue de l'édifice qu'il jugera lui convenir, et ce, dans le délai de deux mois ; l'Assemblée excepte cependant du présent article, les édifices appartenant aux établissements réservés par l'article 7 (1) du décret des 14 et 20 avril.
J'observe que nombre d'objets sur lesquels il est important de statuer se trouvent omis dans le rapport de M. Prugnon. Je demande donc qu'avant discussion, le rapport soit imprimé et distribué.
(Cette motion est adoptée.)
Un de MM. les secrétaires fait lecture d'une lettre du ministre de la marine, adressée à M. le Président, sur l'insuftisance des sommes accordées pour l'approvisionnement des trente-un vaisseaux dont l'armement a été ordonné : cette lettre est renvoyée au comité de la marine, pour en rendre compte dans l'une des premières séances.
L'ordre du jour est la suite de la discussion sur le rapport de la procédure criminelle, instruite au Châtelet de Paris, sur la dénonciation des faits arrivés à Versailles dans la journée du 6 octobre 1789.
Avant de passer à la discussion, je dois vous donner lecture d'une pièce que nous a fait
parvenir le comité des recherches : c'est une lettre de M. Larreignié, ci-devant aide-major
de la garde parisienne, et vainqueur de la Bastille. — En voici l'extrait : « M. le
président, je ne prétends pas prononcer sur l'intention des juges du Châtelet, relativement à
l'affaire du 6 octobre, dont on a commencé hier le rapport à l'Assemblée; mais on pourrait
leur demander pourquoi ils ont préféré les dépositions de beaucoup de gens absents de
Versailles, à ceux qui étaient présents aux événements, et qui par conséquent auraient pu y
répandre un grand jour. Pourquoi M. Hulin, et vingt autres de ses camarades présents,
n'ont-ils pas été entendus, pourquoi ne l'ai-je pas été moi-même ? Je dois à la
Je reçois individuellement une pièce relative à la même affaire, dont je vais vous donner Jeetpre. Extrait des , registres , du comité du (}rqs?Caillou, du l°r octobre 179Q, — Au jour-? d'fiui s'est présenté au comité M. de Bisgot, qui nous a représepté je paragraphe du .Postillon par Calais, contenant la déposition de M. La Serre, que le 6 oçtopre, à7 heures et demie, il était avec un détachement de soixante hommes à la hauteur d'Âu-teiiil, et. qu'il a vu Monsieur d'Orléans cjapssa voiture allant à Versailles, que sa troupe lui a porté les aimes. Al'instapt sont comparus MM.Larcher, Ppyau et autres, ,qui ont affirmé le même faitw
(On demande l'impression de ces deux pièces à la suite du rapport.)
Je demande que l'audition de ces témoins soit renvoyée au Châtelet.
J'ai à faire une observation qui peut éclairer les gens équitables; je déclare que je me porte accusateur du Châtelet* que je le prends à partie,- et que je ne l'abandonnerai qu'au tombeau.
(L'Assemblée ordonne que les pièces dont il a été fait lecture seront imprimées à la suite du rapport fait par M. Chabroud.)
% je ^ësl^eni. le^ me,n}brë| qpjfië??
p^rplq sur, pop|re et poijir iè jrçPRP^ de M. Chabroud, il se troijvp témoins qui demandent à être entendus comme inculpes par ce rapport.
Bâtis Unë délibération siiissi gravé, dh ne éauràtt g'^ntqurer dë tl"gp de lumières : je pëhsë ddbb c(ub touis lès àccUëëé doivent êtfe ëritébuUsi lës préihiérs, s'ils vedletit nous instruire; et après ëu& les témbins, parce qd'on à du croire Qu'ils Mjfënt ihbhlpës dàns çë rapport: Jë pensé encolëquéles memnres de cettë Assemblée, qui ne sont ni açfcusës ni témoins, et jë kUls dé cé nombre, né doivent demander là parole tiu'àprès que les attisés et lës témoins auront été entendus.
Les téinOinis doivent êtrè entendus dans cette affairé; ce n'est Qu'après là confrontation êt lë rébblemënt que la procédure est en état. Il m'à paru étbtibant qu'on àit cherché dans cette affaire à intimider certaines personnes; mais il est des inculpations d'un certain genre, dont on ne doit pas craindre l'influence dans l'opinion publique.
Il est iilOjiï (fuô dâîis une ipstrub-tidft brimineile il soit permis à des témoins dé venir ainsi sejjlâcer entre lës accusés et l'accusateur, pppr discuter leurs propres dépositions. Je demande, que tous peux des membres qui odt déposé ou quittent la séance, ou se réunissent dans une partie de la salle où ils seront eh vUe (On applaudit) ; qu'ils aient la patiepcp d'entëpdre là discussion çé^ére de leiirs témoignages, et leur appr^piatioja; qu'ils jouent lé rOle d'hommes prir vés, auxquels la qualité de députés procure là faveur de siéger dans cette salle^
Une seule chose est étonnaptp, c'est que la motion ait été rendue nécessaire par l'assistance des témoins.
Ceux des députés qui ont déposé ne rien savoir ne doiyent pas être compris avec ceux qui ont chargé les accusés, et voiGi pourquoi : il pourrait y avoir telle et telle circonstance où l'on rappellerait à dessein des dé? putés pour les priver du droit de séance. Ce n'est pas l'assignation du juge qui constitue le témoin, mais la déclaration des faits;
Je suis sans intérêt sur la décision de la question ipcidente,car je suis absur-dement inculpé, mais pas accusé. Je ne puis m'erppêcher (in dire que la précipitation de la dé? libération serait dangereuse. Il est clair que si la scélératesse eût été aussi habile qu'elle a été effrontée, on nous eût ainsi été les plus chers aipis de là liberté. Je remarque uh juge (il ën est peut-être davantage), connu par son immaculée probité, lui qui, de notoriété publique; était parfaitement étranger à tous les événements ; il a été assigné afin de.ne pas souiller la pureté de ses collègues, en s'asseyant au milieu d'eux pour jUgpr cette affaire; Il est, parmi les témoins, des amis de la liberté* qui, quoiqu'il^ aient répandu partout qu'ils ne savaient rien, ont été assignés. Je vous demande donc d'ajourner du moins une pareille question, ou bien de discuter sur-lerchamp s'il n'est pas clair que leur dénégation ne les met pas dans l'empêchement de voter.
J'appuie la proposition de M. de Mirabeau. Les personnes dont il s'agit ne peuvent être coqfro.ntées, et peuveht par conséquent être parties de l'accusation.
(L'Assemblée décrète que ses membres,témoins, à l'exception de ceux qui ont déclaré ne rien savoir, se tiendront à l'écart dans une partie dë la salle, et que l'appel en sera fait.)
(On procède à l'appel. )
Je déclare que je m'abstien-drài dë délibérer dàns cette affaire^
J'ai été inculpé dans l'affaire du 6 octobre. Les deux espions sortis du séminaire de Saint-Sulpicë sont des calomniateurs-. (Oh observe que si tous ceux qui ont été attaqués voulaient àinsl monter à la tribune pour se disculper tour à tour, cela ne finirait pas.)
(On passé à l'ordre du jour.)
(1). Les principes dd rapporteur ont paru aussi dignes d'être disbutés que les faits qu'il
a rapportés. L'Assemblée nationale a décrété le 26 juin qu'aucun de fees membres ne pourrait
être poursuivi devant les tribunaux, qu'elle h'eût déclaré préalablement s'il y a lieu à
accusation contre lui.Je heme permettrai pas d'attaquer devant voUs vdtre décret; je preddrai
seulement la liberté d'exposer mes doutes sur son sens. Vous avei efltendu M; le rapporteur
.Vous dire quë les fonctions qui vous étaient réservées etàient celles des grànds jurys; il
faut dire si c'est là le pouvoir que VoUs voulez exercer. En Ariglëtërrë, lorsqu'un membre
est constitué en étàt d'empêchement, là Chambre des communes
Le rapporteur devait vous dire seulement si la procédure présentait des apparences de preuves qui permissent à la justice de suivre son cours ordinaire. Quelle est l'étrange équivoque d'où l'on est parti? Si l'on prétend que la procédure lié fournit par de preuves suffisantes pour condamner,je réponds que jë le crois; si l'on prétend qu'elle n'offre pas de preuves suffisantes pour juger, je ne le croirai jamais. L'honneur de cette Assemblée même sollicite un jugement. Où en serions-nous si, par des lettres d'abolition; elle allait annuler une procédure, parce que ses membres y sont impliqués? Notre inviolabilité ne sera pas éternelle; cette Assemblée aura un terme», et au moment où elle finira la justice pourrait reprendre ses droits. Si les charges sont insuffisantes pour opérer la condamnation des accusés, ce serait leur rehdre un bien perfide service que d'arrêter un jugement qui les réhabiliterait dans leur honneu]*. Savons-nous ce qu'une addition d'information peut répandre de lumière? Arrêterions-nous la procédure au moment où elle est incomplète? (On crie qu'on veut faire le procès aux amis du peuplé*) Ges mots de bûns citoyens, d'amis du peuple* ne sont pas parfaitement définis. Je voudrais bien savoir où s'arrête la Révolution ; car, si vous. regardez comme ses ennemis ceux qui se sont révoltés des attentats commis au château de Versailles, je me ferai gloire de me ranger de leur côté. Qu'a de commun le 14 juillet avec le 6 octobre?
Je demande si un eriqpe public contre Ja Révolution doit porter le nom de Révolution? G'est une grande révolte» c'est un, régicide qui souille noire histoire. Nous dont les principes tendent tant à l'égalité, voudrions-nous laisser subsister une inégalité devant la loi? Ge n'est pas pour demander du pain qu'on a été à Versailles, c'était pour transporter à Paris le roi par violence, et assassiner la reine. La Révolution n'est pas liée à de si grands crimes. Les gardes nationaux ont défendu les marches du trône; ils méritent la reconnaissance de la nation; ils demandent la punition des coupables. Un crime n'aura pas été commis impunément entre l'Assemblée nationale et le trône. L'Europe nous observe,, nous devons prévenir le jugement de l'histoire, qui sera d'autant plus sévère que-hous aurons été plus indulgents.
Je demande, Monsieur le président; à faire une observation sur l'ordre de là discussion, dans laquelle M. l'abbé Maury ne me paraît pas encore être entré ; M. l'abbé Maury ne s'est occupé, jusqu'à cë moment, qu'à exciter notre indignation contre les crimes commis à Versailles le 6 octobre, et c'est une peine inutile, ses déclamations n'ajouteront rien à l'horreur que nous a fait éprouver leur atrocité ; il s'est attaché ehsuite à prouver que l'inviolabilité des membres de cette Assemblée ne devait pas les arracher à l'influencé des lois, c'est encore prendre une peine inutile j persoiîhe d'entre nous ne voudrait réclamer un pareil privilège ; le droit des représentants de la nation;
ou plutôt le droit de la natibn» est qu'ils në puissent être enlevés à leurs fonctions, sans qu'il ait été prononcé par l'Assemblée qu'il y a lieu à accusation contre eux; et certes cette précaution intéresse essentiellement la liberté, car sans elle on pourrait, par des dénonciations, par de dégoûtantes dénonciatioqs, comme celles qu'on n'a pas eU honte de se permettre dans cette infâme procédure» on pourrait, dis-je, arracher du sein de cette Assemblée ceux de ses membres qui combattent avec le plus de courage pour les in* térêts de là chose publique ; alors on ne s'én serait pas tenu à annoncer des dénonciations contre des quidams, dont le signalement a été soigneusement et si artistement arrangé» pour s'appliquer à ceux que l'on voudra perdre : si les événements, si la cOntre-révolution le permettait, on nous aurait nominativement dénoncés.
Je demande donc, Monsieur le président, que M. l'abbé Maury se renferme dans l'ordre de la disGussioli, c'est-à-dire qu'il prononce qu'il y a lieu, ou qu'il n'y a pas lieu à accusation contre MM. de Mirabeau et d'Orléans:
Il faut que M: l'abbé Maury prouve que les événements des 5 et 6 octobre ont été l'effet d'un complot, et que MM. de Mirabeau et d'Orléans en ont été les auteurs et les colnpliees.
Je vais répondre avec la franchise qui convient à dh représentant de la nation, sur la conspiration* sur M; de Mirabeau ef sur M. d'Orléans. Je dis, parlant de là conjura? tion, qu'elle existe et qu'elle est démontrée. Des hommes armés^ des brigands ont été à Versailles; ils Ont massacré les gardes du corps; se Sont portés vers l'appartemëût de la reiné; voilà bien une conspiràtioh. Elle avait un but; elle était dirigée contré les jours de la reine; Relativement à M. de Mirabeau, j'avoue que je n'y vois aucune accusation grave dans l'information ; que je n'y vois rién qui ait pu faire nqître aux juges du Ghâtelet l'idée de le décréter. Je consens volontiers qu'il sorte de la procédure, lorsque les lecteurs l'ont absous avant les juges. Après cet hommage solennel rendu à là vérité* je passe à M. d'Orféans.
Sans présumer èjù'il est coupable, je dis qu'il doit être jugé. Le nothbre et l'importance des accusations ne permettent pas de le soustraire à la justiee. Le premier prince du sang qu'on a vu au milieu dës assassins sans les réprimer, le premier prince du sang qu'on à vu ne faisant aucun effort pour défendre le roi, taddis que sa naissance le condamnait à mourir pour lui; Il est impossible qu'un Français soit assez désintéressé sur son honneur, pour ne pas lui cHer : Allez devant les tribunaux. S'il a été calomnié, comme je le désire» il payera un tribut à l'ordre social. En allant se livrer à la justice; il se montrera digne petit-rfils de Henri IV, et père d'une postérité destinée à honorer la nation. Gé ne serait pa9 le servir, ce serait le compromettre que de ne pas l'abandonner à un jugement. Je conclus qu'il y a lieu à accusation contre lui; j'ai dans mes mains l'extrait des dépositions qui le chargent, et je sdis prêt à mettre soùs les yeux ce triste tableau.
Si c'est- un extrait des dépo* sitions par numéro que M. l'abbé Maury vous annonce* rien n'est plus Inutile. 6i c'est une
série de preuves ou d'indices, tendant à démentir celles que je vous ai offertes, je l'interpelle de vous les lire.
Je n'ai point fait un système raisonné de dépositions; cela passe la mission dont je suis chargé. Si tous les faits déposés étaient vrais, s'ils étaient prouvés, n'y aurait-il pas matière à accusation ? Eh bien, le juge seul peut, par la confrontation et le récolement, examiner le degré d'intérêt qu'ils méritent; nous n'avons^d'autre chose à faire que d'examiner le titre de l'accusation.
Je dois rendre compte d'un fait que je me rappelle fort bien. Au retour de la députation qui l'ut chez le roi^on traitait à l'Assemblée nationale quelques articles relatifs à la jurisprudence criminelle; un homme des tribunes, à la droite du président, dit : « On devrait s'occuper du peuple. » J'invitai M. le président à rendre compte de sa démarche auprès du roi. M. de Mirabeau prit alors la parole et dit : « Personne ici n'a le droit de tracer la marche de nos délibérations : les tribunes doivent se rappeler le respect qu'elles doivent à l'Assemblée nationale. »
Ce n'est pas pour me défendre que je monte à cette tribune. Objet d'inculpations ridicules, dont aucune ne m'est prouvée, et qui n'établiraient rien contre moi, lorsque chacune d'elles le serait, je ne me regarde point comme accusé, car si je croyais qu'un seul homme de sens (j'excepte le petit nombre d'ennemis dont je tiens à honneur les outrages) pût me croire accusahle, je ne me défendrais pas dans cette Assemblée. Je voudrais être jugé, et votre juridiction se bornant à décider si je dois ou ne dois pas être soumis à un jugement, il ne me resterait qu'une demande à faire à votre justice, et qu'une grâce à solliciter de votre bienveillance, ce serait un tribunal.
Mais je ne puis pas douter de votre opinion, et si je me présente ici, c'est pour ne pas manquer une occasion solennelle d'éclaircir des faits que mon profond mépris pour les libelles, et mon insouciance trop grande peut-être pour les bruits calomnieux, ne m'ont jamais permis d'attaquer hors de cette Assemblée; qui cependant accrédités par la malveillance pourraient faire rejaillir sur ceux qui croiront devoir m'absoudre, je ne sais quels soupçons de partialité. Ge que j'ai dédaigné quand il ne s'agissait que de moi, je dois le scruter de près, quand on m'attaque au sein de l'Assemblée nationale, et comme en faisant partie.
Les éclaircissements que je vais donner, tout simples qu'ils vous paraîtront sans doute, puisque mes témoins sonj, dans cette Assembiee, et mes arguments dans la série des combinaisons les plus communes, offrent pourtant à mon esprit, je dois le dire, une assez grande difficulté.
Ce n'est pas de réprimer le juste ressentiment qui oppresse mon cœur depuis uue année, et que l'on force enfin à s'exhaler. Dans cette affaire, le mépris esta côté de la haine, il l'émousse, il l'amortit; et quelle est l'âme assez abjecte pour que l'occasion ûe pardonner ne lui semble pas une jouissance?
Ge n'est pas même la difficulté de parler des tempêtes d'une juste Révolution, sans rappeler que, si le trône a des torts à excuser, la clémence nationale a eu des complots à mettre en oubli;
car puisqu'au sein de l'Assemblée le roi est venu adopter notre orageuse révolution, cette volonté magnanime, en faisant disparaître à jamais les apparences déplorables que des conseillers pervers avaient données jusqu'alors au premier citoyen de l'Empire, n'a-t-elle pas également effacé les apparences plus fausses que tes ennemis du bien public voulaient trouver dans les mouvements populaires, et que 1a procédure du Châtelet semble avoir eu pour premier objet de raviver?
Non, la véritable difficulté du sujet est tout entière dans l'histoire même de la procédure. Elle est profondément odieuse, cette histoire. Les fastes du crime offrent peu d'exemples d'une scélératesse, tout à la fois si éhontée et si malhabile. Le temps le saura; mais ce secret hideux ne peut être révélé aujourd'hui sans produire de grands troubles. Ceux qui ont suscité la procédure du Châtelet ont fait cette horrible combinaison, que si le succès leur échappait ils trouveraient dans le patriotisme même de celui qu'ils voulaient immoler le garant de leur impunité, lis ont senti que l'esprit public de l'offensé tournerait à sa ruine, ou sauverait l'offenseur... Il est bien dur de laisser ainsi aux machinateurs une partie du salaire sur lequel ils ont compté! Mais la patrie commande ce sacrifice, et certes elle a droit encore à de plus grands.
Je ne vous parlerai donc que des faits qui me sont purement personnels; je les isolerai de tout ce qui les environne ; je renonce à les éclaircir autrement qu'en eux-mêmes et par eux-mêmes; je renonce, aujourd'hui du moins, à examiner les contradictions de la procédure et ses variantes, ses obscurités, ses superlluités et ses réticences; les craiutes qu'elle a données aux amis de la liberté, et Jes espérances qu'elle a prodiguées à ses ennemis; son but secret et sa marche apparente, ses succès d'un moment et ses succès dans l'avenir; les frayeurs qu'on a voulu inspirer au trône, peut-être la reconnaissance que l'on a voulu en obtenir : je n'examinerai la conduite, les discours, le silence, les mouvements, le repos d'aucun acteur de cette grande et tragique scène; je me contenterai de discuter les trois principales imputations qui me sont faites, et de donner le mot d'une énigme dontvotre comité a cru devoir garder le secret, mais qu'il est de mon honneur de divulguer.
Si j'étais forcé de saisir l'ensemble de la procédure, lortqu'il me suffit d'en déchirer quelques lambeaux; s'il me fallait organiser uu grand travail pour une facile défense, j'établirais d'abord que, s'agissant contre moi d'une accusation de complicité, et cette prétendue complicité n'étant point relative aux excès individuels qu'on a pu commettre, mais à la cause dé ces excès, on doit prouver contre moi qu'il existe un premier moteur dans cette affaire ; que le moteur est celui contre lequel la procédure est principalement dirigée et que je suis son complice. Mais comme on n'a point employé contre moi une marche dans l'accusation, je ne suis non plus obligé de la suivre pour me défendre. Il me suffira d'examiner les témoins tels qu'ils sont, les charges telles qu'on me les oppose; et j'aurai tout dit lorsque j'aurai discuté trois faits principaux, puisque la triple malignité des accusateurs, des témoins et des juges, n'a pu ni en fournir, ni en recueillir davantage.
On m'accuse d'avoir parcouru les rangs du régiment de Flandre le sabre à la main, c'est-à-dire qu'on m'accuse d'un grand ridicule. Les témoins
auraient pu le rendre d'autant plus piquant que né parmi les patriciens, et cependant député par ceux qu'on appelait alors le tiers état, je m'étais toujours fait un devoir religieux de porter le costumequi me rappelait l'honneur d'un tel choix : or, certainement l'allure d'un député en habit noir, en chapeau rond, encravate et en manteau, se promenant à cinq heures du soir un sabre nu à la main, dans un régiment, méritait de trouver une place parmi les caricatures d'une telle procédure. J'observe néanmoins qu'on peut bien être ridicule sans cesser d'être innocent. J'observe que l'action de porter un sabre à la main ne serait ni un crime de lèse-majesté, ni un crime de lèse-nation. Ainsi tout pesé, tout examiné, la déposition de M. Val fond n'a rien de vraiment fâcheux que pour M. Gamache qui se trouve légalement et véhémentement soupçonné d'être fort laid, puisqu'il me ressemble.
Mais voici une preuve plus positive que M. Val-fond a au moins la vue basse. J'ai dans cette Assemblée un ami intime, et que, malgré cette amitié connue, personne n'osera taxer de déloyauté, ni de mensonge, M. de la Marck. J'ai passé l'après-midi tout entière du 5 octobre chez lui, en tête à tête avec lui, les yeux fixés sur des cartes géographiques, à reconnaître des positions alors très intéressantes pour les provinces belges. Ce travail, qui absorbait toute son attention et qui attirait toute la mienne, nous occupa jusqu'au moment où M. de la Marck me conduisit à l'Assemblée nationale, d'où il me ramena chez moi.
Mais dans cette soirée il est un fait remarquable sur lequelj'atteste M. de la Marck, c'est qu'ayant à peine employé trois minutes à dire quelques mots sur les circonstances du moment, sur ce siège de Versailles qui devrait être fait par les amazones si redoutables dont parle le Ghâtelet, et considérant la funeste probabilité que des conseillers pervers contraindraient le roi à se rendre à Metz, je lui dis : La dynastie est perdue si Monsieur ne reste pas, et ne prend les rênes du gouvernement. Nous convînmes des moyens d'avoir sur-le-champ une audience du prince, si le départ du roi s'exécutait. C'est ainsi que je commençais mon rôle de complice, et que je me préparais à faire M. d'Orléans lieutenant général du royaume. Vous trouverez peut-être ces faits plus probants et plus certains que mon costume de Charles XII?
On me reproche d'avoir tenu à M. Mounier ce propos : Eh! qui nous dit que nous ne voulons pas un roi ? Mais qu'importe que ce soit Louis XVI ou Louis XVII?
Ici j'observerai que le rapporteur, dont on vous a dénoncé la partialité pour les accusés, est cependant loin, je ne dis pas de m'être favorable, mais d'être exact, mais d'être juste. C'est uniquement parce que M. Mounier ne confirme pas ce propos par la déposition, que M. le rapporteur ne s'y arrête pas. J'ai frémi, dit-il, j'ai frémi en lisant, et je me suis dit : Si ce propos a été tenu, il y a un complot, il y a un coupable ; heureusement M. Mounier n'en parle pas.
Eh bien, Messieurs, avec toute la mesure que me commande mon estime pour M. Chabroud et pour son rapport, je soutiens qu'il a mal raisonné. Ce projet, que je déclare ne pas me rappeler, est tel que tout citoyen pourrait s'en honorer, et non seulement il est justifiable à l'époque où on le place, mais il est non en soi, mais il est louable, et si M. le rapporteur l'eûtanalysé avec sa sagacité ordinaire, il n'aurait pas eu besoin, pour faire disparaître le prétendu délit, de se convaincre qu'il était imaginaire; supposez un royaliste
exalté, tel que M. Mounier, conversant avec un royaliste tempéré, et repoussant toute idée que le monarque pût courir aucun danger chez une nation qui professe, en quelque sorte, le culte du gouvernement monarchique ; trouveriez-vous étrange que l'ami du trône et de la liberté, voyant l'horizon se rembrunir, jugeant mieux que l'enthousiaste la tendance de l'opinion, l'accélération des circonstances, les dangers d'une insurrection, et voulant arracher son concitoyen trop conciliant à une périlleuse sécurité, lui dit : Eh I qui vous nie que les Français soient monarchistes? Qui vous conteste que la France n'ait besoin d'un roi, et ne veuille un roi? Mais Louis XVII sera roi comme Louis XVI, et si l'on parvient à persuader à la nation que Louis XVI est fauteur et complice des excès qui ont lassé sa patience, elle invoquera un Louis XVII. Le zélateur de la liberté aurait prononcé ces paroles avec d'autant plus d'énergie qu'il eût mieux connu son interlocuteur, et les relations qui pouvaient rendre son discours plus efficace; verriez-vous en lui un conspirateur, un mauvais citoyen, ou même un mauvais raisonneur? Cette supposition serait bien simple, elle serait adoptée aux personnages et aux circonstances. Tirez-en du moins cette conséquence, qu'un discours ne prouve jamais rien par lui-même, qu'il tire tout son caractère, toute sa force de l'à-propos, de l'avant-science, de la nature du moment, de l'espèce des interlocuteurs,en un mot d'une foule de nuances fugitives qu'il faut déterminer avant de l'apprécier, d'en conclure.
Puisque j'en suis à M. Mounier, j'expliquerai un autre fait que, dans le compte qu'il en a rendu lui-même, il a gâté à son désavantage.
Il présidait l'Assemblée nationale le 5 octobre, où l'on discutait l'acceptation pure et simple, ou modifiée, de la déclaration des droits. J'allai vers lui, dit-on; je l'engageai à supposer une indisposition, et à lever la séance sous ce frivole prétexte... J'ignorais sans doute alors que l'indisposition d'un président appelle son prédécesseur : j'ignorais qu'il n'est au pouvoir d'aucun homme d'arrêter à son gré le cours d'une de vos plus sérieuses délibérations... Voici le fait dans son exactitude et dans sa simplicité ;
Dans la matinée du 5 octobre je fus averti que la fermentation de Paris redoublait : je n'avais pas besoin d'en connaître les détails pour y croire : un augure qui ne trompe jamais, la nature des choses, me l'indiquait assez. Je m'approchai de M. Mounier, et je lui dis : Mounier, Paris marche sur nous. — Je n'en sais rien. — Croyez-moi, ou ne me croyez pas ; mais Paris, vous dis-je, marche sur nous. Trouvez-vous mal ; montez au château; donnez leur cet avis : dites, si vous voulez, que vous le tenez de moi, j'y consens ; mais faites cesser cette controverse scandaleuse; le temps presse; il n'y a pas une minute à perdre.
« Paris marche sur nous, répondit Mounier, eh 1 bien, tant mieux, nous serons plutôt en République. » Si l'on se rappelle les préventions et la bile noire qui agitaient Mounier; si l'on se rappelle qu'il voyait en moi le boute-feu de Paris, on trouvera que ce mot, qui a plus de caractère que le pauvre fugitif n'en a montré depuis, lui fait honneur. Je ne l'ai revu que dans l'Assemblée nationale, qu'il a désertée, ainsi que le royaume, peu de jours après. Je ne lui ai jamais reparlé ; et je ne sais où il a pris que je lui ai écrit le 6, à 3 heures du matin, un billet pour lever la séance : il ne m'en reste pas l'idée
J en viens à la troisième inculpation dont je suis l'objet, et c'est ici que j'ai promis le mot de l'énigme. J ai conseillé, dit-on, à Monsieur d'Orléans de ne point partir pour l'Angleterre, Eb bien 1 qu'en veut-on conclure ? Je tiens à honneur de lui avoir, non pas donné, car je ne lui ai pas parlé, mais fait donner ce conseil. J'apprends, par fa notoriété publique, qu'après une conversation entre M. d'Orléans et M. de La Fayette, très impérieuse d'une part, et très résignée de l'autre, le premier vient d accepter la mission, ou plutôt de recevoir la loi de partir pour l'Angleterre. Au même instant, les suites d'une telle démarche se présentent à mon esprit. Inquiéter les amis de la liberté, répandre des nuages sur les causes de la Révolution, fournir un nouveau prétexte aux mécontents; isoler de plus en plus le roi, semer au dedans et au dehors du royaume de nouveaux germes de défiance ; voilà les effets que ce départ précipité, que cette condamnation sans accusation devait produire. Elle laissait surtout sans rival l'homme à qui le hasard des événements venait de donner une nouvelle dictature, l'homme qui, dans ce moment, disposait, au sein de la liberté, d'une police plus active que celle;de l'ancien régime, l'homme qui, par cette police, venait de recueillir un corps d'accusation sans accuser; l'homme, qui, en imposant à M. d'Orléans la loi de partir, au lieu de le faire juger et condamner, s'il était coupable, éludait ouvertement par cela seul l'inviolabilité des membres de l'Assemblée. Mon parti fut pris à l'instant : je dis à M. Biron, avec qui je n'ai jamais eu de relation politique, mais qui a toujours eu toute estime, et dont j ai reçu plusieurs fois des services d'amitié: M. d'Orléans va quitter, sans jugement, le poste que ses commettants lui ont confié; s'il obéit, je dénonce son départ et m'y oppose ; s'il reste, s'il fait connaître la main invisible qui veut l'éloigner, je dénonce l'autorité qui prend la place de celle des lois; qu'il choisisse entre cette alternative* M. Biron, me répondit par des sentiments chevaleresques, et je m'y étais attendu. M. d'Orléans, instruit de ma résolution, promet de suivre mes conseils ; mais dès le lendemain je reçois, dans l'Assemblée, un billet de M. Biron et non de M- d'Orléans, comme le suppose la procédure. Ce billet portait le crêpe de sa douleur, et m'annonçait le départ du prince. Mais lorsque l'amitié se bornait à souffrir, il était permis à l'homme public de s'indigner. Une secousse d'humeur, ou plutôt de colère civique, me sfit tenir sur-le-champ un propos que Mf le rapporteur, pour avoir le droit de le taxer d'indiscret, aurait dû faire connaître. Qu'on le trouve, si l'on veut, insolent; mais qu'on avoue, du moins, puisqu'il ne suppose même aucune relation, qu'il exclut toute idée de complicité. Je le tins sur celui dont la conduite jusqu'alors m'avait paru exempte de reproches, mais dont le départ était à mes yeux plus qu'une faute. Voilà ce fait éclairci, et M. de La Fayette peut en certifier tous les détails, qui lui sont tous parfaitement connus. Qu'à présent celui qui osera, je ne dirai pas m'en faire un crime, mais me refuser son approbation, celui qui osera soutenir que le conseil que je donnais n'était pas conforme à mes devoirs, utile à la chose publique et fait pour m'ho-norer; que celui-là, dis-je, se lève et m'accuse. Mon opinion, sans doute, lui est indifférente; mais je déclare que je ne puis me défendre pour lui du plus profond mépris.
Ainsi disparaissent ces inculpations atroces, ces calomnies effrénées, qui plaçaient au nombre des conspirateurs les plus dangereux, au nombre des criminels les plus exécrables, un homme qui a la conscience d'avoir toujours voulu être utile à son pays, et de ne lui avoir pas été toujours inutile.. (Une grande partie de VAssemblée et les spectateurs applaudissent avec transport.) Ainsi s'évanouit ce secret si tard découvert, qu'un tribunal, au moment de terminer sa carrière, est venu vous dévoiler avec tant de certitude et de complaisance. Qu'importe à présent que je discute, ou que je dédaigne cette foule de ouï-dire contradictoires, de fables absurdes, de rapprochements insidieux que renferme encore la procédure? Qu'Importe, par exemple, que j'explique cette série de confidences que M. de Virieu suppose avoir reçues de moi, et qu'il révèle avec tant de loyauté? Il est étrange M. de Virieu; est-il donc un zélateur si fervent de la Révolution actuelle? S'est-il, en aucun temps, montré l'ami si sincère de la Constitution, qu'un homme dont on a tout dit, excepté qu'il soit une bête, l'ait pris ainsi pour son confident?...
Je ne parle point ici pour amuser la malignité publique, pour attirer dès haines, pour faire naître de nouvelles divisions.Personne ne sait mieux que moi que le salut de tout et de tous est dans 1 harmonie sociale et l'anéantissement de tout esprit de parti; mais je ne puis m'empêcher d'ajouter que c'est un triste moyen d'obtenir cette réunion des esprits, qui seule manque à l'achèvement de notre ouvrage, que de susciter d'infâmes procédures, de changer l'art judiciaire en arme offensive? et de justifier ce genre de combat par des principes qui feraient horreur à des esclaves. Je vous demande la permission de me résumer.
La procédure ne me désigne que comme complice ; il n'y a donc aucune accusation contre moi, s'il n'y a point de charge de complicité.
La procédure ne me désigne pour complice d'au» cun excès individuel, mais seulement d'un prétendu moteur principal de ces excès. Il n'y a donc point d'accusation contre moi, si l'on ne prouve pas d'abord qu'il y a eu un premier moteur, si l'on ne démontre pas que les prétendues charges de complicité qui me regardent, étaient un rôle secondaire lié au rôle principal, si l'on n'établit pas que ma conduite a été l'un des principes de l'action, du mouvement, de l'explosion dont on recherche les causes.
Enfin, la procédure ne me désigne pas seulement comme le complice d'un moteur en général, mais comme le complice d'un tel. Il n'y a donc point d'accusation contre moi, si l'on ne prouve pas tout à la fois, et que ce moteur est le principal coupable, et que les charges dont je suis l'objet lui sont relatives, annoncent un plan commun, dépendant des mêmes causes, et capable de produire les mêmes effets. . Or, rien de tout ce qu'il serait indispensable de prouver n'est prouvé.
Je ne veux pas examiner si les événements sur lesquels on a informé sont des malheurs ou des crimes; si ces crimes sont l'effet d'un complot, ou de l'imprudence, ou du hasard, et si la supposition d'un principal moteur ne les rendrait pas cent fois plus inexplicables ; il me suffit de vous rappeler que parmi les faits qui sont à ma charge, les uns antérieurs ou postérieurs de plusieurs mois aux événements ne peuvent leur être liés que par la logique des tyrans ou de leurs suppôts,
et que les autres qui ont concouru avec l'époque même de la procédure ne sont évidemment pi cause, ni effet, n'ont eu, n'ont pu avoir aucune influence, sont exclusifs du rôle d'agent, de moteur ou de complice, et qu'à moins de supposer que j'étais du nombre des coupables par la seule volonté, que je n'étais chargé d'aucune action au dehors, d'aucune impulsion, d'aucun mouvement, ma prétendue complicité est une chimère,
Il me suffit encore de vous faire observer que les charges que l'on m'oppose, bien loin de me donner des relations avec le principal moteur désigné, me donneraient des rapports entière*-msnt opposés ; que dans la dénonciation du repas fraternel, que je n'eus pas seul la prétendue imprudence d'appeler une orgie, je ne fus que l'auxiliaire de deux de mes collègues qui avaient pris la parole avant moi ; que gi j'avais parcouru les rangs du régiment de Flandre, je n'aurais fait, d'après la procédure elle«-même, que suivre l'exem* pie d'une foule de membres de cette Assemblée ; que ei le propos, qu'importe que ce soit Louis XVII, était vrai, outre que je ne supposerais pas un changement de dynastie, mes idées constatées par un billet à un membre de cette Assemblée, dans le cas possible d'un régent, ne se portaient que sur le frère du roi.
Quelle est doue cette grande part que l'on suppose que j'ai prise aux événements dont la procédure est l'objet? Où sont les preuves de la complicité que l'on me reproche? Quel est le crime dont on puisse dire de moi : Il en est l'auteur ou la cause?
Mais j'oublie que, je viens d'emprunter le langage d'un accusé, lorsque je ne devrais prendre que celui d'un accusateur.
Quelle est cette procédure dont l'information n'a pu être achevée, dont tous les ressorts n'ont pu être combinés que dans une année entière; qui, prise en apparence sur un crime de lèse-majesté, se trouve entre les mains d'un tribunal in-r compétent, qui n'est souverain que pour les crimes de lèse-nation ? Quelle est cette procédure qui, menaçant vingt personnes différentes dans l'espace d'une année, tantôt abandonnée et tantôt reprise, selon l'intérêt et les vues, les craintes ou les espérances de ses machinateurs, n'a été, pendant si longtemps qu'une arme de l'intrigue, qu'un glaive suspendu sur ia tête de ceux que 1 on voulait ou perdre ou effrayer, ou désunir ou rapprocher; qui enfin n'a vu le jour, après ayoir parcouru les mergLqu'au moment où l'un des accusés n'a pas cru à~la dictature qui le retenait en exil, ou l'a dédaignée?
Quelle est cette procédure prise sur des délits individuels, dont on n'informe pas et dont on veut cependant rechercher les causes éloignées, sans répandre aucune lumière sur leurs causes prochaines? Quelle est cette procédure dont tous les événements s'expliquent sans complot, et qui n'a cependant pour base qu'un complot, dont le premier but a été de cacher des fautes réelles et de les remplacer par des crimes imaginaires; que i'amour-propre seul a d'abord dirigée; que ia haine a depuis acérée; dont l'esprit de parti s'est ensuite emparé; dont le pouvoir ministériel s'est ensuite saisi, et qui, recevant ainsi tour à tour plusieurs sortes d'influences, a fini par prendre la forme d'une protestation insidieuse, et contre vos décrets et contre la liberté de l'acceptatioo du roi, et contre son voyage à Paris, et contre la sagesse de vos délibérations, et contre l'amour de la nation pour le monarque?
Quelle est cette procédure que les ennemis les
plus acharnés de la Révolution n'auraient pas mieux dirigée, s'ils en avaient été les seuls auteurs, comme ils en ont été presque les seuls instruments; qui tendait à attiser le plus redoutable esprit de parti, et dans le sein de cette Assemblée, en opposant les témoins aux juges, et dans tout (e royaume, en calomniant les intentions de la capitale auprès des provinces; et dans chaque ville, en faisant détester une liberté qui avait pu compromettre les jours du monarque; et dans tonte l'Europe, en y peignant la situation d'un roi libre, sous les fausses couleurs du roi captif, persécuté, en y peignant cette auguste Assemblée comme une assemblée de factieux?
Oui, le. secret de cette infernale procédure est enfin découvert; il est là tout entier (M- 4e Mirabeau désigne le côté droit) ; il est dans l'intérêt de ceux dont le témoignage et les calomnies en ont formé le tissu. H est dans les ressources qu'elle a fournies aux ennemis de la Révolution:
il est_____ il est dans le cœur des jugés tel qu'il
sera bientôt buriné dans l'histoire par la plus juste et la plus implacable vengeance.
(La salle retentit d'applaudissements. M. de Mirabeau descend de la tribune; on applaudit encore. Il revient à sa plaee, les applaudissements redoublent.)
Je demande à faire l'affirmation des faits dont M. de Mirabeau a rendu compte, et dans lesquels je suis comprisse p'ai su la proposition portée à M, d'Orléans pap M. de La Fayette qu'au moment où elle fut faite, et M. d'Orléans avait pris son parti. Il a mis en moi sa confiance; je cognais sa pureté.
Je fus vivement affecté de cette nouvelle; je craignis qu'on n'interprétât mal un sacrifice aussi gnpdf et qq'ii ne fut accusé de crimes imaginaires, qui auraient disparu par sa présençe; je m'opposai donc à son départ. M. d'Orléans me répondit qu'il voulait donner au roi une preuve de lapnretéde ses intentions; que M. de La Fayette lui avait dit qu'on abusait de son nom pour troubler la tranquillité publique. Je combattis encore, mais inutilement; M. d'Orléans partit. On répandit alors que M. de La Fayette avait dit que les lettres de creance relatives à la mission politique dont M. d'Orléans était chargé, qu'on ne cachait pas etqueM.deMQntmorin m'a montrées, étaient des lettres de grâce, Je rendis à M. de La Fayette le service de l'engager, plus pour son honneur que pour celui de M' d'Orléans, à démentir ce bruit par écrit. Il l'a fait.
Qu'il me soit permis de remonter plus haut. M. d'Orléans a été le premier sectateur delà liberté en France : ses instructions répandues dans les provinces ont peut-être contribué à la Révolution, dont tous nous devons attendre le bonheur. Si conduite s'est soutenue par sa modération, qui devait être l'apanage de celui qui peut-être le premier de sa famille a conçu les grandes idées de liberté. Quand on promenait son buste, il se cacha. Lorsque le roi donna aux représentants de la nation le témoignage de confiance, de venir remettre ses destinées dans les mains de cette Assemblée, qui tenait cellesde l'Empire,M. d'Orléans ne voulut point aller à Paris. Peut-être eut-il tort $ la bieoveillanced'un grand peuple est un hommage auquel un bou citoyenne devrait pas 6e soustraire, et M. d'Orléans avait le droit d'en recevoir les témoignages.
Souffrez que je parle d'une chose qui me concerne. Mes aflcieuscamarades les gardes-françaises, « par respect, par honneur pour la mémoire d'un
homme qui fut plutôt leur père que leur chef, et qui les commanda pendant 40 ans, me choisirent pour les commander. Les larmes aux yeux je remerciai mes camarades de leur choix, et il ne fut plus parlé de celui-là. (Une très grande partie de l'Assemblée applaudit.) Permettez-moi une seule observation sur cette étonnante procédure. Voit-on parmi les témoins, membres de cette Assemblée, le nom d'un défenseur de la liberté? Peut-on supposer que tous eussent gardé le silence s'ils 'avaient connu les coupables? Au nom de M. d'Orléans, je m'engage à vous faire connaître des détails qui attestent sa pureté et mettront fin aux calomnies. (Les applaudissements les plus nombreux se font entendre et ^suivent M. de Contant de la tribune à sa place.)
(La tribune reste vacante. Personne ne demande la parole. L'Assemblée attend en silence. — Un temps assez long s'écoule. — M. de Montlosier, se lève. — On entend des murmures.
Les murmures qui m'accompagnent à cette tribune sont une infamie indigne de cette Assemblée. Je commence par une observation préliminaire. Je crois qu'en ce moment la délibération est prématurée; car, pour porter un jugement sur une procédure aussi compliquée, qui importe également à l'honneur del'Assemblée et à celui de quelques-uns de ses membres, il faut se livrer à l'examen des charges. Il faut comparer, concilier les dépositions, en faire une concordance, rassembler les rayons des lumières, les converger à leur lieu et a leur place. Il est bien étonnant qu'on nous fasse entrer dans cette discussion, après la délibération sur les assignats, qui nous a obligés de lire cent mémoires, et qui a occupé nos nuits, nos jours et tout notre temps. (On demande à aller aux voix.) Ceux qui demandent à aller aux voix sont de bien mauvais et de bien perfides conseillers. 11 est important d'examiner, de juger ce rapport, ce mémoire, ce plaidoyer. Si nous ne le jugeons pas, la France et la postérité le jugeront. Je ne crois personne assez ennemi des accusés, pour nous entraîner dans une précipitation aussi contraire à la dignité de cette Assemblée. M. le président, si la discussion s'ouvre j'ai un travail tout prêt. (Il s'élève des murmures.) Oui, j'ai examiné toutes les pièces, c'était mon devoir; mais le rapport n'est pas imprimé : on ne nous l'a pas distribué. 11 nous faut au moins trois jours pour examiner le travail de trois mois.
Quand on a mis à l'ordre du iour cette affaire, M. de Montlosier devait dire que le délai était trop court ; mais il ne l'a pas trouvé tel, puisqu'en paraissant se défier des lumières et de la sagacité des membres de l'Assemblée, il nous annonce qu'il a un travail tout prêt. Puisque personne ne croit possible de monter à cette tribune pour parler contre les accusés; puisque personne, et ceci est plus honorable pour eux, ne croit nécessaire de les défendre, il ne reste avant de délibérer qu'à entendre les détails i annoncés de la part de M. d'Orléans, dont l'innocence n'est plus un problème. Je demande que * M.deBiron dise si M. d'Orléans veut parler, ou s'il croit plus digne de lui d'attendre que vous ayez prononcé.
M. d'Orléans, sûr de son innocence, plein de confiance
dans la justice de l'Assemblée nationale, n'a rien à ajouter en ce moment. (On applaudit.)
Plusieurs membres du côté droit demandent qu'on délibère sur la proposition de M. de Montlosier, et qu'on attende la distribution du rapport.
La procédure est dans nos mains; du moment où elle a été connue elle a été jugée : notre opinion est assurée par les rapprochements lumineux que nous a présentés le rapporteur. Le projet de décret qui vous a été soumis est le résultat de l'avis unanime du comité.
Tout le monde a vu que, pour qu'il y eût des. coupables, il fallait qu'il y eût une conjuration. Personne n'a vu d'autre conjuration que la procédure même. Je demande que le plus profond mépris pour cette procédure, pour ceux qui l'ont instruite, pour ceux qui n'ont pas craint d'y déposer leurs conjectures, leurs malicieuses et perfides intentions, soit le seul effet de votre justice et de votre bonté, que vous ne donniez pas de la gravité à ce qui n'en demande aucune, et que vous n'enleviez pas à la chose publique un temps précieux qu'elle réclame de vous ; M. d'Orléans
Eubliera, imprimera tout ce qu'il croira convena-
le de publier, d'imprimer, il ne fera que confirmer l'estime de la nation pour son patriotisme ; mais nous ne pouvons lui accorder le temps de présenter une justification rendue inutile par ses propres accusateurs; je demande donc qu'on aille sur-le-champ aux voix, et que le projet de décret, présenté par le comité des rapports, soit adopté.
Nous ne pouvons participer à la délibération. (Il reste; quelques membres du côté droit se retirent.)
Je demande la priorité pour la motion de M. l'abbé Maury, bien que dans ce moment je ne sois pas en état de rassembler les raisonnements et les arguments invincibles queje trouve contre MM. d'Orléans et de Mirabeau.Pénétré de l'injustice que vous faites, je déclare que je ne suis pas muni de toute la force que je puis avoir, que je n'apporte pas mes lumières et mes conseils : il faudrait un cœur calme pour les dire, et des hommes sages pour les entendre.
demande la division du projet de décret, en ce qui concegie M. de Mirabeau.
Cette motion est la même que celle de M. l'abbé Maury.
Je demande que, quant à M. de Mirabeau, l'affaire demeure en état.
L'Assemblée décide qu'il n'y a pas lieu à. délibérer sur l'amendement de M. de Montlosier et sur la division proposée.
Le projet de décret, proposé par le comité, est adopté à une très grande majorité, et aux applaudissements d'une partie de l'Assemblée et des spectateurs. Il est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, après avoir ouï le compte que lui a fait rendre son comité des rapports, de l'information faite à la requête du procureur du roi au Châtelet les 11 décembre 1789 et jours suivants, et des charges concernant M. de Mirabeau l'aîné et M. Louis-Philippe-Joseph d'Orléans, déclare qu'il n'y a pas lieu contre eux à accusation. »
M. d'Orléans m'a chargé de demander de sa part la parole pour demain.
ministre de la marine, en suite des ordres du roi, écrit à M. le président pour lui faire part de trois lettres à lui adressées par M. d'Hector et M. d'Albert de Riorns , dans lesquelles ces officiers rendent compte de l'effervescence des esprits, soit à Brest, soit à bord de l'escadre. Ce ministre supplie l'Assemblée nationale de prendre en considération le contenu de ces lettres.
Le comité de la marine est chargé de rendre compte incessamment de cette affaire.
La séance est levée à quatre heures.
a la séance de l'assemblée nationale du
Opinion de M. l'abbé Maury, sur le rapport de la procédure du Châtelet.
Messieurs, après la lecture rapide d'un rapport qui a rempli deux longues séances, et qui ne nous a pas encore été distribué, il est bien difficile, sans doute, de saisir les assertions et les principes qui provoquent, dans ce moment, notre discussion. M. Ghabroud a développé toute la subtilité de son esprit pour analyser cette procédure, il a dirigé les faits vers le but qu'il s'était proposé. Il a poursuivi les témoins comme des accusés ; il n'a rien négligé pour découvrir des contradictions ou des faussetés dans leurs dépositions, qu'il a tâché de réfuter les unes par les autres. Quand les témoignages embarrassaient notre rapporteur etéchappaient à toutes les ruses de sa dialectique, il nous a dit que les témoins n'avaient pas vu ce qu'ils avaient cru voir, qu'ils n'avaient pas pu entendre ce qu'ils déclaraient avoir entendu. Il a suivi, dans l'examen des faits, une règlede critique qui a égaré tant d'historiens en ramenant toujours la vérité aux caractères de la vraisemblance. Il a conjecturé que tout était conjectural dans cette procédure criminelle. Au lieu du rapport impartial que nous attendions, on nous a présenté un plaidoyer ou plutôt un panégyrique en faveur des accusés. Tous les moyen s d'apologie qui nous o n t été présentés appartiennent au fond de la cause dont nous ne sommes pas juges. Il s'agiss ut d'examiner s'il y a lieu à accusation contre quelques-uns de nos collègues : mais on nous a fait entièrement perdre de vue l'état de la question. M. le rapporteur a entrepris de prouver qu'ils n'étaient point coupables. En écoutant attentivement ce long mémoire justificatif, je croyais assister à une audience de la Tournelle, où l'on aurait plaidé en présence d'un tribunal prêt à prononcer un arrêt de mort.
Pour mieux effrayer notre délicatesse, on nous a dit que tout décret en matière criminelle paralysait le citoyen dans l'ordre social. M. le rapporteur n'ignore cependant pas qu'un décret d'assigné pour être ouï, le premier de tous dans l'ordre judiciaire, oblige l'accusé de comparaître devant les tribunaux, et ne suspend l'exercice d'aucune de ses fonctions civiles. D'ailleurs, ce
mot d'accusé, qu'on a si souvent répété dans la discussion, ne peut s'appliquer encore à aucun des membres de cette Assemblée qui sont compris dans la procédure du Châtelet. Il est de principe que l'état d'accusé n'est constitué légalement que par le décret : et on n'a encore rendu aucun décret dans cette affaire.
M.de Mirabeau, qui est personnellement chargé dans plusieurs dépositions, n'a ouvert la bouche au commencement de cette séance, que pour inculper, avec la plus éclatante indignation, les témoins et les juges. Il s'est engagé publiquement à prendre à partie, non seulement ses accusateurs, niais encore tous les magistrats qui composent le Châtelet. J'appelle de la colère de M. de Mirabeau à sa raison et je lui observe qu'il ne peut pas attaquer les témoins en récrimination, parce que rien n'est encore légalement arrêté dans leurs témoignages; ils ont la faculté de varier au récolement et à la confrontation, sans pouvoir être poursuivis comme faux témoins ; et la menace de les traduire en cause est, pour le moins, très prématurée.
Quant aux juges du Châtelet, ils ont nommé un commissaire pour entendre les témoins, ils ont été purement passifs, ils ne connaissent pas même entièrement les charges, ils n'ont prononcé aucun décret, et M. de Mirabeau s'est livré à des mesures aussi puériles qu'illusoires quand il nous a déclaré qu'il allait recourir à la prise à partie contre ses juges.
Je reviens à M. le rapporteur et je le prie de m'expliquer d'abord, une première difficulté qui résulte des fonctions que nous avons à remplir dans ce moment. Il nous a dit que l'Assemblée nationale était chargée du ministère des grands jurys et qu'à leur exemple elle devait déclarer s'il y avait ou s'il n'y avait pas lieu à l'accusation contre M. le duc d'Orléans et M. de Mirabeau. J'arrête M. Ghabroud dès le premier pas qu'il fait dans la longue carrière où il doit nous servir de guide. Voici les doutes qui inquiètent d'abord ma confiance et embarrassent ma décision. Je demande pardon à l'Assemblée nationale de cette courte digression, que le principe fondamental de tout le rapport rend indispensable.
Lorsque la Chambre des communes du parlement d'Angleterre prononce un empêchement contre l'un de ses membres, elle se constitue accusatrice en présence de la Chambre de3 pairs qui doit le juger. La Chambre haute ne peut condamner à mort que les pairs et les juges du royaume; si un membre des communes était dans le cas de subir une peine capitale, son jugement serait renvoyé aux tribunaux ordinaires. Ge fut ainsi qu'en 1756, l'amiral Boscawen vint annoncer que le roi avait fait emprisonner l'amiral Bing, et qu'il allait le faire juger par une cour martiale. La condamnation de l'amiral Bing suivit de près cette communication officielle et la Chambre ne se plaignit, dans cette circonstance, ni du jugement, ni de l'exécution.
Vous voyez déjà, Messieurs, qu'il n'y a rien de commun entre les fonctions de la Chambre des communes qui se déclare accusatrice quand elle prononce un empêchement, et l'Assemblée nationale qui ne prétend certainement pas accuser ses membres devant les tribunaux. Quand vous avez statué dans la cause de M. de Lautrec, que les représentants de la nation ne pourraient être décrétés par aucun juge, à moins qu'un décret du Corps législatif n'eût déclaré qu'il y avait lieu à inculpation, vous avez adopté
un principe inouï dans la jurisprudence des nations policées ; tous vous êtes réBervê le ministère des juges, que vous ne pouvez pas remplir, sans professer hautement le plus exécrable despotisme, en confondant et en Usurpant tous les pouvoirs; vous avez rendu un décret dont il m'est impossible de pénétrer le véritable sens; et M.Ghabroud, qui en a fait la base de tout son système, serait fort embarrassé lui-même pour nous l'expliquer.
Selon la doctrine de M. le rapporteur, l'Assemblée nationale se transforme en grand jury dans les procédures criminelles qui sont dirigées contre ses membres. Or, le ministère des grands jurys, qu'on a souvent appelé parmi nous, le jury ae la plainte ou de l'accusation, n'est jamais exercé en Angleterre par la Chambre des COffi-munes. Les fonctions en sont remplies, en cas d'empêchement, par les grands jurys ordinaires de la loi commune. D'ailleurs, outre que les grands jurys ne sont pas encore établis en France, et que, très probablement, ils ne pourront jamais l'être, comme je crois l'avoir invinciblement prouvé dans une autre occasion, le ministère des grands jurys n'a jamais lieu en Angleterre dans les accusations de trahison, lorsqu'elles sont intentées à la poursuite du procureur général du roi
J'ajoute que les grands jurys ne décident jamais si l'accusation doit être poursuivie ou non, que sur les dépositions faites devant eux; de sorte que leur décision est toujours un véritable jugement; et l'Assemblée nationale, que l'on investit si légèrement des fonctions des grands jurys, ne prononce sur l'inculpation que d'après une procédure régulièrement instruite dans un tribunal d'attribution. Je cherche des exemples pour pénétrer l'esprit de votre décret, et je ne peux m'attacher à aucune règle de décision. Je
connais ni les pouvoirs que vous prétendez execrcer, ni les intentions que vous vous êtes proposées, en empruntant quelques mots de la jurisprudence anglaise, dont vous ne connaissez pas même la signification ; vos décrets né m'environnent que de ténèbres ; s'il existe dans cette Assemblée un seul de nos collègues qui veuille m'apprendre dans quelle latitude le ministère des grands jurys nous est ici dévelu, je suis prêt à lui donner la parole pour recevoir des leçons que j'ai cherchées inutilement dans le code dê ces Anglais, que hous croyons prendre pour guides et que nous abandonnons sans cesse dans notre apprentisâge dé la législation criminelle.
Voici maintenant une autre difficulté qui confond ma faible intelligence. M. le rapporteur qui n'a voulu voir, daûs les attentats du 6 octobre dernier, aucun cotnplot, aucune Conjuration contre personne, nous a dit que la procédure du Ghâ-telet était uniquement dirigée contre lâ Révolution. Je Bais, Messieurs, combien tous ces mots parasites de Révolution, de Constitution,de liberté, de patriote, d'ami du peuple, ont de laveur dans cette Assemblée. Il suffit de les prononcer dans cette tribune, quand l'esprit est fatigué de penser, pour exciter des transports d'enthousiasme parmi les habitués du Corps législatif, qui viennent ici dispenser la gloire.
Pour moi qui n'aspire pas à de si grands honneurs, je demande qu'on me définisse enfin le mot Révolution. Je demande où elle doit s'arrêter? Je demande s'il est dans le sens de la Révolution de souiller, par dès crimes dignes des Cannibales, le palais de nos rois ? Je demande s'il est dans le sens de la Révolution de massacrer la personne
EMENTAIRES. [Ie* octobre 1790.]
sacrée du monarque, d'assassiner son auguste compagne, d'armer contre cette princesse une armée de tigres, qui ont déshonoré la nation française, et dont la rage à jamais exécrable n'a servi qu'à exalter le courage de l'immortelle héroïne de notre siècle ? Je demande si la Révolution a pu être un titre d'impunité pour les plus grands crimes, si elle a pu autoriser un vil ramas de brigands à méditer, à commettre les plus noirs forfaits, entre l'Assemblée nationale et le trône? Je demande enfin si l'on regarde comme ennemis de la Révolution tous ceux qui sont profondément révoltés des horribles attentats de Versailles? et, dans cette supposition, je déclare que je me mets à leur tête.
Non, Messieurs, ce n'est plus de la Révolution, c'est d'une révolte qu'il s'agit, d'une révolte contre la Constitution elle-même, dont le roi fait essentiellement partie. C'est déshonorer la chaîne de nos décrets que d'en suspendre honteusement le premier anneau au poignard des assassins. Tous nos droits nationaux nous étaient rendus avant le mois d'octobre. Une nouvelle révolution ne pouvait plus être aiors qu'un bouleversement et il faut étrangement Compter sur le prestige de son éloquence ou sur le délire de notre patriotisme, pour espérer de nous persuader que le glaive de la loi invoqué à grands cris dans cet Empire, contre d'infâmes scélérats, est dirigé par le Châtelet de Paris, contre les sectuteurs de la liberté. Non, M. Chabroud n'a pu se faire à lui-même une si fanatique illusion. S'il a pu croire un instant que la procédure commencée trop tard par le Châtelet de Paris, contre des monstres in^ dignes d'être nos concitoyens, était le dernier effort de l'esclavage expirant, comment n'a-t-il pas été arrêté par des considérations qui ne doivent échapper ni à son esprit, *ni à sa mémoire ? Une procédure dirigée contre la Révolution ! Et c'est le comité des recherches de la ville de Paris qui a dénoncé cette hordé de scélérats I Le comité des recherches de la ville de Paris est donc antirévolutionnaire? Une procédure dirigée contre la Révolution 1 Eh! avez-vous oublié qUe cette procédure s'instruisit dans un tribunal dont les .juges ont fait monter l'infortuné Favras sur un échafaud?
Ce n'est donc pas contre la Révolution, c'est contre des coupables dont personne n'oserait entreprendre l'apologie qu'est dirigée l'instruction commencée au Châtelet. Plusieurs membres de cette Assemblée sont compromis dans les dépositions reçues par ce tribunal. Nous ne sommes pas les juges de nos collègues, nous n'avonBle droit ni de les condamner ni de les absoudre. Il est de notre devoir de les faire juger. La procédure n'est pas encore complète. Tous les témoins désignés n'ont pas été eotendus. Une addition d'information, des interrogatoires, les récole-ments, les confrontations peuvent répandre une nouvelle lumière sur cette instruction qui ne serait encore connue de personne si nous avions suivi la marche ordinaire des tribunaux, et même les dispositions littérales de nos propres décrets.
Qui de nous oserait prendre sur lui d'arrêter la recherche de la vérité et d'anéantir le premier acte de la procédure criminelle? L'honneur et la tranquillité de nos collègues doivent nous intéresser , Bans doute; mais le Corps législatif est appelé, dans ce moment, à élever plus haut ses pensées. C'est l'honneur de l'Assemblée nationale elle-même qui exige que Cette horrible affaire soit approfondie avec le plus grand soin. La France nous entend, et l'Europe va nous juger. Toute
exception en matière criminelle est indigne des représentants de la nation. La mission honorable dont ils sont revêtus ne doit servir qu'à les faire juger avec plus de sévérité s'ils sont coupables.
Après avoir détruit tous les privilèges, oserions-nous, Messieurs, avec quelque pudeur nous réserver à nous-mêmes le plus odieux de tous les privilèges, un privilège en matière criminelle? Ah I puisque nous avons parlé au peuple de l'égalité des droits qui appartiennent à tous les hommes, soumettons-nous noblement à la seule égalité qui ne soit point une chimère, à l'égalité de tous les citoyens devant la loi.
Toute prérogative, en ce genre, serait un luxe de puissance, si elle n'était pas une tin de non-recevoir, et si jamais elle nous servait ainsi d'excuse, elle deviendrait un opprobre.
A Dieu ne plaise que je veuille ici préjuger mes collègues) Outre que leur mission me fait présumer leur innocence, je n'oublie pas que tout homme qui n'est pus légalement condamné est toujours réputé innocent aux yeux de la loi. Je les plains, sans doute, d'être soumis aux tristes perquisitions d'une procédure criminelle : mais je m'intéresse plus à leur honneur qu'à leur repos : Montesquieu m'a appri3 que la rigueur des formes est un tribut que chaque citoyen doit payer à sa propre sûreté. Ce ne sont pas, sans doute, des lettres d'abolition qu'ils nous demandent. Il n'est pas plus en uotre pouvoir de les accorder qu'il n'est dans leur intention de les obtenir. Or, nous ne pourrions décréter en leur faveur qu'une déshonorante abolition de délit, si nous les séparions des autres accusés que le ministère public poursuit au Châtelet.
Pour condamner nos collègues* nous aurions besoin d'examiner si la procédure est concluante, nous n'avons besoin que de la lire pour les faire juger. Il suffit que les crimes que l'on ose leur imputer soient possibles, pour qu'un jugement définitif* portant décharge d'accusation, devienne absolument indispensable. Vous n'avez pas oublié, Messieurs, cet acte mémorable d'autorité qui fit enlever du greffe du parlement de Paris, les minutes de la procédure commencée contre feu M. le duc d'Aiguillon. Vous renouvelleriez le même abus de pouvoir, si, en vertu d'un décret qui déclarerait n'y avoir lieu à aucune accusation contre vos collègues, vous anéantissiez une procédure à peine ébauchée. Le Corps législatif ne souillera point ses registres d'un pareil monument de despotisme. Vous voyez ici des accusateurs, des accusations, des accusés, des témoins, des juges* Tout vous invite à ne point interrompre le cours ordinaire de la justice ; et il est au-dessus de votre puissance de rendre à vos collègues cet honneur, qui est la vie civile de l'homme, parce qu'un accusé ne peut l'attendre que des ministres de la loi. Si ces honorables membres étaient restés dans la classe des citoyens, la loi, qui ne fait exception de personne, les aurait déjà cités à son tribunal, ils sont au rang des législateurs, ils doivent donc suivre la même routé qu'ils tracent eux-mêmes à tous les Français.
Ehl qu'on ne dise pas qu'en accordant aux tribunaux le droit de décréter Indistinctement les représentants delà nation, comme tous les autres citoyens, on pourrait ainsi enchaîner arbitrairement, dans les liens d'un décret, tous les amis du bien public dont on redouterait l'influence. Ge n'est point par des possibilités, c'est uniquement par des probabilités que votre sagesse doit se conduire. Une supposition arbitraire ne prouve jamais rien ;
mais quand cette supposition est poussée à l'extrême, elle fait bien pire que de ne rien prouver én faveur de celui qui l'imagine ; elle démontre alors l'impuissance de se défendre, et le désespoir d'une cause réduite aux plus absurdes et aux plus chimériques expédients.
A ce nom sacré de l'honneur qui presse nos collègues accusés de solliciter un jugement, se joint la voix de leur propre intérêt qui les appelle dès ce moment aux pieds des tribunaux. Car enfin, notre inviolabilité aura un terme. Cette Assemblée ne peut pas durer toujours. Dès que votre mission sera expirée, nous rentrerons dans la classe comme des citoyens, et alors il faudra bien que nos collègues se présentent à leurs jugés, sans aucun intermédiaire. Nulle précaution ne peut les soustraire à cette inévitable responsabilité, parce qu'une continuation d'information peut amener de nouvelles charges, parce que les complices peuvent trahir d'importants secrets. Nous ne donnerions donc pas à nos collègues des lettres d'abolition. Notre autorité ne s'étendrait pas au delà d'une simple surséance, et je ne conçois pas qu'un délai si peu profitable doive tenter le zèle officieux de leurs amis.
Les preuves qui sont déposées dans la procédure dormiraient jusqu'à la fin de nos séances; mais elles ne périraient pas. Elles sont destinées à rester éternellement en dépôt dans le greffe du Ghâtelet et elles reprendraient toute leur force au moment où l'obstacle de l'inviolabilité étant écarté par notre séparation les ministres de la justice atteindraient sans efforts les accusés dont nous aurions retardé et non pas empêché le jugement.
D'ailleurs, Messieurs, vos principes dans cette matière sont déjà connus de foute la nation. Vous avez déjà jugé qu'il y avait lieu à inculpation contre M. le vicomte de Mirabeau, et vous l'avez envoyé à un conseil de guerre, cet honorable membre qui vous avait été dénoncé par son régiment, convaincu dès lors de l'insurrection la plus incontestable, avait déjà donné sa démission, et n'appartenait plus au Corps législatif, quand vous exerçâtes sur lui le drbit de suite, malgré mes plus pressantes révélations. Je respecte votre sévérité, et je la rappelle aujourd'hui à l'impartialité que la nation attend ae vous. Vous n'aurez pas deux poids et deux mesures, et cette Assem* blée ne nous retracera pas, sans doute, en action, la fable si philosophique des animaux malades de la peste;
Un autre exemple, non moins récent, fixe d'avance le décret que vous allez rendre. M. l'abbé dé Barmond, notre honorable collègue, vous a été déféré par votre comité des recherches. Le rapporteur de ce Comité vous déclara qu'il n'y avait aucune preuve, aucune trace de complicité, entre la conduite de M. l'abbé de Barmond et l'évasion de M. de Savardin. Je plaidai dans cette tribune la cause de notre collègue ; je crus pendant une heure entière, l'avoir soustrait aux poursuites de ses adversaires : mais votre décret empoisonna bientôt une jouissance si douce à moù cœur. Vous décidâtes qu'il n'y avait lieu à inculpation contre M. l'abbé de Barmond; vous prorogeâtes son arrestation, qui dure encore à la grande édification des amis de la liberté, et vous renvoyâtes son jugement au Ghâtelet.
On ne dira pas, sans doute, que ces deux décrets furent sollicités par des nommes qui voulaient d'avance s'en faire un titre contre deux de nos collègues qui sont compris dans les affreui événements de Versailles. Ge furent MM. de Mira-
beau et Barnave qui déterminèrent votre décision. J'ignore si, après avoir provoqué cet acte de rigueur contre M. l'abbé de Barmond, quoiqu'il n'y eût ni preuve ni trace .de complicité, ni même aucun corps de délits, ils oseront aujourd'hui vous proposer d'absoudre ceux des membres de cette Assemblée qui sont déjà dénoncés au Chàtelet.Uhe si étrange contradiction sort tellement des règles ordinaires de la vraisemblance qu'il ne nous est pas même permis de la croire jpossible. Nous ne donnerons pas à la France, à l'Europe et à l'histoire un problème si difficile à résoudre; et nous serons conséquents dans nos décisions, pour ne pas sauver l'honneur de nos collègues aux dépens du nôtre. L'importance du délit nous avertit que nous ne sommes pas au moment de l'indulgence envers autrui, quand nous ne pouvons plus en espérer pour nous-mêmes.
En vous présentant ces considérations, je m'abstiens de tous les moyens que me fournirait l'analyse de la procédure. Je me borne à des principes généraux, parce que je ne regarde pas votre délibération comme un jugement, mais comme une simple question de droit public. Votre rapporteur a voulu instruire l'affaire comme si vous deviez la juger; et votre droit, ainsi que votre devoir, se réduit à la faire juger. Après vous avoir ainsi rappelé les motifs qui me déterminent à ne point adopter l'esprit du rapport et à envisager la cause sous un autre point de vue, je vais aborder la décision que vous devez rendre, et m'expliquer avec la courageuse franchise qui convient à un représentant de la nation, sur la conspiration de Versailles, sur M. de Mirabeau, et enfin sur M. le duc d'Orléans.
Relativement à la conspiration, M. le rapporteur nous a dit qu'il n'apercevait, dans les horreurs de la journée du 6 octobre, qu'un jeu cruel du sort, une fatalité qui confond toute la prudence humaine et qu'il lui était impossible de découvrir dans la procédure l'apparence d'un complot. J'ai lu attentivement cette procédure, et je déclare qu'il m'est démontré, comme à tous les esprits qui ne sont pas prévenus, que les forfaits de Versailles ont été le résultat d'une véritable conspiration. Un seul fait suffit pour donner à mon assertion la plus incontestable évidence. Il est prouvé, par les dépositions unanimes d'une ioule de témoins, que parmi cette multitude de brigands dont le seul souvenir nous fait encore frissonner d'horreur, il y avait un très grand nombre d'bommes déguisés en femmes. Or, quand le peuple vient seulement demander du pain à son roi, et n'est pas en insurrection, il ne se manque pas de peur d'être reconnu. Tout travestissement suppose un projet, le besoin de se cacher; et, par conséquent,cest le caractère d'un complot destiné à commèttre impunément des crimes.
Je pourrais m'en tenir à cette seule observation pour convaincre tous les bons esprits. Mais à qui persuadera-t-on sérieusement que l'unité du départ, à la même heure, l'ensemble de dix mille personnes qui se rendent au même lieu, qui tiennent le même langage, qui portent les mêmes armes, qui annoncent sur la route, la veille de cette journée à jamais déplorable, qu'elles ne sont pas pressées d'arriver à Versailles, parce que le rendez-vous n'est fixé qu'au lendemain à six heures du matin; qui, en arrivant, font entendre les mêmes menaces, qui se mêlent avec les soldats, subornés le même jour; qui attendent avec la patience du crime pendant une nuit entière le signal des massacres, qui, à l'heure annoncée
d'avanee. se réunissent au même point, forcent la barrière qui entoure le palais du roi ; qui font retentir les cris d'imprécations et de blasphèmes contre la majesté royale, qui égorgent la garde fidèle de nos rois, qui pénètrent jusqu'à l'appartement de la reine, et qui en souillant par l'effusion du sang cette enceinte sacrée, ne regardent ces premiers crimes que comme le prélude d'un crime plus grand encore, destiné à déshonorer à jamais la nation? A qui persuadera-t-on qu'un pareil accord ne suppose pas un complot? Ah! le hasard n'accumule pas des forfaits si atroces et surtout si méthodiques. Il faut fermer les yeux à la lumière du soleil, pour ne pas voir dans tous ces excès de scélératesse, préparés, annoncés, combinés, tous les caractères de la plus infâme conspiration ; et lorsque nous fûmes témoins de ces scènes d'horreur, nul de nous ne douta qu'il n'y eût un plan, des chefs, des instruments, au milieu d'une multitude qui obéissait sans 4e savoir à des impulsions étrangères. Il y avait une conspiration manifeste contre le roi. On voulait l'intimider, on voulait l'éloigner, on voulait le remplacer par un régent. On voulait même probablement l'assassiner, et on consentit, par capitulation, à attenter à la liberté du chef suprême de l'Etat, en le traînant à main armée dans sa capitale. La conspiration contre la reine est encore plus évidente. Le sang a coulé dans ses appartements ; ses gardes ont été massacrés à sa porte. L'auguste fille des Césars, la digne fille de Marie-Thérèse, celte princesse que l'Europe entière admire, et qui doit tant de gloire à ses malheurs, n'échappa au fer des assassins qu'en s'évadant en chemise, à six heures du matin, pour aller attendre la mort à côté du roi.
Que l'on ose contester tous ces faits, ou que l'on reconnaisse enfin les horribles combinaisons d'un complot digne d'être traîné dans le fond des enfers. Si on méconnaît encore le danger dont ces têtes précieuses n'ont été sauvées que par une protection particulière de la Providence qui veille sur les destinées de cet Empire, il faut méconnaître le service immortel que rendirent à la nation, dans ce moment de deuil et de carnage, les braves grenadiers de la garde nationale de Paris. Ces citoyens soldats vinrent s'emparer de l'antichambre du roi pour en défendre l'accès aux assassins des gardes du corps. Je crois entendre dans ce moment la voix publique de tous les bons Français qui les bénissait comme les sauveurs du royaume. Nous disions tous, en versant des larmes, que si la garde nationale avait défendu la liberté contre la tyrannie, elle avait su défendre le trône contre les brigands. Donnez aujourd'hui un démenti formel à notre reconnaissance, imposez silence à notre admiration patriotique, si vous méconnaissez un si mémorable service; si vous prétendez qu'une si glorieuse défense n'est pas une preuve invincible de leur conjuration.
La conspiration est prouvée, et toute conspiration doit être approfondie, et la procédure du Ghâ-telet n'a été commencée que pour en suivre tous les rapports.
Quant à M. de Mirabeau, j'avoue loyalement, pour rendre un hommage solennel à la vérité, que les charges articulées contre lui me paraissent jusqu'à présent insuffisantes pour l'inculper. Je ne balance donc pas à vous proposer de déclarer qu'il n'y a pas lieu à accusation contre lui, d'après les pièces de la procédure qui sont entre nos mains. Je l'accuserais sans ménagement si les dé-
positions étaient plus graves, je crois honorer ma bonne foi en lui rendant justice.
Mes conclusions ne peuvent pas être aussi favorables à M. le duc d'Orléans.Jene prétends ni préjuger, ni entacher ce prince, mais il est trop gravement accusé pour ne pas ambitionner lui-même un prompt jugement.S'il était coupable, il ne pourrait nous inspirer aucun intérêt. S'il est innocent, il doit obtenir justice contre ses calomniateurs.
Sans rappeler les indices et les griefs qui ont précédé la journée du 6 octobre, je vois dans la procédure que M. d'Orléans est accusé de s'être promené en habit peu décent, au milieu de cette bande d'assassins ; de leur avoir souri, dans un moment où ses regards auraient dû les renverser; de leur avoir désigné les appartements du roi comme le pointd'attaque où ils devaient se rendre; de n'avoir donné aucun signe de douleur ni d'in-têrêt dans une circonstance où les augustes chefs de sa famille recevaient tant d'outrages,étaient exposés à de si affreux dangers, étaient entourés d'une consternation universelle et où il était du devoir d'un premier prince du sang de verser jusqu'à la dernière goutte du sien pour défendre le trône. Je ne fatiguerai point votre douleur du récit lamentable des dépositions qui chargent M. le duc d'Orléans : ma langue se refuse à articuler tant d'horreurs que j'ai devant les yeux et que je veux éloigner de ma vue; mais je dirai que l'opinion publique entraînée par tant de bruits injurieux, étonnée du départ de M. le duc d'Orléans pour l'Angleterre, à cette même époque où il ne devait penser qu'à venger son honneur, attend aujourd'hui que ce prince oublie les prérogatives de son rang et de sa mission, pour subir le joug honorable de la loi. Je sers mieux ses véritables intérêts en lui donnant un conseil sévère, que si je l'accusais par de lâches adulations. Il s'agit ici de l'honneur d'un petit-fils de Henri IV. Les égards qu'il doit à ses ancêtres et à sa postérité, dont les rejetons peuvent être un jour appelés au trône, ne lui permettent aucune capitulation indigne de son grand nom.Le Corps législatif, dont il ne peut attendre ni grâce ni justice, doit donc l'inviter à faire triompher son innocence dans les tribunaux. Ce n'est pas là qu'il peut être jugé, honorablement déchargé et vengé de la calomnie dont les cicatrices ne sauraient être effacées que par la main des ministres des lois.
Je conclus donc à ce que l'Assemblée nationale déclare qu'il y a lieu à accusation contre M. d'Orléans, et qu'elle le renvoie au Ghâtelet pour être jugé.
Observations de M. Henry de Longnève (1),
sur la partie du rapport de M. Chabroud qui lui
est personnelle.
Ma position ne ressemble point à celle des autres témoins inculpés par M. Chabroud dans son rapport.
Ma déposition n'a pas été taxée par lui d'invraisemblance, puisque, pour la trouver repré-hensible, il s'est permis d'y ajouter ce qui n'y existe pas.
Elle n'a pas été taxée de contradiction, puisqu'on a, au contraire, hasardé contre elle le reproche d'un concert qui en atténuait le poids.
Enfin, elle ne présente par elle-même aucun fait qui soit révoqué en doute, puisque, bornée à un
simple récit sans la plus légère réflexion, elle a forcé le rapporteur d'aller chercher, dans les intentions qu'il m'a prêtées,une malignité dont mon texte nu aurait repoussé l'idée.
Je dois donc m'isoler absolument; je dois repousser loin de moi, avec toute la force de la vérité, la chimère odieuse accueillie par le rapporteur d'un accord coupable entre les témoins entendus. Je dois dénoncer cet art funeste dont il a fait vis-à-vis de moi son excuse, et qui consiste à confondre, dans leurs expressions, les témoignages qui présentent entre eux quelques rapports sur les choses.
J'ai été assigné individuellement. Quand la justice a reçu ma déposition, elle m'a admis seul à son tribunal. Seule avec moi, elle a reçu ce que j'avais à dire, sans égard à ce qu'un autre avait dit avant moi, sans me parler des dépositions précédentes, sans diriger, par des communications étrangères, un témoignage qui ne devait être que le mien. Lors donc que les dépositions ainsi reçues se rapprochent par quelques points, c'est aux yeux de tout homme impartial, comme aux yeux de la loi elle-même, un préjugé en faveur de la véracité des témoins. Il était réservé à M. Chabroud d'en faire résulter contre eux la preuve de leur concert.
On admettait, sous l'ancien régime, un principe que le nouveau n'a sûrement pas désavoué. C'est que le mal ne se présume pas; et si le rapporteur voulait atténuer ma déposition, il devait, avant tout, fournir la preuve du concert. Jusque-là ce n'est pas moi, c'est lui seul qui est coupable.
Je n'ai à répondre que de ma déposition; celle de tout autre m'est pleinement étrangère. J'ignore à qui je dois d'avoir été appelé en témoignage, mais j'étais loin de m'y attendre. Je me rappelle même que lorsque j'étais membre du comité des recherches, et dans une démarche que M. Turpin, mon collègue, et moi fûmes chargés de faire auprès de celui de l'Hôtel de ville, ainsi que l'explique ma déposition, je fus étonné de voir mon nom inscrit en marge d'une déclaration faite par le sieur Jullien, aide de camp de M. de La Fayette, qui nous avait été communiquée dans une conférence précédente. J'en témoignai ma peine à M. Brissot de Warville, de la main duquel j'étais inscrit et j'insistai pour qu'on ui'effaçât.
Mais quel que soit celui qui m'a forcé de déposer, j'ai fait ma déposition telle que j'ai cru devoir la faire. Je ne prétends pas la discuter ici. Ce que j'ai déposé, il y a six mois, je le déposerais aujourd'hui même que le rapport de M. de Chabroud me fait voir tout le parti que la subtilité et la prévention peuvent tirer d'une déposition, pour inculper celui qui l'a faite.
Personne ne sait comme moi ce que j'ai vu, ce que j'ai senti. Peu m'importe que d'autres aient vu et senti comme moi ou différemment que moi. Ce que je sais, c'est que si on n'établit pas que les faits dont je dépose n'ont pas existé, on ne peut taxer, ni mon témoignage d'erreur, ni mon opinion d'injustice.
Sans doute, et j'y consens de bon cœur, les parties intéressées peuvent croire, elles peuvent dire que j'ai mal vu et mal jugé; mais ce qu'elles seraient alors tenues de prouver, M. Chabroud n'aura pas eu le droit de le décider d'office, de le décider sur parole. Il n'aura pas surtout eu le droit d'augmenter, d'altérer mon témoignage pour y voir ce qui n'y est pas, et pour me prêter des faits que je n'indique point jet des intentions que mon récit n'a point annoncées.
Tels sont pourtant, envers moi, les procédés de M. Ghabroud. Je les dénonce à tous les amis de la vérité; je vais les prouver à tout le monde. Je vais ramener ma déposition à la pureté de son texte, ranger à côté de chaque article, ce que M. Ghabroud a mis à la place, et les réflexions qu'il y a jointes.
Quand ce rapprochement sera fait M. Ghabroud restera le maître de laisser subsister les inductions qu'il a fait sortir de ma déposition altérée, et que cette altération a pu rendre croyables aux yeux de cette partie du public qui prononce sans examen.
PREMIER ARTICLE.
Quoique M. Chabroud ait fait disparaitrc de son rap- port les traces do son er- reur sur cc premier article, il est de notorietc publique qu'a la stance du 30 sep- tembrc, il a dit avoir lu dans ma deposition et dans celle de Rl. Turpin, tout ce qui se trouve dans celle de M. Tailhardat, relativement a des caisses arretees a la suite d'un regiment de M. d'Orleans, et contenant des fragments de bois taillcs de maniere se lier entre eux, etc., etc.
M. Chabroud, dementi par M. Turpin, sur ce fait, a ete force d'avancer, a la seance du ler octobre, que nos deux depositions ne contenaient pas un seul mot de ce fait : il a rejete la cause de son erreur sur la complication de 1'affaire et sur le volume de son extrait.
Je rends trop de justice aux talents de M. Ghabroud pour croire que l'affaire la plus compliquée soit au-dessus de ses forces. Je conçois, cependant, qu'il peut échapper quelque chose dan3 le dépouillement d'une procédure volumineuse. Mais si cette considération rend excusable à mes yeux l'omission de quelques faits, je voudrais qu'on m'expliquât comment elle a pu faire ajouter à deux dépositions un fait qu'elles n'ont pas même indiqué?
Cette énigme serait inexplicable pour moi, si je ne croyais en trouver la clef dans l'idée chérie, dans le système favori de M. Ghabroud, c'est-à-dire dans le concert qu'il veut toujours établir entre les témoins.
Avec cela, tout devient clair pour moi. Trois membres du comité des recherches du mois de décembre ont été entendus. Le premier des trois a déposé du fait des morceaux de bois ; donc les deux autres en ont fait autant; et le rapporteur, sans y regarder de plus près, leur prête à tous trois le n orne langage.
Peut-être le fait sur lequel tombe la supposition que je relève est-il en lui-même peu important; mais, ce qui l'est beaucoup, c'est la légèreté qui l'a produite; c'est le préjugé qu'elle autorise sur la prévention de celui auquel j'en adresse le reproche. Au reste, quelle qu'ait été la cause de l'erreur de M. Chabroud, il faut s'empresser de lui restituer tout le mérite de l'invention. Il avait dit, dans son rapport, que son imagination avait dormi; elle a tenu plus qu'elle n'avait promis, car il est clair pour moi qu'elle a rêvé. Je ne me plains que d'avoir été compromis dans ses rêves.
Pour revenir sérieusement au fait, et d'après la preuve frappante que fournit de la prévention de M.Chabroud, l'addition qu'il a faite à la déposition de M. Turpin et à la mienne, je demande si c'est avec une telle légèreté sur les faits, si c'est avec une telle partialité contre les personues qu'un rapporteur a pu se permettre, je ne dis pas seu-
lement d'aborder le plus important du procès, mais d'en composer le tableau et de faire passer à ses auditeurs des impressions erronées qu'un désaveu postérieur ne peut jamais complètement effacer?
Je ne sais si je m'abuse, mais il me semble que dans le régime ancien, que dans le tribunal le moins rigide, un tel procédé eût attiré au rapporteur la récusation des parties et la censure des magistrats.
SECOND ARTICLE.
M. de Yirieu et M. Henry do Longuevo rcmai-qucnt que dans le.t deliberations de la premiere seance du 5 octobre Us furent frap- pes de la raideur d'opinion qui se manifestait dans une par tie de I'Assemble nationale. Je relevo ce temoignage particulier parce qu'il est grave dans cc qu'il dit, et plus encore dans ce qu'il ne dit pas. Quel rapport veut-uu eta- blir ontro la disposition des esprits dans i'Assembleo nationale, et une insurrec- tion ignorec oncore par ceux qui n'auraient pas etc ins- truits du myst^re qui la preparait ? Je ne sais que vous dire: uno definition me semble perilleuse; il y a de l'in- discretion, peut-6tre dans cos dispositions, si elles sont insignifiantes, si la re- ticence intervient; je n'ose la qualifier... Je m'arrete, ma mission n'est pas da justifier l'Assemblee natio- nale qui n'en a pas besoin.
Depose que des le cou- rant do scptcmbrc dernior, lo rapprochement d'un grand uoinbre de propos et de circonstances l'avaient autorise a croire qu'on cherchait a exciter dans la capitale des mouvements contro le roi, la reine et une partie dps memhres de 1'Asseniblee nationale; que ses soupcons a cet cgard datent essentielle- ment d'line insurrection provoquee par le sieur de Saint-Huruge, ot dont lui, deposant, alors secretaire de l'Assemblee nationale, fut charge de rendre compte 4 ladite'Assemblee ; que le lundi 5 octobre, des I'ou- Yerluro de la seance, il crut remarqucr qu'il se pre- parait quelque chose d ex- traordinaire, par le ton qu'affectaient d'y prendre quclqucs rnembres de I'As- semblie, et notamment le sieur comte de Mirabeau, en parlant d'une denoncia- tion qu'il pouvait faire et qui portait visiblemcntcon- !ro la reine. Qu'en effet, elc.
Voilà donc M. Ghabroud qui, après avoir mis à la place de mon texte une phrase qui n'est pas la mienne, en prend occasion de me reprocher que j'ai voulu accuser l'Assemblée nationale elle-même. Le voilà qui, non content de voir un soupçon contre les personnes, quand il pouvait ne voir qu'un pressentiment sur les choses, veut encore faire porter sur l'Assemblée nationale ce soupçon que mon récit eût attaché tout au plus à quelques individus, en indiquant précisément le fait qui l'avait produit. Le voilà qui, parlant de délibérations, quand je parle d'un discours ; de la raideur d'opinion quand j'indique qu'on dénonçait, qu'on ne délibérait pas, me taxe ensuite, ou d'une indiscrétion coupable ou d'une réticence trop perfide pour être qualifiée.
Je me devais à moi-même de relever cette révoltante inculpation. J'ai sommé M. Ghabroud, à la séance du 1er octobre, de s'expliquer à cet égard et de reconnaître ce qu'alors j'ai bien voulu n'appeler que sa méprise. Il a risqué deux réponses; je vais les reprendre et les combattre.
Il a dit d'abord : « Que dans l'immensité de son travail, la déposition de M. de Virieu s'était offerte à lui la première en date; que comme elle portait sur la même circonstance que la mienne, il avait cru pouvoir les rendre toutes deux par une phrase commune. »
Ii a dit ensuite : « Qde j'allais dans ma déposition plus ltiin qUe M. de Virieu, et qu'ainsi je n'avais pas à me plaindre. »
Dans l'impatience où était l'Assemblée d'entendre la suite du rapport, quelques voit ont crié que les deux dépositions étaient la même chose, et, dès Ce moment, il ne m'a plus été permis de suivre ma réclamation, quoique la parole m'eût été promise à la fin du rapport ; quoiqu'à mon sens elle fût due avant que la discussion du fond s'entamât, à ceux des témoins qui, inculpés par M. Chabroud, voulaient prouver que leurs dépositions étaient altérées ou commentées dans ce rapport. C'est ce refus dé les entendre, refus qui les mettait dans une situation pire que belle des prévenus eux-mêmes, qui me force d'écrire aujourd'hui. Je reprends les deux réponses de M. Chabroud. La première est d'une absurde injustice ; la secondé est d'une maladresse frap* pan te.
C'est peut-être la première fois qu'on ait osé prêtehdre qUe, parce que deux dépositions se rapprobtient plus ou moins sur un mit, 11 a été permis de citer l'uné par une phrase extraite de l'autre : pour mol, j'ai toujours pensé qu'il h'est pas de différence, qUeiqbe légère qu'elle soit, qu'il n'est pas de nuance, si faible qu'elle puisse paraître, qui doive échapper au ministre de la loi, quand il est pénétré de la sainteté de son ministère et de l'importance dé ses fonctions. Combien cette obligation ne se resserre-t-elle pas pour celui qui, au lieu de se borner à offrir les dépositions telles qu'elles se présentent, veut en discuter le sens et ses motifs. La première réponse de M. Chabroud ne sert qu'à prouver de plus en plus aVec quelle légèreté il a sacrifié la maturité de l'examen aU désir d'arriver à des résultats conformes à son système.
Mais si, de son aveu même, j'ai été plus loin que M. de Virieu, hotis n'avons donc pas parlé l'un comme l'autre? Nous avons donc tous deux à nous plaindre ; lui, de ce que pour me l'associer, on l'a fait aller plus loin qu'il n'a voulu ; moi, parce qu'en retenant dans le vague ce que j'ai développé avec détail, on s'est ménagé le moyen d'en diriger le sens à son gré. C'est précisément en cela que la réponse de M. Ghabroud reste à côté de mon obiéction.
Ce que je lui ai reproché, ce h'est pas d'avoir attaqué ma déposition, quoique peut-être j'eusse pu le faire, d'est de ce qu'il attaquait, comme à moi, une déposition qui n'est pas la mienne; c'est dé ce qU'à l'aide de cette substitution, il m'attribuait ce que je n'ai pas dit, il voyait ce qui n'existait pas, c'est-à-dire une inculpation formelle contre l'Assemblée, au lieu d'un soUp-çoh. tout au plus présumable, contre quelques individus; ùne inculpation téméraire et vague, quand je cite aVèc détail les faits qui auraient autorisé ce soupçon.
Je ne crains pas que ceux qui compareront mon texte à celui qu'on a voulu y substituer, pensent comme M. Chabroud que l'altération soit indifférente et le commentaire excusable. Si j'avais à discuter ici mâ déposition et à justifier mes inquiétudes, je demanderais S'il a été si extraordinaire de croire à des complots et de redouter des violences, quand l'Assemblée nationale avait eu à délibérer, dès les premiers jours de septembre, sur l'insurrection de ceS hommes coupables, qu'un chef plus vil et plus cbUpable encore avait voulu conduire à Versailles, porteurs d'une liste de proscription, et précédés par des menaces? Quand plus d'un mois avant le
5 Octobre, tous ceux que leur besoin ou leur eu riosité conduisaient à Versailles, voyaient des corps de garde établis et des canons placés en divers points de la route? Je demanderais s'il a été Si extraordinaire de concevoir, le 6 octobre, des pressentiments funestes* en voyant dénoncer avec véhémence les gardes du corps, comme complices des plus noirs desseins, et comme en butte à toutes les fureurs du peuple; quand on remarque que peu d'heures après cette annonce effrayante, le peuplé avait déjà ihvesti et violé le palais de ses rois, et le lieu des séances de l'Aèsernblée? Quand on observe que M. Chabroud lui-même s'est efforcé de voir, dans le mécontentement du peuple, la cause unique et naturelle de son insurrection contre Versailles et toutes les horreurs qui l'ont suivie?
Quel est l'homme qui, même en jugeant que mes pressentiments n'ont pas été justitlés, oserait encore aujourd'hui décider qu'ils ont été téméraires?
Je ne m'abaisse ppînt à défendre ce qui n'a pas besoin d'être défendu; mais que n'aurais-je point à opposer aux raisonnements de Mi Chabroud I J'ai déjà remarqué comment il m'a fait parler de la raideur d'opinion qui se manifestait dans les délibérations du 5 octobre, lorsque j'ai parlé uniquement d'une dénonciation qui n'a pU se faire que parce que l'Assemblée ne délibérait pas. Il est tfonc déjà constant quë les soupçdhs qu'il me reproche auraient totit au plus porté stir les auteurs de la dénonciation. Or, l'un d'eux, celui même que j'ai nommé, a déclaré samedi qUe lui, troisième, avait dénoncé.
Maintenant, mon texte présetite-t-il bien né-cessairement dans lés pressentiments qu'il articule un soupçon de Complicité contre les dénonciateurs des faits qui mécontentaient le peuple et les agents de Son insurrection? N'était-il donc pas possible que le lendemain d'Un jour de vacance qd'à 10heures du matia; ceUx qui parlèrent à l'Assemblée eussent vu pareux-mêmes ou appris par d'autres le mouvement déjà excité dans la capitale? N'étalt-ll pas possible que cette connaissante, ajoutaut à la véhémence ne leur ton, ce ton me fît pressentir les événements dont peu d'heures après nous devînmes tous les spectateurs, mais je ne veux pas m'en tenir à cette explication que je he devais pas avoir besoih d'indiquer. Je vais plus loin, j'attache, pour un mometit à ma déposition le sens le plus défavorable et je demandé où seraient les droits de la vérité, Où serait la liberté des dépositions, et le reSpêct pour les conscienéés si, parce qu'uH homme est déclaré Innocent, il n'a pas été permis de craindre qu'il ne fût coupable et d'articuler cette crainte ?
Est-il faux qu'on ait fait une dénonciation le 5 octobre ? Est-il faux que j'aie conçu des pressentiments qui,malgré mol, Ontllé cette dénonciation aux faits subséquents du même jour? Voilà, ce me Semble, tout ce qui aurait pu donner prise sur moi à la censure du rapporteur quand il serait devenu mou juge. Mais,lors même qu'un décret solennel a prononcé qu'il n'y avait lieu 6 aucune inculpation, si la loi n'avait pas fait précédemment un cfime de soupçonner des coupables. M. Chabroud a dû respecter l'opinion des témoins ; il a pu s'applaudir s'il a réussi à faire changer, leur oplnlbrl, mais jamais les accuser pour belle qu'ils ont eue.
Il m'a cependant fait un crime de la mienne, après avoir dénaturé mon texte, pour la composer à son gré. C'est pour cela que je le dénonce; C'est pouf cela que je rétorque coùtre lui
l'argument qu'il m'a opposé. Si c'est de dessein prémédité qu'il s'est ainsi conduit envers moi, je n'ose plus qualifier son procédé. Si c'est par légéreté qu'en me citant à faux, il m'a inculpé à tort, quelle idée il nous a donnée de ses principes et de son ouvrage I
TROISIÈME ARTICLE.
Rapport de M. Chabroud.
Vous allez entendre des revelations qui partent de voire cornile dos rccher- ches.
On a vu des plaques de metal aux. armcs d'Orloans: trois honorables membres de l'Assemblee, MM. Tail- liardat,Henry et Turpin out consigne cette decouverte dans l'information. Jo mo suisd'abord figure des mar- ques d'une chevalerie nou- vclle...... quelquo signo de rallieinenlentre des con- jures.....j'ai vu de lourdes masses.
Texte de ma deposition.
.....Que MM. du comite des recherches de TJIcitel de villc,ont fait voir, a lui deposant, deux plaques en plomb, de la grandeur a pen prs (Tune demi-feuille de papier} portant toutes deux les armes d'Orleans; et 1'une d'elles ayant cn outre pour devise : vive d'Orleans! qu'en les lui monlrant, ou lui dit qu'on avait decouvert qu'il en avait eto commands un cer- tain nombre de sembla- bles.
Ce fait, par lui-même, serait peut-être à peu près indifférent, s'il ne fournissait une preuve nouvelle du penchant de M. Chabroud à prêter aux témoins des intentions secrètes, à voir partout la passion à la place du calme, et dans un récit simple et naïf, une intention perfide. En lisant l'article des plaques, il s'est, dit-il, figuré les marques d'une nouvelle chevalerie; en les voyant, il n'a trouvé que de lourdes masses. Mais s'il avait remarqué dans ma déposition les dimensions qu'elle donne à ces plaques, il n'avait pas besoin de les voir pour se convaincre que ce n'était pas des médailles, et qu'une plaque en plomb de huit pouces au moins sur six, ne se porte pas à la boutonnière. Il faut convenir qu'on trouve ici, de sa part, une bonne foi bien remarquable et une plaisanterie bien placée.
Mais pourquoi, d'ailleurs, cette discrétion attentive qui semble destinée à faire attribuer aux témoins la découverte des plaques? Pourquoi cette tournure embarrassée, qui, détachant cette découverte de toute liaison avec la procédure, provoque la surprise du lecteur et le porte à demander : Quel rapport ont ces plaques avec les faits du 6 octobre? Pourquoi ne pas dire tout simplement ce que les témoins déclarent ? Que la découverte a été faite par le comité des recherches de l'Hôtel de ville ; que c'est lui qui l'a communiquée au comité de l'Assemblée nationale, comme propre à donner des lumières, et- à faire trouver le fil des événements dénoncé par lui au Châtelet.
La même observation s'applique aux fragments de bois, dont M. Tailhardat a déposé. Elle va s'appliquer encore aux lettres interceptées par le comité de l'Hôtel de ville.
Sur cet article, le rapporteur, au lieu du récit simple et vrai que contient ma déposition, en fait un qui n'offre qu'une accumulation de doutes volontaires et de questions artificieuses. Il ne sait, dit-il, comment les lettres ont été interceptées; il s'étonne de la réponse du roi; il l'attribue à ses ministres pour avoir le droit de la trouver répréhensible. Il ne conçoit pas pourquoi ces lettres ont été citées dans la procédure; enfin on croirait à l'enteudre, que ce sont les té-
moins qui ont intercepté les lettres, que ce sont eux qui ont voulu les ouvrir; et que le comité des recherches de la ville leur a opposé une résistance digne d'éloges. Qu'à côté de cela, on lise ma déposition, et tout change de face. On y voit que c'est ce comité qui a intercepté les lettres; que c'est lui dont les sollicitations avaient porté le comité de l'Assemblée, précédant immédiatement celui dont j'ai fait partie, à députer directement vers le roi, pour obtenir la permission d'ouvrir ces lettres interceptées. On y voit que le roi s'y refusa par des motifs également sages, et conformes au principe de la Constitution ; motifs consignés dans une réponse écrite dont j'ai vu l'ampliation au comité, signée du sieur d'Ogny. On voit enfin dans ma déposition que cette première tentative n'ayant pas réussi, les instances ont été renouvelées auprès du nouveau comité qui a refusé de les accueillir.
Il ne tenait qu'à M. Chabroud de fixer ainsi tous ses doutes. Peut-être? eût-il été conduit par là à se souvenir que c'est le comité dans lequel j'ai servi qui a fait consacrer, par un décret solennel de l'Assemblée, l'inviolabilité du secret des lettres. Mais je reviens à une objection qui n'est qu'indiquée dans le rapport, quoique les observations qu'il contient tendent évidemment à la provoquer.
On a pu se demander quelle liaison présentaient avec les attentats du 6 octobre, et les lettres, et les plaques de plomb, et les morceaux de bois interceptés, et pourquoi quelques témoins ont parlé?
A cela, voici la réponse. Ce n'est, comme on l'a vu, ni moi, ni mes collègues qui avons fait ces découvertes ; mais le comité de l'Hôtel de ville s'était empressé de nous les communiquer. Quand j'ai été appelé en témoignage, j'avais à m'expliquer non seulement sur les faits de la plainte et de la dénonciation, mais aussi sur leurs circonstances et dépendances. Je ne pensais pas alors, et malgré le rapport de M. Chabroud, je ne pense pas plus aujourd'hui que ne le pensait le comité de l'Hôtel de ville à l'époque de mes relations avec lui, que les assassins fussent tombés des nues le 6 octobre. Il était au moins possible qu'ils n'eussentété que les agents d'un complot. Or, quand le comité de l'Hôtel de ville, dénonciateur du crime, empressé d'en rechercher les traces et les auteurs, recueillant pour la justice toutes les indications qu'il pouvait se procurer, m'avait présenté les lettres et les plaques comme des dépendances essentielles du procès, pouvais-je, sans trahir ma conscience et manquer à la vérité, garder le silence sur ces objets? M'était-il permis de m'établir juge du degré plus ou moins grand d'importance de la découverte; de la précision plus ou moins frappante de ses rapports avec les autres indices? M'était-il permis, en un mot, de faire un calcul au lieu de donner un témoignage?
Jusqu'ici j'ai rétabli l'exactitude des faits et les termes de ma déposition; je dois maintenant m'arrêter encore sur les reproches de concert et de mauvaises intentions qu'il a plu à M. Chabroud de m'adresser. Plus j'examine mon témoignage, et plus il m'est impossible de concevoir ce qu'il contient de concerté ou d'insidieux. Simple et exact dans tous ses détails, il présente l'idée d'une impartialité soutenue. Des bruits que l'opinion publique avait fait circuler jusqu'à moi, annonçaient que, dans la nuit du 5 au 6 octobre, M. de Mirabeau avait été sur la place d'armes, et même au château, excitant les fureurs du peuple.
J'ai eu soin de constater que dans cette nuit, je l'avais vu Si la salle de l'Assemblée, même pen-dautqu'un grand nombre de députés se trouvaient au château.
On le taxait encore d'avoir dirigé ou du moins autorisé les excès des femmes venues de Paris, et j'ai attesté, avec qiielle tranquille fermeté il avait remis dans les termes du respect celles qui s'en étaient écartées pendant la dernière séance de la nuit. M. Chabroud a fait usage de cettè partie de ma déposition, elle s'accorde en ce point avec celle deM. Deschamps. Comment le rapporteur n'a-t-il pas aussi fondé sur cette ressemblance un reproche de concert? Comment ma déposition lui parait-elle juste et digne de foi, quand elle remplit ses vues, et coupable quand elle contrarie son système?
J'ai eu l'intention d'en écarter tous ces propos qu'on entend et qu'on recueille malgrésoi, surune affaire dont tout le monde s'occupe et s'entretient. Je ne sais pas déposer sur des ouï-dire dont je ne peux retrouver les sources ; j'en ai indiqué deux, mais j'ai nommé ceux de qui je les tenais, et l'objet leur en était personnel. M. de La Salle, en confirmant le premier, a confirmé aussi, selon moi, la réalité d'un complot, par le propos exécrable de ces hommes postés à Sèvres, et qui indiquaient de là, non ce qui s'était fait, mais ce qu'on devait faire à Versailles.
Le second, sans être aussi pleinement reconnu par celui que j'avais cité, l'a été cependant d'une manière assez forte, pour établir qu'il avait mérité mon attention. Je remarque d'ailleurs que les imprécations horribles sur lesquelles il portait, -sont attestées par deux témoins dont je n'ai connu les noms et les récits, qu'en lisant la procédure, MM. de Beau mont et de Gardiole. Leurs dépositions établissent aussi l'existence d'un complot, puisqu'elles lient les crimes du 6 octobre aux menaces proférées la veille par des femmes, dans l'enceinte de l'Assemblée.
J'observerai en passant que ce sont ces deux dépositions concordantes sur ce fait, et sur un autre non moins grave, que M. Chabroud a froidement écartees par cette phrase que je ne retrouve plus dans son rapport, mais que je suis certain de lui avoir entendu prononcer : « Qu'il semblait que ces deux ecclésiastiques fussent sortis de leur séminaire uniquement pour entendre à la barre de l'Assemblée ce que nul autre qu'eux ne disait avoir entendu.» Comme s'il était extraordinaire que deux ecclésiastiques eussent partagé la curiosité, qui depuis cinq mois amenait tout Paris à nos séances. Comme si M. Chabroud savait par inspiration que nul autre
Su'eux n'a entendu les propos dont ils déposent I
omme s'il était naturel que ceux qui n'ont pu les entendre fussent venus s'offrir en témoignage I Comme si, lors même qu'aucun autre ne les eût entendus, deux témoins formels qu'on ne reproche point ne faisaient pas foi pleine et entière.
Je ne relèverais pas cette partie du rapport, si elle ne me servait à faire remarquer que c'est avec des raisonnements et des observations du même genre que M. Chabrond est arrivé à conclure en ces termes, que je détache d'une déclaration beaucoup plus longue et, pour le moins, aussi violente :
« Ne vous est-il pas démontré que la Constitution est le but de tous les traits qu'on aiguise en secret? les fureurs qui veulent la renverser ne sont-elles pas exercées, d'abord contre l'Assemblée nationale dont elle est l'ouvrage? »
« Vous n'avez pas oublié la remarque de M. de
Virieu et de M. Henry, que le 5 octobre il y avait de la raideur dans certaines opinions, etc. »
C'est ici que la prévention, j'ai presque dit la noirceur, se montre dans tout son jour : j'ai peine à contenir mon indignation; et quand M. Chabroud viole envers moi toute justice, il me dispense envers lui de toute mesure.
J'oserai demander à cet adversaire imprudent gui s'érige en scrutateur de mes pensées, quand il n'est que le dépositaire de mes récits, quel est son titre pour calomnier mes intentions, en donnant pour unique preuve des desseins qu'il m'attribue l'accusation même qu'il m'intente? J'oserai lui demander compte de cette autyrité arbitraire avec laquelle il prononce sur le mérite des dépositions, pour rejeter les unes, parce qu'elles se contredisent, et les autres parce qu'elles se ressemblent? Avec laquelle il se permet de restreindre le sens des plus graves pour les affaiblir, et d'étendre celui des plus faibles afin de les trouver repréhensibles : Eh quoi I parce qu'appelé en témoignage celui que j'ai donné aura quelque rapport avec d'autres, je ne serai plus qu'un agent subalterne allant consigner fidèlement dans une procédure les impressions qu'on m'a suggérées? Quoi! parce que témoin des attentats horribles qui ont menacé des jours que je voudrais prolonger aux dépens de tous les miens, j'aurai obtenu sur moi-même assez d'empire pour énoncer froidement ce que j'ai si vivement, si douloureusement senti, je serai présenté comme un conspirateur adroit qui, sous l'apparence du calme, ait voulu porter un coup mortel à la Constitution)
Eh I qu'a de commun la Constitution avec les crimes du 6 octobre et les trames qui les ont enfantés ? Qu'a de commun la Constitution, non pas seulement avec ce que j'ai dit, mais avec le sens le plus contourné de ce quej'aidit? Que celui qui m'accuse avec tant d'audace produise donc enfin les titres de son accusation I je lui livre et ma conduite publique et ma vie particulière; qu'il dise en quels complots il m'a trouvé compromis; qu'il dise en quel instant il a cessé de me voir autant d'égards pour l'opinion d'autrui que de bonne foi et de conséquence dans la mienne !
Mes principes, je les ai hautement affichés ; mon opinion, je l'ai toujours énoncée sans passion comme sans crainte au sein de l'Assemblée, souvent au milieu d'un peuple excité, sans m'ef-frayer de ses menaces, quelquefois en bravant ces listes sanguinaires rédigées jusque sous nos yeux, et destinées à faire circuler dans les provinces, la proscription et la vengeance;
Si de ma conduite il veut remonter à mes motifs, il me verra étranger à toutes les grâces, inconnu à tous les hommes puissants, commencer à défendre l'autorité au moment où elle ne pouvait plus rien pour moi; il me verra, ferme dans mes principes, suivre d'un pas égal la route qu'ils me traçaient; parce qu'ils sont chez moi le produit de la réflexion de la conviction la plus intime; c'est parce que je les crois vrais, que fidèle au vœu légal de mes commettants, je n'ai pas été arrêté par les injustices auxquelles on a voulu les porter contre moi, c'est parce que je les crois vrais que j'ai méprisé les déclamations insolentes de quelques ambitieux, qui, rédacteurs de mon mandat, m'ont fait un crime de l'avoir suivi.
Or, ces principes qu'on affecte de supposer contraires aux intérêts du peuple, qu'on présente comme la cause d'une hain? implacable jurée à
ses défenseurs, le peuple va les juger, les voici :
En désirant le rétablissement de l'ordre, je m'étais détiéde ces théories arbitraires, qui troublent au lieu d'arranger; j'avais redouté des secousses trop violentes et des novationstrop hardies qui ne conduisent au bien que par le risque imminent d'un plus grand mal. Invinciblement attaché au gouvernement monarchique, parce qu'il est le seul qui convienne à la France, plaçant la liberté dans un juste équilibre des pouvoirs .j'avais pensé que le plus redoutable écueil, pour l'Assemblée nationale, c'était l'excès même de 1a force, et que ce qu'elle avait à craindre le plus, c'était de voir un seul instant toutes les autorités confondues dans ses mains.
J'avais peneé qu'une assemblée permanente ne devait pas calculer comme ces ministres amovibles, qui ne se flattaient de réussir à rien qu'en brusquant l'exécution de tout. J'avais cru qu'il devait lui suffire de marquer à l'opinion publique un grand but d'intérêt et de justice et qu'elle devait ensuite la laisser tendre librement vers ce but sans forcer ni précipiter sa marche. J'avais pensé que comme les éléments du bonheur général se composent de la réunion des intérêts particuliers, plus une assemblée comme la nôtre mettait d'exactitude dans ses principes, plus elle devait apporter de ménagement dans leur première application ; que l'équité 1a plus scrupuleuse devait guider tous ses pas, et que jusque dans la réforme des abus, il était des jouissances légitimes et des préjugés respectables.
J'avais pensé que toute rigueur inutile devenait par cela même dangereux ; que le grand art de la régénération ne consiste pas à grossir, sans motifs, le nombre des mécontents, mais à épargner aux victimes nécessaires du bien public, toute occasion légitime de plainte.
Voilà ce que j'ai pensé, ce que je pense encore, ce que l'Assemblée tout entière a dû penser comme moi. On a pu varier jusqu'à certain point dans l'application de ces règles ; mais j'ai droit, du moins, à ce témoignage, qu'ennemi de tout préjugé, étranger à tout sentiment dé haine, j'ai cherché, de bonne foi, la vérité ; que je l'ai ac* cueillie sans partialité partout où j'ai cru la voir et de quelque part qu'elle m'ait été présentée.Mais j'ai droit, du moins, à cette justice, qu'avec des principes comme les miens, je n'ai pas besoin de recourir, pour les défendre, à de vils et obscurs moyens.
. Si l'on entend par révolution le rétablissement de l'ordre et la proscription des abus, autant et plus qu'un autre, j'ai fait des vœux pour elle, mais je l'ai voulue dirigée par la raison, appuyée sur la justice. J'ai eheri la liberté, mais j'ai redouté la licence. J'ai chéri la liberté, mais j'ai détesté les forfaits qui l'ont souillée; et si j'avais vu employer sous son nom des manœuvres qu'elle désavoue, mon devoir le plus saint eût été de les dévoiler.
Certes, le mouvement d'un grand peuple que l'élan du patriotisme arme justement pour la liberté est le plu3 important des spectacles ; mais il cesserait de m'intéresser si je n'y voyais que le fruit de la séduction et le résultat d'une intrigue. Une forme politique pourrait applaudir au succès; la vérité le jugerait d après les règles éternelles et immuables de la justice : et si l'impulsion donnée avait entraîné loin de toute mé-sure, si elle avait ébranlé jusqu'aux fondements de la vraie liberté, jusqu'aux premiers principes de la morale, le peuple trompé ne cesserait pas sans doute d'être excusable; mais les pervers qui
l'auraient égaré, auraient appelé sur leurs têtes coupables, toutes les vengeances du ciel, et toute l'exécration des hommes.
Je manifeste hautement celte opinion, je l'ai constamment partagée avec ce petit nombre de mes collègues dont l'intimité a été relevée par M. Chabroud avec une attention si prononcée. Si j'avais à les défendre, je dirai qu'apparemment, il était naturel que dans une assemblée de douze cents personnes, il s'en rapprochât quinze ou vingt par des relations plus particulières que quand il existait publiquement à Versailles un club nombreux où se préparaient les opérations de l'Assemblée, il était peut-être naturel que quelques amis, rapprochés par leurs sentiments,se rapprochassent aussi par les liens d'une société plus intime; mais je rougirais de défendre ce que je m'honore d'avouer. Aux souvenirs déchirants que retrace la procédure sur les faits du 6 octobre, il se mêle pour moi quelque douceur, quand je lui dois d'avoir annoncé qu'un homme modeste par caractère, qu'un homme qui s'est constamment renfermé dans l'obscurité qui lui convient, a eu pour amis les premiers amis de la liberté; que c'est pour avoir marché sur leurs pas vers elle; que c'est pour l'avoir vue où il la voyait, qu'on l'a comme eux accusé de l'avoir trahie. Je m'étais cru longtemps à l'abri d'un pareil soupçon ; mais cette injustice qui blesse ma sensibilité n'affaiblira pas ma constance. Au sein des orages qui nous agitent, dan6 le choc des intérêts et des opinions qui se croisent, je suis peu surpris que le peuple confonde encore avec ses ennemis ceux qui n'adoptent pas toutes ses affections et tous ses systèmes,
Un jour viendra oû le refroidissement des passions permettra d'apprécier dans je calme les effets qu'elles auront produit, où la réflexion, ramenant sur nos travaux le flambeau de l'expérience, on chérira peut-être ces idées de modération et de retenue qu'on repousse aujourd'hui comme des crimes.
C'est alors que ce peuple, si digne d'être heureux, mais si facilement jeté hors de la route du bonheur, connaîtra quels ont été ses plus véritables amis, ou de ceux qui, pour le servir, ont encouru sa disgrâce, qui, forts de leurs principes, quand ou les accusaitde faiblesse, ont pu s'élever à cette hauteur de courage qui a fait sacrifier à leur devoir ce que l'homme a de plus cher après sa conscience, leur réputation et leur repos.
C'est alors aussi que la vérité reprendra ses droits et ces noms auxquels la passion imprime maintenant une défaveur passagère, remplaceront peut-être un jour, dans la reconnaissance des ci-r toyens, ceux que l'effervescence préconise et que la prévention admire.
Copie de la lettre de M. Henry de Longuève à M. Chabroud.
Je vous envoie, Monsieur, le premier exemplaire des observations que je vais publier sur la partie de votre rapport qui m'est personnelle. Je me devais à moi-même de relever hautement les Suppositions inexplicables et les réflexions injurieuses que vous vous êtes permises; je rétablirai ia vérité, et alors c'est dans la publicité de l'injure que j'en ferai consister ia réparation.
Si dans mon exposé quelque chose vous déplaît, vous vous souviendrez, Monsieur, que je suis dans les termes d'une légitime défense, et que c'est vous qui m'avez attaqué; que c'est vous qui, sous les yeux do public, au sein de
l'Assemblée, remplissant par elle et pour elle un ministère de justice et d'impartialité, avez substitué l'aigreur du sarcasme à la froide impassibilité de la loi ; que c'est vous qui, mettant dans ma bouche ce qu'elle n'a point prononcé, dans mon cœur ce qui n'y entrera jamais, m'avez fait dire ce que je n'ai pas dit pour autoriser par là ce que vous vouliez dire. Vous vous souviendrez enfin que c'est vous qui, de sang-froid, dans le silence du cabinet, avez eu recours à l'art odieux de tordre mes expressions, pour en faire sortir du venin.
.J'ai l'honneur d'être, Monsieur, votre, etc.
Opinion de M. de Gnilhermy, sur le rapport de M.Chabroud, sur la procédure du Châtelet (t).
Messieurs, j'avais cru jusqu'à ce jour que l'exactitude, devait être la première base de tout rapport. L'étrange reproche qui m'a été adressé par M. Chabroud me ferait presque penser que cette qualité n'est point essentielle aux rapports faits dans le sens de la Révolution.
Je suis accusé par M. Chabroud d'avoir, en osant franchir la discrétion que commandait l'intimité d'un déjeûner, violé les devoirs de Vhospitalité à l'égard de M. Coroller, que je déclare n'avoir jamais vu ailleurs que dans l'Assemblée nationale, à qui je n'ai pas parlé deux fois en ma vie, et dans les confidences duquel je puis assurer que je n'ai jamais été admis. Si cette accusation ne regardait que moi, je pourrais me contenter d'inviter M. Chabroud à dire d'où il a appris que je me sois jamais trouvé à déjeuner avec M. Coroller, et que j'ai eu à remplir envers lui les devoirs de l'hospitalité; ou plutôt je renverrais M. Chabroud à ma déposition, après lui avoir demandé comment il a osé en parler sans l'avoir lue, et je bornerais là ma réponse; mais M. Chabroud ayant enveloppé dans son inculpation MM. Ûufraisse-Duchey et Tailhardat de La Maison-neuve , je ne croirai avoir rempli ma tâche, qu'autant que j'aurai prouvé qu'il est aussi peu juste à leur égard qu'au mien.
Le hasard qui produit quelquefois des rassemblements bizarres, l'envie de venir à Paris et l'embarras de trouver des voitures réunirent, le 17 juillet 1789 chez M. Malouet, d'un côté. M. Coroller, de l'autre MM. Dufraisse et Tailhardat. Je suis fondé à soutenir qu'entre M. Coroller et ces deux derniers il n'a jamais existé aucune réunion d'opinions ni de sentiments, moins encore aucune intimité. Il plut à M. Coroller de se vanter d'être d'un comité (2) qui, pour opérer
la Révolution, avait engagé l'armée à la défection, et aurait soulevé Paris, en faisant mettre le feu au Palais-Bourbon, au défaut du renvoi de M. de Nec-ker. M. le rapporteur nous apprend que le propos de M. Coroller n'était qu'un persiflage-, on conviendra du moins que c'était une singulière manière de persifler. En consentant cependant que M. le rapporteur trouve ce propos seulement plaisant, je prie qu'on pardonne à MM. Dufraisse et Tailhardat de l'avoir trouvé sérieux. Cet exposé simple et vrai doit suffire pour prouver qu'ils n'étaient pas tenus non plus que moi des devoirs de l'hospitalité envers M. Coroller. Certes, il y a bien loin d'uue jactance à une confidence. J'ajouterai néanmoins que si le rapport de M. Chabroud était fondé, ce dont je suis bien éloigné de convenir, l'Assemblée nationale qui a puni M. l'abbé de Barmont pour n'avoir pas violé l'hospitalité, pourrait se charger elle-même du soin de notre justification (1).
Ma déposition étant absolument indifférente, puisque je n'ai parlé que d'oui-dire, j'aurais, sans doute, le droit de m'étendre sur l'incroyable rapport de M. Chabroud. J'admirerais cette assurance avec laquelle il ose affirmer si positivement que des témoins qui déposent avoir vu, ont mal vu ; que d'autres qui déposent avoir entendu, ont mal entendu. J'admirerais cette heureuse adresse avec laquelle il confond les faits et les époques pour justifier les accusés, et distingue très nien ces mêmes faits, ces mêmes époques pour établir des apparences de contradiction entre les témoins, et les transporter eux-mêmes en accusés. J'admirerais cet art avec lequel il a essayé de lier cette procédure à la Constitution, comme si la Constitution n'eût pu être établie que sur les débris du trône, comme si elle eût dû être cimentée du sang de plus fidèle serviteur du roi (2).
O temporal o mores!
Mais tout ce que je me permettrai de dire à cet égard, c'est qu'il est des hommes dont les traits ne blessent pas, et dont la justification ne saurait absoudre personne.
On se tromperait, Messieurs, si l'on pensait que les bons citoyens, et j'avoue que mon opinion sur la véritable acception de ce titre est diamétralement opposée à celle de M. Ghabroud, on se tromperait, dis-je, si l'on pensait que les bons citoyens ont espéré voir punir dans ce moment les sacrilèges instigateurs des attentats qui ont souillé les journées des 5 et 6 octobre. Ils se sont bornés à désirer que les crimes lussent publics, que les .criminels fussent connus. G'est du temps seul qu'ils attendent justice, et ils l'attendront avec patience, assurés que lors-qu'enfin les lois auront repris leur empire, alors suivra le jugement, j'ai dit le supplice des coupables.
P.-S. — M. le duc 'd'Orléans est monté à la tribune pour annoncer sa justification. Si M. le duc d'Orléans avait une justification à offrir, des véritables amis auraient dû conseiller à ce prince de la* présenter à l'Assemblée nationale avant son décret du 2, et d'en obtenir la permission d'aller la soumettre au Châtelet ; mais après que l'Assemblée nationale a déclaré qu'il ne pouvait point être inculpé, lui faire offrir sa justification, c'est en vérité une bien fausse démarche. M. le duc d'Orléans ne se croit donc pas justifié ?
Compte rendu par une partie des membres de
l'Assemblée, de leur opinion sur le rapport de
la procédure du Châtelet.
Nous députés, soussignés, justement indignés des exécrables attentats commis à Versailles, les 5 et 6 octobre de l'année dernière, attentats dont le souvenir serait à jamais déshonorant pour le nom français, si la recherche la plus sévère et d'éclatantes punitions ne venaient pas, en frappant sur les coupables, absoudre la nation ;
Certains que, dans ces journées vouées au crime :
Les gardes du corps du roi ont été attaqués par une troupe de brigands qui annonçaient hautement le projet d'en faire autant de victimes;
Qu'ils n'ont opposé aux menaces et à la violence dont ils étaient l'objet que la plus courageuse obéissance aux ordres du roi, qui leur défendait de les repousser par la force ;
Que les portes du palais du roi ont été forcées;
Que plusieurs de ceux qui les gardaient ont été massacrés ;
Que les portes de l'appartement de la reine ont été forcées et que ses gardes ont été victimes de leur courage et du fer des brigands;
Que la reine elle-même n'a épargné à la France le dernier des attentats qu'en cherchant un asile dans l'appartement du roi ;
Que le sang a coulé sous les fenêtres du roi dans son palais, aux portes de son appartement, sous ses yeux ;
Que les courageux efforts de la garde nationale parisienne ont pu seuls mettre* un terme à ces horribles excès ;
Convaincus que ces attentats, que l'on a attribués uniquement à la disette du pain, était l'effet d'un complot dont le but détestable n'est encore connu qu en partie, mais dont il est impossible de nier l'existence, lorsque l'on examine l'art avec lequel on avait su, dans cet affreux moment, déchaîner toutes les passions;
Les atroces et révoltantes calomnies répandues contre la reine et les menaces dirigées contre elle par les brigands ;
La fureur excitée contre les gardes du corps, faussement accusés d'avoir foulé aux pieds la cocarde nationale, et désignés au peuple comme ses ennemis ;
L'argent et les séductions de toute espèce, employés pour soulever les soldats qui étaient alors à Versailles ;
Les efforts employés plusieurs jours auparavant, pour déterminer les ci-devant gardes-françaises à aller à Versailles reprendre leurs postes ; dispositions attestées par M. de La Fayette lui-même;
Le travestissement d'une partie des brigands qui, en quittant, pour venir à Versailles, les habits de leur sexe, ne laissent pas lieu de douter qu'ils ne fussent les exécuteurs d'un projet conçu d'avance :
Nous déclarons que nous improuvons, dans tout son contenu, le rapport de la procédure du Châtelet, fait par M. Ghabroud, au nom du comité des rapports.
Nous l'improuvons, parce qu'il rend un compte infiaèle des dépositions.
Nou3 l'improuvons, parce qu'il paraît n'avoir eu pour objet que de dénaturer les faits, d'inculper les victimes, de diffamer les témoins, de rendre odieux le tribunal, d'excuser les plus horribles attentats en les identifiant aux opérations de l'Assemblée nationale, de substituer, pour les justifier, un complot imaginaire à un complot réel, de diminuer enfin l'horreur que tout vrai Français doit avoir pour des crimes qui inculpent la nation tout entière, tant qu'ils restent impunis.
Persuadés que le seul moyen d'assurer le châtiment de ces attentats était de laisser à la justice le cours que les lois lui prescrivent, que le devoir des représentants de la nation était d'employer à protéger, par toute l'autorité qu'ils ont reçue, la procédure qui pouvait seule en faire légalementconnaître les auteurs ; qu'interrompre, dans quelqu'une de ses parties, l'instruction commencée au Châtelet, c'était s'exposer au danger d'affaiblir les preuves, d'assurer l'impunité des coupables et, par là, faire servir contre la loi le pouvoir qui fait les lois; nous nous sommes opposés, autant qu'il était en nous, au projet de décret par lequel le rapporteur du comité des rapports proposait à l'Assemblée nationale de déclarer qu'il n'y avait pas lieu à accusation contre M. de Mirabeau et M. d'Orléans.
Nous nous y sommes opposés, parce qu'il avait pour effet de transformer l'Assemblée législative en une assemblée de juges, et par conséquent confondre des pouvoirs qui ne peuvent être trop distincts.
Nous nous y sommes opposés, parce que ce décret n'était autre chose qu'une sentence d'absolution, prononcée sur une procédure incomplète,
puisque les témoins n'avaient encore été ni ré-colés, ni confrontés.
Nous nous y sommes opposés, parce qu'il était motivé sur des pièces extra-judiciaires mises en opposition avec une procédure légale.
Nous nous y sommes opposés, parce que nous avons cru que le décret qui soustrait les représentants de la nation à la loi générale en matière criminelle, et dont le seul motif, véritablement utile peut-être, d'assurer la liberté de leurs opinions, ne pouvait pas recevoir d'application dans une affaire absolument étrangère à leurs fonctions.
Nous nous y sommes opposés pour la gloire de la nation et l'honneur de ses représentants, parce que nous n'avons pas cru que la recherche d'un forfait dont toute la nation a une juste horreur, pût être arrêtée par le privilège de ses représentants et par leurs décrets.
Nous nous y sommes opposés pour l'intérêt des accusés eux-mêmes, parce qu'il n'y a de véritable absolution que celle qui est prononcée par la loi, d'après une procédure légale et complète, et que le décret proposé leur ôtait jusqu'à la possibilité de l'obtenir.
Nous nous y sommes opposés en demandant que la cause des deux accusés fût divisée, parce que la procédure nous paraissait renfermer, contre l'un d'eux, des charges assez graves pour que la suite de l'instruction pût seule les détruire et justifier son innocence..
Pendant la discussion de cette importante affaire, les insultes et les menaces nous ont été prodiguées par les spectateurs présents dans les galeries qui entourent l'Assemblée nationale.
Plusieurs de nous, au moment oû»le décret allait être adopté, se sont retirés d'une délibération qui leur paraissait manquer de liberté et qui, par son objet, répugnait à leur conscience et choquait leurs principes ; les autres y ont opposé une résistance reconnue d'avance comme inutile; tous ont désiré de donner la plus grande publicité à leur opinion.
C'est à nos commettants, à la nation, à l'Europe à nous juger, et c'est à eux que nous adressons la présente déclaration.
Fait à Paris, ce 6 octobre 1790.
Signé : MM. le chevalier de Rully.
le duc de Castries, député de la vicomté de Paris.
Grossin-Bouville, député de la noblesse de Caux.
A. de Rochebrune, député d'Auvergne.
le chevalier de Châlons.
Desclaibes, comte de Clairmont.
Belbeuf, député de la noblesse de Rouen.
Pasquer de Roisrouvraye.
le vicomte de Malartic.
Menonville.
Mayet, curé.
le comte de Culant.
le comte de Lambertye.
Bailly de Crussol.
Dorsac, marquis de Ternay.
Planelli, marquis de Maubec, député de Sens.
le comte de Barbotan.
l'abbé Pisson, député de Bordeaux.
de Comaserra.
le comte J.-F, Rafelis-Broves, député de Dragui-gnan.
Lassigny de Juigné, député de Draguignan.
l'évêque d'Angoulême (d'Albignac de Castelnau).
Bernigaud de Grange.
le comte de Toustain.
Rouph de Varicourt.
de Lalande, député d'Evreux.
Rollin.
Cairon.
MM. J. Rozé.
Jouslard d'Iversay.
H. Evèque d'Uzés (de Béthisy de Mésières).
Letellier, curé de Bonœil.
Laporte, député du Périgord.
le chevalier de Thimoléon de Murinais.
le comte de Faucigny-Lucinge.
l'évêque de Montpellier (de Malide).
l'abbé Royer, conseiller d'Etat.
le comte de Moncalm-Gozon, député de Carcas-
sonne. Irland de Bazoges. de Villeblanche. le chevalier de Lacoudraye. Chabrol.
Charles de Dortan.
le comte de Plas de Tasse.
l'abbé de Castellas, doyen comte de Lyon.
le comte de Ludre.
Wolter de Neurboug.
Arthur de Lavillarmois.
Beaudrap.
Achard de Bonvouloir. Courteville, comte d'Hodicq. le'marquis de Pleurre. E.-F. de Bonnay. l'abbé Coster.
le baron de Luppé, député d'Auch.
de Lasalle Roquefort député du pays de Marsan.
M.L., évêque de Poitiers (Beaupoil ae Sainte-Au-
laire). Beauregard.
A. J., évêque de Châlons (de Clermont-Tonnerrc).
de Bouex de Villemort.
Thomas, député du Bas-Limousin.
Cardon de Sandrans, député de Bourg-en-Bresse.
Reynaud de Montlosier, député de "la noblesse
d'Auvergne. Ayroles, député du clergé de Quercy. Leymarie, député du clergé de Quercy. de la Rochenégly.
le marquis de Thiboutot, député de Caux. le marquis de Mortemart, député de Rouen. Guivauaez de Saint-Mérard, député d'Auch. Charles Barbeyrac Saint-Maurice, député de la
noblesse de Montpellier. Luillier-Rouvenac , député de la noblesse de la
sénéchaussée de Limoux. Gleises de la Blanque, député de la noblesse de
la sénéchaussée de Béziers. le marquis de Saint-Simon, député do la noblesse
d'Angoumois. A. C., évêque de Condom (César d'Auteroche). Cocherel, député de Saint-Domingue, l'abbé Maury, député de Péronne. Delaplace, député de Péronne. le marquis d'Angosse, député de la noblesse d'Armagnac.
le président d'Ormesson, député de la noblesse de
Paris, extra mur os. Langon, député du Dauphiné. le comte de La Galissonniére,député de la noblesse de l'Anjou.
Texier, député de Châteauneuf-en-Thimerais,cna-
noine de Chartres. Vaneau, recteur d'Orgères. Cipières, député de la noblesse de Marseille, de Ballidart, député de Vitry-le-François. Ricard, député de Nîmes. Griffon, député de La Rochelle. Depuch de Monbreton. Delarenne, curé, député de Nivernais. Cauneille, curé de Limoux, Bottex, député de Bourg-en-Bresse, l'abbé de Lespinasse. le comte de Laroque. le comte de Crécy, député de Ponlhieu. de Vincent de Panette. le baron de Gonnès, député de Bigorre. de Saint-Esteven. Mascon, député d'Auvergne, l'évêque de Rhodès (de Colbert-Seignelay). De Lusignan, député du Condomois. Henry de Crussol, député de Bar-sur-Seine,
MM. Martin, curé, député de Réziers.
David, député du clergé Beauvais. Malrieu, député de Villefranche. le baron de Jilignê, de Froment. D'Allarde.
Thirial, docteur de SûFbonno, député de Château-Thierry,
le marquis de Gujlhem Clermont-Lodèvo.
Thomas, curé dé fermant, député do Meluti.
Belannoy, député de Lille.
Barbotin, curé de Prouvy.
Pons de Soulages, député de Rodez.
Charles-Gabriel de Folleville.
Loras.
le baron de Nédonchelle. D'Avaray. du Châtelet. Thoret.
J'adhère, quant à Monsieur le date d'Orléans, signé : chevalier de Clapier.
Ma déposition, qui a été la iiïté dé l'assignation que j'ai reçue pour comparaître au Châtelet, ne portant en aucune manière sur les deux membres de l'Assemblée nationale qui ont été le seul objet de son décret du 2 octobre, Hen tje pi'em-pêcbe de signer la présen te déclaration dont j'a dopte les principes ; j'y adhéré entièrement.
Signé : A. S. comte de Sérent, député aux Btats généraux par la noblesse de Nivernais.
Je déclare que, dans une affàire aussi importante et aussi terrible) mpn opinion eût été que c'était aux tribunaux à connaître ce qui à rapport à M. d'Orléans seulement*
Signé Montçalm-^Qïojii
J'adhère avéé çtnprCfsemeut à là déclaration de mes anciens Confrères, et saisirai toujours toutes les circonstances qui me mettront à portée ue proUver l'horreur dont mon cœur sera à jamais pénétré des attentats du 6 octobre, ma déposition au Châtelet nie portant que Sur un fait antérieur, elle ne peut m^mpècher de signer.
Signé : Marquis de Laqueille» ancien dépulé d'Auvergne.
J'adhère à la présente déclaration quant à M. le duc d'Orléans.
Signé : Antoine d'AgOttlt.
Absent de la séance, j'adhère dé toute mon âme à ce qui est contenu dans la présente déclaration, et hotammetit en ce "qui regarde M. le duc d'Orléans.
Signé : Duc de Caylus, député d'Auvergne.
La déposition que . j'ai faite âu Châtelet m'a empêché d'epiner dàn§ l'affaire du □ octobre, quoique j'eusse pu me le permettre au terme du décret, n'ayant chargé personne dans ma déposition, mais je suis ravi de trouver l'occasion de manifester hautement mon Opinion ; en çpnsé-quence, jedéclareque j'adhère av^ë eipprèséement iux principes énoncés dàÙS là déclaration ci-dessus.
Signé : Blacons, député du Daftphtpé.
Je, soussigné, déclare n'avoir pas èlé de l'avis du décret du 2 octobre.
Signé : L'abbé de La Rochefoucauld.
J'adhère aux principes, et je persiste dans mon opinion que l'Assemblée était incompétente pour prononcer dans cette affaire.
Signé : Chevalier de Vertamont, député de la noblesse de la sénéfchaussèe de Guyenne»
J'adhère entièrement aux principes ^ûortcês dans la présente déclaration, et si j'avais été à la séance où le rapport de cette affaire a été fait, mon opinion aurait été qu'il était également essentiel pour l'honneur français de faire poursuivre cette affaire qUe nécessaire à M. le duc d'Orléans d'être légalement justifié.
Signé t fîonneville.
Je déclare qu'avant la délibération je me suis retiré de l'Assemblée pour n'être pas présent à un décret qui ne fut jamais dans mes principes.
Signé : De Lépaud.
le déclare que, présent à la délibération» je me suis opposé, autant qu'il a été en moi, à ce que ce décret, que j'ai regardé comme monstrueux, passât.
Signé i. D'Aurillac, député de la noblesse du bailliage de Saint-Fleur,
Je n'ai pas opiné lors du décret, et j'adhère aux principes du compte rendu.
signéttenhet.
J'ai toujours pensé sur cet horrible affaire, conformément aux principes énoncés de Tautré parj;. La lecture la plus réfléchie des informations à confirmé mon Opinion. Je respecte tous les décrets de l'Assemblée nationale, mais îe rapport de M. Chabroud n'a pu la faire changer.
Signé ; Marendat.
J'étais absent par congé, mais j'adhère aux principes énoncés Ci-dessus.
Signé : Failly, député du bailliage de Vitry-le-François.
Comme témoin dans l'information* en adhérant aux principes généraux consignés dans la présente déclaration, il ne m'appartiendrait pas de m'expliquer ici sur les faits particuliers auxquels ils sont appliqués, moins encore de les juger, mais ma déposition étant absolument indifférente, je n'ai parlé que de ouï dire, ainsi que je l'ai déjà établi dans mon opinion imprimée, l'adhère en tout point à la susdite déclaration, sauf pour la division demandée par M. l'abbé Maury, à laquelle je me serai opposé après avoir entendu M. de Mirabeau.
Signé : Guillermy, député par le tiers éfot de la sénéchaussée de Casteînaudary*
Ma santé m'avait forcé de m'absenter de l'Assemblée nationale, le jour de fa séance dans laquelle l'affaire du Châtelet a été rapportée, mais j'adhère aux principes contenus dans la présente déclaration.
Signé: Cazalès.
Je, soussigné, déclare que, quoique absent lors du rapport dont il s'agit ci-dessus, j'adhère au compte rendu.
Signé: D'Argenteuil.
Présent aux événements des 5 et 6 octobre* absent du rapport où j'avais le droit de m© trouver, j'adopte les principes de la déclaration.
Signé i L'abbé de Barmond,
J'approuve le éompte que plusieurs de ine$ collègues viennent de rendre.des séances du 2 oetQr-bre et jours précédents. Gomme eux j'ai trouvé le rapport par le sieur Chabroud, artiticieuse-ment contourné, comme eux j'en ai improuvé les conculsions ; et j'ai voté contre. Comme eux j'aurais désiré que libre cours fût laissé à la justice, aliq que les criminels, s'il s'en trouvait, fussent punis suivant i'éuormité de leur crime; je l'aurais désjré, même dans l'intérêt des prévenus, regardant Cé inpyen comme celui Qui pouvait seul manifester îçnr innocence aux yeux de toute l'Europe et les décharger honorablement; mais je né peut me dispenser de consigner ici mes regrets, de fié que (a garde nationale parisienne ne le soit pas opposée a la sortie des brigands qui, armés de piques, partirent de Paris pour aller insulter le cnâtéâti de Versailles, sous le prétexte de demander du pain- Si la garde nationale parisienne avait, le 5 octobre, témoigné autant de prëVoyahce qu'elle manifesta de courage le lendemain, en empêchant ces mêmes brigands de se porter aux derniers excès, la n&tiQn française ne Verrait pas ses annales souillées par un événement dont les bons citoyens ne cesseront de gémir.
Signé ; Riçhier, député de la noblesse de Saintes.
fendant trente et un ans, j'ai eu l'honneur de servir je roi dans sa maison militaire! j'étais à Versailles les & et 6 octobre 1739, et je dois à MM. les gardes du corps justice et vérité. Ge corps respectable et qui, depuis sa création, a toujours donné des preuves de bravoure et $le loyauté, s'est conduit, dans cette malheureuse journée, par les mêmes principes qui ne les ont jamais abandonnés, et les inculpations mal fondées dont on les accablait alors, ont été le prétexte dont on s'est servi pour leur attirer i'animadversion publique. Quant aux accusatiops intentées contre les membres de l'Assemblée, je dirai, avec la franchise dont je fais et ferai toujours profession, qu'à leur place j'aurais désiré qu'un jugement légal» prononcé par un tribunal légal, eût prouvé à toute la France mon innocence reconnue.
Signé : Mesgrigny.
J'adhère de toutes m'es forces aux explications et protestations mentionnées dans la déclaration ci-jointe, comme l'expression de mon vœu le plus intime.
Signé : Gounot.
Jé déclare que, dans cette affaire, je n'ai nullement été du sentiment de M, Chabroud, et Que j'ai opiné contrairement à son avis.
Signé: Jessé.
J'adhère aux principes de la présente déclaration.
Signé : Choiseul* d'Ailteeourt.
Je déclare que c'est à mon insu et contre mon désir que l'Assemblée nationale a décrété, dans une affaire qui m'était personnelle, l'inviolabilité de ses membres en matière criminelle : j'y
ai publiquement renoncé lorsque l'on a fait mention de ce décret dans le rapport de la procédure du Châtelet : je renouvelle ici cette renonciation, et j'adhère pleinement à la déclaration ci-dessus.
Signé ; Comte de Toulouse-Lautrec.
Je,soussigné, député à l'Assemblée nationale, déclare n'avoir pas été de l'ayis qui ft formé le décret du z octobre 1T90, sur l'affaire des 5 et Ç Octobre de l'année précédente.
Signé ; Fr., Archevêque dé Toulouse (de Ponlange», )
Je déclare n'avoir point été de la majorité de l'Assemblée, et que mon opinion aurait été qu'il devait y avoir lieu à jugement dans les tribunaux.
Signé: F. R., Evêque de Dijon (Des-moutiers de Mérinville.)
J'adhère aux principes énoncés dans le présent mémoire, et je uéclare que je n'ai pas été de l'avis qui a formé le décret du 2 octobre, relativement à l'affaire des 5 et 6 octobre dé l'année der-
niere.
Signé : De Rqallem»
Je n'ai pris aucune part aux délibérations do l'Assemblée sur la procédure du Châtelet, et je n'entends point énoncer ici mon opinion sur cotte affaire.
Signé : D'Bprémesnil.
Nota. L'Assemblée nationale ayant décrété que les témoins qui avaient déposé dans l'affaire des 5 et 6 octobre, ne prendraient point de part à la délibération, excepté ceux qui avaient déclaré ne rien savoir :
Témoins de Vinformation,
Les députés ci-desSou$ nommés, n'ont point opiné sur le projet de décret proposé au nom du comité des rapports.
MM. le îgargùis d'Ambly..,,..........,............8e
le grésînëfit (je rVonu'oyilfé ................
Bergassé.....:'."...J......»..-.......,» 493
iemarquià de t'obrnès.i,,,,..,,,........ 26°
de La,.Salie. .,.»»»...,.,,....,.,»..>,. J,, gFe
Paccard. ,..._..____i.., fae
le marquis de La Fayette.'..'.............. 36?
Mathias,,.,..,,......................... 43»
le baron çU Batz ........................ 44°
pûbpis, cllïé ...................... 72*
le mârquïis dè Vatmf piiïî...... t............T6®
lé comte de Clerniont-Toïiueiïo........... 79°
Roy ............................., 88«
le «omle d? Sèfent. ........... ft,.. 108®
Je marquis de Reauharnais..,,,»....,.... 110?
marquis de Parpj.............................i|8*
Du plaque t.. ......................... 13§e
Qcnetet............................______148*
le«baïon de Margot brittis^..... .
Maiouét,..........4..................... 167e
........176®
le marquis Fourcauld de Lardimalie..............179
Dufraisse-Buchiey. »..,>.>,»>.-.,.,,...,............180e
Tailhardat de La MaisQnnèuye....................I§9«
le marquis de Clemoqt-ÎSÏoniSaîuVÏeau... 190»
le vicomte de La Ébatte....................................192e
Jànet ...........................; ;............206*
le comte de La Châtre....................210a
le comte de Virieu...............................213e
de La«hèze,,.................................22S°
Faydel...................................227®
Durget.........................................238*
Deschamps;....................................239®
Henry de Longuève............................................242®
de Gnilbermv........................................................244®
le marquis de Bouthillier..........................253e
Turpin.......................................256e
le marquis de Digoine du Palais......................262®
Madier de Montjau........................266e
Pocbet.
de Bousmard, 2® de l'addition de Tinformation.
Je me borne uniquement à manifester que mon opinion a été pour la division, et que je me suis rétiré quand on est allé aux voix sur le fond.
Signé : L'abbé de Cesarges.
Séance du
La séance est ouverte à six heures et demie du soir.
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une adresse des citoyens actifs formant la commune de Dunkerque qui annoncent que lors de la discussion sur le mode de remboursement de la dette exigible, Dunkerque a mal à propos été classé au nombre des villes qui ont voté contre les assignats.
Divers membres demandent que l'adresse soit insérée dans le procès-verbal.
Cette motion est adoptée.
L'adresse s'exprime en ces termes :
« Monsieur le Président. Les citoyens actifs formant la commune de Dunkerque, ont vu avec la plus grande surprise dans les papiers publics, que cette ville avait manifesté son vœu contre l'émission des nouveaux assignats; cette [surprise a été portée à son comble en apprenant4que ce vœu prétendu n'était que celui de quelques individus. Si ce vœu eût existé, il n'aurait pu être que le résultat d'une délibération générale ; mais ni la eommune ni le commerce n'ont été convoqués.
« La commune de Dunkerque, pleine de confiance dans les lumières de ses augustes législateurs, fidèle à la (Constitution, prête à la sceller de son sang, improuve d'une voix unanime ce vœu, qui n'a jamais pu être le sien, et jure à l'Assemblée nationale que, quel que soit le résultat de ses discussions sur les assignats, elle ne trouvera toujours en elle que la plus parfaite soumission à son décret.
Signé : Thiéry, maire et présidant la commune de Dunkerque; Merlan, secrétaire-greffier.'
« A Dunkerque, ce 28 septembre 1790.
Un de MM. les secrétaires lit une lettre de M. Cochet, administrateur du département du Nord, qui fait hommage à l'Assemblée d'une instruction qu'il a laite en forme de catéchisme,
pour inculquer dans l'esprit des enfants les principes de la Constitution.
M. le Président fait donner lecture: 1° d'une adresse de la société patriotique des amis de la Constitution d'Avignon; 2° d'une lettré du comité militaire des détachements français en garnison à Avignon. En voici le texte :
Adresse de la société patriotique des amis de la Constitution d'Avignon.
« Tous les peuples de l'Europe asservis au pouvoir arbitraire des tyrans, accoutumés au fardeau de leurs chaînes, avaient à peine aperçu le rayon de lumière que la philosophie avait jeté sur leurs droits. Le long sommeil des nations ressemblait au sommeil ae la mort. Il était réservé aux législateurs Français de sonner leur réveil. Le faisceau de lumières que vous avez répandu a ravivé l'homme et l'a tiré tout à coup de l'état de léthargie dans lequel il était enseveli depuis tant de siècles.
« Les Avignonais, placés au milieu de la France, Français d'origine, Français par leurs mœurs et leur caractère, ont ressenti les premiers l'heureuse influence de la révolution que vous avez opérée sur l'esprit public. Le Français est devenu libre. Des lois sages, fondées sur les droits de l'homme, établies sur les bases impérissables de la nature et de la raison, lui ont assuré à jamais la liberté. Une administration juste et bienfaisante le venge des vexations dont il a été trop longtemps la victime sous le règne du despotisme... Toutes les plaies de l'Etat vont se cicatriser à la fois, et les beaux jours que vos travaux prépareront à l'Empire, vont naître au sein de la justice et de l'égalité.
« Témoin de tant de merveilles, le peuple avignonais a ouvert les yeux sur lui-même ; il a vu avec indignation l'état d'avilissement où il était plongé. Dôminé pendant quatre siècles par un prince étranger, il a éprouvé toutes les vexations d'une autorité sans bornes, confiée à d'avides ultramontains. La morgue insultante d'une noblesse fière et hautaine, les rapines journalières de tous les suppôts delà justice, la dilapidation des deniers publics par une administration vicieuse, le mépris des réclamations; tout semblait concourir pour nous avilir et nous perdre. Le bonheur et la liberté fuyaient loin de nous lorsque vos sages décrets les ont ramenés au milieu de la France. Nous avons alors rougi de nos fers, et ils se sont brisés d'eux-mêmes lorsque nous avons adopté la Constitution que votre sagesse a donnée à l'Empire français.
« Le peuple avignonais se glorifie d'avoir le premier montré cet exemple à tous les peuples. Il est fier d'avoir le premier versé son sang pour le maintien de vos lois ; et vos ennemis, en se réunissant pour le replonger dans la servitude, auront peut-être assuré son bonheur, puisqu'ils l'ont amené à l'heureuse nécessité de demander à votre justice, l'avantage d'être associé aux destinées que vos travaux préparent à la nation française.
« Tels sont, Messieurs, les sentiments de tous les membres qui composent une société qui vient de s'établir dans cette ville, sous le nom des amis de la Constitution. Cette société naissante deviendra une école où tous les patriotes avignonais se nourriront de l'étude de vos décrets.
« Livrée entièrement à la propogation des lu-
mières et de l'esprit public, elle entretiendra le courage civique et le patriotisme des avignonais ; et quel que soit le sort que votre justice leur prépare, elle leur rappellera sans cesse qu'ils doivent mourir pour la nation française, qui les protège si généreusement depuis la malheureuse journée du 10 juin, pour la loi qu'ils ont adoptée, et pour le roi des Français qu'ils ne peuvent méconnaître pour leur légitime monarque.
« Daignez, Messieurs, honorer cette société d'un de vos regards. Vous lui fournirez un titre de plus à la confiance de ses concitoyens, et ses succès seront votre ouvrage.
« Nous avons l'honneur d'être avec respect, etc.
"Signé : Dupart, président; Ghazal, secrétaire; Tournai, secrétaire.
« Avignon,
Lettre du comité militaire d'Avignon.
Le comité militaire des détachements français, en garnison à Avignon, m'a chargé d'avoir l'honneur de vous adresser l'extrait d'un de ses arrêtés contenant dénonce en date du 23 du courant; vous le trouverez ci-joint. Je vous supplie de le mettre incessamment sous les yeux de l'auguste assemblée que vous présidez ; je le crois digne de quelque attention.
J'ai l'honneur d'être, etc.
Signé : Ghazal, président du comité militaire.
Extrait des registres du comité militaire de plusieurs détachements en garnison à Avignon.
Du jeudi 23 septembre 1790, à 10 heures du matin, le comité assemblé dans la salle ordinaire, a dit :
« Messieurs, l'assemblée représentative du comité venaissin, séante à Garpentras, vient de rendre un décret, le 13 du courant, par lequel elle force tous les citoyens de cette province à s'enrôler dans la milice, oblige ceux que leur état dispense du service, tels que les juges et les prêtres, à payer une contribution "pécuniaire, fixée à douze livres par personne.
« Les sieurs Metra et Ayet, négociants de Lyon, ont expédié à Mauriès, marchand de Garpentras, trois malles de boutons d'uniforme, et ils ont commission de lui en expédier une quatrième pour le plus tard le 5 octobre prochain.
La renommée publie que vers le milieu dudit mois d'octobre, un camp de 30,000 hommes doit se former dans la plaine de Garpentras, sous prétexte de renouveler un serment fédératif, prêté dans la même plaine par toutes les milices com-tadines réunies le tl avril dernier. On assure que ce camp est déjà secrètement convoqué, et qu'une fois formé, la moitié en restera permanente.
« En attendant, on fait à Garpentras des accaparements considérables en blé dont la ville paye le prix comptant, quoi qu'elle n'ait point de trésor public.
« En attendant, il arrive de tous côtés, à Garpentras, des armes et des munitions de guerre.
* La municipalité de Toulon arrêta, suivant trois de ses lettres à Avignon, des 2, 13 et 21 juin, douze pièces de canon de fonte, du calibre de huit, des canons de campagne, et des flammes et pavillons pour signaux, que les consuls de Garpentras avaient achetés dans son enceinte.
' « Avignon a pareillement arrêté des voitures chargées de plomb, qui passaient sur son territoire, destinées pour Garpentras.
De son côté, la garde nationale d'Orange en a saisi plusieurs autres à la même adresse, chargées de fusils et de sabres.
« Malgré ces saisies, il existe dans le comtat plus de 40,000 sabres, plus de 40,000 fusils, et Garpentras aura bientôt des canons; car quatre fondeurs, appelés dans ses murs, en fabriquent actuellement 28 pièces des calibres de 60, 36, 24 et 12.
« Ces faits publics qui vous sont connus comme à moi, Messieurs, méritent l'attention de l'Assemblée nationale ; je fais la motion de les lui dénoncer, parce que je crains tout des représentants comtadins, qui presque tous prêtres ou nobles, sont intéressés à aider une contre-révolution en France.
« Le comité parfaitement instruit de la vérité des faits constatés par le membre motioanaire, partageant ses craintes, et estimant que le Venaissin existant au cœur d'un Empire dont les armes protectrices le défendent, ne doit avoir ni artillerie, ni troupe sur pied.
« A ordonné qu'il sera fait registre de l'exposé ci-dessus, et que M. le président en enverra extrait à l'Assemblée nationale, à laquelle le comité militaire offre d'aller procéder au désarmement du comtat, s'il lui plaît de lui en donner la commission.
Signé : Gharal, président; Mercurin, secrétaire.
propose, pour mettre fin ?aux alarmes et aux troubles d'Avignon, de prononcer au plus tôt sur le fond de la demande du peuple avignonais, soumise à l'Assemblée depuis longtemps.
Diverses propositions sont faites ; on met aux voix celle du renvoi def toutes ces pièces aux comités réunis d'Avignon et diplomatique, pour en faire jeudi, s'il est possible, leur rapport à l'Assemblée.
député du département des Pyrénées-Orientales, demande et obtient un congé pour affaires très pressantes.!
, député du Forez, demande et obtient un congé sans date fixe.
informe l'Assemblée que les membres composant la ci-devant assemblée générale de Saint-Domingue, séant à Saint-Marc, se présentent et qu'ils sont au nombre de 25. Gomme la barre ne peut .contenir plus de 80 personnes, il prie l'Assemblée d'indiquer jles places qu'on donnera à cette députation.
Les membres de la ci-devant assemblée de Saint-Domingue sont mandés par un décret de l'Assemblée nationale; c'est donc incontestablement à la barre qu'ils doivent être entendus. Ceux qui ne pourront pas paraître resteront à la file derrière les autres. Il est impossible, il est improposable de les placer ailleurs qu'à la barre.
consulte l'Assemblée qui décide que la députation ne sera entendue qu'à la barre»
président de la députation, dit d'abord :
Monsieur le Président,
Messieurs,
L'Assemblée générale de» représentants de la partie française de Saint-Domingue n'a pas attendu votre décret pour venir se présenter devant vous. Nous sommes partis accusateur!} nous arrivons accusés; mais avant tout permet-toz-moi de vous représenter que nous serons tous coupables ou tous innocents. Je demande donc que nous soyons tous présents à cette séance, pour que chacun dé nous puisse entendre sa défense.
répond à oette demande, en donnant lecture à la dêputatiôn du décret qui vient d'être porté sur la manière dont eue sera entendue.
poursuit : Vous voyez devant vous, Messieurs, les représentants de la plus puissante des possessions françaises. Là manière dont nous paraissons â vos regards ferait douter si ce sont des frères que vous ave» sous les yeux...
Un de nous est chargé de Vous retracer le tableau de notre conduite. Je réclame votre attention- Nous sommes les organes d'un peuple qui, à deux mille lietieS de vous, n'a Jamais cessé d'être français.
orateur dé la dêputatiôn, prononce le discours suivant (1) i
« Messieurs, ceux qui se dévouent au bonheur de leurs concitoyens doivent être préparés à tous les événements. L'Assemblée même des représentants de la nation rj'a pas été à l'abri des revers, elle les a supportés avec courage, et c'est ainsi qu'elle a mérité l'admiration du monde. Nous aussi nous avons vu luire tour à tour des jours heureux et malheureux : dans la bonne fortune oomme dans la mauvaise nous avons eonservé un front modeste, un cœur calme, une bouche pure... Nous allons vous entretenir 4e la plus florissante des colonies. Saint-Domingue a 300 lieues de côtes, elle renferme 40,000 habitants blancs, 20,000 sang-mélés, 300,000 la-boureurs nègres ; elle contient dix villes et un plus grand nombre de bourgs. Tous les Français qui sont venujj parmi nous ont éprouvé les effets de l'hospitalité la plus touchante, ils ont tous reconnu notre humanité... Mille vaisseaux viennent annuellement dans nos ports, ils emportent les trésors de notre culttîte en ^change du superflu de là métropole. Ce pa^s, si digne d'être neu-t reux, a constamment gétni SOUS le joug du despotisme. ta vexation des généraux* les dilapidations des intendants, les violences d'états-majors hautains, conspiraient avec des ministres despotes contre la splendeur de la colonie et la félicité des colons. Les simples lettres de ces ministres étaient des lois.
« La nouvelle de la Révolution de France ttous avait remplis d'espoir et de joie; mais ûtt mé^ moire perfide du ministre de Là Luzerne annonça que nous voulions demeurer sous l'ancien régime, Comme si nous avions pu refuser lé bonheur, quand nous en voyions luire l espérance* Présent, ce ministre nous a opprimés; absent, il noUs a accablés encore par sa désastreuse influence. Par ses ordres, M. Du Chilleau nous fit défense de nous rassembler en nombre supérieur à cinq. Ge fut la seule faute de cet homme vertueux, dont nOUS regretterons longtemps l'administration paternelle. Qu'il vienne parmi nous, il
y recevra l'hommage de notre reconnaissance, il y retrouvera le souvenir de ses vertus. Trois assemblées provinciales s'étaient formées au nord, au sud et à l'ouest; elles reconnurent la néces-» sité d'une assemblée générale, qui fut convoquée à Saint-Marc, non sur le plan perfide du ministre, plan dont l'Assemblée nationale n'avait pas con-1 naissance, mais par des élections libres. Au mois d'avril 1790, l'assemblée générale de Saint-Mafc commença ses travaux. Pour lutter contre le pouvoir arbitraire, elle se déclara permanente* Son premier acte fut Une adresse à l'Assemblée nationale et au roi. Elle confirma provisoirement le Conseil supérieur du Gap ; cette confirmation était demandée par une grande province. Elle réforma des abus dans l'ordre judiciaire. L'avantage de ses commettants était l'unique but de ses travaux.
« L'assemblée générale de Saint-Marc, la confiance et l'estime des colons en furent le prix. Cependant il se forma contre elle une coalition peu nombreuse, composée des agents du pouvoir exécutif, qui craignaient pour leur autorité funeste, des personnes attachées à l'ordre judiciaire qui voyaient avec peine attaquer les abus dont eiles vivaient ; enfin de quelques négociants dont les intérêts ne sont pas toujours unis à ceux de l'utile cultivateur. Le général vint dans le sein de Rassemblée générale de Saint-Marc 3 il y fut reçu avec respect, avec joie $ mais les ennemis de la colonie craignirent les avantages qui pouvaient résulter de cette réunion. Il partit subitement, et l'on aigrit facilement les esprits. M. Peynier est un homme faible, incapable de tenir les rênes de l'administration 4'un grand pays, et toujours à la merci des conseils de ceux qui l'entourent... Les décrets de l Assemblée nationale des 8 et 28 mars portèrent l'allégresse dans la colonie. Par le premier, vous reconnaissiez l'impossibilité d'appliquer au delà des mers et la déclaration des droits et l'institution décrétée pour le continent. Vous nous invitiez â proposer aux représentants de la nation et au roi la Constitution que nous croirions convenir â nos contrées* L'assemblée générale de Saint-Domingue pose les bases de la Constitution dë la colonie, et soumet formellement son travail â votre approbation.
« Par ce décret, en date du 28 mai, elle réclame une portion du pouvoir législatif, en ce qui concerne le régime intérieur de Saint-Domingue. Les instructions du 28 mars exigeaient qu il fût fait une nouvelle convocation des paroisses. L'assemblée générale s'est empressée de se soumettre â cette disposition. Bile invita ses commettants à exprimer leur vœu. Piére de leur confiance, elle renonçait cependant saus peine aux pouvoirs qui lui avalent été transmis, si elle n'obtenait cette confiance entière, La très grande majorité des paroisses confirma l'assemblée générale de Saint-Domingue, Ce fut un coup de foudre pour les agents du pouvoir exécutif; ils avaient fait voter contre nous le régiment en garnison au Port-au-Prince. Alors se manifesta la dissidence de l'assemblée provinciale du Nord. Nous nous serons vengés de cette assemblée, quand nous l'aurons fait connaître. Elle est composée de quelques négociants, des personnes attachées à l'ordre judiciaire et l'on y distingue à peine un petit nombre de cultivateurs. Sur vingt-six paroisses qui se trouvent dans sa dépendance, trois ou quatre seulement et la ville du Cap lui ont conservé leur confiance : le reste s'est uni à nous. L'assemblée générale envoya
des commissaires à l'assemblée provinciale du Nord pour rapprocher les esprits. tJii premier succès lèS rendit redoutable? ; Une lettré de cachet lç§ exila dé lâ ville du Ciâp et dé ia fa pettdaocé. Les Itistructldhs du 28 attHbUaiéflt les financés à rassemblée géflêrdjë ; l'Intendant fut appélê, il refusa de paraître. Toiilé la colonie réclamait des municipalités. Elles furent créées, conformément à vos décrets, aVec'les légers changements que les localités exigeaient. C'est alors que les agents du pouvoir exécutif perdent tout espoir : ils intriguent pour dissoudre l'assemblée. Un renfort leur survient; le colonel Mauduit, qui s'était signalé par dés propos extravagants contre la Révolution, plein d'un voyage qu'il venait de faire en Italie, arrive, il brave l'assemblée par des lettres menaçantes ; il fait armer les forts, il enivre les Soldats pour les rendre parjures, il leur fait, au milieu de ces orgies, prêter, dans leurs casernes, un serment ténébreux.
« Alors se forma un corps de volontaires composé d'hommes attachés a quelques négociants et à l'ordre judiciaire. Ainsi les forces des ennemis de la régénération s'augmentèrent. L'as-semblée générale ne put méconnaître leurs desseins pervers ; elle enyoya des commissaires à M.Peynier. Cette démarche fut inutile, et l'appareil de la guerre fut déployé. Que faire alors ? Il fallait sauver la patrie, il n'était qu'un moyen. L'assemblée générale lé saisit, et pour raire tomber les armes qui menaçaient la colonie, elle licencia les troupes ; elle en prit à sa solde. Le salut du peuple commandait impérieusement ces mesures qui, pour être légitimes, n'avaient pas même besoin du succès. D'après vos Instructions du 28 mars, nous étions autorisés à nous occuper des subsistances : le pain manquait ; toutes les paroisses réclamaient ; M. Peynier n'avait aucun égard à ces réclamations j Un décret de l'assemblée gépérale intervint... Le désastre qui menaçait; la colonie était près d'éclater. Dans la nuit du au 30 juillet, M. Mauduit marche vers lê Port-au-Prince, à la tête de Ses troupes, et, au mépris de vos décrets, sans aucune réquisition. Un détachement en* vjrotine l'église, pour empêcher les citoyens de sonner le tocsin, et de se rassembler ainsi pour Une légitime défense ; un autre détachement s'empare du magasin où sont rassemblées les armés et la poudre. Des lettres arrivées de France et adressées au général avaient apporté la joie ; quelques citoyens paisibles $ réunis au corps de garde national, lisaient ces dépêches. Un troisième détachement, commandé par le colonel Mauduit, et précédé par deux pièces de canon Chargées à mitraille, s'avance vérs le corps de garde national.
« Les citoyens surpris attendent leur sort. Le détachement fait Une décharge à laquelle les citoyens répondent. Plusieurs nommes périssent de part ét d'autre» Nos concitoyens sont dispersés et fuient, tandis atie leurs assassins, au bruit d'une musique militaire, parcourent une vtîlë désolée, dont les habitants désespérés abandonnent leurs foyers et se répandent dans les carn*-pagnes. Un des assassins témoignait son regret de ce que le sang avait trop peu coulé. IL écrivait : Malheureusement le canon n'a pu pointer assez haut. » En apprenant ce» horribles nouvelles, les habitants dè Saint-Marc prennent les armes, et veulent marçh§r au Port-au-Prince. L^assemblée les contint : c'était "son premier devoir. Le général, pressé par des conseillers
perfide», proclama la dissolution de rassemblée générale, Bah» cet état que devait faire cette assemblée i te général méprisait tous vos décrets; parjure ét barbare envers la patrie* il avait rompu tons les liens qui l'attachaient à nous. Le peuple reprenait ses droits, et l'assemblée brononça la destitution de M. Peynier.
tes paroisses du Nord * celles du Sud s'avancent au seèôtirs dè leurs représentant». Le vaisseau le Léopard, paraît, La justice lui doit autant d'éloges que de reconnaissance» Alors avec ce secours puissant, et entourés de nos concitoyens éiincelâûts de rage et accourant de toutes les ex trémités de Pile, notre force était bien supérieure à celle de nos énhemis ; nous pouvions les attaquer Oti les attendre, mai» lé sang aurait coulé, lê sang de no3 amis et de nos frères.*» En ce moment Un saint enthousiasme nous a élevés au-dessu» de nous-mêmes: nous nous somme» arrêtés â une résolution qui peut-être demandait un grand courage, et qin nous commandait le plus pénible sacrifice. Abandonnant tout à coup nqs femmes, nos enfants, nos propriétés, nous nous gommes réunis sur le vaisseau le Léopard qui, dan» cette occasion mémorable, a si bien mérité de la patrie. Baignés des larmes de nos concitoyens; noùs sommes partis pour venir dé* mander justice au sein de la nation même*
« Un semblable dévouement ne sera pas perdu j nous flous croirions coupables de douter de notre succè», puisque le sort de notre colonie est tellement lié à celui de la métropole, que notre cause est celle de la France entière. A bord du Léopard, hou» avOn» écrit h la municipalité de Saint-Marc, nous avons fait une adresse aux pa* rolsses, et nos adieux à nos concitoyens ont été des exhortations à la patience et à la paix L'espoir. la certitude même que ces exhortations ne seraient pas inutiles, nous a soutenus pendant notre traversée, et les yéux tourné» vers la France, nous avons exprimé, dans deux adresses, nos sentiments pour l'Assemblée nationale et pour le roi.'A notre arrivée à Brest^ nous avons reçu l'acCUéil le plus louchant\ nous avons trouvé des amis et des frères. Non, vou» ne vous êtes pas trompés, généreux citoyens, nous sommes aiguës de vos sentiments ; nous avons peut-être quelques droits a la reconnaissance de tous les Français ! Tel» sont les faits que cinq députés de je né sais quel» commettants ont étrangement défigurés dans cette Assemblée» Après nous avoir calomnieusement accusés, ils voti» ont adressé une prière perfide ; ils ont réclamé pour nous votre indulgence. Députés dU despotisme, calom-ûiez-nolijs, mais n'intercédez point eh notre faveur ; cesse» surtout de nous appeler Vos frères, nous ne le sommes pas; cesse» de nous offrir votre amitié, npus la rejetons et nous vous aban* donnons â vos consciences et à l'ignominig de votre rôle.
« Trois grandes vérités réspltept, Messieurs, du récit que nous venons de présenter à, votre sagesse. Première vérité. Nous représentons Saint-Domingue. Oui, la colonie est ici; elle est Ici tout entière : nous sommes les représentants choisis librement par la grande majorité de nos concitoyens, confirmés par quarante-cinq paroisses contre Six. Seconde Vérité > no» opérations sont avouée» par Saint-Domingue. Non seulement nous représentons la Colonie, mais nous apportons le vœu exprimé par nous, reconnu par elle; toutes les paroisses ont adhéré à tout ce que nous avons fait : jugez si nous avon» droit à Vo* tre attention 1 Ce n'est pas nous que vous allés
approuver ou condamner, c'est la colonie de Saint-Domingue. Troisième vérité : toutes nos opérations sont conformes à vos décrets : elles sont relatives à notre régime intérieur, à nos relations extérieures. Vous aviez reconnu qu'il devait exister des différences entre notre Constitution et la vôtre; votre décret du 8 mars déterminait nos droits; nous ne sommes pas allés au delà : mais, quand nous nous serions trompés, serions-nous coupables?
« Faites donc disparaître les mers qui nous séparent ; faites que, comme les provinces de France, rapprochés de l'Assemblée nationale et du roi, notre patriotisme puisse vous avoir pour guide! Rien ne peut excuser les agents du pouvoir exécutif ; ils se sont couverts du manteau de l'Assemblée nationale, ils se sont entourés de vos décrets, et ils ont violé tous vos,décrets; ils ont dissous les assemblées du peuple, des assemblées reconnues par vous, formées d'après vos décrets. Sans réquisition, sous le ridicule prétexte d'indépendance, et pour les vils intérêts du despotisme, ils ont égorgé des citoyens. Et l'on voterait des remerciements à nos assassins I C'est alors que la colonie serait perdue; le désespoir s'emparerait de nos frères ; ils consentiraient à être pauvres, ils seraient invincibles. On vous parle de rétablir la paix. Nous garantissons que tout est calme ; nous avons supplié nos concitoyens d'attendre avec patience : ils attendent votre justice : ils ne l'attendront pas en vain. Nous allons leur écrire que vous êtes sur le point de nous la rendre; notre voix soutiendra leur résignation ; rien sur la terre ne peut nous ravir leur confiance. Ne précipitez donc rien; un pays tout entier est venu se jeter dans vos bras ; sa cause appelle toute l'attention de votre sagesse; vous allez élever un monument pour les siècles, vous allez graver la reconnaissance dans les cœurs. Nous vous avons dit la vérité ; nous en répondons sur nos têtes. Le ciel a conservé nos archives, nous vous offrirons la preuve de tout ; tous les faits que nous avons présentés sont appuyés par des pièces que nous mettrons sous vos y'eux, et qui exigent un long examen. Voici nos conclusions :
« Nous demandons que vous renvoyiez l'examen de notre affaire par-devant un comité ad hoc, que nous supplions de rendre le plus nombreux qu'il vous sera possible; que vous permettiez que des commissaires, nommés par l'assemblée générale, assistent au comité créé ad hoc, pour lui offrir tous les renseignements dont il pourra avoir besoin ; qu'il soit également permis à l'assemblée générale d'assister au rapport qui sera fait par le comité ad hoc. Ces demandes sont trop légitimes pour ne pas être accueillies. Les moments que vous donnerez à notre cause ne seront pas perdus, et les bénédictions du peuple seront la récompense de votre sagesse. »
L'Assemblée nationale ne cherche pas à trouver des coupables dans des Français; son équité reconnue doit vous mettre à portée de savoir ce que vous devez attendre d'elle, et lui a prescrit les formes qu'elle a adoptées à votre égard; elle a entendu le récit des faits que vous venez de lui faire; elle examinera les pièces, elle les pèsera dans sa justice, et vous fera connaître ses intentions.
Je demande que ce narré des faits soit remis sur le bureau pour servir de pièce dans cette affaire.
, orateur de la députation. Empressés de paraître devant vous, nous n'avons pu rédiger par écrit le récit que je viens de vous présenter : je n'ai que ces notes sur lesquelles j'ai fait mon rapport, nous ne perdrons pas un moment pour mettre en ordre ces faits signés par nous; ils seront remis à l'Assemblée nationale puisqu'elle le désire.
(La séance est levée à 9 heures et demie.)
Séance du
La séance est ouverte à onze heures du matin.
secrétaire, donné lecture du procès-verbal de la séance d'hier au matin.
secrétaire, lit le procès-verbal de la séance d'hier au soir.
Ces procès-verbaux sont adoptés.
député du Beaujolais, demande un congé d'un mois environ.
député de la Loire-In-férieure, sollicite un congé de six semaines.
député d'Orléans, demande la permission de s'absenter pour trois semaines.
député de Meuwn, demande également un congé de trois semaines.
Ces .congés sont accordés.
Le sieur Boucault, mécanicien à Paris, qui a déjà eu l'honneur de présenter à l'Assemblée nationale des échantillons de monnaie" extraits de la matière des cloches, lui en présente de nouveaux, extraits avec des procédés différents. Il annonce à l'Assemblée qu'il espère démontrer bientôt la manière dont on peut faire dans cette fabrication les plus grands bénéfices possibles.
L'Assemblée nationale ordonne le renvoi de ces échantillons à son comité des monnaies, pour en faire l'examen.
Le sieur Bourjot, élève de l'académie d'architecture, présente à l'Assemblée nationale un plan d'édifice pour ses séances, qui est reçu avec satisfaction.
Un de MM. les secrétaires fait lecture d'jme lettre écrite de Laon à M. le Président par les sous-officiers, brigadiers et dragons du régiment de la reine, dans laquelle ils justifient le sieur Pellan, major-commandant de ce régiment, sur les imputations odieuses qui lui ont été faites dans les Annales patriotiques, n° 360, du lundi 27 septembre.
Le même secrétaire fait lecture d'une lettre écrite à l'Assemblée nationale, par les
électeurs du district d'Angers. A cette lettre dans laquelle
fait douner lecture d'une lettre du père de M. Désilles à qui l'Assemblée a voté des remerciements pour son dévouement héroïque à Nancy. Elle est ainsi conçue :
« M. le président, l'état bien critique encore de la santé de mon fils ne lui permet pas de répondre lui-même à la lettre dont vous l'avez ho* noré au nom de l'Assemblée nationale. Quelle que soit l'inquiétude que me donnent ses jours, je n'ai pas cru pouvoir différer plus longtemps d'exprimer de sa part aux représentants de la nation les sentiments dont son cœur est pénétré. Il est bien loin de croire mériter tous les éloges qu'on se plaît à lui prodiguer ; il est d'une nation, il est dans un corps où l'action que l'on a remarquée dans cette circonstance ne peut être un mérite particulier. Il n'a fait qu'imiter des exemples si communs dans Tarmée française et dans le régiment où il a l'honneur de servir. Il sent vivement le prix des éloges que l'Assemblée nationale veut bien lui décerner, et l'intérêt qu'elle a la bonté de prendre à sa conservation. Daignez, Monsieur, être auprès d'elle l'interprète de ses sentiments et des miens. »(On applaudit.)
rapporteur du comité des finances, fait part à l'Assemblée des besoins du Trésor public et présente un projet de décret qui, après quelques observations, est adopté en ces termes :
« L'Assemblée nationale décrète ce qui suit :
« Art 1er Les fonds nécessaires au service du Trésor public seront demandés au Corps législatif par l'ordonnateur chargé de la direction du Trésor public.
« Art. 2. Il sera fourni chaque mois au comité des finances l'état de situation de la caisse de chaque receveur particulier, pour l'année 1790 et les précédentes, l'état des recouvrements à faire, et les causes qui peuvent retarder ces recouvrements.
« Art. 3. Il sera fourni par chaque mois l'état des payements faits sur les impôts indirects, et des 'causes de retard ou de suspension dans les recouvrements.
« Art. 4. Il sera remis au comité des finances des états de toutes les matières d'or et d'argent provenant des vaisselles, dons patriotiques, ou matières achetées de l'étranger par le Trésor public, lesquelles ont été portées aux hôtels des monnaies^ pour y être fabriquées ; ainsi que les bordereaux de versement des monnaies en provenant, au Trésor public ou dans les différentes caisses. Ces états seront imprimés, à commencer du premier octobre 1789, et chaque mois pour 1 avenir. »
M. Dufrêne, en nous envoyant l'état des dépenses du mois dernier, observe qu'il faut 45 millions pour le service de ce mois-ci. Ilcomptesur unerentréede 30 millions et demande que l'Assemblée lui fasse délivrer 15 millions sur les assignats restant de la première émission.
Le comité des finances vous propose le projet de décret suivant :
« L'Assemblée nationale décrète que la caisse d'escompte délivrera au Trésor public la somme
de quinze millions, pour fournir aux besoins du mois d'octobre. »
(Ce projet est mis aux voix et adopté par l'Assemblée Nationale.)
membre du comité d'agriculture et de commerce, propose de décréter que pour accélérer le reculement des barrières aux frontières du royaume, et prévenir toutes les difficultés qui pourraient retarder l'exécution de cette opération si avantageuse au commerce, les comités d'imposition et de finances soient chargés de se réunir à celui de commerce et d'agriculture, pour concerter et présenter, dans le plus court délai possible, un plan sur l'orgauisation des compagnies de finances qui seront chargées de la perception des impôts indirects.
Cette proposition est adoptée en ces termes :
i L'Assemblée nationale, ayant ouï le rapport de son comité d'agriculture et du commerce, décrète que, voulant accélérer le reculement des barrières aux frontières du royaume, et prévenir tous les obstacles qui pourraient retarder l'exécution de cette opération si avantageuse au commerce, charge ses comités d'imposition et des finances de se réunir à celui d'agriculture et du commerce, pour concerter et présenter, dans le plus court délai possible, un plan sur l'organisation des compagnies de finances, qui seront chargées de la perception des impôts indirects. »
membre du comité des rapports. Une insurrection bien dangereuse, vient de se manifester dans le département de l'Aude. Des malintentionnés apportent des obstacles à la libre navigation du canal de Languedoc, soit en arrêtant les bateaux, soit en brisant les écluses, soit en démolissant les ouvrages en maçonnerie pratiqués pour former les écluses. Le directoire a conçu les plus vives alarmes sur les suites de ces mouvements séditieux, et il ne craint pas moins la violation prochaine de toutes les propriétés, que des attentats contre les jours des citoyens.
Nous vous proposons un projet de décret.
Il faut éclairer le peuple sur l'article de la circulation des grains et lui pré-senter Tes motifs qui doivent le rassurer sur la liberté de ce commerce. Quelle est la cause des égarements de ce peuple? c'est qu'il a vu violer les lois anciennes et nouvelles et que l'avidité des négociants a besoin d'être arrêtée. Il faut que les directoires soient instruits du jour du départ des grains qui seront vendus.Voici l'amendement que je vous propose :
« Que le négociant qui fait transporter des grains sera obligé de déclarer au directoire la quantité des grains qu'il envoie, et le lieu pour lequel il les destine, et sera obligé de rapporter un certificat du directoire du district ou du département du lieu où il l'aura conduit. »
Je propose de prendre des mesures le long des côtes pour empêcher que nos blés n'aillent chez l'étranger.
Tous ces amendements sont , de véritables entraves au commerce des blés. Vous avez décrété que ce commerce serait libre. Je propose la question préalable sur les motions qui viennent d'être faites et l'adoption du projet de décret du comité.
(La question préalable sûr les amendements est mise aux voix et prononcée.)
Le projet du comité des rapporté est ensuite adopté en ces termes :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu la lecture de la lettre adressée par les membres du directoire du département de l'Aude, par laquelle ils exposent
« 1° Lés mouvements séditieux qui se sont manifestés parmi le peuple de ia cité haute de Carcassonné, ainsi que parmi les habitants de campagnes voisines de cette ville;
* Les entreprises coupables par lesquelles deB mal intentionnés ont voulu s'opposer à ia libre circulation des grains ;
« 3° Les démolitions et incendies qui ont détruit plusieurs des bâtiments et ouvrages nécessaires à l'entretien du canal de Languedoc et à la liberté du cours de la navigation dans cette partie;
« Déclare que les citoyens qui se sont portés à de tels excès seront poursuivis et punis suivant la rigueur des lois ;
« Approuve la prudence et la fermeté qui ont caractérisé les démarches des administrateurs du département de l'Aude* ainsi que le zèle qu'ont témoigné tant les gardes nationales que les régiments de Médoe et de Noailles, et la maréchaussée;
« Ghargé son président de se retirer par devers le roi, à l'effet de supplier Sa Majesté de donner les ordres nécessaires pour qu'il soit incessamment envoyé dans le département de l'Aude des troupes de Ijgne en nombre suffisant pour procurer le rétablissement de l'ordre public et l'exécution des décrets» »
M. Louis-JôSeph-Philippe d'Orléans, inculpé dans là procédure du Çhfttelet demande la parole.
(L'Assemblée décide qu'il serà entendu.)
Compromis dans la procédure criminelle instruite au Châtelet de Paris sur la dénonciation des faits arrivés â Versailles dans la journée du 6 octobre, désigné par ce tribunal comme étant dans le cas d'être décrété, soumis au jugement que vous aviez à porter pour savoir s'il y avait ou n'y avait pas lieu à accusation contre moi, j'ai cru devoirm abstenir deparaître au milieu de vous dans les différentes séances oh vous vous êtes occupés de cette affaire. Plein de confiance dans votre justice, j'ai cru, et mon attente n'a pas été trompée, que la procédure seule suffirait pour vous prouver mon innocence.
M. de Biron a pris hier, en mon nom, l'engagement que je ne vous laisserais aucun doute, que je porterais la lumière jusque dans les moindres détails dé cette ténébreuse affaire. Je n'ai demandé la parole aujourd'hui que pour ratifier cette obligation. li me reste en effet de grands devoirs à remplir ; vous avez déclaré que je n'étais pas dans le cas d'être accusé ; il me reste à prouver que je n'étais pas même dans le cas d'être soupçonné. Il me reste à détruire ces indices menteurs", ces présomptions incertaines répandues avec tant dè complaisance par la calomnie, et recueillies avec tant d'avidité par la malveillance. Mais ces éclaircissements nécessaires devaient être donnés en présence de tous ceux qui auront intérêt de les contredire, et devant ceUx qui auront droit d'en connaître.
Telles sont les obligations que je viens de contracter en ce moment. Je me dois de les remplir} je le dois à cette Assemblée, dont j'ai l'honneur d'être membre* je le dois à la nation entière» Il est temps de prouver que ceux qui ont soutenu
la causé du peuple et de la liberté ; que ceux qui se sont élevés Contre tous les abris ; que ceux qui ont concouru de tout leur pouvoir à la régénéra* tion de la France; il est temps de prouver que ceux-là ont été dirigés par le sentiment de la jus* tice, et non par les motifs odieux de l'ambitipn et de la vengeance.
Ce peu de mots que j'ai mis par écrit» je vais les déposer sur le bureau, pour y donner toute l'authenticité qui dépeud de moi.
(On applaudit â plusieurs reprises dans la grande majorité de l'Assemblée et dans toutes lès tribunes»)
demande qu'on mette à la discussion le compte à régler entre la caisse d'escompte et la nation,
Cette discussion n'a pas uu caractère d'urgence. Je propose de là renvoyer à Uûé séance du soir,
(Cette motion est adaptée.)
(de Nemours). La discussion sur l'impôt est pressante, mais avant de traiter de l'impôt pour l'année prochaine, je crois qu'il faut finir ce qui concerne le remplacement de ia gabelle, impôt de l'année courante,
consulte l'Assemblée qui donne la parole à M. Dupont pour un troisième rapport sur le remplacement de ta gabelle et des droits sur les cuirs, les fers, les huiles, les savons et les amidons.
(de Nemours) (1). Messieurs, M. de Biâuzat èf les autres honorables membres de Cette Assemblée, qui avaient fait des observations dans vos précédentes séances, sur le projet qui vpus a été proposé par lé comité des finances, relati-?! vement au remplacement de la gabelle, ont eu deux conférences, l'une avec le rapporteur, l'autre avec le comité.
Ces conférences ont montré que les opinions et les principes étaient beaucoup plus rapprochés qu'ils ne paraissaient l'être, et que l'on ne demandait de part et d'autre que l'exécution littérale de vos décrets du mois de mars, qui ordonnent que la consommation servira de règle à la répartition : ce qui laissait seulement lieu à la question de savoir si la consommation locale était mieux connue par les ventes locales que différents versements actifs ou passifs pouvaient rendre et rendaient illusoires en plus d'un côté et ëtt moins de l'autre; ou si Cette consommation était mieux connue d'après ie prix du sel, l'habitude générale qui en résultait et le nombre des consommateurs.
C'est un fait constant que dans les parties dés pays de grandes gabelles, qui touchent ceux
des pays ae petites gabelles ou de gabelles locales, ies ventes étaient plus faibles que la
consommation qui se trouvait Tournis dans une forte proportion à un prix mitoyen entre celui
des deux gabelles ; prix qui était lui-même une irappsi-tion pour les habitants qui
s'approvisionnaient ainsi par contrebande, et qui, néanmoins, les laissait dans un état de
délit vis-à-vis dé la nation, pour l'imposition dont ils esquivaient une partie»
Au contraire, dans les parties des provinces de petites gabelles ou de gabelles locales, qui avoisinaient les pays de grandes gabelles, le produit des ventes excédait celui de la consommation de toute la quantité du sel destinée à la contrebande ; et il serait visiblement injuste de punir les honnêtes gens qui sont le plus grand nombre des habitants de ces provinces, du délit commis par le petit nombre de mauvais sujets qui s'y livraient à un commerce illicite.
Bans l'intérieur même des grandes gabelles et hors de la portée de la contrebande, les ventes des greniers situés dans des villes qui ont des foires ou des marchés considérables, sont au-dessus de la consommation réelle de leur arrondissement, parce que les particuliers des arrondissements voisins qui viennent à la foire et au marché, trouvent plus commode de rempdrter du sel, que de se détourner de leurs travaux pour aller s'approvisionner au grenier de leur propre arrondissement.
Par la même raison, les ventes des greniers qui sont de moindres céntres de commercé, sont au-dessous de la consommation qui se fait dans leur arrondissement, et dont une portion y était apportée par le retour des greniers des villes où. Ie3 foires et marchés appellent un plus grantt commerce.
Les honorables réclamants ont vu âvëc satisfaction que le comité n'avait point négligé, comme ils le croyaient, de se procurer les états des Ventes faites dans chaque direction et par chaque gteniéf, et que le tableau de ces ventes avait été Une dés principales bases dé son travail ;
Qu'il en était résulté que le comité n'avait point confondu, commé on l'avait supposé, la consom^ mation des pays de petites gabelles, ou de gabelles locales,avec celles des pays de grandes gabelles.;
Que le comité, au contraire, avait eu égard à la plus forte consommation qui avait naturelle-ment et nécessairement lieu dans les pays de petites gabelles ou de gabelles locales, en raison de la modicité du prix ;
Que, prenant ainsi chaque division du royaume soumise au même prix de sel, comme l'objet d'une opération spéciale, le travail et la proposition du comité avaient eu ensuite pour but de prévenir l'injustice dans laquelle on aurait pu tomber à l'égard des pays ou des cantons que la diversité du prix du Sel" entraînait ou exposait à faire ou à recevoir des versements clandestins qui pouvaient induire en erreur sur les conséquences que l'on aurait voulu tirer des états de vente pris pour élément unique de la consommation de chaque canton, sans avoirégard aux circonstances locales.
Il a été remarqué que, dans les pays de petites gabelles, en Dauphiné, en Provence, l'obligation de se pourvoir à tel ou tel grenier n'était pas spéciale; que des marchands autorisés y transportaient sur toute l'étendue du pays,selon qu'il convenait le mieux à leur commercé, le sel qu'ils avaient pris dans les greniers de la ferme ; de sorte qu'il y a dans ces provinces un grand nombre de lieux dont on he peut pas dire que leur consommation fasse ni ait fait partie des ventes de tel du tel grenier, plus que de tel OU tel autre. On sait seulement que la totalité de la consommation de ces pavd a été fournie par la totalité des greniers, ce (jui né laisse d'autre moyen d'approcher de la connaissance de la véritable consommation de chàc|ue département et dë chaque district)
qu'en la supposant moyenne ou à peu près, et en calculant le nombre des consommateurs; forme d'évaluation qui ne peut conduire à aucune injustice sensible, quand il s'agit d'une imposition diminuée de près de moitié, ou dans la proportion . de quarante à soixante-seize et trois cinquième!.
Il a encore été reconnu qu'il serait d'une extrême difficulté d'évaluer la consommation des villes, et de la séparer de celle des campagnes, conformément à votre décret du 22 mars, si l'on n'estimait pas cette consommation par la population de ces villes » Qn ne pourrait, en effet, s'en former une juste idée par le produit des venteB au grenier j car il n'y a aucun grenier qui ne fournisse, outre la-consommation de la ville daus laquelle il est placé, celle d'un grand nombre d'autres villes, paroisses et communautés; et l'on ne ne peut établir, entre tous ces lieux différents, une règle de répartition qui ait quelque équité* qu'en côm- parant la consommation générale avec la population générale, parvenant ainsi à connaître, par approximatiqtU la consommation par tête, qui est à peu près égale, et jugeant de Ja consommation de chaque lieu, de laquelle doit résulter sa part contributoire, par sa population.
Enfin, Messieurs, le comité des finances a représenté que le travail de la répartitiqn se trou-, vait fait crapfês 10 principe qui lui avait paru devoir conduire plus sûrement et plus équi$blé-meut à l'exécution de vos décrets du mois de mars, et regrettant beaucoup qu'il y ait déjà eu sept semaines de perdues depuis que ce travail est termine, et qu'il a PU vous eu faire le rapport, il a exposé aux honorables réclamants que ce qe serait qu'âVeC ttde extrême douleur qu'il verrait recommencer un nouveau travail, dont les difficultés lui semblent plus grandes que celles qu'il a été obligé de Vaincre pour conduire à sa perfection celui qu'il a eu l'honneur de vous soumettre,
Ce n'est pas, Messieurs, que même en partant d'un principe général très équitable, et apportant les soins les plus vigilants dans son appli-cation, on ait pu échapper à tout inconvénient ; votre comité des finances vous en a exposé plq? sieurs qui subsistent encore, qu'on ne pourrait éviter dans aucun système, et auxquels il faut pourvoir par des mesures locales.
Q'est pourquoi le comité vqus a préparé un fonds destiné à faire les frais de remises ou du moins imposé que l'on trouverait juste d'accorder à qutlques départements, quelques districts ou quelques cantons, à t raison de leurs circonstances locales ; ce qui forme l'objet des dispositions de l'article 3 du premier décret qu'il vous propose»
M. de Biauzat a jugé que cette mesure était indispensable dans tous les cas ; mais qu'il était convenable de l'annoncer dès le premier article du décret. Il a en conséquence fait une rédaction de la dernière phrase de cet article, qui a été adoptée par le comité.
MM, les députés de Lorraine ont fait remarquer que, quoiqu'il parut y avoir sept mois au premier avril que les ventes de leurs greniers fussent presque cessées, leur pays n'avait cependant point été approvisionné par du sel étranger, mais par du sel national tiré des gabelles d'Alsace ou de Franche-Comté, à environ moitié prix de celui des gabelles de Lorraine) qu'il n'avait pu être approvisionné autrement ; et que cet approvisionnement, qui avait soutenu les ventes et le débit des gabelles d'Alsace et de
Franche-Comté, avait été, pour la Lorraine, une véritable contribution de gabelle, seulement à prix inférieur ; ce qui ne laissait les habitants de cette province en débet vis-à-vis de la nation, que de la différence du prix des deux gabelles.
Calcul fait de la recette qui a dû résulter de ces approvisionnements faits pour la Lorraine en Franche-Comté et en Alsace, on a reconnu que leur valeur pouvait se monter à celle d'un approvisionnement de quatre mois, qui aurait eu lieu à l'ancien prix des gabelles de Lorraine. II a paru juste,en conséquence, de n'en demander aux contribuables de cette province le remplacement, qu'à raison de douze mois, au lieu de seize dans toutes les parties limitrophes de l'Alsace et de la Franche-Comté.
Le même effet pouvant avoir eu lieu, quoique d'une manière moins complète dans l'ancienne province des trois évêchés, et dans les parties do Lorraine qui s'y trouvaient enclavées, et qui, touchant à l'étranger, ont pu et dû être approvisionnées, partie par le sel étranger, partie par le sel étranger, partie par le sel de l'Alsace; il a paru raisonnable, si la Lorraine éprouvait une modération de quatre mois, d'en accorder une des deux aux trois évêchés, à la portion de Lorraine y enclavée, et au Clermontois ; c'est à quoi le comité vous propose de pourvoir par quelques changements de l'article 3 du projet de décret.
Les députés de Franche-Comté ont représenté que non seulement leur province n'avait point cessé jusqu'au premier avril de fournir le même revenu à la nation par la consommation du sel, mais que même, depuis le premier avril jusqu'à présent, le sel des autres provinces n'a point, ou presque point pénétré dans la leur, et que les habitants ont continué de s'approvisionner aux salines presqu'au même prix que par le passé, de sorte qu'il est possible, ajoutent-t-ils, que la nation n'ait rien perdu sur le débit de son sel dans cette province.
Le rapporteur en expliquant vos intentions d'après vos principes, a déclaré à Messieurs les députés de Franche-Comté que pourvu que les contribuables de léur province eussent fourni au Trésor public depuis le premier avril,à raison de la consommation du sel, les deux tiers de ce qu'ils lui payaient anciennement, vous les regarderiez comme quittes, puisque vous n'avez voulu imposer que sur ce piéd : de sorte que vous ne leur demanderiez, en aucun cas, que la différqpce.
Il leur a fait observer que c'était le sens positif de la dernière disposition de l'article 3 du projet de décret qui fait la réserve suivante : « sauf « pour chaque département, chaque district et « chaque communauté, en tout pays de gabelles, « les sommes que l'on justifierait avoir payées « depuis l'époque indiquée, au grenier de son « arrondissement, lesquelles seront passées en « moins imposé et attribuées dans chaque com-« munauté aux contribuables qui justifieront « avoir pris le sel au grenier. » Il est très certain qu'en vertu de cet article, si les trois départements de Franche-Comté se trouvent avoir pris aux salines pour sept cent quinze mille livres de sel, ce qui formera la valeur des deux tiers de ce qu'ils y prenaient dans le même espace de temps, ils recevront en moins imposé la valeur totale de,leur contribution.
MM. les députés du département du Cantal et de celui de la Haute-Loire ont exposé que le prix du sel dans leurs départements n'était baissé
que d'environ un sixième, de sorte, que s'ils étaient obligés de remplacer la gabelle sur le pied des deux tiers ou seulement de moitié de leur ancienne contribution, ils éprouveraient un dommage manifeste. La même réponse, le même recours à votre justice; la même participation au moins imposé,préparé par votre prévoyance, selon le droit que les faits locaux donneraient à leurs provinces, leur ont été offerts par votre comité.
Les difficultés qui s'étaient présentées, Messieurs, sont donc aplanies;et si elles ne l'étaient pas toutes, on aurait encore, pour empêcher qu'il résultât aucun mal de celles qu'on n'aurait pu prévenir, le baume salutaire au moins imposé qui peut s'appliquer à toutes les réclamations fondées, et dont votre comité s'applaudit d'avoir pu vous procurer les moyens sans diminution sensible de la recette totale. .
Il finira en vous faisant remarquer que dans l'état où sont les choses et les recettes de 1790 approchant au point où elles le sont de l'ouverture des impositions de 1791, chaque semaine de retard, occasionne pour les finances une perte inévitable et peut-être une perte irrépara oie de trois millions.
Les amendements/convenus dans les conférences que vous aviez ordonnées, portent sur le premier ' et sur le troisième article du premier décret. Les autres articles subsistent t els qu'ils ont été imprimés.
consulte l'Assemblée pour savoir si elle entend discuter le projet de décret immédiatement.
L'affirmai ve est prononcée.
(de Nemours), rapporteur, lit l'article 1er en ces termes :
« Art. 1er. Les diverses impositions établies par les décrets des 14,15,18,20,21 et 22 mars, pour indemnité de la suppression des gabelles, pour l'abonnement du droit de la marque des fers, du droit de la marque des cuirs, et pour le. remplacement du droit de fabrication sur les amidons et sur les huiles, et des droits de circulation sur les huiles et savons, seront réparties conformément auxdits décrets, entre les départements et les districts qui formaient autrefois les provinces soumises à ces droits.
« La répartition de l'indemnité pour chaque espèce de gabelle et pour chaque nature de droits sera faite entre toutes les anciennes provinces qui étaient soumises au même prix du sel, et à la même nature des droits, à raison de leur population. »
Cet article est inadmissible dans ses dispositions actuelles et j'en propose ou le rejet ou la modification.
Un membre dit qu'il suffit de supprimer le deuxième paragraphe.
Cette proposition est appuyée et adoptée.
L'article 1er est en conséquence mis aux voix et décrété ainsi qu'il suit :
« Art. 1er. Les diverses imoositions, établies par les décrets
des 14, 15, 18, 20, 21 et 22 mars, pour indemnité de la suppression des gabelles, pour
l'abonnement du droit de la marque des fers et du droit de la marque des cuirs, et pour le
remplacement du droit de fabrication sur les amidons et sur les huiles, et des droits de
circulation sur les huiles et savons, seront réparties
conformément auxdits décrets entre les départements et les districts qui formaient autrefois les provinces soumises à ces droits. »
lit l'article 2 en ces termes :
« Art. 2. D'après cette première répartition, la population des villes indiquant en chaque département la somme de la contribution à laquelle elles devront être soumises, cette somme sera distraite de la contribution générale, pour être imposée en chaque ville, ainsi qu'il sera décrété par l'Assemblée nationale, sur le vu de l'avis du directoire de département, qui sera tenu de demander l'opinion du directoire du district, et par celui-ci le vœu de la municipalité, conformément au décret du 22 mars.
« Le surplus sera imposé, dans les campagnes, au marc la livre des impositions ordinaires, et du premier cahier des vingtièmes. »
Le mode que nous propose le rapporteur ne peut être suivi dans les pays abonnés pour le prix du sel et les vingtièmes ; je ferai remarquer encore que dans d'autres provinces l'exécution de cet article serait très difficile et très lente ; enfin, il pourrait arriver que les campagnes qu'on veut soulager se trouvassent plus grevées.
Les observations qui viennent de vous être présentées sont très importantes. Je demande que l'article 2 et les suivants soient ajournés à demain avec invitation au rapporteur de produire un mode différent de répartition.
(Cette proposition est mise aux voix et adoptée.)
(La séance est levée à deux heures et demie.)
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
secrétaire, donne lecture du pro-cès-verbal de la séance d'hier.
Le procès-verbal a inséré le 2* alinéa de l'article 1er du
décret sur le remplacement de la gabelle, sans ajouter que cet alinéa n'a pas été adopté par
l'Assemblée. Je demande que la rédaction du procès-verbal soit modifiée de manière à ce qu'il
ne puisse subsister aucun doute.
(L'Assemblée ordonne la modification demandée.)
observe que l'Assemblée a mis à l'ordre du jour, pour la séance du mardi- au soir, un
rapport sur la liquidation de la caisse d'escompte, elle a par là retardé sa délibération sur
le troisième titre des articles proposés sur le traitement à accorder aux religieux et
religieuses et aux chanoinesses; il demande que cette discussion soit remise à une séance
extraordinaire.
fait donner lecture de la lettre suivante de M. de La Luzerne, ministre de la marine :
' « J'ose représenter à l'Assemblée nationale combien il est urgent qu'elle se fasse rendre compte de la lettre que j'ai eu l'honneur de vous adresser le 1er de ce mois, et surtout des pièces qui y étaient jointes. Je reçois de Brest des dépêches, en date au 29 septembre, qui annoncent que, malgré la prudence et les soins des chefs, des officiers militaires, des commissaires civils envoyés par le roi, la fermentation des équipages ne se calme point. Je vous transmets copie d'une lettre de M. d'Hector, relative au départ du vaisseau la Ferme, qui a mis enfin à la voile. J'ose supplier l'Assemblée nationale de donner quelque attention au zèle, à la fermeté, à la sagesse de M. Rivière, capitaine, et de M. Duclesmeur, lieutenant de vaisseau, au soulèvement des matelots lorsqu'ils ont reçu ordre d'appareiller, à leur résipiscence postérieure, à l'aveu qu'ils ont fait spontanément que d'autres équipages les avaient travaillés à terre. On se hâte de congédier celui du Léopard, conformément au décret de l'Assemblée nationale, sanctionné par le roi ; mais je trahirais mon devoir, en en rendant pas compte d'un fait singulier dont m'inslruit le commandant de la marine. Il m'annonce qu'on distribue à chacun des hommes licenciés une espèce de certificat, ou plutôt de lettres patentes, qu'on qualifie de diplôme, et il me fait passer copie d'une de ces pièces que je transcris.
Extrait des registres de Vassemblée générale de la partie française de Saint-Domingue.
« Au nom de la nation, de la loi, du roi et de « la partie française de Saint-Domingue, aux mu-« nicipaiités, à tous les bons Français et particu-« lièrement à tous les habitants de cette Con-« trée :
« Soit connu que le généreux citoyen Pierre « Richeux, de Saint-Malo, matelot à 21 liv., est « un de ceux à qui la nation est redevable du « salut de la partie française de Saint-Domingue. « Le porteur du présent diplôme doit s'attendre « à trouver dans les municipalités et particuliè-« rement chez tous les habitants de la partie « française de Saint-Domingue, les secours en « tous genres que son patriotisme peut se pro-« mettre de la reconnaissance des bons Français « et de la recommandation de l'assemblée géné-« raie.
« Délivré par l'assemblée générale de la par-« tie française de Saint-Domingue, en exécution « de son décret du 27 août dernier, à bord du « vaisseau le Léopard, surnommé le Sauveur des « Français', le 2 septembre 1790, parles 43 de-« grés 31 minutes de latitude nord et les 30 de-« grés 31 minutes de longitude. D'Augy, pré-« sident ; Bourget , vice-président ; Denix et « Deaubonneau. Pour copie, signé : d'hector. »
« Il paraît de plus, paria lettre de M. d'Hector, qu'il a été ou qu'il va être frappé une médaille, dont il me ne donne point la description, et que chacun de ces marins s'attend à la recevoir.
« Je ne puis prévoir quel effet produiront ces diplômes et ces médailles dans les divers quartiers où 480 bommes de mer vont se disperser. Il m'a paru, par cette raison, indispensable de vous
communiquer ce qui m'est mandé. L'Assemblée nationale pèsera dans sa sagesse s'il ne convient pas d'en faire prévenir les municipalités et autres corps administratifs, ou de rendre elle-même un décret pour s'opposer, autant qu'il est possible, à la contagion de l'effervescence et du trouble qu'on veut éloigner de Brest, et qui se répandra peut-être subitement, par ces moyens bizarres, dans beaucoup de parties du royaume. »
(de Nemours). Il est clair que l'Assemble générale de Saint-Domingue se constitue en Assemblée nationale et usurpé tous les pouvoirs.
Les faits qu'on nous dénonce doivent être promptement réprimés. Je demande le renvoi au comité colonial de tout ce qui est relatif aux colonies et au comité de marine de tout ce qui concerne la marine.
Il ne suffit pas de réprimer les actes délictueux, il faut les prévenir toutes les fois que Cela est possible. Je propose de charger M, Je Président d'écrire à la municipalité de Brest afin qu'elle prenne les mesures nécessaires pour empêcher toute distribution de médailles.
(Ces propositions sont adoptées*)
Un de MM. les secrétaires annonce qu'il a été déposé ce matin sur le bureau une pétition des mariniers, qui demandent la suppression de certains droits exigés au passage ae certains ponts et pertuis de la Seinè.
Cette pétition est renvoyée au comité féodal.
député du département des Deux-Sèvres, demande un Congé de sept semaines, pour raison de santé.
M. de Choiseul-d'Aillccourt, député de la Haute-Marne, sollicite la permission de s'absenter pour un mois.
député du département de Rhône-et-Loire, demande un congé de six semaines pour motif de santé.
Ges congés sont accordés.
Le comité de Constitution demandé à faire un rapport sur des pétitions du district de Pau relatives à la fixation au chef-lieu du, département des Basses-Pyrénées.
, rapporteur. Des discussions Se sont élevées entre les villes de Pau et celle de Navar-reins, département des Basses-Pyrénées, pour la fixation du siège d'administration. La petite ville dé Navarreins est peuplée tout au plus de mille habitants; elle a pour tous établissements publics un château fort, un arsenal et un hospice de ea-pticinâ ; l'ontn'y trouve cii poste, ni messageries, ni imprimerie. La ville de Pau, au contraire, est peuplée de qùinise ou dix-huit mille âmes; elle a plusieurs édifices et établissements publics. Malgré tous ces avantages qui semblaient devoir fixer à Pau l'administration, Navarreiiis a sollicité la préférence, èt elle lui a été accordée. Cette décision contrarie ouvertement les principes.
Je les ai tant de fois invoqués sur cette matière, qu'il est inutile de les rappeler ; ce n'est pas dans des lieux comme Navarrelus qu'il faut reléguer, ou plutôt exiler une assemblée administrative;
on ne peut point, sans de grands inconvénients, l'isoler des regard» des hommes, regards nécessaires à des dépositaires de fonctions publiques, ou pour soutenir leur émulation, ou pour surveiller leur zèle dans une carrière aussi délicate. Eloigner les administrateurs des grands théâtres, c'est les exposer au découragement et aux abus d'autorité ; il n'y a pas d'opinion publique dans les petites villes, ou s'il en existe, elle est petite comme son centre; elle restreint l'intelligence et les lumières; elle anéantit le patriotisme et le courage. On ne peut point, sans violer noS principes, la raison, ne pas fixer le siège de l'administration à Pau, dans le lieu de la naissance de Henri IV, qui sera encore le domaine de Louis XVI; la nation et le roi l'ont ainsi voulu : et c'est ainsi que l'amour du peuple réunit les bons rois, malgré l'intervalle et des temps et des Jieux ; le libérateur de la nation française est présent à Pau par l'affection des habitants, comme Henri IV l'est à tous les Français par le souvenir.
Voici le projet de décret que le comité de Constitution vdus propose :
« L'Assemblée nationale décrète t l° que la ville de Pau est le chef-lieu de l'administration du département des Basses-Pyrénées ; 2° que les administrateurs élus seront tenus de s'y rendre aux termes et délais prescrits par la loi ; 3° fait défense aux électeurs de donner aucune suite aux arrêtés par eux pris, et leur enjoint de se conformer au décret sanctionné par le roi» »
Le projet de décret qui vous est proposé est trop sévère pour être juste. L'Assemblée nationale doit tenir compte de l'importance de la ville de Pau, mais elle doit aussi prendre en sérieuse considération le vœu manifesté par les électeurs du département qui sont les premiers intéressés dans la question. Je propose l'alternat entre Navarreins et Pau. (On crie : Aux voix ! aux voix ù
L'Assemblée parait impatiente et semble déterminée à adopter le projet du comité malgré les réclamations des députés qui veulent parler contre. Je me borne donc à demander que le provisoire accordé à Navarreins par le décret du 17 février soit prorogé jusqu'à la prochaine assemblée des électeurs du département qui doit avoir lieu pour la nomination des députés au Corps législatif; laquelle assemblée sera tenue d'émettre de nouveau son Vœu pour le choix du cbef-lièu du département des Basses-Pyrénéçg.
(Lés deux amendements sont rejetés par la question préalable.)
Je vote pour quel'on improuve l'arrêté pris par les électeurs pour régler le riombré des administrateurs à prendre dans chaque district et pour que néanmoins les nominations déjà faites soient maintenues.
(On demande de nouveau à aller aux voix.)
Le projet de décret est adopté ainsi qu'il suit ;
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport du comité de Constitution, décrète :.
c 1° Que ville de Pau est le siège de l'administration du département des Basses-Pyrénées;
%6 Que les administrateurs élus par l'assemblée électorale seront tenus de S'y réunir a l'époque fixée par la ioi ; elle lui fait défenses, et à toutes personnes, de donner ultérieurement aucune suite aux arrêtés par elle pris relativement à l'indem-
nité des électeurs; lui ordonne, ainsi qu'aux dits électeurs, de se. conformer aux décrets sanctionnés par le roi, notamment à la disposition de l'article 4 du décret du -22 décembre dernier, sur l'organisation des assehibléës administratives. »
L'ordre du jour est la suite de la discussion sur le remplacement de la gabelle» L'Assemblée g adopté hier l'article premier. Elle va avoir à se prononcer sur les bases de la ré-partition de l'indemnité. La base du comité était la population.
Vos décrets du mois de mars dernier vous indiquaient deux mesures:
1° La répartition de l'impôt en remplacement de la gabelle, faite entre les déparlements au marc la livre de leurs impositions, tant directes qu'indirectes;
2° La division de ce même impôt entre les districts et les municipalités, aussi au marc la livre de leurs impositions, eu égard à la portion de la consommation.
Au milieu de cela, M. Dupont vous propose, au nom du comité des finances, une répartition dont la population serait la base ; cette population devant, d'après son projet de décret, indiquer en chaque département la somme de contribution à, laquelle il serait soumis.
C'est ainsi que votre comité, ou quelques économistes qui parlent en son nom, voudraient Vous faire écarter de vos principes. Je demande que ia discussion soit interrompue sur le projet qui vous est soumis par M. Dupont, et que le co mité des finances soit chargé de proposer dans trois jours un décret pour l'imposition de remplacement de 1a gabelle et autres impôts indirects supprimés par les décrets des 14, |5, 18, 20, 21 et 22 mars dernier, en conservant la proportion de la consommation* arrêtée par les décrets, et qu'à cet effet les états de consommation soient imprimés et distribués avant le projet de décret, avant la discussion.
présente les articles suivants ; 1° que la répartition de ce que chacune des anciennes provinces sujettes au droit de gabelles doit supporter dans les 40 millions, sera faite au marc la livre de ce que chacune d'elles payait, relativement à sa consommation et au prix du sel; 2° que les directoires de chacune desdites provinces feront une masse du montant des impositions directes, réelles et personnelles, et des impositions sur les consommations perçues à l'entrée des villes, et répartiront la sommé de leur cotisation au marc ja livre sur Cette masse ; 3° que la portion de ladite somme, supportée sur les impositions directes, sera ajoutée par un simple émargement sur les rôles en la présente année; 4° quant à la portion supportée par les consommations, elle sera divisée entre toutes lés villes, dans la proportion de ce que chacune d'elles consommait de sel, et du prix qu'il s'y vendait; ët les municipalités desdites villes proposeront le mode qu'elles jugeront le plus convenable jîQur l'acquit de cette portion, conformément a ce qui est réglé par le $écrg| du. 22 mars dernier, sanctionne le 5 avril suivant.
Je me chargé de prouver que si la consommation était prise pour base la province de Beaujolais payerait, pour le remplacement de ja gabelle, autant que pour a taille, sa capitation et autres impôts subsidiaires, et cela
parce que les habitants des provinces voisines ont toujours été dans l'usage de venir s'y approvisionner, le minot de sçl n'y ayant jamais valu moins de 45 livres, au lieu qu'il coûtait ailleurs 55 et 57 livres.
C'est au nom de la Lorraine et des Trois-Evêchés que je parle. La consommation et la population seraient pour ces provinces des bases également injustes; car l'Alsace et la Suisse s'y fournissaient de sel et on ne peut leur faire payer en raison du commerce qu'elles faisaient de cette denrée.
Je démande l'ajournement et le renvoi au comité pour un nouvel examen,
(de Sûlnt4ean-dÀngêty). J'appuie l'ajournement et )e demande que les membres de l'Assemblée qui ont présenté des projets et des vues opposés au comité, aient à se concerter avec lui afin que nous ayons une décision unique.
(L'ajournement à vendredi prochain est mis aux voix et prononcé.)
La discussion est ouverte sur le titre Hl de la suite des règlements proposés par le comité eebbè-siastique, sur les ordres religieux et les ehnnoi-nesses séculières (1).
rapporteur, donne lecture de l'art.1er
« Art. 1er. Toutes chanoinesses dont les revenus n'excèdent pas
la somme de 600 livres n'éprouveront aucune réduction \ celles dont les revenus excèdent
ladite somme auront : 1° 600 livres; 2° la moitié du surplus, pourvu que le tout n'excède pas
la somme de 1,200 livres. »
Je propose d'ajouter à l'énoncé du titre lll : et des chanoinesses régulières qui vivaient séparément.
(Cet amendement, consenti par le rapporteur, est adopté.)
Le minimum de 600 livres est dérisoire ; je propose de le fixer à700 livres. Cet amendement me parait tellement juste que je me dispenserai d'entrer dans aucune explication, confiant dans la justice de l'Assemblée.
(L'amendement est mis aux voix et adopté.)
je propose de fixer le maximum des chanoinesses à 1,500 livres; plusieurs considérations
militent en faveur de cet amendemént. On ne peut ranger datis la même classe le traitement
des chanoinesses èt des religieuses ; le traitement des religieuses est, pour ainsi dire, un
impôt mis sur la nation parce qu'elfes sont pauvre», tandis que jusqu'ici les chanoinesses
étaient riches. Songez qu'elles sont toutes victimes du régime féodal qui exhérédait les
filles nobles et qu'elles ne trouveront plus de ressources dans leurs familles à cause de
l'extinction du régime féodal. Consultez donc ici, comme VOUS l'avez fait partout ailleurs,
les habitudes, les besoins. Si vous êtes les représentants de la nation, vous êtes aussi les
représentants de sa dignité,, de sa justice. er est ensuite
décrété ainsi qu'il fuit :
TITRE III.
des chanoinesses séculières et des chanoinêsses régulières jqui vivaient séparément.
Art. 1er
« Toutes chanoinesses, dont les revenus n'excèdent pas la somme de 700 livres, n'éprouveront aucune réduction ; celles dont les revenus excèdent ladite somme,auront: 1» 700 livres; 2°la moitié du surplus, pourvu que le tout n'excède pas la somme de 1,500 livres. »
Les articles 2 à 9 sont ensuite décrétés, après quelques courtes observations, en ces termes :
Art. 2.
« La masse des revenus sera formée, déduction faite des charges, d'après les principes et de la manière prescrite par les articles 22, 23 et 24 du décret du 14 juillet, sur le traitement du clergé actuel.
Art. 3.
« Les chanoinesses qui justifieront avoir ffait construire à leurs frais leur maison d'habitation, continueront d'en jouir pendant leur vie, sous la charge de toutes les réparations.
Art. 4.
* L'article 27 du décret du 24 juillet, concernant le traitement du clergé actuel, sera exécuté à l'égard des chanoinesses : en conséquence, dans les chapitres dans lesquels des titres de fondation ou donation, des statuts homologués par arrêt, ou revêtus de lettres patentes dûment enregistrées, ou un usage immémorial, donnaient, soit à l'acquéreur d'une maison canoniale, soit à celles qui en auraient fait bâtir à ses héritiers ou ayants cause, un droit à la totalité ou partie du prix de la revente de cette maison, ces titres et statuts seront exécutés selon leur forme et teneur, et l'usage immémoriali sera suivi, comme parle passé, conformément aux conditions et de la manière prescrite par l'article 27 du décret du 24 juillet dernier.
Art. 5.
« Dans les chapitres où les revenus sont inégalement répartis, de manière que les prébendes augmentent à raison de l'ancienneté, le sort de chaque chanoinesse sera déterminé sur le pied de ce dont elle jouit actuellement; mais en cas de décès d'une ancienne, son traitement passera à la plus ancienne de celles dont le traitement se trouvera inférieur, et ainsi successivement, de sorte que le moindre traitement sera le seul qui cessera.
Art. 6.
« Les jeunes chanoinesses, appelées communément nièces, agrégées ou sous toute autre dénomination, qui devaient entrer en jouissance,
après le décès des anciennes, jouiront de leur traitement à l'époquedudit décès.
Art. 7.
«Les abbessesinamovibles, dont le revenu n'excède pas la somme de 1,000 livres, n'éprouveront aucune réduction; celles dont le revenu excède ladite somme jouiront: 1° de la somme de 1,000 livres ; 2e de la moitié du surplus, pourvu que le tout n'excède pas la somme de 2,000 livres. Après le décès des abbesses titulaires, les coadjutrices entreront en jouissance de leur traitement.
Art. 8.
« Les chanoinesses dont les revenus anciens avaient pu augmenter en conséquence d'unions légitimes et consommées, mais dont l'effet se trouve suspendu en toutou en partie par lajouis-sance réservée aux titulaires des bénéfices supprimés et unis, recevront au décès des titulaires, une augmentation de traitement proportionnée à la dite jouissance, sans que cette augmentation puisse porter les traitements au delà du « maximum » déterminé par le présent décret.
Art. 9.
« Les abbesses et chanoinesses seront payées de leur traitement, à compter du lep janvier prochain, par les receveurs des districts dans lesquels elles résideront, ainsi et dans la forme qui a été réglée par les articles 40 et 41 du décret du U du mois d'août sur le traitement du clergé. »
propose par un article additionnel que les chanoinesses qui se marieront demeurent privées de leurs traitements.
(Cette proposition est mise aux voix et décrétée.)
propose ensuite de rédiger cet article dans les termes suivants : -
« Tous les traitements décrétés en faveur de tous ecclésiastiques séculiers et des réguliers de l'un et de l'autre sexe, cesseront par les causes qui auraient fait vaquer les titres et prébendes.»
(L'Assemblée ajourne cette rédaction.)
rapporteur, propose d'ajouter à la fin de l'article premier concernant les religieux, les mots suivants : « pour la présente année ; et le premier quartier de leurs pensions sera payé, ainsi qu'à ceux qui sortiront, dans les premiers jours du mois de janvier 1791. »
Le rapporteur propose également de substituer dans l'article second du même titre à ces mots : « avant le 1er octobre, » ceux-ci: « avant le 1er novembre prochain. »>
Desubstituer dans l'article4 à ces mots : s dans le courant du mois d'octobre prochain », ceux-ci : « dans la première quinzaine du. mois de novembre ; »
Et enfin de substituer dans l'article 5 à ces mots : « dans le courant du mois de novembre,» ceux-ci : « dans la seconde quinzaine du mois de novembre. »
(Ces additions et changements sont décrétés par l'Assemblée.)
membre du comité ecclésiastique, observe qu'il est intéressant que l'Assemblée s'occupe incessamment de la délibération à prendre
sur le projet de décret proposé sur la désignation des bieDS nationaux à vendre dès à présent, sur leur administration jusqu'à la vente ; sur les créanciers particuliers des différentes maisons, et sur l'indemnité de la dîme inféodée.
L'Assemblée décrète que, jusqu'à ce qu'elle ait statué sur ce projet de décret, il y aura des séances extraordinaires du soir à commencer d'aujourd'hui.
secrétaire, fait lecture d'une lettre de l'assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue. — En voici l'extrait : « Vous avez décrété que le rapport de l'affaire des colonies vous serait fait aujourd'hui, et vous avez encore prolongé l'ajournement; ou vous nous regardez comme formant l'assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue, ou vous croyez le contraire. Il est important pour la France, pour la colonie et pour nous, que vous examiniez d'abord nos pouvoirs. Nous assurons que nous sommes véritablement l'assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue, et si cela est, nous avons droit de nous plaindre du décret qui nous mande à votre barre, (il s'élève des murmures.) Nous gardons le silence sur l'accueil que vous nous avez fait. Les apologistes de nos oppresseurs ont reçu une faveur qui ne nous a point été accordée. Nous sentons toute l'élévation de notre caractère. (Les murmures recommencent.) Nous prouverons que nos décrets sont justes, d'après vos propres instructions. Nous vous prions de suspendre votre délibération, et de discuter d'abord ces deux' questions : Les membres qui se disent l'assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue Je sont-ils effectivement? Le décret rendu par cette assemblée ie 28 doit-il être accepté? Daignez, au nom de votre propre gloire, ne pas nous négliger. »
Je pense que, malgré le manque de convenance qui domine dans toute cette lettre, elle doit être renvoyée au comité colonial; je pense aussi que nous ne devons pas retarder l'ordre du jour, ainsi que nous le dicte l'assemblée ou la soi-disant assemblée de la partie française de Saint-Domingue.
La lettre est renvoyée au comité colonial.
La séance est levée à 3 heures.
Séance du
La séance est ouverte à six heures et demie.
(de Saint-Lô), secrétaire, donne lecture d'une note de M. le garde des sceaux, qui transmet une réclamation de M. ie bailli de Virieu, chargé des affaires de Malte, relative à la conservation des biens de cet ordre en France.
Cette affaire est renvoyée au comité chargé de s'occuper des affaires de l'ordre de Malte.
au nom du comité
Messieurs, ce n'était pas assez de s'emparer de la Bastille, il fallait en détruire jusqu'aux fondements. C'est sous vos yeux, c'est sous l'inspiration de la municipalité de Paris, que des mains libres ont démoli cette citadelle dont l'existence était la honte et l'effroi de la France. Des pères de familles nombreuses, des artistes, des ouvriers de tous genres, des bourgeois mêmes, que les suites inévitables de la Révolution ont forcés au travail des mains, ont gagné leur subsistance pendant une année en démolissant la Bastille. La municipalité de Paris en a fait'les avances, elle est dans le besoin. La diminution sensible de ses revenus, l'augmentation extraordinaire de ses dépenses, sa garnison et sa police exigent que la municipalité fasse rentrer dans ses mains les frais de ces travaux qui concernent la nation tout entière. Elle vous a envoyé sa pétition à ce sujet, avec l'état général des dépenses et des recettes, concernant la démolition de la Bastille, depuis lé mois de juillet 1789, jusqu'au 1er septembre 1790. : (Des murmures s'élèvent du côté droit et interrompent le rapporteur.)
La dépense de la démolition a étonné d'abord vos comités. Elle se porte à 568,143 livres; mais ils ont remarqué, en même temps, qu'il avait été vendu des matériaux pour la sommede 41,243 liv. et qu'il y a une somme de 34 mille et quelques cents livres qui est en recouvrement; ce qui, joint à la somme qui doit provenir des matériaux restant à vendre, se porte à environ 254,997 livres, ce qui réduira un jour les frais des démolitions à 314,000 livres. (Les murmures redoublent.)
Dans ces circonstances, vos comités ont pensé que c'était aux dépens des biens nationaux que les frais de cette démolition doivent être payés à la municipalité de Paris. Voici leurs motifs : 1° Vous avez annoncé qu'aucun édilice public ne serait laissé aux municipalités; 2° la Bastille est, je n'ose pas le dire, un bien national, mais le terrain et les matériaux sont une portion du domaine public. Ainsi, sous le rapport de la propriété, c'est au maître à supporter les frais de démolition. Ce maître, c'est la nation; 3° ces travaux ont amélioré le fonds, puisqu'ils l'ont délivré d'une citadèlle qui ie déshonorait. Vous devez d'ailleurs aliéner les biens nationaux : or, pour aliéner les terrains de la Bastille, il fallait les déblayer de ces odieux décombres de la tyrannie. Nous ne connaissons que des ministres ou des partisans de l'ancien régime qui auraient pu faire des soumissions pour l'achat de la Bastille. Sa démolition était donc nécessaire sous le rapport de l'aliénation des terrains. La destruction a donné en quelque sorte un .prix à ces terrains et la facilité de les vendre; mais les rapports de nécessité évidente vous ont frappé d'avance. Ce n'est pas ici une spéculation; ce n'est pas un marché qu'on a fait ; ce n'est pas un projet d'économie que l'on a exécuté ; c'est une destruction politique ; c'est un acte vraiment révolutionnaire; c'est un événement national et qui est la suite nécessaire de la sainte insurrection du 14 juillet. Ainsi la démolition de ia Bastille tourne au profit de la nation et à l'honneur de la liberté dont elle a marqué les premiers et les plus nobles efforts. (Grands murmures à droite.)
Ce n'est pas au Trésor public que nous vous proposons de faire supporter cette dépense de 314,000 livres. Ce n'est pas sur les contributions des peuples que nous percevrons cette somme,
c'est aux dépens des biens nationaux que cette démolition aura été faite; c'est paria chose même qu'elle aura été payée, puisque vous déléguerez le payement dé cette somme sur la caisse chargée de recevoir les revenus et le prix des ventes des biens nationaux situés dans le district de Paris.
Je croirais faire injure à votre patriotisme et à votre justice d'insister davantage et s'il s'élevait encore des réclamations et des murmUres* je dirais : reportez-vous âu 14 juillet 1789 et dltes-nous si vous auriez donné la somme qu'on nous demande pour la destruction de la Bastille et montrez-nous quels sont les Français qui ne voudraient pas concourir à Cette dépense patriotique et nationale ? (Les murmures recommencent d droite. — Des applaudissements éclatent à gaucheï)
On ne marquerait pas la même opposition s'il s'agissait de reconstruire la Bastille»
Pour peu qu'on se connaisse en démolition, on ne peut croire à une dépense aussi considérable, et l'on juge aisément que cette opération a dû coûter à peine 80 mille livres. Si l'on accorde en ce moment une indemnité à la ville de Paris, toutes les villes en réclameront avec quelque droit, et la nation se trouvera chargée d'une dépense imprévue de 10 millions au moins. Je propose de renvoyer cette demande à la prochaine législature.
Un membre. La somme demandée par la municipalité pourrait être prise stir le produit de la vente des biens nationaux qui se trouvent dans l'enceinte de Paris*
député de Salnt-Jéan-d'Artgely. Si la liberté pouvait avoir un pHx; qui ne voudrait payer sa part de cë qu'elle â bouté? Il n'est pas un député des Ci^evaht provinces qui iië tînt à honneur de Voter en faVeur dé la demande de la ville de Paris. On propose cependant d'acquitter les dépenses dont il S'agit sUr lë jarik dès biens nationaux, de manière wfl n'y aurait en cë moment pas de déboursés pour lë Trésor publié. Si ce moyen be se présentait pas, j'inviterais â im- ; posér sur les provinces les sommés nécessaires, et certes il n'est pas tie Fiançais qUi ne se soumît atee joie à cette contribution.
11 faut Consulter les provinces, quel que soit le parti que l'on prenne, avant d'aceorder unë indemnité considérable, dont toutes les provinces partageront le j poids, à moins que Vous ne mettiez à la charge du Trésor national toutes les démolitions d'édi-lices faites dans les provinces.
rappelle à l'ordre iië membre, qui, à chaqUe fois, renouvelle sa motion et Interrompt la délibération:
Bien què jë broie, Contre le préopinant, que M. le 'président a lé droit, mais encore le devoir de rappeler à l Ordre un membre qui fait une réclamation aussi inconstitutionnelle, je ferai cependant une obSfervâtidh. Si je n'avais une idée patfaité de l'immuable principe que nous avods adopté, fet qfi hbus btiiiStitUé tous représentants de la nation, et non de tel ou tel département, je serais trop jalottx de demander, àU nom de la province i|ui m'a envoyé, l'honneur de contribuer a, lâ démolition du monUtnéht dU |
despotisme, et de partager le fruit d'une œuvre si nationale.
La demande de l'ajournement est écartée par la question préalable, et lè décret est rehdtt én ces termes :
« L'Assemblée nationale » après avoir entendu les comités des domaines et des finahôés rêtthis, décrète :
« Qu'il sera payé à la municipalité de Pàrls sur la caisse chargée de recevoir les revenus et le produit des ventes des biens nationaux situés dans l'étendue du district de Paris, la sommé de 568,143 livres' 18 sols 3 dëttiefé èn femboursë*-ment des dépenses qUi ont été faites potir les travaux de la démolition de là Bastille ; sur laquelle somme sera déduite celle de 41 >243 livres 17 SOIS, montant de la fecêtte qu'elle a faite du prix provenant de la vente des matériaux, et à la charge de versér successivement dans ladite caisse lë prix des matériaux restants qu'elle est autorisée, en conséquence; à vendré ad profit de la nation, et le montant des sommes qui sont en reCouVre1-ment pour venté de matériaux déjà faite, suiVànt l'état envoyé à l'Assemblée nationale par lâ mu-nipalitë de Paris:
i Décrète en outre que ladite municipalité fërà cesser les travaux de la BâStille dans la huitâihè après la publication dtt présent décret. >*
capitaine des Chfetsseurs de l'armée parisienne j et membre de plusieurs acàdêmiës, est admis à la barre et présente uhë adresse dont voici la substance :
* Je me livre depuis plusieurs années aux Antiquités nationales; Ami de l'histoire, j'en puise l intelligence datts ees sources. Peu content d'ouvrir ces archives* dédaignées du vulgaire, les recueils poudreux, ou l'exactitude dédommagé, de l'ennui, je pàrcoUrs avëë bëâUCoUp de fruit nos temples. Et si, dans des inscriptions mensongères, ouvrage dë la vahitê d'hn fils* je n'ai pas toujours réussi à démêler quel était le pète» je me sliis instruit dU moins de faits inconnus et de dates essentielles, ttOht la découverte} où reé* tifttiit les érrëurs de tiotre histoire, ou accroissait la masse de ses richesses: Ainsi un double motif peut attirer Je savabt dans Ces mêhieS tembleS; où le commun des fidèles ne cherche que le Dieu qui y réside. Les monastères lUi offrent âutànt de richesses ; mais bientôt ces retraites ne seront plus. On vous donne l'état des bâtiments, des revenus, des meubles et immeubles, cela ne suffit pas. Il faut exiger un relevé de toutes les inscriptions, légendes, épitaphes» tombeaux et autres monuments quelconques. Il faut exiger qu'on les retire de ces coins ténébreux où un mépris ignare les avait enterrés. Il faut exiger qu'on rende à ces marbres la propriété qui leur convient, et que, dans ceux où le lecteur aura à s'exercer, on fasse disparaître cette croûte des siècles qui en rend les caractères indéchiffrables.
« Ce travail n'exige qu'un goût et une intelligence, dont tous sont susceptibles ; âUssi est-ce à cela que doivent se borner les soins de nos Ci-uëvànt religieux ou religieuses; Il en est Un autre plus difficile, celui de tirer parti de tàhtde richesses, de lëS rassembler dàtlS UU lîëii qui soit propre à les cOhterlir, de plà'cef et classer insensiblement chàtjUemarbi-e, Chaque moHUïhetit à mesure qu'on le connaîtra, de sorte que cette salle d'antiques devienne Une êsjjêce tie bibliothèque où le public pourra, comme dans les autres, aller s'instruire certains jours de la semaine... Pourquoi celui qui Se chargera des fonctions
d'historien ne se ehârgerait41 pas âtissl de 'celles de directeur du travaille nos religieux, fonctions qu'il importe de hé pas Séparer? Mais qui voudra gratuitement et par principe d'instruction S'imposer cette tâche pénible ? Moi, par exemple, Si, conformément au sentiment déquité dont VOtts faites profession, Vous penser quë l'auteur du plan doit être, de préférence à d'àtitrês, chargé de Bon exécution ; cette cohfianCe me flatterait en ce qu'elle me donnerait les moyens nécessaires pour perfectionner un travail déjà bien avancé sur cette matière et connu de beaucoup de sa*-vants... Un entier accomplissement de mon projet deviendrait tin nouvel embellissement pour Paris, et un des plus beaux monuûieilts du siècle. »
répond !
* Les monuments dé piété dont nos témplës sont remplis, sont aussi la iplUpàrt des monuments précieux de notre histoire : l'Assemblée nationale applaudit ail zélé éclairé que vous faites paraître potir lettr conservation. Elle prendra votre mémoire en considération, et votis accorde les honneurs de sa sêanbe. »
La pétition renferme tin projet titilë. il est essëntiêi eh. détruisant les maisons religieuses de ne )?aS détruire les monuments précieux qu'elles renferment ; ces monuments n'ajouteraient àticun prix à la vente des biens ecclésiastiques et enlèveraient aux sciences des objets qtii peuvent Servir â leurs progrès et surtout à la connaissance des faits historiques; réunis, au contraire, ils formeront un des recueils les pluà intéressants de l'Europe.
Je demande, en conséquence, que la pétition dé M. PuthOd soit renvoyeé au tomite d'âliénâtiôn des domaines nationaux.
(Ce renvoi est ordontiê.)
merAbre dû è'ovAïte ôôlà'nial. Je m'occupais ce matin dé l'affaire de là colonie de Saint-Domingue, j'etotendais leâ éclaircissements que me donnaient quelques colons, quand la oi-aevant assemblée générale de Sâint-MàfC vous à envoyé une insolente adresse, datis laquelle on prétend régler vos tràVàtix; et l'on porte des plaintes éodtre moi, tandis due j ai rOtmelleihent demandé qu'avant de prendre âtictin parti cette ci-devant assemblée fut entendue. Elle annoncé qu'elle apporte Ses archives, et aucune pièce de nous a été remise. Elle à dit qu'elle déposerait stir le bureau la minute du discours prononce par elle à la barre, et nous n'àVons pas encore ce discours. Cependant il est instant de prendre des mesures, et l'on ne doit pas porter trop loin les égards pour dés hommes qui sônt soupçonnés avec trop de raison d'avoir jeté le trouble à Saint-Domingue et même à Brest, Je demande donc qUé lés pièces annoncées soient remiseâ .dàns les qUaràhte-hUit heures, ët que, dâbS toUs les cas, le rapport soit fait àu jour que VOUS avez fixé.
Je demânde que M. Bàrnave soit rappelé à l'ordre pOlir avoir taxé d'insolente l'adresse de l'assemblée générale de Sàmt-Marc. L'Assemblée doit donher l'exemple lu respect pour toutes les. réclamations qui lui sont adressées. j #
L'adresse ne peut être qualifiée autrement qti'élïë Pà été par M. Barnave. Je propose dohc de passer immédiatement à la délibération Sur sà motion.
(La motion de M. BarnâVe est adoptée. En bO'rt*-séquence, les membres de l'assemblée de Bàlttt^ Marc remettront dans quarante-huit heures, entre les mainB des secrétaires de l'Assemblée nationale, les pièces dont ils entendent s'aider ; faute de quoi, ledit délai expiré, il ne sera plus apporté de retard au rapport que le comité colonial est chargé de faire.)
au nom des comités ecclésiastique, d'aliénation des biens nationaux, de mendicité et des finances^ présente un projet de décret en cinq titres, concernant la désignation dès biens nationaux à vendre dès à présent f leur administration jusqu'à la Vente ç les créanciers particuliers des différentes maisons et l'indemnité dè la dime inféodée,
PROJET DE DÉCRET ( l )
L'Assemblée nationale voulant faire cesser les incertitudes qui peuvent exister Sur ce qu'elle entend par biens nationaux ; désigner ceux dont elle a décrété la vente, tant aux municipalités qu'aux particuliers, ainsi que ceux.qu'elle n'a pas cru devoir fairé Vendre, bti dont elle a seulement suspendu l'aliénation pendant qtiëique temps : désirant j)âféiiiëmènt indiquer dlStïncté-ment lés biens nationaux dont elle à confié, dès cette année, l'administration àtix COfps administratifs, ét établir déà réglés bnifôrmës d'âdtiii-nistratiort jusqu'à cë qu'ils 'soient tous Vendus ; ayàrtt ëhCorë en VUe dë râssëmbiéf, d'Utië maniéré anàloguë à ces règles, les tltreé et papiers concernant ces lieux ; considérant aussi qu'il est de la plus eiaCtë jiisfcicë dé pOtifVoil?îë pliis proïhpte-ment possible à la liquidation et au payement des dettes légitimement contractées en particulier par les mâisbnS, communautés ët Corjis supprimes; oonsidéradt enfin qu'il est de la même justice d'âCcéiërer là liquidation ët lë paiement ue l'indemnité uUé a raison des dîmes Inféodées •
Après avoir ëtitehdti lê rapport qui lui a été fait par les Commissaires tirés des comités .des affaires ecclésiastiques* dë l'aliénation des biens nationaux, des domaines, de 1a mendicité et des finances^ décrète ce qui suit :
TITRE PREMIER.
De la distinction 'dés Métis Hatiotoatox à véndre ou à conservér ét dë Vadministration en général.
Art. 1er. L'Assemblée hationàlë déclaré quelle entend par biens
nationaux \ lô Tous les biens du domaine aë la couronne ; 2° Tous les biens d'apànagë; 3d
Tous les biens du Clergé ; 4° Tous les biénâ des hbriquéS 5° Tous les biens des fohdàtionâ ;
6° Tous lës biens dés séminaires, OOllêgéS ët établissements d'étude ou de retraite, destinés
à l'en'seignèmeilt publie ;
7d Tous les biens des hôpitaux, màisOnS dë charité, même cëllês, bonnûëB sbtis le nom de
ttionts-de-piêté, et de tous les! ëtàbltésëments déstinés au soulagement des pauvres, ainsi
que
Art. 2. L'Assemblée déclare qu'elle a entendu que tous lesdits biens seraient vendus, dès à présent; et, en attendant, qu'ils seraient administrés par les corps administratifs, sous les exceptions et les modifications ci-après.
Art. 3. Ne seront pas vendus les biens servant de dotation aux chapelles desservies dans l'enceinte des maisons particulières, par un chapelain ou desservant à la seule disposition du propriétaire; ni les biens servant de dotation aux fondations faites pour subvenir à l'éducation des parents des fondateurs, qui ont été conservés par les articles 23 et 26 du décret du 12 juillet dernier, sur la constitution civile du clergé. Ces biens retourneront aux héritiers ou représentants des fondateurs, quand les fondations cesseront d'avoir lieu, et ils seront administrés comme par le passé.
Art. 4. Sont et demeurent exceptés de la vente, les châteaux, maisons, domaines et bois réservés par le roi; et les assemblées administratives, ni les municipalités ne pourront à cet égard exercer aucun acte d'administration.
Art. 5. Sont et demeurent également exceptés de la vente, les bois et forêts, dont la conservation a été arrêtée parle décret du 6 août dernier. Les assemblées administratives et les municipalités s'abstiendront de tous actes d'administration à l'égard des bois et forêts qui doivent être conservés, et de ceux qui doivent être vendus, ainsi qu'à l'égard des biens confiés à la régie des domaines et bois actuellement subsistante, jusqu'à ce qu'il ait été statué par l'Assemblée sur le régime de tous ces objets, d'après le rapport qui doit lui être fait par son comité des domaines.
Art. 6. Il est sursis à la vente des biens des fabriques, jusqu'à ce qu'il ait été pourvu d'une autre manière aux frais du culte auxquels ils sont destinés, et ils continueront d'être administrés provisoirement comme ils le sont actuellement.
Art. 7. Il est de même sursis à la vente des biens des fondations et autres services acquittés présentement dans les églises paroissiales et conservés provisoirement par l'article 25 du décret du 12 juillet dernier, sur la constitution civile du clergé; lesquels biens continueront de même d'être administrés provisoirement comme ils le sont actuellement.
Art. 8. II est encore sursis à la vente des biens des séminaires, des collèges, des congrégations séculières, des maisons d'étude et de retraite, et des corps voués par leur institut, et actuellement employés à l'éducation et à l'enseignement publics ; lesquels bien continueront aussi d'être administrés provisoirement, comme ils le sont en ce moment.
Art. 9. Il est aussi sursis à la vente des biens des hôpitaux, maisons de charité, même celles connues sous le nom de monts-de-piété, des établissements et des corps voués par leur institut et actuellement employés au soulagement des pauvres, lesquels biens continueront (l'être régis provisoirement comme ils le sont actuellement.
Art. 10. Néanmoins, les administrateurs des bieus mentionnés dans les art. 6,7, 8 et 9 seront tenus de rendre leurs comptes jusqu'à ce qu'il ait été pourvu à un autre régime, tous les ans, en présence du conseil général de la commune,'ou de ceux de ses membres qu'il voudra déléguer,
pour être ensuite vérifiés par le directoire du district et arrêtés par celui du département.
Art. 11. Il est enfin sursis à la vente des biens de l'ordre de Malte et des autres ordres religieux et militaires qui continueront de les administrer comme par le passé-
Art. 12. Ne sont point compris dans les biens nationaux ceux possédés en France par les puissances étrangères, soit qu'elles les aient affermés, soit qu'elles les fassent régir, soit qu'ils aient été mis en séquestre. Il leur sera rendu compte à la première réquisition des produits de ces derniers; et les assemblées administratives, ni les municipalités n'exerceront aucun acte d'administration sur lesdits biens.
Art. 13. Sont et demeurent exceptés de la vente, les biens possédés en France par les. établissements des protestants des deux confessions d'Augsbourg et helvétique, habitants d'Alsace, ainsi que par ceux de la même confession dans les terres de Blamont, Glémont, Héricourt et Ghàtelot, lesquels ils continueront d'administrer comme par le passé.
Art. 14. En attendant qu'il ait été fait un règlement entre les puissances étrangères et la nation française, sur les objets dont il va être parlé dans le présent article, et dans les articles 15, 16 et 17 ci-après, les maisons, corps, communautés, bénéficiers et établissements français, auxquels l'administration de leurs biens a été laissée provisoirement, continueront de jouir de ceux situés sur le territoire de ces mêmes puissances.
Art. 15. A l'égard des biens situés sur le territoire de ces puissances que possédaient les maisons, corps, communautés, bénéficiers et établissements français qui ont été supprimés, ou des mains desquels l'administration en a été retirée, ils seront administrés par les assemblées administratives de département et de district dans l'arrondissement desquels se trouveront les manoirs des bénéfices, ou les chefs-lieux d'établissements, et par leurs directoires, ou par tels préposés que ces derniers pourront commettre où ils jugeront à propos.
Art. 16. Pourront au surplus les évêques et les curés français, quoique l'administration des biens dont ils jouissaient en France ait été retirée de leurs mains, continuer de jouir provisoirement de ceux qu'ils possèdent dans l'étranger, sans diminution du traitement à eux assigné par les décrets de l'Assemblée, sauf à rendre compte desdits biens s'il y a lieu.
Art. 17. Les maisons, communautés, corps, bénéficiers et établissements étrangers continueront de jouir des biens qu'ils possèdent en France, aussi longtemps que les puissances dont ils dépendent permettront sur leur territoire l'exécution entière des articles 14, 15 et 16 ci-dessus. En conséquence, les assemblées administratives ainsi que les municipalités n'exerceront aucun acte d'administration sur ces mêmes biens.
Art. 18. Les municipalités ne pourront, à peine de responsabilité, s'immiscer dans l'administration ou gestion d'aucun des biens nationaux, sans délégation de la part des assemblées administratives de département et de district ou de leurs directoires.
Art. 19. Celles qui auraient, en vertu du décret du 10 juin dernier, régi des biens nationaux, dont la surveillance leur avait été confiée pour la présente année, continueront cette régie jusqu'à ce qu'ils aient été donnés à bail ; en conséquence, elles feront donner aux terres les façons
nécessaires et faire les semences, dont les frais leur seront remboursés par les fermiers entrant, sur le pied de l'estimation qui en sera faite par le directoire de département, sur l'avis de celui du district.
Art. 20. Lesdites. municipalités rendront leur compte de ladite régie dans le courant du mois de janvier 1791, au directoire du district, pour, sur son avis, être arrêté par celui du département ; et même pour éviter des circuits inutiles, aussitôt la publication du présent décret, elles remettront au directoire du district les baux ou adjudications qu'elles auront passé, pour le prix en être versé directement dans la caisse du receveur du district.
Art. 21. Les ecclésiastiques qui ont été autorisés à administrer pendant la présente année les biens qu'ils faisaient valoir, et dont ils auront continué l'exploitation, seront tenus, à peine de responsabilité, de faire donner aux terres les façons d'usages, et de faire faire les semences; et les dépenses qu'ils auront faites leur seront remboursées, ainsi qu'il est expliqué à l'article 19 ci-dessus.
Art. 22. Les baux qui auraient été passés par des particuliers à aucuns des bénéficiers, corps, maisons et communautés supprimés, et dont l'administration de leurs biens a été retirée de leurs mains, seront et demeureront résiliés, à compter du premier janvier 1791, sauf aux propriétaires leur indemnité, s'il y a lieu.
Art. 23. Les assemblées administratives ou leurs directoires n'entreront en exercice de leur administration qu'à compter du premier janvier 1791, pour les biens régis par l'économe général du clergé, et, par tous les autres régisseurs, séquestres ou administrateurs particuliers, tant des biens ecclésiastiques, que des autres biens nationaux, même de ceux des jésuites, de la régie desquels lesdites administrations ne seraient pas en possession, tous lesquels continueront de les régir jusqu'à cette époque seulement.
Art. 24. A la même époque, l'économe général, ainsi que les susdits régisseurs, séquestres ou administrateurs particuliers, même ceux des biens des jésuites, mais non comprise la régie des domaines et bois, déjà exceptée par l'article 5 ci-dessus, rendront leurs comptes; savoir :
L'économe général, au Corps législatif.
Les autres régisseurs, séquestres ou administrateurs, dont la gestion s'étendait sur des établissements situés dans l'arrondissement de différents départements, également au Corps législatif.
Et ceux de ces derniers, dont la gestion ne s'étendait que sur des établissements situés dans un seul département, au directoire de ce département, qui les arrêtera sur l'avis de ceux des districts.
^ Tous seront tenus, dans la huitaine, après l'arrêté de leurs comptes, d'en payer le reliquat, si aucun il y a, au receveur de la caisse de l'extraordinaire, à peine d'y être contraints, même par corps, à la requête de ce dernier, sauf à leur être fait raison de ce dont ils se trouveront en avance.
Art. 15. Les assemblées administratives et leurs directoires exerceront leur administration sur tous les biens nationaux non exceptés par les articles précédents, suivant les règles particulières ci-après.
TITRE II.
De Vadministration des biens nationaux en particulier.
Art. 1er. Les assemblées administratives et leurs directoires
ne pourront régir par eux-mêmes, ou par des préposés quelconques, aucuns des biens nationaux
: ils seront tenus de tous les affermer, même les droits incorporels, excepté les rentes
constitutées, et celles foncières créées en argent, de 20 livres et au-dessus, lesquelles
seront perçues par les receveurs des districts, chacun dans leur arrondissement, ainsi qu'il
est prescrit par le décret des 6 et U août dernier.
Art. 2. Les baux à ferme ou à loyer passés avant la publication du présent décret, par les corps administratifs ou par les municipalités, dans quelque forme qu'ils soient, seront exécutés suivant leur forme et teneur.
Art. 3. Ceux qui auront été faits par les précédents détenteurs, pour des biens ecclésiastiques, suivant les règles établies à l'article 9 du titre premier, du décret du 14 mai dernier, concernant l'aliénation des biens nationaux, ou pour des biens d'apanage, suivant les règles établies par l'article 7 du décret du 13 août suivant, concernant les apanages seront pareillement exécutés. L'Assemblée s'en remet, au surplus, à la prudence des directoires de département et de district, . pour le maintien des baux à loyer des maisons d'habitation, faits sans fraude sous-3eing privé dans les lieux où l'on était en usage de les passer ainsi. Elle s'en remet pareillement à leur prudence pour le maintien des baux authentiques et non frauduleux, passés dans l'intervalle du 2 no vembre 17§9 au 20 avril dernier.
Art. 4. Les baux à ferme ou à loyer, échus ou échéant la présente année, qui n'auraient pas été prorogés, ou que l'on n'aurait pas eu le temps de renouveler dans la forme ci-après, pourront être continués pour l'année prochaine; et, dans le cas où ils ne le seraient pas, les directoires de département et de district seront, pour la meilleure administration des biens compris auxdits baux, ce qu'ils jugeront convenables.
Art. 5. Les baux subsistants seront renouvelés, dans les campagnes, un an, et dans les villes, #six mois avant leur expiration.
Art. 6. Ne seront compris dans les baux à ferme ou à loyer, les objets dont la jouissance a été réservée aux évêques et aux curés, ainsi qu'aux religieux qui voudront vivre en commua ; tous ceux non réservés même ceux dépendant des bénéfices-cures, seront affermés-, sauf aux curés à s'en rendre adjudicataires.
Art. 7. Les baux seront annoncés un mois d'avance par des publications, de dimanche en dimanche, au prône des églises paroissiales de la situation et de celles des principales églises les plus voisines, et par des affiches, de quinzaine en quinzaine, aux lieux accoutumés. L'adjudication sera indiquée à un jour de marché avec lieu et l'heure où elle se fera. Il y sera procédé publiquement par devant le directoire du district, à la chaleur des enchères, sauf à la remettre à un autre jour s'il y a lieu. -r^cu-
Art. 8. Le ministère des notaires ne sera nullement nécessaire pour la passation desdits baux, ni pour tous les autres actes d'administration. Ces actes, ainsi que les baux, seront sujets au contrôle, et ils porteront hypothèque. La minute
sera signée par les parties, qui sauront le faire, et par les membres présents du directoire, et l'expédition le sera par le secrétaire.
Art. 9. Les baux seront passés pour trois, six ou neuf années. Lors de la vente, l'acquéreur pourra expulser le fermier; mais il ne pourra le faire, même en offrant de l'indemniser, qu'après l'expiration de la troisième année, ou de la sixième, si la quatrième était commencée, ou de la neuvième, si la septième avait commencé son cours.
Art. 10.. Les conditions de l'adjudication seront réglées par le directoire du district, et déposées au secrétariat, ainsi qu'à celui de la municipalité du chef-lieu de la situation des biens, dès le jour de la première publication, pour en être pris communication), sans frais, par tous ceux qui le désireront.
Art. 11. Outre les conditions légales et d'usage en chaque lieu, et outre celles que les directoires de district croiront devoir Imposer pour le bien de la chose, les suivantes seront toujours expressément rappelées.
Art. 12,. A l'entrée de la jouissance» il sera procédé par experts à la visite des objets affermés, ensemble, à l'estimation du bétail, et à l'inventaire du mobilier. Le tout sera fait contradicr tolrement avec le nouveau fermier et l'ancien, ou s'il n'y en avait point, avec un commissaire pris dans le directoire du district, ou par lui délégué. Les frais de ces opérations seront à la charge du nouveau fermier, sauf son recours contre l'ancien, si celui-ci y était assujetti.
Art. 13. L'adjudicataire ne pourra prétendre aucune indemnité ou diminution du prix de &on bail, en aucun cas» même pour stérilité, inondation, grêle, gelée, ou tous autres cas fortuits.
Art. 14. Le fermier ou locataire sera tenu, outre le prix de son bail, d'acquitté^ toutes les charges annuelles, dont il sera joint un tableau à celui des conditions ; il sera tenu encore de toutes les réparations usufruitières et de payer les frais d'adjudication.
Art. 15. L'adjudicataire sera tenu de fournir une caution solvable et domiciliée dans l'étendue du département, dont il rapportera la soumission par acte authentique, si elle n'est pas faite au secrétariat, dans la huitaine après l'adjudication, à défaut de quoi il sera procédé à un nouveau bail à la folle enchère.
Art. 16. Les directoires dedistrict donneront tous* leurs soins pour que la culture des fonds soit répandue dans le plus de mains possible; en conséquence, ils seront particulièrement assujettis aux règles suivantes.
Art. 17. Il sera passé des baux des bâtiments, maisons et fonds de terre, séparément de ceux des droits fonciers, tels que les champarts et les droits ci-devant féodaux, seigneuriaux ou censuels et autres de même nature. S'il était plus avantageux de comprendre ces deux genres de biens dans uu même bail, Le prix de chaque genre sera distinct et séparé.
Art. 18. Les baux des droits fonciers comprendront les droits ordinaires et les droits casuels, tant ceux échus qui n'auraient pas été arrêtés avec les débiteurs, ou dont la liquidation serait incertaine et susceptible d'estimation ou ventilation, que ceux à échoir. En cas de rachat, le prix des uns et des autres sera versé directement dans a caisse du district, sans que le fermier puisse prétendre d'autre indemnité qu'une diminution du prix de son bail, proportionnée seulement au
produit des droits, ordinaires, d'après la fixation qui en sera faite pour le rachat.
Art. 19. Il sera pareillement passé des baux distincts et séparés des biens -dépendant ci«« devant de chaque bénéfice, de chaque corps, maisons, communautés, ou établissements pour les parties situées dans l'arrondissement de différents district^ ainsi que pour les corps de domaines, métairies, ou pour les masses particulières et distinctes des autres domaines nationaux situés dans l'arrondissement de plusieurs districts.
Art. 20. S'il arrive que les bâtiments nécessaires à l'exploitation d'une ferme, ou d'un corps de domaine soient situés dans un district^ et les fonds en dépendant dans un ou pluSieursautres districts, l'administration appartiendra^ au district dans l'arrondissement duquelles bâtlmentsserontsittiés.
Art. 21. L'adjudication des bois taillis qui tomberont en coupe, et qui n'auront pas été compris dans les baux, se fera dans la même forme que ceux-ci, quand le cas le requerra.
Art. 22. Les dispositions des articles 2,3 et 4 du présent titre, concernant les baux à ferme, auront lieu à l'égard des baux à moitié ou à tiers-fruits. Mais pendant leur durée les directoires de districts mettront en adjudication la portion des fruits et tous lesautres produits revenant aux propriétaires. Après leur expiration, ils mettront en ferme la totalité de la même manière que lesautres biens.
Art. 23. Les directoires de district, se feront représenter, soit par les fermiers, soit par les prer neurs à moitié ou à tiers-fruits, les baux et les actes de chetel, pour vérifier ' 1° si à leur entrée les terres étaient ensemencées, et si elles devaient l'être à leur sortie ; 2° si les bestiaux sont dans le même nombre et la même valeur; pour ensuite faire remplir aux preneurs leurs obligations sur ces deux objets.
Art. 24. Lors de la vente des corps de domaines ou métairies, si elle se fait en gros, les bestiaux ainsi que les harnais et instruments aratoires seront vendus avec les domaines et métairies ; mats si elle se fait en détail, ces derniers seront vendus séparément.
Art. 25. Les réparations des églises paroissiales, des presbytères, des cimetières, ainsi que la fourniture des livres, vases sacrés, ornements et toutes lesdépensesdontétaient tenus,soit les décimateurs, tant ecclésiastiques que laïques, soit les chapitres ou autres corps et les bénéficiera, seront, à compter du 1er janvier 1791, à la charge des fabriques et des paroisses; il sera pourvu à ces dépenses de la même manière que pour celles de ce genre, dont les fabriques et les paroisses étaient déjà chargées : le tout jusqu'à ce qu'il ait été avisé à d'autres moyens de fournir à cette partie de la dépense du culte. .
Art, 26. Quant à la présente année, cette partie de la dépense du culte sera à la charge des décimateurs laïques, dans les cas où ils y sont obligés, et pour la cote-part dont ils sont tenus ; elle sera acquittée des deniers du Trésor public pour çe qui était supporté par les décimateurs ecclésiastiques.
Art. 27. Les dispositions des articles 36 et 37 du décret du 24 juillet dernier, concernant le traitement du clergé actuel, auront lieu à l'égard des réparations et des fournitures auxquelles étaient obligés les décimateurs ecclésiastiques. Néanmoins tant ces derniers que les bénéficiérs compris aux deux articles susdits, seront tenus d'acquitter les réparations et les fournitures pour lesquelles il y aurait contre eux des condamnations prononcées par des jugements en dernier ressort.
Art. 28. Les héritiers des bénéficiérs et des dé-
ciraatours ecclésiastique?, qui seraient décédés depuis ie 1er janvier 090» jouiront ç|es avantages dont ceux-ci auraient profité s'ils eçsaenj; vécu,
TITRE III.
Du des titres et papiers, et des procès.
Art. 1er. Aussitôt après l'évacuation des maisons et bâtiments
qui ne seront plue occupés, et des églises dans lesquelles il ne se fera plus de service, les
directoires de district feront vendre tous les meubles, effets, ustensiles et omeipents dont
aucune destination particulière n'aurait pas été effectuée en vertu des décrets de
l'Assemblée. L'argenterie, qui n'aurait pas été réservée, sera portée aux hôtels des
monnaies, dont les directeurs donneront leurs récépissés au procureur syndic, lequel les fera
passer au procureur général syndic, pour les envoyer aux officiers qui seront chargés de la
direction générale des monnaies.
Art, 2, Il sera fait, de l'ordre des directoires dos départements, par les directoires do district, ou par tels préposés que ceux-oi commettront, un catalogue des livres, manuscrits, médailles, machines et autres objets de Ce genre qui se trouveront dans les bibliothèques ou cabinets des corps, maisons et communautés supprimées et conservées provisoirement ; ou un récolement sur les catalogues ou inventaires qui auraient déjà été faits.
Art. 3. Il sera fait ensuite une distinction des livres et autres Qhjets à conserver, d'avec ceux qui seront dans le cas de ne pas l'être. Pour y parvenir, les municipalités seront entendues dans leurs observations; les directoires de dis* trict les vérifieront, et ceux de département donneront leur avis, et enverront le tout au Corps législatif, pour être statué ce qu'il appartiendra.
Art. 4. Geux des objets dont la conservation ne sera pas arrêtée, seront vendus.
Art., 5. Les meubles, effets, ustensiles et or-nements seront vendus dans un encan par tel officier qui sera choisi parle directoire du district, en présence d'un de ses membres et d'un officier municipal.
Art. 6. La vente sera annoncée un mois d'avance par des affiches de huitaine en huitaine, dans les lieux voisins et accoutumés.
Art. 7. Quant aux livres, manuscrits, médailles, machines, tableaux et autres objets de ce genre, et qui se trouveront d'un grand prix, la vente en sera annoncée six mois d'avance, tant dans l'étranger, que dans tout le royaume, par un catalogue qui sera envoyé aux compagnies savantes et littéraires, ainsi qu'aux principaux libraires et par les journaux.
Art. 8." Les procès-verbaux de vente seront exempta de tous droits, excepté de 15 sous pour le contrôle ; le prix en sera versé dans la caisse du reoeveur du district.
Art. 9. Les dépositaires des objets e'wdevant énoucés seront tenus de les représenter à la première réquisition, à peine d'y être contraints même par corps.
Art. 10. En cas de soustraction ou de recélé desdits objet», si les soustracteurs ou recêleursne les représentent pas dans la quinzaine de la publication du présent décret, ou ne se soumettent pas d'en rapporter ia valeur, ils seront poursuivis et punis suivant la rigueur des lois.
Art. 11. Sont et demeurent exceptées, quant
à présent, des dispositions des articles précé-i dents relatifs à la vente, les cloches des églises, monastères et couvents, sur la destination ou emploi desquelles il sera statué séparément,
Art. 12. Les registres, les papiers, les terriers, les chartes et tous autres titres quelconques des bénéficiera, corps, maisons et communautés, des biens desquels l'administration est oonfiée aux administrations de département et de. district, seront déposés aux archives du district de la situation desdits bénéfices ou établissements.
Art. 13. k cet effet, tous dépositaires seront tenus, dans le délai fixé par l'article 10 ci-dessus, de les remettre auxditea archives, à peine d'y être contraints même par corps î et en cas de soustraetion ou de reoélé, si les soustracteurs ou reoéleurs ne rapportent pas dans le même délai ce qu'ils ont enlevé, ou s'ils ne se soumettent pas do le rapporter, ils seront poursuivis et punis suivant là rigueur des lois.
Art. 14. Les conventions passées légitimement et sans fraudé, entre des bénéficiera, corps, maisons et communautés, et des commissaires feu-distes ou à terriers, ou tous autres, pour la rénovation des terriers ou la recette des rentes seigneuriales, féodales ou foncières, seront exécu-* tées à la charge, par ces derniers, de compter, des sommes auxquelles ils sont obligés, au receveur du district. Néanmoins, en cas de vente ou de rachat avant l'expiration desdites conventions, elles cesseront d evoir leur effet à raison des objets vendus ou rachetés, sans qu'ils puissent prétendre aucune indemnité.
Art, 15. Lesdits commissaires, ainsi que tous autres dépositaires des titres mentionnés dans l'article 12 ci-dessus, pourront les retenir autant do temps qu'ils on auront besoin, à la charge d'en donner leur récépissé au procureur-syndic du district, et de donner caution de les rapport ter quand ils en seront requis.
Art. 10. Tous procès pendant entre des bénéliciers, des maisons, corps et communautés, des mains desquels l'administration de leurs biens a été retirée, sont et demeurent éteints. Quant à Ceux dans lesquels se trouveraient partie des laïques ou quelques-uns des corps, maisons et communautés, auxquels l'admiqistration de leurs biens a été laissée provisoirement, la poursuite pourra en être reprise après l'expiration du délai prescrit par le décret du 27 mai dernier, sanctionné le 28, soit par eux, soit par les corps administratifs, de la manière ci-après réglée.
Art, 17. Toutes actions en justice, principales incidentes, ou en reprise, qui seront intentées parles corps administratifs, le seront au nom du procureur général syndic du département, poursuites et diligence du procureur syndic du district; et ceux qui voudront en intenter contre ces corps, seront tenus de les diriger contre ledit procureur général syndic.
Art. 18., Si le procès est substituant dans un tribunal de première instanoe, la poursuite en sera reprise dans le tribunal de district dans le ressort duquel se trouvait le siège où il était pendant. Si le procès est pendant dans un tribunal d'appel, il sera repris de la manière qui sera prescrite par les règlements qui seront faits à cet égard à la suite de l'ordre judiciaire.
Art. 19. Quand il sera question d'intenter une action pour des biens nationaux situés dans différents districts, elle sera portée au tribunal dans le ressort duquel se trouvera le chef-lieu du bénéfice, ou celui de l'établissement, ou les principaux bâtiments servant à leur exploitation, ou,
à défaut de ces indications, la plus grande partie desdits biens.
Art. 20. Il ne pourra être intenté aucune action par le procureur général syndic, qu'en suite d'un arrêté au directoire du département, pris sur l'avis du directoire du district, à peine de nullité et de responsabilité, excepté pour les objets de simple recouvrement.
Art. 21. Il ne pourra en être exercé aucune contre ledit procureur général syndic, par qui que ce soit, sans qu'au préalable on ne se soit pourvu par simple mémoire, d'abord au directoire du district, pour donner son avis; ensuite au directoire du département, pour donner une décision, aussi à peine de nullité. Les directoires de district et de département statueront sur le mémoire dans le mois, à compter du jour qu'il aura été remis, avec les pièces justificatives, au secrétariat du district, dont le secrétaire donnera son récépissé et dont il fera mention sur le registre qu'il tiendra à cet effet.
Art. 22. Les frais qui seront légitimement faits par les directoires de département et de district, dans la poursuite des procès, passeront dans la dépense de leurs comptes. Il sera pourvu incessamment à la forme de la comptabilité.
TITRE IV.
Des créanciers particuliers des maisons, corps et communautés supprimés.
Art. 1er. Les frais faits sous le nom des maisons, corps et
communautés auxquels l'administration de leurs biens a été laissée provisoirement, seront par
eux acquittés. A régard des bénéficiers, corps, maisons et communautés, des mains desquels
l'administration de leurs biens a été retirée, les dépens par eux faits, et qu'ils auront
payés, ne leur seront pas remboursés; mais ceux légitimement faits et non payés, le seront
des deniers du Trésor public. Ne seront au surplus acquittés des deniers du Trésor public
parmi les dépens faits par les bénéficiers, que ceux faits à raison de leurs bénéfices et
pour leur utilité.
Art. 2. Ceux qui prétendront être créanciers pour cause desdits frais, seront tenus de remettre daas trois mois, à compter de la publication du présent décret, au secrétariat du district de leur domicile, sous le récépissé du secrétaire, leur mémoire et les pièces et procédures. Dans trois autres mois le directoire du district donnera son avis, et le directoire du département arrêtera lesdits frais.
Art. 3. Pendant les trois premiers mois, les possesseurs des pièces et procédures pourront les retenir; mais passé ledit temps, ils seront tenus d'en faire la remise quand ils seront requis, sinon ils y seront contraints, même par corps.
Art. 4. Pour justifier leurs créances, outre le rapport des pièces et procédures, ils seront tenus de représenter les registres des procureurs qui auront fait lesdits frais. Ils en seront dispensés lorsqu'ils auront des arrêtés de compte et une décharge des pièces. Les directoires de département pourront, sur l'avis de ceux de district, exiger, quand ils le croiront convenable, leur affirmation, que ce qu'ils réclament leur est bien et légitimement dû ; laquelle affirmation, ils seront tenus de prêter à leurs frais en justice et publiquement, en présence du procureur général syndic, ou lui dûment appelé. Art. 5. Les tins de non-recevoir établies par les
ordonnances, coutumes et règlements sur cette matière, auront lieu dans les cas qui y sont déterminés I Néanmoins, leur effet sera suspendu, à compter du 2 novembre dernier, jusqu'à la publication du présent décret, et pendant trois mois après.
Art. 6. Les créanciers, pour d'autres causes, des corps, maisons et communautés auxquels l'administration de leurs biens a été laissée provisoirement, seront aussi par eux payés.
Art. 7. Pour faciliter l'acquittement de leurs dettes, lesdits corps, maisons et communautés pourront recevoir les capitaux des sommes à eux dues, et le rachat de leurs rentes, à la charge d'obtenir préalablement une autorisation du directoire du département; à l'effet de quoi ils adresseront leur demande avec les pièces justificatives au directoire du district pour vérifier les motifs et donner son avis. Jusqu'à ladite autorisation, les débiteurs ne pourront se libérer ou se racheter, qu'en payant aux receveurs des districts ; et dans le cas où il y aurait péril dans la demeure, ces derniers, d'après un arrêté du directoire du département, pris sur l'avis de celui du district, feront le recouvrement des sommes dues, sauf à les employer à l'acquittement des dettes desdits corps, maisons et communautés, s'il y a lieu.
Art. 8. Les créanciers, pour autre cause que des faits de procédures, à raison des bénéfices, ainsi que ceux des maisons, corps et communautés des mains desquels l'administration de leurs biens a été retirée, y compris ceux des jésuites, seront payés de ce qui sera reconnu leur être légitimement dû des deniers du Trésor public. Pour parvenir à la liquidation de leurs créances, tout ce qui est prescrit par l'article 2 ci-dessus sera observé à leur égard.
Art. 9. Les emprunts qu'auraient pu avoir fait les bénéficiers, pour des causes reconnues nécessaires ou utiles à leurs bénéfices, et ceux qu'auraient pu faire les corps, maisons et communautés pour des causes semblables, et qui seront constatés, par actes authentiques, d'une date antérieure au 2 novembre dernier, seront déclarés légitimes.
Art. 10. Il en sera de même des emprunts qui, pour les mêmes causes, ne seraient établis que par actes sous-seing privé, pourvu que ces actes aient une date certaine antérieure au 2 novembre dernier, ou qu'ils soient rappelés à une date antérieure audit jour, sur les registres des maisons, corps et communautés, tenus en bonne forme et inventoriés en vertu des décrets de l'Assemblée.
Art. 11. Si pour des emprunts, causés comme ci-dessus, il a été constitué des rentes perpétuelles ou rentes viagères par des actes, dans l'une des formes ci-devant expliquées, elles continueront d'être acquittées aux termes portés aux-dits actes.
Art. 12. S'il existe des conventions ou prix faits, passés avec des entrepreneurs ou ouvriers, pour des fournitures ou des ouvrages, les directoires de département, sur l'avis de ceux de district, pourront les faire exécuter ou les résilier, suivant qu'ils le jugeront convenable; en cas d'exécution, les entrepreneurs ou ouvriers seront payés conformément aux conventions et prix faits. S'ils sont résiliés, ils seront payés des ouvrages et des fournitures qui auront été faits suivant l'estimation.
Art. 13. A l'égard des marchands, fournisseurs et ouvriers qui auraient fait des délivrances, fournitures ou ouvrages, seront de même payés
de ce qui leur sera légitimement dû. On ne pourra leur opposer de fins de non-recevoir que conformément à l'article 5 ci-dessus.
Art. 14. Elles seront même censées couvertes toutes les fois que le directoire du département, sur l'avis de celui du district, trouvera dans les livres des marchands, fournisseurs ou ouvriers, tenus de bonne foi, que les délivrances, fournitures ou ouvrages sont encore dus, ou dans les registres des maisons, corps et communautés, qu'ils n'ont pas été payés.
Art. 15. L'affirmation prescrite par l'article 4 ci-dessus, pourra être exigée d'eux lorsqu'il y aura lieu.
Art. 16. Ceux qui auront fait des fournitures ou délivrances, dans le courant de l'année
1790, aux religieux dont le traitement doit être payé pour 1790 au 1er janvier 1791, suivant
l'article 1er du décret du 8 septembre, se pourvoiront pour ces
objets contre lesdits religieux ; et ils sont autorisés à faire saisir leur dit traitement de
1790.
Art. 17. Dans le compte qui doit être fait avec lesdits religieux, suivant ledit article, de ce qu'ils auraient touché, à compter du 1er janvier 1790, seront compris les fermages et loyers échus et perçus à Noël 17Ô9,
Art. 18. Tous les créanciers de la nature de ceux ci-devant expliqués, seront assujettis à tout ce qui a été prescrit par les articles précédents, encore qu'ils eussent obtenu des sentences, arrêts ou jugements en dernier ressort, dans l'intervalle de la publication du décret des 14 et 20 avril dernier, jusqu'à l'expiration du délai prescrit par le décret du 27 mai, sanctionné le 28 et les frais de toutes les procédures faites pendant cet intervalle ne leur seront point remboursés.
Art. 19. Les rentes perpétuelles et viagères mentionnées dans l'article 11 ci-dessus, seront payées cette année par les receveurs de district où seront établis les bénéfices, corps, maisons et communautés qui les devaient. A l'avenir, elles seront acquittées des deniers du Trésor public, xle la manière et dans les lieux réglés par les décrets de l'Assemblée, pour le payement des autres rentes perpétuelles ou viagères, constituées par le clergé.
Art. 20. Les intérêts qhi seront dus des capitaux exigibles, échus dans le courant de 1790, seront payés comme les arrérages de rentes de cette même année. Quant au payement des capitaux, il y sera pourvu de la même manière que pour les autres dettes nationales exigibles.
Art. 21. Cependant les directoires de département, sur l'avis de ceux de district, sont autorisés à ordonner, sur les deniers provenant des revenus des biens nationaux que les receveurs de district auront en caisse, d'après les arrêtés qu'ils auront faits, soit en suite du présent décret, soit auparavant, tels payements acompte ou pour solde en faveur des marchands, fournisseurs, ouvriers, ou autres créanciers qui ne pourraient pas attendre. Chaque partie prenante ne pourra recevoir capital, intérêts ou arrérages, que par ordre de numéro des ordonnances qui seront délibérées. Mais chaque partie prenante pourra compenser ce qu'elle devra avec ce qui sera reconnu lui être dû.
Art. 22. Au moyen des règles qui viennent d'être établies pour le payement des créanciers dont il s'agit, les unions et directions formées par quelques-uns d'eux, notamment celles formées pour les biens des jésuites, sont et demeurent, dès à présent, dissoutes et comme non-
avenues. Les procureurs généraux syndics de département, sur l'avis et à la poursuite et diligence des procureurs syndics de district, se fé-ront remettre, en vertu d'ordonnance des directoires de département, par les syndics et directeurs desdites unions et directions,' et par les procureurs, notaires et autres officiers publics, employés par lesdits syndics et directeurs, les titres, pièces et procédures dont ils pourraient être dépositaires. Les procureurs généraux syndics feront, en outre, rendre, de la même manière, à tous les susnommés, compte de leur gestion et des sommes qu'ils auront touchées, sauf à leur allouer ce qui sera légitimement dû.
TITRE V.
De Vindemnité de la dîme inféodée.
Art. 1er. L'indemnité due aux propriétaires laïques de dîmes
inféodées, français ou étrangers, sera réglée sur le pied du denier vingt-cinq de leur
produit. f
Art. 2. Ceux qui prétendraient avoir joui de leurs fonds en exemption de dîmes, à quel titre que ce soit, ne seront point réputés propriétaires et il ne leur sera accordé aucune indemnité.
Art. 3. Le produit des dîmes dont il s'agit sera déterminé sur le pied des baux actuels ou des plus récents; et, en cas qu'il n'en existât aucun, le produit sera évalué de la manière réglée ci-après.
Art. 4. Les propriétaires remettront 'dans le mois, à compter de la publication du présent décret, sous le récépissé du secrétaire, au secrétariat du district où se percevait la majeure partie de leurs dîmes, les baux et les titres de propriété qu'ils auront en leur pouvoir.
Art. 5. S'il n'existe aucun bail, ils remettront dans le même délai, avec leurs titres de propriété, un état des pièces de terre sujettes à la dîme, en les indiquant par tenants et aboutissants et en dénommant les possesseurs.
Art. 6. Dans deux mois après l'expiration du délai ci-dessus, la municipalité sera entendue dans ses observations, le directoire de district les vérifiera et donnera son avis, et le directoire de département statuera ce qu'il appartiendra.
Art. 7. Si le propriétaire ne s'en tenait pas à la décision du directoire du département, alors il serait procédé à une estimation par experts, suivant l'article 17 du décret du 3 mai dernier sur les droits féodaux, ert suite de laquelle le directoire du département statuerait de nouveau, après avoir pris l'avis de celui du district.
Art. 8. Lors du règlement de ladite indemnité, déduction sera faite, sur la valeur de la dîme, de la portion congrue; jusqu'à concurrence de 1,200 livres pour les curés, et de 700 livres pour les vicaires actuellement existants. Il sera pareillement fait déduction de toutes les autres charges actuelles relatives au culte divin; mais cette déduction n'aura lieu que dans le cas où les dîmes inféodées étaient tenues de s'en charger subsidiai-rementet par insuffisance de celles ecclésiastiques et des biens qui y étaient sujets, ou lorsqu'elles les supportaient concurremment, soit avec celles-ci, soit avec lesdits biens; cette même déduction n'aura lieu que jusqu'à concurrence de ce dont les dîmes inféodées auraient pu être tenues, après avoir épuisé les dîmes ecclésiastiques et lesdits biens.
Art. 9. Ceux auxquels il a été fait des abandons
de biens-fonds, à condition d'acquitter la portion congrue, ou d'autres chargea relatives au service divin, eu toutou en partie, ou de payer quelques redevances ou refusons, seront tenus de verser dans trois moisi, dans la caisse du district, le capital de ce dont ils étaient tenus, sur le pied du denier vingt, d'après l'estimation qui sera faite des objets qm n'étaient pas payables en argent, ou renoncer au bien-fonds; ce qu'ils seront tenus d'Opter dans le mois, à compter de la pu* blication du présent décret ; à défaut de quoi lesdits biens seront, dès lors, déclarés nationaux et mis en vente sans délai.
Art, 10. A l'égard de ceux auxquels il a été fait des abandons de dîmes, aux conditions mentionnées dans l'article 9 ci-dessus, ils seront tenus de déduire sur leur indemnité le capital au denier vingt des charges qui leur auront été imposées.
Art. .11, Il ne sera accordé aucune indemnité pour les dîmes insolites, dont les propriétaires ne justifieront pas d'une possession de quarante ans-
Art. 12. Dans les dîmes inféodées, dont l'indemnité doit être acquittée des deniers du Trésor public, ne sont point comprises celles qui, quoique tenues en foi et hommage, seraient justifiées par titres être dues, comme le prix de la concession du fonds. En ce cas, les redevables seront tenus de ]es racheter eux-mêmes suivant le mode et le taux réglés pour le champart, par le décret du 3 mai dernier, concernant les droits féodaux; et, jusqu'au rachat, ils seront tenus de les payer.
Art. 13. la dîme a été cumulée avçc le cham-part, le terrage, l'agrier ou autres redevances de cette nature, ces droits fonciers ne seront dorénavant payés qu'à fa quotité qu'ils étaient dus anciennement. En oas qu'on ne puisse découvrir l'ancienne quotité, elfe sera réduite à la moitié de celle actuelle.
Art. U. Sont comprises dans les dîmes inféo^ dées, dont l'indemnité doit être prise sur les deniers du Trésor public, celles possédées en France par les établissements des protestants des deux confessions d'Augsbourg et helvétique,habitants d'Alsace, ainsi que par ceux de la même confession dans les terres de Blamont, Clémont, Héricourt et Châtelot ; en conséquence, if leur sera payé annuellement l'équivalent en argent des dîmes dont ils jouissaient sur le pied de l'évaluation, en la forme ci-devant expliquée, lors de laquelle déduction sera faite des charges dont elles peuvent être grevées.
Art. 15. Les charges dont étaient grevées les bieps nationaux en faveur des ministres et établissements desdiis protestants, continueront d'être acquittées; savoir: celles affectées sur les biens dopt jouissent les corps, maisons et communautés,auxquels l'administration en a été laissée provisoirement, par ces mêmes corps, maisons et communautés, et celles affectées sur les autres biens, par les receveurs de district, d'après les ordonnances des directoires de département, données sur l'avis de ceux de district-
Art, 16. Quant aux charges dont peuvent être grevés les biens, autres que les dîmes, possédés par les établissements desdits protestants, en faveur des bénéficiera, corps, maisons et communautés catholiques, ils continueront de les acquitter; savoir : celles en faveur des corps, maisons et communautés auxquels l'administration de leurs biens, a été laissée entre les mains de ces derniers, et les autres entre les mains des receveurs de district.
Art. 17. Les sommes dues spr les biens des établissements desdits protestants, et destinés au payement du traitemejit dep curés appelés rayquz en Alsace, ainsi que celles assignées, pour la même cause, sur les biens dont l'administration a été laissée aux établissements catholiques provisoirement continueront d'être payées a ces curés, respectivement, par les établissements des protestants et par ceux des catholiques. A l'égard desdites sommes qui étaient dues sur les biens dont l'administration a été gonflée au* corps administratifs, elles seront comptées susdits curés par les receveurs de distript ; le tout jusqu'à ce qu'il y ait été autrement pourvu.
Art. 18, Les corps, maisons, communautés et bénéficiera étrangers recevront annuellement l'équivalent en argent du produit de leurs dîmes eu France, suivant l'estimation, aussi longtemps que les puissances dont ils dépendent permettront sur leur territoire l'exécution des articles 14,15 et 16 du titre w du présent décret, tant pour les biens~fonds et autres, que pour les dîmes* ou pour l'équivalent de fielles^çi en argent, aussi suivant l'estimation,
Art, 19- Les fermiers des dîmes ecclésiastiques et inféodées qui auront quelques demandes à former, en vertu de Vartiqîe 11 du décret des 14 et 2Q avril dernier* les adresseront au directoire du distriot de leur domicile, sur l'avis duquel elles seront réglées par celui du département,
Art. 20, Seront tenus de se pourvoir de la même manière ceux qui prétendraient quelque indemnité contre des municipalités qui les auraient empêchés de jouir, ou contre les redevables qui en conséquence n'auraient pas payé, encore qu'ils eussent porté leurs demandes en justice; au moyen de quoi tous procès subsistant à cet égard demeurent éteints.
Art. 21. Les indemnités annuelles acoordées par les articles 14 et 18 du présent titre seront payées, à compter du premier janvier 1791, par les receveurs des districts dans l'arrondissement desquels les dîmes se percevaient.
Art. Quant aux autres indemnités, il sera pourvu à leur acquittement de la même manière que pour celui des autres dettes nationales exigibles, et les intérêts en courront à compter du' premier janvier 1791-
Art. 23. Les directoires de département feront faire par les directoires de district un état des indemnités mentionnées au présent tjtye, et de celles rappelées au titre ÏY du présent décret, que les directoires de département enverront gans délai au Corps législatif
Art. 24. Au surplus, les fermiers des fonds dont les fruits étaient sujets à la dîme ecclésiastique ou inféodée, seront tenus de payer, à compter du premier janvier 1791, aux propriétaires, en augmentation de prix de bail» la valeur de la dîme qu'ils acquittaient, suivant l'estimation, et d'après le règlement qui en sera fait par les directoires de département, sur l'avis de ceux de distriot,,à moins que lesdits fermiers ne préfèrent la résiliation de leurs baux, qui no pourra leur être refusée.
Art. 25. Le roi sera prié de donner aux puissances étrangères communication du présent décret en ce qui les oonoerne, et de se concerter avec elles au plus tôt possible, sur le règlement à faire entre elles et la nation française, sur les objets mentionnés dans les articles 14,15,16.17 du titre 1, et 18 du présent titre, ainsi que pour procurer, dès à présent, l'exécution dos articles
16,17 du premier titre, et dn 18 du présent titre,
consulte l'Assemblée sur l'ouverture immédiate de la djscussiqn qui est ordonnée,
rapporteur, relit l'article premier du premier titre en ces termes ;
« L'Assemblée nationale décrète qu'elle entend par biens patiqnaux :
« 1° Tous les biens des domaines de la cou-? rgnne;
« 2° Tous les biens d'apanage ;
« Tous les biens du clergé»
« 4° Tous les biens des fabriques ;
« 5a Tons les biens des fondations ;
« 6° Tous les biens des séminaires, collèges et établissements d'étude ou de retraite destinés à l'enseignement public $
« 7° Tous les biens des hôpitaux, maisons de charité, même celles connues sous le nom de mQnts-4e*piéiêi et de tous les établissements destinés au soulagement des pauvres, ainsi que ceux de tordre de Malte et de tous ordres religieux et militaires,
Le projet de déGrel que nous présente M* chasset doit être examiné soqs le rapport des hôpitaux, des collèges, des établissements de charité, des fondations pour lesquels j'aurai a proposer des exceptions; mais comme il est impossible, sur une simple lectur^ faite par le rapporteur, de saisir tous les détails de son projet, je demande l'ajournement-
Le projet du comité est une mesure nécessaire, je dirai indispensable,- pour secourir la grande fa-mille des indigents dans tout le royaume, soit dans les villes, soit dans les campagnes- L'Assemblée ne saurait trop se hâter de le discuter.
(de Saint-Lâ) Je propose de consacrer le principe posé par le comité, mais de maintenir provisoirement les établissements de charité et d'instruction en l'état oit il§ sont,
Il faut excepter les maigons des Doctrinaires et de l'Oratoire et rendre un décret sur le sort des boursiers dans les collèges, Je crois aussi que, si l'article du comité est adopté, les hôpitaux se trouveront bien abandonnés.
J'opine pour le rejet de l'artiçle dans son'ensemble et pour que, du moins, les biens des collèges et des hôpitaux soient exceptés.
Conformément au principe général, je propose de décréter que les biens de toulls les communautés appartiennent la nation.
Les communautés et les établissements ne sont que des individus associés pour jouir d'une masse de propriétés individuelles. D'ailleurs, les habitants se divisent tous les jours leurs communaux quand ils le trouvent avantageux; ils remettent ainsi en propriété particulière ce qui l'était avant la réunion.
Je considère comme très dangereux d'aliéner les biens des hôpitaux et des collèges et de refroidir ainsi le zèle et la bienfai-
sance de ceux qui peuvent former ou augmenter leur dotation.
Puisque je suis à la tribune, je demande la permission de donner lecture à l'Assemblée d'une courte adresse que j'«ù reçu mission de lui faire connaîtra.
Adresse à rassemblée nationale de là parf dî-
recteurs, du sérnincftre des Missions étangéres.
Nosseigneurs, le séminaire des missions étrangères est l'unique établissement d'une société de prêtres séculiers qui, sans aucune espèce de vœux, sans autres liens que ceux du zèle et de la char rité, se destinent à porter les lumières de la foi et à publier la gloire du nom français dans les pays orientaux. Il fut fondé en 1663 et confirmé par des lettres patentes de Louis XIV, qui assigna à ce pieux établissement 15,000 livres de gratis fication annuelle, que la religion des monarques qui lui ont succédé, a été attentive à faire payer.
Cette maison a toujours été un asile ouvert à l'indigence des pauvres, au soulagement des malades, à l'instruction des ignorants, surtout des ouvriers, des pauvres et des enfanta les plus abandonnés, à qui on fait assidûment, dans l'é»> glise de oe séminaire, des catéchismes et des instructions. Les directeurs, ainsi que nombre d'ecclésiastiques respectables', auxquels cette maison sert de retraite, n'ont jamais oessé de se distinguer par leur jsêle et par leur charité. Les grands et les petits, les riches et les pauvres du faubourg Saint-Germain, ainsi que des différents endroits où les missions étrangères ont des possessions, se sont toujours réunis et se réunissent encore à l'envi, pour en faire l'éloge et en solliciter la conservation ; ils n'ont pas oublié les aumônes extraordinaires que cette maison a fait distribuer pendant l'hiver de 1789, pour le soulagement des malheureux de tout genre.
Quel succès merveilleux, quels grands biens cette pieuse association n'a-t~elle pas opéré dans les pays orientaux 1 Les missionnaires que le zèle et le désintéressement ont toujours caractérisés, y ont fait et y font tous les jours des conversions sans nombre. Dans la seule mission du Toqkin on compte 300,OQÛ chrétiens : combien de milliers d'autres n'y en a-t-il pas dans la Chine, dans la Cochinchine, au Cambodge, à Siam, etc.? Les vertus et les succès des missionnaires ont autant de témoins qu'il s'est trouvé de personnes à portée d'être les spectateurs* de leurs travaux et de leur conduite. Tous Français, Anglais, Hollandais, Suédois, etc., en font les éloges les plus flatteurs.
Mais en établissant le royaume de Jésus-Christ dans ces régions éloignées, ces dignes prêtres n'ont jamais perdu de vue les intérêts de la nation. Le Français aime toujours sa patrie et le zèle pour la religion ne fait en lui qu'épurer oet amour. Les missionnaires étant les seuls européens qui pénètrent dans l'intérieur de la Chine, Cochinchine, Tonkin, Siam, Cambodge et autres contrées de l'Asie, ils peuvent seuls avoir et fournir des notions exactes sur plusieurs objets, dont il peut être intéressant pour la France d'être instruit. Leurs travaux sont très propres, on le conçoit, à leur attacher l'affection de ceux qu'ils instruisent et a leur concilier même l'estime de ceux qui ne sont que témoins de leur conduite» L'éloignement extrême qu'ils ont constamment marqué, de tout esprit de commerce et d'ambition, leur a toujours fait tourner cette affection et cette
estime qu'ils s'étaient acquises, à l'avantage de leurs compatriotes qui, dans ces pays éloignés, ont très souvent besoin de secours, de soutien ou de correspondance. Ce sont les missionnaires qui ont donne lieu au commerce que la France a entrepris dans les pays orientaux et à la formation de la première Compagnie des Indes. Ce sont eux qui avaient obtenu du roi de Siam que les Français qui allaient fréquemment commercer ou hiverner dans le port de Mergui, dépendant de Siam, ne fussent point assujettis aux vexations des officiers siamois. Ils ont rendu une infinité de services de ce genre, en différents pays, aux commerçants de la nation. Aussi, l'ancienne Com pagnie des Indes, non seulement leur accordait le passage gratuit sur ses vaisseaux, mais elle leur faisait annuellement des gratifications considérables, Cette reconnaissance de la part d'une compagnie commerçante, annonce assez la grandeur des-services qu'elle avait reçus et recevait des missionnaires.
Dans ces derniers temps, en 1786, 1787 et 1788, leur procureur, résidant à Macao, a eu l'avantage de se rendre utile aux officiers et aux équipages de plusieurs vaisseaux français, expédiés vers ces plages, ou obligés d'y relâcher : c'est ce que peuvent attester les commandants et officiers des vaisseaux ou frégates le Castries, la Calypso, la Dryade, le Pandour, etc.
Il n*a pas tenu à M. l'évêque d'Adran qui, en 1187, a amené à Paris le fils unique du roi de Cochinchine, de procurer à la France dans les Etats de ce prince, un port de la plus grande importance ; et si ses vues à ce sujet n'ont pas été secondées,, il a du moins empêché qu'il n'ait été accordé à d'autres nations, malgré les instances et les offres qu'elles ont faites (1). Le commerce de Cochinchine a paru d'ailleurs si intéressant, que les habitants des îles de France et de Bourbon, dans leur assemblée du 3 septembre 1788, ont fait un arrêté où ils disent « que MM. les administrateurs en chef seront « suppliés de solliciter Sa Majesté, au nom de « la colonie, d'accorder à tous ses sujets la « liberté du commerce de la Cochinchine... Ge « royaume est celui de l'Asie qui fournit le « plus de denrées commerçâmes propres à « l'Europe.... de manière qu'elles suffiraient « seules à l'emploi d'un capital de quarante « millions, etc. »
Tant de services importants que les missions étrangères ont rendus et continueront de rendre à la nation, tant en France que dans les Indes-Orientales, pourraient-ils ne pas leur assurer la protection et la bienveillance de l'Assemblée nationale? Que serait-ce donc si nous y ajoutions tant de milliers d'âmes que ces hommes vraiment aspostoliques convertissent à la foi et dont ils soutiennent la piété ? Ces avantages ne sont-ils pas infiniment plus estimables que les modiques sommes que coûte Get établissement ?
Car, qu'en coûte-t-il à la France pour entretenir non seulement les directeurs et les
élèves qui sont au séminaire, mais encore les missionnaires dispersés en cinq ou six royaumes
de l'Orient, qui sont actuellement au nombre de six évêques et de trente-huit prêtres
français, chargés de six collèges, sans parler d'un nombre
On ne confond pas ici avec les autres missions, celle de la côte de Goromandel, où il y a de plus deux évêques, dix-neuf missionnaires et un collège à Pondichéry, parce que cette mission, dont le roi a chargé les missions étrangères depuis quelques années, a un revenu particulier de 1,850 livres de rente sur le roi, comme il a été remarqué dans la déclaration faite à l'Hôtel de Ville.
Que sont soixante et quelques mille livres pour l'empire de la France, si grand dans ses vues et si fécond dans ses ressources ? Pourrait-il être forcé de détruire, pour une somme si modique, un établissement aussi utile et aussi honorable à la religion, que glorieux et avantageux à l'Etat? un établissement unique; car il est le seul en France qui ait pour objet de porter la foi jusqu'aux extrémités de la terré et qui, par là, fasse bénir, par tant de différents peuples, la nation bienfaisante qui leur procure la connaissance de l'Evangile.
Les avantages inestimables que cet 1 établissement procure à la religion et à l'Etat avec des revenus si modiques donnent aux directeurs du séminaire des missions étrangères une ferme confiance que leur mission et leurs biens, qu'ils regardent comme étant et méritant d'être sous la protection spéciale de la nation , leur seront conservés et que leur entreprise, que son objet doit rendre si précieuse, sera perpétuée. Ge sera pour tous les membres de cette association, un nouveau motif de rendre à la nation et à tous leurs compatriotes, avec plus de zèle que jamais, tous les services dont ils seront capables. Tous, directeurs et missionnaires, adresseront au ciel les vœux les plus fervents pour la prospérité du royaume et le bonheur de Nosseigneurs de l'Assemblée nationale.
Si la nation se chargeait des établissements de charité, répandus dans le royaume, cela entraînerait de grandes difficultés et de grandes dépenses. Je crois qu'il vaudrait mieux décréter que chaque municipalité se chargera de ses pauvres.
L'article 9 a, comme l'article Ier, une tendance manifeste à l'aliénation des biens des hôpitaux et des collèges. Je soutiens qu'il n'est ni politique ni moral de vendre ces biens.
La question des collèges êt des hôpitaux est trop importante, elle touche de si près à l'ordre public, qu'elle doit faire l'objet d'un examen détaillé et minutieux.
Je demande la question préalable sur celte partie de l'article.
La proposition du comité est très conforme aux principes constitutionnels. En effet, la nation étant chargée de ses pauvres et de l'éducation publique peut, sans blesser la justice, distribuer les biens destinés à l'éducation et à l'indigence.
Un grand nombre de membres persistent à réclamer la question préalable.
On observe, d'autre part, que ce qui concerne l'ordre de Malte et les autres ordreS religieux ou militaires a été renvoyé à un comité spécial et qu'il y a lieu d'attendre son rapport.
se rend l'interprète du vœu de l'Assemblée et réduit l'article aux termes ci-dessous :
Article premier.
« L'Assemblée nationale décrète qu'elle entend par biens nationaux :
« 1» Tous les biens des domaines de la couronne ;
« 2° Tous les bien^des apanages ;
« 3° Tous les biens du clergé;
« 4° Tous les biens des séminaires diocésains. »
L'article, ainsi rédigé, est mis aux voix et adopté.
La séance est levée à dix heures du soir.
Séance du
La séance est ouverte à 9 heures du matin.
,secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier au matin.
(de Saint-UJ), secrétaire, lit le procès-verbal de la séance extraordinaire d'hier au soir.
Ces procès-verbaux sont adoptés.
fait donner lecture d'une lettre du président du département des Bouches-du-Rhône qui dénonce un discours prononcé devant le Parlement d'Aix, le 27 septembre dernier.
Cette affaire est renvoyée au comité des recherches.
observe qu'au commencement de l'article 5 du titre II du projet de décret du comité ecclésiastique sur le traitement des religieuses, on devait lire ces mots : il sera accordé, au lieu de ceux-ci : il pourra être accordé.
(L'Assemblée décrète cette modification.)
au nom du comité de Constitution. Le décret sur l'organisation judiciaire renferme une disposition par laquelle les districts qui ont une population de 50,000 âmes peuvent nommer 6 juges pour leur tribunal, sauf la confirmation de l'Assemblée nationale. Le district de Lyon demande à jouir de cette faveur et nous vous proposons, en conséquence, le décret suivant :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport du comité de Constitution sur la
pétition du directoire du département de Rhône-et-
Bordeaux se trouve dans un cas semblable à celui de Lyon. Je réclame que les deux villes soient traitées de même.
Cette proposition est accueillie et le décret suivant est rendu :
« Le tribunal de district de la ville de B6r-deaux sera composé de six juges. >
député du Pays de Labour. Si sous l'ancien régime, dans un temps appelé du despotisme, les réclamations étaient écoutées et accueillies, si des ministres qualifiés du nom de tyrans revenaient souvent sur leurs pas et ré voquaient les ordres qu'ils avaient donnés, à plus forte raison dois-je me flatter que les législateurs de la France, hommes qualifiés du nom de pères de la patrie, voudront bien écouter et accueillir far vorablement les représentations que je vais avoir l'honneur de leur faire, au nom de tous les Basques français et d'une grande partie du Béarn. Par un décret rendu à la séance d'hier au matin, sans que la question eût été annoncée et mtée à l'ordre du jour, vous avez fixé à la ville de Pau l'assemblée du département des Basses-Pyrénées. Si la sévérité, si la rigueur de vos principes veulent que vous ne reveniez pas sur un décret déjà rendu, je vous observerai que cette même sévérité, cette même rigueur de vos principes et le respect que vous leur devez, exigent encore plus impérieusement que vous ne vous écartiez pas de la loi, que vous vous êtes faite, de choisir le lieu le plus central pour chef-lieu de chaque district ou de chaque déparlement. (On interrompt. M. le président prie M. de Marcaye de se résumer.) Pour me rendre au vœu de l'Assemblée et satisfaire son impatience, je me dispenserai d'entrer dans des détails qui me paraissent cependant indispensables, et je terminerai mon opinion en lui proposant l'alternat entre Pau et Bayonne.
demande qu'on passe à l'ordre du jour. — Cette proposition est fortement appuyée.
11 est à craindre, si l'on commande en tyrans, qu'on ne soit obéi comme le sont les tyrans, c'est-à-dire forcément.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
Le rapporteur du comité colonial m'a fait prévenir que de nouvelles pièces, relatives à l'affaire de Saint-Domingue, ayant été remises au comité, il est nécessaire de prolonger à lundi l'ajournement du rapport.
(Il ne s'élève aucune opposition.)
présente une pétition des officiers municipaux de Cambrai, tendant à faire traiter les possesseurs d'offices de judicalure en Gambrésis, comme ceux d'Artois, Flandres et Hainaut.
L'Assemblée en ordonne le renvoi à son comité de judicature.
Le comité militaire demande la parole pour faire un rapport sur les adjudants généraux et
les aides de camp (1).
rapporteur. Messieurs, lorsque le comité militaire a eu l'honneur de vous iairë lë rapport du plàh d'orgâfiiàâtibn dë rarihée, présenté pat4 le ministre de là guerre, Voiis eh avez ajourné là partie rèlàtiVë aux adjudants généraux, aux aides de Camp ët àui commissaires des guerres : vous avez demandé albrt â votre Comité de nohvëàUfc éclaircissements Sur l'utilité du sefviCe dë dés différents bffiCiefs; CélUi des commissaires des guerres tient essentiellement ft là nouvelle fdrtne due VOUS âVez décrété dë ddnhëràux tribtihaU& militaires. Lëhr nombre Jtfe peut être décidé d'Une manière positivé bar les Combinaisons les plus exactes de lêurs fonc* tionà aVëfc lë lbcàl deS etfiblaéëttiëhts occupés par les troupes. Vdtrë cbmltê militaire, depuis volrë décret, n'a pàé eiilé téffipS dë se livrer à te travail ) ûouë vous dëlilahdbns dbfiC enCdre d'ajourner Ce dUi péut les intéresser.
VôuS rendre compté aujourd'hui des adjUdahls généraux et dés aidés de camp, èst l'objet dé ce rapport. NOUS àllotis traiter successivement Chacune dê Ceà dëux parties.
Des adjudants généraux et de division.
tîh ëèflëràl d'àfmêë, quelque actif t^U'il puisée être, ne pèUt féîhpllr a lui sëul toutes lës obligations QUe lui impose le commândëtfiëfit. Fait pour tout prévoir et pour tout brabnuer, le temps qu'il emploierait à Péxèchtioh dés détâils serait un iérnps précieux Uu'il enlèverait sahs.utilité réelle àtlx grandés combinaisons qu'eklge la conduite d'Ufie mâCnihë aUssi compliquée. Il ne peut agir par lui-même, il lui faut des bràs pour faire mouvoir 'sbus sës brdres tous lëè ressorts qu'il est Chàfgê de diriger: ces bras stint les différents ëtats-itifeyorS dont son armée doit être composée; dû en Compté trdis nécessaires t l'etat-maibr de l'infànteHë, 1 état-major dë là Càvalefièj rëtat-major de l'armée.
Lës ronctiohs militaires des dëti premiers CdnéiStéht, à la guerre, dahs les détails de service à commander, dans ceux relatifs aux ëtà-blissements de ces différentes armes dans leurs quartiers ou dans leurs camps, lorsque le local en est déterminé par le général, èt enfin, dans la surveillance sur les différentes distributions â leur faire.
Les officiers composant l'état-major de l'armée sont destinés à préparer l'ouverture des marches, à reconnaître les positions, les emplacements pour l'établissement des camps et des quartiers* à établir les communications, à calculer les moyens nécessaires de subsistances et d'approvisionnement, selon les différents mouvements que l'armée pourrait faire; forcés eh conséquence à Connaître parfaitement lé, topographie des pays, théâtre dë la guerre', ils doivent être nécessairement instruits et préparés à ces détails importants, par une habitude qu'aucune autre espèce de service ne peut lui donner. Il doit donc paraître désirable d'entretenir un corps de cet état-major, toujours subsistant, toujours travaillant en teihps de paix, et acquérant ainsi dàfts leâ rassemblements, qtte là pblitiquë dt>it,Sahâ doute, rendre plus fréquents qué par ie pa&èë, l'eXpêriencë qui pourrait leur être nécessaire à la guerre.
Ce sont ces trois états-majors que le ministre a eu eh Vue feoUB tlti àutre nom, plus âhaiogUe à
lëurs Véritables fonctions, lorsqu'il VôtiS à Proposé trente adjudants gënérfauX OU ttë division. Les quatre ^rméës décrétées par Vous doivent êtré, suivant lë plan adopté pafle rdi, partagées en treize divisions ; cè nombre de trente àuiU1-dants généraux n'ett dotttië tpi'UU préinier par chaque armée et que deux par chaque division. Il ne Serait pas certainement suffisant, si des officiers pris tiânS le corps du géûie, bu une des brigades de ce corps, toujours attachée à la sUitë de l'état-major pour les parties de l'art de ses opérations, et si des officiers particuliers choisis dans l'armée comme adjoints, sans quitter leur corps, dont ils doivent toujours faire partie, n'étaient pas dans le Cas de renforcer momentanément cet état-major, sans augmenter sur la liste des dépenses la quantité d'Officiers dont il doit être composé. Ce nombre enfin, sans doUte trop faible encore pour .certains moments de guerre, mais susceptible d'être alors augmenté àvec facilité par lë moyen des adjoints, dont l'instruction se préparerait ainsi à l'àVànCë pendant la paix, doit vous paraître d'autant moins exà* géré, qu'indépendamment dé là nécessité de former des sujets propres à ces importantes fonctions, il ne doit être que le remplacement de près de cent officiers qui composent les trois états-majors existants aujourd'hui.
On reprochera peut-être à la formation de ce corps pendant la paix, de gêner, pour le moment de la guerrei la volonté du général, lequel, responsable des opérations, et de l'armée qui lui est confiée* doit être libre dans lé choix de ses coo-pérateurs. Cette objection serait fondée sans doute si cet état-major avait des officiers désignés pour devenir nécessairement les maréchaux généraux des logis des armées, ou les chefs de ces différents états-majors; mais il n'en eklsteàlehr tête aucuns, par leurs grades, sùsceptiblés de réclamer des droits à ces places importantes qui demandent nécessairement toute la Confiance deâ généraux. Ifs pourront toujours les choisir sur tous les officiers généraux de l'armée; et en préparant ainsi d'avànCe l'instruction dés adjudants généraux ou de division, leurs coopérateurs nécessaires, il n'en résultera, pour lës généraux, que l'avantage de les mettre dâhs le çâs de faire tomber le choix de ceux qu'ils auront à employer sous leurs ordres, sur un certain nombre d'officiers instruits, expérimentés, dont les taléhtë auront pu së faire connaître dahs les rassemblements, au lieu de leur laisser la faculté dë l'exercer sur des sujets peu connus, que souvent l'intrigue et la faveur pourraient seules leur désigner.
Quë de Mgues seftmt épargnées âUX troupes, eh hë Confiant ainsi leiir conduite à la guerre qu'à des dffleiers mûris par Pexpêriéncô; et hbn commè autrefois à des jèuhës gens, ti ayant d autres droits pour prétendre à ces places que leur ambition, les Sdllicitaht pour dbtenir dés grades, et û'éh remplissant souvent îfes fonctions, que pour égarer les colonnes qu'ils étaient Cnafgês dë Conduire, ëh faisant ainsi lëtir éducation aux dépens d'Une armée qu'ils auraient dû diriger, màis qui n'aurait jàmàiâ dû servir à IeUT îns^ truction.
Si les générattk àimeht lë biëh, ils séràbt ëû± chantës de; âë VdiPfdrcés de cnolâlr parmi les sujets les riluf Capables; s'ité pëuVênt phéFérër les choii de rlntrigUë et ni là faveur, il néri serait alors-que plus avantageux de leur en avoir enlevé par là la possibilité. Votre comité militaire a donc pensé qUe la no-
mination des trente adjudaq^ généraux ou de division proposés par le ministre, ne pouvait être que très avantageuse âU biëtt du service. Il VOUS reste maintenant à examiner êi les grades dont seront rèVêtUs cës officiers, hé sont pas dans le caS de coûtfariét Vos principes, fet si le traitement à leur tixer est proportionné â leur service.
Lé ministre dé la guéfré, dans son plan, propose qU'Uttfe pàrtie de beS adjudants généraux et dë division ait ié grade de Colonel, et l'autre partie celui dé liejitehant-CdlOhël Ce n'est guère que parmi dës officiers ayant ces grades ou en étant susceptibles par iëUr sèrViCe, qU'Ôû pêlu Se flatter de rëncdiitfer les qualités ët l'expérience nécessaires aux fbnctibns qu'ils doivent remplir, La nature et l'importance de leur service, lë degré d'intelligence qu'ils doivent avoir ne peuvent guère, sans doute, en subordonner lë choix aux droits seuls de l'ânCiëhneté -, il faUt indiépensa-bïetneht qu'il appartienne au roi Sa sugëssë, sans doute, l'engagea à prendre des précautions pour l'assujettir à un examen nécessaire pour s'assurer de l'aptitude des sujets. Si Ges places étaient dans le cas dé donner arbltrairëhiént des grades â Ceux qui y passeraient àVëC des grades inférieurs ; si elles pouvaient accélérer l'âvahCë-ment de ceux qui les Obtiendraient, en lëS mettant dans le CaS d'Obtenir dës gradés supérieurs plutôt qu'ils né les auraient eus S'ils étaient restés danS la ligne, elleS pourraient alors être envisagées comme des placés dë faveur faites pOUr cëui que l'On Voudrait distinguer, OU àVantîër âU détriméht des àutreâ blilciers, ét certainement alors Votre comité he vous proposë-rait pas dé lès admettre ; mais Si ces ofhciërs choisis dahs la ligné parmi Ceux du gf'â'dë même attaché à cei emplois Ou susceptibles d'y parvenir, assujettis à un service aussi âctif que lës officiërs des autres corps, doivent conserver, les droits de leur ànclertheté dahs lëUt* gradé ét dahs leur arme, s'ils he peuvent parvenir à un grade supérieur que dé la même màhiêfë q'd ils auraient pu l'obtenir dans la ligne, ainsi qu'il voiis sera proposé dans un rapport particulier relatif à leur avancement, il n'en résultera Sans douté aUcUné crainte dé faveurs ou d'injustices pbuf auçUii individu i Cest dans cette forme qUé votfê comité militaire croit devoir vous proposer de les adopter. L êtat-malor dé farmée appartient a tobték feâ afmësJ il he peut, sâns lûiustiéë, ètfë eiblUsif bOur auCUnes, toutes doivent avoir lé droit tté concourir â Sà formation • ët si qtiël-qU'Un peut y avoir piU9 dé droit. Ce në pourrait etrë dU eil raiâ&n des talents qui lut ëd dbnnë-raient de pluè étendus dans l'ëxâmen hlli aura lieu pour y être admiâ. Ces trente Jblaéès d'ô.fti-ciers supérieurs ainsi Choisies ët ajôutéés â celles déjà existantes dàns là ligne, indépendamment dë l'Utilité quë le service pourra en retirer, né seront qu'hUé augmentation de dèhOuches fournis à l'émulation des oin'ciëfs particuliers dé toutes les armes, cè OUI n ëét beui-êtré pââ éncorë sans avantagé. Enfin, Messieurs, leur adoption, avan-tageUse pottr l'avenir le Sérâ encore pour le présent, èU foUrtiiâéàht tlll remplacement à unë partie des cent officiers des trois états-majors de l'armée existants aujourd'hui réduits sêùlëmèhi; à te nombrë, et OUI éë trouveraient en tètiuér victimes de là fêfbrhle, il Vous rëfusièz dés adjudants généraux.
Votre comité militaire a donc pense qu'aucune raison hë pouvait voUâ engager à rejeter cette partie du plàû dti ministre.
11 VOUS tfFOîibSë d'â'ccordèr 8,000 livres dë tràr-
temënt aux quatre premiers qu'il désigne soUs le nom d'adjudants généraux d'armée : 6,000 livres aux treize adjudants généraux de division, avec le grade de colonel, et 4,000 livres aux treize autres, n'ayant que celui de lieulënant-cOlOnel.
Tous les colonels de l'armée n'ont que 6,000 livres, quëllè que soit leur ancienneté; nous n'avons pas pensé qu'il fut justè de distiuguer les quatre premiers ayant ce grade; Uous aurons donc l'honneur de >vqus jpropôser.de les. fixer toUs les dix-sept à 6,000 livres, traitement commun dç tous lës coiohels. Lës appointements dë 4,000 livres proposes pOur les treize n'ayant que rang de lieutenant-colonel, sont un peU plus forts qUe ceux fixés à la seconde classe dé ce grade, ét UU peu moins considérables que ceux de la première classe, mais intermédiaires entre les aéux ét entré ceux des différentes armés; nous aVôns pensé qu il ne devait y être apporté aucud changement, et c'est ainsi que npUs aurons l'honneur de voUs proposer de lés décréter.
Examinons à présent 1 utilité où lès inconvénients des aides dë camp proposés par le plan 4û ministre. Ces emplois h ont jamais été occupés pour là plupart que. par des jeunes gens débutants dans la carrière militaire, les acceptant comme un moyen d'obtenir une espece d'activité, jëuhest sans expérience* n'entendant rien souvent aux ordres qu'ils étaient chargés de porter; lës expliquant mal, faute de les ooin-* prendre, ils étaient souvent plus nuisibles que nécessaires aU service. Pour les avoir ainsi, il serait peu important de chercher à consacrer leur existence; et le traitement qu'on leur accorderait né sërait pas profitable au bien du service; mais, Mëssiéurs, il ne faut pas juger l'utilité dé leurs fonctions par ce qu ils étaient autrefois.. Il faUt envisager ce qu'ils doivent, et ce quiîg peuvent êtrë. Tout ofhcier général doit être chargé d'un commandement quelconque plus oïl moins considérable suivant son grade \ il doit ayoir des ordres à donner^ la voix ne pèut pas.se faire en-téndrë partout sur uh front, aussi éteudu quë celui des troupes, qUe lé dernier en grade d'entre eux doit avoir à commander j il ne peut être partout à la fois : s'il voulait porter ses ordres lul-ittâmë, perdant de vue l'ensemblè de la machiné qu'il doit diriger, il cesserait bientôt, d'être gënèràl. il lui faut dohç à cet effet des officiers eh pldS ou moins grand nombre, suivant la nature dë Son commandement.
Lè gain d'une bataille depend souvent du mouvement d'une brigàde, ll'un régiment même exécuté à propos, et cé mouvement dépend toujours dë là manière doht l'ordre est porté. Il n'est donc pas peu .intéressant que deux chargés de cette commission, soient en état de s'en bien acquitter? ët poUr cela il né faut pas qu'ils soient pris dans la classé des officiérs débutants. Pour lés choisir pàrdi ceux àyaht acquis déjà quélque ancienneté et quelque expérience, il faut que leur ser-vicel reconnu ejt constaté comme celui, des autres officiers, ne soit pas borné à la seule durée d'une guerre, pendant laqUëllé il faudrait les tirer des corps ou ils serviraient, et dans lesquels en en sortait ils perdraient lës droits acquis par leurs sërviceé précédents; enfin, il faut qu'ils aient un traitement équivalent à celui dont ils jouiraient dans lé corps auquel ils étaient attachés j et s'il est important que ces emplois ne puissent pas être regardés .comme des places de laveur donnant des gradçs ou des prérogatives, il n'est pas moins intéressant, poiir leUr Eonne Composition, qu'ils né puissent pas être dans le cas d'arrêter
ou de suspendre l'avancement de ceux qui les accepteraient : c'est d'après ces principes que le ministre de la guerre, en les' comprenant dans l'état-major général de l'armée, vous propose de ne les choisir que parmi des officiers ayant au moins le grade de capitaine. En exigeant ce grade auquel l'ancienneté seule doit conduire à présent, c'est leur supposer au moins quinze ou seize ans de service. Ce temps, sans doute, doit leur donner l'expérience nécessaire à ces fonctions; et c'est en conséquence de ces mêmes principes qu'en traitant de leur avancement particulier, nous vous proposerons qu'ils conservent le même grade sans pouvoir en acquérir un supérieur que de la même manière dont ils auraient pu en devenir susceptibles dans la ligne: l'état-major général de l'armée en fait nécessairement partie par l'activité de son service; il est juste qu'ils n'y perdent ni les droits de leur ancienneté, ni ceux qu'ils pourraient y avoir au choix que le roi pourrait en faire.
L'institution des aides de camp est avantageuse non seulement pour le service, mais encore pour la ligne même; elle lui fournit plus d'occasion d'émulation et plus de débouchés en procurant plus de mouvements dans les corps; elle ne peut ouvrir aucune porte à la faveur. Votre comité militaire est donc d'avis encore que vous admettiez aussi cette partie du plan du ministre. Les quatre généraux d'armée ne peuvent pas en avoir moins de quatre chacun; les lieutenants généraux moins de deux, et les maréchaux de camp moins d'un. Il en faut donner de reconnus à tous dans les proportions de leur service ou il n'en faut accorder à aucun ; ce nombre pour chacun les porte à 136. Les fonctions des généraux d'armée, étant plus importantes, demandent qu'ils puissent avoir des aides de camp plus expérimentés ; nous vous proposons donc que le premier des aides de camp attaché à chacun des quatre généraux, soit colonel, le second lieutenant-colonel, et que les deux autres, ainsi que ceux des lieutenants généraux et des maréchaux ne soient que capitaines.
Chacun de ces aides de camp doit jouir sans doute des appointements attachés à son grade ; nous vous proposerons, en conséquence, que les quatre ayant le grade de colonel, soient fixés à 6,000 livres de traitement, les quatre lieutenants colonels à 4,000 livres, et les cent vingt-huit capitaines à 1,800 livres; traitement à peu près intermédiaire entre le maximum et le minimum des appointements des capitaines des différentes classes, des différentes armes.
Nous avons l'honneur, en conséquence, de vous proposer le décret de .projet suivant:
« L'Assemblée nationale, continuant son examen du plan général d'organisation de l'armée, présenté par le ministre de la guerre, après avoir entendu le rapport de son comité militaire, décrète :
« 1° Indépendamment des quatre-vingt-qua-torze officiers généraux employés, l'état-major général de l'armée sera composé de trente adjudants généraux ou de division, lesquels, sous cette dénomination, remplaceront les trois états-majors de l'armée existants aujourd'hui, et les réduisant à ce nombre d'officiers, de ces trente adjudants généraux ou de division, dix-sept auront rang de colonel et treize celui de lieutenant-colonel ;
. « 2° il sera attaché cent trente-six aides de camp aux quatre-vingt-quatorze officiers généraux employés sur le pied de onze par chacun des
quatre généraux,et d'un par chacun des trente lieutenants généraux,^t d'un par chacun des quatre-vingts maréchaux de camp. Les premiers aides de camp de chacun des quatre généraux d'armée seront colonels, et les seconds seront lieutenants colonels, ainsi que ceux des lieutenants généraux et des maréchaux.
« 3° Les adjudants généraux et les quatre aides de camp des généraux qui seront colonels auront 6,000 livres de traitement. Les treize adjudants généraux, ainsi que les quatorze aides de camp des généraux, qui seront lieutenants colonels, auront 4,000 livres.
« 4° L'Assemblée nationale ajourne de nouveau l'article du ministre relatif aux commissaires de guerre. »
Je demande, par amendement, qu'il ne soit donné que 4,000 livres aux aides de camp généraux qui seront colonels; 3,000 livres à ceux qui seront lieutenants-colonels et 1,200 livres aux aides de camp capitaines.
, député de Toulon. Messieurs, votre comité militaire en vous proposant, d'après le plan du ministère de la guerre, la création d'un corps d'état-major d'armée, par l'organe d'un rapporteur dont les talents sont généralement connus, devrait entraîner un grand nombre de suffrages, si la discussion venait éclairer cette question importante. Je vais donc entreprendre de prouver que ie décret qu'on vous propose est contraire au bien du service, aux finances et à la constitution de l'armée.
Je crois d'abord faire connaître quelles sont les fonctions des officiers d'état-major et qu'elle est son existence. Je n'entrerai dans les détails qu'autant qu'ils seront nécessaires pour me faire comprendre par ceux auxquels les différentes attributions militaires ne sont pas familières ; quaut aux autres, j'ose croire qu'ils trouveront dans mes assertions toute l'authenticité désirable.
Les officiers de l'état-major de l'armée composent un corps éphémère, dont l'existence n'est autorisée par aucune ordonnance, dont le nombre ni les appointements ne sont point fixés : ce corps est composé d'officiers sortis de différentes armes, par le choix de quelques généraux, pour emporter d'assaut, par le crédit et à l'ombre du talent, les premiers grades de l'armée; leurs fonctions consistent à distribuer les ordres des généraux, à fixer les dispositions intérieures des camps, à veiller sur les approvisionnements et les logements, à prendre des connaissances sur les facultés du pays en fourrages, viandes, comestibles, chevaux, voitures, fours, magasins, hôpitaux, etc. Il faut observer cependant que dans presque toutes les parties, ils ne sont que les surveillants nés du général ; qu'ils n'ordonnent point, puisque la plupart de ces détails sont confiés aux commissaires de guerre et aux intendants des armées. Leurs fonctions consistent éncore dans les détails de la castramétation, c'est-à-dire dans les dispositions intérieures des camps, dans le développement des troupes en manœuvre, dans la reconnaissance du terrain pour les développements, dans la manière d'occuper une position, enfin dans la combinaison des pians de campagne avec les généraux.
Ces fonctions indiquent assez que le choix de ceux qui doivent les remplir doit être absolument libre ; la confiance ne peut se commander, et quelque nombreux que soit un corps de l'état-ma-
jor d'armée, un général pourra toujours dire, soit défaut de connaître les sujets, soit que sa confiance entière réside dans des officiers d'une autre arme : je veux.tels militaires pour composer mon état-major.
C'est par ces raisons que l'état-major de l'armée n'a jamais dû former un corps distinct, car on a senti que ce corps, inutile en temps de paix, le dé viendrait également en temps de guerre, si, comme je le pense, vous ne gênez point le choix des généraux, et si ces membres ne leur inspiraient pas la confiance nécessaire; c'est de là précisément, et de la répugnance qu'on a naturellement de rentrer dans les emplois assu-jettisants de l'armée, qu'est provenue son augmentation successive.
SMl entrait dans votre pensée, ce que j'ai de la peine à croire, de restreindre le choix des généraux dans les individus du corps qu'on vous propose de créer, encore faudrait-il que, par des instructions préalables et des examens, ils eussent justifié de leurs talents ; mais croyez qu'on ne veut que vous faire décréter la formation et les appointements de ce corps, et qu'une conséquence nécessaire que le comité n'aperçoit pas, sera qu'après le décret il existera sans école, sans règle d'avancement, et que vous en aurez fait une assurée pour l'intrigue et la faveur.
Je ne puis croire que l Assemblée nationale, qui a si vigoureusement scruté et poursuivi tous les genres d'abus, veuille en créer une source abondante dans le département de la guerre, en autorisant un corps qui n'a pu, dans le siècle des abus, malgré son grand crédit, se procurer une existence légale, et en creusant un puits perdu, où viendrait se rendre cette foule d'emplois superflus. Je le dis hardiment, on vous trompe en osant avancer que cette nouvelle création est nécessaire à l'armée : il ne s'agit, pour le prouver, que de jeter un coup d'œil sur les plus belles époques militaires de la France.
Si, contre mon attente, ce corps est soumis à des règles, à un mode d'avancement, à des examens, et si les fonctions auxquelles il prétend lui sont attribuées, c'est-à-dire s'il veut s'immiscer dans la construction des retranchements, l'indication des obstacles naturels, les dispositions fortifiantes pour la sûreté des postes ét quartiers, la reconnaissance du terrain, les opérations to-pographiques, les levées rapides et militaires faites pour exposer les opérations au général ou au maréchal général des logis, l'ouverture des communications pour les marches de l'armée, l'étude et la défense des frontières, enfin la liaison des points fortifiés, leur rapport, leur augmentation, etc. ; pour tous, vous créez un second corps du génie; l'un ou l'autre sont inutiles : il faut ou les réunir ou supprimer l'un d'eux.
Si, au contraire, vous voulez restreindre l'état-major à ses véritables fonctions, si vous voulez bien distinguer dans son service deux parties séparées par une ligne de démarcation bien prononcée, la première, ayant pour but les opérations que je viens de citer, et qui sont inséparables du corps du génie par sa compétence; et la seconde, absolument liée à la confiance intime et aux connaissances particulières de chaque arme, vous verrez qu'il est plus convenable de laisser aux généraux la liberté de choisir leurs coopérateurs dans toute l'armée; ces officiers rentreront dans leurs corps après la guerre, et le roi, auquel vous avez laissé la faculté d'une partie d'avancement hors de ligne, pourra, s'ils l'ont mérité, les élever à un grade supérieur.
Les sectateurs d'un corps d'état-major s'appuient principalement sur l'inconvénient qu'il y aurait de tirer ces officiers des différents corps militaires, à cause du vide que cela y ferait, vide contraire au service, et fâcheux pour des camarades qui sont obligés d'y suppléer. Analysons cette objection, puisque, malgré sa faiblesse, elle devient l'arme principale qu'on nous oppose. Dix officiers d'état-major, en les supposant réduits à leurs véritables fonctions, doivent suffire à une armée de cent mille hommes; sur ces dix officiers on doit présumer qu'il pourra s'en trouver de pris dans des corps à talents, tels que ceux de l'artillerie et du génie, ainsi que dans les autres corps qui ne seront pas à l'armée; ainsi ce nombre peut être réduit à quatre ou cinq : or, je le demande, ce vide peut-il être compté pour quelque chose dans une armée de cette force, lorsque le moindre événement pourra en faire un bien plus considérable, auquel on fait bien peu d'attention?
Le corps de l'état-major de l'armée a besoin, pour justifier sa préexistence, de s'attribuer une partie des fonctions du corps du génie ; mais peu familier aux opérations topographiques, il est nécessaire d'avoir à sa suite un corps d'ingénieurs-géographes militaires, qui soit le bouclier de sa science ou de ses opérations; d'où il est aisé de conclure que ce second corps ne peut pas plus subsister sans le premier, que le lierre qui grimpe sur l'ormeau, si cet arbre est déraciné.
Quoique le corps de l'état-major ji'ait jamais existé que d'une manière précaire, malgré la vérité des faits que j'ai avancés, je me plais à rendre justice à plusieurs de ses membres, dont j'apprécie le mérite et les talents, mais qui ne peuvent que me fournir une preuve de plus de la nécessité d'une instruction préliminaire, et qui ayant fait leur apprentissage ailleurs démontrent évidemment qu'ils auraient possédé, en temps de guerre, la place qu'ils occupent par le choix et la confiance des généraux.
Le comité militaire voudra bien se rappeler qu'il a été décidé unanimement, dans deux de ses séances extraordinaires, auxquelles ont été appelés grand nombre d'officiers généraux et autres officiers des différentes armes, que la partie topographique des camps et armées appartiendrait exclusivement au corps du génie, aux ordres et sous la direction du maréchal général des logis de l'armée, ou de tout autre officier supérieur, faisant, par les ordres du général, les fonctions d'adjudant général. D'après cette sage détermination, n'est-il point possible encore que ce corps d'état-major devienne inutile en temps de guerre? Je résume ce premier article, et je dis : En laissant au corps du génie les fonctions qui lui appartiennent par essence, et en rendaut tous les officiers de l'armée habiles à remplir les autres, on fait une opération simple, sûre, très économique, déjà éprouvée par l'expérience; on donne un puissant véhicule d'émulation à l'armée; d'où je conclus que l'état-major permanent, proposé par le décret du comité, est évidemment inutile.
Je crois que vous me dispensez de tout raisonnement tendant à vous prouver, en second lieu, qu'une dépense déplacée,de plus de 50,000 livres, est diamétralement opposée à l'intérêt de vos finances. Je passe donc à la troisième proposition.
L'état-major de l'armée est un corps purement mini&tériel, auquel on tient fortement, parce qu'il offrit de tous temps une porte ouverte à la faveur et à l'intrigue; nulle hiérarchie n'y futja-
mais observée ; il fut toujours un corps impolitique, immoral, distingué par des promotions illi* mitées et par des grâces arbitraires. Je panse, d'après cela, pouvoir avancer à juste titre qu'il est contraire à la constitution de l'armée»
11 me reste à dire un mot sur les aides de camp? les raisons que j'ai alléguées contre les adjudants généraux s'appliquent à fortiori à ces officiers. Il faut laisser un libre choix aux géné-raux^ou, si vous les obligez à recevoir ceux que vous leur donnerez, ils pourront bien les admettre dans leur société, les charger de faire les hon* neurs de leur table; mais, dans un jour d'affaire* ils vous prouveront leur inutilité en choisissant un oflicier dans la ligne pour porter et faire exécuter leurs ordres ; et si quelque objection leur est faite à cet égard, ils vous rappelleront les batailles perdues, non pas celles cependant qui l'ont été par des ordres mal donnés, mais celles qui ont été perdues par des ordres mal rendus. Les aides de camp sont donc une branche parasite de l'arbre militaire,
Je conclus à ce que l'Assemblée nationale rende le décret suivant :
« L'Assemblée nationale, délibérant sur le plan du ministre, relativement aux adjudants généraux et-aux aides de camp; considérant que les fonctions essentielles attribuées à ces officiers ne peuvent être remplies que d'après le choix et la confiance des généraux d'armée; considérant qu'il serait nuisible au bien du service de ne point faciliter ce choix généralement dans toutes les armes et sur tous les sujets qui en seront susceptibles par leurs talents; après avoir ouï son comité militaire, a décrété que les officiers de toutes les armes seront admis à un concours, d'après le mode d'instruction.qui sera déterminé ultérieurement; ceux qui auront montré le plus de talents dans les examens et dans les fonctions des officiers d'état-major que les généraux leur auront fait remplir dans les rassemblements de troupes qui auront lieu en temps de paix, seront inscrits sur une liste, sur laquelle les officiers généraux, employés à la guerre, choisiront. Ces officiers n'auront un traitement extraordinaire que lorsqu'ils seront tirés de leur corps pour être employés dans l'état-major de l'armée.
« Quant aux aides de camp» l'Assemblée nationale décrète qu'il n'y a lieu à délibérer. »
De tous les temps, le corps du génie a désiré envahir les fonctions de l'état-major. Le projet que Vous présente aujourd'hui votre comité a été unanimement adopté par 50 officiers présents à nos séances -, parmi lesquels se trouvaient 17 officiers du génie.
Comme il faut croire que dorénavant les troupes françaises seront souvent rassemblées, souvent campées et habituées, dans de grandes manœuvres, aux grands effets qu'elles sont destinées à produire devant l'ennemi, ilne paraît pas douteux qu'il soit avantageux d'établir* même pendant la paix, des officiers qui, par la nature de leurs fonctions, sont utiles dans les rassemblements, sont indispensables dans tous les grands mouvements.
Il suffit d'avoir vu un assez grand nombre de troupes manœuvrant pour reconnaître l'utilité des officiers chargés de diriger les colonnes, chargés de les introduire dans de nouvelles lignes de direction, plus spécialement tenus d'acquérir le talent du coup d'œil, le talent d'apprécier les obstacles, êt de vaincre les difficultés locales.
En rectifiant l'organisation militaire, ou supprimant les grades inutiles» vous avez sans doute eu pour objet de remettre entre les mains du pouvoir exécutif un instrument porté à son plus haut degré de perfection. Pourquoi donc suppri-meriez-vous, dans la machine militaire» nn roua-, ge dont i'indispensahilité vous est démontrée?
Le préopinant qui s'appose à l'adoption du projet de décret» présenté par le comité militaire, confond, dans son opinion, le régime ancien avec le régime nouveau. On oublie que, si dans le régime ancien, les officiers généraux, riches et avec des traitements considérables, choisissaient dans les grades inutiles de l'armée des jeunes gens riches, pour se les attacher comme aides de camp, il n'en sera pas de même dans le régime nouveau, puisque les officiers généraux ne 6ont pas tous riches, et que les grades inutiles étant supprimés, on ne pourrait* en prenant des aides de camp dans la ligne, que les ôter à des places où ils sont nécessaires, puisqu'on a réduit le nombre des officiers « celui indispensable. Enfin les aides de camp étant, ainsi que vous l'a an* noncé ML le rapporteur, soumis au même mode d'avancement que toute l'armée, ce genre de service ne sera plus, comme ci-devant, une carrière où la faveur offrait une route facile à l'ambition. Gomme il est enfin raisonnable de ne pas appeler à l'étatHmajor de l'armée, seulement les gens riches, et comme il est juste que les officiers y soient payés à raison de leurs grades, je demande la priorité pour l'avis du comité* et la question préalable sur la demande de M. d'Elbecq.
J'ai parlé Comme représentant de la nation et non comme officier du gé-nie,
On demande l'ajournement du projet de décret»
La question préalable extraordinaire sur l'ajournement est prononcée t
insiste SUr l'amendement proposé par M. d'Eibecq.
Après quelque discussion, l'amendement est rejeté, et le projet du Comité adopté ainsi qu'il suit :
L'Assemblée nationale, continuant son examen du plan général d'organisation de l'arnjée, présenté par le ministre de la guerfe, après ayolr entendu ie rapport de son comité militaire, décrète :
Art. 1er
Indépendamment des quatre-vingt-quatorze officiers généraux employés, l'état-major général de l'armée sera composé de trente adjudants généraux ou de division, lesquels, sous cette dénomination, remplaceront les trois états*ma^ jors de l'armée, existants aujourd'hui, en les réduisant à ce nombre d'officiers. De ces trente adjudants généraux ou de division, dix-sept auront rang de colonel, et treize, celui de lieutenant-colonel,
Art.2.
11 sera attaché cent trente-six aides de camp aux quatre-vingt-quatorze officiers généraux employés sur le pied de quatre par chacun des quatre généraux d'armées; de deux par chacun des trente lieutenants généraux* et d'un par chacun des soixante maréchaux de campj les premiers aides de camp de chacun des quatre généraux d'armée, seront colonels; les seconds seront lieutenants-colonels* lès deux autres, ainsi que ceux des lieutenants généraux et des maréchaux de camp, ne seront que capitaines.
Art. 3
Les dix-sept adjudants généraux, et les quatre aides de camp des généraux, qui seront colonels, auront 6,000 livres de traitement.
Les treize adjudants-généraux, ainsi que les quatre aides de camp des généraux, qui seront lieutenants-colonels, auront 4,000 livres,
Chacun des cent ving-huit aides de camp, capitaines, jouira de 1,800 livres d'appointement.
Art. 4,
L'Assemblée nationale ajourne de nouveau l'article du plan du ministre, relatif aux commissaires des guerres.
L'ordre du jour est la suite dé la discussion sur la contribution/ foncière et sur le, mode, d imposition,
(e\-devant de Delley-d'Agiet). Messieurs, le premier titre du projet dé décret de votre comité sur la contribution foncière, suppose deux choses :
La première, que le» expressions qui terminent l'article premier, à raison de leur revenu nett sont déjà définies et convenues; .
La seconde,que le revenu territorial du royaume est déjà connu, au moins par approximation,
Cependant, Messieurs, votre comité ne parait pas encore s'être formé une idée bien exacte de ce qu'on doit entendre par l'expression : à raison de leur revenu net, lorsqu'il s'agit de là répartition de l'impôt, puisqu'il vous propose, dans Par-ticle 4 du titre III, d'évaluéf ce revenu net d'après là Valeur locative pour les biens affermés, et par comparaison avec ceux-ci pour les bienS qui ne le sont pas.
11 ne présente non plus. Messieurs, aucune donnée sur le revenu territorial imposable en France; il annonce seulement dans l'article 2 du titre 11 un décret particulier, où la proportion de la contribution foncière dé l'année 17^1 avec les revenus territoriaux du royaume sera déterminée,
Mai» cela ne suffit pas; vous ave? besoin d'être éclaires avant votre délibération sur (à contribution foncière.
Ce que votre comité n'a pas. fait, Messieurs, vous ne pouvez vous dispenser 4e le faire ; et c'est pour y parvenir que je Vàis; vous poser quatre questions :
1° Qu'est-ce que le revenu net d'tine propriété foncière, lorsqu il s'agit de là répartition de l'impôt?
Dans quelle proportion doit-on répartir l'impôt foncier sur ce revenu net, à raison des diverses espèces de propriétés foncières?
3° A quoi peuvent se monter, d'après les calculs approximatifs, la généralité des revenus fonciers nets et imposables en France;
4 Comment obtenir dans un bref délai l'estimation particulière de toutes les propriétés foncières du royaùme, afin de pouvoir répartir la contribution foncière sur tous les départençients à raison dè leurs revenus fonciers imposables?
Première question ; QU'est-ée que le revenu net d'une proprîéfë foncière, lorsqu'il s'agit de la répartition de l impôt foncier ?
Jl faut d'abord, Messieurs, se pénétrer d'une première vérité, que l'impôt foncier doit être appliqué sur lés propriétés iopcièreSiet; non sur les possesseurs dé ces propriétés ; d'où il suit que l'impôt fôncier he doit porter que sur les capitaux fonciers, à raison du revenu net qu'ils doi-
vent produire naturellement, et en écartant tout moyétt industriel et extraordinaire.
D'après ce principe, vous apercevez déjà, Messieurs, combien le revenu net imposable peut différer du revenu net effectif instantané.
Ge serait tomber dans une étrange erreur politique, quede n'admettre que produit net, effectif, instantané pour la répartition de 1 impôt foncier. Ce revenu net pouvant ne dépendre que du plus ou moins d'industrie du propriétaire foncier, l'impôt perdrait son caractère de contribution foncière, et deviendrait presque toujours une contribution mixte portant sur la personne et sur ie fond,
Supposons, en effet, trois arpents de terre con-tigUs, d'une qualité absolument semblable, et' susceptibles des mêmes produits, possédés par trois propriétaires différents.
Le premier, insouciant, paresseux, néglige sa culture; son arpent ne lui rond que 6 livres de net.
Le second, homme ordinaire, satisfait de retirer de son cbamp ce qu'il eu avait espéré en y plaçant ses capitaux, suit exactement, sans autre industrie, la culture d'usage; son arpent lui rapporte ce qu'il devait naturellement rapporter> un revenu net de t2 livres.
Le troisième, propriétaire» cultivateur actif et industrieux, sacrifiant tout à la passion d'augmenter le» produits de sa terre, voit ses sueurs couronnées par des succès ; en ses laborieuses mains, l'arpent quadruple de revenu, il rendriet 48 livres.
Vous voyez, Messieurs, que le revenu net effectif, instantané de ces trois arpents, est l'un de 6 livres, l'autre de 12 livres, le troisième de 48 livres. Vous pourriez sans doute prendre en considération là différence de ces produits dans la répartition d'une contribution fnixte: mais, Messieurs, pour la répartition d'une contribution foncière, le revenu net, imposable de chacun de ces trois arpents doit être de 12 livres; et pourquoi ?
Parce que ces trois arpents ayant été supposés contigus, absolument semblables en qualité, représentent des capitaux égaux et de même espèce : or, l'impôt foncier ne devant porter que sur les capitaux, à raison du revenu net que ces capitaux doivent produire naturellement* et en écartant tout moyen industriel extraordinaire des capitaux égaux et de même espèce, doivent naturellement produire des revenus égaux, etçon-séquemment supporter une égale quotité d'impôt.
Ainsi l'homme négligent payera à raison de 12 livres et non à raison de 6 livres, parce que c'est par son fait que son arpent, qui devait naturellement produire 12 livres, n'en a rapporté que 6 livres.
Par les mêmes raisons de jùstioe et de politique, celui qui ne doit qu'à ses travaux extraordinaires des revenus extraordinaires, oet homme bienfaiteur de la société, puisqu'il l'enrichit, ne sera point grevé de l'impôt fonder pour la partie de ses bénéfices instantanés, qui ne sont point l'intérêt représentatif de capitaux fonciers, mais seulement les récompenses de son heureuse et utile industrie.
Nous poserons donc pour principe fondamental dans les. évaluations du revenu net des propriétés foncières pour la répartition de l'impôt foncier, que ee revenu net imposable n'est pas le revenu net effectif, instantané* résultant du plus ou moins d'industrie du possesseur de la propriété soumise à l'évaluation, mais le revenu net que celle propriété est dans le cas de produire ik-
turellement, et en écartant tout moyen industriel extraordinaire.
Ainsi, par exemple, une terre labourable quelconque doit à raison de sa fécondité naturelle et connue ; et en la supposant dépouillée de tous les arbres, arbustes, ou autres accessoires qui pourraient diminuer cette fécondité, cette terre labourable, dis-je, doit rendre ou multiplier tant de fois la semence qui y sera jetée (en supposant qu'on s'est conforme aux cultures d'usage).
Ce produit de tant de fois la semence représentera le produit net imposable de cette terre, lorsqu'on en aura déduit les frais de culture, de semence et de récolte, et que l'on aura divisé le restant par le nombre d'années nécessaires au retour de la même récolte.
Ce produit net ainsi constaté sera non seulement le seul imposable, mais encore celui qui devra toujours être imposé, et le propriétaire conservera l'entière liberté de laisser vaquer son champ, ou de lui faire produire, par les efforts de l'industrie, un revenu égal aux capitaux qu'il représente, comme cela arrive quelquefois en Flandre sur un arpent de lins qui n'éprouve aucun accident, et dans le midi delà France, sur un arpent planté de mûriers nains, lorsque la récolte des vers à soie réussit complètement.
Si vous rejetiez, Messieurs, cette base vraiment constitutionnelle que j'ai l'honneur de vous proposer, pour vous arrêter à la mesure versatile qui vous est présentée pour la répartition de l'impôt d'après la valeur locative et instantanée des propriétés foncières, vous anéantiriez l'industrie agricole, source première de nos richesses; vous compromettriez le sort de la contribution foncière, en la soumettant à l'arbitraire des évaluations comparatives sur le revenu net instantané ; évaluations toujours faibles ou rigoureuses en proportion des efforts de l'intrigue ou des ressources de la faveur : vous proscririez la bonne foi, vous appelleriez la fraude dans tous les actes publics ou particuliers sur les fermes et loyers : vous donneriez naissance à une multitude incalculable de réclamations; enfin,vous seriez obligés,chaque année, de renouveler les évaluations, ou d'accorder des dégrèvements dont la quotité s'accroîtrait bientôt sans règle comme sans mesure.
Alors, Messieurs, la contribution foncière, changée en un impôt mixte, arbitraire et désastreux, deviendrait une ressource incertaine pour l'Etat, et pour tous les propriétaires un fléau.
Ces vérités sont si simples que jene m'arrêterai pas à les développer ; cependant je demanderais a être entendu, si l'on cherchait à les combattre: en attendant, je conclus à ce qu'il soit établi comme principe constitutionnel :
Que la contribution foncière ne doit porter que sur les capitaux fonciers, à raison du revenu net qu'ils doivent produire naturellement, en écartant tout moyen industriel extraordinaire, et déduction faite des frais de culture, de semences, de récoltes et autres nécessaires à l'exploitation.
Ce principe posé, je.passe à la seconde question ! Dans quelle proportion doit-on répartir l'impôt foncier à raison du revenu net imposable your les diverses espèces de propriétés foncières?
J'ai dit, Messieurs, que des capitaux égaux et de même espèce devaient supporter, à raison de leurs revenus imposables, une égale quotité d'impôt ; mais én ajoutant et de même espèce, j'ai voulu maintenir dans la quotité d'impôt applicable aux revenus imposables résultant de plusieurs espèces de capitaux fonciers, la même différence qui existe dans la nature des revenus
imposables, produits par ces diverses espèces de capitaux.
Un exemple va rendre plus sensible ma pensée.
Les capitaux fonciers, qui exigent pour la production de leurs revenus, des cultures, des semences, des frais considérables de récoltes, des entretiens coûteux en vastes bâtiments, en outils et bestiaux de tous genres ; des revenus qui sont en même temps plus particulièrement soumis à la casualité, qui résulte de l'intempérie des saisons, présentent sans doute moins de solidité, moins d'avantages réels, que les revenus de capitaux fonciers, dont la production n'exigeant ni semences, ni culture, sont encore, par leur nature, moins exposés aux influences des saisons ; et cette différence dans la solidité des produits, est marquée bien davantage en faveur des capitaux fonciers, dont les revenus sont, pour ainsi dire, indépendants de cette influence, et exempts de tous frais de culture, de semences et de récolte.
Nous devons donc considérer, à raison de ces différences, dans la casualité des produits, trois espèces de capitaux ou propriétés foncières.
Première espèce : toutes celles soumises à l'influence des saisons, exigeant culture, semence et frais de récolte.
Deuxième espèce : toutes celles moins dépendantes de l'influence des saisons, n'exigeant que des frais de récolte, sans culture ni semence.
Troisième espèce : toutes celles, pour ainsi dire; indépendantes de l'influence des saisons, n'exigeant ni culture, ni semence, ni frais de récolte.
Non seulement la justice vous invite à frapper inégalement de l'impôt des capitaux dont le revenu présente de si sensibles différences dans leurs circonstances accessoires, mais vous sentirez, Messieurs, qu'une saine politique vous le prescrit, si j'ose le dire, plus impérieusement encore.
En effet, sans parler de l'industrie extraordinaire qui peut si prodigieusement augmenter les produits des capitaux fonciers de la première es-
Eèce, et par cela même porter la France au plus
aut degré de splendeur, il est une industrie ordinaire, mais nécessaire, et sans laquelle les capitaux de la première espèce resteraient morts et sans productions : or, le but de tout gouvernement éclairé devant être de favoriser l'industrie, la première espèce des capitaux fonciers doit être plus ménagée, dans l'application de l'impôt, que ceux de la seconde, et ceux-ci plus que ceux de la troisième, dont les revenus tenant moins essentiellement à l'industrie qu'à la nécessité, au goût ou à la fantaisie, sont plus assurés de la faveur, même sans encouragement.
Il est donc juste et politique d'établir une proportion quelconque dans la quotité de l'impôt foncier, appliqué aux trois espèces de capitaux ou propriétés foncières ci-dessus énoncés, à raison de leurs revenus imposables.
Dans mon opinion, Messieurs, j'ai déjà eu l'honneur de vous proposer une proportion dont la différence serait d'un huitième de la première espèce à la seconde, et de deux huitièmes de la première espèce à la troisième.
En sorte que si une vigne tenant à la première espèce, èt produisant 600 livres de revenu imposable, devait être imposée 100 livres, un pré (de la nature de ceux qui seront classés dans la seconde espèce des propriétés foncières) avec un revenu imposable de 600 livres, payerait 100 livres
plus le huitième de 100 livres, taudis qu'une maison de ville, tenant à la troisième espèce, payerait pour des loyers égaux à 600 livres en entier imposables 100 livres, plus, deux huitièmes de 100 livres.
Je ne dissimulerai cependant pas, Messieurs, les objections que l'on peut faire contre cette proposition en faveur des étangs, des bois et des maisons ; mais les étangs sont en général contraires à la salubrité de l'air ; ils sont le fléau des campagnes qu'ils avoisinent ; ils rendent impraticables le dessèchement de tous les sols moins élevés que la chaussée qui les contient; ils occupent presque toujours un espace qu'il serait possible, avec les ressources de l'industrie, de rendre plus utilement productif. Je regarde donc les étangs comme des possessions vraiment nuisibles ; et vainement leurs propriétaires nous présentent les frais énormes d'entretien qu'ils leur coûtent, on leur répondra toujours : la société ne doit favoriser que ce qui concourt essentiellement à sa prospérité et à son bonheur.
Les bois au contraire ne vous présentent, Messieurs, que des pressants motifs pour les conserver et les accroître.
Ici la prospérité de l'Empire semble liée à cette importante branche de notre économie rurale ; et nous devons examiner avec quelque attention l'influence plus ou moins fâcheuse de l'impôt sur cette espèce de propriété foncière.
1* Tous les semis et plantations de bois à venir étant l'effet de l'industrie, ne sauraient être portés dans la seconde espèce des propriétés foncières : les semis et plantations que chaque propriétaire pourra faire dans son champ ci-devant labourable, ne changeront pas, pour la répartition de l'impôt, la nature de ce champ ; il restera dans la première espèce où il aura été placé.
Il n'y aurait donc que les bois et forêts maintenant existants, susceptibles d'être placés dans la seconde espèce ; mais à cet égard, il est bien généralement reconnu que les bois taillis, en coupes réglées pour le chauffage, sont, de toutes les propriétés foncières, les plus utilement productives, les plus recherchées, celles dont le produit est le plus assuré ; et loin de perdre par la suite aucun de ces avantages, elles en acquerront de nouveaux par l'augmentation de la population, suite heureuse et nécessaire d'un gouvernement libre.
Nous devons donc être bien assurés qu'un citoyen éclairé, qu'un bon père de famille n'échangera jamais des produits aussi solides, n'exigeant aucune des avances en bâtiments, bestiaux, outils, semences, culture, etc., contre l'appât grossier de profiter, par la destruction de son bois, de la fécondité momentanée du terrain défriché, lorsque surtout ce défrichement ne changerait point la quantité de l'impôt déterminé pour cette classe de propriété.
Mais si le propriétaire de bois taillis, au-dessous de quarante ans, trouve et trouvera toujours son intérêt à conserver cette espèce de propriété, il n'eu est pas de même de celui qui ne possède que des futaies, dont les coupes, aussi rares que les siècles, produisent ces bois sans lesquels nos ateliers de terre et de mer ne sauraient s'alimenter.
Sans doute, Messieurs, toute protection, toute faveur doivent être accordées à ces généreuses spéculations, étrangères à l'égoïsme, et seulement permises aux vrais citoyens : vous devez encourager tous les possesseurs de forêts susceptibles
de produire des bois de construction ; et loin de placer ces propriétés dans la seconde espèce de celle que j'ai classée, vous devez, Messieurs, en faire une honorable exception, et avoir pour.les futaies une échelle particulière, dont la proportion serait graduée sur leur plus ou moins d'ancienneté ; en sorte que si la futaie de soixante-dix ans payait seulement, au moment de sa coupe,un impôt égal au dixième du produit net de cette coupe, la futaie qui aurait un siècle ne payerait qu'un vingtième.
Cette mesure, Messieurs, n'entraînerait qu'un bien léger déficit dans les revenus publics, et favoriserait la conservation des futaies qu'il est si essentiel d'encourager.
Restent les objections sur les maisons de ville. L'on prétend que dans la rigueur des principes elles devraient n'être imposées qu'à raison de la valeur du terrain qu'elles occupent: je réponds que l'impôt devant porter sur les capitaux à raison des revenus imposables qu'ils produisent, une maison représente un véritable capital qui se perpétue par les ressources et les dépenses de l'industrie, comme se perpétue, par les mêmes ressources et dépenses, sur un roc escarpé, une vigne de vin fin, vigne si prodigieusement onéreuse par la casualité de la récolte, l'incertitude de sa vente, et les avaries dont elle est susceptible.
L'on dit, en second lieu, qu'il n'y aura plus d'égalité entre les contribuables, si l'on déduit les frais au cultivateur, et si l'on ne déduit pas ceux des propriétaires de maisons.
Je réponds que je n'ai déduit au cultivateur que les frais de culture, de semence, de récolte, et autres nécessaires à l'exploitation, production ou recette de son revenu, et que ces frais étant nuls pour le propriétaire de maisons, je n'ai pu les déduire.
A l'égard des réparations, d'entretiens, le cultivateur n'a-t-il pas des bâtiments à entretenir et à réparer? n'est-il pas tenu à des dépenses de ce genre tout comme le citadin ?
On se fonde aussi sur ce que des revenus égaux ne doivent point être inégalement imposés. J'ai déjà répondu que ce qui constituait la véritable égalité n'était point l'égalité instantanée des revenus, et que lorsque, de deux revenus égaux en valeur numérique, l'un était casuel et l'autre assuré, très assurément celui qui ne craint aucune diminution accidentelle obtient, par sa solidité, une valeur d'opinion et réelle, qui le met dans le cas de pouvoir supporter plus d'impôts.
Le particulier qui a 1,000 livres de rente, produites par un loyer de maison très exactement payé, est bien plus sûr de ce revenu que le cultivateur dont le revenu imposable aurait été fixé par la loi à 1,000 livres, car une grêle, une gelée tardive peuvent détruire sa récolte, et engloutir à la fois le capital de ses avances et l'espoir de son revenu.
On m'objectera enfin, et je sens peut-être cette objection plus que personne, on me dira qu'en augmentant l'impôt sur les loyers, je vais peser sur les manufacturiers dont les ateliers exigent déjà de si grandes dépenses de cette espèce.
Je réponds que je n'aurais pas hésité à excepter les maisons des manufacturiers, si cette exception n'eût été dans le cas d'entraîner les plus grands abus ; mais ce que je n'ai pu proposer connue loi générale, peut s'exécuter par chaque municipalité sur son territoire, chaque ville étant principalement intéressée à conserver dans son sein les établissements de ce genre, qui augmentent
si sensiblement sa population, son Commerce et sa richesse ; et chaque ville étant plus à même de s'opposer aux abus, l'on pourrait autoriser ces villes à rejeter sur les habitants non Manufacturiers une partie dé l'impôt pour les loyers que ces derniers seraient dans le cas de supporter.
Cette mesure, laissée à la prudence et à l'intérêt des municipalités, serait sage, politique, et n'au* rait aucun des inconvénients d'une exception générale portée par la loi.
Je pense, au reste, que la proportion que j'ai eu l'honneur de Vous proposer pour la répartition de l'impôt foncier, est bien préférable a l'impôt sur les cheminées et fenêtres i ce dernier, surtout, deviendrait désastreux pour toutes les provinces méridionales où, pendant l'éducation dès vers à soie, toutes les pièces de presque toutes «s maisons servent d'ateliers.
Un impôt sur les fenêtres dans des circonstances où le renouvellement de l'air dans tous les appartements est un besoin aussi indispensable au succès de la récolte qu'à la Santé des ouvriers ; un pareil impôt, dis-le, serait un impôt barbare, et les pertes des récoltes et les maladies épidémiques seraient une suite inévitable de cette meurtrière imposition.
Abandonnons à nos voisins ce système fiscal, moins contraire sans doute à leur climat et à la nature de leurs occupations, et concluons qu'il sera distingué plusieurs espèces de propriétés foncières, dont les revenus imposables seront proportionnellement grevés à raison de la casua-lité et des frais plus ou moins inhérents à la reproduction de ces revenus. . Ce second principe posé, nous arrivons à la troisième question*
A quoi peuvent se monter, d'après des calculs approximatifs, la généralité des revenus fonciers imposables eu France ?
nïessieurs, les calculs approximatifs, qtiejevâis avoir l'honneur de vous soumettre, sont âp-' puyês sur des bases motivées. La plupart de ces bases m'ont été fournies par vos comités ; les autres sont le résultat de ce que nos connaissances en agriculture et commerce ont pu nous fournir de plus satisfaisant. Je ne me dissimulerai cependant pas que, malgré tous mes efforts pour approcher de la Vérité, je n'ai qu'un aperçu très imparfait ; mais au milieu dés ténèbres où nous sommes abandonnés, tous les points de ralliement deviennent précieux. J'ai cru qu'une analyse de tout ce .qui pouvait constituer en France lâ masse des revenus imposables» devenait un travail utile. Je m'en suis donc occupé, et je vais, Messieurs, vous en offrir l'hommage, en réclamant Votre indulgence et votre attention,
La France a 24 millions d'individus, consommant, les uns comportant les autres, 420 livres pesant de grains.
Sa consommation est donc 10 milliards 8Q millions de livres pesant.
L'on varie beaucoup, sur ce qu'une année commune produit, en France, de'grains au-dessus de cette consommation effective- Je supposerai cette surabondance d*un dixième; et Ce dixième, ajouté aux 10 milliards 80 millions de ii-vres donnent il milliards 88 millions dé livres pesant.
Il est nécessaire d'ajouter encore environ 40 millions de livres pesant pour la fabrication des poudres à poudrer, des amidons et autres emplois de grains et farines pour les préparations de commerce*
Nous aurons alors pour le total des grains récol-
tés en France, et semence déduite 11 milliards 128 millions de livrés pesant.
Mais cette quantité ne représente pas le revenu net imposable; il faut en distraire les frais de cultures et de récoltes. Or, ces frais étant dans une proportion excessive avec le revenu brut, dans les mauvais terrains et les pays dé petite culture, nous ne pouvons nous dispenser de les porter eu masse, et, l'un comportant l'autre, à moitié de ces 11 milliards 128 millions de livres pesant, qui Seront alors réduites à 5 milliards 564 millions délivrés pesant pour le revenu imposable sur les terres à grains.
. Ces 5 milliards 564 millions de livres pesant à 2 sols la livre, prix moyen, donneront en argent 556,400,000 livres de revenu imposable, et dim-pôt, à raison du sixième, comme tenant à la première espèce des propriétés foncières, 92,733,000 livres.
La France a environ 70 millions d'arpents en culture pour les grains.
Ces 70 millions d'arpents exigent pour leurs cultures et le transport des denrées, de grands bestiaux: ces grands bestiaux, réunis à ceux qui sont entretenus par le luxe et le commerce, peuvent être évalués à 5 millions de têtes.
Chacun dé ces grands bestiaux, indépendant ment de la paille, du grain et autres substances, consomme l un comportant l'autre, environ dix livres pesant de fourrage ou foin par jour, ce qui, pour les 5 millions de têtes, donne 18 milliards pesant de fourrage ou foin par an.
6 millions d'arpents de terre sont nécessaires pour la production annuelle de ces 18 milliards pesant de foin, à raison de 3,000 livres pesant l'arpent, terme moyen indique par l'expérience,
Mais de ces 6 millions d'arpents de prairies,un seul million peut et doit être évalue comme prairie permanente; les 5 autres millions d'arpents ne se trouvant qu'accidentellement dans des terres labourables, ne doivent être évalués que comme des propriétés de cette espèce,
Ainsi lé million d'arpents de prairie permanente. à 3,000 livres pesant de (foin par an, dont il faut ôter un tiers pour les frais de récolte, donnera pour chaque arpent un revenu imposable de 2,000 livres pesant de foin, valant, prix moyen de tout le royaume, 30 livres, et pour le million d'arpents, 30 millions de revenus en argent, .imposable, qui seront imposés, comme tqpant à la seconde espèce des propriétés foncières, au sixième, plus un huitième de ce sixième* c'est-à-dire 5,630,000 livres, 71
Les 5 autres millions d'arpents produisant accidentellement du foin ou des fourrages, doivent être divisés en deux classes. Les prairies artificielles annuelles ou bis-annuelles qui ne tiennent pas la place d'une récolte de grain et n'en suspendent point la culture: telles que les trèfles ou les vesces, pesettes, froissis, bisayes, etc., ne doivent point être évaluées ici ; elles n'ont occasionné aucun déficit dans ia masse des grains récoltés que nous avons portés ci-dessus en recette. Il ne nous reste donc qu'à estimer les pertes de grains qu'ont pu occasionner les prairies qui occupent les terrés labourables pendant plusieurs années.
Or les prairies c^e cette espèce n'excèdent pas, en France, 2 millions d'arpents. Ces 2 millions, évalués comme terres labourables de qualités bonnes ou moyennes, nous donnneraieut, l'une comportant l'autre, une quantité de grains imposables d'environ 120 livres pesant par arpent, valant, à % sols la livre, 12 livres pour l'arpent, et pour les 2 millions d'arpénts, 24 millions
de revenus imposables, dont le sixième, comme tenant à la première espèce de propriété foncière, sera de 4 millions pouf l'impôt.
Il y a, en France, environ 8 millions d'arpents de bois ou forêts.
Mais plus d'un million d'arpents sont susceptibles d'être conservés en futaie pour des bols de constructions. Nous avons observé combien il était nécessaire de favoriser cette conservation dans l'application de l'impôt, et de.réduire à une quotité très faible, graduée sur l'âge delà futaie, et Seulement payée sur le produit net et au moment de la coupe, l'imposition sur les fut aies susceptibles de fournir des bois de constructions. Je ne porterai donc cette partie de revenu imposable que comme mémoire.
Sur les 7 autres millions d'arpents, un million d'arpents, au moins, ne sont pas susceptibles d'être évalués en coupes réglées; ce sont des communaux, plus employés comme pâturages, que comme bois; ils seront imposés avec les propriétés dé ce geUFê.
Le3 6 miltlbns d'arpents restants peuvent offrir des moyens d'évaluation, en réduisant leurs produits en annuités. L'on peut, sans être exagéré, fixer à 7 livres 10 sols l'arpent, pour prix moyen, cette annuité ; ce qui,pour les 6 millions d'arpents de bols, donnera un revenu imposable de 45 millions; et pour l'impôt à raison du sixième plus le huitième du sixième, comme tenant à la seconde espèce des propriétés foncières, 8,427,000 livres.
Il y a, en France,environ 2,000,000 d'arpents de vignes: mais de ces 2,000,000 d'arpents, environ 1,400,000 arpents sont easuellemeht placés dans des terres labourables,par leur nature; de sorteque ces vignes, n'ayant dans ces emplacements acci* dentels qu une durée courteet précaire,ne doivent être évaluées qu'à raison du grain qu'aurait produit lé terrain qu'elles occupent; et comme ce terrain, accidentellement mis en Vigne, est ordinairement de qualité inférieure, noua ne porterons lé produit en grains, suspendu par la préférence dé la vigne, qu'à 6Q livres pesant ue blé par arpent pour le revenu imposable, ou à 6 livres d'argent, ne qui, pour les 1,400,000 arpents, donne 8,400,000 livres de revenus imposables, dont le sixième, comme tenant à la première espèce de propriété, donnera 1,400,Q00 livres pour l'impôt.
Les vjgnes susceptibles d'être évaluées comme vignes, celles dont la durée est, pour ainsi dire, permanente dans les emplacements qu'elles occupent, comme dans presque tous les pays de vignobles, peuvent être estimées à 600,000 arpents.
Le revenu net imposable de chacun de ces arpents est extrêmement diminué par là casua-lité deB produits, par les frais de culture, de récolte, de garde et aliment du vin, etc. Cependant les vins fins compensant les vins communs, le produit moven des vignes dé cette espèce peut être évalué a 48 livres l'arpent; ainsi les 600,000 arpents donneront 28,800,000 livres de revenus imposables, et pour l'impôt, à raison du sixième, 4,800,000 livres.
Il y a en France environ 16 millions d'arpents de terres vagues, landes, broussailles, pâtis, marais ou bas prés, dont le revenu, difficile à évaluer, n'est cependant pas absolument nul ; ils fournissent des pâturages à nos troupeaux, de tout genre. Nous avons aussi à porter dans cet article environ un million d'arpents de bois communaux, dont le produit, un peu plus réel, est cependant également difficile à apprécier» Je pense que nous ne devons, l'un comportant
l'autre, évaluer ces 17 millions d'arpents, y compris les bois communaux, qu'à uti revenu imposable d^environ lf millions à raison de 20 sols par arpent ; et comme toutes ces propriétés doivent être rangées dans la troisième espèce, elles payeront, pour l'impôt, le sixième, pli^s les deux huitièmes du sixième de ces 17 millions, c'est-à-dire 8,540,000 livres.
Les loyers des maisons de ville, en France, sont évalués eomme susceptibles de produire un revenu de 350 millions de livres.
J'adopte cette base, et Ces 350 millions de livres de revenu imposable donnent pour sixième, plus les deux huitièmes de Ce sixième, comme tenant à la troisième espèce des propriétés foncières, environ 72,900,000 livres.
Il nous reste les étangs* lés prés à tourbière, les matais salants, les emplacements pour les usines, les terrains, sacrifié! à ^exploitation des mines et carrières dé tout genre, et aux dépôts de matériaux ou objets fabriqués, exigeant des emplacements à l'air libre; enfin les terrains vacants danB les villes et leurs environs, etc. La plupart de ces objets tiennent à la troisième espèce des propriétés foncières ; et si nous les estimons, en masse, à un revenu imposable de 15 millions le montant de l'impôt peut aller à près de 3 millions de livres, en suivant les proportions indiquées pour les diverses espèces de propriétés.
Cette évaluation approximative des revenus fonciers imposables en France, dont les résultats noua donnent 14074,600,000 livres de revenus imposables, ôt 196,430,000 livres seulement pour la contribution foncière, en suivant les proportions du sixième pour les propriétés foncières les plus favorisées, doit vous montrer, Messieurs, que lorsaue j'ai eu l'honneur de vous proposer. environ 200 millions pour la partie en principal de la contribution foncière destinée au Trésor public, et à laquelle il faudra ajouter un immense accessoire, pour les réparations et dépenses locales, et le salaire des fonctionnaires publics, payés par lës districts et départements, vous voyez, Messieurs, que jé portais la généralité des impôts fonciers, principal et accessoire,, à plus du cinquième des revenus fonciers imposables en France ; et que lorsque votre Comité vous propose 3Q6 millions, indépendamment des mêmes accessoires (payés comme dèpmseS locales), il porte la totalité de la contribution foncière à très près du tiers des revenus territoriaux imposables.
J'abandonne, Messieurs, à Vos réflexions et à votre sagesse tout ce que cette effrayante proportion porterait d'alarmes chez l'habitant des campagnes, chez le peuple cultivateur, jusqu'ici l'objet de Vos plus chères sollicitudes.
L'on voudra m'objecter que souë l'ancien régime, les gabelles, les dîmes, les tailles," vingtièmes, capitations, cas de droits, ete , etc., pesaient, dans" tous les sens, sur les propriétés foncières, et qu'elles seraient encore soulagées par le remplacement proposé. Sans m'arrêter à prouver l'illusion de ce Calcul numérique, est-ce pour de légers et vains soulagements que nous. sommes ici rassemblés ? Lorsque le grana atelier, où se créent nos richesses de tout genre, languit et meurt éorasê sous le poids de l'impôt, suffira-t-il d'en changer la forme ?
Législateurs envoyés pour assurer les bases de la prospérité publique, en négligeriez-vous la sourcet
Ah ! bientôt tous les canaux desséché? n'offri-
raient qu'une diminution toujours croissante dans la masse de nos denrées, et nos impôts indirects éprouveraient les mêmes déficits; bientôt, n'ayant plus rien à vendre et tout à acheter, devenue tributaire de ceux qui l'étaient de nous, la France verrait successivement disparaître son numéraire et ses habitants.
Loin de nous, Messieurs, ce désastreux avenir ; hâtons-nous de consoler l'habitant des campagnes ; rendons-lui cette heureuse énergie, l'apanage de l'homme libre, mais qui ne saurait se développer sous les livrées du malheur. Vpus parviendrez, Messieurs, à ce but généreux de vos travaux, en proportionnant et bornant la contribution foncière aux seuls revenus naturels et imposables de ces propriétés, et en ne souffrant jamais que la totalité de cette contribution excède les deux cinquièmes de la masse des impôts directs et indirects.
Mais il ne nous suffit pas d'avoir examiné, par approximation, à quoi peut se monter, en France, la généralité des revenus fonciers imposables; il mut trouver, et c'est l'objet de ma quatrième question, un moyen simple, constitutionnel et partout admissible, pour une juste répartition de fa contribution foncière sur tous les départements, à raison de la quotité de leurs revenus territoriaux imposables.
Je dis toujours imposables; car je le répète, l'impôt foncier ne peut porter que sur les capitaux fonciers, à raison des revenus nets qu'ils doivent produire naturellement, en écartant tout moyen industriel extraordinaire, principe fondamental et constitutionnel sur lequel doit porter tout le système d'évaluation que je vais avoir l'honneur de vous soumettre.
Deux méthodes se présentent d'abord :
La première, d'évaluer les capitaux fonciérs, en écartant tous les accessoires instantanés qui pourraient forcer ou diminuer cette évaluation ; ensuite estimer le revenu imposable à raison du denier 33 de ces capitaux, l'expérience ayant démontré qu'en général un capital placé sur une propriété foncière, était placé à ce denier.
Le second moyen, c'est d'évaluer seulement le revenu imposable, d'après le revenu net naturel, et sans accessoires industriels extraordinaires, que doit produire la propriété soumise à l'évaluation.
Ces deux moyens, également simples en apparence, ne sont cependant pas également admissibles. Le premier a des inconvénients que n'offre pas le second.
1° Le produit naturel et imposable des propriétés foncières n'est pas partout et pour toutes les espèces de propriétés, à raison du denier 33 des capitaux qu'elles représentent : ainsi plusieurs propriétaires se trouveraient lésés et d'autres favorisés.
2° Il est plus difficile d'estimer les capitaux imposables d'une propriété foncière, que d'en évaluer le revenu imposable. Dans le premier cas, il faut dégager des capitaux fonciers, constituant la nature et la valeur imposable de la propriété, tous les accessoires qui ne la constituent pas essentiellement; et cette abstraction ne serait pas toujours aisée à concevoir de la part du commun des estimateurs.
Le second moyen sera infiniment plus à portée de l'intelligence deceux qui seront employés à ce travail, parce que si rarement un petit propriétaire s'est occupé de ce que peuvent valoir les capitaux fonciers des propriétés qui l'environnent, journellement il a été à portée de juger par com-
paraison, par ce tact que chaque cultivateur obtient de son expérience, sans même pouvoir en rendre raison ; il a été à portée de juger, dis-je, si, par exemple, il s'agit d'une terre labourable de son canton ;
1° Si la qualité de cette terre lui permet de porter du blé froment ou du seigle, ou simplement de l'avoine ;
2° Quelle quantité de cette espèce de grain il faudrait employer pour l'ensemencer selon l'usage du pays ;
3° Combien de fois, année commune, l'exposition de cette terre et sa qualité la mettraient dans le cas de multiplier sa semence, en supposant :
1° Qu'on a suivi les cultures et l'assollement en usage dans le canton ;
2° Que cette terre est dépouillée de tous les arbres, arbustes et autres accessoires, dans le cas de diminuer sa fécondité.
Cette masse de production (année commune) en grains, étant connue d'après le nombre de fois que la semence aura été multipliée, et cette semence étant défalquée, chaque cultivateur est en état de dire combien peuvent être évalués les frais de culture et de récolte, pour qu'on en puisse faire la déduction sur ce restant.
Il pourra encore dire combien d'années de repos cette terre exigerait pour reproduire une semblable récolte.
Il n'y a, Messieurs, aucune de ces données qui ne soit parfaitement à la portée de tous les cultivateurs qui se trouveront dans le cas d'être nommés comme experts, s'ils sont bien choisis.
Or, Messieurs, ce ne sera que d'après des bases aussi aisées, aussi simples, aussi généralement connues, que vous devez ordonner les modes d'évaluations.
Si les principes que j'ai eu l'honneur de vous présenter vous paraissent dignes de quelques considérations, j'aurai celui de vous soumettre un projet de décret, et une instruction sur le3 moyens d'exécution pour toutes les espèces de propriétés foncières. Cette instruction contiendra de nombreux détails ; je me bornerai à observer qu'elle portera une disposition contraire au projet du comité, sur les estimations. Le comité veut que les officiers municipaux estiment eux-mêmes. Je pense que les officiers municipaux sont des commissaires nécessaires pour surveiller l'estimation et à en donner acte ; mais qu'ils doivent laisser en entier l'estimation aux experts gommés à cet effet par les propriétaires fonciers du territoire.
Tel a été, Messieurs, mon premier travail sur la contribution foncière.
Les bases ne m'en ont pas été fournies par les résultats d'une brillante et souvent si trompeuse théorie, mais par la solide instruction qu'une longue et active pratique de toutes les parties de notre économie rurale a pu me fournir.
PROJET DE DÉCRET.
L'Assemblée nationale a décrété et décrète ce qui suit :
Art. 1er. Il sera établi sur toutes les propriétés foncières, sans exception, à compter du premier janvier 1791, une contribution foncière, dont la somme fixe et déterminée ne pourra excéder les deux cinquièmes de la totalité des revenus publics imposés directement ou indirectement, et sera répartie, dans une proportion relative à l'es-
pèce de ces propriétés, sur leur revenu net imposable.
Art. 2. Le revenu net imposable d'une propriété foncière sera toujours le revenu naturel qu'elle doit produire, en écartant tout moyen industriel extraordinaire, et déduction faite des frais de culture, de semences, de récolte (1).
Art. 3. Il sera fait trois classes de toutes les propriétés foncières du royaume.
Dans la première, seront portées toutes celles soumises à l'influence des saisons, et exigeant, pour la production de leur revenu, culture, semences, frais de récolte.
Dans la seconde classe seront portées toutes celles moins soumises à l'influence des saisons, n'exigeant, pour la production de leur revenu, ni culture, ni semence, mais des frais de récolte.
Dans la troisième classe seront portées toutes celles, pour ainsi dire, indépendantes de l'influence des saisous, n'exigeant ni culture, ni semences, ni frais de récolte.
Art. 4. Le changement momentané et provenant de l'industrie dans la nature du revenu ou l'exploitation d'une propriété foncière, ne la retirera pas de la classe où elle se trouvait précédemment* il n'y aura d'exception à cette règle que pour les terrains situés dans les villes et faubourgs sur lesquels il serait bâti des maisons.
Art. 5. La répartition de la contribution foncière, à raison du revenu net imposable, se fera de manière qu'avec des révenus égaux imposables, les propriétés foncières de la première classe supporteront une moindre quotité d'impositions que celles de la seconde classe, et celle-ci une moindre quotité que celle de la troisième classe.
Art. 6. Il sera fait une exception en faveur de toutes les futaies susceptibles de fournir des bois de construction, et dont les coupes ne se renouvelleront pas avant soixante -dix ans.
L'imposition pour cette espèce de propriété se réduira à un droit seulement payé au moment de la coupe, et proportionné au produit net imposable et à l'âge de la futaie, de manière que ce droit soit proportionnellement plus faible pour une futaie plus âgée.
Art. 7. Il sera nommé dans chaque municipalité, par les propriétaires du territoire, des experts qui, sous la surveillance des officiers municipaux, procéderont à l'évaluation et à la classification de toutes las propriétés foncières pour la répartition de la contribution foncière, en se conformant, pour les moyens d'exécution, à l'instruction annexée au présent décret.
(1).Messieurs, un grand peuple ne peut se servir collectivement lui-même, il lui faut un subside. Le subside est pour toute nation le moyen renaissant de salarier ses préposé', de faire usage de sa force politique dans toute l'étendue de ses relations, avec ses alliés, envers ses ennemis, et vis-à-vis d'elle-même; c'est, en un mot, le principe de vie du corps politique, et il devient sa plus funeste maladie, s'il se corrompt et s'il est excessif.
Un subside est pur et modéré, quand il est nécessaire, et lorsqu'il n'est payé que par les citoyens qui ont les facultés d'y participer. Il cesse d'être équitable, et il est la cause toujours agissante de dégradation et de faiblesse dans le corps politique, aussitôt qu'il est porté au delà des besoins d'un gouvernement éclairé, au premier moment où l'industrie des petits propriétaires, des commerçants, des cultivateurs, est opprimée, lorsqu'on tarit, dès sa naissance, la source des richesses particulières, quand l'homme qui ne possède rien est forcé de payer sa part de la contribution directe. Jouir gratuitement, sous l'égide de la loi, d'une protection constante pour sa vie et pour sa liberté, est une distinction qu'on ne peut envier à l'indigent, à l'homme qui, dans la société, n'a que des besoins et des espérances. Son travail habituel est sa part du subside.
Ce sont là des principes que je crois applicables à toutes les nations et à tous les siècles. C'est pour s'en être écartés que les peuples divers ont changé de noms, sans changer de malheurs : ils ont tous vu s'anéantir leurs forces publiques, en proportion de ce que leurs injustices augmentaient envers les citoyens. Partout où l'impôt est devenu trop oppresseur, le désordre s'en est suivi, le gouvernement a été renversé, ou le peuple a disparu par la conquête.
Comment établir un mode d'impositions générales qui nous sauvent de ces malheurs et qui remplissent les conditions précédentes? Voilà ce qui va m'occuper.
Je diviserai mon système général en trois classes, et sous trois dénominations distinctes t. l'impôt territorial, la contribution personnelle, et le subside indirect. Je vais considérer l'impôt, tour à tour, sous ces trois rapports.
Rien n'est si attrayant, au premier regard, que de n'adopter qu'une seule contribution, de l'affecter sur les propriétés foncières et de la lever en nature. On est d'abord porté à croire que les propriétaires des terres tiennent dans leurs mains, d'une manière absolue, la subsistance des peuples; que par cette puissance constitutionnelle ils sont assurés de faire la loi aux non-propriétaires, et qu'ainsi, lors même que la nation les obligerait de payer seuls l'impôt, ils auraient toujours la force de le rejeter définitivement sur les consommateurs.
On se trompe; ce mode d'impositions a très peu d'avantages, et présente une foule
d'inconvénients : dàns l'assiette, il est incertain et immoral; il est soumis à la variation
des récoltes, et il est indispensable qu'il soit fixe; il charge le plus le cultivateur qui a
le plus d'industrie, de générosité pour la terre, d'économie, de vertus agricoles et
sociales. Dans la perception, il a tous les vices de la dtme ecclésiastique que vous avez
abolie, et dont impolitiquement vous retracerez 1 image : perte de grains, transplantation de
fourrages, frais inutiles, abus de temps, déplace-
L'impôt territorial, de principe exaet, n'est donc évidemment convenable qu'en argent, et en ne taxant chaque arpent de terre que suivant le re-venu net* s'il est possible de le connaître, mais actuel surtout, comme a voulu* sans doute, vous le proposer votre comité. Alors, nulle incertitude dans la perception, et nulle injustice dans l'assiette. Par là, je ne charge que l'excédent de ce qui appartient aU cultivateur, et de ee qui retourne en avances à la terre; je ne soumets à l'imposition que la masse réellement circulante des richesses, sans acceptation des personnes ; et pour due oet impôt exprimât parfaitement l'Intention du législateur, je désirerais, si l'on pouvait y parvenir avee clarté, qu'il n'y eût de transcrit sur le rôle que le nom ou le numéro dos biens de campagne, et des maisons, et non estai des propriétaires : j'adopte, à plus forte raison, ce que votre comité vous propose, que ce soit, chaque année, l'exploitant qui paye cet impôt à la caisse du district* sous la caution du sol, et avec son recours sur le propriétaire.
Mais si cet impôt était unique ou rigoureux, il serait encore extrêmement vexâtolre. II serait injuste, parce qu'il porterait en entier sur leé hommes qui cultivent.la terre. Ils ne peuvent payer la contribution que dd leur excédent; Ils ne sont pas assurés de le vendre à un prix raisonnable* dans les années d'abondance; cet excédent est quelquefois presque nui, et la cherté du grain, dans les années de disette, n'est point ainsi un dédommagement pour eux. Il serait injuste, parce que les propriétaires sont subordonnés à la sage loi prohibitive de l'exportation des grains hors du royaume, dans les années peu favorables, et longtemps encore après. Il serait injuste, parce que le cultivateur est obligé de se conformer à la bonté des blés pour le temps de leur conservation. Il serait injuste, parce que beaucoup d'hommes sont heureusement mus par la sensinilité compatissante, qui triomphe de l'intérêt personnel* qui empêche d'abuser a l'excès des circonstances pour rendre extrême le prix des denrées de première nécessité, parce que les hommes qui n'éprouvent point ce divin sentiment, risquent, malgré l'action de la force publique, de provoquer les insultes et les mouvements du peuple; effet redoutable qui, dans des mouvements de trouble, reste impuni et qui, sous la victoire des lois, en préparant le chàtifc ment des coupables, n'en met pas moins une borne invincible à la puissance du propriétaire et du fermier, et un frein à leurs avides spéculations.
Je crois, ainsi que le comité, que l'impôt ter-* ritorial peut s'élever jusqu'à 230,240 millions, dans la refonte générale des subsides, ce qui fait àpeu près la moitié des contributions du royaume. Jé me détermine pour 240 millions, par la nécessité des circonstances, parce que l'impôt territorial des villes vient ici un peu à la décharge des campagnes, et par la certitude où l'on doit être que si nos contributions excédaient nos besoins, elle les serviraient, payant nos dettès en remboursant des rentes constituées, et en diminuant les impôts de la prochaine législature.
Je n'attribue pas une grande importance à la rondeur commode de division de cette somme de 240 millions, et je voudrais surtout qu'elle ne fût point constitutionnelle. Aucun impôt fixe ne me semble s'adapter à la vicissitude des événements.
On peut bien dire, en Constitution, que l'impôt territorial existera, et même tel autre impôt, maisnonde quelle somme ils seront à perpétuité.
Il paraît constant que, soit en capitation, en taille, en accessoires, en dixième, en gabelle, en dîme, en tabac, le territoire de la France était grevé de plus de 280 millions ; mais plusieurs de ces droits étaient dépendants de la nature des productions, ou de la volonté du propriétaire, Les prés, les bois, dans certaines provinces, ne payaient point de dîmes; un propriétaire rachetait donc son champ de la dîme, en le mettant en prairies artificielles ou en bois taillis, lin Citoyen consommait plus ou moins de sel, plus ou moins de tabac; enfin* l'Impôt divisé, pèse moins sur l'imagination que l'Impôt réuni en un seul fardeau. Il n'en est pas moins vrai cependant que vous déchargea de 40 millions d'impôt le territoire, que vous favorises les anciens contribuables sans privilèges, de la somme que les oi-de* vant privilégiés vont supporter, et que vous couronnez les bienfaits par le bienfait sans prix de la liberté,
Je suis loin d'accueillir les sols pour livres que votre comité vous propose d'ajouter à la base qu'il adopte. 300 millions d'impôts ne seraient point payés par les Gampagnes, Ne rendons point nos débiteurs insolvables, Ces sols pour livre excéderaient ce que le territoire payait oi-devant d'impôt, et ils ressemblent trop à des pierres d'attente d'une périodique augmentation. Des pierres d'attente pour l'impôt sur l'agriculture ! Messieurs, vous en faites la réflexion comme moi i les seules pierres d'attente de cet impôt* sont les améliorations que nous protégerons, les dessèchements de marais immenses, les défrichements des vastes étendues de terres incultes, les replantations des forêts dévastées, l'abondance générale produite par nos bonnes lois agricoles et commerciales, Les campagnes opprimées espèrent obtenir du soulagement du nouvel ordre de choses, Faites-leur aimer la liberté naissante. Songez qu'un de* nier de trop de subside exigé d'elles, peut rede» venir le germe du despotisme, et d'un désordre semblable à celui d'où nous avons tant de peine à tirer nos finances. Daignez vous rappeler* Mes* sieurs, ce que j'ai déjà eu l'honneur de vous dire à cette tribune ; c'est du sillon tracé par la charruç que sort la subsistancedu peuple; c'est dans le sillon que renaît le subside et que va reposer ia Constitution. Prenons sojn de l'y élever ; donnons-lui le temps do deyenir robuste* et nous pourrons tout espérer de ses brillantes destinées.
Il me paraît indispensable de conclure de ceci* qu'il ne faut ni tout, ni trop exiger directement du propriétaire de terre, dont le pouvoir est borné, variable, et toujours dépendant de la puissance, de la bonté des lois administratives et de l'activité du commerce qui en est l'effet. Il me paraît qu'il faut en conclure que 240 millions sont le dernier terrue de l'Impôt territorial, et que vous vouliez en rendre une parité CQôstltuiloùoeUâ, 200 millions seraient asseg, parce que les rentes viagères éteintes, l'impôt général doit se réduire à 400 millions.
L'impôt territorial défini et fixé, je vais vous parler, Messieurs, de la Contribution personnelle-Cette taxe ne serait que de circonstance : elle serait assise, d'une part, sur les misons habitées des villes, sur les maisons de plaisance oi leurs enceintes, et sur les logements, les jardins et les enclos entourés de murs, de fossés ou de haies vives, tenant au domicile de tous les propriétaires, cultivateurs ou fermiers; et d'autre part,
sur tous les immeubles fictifs, comme contrats de constitution, et rentes (Jetoute espèce, dues par le gouvernement oh par des particuliers, tous objets qui présentent des facultés connues OU faciles à vérifier, mais non sur les richesses mobilières de quelque nature qu'elles soient, que le temps détruit, qui soût les ressources des citoyens, et qui, parletir fabrication, excitent aux consommations, et assurent du travail aux artisans.
Cette contribution serait classée et graduée sur le prix connu des baux, ou sur le loyer estimé, suivant ce que toutes les malsons pourraient être louées dans les pays où elles sont situées. A ce moyen il n'y aurait nul arbitraire, et ie n'imposerais ni le commercé, ni l'industrie d'exploitation. Je ne soumettrais une seconde fois à l'impôt que la partie du manoir qui est ordinairement la plus soignée et la plus féconde, et il y aurait un taux déterminé de loyer, où la contribution ne serait point payée par les pauvres citoyens, parce qu'il serait injuste que le pauvre payât comme lek riche, même proportionnôment; ceci est une suite du principe qui vous déterminerait à n'établir, si vous le pouviez en Cé moment, l'impôt territorial que sur le revenu net. Par la contribution personnelle, je rais payer aux maisons, en outre de leur impôt territorial que doit le propriétaire, un impôt sut leur immensité, par le locataire; je modère l'excès de l'art de la truelle qui a ruiné plus encore qu'embelli la France, et je m'assure qv^'à l'avenir la population seule et l'opulence véritable, et non la fantaisie et l'effort dangereux du moment multiplieront les habitations.
Par la contribution personnelle, je fais contribuer les rentes, qui sont çe qu'il y a de plus clair en reVenu ; je fais payer les créanciers de l'État, qui doivent eux mêmes, â titre de propriétaires d'immeubles fictifs, subvenir, à l'acquit de la dette. Je mets un frein aux emprunts, à i'égoïsme, et même au qélibât.
Par la contribution personnelle» j'assimile avec justice tous les divers contribuables. Le propriétaire de terres paye l'impôt territorial, l'impôt du loyer, et l'impôt des consommations; le rentier payera dans l'avenir l'impôt de sa rente à la nation, celui de son loyer, et celui sur lés consommations ; les rentes anciennement Constituas exigeront une modification, et payeront de moins à 1a nation ce que le débiteur a le droit de retenir, Ceçi, Messieurs, est le développement des idées de votre Comité, qui lais$eaVeC raison tôute liberté dans les clauses des contrats.
On ne pêut dire précisément à quel point la contribution personnelle pourra s'élever; cependant par approximation, et eh fixant cette Contribution au douzième pour les maisons, et au huitième qui équivaut à deux vingtièmes et demi sur toutes les rentes, excepté les pensions du gouvernement, je pense qu elle s'élèvera très facilement à 80 millions. Je pense encore nue la moitié pourra porter sur les maisons des villes, un quart sur les maisons de la campagne, et un quart sur tous les immeubles non territoriaux ou fictifs. Cette contribution,qui est inférieure à la somme des rentes viagères, diminuerait en proportion ae l'extinction de ces rentes. Les maisons, en commençant par celles de la campagne, ne payeraient plus, un jour» que l'impôt territorial de surface de terrain. Toutes les maisons une fois affranchies, la partie de la contribution personnelle sur les immeubles fictifs, et sur toutes les facultés mobilières disparaîtrait à son tour. Alors cet impôt, punition de nos anciennes erreurs, cette taxe
de circonstance, s'anéantissânt, rendrait l'homme à sa franchise naturelle, et ajouterait ce qui man-^ quera, malgré nous, k là dignité du citoyen. Tout français, dans l'avenir, ne serait soumis qu'aux deux espèces d'impôt que la raison, l'expérience et la politique autorisent ; l'impôt territorial et le subside indirect qui se Servent mutuellement de çontre-poîds.
La troisième partie des impositions, Messieurs, est le subside indirect, impôt plus compliqué que les deux autres, mais dont je me propose de vous éclaircir également les principes.
J'entends par subside indirect toutes les impositions qui ne sont ni territoriales, ni personnelles, mais sur le hasard des choses, sur les. consomma-tions.U embrasse les droits de traites aux frontières, les droits d'entrée sur les boissons et autres denrées aux barrières des Villes; les droits réunis, gradués et épurés du contrôle des actes, d'insinuation, de centième denier, compris, comme le projette votre comité, dans un seul droit d'enregistrement; le droit modéré de timbre sur tous les billets à ordre, toutes les lettres de changé, toutes les quittances, tous tes ouvrages d'imprimerie^ tous les journaux, toutes les feuilles périodiques, tous les cartons, tous les papiers qui tiennent aux arts d*agrément ; un simple droit sur la vaisselle d'argent, et sur tous les bijoux d argent et d'or, le droit de marc d'or, les revenus de la régie de la poste aux lettres, cent de la ferme des messageries, ceux de la ferme du tabac, conciliés avec la liberté, et généralement tous les droits qui pourront être conservés sans tyrannie.
Les diverses branches de Subside indirect atteignent chaque Citoyen suivant les proportions de sa fortune, et je vois seulement avec regret que celui qui est Indigent en paye une partie; mais cela tient à la nature, à l'imperfection inévitable de nos institutions, et si quelque chose petit m'en consoler, c'est la réflexion qui se présente à moi t que le citoyen, quelque indigent qu'il Soit, protégé par les fois, leur doiç rigoureusement, gous quelques rapports, uh tribut de sa reconnaissance.
Le droit sur les actes n'appelle l'imposition que dans les circonstances où chaque citoyen a les facultés dé la payer, où il sent qu'il est plus spécialement protège par la force publique, ét il en résulte une opération qui sert de second sceau à la loi, et qui est utile à la génération présente et à la postérité. Le timbre est le seul moyen d'obtenir une contribution du riche avare, qui déguise sa fortune, qui a beaucoup d'effets sur les places de commerce, qui se loge humblement avec ses richesses, et qui jouit en épargnant en---core sur ses consommations. Les droits d'entrée aux frontières et aux portes des villes remplissent le but difficile à atteindre de faire contribuer, selon les vicissitudes du prix des comestibles et des marchandises, les étrangers, les possesseurs d'un grand numéraire inactif, et tous les gens de mauvaise foi qui auraient la possibilité ou le projet d'échapper à tout autre impôt; le droit sur la vaisselle d'argent, et sur les bijoUS •d'argent et d'or, vérifie la fidélité de l'artiste, et tempère le luxe; Bans ie détruire»
Je ne suis point de l'avis des prêopinants qui ont admis, dans les diverses branches de Ce subside, un impôt sur les domestiques que je regardé comme flétrissant et inhumain. Comment, Mé^ sieurs, les représentants de la nation toléreraient qu'un homme pût librement loger chez mi l'opjet de ia corruption de ses mœurs, et ils le taxeraient pour un domestique honnête et souvent respéc-
table, que les infirmités peuvent lui rendre né- t cessaire? Je n'adopte pas d'avantage tous les autres droits intérieurs et inquisitoires sur le luxe de commodité, tels que ceux sur les chevaux et sur les voitures.
Rien n'est si essentiel que d'encourager l'éducation et la multiplication des chevaux en France, et l'Assemblée nationale ne doit pas perdre de vue qu'un impôt sur les voitures ôterait la subsistance à des milliers d'ouvriers."
Prenez garde, Messieurs, que vous déplaceriez l'impôt, et que vous pourriez faire payer deux fois à la même personne le droit qui n'est dû qu'une fois dans son principe. A l'entrée des villes on paye le droit général de consommation. La taxe personnelle satisfait à ce que peut devoir le luxe de commodité. Le sol, par l'impôt territorial, rend à la société protectrice ce qu'il lui doit. Dans un vaste Empire, il est impossible qu'il n'y ait pas, ou plutôt il serait très malheureux qu'il n'y eût point un luxe fondé sur l'embonpoint, mais non sur la bouffissure, comme le luxe qui existait ci-devant. Cet embonpoint sera réel, lorsque Ja culture du territoire, le commerce et l'industrie auront toute leur force. Dans une petite république, les lois somptuaires peuvent être excellentes, elles sont apoplectiques pour les grands Empires. Les corps politiques faibles ont besoin de tout conserver. Ceux qui sont vigoureux ont à se débarrasser d'un superflu. Le luxe est semblable à la transpiration des corps vivants : la déperdition d'un géant doit être plus considérable que celle d'un pygmée.
Un préopinant a fait entendre que le droit de-timbre est autant tyrannique que celui qui pèse sur les domestiques, sur les chevaux et sur les voitures. Je lui réponds qu'il en diffère d'une manière très remarquable, et que ce droit dérive des principes mêmes de la Constitution. 11 serait à désirer que tous les impôts pussent n'avoir jamais de rapport aux personnes, et ne se diriger que sur les choses. L'impôt territorial remplit ce but. La contribution personnelle, taxe de circonstance, y est tout opposée, et, par cela même, est et sera toujours le plus abusif des impôts. Le subside indirect, auxiliaire naturel de l'impôt territorial doit et peut éviter cet abus. Plus l'impôt se généralise, est extérieur et précède l'action, et moins la volonté du citoyen se trouve offensée. Je voudrais avoir toujours payé avant que d'agir; n'être jamais connu du percepteur, et je me croirais libre. C'est ce que m'accorde le timbre : mais si chaque année, tous les six mois, par quartier, vous envoyez dans ma maison, compter mes chevaux, recenser mes domestiques, inspecter mes voitures, je me crois à Constantinople et non à Paris, et je me défais de tout l'équipage.
Telle est l'idée que je me suis faite du subside indirect que les probabilités permettent de porter à cent quatre-vingts ou deux cents millions. Je le regarde comme 1 anticipation la moins usuraire de l'impôt territorial. Si l'on parvient à tenir à un prix modéré des subsistances communes, dont la classe inférieure du peuple se nourrit, la France pourra soutenir la concurrence de la main-d'œuvre vis-à-vis de l'Augleterre, qui n'a la supé-' riorité maintenant sur nous que par ses mécaniques, et ce mode d'impôt me semblera très patriotique, très politique, et adapté surtout à la circonstance, où il faut tendre à faire entrer con- ' tinuellement du numérairedans letrésornational, et à faciliter la circulation des espèces. Il a, je le sais, l'inconvénient d'être dispendieux à percevoir, mais cette perception fait vivre des hommes qui
peuvent être considérés comme des gardiens secondaires de la sûreté publique.
Il me reste à demander, Messieurs, comment vous diviserez avec justice, vous assoirez avec confiance, et vous percevrez avec promptitude ces trois impôts. Quant à la division, vous n'êtes point assurés de ce que vous rendra le subside indirect; vos bases territoriales ne sont pas parfaitement connues; la contribution personnelle n'offre pas moins d'incertitude. Vous avez besoin decinqcentsmillionsd'impôts, vous êtes donc forcés de vous donner une certaine latitude, et d'augmenter un pçu la mesure d'un des trois. Le subside indirect, sous sa nouvelle forme, n'est point connu ; il est le moins susceptible de donner, d'ici à quelque temps, des résultats certains. Ge n'est que par la succession des années, et quand ses produits seront bien constatés que ce subside pourra devenir l'extension juste, et en même temps variable.de l'impôt territorial, d'après les besoins plus ou moins grands de la patrie, et les décrets des législateurs; c'est le subside indirect qui devra alors recevoir des sols pour livre dans les divers besoins, et non l'impôt territorial, tant que ces deux impôts ne seront pas en égalité.
Entre la contribution personnelle et l'impôt territorial, je préfère encore que la contribution, taxe de circonstance, éprouve plutôt une augmentation que l'impôt sur les terres.
La taxe de circonstance tendra à s'éteindre en proportion des rentes viagères ; la charge sur le territoire est permanente, et communiquant directement ses mouvements à l'impôt de consommation, elle porte dès lors d'une manière sensible sur la classe indigente, effet que ne produit que peu, ou point, la contribution personnelle.
Après avoir divisé l'impôt sous ses trois dénominations, il sera question de l'asseoir.
Pour avoir des bases certaines de l'impôt territorial, il est indispensable que nous ayons des départements les renseignements de ce qu'en 1790, la dîme et la contribution des ci-devant privilégiés ont produit, les rapprochements des états des départements, et des déclarations du clergé peuvent contribuer à nous éclairer, en y joignant l'aperçu des anciennes contributions territoriales de tout genre que nous a donné le comité; car c'est là notre vraie base du moment.
Vous connaissez, Messieurs, la contribution actuelle des maisons des villes. Vous connaîtrez les facultés personnelles en immeubles fictifs, d'abord par la bonne foi des citoyens patriotes, et peut-être par l'expédient que voici ; mais j'avoue que cet expédient est sévère. Vous soumettrez certainement tous les nouveaux contrats à un droit quelconque d'enregistrement : ne pourriez-vous pas obliger les contrats anciens à se présenter aussi à l'enregistrement, au lieu du domicile, mais sans payer de droits; et ce ne serait qu'après cette formalité, qu'ils continueraient de jouir de l'hypothèque privilégiée sur les contrats de date postérieure et sur les billets simples ? Une autre manière serait encore de consulter les dépôts des actes, mais ce dépôt doit être sacré et ne doit jamais être consulté que par les citoyens intéressés à l'acte. Relativement aux rentes constituées ou viagères sur l'hôtel de ville de Paris, les registres ouverts vous instruiront.
Le quart, sur les maisons des campagnes, peut être réparti au marc la livre de l'impôt territorial actuel par département, dont le directoire jugera quelles modifications seraient convenables par district et par municipalité. Cette base serait peu
fautive; on sait que les habitations suivent la richesse ou la culture.
Il est impossible de calculer autrement que d'après les anciennes recettes, jointes à quelques nouvelles combinaisons, les produits du subside indirect ; la probabilité est sa preuve. Le calculer, c'est l'asseoir. Il peut y avoir des erreurs, mais elles peuvent être dans l'excès comme dans le déficit. Cet impôt ne cessera d'être une espèce de loterie que lorsqu'il sera garanti par la richesse du territoire, la confiance et la liberté.
Vous le savez, Messieurs, pour perfectionner notre ouvrage, il faudrait encore faire cadrer bien exactement les nouvelles impositions de chaque département avec les bases rectifiées des anciennes ; mettre tour à tour dans la balance le sol d'un département avec le sol de chacun des 82 autres ; il faudrait considérer quelles sont les provinces pastorales plutôt qu'agricoles, parce que les provinces pastorales sont destinées à avoir toujours plus de terres incultes et moins de revenus constants que les provinces proprement dites agricoles; il faudrait encore observer les améliorations possibles, le génie et l'industrie actuels des anciennes provinces, la quantité plus ou moins grande des propriétaires qui font valoir eux-mêmes leurs biens; le pays où il y a le plus de propriétaires exploitants, étant toujours le plus solidement riche. L'Assemblée nationale ne peut se flatter de ne point errer dans celte opération; elle y marchera entourée de nuages, de bourdonnements, de clameurs et d'infidélités. Mais quand elle commettrait quelques erreurs momentanées, elle ne sera coupable d'aucune injustice, parce que sa volonté sera pure ; mais pour ne rien négliger, sortir avec gloire de cette grande opération, et résoudre lesdifticultésinterminables qui se présenteront, l'Assemblée nationale ne pourrait-elle pas se servir des trois bases constitutionnelles qu'elle a adoptées pour la division du royaume : 1° les impositions anciennes et directes ; 2° la population; 3° l'étendue du territoire? Dans le chaos de nos incertitudes, je ne connais, en dernier lieu, que ce fanal triangulaire qui puisse nous servir de ralliement. Mais ne perdons jamais de vue qu'il faut s'attacher de préférence à la base des anciennes contributions.
Ma dernière discussion, Messieurs, va traiter en peu de mots, de la manière la plus sûre et la moins onéreuse de faire la perception des impôts. Je rentrerai beaucoup ici dans le plan de votre comité.
L'impôt étant déterminé, je mettrais à l'enchère, au rabais, par municipalité, la levée de la contribution. Le citoyen solvable qui s'en chargerait, au plus bas prix, en serait le fermier, pour le temps convenu. Ce prix serait réparti sur tous les contribuables, en addition au rôle. Chaque mois le contribuable payerait la douzième partie de sa contribution. Le percepteur serait obligé d'avancer le premier mois, et de verser chaque mois le douzième de la contribution dans la caisse du receveur de district. Les contribuables qui seraient trois mois sans payer, y seraient contraints, non par un intérêt d'argent, qui ne fait qu'aggraver la pénurie de moyens, mais par la saisie aux moindres frais d'une partie de leurs grains ou de leurs meubles non agricoles, pour le montant de la somme due. Chaque mois le rôle du percepteur, .visé par la municipalité, serait présenté au district. Ainsi tout serait connu, tout serait prévu; il y aurait une continuité dans la recette et dans la perception. L'impôt serait ce qu'il doit être, image des sources pures, fécondes
et intarissables, qui, sans cesse, donnent et reçoivent leur onde, l'impôt coulerait sans interruption dans ses canaux divers.
Avant de me résumer, Messieurs, je vous prierai de me permettre encore quelques réflexions sur la recette des subsides.
Vous paraissez désirer d'économiser les appointements du trésorier de département; mais si vous n'établissez point ce trésorier, n'y aura-t-il point à craindre quelques embarras dans les versements? Lës receveurs des districts seront tenus de faire voiturer leurs fonds jusqu'au Trésor public. Cette nécessité de parvenir à la grande route obligera souvent à un transport et à une escorte, à de grandes distances, et par des chemins difficiles. Les avances d'un mois du trésôrier de département remédient à ces retards inévitables, et font une partie de son cautionnement.
De plus, il est important que chaque assemblée de département connaisse, dans tout le cours de l'année, le compte des recettes et des dépenses. Les bordereaux des trésoriers de districts, visés par leurs directoires, pourraient l'éclairer; mais combien il est différent d'avoir près de soi un trésorier comptable, qui soit à même de représenter à chaque instant l'état de la dépense.et de la recette, d'élever les difficultés qui se présentent accidentellement pour les payements, et d'entretenir une correspondance claire et détaillée avec la caisse de l'extraordinaire 1 Combien il est différent pour les chefs du Trésor public, d'avoir une relation interrompue avec cinq cents receveurs, ou de n'avoir qu'à vérifier un compte net et suivi avec quatre-vingt-deux 1 Combien vous portez plus de jour sur les opérations par ce dernier moyen I Combien vous simplifiez réellement la marche des affaires, quoique vous les fassiez passer par une main de plusl
Les administrateurs, dans l'immensité de leurs premiers travaux, s'entendront-ils toujours avec ces divers receveurs de districts, que, dans ces premiers temps surtout, auront besoin, pour la plupart, d'être formés à l'ordre et à la précision qu'exige une comptabilité? L'ambition d'un traitement fera accepter ces places. Mais qu'il est à craindre, Messieurs, que vous n'éprouviez, relativement à elles, le même regret que par rapport aux municipalités des villages 1 qu'il est à craindre que les receveurs de district n'accélèrent pas assez la levée des impositions I (ce sont ici des détails, mais ils ne sont point à négliger, ce sont eux qui communiquent le mouvement en administration; ces détails sont les rouages de la machine politique.)
Sans doute, Messieurs, aucunes des réflexions ne vous échapperont, et vous sentirez que c'est de la simple organisation de l'impôt, du changement urgent dans les formes de la collecte, de l'activité des officiers municipaux dans la formation des rôles, de l'établissement des receveurs, de leurs rapports avec les assemblées administratives et leurs directoires de la suppression des garnisaires, fantômes de pouvoir, et cependant sangsues dévorantes; enfin que c'ést de l'amour de la patrie, sentiment dont l'habitude nous fera connaître toute la force; que c'est des talents, des règles et de la subordination dirigée vers un centre, que dépendent la sûreté des deniers publics, l'économie des frais de recouvrement, les ménagements dus aux contribuables, la tranquillité des citoyens, et le payement de tous les salariés de l'Empire.
Je me résume, Messieurs, et sans entrer dans de plus longues explications, puisque je ne traite en
ce moment que les bases 4e l'imposition générale, convaincu que la dette appelée exigible sera payée par la vente des biens nationaux, suite de vos sages opérations, supposant que la somme de l'imposition ne montera pas a plus de 500 à 520 millions et donnant au trésor national que}? ques millions de latitude, j'ai l'bQqpèur de vous proposer le projet de décret suivant.
PROJET DE DÉCRET.
Art, 1er, Les impositions de la France seront composées d'un
impôt territorial) d'une contribution personnelle et d'un subside indirect.
Art. L'impôt territorial est nxé à 24Q mjlr lions, qui seront prélevés sur le revenu approximatif du territoire, et sur toute l'étendue (lu royaume, et payés par tous les citoyens, en proportion des anciennes contributions directes et rectifiées, de chaque département.
Art. 3. La contribution personnelle est fixée à 80 millions. Elle sera assise, d'une part, sur les meubles non territoriaux et fictifs, et, d'autre part, sur les maisons des villes, sur les maisons de plaisance et leurs enceintes, et sur tous les logements, jardins et enclos des propriétaires, cultivateurs ou fermiers i elle sera graduée, par classes déterminées, sur le prix du bail de ce* maisons, ou de leur loyer estimés au taux du pays. Cette contribution s'éteindra de législature en législa-r ture, en même proportion que les rentes viagères dues par la nation.
Art. 4, ke subside indirect sera subdivisé en divers droits dont r Assemblée nationale décrétera les dênominatiops, le mode de perception et le tarif.
Voix nombreuses : L'impression du discours !
Autres voix : Oui l oui l ainsi que du discours dè M. Delley-d*Agier. (L'impression des deux discours est ordonnée.)
. M,de Boislandry à la parole.
. Pour ne pas abuser des moments de l'Assemblée, je lui ferai distribuer les observations que j'avais à lui soumettre sur l'impôt. (Voyez 'ce document annexé b, la séance).
. Je m'empresse reconnaître que les préopinants ont répandu une grande lumière sur la question 4e 1 impôt qui est agitée en ce moment Je déclare que l'intention du comité est que l'évaluation doit être faite, çomme si un fermier, par exemple, voulait prendre à bail upe terre ; ce fermier considère tous les objets qui peuvent lui donner des reyenus. il tire la probabilité du profit d'après lequel il fait des offres au propriétaire.
Au reste, je comité n'a proposé une évaluation que pour 1791 : ensuite on travaillera d'année en année à perfectionner ce travail et on parviendra annuellement à la confection d'un cadastre général,
Relativement au projet de M. Rey, consistant à demander à chacun, en particulier, quel est son revenu, je pense que cette mesure nous priverait du moyen le plus puissant pour assurer l'égalité de répartition, c'est la contradiction entre les contribuables. Dans la combinaison du comité, l'assemblée générale des contribuables détermine
au contraire la proportion dans laquelle l'impôt sera réparti.
Je propose de voter dès aujourd'hui sur l'article premier du projet de décret du comité,
. Je propose de percevoir l'impôt en nature. (On entend des réclamations de toutes par ts).
. J'observe que c'est une erreur dans laquelle Bont tombées plusieurs provinces; il est important que M. Brillât soit entendu afin que toute la France sache que l'Assemblée s'est déterminée pour le parti le plus raisonnable-
. Je me bornerai à quelques mots. Aucune base ne peut présenter un moyen plus facile de percevoir l'impôt, 11 n'y aurait à rendre que trois décrets : le premier fixerait la quotité à raison du rapport des terres ; le second déterminerait quels seraient les immeubles qui, ne pouvant payer en nature, payeraient en argent; le troisième indiquerait la nature des fonds sur lesquels l'impôt serait prélevé.
. La question de l'impôt en nature n'a pas encore été soulevée dans l'Assemblée nationale ; elle mérite d'être discutée. Je demande donc que l'Assemblée suspende sa décision jusqu'à demain et qu'il n'y ait pas de vote sur l'article ft* du projet du comité.
. Je pense que l'Assemblée ne peut se dispenser d'entendre ceux qui veulent parler sur la questionne puis d'avance indiquer quelques-unes des raisons qui ont porté le comité d'impqsition à rejeter ce projet dont Vauban est le père, que des hommes très éclairés ont défendu, mais qui aujourd'hui, d'après l'expérience qui en a été faite, ne peut plus soutenir l'examen. Les notables assemblés par M- de Galonné ont démontré que les frais de perception dè l'impôt en nature montaient à 25 0/0. On sait que M. de Calonne répondit au clergé, qui avait beaucoup aidé à faire cette démonstration, qu'il était évident, par conséquent, que la dîme devait lui être payée en argent pour éviter les frais de perception.
L'Assemblée nationale a depuis appliqué ce principe.
La seconde raison contre l'impôt en nature, c'est qu'il enlève au laboureur le gain qu'il rerait sur des grains en les vendant à propos et comme il lui plairait.
Enfin, une des causes qui ont le plus attaché le peuple à la Constitution, c'est la suppression de la dlme que cette perception rétablirait avec in* Animent plus d'étendue.
. Je reçois Une note de M. Je garde des sceaux qui demande quel jour M. de Santo-Domingo, mandé à la barre, sera entendu par l'Assemblée.
L'Assemblée assigne la séance de jeudi §ôir«
Le bruit s'est répandu quNîn complet avait été formé pour enlever le roi et l'eminener à Hpueq, Je suis chargé de vous présenter à ce sujet une adresse et une proclamation du corps municipal de la commune de cette ville. Je vais en donner lecture :
Adresse de la municipalité de Rouen, 4 l'Assemblée nationale.
Messieurs, un écrit imprimé, qui se répand ici depuis quelques jours, annonce que des ennemis du bien publie ont conçu la possibilité d'établir à Rouen le foyer d'une contre-révolution.
Ge soupçon est une injure, que les représentants de la commune de Rouen s'empressent de repousser.
Ils vous déclarent, Messieurs, et ils attestent à la France entière, que la très grande majorité de lqurs concitoyens, pleine de confiance dans les lumières et la sagesse des représentants delà nation, maintiendra toujours l'exécution de leurs déorets, par tous les moyens et avec toute l'énergie qu'inspire-le sentiment de la liberté.
Ils vous attestent que la garde nationale rouen-naise, le régiment de Spdisr-Samade et les dragons-Dauphin ont déployé dans toutes les occasions les sentiments du civisme le plus pur, et le dévouement le plus entier pour la défense de la Constitution»
Et quel intérêt, Messieurs, pourrait trouver à la Gontre-rôvolution une cité industrielle et commerçante, qui sait que l'industrie et le commerce ne peuvent prospérer que par la liberté ?
Que pourrait-elle regretter à la désorganisation d'un gothique et barbare gouvernement, où les arts utiles étaient sans appui, sans encouragement, sans considération ; d'un gouvernement où la protection des ministres et les bienfaits du monarque n'atteignaient.jamais que l'intrigue et la faveur $ d'un gouvernement enfin où, par un système révoltant et digne du despotisme orientai, quelques castes privilégiées étaient seules admises aux dignités publiques, sans supporter aucunes des charges de l'Etat ?
Regretterait*elle un droit oppressif (1), dont en vain, depuis plusieurs siècles, elle sollicitait la suppression, que vous avez prononcée avec celle du régime féoual ?
Regretterait-elle les régimes non moins odieux de la gabelle et du tabac, dont la destruction (qui vous a mérité les bénédictions du pauvre) ouvre de nouveaux canaux au commerce et à l'industrie, et fournit à l'agriculture de nouveaux moyens de prospérité et de richesse ?
Regretterait-elle enfin la vénalité des charges et de la justice, les privilèges des anciens ordres, l'autorité arbitraire des ministres, les lettres de cachet, les droits de chasse et colombier, les banalités, et tant d'autres abus déshonorants pour une nation éclairée, et que vous avez eu le courage d'attaquer et de détruire, malgré les efforts réunis des préjugés, de l'intérêt, de l'orgueil et du fanatisme?
Non, Messieurs, nos concitoyens ne sont pas à ce point indignes de vos bienfaits; ils sentent trop vivement la difficulté et le prix de vos travaux ; et pénétrés de reconnaissance et d'admiration, il n'est rien qu'ils n'entreprennent pour la défense d'une si belle cause, et pour déconcerter les efforts téméraires et criminels, par lesquels on voudrait vous arrêter au milieu de votre carrière*
Ce n'est pas cependant, Messieurs, que l'orgueil humilié de quelques individus n'ait
Cherché, ici comme ailleurs, à égarer un peuple simple et
Et ce peuple simple et crédule qu'ils cher? ehent à égarer, ce peuple sage qu'on voudrait armer contre lui-même, Ce bon peuple qui noqs a honorés de sa confiance, nous ne l'abandonnerons pas aux insinuations perfides de sès ennemis; nous lui dévoilerons leurs embûches secrètes; nous ne cesserons de l'éclairer sur ses véritables intérêts, et lui persuader que vous êtes ses meilleurs amis, et que son bonheur dépend ce moment de sa confiance en vos travaux et sop obéissance à vos décrets, sanctionnés par jiè meilleur des rois.
Heureux I si par notre vigilance constante et infatigable, nous pouvons jusqu'à la fin épargner à nos concitoyens ces scènes orageuses et sanglantes, qui, dans quelques-unes de nos provinces, ont attristé le réveil de la liberté.
Nous venons d'exposer aux yeux du peuple une proclamation, dont le but est ue donner un uouveau témoignage de notre inaltérable patriotisme; de manifester à toute la Franee l'attachement inviolable de notre commune à la Constitution; de prémunir nos concitoyens de plus en plus contre les suggestions trompeuses des ennemis du bien public, et de faire connaître toute l'horreur que nous inspire le projet d'enlever le roi et de le conduire dans cette cité, qni sera toujours fidèle à la patrie.
Nous sommes avec respect, Messieurs, vos très 'humbles et très obéissants serviteurs j
Les officiers municipaux do la ville de Rouen :
D'Bstouteville, maire \Ribard, Fremont; Auvray, curé; Bomainville, Jacq. Collombel, Tarbé, Ch. ûeuspine, Lachesnerheude, le jeune; Dueastel, Deschamps, P. BourOiîen, Boucher, Vulgis, {ïujardin, Belhoste, Th.-L- As-selin, Vimar; Havard, secrétaire-greffier.
Extrait des registres des délibérations du corps municipal de la eommune de Rouen.
Geipurd'hui deux octobre mil sept cent quatre-vingt-dix, quatre heures dé relevée, en l'assemblée du corps municipal, où étaient Messieurs D'Es-toutevifle, maire, Ribard, etc.; M. le procureur de la commune a dit î
Messieurs, des journaux annoncèrent, il y a quelques jours, un nouveau pr-Qjét d'enlever 1$ roj. Un imprimé ayant pour titre : Avis qux habu' tants de Rouen, dit que les ennemis de (a Constitution voulaient le conduire en cette ville, Qa répandait qu'ils s'agitaient avep moins de réserve, et queléûr audace indiquait des préparatifs alar* mants.
M. Duval (cirdeyant d'I?prém6§hi{). Da&mttfe l'Assemblée nationale, lui proposa d'abandonner tout ce qu'elle avait fait, qomme si qUe étm mes nacée d'une chute prochaine; ce fut à cette occasion qu'un autre membre 4e l'Assemblée nationale,combattant cette proposition insensée ou malicieuse, assura que le projet d'enlever Je roi et de le conduire à Rouen était formé.
On disait ici. que dans certaines assemblées tenues au grand $alo% la motiond'inviter le rqi à venir en certe ville ayait é|è adoptée ; qu'une adresse faite eh conséquence avait été portée de
maisons en maisons ; que des signatures avaient été mendiées et surprises, sous l'insidieux prétexte que la présence du roi ramènerait ici l'abondance du numéraire.
Enfin, on a distribué d'abord dans Paris, ensuite dans Rouen, un imprimé, qui contient d'étranges détails sur le projet d'enlever le roi et de le conduire dans nos murs. Il parait certain que cet imprimé est la copie d'une lettre adressée à M. le maire de Paris, et remise par ce citoyen révéré au comité des recherches de l'Assemblée nationale.
Mais d'avance nous soutenons qu'elle inculpe faussement les chefs de notre garde citoyenne et ceux de nos troupes de ligne; ces différents chefs sont dignes des corps qu ils commandent, et qui donnent sans cesse l'exemple du patriotisme le plus ardent et d'une fidélité inviolable.
Le projet d'enlever le roi serait aussi insensé que criminel. L'exécution de cet affreux dessein serait impossible, quand* le roi y consentirait. Combien plus le serait-elle, puisque le roi en déteste jusqu'à l'idée. Ce prince, le meilleur des monarques que le ciel ait donné à la France , ce prince qui chérit son peuple, dont il est le bienfaiteur et l'idole ; ce prince qui réunit toutes les vertus de l'honnête homme et du citoyen, a juré de maintenir la Constitution et promis solennellement de ne se point séparer de l'Assemblée nationale.
Si donc le roi était enlevé, la France entière s'armerait pour punir ce crime détestable ; si le roi était conduit à Rouen, cette cité serait aussitôt le théâtre du carnage et le séjour de l'horreur. Serait-il possible que quelques-uns de ses habitants eussent désiré et préparé la perte de leurs concitoyens et le malheur de l'Etat ? Auraient-ils d'ailleurs conçu le fol espoir de poser les fondements d'une contre-révolution au sein même du patriotisme? Auraient-ils oublié que notre garde citoyenne a fait le serment inviolable d'être fidèle à la patrie et au roi, de défendre la Constitution de toutes ses forces^ de mourir plutôt que de cesser d'être libre? Si les ennemis de la patrie et du roi, par un attentat sacrilège à la liberté de ce prince, osaient l'amener dans nos murs, notre garde citoyenne l'arracherait des mains de ses ravisseurs, pour le rendre à lui-même et aux représentants de la nation.
Nous ne pouvons croire, Messieurs, à la réalité d'un complot, dont l'extravagance égale l'atrocité. Cependant tout ce qu'on dit, tout ce qu'on imprime à cet égard mérite votre attention.
Le projet est réel ou il est supposé. S'il est réel, il faut prévenir ses effets désastreux; s'il est supposé, c'est une odieuse calomnie; mais elle a un but: c'est de semer la discorde entre les citoyens et les troupes de ligne ; de répandre des soupçons dangereux sur la fidélité des chefs de notre garde nationale; de rendre suspect aux yeux de 1a France le patriotisme de cette garde invinciblement attachée à la Constitution; enfin, de faire naître dans cette tranquille cité le trouble, la défiance et la terreur. Un tel dessein n'a pu être formé par de bons citoyens, puisqu'ils désirent là paix : il a donc été conçu par des ennemis du peuple, de la loi, du roi, puisqu'ils désirent la guerre civile.
Défiez-vous, Messieurs, des hommes qui, dans un momènt où la paix est si nécessaire,blâment tout ce que fait l'Assemblée nationale, excitent des assemblées tumultueuses, forment dea demandes indiscrètes, ou cherchent à multiplier vos embarras et augmenter la douleur du pau-
vre, en le désolant, en voulant lui ravir l'espérance si bien fondée d'un meilleur sort.
Nous déposons sur votre bureau les journaux, les imprimés et les renseignements dont nous venons de parler : nous réquérons une délibération à cet égard et nous vous prions de ne pas Ja suspendre un seul instant.
Signé : Vimar.
Aussitôt le corps municipal, délibérant sur le présent réquisitoire, a déclaré ce qui suit :
Le corps municipal ne croira jamais que le roi veuille favoriser les ennemis de la Constitution et du bien public.
Au nom de la commune de cette ville, le corps municipal jure qu'elle sera toujours fidèle à la Constitution, toujours armé pour la défendre, toujours prête à répandre son sang pour la félicité publique.
Les officiers municipaux le jurent, parce qu'ils garantissent, sur leur tête, la fidélité de presque tous les habitants de cette ville, riches ou pauvres.
Ils attestent à tout le royaume, que si cette cité est la plus paisible, c'est parce que le pauvre, malgré sa misère, ne cesse pas d'être juste, bon, modéré, de repousser la séduction, de sentir que la sédition lui serait funeste, d'obéir aux lois, et de mettre sa confiance dans l'Assemblée nationale.
Ce pauvre qui doit être si cher à tous les Français, sait que, si la Constitution était attaquée, la guerre civile devieudrait nécessaire, lui enlèverait ses travaux, sa subsistance, et l'exposerait à tous les malheurs.
Le corps municipal affirme, sans crainte d'être désavoué, que la commune de Rouen serait indignée, si l'on pouvait soupçonner qu'elle fût disposée à protéger l'enlèvement du roi.
Elle verra sans doute avec enthousiasme, le chef des Français, lorsque la Constitution sera parfaite et consolidée.
Le corps municipal aime à croire que si des habitants de cette ville ont supplié le roi de s'y rendre, c'était pour un temps où la présence de Sa Majesté ne serait pas nécessaire à Paris.
Le corps municipal regarde le projet d'enlever le roi, comme le produit de la démence effrénée. S'il est possible qu'on ait conçu ce projet et qu'on le tente, il est impossible que on l'exécute.
La lettré qui en donne les détails ne mérite nulle confiance légale.
Le corps municipal n'a pu la lire sans être indigné, lorsqu'il a vu que l'on accusait les principaux chefs de la garde nationale, et du régiment de Salis; dans toutes ses relations si fréquentes avec, ces généreux citoyens, ces braves militaires, le corps municipal s'est perpétuellement convaincu de leur loyauté, de leur exactitude, de leur dévouement. Ils n'ont jamais mérité ses reproches et ils ont toujours mérité ses éloges. Il les doit de même au commandant de la cavalerie citoyenne. Il ne peut croire que des capitaines du régiment de Dauphin soient des perturbateurs, eux qui lisaient leur devoir dans la conduite si pure de leur chef et de leurs soldats.
L'innocence est tou jours présumable.On ne peut, d'après la lettre dontil s'agit, réputer coupables les autres individus qu'elle dénonce. Quand des personnes auraient ou manifesté des préventions, ou tenu des propos hardis, ou annoncé des dispositions lâcheuses,il ne s'ensuivrait pas qu'elles eussent formé l'exécrable projet énoncé dans la lettre. Les bons citoyens doivent surveiller ces
personnes et décéler leurs écarts, si elles s'en permettent; la cause publique est menacée; notre position critique autorise l'inquiétude et provoque les dénonciations régulières. Mais rien ne peut permettre qu'un citoyen en attaque un autre, et soit à la fois son accusateur et son juge.
Il existe dans Rouen quelques citoyens très suspects. Le corps municipal a les yeux ouverts sur leurs démarches. Il a jusqu'à présent dédaigné leurs propos antipatriotiques. Il sait qu'ils s'agitent pour égarer, pour décourager, pour compromettre le meilleur des peuples. 11 rassemble les indices et les circonstances qui pourront le conduire à des preuves. Il avertit ces mauvais citoyens qu'ils ne braveront pas toujours les lois.
Enfin le corps municipal arrête que le réquisitoire et cette délibération, seront imprimés et affichés, et qu'il en sera envoyé des exemplaires au roi, à l'Assemblée nationale et aux municipalités des principales villes du royaume.
Signé : D'Estouteville maire ; Vimar, procureur
de la commune; et Havard, secrétaire-greffier.
Collaiionné par le secrétaire-greffier de la commune, soussigné :
Havard.
. Je propose de décréter qu'il sera fait mention de l'adresse et de la proclamation dans le procès-verbal, et que M. le président sera chargé d'écrire à. la municipalité de Rouen que l'Assemblée nationale, pleine de confiance dans le patriotisme de leur commune, est satisfaite de leur zèle pour les intérêts de la cause publique, les invite à continuer leurs soins pour éclairer la conduite des ennemis de la Constitution, qui sont ceux de la nation et du roi.
(Cette proposition est décrétée.)
(La séance est levée à trois heures et demie.)
a la séance de l'assemblée nationale du
Avant de déterminer la quotité de la contribution foncière et de fixer ses proportions avec les autres impôts à établir il me semble nécessaire de connaître, du moins par aperçu, quelles seront les dépenses publiques en 1791. En voici l'état probable (2) i
Frais de culte, traitements et pensions ecclésiastiques.. 132,000,000 liv.
Renies viagères....... .... 101,000,000
Rentes perpétuelles......... 66,000,000
Intérêts de la dette non constituée, déduction faite dé cinquante-cinq millions environ, que le payement en assignats
A reporter..... 299,000,000' liv.
Report.... 299,000,000 liv,
dispensera d'acquitter................60,000,000
Liste civile.....................25,000,000
Frères du roi...................4,000,000
Affaires étrangères..................7,000,000
Guerre...........................90,000,000
Marine (non compris la dépense extraordinaire)..................45,000,000
Pensions, gratifications, secours................................15,000,000
Dépenses diverses à payer par
le Trésor public............................14,000,000
Ponts et chaussées pour les
grandes routes du royaume________3,000,000
Fortifications, ports, canaux. 3,000,000 Assemblée nationale, six mois
de séance............. ............4,000,000
Cour de revision et cour nationale..............................................1,000,000
Frais de recette à cinq pour
cent au moins..............................30,000,000
Contributions générales... 600,000,000 liv.
Dépenses particulières des départements.
Assemblées administratives.. 14,000,000 liv.
Tribunaux et juges de paix.. 16,000,000 Frais des municipalités et
gardes nationales..........................10,000,000
Chemins, chaussées, ateliers
de charité.......................20,000,000
Total des contributions générales et particulières..... 660,000,000 liv.
L'Assemblée paraît incliner à diminuer l'impôt sur les terres pour augmenter les droits sur les consommations et sur les personnes ; mais nous ne faisons pas assez attention qu'il sera très difficile d'établir des impôts indirects productifs. La circulation et. le commerce sont, depuis longtemps, dans une stagnation absolue. Les manufactures sont sans activité; plusieurs sont ruinées faute de demandes. Les effets de la Révolution ont été très avantageux aux campagnes, mais très nuisibles aux villes. Si donc les droits sur les consommations ne sont établis, comme on l'a proposé, que sur les objets de luxe, ils produiront peu, et les recettes présenteront chaque année de nouveaux déficits. Les campagnes ont depuis deux ans vendu leurs blés un tiers au-dessus du prix ordinaire. Si la consommation annuelle ae la France, en blé, est d'un milliard, elles ont reçu chaque année cinq cents millions de plus. Leurs capitaux se sont donc accrus d'un milliard dans les deux ans ; ceux des villes, qui ont payé l'augmentation, ont diminué dans la même proportion, et elles ont en outre été privées de leurs ressources habituelles par la cessation des travaux. Ainsi les moyens sont dans les campagnes et l'insuffisance est dans les villes. Cet état de choses continuera parce que notre Constitution tend essentiellement à favoriser la prospérité des campagnes et à diminuer la richesse des villes, par la suppression du luxe et la réduction des grandes fortunes.
Pénétré de ces vérités, je pense que les contributions publiques doivent être tellement combinées que les terres en supportent au moins la la moitié, et que l'autre moitié doit être imposée
sur les personnes et sur Iles consommations. Je crois même qu'il serait utile d'en décréter cons-titutionnellement le principe en ces termes :
« Les contributions du royaume seront divisées en deux classes : la première comprendra l'impôt sur les terres ; la seconde comprendra l'impôt sur les personnes et les consommations ; chacune de ces deux classes sera composée d'une somme égale d'impositions qui croîtra et décroîtra en proportion des besoins de l'Etat. »
C'est d'après ces réflexions que je propose le plan suivant d'impositions.
Impôt sur les terres......... 300,000,000 liv.
Je crois qu'il serait dangereux et abusif de confier aux municipalités seules, composées des plus riches propriétaires et fermiers, la répartition de l'impôt territorial. Il serait plus convenable de faire nommer par les électeurs des cantons un certain nombre de commissaires qui seraient chargés de la répartition sur toutes les paroisses de chaque canton ; cette institution conduirait à diminuer le nombre des municipalités.
Impôt personnel, qui aurait pour base l'estimation et la location des maison s............ 60,000,000
Entrées de Paris, ci-devant de 32 millions, qu'il est juste
de réduire à.................. 20,000,000
Droits d'entrée dans toutes les villes au-dessus de deux mille âmes, pour y tenir lieu de la
gabelle et des aides........... 25,000,000
Droits sur les vins à imposer après la vendange pour tenir lieu d'une portion des aides.... 12,000,000 Droit d'entrée et sortie du
royaume..................... 20,000,000
Domaine d'occident... il en
rapporte à présent sept........ 6,000,000
Droit d'entrée sur les tabacs de Virginie et autres tabacs étrangers, à dix sols la livre
pesant.......................
La consommation-en est évaluée à quarante millions de livres brut, tant dans l'intérieur que dans les provinces réputées étrangères. Pour éviter toute erreur, je réduis l'introduction à 24 millions de livres brut.
Le droit à l'entrée doit être préféré à l'entrée exclusive, qui donnerait lieu à une contrebande énorme. Dans ces deux systèmes, la culture en serait permise. Contrôle des actes de notaires. 'Contrôle des protêts, exploits
et autres actes judiciaires.....*
Droits d'insinuation sur les
donations, libéralités, etc......
Droit de centième denier sur
les mutations................
' Vente du papier etparchemins
timbrés......................
Droit de timbre sur les lettres et billets de change et autres actes sous seing privé........
Report..... 502,000,000 liv. On a exagéré étrangement le produit du timbre, lorsqu'on Va évalué à 80 ou même 60 millions ; avec un peu d'attention, on verra qu'il ne peut être estimé au delà de 12 ou 15 millions.
Poste aux lettres, à présent douze millions; mais susceptible d'être augmenté à....... 14,000,000
Messageries. La ferme, d'après la liberté accordée très juste-
ment par les derniers décrets,
sera réduite au plus à......... 500,000
Loteries................... 12,000,000
Domaines et bois, y compris
ceux des apanages........... 10,000,000
Droit de la marque d'or et
d'argent..................... 800,000
Droit sur la fonte des monnaies et affinages............. 500,000
Poudres et salpêtres........ 500,000
Caisse de Poissy............ 500,000
Cartes à jouer. Ce produit actuel est ae 1,500,000 livres y
mais il doit diminuer......... 1,000,000
Droits casuels, rentrées de
créance...................... 1,500,000
Vente exclusive du sel à la
Suisse et à l'Allemagne....... 1,500,000
Vente libre du sel en France,
par évaluation.........-..... 6,000,000
Second tiers de la contribution patriotique à rentrer en 1791..........:.............. 50,000,000
On sait que les déclarations de seize mille municipalités se montrent à 106 millions, il est au moins probable que les 20,000 autres procureront 44 millions, il faudra encore y ajouter le produit des taxations dans les municipalités qui avaient déjà fait des déclarations : cet impôt porte particulièrement sur les villes; les déclarations de la ville de Paris seule surpassent 40 millions.
Contributions générales...... 600,800,000 liv.
Je ne fais pas entrer dans ces calculs les intérêts dus par les Etats-Unis de l'Amérique etpar un prince d'Allemagne, parce que leur rentrée est incertaine. Je n'y comprends pas non plus le revenu des biens nationaux non vendus, dont on pourra se servir pour former un fonds d'amortissement.
Impôts particuliers aux départements.
Addition de deux ou trois sols par livre sur tous les impôts directs et indirects qui en seraient susceptibles; je les évalue à 417 millions, qui, à deux sols six deniers pour livre l'un
12,000,000
15,000,000 6,000,000 1,000,000 9,000,000 4,000,000
12,000,000
A reporter..... 502,000,000 liv.
A reporter..... 600,800,000 liv.
Report..... 600,800,000 liv. dans l'autre, formeront environ 52,000,000
Produit des amendes prononcées par les tribunaux et dont la disposition pourra être laissée
aux départements............ 2,000,000
Etablissement des barrières sur les routes................ 8,000,000
Total général des contributions du royaume......... 662,800,000 liv.
Les contributions publiques ainsi combinées seront facilement acquittées. Si l'Assemblée nationale veut assurer le crédit des assignats, si elle veut rétablir la circulation et la confiance dans l'intérieur, raffermir au dehors la considération due au premier peuple du monde, elle doit particulièrement s'attacher à régler les impôts de manière que la rentrée en soit certaine et qu'on ne puisse pas douter de la réalité des produits.
Cette somme de contributions, portée à 662 millions, ne paraîtra pas non plus trop considérable, si on la compare aux charges que le peuple supportait avant la Révolution, et dont voici le tableau.
Tous les impôts, en 1783, suivant M. Necker, page 36, tome premier, administration des finances, étaient de............ 585,000,000 liv.
11 n'y comprenait pas la milice, le logement des gens de guerre, l'impôt indirect, par la contrebande, évalués ensemble
à............................ 10,000,000
L'augmentation de deux sous
four livre qui eut lieu en 783 sur tous les objets de consommation et qui forma près
de................ .......... 20,000,000
Les droits féodaux supprimés sans indemnité, que le peuple ne payera plus, on les évalue
à............................ 15,000,000
Le droit exclusif de chasse et de capitaineries destructif des récoltes et qui pesaient sur
le peuple pour plus de........ 15,000,000
Les dîmes ecclésiastiques et inféodées évaluées avec les frais à............................ 133,000,000
Total des contributions précédentes supportées par la nation................... 778,000,000 liv.
Ceux qui pensent que 300 millions sur les terres sont une charge trop forte, seront détrompés, lorsqu'ils verront, par l'état suivant, que les impôts sur les terres étaient ci-devant de 431 millions.
Le comité des impositions vous a dit que les impôts sur les terres semontaien t à............................ 314,000,000 liv.
Mais il a fait plusieurs omissions qu'il faut rétablir. Il n'y a pas compris l'impôt de remplacement des corvées qui, pour les campagnes, s'élève au moins à.................................... 15,000,000
Report.....
La milice, le logement des gens de guerre, pour les campagnes, au moins à...........
Les droits féodaux supprimés
sans indemnités..........
La charge résultant du droit exclusif de chasse et de capitaineries.....................
Les frais de perception des dîmes ecclésiastiques et inféodées qu'il ne porte que pour 110 millions et qui sont de 133.
La gabielle, avec les frais, se montait à 76 millions; les habitants des campagnes forment les quatre cinquièmes du royaume; cet impôt étant perçu par tête, la charge des campagnes était de 60 millions, et non de 30, comme le comité le suppose : la différence est donc, pour les
campagnes, de...............
L'impôt des aides était de plus de 30 millions ; il frappait au moins pour moitié sur les campagnes, ci...............
467
329,000,000 liv.
4,000,000 15,000,000
15,000,000 23,000,000
30,000,000 15,000,000
Total des charges ài-devant supportées parles terres.. 431,000,000 liv.
A reporter..... 329,000,000 liv.
Les campagnes seront donc réellement déchargées de 100 millions au moins, sans y comprendre plus de 30 millions déjà payés, et qui continueront dé l'être par les privilégiés, à la décharge des anciens contribuables. .
On a répété souvent que la taxe sur les terres en Angleterre était très faible en comparaison des droits sur les consommations ; cela est vrai : mais on n'a pas dit que les lois fiscales y étaient d'une extrême rigueur ; qu'elles étaient si odieuses et si arbitraires qu'elles excitaient les plus vives et les plus constantes réclamations. On n'a pas dit que les officiers de la douane et de l'accise sont revêtus d'une autorité sans bornes dans l'exercice de leurs fonctions; que leurs agents subalternes et leurs espions sont multipliés à l'infini;' que les commis ont le droit d'entrer à toutes les heures du jour et de la nuit dans les maisons, pour y faire des visites et des perquisitions ; que les procès-verbaux et les dépositions de ces hommes, délateurs de leurs concitoyens, toujours intéressés à les trouver en faute, suffisent pour opérer la condamnation et la saisie ; que les commissaires de la douane et de l'accise sont juges souverains en matière d'impôts indirects, et qu'ainsi ils sont juges et parties. Voilà ce qu'on aurait dû dire à l'Assemblée nationale, et ajouter encore que pour assurer l'exécution de ce système tyrannique d'impositions, il a fallu priver les Anglais du plus précieux de leurs droits, le jugement par jurés. De pareilles lois fiscales, il faut en convenir, ne laisse au peuple qui les a adoptées qu'un vain fantôme de liberté. Ce ne sera pas, sans doute, sur de semblables bases que l'Assemblée nationale établira le système d'impositions qu'elle va donner à la France.
Il ne paraîtra pas inutile, dans les circonstances présentes, de mettre sous les yeux de l'Assemblée le résultat des contributions payées actuellement par la nation anglaise. Ce résultat est formé d'après les états -présentés en avril dernier par M. Pitt à la Chambre des communes.
Produit de la taxe sur les terres et sur le malt, ainsi que de tous les droits de la douane et de
l'accise......................................16,300,000 liv. st.
Frais de recette payés par le peuple (tous les receveurs comptent du produit net environ)............................800,000
Taxe pour les pauvres.... 2,000,000 Barrières sur les routes, péages sur les canaux et rivières, droits cédés aux villes 1,000,000
Frais de justiceinconnus,
mais très considérables..... Mémoire
Total... 20,100,000 liv. st.
Cette somme, au change de vingt-huit et demi, cours moyen entre la France et l'Angleterre avant l'émission des assignats, produit environ 508 millions tournois (1). L'Angleterre et l'Ecosse contiennent à peu près huit millions d'habitants, chaque individu paye donc à l'Etat 63 livres 10 sols. On remarquera que les charges des Anglais seront bientôt de nouveau augmentées pour le payement des intérêts de la dette flottante non constituée qui, avec les dépenses de l'armement actuel, ne sèra pas de moins de 400 millions tournois. Ces intérêts, à 3 0/0 seulement, formeront une charge additionnelle de 12 millions pour l'Etat, et de 30 sols pour chaque individu.
Si les contributions de la France, dont la population est de vingt-cinq millions d'hommes, sont de 660 millions, la charge de chacun de ses habitants sera d'environ 26 livres 8 soïs ; mais la justice leur sera rendue gratuitement. Par ce tableau comparatif, on peut juger de la situation des deux nations.
Les taxes sont si multipliées et si onéreuses en Angleterre, qu'on ne conçoit pas bien quels seraient les impôts productifs que les ministres pourraient établir en cas de guerre. Il est difficile de croire que, dans la situation embarrassée de leurs finances, les Anglais songent sérieusement à faire la guerre. Cependant, malgré leur position gênée, ils sont encore les seuls ennemis vraiment redoutables pour la France, à cause de la force de leur marine et du nombre de leurs vaisseaux. Quand on est maître de la mer, on domine bientôt sur la terre. 11 serait très désirable que nous pussions consacrer tous les ans à la marine 10 ou 12 millions de plus, qui seraient employés à bâtir autant de vaisseaux de ligne. Jamais nous ne combattrons les Anglais avec avantage, si nous n'avons pas de forces égales à leur opposer sans être obligés de recourir à des alliés fidèles, sans doute, mais qui sont rarement en état de nous secourir efficacement, et dont le caractère sera, plus encore qu'avant la Révolution, incompatible avec le nôtre. Nos frontières, du côté des puissances du continent, sont défendues par les plus inexpugnables des forteresses, les gardes nationales. Il faut donc tourner tous efforts du côté de la mer.
Ces réflexions me font désirer que l'Assemblée nationale veuille consacrer deux autres principes que je regarde comme très importants, si elle est décidée à renoncer pour toujours aux ressources
ruineuses des emprunts et des anticipations, et si elle veut que les nations voisines sachent quels seraient les moyens de la France dans le cas où elle serait attaquée. Voici ces principes :
1° Le déficit qui pourra: se trouver sur les re* cettes d'une année sera toujours imposé par augmentation sur Vannée suivante ;
2° En cas de guerre tous les salariés et tous les fonctionnaires .publics, à Vexception des officiers, soldats et matelots en activité, même la liste civile, éprouveront une retenue, et . les contributions publiques supporteront une augmentation, telle que le Corps législatif la jugera nécessaire pour défrayer toutes les dépenses de la guerre.
Ce n'est pas seulement à l'état de paix qu'il faut pourvoir ; il faut encore penser aux dépenses éventuelles de la guerre. Depuis un siècle, la France a eu quarante années de guerre à soutenir contre l'Angleterre seule.
Puisse l'Assemblée nationale établir dans les finances un ordre tel qu'en temps de paix le produit des contributions surpasse toujours les besoins, et qu'en temps de guerre des économies et de nouveaux impôts qui y seraient d'avance destinés, fournissent des fonds suffisants pour la soutenir ! Et bientôt la nation française reprendra en Europe le rang qui lui est assuré par sa puissance.
Séance du
La séance est ouverte à six heures et demie du soir.,
, ex-président, occupe le fauteuil en l'absence de M. le Président.
présenté deux adresses, l'qne des communautés d'Andfezelles, Champdeùil, Guignes, Hyebles, l'Etang, Pecqueux et missy, district de Melun, département de Seine-et-M^nCii l'autre dés gardes nationale^ de^mêmes communautés. Celle-ci contient des expressions d'adipai-? ration pour la conduite des gardes nationales de Metz, et l'offre d'une somme "de 150 livres à distribuer aux veuves des soldats citoyens morts à Nancy.
(de Saint-Lô), secrétaire, fait lecture d'une pétition de cent cinquante locataires de maisons à Versailles. Us représentent que l'absence du roi a anéanti les avantages qu'ils retiraient de leurs locations, et demandent la résiliation des baux. — On passe à l'ordre du jour.
M. de Trouville, ingénieur, admis à la barre, s'exprime en ces termes : Je viens déposer
dans votre sein une découverte hydraulique, d'une application immense au développement de
l'agriculture et du commerce que vous allez régénérer. Le jeu simple et réciproque dë deux
éléments, l'air et l'eau, suprême puissance de la nature, présentait aux hommes une
combinaison générale, dont la versatilité et le déguisement avaienj.
Soulever des lacs, marais, étangs, et les replacer sur des terrains secs et arides, en amenant une double fécondité ; produire des salines artificielles sur des plages inconnues à la mer, produire des écluses de bas en haut, sans bassin de partage, et par conséquent des caûaùx de navigation, d'irrigation et de jonction, jusqu'à présent réputés impossibles ? Etablir dans nos ports des formes nouvelles pour le radoub des vaisseaux? Faire enfin marcher à froid les pompes à feu, sans changer leur construction, en leur laissant la faculté de marcher à chaud à volonté ?
Cette découverte a reçu, dans mes mains, une théorie physique et géométrique réglée par les principes : elle est devenue un art complet dont l'académie vient de reconnaître et constater la réalité. Tandis que par vos soins paternels, des relations nouvelles et profondes, morales et politiques, élèvent de toutes parts la prospérité française, au milieu des nations étonnées, il était encore réservé à la France de produire, au milieu de ces événements extraordinaires, une régénération physique et territoriale, qui surprît la nature elle-même, et servît d'instruction aux peuples civilisés. L'homme utile aux hommes est de tous les pays, appartient à toutes les nations ; vous l'avez prouvé par le deuil honorable dont vous vous couvrîtes pour honorer la mémoire de Franklin.
Ainsi, par l'utilité universelle des moyens naturels que je me fais un devoir bien doux de vous présenter, à l'honneur d'être Français, je puis espérer de joindre le titre de citoyen du monde, comme vous, par la sagesse et la stabilité de vos décrets. Après avoir été les législateurs de l'Empire français, vous le serez, à coup" sûr, des nations qui voudront arriver au bonheur. Je supplie l'Assemblée nationale de prendre ma découverte en considération, et d'en ordonner les expériences en grand*
(L'Assemblée applaudit, renvoie cette pétition au comité de commerce et d'agriculture, et accorde à M. de Trouviile l'honneur de la séance.)
fait lecture d'une note de M. le garde des sceaux. En voici l'extrait :
« Le roi me charge d'informer l'Assemblée nationale de la manière dont les chambres de vacations des parlements de Rouen, Bordeaux, Douai, Nancy, Grenoble, Toulouse et le conseil supérieur de Colmar ont reçu le décret qui supprime toute l'ancienne hiérarchie judiciaire. Les chambres des vacations de Rouen et Bordeaux ont ordonné la transcription sur le3 registres et l'envoi aux tribunaux inférieurs. Celle de Douai a pris un arrêté par lequel elle déclare que, forcée par les circonstances, elle cesse toutes fonctions. Celle de Nancy a transcrit sur les registres, en déclarant obéir à la force. A Grenoble, le procureur du roi s'est plusieurs fois transporté au palais, sans jamais y trouver personne. La chambre des vacations du parlement de Toulouse a pris, le 25 septembre, un arrêté sur lequel le roi a cru devoir se concerter avec l'Assemblée nationale,
avant de prendre aucun parti. Je vous fais passer copie de cet arrêté :
« La cour, séant en vacations, considérant que la monarchie française touche au moment de sa dissolution ; qu'il n'en restera bientôt plus aucun vestige ; que les cours anciennes de justice ne sont pas même respectées ; considérant que les députés aux Etats généraux n'avaient été envoyés que pour mettre un terme à la dilapidation des finances, à laquelle les parlements n'ont cessé de s'opposer ; considérant que ces mêmes députés n'ont pu changer la constitution de l'Etat sans violer leurs mandats et la foi jurée à leurs com-mèttants ; considérant que, pour qu'ils pussent détruire la magistrature, il faudrait que leurs mandats leur eh donnassent charge expresse ; qu'au contraire, plusieurs cahiers des sénéchaussées du ressort demandent expressément la conservation du parlement de Languedoc ; considérant que le clergé a été privé de ses biens, dont une longue possession semblait devoir lui assurer la jouissance à jamais ; que la noblesse a été dépouillée de tous ses droits et de ses titres, contre tous les principes constitutifs d'une véritable monarchie; que la religion est dégradée et entraînée vers sa ruine; que le nouvel ordre judiciaire ne peut qu'aggraver, sur la tête des peuples, le fardeau des impôts;
« La cour inviolablement attachée à la personne sacrée du roi, aux princes de son auguste sang, et aux lois anciennes, proteste, pour l'intérêt dudit seigneur roi, contre le bouleversement de la monarchie, l'anéantissement des ordres, l'envahissement des propriétés, la suppression de la cour de Languedoc; et vu que les précédents édits et déclarations n'ont été transcrits par elle sur les registres que provisoirement et à la charge de l'être de nouveau, à la rentrée de la cour, clause maintenant illusoire, elle déclare lesdits enregistrements non avenus.
« Le 27 septembre, le procureur général du roi entré, et les lettres patentes de suppression déposées sur le bureau, la cour, considérant son précédent arrêté et l'impossibilité où elle est de se détruire elle-même, déclare ne pas pouvoir procéder à l'enregistrement desdites lettres. »
Cet arrêté n'est qu'un acte de délire, qui ne doit exciter que le mépris. L'Assemblée peut déclarer aux divers membres de Toulouse qu'elle leur permet de continuer à être de mauvais, citoyens. Ce corps se coalise avec le pouvoir exécutif. (Il s'élève des murmures.) Pourquoi ce ministre s'empresse-t-il d'en prévenir l'Assemblée? (Les murmures augmentent. — M. Robespierre descend de la tribune.)
Je demande que le comité de Constitution pronoseulans trois jours un plan pour l'établissement d'une haute cour nationale et du tribunal de cassation.
(La présentation de ce plan est ajournée à huitaine.)
(La lettre de M. le garde des sceaux et les pièces qui y sont jointes sont renvoyées au comité des rapports.)
Je demande à l'Assemblée, conformément à ce qui a été décrété pour la coUr provisoire de la ville de Rennes et pour les mêmes raisons, que la cour provisoire établie à Dijon, le 21 juin dernier, soit autorisée à continuer ses séances jusqu'au 15 octobre.
Voici le projet de décret que j'ai l'honneur de vous proposer :
« L Assemblée nationale décrète que la cour provisoire établie à Dijon le 21 juin dernier, est autorisée à continuer ses fonctions jusqu'au 15 octobre. »
(Ce projet de décret est adopté.)
demande un congé pour.8 ou 10 jours. L'Assemblée nationale le lui accorde.
Le comité d'agriculture et de commerce me charge d'annoncer à l'Assemblée qu'il a nommé M. Heurtault-Lamerville membre du comité central.
Je suis chargé par M. Delort, citoyen de la ville de Moissac, d'offrir à l'Assemblée la carte du département du Lot, contenant les cantons et le nombre des citoyens actifs.
(L'Assemblée ordonne que cette carte sera déposée dans ses archives.) .
, rapporteur du comité ecclésiastique, monte à la tribune et fait lecture des modifications apportées dans les articles 6, 7, 8, 9, 11, 12,13 et 14 du projet de décret (voy. plus haut la séance, du 4 octobre), sur la désignation des biens nationaux, leur administration et les créanciers particuliers des différentes maisons.
Plusieurs membres demandent l'impression et l'ajournement.
Si nous ajournons toujours, nous n'aboutirons jamais.
(L'Assemblée décide qu'elle passera à la discussion.)
Dans votre séance du 4 octobre au soir, vous avez adopté l'article 1er ; je donne lecture de l'article 2.
Art.2....
L'Assemblée déclare qu'elle a entendu que tous lesdits biens seraient vendus dès à présent; et, en attendant, qu'ils seraient administrés par les corps administratifs, sous les exceptions et les modifications ci-après. (L'article 2 est adopté.)
relit l'article 3.
Je demande qu'au liçu de dire comme dans l'article, ces biens retourneront aux héritiers, on mette : ces biens seront administrés comme par le passé.
Cet amendement est adopté et l'article 3 est décrété ainsi qu'il suit :
Art. 3.
Ne seront pas vendus les biens servant de dotation aux chapelles desservies dans l'enceinte des maisons particulières, par un chapelain ou desservant à la seule disposition du propriétaire ; ni les biens servant de dotation aux fondations faites pour subvenir à l'éducation des parents des fondateurs, qui ont été conservés par les articles 23,et 26 du décret du 12 juillet dernier, sur la constitution civile du clergé. Ces biens seront administrés, comme par le passé.
donne lecture des articles qui suivent. Après diverses observations eU'adoption
de plusieurs amendements, ils sont décrétés en ces termes :
Art. 4.
Sont et demeurent exceptés de la vente, les domaines qui auront été réservés au roi par un décret de l'Assemblée nationale. Les assemblées administratives et les municipalités ne pourront, à cet égard, exercer aucun acte d'administration.
Art. 5.
Sont et demeurent également, quant à présent, exceptés de la vente, les bois et les forêts, dont la conservation a été arrêtée par le décret du 6 août dernier.
Art. 6.
Au moyen des dispositions de l'article 3 du titre II, du décret sur les ordres religieux, qui ordonne qu'il sera tenu compte aux religieuses vouéesparleur institut, et actuellement employées à l'enseignement public et au soulagement des pauvres, de la totalité de leurs revenus, jusqu'à ce qu'il en soit autrement ordonné, les biens par elle possédés, seront administrés, à compter du 1er janvier 1791, par les administrations de département et district; et, dès cette époque, il leur sera tenu compte en argent de leur revenu.
Art. 7.
Les biens des religieuses vouées à l'enseignement public pourront même être vendus dès à présent : quant à ceux des religieuses destinées au soulagement des pauvres, ils sont compris dans l'ajournement ci-devant prononcé.
Art. 8.
Sont aussi compris dans ledit ajournement les biens possédés par les religieux voués au soulagement des pauvres, ainsi que ceux des congrégations séculières ; néanmoins, au moyen des pensions accordées auxdits religieux, ils cesseront de les administrer au 1°» janvier 1791 ; à cette époque les administrations de département et de district en prendront l'administration, et dès lors, lesdites pensions commenceront à courir.
Art. 9.
Seront réservés aux établissements mentionnés dans les précédents articles, les bâtiments, jardins et enclos qui sont à leur usage, sans que les religieux qui vivront en commun puissent rieu prétendre au delà de ce qui leur a été personnellement réservé par les précédents décrets sur les ordres religieux.
Art. 10.
Les biens des séminaires diocésains seront vendus dès à présent ; et en cas qu'ils ne le soient pas au 1er janvier 1791, à compter dudit jour, l'administration en sera confiée aux administrations de département et de district, et .dès lors commenceront à a voir lieu les traitements en argent des vicaires supérieurs et des vicaires directeurs des petits séminaires, sur le pied qui sera incessamment fixé. ! " î
Art.11.
Les ecclésiastiques, les religieux et les religieuses mentionnés dans les articles 6, 7, 8 et
9 ci-dessus, rendront leur compte de régie de la présente année, le premier janvier 1791, au directoire du district de leur établissement, pour, sur son avis, être apuré par le directoire du département.
Art. 12.
Les biens des fabriques, des fondations établies dans les églises paroissiales, conservées provisoirement par l'article 25 du décret du 12 juillet dernier, sur la constitution civile du clergé; ceux des établissements d'étude et de retraite; ceux des séminaires, collèges; ceux des collèges et de tous autres établissements d'enseignement public, administrés par des ecclésiastiques et des corps séculiers ou des congrégations séculières; ensemble les biens des hôpitaux, maisons de charité et de tous autres établissements destinés àu soulagement des pauvres, continueront d'être administrés comme ils l'étaient au premier octobre présent mois, lors même qu'ils le seraient parles municipalités qui auraient cru devoir se charger de les régir en vertu de l'article 50 du décret du 14 décembre dernier,- concernant les municipalités, jusqu'à ce qu'il en ait été autrement ordonné.
Art. 13.
Les administrateurs des biens mentionnés en l'article 12 ci-dessus seront tenus de rendre leurs comptes tous les ans, à compter du premier janvier 1791, jusqu'à ce qu'il y ait été autrement pourvu, en présence du conseil général de la commune, ou de ceux de ses membres qu'il voudra déléguer, pour être vérifiés par le directoire du district, et arrêtés par celui du département.
Art. 14.
Quant aux établissements d'enseignement public et de charité qui-étaient administrés par des chapitres et autres corps ecclésiastiques supprimés, lorsqu'ils seront dans des villes de district, ils le seront par les administrations de district et de département, ou leur directoire. Ceux qui se trouveront dans des villes où il n'y aura pas de district, seront administrés par les municipalités, sous l'autorité desdites administrations, et à la charge de rendre compte ainsi qu'il est prescrit parl'àrticle 13 ci-dessus, le tout aussi provisoirement, et jusqu'à ce qu'il y ait été autrement pourvu.
lève la séance à 10 heures du soir.
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du mardi 5 octobre, au matin.. Ce procès-verbal est adopté.
fait donner lecture d'une lettre des officiers municipaux et du conseil d'administration de la garde nationale de Metz.
L'Assemblée ordonne que cette lettre, qui est ainsi conçue, sera imprimée et jointe à son procès-verbal :
Monsieur le Président, L'approbation des augustes représentants de la nation française doit être la plus grande récompense de celui qui a exposé sa vie pour l'exécution de leurs décrets; c est aussi celle qu'ambitionnent le plus les gardes nationales de Metz, en s'applaudissant d'avoir versé, pour la défense de la loi, une partie du sang pur et libre que leurs aïeux leur ont transmis. Ils vous prient, Monsieur le Président, d'agréer l'hommage de leur reconnaissance sur le témoignage honorable que vous voulez bien accorder à leur conduite.
Nous saisissons cette occasion de renouveler entre vos mains le serment de mourir pour la Constitution, d'obéir sévèrement à tous les dé-^ crets de l'Assemblée nationale, sanctionnés par le roi, de mesurer toutes nos démarches sur les ordres de nos chefs, et de joindre au courage; patriotique l'exacte discipline qui peut seule le faire triompher.
Nous continuerons d'écarter loin de nous la présomptueuse ignorance qui se permet de juger les lois; nous nous rappellerons toujours quels malheurs naissent de l'insubordination, l'événement déplorable qui nous coûte des larmes, et qui aurait pu ébranler la Constitution, en nous faisant connaître les artifices des ennemis de la liberté, nous affermira contre les dangers de la séduction, ou de l'indolence, ou de la faiblesse.
Nous avons l'honneur d'être avec un profond respect, Monsieur le Président, vos très humbles et très obéissants serviteurs. Les officiers municipaux et le conseil d'administration de la garde nationale de Melz, représentant les cinq bataillons ;
Paquin, maire ; Fabert le cadet, commandant en premier ; Fenouil, secrétaire de la municipalité; La jeunesse, secrétaire de la garde natio-' nale.
, secrétaire, fait lecture d'une lettre adressée à M. le Président par M. Darçon, colonel du gé^ie, qui fait hommage à l'Assemblée de sa réponse aux nouveaux mémoires que M. de Montalembert vient de publier sur la fortification. Il observe qu'il est utile de la rassurer sur la valeur des forteresses qui doivent contribuer essentiellement à faire respecter nos frontières, et à prouver que les officiers du génie se sont constamment proposé, en édifiant des monuments conservateurs, de concilier les moyens de force et de résistance avec ceux d'une économie toujours indispensable.
L'Assemblée agrée l'hommage de M. Darçon, et décrète qu'il en sera fait mention honorable dans son procès-verbal.
demande à remettre, et remet en effet sur le bureau, pour être renvoyées au comité des recherches, trois pièces extraites des registres de la commune de Brignole. .
Il expose ensuite que la ville de Marseille est agitée de troubles très inquiétants ; que les sections et la commune ont destitué le commandant général de la garde nationale de Marseille;,qu'un grand nombre de citoyens de cette ville soutiennent ce commandant général, et s'opposent .à .sa
destitution. Il demande que les pièces qu'il a déposées soient renvoyées au comité dés rapports, pour qu'il en fasse, le plus tôt possible, le rapport à l'Assemblée.
(La proposition de M. d'André est adoptée.)
(de Saint-Lô), secrétaire, fait lecture d'une adresse de l'académie de peinture et de sculpture, qui représente à l'Assemblée que la vente des biens ecclésiastiques, des maisons et communautés religieuses, peut exposer la nation à perdre un grand nombre de chefs-d'œuvre de peinture et de sculpture qui existent dans ces maisons, s'il n'était pris aucune précaution pour leur conservation. Cette académie demande, en conséquence, d'être autorisée à nommer des commissaires parmi ses peintres et sculpteurs, à l'effet de rechercher dans toutes les églises et maisons religieuses les ouvrages et monuments de
{teinture et sculpture les plus précieux, et que es monuments soient conservés et déposés dans un lieu convenable.
(Il est décrété que cette adresse sera renvoyée au comité d'aliénation, pour en faire son rapport à l'Assemblée.)
expose, au nom du comité des finances, que les administrateurs de la caisse d'escompte demandent à être autorisés à, faire, pour leur propre compte, une nouvelle émission de billets de caisse jusqu'à concurrence de la somme de 30 millions. Il observe que cette demande est appuyée par une pétition des marchands de Paris ; qu'elle paraît devoir être très utile au commerce de la capitale; que cette demande a déjà été faite à l'Assemblée au nom de la caisse d'escompte; que l'Assemblée l'a ajournée jusqu'à sa décision sur le mode de libération de la dette exigible de l'Etat.
(Sur diverses observations qui ont été faites, et sur la demande du rapporteur lui-même, l'Assemblée décrète à bref délai l'ajournement de cette proposition.)
observe à l'Assemblée, au nom du comité de Constitution, qu'il s'est glissé des erreurs dans quelques articles de ses. deux décrets des 2 et § septembre dernier, concernant la liquidation des offices et les dettes des compagnies de judicature; il propose, pour les rectifier, le décret ci-après, qui est adopté :
« L'Assemblée nationale déclare que, par les dispositions de l'article 3 du titre III de ses décrets des 2 et 6 septembre dernier, concernant la liquidation des offices et les dettes des compagnies de judicature, elle n'a point entendu obliger des compagnies qui sont séparées, ou qui ont dû se séparer le 30 septembre, à se rassembler pour former le tableau de leurs dettes actives et passives ;
« Décrète : 1° qu'aucune compagnie des anciens juges, aucun tribunal qui se trouve séparé sans avoir formé le tableau de ses dettes actives et passives, ne pourra se rassembler sous prétexte de faire ledit tableau, ni sous aucun autre prétexte, à peine de forfaiture; enjoint aux greffiers des tribunaux qui, avant leur séparation, n'auraient pas satisfait à l'article 3 du titre III des décrets des 2 et 6 septembre, de former seuls le tableau ordonné par ledit article, et de l'adresser, sous leurs certification et signatures, au comité de judicature de l'Assemblée nationale, ainsi qu'il est prescrit par l'article 2 du titre III des mêmes décrets des 2 et 6 septembre; « 2° Les créanciers desdites compagnies qui se-
trouvent séparées, pourront faire certifier l'expédition de leurs titres par le greffier de l'ancien tribunal, ou par le procureur Syndic du district; et cette expédition sera valable comme si elle était dans la forme prescrite par l'article 2 du titre III des décrets des 2 et 6 septembre dernier. »
demande que le comité d'agriculture et de commerce fasse son rapport, qui doit être prêt, sur la proposition faite par le sieur Brullé, de construire un canal de jonction de.la Marne à la Seine.
(L'Assemblée décrète que ce rapport sera mis à l'ordre du jour, à une séance du soir, aussitôt que le rapport aura été imprimé et distribué.)
propose, au nom de divers comités, un projet de décret tendant à attribuer aux corps administratifs une juridiction contentieuse sur les difficultés que fait naître journellement la perception des impositions directes et indirectes; et ce, pour suppléer à la juridiction ancienne des intendants sur ces matières, et en attendant que les nouveaux tribunaux puissent être mis en activité.
(de Saint-Jean-d Angély). L'attribution qu'on vous propose présente de sérieux inconvénients et confond les pouvoirs; en outre, le décrétât inutile puisque avant même qu'il pût être exécuté les nouveaux tribunaux seront en activité ; je propose de passer à l'ordre du jour. (Cette proposition est adoptée.) .
L'ordre du jour est la suite de la discussion sur la contribution foncière et le mode de Vimpôt.
Je me propose de vous présenter des observations sur le pian du comité d'imposition, et de vous proposer mes vues sur les moyens de faciliter la perception en nature, considérée comme la véritable mesure proportionnelle entre les facultés du contribuable et le poids de l'impôt. Le comité d'imposition, ayant calculé les charges que supportait dans l'ancien régime la propriété foncière, a trouvé qu'elles se montaient à 314 millions; en conséquence, le comité acru pouvoir sans surcharge fixer, à raison des besoins de l'Etat en 1791, la contribution foncière à 300 millions, et il suppose que cette contribution sera environ le cinquième du produit net des fonds dans toute l'étendue du royaume. En effet tous nos économistes portent le revenu territorial de la France à plus de 1,500 millions." Le comité en tire la conséquence que, comparant les impositions précédentes avec le mode qu'il ropose, le cultivateur, sur un bien qui vaut 00 livres de produit net, ne payant plus que 63 liv. 15 sous, fera un bénéfice de 81 liv. 15 sous dans les pays de taille mixte, de 70 liv. 10 sou% dans les pays de taille personnelle, et de 12 livres 13 sous seulement dans les pays de taille réelle.
Ces nuances établissent évidemment la preuve d'une des énormes disproportions qui existaient dans la perception des impôts. Mais dès lors que tout le monde y gagnera plus ou moins, cette perception est très consolante, car le laboureur se trouvera en même temps soulagé de la dîme, de la gabelle et d'une partie de l'impôt sur les aides et sur le tabac ; objets qui, étant de première nécessité, doublaient ci-devant sa cotisation aux charges publiques et dont l'Assemblée na-
tionale a solennellement promis de le soulager. Mais le moyen de parvenir à ce but me paraît encore absolument problématique, et c'est ici qu'il est spécialement important de ne pas commettre d'erreur; car, après avoir débusqué de poste en poste lesenaemis de la Constitution, c'est au dernier défilé qu'ils nous attendent. Je prendrai mon ancienne province pour base de mes calculs. Le produit net de la propriété foncière,en Champagne, abstraction faite de tous privilèges, peut être évalué, d'après, les renseignements consignés dans les bureaux d'administration, à 20 millions par an, compris le produit des domaines natiqnaux qui y sont enclavés. Le cinquième de ce produit étant de 4 millions, cette somme, d'après les principes énoncés dans le rapport du comité, serait la base de répartition de l'impôt foncier entre les quatre départements qui divisent la ci-devant province de Champagne, et dans cette proportion chacun payera le cinquième de son revenu.
Dans cette hypothèse, le propriétaire foncier de la Champagne supportait : l°les cinq sixièmes de la taille qui, avec l'impôt représentatif de la corvée, coûtait à cette province 5,600,000 livres, dont les cinq sixièmes sont un objet de 4,666,665 livres •
2° L'impôt de la gabelle coûtait à la Champagne près de 5 millions, que je réduirai à 4,600,000 livres de produit net pour le fisc, dont moitié, suivant les principes du comité, à la charge du cultivateur, 2,300,000 livres;
3° Les vingtièmes étaient un objet de 2 millions, dont les cinq sixièmes à la charge de la propriété foncière, 1,666,667 livres; . 4° Les impôts sur les cuirs, portés à 9 millions de produit net par le comité, dont moitié à la charge du cultivateur, sont, pour les propriétaires de la Champagne, que j'évalue à la vingt-septième partie du royaume en consommateurs, un objet de 1,666,666 livres;
5° Le vingt-septième, présumé de 110 millions de dîmes ecclésiastiques ou inféodées, 4,233,332 livres; -
6° Le vipgt-septième, présumé de 11 millions de décimes ou biens abandonnés, 423,333 livres.
Je ne porterai ici l'impôt des aides, celui du tabac, des contrôles, centième denier, etc., que pour mémoire.
Premier total 13,456,663 livres.
Frais de perception, décharges et modérations, frais généraux d'administration, au moins dix-huit deniers pour livre, 1,009,250 livres.
Total à répartir sur la propriété foncière de la ci-devant province de Champagne, d'après les principes du comité, et en supposant que provisoirement on lui laisse la charge qu'elle supportait précédemment, ci 14,465,913 livres.
On peut compter sur l'exactitude de ces calculs, à quelques fractions près. Or, 14,465,913 livres sont à 20 millions de produit net, seule base connue jusqu'ici pour l'asiette de l'impôt, comme 217 livres o sous sont à 300; et, par ce calcul, une métairie louée 3,000 livres serait imposée à 2,170 livres, c'est-à-dire à plus que les deux tiers de son produit net.
Si j'ai aperçu le résultat du plan du comité, je n'entends pas comment cette méthode peut
née une partie de l'impôt, à la charge du ci-devant taillable, et la totalité de l'impôt étant mieux répartie, le marc la livre dans ma pro-
vince a été baissé de 3 sous à 2 sous; que cet avantage dont le peuple jouit, et qu'il a regardé comme un bienfait de la Constitution, devient un nouvel obstacle à cette énorme augmentation, car il est de fait qu'un bien loué 300 livre3 payait, en 1789,' 164 livres, compris l'impôt représentatif de la corvée; il ne paye plus en cette année 1790, que 121 liv. 10 s., et l'on propose de l'imposer, pour t791, à 217 livres. J'avoue qu'il reste au cultivateur le bénéfice de la dîme et de la gabelle, mais cette compensation me paraît excessivement dure. Quelque désastreux qu'ait été l'effet de l'ancien mode de l'imposition, je ne crois pas que personne à cette tribune veuille avancer sérieusement qu'un homme, qui est présumé avoir 300 livres de rente, puisse en payer 257 livres, année commune, supporter toutes les non-valeurs, et manger du pain et boire de l'eau. Nous devons cependant tous être convaincus de la vérité du principe très consolant avancé par le comité ; c'est que le cinquième du produit net également réparti suffirait à l'acquit de 300 millions d'impôt. Aussi nous avons la douce certitude que nos ressources sont suffisantes pour faire le bonheur du peuple, assurer la dette publique et remplir à la fois tous nos engagements. Je commence par déclarer au nom de mes commettants (et je suis trop certain du patriotisme de la classe la plus nombreuse pour craindre d'en être désavoué) que, quoique habitants de la province bien reconnue pour la plus maltraitée, la plus travaillée en finances du royaume, nous ne voulons mettre le désordre nulle part, et nous consentons que provisoirement chaque département supporte l'impôt de 1791, dans la proportion relative qui lui était ci-devant attribuée ; mais nous demandons qu'il soit établi constitutionnellement que toute bonification générale fournira en décharge des départements sur-imposés, année par année, jusqu'à ce que le niveau soit établi dans tout le royaume. Et pour remplir cet objet, nous réclamons l'établissement réel d'une caisse d'amortissement de 20 millions par année. Nous demandons surtout pour prix de notre dévouement que les finances de l'Etat soient absolument séparées et indépendantes du ministre; qu'en conséquence, il soit établi une caisse vraiment nationale destinée à recevoir tous les impôts ; que cette caisse soit administrée par des hommes choisis par chaque législature, et qui ne répondront qu'à celle-ci de l'emploi des fonds publics.
Le roi a sa liste civile, les fonds de chaque département seront déterminés tous les ans, et les ministres rendront compte de l'emploi des deniers qui lui auront été confiés; la ligne de démarcation est donc bien clairement tracée par la Constitution, comme elle l'est également par la justice et la raison. En effet, qu'est-ce pour la nation que le droit de s'imposer si elle n'a pas celui de fixer ses dépenses? Qu'est-ce que l'honneur et le crédit d'une nation si ce n'est l'exactitude et la sûreté de ses engagements? Qu'est-ce enfin communément qu'un ministre des finances, si ce n'est un agioteur des fonds publics, l'objet des caresses intéressées des courtisans, le vampire du peuple et l'éternel fléau des débiteurs et des créanciers de l'Etat? (M. le Président rappelle Vopinant à la question.) M. le Président, je suis dans la question, car je déclare, au nom de ma province, qu'elle ne payera pas d'impôts qu'on n'ait pris des mesures pour en assurer ie légitime emploi. (On crie : A l'ordre.)
Le comité s'est occupé de latré-
sorerie nationale, mais il n'a pas cru que cet objet pût faire partie de la délibération actuelle.
Je rentre dans la question. Vous vous plaignez de la disparition du numéraire et de la confiance; dites un mot: décrétez que la nation elle-même administrera ses finances, et le miracle est opéré. Je n'ai pas le projet de combiner la proportion des impôts fonciers, des impôts indirects, je crois cependant que le comité aurait dû nous faire connaître plus jjositivement les motifs qui l'ont déterminé à fixer à 300 millions la contribution foncière.; mais, dans mon système, cette charge exorbitante reprendra facilement son véritable équilibre. Je me contenterai donc d'une simple observation. Pourquoi le comité attribue-t-il à la propriété foncière la totalité du remplacement de la dîme? Les frais du culte sont une dette commune à tous les fidèles; les propriétés mobilières ou immobilières doivent également concourir au payement de ces frais. Pour asseoir l'impôt foncier, il existe deux mesures qui se combinent ensemble, la quotité matérielle et la quotité relative; toutes les propriétés ne sont pas cadastrées à leur valeur, soit en quantité, soit en quotité; le pauvre, dont la propriété est très bornée, supporte toute la charge; le grand ^propriétaire cache plus aisément une partie de ce qu'il possède, il s'enveloppe dans ses richesses.
Exigera-t-on des évaluations des municipalités? Toutes diront qu'elles sont trop imposées; chaque administration de département, de district, fera la même réponse. Il est reconnu que telle province a contribué jusqu'ici en masse, proportionnellement plus qu'une autre; que tel colon payait aussi, relativement à ses facultés, plus que le colon d'un autre village, dont les facultés étaient les mêmes. Cet inconvénient est une injustice, il faut la faire disparaître par l'égalité proportionnelle la plus rapprochée possible. C'est spécialement sous ce rapport que le comité me parait avoir bien légèrement donné l'exclusion à l'impôt en nature, que je considère comme le seul thermomètre des facultés des contribuables. J'examinerai les inconvénients et,les avantages de cet impôt. Je suis cultivateur, conséquemment intéressé à ne pas me tromper. J'ai cherché d'abord à me rendre compte des dangers auxquels pourrait exposer l'impôt territorial en nature : j'ai cru apercevoir : 1° que la propriété foncière étant grevée de 12 soùs pour livre de son revenu, en tailles, capitations, accessoires et vingtièmes, sans compter la gabelle et les aides, etc., la conversion de ces impôts en nature absorberait plus de moitié des récoltes, c'est-à-dire plus que la moitié du produit net; 2° que les fermiers exigeraient à l'instant la résiliation de leurs baux, ce qui occasionnerait mille procès dans chaque province, et mettrait partout en stagnation la culture des terres; 3° que la répartition de cet impôt, fixée à une quotité quelconque de gerbes, par mois ou par cinquantaine, ne pourrait être classée en proportion des frais de culture, qui varient d'un canton à l'autre, et se combinent difficilement avec leurs résultats respectifs; 4° que soit que le roi afferme cet impôt, soit que les provinces s'abandonnent, la sûreté des recouvrements nécessitera une ou plusieurs compagnies d'accapareurs, qui, devenus maîtres d'une partie considérable de nos récoltes, fixeront à un taux excessif le prix de cette denrée, au détriment des pauvres ; 5° que les paillés seront perdues pour le cultivateur, ce qui diminuera la masse des fourrages nécessaires à l'entretien de
ses bestiaux, par Conséquent les engrais et le produit de ses terres ; 6° que les récoltes étant incertaines et la perception minutieuse, il faudra passer en indemnités, aux fermiers de l'imnôt, le quart ou le cinquième en sus de sa valeur ; 7° que les fermiers de l'impôt abuseront de l'autorité du prince pour gêner le cultivateur par des lois fiscales, retarder l'enlèvement de ses récoltes, et l'exposer à une perte totale par l'effet de l'intempérie des saisons. •
Ces objections très graves m'ont paru d'abord sans réplique : j'ai cherché à calculer les moyens d'un impôt territorial en argent; j'ai vu qu'en Haute-Guyenne des administrateurs éclairés avaient constaté l'impossibilité d'opérer un cadastre parfait, dans un laps de temps fort court et à peu de frais; j'ai senti que longtemps encore il faudrait recevoir des déclarations de biens, exciter le3 délations, les animosités, les vengeances, pour ne pas avoir des déclarations justes. Qui osera même déclarer la fortune d'un homme riche, dont un souffle suffit pour dessécher tout ce qui l'environne? Si l'impôt s'acquitte en argent, on verra bientôt toutes les passions se coaliser tie nouveau contre la justice et la raison. Voyez ce qu'est devenu l'impôt de la capitation; il paraissait devoir affecter plus particulièrement les hommes riches et puissants; ses bases en répartitions n'ont jamais varié; cependant, sur près de 1,500,000 livres de capitation que supporte la Champagne, les ci-devant privilégiés n'acquittent que 14,200 livres.
On a toujours ignoré, malgré les remontrances de forme des parlements, que les privilégiés ne payaient que 2 sous 2 deniers pour le même objet, qui coûtait 12 sous pour livre au taillable. L'impôt a tellement été forcé, qu'en Champagne le taillable payerait 24 sous pour livre de son revenu, si toute sa fortune était également connue et imposée, et s'il consommait au prorata de ses facultés personnelles... Si dans un gouvernement tout ce qui tend à détruire l'arbitraire est un pas vers la perfection, l'impôt territorial sera un des moyens d'atteindre ce but ; il sera aussi la règle de proportion la plus sûre à établir dans tous les départements ; l'Assemblée fera la loi générale, à raison du produit net, et ce sera la nature elle-même qui sera le répartiteur, sans frais, sans surcharges, sans procès.
La subvention territoriale doit être considérée comme remplaçant tous les impôts qui ont précédemment grevé la propriété. Il faut apprécier la propriété de tous, de manière que d'un bout du royaume à l'autre, sans distinction d'état et de personnes, chacun acquitte une part égale, relative à ses facultés, de l'impôt national. J'ignore quelle sera précisément la quotité de cette portion; mais pour me mettre en état d'établir mes calculs, je la fixerai au Cinquième du produit net. On sait que cette imposition, également répartie, produirait plus de 300 millions. S'il est vrai que la France ait au moins 400 millions de revenus territoriaux, en supposant donc le taux général de l'impôt fixé au cinquième du produit net, ce taux est évaluable en tout pays à la fois sur toute nature de terre, quelles que soient la différence des exploitations, la distance des débouchés et la valeur locale des denrées, par un moyen simple que je,vais exposer.
Tout le monde sait ce qu'un setier de blé vaut d'argent; mais on n'est point familiarisé à calculer ce qu'un louis vaut de livres de grains ; ces deux choses ont pourtant un rapport uniforme, et sont des gages d'échanges réciproques. Donc,
pour asseoir un calcul, il est indifférent qu'un bien soit loué en grains ou en argent. Il n'y a point de pays où il n'y ait des corps de ferme; il n'y a point de corps de ferme qui ne soit loué de l'une ou de l'autre manière. Plus communément on loué à moitié, tiers, quart, franc ou en partageant les frais avec un métayer. Un fermier, soit qu'il fasse valoir avec des bœufs, soit qu'il mette deux ou huit chevaux sur une charrue, a toujours calculé ses dépenses avant d'offrir un prix quelconque de la ferme où il se propose dn mettre son industrie en activité. Donc le propriétaire retire toujours lè produit net. Quels que soient le pays qu'il habite et la valeur de son terrain, c'est ce produit qui est seul imposable; car rien n'est plus absurde que de taxer les bénéfices industriels d'un fermier, puisque la charge venant en défalcation du prix du bail retombe nécessairement sur le- propriétaire. Celte ruse fiscale n'a été inventée que pour imposer indirectement les privilégiés, et l'altération, que le souverain s'est permis de porter au droit prétendu immémorial de cette classe, prouve qu'il ne l'a jamais regardé comme légitimement fondé; ce principe est aussi celui du comité de l'impôt.
Toute location, soit en argent, soit en grains, peut s'évaluer comme si elle était faite à moitié ou au tiers, quart, cinquième, etc., du produit brut des récoltes. Toute terre que le propriétaire fait valoir peut s'apprécier, par comparaison, avec celles qui sont louées. Ces bases adoptées, il est sensible que toute terre doit au roi le cinquième de son produit net : dans les sols susceptibles d'être loués à moitié franc, l'impôt sera la dixième gerbe, parce qu'il en faut cinq pour les frais, quatre au maître et une au roi. Dans les terres susceptibles de location au tiers franc, l'impôt sera la quinzième gerbe ; savoir : une au fermier, quatre au maître et une au roi. Il dérive, des mêmes principes que, si vous louez au quart, l'impôt sera la vingtième gerbe, et ainsi de suite jusqu'à la dernière classe; mais il ne sera jamais fait plus de quatre classes par chaque communauté. Telle m'a paru être la méthode très simple, d'établir l'égalité proportionnelle sur toutes les terres du royaume,"eu égard aux différents lots, aux méthodes plus ou moins dispendieuses d'exploitation, et aux produits très variés des récoltes, parce qu'un fermier prend tous ces objets en considération, lorsqu'il veut louer, et le prix qu'il veut louer, et le prix qu'il offre, pouvant s'appliquer aisément à une des clauses ci-dessus énoncées, n'est jamais que le résultat de ses combinaisons de besoins et de ressources.
Je vais démontrer que, sans compter les impôts accessoires, comme gabelle, aides', tabac, etc., certains laboureurs, en Champagne, acquittent aujourd'hui, en impositions foncières, au moins la cinquième gerbe effective de leurs récoltes, sans déduction d'aucuns frais de culture. Le meilleur arpent de terre à froment ne peut être évalué produire en brut aux champs plus de 108 livres, dîmes et sciages acquittés. Ce même arpent n'est évalué au cadastre que 12 livres de produit net chaque année. Il doit, sur le pied de cette évaluation, qui paraît faible au premier aspect, 3 sous 4 deniers pour livre de taille principale..............2 1. » s. » d.
3 sous pour livre de cette première somme pour la capitation et les accessoires. . ......3 » »
Le sixième de ces deux sommes
A reporter.... 5 !.. » s. » d~
Report..... réunies pour la corvée ..... 2 vingtièmes et sous pour livre
Total.....
5 1. » s. » d. » 16 8 1 .6 5
7 1. 3 s. 1 d.
Mais les mars ne servent qu'à la nourriture des bestiaux, et la versaine étant nullé, il faut extraire du produit d'un arpent ampouillé en froment, l'impôt de trois arpents, formant la solle d'usage; c'est donc effectivement une somme de 21 livres 9 sous 3 deniers à prélever sur un produit de 108 livres; n'est-ce pas le cinquième du produit brut? N'est-ce pas enfin comme si ce laboureur payait la cinquième gerbe en nature? Si donc le propriétaire foncier, qu'on appelait ci-devant tail-lable, n'acquitte au plu3 que la dixième gerbe de son champ, à l'avenir, au lieu de la cinquième qu'il paye aujourd'hui effectivement, mais d'une manière déguisée surtout, ne pavant plus ni dîme, ni gabelle, il devra ce bonheur aux principes d'humanité et de philosophie qui éclairent la France, et après tant de siècles de vexations il recevra comme un bienfait cet acte de justice rigoureuse de l'Assemblée nationale.
Telle est la véritable mesure de nos devoirs envers la nation, et la règle proportionnelle que je désire qui vous paraisse, comme à moi, très facile à saisir. Je ne propose point de gêne, point de contrainte, je demande seulement qu'une communauté soit libre de répartir la quotité de son imposition, soit en argent, soit en nature, à son choix. Mais comme le mode d'imposer en argent peut servir de manteau à l'intérêt personnel, je réclame toute faveur pour celui qui, payant aux champs, justifiera de la manière ta plus évidente, et sa bonne foi et le terme de ses moyens. Assurez le peuple que le taux fixé par la loi ne peut jamais être excédé, et vous verrez bientôt le même niveau s'établir partout sans contrainte et sans frais; car un village qui se prétendrait trop imposé, ne manquera pas de s'empresser d'en faire la preuve que vous lui aurez indiquée, et vous obtiendrez, de cette manière, en moins de six ans, un cadastre parfait, celui de la nature même. - '
Je propose le projet de décret suivant :
« Art. 1er. L'impôt à établir sur-les propriétés foncières en 1791, compris les accessoires, charges locales et frais de perception, ne pourra excéder, soit en nature, soit en argent, le cinquième du produit net des fonds dans toutes les parties de l'Empire.
« Art. 2. La somme d'impôts à asseoir, sur chaque communauté, par les administrateurs du district, sera, comme ci-devant, en argent ; mais il sera libre à chaque communauté de répartir son impôt foncier tout en nature ou tout en argent, par des cotes séparées, ou bien partie en argent et partie en nature, suivant l'espèce de matière imposable qui se trouvera dans son arrondissement. En conséquence, à la réquisition des trois quarts des propriétaires fonciers, citoyens actifs, la municipalité, après avoir déterminé conformément à la loi, dans un rôle particulier, l'évaluation des objets qui ne peuvent s'imposer qu'en argent, et en avoir fait déduction sur la masse générale de l'impôt que l'administration de district lui aura affectée, sera tenue de mettre en adjudication, au rabais, l'impôt en nature à prélever sur les fonds qui en seront susceptibles, toutefois sous la condition rigoureuse de ne jamais excéder le cinquième du produit net
et par conséquent de prendre la dixième gerbe pour maximum du produit brut des terres de première classe; la quinzième gerbe pour maximum du produit brut des terres de seconde classe, et la vingtième gerbepour maximum de la troisième et dernière classe.
« Art. 3. Le fermier de l'impôt en nature sera chargé par son bail du recouvrement de l'impôt qui, n'aurait pu être assis qu'en argent ; il fournira bonne et suffisante caution, dont la communauté restera solidaire envers l'Ktat, et il acquittera, mois par mois, aux termes du règlement, à la décharge des habitants, ie montant de leur cotisation.
« Art. 4. Si, à l'adjudication sollicitée par les trois quarts des propriétaires fonciers, il ne se présente pas des fermiers solvables et agréés par la majorité du corps des habitants, la répartition individuelle de 1 impôt se fera en argent, d'après les règles prescrites, titre III, du plan proposé par le comité.
« Art. 5. Si, après évaluation faite des objets payables en argent, l'impôt d'une communauté se trouve tellement disproportionné à ses facultés, qu'àucuh fermier ne veuille se charger de l'acquitter, en prélevant à son profit le maximum sur chaque classe de terre, désignée article 2, alors l'adjudication sé fera en sens inverse, en présence d'un commissaire du district, et prenant ce maximum pour base, on adjugera cette quotité à Celui qui en offrira la plus forte somme, ce que déterminera l'impôt réel de la communauté ; le surplus de la cotisation tombera en non-valeur, êt sefa réparti l'année suivante sur les communautés les moins imposées, proportionnellement à leurs facultés.
« Art. 6. Toute communauté qui préférera faire la répartition individuelle de la totalité de son impôt eh argent, au lieu de mettre en location les objets susceptibles d'être imposés en nature, ne pourra êtrè admise en réclamation, sous prétexte de trop imposé, jusqu'à ce qu'elle ait là preuve indiquée, article 5 Ci-dessus.
« Art. 7. L'impôt territorial en nature ne pourra jamais être loué pour plus ni moins de trois années, et Ce sera toujours à Noël qué s'en fera l'adjudication.
« Art. 8. Les communautés pourront se réunir par canton, pour établir un plus grand Concours aux adjudications; mais chaque communauté sera libre d'agir séparément, et d'après ce qui lui paraîtra plus convenable à ses intérêts.
«Art. 9. Les pailles et fourrages que le fermier de l'impôt en nature .ne consommera pas pour son usage seront vendus aux petits laboureurs du cànton, et par préférence de la municipalité du lieu de la perception, à un prix qui sera déterminé par le bail.
« Art. 10. L'Assemblée naitonale charge son comité des finances de lui présenter dans le plus court délai un mode d'organisation pour l'administration du Trésor public, dans lequel seront versés tous les impôts, tant directs qu'indirects, lesquels seront ensuite distribués aux différentes branches d'administration, sous la surveillance immédiate, et conformément aux décrets qui seront rendus par chaque législature, et sanctionnés par le roi. »
(L'Assemblée ordonne l'impression du projet de décret proposé par M. Dubois-Crancé.)
Il est impossible que la discussion continue ainsi. Je demande que, selon l'usage qui a toujours été suivi dans les matières importantes,
le comité d'imposition soit chaîné de vous présenter demain une série de questions sur lesquelles on puisse décider par oui ou par non.
(ci-devant de Roquefort). Il me semble que les questions à décider peuvent se poser en ces termes :
1° T aura-t-il une contribution foncière?
2° Quelle sera la quotité de cette contribution?
3° Sera-t-elle en nature ou en argent ?
4° L'Assemblée déléguera-t-elle aux départements le soin d'en régler le mode ?
Je demande que la motion de M. d'André soit adoptée et qu'on continué aujourd'hui la discussion sur l'impôt en nature.
(Cette proposition est mise aux voix et décrétée.)
L'impôt territorial ét foncier payé en nature offre de grands avantages ; en argent il présente de grands inconvénients. L'impôt en nature est plus juste, puisqu'on ne paye qu'autant qu'on récolte; la cote en argent est indépendante de la récolte. L'impôt en nature dispense du cadastre de la répartition toujours inégale entre les individus, et même entre les divers départements, districts ou municipalités : un cadastre exigerait du temps, et les circonstances nous pressent; il entraînerait des frais, et le Trésor public ainsi grevé ne retrouverait ces dépenses qu'en surcharge sur le peuple. Ce cadastre, quand il serait fait, devrait être recommencé dans 10 ans. L'impôt en nature n'exige point de cadastre : en vain dira-t-on que, suivant la nature du terrain etles fraisdeculture qui varient avec elle, tel qui payera 8 gerbes paye réellement plus ou moins que celui qui, sur un autre sol, en payerait autant numériquement : d'abord cette difficulté est commune à tous les systèmes, et ne sera pas plus facile à résoudre dans celui de l'impôt en argent, que dàns celui de l'impôt en nature; mais il est compensé dans la perception en nature, par un avantage inappréciable. Celui qui achète un fonds de médiocre qualité, qui paye réellement plus en payant autant, parce la culture sera plus coûteuse, le paye en conséquence, et cette considération influe sur le prix de son acquisition : ainsi voilà une compensation, et le territoire en général paye dans une juste proportion. , -
Celui qui paye dans la même nature les fruits qu'il récolte n'est point exposé aux vexations qui accompagnent le payement de l'impôt en argent; celui qui doit en argent éprouve des contraintes ruineuses quand il ne peut satisfaire à l'impôt; celui qui le paye en nature ne les redoute jamais, puisqu'il ne paye qu'autant qu'il a reçu, et qu'il ne craint pas que l'Etat lui demande cé qu'il n'a pas recueilli. En vain dira-t-on que l'impôt territorial en nature ne porte que sur le produit brut, tandis que le comité a prouvé qu'il ne doit être perçu que sur le produit net ; cette objection ne peut être sérieuse : car, enfin, comme on imposerait sur les trois quarts du revenu en argent, en abandonnant un quart pour les frais, ne peut-on pas de même, sur un produit de douze gerbes par exemple, en céder trois pour la culture et les champs, et imposer les neuf gerbes restantes ? Ce serait avec aussi peu de succès que l'on prétend que, dans la perception en nature, l'inégalité de perception est nécessaire sur les produits de même genre de culture, comme le lin et le chanvre, qui exigent plus de travail; ce qui nécessite, dit-on, un cadastre dispendieux pour
fixer çes di$tjpctjons ; mais, on ne fait pas attention pourrait percevoir une gerbe de blé sur dix, avec une mesure de lin ou dë chanvre sur dopz£, comme on payait un tonneau de vin sur dix, et.un setier de blé sur vingt : il n'y a rien la qui exige les frais.
L'impôt,çn nature effraye parce qu'on n'en à pas l'expérience. Les anciens Romains percevaient l'impôt pârtouten nature. Parmi nous, la Provence, plusieurs communautés s'imposent elles-mêmes pour leurs contributions aux charges de l'Etat et à leurs charges particulières ; cette imposition se fait en nature de fruits, et un fermier qui s'en Charge les convertit en argent. Ceux qui préfèrent de payer en argent ce qu'ils doivent en nature le peuvent d'autant plus facilement, quand ils sont d'accord avec le percepteur sur le prix, qu'il en résulte unp facilité de plus envers ce dernier pour s'acquitter de sa ferme. En vain se récriera-t-on sur les frais que peut entraîner Ce nouveau système ; il est-aussi simple él économique qu'équitable, ttn fermier, dans une ou plusieurs paroisses, perçoit en nature les objets^" soumis à l'impôt et dans la quotité fixée par la loi ; il paye ensuite le prix de la ferme en argent au Trésor public. Voilà tous les ressorts de la machine fiscale qui serait adoptée ; il faut bien, sans doute, que le fermier fasse un profit légitimé. L'on peut assigner des bornes à ce profit, en, y comprenant même les frais indispensables de perception. On les, compare à ceux qui accompagnent la percèptipn de la dîme- Il faut, pour un,produit de 80 millions sur les dîmes, imposer. 13$mil%0&sur les peuples, êt, dès lors, on assure que l'impôt tçrritoraien na7 ture exigerait une masse de frais effrayante, s'il fallait imposer 50 millions en sus pour en avoir 80 de net dans, le Trésor public. Mais on n'a pas réfléchi qu'il • serait aussi juste que facile d'imposer aux percepteurs la loi rigoureuse de rpn-are compte de leur perception, en calculant de c.lerc à maître, en leur accordant un bénéfice de 10 0/0, seulement, y compris les frais d'exploitation. Ainsi, pour recueillir 100 millions, il suffirait d'en imposer 110.; le fermier de l'impôt pourràit être, ou^la municipalité, ou tout autre enchérisseur, surveillé par elle.
Le comité vous propose une perception de 300 millions par année, facile à répartir en argent, et qu'il.croit, plus difficile à fixer en denrées. L Cette répàrtition, qui n'est rien dans mon plan, puisqu'elle résulte tout naturellement de la récolte individuelle de chaque propriétaire foncier, produira la même somme, au moyen de quelques calculs préliminaires et connus qui doivent la précéder. On sait par approximation ce que produit annuellement le sol de la France en denrées de toute espèce; la valeur de ces fruits en masse sera estimée d'après l'année commune. Il sera facile de déterminer, avec une règle de trois, la quantité précise de ces différentes productions sur la masse totale qui doit produire les 300 millions nécessaires au besoin de l'Etat.
Je n'ai plus qu'un moyen à faire valoir en faveur de l'impôt en nature; c'est l'intérêt du peuple, c'est-à-dire de tous les motifs le plus puissant et le plus sacré. L'intérêt du peuple est qu'il soit soulagé, qu'il soit traité avec justice et modération, pour ne pas payer plus qu'il ne doit, tandis que le riche et le puissant réunissent tant de moyens pour abuser de ses ressources, pour se soulager de l'impôt à son préjudice. Car, s'il est un moyen défavoriser le riche et d'éfjraser le pauvre, c'est de préférer l'impôt, ep argent à l'impôt en nature.
Pour connaître le taux véritable où chacun doit être imposé, il faut connaître la valeur de son bien et la nature des productions qui le lui assurent. Qr, il est bien plus difficile de connaître la véritable va|eur des possessions d'un riche propriétaire, que de celui qui ne l'est pas. L'immensité des grandes fortunes sert à les envelopper, tandis, que les ,médiocres sout connues de tout le monde. Il est plus aisé d'échapper à l'œil rigoureux de l'observation, quand on a des propriétés variées, étendues et de natures différentes, que quand on n'a qu'une terre, qu'une vigne ou qu'un pré. Si donc l'impôt se perçoit en argent, il sera toujours.rigoureusement juste pour le pauvre cultivateur, dont la fortune modique est en évidence, tandis qu'il ne le sera presque jamais, et toujours au-dessous de la véritable valeur d'une riche propriété.
D'où je conclus, en me résumant, que l'impôt territorial doit être en nature et non plus en argent, du moins par forme d'essai pour l'année 1791; et subsidiairement dans le cas où il serait décrété en argent, que chaque département, district ou municipalité puisse avoir la faculté d'opter celle des deux méthodes qui lui sera plus avantageuse en garantissant, la somme totale à laquelle ils.seront imposés; enfin, dans tous les cas, que.chaque individu propriétaire puisse acquitter en nature, s'il le juge à propos, quand il ne pourra payer en argent.
Personne n'ignore que le produit des fonds représente la première et ,1a principale richesse d'une nation. Aussi est-ce sur les fonds que fut jetée la première et la plus équitable peut-être de toutes les impositions. Elle pourrait encore, être la seule dans un état qpi n'aurait aucune relation d'intérêt et de commerce avec d'autres peuples. Mais du moment où ces relations ont été établies, et sont devenues nécessaires dans l'ordre politique, l'Etat s'est vu exposé à des nouveaux besoins par ses, correspondances et par l'obligation de protéger les arts, le commerce et l'industrie, qui à leur tour deviennent la source de sa splendeur et de sa prospérité.
Les besoins s'étant multplips, l'expérience, fit bientôt connaître que le produit des biens-fonds ne pouvait suffire aux nombreuses charges de l'JEtat» qu'il fa[lait,établir de nouveaux impôts sur d'autros>espècessde richesse; qu'il.n'était pas na* turel que le produit des .fonds, servît à acquitter, les dépenses occasionnées pour la protection ,accordée aux, arts, au commercé, à l'industrie.
Si les fonds représentaient toute la richesse et. les revenus dé l'Etat,, ils devraient être seuls imposés; mais dès qu'il existe d'aubes espèces de biens, de revenus e't de richesses, il est juste de les soumettre au tribut.
Il faut convenir que, relativement à l'effet des richesses, il ne peut y avoir de différence réelle entre le produit des terres et le revenu des propriétés mobilières. Il est donc évidemment juste que les contributions soient prises sans distinction sur toute espèce de revenus. La même cause doit produire les mêmes effets. Il est parfaitement égal de recevoir mille écus du produit de ses terres, ou de l'intérêt de ses capitaux. La subvention^ personnelle devient d'autant plus juste, d'autant plus nécessaire, que, dans l'organisation des nouveaux impôts, les rentiers, les capitalistes, les commerçants, les artistes et les artisans mêmes se trouveront déchargés d'une foule de contributions indirectes.. Gomment donc, à quel titreet sur quel fondement pourraient-ils espérer
de rejeter sur d'autres le pesant fardeau des charges communes? Comment oseraient-ils se flatter d'être affranchis de toute espèce de tributs parlenouveausystèmedel'impôt, tandis que tous leurs concitoyens fourniraient, à leur acquit, le remplacement des objets supprimés ? Ces deux contributions sont d'autant plus justes que, par leur réunion, elles embrassent toute espèce ae revenus et de richesses; personne ne pourra désormais échapper à l'une ou à l'autre. Ge qui ne sera point dans l'impôt territorial retombera nécessairement dans la subvention personnelle. La justice de ces deux impôts rend nécessaire leur admission cumulative.
Je ne répéterai pas les objections qui ont été faites 'contre l'impôt territorial en nature, elles ont dû fixer l'opinion de l'Assemblée. L'impôt territorial en argent doit comprendre généralement et sans exception tous les fonds du royaume, ainsi que les droits réels, quels qu'ils puissent être. Ce n'est point assez que tous les objets réels soient rappelés dans le rôle, il faut qu ils y soient cotisés à raison de leur valeur : on doit donc la connaître. On ne peut y parvenir que par un arpentage et une estimation ; c'est ce qu'on appelle cadastre. Quelquefois, pour éviter les frais qu'il entraîne, les intéressés conviennent entre eux de la contenance et de la valeur de leurs fonds; alors cette convention en tient lieu. On a opposé à l'impôt en argent la difficulté de ce cadastre ; il est facile de dissiper ces fausses alarmes. G'est à cela principalement que je vais m'attacher. Le cadastre réel, ou vraiment dit, et celui qui est fait avec toutes les formalités prescrites; et ces formalités ne sont autre chose que les précautions suggérées par la raison. Voici la manière d'y procéder dans les pays de taille réelle où il est en usage. Une communauté obtient d'abord arrêt portant permission de procéder à un arpentage. Elle nomme des experts arpenteurs et estimateurs, étrangers et non suspects, liés par foi du serment. Le premier, par son mesurage, fixe la contenance et la description topographique de l'héritage ; les seconds en estiment la valeur, rédigent un procès-verbal des motifs qui ont détermité leur estimation. Cette estimation se fait de deux manières. Dans la première, on divise les fonds en trois classes : bons, médiocres ou mauvais. Quelquefois on forme cinq ou six classes. Chaque fonds est cotisé dans celle où il se trouve placé.
Dans la seconde manière d'estimer, on fixe un prix déterminé à chaque héritage, pour l'imposer ensuite au marc la livre du capital. Cette seconde manière est plus exacte, mais beaucoup plus difficile, pour ne pas dire en quelque sorte impossible dans la pratique. Pour donner au cadastre toute la valeur et l'efficacité dont il est susceptible, on en fait le dépôt dans un greffe, ou autre lieu public, afin que tous les intéressés puissent vérifier leurs rôles dans un délai déterminé, acquiescer, s'ils le jugent à propos, ou combattre en cas d'erreur, soit sur la contenance, soit sur l'estimation. Le délai expiré, le cadastre est tenu pour vérifié et acquiescé. Alors intervient un second arrêt qui homologue toutes les opérations ; et si, par la suite, on découvre quelques erreurs, il faut, pour les faire rectifier, les dénoncer d'abord à la communauté par un dire motivé, la requérir de consentir à nommer experts. Si elle y consent, on procède à la vérification ; si elle s'y refuse, le plaignant se pourvoit par-devant le tribunal qui a homologué le cadastre; et celle des parties qui est trouvée en tort supporte les frais
d'instance et de vérification. Comme les frais d'arpentage et de cadastre devenaient très considérables, à raison des formalités accessoires, nombre de communautés se contentaient de faire une espèce de cadastre par convention. La manière d'y procéder était assez simple. Le commissaire nommé pour la refonte des rôles ordonnait à chaque contribuable de donner, dans huitaine, une déclaration exacte de tous ses fonds, à peine d'être taxé arbitrairement. Les déclarations signifiées, le commissaire ordonnait à la communauté de les combattre dans le même délai, passé lequel elles étaient tenues pour admises. S'il s'élevait contestation entre le particulier et la communauté, alors elle était jugée sommairement et sans frais par le commissaire, ensuite d'une vérification par témoins ou experts. On comprend que la nation ne peut adopter que provisoirement cette seconde manière d'opérer. Il faudra nécessairement, dans chaque lieu, un cadastre juridique, qui ne coûtera d'autres frais que ceux dé mesurage et d'estimation. Toutes les opérations peuvent être achevées dans une ou deux années, parce que, dans chaque municipalité, on travaillera en même temps. Je demande donc qu'on décrète aujourd'hui que l'impôt territorial sera en argent, et qu'on détermine positivement qu'il y aura une imposition personnelle sur les propriétés mobilières. On pourrait annoncer que, quand il y aura un cadastre, rien n'empêchera les communautés à reporter en nature la somme pour laquelle elles, seront employées dans les rôles d'impositions territoriales. (On applaudit.)
, après quelques développements, présente le projet de décret suivant :
« 1° D ici au 1* janvier 1791, les municipalités seront tenues, sous la direction des districts, de faire l'adjudication, à folle enchère et à extinction des feux, du produit de la dîme nationale de chaque paroisse qui sera perçu sur le dixième de fruits en nature des biens territoriaux. Le bail eu sera fait pour trois ans ; 2° les fermiers seront obligés de fournir des cautions solvables; 3* le procès-verbal d'adjudication formé par le secré-taire-greffier de la municipalité, en présence d'un officier municipal et du procureur de la commune, clos par eux et signé du fermier et de sa caution, ou de l'un d'eux, suffira pour faire titre, et si le fermier ou la caution ne savaient pas signer, il en sera fait mention dans le procès-verbal ; 4° le fermier et la caution s'obligeront de verser par quartier et d'avance le quart du prix annuel du bail consenti, de manière que tout fermier qui aura passé un bail de trois ans pour le prix de 9,000 livres sera obligé de verser dans la caisse du district et d'avance 750 livres tous les trois mois, en sorte que le revenu annuel serait perçu en octobre de chaque année par les receveurs des districts ; 5° le receveur de chaque district, après avoir payé la portion de la pension échue aux fonctionnaires publics de son district, et avoir acquitté la portion des diverses charges, pareillement échues et hypothéquées sur sa caisse, sera tenu de verser au fur et à mesure dans la caisse du département ; 6° le caissier ou receveur du département sera aussi tenu, après avoir payé les différentes sommes à la charge^ de sa caisse, de verser au fur et à mesure dans la caisse nationale, établie par la nation, et dont les administrateurs seront choisis par ses représentants et les législatures suivantes : ces personnes seront comptables et responsables aux législatures;
7* tous tes produits des impôts indirects que l'Assemblée décrétera se verseraient dans les mêmes caisses, et toutes dans celle de la nation. »
Je considérerai l'impôt territorial en nature, comme établi généralement sur toutes les municipalités, et comme seulemen t toléré pour celles qui jugeront ce mode plus convenable. En général, il présente de grands inconvénients : Ie la difficulté et les frais de la perception, Sera-il perçu par la nation ou par les fermiers? Par la nation, la chose est impossible : vos besoins sont fixes, vos recettes doivent l'être. Quant au fermier, on est obligé, pour les exploitations ordinaires, de lui donner un quart du produit net. Que sera-ce quand il sera exposé à de grandes non-valeurs, aux frais considérables de transports sur de petites masses; du grand nombre des agents à employer pour percevoir l'impôt sur une récolte qui se fait le même jour, sur une immense étendue ! Que sera-ce, si l'on considère la casualité des récoltes liquides, les dépenses des instruments vinaires, etc. ! Ainsi on ne trouverait aucun fermier sans lui abandonner 30 0/0 du produit net de l'imposition. 2° La difficulté de percevoir l'impôt en nature sur difféî-, rentes récoltes, la dîme, portant en général sur les blés et les boissons, et tout ce qui se met en mesure sur le lieu. Mais l'impôt en nature com-
erendra aussi les foins, les prairies artificielles, n coup de soleil, l'approche d'un orage peuvent déterminer à serrer promptement une récolte de celte nature : que fera le propriétaire ? Enverra t-ïl chercher le percepteur ? Mais le temps presse. Attendra-t-il? Sa récolte sera détériorée. Lais* sera-il seulement sa contribution? Mais cette portion se détériorera également.
Dans tous les cas il peut y avoir perte ou procès; 3° impossibilité sur d'autres récoltes. Quand j'ai planté en mûriers, puis-je donner une partie de mes cocons, qui ont exigé des soins, des dépenses, et dont le produit est très variable? Pourrait-on lever l'imposition sur les récoltes qui se font progressivement et pendant plusieurs semaines? Par exemple celle des noix : on ramasse longtemps le fruit sous l'arbre avant de battre le noyer; 4° l'impôt en nature n'évitera pas l'embarras du cadastre. La contribution doit se lever sur le produit net. Il m'en coûte de culture et d'engrais 100 livres dans un bon terrain pour re-cuillir 300 livres, et dans un mauvais 200 livres pour obtenir le même produit. Au malheur d'avoir un même terrain, joindrais-je celui de payer double ? On dit qu'on estimera les terres. Si Ton fait une estimation, il faut donc toujours un cadastre ? (On applaudit.) Ma dernière observation regarde le pauvre industrieux. Par l'impôt en nature on veut le soulager, et moi je crois que ce mode lui serait extrêmement funeste. Un paysan pauvre ne possède que quatre arpents ; il y passe tous les jours de l'année ; il y consacre toutes ses forces et toutes celles de sa famille, que nourrit le produit arraché à ce champ par tant de sueurs et de travaux. Si ces quatre arpents rapportent 400 livres, tandis quatre autres arpents du propriétaire riche ne produisent que 100 livres, le pauvre sera imposé sur 400 livres et perdra une partie considérable de ce qu'il ne doit qu'à son active industrie. (On applaudit.) lime paraît donc impossible d'admettre l'impôt en nature. Cependant plusieurs membres se borneraient à désirer qu'on laissât aux municipalités la liberté de répartir leur contribution en nature, pourvu qu'elles en versassent le montant en argent ; on pourrait
laisser cet espoir. Mais comme loi générale il faut décider qu'il n'y aura pas d'impôt territorial en nature. (On applaudit.)
Si l'Assemblée veut renvoyer la discussion à demain, je me charge de répondre victorieusement à M. Dédelay.
Il y a dans mon département 200 municipalités qui ont des baux faits avec des fermiers, pour lever leur contribution en nature et la payer en argent au" Trésor public, et les laisser comme elles sont.
On peut mettre aux voix deux questions. La première, il aura-t-il une imposition en nature ? La seconde aura pour objet l'exception proposée.
Je demande que les deux questions soient décidées ensemble, puisque la seconde n'est qu'un amendement de la première. Quelle est l'intention de la nation ? C'est que les impôts soient payés facilement. Il faut donc que les communautés aient la faculté de payer soit en fruits, soit en argent. Il y a des pays où si vous décidiez que l'impôt ne pourra se payer en fruits, vous dérangeriez toute l'économie politique. On a dit que cela romprait l'unité constitutionnelle et les bases de l'imposition. L'unité doit être que chacun paye proportionnellement à ses facultés ; le reste n'est qu'accessoire. Je conclus à ce que l'amendement du payement en nature soit adopté.
Il est une infinité de municipalités dont le territoire appartient à des étrangers. Une doit pas être au pouvoir des municipalités de dire que l'impôt se perçoive en nature plutôt qu'en argent. Cette détermination ne peut être prise que dans une assemblée générale de tous les propriétaires du territoire.
(La discussion est fermée et la décision ajournée au lendemain.)
Conformément à vos décrets, votre comité a demandé au ministre un plan d'organisation de la marine: ce plan lui a été adressé hier par M. de La Luzerne. Je suis chargé de vous demander l'impression de ce plan et du travail de votre comité.
(L'Assemblée décide que le plan du ministre et le travail du comité seront imprimés.)
(La séance est levée à 3 heures.)
a la séance de l'assemblée nationale du
Nota. — Le document ci-dessous ayant été imprimé et distribué à tous les membres de l'Assemblée nationale, nous avons pensé qu'ilrdevait être inséré dans les Archives parlementaires.
Rapport de MM. Coppens et Ferdinand Dubois, çom-. missaires nommés par le roi, pouf l'exécution du , décret de f Assemblée nationale, en date du
7 août 1790, relatif à l'affaire du régiment ; Royal-Champagne.
Messieurs les officiers du régiment de Royal' Champagne, cavalerie, se confient dans la justice de l'Assemblée nationale, et dédaignent de répondre à.toutes les inculpations par lesquelles l'on a voulu attaquer leur conduite dans plusieurs imprimés, et notamuieot dans le mémoire de la section de Mauconseil. Tous ces écrits ne sont remplis que d'imputations calomnieuses- contre les officiers dudit régiment. Tous les faits en sont controuvés; les pièces prétendues justificatives, sans aucune autorité. Messieurs les députés de l'Assemblée nationale sont priés de lire avec attention ce rapport. Tous les procès-verbaux et autres pièces qui en constatent la vérité sont déposés au comité, surtout les rapports du directoire de district de Mon treuil et du directoire du département du Pas-de-Calais : toutes ces pièces s'accordent à justifier la conduite sage et, mesurée de la municipalité d'Hesdin. L'on reconnaîtra aussi dans celle de Messieurs les officiers du régiment de Royal-Champagne, cavalerie, leur soumission aux décrets de l'Assemblée nationale, et que l'on ne peut leur faire d'autre reproche que davoir voulu maintenir l'ordre et la subordination.
D'Aubignan, lieutenant, député du régiment Roy a l - C hampagné (cavalerie).
Rapport des commissaires du roi, sur l'affaire du
régiment de Royal-Champagne, cavalerie, en
garnison à Hesdin.
. Les commissaires chargés par la proclamation du roi du 5 septembre, sur un décret de l'Assemblée nationale du 4, de prendre connaissance de tous les faits qui ont suivi l'exécution du décret concernant le régiment de Royal-Champagne, en date du, 7 août dernier, et d'en rendre compte à l'Assemblée nationale dans le plus court délai : croyant devoir se renfermer scrupuleusement dans les bornes qui leur sont prescrites, et après avoir donné une idée de la situation de la ville d'Hesdin, où était alors le régiment de Royal-Gham pagne, ils entreront dans le détail des faits postérieurs à la publication dudit décret dans cette ville, époque à laquelle ce décret a commencé d'y avoir une existence légale.
Nous ne doutons pas qu'il avait existé, à cette époque, des troubles à Hesdin, puisque l'Assemblée nationale par le décret du 7 août, a improuvé la conduite d'une partie des sous-officiers et cavaliers de ce régiment et a déclaré qu'ils s'étaient permis les actes d'insubordination les plus déplacés ; que d'ailleurs la municipalité avait cru devoir demander, par précaution, à M. Biaudos, commandant pour le roi dans la ci-devant province d'Artois, d'envoyer dans cette ville des détachements de la garnison d'Arras. Ces détachements y étaient' en effet arrivés le 9 dudit mois d'août et avaient été cantonnés dans les faubourgs et dans les villages voisins : au surplus, M. Biaudos avait cru devoir prendre la précaution de priver de service le régiment de Royal-Champagne, et la municipalité avait fait clouer les ponts et les portes, afin qu'on ne pût pas, en cas d'une insurrection, interdire l'entrée de la ville aux détachements de la garnison d'Arras. Dès le 7, la municipalité avait fait aussi transporter dans la cour de l'hôtel de ville quatre pièces de canon,
dans la vue sans doute d'en imposer à ceux qui auraient pu tenter quelque violence ou voie de fait.
Nous avons peu de chose à dire sur ces mesures qui sont antérieures à l'époque de notre mission; il paraît qu'elles ont été approuvées par les uns et improuvées par les autres. Les premiers ont dit qu'elles avaient rassuré les bons citoyens; les seconds, qu'elles avaient troublé leur repos ; l'événement est en faveur de la municipalité, puisque les sous-officiers et cavaliers qui, suivant le décret du 7, s'étaient permis, le 2, les actes d'insubordination les plus déplacés, ont été contenus, et qu'il n'est arrivé aucun événement fâcheux. Il paraît d'ailleurs, parla pièce cotée NN, que le directoire du district a envoyé deux commissaires sur les lieux, pour y examiner les faits; que l'un d'eux a rapporté l'affaire à ce directoire qui a approuvé la conduite de la municipalité. La pièce cotée 00 63 prouve aussi que le directoire du département, après avoir vu les différents procès-verbaux et autres pièces relatives à cette affaire, a pensé comme le directoire du district.
Cependant, le 12 août, vingt-six sous-officiers et cavaliers du régiment de Royal-Champagne s'étaient rendus à l'hôtel de ville, avaient été y reconnaître leurs torts ; et cette démarche, qui n'était pas faite pour plaire à ceux de leurs camarades qui ne partageaient pas les mêmes sentiments, fit croire qu'il était important de les séparer ; eu conséquence, on les logea dans un quartier qu'on nomme du Royal, ou vieux quartier.
Tel était l'état des choses, lorsque le décret du 7 est arrivé le 13 à Hesdin. Ce décret fut adressé à M. de Laustande, major, commandant le régiment Royal-Champagne, qui fit aussitôt appeler chez lui les sous-officiers du régiment, et leur en fit faire une première lecture. Le lendemain 14, le régiment fut assemblé sur la place de la ville, et là on, fit, à haute voix, la publication dudit décret, dont lecture faite par un officier, chef d'escadron. Le plus grand nombre des dépositions porte que cette lecture fut écoutée en silence par le régiment, qui parut se soumettre au décret. Cependant une seule déposition annonce que, sur la place même, les nommés Hangoubert et Réthel, maréchaux des logis, se permirent de dire que c'était une bêtise, que ce n'était rien que cela, et que cela ne leur faisait pas peur. Si cette déposition n'est pas appuyée, plusieurs autres portent que le même jour et les jours suivants, les nommés Argot, adjudant; Campagnol, Bertin, Buisson, Réthel, Hubert, Aubry, Marchand, Hangoubert, maréchaux des logis ; Tournier, brigadier; Le Fèvre, Solanet, Jean-Perret, Delorrieret autres cavaliers, tinrent les propos les plus méprisants contre les décrets et les plus insubordonnés. Les - uns disaient qu'ils se f.....des décrets, qu'il fallait casser et chasser tous ces coquins d'officiers ; les autres, qu'il fallait bien se tenir et que l'on ne vaincrait jamais le régiment; d'autres, qu'il ne fallait pas faire attention aux décrets, que c'était l'ouvrage de M. de Fournèse et du ministre ; qu'il fallait attendre la nouvelle organisation ; qu'en attendant il fallait tenir bon et engager les cavaliers à persister dans leurs projets, et autres propos de cette nature.
Il paraît aussi qu'un jour ou deux après la lecture du décret, le nommé Baudry, maréchal des logis, proposa à ses camarades, en soupant, de marquer leur soumission à leurs chefs, en leur demandant pardon en présence de la municipa-
lité et des troupes qui étaient cantonnées dans les environs de la ville; mais cette proposition fut rejetée par les nommés Campagnol, Hangou-bert, Rethel, Marchand, Aubry, Hubert et Buisson, qui dirent que cette conduite les humilierait trop, qu'ils auraient mieux aimé être renvoyés que de faire de pareilles soumissions qui les déshonoreraient, à îles personnes à qui ils n'avaient point affaire et qu'ils ne regarderaient jamais que comme leurs ennemis.
Ils prirent alors un autre parti, celui de demander au commandant du régiment ce qu'il fallait faire pour rentrer dans le devoir.
Cependant le 15, quatre cavaliers, et le 16 trois autres avaient été aussi faire à la municipalité leur déclaration de soumission.
Nous ne devons pas omettre de dire que ceux-ci, ainsi que ceux qui avaient fait leur déclaration le 12, sont accusés, dans les dépositions, d'avoir été corrompus par les officiers et d'avoir reçu de l'argent de leur part. 11 parait en effet que ledit jour 12, les officiers leur ont envoyé à souper ou de l'argent pour s'en procurer, parce qu'ils n'avaient pas soupé avec les autres ; c'est tout ce que nous avons pu découvrira cet égard ; mais ceux qui n'avaient pas partagé leurs démarches, lorsqu'ils les rencontraient, les insultaient, les menaçaient. Ils faisaient plus, ils passaient par troupes devantles fenêtres du quartier où les autres étaient logés et qui donnait sur le rempart; et,en passant, ils les accablaient d'injures, et ils leur répétaient que les fossés leur serviraient de cimetière.
Les nommés Point, adjudant, et Chevreuil, brigadier, n'étaient pas alors à Hesdin; ils s'étaient rendus à Paris pour justifier ou excuser auprès de l'Assemblée nationale et du minisire, la conduite qu'eux et leurs camarades avaient tenue. Ils écrivirent au sieur Argot le 13, c'est-à-dire six jours après que le décret avait été rendu, une lettré qui est jointe aux dépositions. Ils avaient alors connaissance du décret, ainsi qu'il le paraît par cette lettre qui nous a été remise par M. Dau-digné, chef d'escadron du régiment de Royal-Champagne, qui la tenait de M. de Vacquier, officier audit régiment, à qui M. Bussy, également officier, l'avait remise, après l'avoir reçue du sieur Bonnet, cavalier audit régiment, dont la femme nous a déclaré l'avoir trouvée dans une veste qu'on lui avait donnée à laver. Ayant voulu savoir de cette femme à qui appartenait la veste dans laquelle cette lettre avait été trouvée, elle nous a dit n'avoir de linge à laver dans ce moment qu'aux nommés Charvieux et Meunier qui nous ont déclaré l'un et l'autre n'avoir aucune connaissance de cette lettre : quoi qu'il en soit, elle dévoile les sentiments des sieurs Point et Chevreuil, et elle paraît trop importante pour ne pas être transcrite entièrement dans le présent rapport. A la même lettre est jointe aussi une lettre du sieur Duvont, officier audit régiment, dont la teneur suit :
« Paris, le 13 août 1790.
« D'après votre lettre en date du 10 du courant, je me suis rendu au comité des rapports, pour m'informer auprès du Président duait comité, s'il était arrivé un mémoire de la garde nationale, qui concernait le régiment ; il m'a répondu qu'il n'avait été encore rien remis à ce sujet; nous attendons cette pièce avec impatience, pour poursuivre nos ennemis, et démontrer leur tyrannie en prouvant à la France entière que ie décret, qu'ils ont surpris à l'Assemblée, n'est l'effet que
de l'intrigue des noirs et du ministre de la guerre. Jusqu'à ce jour, nous n'avons pu agir contre eux, attendu que nous n'avons aucune pièce authentique : un jour viendra que nous montrerons les dents. En attendant, nous nous faisons des amis; nous vous recommandons toujours la paix et l'union, c'est le vrai moyen pour parvenir à notre but. Lorsque vous écrirez, ayez attention de faire vos lettres comme il faut, attendu que nous nous en servons, et que quelquefois une phrase donne des doutes ; quand il sera question de nous instruire de quelque chose qu'on ne voudra point rendre public, vous voudrez bien le mettre sur un morceau de papier. Nous sommes, en attendant une bonne réussite, vos meilleurs amis.
« Signé : Point. »
Au dos de cette lettre était ce qui suit : « Faites tout votre possible, chers camarades, pour vivre en union avec les détachements qu'on vous a envoyés; si, par malheur, il arrivait une querelle,, que cette querelle ne devienne pas générale; car vous ferez triompher vos ennemis. A l'égard de tous les bruits qu'on a fait courir, que le régiment allait être cassé, c'est le produit de la méchanceté; qu'avez-vous donc fait pour que l'Assemblée nationale en vienne à ces extrémités? Aviez-vous contrevenu au décret? non, tant s'en faut. Je vois que tous ces bruits partent de vos ennemis, mais je suis surpris que vous en ayez été inquiets un seul instant ; car enfin, vous devez savoir que le ministre, le roi même n'a pas le droit de priver un militaire de son emploi sans un jugement légal ; à plus forte raison, n'a-t-il pas le droit de casser un régiment. Ainsi, tranquillisez-vous à cet égard, nous sommes ici pour plaider vos intérêts; et dans peu, comme vous l'a écrit Point, nous dévoilerons toutes les méchancetés des ministériels; mais, mes chers camarades, de l'union, de la patience et de la tranquillité, tout ira bien.
Signé : Louis Davout, Votre meilleur ami. »
A la suite était écrit :
J'appuie la motion de ces deux messieurs, et je vous assure qu'il est absolument nécessaire de suivre leurs conseils. Sous peu, nous ferons une autre motion que, j'espère, vous appuierez. Adieu, je vous embrasse tous un million de fois.
« Signé : chevreuil. »
Il ne paraît pas que les officiers aient eu alors connaissance de cette lettre; mais l'insubordination qu'on continuait à remarquer dans le régiment, les propos qu'on entendait souvent, la manière dont on traitait les officiers, les menaces qui étaient faites continuellement aux cavaliers du vieux quartier donnaient lieu de craindre une explosion, lorsqu'on retirerait les détachements de la garnison d'Arras qui, néanmoins, ne pouvaient pas toujours rester cantonnés autour de la ville d'Hesdin. Cette position embarrassante fit prendre le parti d'envoyer rendre compte à Arras à M. de Biaudos, par M. de Vacquier, officier au régiment de Royal-Champagne : M. de Biaudo3 conseilla à M. de Vacquier de se rendre à Paris pour informer le ministre de l'état de choses. M. de Vacquier, arrivé dans cette capitale, se réunit à deux officiers de son régiment, qui y étaient déjà en députation; et tous trois, après avoir été chez le ministre, se rendirent, le 18 du
mois d'août, au comité militaire, à qui ils exposèrent la situation du régiment. En conséquence, le comité militaire écrivit à M. de La Tour-du-Pin qu'il n'avait rien trouvé, dans les décrets de l'Assemblée nationale, qui empêchât le roi, chef suprême de l'armée, de congédier des soldats dont les services n'étaient plus agréables ou utiles ; qu'on ne pouvait pas leur expédier de cartouches infamantes ; mais qu'à cela près, l'Assemblée n'a pas défendu l'emploi de la mesure proposée par MM. les officiers de Royal-Champagne, et que le comité croit qu'il dépend absolument du ministre d'apprécier et d'employer.
Il parait qu'après avoir reçu cette lettre, le ministre prit les ordres du roi et les intima à M. de Biaudos par M. de Yacqùier qui en fut le porteur et qui lès remit à ce général. M. de Vac-quier fut chargé, le 20, de les transmettre à M. de Grammont qui commandait les détachements cantonnés autour d'Hesdin ; le même jour 20 au soir, M. de Biaudos se rendit lui-même à Marconne, près d'Hesdin, et écrivit dès le matin, le 21, à la municipalité, la veille, les intentions du roi : la lettre de M. de Biaudos à la municipalité avait pour but de prendre des mesures relatives à l'exécution des ordres du roi. Le procès-verbal de la municipalité, à qui M. de Grammont avait déjà communiqué, dudit jour 21, contient le récit exact de ce qui s'est passé dans cette occasion; il est joint dépositions. On y trouve aussi la copie de la lettre du ministre qui prescrit à M. de Biaudos la conduite qu'il doit tenir et la copie de l'ordre du roi, dont ce général a fait lecture en présence du régiment.
Nous nous contenterons de dire ici que la garde nationale d'Hesdin et les détachements de la garnison d'Arras ayant été rangés autour de la place d'Hesdin, les quatre pièces de canon étantdevant l'hôtel de ville, chargées à cartouches, avec les mèches allumées, et Ja municipalité étant aussi descendue sur la place,le maire et les deux premiers officiers municipaux se rendirent au quartier du régiment de Royal-Champagne qui était assemblé sans armes, et le sommèrent de se rendre sur la placé, ce qu'il fit.
Lorsqu'il eût été introduit dans l'enceinte, M. de Biaudos, au nom du roi, appela et fit sortir des rangs vingt cavaliers, trois appointés, un brigadier, neuf maréchaux des logis et un adjudant, dont la liste avait été faite préalablement dans une assemblée de tous les officiers, qui avaient désigné chacun les plus insubordonnés à leurs compagnies respectives. On leur donna des cartouches blanches qui portaient leur congé et l'ordre de se rendre directement dans leur pays; des cartouches semblables furent destinées au sieur Point, adjudant, et au sieur Chevreuil, brigadier, qui étaient encore à Paris. Les Cavaliers congédiés, à mesure qu'ils étaient nommés, étaient conduits hors la ville par des fusiliers de la garde nationale et des troupes de la ligne de la garnison d'Arras. Les maréchaux des logis furent conservés jusqu'au lendemain, pour qu'ils pussent rendre leurs comptes, et ils furent gardés jusqu'après cette reddition de comptes par la garde nationale et les troupes de la ligne; ils furent ensuite également conduits hors de la ville. Nous devons ajouter ici que, dès le lendemain, la municipalité requit la. maréchaussée de faire perquisition dans les villages voisins de la ville, a l'effet de s'assurer si en effet les congédiés s'étaient soumis aux ordres du roi, et s'étaient acheminés vers leur pays.
Lorsque cette expédition fut finie,M. de Biaudos
lut au reste du régiment l'ordre du roi dont nous avons déjà parlé ; et il paraît qu'on n'entendit aucun murmure, que tout le régiment eut l'air de se soumettre aux volontés du roi et ne donna aucune marque d'improbation sur ce qui venait de s'exécuter. Cependant une ou deux dépositions porte que cette soumission n'était qu'apparente, qu'on n'était retenu que par la présence des troupes d'Arras et que le mécontentement ne cherchait que l'occasion de se manifester : dès le jour même et dans l'après-dîner les cavaliers donnèrent une marque authentique du désir qu'ils avaient de se réconcilier avec les officiers et de leur prouver leur déférence et leur soumission; ils s'assemblèrent et furent assurer combien ils étaient pénétrés de ces sentiments; ils firent plus encore, ils offrirent d'eux-mêmes de se charger de nouveau du pansement des chevaux de ces officiers, ce qu'ils avaient cessé de faire depuis quelque temps. Le calme continua à paraître tellement rétabli, dès le lendemain 22, que M. de Biaudos ne balança pas de faire prendre, le 23, la route d'Arras aux détachements de la garnison de cette ville; le même jour 23, un certain nombre de citoyens se présenta à la municipalité et demanda à s'assembler pour délibérer sur un mémoire qu'on disait avoir été envoyé à l'Assemblée nationale par M. Varlet, commandant de 1a garde nationale, et par quelques autres officiers de ladite garde. Cette assemblée eut lieu chez M. Le Comte, capitaine des grenadiers de la garde nationale; on y signa une adresse de la municipalité; mais il paraît que les 224. citoyens actifs ou non actifs qui signèrent cette adresse, n'assistèrent pas tous à la délibération; que cette adresse resta déposée chez le sieur Le Comte, où plusieurs allèrent la signer, quelques-uns sans trop savoir cç qu'elle contenait, d'autres déterminés par des sollicitations, des men aces ou autrement; d'autres encore uniquement par déférence, pour la municipalité. Parmi tous ces signataires, quelques-uns ont retracté leurs signatures. On accuse même le sieur Le Comte d'avoir offert et dqpné à boire de l'eau-de-yie à plusieurs d'entre eux, et celte accusation ne paraît pas sans fondement. Néanmoins, on voit sur cette liste les noms d'une grande partie des citoyens les plus connus de la ville d'Hesdin, et de ceux surtout qui, par leur état et leurs facultés, paraissent devoir être le plus à l'abri de la séduction.
Le 26, 53 maréchaux des logis, brigadiers et cavaliers signèrent une adresse à l'Assemblée nationale; et le même jour, quarante-six d'entre eux signèrent une lettre qui n'a pas de titre dans l'impriniè qui est joint aux dépositions et qui cependant paraît adressée à toute l'armée. Dans ces deux pièces, les signataires reconnaissent les torts du régiment, les désavouent et pro mettent pour l'avenir une conduite à toute épreuve.
Il y a encore des réelamationscontreces signatures, mais en petit nombre, et ceux qui réclament dirent n'avoir pas eu connaissance du contenu de ces adresses ; les réclamations ne paraissent pas avoir eu lieu dans le temps quç les adresses parurent, et le calme continua ^ régner dans le régiment; mais au bout de quelque temps et vers les derniers jours du mois d'août, fies lettres venues de Paris, de la part des maréchaux des logis, brigadiers ou cavaliers renvoyés, annoncèrent qu'ils n'étaient pas sans espoir de rentrer dans le régiment. Ces nouvelles excitèrent quelque fermentation parmi ceux qui leur étaient plus particulièrement attachés. Ceux qui étaient à Paris
s'étaient rencontrés avec le sieur Girard, citoyen d'Hesdin, dont la femme était dans cette ville. Un nommé Benoit Renaud, cavalier du régiment, fut introduit chez cette dame, où il n'avait jamais été auparavant : il déclara dans sa déposition qu'à sa sollicitation et à la vue des papiers doqt elle lui donna la communication, il se détermina à faire une adresse pour demander le retour de ses camarades congédiés; il colporta cette adresse dans les chambrées du régiment, et obtint, sur un exemplaire de ladite adresse, soixante signatures, et, sur un autre, soixante-quatre. Cette adresse, revêtue de ses signatures, fut portée audit Girard, qui sans doute l'envoya à l'Assemblée nationale. Celte démarche du sieur Benoît donna de l'inquiétude au commandant du régiment, qui le fit venir en sa présence et la lui reprocha j jl paraît que ledit Benoît répondit d'une manière peu respectueuse à son chef, qui le condamna au cachot. Quelques dépositions portent qu'il y fut mis avec les fers aux pieds et aux mains ; mais il résulte des dépositions dudit Benoît, de celle du geôlier et du maréchal des logis qui l'y conduisit, que ce dernier fait est faux. Pour le cachot, il est évident qu'il y a été condamné, et il soutient y avoir été mis ; mais le geôlier le nie.
Les esprits étaient déjà assez émus par ces différentes circonstances; il arriva le 6 septembre un événement inattendu et qui contribua à les émouvoir encore davantage.
Il y avait alors, à très peu de distance d'Hesdin, une espèce de fête ou kermesse, où grand nombre de citoyens et de cavaliers du régiment étaient réunis pour se divertir, lorsque, vers les cinq heures de l'après-midi, un commissionnaire ou domestique envoyé à M. Varlet, commandant de la garde nationale, qui était aussi à cette féte, vint lui apprendre que des députés de la garde nationale de Paris l'attendaient chez lui. Le bruit s'en répandit aussitôt, et la maison dans laquelle ils étaient ne laissa pas lieu de doute qu'ils apportaient la nouvelle du rétablissement des congédiés. Ils est facile d'imaginer la sensa^ tion que produisit une telle nouvelle, surtout lorsqu'on connaît les deux esprits qui animaient alors le régiment de Royal-Champagne et les citoyens d'Hesdin. Dans le régiment, ceux qui avaient partagé les torts vrais ou supposés des congédiés, ranimés par l'espoir de leur justification ou de leur impunité, reprenaient Une nouvelle vigueur et se repentaient des actes de subordination auxquels ils avaient consenti. Ceux, au contraire, qui n'avaient jamais participé à ces torts ou qui en avaient un véritable regret, prévoyaient, avec crainte, le retour de ceux qu'ils regardaient comme la cause des improbations que leur régiment s'était attirées. Parmi les ci* toyens, ceux qui avaient fomenté les principes qui avaient produit les troubles du régiment, voyant la cause qu'ils croyaient apparemment la meilleure, prête à l'emporter, se préparaient à leur triomphe; les autres, au contraire, qui s'étaient déclarés si hautement par leur adresse à la municipalité, les approbateurs du renvoi qui avait été fait, s'attendaient à voir renaître les maux dont ils se croyaient délivrés; et ces divers sentiments ne pouvaient produire qu'une grande agitation.
Nous croyons, sans passer les bornes de notre mission, puisqu'elle tend au maintien de la tranquillité publique, pouvoir nous permettre ici uhe réflexion sur la démarche de la section de1 Paris?, que son zèle l'a sans doute porté à faire. Nous avons peiné à croire qu'elle puisse être avouée
par la ville de Paris, qui n'a pas sans doute soutenu si vigoureusement les droits de la liberté pour la compromettre, en établissant dans son sein une sorte d'inspection sur les autres villes durovaume: nouscroyonsqu'aucuneyillequelque grande,quelque peuplée"qu'elle soit, ne peut seper-mettre de donner à personne la commission d'aller examiner ce qui se passe dans une autre. Les municipalités et les corps administratifs sont seuls établis par la Constitution poury veiller; et lorsque ces corps abusent de leurs pouvoirs, c'est au Corps législatif et au roi à y pourvoir et à donner des délégations à cet effet ; s'écarter de cette règle, ce serait tomber dans l'anarchie, confondre tous les pouvoirs, empiéter sur les droits des cités et sur les libertés des citoyens qui ne doivent avoir d'autres inspecteurs et d'autres juges que ceux que la loi leur donne, el qu'ils ont choisis eux-mêmes. Nous n'insisterons pas davantage sur ce point. L ,'Assemblée nationale en a déjà prévu les inconvénients en décrétant, depuis cette époque, qu'aucune corporation ne pourrait entretenir de correspondance avec les régiments. Sa sagesse lui inspirera sans doute aussi de décréter qu'aucune autre ville n'aura d'inspection sur une autre, encore moins- une section d'une ville.
Quoi qu'il en soit de ces réflexions générales, nous n'avons pas de reproches particuliers à faire aux délégués de la section Mauconseil : nous sommes un peu étonnés qu'ils aient attendu aussi longtemps, c'est-à-dire jusqu'au lendemain de leur arrivée, à onze heures et demie, à se présenter à la municipalité, dont le droit et le devoir sont de connaître tous les étrangers qui s'introduisent dans la ville; nous le sommes encore qu'ils aient prolongé leur séjour aussi longtemps dans la ville d'Hesdin, lorsque notre arrivée y rendait notre mission au moins inutile; mais nous ne nous sommes pas d'ailleurs aperçus qu'ils aient donné aucuns mauvais conseils. .La fermentation que leur présence a occasionnée était inhérente à leur démarche, mais ne donne lieu à aucun reproche contre eux.
Nous ne trouvons pas plus d'occasion de leur en faire, dans deux ou trois dispositions qui ne leur sont pas défavorables, mais dont chacune ne présentant que des faits isolés et non appuyés, ne donne lieu à aucune inculpation.
Dès le jour de leur arrivée, ils se présentèrent au commandant du régiment, pour lui demander un officier qui les accompagnât dans toutes les chambres dus cavaliers; le commandant ne crut pas devoir leur permettre ni leur défendre cette visite, mais leur déclara qu'il ne leur donnerait pas d'officier. Ils prirent alors le parti d'envoyer aux cavaliers une adresse qui ne contient que de bons conseils, et à laquelle plusieurs sous-officiers et cavaliers firent une réponse qui nous a paru fort sage.
Les députés, néanmoins, furent vus de mauvais œil par les citoyens d'Hesdin, opposés aux congédiés dont ils se déclaraient hautement les protecteurs; mais ils furentexfcrêmementbien acceuil-lis par ceux du parti contraire. Leur séjour donna lieu à beaucoup d'assemblées de cavaliers, tantde jour que de nuit, chez le3 citoyens qui leur faisaient cet accueil; et le repas que leur donna, le 9 septembre, le sieur Girard avec qui ils étaient arrivés de Paris, produisait des circonstances qui sont dignes de remarques;
Le sieur Girard, pour mieux fêter ses hôtes dont un logeait chez lui, invita à ce-repas plusieurs personnes qui paraissaient avoir été de-
vouées aux congédiés. Vers la fin du dîner, le sieur Rebillot, écrivain du régiment de Royal-Champagne, se présenta dans cette maison pour y réclamer une lettre dont un de ses oncles, demeurant à Paris, avait chargé M. Girard, à son retour, et que ledit sieur Rebillot venait d'apprendre avoir été remise à M. Girard, par une autre lettre qu'il avait reçue de ce même oncle par la poste. Le sieur Rebillot fut extrêmement bien accueilli dans cette maison où il entrait pour la première fois; on l'invita de s'asseoir, et il y consentit; on l'entretint de tout ce qui se passait dans le régiment, on lui donna à lire des papiers qui y avaient rapport, on lui fit des questions et il y répondit. Son séjour s'était déjà prolongé lorsqu'on aperçut par les fenêtres qui donnent sur la rue, que des officiers du régiment se promenaient dans cette rue et guettaient ceux qui entraient et sortaient; on vit même un enfant regarder à la fenêtre et qu'un des convives aperçut bientôt causant avec les officiers. Il paraît que la fréquentation de cette maison et de quelques autres avait été défendue par les officiers. Le sieur Rebillot surtout, à cause de sa qualité d'écrivain, craignait que la visite qu'il y avait faite le rendît suspect et l'exposât à des reproches et même à des punitions, et il s'obstina à ne pas sortir; les officiers de leur côté s'obstinèrent à ne pas se retirer. On fit alors beaucoup d'instances paur déterminer le sieur Rebillot à sortir et à se montrer, et il a déposé qu'un des députés de la garde nationale de Paris, sur ce qu'il disait qu'il pourrait être envoyé en prison, dit qu'il désirerait qu'il y fût mis.Le sieur Rebillot ne put se déterminer à s'y exposer. Gomme il était entre huit et neuf heures et que la rivière passait derrière la maison du sieur Girard, on prit le parti de faire demander au meunier de mettre les eaux basses et le sieur Rebillot, à l'aide d'une paire de bottes, sortit de chez le sieur Girard en traversant cette rivière.
Nous croyons devoir placer ici tout ce qui a rapport à ce dîner. Un des convives, dont nous reçûmes la déposition, nous déclara que le sieur Rebillot avait dit dans cette maison qu'il connaissait toute la trame qui avait été ourdie par les officiers pour perdre le régiment, et que, s'il était appelé à serment, il découvrirait bien des choses; qu'au surplus, avant de sortir, il avait dit à Mme Girard, et que cette dame après sa sortie, avait déclaré qu'il avait en effet de justes raisons pour ne pas vouloir être vu par les officiers. Lorsque le sieur Rebillot parut devant nous, nous l'interrogeâmes sur ces propos qu'il nia, et comme une seule personne en avait déposé, nous ne poussâmes pas nos perquisitions plus loin. Mais plusieurs autres convives ayant déposé depuis qu'il avait tenu ces propos, Mme Girard elle-même l'ayant confirmé et ayant déclaré qu'il lui avait été dit que c'était fait de lui s'il était aperçu par ses officiers, nous crûmes devoir mettre un grand intérêt à le faire parler, puisque, s'il y avait eu vraiment une trame ourdie par les officiers pour perdre le régiment, il nous paraissait extrêmement important de la connaître.
Nous demandâmes donc de nouveau le sieur Rebillot, et nous le poussâmes extrêmement, après lui avoir l'ait prêter serment de dire la vérité, de nous déclarer s'il avait dit chez le sieur Girard, en présence de plusieurs persunnes, qu'il avait le secret des officiers, qu'il connaissait la trame odieuse qu'ils avaient employée pour la perte du régiment, et que, s'il était appelé à serment, il découvrirait bien des choses. Il nous a répondu
qu'il persiste à soutenir qu'il n'avait pas tenu de semblables propos, qu'il était bien éloigné d'en avoir l'intention, puisque non seulement il n'avait pas eu de connaissance qu'aucune trame eût été ourdie par les officiers pour perdre le régiment, et qu'il était même persuadé qu'il n'en avait jamais existé; que n'ayant jamais eu connaissance de rien, il ne pouvait rien découvrir. Nous lui avons encore demandé si, lorsqu'on lui faisait des instances pour sortir par la rue, il n'avait pas dit, soit à une seule personne, soit à plusieurs, que ce serait fait de lui si les officiers qui le guettaient le voyaient sortir. Il a répondu qu'il n'a jamais tenu ce propos à qui que ce soit ; qu'il n'a jamais soupçonné ses officiers qui ne l'ont jamais ni puni ni repris, d'avoir voulu se défaire de lui. Nous ajouterons, en finissant ce long récit, que les officiers qui se relevaient, restèrent jusque vers onze du soir dans la rue, et que le sieur Rebillot, qui leur fit le lendemain l'aveu de son aventure, reçut une forte réprimande et ne subit pas d'autre punition.
Nous avons insisté longtemps sur ce fait, parce qu'il nous a paru extrêmement important dans l'affaire, puisqu'il pouvait nous conduire à découvrir une trame quelconque. Nous terminerons par observer que la seconde déposition du sieur Rebillot mérite d'être lue, examinée et pesée tout entière avec beaucoup de soin et d'attention.
A peu près à l'époque de ce dîner, il s'éleva dans le régiment deux rixes particulières dont nous avons depuis cherché à éclaircir les motifs et les suites.
Il résulte des dépositions qu'un cavalier nommé Goudrecourt, et qui paraît d'un caractère assez violent, étant pris de boisson, tint d'assez mauvais propos à quelques-uns de ses camarades, qui ripostèrent d'autant plus vivement que l'agresseur était du nombre de ceux qui s'étaient retirés au vieux quartier, et que ceux qu'il attaquait étaient du parti opposé. Un maréchal des logis parvint aies séparer; un officier condamna Goudrecourt à la prison, et nous y avons reçu sa déposition.
A peu près dans le môme temps, un brigadier, nommé Fourrier, encore du nombre de ceux qui avaient été attester leur soumission à l'hôtel de ville, se prit de paroles avec un nommé Ghara-pigni, et s'oublia au point de donner à celui-ci un soufflet qui le renversa sur le pavé. Nous nous sommes assurés que Fourrier, qui avait tort, avait été puni ; et nous ne nous sommes arrêtés sur ces deux faits particuliers, que parce qu'ils ont été l'objet de plusieurs dépositions; qu'on y dit même que, dans cette occasion, les officiers ont agi avec partialité, attendu que ces hommes étaient du nombre de ceux qui s'étaient déclarés en leur faveur; mais il est notoire qu'ils ont été punis, et il paraît que la punition a été proportionnée à la faute.
Tel était l'état de choses lorsque nous nous trouvâmes réunis à Hesdin, le 13 septembre au malin. Le même jour, nous eûmes la visite de quelques cavaliers qui nous présentèrent une lettre non cachetée et signée de 134 d'entre eux ; on demande, dans cette lettre, le retour des congédiés ; on y dit qu'ils sont innocents, et que dans le cas où ils seraient coupables, tous ceux qui ont signé le sont, puisqu'ils ont partagé les mêmes torts.
Le lendemain 14, presque tous les sous-officiers ét brigadiers et plusieurs cavaliers du régiment se rendirent à notre logement et vinrent nous déclarer, après avoir protesté de leur soumis-
sion aux décrets de l'Assemblée nationale sanctionnés par le roi, et de leur obéissance envers leurs chefs, qu'ils approuvaient toute la conduite qui avait été tenue à l'égard de plusieurs insubordonnés qui avaient été renvoyés de leur corps. Nous avons cru devoir tenir sur le champ procès-verbal de cette déclaration à laquelle plusieurs autres ont adhéré les jours suivants, 15, 16 et 17 septembre. Enfin ce même jour, 17, quatre sous-officiers et cavaliers nous ont remis une lettre du détachement qui est à la Roche-Guyon en Normandie, une autre du détachement qui est à Gaillon, et enfin une lettre adressée au ministre par les détachements de Gaillon, Vernon et la Roche-Guyon; toutes lettres dans lesquelles ces détachements blâment la conduite du régiment, qui a été improuvée par l'Assemblée nationale.
Nous ne pouvons apprécier ces dernières pièces; quant à celles qui nous ont été présentés le 13, et celle qui a été signée devant nous les 14, 15, 16 et 17, on les a attaquées réciproquement. On a reproché à celle qui nous a été remise le 13 d'avoir été mendiée et signée par plusieurs cavaliers sans savoir ce qu'ils signaient; et, en effet, quelques-uns de ceux qui l'ont signée, l'ont déclaré, et même ont signé le procès-verbal des 14, 15, 16 et 17, qui contient des pétitions contraires; d'une autre part, on a reproché à ceux qui ont signé le procès-verbal des 14, 15, 16 et 17, de l'avoir fait par complaisance pour les officiers, d'y avoir même été sollicité par eux, d'avoir été conduits par leur propre intérêt qui les engage à empêcher le retour des congédiés, qui retarderait leur avancement. Il se peut que ces reproches ne soient pas sans fondement de part et d'autre; mais pour donner lieu d'apprécier encore mieux ces deux pièces, nous déclarerons d'abord que le nombre des sous-officiers et cavaliers alors au régiment était de 227, que 81 ont signé le procès-verbal des 14, 15, 16 et 17, et 134 la lettre à nous remise le 13. Il en résulterait qu'il resterait 12 indifférents, s'il n'y en avait pas quelques-uns qui ont signé des deux côtés. Parmi les 81 opposants au retour sont tous les maréchaux de logis, presque tous les brigadiers et beaucoup d'anciens cavaliers ; parmi les 134 signataires de la lettre à nous remise le 13, il y a beaucoup de jeunes gens, en sorte que les 81 ont plus d'années de services entre eux que les 134.
Ayant commencé à recevoir des dépositions le 14 septembre, nous avons continué les jours suivants jusqu'au 30. Le 19, vers midi, nous avons eu la visite d'un grand nombre de citoyens, qui sont venus nous déclarer qu'ayant signé chez le sieur Le Comte, le 23 août et jours suivants, l'adresse dont nous avons déjà parlé, ils persisteraient dans les déclarations qu'ils avaient déjà faites dans cette adresse :en conséquence, qu'ils applaudissaient à la conduite que la municipalité a tenue, qu'ils blâmaient celle de plusieurs citoyens, et d'une partie de la garde nationale, qu'ils accusent de ne pas avoir pour la municipalité les égards et la soumission qu'ils lui doivent. Ils se plaignent surtout de l'entreprise de la section Mauconseil de la ville de Paris, qui s'était permis d'envoyer une députation dans leur ville, et nous chargeaient spécialement d'en porter leurs plaintes â l'Assemblée nationale et au roi; nous dressâmes procès-verbal de cette déclaration, qui fut signée à l'instant par les citoyens présents, et qui continua de rester ouvert, d'après le désir des signataires, jusqu'au
23 du mois, pendant lequel temps un assez grand nombre de citoyens vint y adhérer.
La partie de la garde nationale inculpée dans cette adresse ne voulut pas demeurer en reste et elle se présenta le lendemain devant nous avec mémoire non signé. Comme nous étions dans ce moment à recevoir les dépositions de quelques personnes que nous avions mandées à cet effet, nous ne pûmes pas recevoir ledit mémoire et le faire signer en notre présence; l'un de nous proposa à ces messieurs de revenir dans un autre moment avec toutes les personnes qui se proposaient de signer, ou que quelques-uns d'eux le rapportassent tout signé : on choisit ce dernier parti, et le mémoire nous fut remis le 27 au soir ; ce dernier mémoire et le procès-verbal qui avait été signé devant nous le 19et les jours suivants, occasionnèrent beaucoup de tracasserie dans la ville. On prétendit, de part, et d'autre que beaucoup de signatures étaient mendiées ; on fit des efforts pour arracher des rétractations; il est prouvé dans les dépositions, par l'aveu même de ceux qui nous remirent le mémoire le 27, qu'un coiffeur de femmes, nommé Du Jardin, fut le colporteur de ce mémoire, et le présenta dans plusieurs maisons pour le faire signer, qu'il en est qui n'en prirent pas même lecture. Enfin, une pièce curieuse en ce genre est la déposition 157 ; on eut la maladresse ae charger un homme peu éclairé d'apporter cette déposition écrite, et que le ridicule de ses réponses autant que son aveu démontrent lui avoir été fournie ; le trait qui le caractérise le mieux, c'est qu'ayant déposé que les discours des députés de la section de Mauconseil avaient produit un grand bien dans la ville, d'Hesdin ; sur la demande que nous lui fîmes si ces députés étaient venus dans la ville il nous répondit qu'il n'en savait rien. Un autre qui nous présenta une déposition à peu près semblable, nous déclara formellement le nom du sieur Euvrard qui la lui avait fournie.
Nous avons voulu traiter de suite ce qui a rapport aux habitauis d'Hesdin ; mais nous allons revenir sur nos pas, pour parler d'une nouvelle déclaration qui nous fut faite le 19 septembre, par la plupart des sous-officiers, brigadiers, et par les cavaliers qui avaient signé celle du 14; ils confirmaient à peu près ce qu'ils avaient dit sur la première, en y ajoutant que le calme avait été parfaitement rétabli après le départ des congédiés.
Le 24, il nous fut remis une lettre des sous-officiers et cavaliers durègiment de Royal-Champagne, détachés à Gaillon, Vernon et "la Roche-Guyon, datée du 19 septembre, par laquelle tous ceux qui composent ces détachements, nous suppliaient de mettre sous les yeux de l'Assemblée nationale et du ministre, que leur vœu unanime est de voir à jamais exclus du régiment ceux qui leur ont attiré deux fois l'approbation de l'Assemblée nation aie dent ils jurent tous de maintenir les décrets sanctionnés par le roi jusqu'à la dernière goutte de leur sang. Il paraissait, par cette lettre, que le détachement de la Roche-Guyon avait voulu revenir sur cette prem ère déclaration et le détachement de Vernon semblait désapprouver les réflexions de celui de la Roche-Guyon; niais des lettres des détachements de la Roche-Guyon et de Vernon, datées du 27, détruisent tous ies doutes, et les signataires y assurent qu'ils s'en tiennent à la premiêredéclarationet persistent à désirer que le renvoi de leurs camarades soit confirmé.
Ces dernières lettres nous ont été remises le
30 septembre au matin ; à clitlè époque, persuadés que nous avions tiré tous les éclaircissements dont cette affaire était susceptible après nous être transportés la veille dans toutes les chambres des cavaliers pour leur annoncer notre départ et leur déclarer que, si quelqu'un avait encore quelque chose à nods dire, nous étions prêtsàles entendre, nous sommes partis dé la ville d'Hesdin, après avoir appris que le ministre avait donné ordre que le régiment én partit aussitôt après que nos opérations àuraientété terminées, ce que nous croyons être de la plus instante nécessité, puisqu'il est évident, par les dépositions, que les citoyens d'Hesdin, sont partagés en deux opinions sur le sort des congédiés. Les uns désirent vivement leur rappel, les autres le redoutent, et quelle que soit la décision de l'Assemblée nationale, el(e n'aUrait pu que causer beaucoup de trouble dans cette ville, si le régiment s'y était encore trouvé. Dans cette circonstance, nous croyons qu'il importait très fort â la tranquillité du régiment et de la Ville qu'ils fussent séparés et que la réunion des détachements de Normandie et de la partie du régiment qui était à.Hesdin, ne peuvent aussi que contribuer à la rétablir.
Nous croyons devôir encore observer que dans la supposition où les congédiés rentreraient dans le régimeht, presque tous les officiers que nous avonsèntendusnodsortt déclaré qu'ilsdonnefaient leur démission, et presque tous les sous-officiers et cavaliers qui ont signé le procès-verbal des 14, 15, 16 et 17 Septembre, malgré l'ancienneté du service de plusieurs, odt aussi déclaré qu'Hs démanderaient la permission de se retirer; tandis que ceUx du parti opposé disent, et surtout quelques-uns qui nous ont paru les plus animés, que si leurs càmarades sont coupables, ils le sont auSsi èt doivent êtïe puniS comnie eux.
Une autre observation qui ne doit pas aussi nous échapper c'est que d'après ce qui s'était passé avant le 14 août, et l'improbation donnée par l'Assemblée nationale aux actes d'insubordination de quelques sous-'Officiers et cavaliers du régiment, nous avons cru devoir questionner particulièrement ceux qui paraissent avoir eu quelque part, à leur façon de penser, sur les sujets de mécontentement que les officiers pourraient leur avoir donnés, et nous avons vu, avec surprise, que presque tous n'ont aucun reproche à leur faire, et que ceux, en petit nombre, qu'on a articulés et que nous avons pu vérifier, se sont trouvés peu fondés.
Nous ajoutons encore que. dans tout ce qui est venu à notre connaissance, tant dans le régiment que dahs la ville, nous n'avons rien aperçu qui parût tendre, en aucune manière, Vers une cûntre-révolution.
Nous croyons avoir rempli le but de notre mission el avoir mis l'Assemblée nationale, à l'aide des dépositions et des pièces qui y sont jointes, en état de prendre Un parti définitif sur le sort des sous-officiers et cavaliers congédiés, et sur celui du régiment du Royal-Chamjjagne.
À Arras, le 6 octobre 1790.
coppens, président du département du Nord. ferdinand DuBois, président du département du
Pas-de-Calais.
Séance du
Le séance est ouverte à six heures et demie du soir.
, ancien présidént, occupe le fauteuil en l'absence de M. Emmery, président.
demande la parole et donne lecture d'une adresse des officiers dé la garde nationale d'Orange et d'une délibération des officiers municipaux de la même ville, où ils rendent compte des motifs qui ont déterminé l'arrestation de différentes caisses d'armes conduites au Comtat, et supplient l'AsSemblée nationale de leur faire parvenus ses ordres sur la conduite qu'ils ont à tenir, tattt sur les onze caisses déposées à la maison commune, que sur celles qui pourraient passer à l'avenir, en réitérant leurs vœux pour la réunion de l'Etat d'Avignon'et du Comtat Yenaissin à l'Empire français.
Ces deux pièces Sont renvoyées aux Comités diplomatique et d'Avignon.
Un de MM. les secrétaires donné lecture dé différentes lettres et adresses ci-après, savoir : . Adresse de M. de Montmorand, maire de Saint-Marceilin, contenant l'hommage présenté par cette ville à l'Assemblée nationale, des honneurs funèbres rendus ]3ar les gardes nationales de ce chef-lieh de district, aux mânes de leurs frères d'armes morts à Nancy. Tous les corps ecclésiastiques, religieux, politiques, administratifs ou civils, tous les citoyens et citoyennes de toUteS les classes, ont concouru pour rendre cette cérémonie auguste, imposante, majestueuse. Les détails touchants de celte adresse portent l'empreinte de la profonde douleur et du patriotisme d'une ville dont le zèle pour la Constitution, et l'énergie contre tout germe de contre-révolution ne se sont jamais démentis.
Lettre de M. de BoUillë, qui fait part à l'Assemblée d'une lettre qui lui a été adressée par les officiers, sous-ofliciers et cavaliers du régiment d'Artois, cavalerie, en garnison à Strabourg, par laquelle ils prient ce général de faire accepter à l'Assemblée nationale, pour le3 veuVes et or-" phelins des malheureuses Victimes du patriotisme qui ont péri à Nancy, l'offre qu'ils font d'un jour de paye entière de chaque individu qui compose le régiment.
Adresse des administrateurs composant le directoire du département de la Manche, contenant le procès-verbal de la fédération et de la réception de la bannière de ce département.
Adresse des citoyens de la ccmmune des Baux, district de Tarascon, département des Bouches-du-Rhône, qui remercient vivement l'Assemblée d'avoir placé dans la ville de Saint-Remy le tribunal de district.
Adresse des municipalités et gardes nationales de la communauté de Lésigueux, district de
Mont-brison, et de celle de Longeville, contenant lé procès-verbal de la fête civique
célébrée par tous les citoyens le jour du 14 juillet, dans laquelle
Les habitants de Longeville ont Fait le don patriotique de la somme de 799 liv. 3 sols, dont 778 livres proviennent des impositions des six derniers mois de 1789 sur les ci- devant privilégiés.
Adresse de M. de Ghamborand, commandant depuis treize annéés le régiment des hussards, qui porte son nom, par laquelle il fait part à l'Assemblée de la lettre qu'il a envoyée à son régiment, à l'effet de déposer dans son sein les sentiments de respect et de dévouement dont il est pénétré pour l'Assemblée nationale.
Adresse de la société des vrais amis de la Révolution de 1789, de la ville de Saint-Geniez : elle fait une pétition d'armes, et porte plainte contre les officiers municipaux.
Adresses des administrateurs du district de Pon-trieux, du district de Saint-Paul du Yar, du district de Sauveterre, du district de Doulens, du district de GaiUacet du district de Gret, qui consacrent les premiers moments de leur réunion à présenter à l'Assemblée nationale le tribut de leur admiration et de leur dévouement.
Les administrateurs du district de Pontrieux sollicitent la surveillahce de l'Assemblée contre les accaparements de grains.
Adresse des gardes nationales du district de Villefort, département de la Lozère, contenant le procès-verbal de leur fédération au camp de Belle-Goste, lors de la cérémonie du 14 juillet.
Adresse des officiers municipaux deSaint-Amand en Puisaie, qui remercient l'Assemblée d'avoir placé dans la ville de Gosne le tribunal du district.
Adresse des gardes nationales de Crépy en Valois et de Quimperlé, qui annoncent qu'elles ont fait célébrer un service solennel pour le repos de l'âme de leurs braves frères d'armes tués dans la fatale journée du 31 août à Nancy.
Adresse et délibération, tant de la municipalité que des officiers de la garde nationale de Lisieux, par laquelle ils annoncent que depuis les nouvelles ae l'armement d'une flotte de 45 vaisseaux de ligue, les ennemis de la Constitution, imbus de l'espoir qu'elle sera anéantie par une guerre étrangère, semblent en triompher^ Ils invitent les bons Français à une coalition, et protestent qu'ils sont disposés à verser jusqu'à la dernière goutte de leur sang pour fàire maintenir les lois.
secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du mardi soir 5 du courant»
Ce procès-verbal est adopté.
présente, au nom du comité des recherches, un rapport sur des dégâts faits au canal du Languedoc, et propose un projet de décret qui est adopté en ces termes :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des recherches sur les événements passés dans le département de l'Aude, les 25, 26 et 27 septembre dernier, ajoutant aux dispositions de ses précédents décrets sur la libre circulation intérieure des grains, et notamment à celui du 3 de ce mois, décrète : 1° Que lefc tribunaux de Carcassonne, Béziers, Toulouse et Gastelnaudary sont provisoirement autorisés à juger en dernier ressort$ et au nombre de sept juges, soit sur les procédures qu'ilà pourront commencer, soit sur les derniers errements de celles qui auraient été faites devant les premiers juges, les auteurs, instigateurs et complices des
séditions et attroupements déjà formés, ou qui
fcourraient l'être, pour empêcher la libre circu-ation intérieure des grains, de tous autres délits et attentats contre l'ordre public, et à prononcer et faire exécuter contre les coupables les peines exprimées dans le décret du 21 octobre 1789.
« 2° Que l'indemnité des dégâts et dommages sera prise d'abord sur les biens des coupables, et subsidiairement supportée par les communes qui ne les auraient pas empêchés lorsqu'elles l'auraient pu, et qu'elles en auraient été requises par les officiers municipaux, qui éont responsables de leur négligence à cet égard.
« L'Assemblée se réserve de décréter, dans ce dernier cas, le mode d'indemnité à accorder à ceux qui, par l'effet de la violence, auront éprouvé des pertes dans leurs possessions ».
L'ordre du joUr est la suite de la discussion du projet de décret sur les biens nationaux à vendre ou à conserver et sur leut administration en général.
, rapporteur, propose l'article 15 en ces termes :
Art. 15.
« Il en sera de même desdits établissements qui étaient administrés par des bénéficiérs ou des officiers supprimés, sans le concours des officiers municipaux, ou d'autres citoyens élus ou appelés à cette administration. A l'égard de ceux dans l'administration desquels les municipalités ou d'autres citoyens concourraient, elle sera continuée par les municipalités et les autres citoyens qui seront élus ou appelés par le conseil général de la commune, sous la surveillance des administrations de district et de département, et à la charge de rendre compte ainsi qu'il est ci-devant prescrit : le tout pareillement, jusqu'à ce qu'il en ait été autrement ordonné. >»
XGet article est mis aux voix et décrété.)
, rapporteur. Maintenant vous allez entrer dans l'examen des articles du projet imprimé (Voy.Ci-dessuS la séance du soir du 4 octobre) qui sont les 12,14,15,16 et 17. PoUr discuter convenablement, il faut laisser de Côté l'article 13 dont nous vous proposons l'ajournement. L'article 12 deviendra le 16® du décret et ainsi de suite.
L'Assemblée adopte cet ordre de délibération.
Après une discussion assez confuse, les articles 12,14,15,16 et 17 devenus les articles 16,17,18, 19 et 20 sont décrétés en ces termes :
Art 15
« Il en sera de même desdits établissements qui étaient administrés par des bénéficiérs ou des officiers supprimés, sans le concours des officiers municipaux, ou d'autres citoyens élus ou appelés à cette administration. A l'égard de ceux dans l'administration desquels les municipalités ou d'autres citoyens concourraient, elle sera continuée par les municipalités et les autres citoyens qui seront élus ou appelés par le conseil général de la commune, sous la surveillance des administrations de district et de département, et à la charge de rendre compte ainsi qu'il est ci-devant prescrit : le tout pareillement, jusqu'à ce qu'il en ait été autrement ordonné. >»
XGet article est mis aux voix et décrété.)
, rapporteur. Maintenant vous allez entrer dans l'examen des articles du projet imprimé (Voy.Ci-dessuS la séance du soir du 4 octobre) qui sont les 12,14,15,16 et 17. PoUr discuter convenablement, il faut laisser de Côté l'article 13 dont nous vous proposons l'ajournement. L'article 12 deviendra le 16® du décret et ainsi de suite.
L'Assemblée adopte cet ordre de délibération. Après une discussion assez confuse, les articles 12,14,15,16 et 17 devenus les articles 16,17,18, 19 et 20 sont décrétés en ces termes :
ArU 16.
« Ne sont point compris dans les biens nationaux CèUx possèdés-en France par les puissances étrangères, soit qu'elles les aient affermés, soit qu'elles les fassent régir, soit qu'ils atent été mis eh sequestrë. Il leur sera tendu compté, à la première réquisition dès produits de ces derniers; et les assemblées administratives, ni les municipalités h'exerceroilt aucun àCtë d'admi-ministration sur leSditS biens. »
Art. 17.
« En attendant qu'il ait été fait un règlement
entre les puissances étrangères et la nation française, sur les objets dont il va être parlé dans le présent article, et dans les articles 18,19 et 20 ci-après, les maisons, corps,, communautés bénéficiers, et établissements français, auxquels l'administration de leurs biens a été laissée provisoirement, continueront de jouir de ceux situés sur le territoire de ces mêmes puissances. »
Art. 18.
« A l'égard des biens situés sur le territoire de ces puissances, que possédaient les maisons, corps, communautés, bénéticiers et établissements français qui ont été supprimés, ou des mains desquels l'administration en a été retirée, ils seront administrés par les assemblées administratives de département et de district, dans l'arrondissement desquels se trouveront les manoirs des bénéfices, ou les chefs-lieux d'établissements, et par leurs directoires, ou par tels préposés que ces derniers pourront commettre où ils jugeront à propos. »
Art. 19.
« Pourront, au surplus, le3 évêques et les curés français, quoique l'administration des biens dont ils jouissaient en France, ait été retirée de leurs mains, continuer de jouir provisoirement de ceux qu'ils possèdent dans l'étranger, sans diminution du traitement à eux assigné par les décrets de l'Assemblée, sauf à rendre compte desdits biens, s'il y a lieu. •>
Art. 20.
« Les maisons, communautés, corps, béoéficiers et établissements étrangers, continueront de jouir des biens qu'ils possèdent en France, aussi longtemps que les puissances dont ils dépendent, permettront sur leur territoire l'exécution entière des articles 17, 18, et 19 ci-dessus. En conséquence, les assemblées administratives, ainsi que les municipalités, n'exerceront aucun acte d'administration sur ces mêmes biens. »
, rapporteur, lit l'article 18 ancien, devenu l'article 21 ; il éprouve un changement de quelques termes et est adopté ainsi qu'il suit :
Art. 21.
» Les municipalités ne pourront, à peine de dommages et intérêts, s'immiscer dans l'administration ou gestion d'aucuns des biens nationaux, sans délégation de la part des assemblées administratives de département et de district, ou de leurs directoires. »
Les articles 19, 20, 21, 22, 23, 24 et 25, vont devenir les articles 22, 23, 24, 25, 26, 27 et 28.
Ces articles sont séparément mis aux voix et adoptés dans les termes ci-dessous :
Art. 22.
« Celles qui auraient, en vertu du décret du
18 juin dernier, régi des biens nationaux dont la surveillance leur avait été confiée pour la présente année, continueront cette régie jusqu'à ce qu'ils aient été donnés à bail;, en conséquence, elles feront donner aux terres les façons nécessaires, et faire les semailles, dont les frais leur seront remboursés par les fermiers entrant, sur le pied de l'estimation qui en Sera faite par le directoire de département, sur l'avis de celui du district. »
Art. 23.
« Lesdites municipalités rendront leur compte de ladite régie dans le courant du mois de janvier 1791, au directoire du district, pour, sur son avis, être arrêté par celui du département; et même pour éviter des circuits inutiles, aussitôt la publication du présent décret, elles remettront au directoire du district les baux ou adjudications qu'elles auront passés, pour le prix en être versé directement dans la caisse du receveur du district. »
Art. 24.
« Les ecclésiastiques qui ont été autorisés à administrer pendaut la présente année les biens qu'ils faisaient valoir, et dont ils auront continué l'exploitation, seront -tenus, à peine de dommages et intérêts, de faire donner aux terres les façons d'usage, et de faire faire les semailles; et les dépenses qu'ils auront faites leur seront remboursées ainsi qu'il est expliqué à l'article 22 ci-dessus. »
Art. 25.
« Les baux qui auraient été passés par des particuliers à aucuns des bénéticiers, corps, maisons et communautés supprimés, et des mains desquels l'administration de leurs biens a été retirée, seront et demeureront résiliés, à compter du 1er janvier 1791, sauf aux
Art. 26.
« Les assemblées administratives ou leurs directoires, n'entreront en exercice de leur administration, qu'à compter du 1er janvier 1791, pour les biens régis par l'économe général du clergé, et par tous les autres régisseurs, séquestres ou administrateurs particuliers, tant des biens ecclésiastiques, que des autres biens nationaux, même de ceux des Jésuites, de la régie desquels lesdites administrations ne seraient pas en possession ; tous lesquels continueront de les régir jusqu'à cette époque seulement. »
Art. 27.
« A la même époque, l'économe général, ainsi que les susdits régisseurs, séquestres ou administrateurs particuliers, même ceux des biens des Jésuites, excepté la régie des domaines et bois, sur laquelle il sera statué incessamment, déjà exceptée par l'article 5 ci-dessus, rendront leurs comptes, savoir :
L'économe général, au Corps législatif;
« Les autres régisseurs, séquestres ou administrateurs dont la gestion s'étendait sur des établissements situés dans l'arrondissement des différents départements, également au Corps législatif;
« Et ceux de ces derniers dont la gestion ne s'étendait que sur des établissements situés dans un seul et môme département, au directoire de ce département, qui les arrêtera sur l'avis de ceux des districts.
« Tous seront tenus, dans la huitaine après l'arrêté de leurs comptes, d'en payer le reliquat, si aucuns il y a, au receveur de la caisse de l'extraordinaire, à peine d'y être contraints, même par corps, à la requête de ce dernier, sauf à leur être fait raison de ce dont ils se trouveront en avance. »
Art. 28.
« Les assemblées administratives et leurs directoires exerceront leur administration sur tous les biens nationaux non exceptés par les articles précédents, suivant les règles particulières ci-après. »
, rapporteur. Nous avons épuisé le titre Ier. Je vais donner lecture des articles du titre qui suit :
TITRE DEUXIÈME. De Vadministration des biens nationaux. Article premier.
« Les assemblées administratives et leurs directoires ne pourront régir par eux-mêmes, ou par des préposés quelconques, aucun des biens nationaux; ils seront tenus de les affermer tous, même les droits incorporels, excepté les rentes constituées, et celle3 foncières créées en argent, de 20 livres et au-dessus, lesquelles seront perçues par les receveurs des districts, chacun dans leur arrondissement, ainsi qu'il est prescrit par le décret des 6 et 11 août dernier.»
Le comité des domaines demande à faire connaître son opinion sur cet article. Je donne la parole à un ae ses membres.
présente ainsi qu'il suit l'opinion du comité des domaines sur la régie des droits seigneuriaux (1).
Messieurs, Je parti que l'on vous propose, d'affermer les droits incorporels dépendants des
domaines nationaux ne doit-il pas occasionner l'anéantissement d'une partie de ces droits et
l'extrême dégradation de leur produit ? N'est-il pas un moyen plus simple et plus avantageux
de les faire régir, en attendant leur rachat, pour le compte de la nation? Telle est
l'importante question que vou3 avez à décider; et je dois vous faire observer que le projet
du comité central n'a pas, à beaucoup près, réuni les suffrages de tous les commissaires par
qui il a été discuté. Quatre seulement sur sept, lui ont donné leur assentiment, tandis que
l'opinion que je vais
On ne peut se dissimuler, Messieurs, une première vérité, c'est que les droits incorporels, et surtout les droits féodaux -dont je m'occupe plus particulièrement, se vendront plus difficilement. Dans l'état actuel des choses, celte propriété a peu d'attraits, puisqu'elle se trouve dépouillée des prérogatives qui, à bien des yeux, en faisaient tout le prix. On n'en verra plus que les désavantages, c'est-à-dire l'extrême division des droits féodaux, la dispersion des héritages qui y sont assujettis, la difficulté de leur perception, la facilité ae la prescrire, et la nécessité d'en recevoir le rachat par petites sommes et par parties détachées. Il faut donc peu compter sur leur vente, mais seulement sur leur rachat, que les assignats hâteront sans doute, mais qui néanmoins s'achèvera lentement.D'où il suit que le mode de régie, qui sera adopté, à leur égard ne peut être combiné avec trop de sagesse, puisque les inconvénients en seraient d'autant plus graves, qu'ils ne seraient pas momentanés.
Il est reconnu qu'il est impossible que les districts et leurs receveurs soient chargés de régir immédiatement les droits féodaux. L'expédient de les affermer est-il plus heureux ? Je ne puis croire que vous soyez de cet avis.
Et d'abord, Messieurs, pensez-vous que, lors de l'adjudication des baux, il s'établira une concurrence capablede procurer des fermages suffisants? Deux classes d'hommes seulement peuvent se présenter ; d'anciens percepteurs instruits de la valeur de la chose, et des spéculateurs hardis qui ne la connaissent pas.
Les premiers sont peu nombreux. Souvent il n'existe, pour les droits d'une seigneurie, qu'un seul homme qui en ait la clef. Souvent cet homme sera un ancien procureur de maison religieuse,un ancien receveur de chapitre qui ne se souciera pas de devenir un fermier. Ainsi point, ou du moins très peu de concurrence vraisemblable dans la classe de ceux qui, connaissant la vraie valeur des choses, seraient plus en état de s'en rapprocher par leurs enchères ; et le très petit nombre de ceux qui se présenteront pour enchérir, regardera le plus souvent son expérience comme un moyen sûr de faire un gain énorme.
Quant aux spéculateurs qui n'ont point de connaissances persoanelles, il est bien évident que vous ne devez fonder sur eux aucunes espérances. On ne fait jamais que de mauvais marchés avec des gens qui ne vivent que de hasards.
Je dis plus, Messieurs, n'eussiez-vous que des enchérisseurs honnêtes et instruits, vous ne serez encore que des adjudicataires à vil prix. Car telle est la nature des droits féodaux, tel le est l'extrême attention, telles sont les peines multipliéesque leur perception exigera de l'adjudicataire, qu'il doit nécessairement spéculer sur un bénéfice trèscon-sidérable.
Mais la vilité du prix des baux n'est pas le seul inconvénient attaché à ce mode de régie ; il en est d'autres non moins graves, dont quelques-uns frappent sur le capital même des droits.
La nouvelle division du royaume n'a nulle analogie avec l'ancien régime féodal. Une mouvance ou une directe importante a d'ordinaire des extensions très éloignées ; et il arrivera souvent, quand surtout elle sera placée à l'angle de quelque district ou département, qu'elle détendra à la fois dans plusieurs ressorts administratifs. Je demande quel embarras il ne résultera pas de cette circonstance ; comment surtout on
transportera sans cesse d'un département dans un autre, les titres uniques d'une grande mouvance éparse sur divers territoires? Je demande Si la perception ne souffrira pas beaucoup de la grande difficulté qu'il y aura d'éclairer les fermiers sur l'étendue des droits qui leur sont confiés? Je demande si cette difficulté ne donnera pas lieu à de nombreux recours de garantie, à des demandes dé non-jouissances, à une multitude de prétentions qui consumeront les moments précieux des administrateurs?
La matière féodale, vous le savez, Messieurs, est extrêmement difficile et abstraite ; il faut des connaissances pour diriger, pour soutenir, pour conserver la perception des droits féodaux. Ce ne sont pas vos fermiers qui auront ces connaissances ; il faudra qu'ils aillent sans cesse les puiser au district. Je ne Crains pas de le dire, Messieurs, souvent, ils ne les y trouveront pas, ou, en tout cas, ce ne sera jamais qu'au prix de distractions préjudiciables à des travaux plus importants.
Je vais plus loin, Messieurs, vos fermiers ne seront pas toujours des gens honnêtes. Je vous laisse à juger combien de fraudes peut occasionner leur collusion avec les redevables. C'est ici peut-être un des plus graves inconvénients des baux. La multiplicité, la variété, lacasualité des droits féodaux ouvrent, de toutes parts, une source féconde d'abus, que toute la vigilance des administrations ne pourra éclairer, soit parce que les administrateurs, trop attachés aux grandes opérations, n'auront pas ae temps à donner à des détails infinis et minutieux, soit même parce que leur existence mobile les rendra plus faciles a tromper. Il me semble voir déjà les fermiers faisant partout des combinaisons ^ clandestines avec les débiteurs, et des manœuvres frauduleuses faire disparaître une multitude de droits.
S'il y a tant d'incohvéniefiis â affermer les droits féodaux; si, d'un autre côté, il est impossible, de l'aveu de tout le môbde, de les faire régir immédiatement par les districts et leurs receveurs, quel parti faut-il donc prendre ? Rien de plus simple, Messieurs, il faut confier cette régie à ceux qui sont déjà chargés de celle d'Une partie dés domaines nationaux, c'est-à-dire à l'administration des domaines.
D'abord, Cette disposition ne peut éprouver aucun obstacle résultant, soit de vos précédents décrets, soit delà nature même des choses.
Si, par votre décret des 14 et 20 avril, vous avez dit, Messieurs, que l'administration dés bienë déclarés être à la disposition de la nation serait, dès la présente an née, confiée aux administrations de département et de district,vous avez ajouté que ce serait sous les régies, les exceptions êt les modi/icâtions qui seraient expliquées. Au moyen de ce correctif, les chdses sont absolument entières, relativement aux droits féodaux, et rien ne vous empêche de faire à leur égard Une exception dont vous vous êtes expressément réservé le pouvoir.
Je prévois, cependant, une objection. L'administration des domaines (dira-t-on, Messieurs), n'a plus qu'une existence précaire et momentanée : comment lui Confier une régie qui peut durer longtemps?
L'admiuistration des domaines, je l'avoue, Messieurs, doit subir de prochains changements. Mais, remarquez, je vous prie, qu'il n'est point dans votre intention de supprimer, mais seulement de modifier les impositions indirectes, de la perception desquelles elle ëst chargéë, et que
vous avez reconnu vous-mêmes qu'il faudrait des compagnies de finance quelconques pour faire le recouvrement des impositions indirectes; cette reconnaissance est consignée dans votre décret du 3 de ce mois, par lequel vous chargez trois de vos comités, de vous proposer un plan de Ces compagnies. Ainsi quelque parti que vous preniez sur ce point, il est vrai de dire qu'il existera toujours des hommes qui, chargés spécialement de la perception des droits connus aujourd'hui sous la qualification de domaniaux, pourront être préposés en même temps à la régie des droits féodaux.
J'ai entendu objecter encore qu'il fallait une administration unique confiée à des hommes élus par le peuple.
Je pourrais répondre d'abord que je ne vois pas de principe constitutionnel qui l'exige ainsi ; que le plus grand avantage de la nation est la seule règle à suivre en cette matière toute de finance ; que l'article 5 du titre premier, déjà décrété, consacre provisoirement une régie séparée de biens nationaux dans la main de l'administration des domaines ; et que ce n'est aussi qu'une mesure provisoire que je propose en ce moment.
Mais il est, Messieurs, une autre réponse plus directe. Lorsque je vous invite à confier la régie d'une portion des revenus nationaux, aUx administrateurs des domaines, je n'entends point que les corps administratifs soient étrangers à cette branche de la régie nationale. Je demande, au contraire, formellement que l'administration des domaines et ceux qui lui succéderont n'agissent que sous la surveillance et l'autorité des corps administratifs; elle sera leur agent, comme le ferait le receveur de district en cette partie.
Il me reste maintenant à faire voir quels avantages résulteraient du système que je propose.
1° Je l'ai déjà dit, Messieurs, la difficulté est de trouver des hommes instruits dans la matière féodale. Celte difficulté n'existe plus si vous adoptez l'administration deë domaines et ses employés; ils ont, et l'habitude de cette perception si détaillée, si minutieuse, et l'expérience nécessaire pour lever les doutes qu'elle présente à chaque pas.
2* Ils ont, et ils ont seuls, un autre genre de connaissances, infiniment précieuses pour la conservation des droits féodaux, et pour le maintien de leur produit; les registres de contrôle leur fournissent tous les renseignements nécessaires, surtout pour connaître, et les mutations et les individus devenus débiteurs, par l'effet de ces mêmes mutations; cette seule considération devrait suffire pour faire préférer l'expédient que je propose, à celui des baux à ferme qui doit dégrader inévitablement les droits féodaux.
3* Il y a une analogie parfaite entre la régie actuelle et celle que je revendique en sa faveur. Bien plus, Messieurs, les deux régies ont déjà nombre d'objets communs et indivis. Et en effet, dans l'ancien régime, il existait beauCoup de fiefs, tenus en partage par le roi et les corps ecclésiastiques. Or, ne serait-il pas ridicule aujourd'hui, Messieurs, que cea ci-devant fiefs se trouvent réunis dans la main de la nation d'en diviser l'administration et de souffrir qu'une partie fût affermée, tandis que l'autre resterait soumise à l'ancienne perception ?
4° Vous trouvez, dans le parti que je vous propose, un autre avantage toùjours cher aux habiles administrateurs ; c'est la simplicité de l'administration, et l'uniformité des principes. Soumis à un même régime, tous les droits féodaux seront
mieux administrés et mieux conservés. A chaque instant le Corps législatif et l'administrateur suprême pourront connaître l'ensemble et les résultats des opérations; la régularité des versements se trouve suffisamment assurée ; enfin il est impossible de se dissimuler la préférence due à l'ordre, à la méthode et à l'exactitude d'une régie toute montée et dont les rapports établis d'un bout du royaume à l'autre partent d'un même point, pour y revenir sans cesse.
5° Le rachat des droits féodaux présentera souvent des difficultés, et ces difficultés seront quelquefois de nature à embarrasser les districts. Vous venez à leur secours par l'arrangement que je propose. Les régisseurs et employés des domaines se trouvent dans l'obligation ae les aider, de préparer même leur travail; et la liquidation se fera avec plus de célérité et plus de justesse.
6° Enfin, l'économie est évidente, et elle est même considérable; il ne s'agira que d'accorder des attributions médiocres à des préposés qui ont déjà, un traitement, tandis crue j'ai démontré que les fermiers feront inévitablement des pro*-duits énormes.
Telles sont, Messieurs, les principales raisons pour lesquelles votre comité des domaines rejette l'expédient des baux à ferme et préfère la régie éclairée et économique de l'administration des domaines, ou des agents quelconques qui seront chargés de la perception des droits domaniaux. Ces raisons ont déjà été tentées par des administrations de districts; et j'en connais quelques-unes qui, ne pouvant imaginer qu'on affermera, et craignant d'être chargées de la régie des droits féodaux $ se disposent à la faire faire par les contrôleurs des actes.
Les raisons que je viens d'exposer me paraissent s'appliquer, pour ia plupart, à tous les droits incorporels en général ; et je crois que si vous voulez les conserver dans leur intégrité, si vous ne voulez pas laisser affaiblir cette pàrtie du gage de la dette publique* il faut tout réunir sous la même régie.
Je vais plus loin, Messieurs* l'intérêt de l'Etat semble même exiger une autre mesure ; ce serait de surseoir, quant à présent, à la vente des droits incorporels. De puissantes considérations semblent vous y engager.
D'abord, les mêmes causes qui empêcheront d'affermer avantageusement, empêcheront aussi de vendre avantageusement. Vous n'aurez pas plus de concurrents dans l'un que dans l'autre cas, et ce seront les mêmes hommes qui se présenteront. Osez, d'après cela, calculer l'énorme perte dont vous êtes menacés, en faisant attention que les droits féodaux qui dépendent du domaine proprement dit, forment un revenu annuel de 4,500,000 livres, et que ceux dépendant des biens ci-devant ecclésiastiques sont le triple ou le quadruple de ceux du domaine. Vous ne retirerez peut-être pas 150 millions de ce qui vaut au moins 400 millions.
2° En vendant, vos intentions bienfaisantes ne seront pas remplies. Vous avez voulu, Messieurs, que les redevables eussent le temps de se racheter, et, qu'en attendant ils ne pussent être soumis à des poursuites rigoureuses. Or, la vente va subroger à la nation des spéculateurs avides qui, uniquement occupés du désir de gagner, se feront un jeu d'opprimer les redevables. * 3° Enfin, les assignats vont, dans les commencements, hâter lés rachats; il vous est utile surtout de profiter du premier effet qu'ils vont produire, et votre Comité dès domaines est persuadé
qu'en ne vendant pas, vous retirerez plus en deux ans du rachat de partie des droits féodaux, que ne vous produirait la vente de la totalité.
C'est à vous de juger, d'après cela, Messieurs, s'il est prudent de vendre dès à présent, et si, au contraire, il ne vaut pas mieux, comme vous le propose votre comité des domaines, surseoir, quant à présent à la vente, et confier provisoirement la régie des droits incorporels et notamment dès droits féodaux à l'administration des domaines. Vous avez, Messieurs, à décider si une propriété dont la valeur est au moins de 409 millions, ne mérite pas une surveillance particulière, et Si vous devez adopter légèrement les mesures qu'on vous propose, et dont l'effet inévitable sera d'en diminuer les produits et d'en dégrader la valeur d'une manière effrayante. Votre comité des domaines aurait cru manquer à la confiance dont vous l'avez honoré s'il eût dissimulé les observations qu'il m'a chargé de soumettre à votre sagesse.
Plusieurs membres sont ensuite etitetidUs suit pour, soit contre l'avis du comité des domaines.
L'Asseinblée ferme la discussion.
L'amendement du Comité dës domaines eèt rejeté.
L'article 1" est ensuite mis au* voii et adopté, sans changement.
, rapporteur, lit les articles 2 ét 3.
Après quelques débats et quelques modifications de rédaction, ces articles sdnt adoptés eu ceà termes :
Art. 2.
« Les baux à ferme ou à loyer passés publiquement et à l'enchère avant le 10 de ce mois, par les Corps administratifs ou par les municipalités j seront exécutés suivant leur forme et teneur. »
Art. 3.
ti Ceux qui auront été faits par les précédents détenteurs pour dés biens ecclésiastiques suivant les règles établies par l'article 9 du titre 1®* du décret du 14 mai dernier, conêernailt l'aliénation des biens nationaux, ou pour des biens d'apànagé, suivant les règles etàblies par l'article 7 du décret du 13 août suivant, concernant les apànàges, seront pareillement exécutés. L'Assemblée s'en remet au surplus à là prudence des directoires de département et de district, pour le niaintlfert deà baux à loyer des maisons d'habitations, faits sans fraude sous-seing privé dans les lieux OÙ l'Un était en usage de les passer ainsi. »
(La séancê est levée à 10 heures du solir.)
Séance du
(de Saint-LO), setrétaire, donne lecture du procès-verbal de la Veille au matin.
, secrétaire, lit le procès-verbal de la séance de la veille au soir.
Ces procès-verbaux sont adoptés.
: M. d'André vous a dit hier,en dénonçant un administrateur du département des Bouches-du-Rhône, qu'il régnait une division alarmante entre les gardes nationaux et la municipalité de Marseille. Cette ville jouit de la plus grande tranquillité, et c'est à tort qu'on voudrait l'accuser d'être dans une fermentation continuelle. Ce bruit trop acrédité ne peut être que le fruit d'une lettre écrite il y a quelques mois à l'Assemblée nationale par M. deLaTour-du-Pin. C'est dans cette lettre, qu'il annonce que la municipalité et les habitants de Marseille s'opposent au départ du régiment de Vexin, dont le roi avait ordonné le déplacement. L'assertion du ministre est une imposture démentie par une adresse de ce régiment à l'Assemblée nationale. La municipalité vient decasser lecomman-dant général de la garde nationale. Vingt-deux sections, sur vingt-quatre, ont été de cet avis; il n'y a point d'autres troubles à Marseille.
: Je demande acte de ce que vient de dire le préopinant. Il vous annonce que sur vingt-quatre sections, vingt-deux ont étéd'avisque le commandant de la garde nationale devait être cassé, e^que la commune y avait consenti. Jedé-nonceici cette commune pour être contrevenue au décret qui porte qu'il ne sera rien innové, quant à présent, au régime des gardes nationales. Je ne suis point ennemi de Marseille; mais je suis celui du désordre et de l'anarchie. Si l'on tait mention dans le procès-verbal de la réclamation de M. Cas-tellanet, je demande aussi qu'on y fasse mention de ma réponse.
, rapporteur du comité de Constitution, demande la parole pour présenter un projet de décret relatif à l'élection des commissaires de police de la ville de Paris. • Messieurs, par votre décret du 25 août dernier vous avez sursis à la nomination des juges de paix dans la ville de Paris, afin d'examiner si les commissaires de police pourraient en remplir les fonctions. Votre comité a pensé unanimement et de concert avec la députation de Paris, qu'on ne pouvait cumuler ces deux fonctions, sans de grands inconvénients.
En conséquence, nous vous proposons le projet de décret dont je vais donner lecture :
« L'Assemblée nationale déclare lever la suspension prononcée par le décret du 25 août dernier, et décrète, eu conséquence, qu'il sera procédé sans délai à l'élection d'un commissaire de police dans chaque section de la ville de Paris, conformément à l'article 3 du titre IV du décret sur l'organisation de la municipalité de cette ville. »
(Ge projet de décret est rais aux voix et adopté.)
présente ensuite un second décret sur le mode de prestation de serment des nouveaux officiers municipaux et des notables de la ville de Paris.
Ce décret est adopté ainsi qu'il suit :
« Les officiers municipaux et les notables de la ville de Paris, nommés en exécution du décret du 3 mai dernier et jours suivants, prêleront, pour celte fois seulement, sur le perron de l'hôtel de ville, en présence de la municipalité provisoire, des deux cent quarante représentants provisoires de la commune, des quarante-huit présidents et commissaires actuels des sections et
de la commune assistante, le serment ordonné par Je décret du 14 décembre.
« La formule sera lue par le vice-président du conseil de ville actuel, et le procès-verbal de la prestation du serment sera rédigé par le secrétaire de la municipalité provisoire. »
continue et présente un troisième décret sur la compétence des corps administratifs en matière de grande voirie.
Messieurs, il s'élève souvent des conlestations entre les directoires et les municipalités. Une grande route traverse la ville de Gray, département de la Haute-Saône. Le directoire du département, en conséquence de votre décret qui attribue à ces administrations les matières de grande voirie a donné des ordres relatifs à l'alignement. La municipalité en a donné de son côté et elle a poursuivi le procureur général syndic devant le bailliage. Gomme la même conduite s'est manifestée dans plusieurs endroits votre comité vous propose d'y pourvoir par une disposition générale.
En ne voulant pas blesser les intérêts particuliers, l'intention de l'Assemblée n'est pas sans doute de faire souffrir l'intérêt général, en ménageant l'intérêt particulier. Il est absolument important pour le commerce que les chemins soient bons, faciles et courts; sans doute vous devez des égards aux propriétés, et c'est pour cela que je proposerai de décréter que les sacrifices particuliers seront amplement payés.
met aux voix le projet de décret du comité de Constitution. Il est adopté en ces termes :
Sur les contestations survenues en plusieurs lieux, et notamment entre le directoire du département de la Haute-Saône et de la municipalité de Gray, l'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de Son comité de Constitution, décrète ce qui suit :
« 1° L'administration en matière de grande voirie, attribuée .aux corps administratifs par l'article 6 du titre XIV du décret sur l'organisation judiciaire, comprend, dans toute l'étendue du royaume, l'alignement des rues des villes, bourgs et villages qui servent de grandes routes ;
« 2° Conformément à l'article 6 de la section III du décret sur la constitution des assemblées administratives, et à l'article 13 du titre II sur l'organisation judiciaire, aucun administrateur ne peut être traduit dans les tribunaux, pour raison de ses fonctions publiques, à moins qu'il n'y ait été renvoyé par l'autorité supérieure, conformé -ment aux lois.
« 3° Les réclamations d'incompétence à l'égard des corps administratifs, ne sont, en aucun cas, du ressort des tribunaux ; elles seront portées au roi, chef de l'administration générale; et, dans le cas où l'on prétendrait que les ministres de Sa Majesté auraient fait rendre une décision contraire aux lois, les plaintes seront adressées au Corps législatif.
« Le roi sera prié de donner les ordres nécessaires pour l'exécution des différentes parties de ce décret, et l'apport de la procédure commencée au bailliage de Gray, à l'occasion de i'unejàes traverses de cette ville, pour être, sur ladite pro-. cédure, statué ce qu'il appartiendra. »
présente un quatrième décret
sur une contestation entre le département deSeine-et-Marne et la municipalité de Maincy.
Une contestation est survenue daus le département de Seine-et-Marne, relativement à la confection d'une grande route. Dans l'ancien régime, on traçait les routes droites, et cela n'était pas difficile, parce qu'on prenait un terrain sans payer. Suivant le plan tracé dans ce département, la roule doit couper des propriétés précieuses qu'on pourrait laisser intactes, en détournant la route ae 2 toises, sur l'espace de deux lieux. Votre comité de Constitution vous propose de décréter que les administrations ou les directoires prendront en grande considération les propriétés, et qu'on s'écartera des lignes droites, lorsque le détour ne sera pas trop considérable, et que le roi sera prié de donner des ordres pour que la. confection de la route tracée dans le département de Seine-et-Marne soit suspendue.
Divers membres échangent quelques observations sur le projet de décret qui est modifié et adopté ainsi qu'il suit :
« Sur le rapport de la contestation entre le Directoire du département de Seine-et-Marne et la municipalité de Maincy et autres propriétaires, l'Assemblée nationale décrète que le roi sera prié de faire suspendre l'exécution de la route conduisant de Melqn à la Croix-Bernard, et de ne faire lever cette suspension qu'après les vérifications et l'examen, par un commissaire de Sa Majesté, des plaintes de la municipalité de Maincy et autres propriétaires. »
L'ordre du jour est la suite de la discussion sur la contribution foncière et sur le mode d'impôt.
La délibération doit d'abord porter sur l'amendement proposé hier et ajourné à la séance d'aujourd'hui, qui porte :
« La somme d'impôt à asseoir sur chaque communauté par les administrateurs de districts, sera, comme ci-devant, établie en argent ; mais il sera libre à chaque communauté de répartir son impôt tout en nature, ou tout en argent, par cotes individuelles, ou bien partie en argent ou partie en nature suivant l'espèce de matière imposable qui se trouvera dans son arrondissement. »
L'on ne peut procéder avec méthode, si l'on ne commence pas d'abord par proposer une série de questions.
La discussion est fermée sur le fond de la question; on ne peut donc discuter que l'amendement qui consiste à savoir si la liberté sera laissée aux municipalités de s'imposer eu nature ou en argent.
(La discussion est fixée sur ce point seulement.)
Les communautés auront-elles la liberté de s'imposer de la manière la plus commode et la plus convenable, suivant la localité? Moi je suis pour la liberté, parce que ce n'est que pour la liberté que je suis ici; que les municipalités s'imposent en nature ou en argent, ce sera toujours en argent que les impôts seront versés dans le Trésor public. Il me paraît qu'on ne s'est pa3 fait une véritable idée de ce que l'on appelle une imposition en nature ou en fruits, elle ne consiste pas, ainsi que plusieurs membres de cette Assemblée m'ont paru le croire, à laisser aux municipalités l'embarras de colliger elles-mêmes les blés, les fruits, les foins et les olives; je di3
cela, parce que j'ai entendu parler de grands frais, de hangars et ae greniers. Voici ce que c'est que l'imposition en nature: les municipalités, suivant la nature de leur territoire, et d'après le cadastre, se décideront à percevoir l'impôt en fruits; alors elles ouvriront les enchères; elles affermeront à des particuliers quipayeronten argent; cet argent sera ensuite donné par le contribuable au receveur du district, qui versera dans la caisse du département, pour delà être versé dans le Trésor public. Cette manière est douce et peu dispendieuse; on en a fait jusqu'à présent une expérience très avantageuse dans les provinces du Midi : elle éviterait beaucoup de frais; la dépense d'un cadastre, les contraintes par corps et les frais de poursuite : je conclus pour la liberté.
appuie l'avis de M. Bouche, et propose les dispositions suivantes : 1° que l'option du mode de perception ne pourra être arrêtée que dans une assemblée de propriétaires agricoles, convoqués par la 'municipalité ; 2° que le règlement de la répartition y sera également arrêté; 3° que la délibération sur cet objet sera renvoyée au directoire du district, qui donnera son avis pour l'envoyer au directoire du département, qui l'homologuera, etc tte homologation aura force de loi; 4° que le département, ne pourra refuser cette homologation sans motiver son refus; 5° et que, dans ce cas, les municipalités pourront s'adresser au Corps législatif.
(On demande la question préalable sur l'amendement.)
Le système de l'imposition en nature est en toute manière impraticable. On nous a cité l'exemple des provinces méridionales. Est-ce bien là une raison péremptoire pour établir l'impôt en nature dans toute la France? Devons-nous l'imposer à la provençale ? Vous ne devez adopter de plan d'imposition que celui qui convient à tout le royaume. L'impôt en nature mettrait le pauvre sous la servitude du riche. De plus, si vous accordiez aux municipalités l'option de s'imposer en nature ou en argent, vous leur donneriez une faculté législative. Je conclus qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la question de payer l'impôt en nature.
(L'amendement de M. Dubois est rejeté par la question préalable.)
(L'Assemblée décide que la contribution foncière sera payée en argent et non en nature.)
propose la question suivante : La contributiou sera-t-elle d'une somme fixe et déterminée? Sera-t-elle perçue sur toutes les propriétés foncières sans exception? Sera-t-elle répartie, par égalité proportionnelle, entre les propriétés, à raison du revenu net ou de la valeur locative Y
Je demande que l'on décrète d'abordquela tixationde l'impôtnes'élèverajamais plus qu'au cinquième des revenus.
(On observe que ce n'est pas là la question.)
Je demande un décret général sur la masse totale des impositions, c'est-à-dire que la diminulionoul'augmentatioude l'impôt porte proportionnellement sur les revënus fonciers et industriels.
(L'Assemblée décide que la contribution foncière sera d'une somme déterminée chaque année par la législature.)
La contribution $era-t-elle perçue sur toutes les propriétés foncières sans exception ?
On demande une exception pour les marais desséchés.
L'Assemblée déclare que cette question ne sera décidée qu'après celle proposée par M. de La Rochefoucauld ,
La contribution sera-t-elle répartie par égalité proportionnelle entre les propriétés, à raison du revenu net qu d§ Ici valeur locative ?
La base proposée par votre comité tend à ruiqer le commerce, Il ne faut pas laisser d'inquiétude aux cultivateurs. Il ne faut pas que leur industrie pqisse être ralentie par une augmentation d'impôt, toutes les (ois qu'ils voudront donner de l'extension à la culture. Il ne faut pas qu'une plantation nouvelle, qu'un défrichementnquvean occasionnent au cultivateur qui l'entreprend une taxe plus forte. Au lieu d'imposer son industrie, il faut l'encourager; c'est le seul moyen de vivifier l'agriculture.Nous ne sommes riches que parce que notre royaume est agricole, et on noUs propose de le ruiner, car nous ne tarderions pas à l'être, si le cultivateur était assailli du percepteur,aussitôt qU'il viendrait à planter un arbre. Mon expérience dans cette partie iqe prouve combien il serait dangereux d'imposer l'industrie ; l'impôt ne doit être perçu que sur le revenu net de la terre. Je voUs rappelle donc au projet de décret que je vous ai présenté; je vais yous en donner une seconde lecture :
« Art. 1er! II sera établi à compter du 1er janvier une
contribution foncière dont la somme fixe et déterminée sera répartie dans une proportion
relative à l'espèce de ces propriétés sur leur revenu net imposable,
* Art. 2. Le revenu net imposable d'une propriété foncière sera toujours le revenu naturel qu'elle doit produire, en écartant tout moyen industriel est extraordinaire, et ' déduction faite des frais de culture, de semence et de récplte, »
L'on n'entend pas bien ce que veut dire M-defielley, en écartant tout moyen industriel et extraordinaire, ef déduction faite des frais de culture, de semence et de récolte ; la terre ne produit que des ronces, c'est le travail qui la féconde, ce sont les avances que le cultivateur lui fait. Il y en a dé plusieurs sortes]: les avances annuelles et celles qui ne sont susceptibles que d'un renouvellement moins rapproché. D'après le projet de M. de Deltèy, uné terre défrichée aujourd'hui ne rapporterait encnre rien dans cent ans à l'État ; mais nous ne différons que par les mots, nous partons du même principe et nous voulons les mêmes conséquences. Je demande donc que les deux propositions, faites par le comité, soient adoptées en ces ternies :
« La contribution foncière seraperçue sur toutes les propriétés foncières, sans exception autre que cel|es qui seront déterminées pour l'intérêt de l'agriculture. Elle sera répartie par égalité proportionnelle entre les propriétés foncières, à raison de leur revenu net, ainsi qu'il sera défini ci-après. » (Ce décret est adopté.)
demande et obtient un congé de six semaines pour raison de santé,
Un de MM. les secrétaires fait lecture d'une lettre de M» Lambert. En vpiq l'extrait :
« J'apprends que l'Assemblée a passé hier à l'urdre du jour sur la proposition qqi lui a été
faite par ses trois comités réunis d'imposition, des finances et de Constitution, pour la création des juges provisoires, sur Jes contestations en matière d'impôt, en attendant l'installation des nouveaux tribunaux. Les commissaires départis ont cessé leurs fonctions depuis trois mois, Depuis Je 1er juillet, beaucoup de droits n'ont pas été acquittés. Quelques percepteurs ont retenu ou diverti les deniers. L'administration générale des domaines, ainsi que la ferme et la régie, se plaignent tous les jours des nouveaux obstacles apportés à la perception. J'ai cru qu'il était de mon devoir de mettre ces considérations sous les yeux de l'Assemblée. V
(L'Assemblée ordonne le renvoi de cette lettre à son comité des finances. — La séance est levée à trois heures.)
Séance du
La séance est ouverte à six heures et demie du soir.
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance de ce matin.
Le procès-verbal est adopté.
Il est fait lecture d'une lettre du sieur Vieilh de Yarenne, nommé en 1789 garde-magasin général des démolitions» de la Bastille. Il a géré cet emploi sans recevoir d'honoraire. Il lui avait été promis par le comité d'administration de la ville une gratification de 1,800 livres, payable lors de la cessation des travaux. Il fait hommage à la nation de celte gratification, et joint à ce sacrifice une gravure allégorique sous la dénomination de « l'an premier de la Révolution », et de la « collection entièredes drapeaux de l'armée nationale parisienne. »
La seule grâce que sollicite le sieur Vieilh, consiste à ce que l'Assemblée nationale permette qu'il jouisse librement du logement qui lui a été accordé, jusqu'à ce que le terrain sur lequel il est situé, soit vendu au profit de la nation.
L'Assemblée, après avoir applaudi au zèle patriotique du sieur Vieilh, ordonne qu'il sera fait dans le procès-verbal une mention honorable de son adresse.
Il est donné lecture d'une lettre de M. Louis de Noé, qui expose les torts énormes qu'il éprouve par la suppression d'un droit de péage montant a 20,000 livres par an, et de la charge de maire de Bordeaux, sur laquelle, il est créancier de 60,000 livresqu'il avait empruntées pour la payer. Il est redevable lui-même de cette somme, et prie l'Assemblée de lui subvenir.
L'Assemblée renvoie cette pétition aux comités de liquidation et de judicature.
propose de faire un changement dans l'article 8 du titre premier du décret sur la désignation des biens nationaux^ vendre dès à présent. Ce changement consiste à supprimer dudit article ces mots: « employés à l'enseignement public » et à leur substituer ceux-ci ; « voués au soulagement des pauvres. »
L'Assemblée, après une légère discussion, décrète le changement proposé.
propose ensuite un décret sur les ventes de domaines ecclésiastiques, faites depuis te 2 novembre 1789, qui est adopté en ces termes : -
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité ecclésiastique, décrète ce qui suit :
« Toutes les ventes qui auraient pu être faites en justice, ou autrement qu'en vertu des décrets de l'Assemblée, depuis la publication de celui du 2 novembre 1789, des biens du clergé, des fabriques, des établissements d'enseignement ou de charité, ou de tous autres établissements publics, sont déclarées nulles et comme non avenues, sauf aux acquéreurs leur recours contre les administrateurs et autres vendeurs, pour la restitution des sommes par eux payées.
«Défenses sont faites à tous administrateurs de vendre, et à toutes personnes quelconques de faire vendre aucun desdits biens, à peine de tous dommages et intérêts, et de telle autre peine qu'il appartiendra. »
Le sieur de Santo-Domingo, qui a commandé le vaisseau le Léopard, est introduit à la barre.
lui donne lecture du décret du 20 septembre, qui ordonne qu'il se rendra à la suite de l'Assemblée immédiatement après la notification de ce décret.
Je me trouve dans une de ces positions rares où la conduite la plus pure a besoia d'être justifiée. Je rapporterai simplement les faits, et j'attendrai sans inquiétude la décision de l'Assemblée nationale et du roi. Le29 juillet dernier au matin, M. de La Galissonnière, capitaine de vaisseau le Léopard, voulut appareiller pour s'éloigner du Port-au-Prince ; l'équipage s'y refusa, en disant qu'il savait que les citoyens devaient être massacrés, et qu'il devait rèster pour les secourir : M. de La Galissonnière observa que la partie française de Saint-Domingue était divisée en deux partis, dont l'un tendait à l'indépendance : « Eh bien ! dit l'équipage, restons pour conserver la colonie à la France. » Après avoir inutilement insisté pour le départ, le capitaine descendit à terre avec son état-major. Je me rendis au gouvernement pour prendre les ordres de M. de La Galissonnière ; je voulus retourner à bord, comme le service l'exigeait : il m'ordonna de rester; j'obéis à cet ordre que je demandai par écrit. La dissolution du comité de l'Ouest ayant été effectuée, en vertu d'une proclamation du gouverneur, j'invitai l'équipage à rentrer dans le devoir, et jeme rendis à bord, sur une permission du capitaine. L'équipage écrivit à M. de La Galissonnière, pour l'engager à reprendre le commandement; je lui écrivis moi-même dans cette vue, et il me répondit qu'ayant perdu la confiance de son équipage, il ne retournerait pas à bord, et qu'il me priait seulement de lui renvoyer ses effets. L'équipage s'opposa à ce renvoi. Mes officiers supérieurs restant à terre, et l'ordre du service m'appelant au commandement, je le pris et je partis. Etant par le travers de Saint-Marc, quatre commissaires de l'assemblée générale dè Saint-Domingue me présentèrent un décret qui m'invitait à mouiller dans la rade pour protéger la ville. M. Vincent parut alors, à la tête de l'armée, pour dissoudre par la force l'assemblée générale, qui se détermina à passer en France. (M. de Santo-Domingo fait lecture d'un grand nombre de pièces, à l'appui des faits qu'jl rapporte.) Ainsi dans toute ma conduite, je me suis conformé aux
qrdres de mon capitaine; j'oi suivi peux du rpi, servi l'humanité, ramené un vaisseau à la nation : je crois avoir bien mérité de la patrie.
L'Assemblée nationale pèsera dans sa justice l'exposé que vous venez ae lui faire.
Je demande que les pièces déposées sur le bureau par M. de Santo-Domingo soient renvoyées au comité colonial,
Il me semble convenable de faire ce renvoi aux comités de la marine et colonial réunis. (Gette dernière proposition est décrétée.)
Les ouvriers des arsenaux de la marine vous ont présenté une pétition, afin ue les réparations nécessaires aux vaisseaux ussent faites désormais à la journée. Le comité a été d'avis d'accueillir cette demande et c'est en son nom que je viens yous proposer le projet de décret suivant ;
Art.1er
Tous ouvrages de réparations, radoubs et entretien, exécutés dans les arsenaux de marine, seront désormais faits à la journée.
Art. 2,
La main-d'œuvre des ouvrages neufs continuera d!être adjugée à prix faits, et sera donnée de préférence, à conditions égales, aux ouvriers divisés par sections ou brigades. (Ge décret est adopté.)
annonce à l'Assemblée que M. l'abbé Saurine a été nommé membre du comité central par le comité des monnaies,
Le comité d'agriculture et du commerce demande à faire un rapport sur une découverte de M. Ghipart, graveur en métaux.
, rapporteur. M. Ghipart, graveur sur métaux, a découvert des poinçons inimitables par l'artiste même, après la matrice rompue. Gette découverte peut assurer le revenu public, en écartant la fraude sur les matières d'or et d'argent. Elle est applicable aux assignats, aux effet s de commerce, aux monnaies. M. Ghipart a conli é son secret à deux artistes qui lui ont donné des certificats satisfaisants. 11 offre d'abandonner sa découverte à l'Etat, et demande une récompense de deux cent mille livres-, qu'il annonce ne devoir rien coûter à l'Etat, d'après un plan qu'il présentera. Le comité, frappé des avantagés que semble promettre une découverte de cette nature, pense qu'il faut s'assurer de sa réalité, et propose de décréter qu'elle sera examinée et constatée en présence du comité par les artistes qui ont déjà donné des certificats, et par quatre commissaires de l'académie des sciences, nommés par le roi,, et ue dans le cas où le résultat serait favorable à Ghipart, il abandonnera, s'il le juge à propos, sa découverte à l'Etat, et il recevra une récompense convenable.
La proposition du comité est décrétée en ces termes ;
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport qui lui a été fait au nom de son comité d'agriculture et de commerce, de la proposition du sieur Ghipart, graveur en métaux, demeurant à Paris,'de donner à la nation un moyen de faire des poinçons inimitables pour la marque des ma-
tières d'or et d'argent, et applicables aux papiers-monnaie, aux effets de commerce et aux monnaies, moyennant une récompense de 200,000 livres, qui ne lui sera payée que lorsque la vérité et la certitude de sa découverte auront été constatées, et sur le produit d'un abus qu'il dénoncera ;
« Décrète que la découverte et les procédés du sieur Chipart seront examinés en sa présence par les sieurs Chevalier, Belsac et Gamot, qui ont donné l'acte du 23 août dernier, et par quatre commissaires de l'académie des sciences ou autres nommés à cet effet par le roi, lesquels manifesteront leur opinion sur l'objet dont il s'agit;
« Et que s'il résulte de cette manifestation que la découverte du sieur Chipart est réelle, il sera pris les mesures nécessaires pour lui assurer, en donnant son procédé, une récompense convenable. »
L'ordre du jour est la suite de la discussion sur les biens nationaux à vendre et à conserver et sur leur administration.
, rapporteur, donne lecture d'une nouvelle rédaction de l'article 4 du titre II.
Après une discussion, dans laquelle plusieurs orateurs sont entendus, l'article est décrété en ces termes :
Art. 4.
« L'Assemblée nationale déclare, au surplus, que dans la disposition de l'article 9 du titre premier du décret du 14 mai dernier, qui défend aux acquéreurs d'expulser les fermiers ou locataires, ne sont compris que les baux dont les preneurs font valoir par eux-mêmes, ou par des colons partiaires, les biens qui en sont l'objet ; en conséquence, sont et demeurent résiliées toutes les fermes ou admodiations générales de biens nationaux, quant àceux decesbiens, qui, n'étant pas actuellement exploités ou occupés «n vertu d'icel-les par les preneurs ou leurs colons partiaires, n'ont pas été par eux sous-loués par baux passés en forme authentique antérieurement au 2 novembre 1789, ou suivis de prise de possession avant cette époque. »
lit ensuite les articles 5 et 6. Ils sont adoptés sans débats ainsi qu'il suit :
Art. 5.
« Le coût des baux résiliés par l'article précédent sera remboursé aux preneurs par les receveurs des districts des cbel's-lieux des bénéfices ou établissements publics dont dépendaient ci-devant les biens à eux affermés, et sur les mandats des directoires de ces districts, sans préjudice du recours desdits preneurs contre ceux à qui ils pourraient avoir donné des pots-de-vin, ou fait d'autres avances. »
Art. 6.
« Dans le cas où parmi les biens compris ès dites fermes ou admodiations générales, il s'en trouverait qui fussent exploités ou occupés par les preneurs ou leurs colons partiaires, lesdites fermes ou admodiations seront exécutées à cet égard conformément à l'article 9 du titre premier du décret du 18 mai; à l'effet de quoi il sera procédé par des experts que nommeront lesdits pre-neurset les directoirësuedistrictsdela situation de ces biens, à l'estimation des fermages qui devrout être payés annuellement pour raison d'iceux. »
lève la séance à neuf heures et demie.
a la séance de l'assemblée nationale du 7 octobre 1790.
Nota. Nous insérons ici un document imprimé et distribué à tous les membres de l'Assemblée nationale, concernant les forêts. L'auteur (pro-bablement M. de Vismes) a gardé l'anonyme.
Plan d'administration des forêts nationales
par un membre du comité des domaines.
L'administration des forêts, comme celle de toute autre espèce de biens-fonds, ne peut être suivie que par le propriétaire, ou par des régisseurs, ou enfin par des fermiers.
La nation ne peut point administrer elle-même les forêts nationales; cela»est constant.
Doit-elle les faire administrer par une régie établie sous l'inspection des départements et des districts? plusieurs raisons s'y opposent.
1° L'administration des maîtrises a été reconnue mauvaise, et cette administration n'était autre chose qu'une régie. Les officiers de ces sièges exerçaient à la fois, dans les provinces, les fonctions de juges et de régisseurs. Les grands maîtres résidant à Paris, en partaient toutes les années pour aller inspecter et visiter les opérations des officiers des maîtrises.
Il n'est pas possible d'établir une nouvelle régie sur d'autres bases ; ainsi à la place d'un nouveau régime d'administration des bois, décrété par l'Assemblée nationale le 6 août dernier, on ne trouverait précisément que la régie des maîtrises : de sqfte qu'on peut assurer qu'à l'avenir, les forêts ne seraient pas mieux administrées que par le passé, par la raison que le régime serait identiquement le même.
2° En supposant l'établissement d'une régie, qui est-ce qui nommera les régisseurs? ce ne sera certainement pas le peuple ; car alors il voudrait disposer des forêts, et elles ne tarderaient pas à être complètement ruinées.
Ge ne sera pas non plus les d épartements et districts, chargés spécialement par plusieurs décrets, de surveiller l'administration des forêts; car il serait iritonstitutionnel de charger ces corp s administratifs de surveiller leur propre administration.
En vain voudrait-on dire que l'administration des régisseurs ne serait pas celle des départements et districts. Tout ie monde sait que ces corps administratifs composés de propriétaires, déjà chargés d'une immense quantité ae détails, n'administreraient pas personnellement les forêts nationales, qu'ils les feraient administrer par des régisseurs, c'est-à-dire par des commis ou de3 représentants, de manière que ces corps concentreraient toujours en eux-mêmes les fonctions les plus opposées ; ils administreraient les forêts nationales par des préposés ; de là la confusion de pouvoirs.
De plus, il est bien prouvé dans deux ouvrages (1) connus de Messieurs les députés, que ces départements et districts, ainsi que les municipalités, ne peuvent pas se charger du soin de régénérer et administrer les forêts.
3° A ces inconvénients on peut en joindre d'autres également graves. Une régie serait très
coûteuse ; en effet, indépendamment des frais de garde, il faudrait consacrer, chaque année, des sommes considérables, d'abord pour clore et repeupler les forêts, et ensuite pour entretenir les clôtures et les repeuplements ; peut-être quelque partie de ces sommes ne tournerait pas toujours à sa véritable destination : peut-être les repeuplements ne seraient pas constamment faits aussi bien qu'ils auraient pu l'être, et il est à craindre que beaucoup d'argent disparaîtrait tous les ans, sans que les forêts fussent bien régénérées.
Il serait de toute nécessité de distribuer, dans les départements, des régisseurs pour administrer, et des inspecteurs à portée de veiller sans cesse à la parfaite exécution des lois et règlements; car ce serait s'abuser de croire que douze ou vingt personnes, qui résideraient à Paris, pourraient satisfaire à tout ce que la surveillance exige pour l'entretien des forêts en bon état.
Les opérations les plus importantes, comme les assiettes des coupes, le martelage des boliveaux et autres arbres de réserve, se font par tout le royaume dans le même temps ; serait-il possible qu'un petit nombre de personnes fournît un surveillant dans presque toutes les forêts? serait-il possible que ce surveillant fît dans chaque forêt un séjour aussi long que la durée de l'opération?
N'est-il pas encore iridispensablement nécessaire que la marque des arbres de réserve et de délivrance ne soit pas confiée aux régisseurs, et qu'il ne puisse jamais être procédé à cette formalité qu'en présence des inspecteurs surveillants?
Ne faut-il pas aussi surveiller les repeuplements, les coupes, les vidanges, assister aux recoleinents et reconnaître les chablis ainsi que les arbres de délits ? Qui ferait cette reconnaissance? Serait-ce les régisseurs? mais alors ils seraient les maîtres de qualifier d'accident les délits les plus punissables. Serait-ce les surveillants résidant à Paris ? Ils ne sauraient en être informés à propos ; et dans cette supposition même, avant qu'ils eussent pu se transporter sur le lieu du délit, l'état des choses serait dénaturé à tel point qu'ils seraient dans l'impuissance de rien affirmer. La nation pourrait-elle se déterminer à affranchir d'une vigilance rigoureuse des forêts précieuses, qui ont tant d'influence sur le bonheur public? Concluons. Une régie n'est point admissible. Il n'en est pas de même d'une ferme. Ce genre d'administration est le seul capable de régénérer les forêts, et, sous tous les rapports, il est le moins compliqué, le moins sujet à des variations et des non-valeurs, et par conséquent le plus avantageux à l'Etat.
Aussi un père de famille qui ne peut administrer ses biens les donne à ferme; les ecclésiastiques, et les communautés régulières faisaient constamment administrer leurs biens par des fermiers; et l'on sait que ces biens n'étaient point mal administrés.
La principale crainte d'un propriétaire qui afferme son bien est que le fermier n'épuise le fonds, en le rendant trop productif; la nation, au contraire, n'a pas d'intérêt plus pressant que de rendre ses forêts les pius productives que possible.
Or, des fermiers (comme l'a très bien observé l'auteur du Mémoire en vertu d'ordres du ministre des finances), « des fermiers prendront fa « connaissance la plus approfondie de la végé-». talion ; ils ne se livreront pas à des expé-« riences dont ils ignoraient le résultat, et qui « par cela même pourraient leur devenir funestes;
« ils observeront la nature et l'aideront dans ses « opérations; ils mettront àprolit ses dons, parce « qu'ils en retireront des avantages. »
Des fermiers, en effet, n'oublieront point cette grande vérité, que beaucoup de bois donnera beaucoup d'argent.
Liés par leur propre intérêt à la prospérité des forêts, des fermiers sont donc les seuls administrateurs de qui l'on doive raisonnablement attendre le bienfait que l'on désire.
Mais plus on espère l'abondance du bois d'une administration de fermiers, plus on doit redouter de concentrer cette abondance dans une seule compagnie. Vraisemblablement l'auteur du Mémoire fait en vertu d'ordres du ministre des tinances, n'aurait pas proposé une seule compagnie, s'il eût prévu la réunion des forêts et bois jouis par les ecclésiastiques, à ceux du domaine; car en disant qu'on ne devait pas craindre que la compagnie pratiquât le monopole sur les bois, il donnait, pour raison principale, que le roi avait tout au plus dans ce moment un dixième de la totalité des bois du royaume.
Il convient donc d'affermer toutes les forêts nationales en cinq différents baux : savoir, un pour le département de Corse, et quatre pour les autres quatre-vingt-deux départements; en sorte qu'un bail comprendra toutes les forêts et bois qui seront dans vingt départements au levant; un autre bail embrassera toutes les forêts et bois qui sero it dans vingt départements au couchant; un troisième bail réunira toutes les forêts et bois qui seront dans vingt départements au nord; un quatrième bail, enfin, renfermera toutes les forêts et bois qui seront dans vingt-deux (1) départements au midi.
Ces cinq différents baux doivent uniformément soumettre les fermiers aux mêmes conditions principales, qui seront ramenées dans le projet de décret ci-après à l'article 9.
Chaque bail à ferme devra être fait pour soixante années (2) au moins, et à une compagnie particulière.
Deux raisons doivent déterminer à adopter des compagnies : la première, parce que le bail devant durer au moins soixante années, il ne peut être fait qu'à une compagnie qui ne meurt point; et la seconde, parce que la gestion et administration des forêts, obligeant à de grandes dépenses, surtout pendant les premières années, il n'y a qu'une compagnie qui puisse fournir à ces dépenses.
Multiplier trop les compagnies, ce serait les affaiblir. Toutes les portions des forêts ne seront pas également productives; une petite compagnie, qui nécessairement aurait peu de moyens, ne régénérerait que bien faiblement, parce qu'elle ne voudrait ou ne pourrait pas se priver d'un capital considérable, dont elle ne recueillerait le fruit que dans vingt, vingt-cinq, trente, trente-cinq et même quarante années.
Mais une compagnie dont l'administration sera étendue fera de grandes avances, parce que ses moyens se fortilieront chaque année.
Il est à propos d'observer ici, que si, dans le rapport fait à la séance du 6 août 1790, on s'est élevé contre les compagnies, ce n'a pas été pour les exclure d'une ferme, mais uniquement
pour combattre l'idée qu'on avait eue de vendre les forêts à des compagnies; elles ne s'assujettiraient pas, disait-on avec raison, aux lenteurs des opérations de la nature ; pressées de tirer de leur propriété tous les avantages possibles, elles couperaient les arbres, ne repeupleraient pas les bois, et intervertiraient la culture.
Des fermiers, au contraire, obligés par leur bail à ne faire produire que du bois au sol qui leur sera affermé pendant soixante années, s'attacheront, de tout leur pouvoir, à rendre cette production aussi ahondante qu'elle pourra le devenir; l'intérêt personnel, ce puissant aiguillon de l'industrie des hommes, leur rappellera sans cesse qu'ils payent annuellement une somme fixe, pour faire produire du bois à chaque arpent de terre qu'ils ont affermée, et que cette somme doit s'accroître progressivement tous les dix ans ; et l'on peut être certain qu'il faudra que le sol soit bien stérile, s'il ne produit pas du bois.
Après avoir établi les grands avantages que l'intérêt des fermiers procurera à l'Etat, en améliorant les forêts, il faut examiner les inconvénients que ce même intérêt personnel doit faire appréhender.
Le premier et le plus grave consiste en ce qu'aux approches de l'expiration du bail à ferme, c'est-à-dire des soixante ans, il est à craindre que les fermiers, lorsqu'ils auront fait dans une forêt la dernière coupe de leur jouissance, s'occuperont peu de repeupler, ne veilleront pas avpc soin à la vidange, à la conservation du recru, et laisseront, par une négligence coupable, retomber les forêts nationales dans l'état malheureux où elles sont aujourd'hui.
Avant d'indiquer les moyens de prévenir la dégradation des forêts régénérées par une ferme, observons que cet inconvénient, grave sans doute, ne se présentera qu'une fois dans soixante ans, et après une bonne administration qui aura duré pendant cinquante années et plus, tandis que si on établissait une régie, ce même inconvénient se présenterait annuellement, même avant la régénération des forêts, parce que, dans tous les temps de la régie, les régisseurs n'auraient aucun intérêt de les améliorer.
Et, dans la supposition qu'on ne pourrait pas se garantir de cet inconvénient, la ferme devrait être préférée à la régie, parce que cette administration donnerait au moins aux forêts un demi-siécle d'amélioration et de prospérité*
Mais il sera aisé de prévenir la dégradation des forêts lorsque l'administration des fermiers les aura améliorées.
On sait qu'il faut établir une administration surveillante, pour être toujours en activité dans les départements, afin d'assurer la régénération des forêts et la parfaite exécution des lois et règlements.
Les préposés à cette administration, constamment attentifs aux coupes qui se feront dans leurs départements, connaîtront celles qui seront les dernières de la jouissance des fermiers : ils recevront des ordres pour veiller plus particulièrement au repeuplement des parties vides, s'il en existe, à ce que la vidange soit faite à l'époque qui aura été fixée,à ce que les clôtures soient bien entretenues, les recrus bien gardés ; en un mot, à ce que les fermiers donnent à chaque forêt, qu'ils n'auront plus l'espérance d'exploiter, les mêmes soins qu'ils y donnaient avant la dernière coupe. Les inspecteurs généraux, ambulants, auront ordre, à leur tour, de visiter très exactement
ces forêts, et d'en constater l'état; ét, pour encourager encore le zèle des préposés à l'administration surveillante, il serait juste de leur accorder, à la révolution des soixante années, une gratification proportionnée au bon état dans lequel les fermiers laisseraient les forêts nationales.
Indépendamment de cette surveillance, il y aura de plus celle des départements et districts : tant d'observateurs attachés par état et par honneur à la prospérité des forêts nationales, ne toléreront pas des négligences criminelles capables de les dégrader (1).
Le second inconvénient consiste en ce que les fermiers intéressés à améliorer et à conserver les forêts, en écarteront de tout leur pouvoir les usagers, ce qui peut occasionner des voles de fait et des procès.
Avant l'ordonnance de 1669, le gouvernement était pénétré de la nécessité dé resserrer les usagers des forêts dans les bornes les plus étroites; aussi les titres 19 et 20 de cette loi, sont-ils consacrés à produire cet effet.
Mais dés relâchements abusifs ont rendu inutiles les sages dispositions de cette ordonnance. Plusieurs officiers des maîtrises ont écrit au gouvernement, en 1788, que l'exercice des droits d'usage avait généralement dégradé les forêts.
Le parti le plus avantageux serait donc d'àf-franchir les forêts de tous droits d'usage, soit en achetant cet affranchissement, soit, comme on l'a proposé dans le rapport fait à la séance du 6 août, en reportant les usages sur des parties isolées ou séparées, pour interdire l'entrée dès forêts aux usagers.
Un troisième inconvénient est le danger que chaque «compagnie de fermiers fasse hausser 1e prix du bois, en exerçant le monopole sur cette denrée de première nécessité.
Pour calmer ces craintes, il suffit d'observer que l'aménagement des forêts fixera l'époque des coupes, et que les fermiers n'auront pas la faculté de les anticiper ni retarder à leur gré. Rien ne pourra les dispenser de couper un bois taillis, l'année indiquée par l'aménagement.
Or, cet aménagement ne doit se faire qu'après avoir consulté les départements et districts. Ces corps administratifs sauront à peu près la quantité de bois qu'il est nécessaire de couper tous les ans, tant pour le service du commerce, que pour celui du public, et ils régleront l'aménagement sur ces besoins.
Obligés de prendre cet aménagement pour règle de leur conduite, les fermiers ne pourront donc pas se dispenser de couper annuellement une quantité de bois proportionnée aux besoins locaux.
Lorsque ce bois sera coupé, il faudra l'enlever de la forêt, soit parce qu'il pourrait nuire au jeune recru, et que les fermiers seront intéressés à sa conservation, soit parce que la loi fixera le terme auquel la vidange de chaque bois ou forêt devra être faite, d'après la facilité ou la difficulté du transport.
Aussitôt que le bois eoupé ne sera plus dans la forêt, les fermiers se hâteront de le vendre, parce que ne pouvant pas le serrer dans des magasins, il courrait le risque d'être volé.
Ainsi, d'un côté, la loi prescrira dans tous les départements la coupe d'autant de bois que les besoins locaux l'exigeront.
D'un autre côté, l'impossibilité de cacher ce bois, la crainte qii'ilne devienne la proie des voleurs, et l'intérêt du fermier d'en retirer des avantages, toutes cés circonstances non seulement empêcheront l'accaparement du bois, mais, au contraire, en détermineront promptement la vente.
Et enfin, l'abondance du bois que l'administration des fermiers produira, en fera nécessairement diminuer le prix, de manière que lë pauvre ait néanmoins des moyens suffisants pour acheter le bois nécessaire à ses besoins.
Au surplus, toutes les forêts de la contrée ne seront pas dans la main de la compagnie : celles des communautés d'habitants et des particuliers sont assez considérables poUr offrir de grandèà ressources, et achever de dissiper les alarmes.
Ajoutons enfin, en faveurdeia ferme, une considération importante. Avec cette administralioh, la nation aura chaque année des résultats clafrs et certains, tant en recëtte qU'en dépense. Elle saura très précisément et la somme qu'elle devra recevoir des compagnies defermier^et la somme qu'elle devra payer poùr les frais de l'administration surveillante. Avec, une régie, au contraire, là hation n'aurait toutes les années que des résultats variables et obscurs ; toujours on ignorerait si le bois a été vendu sa juste valeur, et si les dépenses utiles et nécessaires ont été faites réellement et à propos.
Passons maintenant à l'administration surveillante, dont l'indispensable nécessité est suffisamment prouvée d'après ce hue nous en avons déjà dit, et d'après ce qu'en a dit l'auteur du Mémoire fait en vertu d'ordres du ministre des financés, à la page 39.
Pour établir irrévocablement cette administration, il faudrait des bases que nous n'avons pas. Nous ignorons la quantité d'arpents de bois qui seront compris dans les baux à ferme, et l'espace de terrain qu'il faudra parcourir pour s'y rendre et les visiter. Nous ne pouvons donc pas fixer le nombre des départements, ni les émoluments qui devront être attachés à chaque commission d'inspecteur; car tel inspecteur, pour remplir sa tâché, sera forcé d'être absent de chez lui pendant plus de quinze jours ; tel âu contraire n'aura besoin de s'en absenter que pendant huit, et peut-être moins. Il est juste et nécessaire que celui qui aura plus de chemin, et par conséquent plus de dépense à faire dans les auberges, ait des appointements plus considérables.
Nous ùe pouvons avoir ces bàSes, qu'après un arpentement général des forêts, et cet arpente-ment même ne doit être fait qu'en présence des préposés à l'administration de surveillance, et d'un membre des directoires du département et du district Où les bois seront situés ; parce que, comme ce sera l'arpentement général qui fixera le prix de chaque bail, il est important qu'il n'y ait point d'erreur ni d'équivoque à cet égard.
Il faut donc provisoirement établir l'administration de surveillance, ainsi qu'il est expliqué dans le projet de décret qui suit.
PROJET DE DÉCRET.
Art. 1èr. L'Assëmblée nationale révoque les dispositions des
articles l, 2, 3 et 4 du titré XXVI de l'ordonnance de 1669, et toutes autres lois et arrêts
du conseil que prohibent la pleine et libre jouissance des bois et forêts àux particuliers
propriétaires; et à cdrbpter du lôr janvier 1791, elle autorise tous les particuliers
propriétaires dës bois et forêts, à les régir, administrer, régler et couper, de la manière
qu'ils Croiront la plus convenable à leurs intérêts, sans être tenus de faire aucune
déclaration, ni dé conservër d'autres réserves en baliveaux et futaieS, que celles qtrils
trouveront à propos; desquelles réserves, ils auront la faculté de disposer à leùr gré.
Art. 2. Par l'article précédent, l'Assemblée nationale n'entend pas aùtoriser les coupes de futaies, baliveaux et autres réserves, qui, par, les lois, coutumes et usages des lieux, sont réputées immeubles ; elle conserve à cet égard tous les drbils des propriétaires privés de l'usufruit, àiflsi que ceux des femmes en puissance de mari, des pupilles et mineurs, et Ceux des ci-devdfit seigneurs. .
Art. 3. L'Assemblée nationale abolit les droits deprendrëdti bois de cOnstructiOh, du boiS de chauffage, le bois mort, et le mort bois, ainsi que les droits de pâturage, panage, glandée et tous autres usages de quelque naturé qu'ils sdieht, que les communautés laïques e?t lès particuliers étaient en droit d'exercer dans lès forêts et bois nationaux, conformément aux dispositions des titres XIX et XX de l'ordonnance du mois d'août 1669, et adtres lois et concessions.
Art. 4. Il sera incessamment, et d'après l'avis des directoires de département et de district, pourvu au remplacement ou à l'indemnité; s'il y a lieu, de tous lesdits usages ; et jusqu'à ce qu'il y soit entièrement Satisfait, les comfuùnautés laïques et les particuliers, continueront de jouir desdits usages, comme ils en avaient le droit par le passé.
Art. 5. Les droits de grtterle, gracié, ségrairie, tiers et danger, et tous les autres droits féodaux et seigneuriaux établis sur les bois et forêts, s'ils sont de la nature de ceUX qui s'ont déclarés rache-tables, pourront être rachetés par les redevables, au prix et en la forme fixée par les décrets de l'Assemblée nationale, sanctionnés paf- fe roi. La liquidation du prix, ainsi que celle des arrérages qui seront dus, sera faite par les directoires de département et dë district, où fesdits droite auront leur assiette.
Art. 6. Partout, le mois de décembre prochain, le marteau du roi, déposé en la chambré du conseil de chaque maîtrise, ceux des grands maîtres, juges gruyers et arpenteurs, ensemble ïës tableaux des aménagements, les procès-verbaux d'arpentage, les plans, les registres, titres et autres papiers qui sont àùx greffes des maîtrises et grueries, seront remis et déposés', par des officiers qui les ont en leUr pouvoir, aux directoires de département et de district où lés-dits officiers faisaient leur résidence, et où lesdits greffes étaient établis.
Art. 7. Toutes les forêts ei bois nationaux qui ne devront pas être aliénés, d'après le décret aU 6 août dernier, sanctionné par le roi, seront affermés pour le temps de soixante années au moins, par cinq différents baux, ët à cinq différentes compagnies, savoir : un bail pour lës forêts et bois nationaux qui sont dans le dêpafteineht de
la Corse; un autre pour les bois nationaux situés dans vingt départements au levant; un troisième pour ceux situés dans vingt départements au couchant; un quatrième pour ceux situés dans vingt départements au nord ; un cinquième enfin, pour les forêts et bois nationaux situés dans vingt-deux départements au midi.
Art. 8. Cette ferme, en cinq différents baux, sera faite à la chaleur des enchères, après trois affiches et publications, dans les principales villes du royaume.
Art. 9. Les principales conditions de cette ferme sont que chaque compagnie s'obligera ; 1° de payer annuellement et d'avance, une somme fixe pour chaque arpent de bois qui sera compris aaris son bail, soit que cet arpent soit peuplé d'arbres, soit qu'il ne le soit pas ;
2° D'augmenter le prix du bail d'un douzième au moins toutes les dix années, jusqu'à son expiration ;
3° D'entretenir à ses frais, pendant la durée du bail, Une garde suffisante pour veiller à la conservation des forêts ;
4° De faire faire à ses frais, et dans.le délai qui sera convenu avec les directoires de département et de district, les clôtures et repeuplements qui seront estimés nécessaires aux forêts ;
5° De fournir généralement à toutes les dépenses d'entretien, de régénération et d'exploitation des forêts, ainsi qu'à celle de son administration particulière, pendant la durée du bail, sans que l'Etat puisse être tenu à d'autres dépenses, qu'à cèlle d'une administration surveillante ;
6? De renoncer à prétendre aucune indemnité, ou diminutiori de prix du bail pendaht sa durée, pour quelque cause ou prétexte que ce soit ;
7° D'intenter à ses frais toutes les actions qu'elle croira justes, sans que la nation puisse être tenue d'àucune garantie, ou dédommagement envers elle, à moins que la compagnie ne fût troublée et évincée de la jouissance d'aucuns des bois compris dans son bail, auquel cas elle ne pourrait réclamer d'autre indemnité qu'une diminution de prix du bail proportionnée au nombre d'arpents dont elle serait privée ;
8° De faire les coupes réglées suivant l'aménagement actuel, de ne point couper aucune futaie ni arbre de réservé que dans les cas prescrits; enfin, de se conformer rigoureusement à tout ce que les lois et règlements subsistants veulent qui soit observé pour l'aménagement et la police des forêts ;
9° De se conformer, à l'avenir, aux nouvelles lois ét règlements qui seront faits par l'Assemblée nationale et sanctionnés par le roi, pour établir un aménagement plus utile et une police plus salutaire;
10° De soumettre généralement toutes les opérations forestières, pendant la durée du bail, à la surveillance et inspection, tant des assemblées de département et de district, que d'une administration spécialement établie à cet effet ;
11° Enfin, de faire procéder à l'époque qui sera fixée à l'arpentement général de1 toutes les forêts comprises dans son bail, et à la mesure fixée par l'article 14 du titre XXVII de l'ordonnance dé 1669.
Art. 10. Tous les bois et forêts qui seront compris dans chaque bail à ferme, seront provisoirement divisés en quatre départements, et chaque département en deux demi-départements.
Art. 11. Dans chacun de ces quatre départements, il y aura un inspecteur et un arpenteur; ét dans chaque demi-département, il y aura un
sous-inspecteur. Tous ces inspecteurs et arpenteurs n'auront que des commissions.
Art. 12. Nul ne pourra être inspecteur ni arpenteur de département, s'il n'est âgé de vingt-cinq-ans accomplis; nul ne pourra être sous-inspecteur de département, s'il n'est âgé de vingt-cinq ans accomplis.
Art. 13. L'inspecteur, l'arpenteur et les sous-inspecteurs de chaque département ne pourront être parents ni alliés, jusqu'au degré de cousin de cousin-germain inclusivement, ni avoir aucun autre état ou emploi, à peine de destitution.
Art. 14. La surveillance de l'inspecteur s'étendra sur tout le département, dans lequel il sera tenu de résider constamment. La surveillance du sous-inspecteur ne s'étendra que dans le demi-département, dans lequel il sera aussi tenu de faire sa résidence continuelle.
Art. 15. A commencer au mois de mars de l'année 1791, chaque inspecteur de département, accompagné de l'arpenteur, du sous-inspecteur du demi-département sur lequel il sera opéré, des fermiers ou de leurs préposés, de l'arpenteur des fermiers, et en présence d'un membre du directoire du département administratif, et d'un mem-hrè du directoire du district sur lesquels on devra opérer, se transporteront dans chaque bois et forêt du département, à l'effet de vérifier et de rapporter :
Le nom exact du bois ou de la forêt ;
Sa contenance précise, et en conséquence, que chaque forêt ou bois, sera arpenté à la mesure fixée par l'article 14 du titre XXVII de l'ordon-nancede 1669 ;
Dans quelle municipalité, district et département administratif il est situé ;
Sa distance d'àucune ville, bourg ou village ;
S'il y a des bornes et des clôtures, et si ce sont celles qui conviennent le mieux;
S'il y a de la facilité ou des difficultés pour en retirer le bois après les coupes, et le temps qu'il convient d'accorder pour la vidange ;
S'il est exposé à des délits de la part des hommes et des bestiaux;
S'il est en taillis mêlé de futaie; et dans ce cas, quel est l'âge des tailles; l'âge, l'état et le nombre des baliveaux ;
S'il est en futaie; et dans ce cas, s'il y a des vieilles réserves; l'âge et l'état de la futaie, l'âge, l'état et le nombre des vieilles réserves;
S'il y a des places vaines et vagues, et leur contenance;
Quelle est la nature du sol ;
S'il convient d'y semer ou d'y planter ;
3i le sol est ou n'est pas propre à des pépinières ;
L'âge qu'il peut nourrir les taillis, et l'époque à laquelle il convient de l'exploiter;
La qualité de bois la plus propre à y prospérer ;
Les besoins locaux; tant pour l'état que pour commerce et le public;
Si dans le pays de la situation de chaque forêt le bois est rare ou commun, et son prix ordinaire ;
Si le sol est propre à des massifs de futaie, ou s'il est plus avantageux de n'y laisser venir que des baliveaux sur taillis ;
Dans le premier cas, jusqu'à quel âge le sol pourra nourrir là futaie, et si on pourra y réserver des baliveaux ;
Dans le second cas, quelle est la qualité, la nature et le nombre d'arbres qu'il conviendra dé réserver par arpent, tant en baliveaux, parois, lisières, que pieds corniers ;
Jusqu'à quel âge ces arbres pourront prospérer ;
S'il convient de les distinguer par une peinture, ou par une marque, suivant l'ancien usage ;
Et enfin, quelles sont les différentes distances qui séparent les bois et forêts.
Art. 16. Il sera dressé un procès-verbal pour chaque bois ou forêt, contenant les renseignements sur tous les objets mentionnés en l'article précédent, et en outre des observations,-tant sur la police et aménagement qu'il est nécessaire d'établir pour la prospérité des forêts, que sur la fixation etle nombredes départements de surveillance à établir dans l'étendue de chaque bail à ferme. Le procès-verbal sera dressé par l'inspecteur de département, signé des personnes désignées par l'article précédent, et envoyé au commissaire du roi, du lieu même où il aura été dressé.
Art. 17. Les inspecteurs et sous-inspecteurs de département feront ensemble ou séparément les visites prescrites par l'ordonnance du mois d'août 1669. A la visite de chaque bois ou forêt, ils dresseront un procès-verbal particulier, qu'ils enverront au commissaire du roi, du lieu même où il aura été dressé.
Art. 18. Les inspecteurs et sous-inspecteurs de département se serviront provisoirement du marteau du roi, pour marquer tous les arbres qui devront l'être, d'après les lois subsistantes ; auquel effet, ce marteau sera remis par le directoire du département ou du district, à l'inspecteur ou sous-inspecteur qui le demandera, sur son chargement; et dans le procès-verbal de martelage qui sera dressé et signé par l'inspecteur, ousous-ins-pecteur, et ensuite visé par un des membres des directoires de département ou de district, il sera fait mention expresse du jour auquel le marteau aura été tiré du dépôt, et de celui auquel il sera rétabli: Ce procès-verbal sera aussi envoyé au commissaire du roi.
Art. 19. Il sera nommé des inspecteurs généraux en nombre suffisan t ; on leur fixera à chacun un département, dont ils changeront tous les ans, ou lorsque le roi le croira convenable pour le bien de l'administration; ils visiteront les forêts et les bois circonscrits dans ce département, afin d'examiner et de rapporter si leur état est conforme aux lois et règlements, et à ce qui aura été rapporté dans les procès-verbaux des inspecteurs et sous-inspecteurs. Ces inspecteurs généraux résideront à Paris.
Art. 20. Les inspecteurs généraux dresseront un procès-verbal particulier pour chaque forêt ou bois qu'ils auront visité. Ils le signeront et le feront viser par l'un des membres du directoire du district où la visite aura été faite.
Art. 21. Les arpenteurs de département feront, en présence de 1 inspecteur ou Sous-inspecteur, toutes les visites et arpentages prescrits par les lois subsistantes, dont il sera dressé procès-verbal, qui sera envoyé au commissaire du roi.
Art. 22. Les inspecteurs généraux, les inspecteurs, sous-inspecteurs et arpenteurs de dépar-partement formant l'administration surveillante, seront nommés par le roi.
Art. 23. Les directoires de département et de district, même les municipalités, sont autorisés à dénoncer au roi les contraventions aux lois et règlements forestiers, les abus, négligences et malversations, s'il en est commis, tant par les fermiers et leurs préposés, que par les inspecteurs généraux, inspecteurs, sous-inspecteurs et arpenteurs de département, à l'effet, par Sa Majesté, d'en poursuivre devant les juges ordinaires
la punition et la condamnation, en tels dommages et intérêts qu'il appartiendra.
Art. 24. Il sera établi à Paris un bureau composé :
D'un commissaire du roi;
De cinq chefs avec la commission d'inspecteurs généraux, afin qu'ils puissent suppléer les autres;
De dix commis aux écritures ;
De cinq garçons de bureau.
Séance du
La séance est ouverte à 9 heures 1/2 du matin.
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance de la veille au soir.
Ce procès-verbal est adopté.
fait donher lecture d'une lettre de M. l'abbé Fauchet, qui, en sa qualité de président du conseil général de la commune de Paris, se plaint de ce que, par un décret rendu la veille, l'Assemblée nationale a chargé le vice-président delà municipalité provisoire de recevoir le serment qui doit être prêté aujourd'hui par la nouvelle municipalité. Cette fonction honorable est naturellement dévolue au président du conseil général, et il pense qu'on ne doit pas lui faire éprouver la mortification de l'en priver.
(L'Assemblée décide qu'il ne sera statué sur cette pétition qu'après avoir entendu le rapporteur du Comité de Constitutions)
fait lecture d'une lettre de la municipalité d'Aix, qui rend compte de ce qui s'est passé lors de l'àpposition des scellés sur les archives du parlement de cette ville. Tout s'est passé dans le plus grand calme. La garde nationale a maintenu l'ordre partout. La municipalité présente la pétition de plusieurs citoyens, qui réclament l'expédition de différents arrêts déjà rendus, et celle des huissiers du ci-devant parlement, qui réclament la permission de les exécuter : elle attend les ordres de l'Assemblée nationale.
(Cette affaire est renvoyée au comité de Consti tution.)
présente à l'Assemblée l'hommage du directoire du département de la Chareflte-Inferieureet
déclare qu'il est expressément chargé de présenter une modification à l'article 7 du décret
du 2 septembre dernier qui exclut les membres des directoires des nouveaux tribunaux. Il
représente que ces citoyens n'avaient accepté d'emplois dans l'administration que pour
répondre à .la confiance de leurs compatriotes et sur la foi d'un décret antérieur qui
accordait aux magistrats la faculté d'être officiers municipaux et administrateurs, à
condition de faire leur option dans le cas où ils seraient appelés aux places du nouvel ordre
judiciaire. L'orateur ajoute que la ressource de cette option est durement enlevée
Je conclus, dit M, Lemercier en terminant, à ce que les membres de directoires qui sont pourvus d'offices de judicature, ne soient pas compris dans la disposition de l'article 7 du décret du 2 septembre et puissent être élus juges de district, sauf l'option, et à la charge, dans le cas où ils opteraient pour les places de juges, de ne rester dans les conseils de département que comme administrateurs.
Divers membres réclament l'ordre du jour sur la motion de M. Lemercier. (L'Assemblée passe à l'ordre du jourO
, au nom du comité de Constitution, propose un projet de décret concernant le département de la Seine-Inférieure, qui est adopté en ces termes :
L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de Constitution sur les demandes formées par le directoire du département de la Seine-Inférieure, décrète ce qui suit :
Art 1er.
Le tribunal du district de Rouen, établi eu la ville de Rouan sera composé de six juges conformément aux articles 2 et 3 du titre IV du décret du 1Ç août dernier, sur l'organisation judiciaire.
Art. 2,
Il y aura huit juges jdfj P^jx pour la ville de Rouen et ses faubourgs, 'ét pour les territoires «adjacents;
Sayoir :
Quatre pour l'intérieur de la ville ; Un poqr le faubourg de Cauchoise et les villages de ûéville, Maromme, Saint-Aignan et le Mont-aux-Malàdes;
Un pour ]es faubourgs de Bouvreuil etde Beau-voisine, et le village dé Bois-Guillaume;
Un pour les faubourgs de Saint-Hilaire, Martain-ville et Eauplet, y compris l'île de la Mouqùe;
Un pour ie faubourg Saint-Sever, y compris les villages ie Spttevillé, du grand et petit Quevilly;
Il y aura, en outre, un juge de paix à Darnétal, ayant dans son arrondissement le Mesnil-Esnard, Samt-Martin-du-Vivier et Bpn-SiçpurSj
Les assemblées primaires pour l'élection de ces juges de paix seront formées conformément aux divisions ci-dessus.
Art. 3.
11 y aura deux juges de paix dans la ville de Dieppe, et deux dans celle au Havre.
Art. 4,
Les villes de Rouen et de Dieppe continueront d'avoir un tribunal de commerce, et il en sera établi un dans la ville du Havre.
, rapporteur du comité ecclé-
siastique, demande qu'avant que les derniers décrets sur les religieux,les religieuses et les chanoi-nesses soient présentés à la sanction, l'Assemblée veuille bien entendre une explication qui paraît nécessaire.
En décrétant l'article 21 du titre II, qui règle l'ordre des successions aux religieuses sorties de leurs maisons, l'Assemblée a adopté un amendement tendant à substituer dans ledit article, à ces mots : les biens passeront à leurs parents les plus proches, ceux-ci, à leurs héritiers de droit; ce qui est bien différent : car, dans quelques coutume?, les héritiers les plus proches ne sont pas toujours les héritiers des meubles et acquêts. Cependant, dans le décret du 10 mars dernier, sanctionné et publié, la succession des religieux a été déférée à leurs parents les plus proches.
L'Assemblée avait considéré que, s'agissant de régler une succession sur laquelle les parents n'avaient pas dû compter, il était bien plus convenable de consulter l'ordre naturel que les dispositions, quelquefois bizarres, de certaines coutumes, l'intention de l'Assemblée n'étant certainement pas de déférer les successions des religieux et celles des religieuses par des principes différents.
Le rapporteur du comité ecclésiastique demande que les mots : leurs parents les, plus proches, soient rétablis dans l'article dont il s'agit, à la place des mots : leurs héritiers de droit.
(Ce changement est décrété.) i.
Vous avez renvoyé à votre comité des finances une pétition de la cuisse d'escompte et du commerce de Paris, pour l'émission de 3Q millions de ses billets. Voici le décret que votre comité vous propose:
« Art. 1er. Avant le 15 janvier prochain, les 170 millions dus
par la nation à la caisse d'escompte lui seront remboursés en assignats.
« Art. 2. Ledit remboursement étant effectué, toute surséance sera levée. La caisse d'escompte sera obligée de payer à bureau ouvert ses billets qui n'auront plus de cours forcé.
« Art. 3. La caisse d'escompte est autorisée à mettre en émission pour son propre compte une somme de trente millions en billets de caisse, valeur de 300 et de 200 livres,lesquels billets seront à la charge de ladite caisse, et porteront une marque qui les distinguera des billets précédemment ' émis. " ' ,„•..>-
« Art. 4. Les commissaires, chargés de suivre les opérations de ladite caisse, surveilleront ladite émission. »
Il faut séparer l'intérêt public de celui de la caisse d'escompte. C'est une banque ordinaire, dont",les opérations doivent être désormais indifférentes à l'administration des finances de l'Etat. Quelle permission vient-elle nous demander? Qu'elle fasse ce qu'elle voudra, mais n'entrons pour rien dans ses manoeuvres ; ne lui accordons point une faculté qui semblerait nous exposer à une sorte de garantie. Que. la caisse d'escompte cessé de s'étayer d'un prétendu vœu du commerce de Paris. Elle a envie de faire son commerce, mais non pas d'être utile au commerce; elle n'est bonne que pour les gens à argent. Dernièrement la librairie a été gênée ; elle s'est adressée à la caisse d'escompte et n'en a reçu aucun secours. Je pense qu'on peut seulement lever les défenses qui lui ont été faites d'émettre de nouveaux billets, sans l'autoriser à reprendre ses opérations, de crainte qu?un§
pareille approbation ne lie de nouveau l'Etat à cet établissement, et ne l'engage, en quelque sorte, vis-à-vis les porteurs.
Je suis marchand ; je demeure dans la rue Saint-Denis. J'ai été fort étonné d'entendre dernièrement M. le rapporteur dire qu'il avait entre ses mains une adresse appuyée par trois cents marchands de Paris, notamment du quartier de Saint-Denis, qui réclamaient le décret qui vous est soumis. J'ai pris des renseignements et j'ai appris que cette pétition avait été colportée dans la rue Saint-Denis, mais que la très grande majorité des marchands avaient refusé d'y donner leur signature. Ce ne sont pas les commerçants qui trouvent des avantages dans cette caisse, mais les banquiers et tous les messieurs qu'on appelle faiseurs d'affaires. L'unique avantage des commerçants c'est qu'il y ait de petits assignats, par cette raison qu'avec de petits assignats on peut faire de grosses sommes, et qu'avec de gros assignats on n'en peut pas faire de petites.
Je ne sais quel est le but de la proposition qui vous est faite, car, ou les billets à émettre par la caisse d'escompte,dans la circonstance présente, auront plus de confiance que les assignats, ou ils en auront moins. S'ils en ont plus, vous ôtez tout le crédit aux assignats ; s'ils en ont moins, les actionnaires seront ruinés.
Je vais vous présenter un projet de décret qui remplira peut-être mieux toutes les vues :
« L'Assemblée nationale lève les défenses qui avaient été faites à la caisse d'escompte de faire de nouvelles émissions de ses billets, sans néanmoins que les billets qu'elle émettra puissent être reçus autrement que de gré à gré, ainsi que tous autres billets de commerce, et sous la con-
dition qu'ils seront dans une forme différente de celle de ses billets qui sont actuellement en circulation.
« L'Assemblée nationale déclare qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur le surplus de la proposition faite par le rapporteur du comité des finances ».
(Ce projet de décret est adopté.)
Vous venez de renvoyer au comité de Constitution une lettre de M. l'abbé Fauchet, président de l'assemblée générale des représentants de la commune de Paris, qui demande que le serment de la nouvelle municipalité, soit prêté entre ses mains. Gomme il existe un décret à ce sujet, nous vous proposons de passer à l'ordre du jour.
(L'ordre du jour est adopté.)
, au no n du comité des finances, présente Vêtat de situation de la caisse de l'extraordinaire, relativement à l'émission des assignats aub octobre 1790.
L'Assemblée ordonne l'impression de cet état qui est le suivant :
Il résulte des procès-verbaux tenus par MM. les commissaires de l'Assemblée nationale à la caisse de l'extraordinaire :
1° Que depuis le 10 août jusques et compris le 5 octobre présent mois, il a été émis 479,671 assignats, savoir :
Assignats de 1,000 1. 88,096 prod. 88,096,000 1.
Idem de 300....... 142,439 idem42,731,700
Idem de 200....... 249,136 idem 49,827,200
Total.... 479,671 assig. prod. 181,654,9001.
2° Que dans la même époque, il est entré à ladite caisse de l'extraordinaire, en échange desdits assignats, 314,210 billets, tant en billets de caisse que promesses d'assignats, savoir :
Billets de caisse.
1,000 livres. 300 livres. 200 livres. TOTAL. PRODUIT. 180,65.4,900 livres. • ■ ■ [t i
43,430 43,683 5î},ll6 147,229 69,058,100 111,596,800
Promesses d'assignats.
1,000 300 200 466,981
93,722 32,610 40,649
Total....................... 314,210 livres.
3* Qu'il a été remis, dans la même époque, savoir :
A MM. les administrateurs de la caisse d'escompte, pour en faire la décharge sur leurs registres, 110,297 billets de caisse, qui sont du produit de......................... 50,033,400 1.
Et par suite qu'il reste à leur remettre successivement 36,932 billets de caisse, qui produisent.... 19,024,700
A M. Le Gouteulx du Moley, trésorier de l'extraordinaire, la totalité des promesses d'assignats, pour être déchargés dans les bureaux sur les registres de contrôle; ces promesses sont comme ci-des-
A reporter..... 69,058,100 1.
Billets de caisse.
1,000 livres. 300 livres. 200 livres. TOTAL. PRODUIT.
7,837 15,164 18,219 41,220 16,030,000
Promesses d'assignats. 43,413,300 livres.
1,000 300 200 1
15,887 24,261 31,090 71,238 29,383,300
Total ... 112,458 livres.
Report................69,058,100 1.
sus, au nombre de 166,981, qui
produisent..........................................111,596,800
Total............ 180,654,900
4° Qu'il a été rapporté et représenté par M. Le Gouteulx du Moley et les administrateurs de la caisse d'escompte, 112,458 billets de caisse et promesses d'assignats, faisant 45,413,300 livres qui, en exécution des décrets de l'Assemblée nationale, ont étébrùlés publiquement les6 et 13 novembre dernier, et 4 octobre présent mois,dont il a été dressé procès-verbal, signé par les commissaires de l'Assemblée, par les administrateurs de la caisse d'escompte, et par le caissier de l'extraordinaire, et desquels suit le détail :
, rapporteur du comité des finances, propose un projet de décret pour remédier à la rareté du numéraire, qui est décrété et prononcé en ces termes :
« L'Assemblée nationale décrète que le comité des monnaies se concertera très incessamment avec le comité des finances sur les différents moyens capables de remédier à la rareté du numéraire, et notamment sur ceux-ci : « 1° Sur la fabrication d'une petite monnaie ; « 2° Sur la facilité à accorder à ceux qui porteront aux hôtels des monnaies des matières d'or et d'argent, de recevoir immédiatement des espèces monnayées, sans autre réduction que les frais de la fabrication ;
« 3° Sur le projet de donner cours dans le royaume aux espèces monnayées étrangères, d'après un tarif fixé sur le valeur réelle. »
présente ensuite un second décret pour clore les emprunts. Il est adopté en ces termes :
« L'Assemblée nationale décrète que l'emprunt national de 80 millions, ouvert en vertu du décret du 27 août 1789, sera fermé à compter du jour de la proclamation du présent décret, et qu'à la même époque seront également fermés les emprunts ouverts en différents temps, au nom des ci-devant Etats de Languedoc, Provence, Bourgogne, Bretagne, Artois et Flandre maritime, ainsi que celui ouvert à Gènes, en 1784, pour le duc des Deux-Ponts. »
, au nom des comités des finances et d'aliénation, présente un projet de décret ayant pour objet d'unifier tous les assignats.
Messieurs, l'Assemblée nationale a décrété que la dette non constituée de l'Etat, y compris celle du ci-devant clergé, serait remboursée en assignats, et elle a renvoyé à ses comités des finances et d'aliénation les détails de ce plan. Le premier objet qui nous a occupés c'est l'intérêt attaché aux 400 millions déjà émis ; c'est une dé-
pense d'un million qui embarrasserait la marche des autres ; c'est une bigarrure qui ne peut plus exister.Voici, en conséquence, le décret que votre comité vous propose :
» L'Assemblée nationale décrète ce qui suit :
» Art; Ier. L'intérêt des 400 millions d'assignats-monnaie
créés par le décret des 16 et 17 avril dernier, cessera le 16 du présent mois, et n'accroîtra
plus le capital, à compter de cette époque.
» Art. 2. Les trois coupons d'intérêt attachés à chaque assignat, pourront en être séparés ; et sur la remise qui en sera faite, les six mois d'intérêt, échus au 15 octobre, seront payés à bureau ouvert, à partir du 1er janvier 1791, dans les caisses qui seront désignées par l'Assemblée nationale, tant à Paris que dans les départements. Ils seront reçus pour comptant, à partir du 16 de ce mois, dans toutes les caisses d'impositions et de perceptions ;
Savoir :
» Les trois coupons réunis des assignats de 1,000 livres, pour 15 livres -
» Ceux des assignats de 300 livres, pour 4 liv. 10 sols;
•> Et ceux des assignats de 200 livres; pour 3 livres.
» Art. 3. La valeur des billets de la caisse d'escompte, et les promesses d'assignats qui ne sont pas garnies de coupous d'intérêt; sera fixée au 16 de ce mois ;
Savoir :
« Les billets de 1000 livres, à 1015 livres.
« Les billets de 300 livres, à 304 liv. 10 s.
« Les billets de 200 livres, à 203 livres.
«Art. 4. Cette valeur fixe demeurera auxdits billets jusqu'à leur échange fait contre des assignats; et, a cette époque, les assignats donnés en échange, et séparés de leurs coupons d'intérêt, ne vaudront plus que 1000 livres, 300 livres, ou 200 livres, nonobstant la mention de l'intérêt faite dans le libelle de l'assignat. Les coupons d'intérêt séparés desdits assignats seront payés conformément à l'article 2. »
Je crois avec votre comité que l'intérêt des assignats doit cesser ; mais ce doit être de manière que personne n'en souffre. Je propose, en conséquence, d'en reculer l'époque, afin que les départements en soient instruits.
Je demande la question préalable sur le décret proposé. Il me semble contraire au respect que vous devez à vos propres décrets. L'intérêt fait partie des assignats, et il ne peut en être soustrait.
Je ne suis pas de l'avis de la question préalable, car le décret me paraît fort juste; mais il faut qu'il soit amendé. Il faut prendre garde à l'impression qu'il pourrait faire dans les départements. Il est possible qu'il donne de la méfiance à nos commettants. Ils ne sauront pas les motifs qui nous auront déterminés à révoquer nos décrets des 16 et 17 avril. Je propose donc d'abord d'expliquer ce motif dans le préambule du décret qui nous est présenté. Je propose, en outre, de fixer au 16 décembre l'époque à laquelle les 400 millions, d'assignats cesseront de porter intérêt, et de dire qu'alors paraîtront les nouveaux assignats, afin de donner a cette opération l'ensemble que l'intérêt des finances et celui du commerce exigent.
(L'Assemblée décide qu'il sera fait un préam-3 ! bule au décret. Le second amendement, proposé par M. Malouet, est écarté par la question préalable.^'
(Le décret proposé par M. de Montesquieu est adopté.)
, rapporteur, présente ensuite un autre décret sur la fabrication et l'émission des assignats.
Messieurs, lè papier le plus solide et le plus transparent est le meilleur à employer pour les assignats; celui dont on s'est servi jusqu'alors n'a aucun de ces avantages. Le ministre des finances avait cru trouver le mieux, et il s'était trompé. Sans avoir égard à toutes les propositions spécieuses, je crois qu'il faut donner la préférence à un papier trouvé sous vos yeux, et qu'on n'a encore jamais essayé d'imiter; c'est celui employé pour les billets portant promesses d'assignats. Si l'Assemblée ne donne point des ordres contraires, nous en conclurons le marché avec M. Reveillon, si connu par ses malheurs et son patriotisme. Voici le décret que votre comité vous propose :
« L'Assemblée nationale décrète: 1° Que les nouveaux assignats créés par le décret du 29 septembre seront de 2,000 livres, 500 livres, 200 livres, 100 livres, 80 livres, 70 livres, 60 livres^ 50 livres et non au-dessous.
« 2° Cette division sera faite de la manière suivante : 200,000 de 2,000 livres; 400,000 de500 livres; 400,000 de 200 livres; 400,000 de 100 livres; 400,000 de 80 livres; 400,000 de 70 livres; 400,000 de 60 livres ; 400,000 de 50 livres, formant en tout trois millions quarante mille billets et une valeur de 800 millions de livres.
« 3° Les assignats de 2,000 livres seront sur papier blanc, en caractères rouges, de la même forme que ceux qui sont en circulation, mais sans coupons et sans intérêts.
« 4° Les assignats de 500 livres seront également sur papier blanc, en caractères noirs, et de la même forme que ceux de 2,000 livres.
« 5° Les assignats depuis 100 livres jusqu'à 50 livres seront également sur papier blanc, en caractères noirs ; ils seront de plus petite forme, ne porteront point l'effige du roi, et présenteront seulement l'empreinte nationale, avec ces mots : la loi et le.roi.
« 6° Ces assignats seront en outre frappés d'un timbre sec aux armes de France.
« 7° Chaque série sera composée de 40,000 numéros, de manière que les assignats de 200 livres feront cinq séries, ceux de 500 livres onze séries, et les autres dix séries.
« 8° Les formes et matières qui auront été employées pour la fabrication du nouveau papier desdits assignats, et tous les ustensiles qui auront servi à l'impression, à la gravure et au timbre; seront, immédiatement après l'exécution respective de ces différentes parties de la fabrication, déposés aux archives de l'Assemblée nationale, et ne pourront en être déplacés qu'eu vertu d'un décret spécial. »
Il ne suffit pas d'avoir arrêté la création de 800 millions d'assignats-monnaie pour subvenir au payement de la dette exigible: nous devons encore veiller à ce que cette fabrication soit exécutée de manière que la contrefaçon en devienne impossible, ou tellement difficile, qu'elle rebute tout contrefacteur. Nous devons aussi faire en sorte que cette monnaie
soit commode et solide, Nous devons enfin nous efforcer que sa fabrication s'exécute avec le plus d'économie possible. Ces deux premiers objets tenant au mode d'assignats se confondent. J'en parlerai conjointement.
Il faut considérer dans les assignats-monnaie le papier et l'impression. — On ne saurait donner trop d'attention au choix du papier qui doit servir à leur fabrication. Tout artiste éclairé et de bonne foi vous dira qu'un dessein de gravure quelconque s'imite, ou très parfaitement, ou tout au moins de manière à tromper une attention superficielle, et les personnes qui n'ont pas assez de connaissance de l'art pour saisir les incorrections de la copie. Il n'en est pas de même du papier : cette matière est très difficile à imiter, et l'on distingue les papiers de toutes les manufactures. C'est donc à la fabrication du papier des assignats-monnaie qu'il faut singulièrement s'attacher, pour lui donner le degré de perfection dont il est susceptible, soit dans sa matière, goit dans sa vergeure. Le papier vélin que l'on a adopté pour les assignats existants n'est point du tout propre à cette opération; il semble plus solide que l'autre, mais il s'use très facilement. Les assignats-monnaie ne paraissent que depuis deux mois, et déjà l'on se plaint de ce genre de papier, tandis que d'anciens billets de caisse existent encore intacts.
En vain dirait-on que le papier fin est trop susceptible d'être entraîné, ou par le feu au par le courant de l'air: je réponds qu'il n'y a pas de nécessité à se mettre auprès d'une cheminée pour recevoir, donner ou compter des assignats. On doit au propriétaire de l'assignat de je sauver autant que possible de l'astuce du contrefacteur, mais non de sa propre négligence. L'expérience a prouvé que le papier de soie, très fin et très transparent, manipulé en un mot avec tout le soin qu'indique l'art, est aussi fort et moins susceptible de se trouer et de se déchirer que la plupart des autres papiers: par cela seul il serait plus convenable pour les assignats. Il faut en outre que la vergeure en soit parfaitement dessinée, et qu'elle présente de grandes difficultés à l'imitation. L'intelligence de certains papetiers est plus que suffisante pour vous rassurer à cet égard,et je partage l'opinion du comité sur M. Re-veillon.
On a cru que l'on empêcherait la contrefaçon en colorant le papier : c'est une de ces erreurs nombreuses dans lesquelles sont tombés les premiers aperçus des demi-connaisseurs. Le papier le plus blanc, ou au moins le plus transparent, est celui dont on apercevra le plus tôt la contrefaçon. Croyez que je ne vous donne ici que le résultat des observations les moins contestées des gens de l'art.
La gravure de vos assignats peut annoncer le talent de l'artiste; mais elle vous garantira mal l'impossibilité de l'imiter. Je vais plus loin : plus vous surchargerez vos assignats de décoration et de bariolage, moins il sera facile de s'apercevoir de la fraude. Il faut qu'elle puisse frapper l'œil le moins expert; il faut qu'à la première inspection du papier et de l'impression, la contrefaçon saisisse les yeux les moins exercés. Or, comment m'apercevrai-je que sur deux mille traits il en manque un? Que votre assignat soit donc très simple; mais exécutez-le dans le dernier degré de perfection, afin que sa beauté soit en quelque sorte de niveau avec les connaissances de tout le monde, puisque c'est à tout le monde que l'assignat est destiné : et cependant
que la correction des planches rebute l'ouvrier peu intelligent : ce n'est jamais l'homme d'un grand talent qui essaye d'être un fripon heureux. Voilà pour la fabrication des assignats ; voici pour l'économie qui doit y présider.
C'est une chose bien étrange, mais bien remarquable, qu'à mesure que vous expulsez un vice de l'ancien régime, on le voie se représenter par quelque issue nouvelle. Nous n'avons cessé de nous plaindre du gaspillage des finances, et on les gaspille encore; j'en pourrais donner mille preuves; mais je ne parlerai que de vos derniers assignats. Je commencerai sur cet objet par le détail le moins important, et cependant vous serez fort étonnés sans doute qu'un ouvrier, qui n'a peut-être jamais gagné un louis par jour, gagne aujourd'hui 285 livres, oui 285 livres par jour, et qu'il poitau momentde gagner 570 livres dans sa journée, et dans une année à peu près un million. Le calcul le plus simple va vous en donner la preuve. On donne à M. Haz, imprimeur en taille-douce, 6 livres par cent de feuilles d'assignats. M. Haz fait exécuter l'ouvrage par des ouvriers auxquels il donne 3 livres du cent. M. Haz emploie 30 ouvriers; chaque ouvrier rend de 200 à 300 assignats par jour. Conséquemment les 30 ouvriers font au moins 8,250 assignats dans un jour (ils doivent même en fournir 10,000, puisqu'on en met 10,000 par jour dans le commerce) : les 8,250 assignats, a 3 livres de profit pour M. Haz, lui valent 285 livres : ainsi M. Haz gagne par jour 285 livres.
Si M. Hae est chargé de l'impression des nouveaux assignats, il sera forcé de doubler ses ouvriers, ce qui doublera son profit ; ainsi il gagnera 570 livres par jour. Or, voici la fortune que fera M. Haz : sur les 1,200 millions d'assignats, combinés de manière qu'il y en ait 600 millions en billets de 10, 20, 30 et 100 livres, divisés également, et 600 millions de 200, 300 et 1,000 livres, divisés aussi également, ils exigeront 18,866,667 billets, qui^ à raison de 6 livres le cent, coûteront 1,132,000 livres, et procureront à M. Haz, tous ouvriers payés, une somme de 566,000 livres. Le gain de M. Haz n'est pas le plus considérable, puisqu'on ne pourrait économiser sur cette partie que 566 livres. Les frais vraiment énormes sont ceux de gravure, qui se portent, pour chaque assignat, à 6 sous au moins. On donne à M. Saint-Aubin 50 louis pour une planche d'as-I signats; elle en contient deux. On ne peut tirer au plus que 2,000 exemplaires de chaque planche, dont 4,000 assignats, Or, 4,000 assignats à 6 sous font bien les 1,200 livres qu'on donne à M. Saint-Aubin. Et c'est ici le cas de demander encore une fois à quoi sert le luxe de ces billets. J'en atteste tous les artistes; rien n'est si facile à imiter que vos assignats existants. Ces assignats sont d'autant plus faciles à contrefaire, et il sera d'autant plus difficile de prouver la contrefaçon, que ne pouvant tirer d'une planche que 2,000 assignats semblables, il y aura autant d'assignats dissemblables que de renouvellements de planches, car il est impossible que deux planches gravées soient rigoureusement parfaitement semblables. Ce luxe de nos assignats ne profite donc qu'à M. Saint-Aubin, dont il fait la fortune, mais aussi dont il engourdit et enfouit les talents; ce qui est très préjudiciable aux arts,
Je suis forcé d'observer que cela n'est pas vrai ; il n'en coûtera pas 100,000
francs pour la fabrication des 1,200,000 assignats (1).
J'ai puisé ces détails dans les ateliers de MM. Haz et Saint-Aubin. Je suis autorisé à vous proposer un autre mode d'assignats, dont voici les avantages :
1° On assure que vos assignats vous coûtent 10 sous pièce; ceux que j'indique ne coûteront que 3 sous, c'est-à-dire moitié moins des seuls frais de gravures : ainsi il y aura au moins 7 sous d'économie. Sur la valeur de 18 millions, il vous en coûtera 6,603,334 livres de moins, car 18,866,667 billets à 10 sous coûteraient 9,433,333 livres : tandis qu'à 3 sous ils ne coûteraient que 2,829,999 livres; donc, il y aurait un bénéfice clair de 6,603,334 livres, qui serviront plus utilement à la liquidation de la dette de l'Etat qu'à l'embellissement des assignats.
2° Vos assignats seront sur un papier dont il sera plus facile de reconnaître la falsification, et l'iippression n'en sera pas moins soignee; mais il y entrera moins de cet art qui ne peut séduire que les esprits superficiels, et elle aUra ce degré de perfection qu'il sera facile à tout le monde de saisir, et qui est le plus difficile à imiter.
3° Tou3 les dessins et caractères seront rigoureusement de la plus parfaite égalité et ressemblance, eussiez-vous 100 milliards de billets; perfection à laquelle ne peuvent atteindre vos assignats actuels, qui varient de précision, non seulement à chaque planche, mais deux fois sur Ja même planche.
4° La nouvelle méthode d'impression des assignat rendra l'émission à volonté, vingt, trente et cent fois plus active, c'est-à-dire qu'au lieu de 8 à 9,000 assignats que l'on fabrique eu un jour, on en fabriquera 200,000 s'il le faut; et comme les petits assignats deviennent très importants en ce moment, afin d'écarter la vente d'argent, on peut fabriquer en un mois ce qu'il faut pour Paris, et en six semaines ce qu'il en faut pour la France.
Votre fabrication d'assignats-monnaie, puisqu'ils sont monnaie, devrait sans doute être classée sous la direction du régime des monnaies; j'en conçois la difficulté. Le plus encombré des régimes n'est pas encore déblayé; c'est une tâche dont j'essayerai de partager le fardeau. J'espère avant peu mettre à la portée des bons esprits, et soustraire au charlatanisme des gens du métier, cette science qu'on a tant cherché à obscurcir. J'espère montrer combien elle est intéressante, peu connue, ou même absolument ignorée, et de ceux qui régissent cette administration, et de ce tribunal que vous avez supprimé avec beaucoup de sagesse ; mais en attendant je présenterai quelques observations sur les mesures provisoires à faire marcher de front avec l'émission des assignats.
Nous ne devons pas oublier que le bien que nous attendons exige une émission d'upe autre
natqre, celle de la petite monnaie, dont la disette se fait sentir plus que jamais. Nous
avons besoin de pièces de 24, 12 et 6 sous ; mais d'un côté con-tinuerons-nous à les
fabriquer d'un argent aussi pur, et de l'autre ne serait-il pas plus avantageux de les avoir
de 20, 10 et 5 sous? Quant au titre, sans doute il faut qu'une pièce ait la quantité
Nous sommes obligés de faire venir l'argent de l'étranger; il est de notre intérêt de veiller à ce qu'une perte indiscrète ne nous force pas à en faire un achat plus considérable, et ne diminue pas la matière qui reste pour les ateliers d'industrie. Je dis ensuite qu'il est plus commode pour le commerce (et tout le monde en convient) que notre monnaie présente le nombre déCennaire : ainsi des pièces d'or de 50, de 20, de 10 livres; de la petite monnaie de 20, 10, 5 et 2 sous sont les monnaies qu'il nous faut adopter,
Or, comme il est important que Ja petite monnaie concoure avec les assignats, je conclus; 1° à ce que l'on fabrique sans délai une quantité considérable de monnaie de cuivre, et que l'on supprime ensuite toute la monnaie de billoq, et que l'on remplacera, sans perte pour le public, par la nouvelle monnaie de cuivre, avec la précaution de déclarer, pour réprimer les faux mon-nayeurs, soit étrangers, soit régnicoles, qu'attendu l'ancienneté de la dernière fabrication au billon, toute pièce nouvelle, par cela seul évidemment fausse, sera soustraite et non échangée;
2° A ce qu'on fabrique de la petite monnaie de 20,10, 5 et 2 sous, au titre de 6 deniers, avec un remède de deux grains au plus ; que pour cette fabrication on emploie toutes les pièces d'argent dont l'empreinte est effacée ; et lorsque la totalité de cette fabrication sera finie, que l'ancienne petite monnaie, remplacée sans perte pour le public, soit décriée par une proclamation ;
3° Que huit bureaux soient ouverts à Paris, pour l'échange des assignats ; on n'y échangera en espèces que les billets de la dernière somme décrétée pour les plus petits assignats ? que les changeurs donnent caution pour les sommes qui leur seront confiées, Avec cet arrangement si simple,vous verrez que, dans moins de trois mois, ces bureaux deviendront inutiles, car l'argent reprendra sa circulation.il résultera, je l'espère, de mon plan, et j'en fais mon compliment de condoléance à ceux qui poursuivent avec tant d'acharnement les assignats ; il en résultera, dis-je, que l'échange en sera très facile, et j'annonce une bonne nouvelle à tous les bons citoyens.
Le comité est persuadé que la fabrication est mauvaise, mais il n'en est pas de même pour la gravure ; la perfection du travail est une difficulté de plus à vaincre. Je répète ici que les 1,200,000 assignats qui ont été fabriqués et gravés à la (in du mois n'occasionnent pas une dépense de 400,000 livres. D'après cela, il paraît difficile d'y rapporter les calculs qui ont été laits.
Gomme membre du comité des monnaies, j'annonce que nous espérons tirer un grand partidu métal des cloches, et nous sommes à la veille de faire un rapport à ce sujet. Nous invitons M. de Mirabeau à se rendre au Comité, avec d'autant plus de raison, que la plupart des vues
qu'il vient de présenter nous ont déjà été indiquées. Le comité est persuadé qu'on trouvera facilement le moyen de mettre les assignats au pair.
Il me semble que la division d'assignats que l'on vous propose ne descend pas assez jusqu'aux besoins ordinaires. On dit qu'ils feraient disparaître le numéraire : ce qui rend le numéraire rare c'est qu'ils sont à une somme trop forte; et que le mauvais débiteur s'en prévaut. Voilà un assignat, dit-il à son créancier, rendez-moi. On remédierait à cet abus en créant des assignats de 25 livres.
Au lieu d'adopter la division proposée par le comité; je voudrais qu'on y substituât l'opinion de M. Poignot, présentéedans une des dernières séances. Elle consiste à émettre des assignats de 200 livres, de 150 livres; de 125 livres, de 100 livres et au-dessous.
(député de Saint-Jean-d' Angély). J'appuie la proposition de M. Roederer, avec cet amendement* que l'on suivra tes fractions par dizaine dépuis 100 jusqu'à 200 livres.
J'ai moi-même amendé mon projet ; j'ai considéré qu'il^y avait à i'hôtel-de-ville beaucoup de petits intérêts à payer; que pour cela il faudrait ou acheter des piastres fort Cher, ou acheter de l'argent sur la place, ce qui le renchérirait encore. En conséquence, j'adopte 'avis de Votre comité.
La discussion est fermée. — Les articles 1, 2, 3, 4, 5, 6 et 7 sont adoptés Bans discussion.
propose, par amendement à l'article 8, qu'il soit ajouté après ces mots : « déposés aux archives, » ceux-ci : « dans un Coffre fermant à trois clefs. »
Une discussion s'élève sur la question de savoir entre les mains de qui ces clefs seront déposées.
Cette partie ést ajournée, et l'amendement de M. de Folleville adopté, ainsi que l'article 8.
prononce le décret en ces termes :
« L'Assemblée nationale décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« Les nouveaux assignats créés par le décret du 29 septembre dernier, seront de 2,000 livres, 500 livres, 100 livres, 90 livres, 80 livres, 70 livres, 60 livres, 50 livres, et non au-dessous.
V Art. 2.
« Leur division sera faite ainsi qu'il suit:
Savoir :
200,000 de 2,000 livres.
440,000 de 500
400,000 de 100
400,000 de 90
400,000 de 80
400,000 de 70
400,000 de 60 .
400,000 de 50
Formant ensemble trois millions quarante
mille billets, lesquels représentent huit cents millions.
Art. 3.
« Les assignats de 2,000 livres seront imprimés sur papier blanc, en caractères rouges ; ils seront de la même grandeur et de la même forme que les assignats déjà en circulation, mais sans coupons et sans intérêts.
Art. 4:
« Les assignats de 500 livres seront sur papier blanc,.en caractères hoirs, de la même grandeur et dans la même forme que ceux de 2,000 livres.
Art. 5;
» Les assignats depuis 100 livres jusqu'à 50 livres seront également sur papier blanc, en caractères noirs ; ils seront distingués des précédents, en ce que leur forme sera plus petite, et qu'ils ne porteront point l'effigie du roi; ils présenteront seulement l'empreinte nationale aux armes de France, avec ces mots, la loi et le roi.
Art. 6.
« Tous les assignats seront, en outre, frappés comme les anciens, d'un timbre sec aux armes de France.
Art. 7.
« Chaque série sera composée de 40,000 numéros, de manière que les assignats de 2,000 livres formeront 5 séries ; ceux de 500 livres, 11 séries; et tous les autres, 10séries.
Art. 8.
« Les formes et matières qui auront été employées pour la fabrication du nouveau papier desdits assignats, tous les ustensiles et matrices qui auront servi à l'impression, à la gravure et au timbre, seront, immédiatement après l'exécution respective de ces différentes parties de la fabrication, enfermées dans une caisse à trois clefs, déposées aux Archives nationales, et ne pourront en être déplacées que par un décret spécial. »
Un de MM. les secrétaires fait lecture d'une note du garde des sceaux, contenant la sanction des décrets suivants :
« Le roi a donné sa sanction, le 5 de ce mois
: 1° Au décret de l'Assemblée nationale; du 18 septembre dernier, relatif à des faits concernant la Chartreuse de Mont-Dieu.
« 2° Au décret du 21, relatif aux opérations prescrites par l'article 10 de là troisième section du décret du 22 décembre dernier, pour la liquidation dans les provinces où il y avait une administration commune, et qui sont divisées entre plusieurs départements, des dettes contractées sous le régime précédent.
« 3° Au décret du 22, portant que, provisoirement et pour cette année seulement, les appoin-
tements et soldes des officiers et cavaliers de maréchaussée De seront assujettis à aucune imposition.
« 4° Au décret du 23, relatif aux émeutes arrivées à Soissons les 30 juillet et 1er août derniers, contre la libre circulation des grains.
« 5° Au décret du même jour, rendu à l'occasion d'une protestation que la municipalité de Gorbigny s'est permise de faire contre un décret de l'Assemblée nationale, et portant que toutes municipalités, districts et départements qui se permettraient de suspendre directement ou indirectement l'exécution des décrets de l'Assemblée nationale, sanctionnés par le roi, seront personnellement responsables de tous événements.
« 6° Au décret du 26, portant que la caisse d'escompte remettra au Trésor public la somme de 10 millions.
« 7° Au décret du 26, relatif à des faits dénoncés par le procureur de la commune de Noort-Péenne.
« 8° Au décret du 30, portant que la cour supérieure provisoire, établie à Rennes, continuera ses fonctions jusqu'au 15 du présent mois.
« 9° Au décret du même jour, portant que la municipalité de Paris remettra au supérieur du collège de Sainte-Barbe, sur les revenus dont jouissait ci-devant M. l'archevêque de Paris, la somme de 4,000 livres pour là pension des boursiers.
« 10° Au décret du premier de ce mois, concernant les pensions, traitements, émoluments et la solde des officiers, sous-officiers et soldats suisses.
« 11° Au décret du même jour, relatif aux difficultés qui suspendent l'exécution, dans plusieurs départements, du décret du 28 septembre dernier, concernant les comptes à rendre par les anciens administrateurs, et la remise des pièces et papiers qui regardent l'admiuistration de chaque département.
« 12° Et enfin Sa Majesté a donné ses ordres pour l'exécution du décret du 30 septembre, portant que le ci-devant receveur général du clergé remettra au sieur Bourquet une somme de 3,000 livres, par forme de provision, pour l'pu-vrage par lui composé sur les matières ecclésiastiques et bénéficiâtes. »
Signé : champion de clcé, Arch. de Bordeaux.
Paris, le
Je demande à ajouter un mot à la discussion précédente sur les assignats, quoique votre décret ait été prononcé.
M. de Lablache vient de voir le marché fait par le commissaire du roi avec M. Saint-Aubin. Le prix de ce marché est de 96,000 livres. M. Saint-Aubin est tenu de tous les frais de gravure et d'impression pour les 1,200,000 assignats. Il a traité avec M. Haz pour l'impression en taille-douce, moyennant 50,000 livres. Il reste à M. Saint-Aubin 46,000 livrés. Il faut retrancher de cette somme 6,000 livres pour les faux frais. On a fait 309 planches; ainsi chaque planche coûte 130livres, comme l'a dit M. Mirabeau. Chaque assignat, gravure et impression comprises, revient à 18 ou 20 deniers.
, secrétaire, donne lecture d'une lettre adressée à M. lë Président, par M. d'Albert de Rioms, commandant de l'escadre de Brest.
Voici la substance de cette lettre :
« Quand vous rendîtes le décret honorablequi me concernait, je pris l'engagement formel de consacrer le reste ae ma vie au service de ma patrie. Sur les ordres du ministre, oubliant mon âge et l'état de ma santé, je m'arrachai du sein de ma famille; je me rendis à Brest, Le roi me confia le commandement des forces navales. J'appris qu'on suspectait mes principes; je désirai des marques de la confiance de l'Assemblée nationale, et il me fut permis d'assister à la fédération; mais l'altération de ce décret, et les déclamations inutiles auxquelles elle donna lieu en diminuèrent l'effet.... L'Assemblée nationale connaît l'impossibilité de rétablir l'ordre dans l'escadre; je suis convaincu de l'impossibilité de rétablir cet ordre par moi, je me dois de demander au roi que Sa Majesté ait la bonté de me retirer l'autorité qu'elle m'avait confiée. Celui qui me remplacera n'aura pas plus de zèle, et sera peut-être plus heureux.... »
Je pense qu'il faut renvoyer cette lettre au comité de marine. Il ne peut paraître indifférent aux Français de perdre les services d'un officier, qui jouissait dans la flotte d'un très haut degré d'estime : l'Assemblée nationale lui a donné des marques de la sienne. La lecture de cette lettre n'étant suivie d'aucune espèce de mesure, on pourrait en conclure que vous voyez avec indifférence une perle dont les ennemis de la France, s'il en existe, se réjouiraient beaucoup. Je pense donc qu'il faut renvoyer cette lettre au comité de marine, pour vous proposer un parti à prendre dans cette circonstance.
consulte l'Assemblée.
La lettre de M. d'Albert de Rioms est renvoyée au comité de la marine qui en rendra compte incessamment et proposera des mesures en rapport aux circonstances.
annonce que l'ordre du jour est la suite de la discussion sur le remplacement de la gabelle.
{de Nemours), rapporteur, rend compte des conférences qu'il a eues depuis lundi avec plusieurs membres de l'Assemblée nationale sur te second alinéa de l'article premier, alinéa ajourné dans cette même séance du lundi et propose une nouvelle rédaction avec des changements.
Plusieurs mmômsontsuccessivem.ententendus pour et contre.
L'Assemblée ferme la discussion et adopte les articles 1 et 2 ainsi qu'il suit :
Art. ler:
« La proportion de la consommation entre les lieux soumis au même prix du sel et à la même nature de droits, sera évaluée eu masse à raison de la population, sauf les indemnités qui pour-raient être justement réclamées, suivant l'article 5, ci-après, et sans que les réclamations qui seront faites, puissent retarder l'exécution des rôles de répartition.
Art. 2.
« D'après celte première répartition, la population des villes indiquant en chaque département la somme de la contribution à laquelle elles de-
vront être Soumises, celte somme sera distraite de îa contribution générale, pour être imposée en chaque ville, ainsi qu'il sera décrété par l'Assemblée nationale sur le vu de l'avis du directoire de département, qui sera tenu dè demander l'opinion du directoiredudistrict, etpar celui-ci le vœu de la municipalité, conformément au décret dii 22 mars. Le surplus sera imposé dans les campagnes, au marc la livre des impositions ordinaires, et des rôles des vingtièmes dans les lieux où ils sont achevés, ou du premier cahier de Vingtièmes dans les autres. »
lève la séance à trois heures.
Séance du
La séance est ouverte àt six heures d 1i soir.
fait donner lecture des adresses ci-après :
Adresses des administrateurs du district du Vi-gan, département du Gard, et du district de Re-vel, département de la Garonne, qui commencent leurs fonctions par présenter à l'Assemblée nationale l'hommage d'une adhésion absolue à ses décrets, et d'un dévouement sahs bornes pour en assurer l'exécution.
Adresse du consistoire dé la confession d'Aus-bourg de la ville de Wissembourg et ses dépendances, qui exprime à l'Assemblée nationale sa vive reconnaissance au sujet du décret qu'elle a rendu en faveur des protestants d'Alsace, par lequel elle les a réintégrés dans tous leurs droits, libertés et avantages.
Adresses des officiers municipaux de la ville d'Hesdin et des administrateurs au directoire du département du Pas-de-Calais, qui se justifient des imputations qui ieurontété faites au sujet de l'affaire du régiment de Royal-Champagne, en garnison dans Cette ville.
Adresse de félicitatioti et d'adhésion des administrateurs du district de Grest au département de la Drôme.
, évêque de Lydda, présente une pétition de la ville libre et impériale de Nuremberg sur des livraisons de fourrages faites au ministre de France en 1759, 1760, 1761 et 1762 : il exhibe les pouvoirs de l'agent de cette ville et fait la motion expresse du renvoi au comité diploma-lique, comme demande de souverain à souverain.
Cette affaire concerne le pouvoir exécutif et je propose l'ordre du jour.
L'ordre du jour serait une façon commode de payer ses dettes. Autant il est important que
l'Assemblée repousse les demandes indiscrètes et les arrangements ministériels, autant il est
de l'honneur national
(de Nemours). La question sè présente sous deux aspects et |doit être renvoyée aux deux comités diplomatique et dë liquidation.
(Ce double renvoi est prononcé.)
, député de la Haute-Saône, demande un congé de quinze jours pour affaires pressantes.
, député de la Meuse, demande aussi, par le même motif, un congé de même durée.
, député de Lille, sollicite la permission de s'absenter pendant quinze jours.
député de la Gôte-d'Or, demande à se rendre dans son département pour affaires urgentés.
Ces congés sont accordés.
, membre du comité ecclésiastique, fait le rapport d'un arrêt rendu le 23 septembre par la chambre des vacations du parlement de Toulouse et dit :
Le décret du 2 novembre 1789 semble avoir fait naître dans le cœur du sieur de Saint-Sary, quelque regret de la générosité de ses aïeux, fondateurs d'une chapelle dans l'église de Monta-gnac. Il a demandé au parlement de Toulouse la cassation de l'acle de fondation du 25 janvier 1747. Le sieur ûescuns, titulaire, craignant de succomber devant un tribunal disposé à contrarier les décrets de l'Assemblée, sur tout ce qui concerne les biens du clergé, a fait de vains efforts pour échapper au jugement de la chambre des vacations qui a déclaré la fondation nulle et condamné le titulaire au délaissement des biens, restitution des fruits et dépens.
Le comité tvous propose, en conséquence, le projet de décret qui suit :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport qui lui a été fait au nom de son comité ecclésiastique, de l'arrêt rendu le 23 septembre par la chambré des vacations du parlement de Toulouse, contre le sieur Jean-François Descuns, qui, au mépris du décret de l'Assemblée nationale, du 27 mai, sanctionné par le roi le 28, et transcrit sur les registres du parlement de Toulouse le23 juin, annulle une ancienne fondation;
« Charge son président de se retirer par devers le roi, pour le prier d'ordonner qu'il sera sursis à l'exécution de l'arrêt rendu le 23 septembre, jusqu'à ce que ledit arrêt ait été communiqué au procureur-syndic du département pour prendre par lui tel parti qu'il jugera convenable, comme coriservateur des biens nationaux. »
(Ge projet de décret est adopté.)
Une députation de la garde nationale dé Rouen est admise à la barre : elle proteste contre les bruits qui se sont répandus; elle réclàtee contre les calomnies dont on a frappé ses chefs ; elle assure que tout est calme, et renouvelle le serment de fidélité à la nation, à la loi et au roi.
Voici son adresse (1) :
« Messieurs, la garde nationale de ilouen était bien loin de prévoir le coup affreux qu'un lâche libelliste vient de lui porter, en la calomniant dans ses chefs. Le monstre et ses semblables! veulent-ils enfin se venger sur nous de ce que, par notre civisme et notre dévouement à la chose publique, nous avons, depuis si longtemps, arrêté le sang de nos frères qu'ils voulaient faire couler.
« La France entière, Messieurs, n'est-elle pas témoin que la garde nationale de Rouen, n ayant qu'un cœur et qu'un vœu, est parvenue à maintenir, jusqu'à ce moment, la paix et la tranquillité dans une ville sur laquelle les ennemis de la nation et du roi agitaient le flambeau de la discorde?
« Rouen, par sa position et sa proximité de Paris, par la diversité d'opinions et d'intérêts qui se choquent toujours violemment dans une ville d'une population nombreuse, devait paraître propre à opérer une contre-révolution ; mais heureusement nous avons à nous féliciter de l'ascendant que les bons citoyens ont su conserver sur les mauvais.
« Si la tranquillité publique dépose du patriotisme de la garde nationale, les citoyens en général peuvent montrer avec orgueil à la nation leurs administrateurs et leurs juges. Ne voit-on pas en nommant ces hommes sages, éclairés et tous excellents citoyens, ne voit-on pas que l'ambition et la cabale ont été forcées de garder le silence, et que l'amour de la patrie a seul guidé le peuple dans ses élections ?
« Les ennemis des Français, étonnés de l'accord lé plus parfait et le plus imposant entre les administrateurs et les citoyens de Rouen, entre la garde nationale, ses troupes de ligne et le peuple, n'ont donc plus d'autres moyens pour nous diviser que la calomnie ! — Ils voudraient rendre suspects aux citoyens paisibles ceux qui les défendent et les défendront jusqu'à la dernière goutte de leur sang. Ennemis du bien public, tremblez, nous sommes une cité de frères qui ne cesseront jamais de s'aimer, de s'estimer et de se protéger réciproquement.
« Forts de notre conscience et de notre loyauté^ nous restons encore inculpés, et il importe à notre honneur que l'Europe entière soit détrompée, et vous surtout, Messieurs, vous législateurs d'un grand peuple, auxquels nous devons compte exact de ce que nous avons fait, même de ce que nous ferons pour le maintien de la Constitution, source du bonheur commun.
« Le roi dans nos murs 1 quel jour de joie pour des citoyens fidèles; mais quand..... lorsque la Constitution sera établie sur les bases que lui donuent vos lumières et votre sagesse... alors nous élèverons nos vœux vers le roi pour le supplier de venir visiter sa ville de Rouen, et nous montrer le restaurateur de la France.
« Voilà notre vœu, Messieurs, il ne ressembla jamais à celui des sujets mal intentionnés.
« Nous mourrons fidèles à la nation, à la loi, au roi, voilà notre serment, nous le renouvelons.
« Nous sommes avecrespect, Messieurs, vos très humbles et très obéissants serviteurs.
« Les commissaires nommés par la garde nationale de Rouen:
« Cabeuil, commandant de ta garde nationale ; Demanneville, major; Chev. Piquet, chef de la troisième division ; Jolly de La Tour, aide-major,de la première division ; Lindel, faisant les fonctions de chef de la seconde division ; Dur y, aide-major de la quatrième division; D. Delalonde, cap. aide-major de la deuxième div.; Chouquet, cap. aidermajor de la troisième div.; Midy-ûandé, cap. de la première div. ; Lefèvre le jeune, cap. de la première division ; Niel, cap.'; F. Nqrice, deuxième capit.i Potier, secrétaire; Théodore Levile-rieu ; A. Terieux, cap. ; P. Levillain ; L. Mau-ger; Andrieu, premier lieutenant de Ija troisième comp.de la quatrième div.; Ûoissel, cap. de la cavalerie, M. Effiàrd Bundre, cap. en second de la cavalerie
répond :
« Les bruits que vous venez démentir n'ont pas causé d'inquiétude à l'Assemblée nationale. Pleine de confiance dans les bonnes intentions du roi, elle avait d'ailleurs toutes sortes de raisons de compter sur le patriotisme du plus grand nombre des citoyens de la ville de Rouen, et sur l'excellent esprit qui anime les chefs et le corps de la garde nationale. De braves gens ne jurent pas en vain. Le serment que vous avez fait de défendre la Constitution au péril de votre vie ne laisse ni espoir ni ressources aux ennemis de la chos>e publique. Déjà l'Assemblée nationale a voté des témoignages de satisfaction aux fidèles ftouen-nais; il lui est agréable de recevoir une nouvelle assurance de leurs sentiments, et d'avoir une nouvelle occasion de louer votre loyauté et votre généreux dévouement. Elle vous accorde les honneurs de la séance. »
Plusieurs membres demandent l'impression de l'adresse de Rouen. L'impression est ordonnée.
Le comité de la marine présente un projet de décret sur un projet de M. de Morainville sur la nécessité de construire des bassins pour remiser nos vaisseaux pendant la paix.
Le projet de décret est adopté comme il suit :
« L'Assèmblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait par son comité dè marine, de la nécessité de construire des bassins pour remiser les vaisseaux pendant Ja paix, et voulant préparer, dès ce moment, cette opération qui, toute dispendieuse qu'elle puisse être, doit devenir pour l'avenir une source d'économie, approuve la proposition qui lui a été faite par M. de Morainville, auteur d'un projet à cet égard, de se rendre à Toulon à ses frais, pour constater la possibilité de l'exécution de son projet, et en tracer le devis estimatif, sans rien préjuger sur la préférence à donner à ce plan ou à tout autre qui pourra être présenté aux législatures suivantes, ni entendre prendre aucun engagement avec M. de Morainville ; et charge son président de supplier le roi de donner les ordres nécessaires pour faciliter ses recherches.
Vordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret sur les domaines nationaux à vendre ou à conserver.
Les articles 4, 5, 6 du titre II ont été décrétés dans la séance d'hier soir.
, rapporteur.Entre ies articles 3 et 4 déjà décrétés, nous vou3 proposons d'en introduire un nouveau qui deviendrait le 4e, en sorts que les articles décrétés hier sous les n05 4, 5 et 6 deviendraient 5, 6 et 7.
Voici l'article nouveau :
Art. 4.
« Tous les baux qui ne seraient pas revêtus des formes, ou passés dans les circonstances expliquées dans les deux articles précédents, seront déclarés nuls et comme non-avenus : les directoires de district en feront affermer les biens dans les formes ci-après. »
(Cet article est mis aux voix et adopté.)
rapporteur, revient ensuite aux articles du projet imprimé (voy. plus haut la séance du 4 octobre) et donne lecture des articles 4, 5 et 6 qui deviennent 8, 9 et 10 et sont adoptés successivement en ces termes :
Art. 8.
« Les baux à ferme ou à loyer, échus ou échéant la présente année, qui n'auraient pas été prorogés, ou que l'on n'aurait pas eu le temps de renouveler dans la forme ci-après, pourront être continués pour l'année prochaine; et dans le cas où ils ne le seraient pas, les directoires de département et de district feront, pour la meilleure administration des biens compris auxdits baux, ce qu'ils jugeront convenable.
Art. 9.
« Les baux subsistants seront renouvelés dans les campagnes, un an, et dans les villes, six mois avant leur expiration.
Art. 10.
« Ne seront compris dan^ les baux à ferme ou à loyer, les objets dont la jouissance a été réservée aux évêques et aux cuiés, ainsi qu'aux religieux qui voudront vivre en commun; tous ceux non réservés, même ceux dépendant des béné-lices-cures, seront affermés, sauf aux curés à s'en rendre adjudicataires. »
, rapporteur, lit l'article 11 d'après lequel les publications des baux doivent être faites aux prônes des églises paroissiales.
Cette publication est insuffisante ; je demande qu'elle ail lieu à la porte desdites églises et à l'issue de la messe de paroisse.
Cet amendement est adopté et d'article est décrété en ces termes :
Art. 11.
« Les baux seront annoncés un mois d'avance par des publications, de dimanche en dimanche, a la porte des églises paroissiales de la situation, et de celles des principales églises les plus voisines, à l'issue de la messe de paroisse, et par des affiches, de quinzaine en quinzaine, aux lieux
accoutumés. L'adjudication sera indiquée à un jour de marché avec le lieu et l'heure où elle se fera. Il y sera procédé publiquement par-devant le directoire du district, à la chaleur des enchères, sauf à la remettre à un autre jour, s'il y a lieu. »
, rapporteur, donne lecture des articles suivants qui sont adoptés dans les termes ci-dessous après avoir subi quelques modifications de rédaction :
Art. 12.
« Le ministère des notaires ne sera nullement nécessaire pour la passation desdits baux, ni pour tous les autres actes d'administration. Ces actes, ainsi que les baux, seront sujets au contrôle, et ils emporteront hypothèque et exécution parée. La minute sera signée par les parties, qui sauront signer, et par les membres présents du directoire, ainsi que par le secrétaire, qui signera seul l'expédition.
Art. 13.
« Les baux des droits incorporels seront passés pour neuf années ; ceux des autres biens seront passés pour 3, 6 ou 9 années. Lors de la vente, l'acquéreur pourra expulser le fermier ; mais il ne pourra le faire, même en offrant de l'indemniser, qu'après l'expiration de la troisième année, ou de la sixième, si la quatrième était commencée, ou de la neuvième, si la septième avait commencé son cours, sans que, dans ces cas, les fermiers puissent exiger d'indemnité.
Art. 14.
« Les conditions de l'adjudication seront réglées par le directoire du district et déposées au secrétariat, ainsi qu'à celui de la municipalité du chef-lieu de la situation des biens, dès le jour de la première publication, pour en être pris communication, sans frais, par tous ceux qui le désireront.
Art. 15.
« Outre les conditions légales et d'usage en chaque lieu, et outre celles que les directoires de district croiront devoir imposer pour le bien de la cho-e, les suivantes seront toujours expressément rappelées.
Art. 16.
« A l'entrée de la jouissance, il sera procédé par experts à la visite des objets affermés, ensemble à l'estimation du bétail et à l'inventaire du mobilier. Le tout sera fait contracditoirement avec le nouveau fermier et l'ancien, ou, s'il n'y en avait point, avec un commissaire pris dans le directoire du district, ou par lui délégué. Les frais de ces opérations seront à la charge du nouveau fermier, sauf son recours contre l'ancien, si celui-ci y était assujetti.
Art. 17.
« L'adjudicataire ne pourra prétendre aucune indemnité ou diminution du prix de son bail en aucun cas, même pour stérilité, inondation, grêle, gelée ou tous autres cas fortuits.
Art 18.
« Le fermier ou locataire sera tenu, outre le prix de son bail, d'acquitter toutes les charges annuelles, dont il sera joint un tableau à celui des conditions; il sera tenu encore de toutes les réparations locatives et de payer les frais d'adjudication.
Art. 19.
« L'adjudicataire sera tenu de fournir une caution solvable et domiciliée dans l'étendue du département, dont il rapportera la soumission par acte authentique, si elle n'est pas faite au secrétariat, dans la huitaine après l'adjudication; à défaut de quoi il sera procédé à un nouveau bail à sa folle enchère.
Art. 20.
« Les directoires de district donneront tous leurs soins pour que la culture des fonds soit répandue dans le plus de mains possible; en conséquence, ils seront particulièrement assujettis aux règles suivantes.
Art. 21.
« Il sera passé des baux des bâtiments, maisons et fonds de terre, séparément de ceux des droits fonciers, tels que les cham parts, et les droits ci-devant féodaux, seigneuriaux, censuels et autres de même nature. S'il était plus avantageux de comprendre ces deux genres de biens dans un même bail, le prix de chaque bail sera distinct et séparé.
Art. 22.
« Les baux des droits fonciers comprendront les droits ordinaires et les droits casuels, tant ceux échus qui n'auraient pas été arrêtés avec les débiteurs, ou dont la liquidation serait incertaine et susceptible d'estimation ou ventilation, que ceux à échoir. En cas de rachat, le prix des uns et des autres sera versé directement dans la caisse du district, sans que le fermier puisse prétendre d'autre indemnité qu'une diminution du prix de son bail, proportionnée seulement au produit des droits ordinaires, d'après la fixation qui en sera faite pour le rachat.
Art. 23.
« 11 sera pareillement passé des baux distincts et séparés des biens dépendant ci-devant de chaque bénéfice, de chaque corps, maisons, communautés ou établissements, pour les parties situées dans l'arrondissement de différents districts, ainsi que pour les corps des domaines, métairies, ou pour les masses particulières et distinctes des
autres domaines nationaux situés dans l'arrondis-sement de plusieurs districts.
Art. 24.
« S'il arrive que les bâtiments nécessaires à l'exploitation d'une ferme ou d'un corps de domaine soient situés dans un district, et les fonds en dépendant dans un ou plusieurs autres districts, l'administration appartiendra au district dans l'arrondissement duquel les bâtiments seront situés.
Art. 25.
« L'adjudication des bois taillis qui tomberont en coupe, qui n'auront pas été compris dans les baux, se fera dans la même forme que ceux-ci, quand le cas le réquerra.
Art. 26.
« Les dispositions des articles 2,3 et 4 du présent titre, concernant les baux à ferme, auront lieu à l'égard des baux à moitié ou à tiers-fruits. Mais pendant leur durée, les directoires de district mettront en adjudication la portion des fruits et tous les autres produits revenant aux propriétaires. Après leur expiration, ils mettront en ferme la totalité de la même manière que les autres biens. »
Dans l'article qui suit, je propose, par amendement, de faire raison aux curés ci-devant réguliers, comme aux bénéficiers séculiers, de ce qu'ils justifieront avoir avancé pour les semences, bestiaux et instruments d'agriculture.
(Cet amendement est adopté.)
Les articles 27 et 28 sont ensuite décrétés en ces termes :
Art. 27.
« Les directoires de district se feront représenter, soit par les preneurs à moitié ou à tiers-fruits les baux et les actes de chetel, pour vérifier : 1° si à leur entrée, les terres étaient ensemencées, et si elles devaient l'être à leur sortie.; 2° si les bestiaux sont dans le même nombre et la même valeur; pour ensuite faire remplir aux preneurs leurs obligations sur ces deux objets, sauf à faire raison aux bénéficiers-séculiers ainsi qu'aux curés ci-devant réguliers, de ce qu'ils justifieraient avoir avancé pour les semences, les bestiaux et les instruments d'agriculture.
Art. 28.
« Lors de la vente des corps des domaines ou métairies, si elle se fait en gros, les bestiaux, ainsi que les harnais et instruments aratoires seront vendus avec les domaines et métairies; mais, si elle se fait en détail, ces derniers seront vendus séparément. »
, au nom des comités de Constitution et des rapports, fait un rapport relativement aux arrêtés du parlement ae Toulouse des 25 et 27 septembre dernier.
Messieurs, jamais les fonctions que vous avez
confiées à votre cotnité des rapporta lie lui paraissent plus pénibles que lorsqu'elles 1UI imposent l'obligation de provoquer votre juste sévérité contre des citoyens.
Mais la considération impérieuse de l'intérêt public, l'importancq des circonstances qui nous fenvirbhnènt, éettë multitude de projp^s nippes» toujours prévenus, et Cependant toujours renouvelés, enfin la voix puissante du devoir, tout se réunit, tout concourt, pot^f nous interdire, en ce motûeiit, d'Usér d indulgence.
lié salut du peuplé, l'achèvement de la Constitution, le maintien de l'ordre et de la tranquillité publique, la punition sévère de ceux qui les troublent et qui désobéisseht aux lois : tels sont les objets confiés parle peuple français à la surveillance dë ses représentants. Telles sont leurs Obligations de tous les jours, de lops les moments.
Pénétré dé cette idée, Vdtrô Comité a examiné avec attention, les deux arrêtês dû parlement de Toulouse des 25 et 27 septembre ; il y a facilement reconnu deux délits très distincts.
Le premier est qualifié par la contravention formelle à l'article sècond du décret dq 5 novembre 1789.
Cet article porté i que toute cour, même ën vacations, tribunal, municipalité et corps administratifs, qui h1 auront, pas {nsèrit sur leurs registres dans lés trois jours après M réception, et fait publier, dans ta huitaine, les lois faites par les représentants de la nation, sanctionnés où acceptés par le roi, seront poursuivis commè prévaricateurs dans leurs fonctions et coupables dë forfaiture.
L'arrêté du parlement de foulouse* du 27 septembre dernier, refuse formellement la transcription, sUr les registres, des lettres patentés et proclamation du roi relatives à Vorganisation d'il nouvel ordre judiciaire, ët portant suppression de toutes les Cours et tribunaux de justice du royaume.
C'est d'après un réquisitoire motivé du procureur général dé Cetté cour, quë cette transcription est refusée : le décret du 5 novembre 1789, était connu de ce procureur général, ainsi que de tous les membres du parlement de Toulouse.
C'est donc volontairement et avec connaissance de cause que le procureur général, et les membres du parlement de Toulouse, se sont rendus coupables de forfaiture ; leur rebellion à la loi est avérée; l'envoi de leur arrêté au roi êônstaté leur prévarication, le délit est flagrant, la pour-suite extraordinaire doit en être la suite.
Ici, Messieurs, je ne me permettrai qu'une seule réflexion.
Bi le délit dont je viens de vous rendre compte était le seul dont les membres du parlement de Toulouse se fussent rendus coupables, s'il était
Sossible de n'attribuer leur désobéissance à la loi
u 5 novembre 1789, qu'à l'effet de l'égarement et à des regards inquiets jetés en arrière sur des prérogatives usurpées prêtes à leur échapper; sans prétendre excuser leur conduite, j'essayerais de vous porter à oublier des fautes dont les auteurs, maintenant isolés* ne peuvent piUs êtfe considérés comme des ennemis dangereux pour la chose publique*
Abandonner au mépris leurs efforts désormais impuissants, les livrer à leurs regrets, à leurs remords, oe leur infliger d'autre peine que celle que fait éprouver à de mauvais citoyens le spectacle de la prospérité publique : telles seraient, Messieurs, les conclusions que j'aurais voulu pouvoir vous proposer de prendre.
Mais un défit plus grave sollicite votre atten-
tion ; je dois vous le faire connaître dans ses détails. '
Il s'agit de venger les lois outragées, et de les vehger contré cëui mêmes qui étaient chargés dé les cdnserver et de lés défendre.
Souffrez, Messieurs, que je vous dpnhé une nouvelle lecture dé l'arrêté fti 25 septembre.
(M. de Broglie donne lecture des arrêtés du parlement de Toulouse, m Voy. ce document annexé à la séance, p. 516.)
Chef-d'œuvre, à la fois, d'égarement et de. perfidie,' Cet arrêté est au-dessus de toute qualifica-tioh; il eléité une indignation égâle Soit qii'ott ên parcoure lës détails, c'est le tocsin de la rébellion sonné par ceux mêmes dont les fohctiqns augustes et bienfaisantes né dOiVéht tendré qu'à la paix et à la tranquillité.
Attaquer la Constitution dans sa base;
Contester aux représentants du peuple les pouvoirs que le peuple leur a confiés ;
Réveiller, si j'ose m'exprimer ainsi, les prétentions éteintes des ordres qui n'existent plus ;
Provoquer le fanatisme;
Abuser du nom sacré de la religion;
Qualifier d'adhésions partielles aux décrets àja mais mémorables de la Constitution, ce concours unanime de volontés si manifestement exprimé par tous les citoyens français, si saintement, si énergiquement confirmé par le serment civique, et par ces confédérations jusque-là sans exemple;
Présenter Comme Un hommage à notre monarque, le vœu coupable du retour de l'aucièn ordre de choses, l'inviter à violer lui-même ces serments qui lè lient à jamais à la Constitution que nous avons tous juré, ose? lui proposer ainsi l'obscurcissement de sa gloire ;
Protester contre les lois émanées de la volonté souveraine du peuple ;
Pousser enfin l'étrange raffinement de la désobéissance* jusqu'à retraire, pour ainsi parler, dans le passé, la soumission manifestée pour la loi, par des enregistrements antérieurs :
Tels sont les earactères principaux qui distinguent l'arrêté du 25 septembre dernier.
L'énormité du délit, les Circonstances dans lesquelles il a été commis, l'immensité de l'offense, les suites dangereuses qu'elle pourrait avoir, si elle demeurait impunie, tout sollicite un jugement solennel.
Mais par qui doit-il être prononcé?
VoUs l'avez déjà décide, Messieurs, lé jour même que cet arrêté vous a été dénoncé, en ordonnant ^ue, dans le délai de huit jours, votre comité de Constitution vous présenterait le projet d'organisation dé la haute cour nationale.
C est donc à ce tribunal qu'appartiendra l'instruction et le jugement des magistrats du parlement de Toulouse. Vous ayez épargné à votre comité la nécessité de vous rappeler les raisons gravés qui n'auraient pas permis de charger le Châtelet dé cette procédure fameuse.
Votre comité, ne pouvant méconnaître votre intention à cet égard, se borne à vous soumettre les motifs d'une disposition préliminaire, qu'il croit indispensable d'adoptér.
Elle est sévère sans doute, puisqu'elle consiste à supplier lé roi de donner des ordres nécessaires pour s'assurer de la personne de membres du parlement de Toulohse. qui ont concouru à la rédaction des arrêtés des 25 et 27 septembre dernier.
Prévenus des crimes de forfaiture et de rébellion aux décrets de l'Assemblée nationale, ac-
Ceptés et sanctionnés par le roi, leur liberté est un scandale pour les citoyens fidèles, leur évasion serait un malheur public, il faut les prévenir.
C'est au nom de la patrie en danger, C'est pour épargner à ses ennemis de nouveaux crimes, aux citoyens de nouvelles erreurs, à la Constitution de nouvelles secousses, que votre comité vous propose de frapper enfin les regards du peuple par l'appareil d'Un grand exemple.
Les membres du parlement de Toulouse ont osé dire que cet arrêté séditieux et coupable était un monument qu'ils consacraient au roi et à la nation. Leur audace vous prescrit votre devoir.
Que la punition sévère de cet arrêté soit l'éternel monument de la vindicte publique et de la puissance formidable des lois.
Le comité propose, en conséquence, le projet de décret suivant :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu ses comités des rapports et de Constitution, décrète que les membres de la ci-devant chambre des vacations du parlement de Toulouse, qui ont pris les arrêtés des 25 et 27 septembre dernier, et le procureur général de cette cour, seront traduits devant le tribunal qui sera incessamment formé pour juger les crimes de lèse-nation, pour y être procédé contre eux sur l'accusation de rébellion et de forfaiture, ainsi qu'il appartiendra ;
« Décrète, en outre, qu'attendu la nature de l'accusation, le roi sera supplié de donner des ordres pour s'assurer de leurs personnes, ainsi que tous autres ordres nécessaires pour l'exécution du présent décret. »
Comme les moments de l'Assemblée sont précieux, je demande que la discussion soit fermée.
Vous avez entendu la lecture de l'arrêté du parlement de Toulouse, il est de nature à éviter la peine de prouver combien il est coupable. Deux moyens vous ont été présentés pour punir ce délit : d'en livrer les auteurs à la vengeance de l'opinion ou à celle des lois ; d'appeler sur eux le ridicule ou le châtiment: le second parti est le seul que vous puissiez adopter. Vous n'avez pas oublié qu'il y a peu de jours, lorsqu'un membre de cette Assemblée a proféré la contre-révolution et nous a fait part de son projet à cet égard, j'ai été le premier à invoquer votre indulgence, mais la mesure que vous avez prise, relativement à cet individu, serait peu convenable, lorsqu'il s'agit d'une assemblée délibérante; et quand cette assemblée est un parlement, un de ces corps qui, depuis plus de huit siècles, ont apporté sans cesse des obstacles au progrès de la liberté en s'en disant les défenseurs ; un de ces corps qui, dans ce mo-: ment, rallient encore les espérances des mécon-! tents; votre indulgence serait taxée de faiblesse et vous feriez commettre de nouveaux attentats, t si vous négligiez de punir celui qui vous est dénoncé. Nous sommes arrivés à une époque de la Révolution, où de grandes difficultés, de grands obstacles exigent tous vos soins et toute votre fermeté; vous avez détruit les anciennes institutions; vous en avez créé de nouvelles, pour le bonheur du peuple ; mais il faut maintenant j mettre en mouvement ces institutions, il faut i faire exécuter, dans tous les points, ce que vous ! avez décrété : ce moment, qui va assurer le suc-I cès de la Constitution et détruire l'espoir de ses ennemis, est celui où ils réunissent tous leurs
efforts; ils seront morcelés par ceux qui ont suivi les événements, qui les ont même favorisés, en croyant que la Révolution servirait leur fortune particulière; par ceux qui ont cherché dans la Révolution autre chose que la liberté, comme si la liberté et le bonheur qu'elle promet à la nation n'étaient pas le seul but et la seule récompense de nos travaux. C'est contre les efforts impuissants, sans doute, que l'on va op-[ poser à l'établissement définitif de la Constitution, que je vous engage de prendre des mesures fermes et énergiques : celle qui vous est proposée par votre comité des rapports est de ce genre ; elle convient seule à la circonstance actuelle, la sévérité est pour vous un devoir, et je demande que l'avis du comité soit adopté.
sollicite l'indulgence de l'Assemblée.
Je demande la parole pour très peu de temps, et sans autre objet que de rappeler des principes incontestables. Qu'étaient les parlements ? les dépositaires de l'ancienne Constitution. Ils l'avaient reçue des mains du roi; ils ont juré de la maintenir; ils ont dû, en la déposant, faire, non, comme l'a dit M. le rapporteur, une protestation, mais une déclaration. (On rit et Von murmure.) Si une nouvelle législature renversait ce que vous avez fait, et que les nouveaux juges protestassent, serait-il juste de les renvoyer devant la haute cour nationale ? La comparaison est parfaite. (Différentes parties de l'Assemblée applaudissent, rient et murmurent.) (1).
(ci-devant d'Eprémesnil). L'acte du parlement de Toulouse est une protestation et non une déclaration: il est important que l'Assemblée ne s'y méprenne pas... {M. Duval est interrompu.)
(La discussion est fermée.)
M. Madier demande la question préalable sur ie rapport.
Je demande que le nom de ce membre soit connu et inscrit stir le procès-verbal.
Fort de ma conscience et de mon droit, je persiste avec M. Madier à demander la question préalable, quoi qu'en puisse penser M. de Mirabeau.
Pour bien prouver que les opinions sont libres, je demande qu'on mette aux voix la question préalable.
La question préalable est rejetée.
Le projet de décret présenté par M. Rroglie est adopté.
La séance est levée à dix heures et renvoyée à demain 11 heures.
A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE DU
Arrêtés du Parlement de Toulouse, séant en vacations des 25 et 27 septembre 1790. Du 25 septembre.
La cour, séant en vacations, considérant que la monarchie française touche au moment de sa dissolution, qu'il ne restera bientôt aucun vestige de ses institutions les plus anciennes, et que les cours souveraines vont être ensevelies sous ses ruines ;
Considérant qu'elle doit, non seulement à elle-même, mais encore aux membres dispersés de ladite cour, dont elle se trouve aujourd'hui l'organe, de faire une profession de ses principes et de ses sentiments ;
Que les députés des bailliages aux Etats généraux du royaume, y avaient été principalement envoyés pour remédier au désordre des finances, contre lequel les cours n'avaient cessé de réclamer; établir une proportion égale dans la répartition des subsides, en fixer la durée, mettre des bornes aux excès de l'autorité arbitraire, réprimer enfin les abus qui s'étaient glissés dans les différents corps de l'Etat;
Que la renonciation du clergé, de la noblesse à leurs privilèges pécuniaires, avait prévenu le vœu du tiers état ; que le concert unanime des trois ordres, sur cet objet important, réalisait les espérances que Sa Majesté concevait déjà de la convocation des Etats généraux;
Considérant que les mêmes députés n'ont pu s'occuper de donner à l'Empire français une nouvelle Constitution, sans outre passer les bornes de leur mandat, et sans contrarier les voeux de leurs commettants ;
Que ce serait vainement qu'ils se prétendraient autorisés par les nouveaux pouvoirs qui leur ont été envoyés au nom de certains cantons, ou par les adhésions partielles des municipalités; que ces nouveaux pouvoirs ne devaient émaner que de leurs commettants, rassemblés en la même forme qu'ils l'avaient été la première fois ;
Considérant que si l'intérêt des peuples eût paru exiger que les cours souveraines liées à la Constitution du royaume fussent anéanties, et que la volonté du roi eût concouru avec celle de la nation ; ladite cour, persistant dans les principes énoncés dans ses précédents arrêtés et remontrances, se fût immolée à la cause publique, sans faire éclater d'autre regret que celui de cesser d'être utile au service du roi des peuples ;
Que, pour que les représentants de la nation eussent été légalement investis du pouvoir de voter la destruction de la magistrature, il aurait fallu qu'ils en eussent reçu le mandat exprès de leurs commettants ;
Que ce mandat n'existe point ; qu'au contraire plusieurs sénéchaussées du ressort de la cour ont expressément demandé la conservation du Parlement de Toulouse ;
Considérant que la destruction des Parlements blesse essentiellement la Constitution, et viole les droits et privilèges des provinces auxquelles ils appartenaient; que ces droits avaient pour base les capitulations et les traités les plus sacrés, , renouvelés de règne en règne ; que ces provinces n'ont pu être morcelées, confondues, divisées,
sans le consentement exprès de peuples qu'ils formaient, dont la voix a néanmoins été étouffée par les obstacles mis à leur réunion ;
Que le droit d'avoir parlement et de ne ressortir qu'en icelui fut toujours regardé par les habitants du Languedoc comme un de leurs plus précieux privilèges; qu'il leur est commun avec ceux duQuercy,deCommingeset du pays de Foix, droit fondé sur les titres les plus authentiques, et confirmé par les Etats généraux tenus à Tours en 1483;
Considérant que tous les ordres sont enveloppés dans la même proscription ; le clergé dépouillé de ses biens, qui semblaient lui être assurés par tout ce qu'une possession légitime peut avoir de plus respectable et de plus sacré ; la noblesse privée de ses distinctions inhérentes à l'essence de tout état monarchique, acquises par ses services, par ses vertus, et au prix de son sang;
Que, d'après tes funestes conséquences de cette subversion universelle, la religion est dégradée ; ses ministres avilis, les engagements les plus solennels déclarés illusoires;
Considérant que la destruction des tribunaux actuels et l'établissement du nouvel ordre judiciaire ne peuvent qu'augmenter la masse de la dette publique et faire peser de nouveaux impôts sur les peuples :
Considérant enfin que les magistrats chargés par un double devoir de maintenir les droits de la couronne, de conserver les libertés et franchises des peuples, emportent du moins avec eux la consolation d'y avoir toujours été fidèles, et de ne s'être laissé guider dans leurs démarchés que par le zèle le plus pur et le plus coustant ;
Que ces sentiments, Sa Majesté el la nation les retrouveront toujours dans le cœur de tous les membres de la cour ; qu'ils y persévéreront jusqu'à leur dernier soupir; et que cédant aujourd'hui à la force qui les sépare, ils seront toujours prêts à donner audit seigneur roi et à la nation de nouvelles preuves de leur dévouement et de leur fidélité ;
La cour, inviolable ment attachée à la personne sacrée du roi, aux princes de son auguste maison, aux divers ordres de l'Etat,
Proteste, pour l'intérêt dudit seigneur roi, du clergé, de la noblesse et de tous les citoyens, contre toutes atteintes portées aux droits de la couronne, l'anéantissement des ordres, l'envahissement de leurs propriétés, et le bouleversement de la monarchie française ;
Contre tous édits, déclarations et lettres patentes portant suppression de la cour;
Contre le dénombrement de la province de Languedoc, des autres provinces formant l'étendue de son ressort, et l'anéantissement de leurs privilèges ;
. Proteste enfin expressément contre toutes atteintes portées à la religion, à la dignité de ses ministres, à la juridiction spirituelle de l'Eglise et aux libertés de l'Eglise gallicane ;
Et attendu que les enregistrements faits par la chambre des vacations depuis le 16 novembre dernier ne l'ont été que provisoirement, à la charge d'être réitérés à la rentrée de la cour, et qu'ils ne peuvent, dans ce moment, lui être représentés, elle les déclare comme non avenus, et incapables de produire aucun effet :
Ordonne, ladite cour, que le présent arrêté sera transcrit sur ses registres en témoignage de ses principes, comme un monument que les magistrats qui la composent et ceux qu'elle représente consacrent au roi et à la nation;
Ordonne qu'un extrait en forme d'icelui sera incessamment envoyé audit seigneur roi.
Du 27 septembre 1790.
Ce jour, le procureur général est entré et a dit qu'il apportait à la cour des lettres patentes, données à Saint-Gloud le 16 de ce mois, et diverses proclamations du roi, sous le contre-scel d'icelles, relatives à l'organisation du nouvel ordre judiciaire, et portant suppression de toutes les cours et tribunaux de justice du royaume :
Que ces lettres patentes lui auraient été adressées par le secrétaire d'Etat en la forme ordinaire, à l'effet d'en requérir la transcription sur les registres de la cour et l'envoi dans les sièges inférieurs.
Le procureur général a ajouté que son ministère se trouvait enchaîné par l'arrêté de la cour du 25 du présent mois;
Que les enregistrements faits par la chambredes vacations ne pouvant être que provisoires, et à la charge expresse de les réitérer à la rentrée de la cour, ainsi qu'il en avait toujours été usé jusqu'à présent, il serait dérisoire d'apposer cette clause à une loi qui prononcerait la dissolution de celte cour;
Qu'il est sans exemple que l'on ait imposé à des magistrats l'obligation de concourir librement à leur suppression, et qu'on ait employé leur ministère à donner à la loi qui les détruit un caractère apparent d'authenticité;
Qu'aux termes desdites proclamations, le procureur général se trouverait sans qualité pour les adresser aux bailliages et sénéchaussées, à l'époque où l'envoi pourrait en être fait;
Qu'irrévocablement lié au sort de ladite cour, à ses principes, à ses sentiments, tout acte de son ministère devait cesser au moment où l'entrée du sanctuaire de la justice serait interdite aux magistrats; qu'il s'anéantirait avec eux, fidèle à son serment, à son honneur et au roi.
Le procureur général aurait demandé à la cour de lui donner acte de la remise desdites lettres patentes et proclamations, et de consigner sur ses registres la présente déclaration, qu'il a signée : Rességuier.
Et icelui retiré ;
La cour a concédé le ledit acte au procureur général : a ordonné que la déclaration par lui faite serait transcrite sur ses registres ; et délibérant sur la transcription desdites lettres patentes et proclamations, attendu leur objet, et persistant dans les principes contenus en ses protestations, a déclaré n'y avoir lieu de procéder à ladite transcription ; et cependant, ordonne qu'un extrait de la présente délibération, en forme d'arrêté, sera incessamment envoyé au seigneur roi.
(Gollationné par nous conseiller du roi, notaire, secrétaire et greffier du parlement de Toulouse.)
a la séance de l'assemblée nationale du
Opinion de M. Madier de Montjau, député du Vivarais, sur le rapport de M. de Broglie dans Vaffaire de la chambre des vacations au parlement de Toulouse (1).
Messieurs, vos comités de rapport et de Constitution vous proposent de déclarer les membres de la chambre des vacations du parlement de Toulouse coupables de forfaiture et de' rébellion aux lois : de les renvoyer au jugement de la cour nationale qui doit être incessamment établie; de supplier le roi de donner des ordres pour s'assurer, en attendant, de la personne de ces magistrats.
L'Assemblée témoigne la plus vive impatience de fermer subitement la discussion de ce projet de décret, et d'aller aux voix. Si elle m'honorait de quelques instants d'attention, je la supplierais d'écouter quelques observations sur la conduite des magistrats de Toulouse, sur l'idée qu'on doit avoir de leur arrêté, et sur le décret qu'on vous propose contre eux.
La question que vous allez juger, Messieurs, est une des plus grandes questions de droit public. Il s'agit de fixer les devoirs des magistrats dans la garde du dépôt des lois, de fixer en même temps le terme auquel ils doivent et peuvent s'arrêter dans la défense de ce dépôt.
Avant de décider cette importante question, permettez-moi de remonter à quelques principes; de vous rappeler l'institution et quelles étaient les fonctions des cours souveraines en France.
Ces cours, et les parlements surtout, étaient les dépositaires des lois du royaume. Ils avaient reçu ce dépôt de nos rois, seuls législateurs et représentants de la nation alors. Les parlements avaient fait le serment le plus sacré d'en maintenir l'observation et de le conserver intact.
Les lois anciennes du royaume consacraient les propriétés de rang et d'ordre que vous avez proscrites. Elles ordonnaient que les lois, présentées et enregistrées par les chambres de vacations de parlement, seraient soumises à une seconde vérification des chambres assemblées à leur rentrée en exercice, et enregistrées de nouveau, pour être revêtues de tous les caractères d'authenticité qui les rendaient obligatoires.
Les dépositaires de ces lois ont donc pu, sans crime , réclamer contre ce qu'ils croyaient attentatoire aux propriétés qu'ils avaient juré de défendre; déclarer , d'après les anciennes formes qu'ils étaient obligés de faire observer, les lois enregistrées seulement par la chambre des vacations du parlement de Toulouse, comme
non-avenues, n'ayant pas subi cet examen, ce second enregistrement du parlement en corps, et reçu le dernier et le seul caractère d'authenticité qui pouvait donner à la loi toute sa force. C'est sur les anciens principes et sur la fidélité de leur serment que vous devez juger les magistrats de la chambre des vacations du parlement de Toulouse. Aucune puissance humaine n'a le droit de délier d'un serment aussi solennel, Le parlement de Toulouse, comme toutes les autres cours du royaume, avait reçu le dépôt des lois, des rois de France. Il a pu, il a dû le remettre entre les mains du roi. Il a cru reconnaître dans quelques-uns de vos décrets, des atteintes portées aux anciennes propriétés dont il était le conservateur : il a pu protester contre ces atteintes prétendues, et manifester qu'elles n'étaient point de son fait, ainsi que l'inobservation des anciennes formes, pour la publication des lois.
L'arrêté de la chambre des vacations du parlement de Toulouse renferme, dit^-on, des protestations coupables. Ici, Messieurs, je distingue, et tout le monde doit distinguer la nature des protestations insérées dans l'arrêté qui vous occupe. Des protestations qui inviteraient à l'insurrection contre nos décrets, qui auraient été suivies ou accompagnées d'un arrêt, portant défense aux tribunaux du ressort d'enregistrer les décrets de l'Assemblée nationale, sanctionnés par le roi, et aux justiciables de les exécuter; ces protestations seraient criminelles, et leurs auteurs coupables de forfaiture et de rébellion. Mais des protestations, sans opposition, ne sont que de simples déclarations, des appels à la loi, oes vœux individuels, dont l'émission n'est interdite et punissable qu'autant qu'elle trouble l'ordre public.
Messieurs, la cause des magistrats de la chambre des vacations du parlement de Toulouse est celle des nouveaux magistrats qui vont être élus, d'après la nouvelle Constitution. Ces magistrats vont faire le serment d'observer fidèlement cette Constitution, et de la défendre contre toutes les atteintes, ainsi que l'avaient juré les anciennes cours souveraines, pour le dépôt des anciennes lois.
Qu'une des législatures qui nous succéderont, se prétendant Convention nationale, voulût la modifier ou la renverser, pourriez-vous, ou nos successeurs pourraient-ils regarder ces nouveaux magistrats comme coupables de forfaitures, s'ils avaient le courage, comme je n'en doute pas, de protester contre la violation du dépôt qui leur sera confié? Si ces courageux et vertueux dépositaires ne s'étaient pas bornés à de simples protestations sans opposition, telles que celles de la chambre des vacations du parlement de Toulouse ; mais si, fermes dans les principes qu'ils auraient juré de maintenir, ils opposaient aux infractions, aux atteintes portées contre la nouvelle Constitution, tous les moyens de résistance qui seraient en leur pouvoir? Eh bien 1 Messieurs? le sort des magistrats de Toulouse est lié à celui des nouveaux magistrats que vous allez établir. Ce que vous ne pourriez vous défendre d'admirer dans ceux-ci, vous ne pouvez le regarder comme une forfaiture, un acte de rébellion, dans la conduite des magistrats du parlement de Toulouse,
Le projet de décret, proposé par vos comités, me paraît injuste; il est attentatoire et contraire aux principes de liberté que vous avez établis pur la Constitution. Nul ne peut être privé de sa liberté qu'en vertu d'un jugement légal i et vos comités yous proposent de supplier le roi de
donner des ordres, pour s'assurer des membres composant la chambre des vacations du parlement de Toulouse. Ils provoquent donc des ordres arbitraires, des lettres de cachet. Ils annoncent la création d'une de ces ancien i es commissions odieuses, contre lesquelles la France entière s'est élevée avec tant de force, et que vos décrets ont si justement proscrites ; et en attendant cette création anticonstitutionnelle, les membres qui ont été contre l'arrêté de la chambre, et ceux qui l'ont voté, seront également privés de leur liberté, Je conclus, Messieurs, au rejet du projet de décret présenté par vos comités réunis, et à ce qu'il soit déclaré qu'il n'y a pas lieu à délibérer.
A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE DU
Lettre de M. de Mirabeau Vainé à M. de Monfesquiou sur la fabrication des assignats-monnaie.
Nous avons été contraires en fait, mon cher collègue, sur la dépense de la fabrication des assignats. J'ai exposé à I Assemblée les bruits publics à cet égard, pour provoquer les rclaircisse-ments du comité des finances. En qualité de rap^ porteur de ce comité, vous avez dû donner ces éclaircissements. Je vais démontrer, moi qui, étranger au comité des finances, avais en quelque sorte le droit de me tromper, et qui cependant ai voulu vérifier mes assertions et vos calculs; je vais démontrer que vous êtes tombé dans quelques erreurs assez graves. En discutant mes doutes, vous en conclurez sans doute, et c'est tout ce que je me propose, que vous devez stimuler la surveillance du comité, et rappeler votre propre attention sur les détails de la fabrication des assignats.
Yous conviendrez facilement, mon cher collè^ gue, qu'entre les obligations que nous avons à remplir, celle de l'économie dans les dépenses est de la plus haute importance; qu'ayant frappé sans nul ménagement sur ceux qui s'enrichissaient aux dépens du revenu public sous l'ancien régime, cette sévérité, si nécessaire à la nation, doit être inflexible dans le nouveau.
Vous conviendrez également que l'expédient des assignats-monnaie doit être dirigé avec beaucoup d'exactitude et de sagesse pour procurer un grand soulagement aux finances; quenous avons encore à apprendre sur cet objet, et que débuter dans cette carrière par consentir à des frais inutiles ou exagérés dans la fabrication même des assignats, annoncerait une insouciance d'assez mauvais augure.
Ces réflexions avaient déterminé les recherches dont j'ai soumis 1e résultat à l'Assemblée nationale dans la séance du 8 de ce mois.
Après avoir montré que l'embellissement des assignats est une dépense inutile, absolument propre à rendre la contrefaçon plus facile, j'ai dit que Von assurait que chacun de ces assignats coûtait 10 sous. Ge n'était pas une affirmation, mais un rapport public et un acheminement à la proposition de faire fabriquer les nouveaux assignats pour moins du tiers de cette dépense. Yous avez soutenu, non seulement que j'avais été trompé sur les détails qui justifient cette proposition,
mais encore que j'avais été induit à d'absurdes exagérations.
Eh bien, mon cher collègue, vous allez voir, non seulement que mes observations méritent plus de confiance que les vôtres, mais que le comité de3 finances ne peut pas se dispenser de faire tout au moins servir mes propositions au but d'épargner un argent dont nous pré^ parerons d'autant mieux un emploi libéral, que nous en serons maintenant très avares.
Suivqnt le Journal des Débats et Décrets, n° 463, page 12 (car j'étais absent lorsque vous vous êtes réunis contre mes assertions), vous avez dit « que vous veniez de recevoir les comptes arrên tés entre M, Saint^Aubin et les commissaires nom*-més pour la fabrication des assignats, relative-! ! ment à cette même fabrication\ que le traité général était de 96,0Q0 livres; sur quoi M. Sainte Aqbip ayant donné 50,000 livres au graveur, il lui est reste 46,000 livres pour les frais de planches et d'établissement ; qu'en comptant six mille livres de faux frais, il restait 40,000 livres qui ont dû être employces à la confection de 360 planches, d'où il résulte que chacune d'elles revient à peu près à 130 livres au lieu de 1,200 livres qu'avait dit M, de Mirabeau, et que, partant, le prix de chaque assignat est de 18 à 20 deniers. »
Dans la bouchq d'un membre du comité des .fir nappes, présidant ce comité, lors du marché que vous rapportez, et chargé personnellement de Iq confection des assignats-monnaie; dans votre bouche, en un mot, mon cher collègue, ce rapr-port devrait être concluant, qar il résultait d'un traité, et quel traité I uri traité général.
Pourquoi fautril que le lendemain M. de Lablache, membre comme vous du comité deâ finances, vous ait désavoué dans l'Assemblée nationale? Pourquoi faut-il qu'il ait produit un compte, du-* quel il résulte que jes assignats^mounaie coûtent, au lieu d'un sou huit deniers, quatre sous, deqx cinquièmes de denier? Itnlin pourquoi faut-il que le compte même de M, de Lablache présente des opinions qui pourraient bien rapprocher le prix ues assignais beaucoup plus de dix bous que de quatrq sous? et dites-moi, je vous prie, ces contradictions ne demandent-elles pas quelques nouveaux éclaircissements?
Voici le rapport de M. de Lablache :
Achat de papier à la manufacture de
Montargis..........................82,000 liv.
Frais d'impression (1).................36,000
Gravure......................... 96.0QQ
Points et poinçons...................28,000
Total......... 242,000liv.
Soit 4 sous 2 cinquièmes de denier pour chaque assignat.
Ce compte porte 96,000 livres pour frais de gravure, et vous avez dit que cette somme était celle du traité général avec Mi Saint-Aubin pour la fabrication des assignats. Or, vous vous êtes trompé au moins de 146,000 livres, Il y a plus :
ces 96,000 livres ne sont pas même un traité général pour la gravure ; les points et poinçons en font partie, et coûtent 28,000 livres en sus deé 96,000 livres.
Voilà de singulières erreurs j mais notis autres ci-dévant gens de qualité, nous avions coutUrhé de dire : que nous n'entendions rien aux affaires.
Je poursuis. Dans le partage que vous avez fait des 96,000 livres, 50,000 livres payaient la gravure, restaient 46,000 livres, dont 40,000 livres our les frais de planches et d'établissement, et pour les faux frais;
Comment n'avez-vous pas vu qu'un coffibté dtt le cuivre de 360 planches eât porté à 40,000 livrëë, fait revenir la planche à 111 livres 12 sous, tandis que le cuivre en coûte au plus 9? Depuis quarid le cuivre d'une taille douce coûte-t-1! autant que sa gravure assez compliquée?
Suivant vous une planche n'a dû coûter de gravure que 130 livres? et suivant lé eooapte de M. de Lablache elle a dû coûter 344 livres 8 sous
10 deniers. Accordez-vous, Messieurs, sur ce faitj comme sur tant d'autres j accordez-vous surtout :
1° Sur une fabrication d'assignats* qui, fcous tous les rapports, soit irréprochable;
2° Sur une police dans cette fabrication, tellement sévère, exacte et sûre, qti'en ptibllant ses mesures, elle aille au-deVânt dés perfides insinuations des malveillants, et affermisse d'autant mieux la confiance que les assignats méritent;
3° Sur les établissements de comptabilité trop longtemps retardés : ils sont d'autant plus nécessaires, que nous nous sommes mis aU régime des assignats-monnaie ; que le chef du pouvoir exécutif est inviolable, et qu'il faut assurer à la nation une responsabilité personnelle, dont ses représentants puissent être juges, dàniî tons les cas, avec la plus grande facilité?
4° Sur cette vérité : qu'après l'observation exacte delà justice, dont une nation libre ne peut se dispenser en aucun cas, la dette publique à bien plus besoin d'une manutention intelligente et soumise à des décrets conformes au tempSj qué de ces déerets absolus où l'on préjuge ce qUe 1 on ne peut pas connaître, et où l'on semble vouloir enchaîner les événements. Daignez donc vous accorder sur un établissement destiné spécialement à la dette publique, établissement qui, toujours sous les yeux des représentants de la nation, puisse convertir cette partie de l'administration en Une économie, je dirai presque journalière; propre à élever, à maintenir le crédit national; car, soit qu'on en use, soit qu'on n'en use pas, ce crédit doit être indestructible comme la nation même : une nation agricole peut moins qu'une autre, peut-être, se passer du plus grand crédit 11 modère mieux que toute autre mesure l'intérêt de l'argent, et le bas intérêt est ie plus sûr comme le meilleur encouragement de l'agriculture.
Cet établissement est également devenu pliis nécessaire dansle régime des assignats : l'Assemblée nationale a décrété qu'il n'en serait jamais émis pour plus de 1,200 millions. Or, la sommé d'assignats que la circulation péut supporter n'est connue de personne ; personne n'est en état d'é-» tablir les calculs qui la dévoileraient : c'est une affaire d'administration et non de loi; et l'institution que je désire nous en apprend plus chaque jour que toutes les hypothèses qui otit donné lied au décret.
5° Accordez-vous enfin sur vos projets de décrets en finances, de manière qu'ils présentent un enchaînement propre à les affermir, et non I des dispositions anticipées, dont le moindre in-
convénient est de mettre des (disparates entre les fonctions et les salaires, et des contradictions entre les besoins et les ressources.
Et puisque l'administration de nos finances est débarrassée de cette mortelle inaction où je ne sais quel respect d'écolier nous enchaînait, hâtez-vous de vous accorder sur un mouvement vraiment générateur, qui produise un ordre de choses digne enfin du nom d'administration des finances, et qui fasse disparaître ce ténébreux labyrinthe, ce gouffre sans fond, voisin dans plus d'un sens de la rue Vivienne, où tant de coupables et d'ignorants ministres Ont si souvent perdu ou dissipé nos moyens de force et de prospérité.
Qu'avons-nous gagné au changement? est une demande que les ennemis de la Constitution voudraient bien nous préparer; et ils savent trop comment cette question peut naître du désordre des finances, fruit nécessaire d'une comptabilité à laquelle une mauvaise organisation interdisait la sévérité.
Mais pardon, mon cher collègue, si je me suis laissé entraîner un moment au delà du sujet qui m'a fait prendre la plume : je reviens à la fabrication des assignats.
Je vous ai montré que vous vous êtes presque autant éloigné que moi de la véritable dépense des assignats, en supposant que l'exposé de M. de Lablache soit exempt d'erreur. Vous avez dit qu'ils ne coûtaient que 1 sou 8 deniers ; j'ai rapporté le bruit public qui les portait à 10 sous. M. de Lablache les fixe à 4 sous deux cinquièmes de denier; c'est à peu près le terme moyen entre nos deux extrêmes : mais j'ai peur pour le comité qu'un nouvel examen ne produise un. troisième compte qui rendè la critique du mien tout à fait ridicule ; car je ne vois pas que les commis aux chiffres, les commis aux signatures, aux endossements et les divers faux frais soient compris dans le compte donné à l'Assemblée pour fixer son opinion sur la dépense des assignats; et si ce sont là des accessoires, il se pourrait qu'ils ajoutassent plus qu'on ne pense au principal.
Quoi qu'il en soit, je désire que le comité des finances ne persiste pas à vouloir nous donner : 1° des assignats in-4°, ce qui n'est pas très commode ;
2° Des portraits du roi des Français qui ne ressemblent pas à Louis XVI, ce qui n'est pas sans inconvénient, outre l'inutilité de la dépense ;
3° Qu'il consente à ne plus barioler nos assignats à la façon de cette caisse d'escompte qui n'a mis de bon sens à rien, pas même à sa cupidité. Ces vilaines bordures varieront autant que l'on changera de planches, et plus encore, car avec la gravure en taille-douce les épreuves sont notablement différentes les unes des autres par Yusement de la planche, au point même que de cent en cent epreuves il s'efface des traits, et la teinte s'affaiblit; moyen assez sûr de favoriser la falsification.
Je souhaite enfin que le comité des finances prenne en considération les propositions que j'ai été chargé de lui faire, ou toutes autres plus économiques, et qui tendent à nous procurer des assignats moins coûteux, moins faciles à contrefaire et plus commodes pour la circulation.
Vous connaissez, mon cher collègue, tout mon dévouement.
Mirabeau.
a la séance de l'assemblée nationale du
Réponse de M. de Montesquiou à M. de Mirabeau l'aîné, sur la fabrication des assignats.
Il est vrai, mon cher collègue, nous avons été contrariés en fait sur la dépense de la fabrication des assignats, et le désir que j'aurais d'être de votre avis échouera encore contre la vérité; elle ne sait se prêter à aucune conciliation. Vous avez exposé des bruits publics à l'Assemblée nationale. Gomme rapporteur du comité des finances, je devais des éclaircissements, je les ai donnés, et il en est résulté que le bruit public vous avait trompé, que la surveillance du comité n'avait pas besoin d'être stimulée, et que je n'étais tombé dans aucune des erreurs assez graves dont vous me promettez la démonstration.
Vous vous rappelez sans doute que, monté après moi à la tribune, vous recommandâtes, ainsi que je l'avais fait, le choix du papier comme la plus importante des précautions à prendre contre les contrefacteurs. Vous fîtes sentir que la beauté et la perfection de la partie typographique avait aussi leur utilité ; qu'un artiste très habile était au-dessus d'une bassesse; qu'un procédé qui exigeait un grand talent était une véritable sauvegarde. C'est par les mêmes motifs que j'avais proposé à l'Assemblée nationale d'imprimer le buste du roi sur les assignats, et de choisir, pour l'exécuter, un de nos meilleurs graveurs, M. Saint-Aubin. Je ne prétendais pas à l'impossibilité de l'imitation, car aucun procédé de l'art n'est inimitable; mais je disais comme vous qu'il faudrait un très habile homme pour bien copier M. Saint-Aubin, et qu'un grand talent ne se prostituerait jamais ainsi. Je disais que ce serait une grande difficulté de plus ajoutée à beaucoup d'autres, et que, s'il fallait tout à la fois avoir à ses ordres une fabrique de papier, des graveurs de poinçons aussi habiles que Lot-thier, vingt sortes de caractères d'imprimerie, et un copiste du moins passable de M. Saint-Aubin pour exécuter ce qu'il y a de plus difficile en gravure, une tête finement composée, il était à peu près certain qu'on n'en ferait pas la dangereuse entreprise, ou que la friponnerie serait bientôt découverte. J'avais d'ailleurs pensé comme vous sur l'inutilité des ornements et du bariolage des bordures.
Jusque là nous différions peu d'opinion, et je m'en applaudissais, lorsque vous avez passé à la partie économique de la fabrication. Alors j'ai été fort surpris de vous entendre dénoncer à l'Assemblée nationale l'épouvantable abus qui se commettait, au grand scandale du public, dans l'atelier de la gravure des assignats. « Groiriez-vous, Messieurs, avez-vous dit, croiriez-vous qu'un seul ouvrier y gagne oar jour 580 livres. ; qu'il y en a plus de trente dans cet atelier ; que le nombre et peut-être le prix en va être augmenté dans la nouvelle fabrication, et que c'est par millions qu'il faudra compter pour la plus inutile et la plus dangereuse des dépenses, car l'imitation de vos assignats est delaplus effrayante facilité ? »
Je vous observerai en passant, mon cher collègue, que cette dernière phrase serait peut-être indiscrète si elle contenait une vérité, mais que
du moins pour la hasarder, il fallait être bien sûr de votre fait. Vous ne doutez pas du poids de vos paroles; la célébrité a ses devoirs et doit avoir sa pudeur.
Je reprends la partie du calcul. Le comité des finances, chargé de surveiller la fabrication, m'avait nommé l'un de ses commissaires. Les marchés avaient été faits par le ministre des finances : nous avons trouvé juste que celui qui répond de l'emploi des deniers nationaux en demeurât l'ordonnateur ; mais je m'étais trouvé à portée de savoir les prix convenus. J'avais assisté même à la discussion de ces prix, et sachant mieux que personne à quel point votre récit était inexact, je vous devais à vous-mêmes de ne pas vous laisser égarer dans les conséquences d'une majeure absolument fausse. Vous parliez de millions pour la seule gravure, et j'étais sûr que la dépense de la gravure, du papier, de l'impression et des poinçons n'allait pas à 100,000 écus. Je l'affirmai à l'Assemblée, je lui en promis le détail circonstancié et la preuve pour le lendemain ; mais il s'agissait de détruire sur-le-champ votre assertion la plus frappante, qui portait sur un artiste très estimable : vous l'avez accusé hautement de profiter d'un abus criant, tandis que je n'avais vu en lui que zèle et désintéressement. M. de Lablache, l'un des commissaires mes collègues, aussi étonné que moi de ce qu'il venait d'entendre, courut chez M. Saint-Aubin chercher des détails et des preuves. Il rapporta son marché original, je le lus à l'instant même à l'Assemblée, et il lui fut démontré que la dépense de la gravure, la seule qui avait excité vos réclamations, se réduisait à 96,000 livres; que sur cette somme 50,000 francs étaient employés, par un marché particulier, aux frais de l'impression en taille-douce ; que 6,000 livres avaient servi à ceux de l'établissement, et que 40,000 francs étaient attribués au travail de l'artiste qui avait exécuté la gravure de trois cents planches, ce qui les faisait revenir au prix commun de 133 livres 7 sous.
Après avoir articulé positivement, d'après ce calcul, que la gravure des assignats, et non la totalité de leur prix, comme vous voulez le faire entendre, montait environ à 19 deniers pour chacun, je promis à l'Assemblée pour le lendemain le détail du reste de leur dépense ; mais je vous avoue que je suis enchanté d'avoir pu ne pas différer la justification d'un galant homme, et d'avoir rendu la réparation aussi publique et aussi prompte que l'attaque l'avait été.
En sortant de l'Assemblée, j'allai avec M. de Lablache chez tous les coopérateurs, et nous fimes la collecte des différents marchés de papier, d'impression et autres. M. de Lablache se chargea d'acquitter ma parole et d'en rendre compte à l'Assemblée le lendemain. La dépense entière monte à 238,000 livres, au lieu de 242,000 livres, comme vous l'avez extrait d'un journal. Le marché de M. Saint-Aubin se retrouve dans le rapport de M. de Lablache, tel qu'il était la veille dans le mien, nous n'avions aucun besoin de nous concilier; M. de Lablache a dit exactement la même chose que moi, il a seulement donné le complément que j'avais annoncé du compte dont je n'avais rendu que la première partie.
Ge récit est exact, mon cher collègue ; il est clair qu'on vous avait trompé, et que vous aviez dédaigné de vous assurer de la vérité par la moindre information ; mais je vous dois la justice de dire que vous étiez de bien bonne foi ; car,
après ma dénégation formelle de vos assertions, vous m'assurâtes encore que je me trompais, et vous m'offrîtes de parier 100 louis que les assignats coûtaient plus de 1,500,000 francs. Je n'eusse été excusable d'accepter le pari, que dans ces temps dont vous me parlez, où nous autres ci-devant gens de qualité avions coutume de dire que nous n'entendions rien aux affaires.
Il est donc clair que les premiers assignats reviennent à un peu moins de 4 sous, et non pas à plus de 10 sous, comme vous l'aviez assuré; que la gravure ne coûte que 96,000 livres, et non des millions ; que les planches ne coûtent pas 1,200 livres chacune, mais 133 livres 7 sous; qu'une planche, gravée par un artiste distingué, et contenant une tête soignée et l'écu de France, n'est pas chère à 133 livres 7 sous; et que vous devriez donner l'explication de la note, dans laquelle, après être convenu que M. Haz, imprimeur en taille-douce, n'a reçu que 4 livres par cent, au lieu de 6 livres vous ajoutez que les 40 sous excédant ne sont pas perdus pour tout le monde. Que veut dire cette remarque? Souffrez que j'invoque en faveur de M. Saint-Aubin votre équité, votre sévérité même. Pour démasquer une friponnerie, il ne faut pas commencer par masquer la vérité. On vous a dit en termes clairs que le marché de M. Haz avec M. Saint-Aubin était de 50,000 livres. C'est un peu plus de 4 livres le cent, jusqu'à ce prix les douze cent mille assignats ne coûteraient que 48,000 livres. Mais c'est beaucoup moins que 6 livres le cent, puisqu'a-lors cette dépense serait de 72,000 livres.
Voilà, je crois, de suffisantes explications, mon cher collègue, sur un petit détail fort peu intéressant en lui-même, et qui assurément n'était pas digne du temps que vous y avez sacrifié.
Vous désirez des éclaircissements sur la police de la fabrication que nous avons surveillée; rien n'est plus juste; il est utile même de les donner, ils importent à la confiance publique.
Le papier a été fabriqué à Ëuges, près Montar-gis, en présence de MM. Surgy et Desmarets, commissaires du roi. Les paquets ont été scellés par eux et adressés au ministre des finances. C'est dans cet état qu'ils nous ont été remis, avec la facture signée d'eux. Chaque paquet a été ouvert en notre présence, les cachets ont été vérifiés, les feuilles ont été comptées, le procès-verbal en a été fait et signé chaque fois. M. Anisson, directeur de l'imprimerie royale, nous a donné un reçu de tout le papier que nous lui avons délivré. Chaque jour un journal des progrès de l'ouvrage nous a été remis; aucune feuille de papier imprimée n'est sortie de l'imprimerie royale sans un reçu du chef de l'atelier des graveurs. A chaque retour de cet atelier à l'imprimerie royale, un autre reçu a été donné par le directeur ; enfin, à chaque remise à la caisse de l'extraordinaire, le trésorier de cette caisse a donné son récépissé à l'imprimerie royale. Il a fallu que la correspondance entre toutes les pièces fût exacte. Nous avons imposé l'obligation de représenter jusqu'aux chiffons de papier déchiré ou gâté, pour justifier l'emploi de toutes les feuilles de papier délivrées par nous; ainsi je crois que nous n'avons manqué à rien.
Vous me reprochez de n'avoir pas parlé des frais de signature et d'échange à la caisse de l'extraordinaire. Ces frais étant inséparables de toute émission de papier, ces frais étant applicables à vos assignats comme aux nôtres, étant d'ailleurs confondus avec les autres dépenses
d'administration de la caisse de l'extraordinaire, je les ai crus étrangers à notre discussion; mais puisque vous en parlez, je vous dirai que ces frais ont été jusqu'ici beaucoup trop considérables, et que c'est un objet de réforme dont nous nous occupons.
Vous profitez de l'occasion,mon cher collègue, pour rappeler au comité des finances ce que la nation attend de son travail, et vous l'invitez à former l'ensemble d'un plan régénérateur. Je suis entièrement de votre avis, et je n'ai pas manqué, une occasion de ramener sur ce point aux idées simples. Le temps des qualités occultes est heureusement passé; et comment, vous qui n'avez jamais cru aux adeptes, parlez-vous encore de ce ténébreux labyrinthe? N'est-ii pas devenu une promenade publique?
Mais si la science financière a, comme toutes les autres, des éléments fort simples, on en avait tellement compliqué les détails, qu'il n'est pas encore facile de former un tout de cette multitude de parties hétérogènes : la difficulté s'accroît peut-être en raison du nombre des coopérateurs. Leur vigilance est précieuse, leurs lumières sont intéressantes, mais ce sont quelquefois des rayons divergents. Le grand ouvrage que vous sollicitez, cet édifice qui doit poser sur une seule base, est composé de pièces de marqueterie : les grands principes d'économie politique doivent sans doute diriger le système de l'impôt, mais l'impôt lui-même est Subordonné aux besoins annuels du Trésor public. Et comment en déterminer la somme tant que la dépense de l'armée ne sera pas réglée, que celle de la marine sera incertaine, que les frais du culte ne seront pas décrétés, que le nombre des ecclésiastiques pensionnés ne sera pas cortnuv que le sort de la nouvelle magistrature ne sera pas fixé, que les frais des assemblées administratives ne seront pas déterminés? Tous ces objets appartiennent aux différents comités de l'Assemblée; aucun n'a fini son travail, et le comité des finances, dont la fonction devrait être de rassembler tous ces matériaux pour composer l'édifice, ne les a pas encore et se voit forcé d'attendre. Son attente n'est cependant pas oisive; il a même, depuis peu, fait des dispositions intérieures dont l'avantage est sensible. Assez nombreux pour entreprendre et suivre plusieurs objets à la fois, il s'est partagé en quatre sections : l'une surveille les opérations du Trésor public et en prépare l'organisation ; l'autre suit les différentes perceptions et tient le oomple ouvert de toutes les parties qui versent au Trésor public; une autre s'occupe de la liquidation générale, des assignats et de la caisse de l'extraordinaire; une autre enfin s'est chargée du contentieux. Chacune de ces sections travaille tous les jours, et deux fois par semaine une assemblée générale des quatre sections réunit tous les travaux et prépare les décisions.
Si avec cela nous parvenions à avoir une administration active, s'il était possible que le gouvernement nous aidât, l'ordre serait bientôt rétablit; les fruits de la Révolution seraient bientôt en maturité, et les malveillants seraient enfin découragés.
Je vous ai suivi dans vos digressions, mon cher collègue, et, afin de finir comme vous par les assignats; je vous dirai, pour calmer vos sollicitudes, que la gravure en taille-douce sera étrangère à la nouvelle fabrication, qu'à force de recherches et de travail nuus sommes parvenus à l'adapter au procédé de l'impression ordinaire, et qu'il en résultera célérité et économie.
Vous connaissez, mon cher collègue, tout mon dévouement, etc.
Montesqujou.
Séance du
La séance est ouverte à onze du matin»
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier 8 octobre au matin,
, secrétaire, lit le procès-verbal de la séance d'hier au soir.
Ces procès-yerbaux sont adoptés,
Le sieur Rudd^r, peintre, fait hommage à l'Assemblée d'un petit tableau allégorique, représentant le despotisme abattu et la liberté rétablie par les travaux de l'Assemblée nationale.
Cet hommage est agréé; il en sera fait mention honorable au procès-verbal. La miniature est remise à l'archiviste pour être déposée aux archives,
La rédaction de l'article 18 du titre II de l'administration des biens nationaux, telle qu'elle est insérée dans le procès-verbal de la séance du vendredi dernier, au soir, est vicieuse, susceptible de fausses interprétations, contraire, à certains égards, aux décrets précédemment rendus, et opposée même aux intérêts de la na-> tion, c'est pourquoi je demande que l'article 5 soit renvoyé au comité ecclésiastique, pour être rédigé d'une manière conforme aux précédents dê^ crets.
, évêque de Çlermoût. Je puis faire la même observation sur l'article 6 du même décret : je crois qu'il y a lieu de le renvoyer également au comité ecclésiastique.
(Ces renvois sont prononcés.)
J'observe qu'il s'est glissé une erreur dans Je procès-verbal du 22 septembre au soir; à cette séance on a fixé le maximum du traitement pour les religieuses de chœur à 700 livres, et à 350 livres pour les sœurs converses ; cependant le procès-verbal imprimé de cette séance ne porte que 600 livres et 300 livres.
C'est Une simple faute d'impresr sion ; le procès-verbal original porte, comme il le doit, 700 livres et 350 livres : on aura soin de faire rectifier cette erreur sans qu'il soit nécessaire de rendre un décret à cet effet.
Je demande que les trois comités réunis de la marine, diplomatique et militaire se rassemblent ce soir pour délibérer sur différentes pièces relatives aux équipages de l'escadre et aux nouvelles de Brest.
Je crois devoir informer l'As-
Cette affaire grossit à chaque instant ; je pense donc qu'il est essentiel de réunir promptement les Comités pour concerter les mesures à prendre dans ces circonstances urgentes et critiques.
(L'Assemblée décide que lés trois comités se réuniront ce soir,)
demande qu'une affaire concernant deux officiers qui ont été ren-r voyés de la Martinique, et dont le rapport ést prêt, soit mise à l'ordre du jour pour la séance la plus prochaine,
consulte à cette occasion lé vœu de l'Assemblée, pour savoir, si, nonobstant la fêté, on veut l'entendre ce soir, et accorder une séance à cet effet.
(L'Assemblée décide qu'il y aura séance ce soir.)
Je suis chargé, par votre comité des finances, de mettre sous vos yeux le tableau de la dépense totale occasionnée par la fabrication des 400 millions d'assignats- L'achat du papier, 82,0(30 livras; l'impression, 36,OQQ livres; la gravure 96,000 livres; la gravure, des coins et poinçons 24,OQÛlivres. Total238,000 livres.
Messieurs, j'ai aussi à vous faire un rapport de votre comité des finances, concerté avec les commissaires de vos comités d'imposition et d'agriculture, pour la dénonciation d'un genre d'abus qui s'est multiplié jusqu'à l'excès. Je veux parler du contreseing. La correspondance presque entière de Paris passe sous le cachet de l'Assemblée nationale, Ce ne sont plus des paquets, mais des ballots. Le service s'est ralenti dans sa marche, et déjà on a été forcé de doubler les courriers jusqu'à certaines distances* En sept mois, la recette a diminué dé 800,000 francs, et la dépense a augmenté de 200,000 livres. Je ne m'étendrai pas davantage sur ce genre de mal, dont le soupçon ne peut atteindre aucun de vous. C'est pour obvier à cet inconvénient que votre comité des finances vous prp-r pose le décret suivant :
« L'Assemblée nationale décrète :
« Art 1er. Il sera établi un seul bureau de contre-seing et
d'expédition près l'Assemblée nationale.
« Art. 2. Ce bureau sera surveillé particulièrement par les quatre inspecteurs dès secrétariatsj
« Art. 3. Il sera composé du nombre de commis, de cacbeteurs et de garçons de bureau que les inspecteurs jugeront nécessaire,
* Art, 4. L'écriture des commis sera remise à la poste pour servir de comparaison. Les garçons de bureau y seront connus, et leur nom y sera enregistré.
« Art. 5, Il sera fait de nouveaux cachets qui seront numérotés et qui contiendront un point secret qui ne sera connu que de l'administration des postes, qui fera faire et fournira ces cachets.
« Art. 6. Les députés seront tenus de faire contresigner eux-mêmes les paquets, des mot3: Assemblée nationale, par lés commis proposés à cet effet, et il n'y aura de franchise que pour les paquets contre-signés dans le bureau d'expédition de l'Assemblée nationale* et portés à l'hôtel des postes pàr les garçons de bureau;
« Art. 7. En conséquence* tous paquets même
contresignés Assemblés nationale, et cachetés de son sceau, qui seraient mis dans les j)oîteg particulières ou envoyés à l'hôtel des postes, autrement qu'il vient d'être expliqué, seront taxés^
« Art. 8. Les paquets ne 'doivent contenir que dés papiers écrits et imprimés relatifs aux affai-ré? de ('Assemblée, ow correspondances directes des députés ; mais aucun livre relié, ni aucun autre ohjet étranger,
« Art. 9. Là franchise des lettres pour l'arrivée sera restreinte à celles qui seront adressés au président de l'Assemblée nationale, aux six secrétaires, aux présidents de chaque comité et de chaque section, ainsi qu'aux députations collectives et à l'archiviste.
« Art,, 10- Le règlement en forme de lettre adressé par le premier ministre dés finances, de la part du roi, aux administrations de département, en date du 16 juillet 1790, qui fixe l@ mode de franchise et des contreseings respectifs dans leurs arrondissements, 9era exécuté provisoirement, gejpn sa forme et teneur, jusqu'au premier janvier 1792, terme de l'expiration du bail ac^ tuel des postes.
« Art. II. Le Président se retirera dans le jour par devers le roi, pour présenter à sa sanction le présent décret, et supplier Sa Majesté de vouloir bien, conformément à l'article 6 du décret sur les postes et messageries du 22 août et jours suivants, sanctionné par Elïè le 29 du même mois, faire incessamment le choix du président et dés quatre admnistrateurs qui doivent composer le directoire des postes, à l'époque du premier jan* vier mil sept cent quatre-vingt douze; » (Ce projet de décret est adopté.)
, autre rapporteur du comité des finantès, expose qu'il est nécessaire de déterminer 1e mode de recouvrement des décimes et dons gratuits et de fixer dans quelles caisses les sommes doivent être versées. Il propose un projet de décret qui est adopté en ces termes : « L'Assemblée nationale décrète ce qui suit
i « Art. ler. Chaque directoire de département sd fera
remettre, dans le courant du présent mois, par lës anciens receveurs des décimes et dons
gratuits, domiciliés dans l'étendue du département, des états certifiés d'eux contenant les
noms des ecclésiastiques compris dans les rôles de l'année 1789, qui n'ont point acquitté
leurs décimes et dons gratuits de ladite année et années antérieures, et les sommes dont ils
sont rede~ vables.
v Art. 2. Le direotoire en fera passer une copie collationnée par le procureur général syndic, et signée de lui, au receveur du district dans l'arrondissement duquel se trouvait l'ancien receveur des décimes et dons gratuits, pour en suivre le recouvrement et le verser dans la caisse du trésorier de l'extraordinaire.
« Art. 3. Un autre double, également colla-tionné et signé du procureur général syndic, sera remis au trésorier de la caisse de l'extraordinaire, pour qu'il puisse faire rentrer dans sa caisse les sommes provenant de ce recouvrement, et en rendre compte à l'Assemblée nationale.
Un membre expose les inconvénients et les riSqUes du transport des assignats par la poste; que dès paquets qui en contenaient ont été perdus ou égarés et ne sont point parvenus à leur déètittatioh j qu'on parle déjà d ude compagnie prête à s'établir à Paris pour assurer Ce risque SU I moyen d'une prime. Il demande qu'on s'occupe
des mesures propres à garantir la circulation, de cet inconvénient, et que cette proposition soit renvoyée à l'examen des commissaires réunis des trois comités des finances, des impositions et d'agriculture et de commerce, chargés du travail relatif aux postes et messageries, pour en faire leur rapport à l'Assemblée le plus tôt possible.
(Cette proposition est mise aux voix et décrétée.)
L'ordre du jour est la suite de la discussion sur le mode de remplacement de la gabelle.
, rapporteur, donne lecture de l'article 3.
demande que le remplacement de l'impôt de la gabelle soit diminué et réduit sur le pied d'une année seulement pour les provinces qui ont joui les premières de la cessation de l'impôt et proportionnellement pour les autres.
Cet amendement est écarte par la question préalable.
Les articles 3, 4, 5 et 6 sont ensuite décrétés en ces termes :
Art. 3.
« L'indemnité pour la suppression des gabelles courra, savoir:
« Dans les pays de grandes gabelles et quart bouillon:
« Pour les greniers dépendant de la direction d'Aleoçon, à raison de seize mois de remplacement, à compter du premier septembre 1789.
« Pour ceux de la direction d'Amiens, à raison de dix-sept mois, à compter du premier août 1789.
« Pour ceux de la direction d'Angers, à raison de dix-sept mois, à compter du premier août 1789.
« Pour ceux de la direction de Caen, à raison de quinze mois, à compter du premier octobre 1789.
« Pour ceux de la direction de Châteauroux, à raison de quatorze mois, à compter du premier novembre 1789.
« Pour ceux de la direction de Châlons-sur-Marne, à raison de onze mois, à compter du premier février 1790.
« Pour ceux de la direction de Charleville, à raison de neuf mois seulement, à compter du premier avril 1790.
« Pour ceux de la direction de Châlons-sur-Sàône, à raison de neuf mois seulement, à compter du premier avril 1790.
« Pour ceux de la direction de Dijon, à raison de neuf mois seulement, à compter du premier avril 1790.
« Pour ceux de la direction de Langres, à raison de neuf mois seulement, à compter du premier avril 1790.
« Pour ceux de la direction de Laval, à raison de dix-sept mois, à compter du premier août 1789.
Pour ceux de la direction du Mans, à raison de dix-sept mois, à compter du premier août 1789.
« Pour ceux de la direction de Moulins, à raison de onze mois, à compter du premier février 1789.
« Pour ceux de la direction d'Orléans, à raison de treize mois, à compter du premier décembre 1789.
Pour le grenier de la ville de Paris, à raison de douze mois, à compter du lep janvier 1790.
« Pour les greniers dépendant du contrôle de Beauvais, direction de Paris, à raison de quinze mois, à compter du premier octobre 1789.
« Pour ceux du contrôle de Meaux, direction de Paris, à raison de quinze mois, à compter du premier octobre 1789.
« Pour ceux du contrôle de Sens, direction de Paris, à raison de douze mois, à compter du premier janvier 1790.
« Pour ceux de la direction de Rouen, à raison de treize mois, à compter du premier décembre 1789.
« Pour ceux de la direction de Saint-Quentin, à raison de dix-sept mois, à compter du premier août 1789.
« Pour ceux de la direction de Soissons, à raison de quinze mois, à compter du premier octobre 1789.
« Et enfin, pour la direction de Tours, à raison de seize mois, à compter du premier septembre 1789.
« Dans les provinces de petites gabelles, le remplacement ne sera fait sur l'arrondissement des directions de Lyon, Montbrison, Grenoble, Valence, Marseille, Toulon, Montpellier, Toulouse, Viilefranche-de-Rouergue et Narbonne, pour la partie dépendant de l'ancienne province de .Languedoc, qu'à raison de neuf mois, à compter du premier avril 1790 ; et pour la partie de la direction de Narbonne, qui comprenait l'ancienne province de Roussillon, à raison de dix-sept mois, à compter du premier août 1789.
« Et enfin, dans les pays de gabelles locales, le remplacement sera fait à raison de douze mois, à compter du premier janvier 1790, pour les communautés qui s'approvisionnaient aux greniers de Lunéville, Mirecourt, Nancy, Neuf-château, Saint-Diez, Arnay et Bar-le-Duc.
« A raison de neuf mois seulement, à compter du premier avril 1790, pour celles de l'arrondissement de Dieuze.
« A raison de quinze mois, à compter du premier octobre 1789, pour les autres communautés des anciennes provinces de Lorraine, des Trois-Evéchés et du Clormontois.
« A raison de neuf mois seulement, à compter du premier avril 1790, pour celles d'Alsace et de Franche-Comté :
« Sauf, pour chaque département, chaque district et chaque communauté, en tout pays de gabelles les sommes que l'on justifierait avoir payées depuis l'époque indiquée, au grenier de son arrondissement, lesquelles seront passées en moins-imposé et attribuées dans chaque communauté aux contribuables qui justifieront avoir pris le sel au grenier; duquel moins imposé les fonds seront pris d'abord sur le produit des seconds cahiers de vingtièmes, et, s'il ne suffisait pas, sur le produit général de l'imposition.
^ De tous lesquels contingents ainsi réglés, le total devra être versé net au Trésor national. »
Art. 4.
« Les villes des départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin ne seront point comprises dans la répartition del'impôt de remplacement pour celui qui avait lieu à la fabrication des amidons ; elles
continueront d'acquitter leur abonnement comme par le passé ; et le montant dudit abonnement sera soustrait des sept cent cinquante mille livres à imposer pour neuf mois sur toutes les villes du royaume, à raison de la suppression des droits sur les amidons.
Art. 5.
« A mesure que les seconds cahiers contenant les nouveaux articles des vingtièmes seront rédigés et vérifiés par communautés, les propriétaires compris auxdits seconds cahiers seront tenus de supporter une somme additionnelle, dont le taux sera le même que celui qui aura été supporté par les propriétaires compris dans les
{iremiers cahiers des rôles des vingtièmes; de aquelle somme additionnelle le produit sera employé :
« 1° A acquitter les taxations des collecteurs, receveurs particuliers et receveurs ou trésoriers généraux des finances, sur le pied de six deniers pour livre au total, lesquels seront partagés ainsi qu'il suit : quatre deniers aux collecteurs, un denier au receveur particulier et un denier au receveur ou trésorier général ;
« 2° A faire face aux décharges et réductions qui auront lieu nécessairement sur les cotes des contribuables dans les différentes impositions de remplacement, à raison des décharges et réductions que ces contribuables auraient obtenues ou pourraient obtenir, pour cause de calamité, sur les impositions ordinaires qui auront servi de base à ladite contribution ;
« 3° Pour subvenir au moins-imposé que quelques départements ou districts pourraient être bien fondés à réclamer relativement aux circonstances locales où ils se trouvaient quant à l'impôt des gabelles ;
« 4° Enfin, à être employé en moins imposé général sur les impositions de tout le royaume pour l'année 1791, pour le surplus dudit produit additionnel au second cahier des vingtièmes, s'il en reste après qu'il aura rempli les trois destinations ci-dessus indiquées.
Art. 6.
« Les directoires de département et de district et les municipalités de villes seront tenus de vaquer, sans délai, à l'exécution du décret du 22 mars, concernant la contribution des villes aux diverses impositions de remplacement ordonnées par ledit décret du 22 mars et par le présent décret.
« Seront pareillement tenus les directoires de district de faire former, sans délai, d'après les minutes des rôles des impositions ordinaires, et du premier cahier des vingtièmes, en vertu des mandements qui seront expédiés, pour chaque municipalité, par le directoire de département, un rôle particulier pour le dit remplacement, en tête duquel seront marquées les sommes pour lesquelles la communauté sera imposée, à raison de chacune desdites impositions de remplacement ; et le total de ces différentes impositions formera la somme unique partagée dans le rôle entre les différentes cotes: de sorte que lesdites impositions ordinaires étant réparties par chaque municipalité, la répartition desdits remplacements, quoique faite, pour plus de célérité, par le directoire du district, sera pareillement et
essentiellement l'ouvrage de chaque municipalité qui en aura réglé la distribution, en déterminant celles de l'imposition ordinaire. »
(de Nemours), rapporteur, donne lecture du second projet de décret qui est adopté ainsi qu'il suit :
DEUXIÈME DÉCRET.
« L'Assemblée nationale, pour favoriser le commerce des cuirs et autres peaux, des fers, des huiles et savons fabriqués dans les départements de frontières ou autres qui sont encore séparés par des barrières du reste du royaume, a décrété et décrète que, sur l'ordonnance des directoires de départements, les directoires de districts constateront la quantité des cuirs et peaux, de fers et d'huiles ou savons fabriqués dahs les ateliers, moulins et usines du département; et que, sur l'avis desdits directoires de district, il pourra être expédié, par les directoires de département, des passeports à chaque entrepreneur ou fabricant, pour faire entrer dans les départements de l'intérieur du royaume, en exemption des droits, lesdites marchandises fabriquées dans lesdits départements et districts.
, rapporteur, lit le troisième décret.
Je demande qu'on ajoute à la fin ces mots : sauf l'exécution des abonnements qui auraient eu lieu précédemment pour quelques lieux ou cantons. »
Cet amendement, consenti par le rapporteur, est adopté.
Le décret est ensuite rendu ainsi qu'il suit :
TROISIÈME DÉCRET.
« Sur ce qui a été représenté à l'Assemblée nationale, qu'il s'était élevé des difficultés au sujet du payement des droits qui étaient dus pour les cuirs et peaux fabriqués, et pour ceux qui étaient en charge avant le premier avril, date de la suppression du droit démarqué des cuirs, l'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité des finances, a déclaré et déclare que le délai pour le payement des droits dus par ies cuirs et peaux qui avaient reçu la marque de perception avant le premier avril, est expiré le premier juillet, et que ce qui était dû pour ces droits doit être acquitté sans délai.
c Et quant aux cuirs et peaux qui n'avaient été que marqués de charge, et pour lesquels l'Assemblée a ordonné, par son décret du 22 mars, qu'il serait payé en douze mois une contribution réglée sur un taux moyen et modéré, l'Assemblée nationale en a fixé le tarif sur le pied de : « 5 livres 8 sous par cuir de bœuf : « 2 livres 14 sous par cuir de vache : « 2 livres 10 sous par cuir de cheval ou de mulet;
« 16 sous par cuir d'âne ou de cerf : v 5 livres 8 sous par douzaine de peaux de veau, de daim, de chevreuil et de chamois, sur le pied de 9 sous par peau :
« 6 livres par douzaine de peaux de bouc et de chèvre, sur le pied de 10 sous par peau, et 2 livres 5 sous par douzaine de peaux de moutons
OU de brebiS, sur le pied de 3 sous 9 deniers par ï>eaU :
* 18 sous par douzaine de peaUi d'àgtieau, de chevreau et de chien, à raison d'un soq 6 deniers paV péail.
« Desquels droits qUi devront êtfe acquittés par douzièmes, de mois en mois, confdrmétheht audit décret du 22 mars, le premier terme est échu à compter du Ier août, et les autres devront être payés successivement dé mois en mois, en telle sorte que la totalité soit soldée le 1er août 1791, sauf l'exécution des abonnements qui auraient eu lieu précédemment pour quelques lieux ou cantons. »
rapporteur, lit le quatrième et dernier projet de décret.
demande ia division du minerai et des gueuses* ctest-à-dire que l'article soit décrété relativement au minerai et ajourné relativement aux gueuses de fer.
adopte la division et l'amendement.
En conséquence, le décret est rendu en ces termes :
QUATRIÈME DÉCRET.
« L'Assemblée nationale a décrété et décrète que les droits sur le minerai de fer, venant de l'étranger, seront modérés à moitié, et que ceux sur les fers en barre, en lame, en tôle et sur les ôdvrâges de fer et d'acier continueront d'être frefgùs, conformément à son décret dii 22 mars, i
annonce t^lie l'Assemblée va se retirer dans ses bureaux pour procéder à l'é-lecilori d)uk président et de trois secrétaires comme aussi pour remplacer un membre du comité d'aliénation des biens nationaux, et pour choisir huit noilVeattX membres adjoints à ce comité.
La séance est levée à 2 heures.
Séance du
La séance est ouverte à six heures du soir.
fait donner lecture des adresses Shivantes :
Adressé des municipalités et gardes nationales des deux paroisses de Saint-Denis-eh Val et Saint-Jèdn-re-Blane, près Orléans.
Élles Mposent qû'elles ont lu, avec autant de surprise que dè doulekih le IréCit fait dans la séance du 13 septembre; jue ceux qui y ont donné Heu et qU'êllès désireraient connaître, ôiit cruellement trompé celui des membres de cette Assemblée, auquél ils se sbnt adressés en lui communiquant lés plus fausses et les plus injustes alarmes.
Elles ajoutent enfin qu'elles n'ont cessé de donner des p.rêbVeë dé leùr patriotisme, et
qu'elles
Adrësse de félicitatioti, adhésion et dévoilement du côuSeil d'administration du district de la Tour-du-Pin, département de l'Isère.
Adresse de la municipalité et de la garde nationale de Gannat, qui annonce qu'elles ont fait célébrer un service solennel à l'honneur des gardes nationales qui ont péri danS la malheureuse affaire de N^nçy. Elles expriment le désir de se rendre dignes des grands exemples de vehu ét dé patriotisme q lie Yienhènt de donnér, à toute la France, lës citoyens-soldats et les soldats-ci tbyens qui oht scellé de leur sang leur sermënt civique.
Adressé des électeurs du district d'Auxerre, assemblés pour ia nomination des juges, qui, avant de se séparer, offrent à l'Assemblée l'hdm-mage de leur vénération, de leur dévouement et de leur soumission à ses décrets : « En établissant, « disent-ils, le siège nouveau des lois sur les rui-« nés de l'àhcien, notrè bonheur à été de ne trouver « aucun des magistrats qui composaient le çi-« devant bailliage d'Auxerre, indigne de tenir la * balahce de la jUstfce : et le regreldë n'avoir pu « Conserver tous ceux quë la vertu nous indiquait, « est deveriu la récompense de leurs travaux et de « leur intégrité. »
* à propos de l'adresse desmuniçi-alités et gardes nationales des deux paroisses de aipi-I)enis-en-Và| et Saint-Jean-le-Blanc,. près d Orléans, dit que les craintes qui ont été conçues contre quelques habitants des campagnes des environs d'Orléans, sans détermination, sont sans aucune espèce defondement, ët que les faits prouvent que top les habitants des paroisses voisines de cette ville ont eu constamment les Intentions les plus pures et les plus patriotiques.
annonce l'élection de son successeur à la Présidence dè l'Assemblée, et dit que, par le résultat du scrutin, M. Merlin a eu la majorité des voix.
Sur 400 votants, M. Merlin a obtenu 233 suffrages et M. de Bonnay 15&i
Lordre du jour est Vaffaire de la Martinique.
fait donner lecture d'une lettre des députésde Saint-Pierre qui demandent un ajournement de dëux jours afin de leur permettre de faire distribuer leur mémoire aiusique les pièces qu'ils veulent produire à l'appui i
Après quelques observations cëtte affaire est renvoyée à la séance de mardi soir.
, rapporteur du càrnité des finances, prése n te un proi et de décret tendant à établir un comité contentieux provisoire, qqj est adopté en ces termes:
«L'Assemblée nationale décrète qu'il sera nommé, par les membres du directoire de département et dansle seinmêmedu directoire, trois commissaires pour former un comité contentieux provisoire, lequel, jusqu'au moment où les juges de district seront en activité, connaîtra, sur la réquisition du fermier ou du redevable, après avoir ouï le procureur générai syndic, du contentieux de celles des impositions iÛdiréctes et autfeÊ parties de service ou d'âdmirtiètl-âtion, dont la connaissance avait été attribuée aux Commissaires départis; et feront au surpjuà les procès cnmïnèlë relatifs atix droM dont là feôntiàis-
sàncé appartenait aux Commissaires départis portés par devant les juges ordinaires. »
Je dois annoncer à l'Assemblée qbe la transcription dti décret concernant les nouveaux tribunaux a été faite avec le plus grand ordre par la chambre des Vacations du parlement de Pau. Le peuple était présent; les magistrats, après l'âvoir invité à la tranquillité, à la paix, et surtout à l'obéissance aux décrets de l'Assemblée nationale, se sont retirés sans faire aucune réserve.
(L'Assemblée applaudit.)
Plusieurs membres demandent si M. Darnaudat a èntre les mains l'acte de transcription de ces magistrats, atin d'en faire mention au procès-verbal.
(Cet acte n'est pas présenté.)
, rapporteur du comité des finances, demande que le projet de décret relatif à l'indemnité à allouer à la caisse dïescompte, qui est à l'ordre du jour, soit mis immédiatement à la discussion (1).
Cette affaire serait plus convenablement traitée dans une séance du matin.
Les séances du matin sont suffisamment chargées poUr que les objets d'un intérêt secondaire soient discutés dans celles du soir.
(L'Assemblée, consultée, ouvre la discussion immédiate.)
, rapporteur, propose son projet de décret tendant à faire ordonner qu'il sera payé à la caisse d'escompte la somme de 4,334,407 livres 12 sous 7 deniers pour solde de son compte; qu'elle versera dans le Trésor national 2,361,000 livres qui lui restent en écus, pour soide des matières qu'elle a fait acheter pour le compte de la nation, et qu'elle recevra en échange, et pour la même somme, des assignats auxquels sera seulement ajouté l'intérêt acquis aux assignats le premier juillet dernier, jour auquel est échue la solde qui revient à la caisse d'escompte.
débat le compte de la caisse et soutient qu'il faut soustraire :
1° 625,000 livres écartées mal à propos des bénéfices de caisse;
2° 1,300,000 livrés pour assignations qu'elle a négociées;
3° Une partie de l'intérêt des 70,000,000 livres qu'elle a en caisse, lequel intérêt ne doit courir, pour les objets qui n'étaient pas échus au premier janvier 1790, qu'à compter du jour de leur échéance.
cherche à son t. tour à prouver combien peu les demandes de la caisse d'escompte sont fondées et propose d'ajouter de nouvelles réductions à celles de M. Camus.
rappelle en quelques mots les services rendus à la nation par la caisse d'escompte ;
Plusieurs membres sont encore entendus.
L'Assemblée ferme la discussion et rend le décret suivant :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des finances, sur le compte de clerc à maître présenté par la caisse d'escompte, conformément au décret du 4 juin dernier; considérant que le crédit ou répétition de la caisse montaht à 5,283,971 livres 11 sous 9 deniers, est composé des trois articles ci-après; savoir : 1° de 2,877,807 liv. 10 sous 4 den., pour frais et pertes qu'elle justifie avoir faits dans l'achat, importation et conversion en écus de 33,097,400 livres de matières et d'espèces; 2° de 306,164 liv. 2 sous 5 den. pour ses frais d'administration depuis le premier janvier 1790 jusqu'au premier juillet suivant; 3° de 2,100,000 li* vres pour intérêt à 6 0/0 par jm, et pendant six mois, du capital de 70 millions qu'elle a employés au service public : considérant, d'un autre Côté, que ce débit de ladite caisse s'éle-vant à 1,574,563 liv. 19 sous 2 den. embrasse les compensations, réductions et reiets suivants : 1° celle de 592,741 liv. 8 sous 9 den. pour escompte obtenu par la caisse pendant le semestre dernier ; 2° 6,822 liv. 10 sous 5 den. pour erreurs relevées sur son compte de frais d'admihistrâtion pendant la durée dudit semestre; 3° enfin, de 350,000 livres pour réduction à 5 0/0 par an, pendant six mois, de l'intérêt porté par elle à 6 0/0 sur son capital de 70 millions i 4° de 625,000 livres, pour reste de cet article porté en dépense dans le compte de profits et pertes produits par la caisse d'escompte, et énoncé pour retenue sur les bénéfices du semestre au profit des porteurs de reconnaissance du prêt de 2b millions, comme entièrement étranger au compte actuel ;
« Considérant, enfin, que de la soustraction de ces quatre derniers articles, il résulte ea faveur de la caisse d'escompte une solde de 3,709,407 liv. 12 sous 7 den., décrète ce qui suit :
Art. 1er'.
« L'Assemblée nationale autorise le directeur du Trésor public à payer à la caisse d'escompte la somme de 3,709,407 liv. 12 sous 7 den. pour solde de son compte de clerc à maître, avec le Trésor public, depuis le 1er janvier 1790 jusqu'au 1er juin suivant, conformément au détail ci-dessus.
Art. 2.
« La caisse d'escompte versera dans le Trésor public 2,361,900 livres qui lui restent en écds, pour solde des matières qu'elle a fait acheter pour le compte de la nation ; tant pour cette somme que pour celle énoncée en l'article 1er, il lui sera remis des assignats auxquels sera seulement ajouté
l'intérêt requis auxdits assignats le 1er juillet dernier, jour auquel est échue la solde qui revient à ladite caisse d'escompte.
Art. 3.
« A l'égard de la partie des billets nationaux
3ue la caisse d'escompte peut avoir négociés
'après la remise qui lui en a été faite en vertu du décret du 19 décembre dernier, elle sera tenue d'en présenter incessamment l'état, et il sera fait déduction du montant dudit état sur les cent soixante-dix millions de ses billets qui doivent lui être remis ; moyennant quoi le remboursement desdits billets nationaux par elle négociés demeurera à la charge de la nation. »
Il serait à propos que le comité des finances vérifiât s'il n'y a pas une addition à faire à la recette du compte des mois de mai et juin derniers qui a été remis par le directeur du Trésor public, ladite addition résultant de l'intérêt des billets portant promesse d'assignats remis au Trésor public postérieurement au 15 avril dernier, époque à compter de laquelle l'intérêt desdits billets a commencé d'avoir cours.
(Cette proposition est adoptée et l'Assemblée charge son comité des finances de faire la vérification proposée.)
L'ordre du jour est un rapport du comité-des recherches sur les troubles survenus à Niort au sujet du prix des grains.
, rapporteur. Messieurs, une insurrection alarmante s'est manifestée dans la ville de Niort, le 5 du mois dernier, à l'occasion de la circulation des grains. A huit heures du matin, le peuple s'attroupa tumultueusement devant l'hôtel-de-ville et demanda à grands cris la taxe du blé; les représentations des officiers municipaux furent inutiles ; la violence du peuple ne fit que s'accroître; il assaillit les gardes nationaux qui étaient à l'hôtel-de-ville, arracha et brisa leurs armes, entra en foule dans la salle, menaça les magistrats et fit sonner le tocsin. Quelques officiers municipaux sortirent et furent prévenir le directoire du département, qui conseilla de faire publier la loi martiale ; mais, pendant ce temps, les gardes nationaux placés à la halle furent aussi désarmés, maltraités et mis eu fuite, quelques-uns blessés. Les olficiers municipaux, à leur retour, furent poursuivis à coups de pierres ; plusieurs en furent atteints et ne se retirèrent chez eux qu'au péril de leur vie. Enfin, le régiment de Royal-Lorraine, requis par la municipalité, parut en armes, et, par sa prudence et sa fermeté, dissipa l'attroupement sans effusion de sang.
On croyait le calme rétabli ; mais ia municipalité s'étant rassemblée l'après-midi avec le conseil de la commune et le commandant des troupes, il se forma de nouveaux attroupements plus nombreux et plus menaçants; point de patrouilles sous les armes, ni sentinelles à la porte. La fermentation était si grande et le peuple si furieux que, pour éviter de plus grands malheurs, la municipalité, le conseil de la commune et le commandant jugèrent qu'il fallait céder à la violence, et taxer le blé, suivant le désir du peuple, à un tiers environ au-dessous du prix courant.
Le maire fut entraîné par le peuple vers le trompette de la ville ; conduit comme en triomphe
dans les rues, et obligé de faire proclamer lui-même l'arrêté de la municipalité qui taxait les grains.
Le directoire du département instruit de ces faits prit un arrêté qui annulait celui de la municipalité ; mais les circonstances ne permirent pas de le rendre public. Le peuple se porta en roule au lieu de ses séances, et les administrateurs furent obligés de se séparer pour mettre leurs jours en sûreté.
Depuis on a réuni, un jour de marché, les brigades des maréchaussées voisines au régiment de Royal-Lorraine et aux gardes nationaux. La municipalité a retiré son arrêté sur la taxe des grains, et fait proclamer vos décrets sur la libre circulation. L'appareil de la force publique en imposa aux mal intentionnés et le calme a paru rétabli.
Mais il régne encore une fermentation dangereuse parmi le peuple, et il est à craindre que l'insurrection ne tarde pas à éclater de nouveau si l'on n'impose par un exemple prompt et par la punition des coupables. Le directoire du département le sollicite vivement et demande aveq instance que le jugement en dernier ressort de cette affaire, pour raisoh de laquelle il y a déjà eu des informations commencées devant le lieutenant criminel de Niort, soit attribué au tribunal le plus voisin, qui est celui de Fontenay-le-Comte. On assure d'ailleurs que des agents secrets ont excité le peuple et distribué de l'argent pour le soulever.
Votre comité a en conséquence l'honneur de vous proposer le décret suivant :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des recherches, décrète que le tribunal de Fontenay-le-Comte sera autorisé à juger en dernier ressort, au nombre de sept juges, sur les derniers errements de la procédure commencée devant le lieutenant criminel de la Ville de Niort, les auteurs, instigateurs et complices de l'insurrection qui a eu lieu dans ladite ville de Niort les 2 et 5 septembre dernier ; charge en conséquence son président de se retirer par devers le roi, pour le le prier de donner les ordres nécessaires pour l'exécution du présent décret. »
(Ce projet de décret est adopté.)
Voici le résultat du scrutin pour la nomination de trois secrétaires de l'Assemblée en remplacement de MM. l'abbé Bourdon, Goupilleau et Vieillard (de Saint-LÔ), secrétaires sortants. La majorité des suffrages a été en faveur de MM. Durand de Maillane, Charles Regnault (de Nancy) et Boullé.
Les neuf commissaires adjoints au comité d'aliénation des biens nationaux sont :
MM. Poignot, — Creuzé, — Viguier, — Pou-geard, — Maréchal, — Prévôt, — Salicetti, — Fis-Bon-Jaubert, — Gamus.
(La séance est levée à neuf heures et demie du soir.)
Séance du
La séance est ouverte à onze heures du matin.
fait donner lecture de deux adresses:
L'une est du sieur Lombard, par laquelle il fait hommage à l'Assemblée nationale des différents ouvrages qu'il a publiés pour l'instruction de ses élèves dans l'art de guérir, et surtout de celui qui est actuellement sous presse, sur la maladie syphilitique ;
L'autre est présentée par les élèves du cours gratuit de langue anglaise, par laquelle ils offrent à l'Assemblée la traduction en anglais des droits de l'homme et du citoyen.
, président, avant de céder le fauteuil à son successeur, dit:
« Messieurs, je ne dois pas suspendre le cours de vos travaux pour vous parler de ma vive reconnaissance ; il est impossible que vous en doutiez.
« Je cède à un collègue distingué par des connaissances étendues et par de grands services, une place presque aussi difficile qu'elle est honorable.
« Votre juste confiance est fondée aujourd'hui sur tout ce qui est capable d'en inspirer.
« Vous ne pouviez attendre de ma part que zèle et droiture ; je ne vous avais promis qu'un dévouement sans bornes à cette volonté générale dont vous me constituiez l'organe.
« Je m'estime très heureux, Messieurs, si vous pensez que je n'ai ni trompé votre attente, ni manqué à ma promesse. »
, nouveau président, prend le fauteuil et prononce le discours qui suit :
Il a été un temps, il n'est pas encore éloigné, où, même parmi les hommes moins asservis aux préjugés de l'ancien régime, les talents seuls et les talents les plus distingués obtenaient des applaudissements et des honneurs ; mais aujourd'hui que tous les citoyens sont redevenus ce qu'ils étaient par la loi sacrée et imprescriptible de la nature, égaux en droits et fiers, vous voulez qu'un zèle ardent et pur pour la chose publique ait aussi sa récompense : c'est le zèle que vous récompensez aujourd'hui d'une manière si flatteuse, et, je le répète, si étonnante pour moi. Mais, Messieurs, si ce zèle m'a suffi pour mériter votre approbation et vos bontés, il ne me suffira pas pour remplir dignement une place que tant de grands exemples ont rendu redoutable à ma faiblesse ; et puisque votre in-
dulgence m'y élève, que votre indulgence daigne m'y soutenir; qu'un grand et majestueux calme accompagne vos délibérations; qu'un même esprit vous dirige dans le reste de votre glorieuse carrière; qu'un même sentiment vous porte rapidement au terme si désiré de vos travaux, et surtout qu'une réunion franche et intime fasse disparaître du milieu des amis de la liberté, jusqu'aux dernières traces de cette fatale division qui, naguères, alarmait la patrie, et faisait briller sur le front de ses ennemis les sinistres rayons d'une joie coupable ; alors, Messieurs, ma reconnaissance, déjà sans bornes, ne trouvera plus d'expressions pour l'énoncer : mais l'Etat sera sauvé, la nation sera à jamais libre, à jamais heureuse, et nous songerons bien moins à parler qu'à jouir ».
(L'Assemblée vote des remercîmentsà M. Emmery.)
demande et obtient un congé d'un mois pour affaires très pressantes.
L'ordre du jour est un rapport du comité d'aliénation sur les conditions nécessaires pour rendre efficaces les soumissions d'acquérir des biens nationaux, faites par les municipalités.
, rapporteur, donne lecture de son rapport sur les ventes aux municipalités (1). Il est ainsi conçu :
Vous désirez, Messieurs, et votre comité de l'aliénation ne désire pas moins vivement que vous, donner la plus grande activité, le mouvement le plus rapide à la vente des domaines nationaux. C'est l'objet constant de ses méditations et de ses efforts.
Votre comité de l'aliénation ne désespère pas de parvenir à en abréger les délais, à en simplifier les formes. Sous peu de jours il vous présentera ses vues sur ce point. Mais ce n'est pas ce dont il a aujourd'hui à vous entretenir; il ne vous parlera en ce moment que de ce qui concerne les ventes aux municipalités. Le. décret qu'il vient solliciter de votre sagesse n'a pour objet que de régler définitivement, que de compléter en quelque sorte cette partie importante ae l'opération.
Le 16 juillet votre comité vous a exposé que les soumissions des municipalités excédaient déjà de beaucoup les 400 millions auxquels,vous avez sagement borné l'aliénation en faveur des municipalités.
Il vous observait en même temps qu'un certain nombre des municipalités avait satisfait à vos décrets et envoyé la désignation des biens qu'elles voulaient acquérir, mais que plusieurs s'étaient contentées d'énoncer vaguement le désir d'acheter les biens siiués dans un tel arrondissement, et que beaucoup d'autres avaient seulement offert une somme sans désigner aucun objet.
Dans ces circonstances l'Assemblée nationale a statué : 1° Qu'il serait passé outre aux ventes et rendu aussitôt après les opérations préalables et nécessaires, des décrets translatifs de propriété en faveur des municipalités qui avaient fait des soumissions avec désignation spéciale des objets de leurs demandes ;
2° Que celles des municipalités qui n'avaient
3° Que les municipalités qui n'avaient pas formé de demandes pourraient encore faire leurs soumissions dans les mêmes formes et les mêmés délais ;
4° Enfinj que le 1er octobre votre comité de l'aliénation vous rendrait compte du tout et vous mettrait en état de statuer définitivement sur l'exécution complète de l'aliébation aux municipalités;
Vous avëe donc aujourd'hui, Messieurs, à fixer irrévocablement leur serti
Il en est qui ont profité de l'avertissement et qui ont fait passer au comité, avànt le 15 septembre, la désignation des objets qu'elles Veulent acquérir.
Il semble,au premier coup d'œil, tjuë rieh h'eàt si simpleque le règlement à prononcer, et qu'il nedoit êtrequestion que d'admettre de préférence à l'acquisition des domaines nationaux les mdnici-palités qui ont satisfait ah décret du 16 juillet; et de décider* entre elles* par la priorité de dates de leurs soumissions ou de l'envbi des désignations. Mais plusieurs raisons impérieuses et décisives rendent cette première idée, si simple en apparence, absolument inadmisiiole 1
1° La valeur des objéts demandés n'est pas connue ; elle ne peut être certaine ét constatée que par des estimations préalables, ou par la représentation et l'examen deB baux par devant les directoires de district et de département ; aucuns décrets translatifs de propriété ne peuvent donc intervenir en faveur des municipalités avant et sans ces opérations préliminaires;
2° Rien ne peut assurer que lés municipalités qui ont envoyé des désignations avant le 15 septembre, et qui, à cet égard, se sont mises en règle, seront également exactes et soigne uses à faire promptement procéder aux estimationsd'ex-perts, ou à l'évaluation sur le pied des baux ; en un mot, à remplir les préalables nécessaires pour obtenir de l'Assemblée nationale des décrets translatifs dë propriété ;
3° Dés particuliers peuvent désirer acquérir des biens compris dans la soumission d'une municipalité. Cependant lorsque cette municipalité é fait par sa soumission même^ouque, conformément à votre décret du 16 juillet, elle a envoyé aVant le 15 septembre la désignation des objets de sa demande, il semble qu'elle a acquis une force de priorité, et que les biens par elle dè-mandes ne peuvent être transmis que par son canal atixparticuliers,Cequiformeùn obstacle réel à l'empressement de ceux qui veulent acquérir
Or, bn conçoit combien il serait contraire à l'intérêt national* contraire à l'intêrêt §1 pressant de l'opération importante de l'aliénation des domaines nationattx, que des municipalités pussent la retarder par leU? fait, par leur propre négligence.
Et qu'dn né propose pas d'adjuger d'âbdrd les objets demandés et spécialement désignés aux municipalités qui Se sont mises en règle avantle 15 septembre, et dé partager ensuite le surplus des tjuatre cents millions au marc la livre entre toutes les municipalités soumissionnaires.
Hoti seulement il serait toujours possible de rendre des décrets d'aliénation en faveur de municipalités qui ne feraient point parvenir les estimations et opérations préliminaires, mais l'exécution de cette idée serait encore impraticable,
puisqu'avant que les calculs de proportion pussent être faits, la répartition arrêtée, il faudrait toujours que les estimations étevàluatiôhs préalables fussent envoyées à votre comité. Et vous voyez, Messieurs, qUe l'intermédiaire des municipalités, au lieu d'être, ce que l'Assemblée nationale a voulu, Uh ino^en d'accëléràtidn, deviendrait alors la cause nécessaire d'un mouvement rétrograde, et apporterait aux ventes un retard, et à toute opération un dommage incalculable.
Quelques réflexions, Messieurs, ont frappé votre febmite.
V08 décrets ont offert deux grands avantages 'aux municipalités, l'ôccasiôn de biën ihériter de la patrie, ét de trouver dahè sës bienfait^ la récompensé de iëU.r patriotisihe.
Nous somm.eë loiti de bëbéêf qu'aucuriës Soumissions aient été dé simples spéculations d'intérêt ; mais il est du moins permis de croire qUe léâ municipalités dont les Soumissions ont réellement été dictées par l'athour du bien public në le céder ont â aucune en vigilance, eh activité» Quel doit être donc ici lë priidcipàl droit aux avantages offerts par vos décrets, le véritable titre de priorité ? Cesont leé actes d'Upé dijigëiicë efficace,, d'une activité vràimënt utile â l'intérêt national.
Votre comité, Messieurs, est dbric convaincu qu'il hé vous proposer^ que des dispositions aussi sages que iustesl en vous invitant à consacrer ici quatre règles principales.
Là première aérait de fixër irrévocablement un terme àprés lequel toutés les soumissiôiis qui n'auront pas été suivies dans le délai prescrit* des désignations, des estimations ou évaluations préalables et nécessaires demeureront absolument sans effet.
Là seconde, que celles dès municipalités qui les premières feront parvenir à votre comité lés estimations d'experts ou les évaluations sur la représentation dés baux, seront aussi celles eh faveur desquelles interviendront de préférenceleà décrets translatifs de propriété, et que la date de l'arrivée de ces opérations au comité de l'Assemblée nationale, sera le premier titre de priorité.
La troisième, qué toutes choses égale d'ailleurs, c'est-à-dire que dans le cas où plusieurs municipalités concourraient pour là date de l'envoi dëé estimations d'experts et évaluations, la priorité sera decidéë par les dates ou des premières Soumissions du dë l'envoi des désignations.
Par une fyuatriêmë vous assureriez aux municipalités lesavàntàgës auxquels .ëflës jpèuvent prétendre, et la promptitude des aliénations. . Votre comité a pensé que.ces quatre règles concilieraient ,tout à là foiéjlà justice due aUx municipalités et 1 intérêt national.
Peùt-etré enfin, croirëzrvoùs ehcdrë corivëhàbie de rappeler aux municipalités que celles qui n'ont pas satisfait àùx dispositions du décret de 16 juillet dernier* ne peuvent se prôméttre aucun effet des soumissions vagues et indéterminées qu'ellës avaient souscrites, votre comité propose, en conséquence, les articles qui suivent :
PROJET DE DÉCRET.
Art. i».
Conformément aux dispositions du décret du 16 juillet, les municipalités qui n'ont pas désigne, par leurs soumissions, les objets de leurs demandes ou qui a'en ont pas envoyé la désigna-
tfdn avant le lB septembre dernier att comité de 1 Assemblée nationale, chargé de l*aliénatiott des domaines nationaux, demeurent déchus de l'effet de leurs soumissions.
Art. 2. '
LéS iMllttlcijîaiitéê qui oht fait des Soumissions aVeC désignation spéciale poursuivront les estimations pài4 experts dés DiéOS qu'elles veulent acquérir, bu leur évaluation sur la représentation des baux, de manière que ces opérations soient faites et envoyées au comité de l'Assemblée nationale avant le premier déCëtttbrë pttMîhaifl; Après ce terme, qui sera dé rigueur, tomes lèis soumissions qui n'auront pas été suivies dans le délai ci-de6sUs prescrit, de l'ëUVbi deiditëS ëStimàtiéhs et évaluations, dëmeurëront comme non^avëûues et sans effet.
Art. 3.
Aussitôt quë lës domaines nationaux seront estiméé ou évalués d'après les baux, et que lés estimations par experts où lesdites évaluations seroht faites et envoyées au comité de l'Assemblée nationale, il sera successivementrendu^en faveur de chaqUë municipalité soumissionnaire, des décrets d'aliénation. La date de l'arrivée desdites opérations au comité formera le premier titre de priorité* et l'effet déterminera entre elles ie sort et leurs soumissions.
Art» 4,
Dans lë cas où les procès-verbaux d'estimations ou les évaluations d'après les baux de biens comprit dans les soumissions dë différentes municipalités, arriveraient au comité le môme jour, îa priorité appartiendra à celle dont la première soumission aura une date antérieure. Si l'envoi des estimations ou évaluations, ët les soumissions dësditeft municipalités étalent dë mêmes dates, la priorité sera en faveur de la municipal lité qui aura la première, et avant le 16 septembre* fait parvenir la désignation des Objets de sa demande. Dans lë cas enfin où les trois dates concourraient, lesort décidera entre elles delà priorité.
Art.5
Dans le cas où des particuliers demanderaient à acquérir des objets compris (dans la soumission d'une municipalité* lë directoire du district de la situation des bieti.3, sera tenu d'en poursuivre, dès à présent, ia Vente, sauf à tenir compte du bénéftcéaèCordé par le décret du 14mai aux municipalités qui se trouveront avoir satis>-fait à toutes les dispositions des précédents articles dans les délais qui y sont prescrits.
Plusieurs membres présentent quelques courtes observations.
Le décret est ensuite mis aux voix article par article et adopté sans changement.)
, rappotteui" du éoinïté dés finances, donne lecture en ces "termes du prhàn-bule qui doit précéder le décret du § de ce mois qûi etèint l'mïërtt flei àissignats :,
« L'Assemblée nationale, considérant que, par son décret du 29 septembre dernier, elle a déterminé reïeïùbôùrsément de là dette non tfôftstttùee de l'Ëtàt, et'dé là dette constituée par lè ci-devant clergé, en assignats-monnaie ààùâ intérêts ; côtfsî-dérant que les assignats représentant la propriété territoriale ët foncière des domaines nationaux ont une valeur Intrinsèque, tellement réelle 'et tellement évidente, quliè peuvent concourir avec
la monnaie d'or et d'ârgent dans tous les échanges ; que propres à tous les emplois productifs, et particulièrement à r&cquiBition defe domaines nationaux, ils ne doivent pas être productifs par eux-mêmes non plus quë l'or et l'argent, avec lesquels ils doivent concourir; que les intérêts attachés à la possession d'une monnaie quelconque* la dénaturent, en s'opposant à la circulation qu'elle est destinée à entretenir et à animer; considérant enfin que ëes motifs qui l'ont déterminée à décréter les 800 millions d'assignats nouveaux sans intérêts, né lui permettent pas de laisser subsister Ceux qui avaient été attachés aux 400 mil-liôhs d'asslghatB créés précédemment par les décrets des 10 et 17 avril dernier» et que cette suppression importe essentiellement au soulagement du peuple, et au salut de l'Etat, par l'économie d un million par mois, et par l'accélération de la vente dés domaines nationaux; décrète cë qui Suit : *
met le préambule aux voix»
Il est adopté.
. Le comité dé là marine m'a chargé de voua rendre compte d une lettre du ministre de la marine, par laquelle il demande qu'il soit mis à la disposition de son département une somme de 4,958,218 livres poiir fournir aUfc dépenses de Varmement décrété par l'Assemblée nationale. Vojre comité a été d'avis que cette somme doit être accordée-
Il paraît que le ministre de la marine restreint à trente lë nombre des vàisseaux à armer : il est essentiel quë i'Assemblèé nationale né revienne pas sur son décret, je quitte un membre dU côttiité diplomatique, qui m'à engagé à proposer à l'Assemblée d'ordonner encore rar-mement dë quinzë vaissëàûi aù delà dë ceux dont elle a décrété l'armement. C'est une circonstance malheureuéë que les délais, ét si les lettres d'Espagne, en dàte du 2 jùin, étàïént arrivées à rAàsëinbiée plus tôt que le 2 du mois d'août, peut-être là face aê l'Europe serait-èile Changée. Dans tous lës cas, nous hé devons point paraître de cônhivénceàvêc lé midlstrë, au mômént où il doit nous rendre compte des mesures qu'il aura priâëè.
. Oû pourrait Insérer dans le décret que la Somme que le Comité de la marine Vôus proposé d'accorder serà payée à compte des dépenses qu'occasionnera l'armement de 45 vaisseaul.
Il est essentiel que l'Assemblée nationale soit instruite du fruit des dépense» qu'elle «ordonne, le demande* en conséquence, que le ministre rende compte de la quantité des vaisseaux qui sont en rade et je propose un amendement qui deviendrait l'article 4 du décret.
L'ameaèeBîéat'de M. deSiiiëry est adopté.)
Le décret est ensuite prononcé ainsi qu'il suit :
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité de marine, décrète ce qui suit:
Art 1er.
« Il sera mis à la disposition du département de la marine une somme de 4,958,218 livres, pofrf 'être étà'ployée à l'armement ext^ftltoaire clés 45 Vaisseaux décrétés le 28 août dertwér.
Art. 2.
* Les "comptés de îa régie des vivres relatifs
auxdits armements seront fournis de mois en mois, à compter de lr première époque des achats et comprendront les sommes qu'elle a reçues du département de la marine, la nature des achats, les prix et les termes auxquels ils ont été faits, ainsi que les traites fournies ou acceptées pour raison desdits achats.
Art. 3..
«D'ici au 1er janvier prochain, la régie des vivres de la marine sera tenue de présenter un compte général, arrêté et certifié, des sommes qu'elle a reçues du Trésor public pendant son exercice, de celles qu'elle a dépensées en achats, approvisionnements et frais de régie ; et à compter du 1er janvier 1791, il sera ouvert une adjudication des fournitures des vivres pour la marine. »
Art. 4.
« L'Assemblée nationale, ayant décrété;les fonds nécessaires pour l'armement de 45 vaisseaux de ligne, et voulant être instruite de l'état exact des forces navales en état d'agir, décrète que Je ministre de la marine sera tenu de lui rendre compte de la quantité de vaisseaux de guerre dont l'armement est terminé dans les différents ports du royaume, et de l'instruire successivement à mesure que l'armement des autres vaisseaux sera terminé. »
Un de MM. les. secrétaires commence la lecture d'une lettre de M. de la Luzerne.
Je ne m'oppose pas à cette lecture; mais je dois observer à l'Assemblée que le comité diplomatique a reconnu,à l'unanimité,qu'il est très fâcheux que le ministre vous envoie des lettres qui, lues isolées, donnent à l'Assemblée une connaissance inexacte des faits, présentent des détails exagérés, et répandent en un moment, dans tout le royaume, des alarmes que des courriers recueillent et transmettent promptement à tous les cabinets de l'Europe. Je demande qu'on ne lise pas delettres de cette nature sans les avoir préalablement renvoyées aux comités qu'elles con cernent.(On applaudit à gauche.—On murmure à droite.)
. Les comités ne sont pas nos tuteurs, mais les examinateurs des pièces que notre confiance leur renvoie ; il ne faut pas faire dire que l'Assemblée craint legrand jour, ou bien il faut décider que désormais on ne lira pas les lettres des ministres du roi.
. C'est une jalousie des ministres de l'Assemblée contre les ministres du roi.
. Sans considérer si la motion de M. Fréteau est contraire à la liberté et à la dignité de l'Assemblée, j'observe que notre réserve produira un effet beaucoup plus fâcheux que ia lecture de la lettre.
. Je demande que le compte des armements soit envoyé au comité et non à l'Assemblée.
. Je propose, en amendement, que la nomenclature des lettres soit consignée dans le procès-verbal, et que dans trois jours il en soit j rendu compte. Cette disposition est d'autant plus nécessaire que vos comités,ne. répondent pas aux
lettres qui leur sont envoyées. Par exemple, le comité de liquidation a reçu des lettres de M. de La Tour-du-Pin en date des 3 et 20 mars, et 3 juik let, sur le pain des prisonniers ; le comité n'a fait aucune réponse.
Le comité de liquidation a répondu à M. de La Tour-du-Pin, qu'ayant reçu, l'année dernière, les fonds de son département, les réclamations qu'il faisait ne pouvaient être fondées.
. Je demande, en amendement, que les comités réunis s'assemblent sur-le-champ.
Ils s'assembleront, et rendront compte incessamment à l'Assemblée des lettres qui leur auront été renvoyées.
L'Assemblée décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'amendement de M. d'Estourmel.
Elle est consultée pour savoir si elle entendra la lecture de la lettre du ministre.
Après deux épreuves douteuses, le président prononce la négative.
La partie droite réclame que l'Assemblée soit de nouveau consultée.
Un de MM. les secrétaires fait alors lecture de la lettre dont voici la substance :
« Le roi m'ordonne de vous instruire des dernières nouvelles de Brest. Les commissaires du roi ont cru pouvoir faire cesser le désordre en se transportant à bord des vaisseaux ; mais ce qui s'estpassé sur le Majestueux les a dégoûtés de cette mesure. Vous trouverez leurs correspondances n° 1, et le procès-verbal n° 2. M. d'Albert a donné sa démission; il a écrit une lettre circulaire aux officiers, pour les engager à continuer le service; vous la trouverez n° 3. Une lettre de M. d'Hector m'apprend les sollicitations faites par les officiers prèsdeM. d'Albert, pour l'engager à ne pas quitter le commandement; elle est ci-jointe, n° 4. Une autre dépêche de M. d'Hector, n° 5, annonce qu'on distribue une brochure, n° 6, contre les officiers de la marine. Je prie l'Assemblée de donner attention à la lettre n° 7 et de prendre en considération le dévouement d'un corps d'officiers qui a acquis tant de gloire, et qui brûle de combattre pour l'honneur du pavillon français. Si l'Assemblée désire entendre un témoin oculaire, M. Grandchamp peut lui être présenté ; mais l'objet principal de l'examen de l'Assemblée, c'est la résistance froide des équipages aux nouvelles lois.
La Luzerne. »
On demande la lecture du procès-verbal des commissaires.
L'Assemblée décide, à une très grande majorité, que cette lecture ne sera pas faite.
La lettre et les pièces jointes sont renvoyées au comité de la marine.
. Une lettre de l'assemblée générale de Saint-Domingue est renvoyée au comité colonial.
Cette assemblée, vivement affectée de ce qu'on a soupçonné sa fidélité, demande à prêter le serment civique.
Une adresse de la ville de Marseille, relative à l'assemblée générale de Saint-Domingue, est également renvoyée au comité colonial.
annonce que le rapport de l'affaire de Saint-Domingue se fera demain à midi.
demande que ce rapport soit différé.
L'Assemblée passe à l'ordre du jour sur cette demande.
, député de la ville de Lyon. J'ai demandé la parole pour vous proposer la lecture d'une lettre que la municipalité de la ville de Lyon nous a adressée pour l'Assemblée nationale, en réponse à l'avis que nous lui avions donné de votre dernier décret sur les assignats-monnaie. Les sentiments exprimés danscetie adresse vous feront juger combien c'est injustement que l'on a suspecté ceux de la municipalité de la ville de Lyon, sur le maintien et l'exécution de vos décrets. Ils vous prouveront aussi que c'est bien le vœu de nos commettants, le vœu de leurs véritables intérêts : nous l'avons exprimé par notre opinion en faveur de la nouvelle émission des assignats-monnaie, dans la mesure que vous avez adoptée.
Copie d'une lettre de la municipalité de Lyon à l'Assemblée nationale, du 6 octobre, sur les assignats-monnaie.
Messieurs, l'Assemblée nationale vient de fixer l'opinion de la France entière sur la question importante de la nouvelle émission d'assignats-monnaie, dont la proposition avait excité l'attention et les observations des diverses places de commerce du royaume ; les négociants et manufacturiers de cette ville croyant apercevoir des inconvénients dans l'exécution du plan proposé qui eût porté à deux milliards trois cents millions les assignats en circulation, avaient exprimé leurs inquiétudes dans la pétition qu'ils avaient rédigée, et qu'ils nous avaient chargés de mettre sous vos yeux. La Chambre du commerce avait cru devoir ajouter à cette première expression du vœu de nos négociants, des réflexions plus étendues, et vous les soumettre, convaincue que l'Assemblée nationale daignerait accueillir, avec la même bonté et le même intérêt, toutes les observations qui pouvaient mettre en évidence, soit les avantages, soit les inconvénients du vaste projet sur lequel elle avait à délibérer. C'est, en effet, Messieurs, après la discussion la plus approfondie, après avoir combiné dans le sein de votre sagesse tous les rapports particuliers avec l'intérêt général de l'Etat, que vous avez décrété une nouvelle émission d'assi-gnats-monnaie, qui en porte la totalité à 1,200 millions ; vous avez, par cette mesure, concilié les divers intérêts, autant que pouvait le permettre la nécessité d'assurer la plus prompte aliénation des biens nationaux, opération importante dont dépend le salut et la prospérité de l'Etat. Pleins de confiance dans la profondeur de vos vues, nous nous empressons de vous en offrir un nouvel hommage dans cette circonstance; quelle que futnotreopinion, comme représentants des citoyens de cette ville de commerce, fidèles à notre serment, nous ne perdrons pas de vue que nous ne sommes placés à leur tête que pour leur donner l'exemple du respect et de la soumission dus à vos décrets ; et nous concourrons, par tous les moyens qui seront en notre pouvoir, à assurer le succès de la nouvelle mesure que vous avez cru devoir adopter pour opérer la libération de l'Etat, et affermir à jamais une des bases les plus
essentielles au maintien de la Constitution. Daignez, Messieurs, agréer avec bonté cette assurance de nos sentiments et de notre entier dévouement à l'exécution des lois qui émanent de la sagesse et du génie tutélaire des augustes représentants de la nation.
Nous sommes, avec un profond respect, Messieurs, vos très humbles et très obéissants serviteurs,
Les maire et officiers municipaux de la ville de Lyon :
Signé : Palerne-Saoy ; Nolhac ; Maisonneuve ; André Lagier; Gharmittoy; Vaubec Jacquion Luc Candy ; Vachon aîné; Andrilliat; Vidalin; Courbon; Bruysel; Goudard; Fulchiron.
(L'Assemblée décrète l'impression de cette adresse.)
(La séance est levée à 2 heures.)
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du samedi 9 octobre au matin.
observe que le règlement qui a . été décrété sur le contre-seing dans la séance du 9, laisse subsister une partie des abus, et qu'il est possible de remédier à tous par un moyen tout simple, en diminuant considérablement la dépense ; en conséquence, il demande à l'Assemblée nationale la permission de lui proposer dès demain un autre projet de loi, et d'ordonner, en attendant, que l'exécution de son décret du 9, sur le contre-seing, soit suspendn, et qu'on ne le porte point encore à la sanction du roi. — Cette motion est ainsi décrétée.
L'Assemblée nationale charge en même temps MM. les inspecteurs des bureaux de lui présenter dès à présent, et chaque mois, un tableau général de la dépense ae tous les bureaux, tant de ceux qui sont au service de l'Assemblée, que de ceux qui sont dans ses divers comités.
On fait lecture d'une lettre d'un des commissaires du roi, envoyés à Hesdin, pour s'informer de ia cause de l'insubordination qui s'est manifestée dans le régiment de Royal-Champagne : il instruit l'Assemblée qu'il a adressé à M. de La Tour-du-Pin deux cent une dépositions relatives à cette affaire.
L'Assemblée autorise son comité militaire à prendre connaissance de ces pièces.
Le rapport des commissaires, arrêté à Hesdin, le 6 octobre 1790, a été annexé à la séance de l'Assemblée nationale du même jour. (Voy. plus haut, p. 479).
, secrétaire, fait lecture d'une adresse du régiment de Mestre-de-Gamp cavalerie, à
(L'Assemblée décide qu'il en sera fait mention au procès-verbal.)
, secrétaire, donne lecture du prp-cès-verbal de la séance d'hier 10 octobre.
Ge procès-verbal est adopta
, évêque de Clermont. Lorsque votre comité ecclésiastique vous proposa le plan de Ja constitution ciyiledu clergé,,,»» (On demande l'ordre du jour.) Je n?ai à faire que quelques observations.
J'ai reçu une lettre ce matin, par laquelle on m'annonce qu'on proposera encore dans la tribune un plan de contre-révolution.
(La partie droite insiste pour que M. l'évêque de Clermont soit entendu.)
Je vais prendre les ordres de l'Assemblée.
Vous n'avez pas ce droit-là, monsieur le Président. L'ordre du jour est indiqué et il n'est pas permis de l'intervertir.
(Après quelques débats* 1'A.ssemblée décide de passer à l'ordre du jour.)'
, rapporteur du comité des domaines, demandé la parole au nom des comités réunis des fi nances,des impositions et des domaines pour présenter un décret concernant les princes apanagistes.
Messieurs» vous avee renvoyé à vos comités la question de savoir si les prinoes apanagistes doivent jouir de la coupe prochaine dans leurs apanages. Cette question dépend de ce qui s'est passé lors de l'entrée en jouissance. Vos comités ont cherché à remonter à la source : ils se sont assurés que les deux princes, frères du roi, n'ont pas joui la première année et que,par conséquent, si on leur refusait là oo u pe de cet hiver, ils auraient une coupe de nioins qu'ils n'ont eu d'années. Nous n'avons pu obtenir la même certitude sur l'apanage de la maison d'Orléans? mais tout concourt à le faire présumer. C'est pourquoi nous vous proposons de décréter ce qui suit :
« L'Assemblée nationale, interprétant, en tant que de besoin, l'article 5 du décret du 13 août dernier, concernant les apanages, décrète ce qui suit :
Les apanagistes pourront faire couper et exploiter à leur profit, dans les délais ordinaires, les coupes de Jjois qui doivent être coupées et exploitées dans le cours de l'hiver prochain, ainsi qu'ils auraient fàit si le déeret dudit jour 13 août dernier n'était pas intervenu, et en se conformant par eux aux procès-verbaux d'aménagement et aux ordonnances et règlements intervenus sur le fait des eaux et fbrêts. »
(Ce décret est adopté sans discussion.)
L'ordre du jour est la suite de la discussion sur la contribution fonoière,
, rapporteur du comité de l'imposition. Messieurs, votre comité de l'imposition a dû vous présenter, dans un premier projet de décret sur la contribution foncière, un ensemble de dispositions qui embrassât la marche de toutes les opérations d assiette, de
répartition, de perception et de recouvrement de cette contribution? il a dû aussi vous prér senter des vues sur la somme à laquelle elle pourrait s'élever, quoiqu'il prévît bien que vous ne pourriez statuer sur cette somme qu'après avoir déterminé celle des dépenses publiques, et les divers genres de contributions et de droits qui devront y fournir : alors seulement vous pourrez vous décider avee" connaissance de cause. Ainsi votre comité ne doit pas entreprendre aujourd'hui de discuter les diverses objections, dont plusieurs sont fortes, sur cette fixation; il desire, aveo tous ceux qui ont opiné sur. oette matière, que les besoins de l'Etat vous permettent d'en établir une moindre que oellô qu'il a cru devoir vous présenter ^ comme la plus forte que vous puissiez établir.
Soigneux de ménager votre temps si préoieuxj il ne répondra pas non plus aux reproches qui lui ont été faits, Gomme s'il eût adopté une théorie qu'il a lui-même combattue sur plusieurs points, et dont il s'éloigne très évidemment dans les plans qu'il vous propose.
Il n'a pas cru que vous dussiez établir constitutionnel lement une théorie de l'impôt, matière importante à la vérité, mais sur laquelle l'opinion générale n'est pas encore assez arrêtée, pour que vous puissiez en énoncer une; il ne croit pas non plus que vous puissiez décider constitu-tionnellement la proportion entre les contributions directes et les indirectes, parce que l'immensité dés dépenses dont voqs êtes chargés vous forceront sûrement à prendre, sur cette combinaison, des mesures différentes de celles que les législatures pourront successivement adopter, d'après l'extinction successive et assez rapide des charges viagères, la cessation de plusieurs dépenses, et l'économie plus grande apportée dans les autres.
Il vous présentera très incessamment des articles constitutionnels, dans lesquels il réunira les principes qui lui paraissent devoir régler l'organisation des contributions publiques, et celle de la caisse nationale; il écartera dope pour le moment tous ces objets de discussion, et vous proposera de la restreindre actuellement au mode d'assiette et de répartition, non pas entre les départements et les districts, mais seulement entre les propriétaires dans l'intérieur des municipalités; là répartition entre les départements fera l'objet d'un décret particulier, pour iequel votre comité recueille des matériaux qui ne sont pas encore complets; il s'est bien procuré Ja connaissance de l'ancienne répartition par généralités, mais il a demandé aux directoires de départements les renseignements nécessaires pour appliquer cette ancienne répartition à leur circonscription actuelle; il vous sera bien difficile de trouver pour oette année une base plus parfaite : cependant s'il se trouvait que quelques départements fussent évidemment surchargés, Vous croirez de votre justice de leur procurér un commencement de soulagemeht.
G'est donc seulement sur la manière de répartir en détail la contribution entre les propriétés qu'il désire d'attirer actuellement votre attention, et sur les opérations nécessaires - pour opérer cette répartition : les assemblées administratives et les municipalités peuvent y procéder, indépendamment de la gomme qu elles auront à repartir, et le temps qull leur faudra pour fiéS pré-liminâires vous suffira pour la décréter.
Pour que cette répartition pût se bien faire, il faudrait sàns doute un câdastre V dans là plus
grande partie du royaume il n'y en a pas, et même dans celle où il en existe, il est imparfait} cependant ces départements pourront se servir provisoirement du leur pour répartir leur portion contributive, jusqu'au moment où les principes que voua poserez sur ce travail ( et votre oomité yoqs en proposera très incessamment), auront une application générale. Dans les pays où la taille était tarifée, il y a un aperçu d'évaluation des différents fonds, et enfin dans les pays mêmes OÙ la taille sq répartissait le plqs arbitrairement, on y répartissait les charges locales sur les propriétés privilégiées comme sur les autres; a|psi, dans les départements mêmes où il n'y a ni cadastre, ni tarif» la contribution foncière trouvera pour moyens de répartHioq la connais^ sance locale de la valeur des fonds* et Vintérêt Contradictoire des contribuables, dont le résultat sera moins défectueux, qu'il ne l'a été jusqu'ici, parce qu'il n'y aura plus ce mélange d'imposi* fions territoriales, mixtes et personnelles, dont l'assiette simultanée était la source de beaucoup d'erreurs et de beaucoup d'injustices.
Votre oomité q'a pas pu vous présenter, dans le projet de décret qui voua est actuellement soumis, tous les détails d'exécu\ion; ils seront la matière d'une instruction dont il s'est occupé déjà, mais qu'il ne pourra terminer que d'après vos décisions sur les bases qu'il vous propose, Il lui paraît donc désirable que vous vouliez bien, écartant toute autre, discussion, vous fixer à celle qui pourra vqus déterminer sur la répartition entre les contribuables ; çtj dans cette vue, lorsque vous aurez examiné la question ajournée, ^eudi dernier, sur l'explication du revenu net Imposable, il vops proposera de discuter jfe titre III de sott prmet. d$ déçrçt qui conUoqt lt?S dispositions nécessaires pour le commencement du travail des assemblées admitiistrâtives ét .des municipalités.
11 m'a chargé aussi de prévenir les. objections qui pourraient s'élever sur l'artiçle B du titre II, concernant, les fermiers; il en a recueilli de très sages dans plusieurs conférences particulières, et elles i oqt déterminé à changer 14 forme de cet àrtfçle, et | yqos présenter seulement URO disposition générale dqnt un règlement particulier appliquera les principes d'une mapïèreplqsiustq au^ différentes espèces qe jiàqx et conven-r tiôns ryraiçs, et satisfera lq droit prftptfêr fairés charges dorénavant de l'acquitteméni total de la contribution foncière, sans léser le cultivateur, et saris courir le risqUe funeste à l'agriculture de rompre en même temps peut-être une très grande quantité de baux.
Je passe maintenant à l'ordre du jopr.
Sur le reventif fief:.
Le produit net d'une terre est ce qui reste au propriétaire après avoir déduit, sur le produit total ùu brut, lés frais de semences, dè culture el de récoltes; les salaires et profits du cultivateur font partie des frais de cultUre: ainsi, lorsqu'un propriétaire cultive lui-même, il faut, pour connaître véritablement son produit net, déduire ce qu'aurait gagné pendant l'année le cultivateur salarié; la produit net n'est dono réellement que la partie du produit brut que retire de Son fermier le propriétaire absent ou étranger à la culture ; c'est ce produit net qui seul doit la contribution, car les autres portions que l'on a déduites ont toutes une destination, et si cette destination n'était pas complètement remplie, la
reproduction de l'année suivante en souffrirait' et la oultur-e se détériorerait d'année en année. Mais le produit net varie comme le produit brut, par l'influence des saisons : il faudrait donc faipe varier chaque année le taux de la contribution sur chaque arpent de terre, pour que le proppié* taire ne fût pas trop légèrement taxé dans l'une ou trop excessivement chargé dans l'autre; or, cette variation exigerait une mrveillance imposé sible à exercer, et des vérifications annuelles onéreuses au contribuable et dispendieuses pour l'Etat: elle serait d'ailleurs incompatible avec la nécessité de subvenir aux besoins publies, dont la somme déterminée exige des fonds certains.
On doit donc regarder cette méthode comme impraticable, et recourir, pour l'assiette de la contribution, au moyen employé dans toutes les autres combinaisons qui se foni sur des produits annuels et variables, celui de former une année commune, en additionnant ensemble un certain nombre de produits, et divisant la somme totale qui résulte de celte addition par- le nombre d'an*-nées, ce qui donne une somme égale pour chacune: c'est ce qu'on appelle le produit moyen, et c'est ainsi que tout homme raisonnable calcule son revenu, qui est le produit net qu'il doit probablement retirer chaque année: c'est donc sur ce produit net moyen que l'on doit asseoir la contribution.
Pour faire cette évaluation du produit net moyen ou revenu, d'une manière raisonnable, il faut embrasser dans la combinaison un nombre d'années suffisant pour que les événements au moins communs y soient oompris ; ainsi la révolution de temps ne doit pas être la même pour tous les genres de oulture, et si neuf ou dix années suffisent, par exemple, pour déterminer le revenu d'une terre labourable, il en faudra vingt peut-être pour une terre en vigne, et plus poutf celle chargée d'arbres; il faudra même encore que la combinaison varie dans les divers pays: mais une considération doit rassurer, c'est que, dans chacun, lè concours des observations donne sur la manière d'évaluer aux hommes habitués à la oulture un tact que lé théorioisn n'atteindrait jamais, et qu'il forme là-dessus une doc«« trine routinière, qui, bien examinée, approche toujours beauooup de la vépité. Les législateurs doivent donc se borner à poser des principes généraux, et se confier pour leur application aux connaissances locales.
La marche que l'on vient d'exposer est généralement bonne pour les terres en valeur; mais lorsqu'un propriétaire défriche un ohamp, il faut un certain temps pour que le revenu s'établisse; il ne faut donc pas, pendant ce temps, qu'il soit soumis à la même Contribution qu'il pourra et qu'il devra supporter, lorsqu'après avoir recou* vré ses avances primitives, il sera entré en pleine et entière jouissance de ce revenu; de là vient la règle établie dans presque tous les pays agri-» coles surtout, qui exempte, en tout ou en partie de la contribution, les défrichements pendant un certain nombre d'années, et communément là politique étend cette faveur un peu au delà de ce que là justice rigoureiise déterminerait. Le comité avait toujours compté, Messieurs, vous présenter cette idée qui a mérité votre attention dans l'opinion do M. de La Merville.
Il est une autre disposition, dietée aussi par la saine politique, et que M, de Delley vous a développée, c'est que l'accroissement de la con* tribution ne suive pas instantanément celui du revenu procuré par des dépenses extraordinaires
d'amélioration, et il est juste, par exemple, que le propriétaire qui marne ou ensable son champ, qui plante une vigne, des arbres fruitiers, des mûriers ou un bois, ne soit pas aussitôt porté à un taux de contribution plus considérable ; il faut pour ces avances foncières en user comme pour les avances primitives, laisser ce propriétaire à l'ancien taux pendant un espace de temps suffisant pour qu'il recouvre ses avances, et -même un peu au delà : mais cette espèce de privilège deviendrait injuste, s'il était perpétue], et tous les autres contribuables ont droit, après cette époque, de le rappeler à l'égalité proportionnelle, sauf à lui d'obtenir par la suite une diminution de taxe, si quelque fléau vient lui enlever ces produits, que l'on appelle extraordinaires, mais qui ne méritent pas plus le nom d'industriels, que le grain produit par les soins et l'industrie du laboureur.
Le comité pense donc, Messieurs, que vous devez lui ordonner de vous présenter incessamment un nouveau titre pour régler les exceptions que l'intérêt de l'agriculture exigera de votre juste sollicitude, et d'y faire entrer la considération des avances primitives et foncières; mais que vous adopterez, pour déterminer d'une manière générale le revenu imposable, les articles qu'il a l'honneur de vous proposer :
Art. 1er. Le produit net d'une terre est ce qui reste à son
propriétaire, déduction faite, sur le produit brut, des frais de semences, culture et
récolte.
Art. 2. Le revenu imposable d'une terre est son produit net moyen, calculé sur un nombre d'années déterminé.
Art. 3. Il sera donné, avec le décret, une instruction détaillée sur la manière d'évaluer les terres, d'après les divers genres de leurs productions.
Messieurs, avant d'invoquer à l'appui de mon opinion les principes qui me l'onulictée, je dois m'expliquer en termes clairs et précis sur cette opinion.
Je pense que, dans l'évaluation d'une propriété foncière pour la répartition de l'impôt, l'on doit écarter toute la partie du revenu qui n'est pas la suite nécessaire d'une exploitation ordinaire et d'usage selon la coutume au pays.
Prenons d'abord les terres labourables pour exemple.
Le marnage, le mélange des terres sablonneuses aux terres trop compactes, les engrais extraordinaires qu'on se procure par l'achat de fumiers étrangers ou de pailles, ou telles autres substances que l'on fait ensuite concourir à une bonification extraordinaire, sont des moyens industriels qui dépendent absolument des qualités plus ou moins actives du possesseur. Les revenus extraordinaires qu'il se procure par cette industrie ne doivent point être assujettis àl'impôt, car ces moyens industriels ordinaires ont un effet plus ou moins marqué, plus ou moins durable sur les productions.
L'on ne pourrait donc, sans tomber dans l'arbitraire, les évaluer et fixer le temps de leur durée.
Nous n'évaluerons donc dans les terres labourables que les produits en grains, blé, seigle ou avoine, que ces terres auraient dû donner une année commune sur dix ans, si l'on avait simplement suivi les cultures et les assolements en usage dans le pays, et si l'on n'avait mis dans ces terres que les engrais provenant de ces terres
mêmes, comme la loi l'exige dans les trois quarts de la France.
Les récoltes de lin, de chanvre, de colza, de houblon, toutes celles, en un mot, que l'industrie retire des terres, au moyen d'engrais extraordinaires, l'année où elles devraient être en repos, ne seront point évaluées pour la répartition de l'impôt.
Dans ces mêmes terres labourables il peut s'y trouver une autre espèce de produits appelés fruits de branches, tels que les pommiers et poiriers dans tous les pays à cidre; tels que les noyers et châtaigniers dans presque toutes les parties de la France ; tels que les mûriers, les oliviers, les amandiers, les hautins ou treilles dans les pays méridionaux. Ces produits, appelés fruits de branche, ne doivent point être compris dans l'évaluation pour l'impôt, parce qu'ils ne sont encore que des produits extraordinaires, plus ou moins assurés, plus ou moins durables, d'une industrie extraordinaire ; mais en évaluant les terres où se rencontrent ces arbres et arbustes, l'on doit évaluer les productions en grains que rendraient ces terres, si ces arbres et arbustes n'en diminuaient pas la fécondité. A cette précaution, vous aurez l'évaluation, comme si aucune industrie extraordinaire n'était venue altérer les produits naturels de la terre labourable, produits naturels qui sont simplement des grains, blé, seigle et avoine.
Lorsqu'on sera dans le cas d'évaluer une vigne de la nature de celles qui sont, pour ainsi dire, permanentes dans le même emplacement, on prendra le produit moyen de cette vigne, une année sur vingt ans, et.l'on supposera que le propriétaire n'a suivi que* l'usage du lieu pour les cultures et la'quantité d'engrais.
S'il se trouve autour de cette vigne des arbres productifs, on écartera le produit de ces arbres ; mais on calculera le produit de la Vigne, comme si aucun arbre ne diminuait sa fécondité.
Même manière de procéder pour les prairies, etc.
A l'égard des pâturages, des marais, des bois-broussailles, des pâtis, landes, bruyères, terrains vagues, etc., ils seront toujours évalués, non à raison de ce qu'ils pourraient valoir par les ressources de l'industrie, mais à raison des avantages dont ils sont, dans lïnstant même de l'évaluation, pour les pâturages des troupeaux de tout genre qui s'y nourrissent huit mois de l'année.
Cette évaluation est toujours possible, en ne considérant la propriété que dans son état actuel; mais l'annonce d'un surimpôt qui viendrait ia , frapper après que l'industrie l'aurait mise en valeur, serait sûrement bien impolitique, s'il n'était injuste ; il serait, ainsi que pour tous les autres produits casuels et peu durables de cette industrie, contraire aux vrais principes. En effet, un des premiers principes étant que la contribution foncière est un impôt sur la propriété et non sur les personnes, donc il ne peut porter sur l'industrie extraordinaire du possesseur sans perdre son caractère, et devenir en même temps personnel.
Deuxième principe : La contribution foncière ne doit porter que sur les capitaux fonciers, à raison de leur revenu net imposable. Or, des arbres qui coûtent annuellement, en culture et en engrais nécessaires, un entretien extraordinaire et toujours peu proportionné à leurs revenus si casuels ;
Des arbres qui, avant de produire, exigent tout
jours de longues années de non-jouissaoces et de travaux ;
Des arbres qui, lorsqu'ils sont en valeur, peuvent, chaque année, éprouver une gelée tardive, une eau chaude, une grêle, et que même un simple brouillard peut rendre nuls pour là production et la rentrée des avances de l'année;
Des arbres qui sont si instantanés dans leur durée, qu'un gros hiver, que des maladies épi-démiques sur une plantation, que des orages peuvent faire périr et enlever à la fois au cultivateur le revenu dont il s'était flatté pour l'avenir et la rentrée de toutes ses avances cumulées avant le moment où ces arbres pouvait rapporter :
De pareils objets, aussi casuels, aussi instantanés dans leur durée, toujours soumis à l'intempérie des saisons, ne sont point de véritables capitaux fonciers ; ils ne peuvent être assujettis à l'impôt sans injustice ; et c'est une latitude que la politique doit laisser au cultivateur pour améliorer son sort, entretenir son énergie et augmenter la masse générale des richesses.
Cette latitude sera aussi laissée au négociant, qui fait le commerce maritime également si casuel. Certainement vous n'irez pas taxer davantage les capitaux qu'il aura employés à ce commerce dangereux, parce qu'il aura gagné cent pour cent, en risquant de tout perdre.
Troisième principe: La contribution foncière doit avoir une base stable, une quotité fixe et déterminée, et surtout ne point dépendre de l'arbitraire.
En, imposant les produits extraordinaires et casuels de l'industrie agricole, c'est-à-dire en proportionnant l'impôt au revenu net et moyen qu'une propriété foncière rend, en raison des efforts annuels de l'industrie, ou seulement en raison des bonifications dont l'effet est supposé plus durable, on anéantit sa stabilité, on rend incertains ses produits, on soumet tous les propriétaires aux rigueurs de l'inquisition ou de l'arbitraire.
Les habitants des pays non cadastrés, accoutumés, dès longtemps, à ces différents jougs, ne sentent pas dans leur âme la religieuse horreur qu'éprouvent les habitants des pays cadastrés, en réfléchissant aux suites funestes, inévitables de cette désastreuse mesure : oui, désastreuse ; elle l'est, et pour la nation en général, et pour le propriétaire en particulier. Je 1e prouve.
Désastreuse pour la nation.
1° Elle rend moins précieuses les propriétés foncières;
2° Elle rend incertaines les recettes de la contribution;
3° Elle avilit les cultivateurs, en les accoutumant à dissimuler, à intriguer, à ramper devant un administrateur de district ;
4° Elle anéantit les heureux effets d'une industrie particulière, qui se propage par cette jactance toujours nécessaire pour émouvoir le cultivateur, qui ne se détermine qu'après l'assurance qu'un autre a réussi, avant lui, dans la même tentative.
Désastreuse "pour le propriétaire.
1° Elle le met dans le cas de craindre une augmentation certaine dans l'impôt, lorsque souvent l'augmentation de son revenu ne sera qu'apparente;
2° Elle doit lui faire craindre de longs délais
pour se faire décharger du surcroît d'impôt, lorsque la perte du revenu extraordinaire pourra même être constatée ;
3° Ces craintes, qui sont très fondées, se mêlant au sentiment naturel d'indolence, dont l'effet malheureux retient encore notre agriculture si loin de sa perfection ; cette réunion, dis-je, fournit au cultivateur une réponse à toutes les invitations, et une excuse à tous les mouvements intérieurs de quelques instants d'énergie.
Le comité pense lever ces difficultés, en vous proposant des exceptions de plusieurs années en faveur des défrichements, des dessèchements de marais, des entreprises extraordinaires. Je conviendrai avec lui que ces travaux éclatants, aisés à constater, peuvent être suffisamment récompensés par des exemptions plus ou moins longues de l'impôt; c'est véritablement alors un capital que l'on a placé dans le dessèchement d'un marais. Cette bonification est durable, et elle ne présente, après le dessèchement, qu'une longue jouissance, sans casualité extraordinaire.
Mais comment m'assurez-vous, par une exemption, la jouissance, à moi, petit propriétaire, cultivateur obscur, travaillant dans le silence, lorsque j'aurai, à force de sueurs, dé privations, d'opiniâtreté, bonifié des graviers stériles, en les plantant d'arbres casuels?
Ces arbres, avec l'apparence d'une vigoureuse végétation produite par la facilité qu'éprouvent les racines à s'étendre dans un terrain meuble et bien travaillé, ne rendent cependant point, ou rendent peu de fruits, parce que si une sève, simplement savoneuse et abondante, suffit à la végétation des feuilles et du bois, il faut une sève fécondée par une partie sucrée, pour produire le fruit : ce fruit, ie chef-d'œuvre, le but et la fin de tous les efforts de la nature, est cependant la seule partie qui produise le revenu de tous les arbres utiles, le mûrier excepté.
Celui-ci a un autre inconvénient; c'est que la grande vigueur ou la maigreur de sa végétation nuit encore au succès des vers à soie.
Ainsi, comment apprécier si les arbres qui semblent enrichir mon champ et doubler mon revenu ne sont pas réellement une cause de ruine par les dépenses extraordinaires de culture et la nullité de leur produit?
S'il est prouvé qu'ils me produisentun avantage réel, combien m'en laisserez-vous jouir avant de me surimposer?
l°Les noyers, les châtaigniers, etc., exigent de trente à cinquante ans, selon le terrain, avant d'avoir un revenu effectif, et peuvent périr par une gelée au moment où ils allaient produire. Les mûriers, dans un terrain graveleux, produisent au bout de sept à huit ans, et périssent au bout de vingt-cinq à trente ans.
Dans un sol plus compact, qui se laisse moins facilement pénétrer par leurs racines, ils sont quinze à vingt ans à se développer, et durent souvent un siècle.
Dans une plantation quelconque tous les ans il en meurt; comment déterminer d'abord l'instant du surimpôt, ensuite celui du dégrèvement?
Toutes ces mesures pour l'augmentation ou le dégrèvement ne prêtent-elles pas à tous les inconvénients de l'arbitraire? Quoi! votre Constitution en matière d'impôt, au lieu de délivrer les pays non cadastrés du joug de fer sous lequel ils sont depuis si longtemps courbés, n'aboutira qu'à y assujettir aussi les pays qui n'y étaient point soumis?
Au H^u de ces grandes et larges bases sur lesquelles doivent se reposer des législateurs créant la Constitution d'un peuple libre, vous voulez vous circonscrire dans ces combinaisons mesquines, dans cette étroitesse de géqie, qui, depuis tant de siècles, comblent tous nos malheurs.
Vous voulez conserver, augmenter même les effrayants abus de l'arbitraire, en l'amalgamant à la partie de votre Constitution qui devrait le plus en être exempte- Vous voulez donc, après vous être constitués un peu libre, n'avoir encore, comme par le passéf que des tyrans et des esclaves?
Consuiiez vos aînés en liberté, vos aînés en pensées fortes et profondes, vos aînés surtout en grandes vues législatives ; et, au lieu de prendre leurs modes, qu'ils vous fournissent de plus nobles et de plus utiles objets d'imitation?
Voyez çes insulaires, aveq nue population et des propriétés moindres de moitié que les vôtres, avec une dette immense, briller entre les nations, et conserver dans l'opinion qe l'univers une prépondérance que vous n'avez pas.
Cheg eux, l'agriculture est florissante, les propriétés foncières y sont respectées, la taxe sur les terres, à. peine le sixième des revenus publics, et presque invariable dans sa quotité, l'est surtout dans son assiette ; depuis 150 ans, les terrés imposées sur la même estime ont laissé aux propriétaires une immense latitude aux spéculations rurales,
L'Angleterre sent que ce n'est pas quelques millions de plus qu'elle retirerait sur les fruits de l'industrie agricole qui seraient sa vraie richesse i bien convaincue que l'augmentation des produits est pour ses intérêts d'une toute autre importance, elle se garde bien d'en altérer la source, en pesant sur les instruments qui peuvent les multiplier.
En effet, Messieurs, lorsque tous les terrains maintenant incultes seraient exempts d'impôt après leur bonification, ne serait-ce pas déjà un gain réel pour l'Etat que cette bonification même?
Les landes de Bordeaux, les bruyères d'Au-berive, etc., ne fourniraient-elles pas, par l'im^ pôt sur les consommations, et par leur importation, d'assez grands avantages?
Le comité, Messieurs, vous a fait impression, en vous disaut que ma manière de définir le revenu net tendait à soustraire pour toujours à l'impôt les terrains qui, ne payant rien en ce moment, seront un jour bonifiés.
Il vous a dit i Quoi | le terrain de la Champagne, qui, nul actuellement pour la production, produira un jour mille éous, parce qu'il aura été changé en vigne, restera toujours exempt de l'impôt!
l°Je réponds que nulle propriété foncière ne sera exempte de l'impôt, car dans mon plan j'ér. value et je taxe même les terres vagues ;
Que la population actuelle est assez nombreuse pour que toutes les terres susceptibles de produire sans des efforts extraordinaires» soient déjà en plus ou moins bonne valeur ;
3° Que, depuis trente à quarante ans, l'on s'est assez occupé d'agriculture, pour que tous les terrains qui n'exigent qu'une médioore industrie extraordinaire aient été l'objet des spéculations;
Qu'il n'y aurait donc actuellement, ou d'exempts de l'impôt, ou de très peu taxés, qu'une assez faible quantité de sols susceptibles ae cl* der à de très grands efforts è
Or, pour vous conserver l'expectative d'une surtaxe sur ces sols ingrats, lorsque force de l'industrie les aura bonifié^, vous voulez tjous jeter dans tous les inconvénients des exceptions et de l'arbitraire : vous voulez dégrader votre propre ouvrage,
Mais, Messieurs, vous n'avez sûrement pas imaginé que votre cadastre généra)* si vous en ordonnes un, sera éternel,
Lors donc qu'une longue suite d'années, qu'il serait très impolitique de prévoir ou de détermi-ner, nécessiteront un renouvellement dans ce cadastre, alors ces propriétés, créées,pour ainsi dire, pendant le cadastre précédent,viendront le classer dans le nouveau, comme vont se classer, dans celui qqevous ordonnerez, les propriétés nouvelles créées pendant la durée des cadastres déjà existants.
En admettant la proposition d'évaluer les arbres qui se renoontFent dans une terre labourable, à à un prix moyen de leur produit, après qu'une jouissance suffisante aura dédommagé le planteur, il faut déterminer j
1° Quels ont été les premiers faits de la plantation et la perte de revenus qu'ont occasionnée ces frais, jusqu'à lajouissance vtttede ces arbres ;
2 Les frais exfraordinajres de culture particu»-lière à la plantation, d'engrais, de taillage d'arbres, jusqu'à la jouissance (et le déficit annuel que la préférence de cet arhre occasionne dans la récolte des grains de cette terre))
3° Le moment où commencera cette jouis* sance ; le temps que l'on devra accorder pour qu'elle suffise à la pleine rentrée des frais et à un bénéfice;
4° Le moment où devra commencer l'impôt}
5e) La proportion de cet impôt avec le revenu moyen \
6° L'instant où le surimpôt doit cesser ; Chacune de ces questions présente un problème compliqué que l'agriculteur le plus expérimenté ne pourrait résoudre; le propriétaire lui-même serait embarrassé de les décider dans sou âme et conscience, eu admettant qu'une règle générale fixera un taux déterminé pour chaque arbre planté dans une terre labourable.
Il faudra, de deux choses l'une ; ou que cet impôt par arbre commence à l'instant de la plan? tation, ou qu'il ne commence qu'à l'instant où l'arbre sera en rapport.
A moins d'un aveu du propriétaire, ou d'une procédure au moment de la récolte, il est impossible de fixer l instant où un arbre est en rapport ; car j'ai prouvé que même la vigueur de sa végétation n'était point un indice suffisant.
Si l'on fait payer l'impôt au moment de la plantation, quelque faible que soit cet impôt, qu'est-ce qui voudra risquer de payer un demi-rsiècle oet impôt, avec l'incertitude s'il jouira un jour de cette avance?
Ne sait«on pas que, même à présent, où aucun impôt ne frappe les arbres dans les pays Gadaa* très, l'on a même de la peine à se déterminer à de grandes plantations; mais en admettant que cet impôt n'arrêtât pas les pla ntations, il faudrait, chaque année, ou s'en tenir à la déclaration du propriétaire, qu'iJ lui est mort tant d'arbres, ou ordonner une procédure, SYSOt d'accords1" le dégrèvement.
La proposition de poser pour règle générale que les évaluations demeureront fixées invariablement pendant 20 ou 30 ans, diminue le nombre des accès, mortels pour l'industrie, de cette fièvre fiscale, mais n'en atténue pas les dangers.
1° Cinq à six ans avant l'instant d'une nouvelle évaluation, l'on se garderait bien dé faire des plantations qui, incertaines dans leur produit» grèveraient pendant vingt ou trente ans de l'impôt, si elles se trouvaient faites à l'instant d'une nouvelle évaluation,
2° A l'arrivée de chaque nouveau période d'e-* valuation, les difficultés ci-dessus énoncées pour l'évaluation restent dans toute leur force; seulement elles n'ont lieu qu'alors»
Quoi | pour un aqfsi mince intérêt que le tribut léger, variable, incertain même que l'on pourrait lever sur les plantations d'arbres dans les terres labourables, nous allons nous jeter dans tous les malheurs de l'arbitraire; nous al* Ions rétablir le régime intendantiel, non plus vis-à^vis de trente^six à quarante intendants, mais visrà-via de près de cent cinquante mille administrateurs, municipaux, de district et de département, ayant tous d'aussi grandes prétentions que les intendants, s'ils n'ontpas la môme puissance 1
Nous cherchons à créer les vertus de l'homme libre, et nos lois sur l'impôt rendront néces* saires l'intrigue, les démarches viles, les sub« terfuges, et le mensonge, pour tromper sur le véritable produit de son industrie.
Ne poussons paa plus loin le tableau des suites funestes au moral et au physique qu'entraînerait cet ordre de cbpaes : convenons de bonne foi que c'est pour ne pas nous être élevés assez au-dessus des petites considérations, dont l'ancien gouvernement tirait parti pour mieux asservir, que nous avons pu prêter quelque atten« tion à un projet d'impôt, qui rattachait au joug tous les propriétaires, en les forçant, non d'obéir à une loi prêche qui peut s'adapter à l'état de liberté, mais à une loi incertaine, et dont l'application serait en entier soumise à l'arbitraire. Convenons qu'une mesure qui laisse à tous les propriétaires du royaume la liberté de planter ou de ne pas planter, et qui oonsidère toujours chaque propriété comme si elle n'avait pas qet accessoire, est une mesure franche et applicable à tous, sans arbitraire et sans injustice !
1Q Sans arbitraire, parce qu'alors n'évaluant de la terre labourable que son revenu en grains, d'après les bases dont j'ai eu l'honneur de vous entretenir, rien n'est plus aisé que de constater ce revenu, presque invariable lorsqu'on prend une année sur 10 ans.
2q Je dis aussi sans injustioe, car la plantation des noyers, des châtaigniers, et de tous les arbres à pépins pour les cidres, réussissant beaucoup mieux dans le nord de la France que dans le midi, et le mûrier qui réussit même en Prusse, pouvant très bien convenir à ces mêmes provinces, elles laisseront aux provinces mérl* dionales les amandiers et oliviers, dont le produit eat bien plus casuel que celui des arbres à pépins pour les cldreB.
Or, si tous lea sols de la France sont également susceptibles de produire et des grains et des fruits ; si la mesure d'évaluer les grains est la seule qui ne néceasite paa l'arbitraire, pourquoi irions-nous compliquer cette mesure, en y faisant concourir celle de l'évaluation des fruits qui ne peut jamais qu'être arbitraire?
Y a-t-il à balancer dans le choix des moyens, lorsqu'on en rencontre un admissible pourvus les sols labourables, sans exceptions; un qui porte avec lui Jes caractères constitutionnels d'invariabilité et d'impartialité ? Oui * d'impartialité; car tous les sols de la France pouvant être plantés
d'arbres utiles, c'est la font! de ceux qui, n'en plantant pas, ne profiteront pas de cette exemption d'impôt en faveur de ee genre d'industrie» Nos soies, nos cidres, nos huiUs gOnt des objets précieux d'exportation; et nous voulons courir les risques, par de misérables vues fiscales, d'en diminuer les récoltes !
Sont-ce bien des législateurs qui put pu ba* lancer, qui ont pu risquer de s'écarter des grands principes ? Non, voua n'avez pas balancé; mais votre prudence vous commandait de nous entendre,et vous l'avez fait. Maintenant jugez cette importante question, elle va décider du sort de l'Empire.
Ou l'homme sera libre en France et l'agricuin ture florissante; ou, sous le joug de deux ceiU cinquante mille administrateurs, l'intrigue, la dissimulation, tous ces fléaux de l'esclavage remplaceront bientôt la noble énergie du cultivateur n'obéissant qu'à la loi,
N'appliquant donc l'exemption del'impôtqu'aux arbres plantés par l'industrie, et laissant en entier le produit des vignes, le produit des prés sous l'impôt, comme s'il n'y existait point d'arbres,
Ën deux mots» Messieurs, je me résume» et je dis:
Premier principe : La contribution foncière eat un impôt sur les propriétés et non sur les personnes; elle ne doit donc pas porter sur tout ce qui ne dépend que de la personne»
Deuxième principes La contribution foncière doit être stable dans l'assiette de sa répartition, et surtout cette répartition ne doit jamais dépen* dre de l'arbitraire dans un gouvernement libre, De ces deux principes découlent nécessairement les conséquences suivantes :
1° Que la contribution foncière doit porter sur les produits naturels et d'usage qui sont toujours la suite, ou présumés la suite d'une industrie or-i dinaire et oonaacrée par l'habitude, après avoir défalqué de ces produits toua les frais nécessaires à leurs productions ;
2° Que tou3 les produits extraordinaires, pro* venant d'une industrie extraordinaire» sont une récompense de l'industrie, et ne peuvent être as-, sujettis à un impôt qui ne doit porter que sur des capitaux fonoiers.
Ces deux conséquences admises, voici, sauf ré* daotion, ce que devrait exprimer le décret sur l'évaluation du revenu net imposable d'une pro* priétê i
PROJET DE DÉGRRT.
L'évaluation du revenu net d'une propriété foncière se fera d'après le revenu ordinaire et moyen, que doit naturellement produire cette propriété, en se conformant aux assollements, aux cultures, aux engrais, aux procédés que l'usage a établis dans le lieu de sa situation, ôomme une loi à laquelle devrait se conformer celui qui exploiterait ou régirait la propriété d'autruu
En conséquence» les arbres et arbustes qUe l'industrie aurait placés dans une terre labourable, une prairie ou une vigne, etc., ne changeront rien à l'évaluation de ces propriétés, qui seront considérées comme ai ces arbres ou arbustes n'y existaient pas.
Seront pareillement exempts de l'évaluation tous les produits extraordinaires obtenus d'une terre labourable, d'une prairie, d'une vigne, ou toute autre propriété par'des travaux, des engrais, des procédés extraordinaires, dépendants d'une industrie extraordinaire.
(1). Messieurs, l'explication du revenu net, de ce système que les économistes ont tant célébré, de cette opinion aussi séduisante en théorie, que délicate en exécution, n'est pas très facile à vous donner. Ceux qui en ont parlé le mieux, ont dit que c'est le produit entier du territoire, dont il convient de déduire les avances primitives, les reversements annuels et les dépenses extraordinaires.
Je vous prie de remarquer qu'il est très aisé d'entendre cette définition, lorsqu'on se réduit à estimer le produit réel d'un arpent de jardin. Trois labours, quelques ustensiles de bas prix, quelques hottées d'engrais, le salaire de l'homme qui sème, sarcle et récolte, sont tout ce qui doit être retranché de la valeur des fruits, avant de les soumettre à l'impôt.
Mais voulez-vous porter le problème du revenu net, sur une grande ferme soumise à la main puissante d'un cultivateur industrieux et infatigable ? Alors l'idée se complique, les exceptions vous étonnent, des considérations sont balancées les unes par les autres, mille objections viennent atténuer les premiers résultats, et l'incertitude a été souvent la seule étincelle de lumière qu'on ait fait jaillir de la discussion. Ici, ce sont de3 bois taillis nouvellement plantés; durant vingt ans ils ne rapporteront rien. Là, ce sont des futaies; le revenu qu'elles promettent est encore bien plus éloigné. Ailleurs, des plantations de vignes ou d'arbres fruitiers se présentent ; dix ans s'écouleront avant que le propriétaire soit assuré de leur produit. Voilà des prés; il faut en déduire la nourriture des bestiaux nécessaires à l'exploitation. Le manoir offre un enclos fécond ; mais les bâtiments exigent des réparations, mais on l'a nouvellement entouré à grands frais d'un large et profond fossé, recouvert d'arbres. Ces terres sont fertiles et couvertes de troupeaux ; mais les blés sont sujets à des maladies, à des vimaires, et ces troupeaux ne font que passer sur les champs; la plupart seront engraissés et vendus avant l'hiver.
J'ose entreprendre cependant, Messieurs, d'amener cette importante question, non à sa solution géométrique, ce que je crois impossible, mais du moins au point de vérité incontestable qu'elle peut atteindre.
Trois espèces d'avances doivent, comme l'a dit M. Rœderer, fixer l'attention du législateur, lorsqu'il est au moment de prononcer sur l'imposition. Ces avances sont : 1° celles du défrichement et quelquefois du dessèchement ; 2° celles qui renferment les fonds de bestiaux et de meubles agricoles, nécessaires à l'exploitation de la ferme, la valeur de la semence, les frais de récolte, les réparations, les salaires et la nourriture des domestiques ruraux, la nourriture des bestiaux de labourage et des troupeaux utiles aux engrais ; 3° les dépenses extraordinaires d'industrie qu'un propriétaire peut risquer pour élever rapidement sa propriété au plus haut point de produit.
Ici j'observe que la première espèce d'avance n'a point lieu pour, celui qui achète un
terrain déjà en culture ; que les avances de la seconde espèce sont continuelles, et que leur
extraction du revenu net est aussi facile, qu'elle est de droit rigoureux ; enfin, que la
troisième espèce d'avance est la seule qui présente des objets quelquefois douteux,
difficiles à déterminer et à déduire, sans
Permettez-moi maintenant, Messieurs, de vous montrer la question sous une autre face encore que celle sous laquelle elle vous a été présentée jusqu'ici. J'espère l'éclaircir en l'embrassant davantage. M. de Delley d'Agier et moi avons à peu près les mêmes principes; nous ne différons que sur quelques détails. Peut-être vous conduirons-nous au même but.
Imposerez-vous le sol seul, ou ferez-vous entrer les accessoires du sol dans l'imposition ? Voilà, pour moi, le vrai jour de la question. Mon avis est que le sol seul doit être imposé, et non les accessoires. Je me demande quels sont les accessoires du sol? Sont-ce les arbres ? sont-ce les troupeaux? Il me paraît évident que le sol n'a d'accessoires que les troupeaux. Un arbre planté ne peut plus être considéré séparé du sol : tant qu'il n'est pas planté, il n'est qu'un morceau de bois ; mais les troupeaux parcourent diverses propriétés, et peuvent, pour ainsi dire, s'isoler du sol. Ce n'est pas que je ne sache combien sont précieux les arbres dans certaines provinces ; je n'ignore pas que les arbres en sont un des premiers revenus, et c'est une nouvelle raison qui ne me permet pas de les soustraire à un impôt modéré et combiné avec celui du sol. Au surplus, ces provinces, plutôt pastorales qu'agricoles, n'ont pas{à se plaindre dé ce que je regarde comme de toute équité, et de ce que je vais prouver relativement aux troupeaux.
Je vous prie de m'accorder un peu d'attention, Messieurs : Un arbre qu'on a planté prend du terrain, ombrage d'autres productions qu'il peut altérer, se nourrit aux dépens du sol ; il faut donc qu'il se présente à l'imposition pour ce qu'il déplace, et ensuite pour ce qu'il vaut.
Les troupeaux, au contraire, ne sont pas un instant sans fertiliser la terre par les engrais qu'ils y répandent; par conséquent, à chaque instant ils payent leur part de l'impôt : ils la payent une seconde fois en vous procurant la facilité d'estimer le revenu des montagnes peu herbeuses, des pelouses aridés, des terrains les plus ingrats, qui échapperaient à l'imposition et n'auraient nulle valeur sans eux. Lorsque vous estimez l'herbe de ces terrains et lorsque vous trouvez une augmentation dans le revenu des prés, des terres labourables, ou d'autres objets, par les engrais et le parcage, ne faites-vous pas payer largement toute espèce d'imposition aux troupeaux de quelque nature qu'ils soient?
De plus, les troupeaux ne sont-ils pas, comme les arbres, dans le cas de périr par l'intempérie des saisons? ne faut-il pas bien d'autres avances et d'autres soins pour élever et conserver les troupeaux, que pour faire prospérer des arbres ? C'est le moment de le dire, Messieurs, les troupeaux sont cent mille fois trop peu nombreux en France : les troupeaux donnent à l'Espagne et à l'Angleterre des avantages divers que nous pourrions tous réunir. Les négociants qui font le commerce des laines savent seuls tout ce qu'il en coûte à la nation, et tout ce qu'elle pourrait épargner. Les troupeaux méritent la protection la plus marquée des représentants du peuple fran ; çais. Ce sont les troupeaux qui nous vêtissent, nous nourrissent, fournissent une matière qui nous éclaire, ils sont propres à des usages utiles, jusque dans leurs moindres parties. Je vous supplie, Messieurs, de ne pas rechercher si quelque intérêt particulier peut m'animer, mais si ce que j'avance est juste et patriotique, je sacrifierais,
comme tout autre, mes intérêts personnels avec transport, si c'était le moment. Nous ne sommes pas ici pour nous dépouiller totalement de nos intérêts, mais pour les lier et les subordonner à la cause publique, qui n'est que la réunion des intérêts particuliers arrangés dans Ja balance de la justice.
De tout ce que j'ai dit, je conclus que les arbres doivent être estimés avec le sol, comme en faisant partie, et qu'on doit en calculer le produit net sur neuf récoltes, ainsi qu'il était d'habitude d'estimer celui des terres labourables pour trois années, parce que les blés sont sujets aussi à des maladies, et que tes saisons ne sont point toujours aussi favorables pour eux.
Comment, me dira-t-on, exciterez-vous l'industrie pour les plantations des vignes et des arbres, dans les provinces méridionales où. ces productions sont le principal revenu, et où elles ne sont en vigueur qu'à dix ans? Voici comment je crois qu'on peut y parvenir partout :
Je divise les terres par classes déterminées. Plus je multiplierais les classes, et plus j'approcherais de la perfection de l'impôt et de l'encouragement. Mais je me borne à en établir six bien distinctes. Un règlement peut les subdiviser.
Première classe.
La terre sans culture qui donne Un produit faible et brut, qui n'a de valeur que par les troupeaux, tant qu'elle n'est pas défrichée, et qui même peut être de nature à perdre par le défrichement.
Deuxième classe.
La terre moitié inculte, enrichie de plantations d'arbres fruitiers, ou de vignes de médiocre prix, ou de futaies.
Troisième, quatrième et cinquième classes.
Les terres labourables de trois qualités, les inférieures, les moyennes et les excellentes.
Sixième classe.
Les bois taillis, les bons prés, les chenevières, etc.
Les classes des terres une fois établies, les municipalités seraient obligées de respecter cette division, durant 15 ou 20 années. Elles ne pourraient changer en rien la répartition des impositions dans leur sein, qu'à l'époque du temps déterminé par l'Assemblée nationale. Je préférerais vingt années. Ce laps de temps éviterait beaucoup d'exceptions pour les encouragements : c'est à peu près la durée d'une génération ; et cette récompense me semble digne de la nation envers ses plus chers et ses plus laborieux enfants, les cultivateurs. J'ajoute à cela, que le contribuable, après cet intervalle, ne pourrait voir son champ ou sa ferme monter que d'une classe à l'imposition, quelque produit qu'il en tirât de son industrie. Il en serait de même si la propriété était dans le cas de descendre, ce qu'il mut croire qui arriverait rarement.
Ainsi, un terrain amélioré, qui serait fixé dans la classe inférieure n° 1, ne pourrait, au bout de vingt années, être porté à l'imposition que dans la classe n° 2.
Cette augmentation particulière et accidentelle n'accroîtrait la contribution générale de la municipalité, que dans la supposition où l'Assemblée
nationale ordonnerait une nouvelle revision du cadastre, ou une augmentation provisoire des impôts au marc la livre des départements ; ce qui ne doit arriver que dans lès périls imminents de la patrie.
Jusque-là le bénéfice ou la perte, dans la variation des classes, de vingt années en vingt années, serait au profit ou au détriment de chaque municipalité. Cette loi nouvelle, peut-être unique dans les annales trop affligeantes des subsides, donnerait à chaque section de l'Empire une attention suivie à empêcher la détérioration du territoire, inspirerait des sentiments de fraternité pour secourir les petits propriétaires ou colons, créerait un intérêt sensible pour tous à exciter les améliorations. Nul contribuable d'une municipalité ne pourrait plus voir avec envie les cultivateurs qui formeraient des entreprises, et qui seraient couronnés du succès. L'intérêt personnel de chaque habitant lui inspirerait cette réflexion : Tu jouis de tes avances, de ton industrie et' de tes peines; mais dans vingt annëes}moi ou ma famille en partagerons le profit. La nation entière pourrait répéter le même discours.
Je m'arrête, et je finis par dire qu'à ce moyen l'Assemblée nationale n'aura plus à considérer que les dessèchements, les défrichements et toutes les dépenses extraordinaires pour lesquelles elle a déjà fait une exception; travaux patriotiques, qui doivent exempter les terrains, ^pendant une quantité d'années, du peu d'impositions que ces terrains payeraient dans les classes où ils seraient portés par leurs faibles productions.
Si j'ai été assez heureux pour répandre quelques lumières sur le revenu net, je ne le dois qu'à l'expérience de vingt années d'exploitation par moi-même. C'est cette même expérience qui me fait vous proposer, Messieurs, de rédiger ainsi l'article du revenu net :
PROJET DE DÉCRET.
Des articles du revenu net.
1° L'Assemblée nationale entend, par le revenu net, le produit entier du territoire, dont il sera retranché partout les avances premières, les reversements annuels et les frais de culture et d'entretien indispensables, c'est-à-dire, dans l'exploitation d'une fernie, l'intérêt à 5 0/0 du fonds des bestiaux de labourage, la valeur de la semence, les frais de récolte, les salaires et la nourriture des domestiques ruraux, la nourriture des bestiaux et des troupeaux nécessaires à la culture, l'entretien des bâtiments et des ustensiles agricoles. Quant aux dessèchements, aux défrichements et aux dépenses extraordinaires d'industrie productive, et aux vimaires, l'Assemblée nationale se réserve de s'en occuper dans des articles particuliers.
Articles additionnels.
2° L'impôt territorial sera assis par classes déterminées de productions et de nature du sol, sui-vant le règlement qui sera joint au décret.
3° Il ne pourra être apporté aucun changement à la répartition de l'impôt territorial, durant vingt années, si ce n'est par un nouveau décret du Corps législatif; mais ce temps expiré, chaque municipalité, sous l'inspection de l'assemblée de district, est autorisée à revoir son imposition sur la simple réquisition du sixième des proprié-
tàlf-és-, ët â teé là {iàft&gër phi! égàléttiënt; dë fflt* Diêre cëpëfidâht, ôd'unë piêèë në tëri*è bli ùbë fërthë ëntiê^ë Jbë puisse jàmaiS ku^tneUtët1 bii ui-ihinUéf qùë d'tift sëùl dëgrë daââ lës clàSsës déterminées.
Divtn membres demandent l'impression deS discours dè MM:dë Là RechefoUcauld* deOelley ët fleurtault-La tnervillé t
(L'impression est erdbhnée.)
Le comité côipmal demande si l'intention dé l'Assemblée ëst.u intërromprë la discussion sur la coq tribu lion fohcièrë^Ôi|r éh-t'ébdrë lé rapport sur Vaffaire de Saint-Domingue*
'(L'Assemblée iiécide que le rapport sera entëndû.)
iivpftorteUr, ïnontë à la tHbune.
(Lë ràppnirt de M. BàrttàVë rie pût êtrë lu ttù'eti tiartië dadë feettë sëàricë ; là fi h fut ^ertvëyëe âli Iebdéiiiaini Afin dë fië pàs Scinde!4 ëe decu-fflënt-, flbUs l'inSëtbhé ëh èhtiertlahS là feéàûcô tlta. 12 Oëtobrë; p. S49.)
A tMif hetirés là leéttirë flti rapport ëBfc interrompue.
lève la séance.
Séance du
La géanëë ëét ëUVërte à six heërëS et demiêdu sblf;
, secrétaire*, donne lêétiirè du procès-verbal de la séance du matin;
Le proCèfe-Vérfràl Vehd cbïtipté de ce qui s'est passé ce matin lorsque M. l'évê-que de Glermont ft à là tHbune. Je crois que cette partie est de trop puisque l'Assemblée n'a pas jugé tfoà^ë&àblô dîelitèhtirè l'orateur.
L'observation est parfaitement fondée et d'après tout ce (qui B"ëst paSsé dante des circonstances pareilles le passage dont il est question ne doit pas être maintenu.
(L'ÀsStenibtëe ordonne la suppression da passager)
mïï. ïè'f âéjp'utts au (forps et dû corner ce de rorpvr&rïej introduits a ]a barre* présentent jà i'^semblée,/nà/ii^iàl® un§^adr€jssë eï.tme pétition l'en dattes .à la suppression ^dù droit uë contrôle d'or et dVgènt, .comme inutile^ peu productif, nuisible à leur commercé, èt contraire àu nouveau régime.
rëpôttâ qttë ï'Asèëmbjée examinera, dans sa sagesse, l'obîè't $è ïëftfr jpmï-tion ; il leur accorde la séance.
demande que l'adresse et la pétition soient renvoyées au comité de commerce., en ordonnant que ce comité présentera un travail -sur tous les arts et métiers'.
pDs'èrvé ^ue f'èxàmeù ae ce qui 'cobc&'rhè tôu'S lès 'arts et métiers eôfeàuirait tro'p M, 'i&àià il 'dëînàndé qùè le comité "ëèn-tràl» 'çnarêê, 'd'è ^•'ésènter up 'ordre de JràVail, avec là âïsïiTà'çlîôû des ftrticlès. î^nStitWÏônnêls et ï-éftMMÏrè^, àït & s'expliquer sll s étàit àsM£5îé.
Révehartt à là Jtëtitlën des ëïfètrëB) Ott demande bhë lëtirs syndics soiëhï àppëlés au cëtilité de cômmëfcë.
SU? Cette dernière dëmànde, la question préalable eét pfopbsëë et adbptêe.
Là qdëëtion SU!1 lë fënd ffiisë âttx tbix, là pétition des orfèvres est renvoyée aux comités dë cëMttiërëë, des fihàttëës et des monnaies.
L'ordre dù jour ést la suiiè ae l(i discussion sur lès siens nationaux à vendre ou à conserver» sur leur administration, eth
rappôrlèvtr. VOUS ûtëz fenVoVé à fbtï'e 'cbrtiHêi pour y être terôhdu; un àraclë adopté. Cet article est lë 18é devenu le 22® dli titré II, déclaté dans la Séance du 8 de 6ë ttàëïs. Lë comité, après un hôtovèl exaniên, a pèttsê qu'il V avait liëli dé modifier et dlétèhdre l'àrticlë. Voici là bouvëlle t-édactidn que jë Suis ébàrgë dë Vêtis propoôët :
Art» 18 devenu le 22»
it lb Les bàdx des dtoitstbnblers ûë cbriipfett* dWnt qué lëè jiVëétktiôiiS 'Ofiiibàires ët àhnUëllës à êënôif.
« 26 Quàbt à cëuX: ëchuS, lës fermier! Sëront chargés de donner tous leurs soins pour on procurer le recouvreMêhti
« 3° Ils seront également chargés de donner tëtiS lélirt èëinS polit pl'Ocuhîi, le Irëcoûfrëhient des droits caSÛelS iéchAS ët à échoit,
4® Eh éàs qu'il he dépendît à'ûnë terté que des droits ëàsdelê, le fermie? tië ïà terré là pluS voisine, dont il dépendra des prestations ordinaires et annuelles; serà ëhàrgë desdits soins.
« 5° Il sera accordé aux fermiers, pour prix de léhtedites peines et soinSi 1 Sël pàr livre du mohltàht des feôïhffiëà qb'ils Pefottt tëfttrë?, od telle autre récompense qui sera jugêê ëonvé-nable par le directoire du district, pourvu qu'elle tt'ëxcêde pss 2 sols par livre-.
« 6° Les prestations ordinaires et annuelles ééfeiiè'à, âitiSi ^hë les droits èàSbëls ëchiis ët à échoir, "êétonlt liquidés par lë 'dirëcVolrô dù dîé-trict en présence du procureur syndic, des redevables et du ferifiïèlh
« 7° Les ^remises d'usage pourront être faites sût les audits casuels par lé dîréôVôiré du district, sur l'avis du projpureur.syndic. En eas que leS jdjfôus .'càSiiëié êicè'dênt. aucune
liquiaà'tioii né ppur'rà àvôi)r awèt? ni aucune remiSe ftè ^oùrra être 'acè'ôMéê, qù^àutànt qu'elles à'ùrôht 'ét'é àpprbuVéè's le aifèctoirë au dè-pà'rté)nënt.
« 8° Lè montait 'des. JiV'è'Statibhs ordiisaires et anhùénëS Ifôb'Ùéè, ét des droits càstiëlf échus èï àèëhoir, ié'ra ^ayë àu reèë'vëùr dû dïàtfiçt; 'pt lofs du pàf ein'ên^ Tés fermiëfs tbùcberô'nï; là ré-é'ôàmjôilè qùi lëiur àdrà été àcCoraee^,
« yô En càâ 'dë tàcbàt des prestations ordinaires ét àn'niielles et dès droits casuels, le prix des ùWéS et dès àù'trë! sera yérsé direclement dans la caisse du district, sans qué lè re'rmïèr nuis se prët^endrë à aùèûne àûire indemnité, qu a une diMnjutîôn d'à prix dù bail 'proportionnée au prbdùit dés préstàtions o'rdinâirès et casuelles rachetées^ d'après la fixation qui en sera faite pôu'r le ràchàt.
. «10 Ne Sêrô'ûi comp'rises dans les baux, les p'f^taiïônS ordinaires et annuelles* bï né seront perdus par les receveurs lesjdrbit^ casuels échus ayant Té 'prêîûier JànYî# et r^iërvés aux benëficièrs séculiers|>âr fe âecreVdes 6 et |ï août aèrùtèr.
* 11° Les îërffllerâ Sërbht tëtiUfc d'aV'dir tin fe-gisthe qui serai paraphé par lë président du directoire dd district» dahs lequel ils inscriront, par , ordre de daté ët de numéro, les t[iiitlahceë qu'ils donneront des prestations ordinaires et annuelles à échoir^ ët celles l|Ui sërëht dotinëëS |iàr lës récëvëdrs de tiistribt, dëB prëStâtiobS ahttUellëSj ordinaires el éehues} et dek droits caiiieiS tàHt ~"échtrs qu'à éÈholf 5 toUteS léBj&èllëa US feront signer par les redevables qui SaUroUt signer.
"Divers membres demandent la parole»
attaque l'ârtlclé dans sbli ensemble ët danS ses dêtàïll et dëmahdë qu'on décide les pdirit.S sUîvahté :
ld Doit-on fixer dei à îJfcêâBfit là remise bùe le8 receVëlirs des drdtks cdsbèls jlbiirrOht fUlrë,
ou s'en tlebdra-t-bd à ruMpï
.2° Admettra-t:bri poiir lé jfecbliVréltiéfat ; ët là perception, la bonburtetice des é'dhtrôieurs âVëc lë fermier?
Après de longs débats, Un demande que la discussion soit fermée; ce qui ëàt décrétés
L'àmendemeat est rejeté j
propose de, confier aux administrateurs de districts la faculté de donner à ferme ou de faire régir selon ee qui paraîtra le plui convenable.
Cet ahiendêndëtit est égâîement 'èbàhë par là quëStlon tjréâlablê.
L'article ëSt ensuite décrète dàiis lés tërrdés proposés par le comité.
rapporteur. Nous pâSSbïis maintenant à l'article 25 devenlà ie 29 ët dodt là discussion avait été cbmmetic'ée dans là ftërhièrë seànbë; Nous vous proposons Une nouvelle rédaction dans laquelle se trtillVent englobés lës artlclés primitifs numérotés 25 ét 20: En Voici lé texte :
Art. 25 et 26 devenus ie 29.
fc Il sera iheessàtomëut pourvu àtii mbyëhs ée fournir, à compter du premier janvier 1791, aux réparations et entretien des églises paroissiales, des presbytères* des clôtures de cltnètièrëS, àidsi qu'à la dépense des livres, vase§ Sacrés, Ornements et autres dépenses dont étaient tenus, soit les déci-matëhrs tàht ecclésiastiques qlië laïcs, âbit lés bénéficiera, lëë chapitres et autres cbrjis ; â l'égàrd dë la prêséhte année, cëtte. partie de la dépense du cultë sera supportée parlesdécimateurs lâïcs,dàns le cas où ils y sont obligés, et jjbur là tjlidtité|à laquelle ils sont tenus f en .ce qui concerne la portion de cette dépense que supportaient les dëciillàtèdi'S ecclésiastiques, ellè sera payéë la présente atihéepar lës receveurs dë district, chacun dâhs leur arrondissement, d'à^rèâ là litjbi-dalibti qui ëd Sferà faite fcar lé directoire dli département; Stir l'âvls dë ëèiui du district; et ensuite des Observations des municipalités. »
(Cét article ëât adopté Sans opposition.)
, rapporteur, donne lecture des articles ci-dessous, qui sont adoptés après de très courtes observations:
ÂrL 27 devenu ie 30;
s Les dispositions des articles 96 ët 87 dU décret du 24 juillet dernier; CèdéernaUt le traitement du clergé actuel^ auront lieu à l'égàrd des réparations et des fourhitureg auxquelles étaient Obligés lës décimateurs ecclésiastiques : néanmoins, tant ces
dërniërS quë lës béiiëfibiers compris au* fteui articles SusditSéërotit tëhUS d'àbqîiitter les réparations et les fournitures jiour lëStjliëlieé il y aurait contre eux des condamnations prononcées par des jugements en deraiër ressort.
Art. 28 devenu le 3l.
« Les héritiers des bénéfieierB et des décimateurs ecclésiastiques, qui seraient décédés depuis le premier janvier 1790Jouiront des avantages dont ceux-ci auraient jpronle s'ils eussent vécu. »
TITRE III.
Du mobilier, des titres et papiers, et des pfiôèfo.
Art. ier.
« Aussitôt après l'évacuation des, maisons et bâtiments qui ne seront plus occupés» et des églises dans lesquelles il ne se„ fera plus de service^ les directoires de district. féront vendre tous les meubles» effets et ustensiles dont aucune destination particulière n'aurait été effectuée en vertu des décrets de l'ASèedltilée. L'argenterie, qui n'aurait pas été réseryée en vertu de décrets de l'Assemblée, sera portée aux hôtels des monnaies, dont les directeurs donneront leurs,, récépissés au procureur syndic, lequel les, fera passer au procureur générai syndic, pour les renvoyer aux officiers qui seront chargés de la direction générale des monnaie^.
Art: 2.
« il sëfà fait, de i'dKdre dëS directoires ^ës départements, par.^ dè districts, ou par tels préposés dûé 'ééUk-ci dpmtftëttr'pnt, ùd catalogue dës livrés » hiahUscritS^ médailles j machines. et âuprëë objets dë ëë genre qui se trouvèrent dànS lëS .bibUdthèqUêS'dii càbinëls des corps, maisons et communautés supprimés et conservés provisoiremëht, ou un récolementsur les catalogues ou inventaires qui auraient déjà été faits.
Àrt. 3
II sera fait ensuite Une distinction des livres et autres objets à conserver; d'àveG ceux qui serbnt dans le cas d'être vendus. Pour y parvenir, les municipalités seront entendues dans leurs observations', les directoires de district les vérifieront, et ceux de département donneront leur avis, et enverront le tout au Corps législatif; pour être statué ce qu'il appartiendra.
Art. 4
« Cenx des objets dont la conservation ne sera pas arrêtée seront vendus»
Art. 5.
« Les procès-verbaux de vente seront exempts de tous droits, excepté de 15 sols pour le contrôle; le prix , en sera versé dans la caisse du receveur du district.
Art» 6.
« Les meubles, effets et ustensiles seront vendus dans lui encan par tel Officier qui sera choisi par le directoire du district, en présence d'un de ses membres et .d'un officier, municipal. Quant aux ornements et linges d'églises, il sera incessamment statué sur leur
Art; 7.
« La vente sera Annoncée ùti îiidil d'âtànfeé par dës affichés, de fiuitàihë en hUitainë, dans lë3 lieux voisins et accoutumés: Elle sera faite dans
les lieux où se trouvera le plus grand concours d'acheteurs, suivant l'indication qui sera donnée par les directoires de district.
Art. 8.
« Quant aux livres, manuscrits, médailles, machines, tableaux, gravures et autres objets de ce genre, il sera incessamment statué sur leur destination.
Art. 9.
« Les dépositaires des objets ci-devant énoncés, seront tenus de les représenter à la première réquisition, à peine d'y être contraints même parcorps.
Art. 10.
« En cas de soustraction ou de recelé desdits objets, si les soustracteurs ou receleurs ne les représentent pas dans la quinzaine de la publication du présent décret, ou ne se soumettent pas d'en rapporter la valeur, ils seront poursuivis et punis suivant la rigueur des lois.
Art. U.
« Sont et demeurent exceptées, quant à présent, des dispositions des articles précédents relatifs à la vente, les cloches des églises, monastères et couvents, sur Ja destination ou
Art. 12.
« Les registres, les papiers, les terriers, les chartes, et tous autres titres quelconques des bénéficiers, corps, maisons et communautés, des biens desquels l'administration est confiée aux administrations de département et district, seront déposés aux archives du district de la situation desdits bénéficiers ou établissements avec l'inventaire qui sera fait préalablement.
Art. 13.
« A cet effet, tous dépositaires seront tenus, dans le délai fixé par l'article 10,ci-dessus, de les remettre auxdites archives, à peine d'v être contraints même par corps; et en cas de soustraction ou de recelé, si les soustracteurs ou receleurs ne rapportent pas, dans le même délai, ce qu'ils ont enlevé, ou s'ils ne se soumettent pas de le rapporter, ils seront poursuivis et punis suivant la rigueur des lois. »
, rapporteur, lit les articles 14 et 15.
Après une longue discussion ils sont ajournés et renvoyés aux comités féodal et ecclésiastique.
lève la séance à neuf heures et demie du soir.
Séance du mardi
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du lundi soir, 11 octobre Ce procès-verbal est adopté.
, député de Bordeaux, demande que l'affaire des deux officiers du régiment de la Martinique, placée à l'ordre de ce soir, soit ajournée et jointe à l'affaire générale de la Martinique.
Cette motion dilatoire doit être repoussée ; La municipalité de Saint-Pierre delà Martinique, qui ne subsiste plus maintenant, a jugé à propos, pour étouffer prétendus troubles, de prononcer, au mois de février dernier, une déportation contre deux officiers du régiment de la Martinique qui est en garnison dans l'île dont il porte le nom. Ces deux officiers ont été transférés en France et dénoncés à l'Assemblée nationale. Qu'y a-t-il de commun entre les troubles survenus dans l'île au mois de juillet dernier et cette affaire, qui soit la matière d'un rapport du comité colonial ? Il n'y a aucune con-nexité, il ne doit donc pas y avoir de jonction. D'ailleurs, l'affaire de ces deux officiers est suffisamment instruite. Les dénonciations ont fourni contre eux cinq mémoires, il est bien temps qu'on fasse cesser l'incertitude, plus cruelle qu'un jugement, dans laquelle trouvent les deux accusés.
Je réclame l'ordre du jour sur la proposition de M. Nairac.
; (L'ordre du jour est prononcé.)
Les ecclésiastiques non prêtres de la Congrégation de Saint-Joseph, dévoués à l'instruction de la jeunesse, demandent d'être membres de cette société comme ceux qui sont promus au sacerdoce.
Cette pétition est renvoyée au comité de Constitution .
Il est rendu compte d'un travail utile fait par M. Bernadau, avocat à Bordeaux, qui, voulant propager parmi les cultivateurs de son pays les principes de la Constitution, a traduit en leur idiome la déclaration des droits de l'homme et de citoyen.
L'Assemblée nationale, applaudissant à cet acte de civisme, ordonne qu'il en sera fait une mention honorable dans son procès-verbal.
demande et obtient un congé de quinze jours.
demande et obtient également un congé d'un mois.
, rapporteur du comité de Constitution, propose des articles additionnels aux décrets déjà rendus sur Vorganisation des tribunaux.
Ces articles sont décrétés, presque sans discussion, ainsi qu'il suit:
Art. 1er.
« Les juges élus pour composer les tribunaux de districts seront installés sans délai, et commenceront leur service aussitôt-qu'ils auront reçu les lettres patentes du roi ; et si le commissaire du roi près d'un tribunal n'était pas nommé, ou ne se présentait pas pour prêter son sermentde réception, les juges de ce tribunal commettront un gradué qui en remplira provisoirement les fonctions.
Art. 2.
« En attendant le prochain établissement de la procédure par jurés, les anciens tribunaux, tant qu'ils resteront en activité, ensuite les tribunaux de districts, lorsqu'ils seront installés, pourront, dans toute l'étendue du royaume, et nonobstant toutes lois et coutumes locales contraires, informer, décréter, instruire et juger en ma-
tière criminelle; à cet effet, les tribunaux de dis-^ trict commettront un gradué qui fera provisoirement les fonctions d'accusateur public de la même manière que les anciens procureurs du roi.
Art. 3.
« Les tribunaux de district suivront provisoirement, en toutes matières civiles et criminelles, les formes de la procédure actuellement existantes, tant qu'il n'en aura pas été autrement ordonné.
Art. 4.
« Les procès civils et criminels pendants en première instance dans les tribunaux supprimés dont le ressort se trouve divisé en plusieurs districts, continueront d'être instruits devant le tribunal de district où était le chef-lieu du tribunal supprimé, et y seront jugés.
Art. 5.
« Les procès civils pendants aux parlements, conseils supérieurs, présidiaux et autres tribunaux d'appel supprimés seront renvoyés aux tribunaux de district qui remplacent les anciens tribunaux qui ont jugé ces procès en première instance, et les parties y procéderont, conformément aux dispositions du titre V du décret du 16 août dernier, au choix d'un tribunal d'appel sur les sept qui composeront le tableau pour le tribunal substitué à celui qui a rendu le jugement; ce qui n'aura lieu toutefois que dans le cas où toutes les parties ne consentiraient pas à j être jugées par les tribunaux de district établis dans les villes où étaient les présidiaux, conseils supérieurs, parlements et autres tribunaux d'appel saisis de ces procès.
Art. 6.
« Les procès pendants en première instance ou par appel, dans quelques tribunaux ou devant quelques commissions extraordinaires que ce soit, en vertu de committimus ou autifés privilèges, ou en vertu d'évocation ou attribution quelconque, seront renvoyés aux tribunaux de district qui remplacent ceux qui auraient dû naturellement connaître de ces procès, soit pour y être instruits et jugés en première instance; soit pour y être procédé au choix d'un tribunal d'appel, ainsi qu il est dit en l'article précédent.
Art. 7.
« Seront comprises dans le précédent article les affaires dont la connaissance a été attribuée, par des décrets de l'Assemblée nationale, à quelques-uns des anciens tribunaux dont les fonctions vont cesser, à l'exception seulement des accusations pour crimes de lèse-nation attribuées au Châtelet de Paris, sur lesquelles l'Assemblée nationale se réserve de prononcer ultérieurement.
Art. 8.
« Les procès criminels pendants aux anciens sièges prévôtaux et présidiaux, et ceux pendants par appel aux anciens parlements, conseils supérieurs et autres tribunaux d'appel, seront nécessairement jugés par les tribunaux de district établis dans les villes où étaient les sièges prévôtaux et présidiaux, les parlements, conseils supérieurs et autres tribunaux d'appel saisis de ces procès.
Art. 9.
« L'appel des procès criminels qui seront jugés en première instance après la publication du présent décret, même de ceux qui auront été
jugés antérieurement, lorsque les accusés n'auront pas été transférés aux prisons près les tribunaux d'appel, sera porté et jugé en dernier ressort dans l'un des sept tribunaux de district dont le tableau sera incessamment proposé et arrêté pour le tribunal de district qui aura rendu le jugement, ou qui se trouvera substitué à l'ancien tribunal qui aura jugé.
Art. 10.
« Le choix d'un tribunal, entre les sept qui composeront le tableau, appartiendra aux accusés; et, dans le cas où ils n'auront pas usé de leur droit, ce choix sera dévolu au gradué faisant les fonctions d'accusateur public près le tribunal de district qui aura rendu le jugement, ou qui se trouvera substitué à l'ancien tribunal qui aura jugé.
Art. 11.
« Les tribunaux de district qui jugeront les appels en matière criminelle ne pourront prononcer qu'au nombre de dix juges lorsque le titre de l'accusation pourra mériter peine afflic-tive, et au nombre de sept, lorsque le titre de l'accusation pourra mériter peine infâmante; à l'effet de quoi ils appelleront les suppléants, et autant de gradués qu'il en sera besoin.
Art. 12.
« Les dispositions du présent décret relatives à l'instruction et jugement des procès criminels n'auront lieu que provisoirement, et jusqu'à ce que la forme du jugement par jurés soit mise en activité.
Art. 13.
« Dans les villes où les tribunaux de district vont être installés, le conseil général de la commune notifiera, au moins quatre jours d'avance, aux officiers municipaux des autres villes et lieux du district dans lesquels ij y a des tribunaux supprimés et dont les fonctions doivent cesser, le jour qu'il aura fixé pour l'installation ; et, la veille de ce jour, les officiers municipaux se rendront en corps aux auditoires des tribunaux supprimés, dont ils feront fermer les portes ainsi que celles des greffes, après avoir fait mettre par leur secrétaire-greffier le scellé sur les armoires et autres dépôts de papiers ou minutes en leur présence et en celle de l'ancien greffier de chaque tribunal, qui sera tenu de s'y trouver.
Art. 14.
« Dans les lieux où les papiers et minutes des greffes se trouveront déposés dans la maison du greffier, le scellé sera mis provisoirement en cette maison sur les armoires et autres lieux de dépôt qui contiendront les papiers et minutes ; il sera ensuite dressé inventaire de ces papiers et minutes contradictoirement avec l'ancien greffier, et ils seront remis au greffe du tribunal du district.
Art. 15.
Sont exceptées de la disposition de l'ar« ticle 13 ci-dessus les amirautés et les maîtrises des eaux et forêts dont l'activité ne va cesser que pour l'exercice de la juridiction contentieuse seulement ; mais il sera procédé incessamment au triage des papiers et minutes de leurs greffes, en distinguant ceux qui concérnent l'exercice de la juridiction, de ceux qui ne sont relatifs qu'aux parties d'administration confiées à ces tribunaux; les premiers seront remis au greffe du tribunal
de district, et les autres laissés à la disposition des officiers des aniirautés et des maîtrises. »
observé, que, l'Assemblée , nationale a décrété un sursis indéfini à i'exécution dés jugements prévôtaux, et qu'il conviendrait qu'on s'occupât enfin de statuer sur un objet aussi important.
(L'Assemblée natiohàle fénvoie la motion au comité de Constitution, et ordonne que le rapport. du comité sera imprimé et distribué avant la discussion.)
L*bfcjré au jbùr est là àulië du râpvôrl du comité colonial sur tés tfMblët àë Saint-Domingue.
, rapporteur (1). Messieurs, votre comité des colonies m'a chargé de mettre sous vos yëbx lâ éltllaiiotl dès affàiPéâ dé Sâint-Do-ihingUë, fet dë ydUs pfbpbfcër les fnëSUrëS qtië lui a paru exiger l'état abtuêl de cette cbiouië;
Lë§ éfrfiilemëhis qui s'y sont succédé sahs itt* terrhpiidii, ët dont les noUvellëê tibus sdtit par^ ven.Uës brëst|bëàu même iflStant, henoUS ont pâ& përffliS, Mes&iëurè, uë vous ën occuper blds tôt»
A peine ëÛthéé-hoUë rëçU l'ënVëi officiel dë quelques décrets de l'Assamblée, qu'une lettre de l'assemblée générale provinciale du nord nous Supplia de stiSiiëhdrë tt'ëh délibérer jusqU'à la JjrOdhaihë rêcëptibn dMihe adresse dont elle nous âniionçàit rfnvbl:
Cette adrêSSë éfet ârrtVêë ëtl ëffet, à été luë et renvoyée au comité des colonies, le 19 dU mois dernier.
. Presque au même instant nous avons appris que Msëmblëé générale était parvenue à se faire Confirmer par Utië fâible majôritë. Dès lors les évétiëibebts se sont pfresséi; et chaque jour hous eh a annoncé de nouveaux.
Enfin là conduite dë l'asSéttiblêe générale nous avait paru telle après sa cbniirmatioh* que nous nouS ëtldné dètèrmibes à vods propOiser de la diâêbddre; de càssëf ses arrêtés* d'etivdvër des forces dans là colonie, et nous rédigioné les mo-tifs de Cette résolution, lorsque l'arrivée du Léo-tydrd a présenté Une nouvelle situatiotl dés choses.
Dés députés du Port-au-Prince ët dé là Grbix-deS-Bouc|Uets btit suivi de près l'arrivée des membres de l'assemblée générale. VOUS avez entendu lëS Uns et lëS autres.
Il reste à votre comité à mettre sous vos yeux Iç tableau fidèle dés faits tel qu'il. résulte des pièces qui sont dans ses mains. Les mesures et les dispbëitiohS que voUS avez à décréter en ce moment, eu seront la conséquence naturelle.
Lâ question des choses, Messieurs, nous a paru poUvoir se séparer de cëllté dës personnes ;
toutes les mesures nécessaires pour rétablir daus la colonie l'état légal ët la tranquillité,
toutes les matqUëS d'approbation qui doivent rassurer et encourager ceux dont le zèle et le
patriotisme ont prévenu les maux dont elle était menacée, nous ont paru ne pouvoir se
retarder. Ces dispositions "doivent être dictées par Ube stricte justice» Aucun motif dë
considération ne peut ni les atténuer ni les suSpendré, et nous avons daiis les mains plus de
preuves qu'il ne ïâut pour prendre à cet égard UU parti àVeC Unë plëine sécurité.
Cest donc uniquement sur les àçtés, Messieurs, que j'arrêterai votre attention. Je lès laisserai parler eux-mêmes, autant qu'il sera possible; vous m'accorderez voiodtiërs quelques moments de plus pour acquérir de cette affaire une connaissance plus intime. On, a cherche à répândre tant d'erreurs qu'il est plus nécessaire quë jamais de mettre la vérité dans le plus grand jour. MeB réflexions ajouteraient peu à la clarté de là narration ; je les abrégerai ,poUr; laisser s'expri? mer par leurs écrits ceux qùi sont respectivement en cause.
Les premiers mouvements de Saint-Domingue vous sont connus : ils furent dus à l'impression qu'excita dans les colonies la nouvelle de la convocation des Etats généraiii en Fràqcë. Au momen^où la natiop.se mit, en mouvement pour conquérir sa liberté, un sentiment cbinmuh parut animer les Français dads toutes les parties du monde. Saint-D.omingue le ressqntit. Les ôpprës; sions que ses habitants avaient éprouvées leur devinrent insupportables : ils formèrent entre eux desassembiées pour présenter en. commun leurs doléances; un comité fut,institué dahs chacune des trois provinces; des électeurs nommés dans chaque paroisse élurent, les députés que vous avez admis à voter parmi ies représentants dë là nation.
Pendant cette première époque, les provinces de l'Ouest et du Sud dëtâeurèrent paisibles. La province du Nord fut seule agitée, soit que le mouvement y fut imprimé par quelques causes secrètes, soit que tous lés principes fussent naturels et qu'ils fussent uniquement puisés dans les alarmes qui s'étaient répandues, relativement aUx principes de la déclaration des droits,. ët dans le sentiment des t abus irrité par la résistance que le ministre du département fut acousé d'opposer à toutes les demandes des colons.
L assemblée provinciale du Nord se permit, dès lors, plusieurs actes de puissance; elle ordonna notamment et elle effectua, le .1°' janvier, le rétablissement du conseil Supérieur du Gap, supprimé par un édit de 1787.
Cependant on voulut former une assemblée unique et propre à représenter, toute ia colonie. Un plan de Convocation, envoyé d'ici par le ministre de la marine, fut rejeté par les trois provinces. Leurs trois comités en concertèrent un autre * suivant lequel l'assemblée coloniale dé Saint-Domingue a été formée, par la députation des paroisses, et composée de 212 membres; elle s'est réunie à Saint-Marc et s'est constituée, le 14 avril, sous le titre d'assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue.
Cette assemblée formée, les trois assemblées provinciales ne subsistèrent pas moins; mais leur Composition fut changée : plusieurs de leurs membres furent élus à l'assemblée générale, et quelques autres se retirèrent. L'assemblée de la province du Nord a seule conservé une activité constante. Le comité de l'Ouest, presque anéanti, lors de la formation de l'assemblée générale, fut ensuite ranimé pour soutenir ses opérations. Le Comité du Sud ne lui était pas favorable il a été détruit par une association qui s.'est formée dans la ville des Cayes, où il était établi.
Il Résulté des pièces remises au comité des colonies qtie, depuis le joUr de la Constitution de l'assemblée générale, jusqu'au du même mois d'avril, où le décret du 8 mars lui fut connu* elle avait déjà rendu un ^rand nombre de décrets : qu'elle avait ibandé a la barre divers officiers militaires et d'administration ; qu'elle avait arrêté, en principe, que toutes les lettres et paquets adressés aux administrateurs de la colonie seraient Ouverts par le président de l'assemblée, et qu'elle avait exécuté déjà plusieurs fois cette résolution générale s qu'elle tendait à s'assimiler en t«ut à d'Assemblée nationale, soit en rejetant les fiouvoirs limités, soit en prononçant l'inviolabi-ité de ses membres* soit en formant des comités qui Supposaient les fonctions d'une assemblée souveraine* constituante et législative.
Le 26 avril* l'assemblée générale reçut* de l'assemblée provinciale du Nord j votre décret du 8 mars, arrivé,dans la Colonie, mais non encore officiellement» fille décréta qu'il serait fait* dans le jour* une adresse de remercîments à l'Assemblée nationale, pour avoir bien voulu s'occuper des liés françaises de l'Amérique : cette résolution fut suspendue.
Le décret du â mars fixait ses pouvoirs : mais elle ne s'occupa point d'en exécuter les dispositions ; elle ne changea rien à sa première marcbe et.continua d'agir comme une assemblée législative et_ souveraine.
Le 30 avril, elle se déclara permanente. Le 5 mai, elle confirma le conseil rétabli précédemment au Cap par l'assemblée provinciale. Le 6, elle mit sdus ses ordres et appela auprès d'elle l'administrateur deê finances dé la. colonie» Le 7; elle manda à la barre lé sieur Augé, major pour le roi, à Jacmel. Le 8* elle défendit les concessions de terres des domaines par les administrateurs. Le 14, elle décréta différents articles de lois, sur lés tribunaux et les procédures judiciaires. Le 20, elle rendit un fameux décret pour l'institution des municipalités ; elle leUr attribue les fonctions des officiers militaires et diverses fonctions d'administration qui touchant aux intérêts de la métropole, sont gérés dans les colonies par des hommes qu'elle a proposés.
Tous cea actes, intitulé^ du nom de décrets, n'étaient Boumis ni à votre ratification* ni à la sanction du roi, ni à l'approbation au gouverneur» Ils étaient simplement notifiés à celui-ci, et, suivant leur nature, envoyés aux agents de l'administration ou au pouvoir judiciaire; pour être mis à exécution»
En tin le 28 mai, elle rendit un décret sur les bases fondamentales de la constitution de la colonie, qui doit être considéré comme uhe des pièces les plus importantes de cette affaire»
Avant de vous l'analyser, je dois, Messieurs, mettre sous vos yeux la situation où se trouvait alors là colonie de Saint-Domingue.
Voub n'avez point oublié quel fut l'esprit qui vous anima* quand vous avez rendu les décrets des 8 et 28 mars.
Les colonies étaient alarmées sur l'application de quelques -unes de vos maximes. Le régime I oppressif de l'ancien gouvernement leur était devenu insupportable* en voyant la liberté reconquise au sein de la mère-patrie. Butin la rareté momentanée des subsistances avait réveillé ces plaintes habituelles sur les lois relatives à leur introduction.
Vous voulûtes calmer leurs alarmes, vous voulûtes surtout faire joui? vos concitoyens dés colonies des fruits de l'heureuse régénération qui
s'était opérée pour tous les Français. Les décrets des 8 et 28 mars et les instructions qui les accompagnaient furent le résultat de ces intentions.
Vous ies rassurâtes pleinement sur les craintes qui s'étaient élevées relativement à leurs intérêts les plus précieux.
Vous annonçâtes l'intention d'examiner leurs pétitions sur le régime prohibitif, lorsqu'elles auraient été adressées par les assemblées coloniales.
Vous chargeâtes ces mêmes assemblées d'é-poncer leur vœu sur la Constitution, l'administration* la législation qui pouvaient convenir aux colonies; et l'expression du vœu ne fut limité que par des principes inaltérables, sans lesquels il n'existe plus d'Unité nationale, et sans lesquels aussi les colonies cessant de concourir à la prospérité de la métropole, ne seront plus pour elle qu'un poids inutile etruineux»
Indépendamment des différences qui devaient exister dans leurs lois particulières, vous sentîtes que leur position exigeait que leurs rapports constitution nels avec le Corps national fussent plus favorables à quelques égards* que Geux des autres provinces françaises, et vous annonçâtes, par vos instructions, la volonté ae statuer* en décrétant la Constitution des colonies, que les lois sur leur régime intérieur seraient préparées par leurs assemblées; que l'Assemblée nationale les décréterait sur leurs demandes* qu'elles pourraient être exécutées provisoirement avec la sanction du représentant du roi» .
Enfin, vous autorisâtes les assemblées coloniales à mettre immédiatement en exécution vos décrets sur les municipalités et les assemblées administratives, à la charge d'obtenir la sanction du gouverneur sur les modifications que la localité pourrait rendre nécessaires.
Ces dispositions justes et bienfaisantes produisirent* danif les colonies* l'effet que vous aviez droit d'en attendre ; partout la confiance renaquit, la joie et la reconnaissance se manifestèrent* et nulle part* l'expresBion n'en fut ni plus prompte, ni plus universelle, que dans la colonie de Saint-Domingue.
Les provinces du Word et Sud s'exprimèrent par les délibérations de leurs comités. Plusieurs paroisses voulurent y joindre leurs remercîments particuliers; l'opinion universelle se prononça avec une énergie qui se trouve consignée dans les registres mêmes de l'assemblée de Saint-Marc.
Vous avez vu, Messieurs* que dès le 26 avril l'assemblée générale reçut la notification non officielle de votre décret du 8 mars, et qu'elle né continua pas moitts à exercer la plénitude des pouvoirs, sans égard à la limitation qui lui était prescrite pâr ce décret.
Une partie des habitants ne se contentèrent point d'adhérer à vos décrets; ils s'étonnèrent que l'assemblée générale parût les méconnaître, ils firent tous leurs efforts pour la rappeler à leur exécution.
Le gouverneur général n'avait cessé de manifester les intentions les plus conciliantes ; son caractère et sa conduite seront mieux connus par la lecture du discours qu'il avait prononcé dans l'assemblée générale* le 26 avril* que par tout ce que je pourrais en dire» Voici ce discours :
Discours prononcé par M. lé gouverneur général dahs l'assemblée générale de la partie
française de Saint-Domingue, ie
« Messieurs, lorsque le roi m'a placé au gouvernement de Saint-Domingue, faveur insigne à la-
quelle j'étais bien loin de prétendre, je ne m'attendais pas au spectacle imposant dont vous me rendez témoin.
« Appelé par vous, Messieurs, au milieu des représentants de la plus riche et de la plus importante portion de l'Empire français, j'y apporte franchise, loyauté, amour pour le bien, désir ardent pour le bonheur et pour la prospérité de la colonie.
« C'est ici le sanctuaire où je viens déposer l'engagement formel et sacré de coopérer avec vous, Messieurs, au grand œuvre qui doit ramener l'ordre en protégeant efficacement les citoyens et leurs propriétés ; c'est ici et devant vous, Messieurs, que je profère avec ferveur mon serment de fidélité à la nation française, dont la colonie est partie intégrante, au roi bienfaisant qui nous protège, à qui nous devons le tribut de notre respect, de notre amour et de notre reconnaissance, à la loi sous laquelle je fléchis le premier, et dont je maintiendrai les décrets.
« La régénération de la monarchie doit s'étendre sur toutes les parties qui la constituent, et pour que les colonies participent à tous les avantages réservés aux provinces plus approchées de la métropole, l'Assemblée nationale, en les autorisant à faire connaître leur vœu sur la Constitution, la législation et l'administration qui leur conviennent, leur annonce une instruction qui renfermera les bases générales auxquelles les assemblées coloniales devront se conformer dans les plans présentés par elles, pour être ensuite examinés et décrétés par l'Assemblée nationale, et présentés à l'acceptation et à la sanction du roi.
« Telles sont, Messieurs, les dispositions du décret de l'Assemblée nationale relatif aux colonies, déjà connu dans celle-ci, et qui ne peut tarder à y être directement adressé par le pouvoir exécutif ; en même temps qu'il vous impose la tâche pénible, mais glorieuse, qui va faire dépendre de vos lumières et de votre prudence les succès de la colonie et le bonheur de ses .habitants, ce décret me prescrit mes devoirs.
« Unissons donc nos vœux et nos efforts dans l'exercice des pouvoirs respectifs qui nous sont confiés; occupons-nous, de concert et sans relâche, au bien général ; pénétrés d'un zèle vraiment patriotique, écartons de nos délibérations toutes prétentions personnelles, toutes vues par-culières d'intérêt; remplissons-les enfin avec courage ces devoirs si chers aux bons citoyens, et consacrés par nos engagements et par notre serment de fidélité à la nation, au roi et à la loi. »
Ge même gouverneur crut, le 13 mai suivant, devoir ramener l'assemblée générale à ses devoirs, et lui adressa la lettre suivante :
Copie de la lettre écrite par M. DE PEYNIER à MM. de l'assemblée générale de la partie
française de Saint-Domingue, en date du
« Messieurs, je suis instruit que l'autorité que l'assemblée générale exerce envers les citoyens de différentes classes, alarme une grande partie de la colonie, et cause une telle fermentation dans les esprits, qu'il pourrait en résulter de très grands malheurs ; je me hâte de vous en avertir, afin que votre sagesse vous fournisse les moyens de les prévenir. Le décret du 8 mars, del'Assem-bléè nationale, concernant les colonies, vous indique, ainsi que i'ai eu l'honneur de vous le faire observer précédemment, la marche que
vous devez tenir, et qui seule me paraît pouvoir mettre la partie française de Saint-Domingue à l'abri des maux qui la menacent. D'après ce même décret, qui ne vous attribue, Messieurs, ni le pouvoir législatif ni l'exécutif, je ne puis approuver que M. d'Augé, commandant pour le roi à Jacmel, se rende à la barre de l'Assemblée, comme le porte votre arrêté du 7 de ce mois. Que les accusateurs de cet officier se montrent et m'articulent leurs plaintes, si elles sont fondées, vous pouvez compter que je le punirai. Je vous observerai d'ailleurs, Messieurs, que jusqu'à ce qu'il y ait de nouvelles lois décrétées par la nation et sanctionnées par le roi, c'est au dépositaire seul du pouvoir exécutif, ou aux cours de justice, selon les délits, qu'il appartient de prononcer, d'après les lois connues, sur les fautes ou crimes des citoyens. Je manquerais à mes serments d'être fidèle à la nation, à la loi et au roi, si je permettais que la liberté ou les propriétés d'un citoyen quelconque fussent attaquées par des voies qui ne sont pas reconnues légales.
« Ce que je viens de vous exposer, Messieurs, me dispense d'entrer dans la discussion du décret par lequel vous appelez à Saint-Marc M. l'intendant par intérim; vous sentez que je ne puis pareillement adhérer à un arrêté qui détruirait, à l'instant, toute administration et comptabilité de la colonie.
« J'ai l'honneur, etc.
« Signé : le comte DE PEYNIER. »
Voici la réponse de l'assemblée :
Copie de la lettre de l'assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue, du
« Monsieur le comte, l'assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue, tranquille sur la foi des serments que vous avez déposés dans son sein, de concourir de tout votre pouvoir à l'exécution de ses décrets, n'avait pas lieu de s'attendre à la lettre que vous lui avez adressée hier.
«. Dépositaire de la confiance de tous les habitants de la partie française de cette île, dépositaire du pouvoir, qu'elle tient du peuple, de la nature et de la loi, de travailler aux moyens les plus efficaces de procurer au peuple de Saint-Domingue la plus grande somme de bonheur sous tous les rapports possibles, l'assemblée ne s'attendait pas que l'on vous porterait, sous des prétextes vains, frivoles et dénués de légalité, à troubler ses opérations et à les attaquer jusque dans leur fondement.
« Mais, Monsieur le comte,l'assemblée vous déclare qu'elle persiste dans tous ses décrets antérieurs, qu'elle s'occupe et s'occupera, avec autant de constance que de fermeté, de la perfection du grand œuvre qui entraînera la destruction de tous les genres de pouvoirs arbitraires; qu'elle s'occupe et s'occupera de l'établissement de la loi constitutive, de la régénération de l'agriculture et de celle de l'heureuse liberté dont jouissent déjà les français d'Europe, nos frères; qu'elle vous rend personnellement responsable de tous les troubles, de tous les malheurs et de tous les fléaux qui pourraient résulter pour cette île et pour ses habitants de l'oubli de vos serments et de la protection que vous semblez vouloir donner aux ennemis du bien public.
« L'assemblée vous déclare, en outre, qu'elle va
transmettre en Europe votre correspondance, la sienne et les divers décrets auxquels cette double correspondance a donné lieu.
« Souvenez-vous que rien ne saurait suspendre le constant et ferme exercice des fonctions honorables dont elle est dépositaire ; elle espère encore que sa conduite vous rappellera à votre vrai caractère, et que vous ne la forcerez pas à trouver en elle-même les moyens de faire exécuter les décrets que lui dicteront la sagesse, la prudence et l'amour du bonheur public.
Nous avons l'honneur d'être, Monsieur le comte, vos très humbles et très obéissants serviteurs.
« Les membres de l'assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue,
« Signé: Jouette, président; Vincindon-Du-tour, vice-président; Millet, de Bourcel, Brulley aîné, et E. Guérin, secrétaires.
« P. S. L'assemblée ne doute pas que M. de Proisy ne se rende à Saint-Marc dans le délai qui lui a été prescrit.
L'assemblée provinciale prit, le 17 mai, l'arrêté suivant :
Extrait des registres des délibérations de l'assemblée provinciale du nord de Saint-Domingue.
Séance du
L'assemblée provinciale du Nord, ayant pris de nouveau communication des dépêches de l'assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue, en date du 14 de ce mois, et de son décret législatif, du même jour, a agité la question de savoir si le pouvoir législatif suprême pouvait résider en d'autres mains qu'en celles de l'Assemblée nationale, et s'il n'était pas du devoir des représentants de la province, et conforme à leur serment, de témoigner leur vive réclamation sur l'erreur de l'assemblée générale, et de s'opposer, pour l'intérêt public, à la promulgation du décret législatif du 14 de ce mois, et de tous autres qui porteraient l'empreinte d'une souveraineté qui ne réside que dans la législature suprême de la nation réunie.
L'assemblée, considérant que le sublime décret national, du 8 mars dernier, en portant le calme et la joie dans tous les cœurs des colons de cette dépendance, est devenu pour eux le principe absolu de leur conduite; que le retard de l'envoi officiel de cette pièce consolante ne peut laisser aucun doute sur sa réalité, puisque les députés de la colonie à l'Assemblée nationale en ont fait l'envoi à leurs commettants;
Considérant que l'assemblée générale n'a pu s'investir de tous les droits de la souveraineté, sans rompre les liens qui unissent la colonie à la nation et au roi, et sans porter l'alarme dans le cœur de tous les colons ae cette dépendance, puisqu'aucun contrepoids ne balancerait sa puissance;
Considérant qu'une réunion absolue de tous les pouvoirs dans les mains de l'assemblée générale pourrait faire craindre, à la métropole alarmée sur notre sort, une indépendance aussi impossible que funeste, ou une scission aussi criminelle qu'impolitique;
Qu'orgueilleuse de porter le nom français, la province du Nord n'oubliera jamais qu'à sa métropole seule elle doit l'heureuse régénération dont elle va recueillir les fruits, qu'elle lui doit
sa prospérité et sa gloire; qu'elle ne peut oublier qu'elle a contracté envers la mère-patrie des engagements immenses, sacrés et inviolables, auxquels son honneur et sa loyauté lui seront toujours un devoir impérieux de satisfaire;
Considérant que désormais la colonie n'a plus à redouter les entreprises téméraires et despotiques d'un ministre, dont la responsabilité réduit les fonctions à une simple surveillance; que dès lors le gouverneur général ne peut plus être regardé comme l'agent de ce ministre, mais comme le représentant immédiat du roi chéri auquel la nation française doit son bonheur;
Considérant enfin, qu'aux termes du décret national du 8 mars dernier, l'assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue ne doit et ne peut s'occuper que de la modification des décrets de l'Assemblée nationale, applicables à la localité de la colonie, tant sur l'organisation des assemblées administratives, que sur la police intérieure ; qu'elle ne peut en obtenir l'exécution provisoire et la promulgation, sans avoir requis la sanction du gouverneur général; et qu'enfin , destinée à recueillir le vœu des colons sur la Constitution législative qui convient à cette colonie, elle doit en former le plan, d'après les principes posés par l'Assemblée nationale, qui en décrétera le résultat, et obtiendra la sanction du roi;
Il a été unanimement arrêté :
Que l'assemblée provinciale permanente du Nord, adoptant le décret de l'Assemblée nationale, du 8 mars dernier, pour la règle invariable de sa conduite, il sera fait une adresse à l'assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue, par laquelle elle sera instamment priée d'adopter les mêmes principes ;
Qu'elle sera également prévenue que, vu l'indispensable nécessité de s'opposer à la promulgation d'un décret législatif, qui n'est pas émané de l'Assemblée nationale, son décret du 14 de ce mois ne sera point promulgué dans la province du Nord, et que désormais il n'en sera promulgué aucun qu il n'ait été préalablement communiqué aux assemblées provinciales, revêtu de la sanction du gouverneur général, et terminé par ces mots : Sauf la décision définitive de l'Assemblée nationale et la sanction du roi.
Arrêté, en outre, que copié du présent sera adressée aux paroisses et districts de la province;
Que copie en sera aussi jointe à, l'adresse à l'assemblée générale.
Sera pareillement adressée la présente délibération à M. le gouverneur général, ainsi qu'aux comités provinciaux de l'Ouest et du Sud.
Arrêté, au surplus, que le présent sera imprimé au nombre de huit cents, en format in-8°.
Signé au registre : Brossier, président.
Cougnacq-MioU; Levesque, secrétaires.
Collationné : Paquot, secrétaire-rapporteur, garde des archives.
Diverses paroisses, et notamment celles de la Croix-des-Bouquets, de l'Arcaye, du Petit-Goave, du Fond-des-Nègres, dé l'Anse-à-Veau, prirent le 23 mai des délibérations où elles demandaient avec énergie l'exculion littérale et fidèle des décrets de l'Assemblée nationale.
Telle était la situation de la colonie, lorsque l'assemblée générale crut devoir rendre son décret du 28 mai.
Je dois, Messieurs, vous en faire la lecture.
Extrait des registres de rassemblée générale 4e la partis française de Saint-Domingue.
Séance du
J'assemblép générale, considérant que {es droits de la partie française de SainUDdipînguè. bôur avoir été longtemps méconnus et oubliés, n'en sont pas moins demeurés dans toute leur intégrité:
Considérant que l'époque d'une régénération générale dans l'Empire français est la seule où l'on puisse déterminer, d'une manière juste et in-variablè, tous ses droits, doiij les uns gonf particuliers et lps autres relatifs;
Considérant que je cjroit de statuer sur sop régime intérieur appartient èsaehttplfemènt et nécessairement la partie française dë Saipt-Ôq-miogue, trop peu connue dp la France dopt elle est Séparée par un ïmmëpsë intervalle ;
Considérant' que lès réprèsçpta'nts de Saint-Ppmingue ne peuveqt renoncer $ pé droit im-pVescriptiljlë, saps manquer à leur devoir le plijp gaçré, qui egt de procurer à* leurs constituants des lois sages et bienfaisantes ; , pongidérant' que de telles l'ois ne peuvent être faites qu'au sein même de cette lie ; d'abord en raison de la différence du climat, du1 genre de population et des mœurs et des habitudes ; et ensuite, parce que ceux-là seulement qui ont intérêt à la loi, peuvent la délibérer et la consentir;
Considérant que l'Assemblée nationale ne pourrait décréter les lois concernant le régime intérieur de Saint-Domingue sans renverser les principes quelle a consacrés par ses premiers décrets et notamment par sa déclaration des droits de l'homme;
Considérant que les décrets émanés de l'assemblée des représentants de Saint-rDomingue ne peuvent être soumis 4 d'autre sanction qu'à celle au roi, parce qu'à lui seul appartient cette prérogative inhérente au trône, et que nul autre, suivant la Constitution française, ne peut en être dépositaire ; que conséquemment le droit de sanctionner ne peut êtra accordé au gouverneur général étranger à cette contrée, et n'y exerçant qu'une autorité précaire et subordonnée;
Considérant qu'en ce qui concerne les rapports commerciaux et les autres rapports communs entre SainhDomingpe ét la France, le nouveau contrat doit êtpe formé d'après le vmu, les besoins et le consentement des deux parties contractantes ;
Considérant que tout décret qui aurait pu être rendu par l'Assemblée nationale» et qqi contrarierait lef principes qui viennent d'être exposés, ne sàurait lier Saint-Dorpingùe, qui n'a pojpf été consulté et n'a point consenti à ces thèmes décrétai
Considérant enfin que l'Assemblée nationale, si constamment attachée aqx principes de justice, et qUi vient' de mitaijratçp le désir d'assurer la prospérité des îles françaises d'Amérique, n'hésitera pas à recpn naître les droits de$aiptrDpmin-gue, par HP décret solennel et authentique;
Après en avoir délibéré dans ses séances des 22, 26, 27 ei dans pelle de ce jour, a décrété à l'unanimité et décrète ce qui suit ;
Art. 1er. Le pouvoir législatif, en çe qui concerne le régime
intérieur de Saint-Domipguei résidé dans ['assemblée de ses représentants, constituée en
assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue-
Art. 2. Aucun acte du Corps législatif, en ce qui concerne le régime intérieur, ne pourra être considéré comme loi définitive, s'il n'est fait par les représentants de là partie française de Saint-Domingue, librement et légalement élus, et s'il n'est sanctionné par le roi.
Art. 3. ^Tout acte législatif fait par l'assemblée générale, daps lps cas de nécessité urgente, en ce qui concerne'le régime intérieur, sera considéré comme loi proyisolre, ét, c|àns cé càs, ce décret sera notifié au gouyèrh^ur-général, qui, dans les dix jours de la notification, le fera promqtguer et tiendra la main à son e^ëcutipn, ou remettra à l'assemblée générale ses observations sur le contenu audit décret.
Art. 4. L'urgence qui déterminera l'exécution provisoire sera décidée par un déoret séparé, qui ne pourra être rendu qu'à la majorité des deux tiers dé voix prises sur l'appel nominal-
Art. 5, Si le gouverneur général remet des observations, elles seront aussitôt inscrites sur le registre de l'assemblée générale; il serà alors procédé à la revision du décret d'après ces observa* tions; le décret et les observations seront livrés h la discussion daqs trois séances différentes; les voix seront données, par oui où par non. pour maintenir ou annuler le décret; le procès-verbal de la délibération ser^t signé par tous leg membres présènts7 et cosignera la quantité dé voix qui auront été'pour l'unè où l'autre opinion; si les deux fiers dP Tbix maintiennent le décret, il sera promulgué par le gouverneur général et exécuté sur-le-champ.
Art. 6. La loi devant être le résultat ou consentement de tous ceux pour qui elle est faite, la partie française de Saint-rDomingue proposera ses plans concernant les rapports communs ; et les décrets qui seront rendus à oet égard, par l'Assemblée nationale, ne seront exécutés dans la partie française de Saint-Domingue que lorsqu'ils auront été consentis par l'assemblée générale de ses représentants.
Art. 7. Ne seront point compris dans la classe des rapports communs de Saint-Domingue avec la France, les objets de subsistance que la nécessité forcera d'introduire ; mais les décrets qui seront rendus à cet égard, par l'assemblée géné-rale, seront aussi soumis à sa revision, si le gouverneur général présente des observations sur le contenu auxdits décrets, dans le délai fixé par l'article '3, et seront au surplus observés par les formalités prescrites par l'article 5.
Art. 8. Tout acte législatif fàit par l'assemblée générale et exécuté provisoirement, dàns le cas ae nécessité urgéntçl, n'ép sera Mtë moins envoyé sùr-le-champ à la sànetion royale » et si le roi refuse son consentement audit acte, l'exécution en sera suspendue aussitôt que cé refps serà {également manifesté à l'assemblée géné-ralpl
"Art. 9. Chaque législature de {'assemblée gft-pérale sera de deux aps.' et le rèno^veiiêiijppt des membres de chaque législature sera fait en ^Olalité.
Art, 10. I/agsemblép générale déprêfg que les article? ci-dessps, comme ïjMajil partie de la Constitution de partie française de Saint-Po-rqingpe, seront incessa^mènt enypyèsen France Êour être présentés à l'acpeptafion de l'Assem-îég nationale et du roi; seront enouKeenvpyés à toutes les paroisses et districts de |a partie française ^e §aint-|)omiqgue ; seront au surplus lesdits articles npliiiég au gouverneur général.
Fait en assemblée générale, à Saint-Marc, le vingt-huit mai mil sept cent quatre vlngt-dix.
Signé : le marquis de Cadusch, président.èrclley, vice-président.
BRULLEY, rice-président.
THOMAS MOLLET, LAMBERT, GAUL,
Vous voyeB que, par ce décret, l'assemblée gé» nérale, qui prehd le titre de législature, se retieut la législation sur le régime intérieur ; que ses actes, à cet égard, ne sont soumis qu'à la seule sanction du roi; que même elle exécute pro-> visoirement dans les cas urgents dont elle seule est juge ; que les rapports extérieurs se bornent à un traité de compaèrce respectivement consenti; qu'elle se réserve même une facilité de l'éluder, puisqu'elle prétend statuer seule sur les lois relatives à l'introduction des subsistances.
Elle dit aujourd'hui qu'elle n'a point entendu rendre ce décret souverainement/puisqu'elle le renvoie à l'acceptation de l'Assemblée nationale et du roi.
Il est possible qu'elle ignorât le sens de ce mot acepiation dans lé style de nos décrets, qui lui sont si bien connus ; mais oublie-t-elle aujourd'hui le style de son préambule ? Mais n'a~t-elle pas depuis agi constammêht dans l'esprit et dans la lettre de cè décret, qui n'était point accepté?
L'assemblée générale nous apprend que les décrets du $ ét du mars, qui, comme vous l'avez vu, Messieurs, étaient déjà connus dans la colonie, ne lui furent notifiés, officiellement que lë 31 mai, e'est-à-dire trois jours après qu'elle eut rendu celui dont je viens de vous faire lécà ture.
Le premier juin, elle en délibéra et rendit le décret suivant';
Extrait des registres de l'assemblée générale de la partie francaise de Saint-Domingue.
Séance du zerjuin 1790
Un des membres a fait la motion d'adhérer au décjret du 8 mars, de l'Assemblée nationale, èn tout ce qui né'Contredit point'les droits de la partie française de Saint-Domingue, consacrés en partie dans le décret de l'assemblée générale, du 28 du piois passé, et a proposé un projet de décret.
Plusieurs orateurs ont disputé cette question importante ^plusieurs projets de déoret ont été presentéè.
Lecture faite du décret rendu par l'Assemblée nationale, le 8 mars dernier, ét accepté par le foi le 10 du même piois;
Lecture pareillement faite des instructions en*-voyées par l'Assemblée nationale, lesdites instructions décrétées lé 28 mars et approuvées par lëroi;
L'assemblée générale, considérant que son décret dq 28 mai exprime les véritables droits de Saint-Domingue; et qu'elle ne peut s'éearter dë ce décret, rendu à l'unanimité, sans blesser ces mêmes droits dont elle n'est que dépositaire ; -
Considérant quelle doit àvoir le couragq de lutter même eofytrg l'opipion publique,' lorsque çè||;é opinion est'malheureusement abusée, parce qpe l'erreur ne saurait êtFë durable j
Considérant, à'u surplus, que, quoiqu'elle soit légalement constituée,'^ d'aprèï le vœii libre des paroisses, quoiqu'elle juge sa continuation nécessaire, il tié'lui cohiiebf pas de conserver une confiance qui paraîtrait douteuse ; qu'il est temps d'imposer un absolu silence aux ennemis du bien
public, et de prouver la pureté de ses intentions par une démarche solennelle ;
Considérant que le moyen le plus sûr de convaincre les habitants de cette île, que leur avantage a été constamment l'objet des sollicitudes de l'assemblée, et de les inviter 4 se convoquer dé nouveau, et à déclare? positivement s'ils entendant continuer l'assemblée générale et lui conserver leur confiance ;
Après mûre délibération, l'assemblée générale a décrété et décrète ce qui suit ;
Art. ler. a l'égard du décret rendu, le 8 mars, par l'Assemblée
nationale; et aecepié par le roi le i0 du même mois, qu'elle adhère avec recon* naissance
audit décrétée tout ce qui ne contrarie point la partie française de Saint-Domingue, déjà
consacré en partie dans le décret rendu par l'assemblée générale le 28 du meis dernier,
Art. 2. A l'égard des instructions décrétées par l'Assemblée nationale, le 28 mars dernier, et ap? prouvées par le roi; sans rien préjuger sur les instructions, l'assemblée générale invite les paroisses delà partie française de Saint-Domingue à se rassembler incessamment et à déclarer si elles entendent continuer l'assemblée générale telle qu'elle existe, ou à en former yng nouvelle,
Art. 3. Déclare néanmoins l'assemblée qu'elle ne dissimule pas que cette nouvelle convocation des paroisses offre des inconvénients : que inconvénients ont été aperçus par l'Assemblé nationale, puisqu'elle a rejeté la préposition de rassembler les bailliages lorsqu'elle lui a été faite au mois de février dernier par l'un de ces membres; mais l'Assemblée générale sent fa nécessité de réunir tous les esprits et s'empresse de rendre un hommage authentique aux parojsses qui l'ont formé; et jusqu'à ce que les parpisseg se soient expliquées, l'Assemblée continuera assidûment ses fonctions, à l'effet de liâter la régénération publique.
Sera le présent décret envoyé sur-lflh-Ghamn à toutes les paroisses de la partie française 46 Saint-Domingue, et notifié au gouverneur général,
Fait en' assemblée générale, à Saint-Marc, 1§ premier juin mil sept cent quatre-vingt-rdji.
Signé s le marquis de Gadush, président, Brulley, vice-président, Thomas Millet, Lambert, Gaul.
Ce décret, rendu après la notification officielle de ceux de'l'Assemblée nationale, porte, comme en le voit, la confirmation du décret du ?8 mai» il annonce même d'autres réserves, et n'adopte dans les instructions que ia nécessité de la ppqr firmation des paroisses.
Ces actes de l'assemblée générale essuyèrent de fortes oppositions.
Dès le 30 mai, la commune du PorHU^Pinee s'empressa de désavouer tous déaret§ contraires à ceux de l'Assemblée nationale*
L'assemblée provinciale du Nord publia je Iîï juin des observations sur le décret du 28 giau elle en combattit lep principes, et soutint fortement l'autorité des décrets de l'Assemolée nationale." H serait trop long de vous lire cette pièce, où les droits et les intérêts de la cqfpnie sont discutés avec une grande habileté. *
L'assemblée générale y répondit ; et 69WÏP8 on procédait dans ' |es paroisses à délibérer sur sa confirmation, elle n'eablia aucun dés moyens de disposer en sa faveur les opinions. ge§ adversaires ont affirmé, dans différents actes, qu'elle avait envoyé dans toutes les paroisses dés orateurs pris dans son sein pour y déterminer igs
délibérations. Au moins est-il sûr qu'elle envoya des commissaires dans la ville du Gap, où, après quelques débats, ils reçurent de l'assemblée générale l'ordre de sortir de la ville et de la dépendance. Elle fit imprimer et répandre la lettre qu'un de ses membres disait avoir reçue d'un aes députés de la colonie à l'Assemblée nationale: cette lettre vous est connue; les instructions y sont présentées comme le produit de l'influence du ministre de la marine sur le comité des colonies : on y élude l'exécution de cés instructions par un misérable sophisme. Ces moyens étaient accompagnés de tout ce qui pouvait répandre dans la colonie l'alarme et la méfiance contre vous. Ces journaux, méprisés ici, où les opérations de l'Assemblée nationale sont attaquées avec une rage impuissante, y étaient répandus avec profusion. — Enfin, l'assemblée générale a été accusée par l'assemblée provinciale du Nord et par différentes délibérations, d'avoir envoyé dans quelques paroisses des hommes armés, sans domicile et sans propriété, pour éloigner les citoyens des assemblées, ou les obliger à voter conformément à sa volonté : nous n'avons aucune autre preuve de ce dernier fait.
La colonie est composée de cinquante-deux paroisses. Chacune d'elles devait avoir un suffrage, à raison de cent citoyens actifs ; chacune d'elles devait envoyer ses délibérations au gouverneur général, chargé, après un terme énoncé par vos instructions, d'en publier le résultat et de faire connaître ainsi le vœu de la majorité.
Dès le 6 juillet, avant que le gouverneur eût rempli ces formalités, et sans donner elle-même à la colonie la connaissance des arrêtés des paroisses, l'assemblée générale s'est déclarée confirmée.
Elle annonce, par le tableau qu'elle nous a adressé quinze jours après, que sur 212 suffrages dont elle compose la colonie, en adoptant, non ie mode de votre instruction, mais celui très inexact d'après lequel elle avait été formée, 30 ont voté pour la dissolution; 15 l'ont confirmée, à la charge de se conformer aux décrets de l'Assemblée nationale; 135 l'ont confirmée purement et simplement; 32 n'ont pas délibéré.
Mais les trente-deux, qu'elle dit n'avoir pas délibéré, ont voté pour sa dissolution.
Mais sur ceux dont elle se dit confirmée purement et simplement, dix l'ont formellement assujettie aux décrets du 8 et du 28 mars; vingt-huit n'ont donné aucune connaissance au gouverneur de leurs prétendues délibérations ; plusieurs arrêtés ont été suivis de protestations, dont les signatures sont plus nombreuses que celles des délibérations qu elles attaquent. Enfin, plusieurs autres représentent si peu le vœu des habitants de la paroisse, qu'à Mirebalais, où le recensement a donné quatre cent vingt-neuf citoyens actifs, dix-sept seulement ont fait la délibération qui confirme l'assemblée ; que dans celle de Jé-rémie, où le recensement a donné six cent quatre-vingt-dix-sept citoyens actifs, le suffrage de vingt-neuf personnes a prononcé cette confirmation.
D'après ces détails, bien loin d'avoir une majorité telle qu'elle l'avait annoncé, l'assembléee générale n'avait plus, en comptant les suffrages, suivant son propre aveu, qu'une majorité de quatre-vingt-dix-sept voix contre quatre-vingt-sept voix; et sur ces quatre-vingt-dix-sept voix, il restait à juger la validité des délibérations combattues par des protestations plus nombreu-
ses, et la validité de celles où un nombre de personnes, tel que dix-sept et vingt-neuf, avaient prononcé pour quatre cents et pour sept cents citoyens.
M. de Peynier a publié, le 13 juillet, le résultat des délibérations qui lui ont été adressées. Le calcul qu'il en fait, suivant le mode indiqué par vos instructions, donne quarante-huit suffrages pour la dissolution de l'assemblée; dix-sept pour la confirmation, à la charge de se conformer aux décrets du 8 et du 28 mars; soixante-treize pour la confirmation pure et simple, et vingt-quatre suffrages muets. M. de Peynier a compris dans les suffrages confirmatifs ceux qui résultent des délibérations contre lesquelles il s'est élevé des protestations, ceux aussi de Mire-balais et Jérémie, au moyen de quoi, il a proclamé la confirmation de l'assemblée générale. Mais on voit que ce gouverneur, ainsi que l'assemblée du Nord et plusieurs paroisses délibérantes, ont eu le droit de dire postérieurement que cette confirmation avait eu lieu par une apparente majorité.
Je ne présente point ces faits, Messieurs, pour motiver l'avis du comité qui portera sur d'autres moyens; mais j'ai cru devoir les mettre sous vos yeux, pour répandre du jour sur les assertions, tant de fois répétées par l'assemblée générale, que sa confirmation avait été Je vœu delà presque totalité de la colonie.
J'ai dit qu'elle s'était déclarée confirmée le 6 juillet. Dès lors, sa joie et ses espérances se manifestèrent d'une manière qui n'était pas équivoque.
Si les motifs ne surabondaient pas, et s'il n'était pas en vous, Messieurs, de vous décider par la consistance des choses, plutôt que par le mérite ou l'inconvenance des expressions, j'aurais pu mettre sous vos yeux le préambule du décret, où l'assemblée générale, parodiant indécemment les phrases de vos instructions, semble, dans le délire de son triomphe, avoir entièrement oublié le respect qui vous est dû ; mais dans le nombre immense de pièces que présente cette affaire, je suis obligé de m'attacher aux plus importantes; et quand les dispositions des actes suffisent pour autoriser votre décision, il n'est pas nécessaire de rechercher les expressions dont, elles ont pu être accompagnées.
L'assemblée générale ordonna, par ce même décret, un Te Deum et des illuminations dans toutes les villes et bourgs de la colonie; elle ordonna une fête annuelle, pour consacrer, dit-elle, le souvenir du triomphe des amis du bien public sur les ennemis de Saint-Domingue ; et elle voulut que cette fête eût lieu le 14 juillet, jour consacré par l'Assemblée nationale, pour faire passer à la postérité le souvenir de la victoire que la France a remportée sur le despotisme.
Du moment que l'assemblée générale s'est vue confirmée, sa marche a été de jour en jour plus hardie.
Elle avait annoncé, pour le 14 juillet, la prestation du serment, décrétée le premier du même mois, à la nation et à la partie française de Saint-Domingue, à la loi et au roi. Elle le prêta, en effet, ce jour-là, et voulut qu'il le fût par toutes les troupes et les milices de lu colonie.
Voii i la réponse de M. Peynier au comité du Port-au-Prince, qui lui a notifié l'ordre.
Lettre de M. le général à MM. du comité de l'Ouest.
Au Port-le-Prince, le
« J'ai reçu hier au soir, Messieurs, avec la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire, copie d'un extrait de la séance de l'assemblée géné-. raie, en date du 1er juillet.
« J'ai déjà observé à deux députés du comité de l'Ouest, et je vous observe ici, qu'il ne doit point y avoir d'intermédiaire entre le représentant du roi dans la colonie et l'assemblée coloniale. Gette assemblée n'a pu méconnaître l'esprit de l'article 3 des instructions du 28 mars; elle sait qu'elle n'a pas dans ce moment le droit de mettre ses décrets à exécution, elle a bien moins encore celui de faire des lois, et son arrêté du premier de ce mois a tout le caractère d'une loi nouvelle.
« Si l'Assemblée nationale avait décrété définitivement le renouvellement de la prestation de serment, à l'époque du 14 juillet, ce décret, sanctionné par le roi, m'aurait, sans doute, été adressé avec ceux que j'ai reçus ; attendez, Messieurs, que cet ordre me parvienne, et je ne différerai pas un instant à faire renouveler le serment de fidélité à la nation, à la loi et au roi, que tout bon Français profère à chaque instant du jour; mais il ne sera fait ici aucune addition au serment décrété par la nation française et sanctionné par le roi, qu'en vertu des ordres qui me seraient adressés.
* Vous ne pouvez, dites-vous. Messieurs, déterminer précisément la cause de l'effervescence qui règne dans cette ville depuis quelque temps; c'est, je l'avoue, un grand malheur, mais qui ne peut être attribué en rien aux troupes, dont personne n'ignore que la discipline est maintenue avec la plus grande exactitude. Au reste, il est un moyen de le faire cesser, et je Pai remis entre vos mains, en vous adressant, il y a plus d'un mois, les lettres patentes du roi, sur les décrets de l'Assemblée nationale, relatifs à la formation et à la constitution des municipalités. Etablissez ici ces municipalités, non pas conformément à l'arrêté de l'assemblée coloniale du 20 mai sur cet objet, mais d'après les principes qui ont servi de base à l'établissement des municipalités en France. Je vous ai envoyé les décrets de l'Assemblée nationale, afin que vous puissiez en donner connaissance au public dans vos assemblées, et je ne doute pas que les bons citoyens qui vous entourent, n'aient été pénétrés des vérités renfermées dans le dernier paragraphe, page 15 de la collection des lettres patentés que je vous ai fait parvenir.
« On dirait en vain que je me suis refusé à promulguer les décrets sur les municipalités ; je vous les ai adressés, je les ai également fait parvenir à l'assemblée générale et aux assemblées provinciales du Nord et du Sud, vous savez qu'il m'est ordonné de les faire observer et exécuter, à peine d'en être responsable. Vous n'y avez pas vu, sans doute, que les officiers municipaux, en Europe, soient investis du., pouvoir exécutif, qu'ils donnent le mot d'ordre, que les capitaines ae port soient sous l'autorité de ces mêmes officiers : qu'on leur ait attribué le régime des gens de mer qui est réservé à la connaissance de l'administration, enfin que les fonctions des officiers d'amirauté, qui intéressent à la fois le commerce étranger et le commerce national, aient cessé d'appartenir à ces tribunaux. Hàtez-vous donc,
Messieurs, d'éclairer le public, invitez-le à établir les municipalités, telles qu'elles le sont en France, avec autant d'instance que j'en mets à l'en supplier par votre organe : dites-lui que la prudence et la modération dont j'ai fait preuve, dans ces derniers temps, surtout, lui sont un sûr garant de la bonté de mon cœur et de mon désir inaltérable pour le retour de la paix ; dites à tous, Messieurs, que si mon extrême vigilance ne peut prévenir le désordre, les mesures et les précautions que je ne cesserai de prendre, en empêcheront les dangereux effets.
« J'ai l'honneur d'être avec un très sincère attachement, Messieurs, votre très humble et très obéissant serviteur.
« Signé : le comte de Peynier. »
Les volontaires de Saint-Marc refusèrent aussi, sous les yeiix de l'assemblée générale, de prêter le serment décrété par elle ; mais ils prêtèrent le serment civique, et témoignèrent, par des acclamations, leur fidélité à l'Assemblée nationale et au roi.
Les volontaires du Port-au-Prince ont également refusé de prêter le serment, et ont prêté celui que voici :
Serment prononcé par la compagnie des volontaires du Port-au-Prince.
Nous, Français et citoyens de la paroisse du Port-au-Prince, ici rassemblés, en corps de volontaires, jurons et promettons, par les lois de l'honneur, de nous soutenir et secourir dans toutes les occasions, et de nous réunir d'esprit, de cœur et d'actionsà tous les bons citoyens, qui, n'abjurant point leur mère-patrie, adoptent, comme loi sacrée et fondamentale, les décrets de l'Assemblée nationale, en date des 8 et 28 mars, et les instructions adoptées par ladite Assemblée.
Promettons, en outre, de protéger et défendre l'assemblée coloniale de Saint-Domingue, qui sera reconnue par le vœu général de la colonie, en tant qu'elle ne s'écartera jamais, sous aucuns prétextes, des décrets de l'Assemblée nationale, ci-dessus rappelés.
Signé : du Colombier, secrétaire.
L'assemblée générale, en ayant eu connaissance, rendit le décret que voici :
Extrait des registres de l'assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue.
L'assemblée générale, considérant que depuis qu'elle s'est constituée, il n'a pu ni tlû se former aucune corporation sans son aveu dans la partie française ae Saint-Domingue;
Considérant que c'est à elle seule qu'il appartient d'y organiser la force publique de même que les autres pouvoirs;
Considérant enfin les troubles que la nouvelle corporation formée au Port-au-Prince, sous le nom de volontaires, a déjà excités dans ladite ville;
Décrète que la corporation dont il s'agit sera el demeurera supprimée.
Déclare déchu du droit de citoyen actif pendant dix aus tout membre de ladite corporation qui ne se réunira pas aux gardes nationales au moment de la promulgation du présent décret.
Défend de former aucune autre corporation dans la partie française de Saint-Domingue jusqu'à nouvel ordre.
Se réserve au surplus l'assemblée d'ajouter aux chefs de dénonciation qui seront articulés à
l'£ssqmj}lép paJjQqale cqntrç M, je cogite de Pev? nier, lq PPUt I] I fIF rendu PQnpabfe^en'aU-s torisaqt la 'fqrmatfon M ladite porpor^tipn an mépris des la connaissance qu'il avait'du décret de rÀssemb'ée nationale dm qètehd ftpiiVes "cof-pqrafrp'rjg çàiljtgjreB dans les| yi|ies où ir fa deg gafçfp? p|ti9pjile§ établies.
Se réserve R^rgjHepgnt l'agsemplée de faire PQprsu'ivre inçeg§àmm§Ut angçf Rar devant api j| appaffiep^raf lp giepjr ae Ma^guiti'cpïônel du re^îpq^nt qO Pprf-^u-Prjnpe, cg^tne priminel ae lèsr-rïation, pour avoir reçu un sermpnt apssj séditieux et apsi inconstitutionnel que celui qui a elé prêté entre q^in? par jes ipembrés fi ladite corporation.
Sera le fifégent dgçrej; adressé sur-le-champ aux commissaires" de l'assemblée, â l'effet de le notifier au gouverneur général, et sera en QUtre imprimé et aflifihé partout où besoin sera.
Fait §n assemblée générale, Jes jour, mois et an que dessus.
Signé : Bérault, président ; Valentin de Gullion, vice-président ; Le Grand, Trébucien, Deau-bonueau et Denix, secrétaires.
Le même jour, elle rendit un pareil décret contre l'assemblée provinciale du Nord.
Les volontaires, lqin de se tenir pour suppri* més, prirent l'arrêté que je vais vous lire :
Extrait des registres dê Ifl compagnie des volonr t air es dn Port^gurfrince,
Sur la connaissance qui a été donnée à la compagnie d'un prétendu décret de l'assemblée coloniale, séante à Saint-Marc, du 16 de ce mois, portant, etc.
La compagnie, considérant qu'elle ne s'est formée que dans le dessein de maintenir la sûreté et la liberté individuelle, le repos public, le respect pbur les loi? existantes, et la soumission aux décrets de ^Assemblée nationale ;
"Què le serment que ses membres ont prêté ne contient que des sentiments louables, qui leur auraient attiré des témoignages de satisfaction dé lapart dé l'assemblée coloniale elle-même, si elle ay^it voulu reconnaître que son autorité est nécessairement subordonnée à éélïe dë l'AsséJhblée nationale, vérité incontestable! et que personne n'ept révoquée en doute s'il ne s'était formé d'assemblée dhns la colonie qu'après l'arrivée 'dés décrets dés 8 ét 28 mars Vérité à laquelle au reste tops les bpns citoyen^ fjpijenl s'effgrcpr de ramener l'assemplée de Saipt-Marp, et, fous çpys qui s'ep écartept ;
Considérant que |es réd§pteiire| d[] prétçndq décret palomnienf le§" volQtitairés du Popt-^u-Pnncè, en supposât que j£ur Corpqr^fiQp a déjJ} excité des trounlès dans la vijlp • |aqdis qq'jlest de notoriété gup ja yifjp n'a jamais été |]p tranquille gue depuis que ja compagnie existe, en cè qu'efje a Qpjigé yn ppmife pnjreprçjjfiflf (i une cirpQRspgctjpn qy'jl n'ayajt pas pqpore ppqnue;
Considérant que si l assempjêè de Sajpi-Msrç se trouve confirmée par upe pluralité apparente, eiip n'a pas acquis. popr ceïa> pin? ppuv°)r» qyp i)e Itii en confère l'Assembjée nationale, d'accord avep l'intérêt dp cqjpniè; que dè§ lors |f jqe lui appartjeqt point le flfoif d'prgaftiser àycùn ppuypir, e[ bien jpoips ençpre la force publique qui ne peut dépendre d'uhg assemblée purement çpnsBltoiiyej qu'il rnf appartient pas davantage de prppoi$er sur aucun éorpg, ni
sur aucun individu ; de statuer des peines et de priyeç qn pitqyeq dnqit astff qu'jl tjept nrin-cipaléniént de sa qualité ftp français,'et qui n'a besoin que d'y réunir lès accessoires déterminés par l'Asperphlép nationale t
Gppsiflérant que cette assemblée de Saint-Marc, abusant (je Ja malheUreusè fapil{té de changer de pj-ipçîpe^ au besoin,invoque copfre la compagnie un" décret" stir les ' cbrpdratlpns militaires dé France, que l'Assemblée nationale tfrr pas cru dgypjr appliquer à çolqnîp. tandis qu'èlle refuse obstinément lle reéànHàîire ceux qui ont été rendu3 exprès pour la régir;
A arrêté que, pans avoir égard au prétendu décret 4e cç mqis, aussi'inexact dans lés faftgj qu'erronl daps rses principes, et ajnbitieux dans fa}T disnqsitions, elle continuera d'exister auggi iQn^temps qUe l'éxigéropt les pirponstànces; qye persistant d|n§ le sejment que ses ihembreâ oht prêté le 12 dé ce mois, entré eux seulement, ET ^'INTERVENTION D'AUCUNE AUTRE PER-sqN^, elle professe de' cœur et 'âe''bopche,"ef n'atténuera jamais dç fait, sdâ dévouenaêttt pour la mej'e-patrie, son ampur pour le rpi, sa sou-mjS§ion' au vëritable"!ppuvplr législatif, résidant ijpiq|iement en France.' son bbèissahcé au 'pouvoir ^x^ytif^ 'réfriaàbt éminëginiieBt' dans la personne $u roj, pô'iqmjimcà^iQQ 4ans cell^ de M, le gpuverneyr général, 'son respeçt pour lés lois qpi régiésept Ta colonie, ét' pour' celles qui leyr seroqt lègaïetoeiit substituées, et son zélé ardén| jtour /e main'fien ae'toiiie tranquillité publique ét particulière, qui est le 'principal objet de sa formation,
Peplare, au surplus, qu'elle porte toute affection à peux de pes poncitOyens que ledit prétendu dé-prej appelle gnrd(ç$ nationales j qu'èlle les invite ap npfp dp pien pùblip à sruair à éllé £t que elfe yôléra vers e'ûx, aussitôt qu'ils se serqnt dégagés des lieqs dans' leSqUels jes retient fé pQipUè qyi les abuse-'
Il serai répii§ à ^ ® gouverneur général, par B|,le président, ûpë1 expédition du présent arrêté, qyj sera à'ailfeurs impriràé e\ répandu (jàns la cpjftpig. an nombre d'è depx mille exemplaires.
Fait dans'rassemblée de là compagnie, le 20 juillet 1790
Signé : ApNfUI), président; ÇojJA^pE DÈ [ûA V[^-LE^AYi ; fit BRACHgf, "iççré-
taire.
Quant à l'assemblée provinciale du Nord, il ne paraît par aiicflne pièce qu'èlle ait délibéré sur le décret 4e l'assemblée générale ; mais elle a publié, quelques )0Ur^ après."
Déclaration authentique de l'Qf$emhl$ç provinciale du fioxd.
Séance du
Extrait des registres des délibérations de Vassemblée provinciale permanente du Nord.
L'assemblép, ayant sou? les yeux le tableau à elle adressé par M. le gouverneur générai; et certifié pàr lui le 13 de ce mois, contenant l'é-inission du vœu dè la plus grande pàrtie des paroisses (Je là eploqie ; sàris éntrer dans l'examen de cettté"opération, et après avoir pris luc-turë delà lettré de M. le 'gouverneur général, da'fig laquelle jj déclare fprmèllement qu?il ne
permettra l'exécution d'aucun? décret? de l'assemblée coloniale/qu'autant qu'ils auraient pour base les principes posés par les décrets dé l'assemblée pation^lè des 8 et 28 mars ;
Considérant qu'il est impossible que les paroisses, qui ont voté absolument pour continuation de l'assemblée, p'aient entendu là condition exprimée par d'autres paroisses, de se conformer aux décrets du Corps législatif national, ef que d après lé silence de onze paroisses, la majorité dgs vœux n'est pas connue ; que rassemblée séante ^ ISaint-l^arç. en demandant le vcpu des paroisses, a déjà reconnu que son Revoir èjaif a'obéir aux déprets de l'Assemblée nationale/,
Qnq l'assemblée séante'à Saint-Marc a désobéi à ces décrets dans ses travaux ;
Coqsiderant énfln^que c'est de celte désobéissance et des maximescqupablés employées pour la justjfter, que sqnt nées toutes les discussions qui rqus divisent ;
Que si cette désobéissance venait à cesser, si l'assemblée colpiûàle professait une soumission aux décrets de là nation, égale à celle due l'assemblée de province du Nord leur a jurée, l'opposition à la continuation de cette assemblée serait une pbstïnâtjqn contrâjrè à l'intérêt de la colonie et aux devoirs qqi sont îïqpo§£s à l'assemblée provinciale par ses cotnm'ettans ;
L'âssgprçblée provinojalè à solentiellement déclaré et déclare quelle ne feconnaîtra1 l'assemblée coloniale, séante à Saint-Marc, constituée pour tpacer d^8 pians de législation et faire des règlement^ prpvisqires, dont l'utilité sera consacrée par làsarictfqp du gouverneur général, qu'autant qu'elle aura françb'etbeqt et loyalement professé, par un acte actbentique et solennel, sa ^ouïni§ston aux décrets dé 1 Assemblée nationale, dps 8 et 28 mars; et jusque pe que ladite assemblée ait annulé tou§ ses travaux jusqu'à ce jour, l'assemblée provinciale arrête qu'eue persistèra à refuser son adhésion à tous prétendus décrètes dans lesquels l'assemblée, séante' à Saint-Marc, continuera de se soustraire aux devoirs qui lui sont rigoureusement imposés ' par le Corps législatif patiOM).
Arrête, en outre, que la présente déclaration sera imprimée et publiée d^ns toutes les partips de la PPlonie. et affichée à côté de là proclamation "dé M. le gQUferpeur général, cpmmè contenant ladite déclarationf' les vrais séntinjepls 'dp l'assemblée provinciale du îfùrd et de ses commettants!
Auvray, président; BpuyssQU, sçcrttqtye général perpétuel.
Cependant, l'assemblée générale était loin de se conformer à ces principes- |?l|e n'avait cessé, avant et depuis sa confirmation, de s'arroger toqs les pouvoirs, soit en rendant le 4 juillet un jj^cret législatif sur les affranchissements, soit en ordonnant de nouveau l'exécution de son décret du 20 mai spr {es TÈupipipailtés, soit en mettant spus sa protection le sieur dp fontanelle' pfficïef de maréchaussée, subordonné, par ses fonctions, à M, de Peynier, qui ayait pru deyo'r Ip punir/
Le 20 elle rend son dépret pur rqpyerture des pqrts apx étrangers, Eq voici les articles ?
Art.1er ÎQ|ù bàtimpn{ étranger admis dans les pprts du Cap d
uPort-au-Princp è|qes Gày es, eq vèrju de fabèï aq cqpspil d'Etat dq roij du 30 août 1784, et
des Ordonnancés subséquentes de8 général ét intendant, notamment de pelles des 26 décembre et
21 ayril depniersi sera également admis dans
tous Ips norts et la partie française de Saint-Dq-mingu'é^ où il y aura'bhe'iùnfcinalité établie, et ne pourra y introduire que les"objets péririi? par lesdits' arrêts et ordonnances.'
Art? 2.' Tout capitaine dé bâtiment étraqger, arrivant dans les ports ci-dessus désignés, fera sà déclaration au greffé de la municipalité du lieu, et y présentera la facture originale de son char-geibent, 'laquelle sera enregistrée daîqs ledit greffe.
' Art.' 3. f out capitaine de bâtiment étranger sera tenu, aussitôt que son bâtimept se^a arrivé, dë prévenir la municipalité dé son arrivée, et de présenter au greffp de ladite municipalité une caution" dojnicjîiâire et sol value. Il h'è pourra rien înettrea terre jusqu'à ce que petfè caution ait été fpufnip.
Art. 4. La municipalité jugera de la solvabilité des pàutidns présentées Par les capitaines étrangers.
^rt. 5. Lps caution^ répondront dp la fidélité des déclarations et factures des capitaines, ajnsi qqp dé femplbi de leurs fOnds te) qqil S^rà présent ci-après, pt du payement dp ftrag lps droits.
Art, 6. Lps capitaines de b^tin^eiûs ptr^pgers pour-rpnt employer,en denrées cofoûigjes,te montant qe la vente des Subsistance^ qu'ils ^urqnt importée^.
Art. 7. Toqt capitaine étranger, avant ' qj|e de partir, fera un détaillé de sa ventp, dp ses dépensés e\ de son chargement, lequel état certifjê par la çautipp serq yérifié pt arrêté par la municipalité.
Art, 8 Les receveurs, préposés à la perception de^ qrqits d'octroi, ne pourront reppVQir ia déclaration apjj capitaines étfàogers quecpniqrmément à l'état arrêté par la municipalité»
Art. 9. Lesdits'capitaines payeront toqs les droits actuellement imposés spr l'exportation d^S dpn-réés par les capitaines étrangers, ètil leur en sera délivré quittance en forme, laquelle constatera la qualité des denrées coloniales qu'ils emporteront,
Art, 10, Dans les endroits où il n'y a point de receveur d'octroi, les droits seront perçus par le trésorier de la municipalité» lequel sera tenu d'ayôjf un registre poqr pet effet, et eq comRtera suhatit les ordres del'àsspmb}£e du appartement.
Art-11 if Toute caution de capïtàjpe étranger» convainçûp d'avoir favorisé la fraude, sera déchue pendant dix ans de la qualité de citoyen actif, et ne pourra plus être caution pendant le même délai, et sera efj oqtre pond arquée à restituer ap quadruple lps droits qui auront été SPtySr traits par upe fausse déclaration j elle sera pour Cet effet renvoyée par dèyaot jes juges qui ph doiyppt cqnnaUre."
Art. 12, Sera également dépbty de la qualité de çjtôyeu actif pendant dix ans quiconque sera convaincu d'avoir favorisé ia fraude-
Art. l3 .Tpyt capitaine étranger, parti en fraude, np' pourra pins être admis e0 cette qualité, daps afjcup port de cettp colonie, pt a pef effet les municipalités se communiqueront entre |f|e| |ps actes qui constateront la fraude.
Art, 14, Ji sera accQrqé unp prime d'encouragement dp six ljvre§ par baril de farine étràpgère întroduÙP dans la partie" française dp Saipt-po-mingùP par les bâtiments français armé?, et expédiés d^ns cette colonie ; ladifp prime sera payée gur te prodliit d'un pour çp'nt,
Art. 15. L'es armateurs ou capitaine? dppdits bâtiments, ep allant chercher çlê§ 8ubsi§taRcés d|Us| lPS portg étranger^ pottrrQpt ge chàrger pn denrées coloniales, mais à la pfiarge par eux de
donner caution qu'ils rapporteront des subsistances jusqu'à concurrence du montant des denrées coloniales qu'ils auront exportées, laquelle caution sera de la totalité du montant de leur chargement en denrées coloniales.
Art. 16. Seront, au surplus, lesdits armateurs ou capitaines soumis aux mêmes précautions, aux mêmes visites et aux mêmes formalités, à l'exception du cautionnement prescrit par l'article 3. Ils subiront aussi les mêmes peines en cas de contravention, et ils supporteront les mêmes droits, à l'exception de celui d'un pour cent, dont ils seront dispensés.
Art. 17. Les armateurs ou capitaines français, partis de la colonie pour aller chercher des subsistances dans l'étranger et qui auront chargé des denrées colouiales pour en faire l'achat, seront tenus de faire leur retour dans lé délai de quatre mois, passé lequel leurs cautions pourront être poursuivies.
Art. 18. Les armateurs ou capitaines français, qui n'auront point fait leur retour en subsistances jusqu'à concurrence du montant des denrées coloniales qu'ils auront chargées, et dans le délai ci-dessus prescrit, seront Condamnés solidairement, avec leur caution, à une amende qui sera de la moitié du cautionnement.
Sera le présent décret, ainsi que celui du 17 de ce mois, qui constate l'urgence, notifié au gouverneur général, conformément à l'article 7 du décret du 28 mai dernier, pour, par lui, le promulguer et faire exécuter, ou remettre ses observations à l'assemblée générale, dans le délai de dix jours fixé par l'article 3 du décret du 28 mai, et seront ensuite, tant le présent décret que celui du 17 de ce mois, envoyés à la sanction royale.
Fait en assemblée générale lesdits jour, mois et au que dessus.
Signé : Bérault, président; Valentin de Gullion, vice-président; Trebucien, Le-Grand, Deaubonneau, Denix, secrétaires.
Trois choses sont à remarquer dans ce décret :
1° L'ouverture de tous les ports rend par elle-même inutiles et illusoires toutes les précautions contre la fraude, et assure une introduction illimitée de marchandises de toute espèce;
2° Confier l'inspection sur les importations et exportations, et toutes les précautions contre la fraude aux municipalités, c'est-à-dire à des habitants du lieu qui ont l'intérêt le plus direct à ce que les lois sur cet objet ne soient pas exécutées, et dont quelques-uns même se sont peut-être fait depuis longtemps une habitude et un art de les éluder ; c'est s'assurer d'avance que toute la sévérité des mesures qu'on a l'air de prendre sera presque entièrement sans effet;
3° La faculté de payer aux étrangers en denrées coloniales les subsistances qui seront introduites par eux, ouvre un libre cours aux exportations.
Ce décret se fonde sur la rareté des subsistances qui menaçait, dit-on, la colonie de périr par la famine. Cette assertion est appuyée d'une lettre de M. de Peynier, du courant du mois de juin ; mais il résulte des papiers publics de la colonie, que, depuis cette époque jusqu'à celle du décret, le prix du pain avait considérablement diminué.
Enfin, ce décret qui, aux termes des instructions du 8 mars, ne pouvait être exécuté sans obtenir la sanction du gouverneur, lui est simple-
ment notifié, conformément aux principes établis dans celui du 28 mai.
Ces actes étaient accompagnés de mesures propres à s'assurer les forces de terre et de mer.
Déjà un membre avait fait la motion de licencier les troupes réglées, de les reconstituer sous le titre de gardes nationales soldées de la partie française de Saint-Domingue. La motion avait été ajournée à jour prochain et imprimée par ordre de l'assemblée.
Bientôt après, elle ordonna l'impression du travail d'un autre membre sur l'organisation de la force publique, où les mêmes principes et les mêmes projets étaient ouvertement annoncés.
Le 22, le magasin à poudre de Léogane fut saisi par force sur ceux à qui le dépôt en était confié.
Il résulte de plusieurs dépositions de soldats, et surtout des faits qui ont suivi, que vers le même temps ou était occupé à séduire et à corrompre les troupes dans diverses garnisons, et qu'on était parvenu à mettre dans les intérêts de l'assemblée générale l'équipage du vaisseau du roi le Léopard.
Enfin, le 27, l'assemblée générale rendit son décret annoncé dès longtemps sur le licenciement des troupes. Voici ses dispositions :
Art. 1er. Toutes les troupes d'infanterie et autres,
actuellement employées au service de la partie française de Saint-Domingue sont et demeurent
supprimées et licenciées, à compter du jour de la publication du présent décret.
Art. 2. Attendu la suppression et [le licenciement desdites troupes, il sera pourvu à leur remplacement par la levée et la formation d'un nouveau corps de troupes, désignées sous le nom de gardes nationales soldées de la partie française de Saint-Domingue.
Art. 3. Tous les citoyens, actuellement employés dans lesdites troupes, pourront entrer dans le nouveau corps des gardes nationales soldées de la partie française de Saint-Domingue, et recevront pour leur engagement, qui sera seulement de cinq ans, douze piastres gourdes, en signant le nouvel engagement.
Art. 4. Tous les citoyens, employés dans les troupes actuellement existantes, et qui ne voudraient point prendre un nouvel engagement, recevront un congé absolu, avec la permission de demeurer dans la partie française de Saint-Domingue, à la charge de se présenter à la municipalité ou au comité du lieu où ils désireront fixer leur résidence, pour y faire inscrire leurs noms sur le tableau des citoyens actifs dudit lieu, et pour servir en conséquence dans les gardes nationales non soldées, comme tous les autres citoyens. A l'égard de ceux qui voudraient se retirer en France, il sera pourvu au payement de leur passage et de leur conduite jusqu au lieu de leur domicile.
Art. 5. Tous les soldats déserteurs qui sont cachés dans les divers quartiers de la partie française de Saint-Domingue, ou qui se sont expatriés, seront relevés de leur désertion, à compter aussi du jour de la publication du présent décret, et invités àrevenir promptement dans leur patrie jouir du bienfait de la liberté et de l'heureuse révolution qui l'a acquise à tous les Français. En conséquence, lesdits déserteurs ne seront point recherchés pour quelque cause que ce soit, à moins qu'ils ne soient coupables de crime autre que celui de désertion, déclarant criminels de lèse-nation tous ceux qui les troubleraient dans Je plain et entier exercice de leur liberté.
Art. 6. Tous les soldats déserteurs qui, après
la publication du présent décret, rentreront dans la partie française de Saint-Domingue et qui voudront être employés dans le nouveau corps des gardes nationales soldées, recevront une somme de douze gourdes pour leur engagement, qui sera aussi de cinq ans.
Art. 7. Ceux qui ne voudront point se rengager, recevront leur congé absolu, à la charge par eux de se présenter à la municipalité ou au comité du lieu où ils désireront fixer leur résidence, pour y faire inscrire leurs noms sur le tableau des citoyens actifs de ladite paroisse, et seront employés, dès ledit jour, dans ie corps des gardes nationales non soldées, comme tous les citoyens.
Art. 8. Tous les officiers employés dans les troupes actuellement existantes, et qui désireront avoir de l'occupation dans le nouveau corps des gardes nationales soldées, conserveront leurs grades dans ledit corps et seront employés à leur tour et rang, selon leur grade et leur ancienneté; mais nul officier ou soldat ne sera admis dans ledit corps des gardes nationales soldées, qu'il n'ait préalablement prêté, par devant la municipalité ou le comité du lieu de sa résidence, le serment décrété par l'assemblée générale, d'être fidèle à la nation, a la loi, au roi et à la Constitution de la partie française de Saint-Domingue.
Art. 9. Tous les officiers actuellement employés qui, conformément à l'article ci-dessus, ne voudraient point servir dans le nouveau corps des gardes nationales soldées, n'en demeureront pas moins obligés de se présenter dans la huitaine à la municipalité ou au comité du lieu où ils désireront fixer leur résidence, pour se faire inscrire sur le tableau des citoyens actifs dudit lieu, et pour y servir en qualité de gardes nationales non soldées, comme tous les autres citoyens.
Ët attendu que les places desdits officiers spnt supprimées à compter du jour de la publication du présent décret, tous trésoriers ou comptables demeureront personnellement responsables des payements qu'ils pourraient faire auxdits officiers pour raison de leurs prétendus appointements, logements et autres objets.
Art. 10. Toutes les places d'officiers et bas-officiers qui, pour la nouvelle organisation des gardes nationales soldées, se trouveraient vacantes au jour de la formation de ce corps, seront données en partie aux créoles ou européens habitants de cette île, qui désireraient y entrer, et en partie aux bas-officiers et soldats qui seraient ci-devant dans les troupes employées au service de la partie française de Saint-Domiugue, suivant la priorité de leurs grades, l'ancienneté de leurs services, et suivant qu'ils auront donné plus ou moins de preuves de leur patriotisme.
Quant aux grâces ou récompenses militaires, le service fait dans le corps actuellement existant sera compté, sans interruption, par ceux qui s'incorporeront dans le nouveau corps des gardes nationales soldées, suivant le règlement qui sera présenté, pour cet effet, à l'assemblée par son comité de force et sûreté public.
Art. 11. L'assemblée générale adopte les trois premiers titres du règlement qui lui a été proposé par ledit comité pour la formation, organisation, solde, police et administration des gardes nationales soldées de la partie française de Saint-Domingue, pour être exécutés en tout leur contenu : en conséquence, lesdits trois premiers titres seront joints au présent décret : et U minute en demeurera déposée aux archives, après avoir été paraphée ne varietur par MM. les offi-
ciers de l'assemblée. L'assemblée générale invite son comité de force publique à lui présenter, sans délai, les autres titres dérèglement.
Art. 12. Elle invite aussi son comité d'agriculture à lui présenter incessamment un projet concernant les moyens de récompenser, à l'expiration de leur service, par une propriété, les citoyens qui auront bien servi dans les gardes nationales soldées de la partie française de Saint-Domingue.
Art. 13. Toutes les municipalités, ou à leur défaut, les comités paroissiaux, demeurent autorisés à recevoir les engagements de tous soldats qui voudront prendre parti dans lesdiles gardes nationales soldées, conformément au modèle ci-joint ; elles demeurent également autorisées à se servir des fonds qui seront dans la caisse des oc- . trois de leur arrondissement pour payer lesdits engagements, ainsi que la solde et l'entretien de ceux qui entreront dans le nouveau corps.
Art. 14. L'assemblée générale nomme MM. de Borel, de Caradeux, de Cadusch, de La Chevalerie, Duverger, député de Jérémie, de La Valette, de Nogerée, d'Auteral, de La Combe, de Remoussin, de Maigné et Carré, commissaires, à l'effet de correspondre avec les municipalités ou comités paroissiaux, pour préparer la formation desdites gardes nationales soldées, et s'occuper de tous les moyens qui pourront faciliter l'exécution du présent décret, s'en rapportant là-dessus à leurs lumières et leur prudence, à la charge néanmoins de rendre compte à l'assemblée de leurs opérations à ce sujet.
Sera le présent décret envoyé incessamment à la sanction du roi ; et vu l'urgence de son exécution, sera ledit décret, avec celui qui prononce l'urgence, notifié au gouverneur général, pour, par lui, le promulguer et faire exécuter, ou remettre ses observations à l'assemblée dans le délai de dix jours prescrit par le décret du 28 mai dernier : sera, en outre, le présent décret envoyé à toutes les paroisses, et imprimé au nombre ae quinze cents exemplaires. Fait en l'assemblée générale les jour et an que dessus.
Signé : Thomas Millet, président; de Pons, vice-président; Daubonneau, Denix, Mongin et Fre-dureau de Villedrouin, secrétaires.
L'assemblée générale rendit le même jour un décret sur les forces de mer. En voici la teneur :
Extrait des registres de l'assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue.
Séance du
L'assemblée générale, informée de bonnes dispositions de tous les braves soldats, canonniers et matelots composant l'équipage et garnison du vaisseau le Léopard, et la généreuse résistance qu'ils ont opposée aux sollicitations qui leur ont été faites de prendre part au repas que les chefs militaires donnaient aux soldats dans l'espoir de se les attacher plus particulièrement, certaine que si des moyens aussi bas avaient pu séduire des soldats, elle trouverait dans l'équipage du Léopard un rempart contre l'insurrection momentanée des soldats trompés;
Considérant que les citoyens du Port-au-Prince, menacés de toute part par les agents du, pouvoir exécutif, ont besoin d'être garantis pare la fidélité reconnue de l'équipage du Léopard; Considérant enfin que les dangers qui mena-
cent et environnent ies habitants du:Port-au-Prince, etc., ensuite contre la partie française, exigent que ce. vaisseau et autres forces navales restent au service de la colonie f
Considérant que ies vaisseaux autrefois du roi) sont ies vaisseaux de la nation, et qu'à ce titre Saint-Domingue doit en user pour sa conservation ;
A décrété et décrète que l'officier commandant le vaisseau le Léopard et les forces navales maintenant au Port-au-Prince, sera requis j au nom de l'honneur* du patriotisme* de la nation* de la loi, du roi, et particulièrement de la partie française de Saint-Domingue, de ne point quitter la rade du Port-au-Prince, Bt de ne point priver ia partie française de Saint-Domingue, des forces navales destinées à sa défense jusqu'à nouvel ordre»
Sera le présent décret notifié à M» ie gouverneur général, à M» de La Galissonniêre, commandant de la division, lu, publié, affiché par tout où besdlu sera, à la diligence du comité provincial de l'Ouest.
Fait en l'assemblée générale les jour* mois et an que deBsus.
Signd ; BéraUlt; président ; Vàlëntid de CUlHon, vicé président ; Lë Grand, Trébùciën, DaUbon-neau et Dbnix, secrétaires.
Elle adressa, le thème jour, la lettre suivante à l'équipage du vaisseau le Léopard :
Letter écrite à MM. les citoyens français, formant l'équipage et la garnison du yâïèseaù national le Léopardt en rade au Porl-aù-Prince.
Saint-Marc, le
« Messieurs et iiherS tdmtiatHotes, rassemblée génëfàle des représentants du peuple français dë Saint'Dbniitigue, informée de l'ardeur patriotique avëb laquelle vous Vôtis êtes opposés à l'eiécu-lioti dëè desseins des ennemis.de ia hation, me charge de.vous en témoigner Sa satisfaction, consacrée dàns le décret qUë je vous adresSé ci-joint; continuez, braves compatriotes, et aidez-nous à consommer; en ces cbntréea, une régénération à laquelle vous avez sans doute contribué en Europe, puisque vous êtes dé vrais Français : l'amopr de la patrie, la première des vertus, vous guidera bbmmë nbus, ët nous est un sûr garant que VbuS coopérerez aVefe tiôds a ânéàtttir Impression et la tyrannie.
« L'assemblée générale apprendra aVec plaisir que vous ayez affiché don décret, sur ie grand mât du vaisseau national, confié à de si braves gens.
« J'ai l'honneur d'être, avec les sentiments duS lus sincère et du bilis fràterhel àttacliëtn.ent, ëssieurs ët 'chers com patriotes, Votre très tiùtiible et très bbèissàdt serviiëur:
Signé : Thomas Billet, président.
. S. Lë décret annoncé cl-dëSBuà VOUS sera Adressé par ië comité dë hotiticâtibn de l'assemblée. »
Ce décret fut notifié à l'équipage du Léopard par lè8 membres du comité du Port-au-Prittce.
L'assemblée générale justifie ces différents actes pàr les dangers auxquels élite dit avoir été expbéë? ët le SeUl indice qU'ellê ën donne,ë'ëst la prestation d'un serment qui fut exigée des troupes, et fitjntcëiie ne bous a poiht fait connàt-tre la formule. Nou8 avons trbuvé; énohcê dàns quelques pièces, que ce serment était celui gui a
été prêté par les troupes de Frànee dans le mois d'août de l'année dernière» L'assemblée générale dit qu'il y était défendu aux soldats, sous peine de mort, de reconnaître ies municipalités».
Si l'on se rappelle que l'assemblée générale leur avait attribué le pouvoir exécutif militaire, on sera peu étonné que M» de Peynier eût pris des précautions pour se conserver sur les, troupes l'autorité que 1a loi lui confiait, etdontiine pouvait se départir sans mettre dans le plus grand péril lës intérêts et les droits de la nation»
Cependant, ces actes audacieux et répétés qui tendaient à mettre toules.les forces dans les mains de l'assemblée de Saint-Marc, et qui dépouillaient le gouverneur général de tout moyen de résistance, alarmèrent les citoyens qui, restés inébran-lablement fidèles à ia mère-patrie, n'étaient pas abusés par les protestations de patriotisme et de fidélité que l'assemblée générale savait mêler queïquefois aux résolutions pour lesquelles elle attirait successivement à elle tous lets pouvoirs»
Dès le 25 juillet, plusieurs paroisses exprimèrent leurs alarmes par des arrêtés pleins de patriotisme ët d'énergie; elles accusèrent hautement l'assemblée générale de tendre à l'indépendance, et de préparer ia scission avec là métropole ; elles rappelèrent impérativement leurs députés, requérant le gouverneur général de se joindre aux bons citoyens pour employer, de concert avec eux* les moyens de rétablir le caime dans la colonie.
Pour fàiré connaître les principe^ et les senti-ments de ces citoyens» dont vous avez vu iGi les députés; et que leurs adversaires voudraient représenter comme des contre-révolutionnaires, je dois vous liré, Messieurs, la lettre circulaire qui fut écrite par la paroisse de ia Croix-des-Bouquets à toutes celles de la colonie :
Lettre vireulaire érité aux cihquantè-deux pdfôlsséS de là partie française de
Saint-fiofninguè, pàr Mi SàINT-OlymPË, président de l'assèbibléè paroissiale de là
CrOix^dëS'-BôuquëtS, en vertu de l'arrêté de ladite paroisse, en date d'à
AU CuMle-gâC, le -29 juillet 1790» « Messieurs ët chers compatriotes^ les citoyens frabeàiS', habitants du quartier du Oui-de-Sac, profondément touchés de la position alarmante dans laquelle se trouve la colonie, se sont assemblés le 25 de ce mois-, dans l'église paroissiale dë là Croix-des-Bouquets, pour y délibérer sur les moyens ies plus propres à conjurer l'orage qui menace une des parties les plus précieuses dë l'Empire français. L'assemblée m'a ordonné de voUs adresser son arrêté, et de vous engager, au nom du patriotisme et des sentiments fraternels qui doivent unir tous les boas français, à prendre en considération l'important ûbjet qui l'occupe.
« Avant que l'éuergië nationale eût ressuscité les droits primordiaux de tous les hommes, de l'abîme profbhd dans lequel ils semblaient être ensevelis pour les Français, la saine politique avait fait apercevoir aux habitants de Saint-Domingue la nécessité de ne former qu'une seule claSSe dë citoyens, pour opposer une résistance ferme et constante à l'ennemi domestique, dont iés tordes naturelles sont en si grande disproportion deS nôtres. Saint-Domingue donnait alors à l'univers le Spectacle extraordinaire de l'union cbmmândée par là t^Htique, qui» partout ailleurs, divise en créant des distinctions.
« Par quel enchaînement aë circonstances, par quelle fatalité cette même contrée ne présente-telle aujourd'hui que l'image au trouble et de la désunion? «
« Les habitants du Ciil-de-Sacnepeuvepi s'empêcher de reconnaître à ces traits, le jeu des intérêts privés* les conseils criminels des passions particulières,. Ils pensent que la coalition de. tous ies bons citoyens, amis de l'ordre, et pénétrés des obligations que .tous, ies hommes vivant., en société contractent réciproquement, que cette coalition, annoncée par les arrêtés des différentes paroisses, pourra seule imprimer aux. perturbateurs du repos public une .crainte salutaire, et sauver la colonie prête à être entraînée dans un abîme» ils pensent que cette coalition pourra seule donner de l'énergie, à ceux qu'une vie trop concentrée ou une trop longue habitude des jouissances paisibles fixent dans cet état d'impassibilité, presque aussi fatàie â la chose publique dans notre position* que.l'adoption des faux principes; ils pensent qu'il n'appartient qu'à une confédération de ce genre de proscrire tous ces signes de, division, qui s'élèvent au-dessus de la cocarde nationale, emblème sacré qe, la Révolution, qui réintègre tous les Français dans Jours droits.
« Mais le point de ralliement de toutes les parties coalisées, quel sera-t-il, Messieurs?;,
« Les habitants du Cul-de-Sac» toujours fidèles à leurs principes, ne. peuvent pas croire,que vous en reconnaissiez d'autres que les .décrets nationaux des 8 et 28 mars, Ils les considèrent comme le tabernacle qui recèie le principe réel de. l'existence politique de Saint-Domingue;. C'est là, Messieurs, que nos vertus patriotiques doivent puiser leur, activité; c'est .de là qu'elles doivent recevoir leur direction ; et vous verrez des. liens politiques, indissolubles, cimenter, de nouveau, notre union avec nos frères du continent.
« Je viens de m'acquitter* Messieurs, de la mission honorable que m'ont confiée mes concitoyens; je ne me flatte pas de yous avoir peint leurs sentiments et leurs alarmes, avec toute l'énergie qui leur convient ; mais vos cœurs et la connaissance parfaite que vous avez vous-mêmes de ce qui se passe dans la colonie, compléteront ma tâche.
« Souffrez, Messieurs, que mêlant mes sentiments particuliers avec l'honorable fonction à laquelle m'a appelé le vœu de mes concitoyens, je vous offre l'hommage du respect et l'entier dévouement avec lesquels j'ai l'honneur d'être, Messieurs et chers compatriotes, votre très humble et très obéissant serviteur,
« Signé i Saint-Olympe. »
L'impression fut bien plus forte dans la.ville du Càp et dans l'assemblée provinciale du Nord ; vous en jugerez bientôt, Messieurs, par la lecture de la délibération qui y fut prise le 30. >
Tandis que ces dispositions régnaient parmi les citoyens du Cap, M. de Peynier et ceux qui servaient sous ses ordres au Port-au-Prince, étaient agités des mêmes inquiétudes»
Les décrets du 27 étaient connus; le comité du Port-au-Prince avait fait parvenir à l'équipage du Léopard celui qui le concernait, et les dispositions de cet équipage n'étaient pas douteuses,
Toutes ces circonstances, jointes à l'enlèvement des poudres à Léogane, aux tentatives dont étaient menacés les magasins mêmes du Port-au-Prince, à celles qui avaient été faites sur les troupes, à la défection de la plus grande partie
du détachemént de !§aint:Mârc, parurent au gouverneur générai mettre dans un pressant péril les droits qe la nation française et le sort même de ia colonie. 11 pensa, et tous ceux dont il prit les conseils pensèrent avec lui, que cés intérêts qui lui étaient' confiés et l'exécution de vos décrets dont ii était responsable, exigeaient de sa parf les mesures les plus promptes et les plus décisives,.,
L'assemblée générale, en le dépouillant successivement de toutes, ses forces, mi déclarait, ia guerre; elle lui faisait une nécessité de prévenir sa ruine absolue» en employant sans délai les moyens (m'il avait /a.hçpré, atsa disposition. „,.
Il rendit donc, lé 29 juillet la proclamation suivante s
Proclamation de M. le gouverneur général, concernant les troublés de la colonie.
Au nom dé la nation, de la loi et du roi, LouiS-Antoine Thomassin, comte de Peynier) chef d'escàdre des arméeB navales; commandëur de l'ordre royal et militaire de Saiht-Louis, gouverneur, lieutenant général des lies françaises de l'Amérique sous le vent, et inspecteur général des troupes, artilleriej milices et fortifications desdites lies.
Depuis que l'assemblée coloniale, séante à Saint-Marc, est en activité, elle n'a cessé de tendre à l'indépendance*,£es premières entreprises sur l'autorité qui m'est confiée par ie roi, Ses décrets impérieux sur ma personne et sur celle des officiers qui sont sous mes ordres, sur l'administrateur des finances» mon collègue, et sur le conseil supérieur ne laissaient guère de doute sur ses intentions. ..
J'ai fait loyalement, et sans examiner l'étendue de mes sacrifices personnels, tout ce que les lois me permettaient pour la satisfaire, espérant, il est vrai, que l'Assemblée nationale et le roi ue tarderaient pas à fixer ses devoirs et les miens.
Lés décrets des 8 et 28 isnari l'ont fait: j'ai rempli avec eiàbtitudé tout ce qu'ils fh'orit prescrit, mais l'assemblée de. Saint-Marc les a ouvertement méprisés ; sourde à la voix publique qui manifestait sa joie et sa reconnaissance par . aes actions de grâce» elle a souffert qu'il fût fait et appuyé dans son sein des motions précises d'indépendance. Les bons citoyens qui l'entouraient ies ont étouffées par leurs,cris d'indignation; mais si eile a renoncé à proférer ie.:mot d'indépendance, elle, n'a pas moins marché constamment vers 6on but. ,
Pour parvenir à se faire continuer, elle a député ses membres dans toutes les paroisses ; dans plusieurs et surtout dans celle du Port-au-Prince, elle a soulevé les citoyens contre ies citoyens, fomenté des cabales, excité du tumulte et des violences» et c'est par là qu'elle a acquis une majorité apparente.
Enhardie par ce succès;eile a levé lë. masque; elle a voulu s'emparer'des finances publiques, pour ies distribuer entre ses membres et s'en faire des moyens de corruption ; eile a livré le commerce aux étrangers;.eile a, par des projets de décrets insidieusement répandus, tenté. de séduire les Groupes ; elle n'a pas craint d'offrir de l'argent à des hpmmes qui he connaissent que l'honneur; elle à proposé une augmentation de paye qu'elle est dans i'impuissance de réaliser ; enfin elle a porté la trahison jusqu'à faire révolter l'équipage du vaisseau le Léopard, que, dans
son délire, elle ose appeler vaisseau ci-devant dit du roi, et le crime a eu son exécution , en ce que, la nuit dernière, lecommandantdu vaisseau, voulant appareiller, d'après mesordres, pour aller au Cap se mettre en état de faire voile pour la France, tout l'équipage corrompu par les manœuvres et l'argent de l'assemblée et des adhérents, a réfusé d'obéir à son chef.
Cette perfidie annonce que le temps de la modération et de l'indulgence est passé, je serais coupable d'en user plus longtemps, et je dois mettre en usage tous les moyens de rigueur pour conserver à la nation française la plus importante de ses provinces d'outre-mer.
En conséquence, et vu le péril évident où l'assemblée coloniale, séante à Saint-Marc, met la France et la colonie, je déclare ladite assemblée et ses adhérents traîtres à la patrie, criminels envers le roi ; je déclare que, dès cet instant, je vais déployer toutes les forces publiques qui sont en mon pouvoir, pour la dissoudre, la disperser et l'empêcher, ainsi que ses complices.de consommer leurs horribles projets.
J'invite tous les citoyens qui restent fidèles à la nation, à la loi et au roi, à se réunir à moi pour concourir à sauver la patrie : des Français n'hésiteront pas à former une salutaire coalition pour renverser les complots des pervers , j'y parviendrai, sans doute, avec leurs secours et celui des braves soldats qui se sont voués à la défense de la nation, de la loi et du roi. J'ordonne à tous commandants en second, commandauts particuliers et autres officiers pour le roi, de seconder, avec les forces qu'ils ont en main, mes efforts pour le bien public. J'adresserai au plus tôt la présente proclamation à l'Assemblée nationale et au roi, et je leur rendrai compte du succès qui ne peut manquer à une cause aussi juste.
Sera la présente proclamation imprimée et affichée par toute la colonie.
Donné au Port-au-Prince, sous le sceau de nos armes et le contre-eeing de notre secrétaire,
le
Signé : COMTE DE PEYNIER.
Par M. le gouverneur général,
Signé : ROY DE LA GRANGE.
Le même jour 29, dans un conseil tenu chez ce gouverneur, et où assistaient les chefs militaires qui se trouvaient au Port-au-Prince, il fut résolu d'arrêter quelques membres du comité pour servir d'otages et de garants delà conduite des rebelles.
La délibération qui adopte ce parti, est fondée sur les mêmes motifs que la proclamation qu'on vient d'entendre.
M. de Mauduit fut chargé de l'exécution de ces mesures; elles devaient s'effectuer pendant la nuit suivante, heure à laquelle le comité devait tenir sa séance.
La résolution fut confirmée le soir par les tentatives qu'annoncèrent les partisans du comité sur les magasins du Port-au-Prince, et leur audace qui fut portée jusqu'à désarmer une patrouille militaire.
Yingt-un volontaires vinrent se réunir aux soldats commandés par M. de Mauduit. Le nombre total était de cent huit hommes.
M. de Mauduit avait deux pièces de canon, qu'il a dit et imprimé n'avoir pas été chargées : (au moins est-il sûr quelles n'ont atteint personne).
Arrivé auprès du lieu des séances du comité,
il le trouve environné d'hommes armés au nombre déplus de 400.11 s'avance 30 pas en avant de sa troupe, et parlant à haute voix, à ceux qui environnaient la maison, il leur annonce les ordres dont il est chargé par le gouverneur et il leur ordonne : au nom de la nation de la loi et du roi, de se séparer; on crie : non; il répète l'ordre, une décharge de mousqueterie répond à cette seconde réquisition et tue, à côté de M. de Mauduit, deux des siens qui l'avaient accompagné ; deux autres sont tués dans la troupe qu'il avait laissée derrière lui, plusieurs sont blessés.
Alors M. de Mauduit ordonne à sa troupe de faire feu; deux des partisans du comité tombent morts, plusieurs reçoivent des blessures, un grand nombre prend la fuite, on crie : grâce.
M. de Mauduit et ses officiers contiennent leurs soldats dont la fureur était au comble ; le feu cesse ; l'attroupement est dissous ; on arrête 35 personnes qui, presque toutes, ont été mises en liberté le lendemain.
M. dé Peynier fit proclamer le lendemain la dissolution du comité.
L'assemblée générale et les partisans ont peint cet événement comme une contre-révolution, et ont voulu s'en servir pour mettre les armes à la main à tous les habitants de la colonie. On a cherché à répandre que M. de Mauduit a fait feu le premier, qu'il avait donné la mort à plus de 30 personnes.
Mais ces bruits répandus n'ont été affirmés dans aucun acte qui nous soit parvenu, tandis que M. de Mauduit a fait imprimer et publié sa narration, et que M. de Peynier a confirmé les mêmes faits dans une proclamation affichée le 6 août au Port-au-Prince, où ces événements s'étaient passés, et oùil était impossible que les circonstances et le nombre des morts ne fussent pas connus.
Enfin, une autorité plus décisive se joint à celles-là ; le comité de la ville des Cayes attaché à l'assemblée générale, nous a adressé trois lettres, interceptées par lui, et qui étaient écrites eu confiance à M. Codert par M. Coustard, maréchal de camp, officier aux ordres de M. de Peynier, commandant en second au Port-au-Prince, auprès de ce gouverneur.
M. Coustard y rapporte les faits, tels exactement que je viens de les dire; il y porte seulement à trois le nombre des morts, du côté du comité, soit qu'il y ait erreur dans l'une des narrations, soit que l'une des personnes qui avaient été atteintes, soit ensuite morte de ses blessures.
Ces lettres confidentielles ne peuvent laisser aucun doute sur les faits : tout ce qu'on y trouve d'ailleurs de relatif à la conduite et aux intentions du gouverneur général, c'est la volonté de faire exécuter les décrets de l'Assemblée nationale, et de supprimer les comités illégaux institués pour le soutien de l'assemblée de Saint-Marc. C'est à ces dernières dispositions qu'il faut attribuer la fureur populaire qui a été allumée par la lecture publique de ces lettres, et dont M. Codert a été la victime. La ville des Cayes avait eu dans son sein l'assemblée provinciale du Sud ; elle avait exprimé les sentiments les plus patriotiques; un club s'y est formé à l'appui de l'assemblée générale, a opéré la dissolution de l'assemblée provinciale, et a entraîné ie peuple dans sou parti.
L'assemblée générale rendit, le 31, le décret suivant :
Extrait des registres de l'assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue.
Séance du
L'assemblée générale, transportée d'une vive indignation aux nouvelles affreuses qu'elle vient de recevoir du Port-au-Prince, et pénétrée du ressentiment le plus juste et le plus profond,
Jure de venger le sang des braves citoyens contre lesquels l'exécrable Mauduit, avoué par le traître Peynier et par son infernal conseil, a osé enfin tourner les armes destinées à défendre les habitants de cette île.
Invite, au nom de l'honneur et du salut de la patrie en danger, toutes les paroisses et la partie française de Saint-Domingue, d'accourir très promptement au secours de leurs frères du Port-au-Prince, qu'on égorge.
Déclare le comte de Peynier et les sieurs Mauduit, Coustard, Cournoyer, La Galissonnière et La Merveillère, traîtres à la nation, ennemis publics, et comme tels, les proscrit.
Ordonne à tous les citoyens de la partie française de Saint-Domingue, de poursuivre à outrance les infâmes auteurs des massacres horribles qui plongent la partie française de Saint-Domingue dans le deuil.
Fait en l'assemblée générale les jour et an que dessus.
Signé .-Thomas Millet, président; de Pons, vice-président; Deaubonneau, Denix, Mon-gin et Fredureau de Villedrouin, secrétaires.
Le même jour, elle fit la proclamation suivante :
Proclamation de l'assemblée générale.
Du
Au nom de la nation, de la loi, du roi et de la partie française de Saint-Domingue en péril ;
Toutes les paroisses sont invitées et pressées de se réunir sur-le-champ, pour venger les assassinats qui viennent d'être commis au Port-au-Prince.
L'horrible conjuration a éclaté ; les exécrables Peynier, Mauduit, Coustard, de La Jaille, etc., etc., se baignent dans le sang : que les bons citoyens courent aux armes.
Union, célérité et courage.
Les points de ralliement sont :
Saint-Marc, pour toute la partie du Nord et les paroisses adjacentes :
Cul-de-Sac, pour le Mirebalais, Mont-Rouis, les Vases, Arcahaye, Boucassin et leurs dépendances;
Léogane, toute la partie du Sud. ,
Signé : Thomas Millet, président ; de Pons, vice-président; Deaubonneau, Denix, Mongin, Fredureau de Villedrouin, secrétaires.
Le même jour, elle écrivait à la paroisse de Mirebalais la lettre qui suit :
Copie de la lettre des membres de l'assemblée générale en date du 31 juillet 1790, à MM. les paroissiens de Mirebalais.
« Saint-Marc,
« Messieurs et chers compatriotes, nous vous
prévenons, au nom de l'assemblée générale, que la conspiration contre la partie française de Saint-Domingue a éclaté au Port-au-Prince la nuit du 29 au 30 de ce mois, par l'assassinat d'un grand uombre de citoyèns ordonné par le comte de Peynier, et exécuté par le colonel Mauduit.Songez à vous, et comptez sur l'inébranlable fermeté de vos représentants.Rendez-vous au Gul-de-Sac, en armes, Je plus tôt que vous pourrez.
« Nous sommes, avec les sentiments fraternels que la douleur resserre encore, Messieurs et chers compatriotes, vos très humbles et très obéissants serviteurs,
Les membres de l'assemblée générale,
Signé: Thomas Millet, président, de Pons, vice-président; Daubonneau, Denix, Mongin, Fredureau de Villedrouin, secrétaires. »
Pendant cet intervalle, le comité paroissial de la ville des Gayes ayant envoyé à l'assemblée générale un paquet qu'il avait intercepté, adressé par M. de La Luzerne à M. de Peynier, parti de France dans le mois de juin, et dans lequel le ministre recommandait au gouverneur d'agir d'une manière conciliante envers les habitants de la colonie et l'assemblée coloniale dont on ne connaissait encore en France ni les principes ni les arrêtés puisque, les premiers n'y sont parvenus qu'à la tin au mois de juillet ;
L'assemblée générale a profité de cette circonstance pour s'élever de plus fort contre M. de Peynier, et elle a rendu le 2 août le décret sui-vaut :
Extrait des registres de rassemblée générale de la partie française de Saint-Domingue.
Séance du
L'assemblée générale, considérant l'horrible trahison dont le comte de Peynier s'est rendu coupable envers la partie française de Saint-Domingue, et envers la nation entière, par les meurtres et les autres excès lâchement commis par ses ordres sur les citoyens du Port-au-Prince, et dont le but est aujourd'hui bien manifesté par la découverte de l'affreuse conspiration qui se tramait d'un bout de cette île à l'autre pour opérer une contre-révolution;
Considérant que les attentats du comte de Peynier deviennent plus odieux d'après la connaissance que l'assemblée vient d'acquérir de la lettre du comte de La Luzerne et des autres dépêches apportées aux Gayes par la corvette le Serin, lettre et dépêches qui prouvent que les horreurs commises au Port-au-Prince n'ont été précédées d'aucuns ordres qui aient pu autoriser le sieur de Peynier à prendre des mesures aussi sanguinaires et aussi désastreuses que celles qu'il vient d'effectuer dans ladite ville;
Considérant enfin que sa tête a été proscrite par le décret de l'assemblée du 31 de ce mois, en haine de son abominable conduite :
Décrète que Je dit sieur comte de Peynier est et demeure destitué, par le seul fait, du gouvernement de la partie française de Saint-Domingue.
Fait défenses à qui que ce soit de lui obéir en cette qualité, sous peiue d'être réputé complice' de sa trahison.
Et attendu que le sieur de Vincent, qui devrait le premier lui succéder au gouvernement, est devenu l'un de ses fauteurs et complices par sa
coalition avec lui et aveo les autres ennemis de la partie française de Saint-Domingue ; attendu aussi que le sieur Coustard, appelé à ce poste au défaut du sieur de Vincent, est un des infâmes conseillers du comte de Peynier, et comme tel, proscrit, et que les autres officiers supérieurs qui viennent après lui sont justement suspects; l'Assemblée déclare, à l'unanimité, que le commandement générai de la partie française de Saint-Domingue est et demeure dévolu, provisoirement et jusqu'à ee qu'il y ait été autrement pourvu par le roi, à M. de Fierville, actuellement commandant particulier de la ville des Cayes, dont le patriotisme s'est fait connaître, sans équivoque, dans les circonstances critiques uù se trouve cette colonie.
L'invite à se rendre sans délai auprès de l'assemblée générale.
Enjoint aux gardes nationales soldées ou non soldées, et à tous autres, de quelque classe et condition qu'ils soient, de le reconnaître en cette qualité, et d'obéir à ses ordres.
Et comme le sieur de Peynier a dans ses mains une partie des forces de la partie française de Saint-Domingue, l'assemblée générale, voulant épargner, s'il se peut, le sang des citoyens qui se réunissent de toutes parts pour exercer les justes vengeances dues à ceux de leurs frères qui ont été les victimes de sa fureur; décrète que copie* collationnées de la lettre du comte de La Luzerne et des autres dépêches apportées aux Gayes par la corvette le Serin, et dont les originaux sont tombés au pouvoir du comte de Peynier, par la dispersion et la spoliation du comité de l'Ouest, auquel ils avaient été adressés pour lui être remis, lui Seront, surabondamment et sans délai, adressées, pour qu'il ait, à l'instant de leur notification, à désarmer les troupes qui l'entourent, jusqu'à ce que M. de Fierville en ait pris le commandement; sinon et faute par ledit sieur de Peynier d'obéir au présent décret, l'assemblée déclare qu'elle laissera aux bons citoyens qui brûlent de voler au Port-au-Prince, et dont le nombre s'accroit rapidement, la liberté de punir, par l.a voie des armes, les énormes forfaits qui ont été commis par le sieur de Peynier, et qui le rendront, ainsi que ses fauteurs et adhérents, à jamais exécrable à toutes les nations.
Sera le présent décret apporté à M* de Fierville, par ceux de MM. les citoyens des Cayes dont le courageux patriotisme a procuré à rassemblée la connaissance des précieuses dépêches venues par le Serin, lesquels elle nomme ses commissaires à cet effet s sera, en outre, ledit décret notifié au sieur de Peynier, imprimé, publié et affiché dans toute la partie française de Saint-Domingue.
Fait en assemblée générale, à Saint-Marc, les jour, mois et an que dessus.
Signé : Th. Millet,président; de Pons, vice-président ; Daubonneau, Denix, Mongin, Fredu-reau de Villedrouin, secrétaires.
Le 3, elle rend un décret qui autorise les mulâtres et nègres libres de la paroisse de Verrètes à marcher sous le drapeau de la patrie. Il faut connaître toute la force de certaines opinions, à Saint-Domingue, pour apprécier ce décret.
Taudis que les décrets et les proclamations de l'assemblée générale tendaient ainsi à mettre les armes à la main à ceux dont elle avait conservé la confiance, ceux qui s'étaient élevés avec le plus d'énergie contre ses projets, s'occupaient des moyens de la dissoudre.
L'assemblée provinciale du Nord avait pris, le 30 juillet, un arrêté dont je dois vous faire lecture, ainsi que de la lettre par laquelle il fut adressé au gouverneur général.
Copie de la lettre de rassemblée provinciale permanente du Nord, à M. le comte de Peynier, gouverneur général.
« Au Cap, le
« Monsieur le gouverneur général, les coupar bles entreprises de l'assemblée séante à Saint Marc, ne laissent plus de doute sur sa perfidie. La province du Nord, résolue de ne pas souffrir le joug qu'on lui prépare, et indignée du retard que des prétentions extravagantes apportent àlaConstitution après laquelle elle soupire inutilement depuis si longtemps, a enfin résolu d'y mettre un terme, par tous les moyens possibles.
Elle vous invite donc, monsieur le gouverneur général, elle vous requiert, elle vous presse, au nom de vos serments à la nation, % la loi et au roi, au nom de la tranquillité publique eu péril, au nom de tous les bons et loyaux Français de cette colonie, de notifier sans délai, à rassemblée coloniale, qu'attendu son mépris formel pour les décrets nationaux, qui pouvaient seuls servir de base à ses opérations, elle reste, dés cet instant, sans consistance et sans caractère, et qu'elle est et demeure entièrement dissoute.
«Et en cas de désobéissance de sa part, la province du Nord vous requiert, par les mêmes considérations, d'employer contre l'assemblée polo-niale toutes les forces militaires et patriotiques qui sont à votre disposition, et de combiner ces forces avec celles que la province du Nord va rassembler pour vous seconder, et de faire enfin précéder cet appareil imposant de 1 injonction prompte, précise et solennelle à l'assemblée coloniale, ae sè Séparer et de se dissoudre sur-le-champ, à peine d'être déclarée rebelle, criminelle de lèse-nation, et traitée en conséquence. L'assemblée provinciale du Nord a nommé, et vous envoie des commissaires, conjointement avec ceux des différents corps patriotiques du Çap. Elle vous prie, monsieur le gouverneur général, de concerter avec eux vos opérations, pour nous mettre en état de les appuyer, et de les diriger utilement vers un but commun.
« La province du Nord attend de votre part pour ses représentants, des égards et des soins dignes d'elle et de vous.
« Nous sommes â^ec respect, monsieur le gouverneur général, vos très nqmbles et très obéissants Serviteurs,
Les membres de rassemblée provincialet
Signé ;Trémopdrie, président; Lévesque, secrétaire .
Collationné,St?raé; Paquot, secrétaire perpétuel, garde des archives. t
Extrait des registres des délibérations de l'assemblée provinciale permanente du Nord de Saint-Domingue.
Séance du
L'assemblée provinciale de la partie du Nord de Saint-Domingue, dans la séance extraordinaire decejour.au matin, où étaient MM. les commandants en second pour le roi, les chefs de
bataillons patriotiques et militaires, officiers d'administration, commandant la station des forces navales, capitaine de port, accompagné chacun des officiers, bas-officiers et soldats des troupes patriotiques et réglées, du commandant de la marine marchande, et des capitaines de navires de divers ports de l'Europe actuellement en rade, tous invités en vertu de la délibération du jour d'hier de l'assemblée;
Après avoir pris l'avis de tous les citoyens présents, et renouvelé le serment de vivre et mourir fidèles à la nation, à la loi et au roi;
Considérant les derniers actes de souveraineté ue vient de se permettre l'assemblée séante à aint-Marc, notamment la défense aux tribunaux de poursuivre les sieurs Croisier, ïmbert et autres accusés, l'adoption des principes du sieur Borel; le prétendu décret par lequel les troupes viennent d être déclarées licenciées,l'ouverture des ports, les défenses adressées au commandant des forces navales, le mépris et la violation des formes prescrites par l'Assemblée nationale et le roi;
Considérant que tous ces actes étant autant de délits punissables, Je premier devoir de la colonie est de dissoudre l'àssemblée, ou plutôt la coalition qui se permet tous ces crimes :
A unanimement arrêté que l'assemblée provinciale va nommer sur-le-champ quatre commis» saires pris dans son sein, et que chaque corps de troupes patriotiques nommera un commissaire, à l'effet déformer, avec ceux de l'assemblée provinciale, une députation pour porter, en corps, au gouverneur général, le vœu de la province du Nord et le requérir de déclarer, au nom de tous les citoyens de cette province, a l'assemblée de Saiut-Marc, que faute par elle de se conformer aux décrets des 8 et 28 mars dernier, il a charge de la dissoudre, et d'arrêter des actes de souveraineté qu'|l ne pourrait tolérer plus longtemps, sans devenir responsable desdésordres que pareils décrets pourraient occasionner; qu'il somme tous lés membres de cette assemblée inconstitutionnelle de se séparer sur-le-champ, et de quitter Saint-Marc sous deux heures, passé lequel temps ils seront poursuivis comme ennemis de la sûreté de la colonie, renvoyés en France pour être jugés par la nation assemblée, et qu'il leur enjoint, sous les mêmes peines, de se retirer chacun dans leur quartier, sans que, sous quelque prétexte que ce soit, ils puissent se réunir et former assemblée ;
Arrêté que ladite députation partira demain sur la goè'lette de M. Paouiliiac, qui sera équipée à cet effet,en s'adressant pour tous les secours nécessaires à MM. les commandants de la mariue royale et commissaire ordonnateur, dont le zèle et le patriotisme dans cette circonstance, leur ont acquis de nouveaux droits â l'estime et à la confiance de leurs concitoyens;
Arrêté que parles commissaires députés parla province au Nord, il sera expédié,le plus tôt possible, un courrier extraordinaire, chargé d'instruire l'assemblée provinciale des mesures concertées avec M. le gouverneur général pour la sûreté de la colonie, afin de mettre la province du Nord à portée de concourir de tous ses efforts aux plans convenus et arrêtés pour dissiper les complots des ennemis de la patrie ;
Arrêté que les troupes patriotiques et militaires de la province du Nord, qui seront choisies pour assurer, par leur présence, l'exécution du vœu de tous les bons citoyens, et la dissolution de Saim-Htarc, s'embarqueront incessamment, et se
rendront aux Oonaïves sur des bâtiments expédiés par ordre de l'assemblée provinciale, sous le commandement de M. de Moncabrier, et qu'ils attendront les nouvelles instructions qui dirigeront leurs opérations ultérieures ;
Arrêté, en outre, que les colons français de la province du Nord s'occuperont incessamment de nommer leurs représentants à une nouvelle assemblée coloniale, constituée suivant le mode tracé dans les instructions du 28 mars, et que le premier serment de leurs nouveaux représentants sera de se conformer en tout aux déorets du Corps législatif français, sanctionnés par le roi, et leur unique devoir de tracer un plan de Constitution convenable aux besoins de la colonie, lequel sera envoyé sur-le-champ à l'Assemblée nationale, pour être décrété par elle, et sanctionné par le roi, sauf les règlements provisoires que les représentants de l'assemblée coloniale auront le droit de décréter et faire exécuter, après qu'ils seront revêtus dë la sanction du représentant du roi ;
Arrêté enfin que la présente sera adressée à tous les colons français, habitants des diverses provinces de Saint-Domingue, avec invitation de se joindre à la province du Nord, pour concourir de toute leur force au rétablissement de l'ordre et de la paix, et à la destruction de l'anarchie ; promettant lesdits colons français de la province du Nord assistance, seoours et attachement inviolable à tous ceux de leurs compatriotes qui, comme eux, seront très résolus de vivre et de mourir fidèles à la nation française, à la loi et au roi.
Fait en séance de l'assemblée provinciale du Nord de Saint-Domingue, lesdits jour et an que dessus.
Signé : Trémôndrie, président; CoUot de Montâ-ran, vice-président; Bouyssou et LéVesque, secrétaires : Collationné.
Séance du même jour,
L'assemblée provinciale, continuant la séance, il a été procédé à l'exécution de l'arrêté ci-dessus; en conséquence, MM. Bouyssou, Gauvin, Couot du Montai-an et Chesnau de La Megnière ont été nommés, par la voie du scrutin, commissaires de l'assemblée provinciale auprès de M. le gouverneur général ; et lecture faite des procès-ver-baux des différents corps patriotiques, les commissaires ont été nommés comme suit :
Savoir :
Pour le corps des grenadiers, M. La Corée;
Pour le corps des dragons, M. Fadeville;
Pour le corps du premier bataillon, M. Brard;
Pour le corps du deuxième bataillon, M. Payl-leux;
Pour le corps des volontaires, M. La Chaise;
Pour le corps des mulâtres, M. Hardivilliers;
Pour le corps des nègres, M. Pontdevieux
Pour le commissaire de rade, M. Car.
Lesquels dits commissaires, après avoir accepté ces honorables fonctions, ont renouvelé le serment d'être fidèles à la nation, à la loi et au roi, et fait eelui d'employer tout leur zèle, leurs lumières, leur patriotisme, pour faire réussir la mission importante qui leur est confiée, et de se conformer én tout aux instructions qui leur en tracent les devoirs.
Et après que les citoyens ont eu manifesté leur confiance dans leurs commissaires par le
transports les plus vifs, les membres composant l'assemblée provinciale, les commandants, officiers, bas-officiers et soldats des troupes patriotiques et réglées, ont fait le serment solennel d'aider et protéger de toute leur force, les généreux patriotes qui vont porter au général les vœux de cette province, déclarant les prendre sous leur sauvegarde la plus sacrée, et de répandre jusqu'à la dernière goutte de leur sang pour les secourir ét les défendre.
Sur la motion faite, tendant à ce qu'il fût tenu un conseil de guerre pour déterminer le nombre des troupes que le besoin de l'expédition exigeait, MM. les commandants et chefs des corps se seraient retirés dans une salle particulière à cet effet; d'où il est résulté que M. de Vincent a été nommé général, et que l'armée partira lundi.
Fait et clos en séance lesdits jour et an que dessus.
Signé : Trémondrie, président, et Lévesque, secrétaire.
Collationné. signé : Paquot, secrétaire perpétuel, garde des archives.
En exécution de ces arrêtés, les commissaires se rendirent auprès du gouverneur général, et M. de Vincent partit avec sa troupe pour attendre ses ordres aux Gonaïves.
Les caboteurs, les capitaines marchands et tous les marins français qui se trouvaient au Port-au-Prince, offrirent leurs forces à M. de Peynier,déjà soutenu par les volontaires, et celles des paroisses voisines qui s'étaient déclarées contre l'assemblée générale.
Cependant l'équipage du- Léopard, après avoir mis a terre son capitaine et la plupart de ses officiers, et avoir élu pour le commander M. de Santo-Domingo, s'était rendu le 12 août dans la rade de Saint-Marc.
M. de Mauduit, envoyé par M. de Peynier à la tête de 200 hommes, pour soutenir M. de Vincent, ne put arriver à temps, parce que la marche du Léopard l'obligea de se rendre, par terre, à sa destination; mais M. de Vincent étant aux Gonaïves, et y ayant reçu les ordres du gouverneur, fit sommer, le 6 août, l'assemblée générale, par l'intermédiaire du comité paroissial de Saint-Marc, de se séparer dans dix-huit heures, sous peine d'y être contrainte par la force ; il accorda ensuite, à la demande de ce comité, un second délai de vingt-quatre heures, et l'assemblée générale se détermina le 8 à s'embarquer pour la France sur le Léopard, résolution qui fut accompagnée d'un arrêtédont je dois vousfaire lecture.
Extrait des registres de rassemblée générale de la partie française de Saint-Domingue.
Séance du
L'assemblée générale, considérant que si elle faisait dépendre son maintien du sort des armes, il lui sérait facile de renverser par cette voié le téméraire projet, qu'ont formé les ennemis du bien public, de venir à main armée pour la dissoudre;
Considérant que leur défaite la plus entière est assurée non seulement par le double avantage que donnent aux citoyens de Saint-Marc et la position naturelle des lieux, et la présence du vaisseau le Léopard si justement surnommé le Sauveur des Français; mais encore par la supé-
riorité des forces que ces braves citoyens sont en état d'opposer aux ennemis de la patrie, et qui grossissenrchaque jour par les nouveaux détachements de gardes nationales dout les diverses paroisses instruites du péril imminent que court la chose publique, s'empressent de renforcer les secours qui sont déjà rendus dans cette ville pour la défense de l'assemblée;
Considérant qu'un tel triomphe hâterait sans doute la régénération, et pourrait, sous ce pointde vue, faire l'obietdes vœux de ceux qui sont appelés à l'opérer parleurs travaux ; mais que la réflexion ne tarde pas à présenter ce succès sous un aspect affligeant, et fait ensuite repousser avec effroi ce qu'on aurait été porté, par un premier mouvement, à désirer comme avantageux ;
Considérant que le sang qu'il faudrait répandre pour obtenir un triomphe aussi décisif, et celui de citoyens et soldats abusés, coupables sans doute, pour avoir consenti à porter les armes contre leurs citoyens, mais plus malheureux encore d'être l'objet des insidieuses manœuvres de ceux qui, à force de calomnies, leur ont persuadém ue les représentants de la partie française de aint-Domingue étaient ses ennemis;
Considérant les horreurs d'une guerre civile dont cette florissante contrée est près de devenir le théâtre, et qui n'attend, pour s'allumer, que le court intervalle de dix-huit heures, si les menaces de ceux qui en tiennent le flambeau dans leurs mains se réalisent, aux termes de la lettre écrite à la municipalité de Saint-Marc par le sieur de Vincent, qui n'a pas craint, au mépris de ses serments, de se mettre â la téte des troupes parties du Cap contre l'assemblée ;
Considérant que la condition proposée pour éviter tant de maux, la dissolution de l'assemblée, entraînerait seule un mal non moins grand, non moins redoutable en lui-même et dans ses suites, le rétablissement du despotisme dont le joug a pesé si longtemps et d'une manière si accablante sur les habitants de cette île ;
Considérant que, placée dans cette alternative douloureuse, de consentir à sa dissolution ou de voir la Constitution de Saint-Domingue arrosée du sang de ceux-là mêmes dont elle est destinée à assurer le bonheur, une assemblée jalouse de répondre à ses constituants ne doit pas balancer à faire tous les sacrifices qui pourront garantir la colonie de ce double danger ;
Considérant qu'il s'offre à son courage un moyen aussi sûr que magnanime de déconcerter les ennemis de la régénération ; que ce moyen, simple dans l'exécution, le seul qui reste pour éviter toute effusion de sang, et pour empêcher la dissolution d'une assemblée d'où dépend le salut de Saint-Domingue, est de voler dans le sein même de la nation, et d'aller lui demander justice contre des scélérats qui latrahissent elle-même sous le masque d'un faux zèle pour ses intérêts et pour sa gloire ;
Considérant qu'une telle résolution, qui ne peut être inspirée que par le patriotisme le plus vrai, ni embrassée que par l'innocence la plus pure, détruit d'elle-même les imputations mensongères que les partisans de l'ancien régime ne cessent de semer contre les intentions de l'assemblée ;
Considérant que cette démarche est également propre à rassurer la France sur la fidélité des habitants de cette île, dontdes conspirateurs adroits cherchent à rendre les sentiments suspects, à dessein de faire chanceler la fortune de l'Etat par une scission qui entraînerait la ruine du com-
merce national, et qui dès lors opérerait une contre-révolution dans Je royaume ;
Considérant que le seul obstacle qu'un parti aussi sage pouvait rencontrer dans son exécution, est levé par ie patriotisme, tant de M. le baron deSanto-Domingo, commandant le vaisseau le Léopard, que des autres officiers et de l'équipage de ce vaisseau libérateur, qui tous, après avoir couvert l'assemblée des ailes d'une protection respectée, ont couronné leur civisme par l'offre hospitalière et bienfaisante de la recevoir au milieu d'eux, et de la transporter en France;
Considérant que les membres d'une assemblée qui s'est vouée tout entière à ia chose publique, comptent, avec raison, pour rien les hasards d'un pareil voyage, et le peu de temps qu'ils ont pour s'y préparer; que loin d'être arrêtés par le préjudice qu'un déplacement aussi brusque doit infailliblement porter à leurs fortunes, loin même d'écouter la voix de la nature qui les rappelle au sein de leurs familles, dont la plupart sont séparés depuis longtemps, ils ne regrettent dans le zèle qui les anime et qui leur fait mettre sans hésiter la patrie au-dessus de tout, que le sacrifice de leurs vies ne puisse pas procurer à leurs concitoyens, avec la liberté, le bonheur dont elle est le germe, et qui ne peut avoir de prix que par elle ;
Considérant enfin, que cette résolution sauve à la fois l'assemblée, l'équipage du vaisseau le Léopard, les soldats qui se sont rangés sous les drapeaux de la patrie, les citoyens qui, par leur courage, ont le plus exposé leurs têtes, la colonie dont les habitants sont sur le point de s'entr'égor-ger, et la France même, sur qui retomberait le contre-coup des malheurs dont la colonie est menacée :
A décrété et décrète qu'elle cède au désir d'épargner le sang d'un peuple de frères qu'un gouvernement astucieux et barbare a transformés en ennemis, pour les détruire les uns par les autres, et leur faire préférer, après un long épuisement, le f aime du despotisme aux agitations de la liberté:
Qu'en conséquence, unissant sa cause à celle du généreux équipage qui a si bien mérité de la nation entière par son patriotisme, ainsi qu'à celle des braves soldats qui se sont engagés dans le nouveau corps des gardes nationales soldées, et des bons citoyens qui sont forcés de chercher leur salut à sa suite, elle se transportera en France sur le vaisseau le Léopard, surnommé le Sauveur des Français, prêt à mettre à la voile, et sur lequel elle est actuellement embarquée pour aller porter à la nation et au roi, les assurances de l'inviolable attachement que leur a voué cette Eortion de Français qui habitent l'île de Saint- omingue; exposer à l'Assemblée nationale la trame ourdie par le comte de Peynier,gouverneur général de la partie française de Saint-Domingue, le sieur de Mauduit, colonel du régiment du Port-au-Prince, et leurs fauteurs, nommément le sieur de Vincent, commandant de la partie du Nord, pour opérer en France une contre-révolution, dont la colonie devait être le foyer; lui dénoncer les lâches assassinats commis par ces scélérats contre les citoyens du Port-au-Prince, dans la nuit du 29 au 30 juillet dernier, les autres attentats dont ils se sont rendus coupables, leur criminelle entreprise pour dissoudre, par 1a voie des armes, une assemblée dont le maintien a pour base les décrets de l'Assemblée nationale elle-même; provoquer une vengeance éclatante de ces horribles forfaits, et solliciter enfin l'Assem-
blée nationale de lancer contre le despotisme à Saint-Domingue ces mêmes foudres qui l'ont exterminé en France d'une manière si victorieuse;
Décrète que les gardes nationales soldées embarquées le jour d'hier à bord du Léopard se rendront en France avec les commis et autres personnes attachées au service de l'assemblée, et qui voudront la suivre;
Décrète aussi que, pour soustraire aux persécutions du gouvernement M. Croizier, président du comité provincial de l'Ouest, et autres citoyens qui, parles preuves qu'ils ont données de leur courageux patriotisme, sont plus particulièrement exposés à devenir les victimes des ennemis du bien public, M. le baron de Santo-Domingo sera prié de les recevoir à bord dudit vaisseau, et de les transporter en France avec l'assemblée ;
Décrète que MM. les président et vice-président demeurent autorisés à faire fournir audit vaisseau les vivres nécessaires pour l'assemblée et pour les personnes embarquées à sa suite;
Décrète qu'il sera fait une adresse à toutes les paroisses de la partie française de Saint-Domingue, pour les informer de la résolution prise par l'assemblée;
Décrète qu'elle continuera d'être en activité à bord dudit vaisseau, et de s'occuper des travaux qui font l'objet de sa mission.
Arrête que le présent décret sera imprimé en France aussitôt l'arrivée du vaisseau le Léopard, au nombre de dix mille exemplaires, pour être répandus dans toutes les parties du royaume, et envoyés tant à Saint-Domingue qu'aux îles du Vent; charge expressément M. Larchevêque Thibaut de veiller à cette impression.
Fait en séance à bord dudit vaisseau, les jour, mois et au que dessus.
Signé : d'Augy, président; de Bourcel, vice-président; Le Ray de La Clartais, Venault de Cliarmilly, Denix, Daubonneau, secrétaires.
Le même jour, elle adressa aux habitants de la colonie la lettre suivante :
L'assemblée générale de la partie française à ses constituants, à bord du vaisseau le
Léopard, le sauveur des Français, le
« Messieurs et chers concitoyens, le meurtre de nos frères du Port-au-Prince, les nouveaux assassinats médités contre l'assemblée générale de vos représentants ne nous étonnaient pas; nous nous attendions avec la paix de la bonne conscience les coups que des étrangers soudoyés par nous-mêmes nous préparaient"; mais nos fidèles et braves citoyens sont venus protéger nos travaux et garantir nos vies. Rentrant alors en nous-mêmes, nous nous sommes dit que la plus grande somme de bonheur de nos compatriotes était le but principal de nos constituants. Ehl quel bonheur que celui qui serait acheté par l'effusion du sang de nos frères!
Sans doute, à l'avantage de la bonne cause, nous réunissons les forces et le courage; mais nous avons cru plus utile et certainement plus sûr d'aller porter dans le sein de la mère-patrie nos travaux, nos principes et nos têtes. C'est là que nous citons nos calomniateurs, nos ravisseurs et nos assassins ; c'est là que l'intrigue, le mensonge et l'insolence trouveront un frein.
Nous nous recommandons à votre propre courage, et nous nous flattons d'emporter vos vœux,
qui soutiendront les nôtres; nous partons sur le vaisseau le Léopard ; la providence nous l'offre, et nous l'avons surnommé le Sauveur des Français. Nous solliciterons la sanction de nos décrets, nous vous les ferons passer avec la plus grande exactitude ; de votre côté, vous n'oublierez pas notre attachement, notre zèle, nos sacrifices.
« Nous mettons nos femmes, nos enfants, nos propriétés sous votre sauvegarde» Nous ne vous parlons pas du maintien de l'assemblée : vous sentirez que la partie française de Saint-Domingue en dépend.
« Nous vous prions d'inviter nos collègues à se réunir à nous par tous les ports, pour renforcer notre représentation» et nous faisons observer que nous partons démunis de tout, et n'ayant pour ressource et pour soutien que l'intérêt et l'amitié de nos frères qui sont notre force, et à qui nous faisons avec joie et tranquillité toué les sacrifices.
« Nous avons l'honneur d'être avec le plus inviolable et fraternel attachement, Messieurs et chers compatriotes, vos très humbles et très obéissants serviteurs,
Lé$ membres de l'assemblée générale.
Signé : Thomas Millet, président, de Pons, vice président Denix, ûaubonneau, Fredureau de Villedrouin, Collet, Mongin et Guenin.
N. B. Veuillez faire passer à toutes les paroisses une copie de la présente, pour suppléer à celles qui pourraient être soustraites, paraphée par le susnommé. »
Il nous a été remis desGopies certifiées de plu^ sieurs lettres écrites à différentes paroisses par des membres de l'assemblée générale, pendant les derniers jours qui ont précédé Bon départ ; toutes tendaient à mettre les armes à la main aux partisans de l'assemblée; mais ces lettres écrites dans un moment de crise, et par des individus, ne sauraient être imputées à crime à l'assemblée, dont aucun acte ne nous est parvenu danB l'intervalle du 2 au 8 août.
Depuis ces événements, M. de Peynier a reçu les remercîments de ceux qui avaient sollicité êt soutenu sa CoâdUite ; les citoyenâ du Port-au-Prince, qui avaient été attachés au parti de l'assemblée générale et du comité, ont reconàu leur erreur, et la paix s'est rétablie dans cette ville.
C'est dans la province du Sud que les partisans de l'assemblée générale se sont montrés les plus nombreux et les plus animés; il paraît que, sur les proclamations de cette assemblée» il s'y était formé des rassemblements d'hommes pour mar-cher au Port-au-Prince; mais nous ne voyons point qu'ils se soient portés à effectuer leurs projets.
Nous avons donc toute raison de croire que la paix aura été maintenue dans la colonie. M. de Peynier annonce l'intention de faire exécuter vos décrets dans toute leur exactitude.
Tels sont» Messieurs, les faits qui résultent des pièces qui ont été remises à votre comité ; j'ai élagué les détails qui n'étaient pas liés à la décision ; je n'ai mis sous vos yeux que les pièces qui nous ont paru indispensables pour vous donner une connaissance parfaite de cette affairé ; les autres sont dans le même esprit, et vingt séances n'auraient pas suffi pour vous en faire la lecture.
Vous savez ce qui s'est passé depuis. Le vaisseau le Léopard est arrivé à Brest; vous avez mandé à la suite de l'Assemblée nationale les membres de l'assemblée générale» et le sieur de
Santo-Domingo ; vous les avez entendus j vous avez entendu les députés du Port-au-Prince et de la Croix-des-Bouquets : il vous reste à rendre Une décision. Voici quelles sont les réflexions qui noua ont paru devoir la déterminer.
En réduisant l'exposé des faits à une très brève récapitulation» il résulte :
Que dès sa première formation, l'assemblée de Saint-Marc s'est attribué l'exercice de la puissance législative ; qu'elle a voulu attirer à elle tous les autres pouvoirs, en mettant sous ses Ordres l'administrateur des finances de la colonie ; en mandant à sa barre les officiers civils et militaires, qui exercent à Saint-Domingue l'autorité de la nation et du roi, et en interceptant leur correspondance; enfin, en instituant des municipalités auxquelles elle attribuait différentes fonctions des officiers militaires, et celles de l'admi-» nistration des ports ;
Quê les décrets de l'Assemblée nationale arrivés dans la colonie, et reçus avec enthousiasme, n'ont rien changé à sa conduite, quoiqu'ils limitassent formellement ses pouvoirs ;
Que le 27 mai, elle a rendu un décret par lequel elle prétend exclure l'Assemblée nationale de la législation intérieure des colonies, et n'y fait concourir le roi que d'une manière illusoire, puisqu'elle se réserve le droit d'exécuter provisoirement en attendant sa sanction, et sans avoir obtenu celle du gouverneur ; que, par ce même décret, elle réduit les rapports extérieurs entr6 la métropole et la colonie à un simple traité de commerce respectivement consenti;
Qu'elle n'a adopté, trois jours après, le décret de l'Assemblée nationale du 8 mars, que bous la réserve de ces principes;
Que quoiqu'elle dise aujourd'hui que Bon décret du 28 mai n'était qu'une proposition envoyée par elle à l'acceptation de l'Assemblée nationale et du roi, elle ne s'est pas moins hâtée de l'exécuter» en exerçant, malgré l'opposition du gouverneur et d'une grande partie de la colonie» toute l'étendue de pouvoirs qu'elle s'y était arrogés ;
Qu'elle a prescrit un nouveau serment aUx citoyens et aux troupes;
Qu'elle a voulu casser l'assemblée provinciale du Nord et le corps des volontaires du Port-au-Prince, quoiqu'ils n'eussent d'autre tort que de la rappeler, avec les citoyens éclairés et fidèles de la colonie, aux pouvoirs et aux fonctions que l'Assemblée nationale lui avait confiés ;
Qu'en supposant une disette qui n'existait pas, elle a ouvert aux étrangers tous les ports de la colonie, et anéanti toutes les lois de commerce» en confiant aux municipalités qu'elle avait créées» une surveillahce déjà impossible par elle-même» et en autorisant les habitants à payer en denrées coloniales les subsistances qu'ils recevraient des étrangers ;
Qu'elle a licencié les troupes pour les reconstituer bous le titre de gardes nationales soldées» au service et à la solde de la colonie ; qu'elle a mis les déserteurs sous sa protection, et promis des concessions de terre aux soldats qui entreraient à son service ;
Qu'elle a employé des moyens du même genre auprès des hommes de mer, et qu'elle est parvenue à séduire l'équipage du vaisseau de guerre le Léopard;
Qu'enfin, lorsque leB dernières entreprises ont forcé le gouverneur à prendre des mesures pour prévenir sa ruine et oelle des intérêts nationaux qui lui étaient confiés» elle l'a destitué et pros-
crit; elle a, par ses décrets, par ses proclamations, par ses lettres aux paroisses, tenté d'at-mer contre lui la fureur de tous ses partisans, de mettre les armes à la main à tous les habitants de la colonie.
11 en résulte également que M. de jPeybiet s'est constamment circonscrit dans les devoirs que lui imposent la confiance du roi et la vôtre ; que vos décrets ont été sa loi; qu'il a agi et parlé eu citoyen ; qu'il a épuisé les moyens de conciliation ; qu'il ne sest déterminé à la rigueur que lorsque sa perte a été résolue, et qu'il s'est vu prèS de succomber.
Enfin, la conduite des citoyens qui ont lutté contre l'assemblée générale a été la même : attachés à vos décrets, leur cri de ralliement a toujours été d'en réclamer l'exécution ; ils l'ont défendue parles moyens que leur attribuaient leurs différents caractères. En s'opposant aux écarti de l'assemblée générale, ils ont protesté de la reconnaître et de la défendre, quand elle se renfermerait dans les fonctions que vous lui aviez attribuées. Enfin, s'ils ont provoqué, soutenu ou approuvé sa dissolution, c'est après une longue patience, et lorsque ses derniers excès ont mis dans un pressant péril les droits de la nation française et le salut de la colonie.
Si tel est, Messieurs, le résultat^ non, des narrations, non des conjectures ou des interprétations incertaines, mais des actes authentiques qui vous ont été lus, votre comité a dû y puiser toutes les résolutions qu'il vous propose»
Nous n'arrêterons point aujourd'hui votre attention sur la conduite individuelle des membres de l'assemblée de Saint-Marc : il est juste à cet égard de leur accorder du temps ; il convient de peser attentivement jusqu'à quel point l'éloigné» ment des lieux et la fermentation du moment peuvent excuser certaines erreurs. Des hommes qui ont été choisis par la confiance de leurs concitoyens ont sans doute à faire valoir de puissantes préventions, et lorsque leurs actes sont jugés, c'est encore un devoir d'examiner l'esprit et les motifs qui les ont conduits.
Nous ne vous proposerons pas non plus de pfo-noncer sur quelques faits particuliers qui ne sont pas nécessairement liés aux mesures que lé moment prescrit, et dont la décision peut exiger un examen ultérieur des circonstances.
Voici les points sur lesquels votre comité vous propose de rendre un décret :
La validité des actes de l'assemblée générale et l'existence politique de cette assemblée ;
Les marques de satisfaction à donner à ceux qui ont bien mérité de la patrie ;
La formation d'une hoUvelle assemblée coloniale et le maintien des lois anciennes, jusqu'à cé que dé nouvelles institutions aient été régulièrement substituées;
L'envoi des forces nécessaires à la tranquillité de la colonie;
Enfin, quelques dispositions particulières dont les motifs seront indiqués dans la suite de ce rapport.
Les actes de Rassemblée de Sâint-Marè Sdbt, pour la plupart, très vicieUx dàns léurs disjidôi-tions; mais tous sont radicalement hulS par lé défaUt dé pouVoih
Vous n'aviez point délégué le pouvoir législatif aux assemblées coloniales. Lis seuls qu'elles eussent reçus de vous jusqu'à la confection de leur Constitution, c'était ie droit de la proposer, et celui de mettre à exécution vos décrets sur
les municipalités et les assemblées administra-» tives.
L'â§scmblée dë Saiht-Marc n'avait poiût reçu le pouvoir législatif de ceux qui l'avaient élue ; mais quand fis auraient voulu le lui attribuer, ils n'en âVaiént pas le droit. Le beople est Souverain ; mais c'est au peuple entier, c'est à la nation qu'apbartiéht Cë titre suprême ët nécessairement indivisible : Uûe Section du peuple, qui voudrait l'exerCër Séparément, éhohcerait par là l'intention de briser le pacte soçiâl, de formel* un corps politique à part. Saint-Dbmibguë n'en avait ni le droit ûi lâ Volonté. — Il existe entré les différentes parties d'un Etàt, uû tontrat qui les tient unies, et qui ne saurait être dissous que par la volonté de la majorité. — Cë contrat, tacite chez la plupart dëS peuples, était authentique et formel éntrë Saint-DomingUê ét lâ France. La colonie, de Son propre mouvement, âvâit envoyé des députés à l'Assemblée nationale : ils y avaient été reçus, et les colonies avaient été déclarées former partie dë l'Empiré français. Ainsi, l'union ancienne avait été confirmée par uttë volôntê explicité ét rèciprôqUë. C'eût donc été Vainement que les habitants de Saint-DomingUë auraient voulu méconnaître ces engagements. Mais ils étaient loin de lesoUblièr. — Us lës Chérissaient; ils s'en.faisaient gloifë ;. ët rassemblée coloniale, à qui leurs sentiments étaient connus, trahissait leurs intentions, commé nos droits, lorsqu'elle s'attribuait des pouvoirs qui n'auraient pu lui être départis sans diSSbuaré les liens qui les tiennent unis à nous.
La nullité dés actes ëntraîhé-t-ëlle là dissolution de l'assemblée qui les a rendus ?
Les égarements dë 1 aSsembléé dë Saint-Mârc, avant i'arriVée de vos décrets, bbUVaient trtiUver des excuses. Si même, après les àVoir conflus, elle se fût bornée à présenter des VUes différentes sous là forme de pétitiônS ët SânS prétendre leS exécuter, vous n'àurièz aucune ràiSOti de lui retirer ses pouvoirs et vôtrë COhfiâilCe.
Mais eilé à formellement résisté à la loi J elle a énoncé des volontés Contraires et a voulu leS faire exécuter; elle s'est attribué Uhë aUtoritéqUe la Constitution ne donne paS même à là législature nationale, en voulant que séS lois reçussent leur effet sans là nécessité d'aucune sânctidtt.
Les résolutions qui ont été le fruit de cé£ Usurpations hardies portent lë Carâctèfe de la prévarication la plus évidente, 1'altérâtion dU âer-, ment, l'ouverture des ports, le licenciement des troupes; et quelque excusé même dont ëllepUifese couvrir ses proclamations et sës derniers décfets, en les présentant commé les malhëuréUX effets de la situation critique où elle S'était placée, toujours est-il vrai qU'uné assemblée qui recèle dans ses registres de semblables actés, ne Saurait conserver une existence lègâle. — EUfth, il ne serait pas moins absurde, SoUS un àutrë rapport, qu'après avoir inéritê qu uné partie imputante et toujours ndèlë de la colonie se sbUlëVât contre elle et provoquât sâ dissolution, ëllè pût la contraindre à la reconnaître encore êt lui préparer des lois. — Je ne déVéloppeiai bas davantage ces motifs; ils sont évidents poUr tout le monde; —Mais, diront quelques personnes, caSser cette assemblée, c'est rendre un jUgémeût. Par qui oe jugement doit-il être rendu i
Je réponds que l'espèce dé jugement qu'il s'agit de porter ici ne peut l'êtrp que par nous.
La Constitution n'a point èncorë déterminé â quel tribunal seront portés lés actes d'usurpation des assemblées subordonnées, le jugement de
leurs prévarications : pouvoirs si importants, que le salut de la Constitution et le maintien de l'unité nationale en dépendent évidemment.
Quelque parti que vous preniez, quand nous en serons là, vous attribuerez certainement au Corps législatif les moyens de se maintenir et de repousser toute entreprise sur le pouvoir que la Constitution lui aura exclusivement confié ; car si ces moyens n'étaient pas dans ses mains, la coalition de ceux qui auraient usurpé la puissance législative et de ceux qui seraient chargés de les juger, suffirait pour anéantir le Corps législatif, et la Constitution s'écroulerait par la base.
Aussi longtemps que ces questions ne seront pas résolues, le Corps constituant qui renferme et doit exercer tous les pouvoirs jusqu'à ce qu'il les ait délégués, est indubitablement et exclusivement compétent pour prononcer la dissolution d'une assemblée subordonnée.
Mais ces principes ne sont pas même nécessaires pour résoudre la question présente ; elle est tout entière dans la nature des premières assemblées coloniales.
Lorsque la Constitution des colonies sera faite, il y existera des assemblées constitutionnelles dont le caractère sera immuable et dont la forfaiture ne pourra être jugée que suivant les formes générales qui seront prescrites pour ces sortes de jugements.
Mais les assemblées coloniales actuelles ne sont pas dans la Constitution, puisque celle des colonies n'est pas faite, etqu'elles sont instituées pour la préparer.
Ces assemblées sont de véritables commissions du pouvoir constituant, instituées momentanément pour l'aider à organiser ces colonies. Leur existence cessera aussitôt que leur mission ; le pouvoir constituant qui les a commises est demeuré leur seul juge; seul, il peut décider si elles ont répondu à sa confiance et si elle doit leur être continuée; seul, par conséquent, il peut les destituer et les dissoudre.
Votre compétence sur l'assemblée de Saint-Marc est donc aussi certaine que la nécessité où vous êtes de la casser.
Après avoir été obligés d'arrêter votre attention sur les erreurs de quelques-uns de nos concitoyens, c'est un devoir doux à remplir que de solliciter la reconnaissance de la nation pour ceux qui l'ont bien servie.
Nous vous proposerons donc de donner des marques éclatantes de satisfaction à l'assemblée provinciale du Nord, aux volontaires du Port-au-Prir.ce, aux différentes paroisses et aux citoyens qui ont agi dans les mêmes principes ; nous vous les demanderons aussi pour M. de Peynier et pour les militaires qui ont exécuté ses ordres : leur conduite n'est pas moins remarquable par la modération que par la fermeté.
On accuse M. de Peynier d'avoir résisté à la Révolution.—Certes si cette révolution était d'enlever Saint-Domingue à la France, il l'a vaillamment combattue; — mais si la révolution était l'accomplissement de vos volontés pour l'établissement d'une nouvelle organisation, c'est l'assemblée de Saint-Marc qui l'a contrariée; c'est lui qui l'a pressée de tout son pouvoir.
On l'accuse de s'être refusé à l'établissement des municipalités. — Il a résisté à l'institution funeste de municipalités anticonstitutionnelles; maisil a sollicité les paroisses d'en établir conformément à vos décrets.
M. de Mauduit surtout est l'objet des plus san-
glantsreproches; mais l'acte qui les lui a attirés a sauvé la colonie des troubles qui la menaçaient, et peut-être de sa ruine. — Chargé d'exécuter un ordre important, il a agi avec fermeté, mais avec mesure; fidèle à une bravoure dont il avait donné des preuves en Amérique, et dans la cause de la liberté, il s'est exposé le premier ; il a attendu les premiers coups. Enfin, dans un combat où il a été provoqué et où il est resté vainqueur, il a eu six hommes tués et n'a donné la mort qu'à deux.
M. de Vincent a conduit avec une grande sagesse son expédition contre l'assemblée générale.
Ces militaires méritent d'être distingués parmi ceux à qui vous marquerez votre approbation.
L'assemblée coloniale étant dissoute, il en doit être formé une nouvelle; vos décrets et vos instructions doivent être sa loi; les lois anciennes doivent être observées jusqu'à ce que, sur sa proposition,vous en ayez décrété de nouvelles.
Quelques forces sont nécessaires pour assurer la tranquillité de la colonie. Nous ne vous proposerons, en ce momeDt, que d'y faire passer deux vaisseaux de ligne, et de porter au complet les régiments du Gap et du Port-au-Prince. C'est aux nouvelles que nous devons bientôt recevoir du mouvement de la colonie après le départ de l'assemblée générale; c'est aussi à notre situation politique, à nous éclairer sur les mesures définitives ; il suffit que, dans l'intervalle, le pouvoir exécutif soit occupé de la préparation de tous les moyens de défense et de sûreté qui pourraient devenir nécessaires.
Enfin, Messieurs, il est quelques dispositions satisfaisantes pour la colonie, que nous avons cru pouvoir vous proposer dès à présent, qui con-tribuerontày apporter le calme, et qui, concourant avec les mesures de fermeté, vous montreront sous le double caractère que vous devez toujours garder avec elles.
La suppression du conseil supérieur du Gap a toujours excité des réclamations ; elle a été jugée injuste par ceux mêmes à qui elle a été avantageuse. Les députés de la province du Nord à l'Assemblée nationale, ont vivement exprimé leur vœu à cet égard ; le rétablissement de ce conseil, effectué sans pouvoir par l'assemblée provinciale du Nord au commencement des troubles, a été confirmé d'une manière non moins illégale par l'assemblée générale. Nous croyons cependant que vous devez le maintenir; les affaires jugées par ce tribunal depuis son rétablissement deviendraient une nouvelle cause de trouble et d'inquiétude, s'il n'était pas confirmé. En lui donnant une existence légale jusqu'à la nouvelle organisation de la colonie, vous remplirez les vœux de la province du Nord; vous donnerez une première marque de bienveillance à ses généreux habitants. Nous n'avons pas balancé à vous le proposer comme une des dispositions du décret.
L'assemblée provinciale du Nord vous a adressé le 13 juillet une pétition qui fut lue à cette tribune, immédiatement après son arrivée, par M. Gouy-d'Arsy; elle renferme trois demandes :
L'une est la faculté d'autoriser dans les cas pressants l'introduction des subsistances venant de l'étranger, sans être assujettie à obtenir la sanction du gouverneur, mais en substituant à cette sanction certaines formalités qui sont développées dans l'adresse : cette demande est, en général, contre les principes; et le moment de la traiter n'est d'ailleurs point arrivé : c'est en statuant sur les modifications du régime prohibitif ; c'est en organisant la colonie, que vous pourrez vous eu
occuper. Nous n'avons donc pas cru devoir faire entrer cet objet dans le décret que nous vous proposons ;
La seconde consiste à ce qu'aucunes lois commerciales entre les colonies et la métropole ne puissent être décrétées sans avoir entendu les représentations des assemblées coloniales. Vous avez eu l'intention d'observer cette forme, soit envers le commerce, soit envers les colons, lorsque vous avez rendu votre décret du 8 mars ; vous l'avez annoncé dans un des articles : vous l'exécuterez; et même vous pouvez l'annoncer encore, mais non point comme une règle rigoureuse et constitutionnelle ; car ces formes, qui doivent s'établir par le fait, ne sauraient être réduites en lois;
Enfin, la troisième demande, et celle à laquelle les colons donnent le plus d'importance, est relative à l'éclaircissement de vos intentions sur le régime intérieur des colonies, c'est-à-dire en termes plus précis, sur la législation relative à l'état des personnes dans les colonies.
Cet objet avait été très agité au mois de mars dernier dans le comité des colonies. Occupés à chercher les moyens de concilier la dignité du Corps législatif avec la sécurité des colons sur des objets auxquels leur existence est liée, et sur lesquels ou s'est étudié à leur inspirer de si grandes terreurs, nous nous étions arrêtés à la pensée de leur donner le droit de proposition sur les lois qui y seraient relatives.
C'est ainsi que nous avons conçu l'étendue que leur laissent les instructions sur le régime intérieur. — Deux modifications nous parurent nécessaires dans les colonies sur l'exercice de la puissance législative : l'une est la faculté donnée aux assemblées coloniales de faire, dans les cas urgents, des règlements provisoires susceptibles d'être exécutés avec la sanction du gouverneur ; l'autre est Je droit exclusif de vous proposer les lois sur les objets du régime intérieur, qui sont particuliers aux colonies, et auxquels les principes généraux de la législation française ne sauraient être appliqués sans en opérer la subversion.
Quoique ces intentions soient consignées dans vos instructions, et que tous ceux qui, dans la colonie, ont embrassé vos intérêts, l'aient constamment affirmé, l'assemblée provinciale du Nord a demandé qu'elles fussent exprimées avec assez de clarté pour repousser les efforts de ceux qui, en entretenant les alarmes, cherchent à aliéner de vous l'affection et la confiance; elle a demandé qu'il tût déclaré, comme article immuable et constitutionnel, qu'aucune loi sur le régime intérieur, et notamment sur l'état des personnes, ne serait décrétée pour les colonies que sur la demande formelle et précise des assemblées coloniales.
Nous n'avons pas cru qu'il fût possible de décréter, isolément sur cette demande, un article constitutionnel ; mais il nous a paru que vous ne deviez point refuser de rappeler et d'expliquer de la manière la plus claire et la plus formelle les intentions que vous avez déjà annoncées. Nous avonsenconséquenceinséré, dans le préambuledu décret que nous vous proposerons, une phrase où le vœu de l'assemblée provinciale, relativement aux loissurl'état des personnes, se trouve parfaitement rempli. L'avantage de cette disposition ne se bornera pointàeffacer desinquiétudesqu'il eûtétéim-possible de rassurer aussi longtemps que les colons auraient vu leurs plus chers intérêts à la merci du premier changement d'opinion; mais rétablissons leur confiance, elle nous assurera d'opérer facilement, de concert avec eux, toutes
les améliorations que l'existence économique et politique des colonies rend raisonnables et possibles.
Enfin, Messieurs, et c'est ici notre dernière proposition , nous avons cru qu'une lettre de vous à la colonie détruirait toutes les erreurs, toutes les fausses impressions qu'on a cherché à y répandre. La calomnie a emprunté toutes las formes. Tandis qu'on écrivait d'ici qu'un ministre détesté dans la colonie avait dicté vos instructions; tandis qu'on inondait Saint-Domingue de ces journaux, de ces libelles méprisés où vos opérations sont attaquées avec une rage si impuissante; tandis que les ouvrages, peu connus en France, d'une société dont l'existence est la terreur des habitants des îles répandus avec profusion parmi eux, entretenait la plus vive fermentation, on cherchait à leur persuader que vous étiez dépouillés de tous moyens de force pour faire exécuter vos lois; on encourageait ainsi ia résistance après l'avoir excitée, et les correspondances de France se réunissaient aux discours et aux intrigues pratiquées dans la colonie pour en égarer les habitants. — Ecrivez, exprimez vous-mêmes vos sentiments, vos vues bienfaisantes et vos invariables volontés, et les traces de tant de criminelles pratiques disparaîtront en un moment.
Ce serait, en effet, bien peu connaître les colonies, que de partager les alarmes que les ennemis de la Révolution cherchent à répandre, et que quelques personnes faibles semblent adopter. — Les hommes calmes doivent éloigner d'eux ces craintes pnériles; les colons sont français par le cœur; ils le sont aussi par intérêt; l'imagination ne s'égare point dans les colonies sur des idées vagues d'indépendance, d'alliances impossibles ou ruineuses. — Ici quelques esprits peuvent s'en occuper par l'effet d'une ignorance profonde ; mais sur les lieux toutes les notions positives préservent l'esprit de ces dangereuses rêveries. — Quelques faits bien connus fixent d'une manière constante l'intérêt politique de nos colonies, et ces faits sont incessamment présents à l'esprit de tous ceux qui les cultivent et les habitent.
Les colonies ne peuvent exister sans être protégées par une nation puissante; car, dénuées par elles-mêmes de tout moyen de force, elles présentent à l'ambition des peuples commerçants et navigateurs la conquête la plus avantageuse et la plus facile qui soit sur la surface du globe.
Cette protection ne peut leur être efficacement et avantageusement assurée que par l'Angleterre ou la France, car l'Amérique septentrionale est pour bien longtemps encore privée des moyens militaires et maritimes qui seraient nécessaires pour la leur garantir.
Mais si nos colonies passaient sous la protection de l'Angleterre, soit comme sujettes, soit comme alliées, elles n'y trouveraient bientôt que l'oppression. Car, par l'affaiblissement de notre marine, l'Angleterre,devenue dominatrice absolue des mers, n'aurait aucune rivalité à craindre, aucun ménagement à observer : fidèle au système qu'elle a adopté pour ses possessions d'Asie où elle domine exclusivement, elle soumettrait ses colonies au régime commercial et politique le plus absoiu, et pour avoir voulu se soustraire aux lois douces que nous leur destinons, elles se trouveraient soumises à toute la rigueur d'un gouvernement qui n'aurait rien à redouter. Voilà les notions communes et familières à tous les habitants de nos Iles, et qui détermineraient
leurs spéculations, quapd un sentiment profond et généreux ne les attacherait pas à la mère-patrie. Les colons chérissent la Révolution ; ils en connaissent tous les avantages, et jamais ils n'ont été plus à nous. — Ën un mot, Messieurs, loyauté, justice, fermeté, vos lois y serOnt toujours respectées. J'oserais me rendre garant dé leur fidélité; ('ans ces premiers moments de fermentation., dans ces premiers élans vers une liberté encore indéterminée, quelques-uns ont été trompés, ils n'ont pas été corrompus. Tandis que leur esprit s'égarait dans des questions abstraites et politiques, chaque mouvement de leur cœur donnait la preuve qu'ils étaient encore Français. II fallait, pour les entraîner, jurer devant eux une fidélité inviolable à la mère-patrie, et si l'assemblée générale avait osé prononcer le mot d'indépendance, la confiance qu'elle avait acquise aurait été détruite en un moment*
DÉCKËÎ.
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité des colonies sur la situation dïe Saint-Domingue et les événements qui y ont lieu ;
« Considérant que les principes constitutionnels ont été violés; que l'exécution de ses décrets a été suspendue, et que la tranquillité publique a été troublée par les actes de rassemblée générale séante à Saint-Marc ; que cette assemblée a provoqué et justement encouru sa dissolution ;
« Considérant que l'Assemblée notionaie a promis aux colonies l'établissement prochain des lois les plus propres à assurer leur prospérité ; qu'elle a, pour calmer leurs alarmes, annoncé d'avance l'intention d'entendre leurs vœux sur toutes les modifications qui pourraient être proposées aux lois prohibitives du commerce, et la ferme volonté d'établir, comme article constitutionnel dans leur organisation, qu'aucunes lois sur l'état des personnes ne seront décrétées pour les colonies, que sur la demande précise et formelle de leurs assemblées coloniales ;
« Qu'il est pressant de réaliser ces dispositions pour la colonie de Saint-Domingnè, par l'exécution des décrets des 8 et 28 mars, et en prenant les mesures nécessaires pour y maintenir l'ordre public et la tranquillité ;
« Déclare les prétendus décrets et autres actes émanés de l'assemblée constituée à Saint-Marc, sous le titre d'assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue, attentatoires à la souveraineté nationale et à Ja puissance législative, nuls et incapables de recevoir aucune exécution;
« Déclare ladite assemblée déchuô de ses pouvoirs, et ses membres dépouillés, du caractère de députés à l'assemblée coloniale de Saint-Domingue;
« Déclare que l'assemplée provinciale du, Nord, les citoyens de la ville du Gap, ceux de la Croix-des-Bouquets, et de toutes les paroisses qui Sont restées invariablement attachées aux décrets de l'Assemblée nationale; les troupes patriotiques du Cap, les volontaires de Saint-Marc, ceux du Port-au-Prince, ét les autres citoyens dè cette ville qui ont agi dans les mêmes principes, ont rempli généreusement tous les devoirs attachés au titre de citoyens français, et seront remerciés, au nom de la nation,par l'Assemblée nationale;
« Déolare que M. de Peynier, gçuvernour général des lit s-sous-le-Vent, les régiments du Cap et du Port-au-Prince, le corps royal d'artillerie
et autres militaires de tous grades qui ont servi fidèlement ^ous ses ordres, et notamment leé sieurs de Vincent et de Maudult, Ont rempli glorieusement les devoirs attachés à leurs fonctions ;
« Décrète que le roi sera prié dé donner des ordres pour que les décret et instruction des 8 et 28 raar^ dernier reçoivent léiir exècdtloti dans la colonie de Saint-Domingue; qu'en conséquence, il sera incessamment procédé, si fait n'a été, à la formation d'une nouvelle assemblée coloniale, suivant ies règles prescrites par lesdits décret et instruction, auxquels ladite nouvelle assemblée sera tenue de se conformer ponctuellement;
« Décrète que toutes les lois établies Continueront d'être exécutées dans la colonie de Saint-Domingue, jusqu'à ce qu'il en ait été substitué de nouvèlles, en observant la marche prescrite par lesdits décrets;
« Décrète néanmoins que provisoirement et jusqu'à ce qu'il ait été statué sur l'organisation des tribunaux dans ladite colonie, le conseil supérieur du Cap sera maintenu dans la forme en laquelle il a été rétabli, et que les jugements rendus par ledit consei] depuis le 10 janvier ne pourront être attaqués à raison de l'illégalité du tribunal :
Décrète que le roi sera prié, pour assurer la tranquillité de la colonie, d*y envoyer deux vaisseaux de ligne et Un nombre de frégates proportionné, et. de porter au complet les régiments du Cap et du Port-aU-Prince ;
« Décrète, en outre, que les membres de la ci-devant assemblée coloniale de Saint-Domingue et les autres personnes mandées à la suite ae l'Assemblée nationale par le décret du 20 septembre, demeureront dans le même état, jusqu'à ce qu'il ait été ultérieurement statué à leur égard. »
paraissent à la tribune (1),
On demande l'ajournement.
L'ajournement est rejeté à une grande majorité.
demandent la parole.
On demande à aller aux Voix.
L'Assemblée décide que la parole ne sèra accordée à personne.
Le décret proposé est adopté à une très grande majorités
La séance est levée à trois heures et demie.
A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE DU
Discours sur les troubles de Saint-Domingue (2), par h PÉTION (8).
Messieurs, le parti que yods àllëB prendre va ramener le câJme datté là cblohiè, ou y semer la
discorde et la guerre. Vous allez resserrer les liens qui attachent Saint-Domingue à la métropole, ou les relâcher, peut-être même les briser. Vous ne pouvez donc trop réfléchir sur les mesures que vous adopterez : qu'elles soient tout à la fois fermes, prudentes et dignes de vous.
Rappelez-vous ce que vous avez fait pour Saint-Domingue. Vous avez déclaré cette île partie de l'Empire français; vous avez admis ses députés au milieu de vous ; vous avez voulu les faire jouir des bienfaits de votre Révolution ; vous l'avez consultée sur ses intérêts et Bur les moyens d'accroître sa prospérité et son bonheur; vous avez fermé les yeux sur les préjugés les plus contraires aux principes et aux sentiments d'humanité qui vous animent; vous avez pris enfin toutes les précautions que vous avez cru les plus convenables pour établir la tranquillité dans ces contrées lointain es t
Quelle est la nation européenne qui ait présenté à ses colonies, et d'aussi précieux avantages, et d'aussi flatteuses espérances? Quelle est celle qui les ait traitées aussi fraternellement?
Le dirai-je, Messieurs? C'est l'étendue même de ces bienfaits : c'est la manière dont ils ont été accordés, qui ont fait aspirer à de plus grands encore. On les a attribués à des motifs moins purs, moins honorables que ceux de la justice et de la raison.
Joignez à cela les conseils perfides donnés aux principaux habitants de Saint-Domingue, dans des correspondances particulières.
Les desseins ambitieux de quelques chefs de parti, jaloux de jouer un grand rôle;
Les manœuvres dé gens qui, n'ayant rien à perdre, ne conçoivent ni d'espoir ni de*ressource que dans le désordre.
Ajoutez-y, Bi vous voulez encore, le contre-coup d'une révolution qui se sera fait sentir avec violence sous un climat brûlant, et Voufc aurez Une idée juste des causes de la fermentation qui a régné et qui règne encore à Saint-Domingue, et dont vous devez vous hâter de prévenir les ravages.
Je passerai rapidement sur des faits qui vous sont connus ; je me contenterai de faire le rapprochement de deux récits divers qui en ont été tracés.
Si l'on en croit les envoyés du Pôrt-au-Prince et de la Croix-des-Bouquets, les membres de l'assemblée générale, dès l'entréé de leur carrière, déploient tout l'appareil de la souveraineté ; Hb s'emparent de tous les pouvoirs, affichent l'indépendance. On lit sur le rideau qui décore leur Balle, ces mots remarquables : Saint-Domingue, la loi et le roi. Notre union fait notre force. Ils exigent des mandats illimités; ils se déclarent inviolables; ils citent devant eux le gouverneur de l'île, et le reçoiveatavec fierté; ils s'emparent des finances, mandent les préposés, exigent des comptes, se font délivrer des sommes considérables, changent l'ordre judiciaire, rétablissent et détruigent à leur gré les tribunaux, leur interdisent ies poursuites des affaires, suspendent les affranchissements, cassent les compagnies des volontaires, ordonnent le renvoi des hommes de recrue arrivés au Port-au-Prince, et font défense d'en recevoir, jusqu'à ce qu'ils en aient autrement décidé; accordent une amnistie aux déserteurs,
augmentent la paye des soldats, disposent des forces navales, soulèvent l'équipage du Léopard, retiennent ce vaisseau en-rade, malgré les ordres qu'ii avait reçus de se rendre au Cap, ouvrent les ports aux étrangers, excitent une grande fermèn-tation dans les esprits, mettent le Port-au-Prince dans le plus violent état de combustion, Le gouverneur, alarmé de tous ces excès, du péril imminent qui menace la colonie, obéissant au vœu de la saine partie des habitants, publie une proclamation, déclare les membres de l'assemblée générale traîtres à la patrie, annonce qu'il va déployer la force publique pour les disperser, engage tous les vrais Français à se joindre à lui contre ces hommes pervers. Le même jour, le comité colonial du Port-au-Prince s'assemble, manifeste les intentions les plus séditieuses et les plus hostiles, environne le lieu de ses séances de pièces d'artillerie et d'hommes armés. Ces satellites arrêtent et désarment une patrouille du régiment du Port-au-Prince. Le colonel de Mauduit, ce brave militaire, ce digne citoyen, est averti. Il se rend» à la tête d'un détachement de 108 hommes, pour bo faire rendre ses soldats. Il les demande; on lui répond par dés coups de fusils et d'espingoles, qui renversent les deux grenadiers qui étaient à ses côtés. Il fait lâcher en l'air quelques coups de Canon chargés à poudre; on tire de nouveau sur Ba troupe. Alors l'action s'engage; le colonel de Mauduit arrête, autant qu'il est en lui, la fureur de ses soldats : deux chefs restent aur la place; les membres du comité se dispersent. La nouvelle de la proclamation» celle de la fatale nuit du 29, parvenues à Saint-Marc, la crainte et la fureur s'emparent tour à tour des membres de l'assemblée : ils destituent le gouverneur, le déclarent ennemi de la patrie,ainsi que les sieurs de Mauduit et La Galissonnière; ils engagent les citoyens à courir aux armes. Ils appellent d°s secours; clés détachements de diverses parties de l'île se rendent à Saint-Marc; mais cette ville est bientôt investie de tous oôtés : alors, n'ayant plus de ressource que dans la fuite, ces révoltés s'embarquent sur le vaisseau le Léopard, commandé par le lieutenant, et se rendent en France.
A entendre les membres de l'assemblée générale de Saint-Marc» ils n'ont pas cessé un instant de reconnaître, de chérir la mère-patrie, et de lui rester fidèles. Appelés, par leurB commettants, pour remplir des fonctions importantes, ils s'en acquittent aveo zèle et fidélité. Une preuve, qui ne laisse aucun doute, c'est qu'à la seconde nomination ils sont honoréB de nouveau de leur confiance. Leurs opérations sont dirigées et consacrées par l'opinion publique; ils rétablissent une cour supérieure; mais elle était demandée depuis longtemps; ils font des réformes dans l'ordre judiciaire ; mais elles étaient indispen-sablesi Ce sont les abus même qu'ils détruisent qui leur font des ennemis. Les hommes de loi se plaignent et intriguent. Les commerçants conçoivent des Craintes; c'est dans la partie du Nord, surtout» que les murmures sont les plus violents. Les agents du pouvoir exécutif, ennemis d'un régime nouveau qui affaiblit leur autorité, voyant la destruction de leurs pouvoirs dans la formation des municipalités et des autres assemblées, se réunissent aux mécontents, et fomentent sourdement des troubles; Le gouverneur est invité de se rendre à l'assemblée de Saint-Marc : il est reçu avec tous les égards dus à Sa place. Le sieur de Mauduit arrive à Saint-Domingue; Cet officier audacieux, entreprenant, ennemi de la Révolution, s'empare de l'esprit faible et chancelant du gou-
vemeur, et le porte à des abus, à des excès d'autorité de toutes espèces : partout on voit bientôt paraître l'image de la guerre. Les troupes sont continuellement exercées et sous les armes : on défend aux soldats d'avoir aucune communication avec les citoyens; on fait plus, on les excite contre eux. A la fédération du 14 juillet, on sépare les troupes de ligne des gardes nationales ; alors l'inquiétude s'empare de tous les esprits, et les membres rie l'assemblée générale prennent des mesures analogues à des circonstances aussi difficiles. Le Port-au-Prince devient le théâtre des persécutions et de la scène la plus affreuse. Les citoyens ne peuvent plus s'assembler sans crime. On les regarde comme des conjurés. Le comité colonial, lui-même, ne sait où tenir ses séances : dans la nuit du 29 au 30, il était dans une maison particulière : le colonel de Mauduit l'investit : il interpelle les membres de se séparer, et fait tirer à l'instant deux coups de canon, chargés à mitraille, qui, heureusement, portent trop haut. Forcés de se défendre, les assiégés répondent par des coups de fusils. Deux soldats sont tués. La troupe, commandée par ce colonel, se livre alors à tous les excès de la rage, tue plusieurs citoyens, en fait d'autres prisonniers. Le comité est ainsi dispersé par la violence. Le gouverneur donne une apparence de légalité à cette dissolution, en la proclamant; il proclame en même temps la destruction de l'assemblée générale de Saint-Marc; il invite tous les commandants, officiers, soldats, à se joindre à lui pour fondre sur elle les armes à la main. Les membres de cette assemblée, indignés de cet acte criminel de despotisme, voyant la colonie menacée d'une destruction prochaine, croient de leur prudence de destituer un homme qui abuse aussi étrangement de sa puissance, et de destituer aussi ceux qui secondent ses perfides desseins; ils les déclarent traîtres à la patrie; ils invoquent des secours pour arrêter les hostilités qui se préparent. De toutes les parties de l'île, on envoie des détachements, Saint-Marc est bientôt dans le meilleur état de défense. Le soin de veiller à sa sûreté est confié aux militaires les plus expérimentés. Le vaisseau le Léopard, obligé de sortir du Port-au-Prince, où il était en danger, paraît dans la rade, et semble être un nouveau rempart contre les attaques par mer. Les membres de l'assemblée générale espèrent que Saint-Marc, ainsi protégé, en imposera aux ennemis du bien public; que le gouverneur ne donnera aucune suite à ses projets destructeurs, et que tous rentreront insensiblement dans l'ordre; maison avance toujours sur cette ville : on veut l'envelopper. Le sieur de Vincent fait des sommations aux membres de l'assemblée de se séparer : ils balancent sur le parti qu'ils prendront; mais réfléchissant que le sang des citoyens va couler, ils préfèrent abandonner Saint-Marc : le peuple, les gardes nationales les conjurent de rester; ils se refusent à leurs instances, et se déterminent à venir en France, réclamer justice et vengeance; ils s'embarquent sur le Léopard.
Vous voyez,Messieurs, que chacune de ces narrations présente les objets sous des couleurs particulières; que les nuances qui les distinguent sont très marquées. Les causes, les faits, les circonstances, les personnages, ne se ressemblent point. Rendues dans un esprit divers, ces variétés étaient inévitables.Nos idées prennent l'empreinte de nos passions ; et c'est, si je puis m'exprimer ai isi, en passant par ce prisme, qu'elles s'offrent à nos yeux d'une manière si variée. Dans l'une,
les membres de l'assemblée générale de Saint-Marc sont des citoyens ambitieux, qui veulent envahir tous les pouvoirs, gouverner la colonie en despotes, et rompre les liens qui l'unissent à Ja métropole. Dans l'autre, ce sont des sujets fidèles à la mère-patrie, pleins de la dignité de leurs fonctions, qui usent de l'autorité qui leur était confiée, non pour devenir des oppresseurs, mais pour réprimer des abus de toutes espèces, et élever la colonie au plus haut degré de splendeur.
Dans l'une, ils veulent humilier et avilir le premier dépositaire de l'autorité royale, en le recevant avec hauteur. — Dans l'autre, ils le traitent avec tous les égards que sa place exige.
Dans l'une, ils semaient le trouble et la discorde dans la colonie, par les entreprises les plus révoltantes, en licenciant les troupes, en les transformant en gardes nationales, en voulant les corrompre. — Dans l'autre, ce sont les agents du pouvoir exécutif, qui, furieux de perdre une autorité dont ils étaient jaloux, excitent, par leurs intrigues, la plus vive fermentation, animent le soldât contre le citoyen, divisent les troupes nationales des troupes réglées, et forcent à prendre des mesures pour arrêter ces désordres.
Dans l'une, le gouverneur est un homme sage, ferme, ami de la paix, le sieur de Mauduit, un excellent militaire et un bon citoyen. — Dans l'autre, le gouverneur est un homme faible, irrésolu, sans talents, pour une grande administration, et le sieur de Mauduit, un soldat audacieux, entreprenant, ennemi déclaré de la liberté.
Dans l'une, ce colonel est attaqué, et repousse, à regret, les hostilités. — Dans l autre, il est l'agresseur, et fait égorger à plaisir les citoyens.
Dans l'une, le gouverneur publie la proclamation contre l'assemblée de Saint-Marc, devant cette affreuse boucherie. — Dans l'autre, ce n'est qu'après qu'il fait paraître cette proclamation.
Dans l'une, le gouverneur ne se détermine à faire marcher des troupes contre l'assemblée générale, que sur le vœu et la réquisition de la plus saine partie des habitants. — Dans l'autre, c'est de son propre mouvement qu'il hasarde une démarche aussi criminelle, aussi despotique.
Dans l'une, les membres de cette assemblée, en déclarant le gouverneur destitué à sa place, en le déclarant traître à la patrie, ainsi que les sieurs de Mauduit et LaGalissonnière,sont des séditieux,des révoltés. — Dans l'autre, ils usent de la plus juste représaille ; ils font un acte ferme, mais nécessaire, et dicté par la sagesse.
Dans l'une, l'invitation qu'ils font à la colonie de prendre les armes pour repousser les forces qui s'avançaient, met la chose publique dans un péril imminent, et sonne le tocsin de la guerre civile. — Dans l'autre, cette mesure tend à en imposer aux ennemis, à prévenir dès lors le carnage, et à sauver la colonie des horreurs du dis-potisme.
Dans l'une, les membres de l'assemblée générale sont obligés de fuir;— dans l'autre,ils sont en force supérieure pour rester : la fuite est un sacrifice volontaire qu'ils font, pour éviter l'effusion du sang.
Dans l'une, enfin, ils font approcher le vaisseau le Léopard, soumis à leurs volontés, pour seconder des efforts coupables ; — dans l'autre ce vaisseau arrive par hasard, et comme un bienfait inattendu de la Providence, pour les conduire vers la métropole.
Au milieu de ces versions opposées, au milieu des partis qui agitent Saint-Domingue, n'espérez
pas que la vérité vous parvienne sans nuage : il est des ressorts secrets qui ne seront jamais découverts à vos yeux ; il est des faits et des circonstances qu'il faut consentir à ignorer, ou qui ne laissent que des doutes importuns. Mais s'il est des événements sur lesquels il soit permis de ne pas avoir une opinion ferme et assurée, il en est aussi qui laissent après eux des traces de lumière suffisantes pour vous éclairer et vous conduire ; et lorsqu'on réunit, sous un même point de vue, et dans un seul faisceau, les traits épais de la conduite des membres de l'assemblée générale, il est difficile, pour ne pas dire impossible, de la trouver innocente; il est difficile de ne pas voir que chaque démarche, chaque entreprise tendaient, d'une manière plus ou moins directe, à opérer la scission de la colonie avec la métropole ; il est difficile, dès lors, de condamner les mesures très rigoureuses, il est vrai, très dangereuses en principe, qui ont été prises contre ces membres, mais dont l'excuse parait avoir été la nécessité et le salut du peuple, les premières des lois, celles devant lesquelles toutes les autres se taisent.
Sans récapituler ici tous les décrets rendus par l'assemblée générale, et que vous connaissez, je m'arrêterai au plus important de tous, à celui qui doit fixer toute votre attention, je veux parler du décret du 28 mai.
Ge décret porte en substance : 1° Que dans l'assemblée de la colonie réside le pouvoir législatif, pour tout ce qui est du régime intérieur; qu'elle a le droit de faire des décrets, et de les présenter à, la sanction du roi, sans l'intervention de l'Assemblée nationale ;
2° Que, dans le cas de nécessité urgente, les actes émanés de ce Corps législatif feront loi provisoire, sauf la notification au gouverneur, qui, dans les dix jours, fera promulguer, exécuter ou remettre ses observations, auxquelles on aura tel égard que de raison ;
3° Que pour les rapports commerciaux de la colonie avec la métropole, l'Assemblée nationale et le roi pourront rendre des décrets, mais qu'ils n'auront de force et d'exécution que lorsqu'ils auront été consentis par l'assemblée législative de la colonie;
4° Que les objets de subsistance seront exceptés de ces rapports communs de Saint-Domingue avec la France; que les décrets qui seront rendus à cet égard, par l'assemblée législative, seront seulement sujets à la revision du gouverneur;
5° Que les actes législatifs, comme ceux dont l'exécution sera provisoire, seront envoyés à ia sanction du roi;
6° La durée de chaque législature est fixée à deux ans;
7° L'assemblée générale termine par décréter que ces divers articles font partie de la Constitution de Saint-Domingue, et qu'ils seront envoyés en France, pour être présentés à l'acceptation de l'Assemblée nationale et du roi.
Cet acte, on ne peut pas se le dissimuler, est extrêmement coupable ; il est le signal, le mieux caractérisé, de la scission et de l'indépendance : si les maximes séditieuses qu il renferme pouvaient jamais être adoptées, ^aint-Domiogue ne ferait plus partie de l'Empire français; ce serait un second empire, allié, qui consentirait à avoir des rapports de convenances avec la France. Saint-Domingue, comme la France, aurait son assemblée nationale, sous le titre, plus modeste, d'assemblée générale. Saint-Domingue aurait ses législateurs; Saint-Domingue aurait recours seu-
lement, et tant que cela lui conviendrait, à la sanction du roi.
L'assemblée générale, dans cette circonstance, s'est emparée de tous les pouvoirs dont vous êtes revêtus ; et les articles qu'elle vous propose, elle vous les propose comme articles constitutionnels; elle n'en demande pas la sanction, elle en exige l'acceptation.
Les articles 1,2,3,4 et5 décident formellement, qu'aux habitants seuls de l'île appartient le pouvoir législatif, pour tout ce qui concerne le régime intérieur, sauf la sanction du roi.
Ainsi, par là, on établit deux Corps législatifs dans l'Etat, agissant séparément, faisant des lois différentes. Ainsi, plus d'unité, plus d'ensemble; Saint-Domingue fait un peuple à part, qui n'est plus soumis aux lois de la métropole; il reconnaît seulement le même pouvoir exécutif : est-il rien de plus monstrueux ?
Serait-il rien, en même temps, de plus dangereux que d'accorder au pouvoir exécutif une autorité indépendante du corps national ; une autorité qu'il exercerait seul, sur une contrée éloignée; une autorité qui lui donnerait des forces et une influence qu'il pourrait diriger contre la nation même et contre la liberté?
Les représentants de l'assemblée générale peuvent-ils justifier une violation aussi manifeste de tous les principes? Est il une excuse légitime pour de semblables égarements?
Mais voici le comble du délire. — Pour les rapports commerciaux et autres relations communes, l'article 6 porte que les décrets qui seront rendus par l'Assemblée nationale ne seront exécutés à Saint-Domingue, que lorsqu'ils auront été consentis par l'assemblée générale.
Ainsi, dans ces circonstances, les deux Corps législatifs sont aux prises, et c'est celui de Saint-Domingue qui revise, qui réforme, admet ou rejette les décrets de l'Assemblée nationale : il est im po ssi b le d'i m agin er un tel ren versemen t d'idées.
L'article 7 est relatif aux subsistances : il forme, à peu de différence près, l'article 3 des demandes de l'assemblée provinciale du Nord.
Cet article est très délicat. Lorsque la colonie manque de subsistances, et que la métropole ne lui en fournit pas en quantité suffisante pour ses besoins, il serait rigoureux, disons mieux, il serait injuste de l'empêcher de se pourvoir chez l'étranger. Je conçois,d'un autre côté, qu'on peut profiter de cette liberté d'introduire des subsistances étrangères, en cas de nécessité, pour en faire entrer, sans que les circonstances soient urgentes, sous prétexte de précaution, de crainte de manquer.
Il s'agit, à cet égard, de rédiger un article bien clair, bien précis, bien détaillé, qui laisse le moins d'ouverture possible à l'arbitraire.
Il s'agit de prendre les précautions les plus sûres, pour bien déterminer et constater les cas de nécessité. On proposa que ces arrêtés ne soient pris dans l'assemblée générale, qu'aux deux tiers ou aux trois quarts des voix, par appel nominal ; qu'ils soient soumis ensuite à la sanction du gouverneur, qui donnera ses raisons, en cas de refus.
C'est à MM. les négociants, qui ont des [relations de commerce avec nos îles, à nous faire part, à cet égard, de leurs lumières, et de nous indiquer les moyens les plus sages pour être justes envers Saint-Domingue, sans nuire aux intérêts de la métropole.
Je ne parle pas des autres articles du prétendu décret du 28 mai ; j'en ai dit assez pour prou-
ver, qne si cet acte illégal, subversif de tout ordre, pouvait subsister, il briserait tous les liens, tous les rapports qui existent aujourd'hui entre la colonie et la France.
Vous di ves donc le proscrire avec indignation, et vous devez infliger une justejmnition a ses auteurs. Pour se disculper autant qu'il est en eux, ils prétendent que les décrets des 8 et 28 mars leur étaient inconnus, et que le décret du 28 mai n'est qu'un simple projet qu'ils soumettaient, avec confiance, à l'acceptation de l'Assemblée nationale et du roi.
Qu'ils soient de bonne foi, et ils conviendront qu'ils avaient connaissance des décrets des 8 et 28 mars. Ces décrets étaient parvenus dans la colonie. A la fin d'avril, ils étaient cités dans les assemblées primaires ; ils faisaient l'objet de l'entretien de tous les habitants. Ils pouvaient n'être pas connus ofliciellement de l'assemblée générale; mais aucun membre ne doutait de leur existence et de leurs dispositions.
De plus, l'ignorance prétendue des décrets des 8 et 28 mars ne pourrait pas autoriser l'acte inconstitutionnel, l'acte d'insubordination du 28 mai. Est-ce que les membres de l'assemblée générale avaient besoin d'être avertis qu'ils n'avaient paslè droit de faire des lois? Est-ce qu'ils ne sentaient pas bien que leurs pouvoirs devaient se borner à émettre le vœu delà colonie, à présenter des plans à l'Assemblée nationale ? Mais le décret du 28 mai, observe-Uon, n'était qu'un projet. Eh I pourquoi, si ce n'était qu'un projet, le répandre dans la colonie avec profusion, renvoyer dans les districts, dans les paroisses, et prêcher publiquement d'aussi dangereuses maximes? Ce qui prouve évidemment que, dans l'opinion des membres de l'assemblée générale, ce n'était pas un simple projet; ce qui met leurs desseins à découvert, c'est qu'ils rendent des dé* crets postérieurs en exécution de celui du 28 mai ; c'est qu'ils font l'envoi de ce décret à l'acceptation, et non à la sanction, et ils savaient bien la différence qu'il y avait entre l'acceptation et la sanction ; ils savaient bien que la sanction s'applique aux actes législatifs, et l'acceptation aux actes constitutionnels ; ils savaient bien que, plusieurs fois dans l'Assemblée nationale, on avait posé ce principe ; l'acceptation ne pouvait pas être refusée; de sorte qu'en envoyant le décret du 28 mai à l'acceptation, ils étaient convaincus qu'ils présentaient une loi absolue, qui ne pouvait être changée ni réformée; qu'on eut touché à cvtte loi, alors ils auraient réclamé avec force; ils auraient exposé à leurs commettants qu'on violait, à leur égard, toutes les règles; et conservant ainsi les apparences de la justice, ils auraient insensiblement entraîné à une scission les esprits les mieux disposés en faveur de la mère-patrie.
Il est donc impossible d'admettre une justification de cette espèce ; et le délit que les membrês de l'assemblée générale ont commis en rendant lë décret du 28 mai, reste dans toute sa gravité;
Je passe maintenant à l'adresse de l'assemblée provinciale du Nord, et au projet de décret qu'elle vous prie d'adopter, pour.dit-elle, le bien delà paix et le rétablissement de l'ordre.
C'est avec Une véritable douleur que nous avons vu Cette adresse émanée de cette assemblée; elle qui s'était élevée avec tant de force et de vérité Contre le décret du 28 mai^qui en avait développé l'absurdité et les dangers, oui l'avait dénoncé comme coupable aux paroisses et districts de son arrondissement, eh bien ! allé annonce aujour-
d'hui que si elle l'a attaqué, c'est blën moins à cause du fond, que par rapport à la forme ; que les formes adoptées par rassemblée générale lui ont paru en effet inconstitutionnelles.
Elle demande t la qu'en tout ce qui concerne le régime intérieur, et en ce qui touche l'état des personnes et des différentes élusses qui composent la colonie, aucun décret ne soit rendu que sur la demande expresse, directe et précise des assemblées coloniales ;
2° Qu'à l'égard des rapports entre la colonie et ia métropole, et des demandes de la Colonie, il n'interviènne de décret que sur les représentations du commerce français, de même que les demandes du commerce ne doivent être décrétées qu'après la communication aux assemblées coloniales, et sur leurs représentations;
3° Que les assemblées coloniales soient autorisées à pourvoir à l'introduction des subsistances étrangères, dans le cas de nécessité urgente, et dans les trois ports d'entrepôt, à la pluralité des trois quarts de voix, par appel nominal, sous la sanction du gouverneur; et, en cas de refus, le gouverneur soit tenu de le motiver dans les trois jours de la présentation du décret, et que l'assemblée coloniale puisse passer outre et ordonner l'exécution du décret, à la pluralité des trois quarts des voix, par appel nominal, après avoir délibéré sur les motifs du gouverneur général.
Elle présenté ces trois articles comme constitutionnels, afin que les législatures à venir pe puissent jamais y porter atteinte.
Le ton impérieux et menaçant qui règne dans cette adresse ne peut vraiment se concevoir. L'assemblée provinciale du Nord suppose, pour l'instant, qu'elle exprime le vœu de ia colonie ; et, pour motiver le premier article de sa pétitioh, elle dit : « La colonie ne sacrifiera ja-« mais un préjugé indispensable. A l'égard des « gens de couleur, elle les protégera, elle adou-« cira leur sort; elle doit être l'unique juge, la « maltresse absolue des moyens et des temps.
« Quant aux nègres, notre intérêt répond de «leur bonheur; mais là colonie ne souffrira « jamais que ce genre de propriété soit compro-« mis, ni qu'il puisse l'être à l'avenir.
« Tant qu'elle pourra conserver de l'inquiétude « sur ces deux objets, jamais 11 n'y aura de pacte « durable entre la colonie et le royaume. Il faut « qu'il recoure à elle, ou qu'il assure iuvariable-« ment sa tranquillité avant que le pacte s'en-« tame. »
Est-ce bien aux représentants d'une des plus grandes nations de l'univers que 8'adresse un langage aussi audacieux ? Est-ce nien une colonie, c'est-à-dire une province de l'Empire français qui ose le tenir ? En sommes-nous donc réduits à recevoir la loi ou à la faire? A-t-on prétendu nous imposer et nous frapper de terreur? Que diriez-vQus, Messieurs, si un département vous parlait de ce ton de souverain, vous disait qu'il ne veut pas, qu'il ne souffrira pas, qu'il faut céder, et que tout pacte est rompu; qu'il se sépare de la France; ne réprimenez-vous pas un aussi scandaleux exemple? Il est difficile, je l'avoue, de retenir son indignation... Essayons cependant à examiner de sang-froid les prétentions contenues dans 1 adresse de l'assemblée provinciale du Nord.
Par le premier acte, cette assemblée vous réduit à un état de nullité absolue ( elle vous fait jouer le rôle le plits insignifiant,» je dirai même le jplus humiliant
Elle consërve l'Initiative la plus formelle pour
tout çe qui regarde le régime intérieur de là oo-lonie. Aingi, elle vous assujettit à ne jamais délibérer, si la colonie ne le veut pas. Ainsi, des réformes vous paraîtront sages et salutaires, vous ne pouvez pas les opérer, si la colonie ne vous en sollicite.
Que la colonie ait le droit de faire des propositions, riep de mieux, et cette initiative nous paraît juste; mais que vous ne puissiez rien faire avant qu'elle propose; ou s'il lui plaît de ne rien proposer, c'eët ce qui est intolérable; c'est ce qui est contraire à tous les principes.
Il y a plus : l'article est conçu de manière que vous serez obligés de décréter, conformément aux demandes, c'est-à-dire sans examen, sans discussion, sans liberté d'opinion; en d'autres termes, la colonie fera les lois pour le régime Intérieur, et vous les approuverez.
L'article s'explique d'une manière plus impé-rative et plus particulière encore sur l'état des personnes : il vous interdit de prononcer sur cet état, c'est-à-dire, sur ce qui, dans toute société, doit fixer le plus particulièrement l'attention du législateur.
L'assemblée provinciale veut que le sort des hommes libres de couleur soit à la disposition des blancs; elle veut, contre tous les principes de la raison, de l'humanité, de la politique, de l'intérêt national, de la loi, de vos propres droits, les sacrifier à un sot orgueil et à des préjugés barbares et insensés.
Il est important de donner ici une idée vraie de ce que sont les hommes libres de couleur à Saint-Domingue; elle vous fera connaître qu'il est impossible, sous aucun rapport, de prononcer la loi qu'on cherche à vous surprendre,
La population des hommes libres de couleur est au moins égale à celle des blancs; il paraît même qu'elle est supérieure. Les blancs, d'après les calculs de MM. de La Luzerne et du Ghilleau, montent à 24,198 individus.
M.de La Luzerne porte les hommes de couleur, par ses états, à 19,632 : M. du Ghilleau, qui diffère sur ce point, les porte à 27,000.
Les raisons de cette différence peuvent facilement s'expliquer. On ne connait la population des citoyens des colonies, que par la déclaration que chacun fait ; 1° de l'étendue de sa terre et de sa culture; 2° du nombre des hommes libres qui sont sur chaque habitation; 3Qdu nombre des esclaves.
Qn peut être induit en erreur sur le nombre des individus, de plusieurs manières : 1° les feuilles qui furent distribuées par le gouvernement en 1780, pour faire les déclarations, portaient un ordre ae mettre en marge la couleur de celui qui la fournissait; c'est-à-dire que l'habitant, homme de couleur, était obligé de faire mention de son degré de Couleur. Les planes mettaient seulement leur nom, et cela signifiait qu'ils étaient blancs. Qu'est-il arrivé? Beaucoup de gens de couleur n'ont point suivi l'ordre, et ont apposé leur nom, ceux de leurs femmes, de leurs enfants sans autre désignation : on a conclu que toutes les déclarations qui n'avaient point de qualifications, ne contenaient que des blancs; ce qui a augmenté, en apparence, leur elâsSe, et a diminué celle des hommes de couleur;
" 2° Beaucoup de pères blancs ayant des enfants illégitimes de couleur avec nos esclaves, ne les ont point portés sur leurs déclarations, pour leur éviter de faire le service, soit des milices, soit du piquet, lorsqu'ils étaient réclamés. Le père répondait qu'ils étaient esclaves î cette fraude a encore
affaibli, dans les recouvrements, la population des hommes libres de couleur.
Il existe un grand nombre d'habitations, appartenantes, tant à des blancs qu'à des personnes de couleur, qui ont des économes de couleur ; et les propriétaires, dans les déclarations qu'ils ont faites, se sont presque tous contentés de mettre les noms de ces économes, sans aucune qualification.
Ces simples aperçus suffisent pour expliquer les causes de la différences qui existe entre les calculs de M. de La Luzerne et ceux de M. du Ghilleau, sur la population des hommes libres do couleur.
Il en découle encore une autre conséquence ; c'est que la classe des blanas se trouvant augmentée, au préjudice de celle des hommes de couleur, celle des blancs ne doit pas être de 24,198, tandis que oelle des hommes de couleur est de 27,000.
C'est cette population nombreuse et libre qu'on vous propose froidement de jeter dans la dépendance absolue des blancs; c'est-à-dire dans l'esclavage le plus intolérable.
Oui, Messieurs, le plus intolérable. Si je vous rapportais toutes les injustices, les cruautés même que les blancs exercent avec impunité envers les hommes librés de couleur, les humiliations dont ils les abreuvent, vous en seriez indignés.
Ce n'est pas seulement sous le rapport de la population qué cette classe d'hommes est précieuse»
Les hommes de couleur sont les vrais habitants, les indigènes de Saint-Domingue. Eux seuls sont invariablement attachés à la colonie ; ils s'y fixent pour leur vie, tandis que presque tous les blancs sont de simples passagers, qui paraissent un instant sous ce climat, pour amasser, avec rapidité, des fortunes énormes, qu'ils viennent ensuite dissiper au sein des plaisirs et du vice.
Les hommes de couleur sont des propriétaires infiniment utiles : ce sont eux qui défriohent, qui cultivent les parties ingrates du sol: ce sont leurs propriétés qui sont les plus divisées, les mieux entretenues. Les blancs se sont emparés de tous les endroits fertiles, ont de vastes domaines, qu'ils forcent de production pour hâter leurs jouissances. On regarde que les nommes de couleur possèdent un quart aes habitations.
Les hommes de Couleur sont ceux qui maintiennent, dans la colonie, la police des esclaves.
Les hommes de couleur sont ceux qui concourent le plus à la défense des côtes, qui supportent le fardeau du service militaire; ils forment d'excellentes troupes, d'une bravoure à toute épreuve; ils sont plus agiles, plus forts que les blancs, ils aiment les Français et la France.
Et vous les repousseriez de votre sein 1 et vous les aviliriez! et vous les priveriez des droits sacrés qu'ils tiennent de la nature et des lois mêmes I car enfin, en les faisant citoyens actifs, vous ne leur accordez rien. Louis XIV, avant vous, les avait élevés à la dignité d'hommes et de Français; il leur avait attribué tous les droits dont les blancs jouissaient. Vous ne faites que renouveler, dans un temps de liberté, des lois rendues dans un temps de despotisme. Quoi I vous seriez moins justes, moins humains que les despotes mêmes ?
Concevez-vous, dans aucun pays du monde, des hommes libres (car ce titre n'est pas contesté aux gens de couleur), des hommes propriétaires
(car ce titre ne leur est pas contesté davantage), des hommes payant des impôts, qui n'aient pas la qualité et les droits de citoyens? Et cependant ce sont cette qualité, ces droits qu'on veut leur enlever 1
Concevez-vous que de ces deux classes d'hommes libres et égaux en droits, égaux aussi, ou à peu près, en nombre, l'une puisse prétendre à asservir l'autre sans occasionner le plus terrible bouleversement?
On nous prédit une guerre intestine, si vous n'enlevez pas aux hommes de couleur leurs droits de citoyen, et moi, je dis que, par la nature impérieuse des choses, la guerre intestine est inévitable si vous les dépouillez de ces droits. L'oppression et l'injustice sont les causes éternelles des troubles qui désolent la terre.
Existe-t-il des divisions dans la partie de l'île qui appartient aux Espagnols, parce que là les hommes libres de couleur jouissent de tous les droits qui appartiennent aux blancs; parce que là ils sont considérés; parce que là ils remplissent les places plus importantes? Existe-t-il des divisions dans le Brésil, parce que là les hommes libres de couleur sont les égaux des Portugais,et ont les mêmes prérogatives? Non.....Devons- nous le céder aux Espagnols et aux Portugais en morale et en justice?
Que dis-je ? Vous avez déjà consacré les droits des hommes de couleur ; vous ne les avez pas distingués des blancs; vous avez voulu qu'en général, toute personne payant une quantité déterminée d'impôt, pût être électeur et éligible. C'est aujourd'hui vos propres lois qu'on attaque et que vous devez venger; vous ne ies auriez pas rendues ces lois que vous devriez les rendre encore : la justice et l'humanité les réclameraient impérieusement.
Enfin, il est bon que vous sachiez que les gens de couleur bénissent vos décrets comme un bienfait du ciel ; qu'ils ont porté dans leur âme la joie la plus vive ; que vous êtes à leurs yeux des dieux tutélaires, qu'ils ont vu, avec indignation, lea blancs ies enfreindre; que s'ils ne se sont pas livrés à des mouvements de vengeance, c'est qu'ils sont persuadés que vous en prendrez le soin ; qu'ils ont protesté contre tout ce qui s'est fait, tant dans l'assemblée générale que dans les assemblées particulières, hors leur présence. J'ai entre les mains une de ces protestations qu'ils ont envoyés à leurs mandataires, en France. Voyez à quels dangers une injustice, envers ies gens de couleur, exposerait la colonie.
J'arrive à une classe d'hommes malheureux, dont je ne puis prononcer le nom sans frémir ; elle s'élève, à Saint-Domingue, par les calculs les plus récents, à 360,000. Je ne viens point vous dire ici de briser les fers de ces esclaves infortunés ; une liberté inconsidérée serait pour eux le plus funeste présent. Je ne viens point réclamer des droits dont ils ne pourraient faire usage ; je vous prie seulement de considérer comme ils sont restés tranquilles au milieu des orages, environnés de toutes parts des éléments les plus combustibles de la liberté, témoins des débats les plus vifs, des divisions les plus menaçantes, ont-ils été moins soumis, moins appliqués à leurs travaux pénibles?
On les calomnie, cependant, ces tristes victimes du sort et des préjugés : on fait plus, on calomnie jusqu'à leurs défenseurs. Quelles infamies horribles ne s'est-on pas permises contre les amis des noirs? On les a présentés comme des hommes corrompus, soudoyés, ennemis de leur
patrie. On a dit, on a exprimé qu'ils avaient envoyé des millions de pamphlets aux esclaves, pour les soulever, et des milliers de fusils pour les armer contre leurs maîtres ; et ces fables absurdes ont trouvé des apologistes et des croyants.
Remarquez, dans l'adresse provinciale du Nord, cette espèce de dénonciation des amis de la société des noirs. Gette association, à l'entendre, a inspiré de la défiance à la colonie ; ce senti-meut s'est fortifié par l'accueil que les gens de couleur ont'reçu à l'Assemblée nationale; parie livre de M. l'abbé Grégoire, en leur faveur; par quelques journaux indiscrets: il ne manquait plus que de prier l'Assemblée nat onale de sévir contre cette société, ce livre et ces journaux.
D'où croyez-vous que cette dénonciation parte? Des colonies... Non. Mais de la métropole ; mais de Paris,mais...Je m'arrête ici. C'est là; oui, c'est-là que se fabriquent les armes dont on engage ensuite les colonies à se servir.
Pensez-vous sérieusement que ce soit la société des amis des noirs, que ce soient des livres et des journaux français qui répandent l'inquiétude, qui jettent le trouble dans la colonie? — C'est ce qu'on cherche artiticieusement à insinuer; ce sont des bruits sourds qu'on sème autour de vous, qu'on veut accréditer, que les gens pusillanimes et irréfléchis adoptent légèrement; mais ce sont des puérilités ridicules; c'est pour donner le change sur les causes vraiment actives, sur les manœuvres infâmes qui occasionnent ces agitations. Ces manœuvres, aujourd'hui, ne sont-elles pas à découvert?
HélasI les travaux d'hommes isolés, qui s'occupent du bien dans le silence et l'obscurité, ne franchissent pas aussi facilement d'immenses intervalles; ils ne portent, d'ailleurs, avec eux, aucun germe malfaisant; et enfin, comment retentiraient-ils aux oreilles des esclaves? Les nègres savent-ils les lire? Leur laisse-t-on les ouvrages qui pourraient les instruire? En ont-ils le temps?
Mais dans la colonie, sur les lieux mêmes, on écrit en faveur des gens libres, de couleur ; on prêche la réunion des classes, pour le bonheur commun; et ce sont des blancs, des colons, qui enseignent publiquement ces maximes.
Où en sommes-nous donc, s'il n'est pas permis, en France, d'exprimer librement ses pensées sur les colonies, sur le sort de ceux qui les habitent; si on est sans cesse arrêté par de vaines et fausses terreurs ; si on ne peut pas présenter un instant la lumière, qu'on ne vous accuse aussitôt de mettre le feu ? Mais c'est avec ces raisons qu'on a toujours étouffé la vérité, et qu'on peut justifier tous les genres d'inquisition les plus affreux.
Il existe en Angleterre une société des amis des noirs, très nombreuse, très recommandable, par les membres qui la composent, qui répand à grands frais des ouvrages extrêmement précieux, sur les malheureux Africains. On a discuté la cause de ces infortunés dans le parlement, avec la plus grande solennité, la plus grande véhémence; on ne s'est pas aperçu que la tranquillité des colonies anglaises fut troublée, ni par cette société, ni par les écrits qu'elle publie, ni par les discussions parlementaires. Et remarquez que tout ce qui s'est passé dans cette grande affaire, a été réimprimé à ia Jamaïque, publié dans les gazettes.
Si je ne demande rien, aujourd'hui, pour des hommes que notre avarice et nos jouissances con-
damnent à l'esclavage, je m'oppose, de toutes mes forces, aux prétentions manifestes de l'assemblée provinciale du Nord, délaisser la colonie disposer souverainement de leur sort, ainsi que de celui des hommes libres, de couleur.
Est-il une seule colonie européenne qui ait un semblable droit? Est-il, au contraire, une seule métropole qui en soit privée? Le droit de faire des lois sur les différentes parties de l'organisation sociale appartient essentiellement au Corps législatif. L'état des personnes est un des points de législation le plus important; c'est ce qui forme l'existence civile et politique de l'homme en société : le Corps législatif ne peut donc s'en dessaisir sous aucun prétexte. Il ne peut donc pas abandonner aux colonies la faculté de prononcer sur la destinée de quelques classes d'habitants que ce soit de l'Empire français. L'Assemblée peut bien moins encore, sans violer sa mission et franchir les bornes de son autorité, dépouiller les législatures futures d'un semblable pouvoir: c'est cependant ce que l'assemblée provinciale du Nord ne craint pas de lui proposer, en rendant la décision constitutionnelle.
La colonie doit avoir une assez haute idée de la sagesse de l'Assemblée nationale, et des législatures qui lui succéderont, pour penser qu'elles ne feront aucun grand changement dans cette colonie, sans l'avoir consultée, et sans y être déterminée par les motifs les plus impérieux, de raison, de justice et d'utilité.
L'article 2 du projet de décret que l'assemblée provinciale du Nord soumet à vos lumières, n'est pas plus admissible : il vous fait une loi précise de ne pouvoir décréter les objets relatifs à tous les rapports communs de la colonie avec la métropole, que sur les représentations du commerce français, et, par réciprocité, de ne pouvoir rien décréter sur les demandes du commerce, que d'après les représentations des assemblées coloniales.
Il serait bon d'abord d'expliquer clairement ce qu'on entend par représentation; car on peut donner à ce mot un sens plus ou moins étendu.
Ensuite il n'est ni de prudence, ni de la dignité de l'Assemblée nationale de s'enchaîner par un pareil engagement; c'est au Corps législatif, sans doute, avant de prononcer une loi, de s'environner de toute les lumières qui peuvent éclairer sa justice ; mais c'est à lui de savoir quelles sont les lumières dont il a besoin, dans quelle source il doit les puiser ; il ne peut s'astreindre à recevoir des représentations que quand il les demande, et qu'il les juge nécessaires : des repré-sen I ations q ui seraient forcées, des représentations san? lesquelles il ne pourrait pas décider, non seulement gêneraient sa marche, qui doit toujours être libre, mais finiraient par devenir des lois, dont il ne serait plus que l'organe.
Tout ce qui m'étonne, Messieurs, c'est que l'assemblée provinciale du Nord se soit permise de faire ces propositions, de vous les présenter sous la forme d'un décret, et dans un style si peu convenable, pour ne rien dire de plus. Ce n'est pas ainsi, Messieurs, que les colonies anglaises s'adressent à la métropole. Toutes les fois qu'elles ont des demandes à former, des représentations à faire, c'est toujours sous le titre d'humbles pétitions.
Ne souffrez pas qu'on s'écarte des égards et du respect qui sont dus à cette Assemblée. Les dangers en sont plus grands qu'ils ne le paraissent. D'abord les citoyens, en parlant aux représentants
de la nation réunis, doivent sans cesse avoir devant les yeux qu'ils parlent à la nation même. Si des hommages '«idolâtres ne conviennent qu'à des esclaves, le langage de la décence et de la soumission à la loi est celui de tout peuple libre.
Vous avez rendu des décrets pour la colonie; ils doivent être exécutés. S'il est nécessaire de déployer la force pour commander l'obéissance, c'est une extrémité fâcheuse, dont vous devez gémir; mais vous n'avez pas à balancer pour le faire.
On cherchera, je le sais, à vous environner de terreurs; on vous représentera la guerre et les fléaux qu'elle entraîne, comme inévitables ; on vous menacera d'une scission. On connaît l'empire de la crainte sur l'esprit des hommes. Ne vous laissez pas épouvanter; faites d'abord ce qui est juste, et ce qui est juste sera politique.
Oui, la faiblesse seule- enhardirait les factieux et les ennemis de la métropole; et si d'abord vos décrets eussent eu un caractère bien prononcé ; si des ménagements, que vous avez cru devoir à la prudence, n'eussent pas été connus, je n'en doute pas, on n'aurait pas osé concevoir des espérances aussi hardies, des desseins aussi téméraires.
Montrez-vous donc aujourd'hui avec une fermeté imposante et une volonté forte; déclarez hautement, clairement vos intentions. Les vrais amis de la France sont plus nombreux que vous ne croyez; ce sont en même temps les amis de la liberté; ils respecteront vos lois, et ils les feront exécuter.
La colonie est trop éclairée sur sa position, pour ne pas savoir qu'il lui est impossible de se soutenir seule ; qu'elle a nécessairement besoin de l'appui et de la protection d'une puissance européenne.
Elle est trop éclairée sur ses intérêts, pour ne pas sentir que la France est celle qui lui convient, est celle sous laquelle elle sera plus heureuse ; est celle qui lui offre des avantages que n'ont jamais obtenus, et dont ne jouissent pas les autres colonies des Européens; elle a d'ailleurs ses habitudes formées, ses relations établies.
Ne redoutez donc point que Saint-Domingue rompe ses liens avec la métropole. Ces terreurs sont des illusions avec lesquelles on veut surprendre et arracher des décrets qui feraient la honte de l'Assemblée, et prépareraient une scission, qu'il est si important d'éviter.
J'ai l'honneur de vous proposer le décret suivant :
« L'Assemblée nationale décrète : 1° qu'elle casse et annule le prétendu décret du 28 mai, rendu par l'assemblée générale de Saint-Domingue, et les actes qui l'ont précédé et suivi, comme tendant à rompre les liens qui unissent Ja colonie à la métropole, et attentatoire à la Constitution ;
« 2° Qu'elle dissout ladite assemblée générale, et que les membres qui la composaient seront renvoyés, poursuivis et jugés devant la haute cour nationale, qui sera incessamment établie;
« 3° Qu'il sera procédé à l'élection d'une nouvelle assemblée, d'après les formes et les conditions prescrites par ses décrets;
« 4° Qu'elle approuve le patriotisme et le zèle déployés par l'assemblée provinciale du Nord contre les infractions aux lois et les abus d'autorité commis par l'assemblée générale ; qu'elle i improuve, en même temps, les termes peu mesu-
rés, irrespectueux, {renfermés dans son adresse du 28 juin;
5° Que ses décrets des 8 et 28 mars seront exécutés dans toutes leurs dispositions; et expliquant, en tant que de besoin, le terme de citoyen, inséré dans l'article 11 du décret du 8 mars, et les expressions de toutes personnes qui se trouvent dans l'article 4 des instructions, elle déclare qu'elle a entendu parler des hommes libres de couleur, et les comprendre au rang des citoyens électeurs et éligibles ;
« 6° Que le roi sera prié d'envoyer incessamment deux vaisseaux de ligne et 1,20Q hommes de troupes réglées, pour assurer l'exécution desdits décrets;
« 7* Qu'il sera nommé quatre commissaires civils, qui ne seront ni colons ni attachés aux colonies, à l'effet de diriger, de concert avec le gouverneur de Saint-Domingue, l'emploi des troupes, si besoin est;
« 8° Que ces commissaires civils seront autorisés à faire toutes les informations nécessaires sur les auteurs des troubles qui ont agité 1a colonie, pour, sur leur rapport, être décidé ce qu'il appartiendra;
« 9° Que M. le président se retirera en outre par devers le roi, poqr obtenir la sanction du présent décret. »
Séance du
La séance est ouverte à six heures du soir,
fait donner lecture des adresses suivantes :
Adresse des administrateurs des districts d'U-zès, de Vihiers,de Jauvilleetde Sarre-Louis, qui, au premier moment de leur réqnipni expriment avec énergie les sentiments d'admiration, de reconnaissance et de dévouement, dont ils sont pénétrés pour l'Assemblée nationale.
Les administrateurs du district de Jau ville expriment en particulier leur adhésion aux décrets sur rqrganisation judiciaire,
Adresse du directoire du département de l'Aisne, qui adhère à celle du directoire du département de Seine-et-Marne, relative aux outrages essuyés par des Français patriotes chez des peuples Voisins : ils se joignent, disent-ils, à ces administrateurs, pour prier l'Assemblée nationale de prendre des mesures propres à faire rendre au nom français et à l'uniforme national, chez les nations et dans les cours étrangères, les égards et la considération qui leur sont dus.
-Adresse de la municipalité de Libourne, contenant une proclamation par laquelle elle invite tous les citoyens de son territoire à secourir, autant qu'il sera en lepr pouvoir, les veuves et les enfants des citoyens qui ont péri victimes de leur patriotisme et de leur dévouement à la lçi, dans la malheureuse affaire de Nancy.
Adresse du conseil général de la commune de Pontcroix, département du Finistère, qui
remercie
Adresse des officiers de la maréchaussée de Toulon, qui font part à l'Assemblée du jugement qu'ils viennent de rendre dans la procédure instruite à l'occasion de l'émeute du 11 août dernier, et des excès commis en la personne de M. de Cas? tellet. Ils exposent qu'il serait à propos pour la tranquillité publique que deux des coupables, con= damnés aux galères par ce jugement, fussent transférés dans un autre port.
Adresse de la société des Amis de la Constitua tion de Toulouse, qui félicitent avec une admiration respectueuse l'Assemblée nationale sur son décret du 25 du mois dernier, et qui font l'éloge des soldats des régiments de Tourame et de Royal-Pologne en garnison à Montauban, ainsi que des cavaliers de maréchaussée de la même ville.
Adresse des électeurs du district de Saint-Lô, réunis pour la nomination des juges de ce dis-triot, qui envoient à l'Assemblée nationale le pro-cès-verbal de leur nomination, et lui présentent en même temps le tribut et l'hommage de leur admiration et de leur dévouement.
Adresse de M. de Rossi, notable adjoint de Paris, qui fait hommage à l'Assemblée d'un ouvrage portant pour titre i « Mes trois offrandes patriotiques » dans lequel il offre en don patriotique la totalité de sa fortune, qu'il abandonne sans réserve à la nation, jusqu'à ce que les affaires publiques soient rétablies; offrant encore, après cette époque, de donner en tribut civique pendant trois années le quart de son revenu, qu'on n'a demandé qu'une seule fois et en trois payements.
Délibération du conseil général de la corn-* m une de Longwy, département de la Moselle, qui adhère avec joie et reconnaissance au décret concernant l'émission des assignats jusqu'à concurrence de 1,200 millions, regardant ce décret comme une victoire remportée parles bons cl« toyens sur les ennemis du bien public.
Le sieur Ghaillot de Prusse, garde national, admis à ia barre de l'Assemblée, lui présente nue adresse et lui fait hommage de deux tableaux représentant l'oriflamme et les bannières, ces étendards de notre liberté, qui avaient servi à la confédération du 14 juillet dernier et à la confection desquels il avait participé.
L'Assemblée accepte cet hommage avec applaudissement; elle décrète qu'il sera fait une mention honorable dans son procès-verbal, de l'adresse du sieur Ghaillot, auquel elle accorde les honneurs de sa séance.
, rapporteur du comité de Constitution, rend compte de deux délibérations du district d'Orange etxde la municipalité de Mopdra-gon et propose ensuite un décret qui est adopté, sans discussion, ainsi qu'il suit :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport du comité de Constitution, confirme les délibérations des districts d'Orange ainsi que de la commune de Mondragon, et décrète que le district d'Orange demeuré définitivement Uni au département des Bouches-du-Rhône, et que le bourg de ( Mondragon fait partie de ée district, p
fait donner lecture d'une adresse des sieurs Boué et compagnie, qui exposent les motifs qui doivent déterûàiner à conserver Vimpôt diu tabac • qui proposent d'en porter ia ferme à 30 millions et même àù'deià, dans le
cas où les privilèges de l'Alsace, de la Franche-Gomté et de quelques autres provinces seraient abolis, en s'erigageant d'ailleurs à substituer au régime actuel des moyens de perception plus appropriés aux principes de la liberté, et exempts de toutes vexations. 4
(L'Assemblée ordonne le renvoi de cette adresse à son comité des impositions.)
Le sieup Royllet, artiste, admis à la barre, fait hommage à l'Assemblée d'un tableau représentant une espèce de mausolée consacré à 1a mémoire de fienjamin Francklin.
L'Assemblée agrée cet bommage et accorde au sieur Royllet les honqeurs de sa séance.
donne lecture d'un projet de té- t glement sur le contré-seing.
' Après quelques observations et additions, le décret ësl rendu ([ans les termes suivants
L'Assemblée nationale décrète ce qui suit :
« Art. Ier. Il se^ étàbll prés l'Assemblée ha-tlonâle'un seul
bureau'pour le contre-seing des lettres et paquets, et leur envoi à la poste ; et il n'y
aura, sous le contre-seing de l'Assemblée nationale, de franchise que pour les lettre et
pa-qjiptS qui sortiront de ce j?ufeâu unique.
« Art. 2.Ce bureausera'surveiH^parles quatre inspecteurs des secrétariats bureau$.
« Art. 3. Il y aura daiis ee* Bureau deqx ou trois commis au plus, qui auront chacun pné gfjffe pumprotéé, laquelle "cqntiéuarà « un point secret », conijp seulement d§ 'racjpQlnîstration des postes, qui fera faire éï fournira les griffes.
Art. 4. Ces griffes ng seront jamais portées hprs du bureau ; elles contiendront ces i^ots : Assemblée Nationale.
« Art. 5. Les membres de l'Assemblée nationale présenteront çn pepsofine, au bureau, leurs lettres èt paquets, faits, pàpnet§s, et ayçc leurs adresses^ pour, recevoir 1 empreinte d'une des griffes. Les lettres et paquets, qui ne seront pas présentés par les dajulés eu personne, seront refusas par les commis, sous peine de destitution,
« Art. 6, Les lettres, les paquets relatifs aux affaires cqaqué com|të pi} geciïon dç cçmftês, ne seront reçus bureau «quâyeç un bon » éprit de la main fflefflç d|j président, du vice-prèsjdgqf ou djj secrétaire ^e ôes çonâftés ou Beç(fomf (iatë, signé, et contenant en tqjijes lettres le pombr^ dëglett^ gt p^qjiët§ gu'ifs epVoiéat au conîrer^ing,
« Art-7". Qes lettres eÇ paquets seront jamais portés §u bureau cty contre-seing, que par les garçons ' attachés au seyvice dès comités et âéctjoîjs,'
" « Art, 8.Le J)op ser$ (Jéchiré par le plus an-çien pes cpi^u^g 4u bureau, qés que les lettres ét paquets aiiroqf reÇR réajpreinte druqé des griffes, ét cétté empreinte ne" sèrà appliquée qu'après vérification faite du nombre des lettres et paquets présenté de la part des comités et Sections.
? Art. 9. En çqrjsgqjHîgpg, tous pafjljete et lettres, même portant l'empreinte d'une (les griffes, qui seraient ibis da'og ^.çîtes p^r^ipù-lières ou envoyés à l'hôtel des'postes àutrëmént qqe suivant la et par les fapteurs que radn^inistraMon aura établis à cet eue] près l'Assemblée nationale, seront taxés.
« Art. 10, Les» seffi de n^qj^msqp'ftçe qu'on puissë contresigner ay§g les grjneg, 4e? lettres et paquets cachetés avec l'un des cachets de l'As-
semblée natiqpale, et pour lesquels on ne se serait p^s çppfôrjné aux disppsitionS prescrites par les articles précédents!
« Aft. 11. Les paquets ne contiendront que des paniers écrits ou impripiés relatifs aux affairés je l'Assemblée' nationale ou aUx correspondances directes et instructions des députés, pja|g ^u'cun livrp relie, pi aucun objet étranger.
Art. 12 ta franchise des lettres et paquets sefa "poqr l'arrivée, restreinte à ceux qui seront adressés 'au "président, aux six secrétaires et à I'arcjîjyistè de l'Assemoléë natiopale, aux présidées de ch^qye comité ot seetiQBî ainsi qu'à chaque députation ëri pom collectif.
Art.13. Le f^glement pn forme de lettre a^rçssp par le prçmiër miijistre dps flnances/dp |a pg)*t dU rgf, aux administrations de département, en daté du 16 juillet 1790, qui fixe le fflode de fragchiçe dans leur arrqqdissenqent et Cèlgï des contre-seings respectifs, 'sera exécuté prgyisôirément ën ce' en qjloi ladite lettre n'est pbigî contraire' au présent décret,' jusqu'au lér mpyler i79?» térmë de l'expiration' du Jrçjl actuel des postes.
« Art.14. Lé "président se retirera par devers le roi, pour .prier Sa Majesté de vouloir bien, cppfQrjnément à l'article 6 dp décret gur les postes et messageries du 2$ août et jours suivants, sanctionné par El|e le 29 dumjîme mois, fairè incessamment le choix du président et des quatre administrateurs qui doivept composer le directoire des postes à l'éppque du Ie* janvier l790 ».
L'qrdre du Jour est le compte rendu, par le comité des fapports de quelques troubles arrivés dans la yillç de Sa foi-Pierre de la Martinique.
, rapporteur. Messieurs, la piuni-c|nalit| 4e Saint-Pierre (Jp la Martinique nous a dénoncé peu$ Officiers de la "garnison de cette yille, %% pu BQulet et Nfàlhërbe,qijf ont été embarqué èt (pr$s dg passer èp France où ils se "trouvent depuis six Éqois.
Voipi les raits qu'i ont motivé cette mesure :
Lés sieurs Du Boulet et Malherbe étaient à la Comédie placés aux secppdes loges, ^e narlerce s'aperçut qulls n'avaient point l£f cocarde nationale. Alors on se porta en foule vers eux et les citpyens les exhortèrent à se conformer au vœu général'et à ne pas vouloir se distinguer du reste des citoyens eu affectant de qg pas porter ïes couleurs dp la nation. Ces fnessie^rs, au lieu de ge regare ou de donnerdes raisons plausibles, prirépVpette morgue» cette l|erté qui ne sied jamais 4 personne et qui liait ton jours par por-ter préjudice à son auteur. Néanmoins, le public assez patient d'abord leur fit offrir d^s cocardes; on ietir eu offrit itératiyëmèiit: biea entendu que les offres deviprènt plus Pressantes à mesure qu'elles furent réitér£e§. Forc^ de s'expliquer, M. Du Bpulet répondit qu'il' éiï ayalt porté plu-ËiÇttff et què prêtait p^r oubli qu'il n'eu avait point ce Jour-là"; qu'au rester il la portait dans son cœur. — Celle aoot vous parlez est aristocratique, lai rép|iqua-t-on. — De là des propos qui [jeu | une rixe qui faillit avoir le lea-derâaia îes suites lés" plus fâcheuses. Les ci-toyeas armés d'ua côté, lés troupes de ligne de l'autre voulaat soutenir leurs offieiers, fareut bien près d'en venir à une action. — D'après plusieurs dépositions, ies soldats, rangés en bataille devant leurs quartiers, chargèrent leurs
armes et mirent en joue les citoyens. La prudence des chefs de la ville calma cette effervescence et tout rentra dans l'ordre. Néanmoins, la municipalité fit paraître devant elle les deux officiers et les condamna à la prison. — Comme ils descendaient de l'hôtel-de-ville, le peuple indigné , comme on l'est en pareil cas lorsqu'on trouve des opposants à la volonté générale, leur arracha leurs habits qu'il mit en pièces et exerça sa vengeance qu'il ne poussa pas néanmoins jusqu'aux derniers excès.Ils furent jetés en prison, les fers aux pieds, jusqu'au moment où le vaisseau les Deux Cousines les a conduits en France.
Le comité, balançant le délit et la punition, a cru que les officiers étaient coupables notamment ' d'imprudence ; qu'ils avaient été assez punis par les traitements qu'ils avaient essuyés. Il vous propose, en conséquence, le projet de décret suivant :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des rapports, décrète que son président se retirera par devers le roi pour lesupplier de donner ses ordres pour que MM. Du Boulet et Malherbe, officiers au régiment de la Martinique, rejoignent leurs corps et y reprennent leurs fonctions. »
Je m'oppose à ce décret parce que cette affaire n'est qu'un premier anneau d'une chaîne de faits intéressants à connaître.
Je persiste, comme je l'ai fait hier, à demander le renvoi au comité colonial.
M. Moreau de Saint-Mery et moi, comme députés de la Martinique, avons sollicité le décret pour le bien et la tranquillité de la colonie. Il faut calmer et non pas aviver les animosités. C'est le but que nous poursuivons.
L'exemple de ce qui s'est produit à Saiot-Domingue pourrait faire supposer une connexité entre le fait isolé dont vous venez d'entendre le rapport et les troubles qui sont survenus depuis à la (Martinique. J'appuie donc le renvoi au comité colonial. (Ce renvoi est mis aux voix et prononcé) (1).
, président, quitte la salle pour se rendre chez le roi.
,ex-président, occupe le fauteuil.
Je demande que l'affaire de Nîmes, dont lë comité des rapports est saisi, soit incessamment soumise à l'Assemblée. Il est indispensable qu'il intervienne une décision dans l'intérêt de la tranquillité publique.
(L'Assemblée charge son comité de s'occuper sans délai de celte affaire et d'en faire le rapport ie plus promptement qu'il sera possible.)
L'Assemblée reprend la suite de la discussion sur les biens nationaux à vendre ou à conserver et sur Vadministration de ces biens.
, rapporteur. Les articles 16 et 17, titre III , du projet deviennent les articles 14 et
15. J'en donne lecture.
« Tout procès pendant entre des bénétîciers, des maisons, corps et communautés, des mains desquels l'administration de leurs biens a été retirée, sont et demeurent éteints. Quant à ceux dans lesquels se trouveraient parties des laïcs, ou quelques-uns des corps; maisons et communautés, auxquels l'administration de leurs biens a été laissée provisoirement, la poursuite pourra en être reprise après l'expiration du délai prescrit par le décret du 27 mai dernier, sanctionné le 28, soit par les parties intéressées, soit par les corps administratifs, de la manière ci-après réglée.
Art. 15.
« Toutes actions en justice, principales, incidentes, ou en reprise, qui seront intentées par les corps administratifs, le seront au nom du procureur général syndic du département, poursuite et diligence du procureur syndic du district, et ceux qui voudront en intenter contre ces corps seront tenus de les diriger contre ledit procureur général syndic. » (Ces articles sont adoptés.)
, rapporteur. L'Assemblée ayant déjà pourvu à la compétence des nouveaux tribunaux, les articles 18 et 19 du projet imprimé deviennent inutiles ; nous vous en proposons donc le retranchement.
(Ce retranchement est prononcé.)
Les articles 20, 21 et 22, devenus 16, 17 et 18, sont Jus et décrétés ainsi qu'il suit :
Art. 16.
« Il ne pourra être intenté aucune action par le procureur général syndic, qu'ensuite d'un arrêté du directoire du département, pris sur l'avis du directoire du district, à peine de nullité et de responsabilité, excepté les objets de simple recouvrement.
Art. 17.
« Il ne pourra en être exercé aucune contre ledit procureur général syndic, en ladite qualité, par qui que ce soit, sans qu'au préalable on se soit pourvu par simple mémoire, d'abord au directoire du district, pour donner son avis; ensuite au directoire du département, pour donner une décision, aussi à peine de nullité. Les directoires de district et de département statueront sur le mémoire dans le mois, à compter du jour qu'il aura été remis, avec les pièces justificatives, au secrétariat du district, dont le secrétaire donnera son récépissé et dont il fera mention sur le registre qu'il tiendra à cet effet. La remise et l'enregistrement du mémoire interrompront la prescription ; et dans le cas où les corps administratifs n'auraient pas statué à l'expiration du délai ci-dessus, il sera permis de se pourvoir devant les tribunaux. „
Art. 18.
« Les frais qui seront légitimement faits par les directoires de département et de district, dans la poursuite des procès, passeront dans la dépense ae leurs comptes. »
, rapporteur. Nous arrivons maintenant au titre IV. Je vais donner lecture des articles.
Les trois premiers articles sont adoptés sans discussion, ainsi qu'il suit :
TITRE IV.
Des créanciers particuliers des maisons, corps et communautés supprimés.
Art. 1er.
« Les frais faits sous le nom des maisons, corps et communautés auxquels l'administration de leurs biens a été laissée provisoirement, seront par eux acquittés. A l'égard des bénéficiers, corps, maisons et communautés, des mains desquels l'administration de leurs biens a été retirée, les dépens par eux faits, et qu'ils auront payés, ne leur seront pas remboursés : mais ceux légitimement faits et non payés, le seront des deniers du Trésor public. Ne seront, au surplus, acquittés des deniers du Trésor public parmi les dépens faits par les bénéticiers, que ceux faits à raison de leurs bénéfices et pour leur utilité.
Art. 2.
« Les procureurs, les acquéreurs de leurs offices, leurs veuves, héritiers ou ayants-droit ; ceux qui prétendront être créanciers pour cause desdits frais, seront tenus de remettre dans trois mois, à compter de la publication du présent décret, au secrétariat du district de leur domicile, sous récépissé du secrétaire, leur mémoire et les pièces et procédures. Dans trois auires mois le directoire du district donnera son avis, et le directoire du département arrêtera lesdits frais.
Art. 3.
« Pendant les trois premiers mois, les possesseurs des pièces et procédures pourront les retenir, mais passé ledit temps, ils seront tenus d'en faire la remise quand ils en seront requis ; sinon ils y seront contraints, même par corps.
, rapporteur, lit l'article 4.
Il n'est pas juste que les frais de serment que les directoires de département, sont fondés à exiger aux termes de l'article 4, soient à la charge des créanciers. Je propose donc d'amender l'article et de dire sans frais au lieu de à leurs frais.
(Cet amendement est adopté.)
Les articles 4, 5, 6, 7, 8, 9 et 10 sont ensuite décrétés comme ci-dessous :
Art. 4.
a Pour justifier leurs créances, outre le rapport des pièces et procédures, ils seront tenus de représenter les registres des procureurs qui auront fait lesdits frais. Ils en seront dispensés lorsqu'ils auront des arrêtés de compte et une décharge des pièces. Les directoires de département pourront, sur l'avis de ceux de district, exiger, quand ils le croiront convenable, leur affirmation que ce qu'ils réclament leur est bien et légitimement dû; à laquelle affirmation il sera procédé sans frais et par-devant les tribunaux, et publiquement en présence du procureur général syndic, ou lui dûment appelé.
Art. 5.
« Les fins de non-recevoir établies par les or-
donnances, coutumes et règlements sur cette matière, auront lieu dans les cas qui y sont déterminés. Néanmoins, leur effet sera suspendu, à compter du 2 novembre dernier, jusqu'à la publication du présent décret, et pendant trois mois après.
Art. 6.
« Les créanciers, pour d'autres causes, des corps, maisons et communautés auxquels l'administration de leurs biens a été laissée provisoirement, seront aussi par eux payés.
Art. 7.
« Pour faciliter l'acquittement de leurs dettes, lesdits corps, maisons et communautés pourront recevoir les capitaux des sommes à eux dues, et le rachat de leurs rentes, à la charge d'obtenir préalablement une autorisation du directoire du département; à l'effet de quoi ils adresseront leur demande, avec les pièces justificatives, au directoire du district pour vérifier les motifs et donner son avis. Jusqu'à ladite autorisation les débiteurs ne pourront se libérer ou se racheter, qu'en payant aux receveurs des districts; et dans le cas où il y aurait péril dans la demeure, ces derniers, d'après un arrêté du directoire du département, pris sur l'avis de celui du district, feront le recouvrement des sommes dues, sauf à les employer à l'acquittement des dettes desdits corps, maisons et communautés, s'il y a lieu.
Art. 8.
». Les créanciers, pour autre cause que des frais de procédures, sur les biens des bénéfices, ainsi que ceux des maisons, corps et communautés, des mains desquels l'administration de leurs biens a été retirée, y compris ceux des jésuites, seront payés de ce qui sera reconnu leur être légitimement dû, des deniers du Trésor public. Pour parvenir à la liquidation de leurs créances, tout ce qui est prescrit par l'article 2 ci-dessus sera observé à leur égard.
Art. 9.
« Les emprunts qu'auraient pu avoir fait les bénéficiers, pour des causes reconnues nécessai-rës ou utiles à leurs bénéfices, et ceux qu'auraient pu faire de bonne foi les corps, maisons et communautés, et qui seront constatés par actes authentiques, d'une date antérieure au 2 novembre dernier, seront déclarés légitimes.
Art. 10.
« Il en sera de même des emprunts qui, pour les mêmes causes, auraient été faits par lesdits corps, maisons et communautés, et qui ne seraient établis que par actes sous-seiiig privé, pourvu que ces actes aient une date certaine antérieure au 2 novembre dernier, ou qu'ils soient rappelés à une date antérieure audit jour, sur les registres ou livres de comptes de ces maisons corps et communautés, tenus en bonne forme et inventoriés en vertu des décrets de l'Assemblée. »
Divers membres attaquent l'article 11.
, rapporteur, présente une nouvelle rédaction. Elle est décrétée ainsi qu'il suit:
Art. 11.
« Si [pour jies emprunts contractés pour les
causes expliquées dans les articles 9 et 10 ci*des-sus, il a été constitué des rentes perpétuelles on fentes viagères paf des botes» dans l'une des formes en-devant expliquée!» elles seront égale* ment déclarées légitimes: »
, rapporteur, lit les articles 12, 13, 14 et 15. Ils ne donnéht lieu à aucune observation
Art. 12.
« S'il existé dës ëôhVëiltiôns ou prix faits, passés avec des entrepreneurs ou ouvriers, des artistes, écrivains ou archivistes, pour des fournitures oudës ouvrages, les directoires de département, sui l'avis de ceux de district, pourront les faire exécuter ou les résilier» suivant qu'ils le jugerbnt codvenàble; en cas d exécution» les entrepreneurs ou ouvriers et les artistes» éôri-»-Vains ou archivistes» seront payés conformément aux conventions et prix faits. S'ils sont résiliés» ils serént payés des ouvrages et des fournitures qui auront été faits stilVanl l'estimation;
Art. 13.
« A l'égard des marchandé; fournisseurs et ouvriers qui auraient fait des délivrances» fournitures ou ouvrages, il seront de même payés de cé qui lëur sera légitimement dû: On ne pourra leur oppose!1 de fins de non-recevoir que conformément à l'article 5 ci-dessus.
Art. 14;
« Ellël cës§ëron(, même d'aVoir lerir effet tdjj-tëë lës. rois oîjé lë directoire du aêpariefnêht, lur l'avis dë celui du district, trouVera dahs les livrés des marchands, foutnisseiir§ où ouVriërs, et ddtis les registres ou livrëS dé orimptes des maj-sons, corps et communautés» tëftiis dé nonne ibi» ët éri lës comparant les uns àvec les autres, ÔUë teS délivrabcës, fournitures ou ouvragés ont été faits et qu'ils n'ont pas été pàyaL
Art. 15.
« L'affirmation preserito par l'article 4 ci-dessus, pourra être exigée lorsqu'il y aura lieu. »
rapporteur » donne lecture de l'article 16;
, je demandé que lë traitement des religieux pour 1790 et pour les dettes dont ils peuvent être personnellement chargés, he puié§e Ôtfë Saisi quê jttëcjti'à cotiëurretéë des deux tiëfs.
Je proposé de faire payer provisoirement par les directoires de district, ce t|ul serait dû par les religieux, sauf en-1 suite à faire rétention de ce qu'ils auraient payé; sur les pensions que les directoires sont chargés d'acquitteri
Dans le nouvel ordre de la Constitution, lës rëilglëlli Sdiit dê'i fiitbVëriS ébm-me tous les autres et doivent se soumettre à la règle générale. Je demandé 1.1 ijjbeitlon ftféàldble sur les amendements.
(La question préalable est prononcée.)
Les articles 16, 17, 18,19, 20, et ?2 sont décrétés en ces termes :
Art: 16.
« Ceux qui auront fait des fournitures qu délivrances, dàijs le courant de l'ànhëë 1790, aiix religieux dont les pensions doivent être payées pour 1790 au 1er janvier 1791, suivant l'article 1" du décret du 8 septembre dernier, se pourvoiront pqur ces objets contre lesdits religieux, et ils sont autorisés à l'aire saisir îesdites pensions de 1790, même en tëtalitéi
Art; 17;
« bans le compté qui dôi| être fait âvëc lesdits religiëux, suivant ledit article, de cë quMls auraient touche, a compter du 1er jànvjér 1790, seront compris les fermages et loyers échus et për-çus à Noël 1789.
Art 18.
« Tous les créanciers de la classe de ceux ci-devant expliqués sëfënt assujettis à tout ce qui a été. prescrit par les articles précédents, enebrë tju'iis ëiiëéeiit ôbtetid dés ëëfnencëS, arrêts ou jugements ëh de^niéi" fëfcsort, datis l'in-tërVàllë lie là pubiiçatibfi 0tL dêdfét deS. 14 ët 20 avril oefraëK jusqu'à l'ëipii'àtidn dli délâi brëë-crit pàr lë décret du 2t mai, feafictiônfiê lë 28, ët lës frais de tôdtès iës tttocédUFês^âitës pëndàilt £et intëfvàilë, në lëuf seront point remboursés.
Art 19.
« Les rentes perpétuelles et viagères mentionnées dans l'article li ei-dessus seront payées cette année par les receveurs de district où sont établis les bétiéficpg, corps, maisons et
Art 20.
« Les intérêts (fui sont dus des Capitaux exigibles, échus dans le courant de 1790, seront payés commë les arréragés des rentes de cette même année. Quant àd payement des capitaux, il y sera pourvu dë la rnémë manière que pour les autres dettes nationales exigibles.
Art 21.
« Cependant les directoires de département, ensuite de l'avis dé ceux dë district» sont autorisés à ordonner sur ies deniers provenant des revenus des biens nationaux que les receveurs de district auront en caisse, d'après les arrêtés qu'ils auront faits, soit en vertu du présent décret, soit auparavant, tels payements acompte OU pour solde en faveur dës marchands, fouftiisseufs, ml*-vrierâ OU autres créancier qui ne pourraient pàS attëfidrë: Chaque partië prenântë fie pôlirra redevoir capital, intérêts où arrérages» que par Ordre de numéros des ordonnances tjbi seront dêli* vrêëS} maïs ëhac[ue partie prëtiantë pdUffa bom-peftseï' ëë qu'elle dëvrà àveë fce tfui sera recourili lui ètfe dû, ëh dormant quittancé réciproquement.
Art 22.
« Au moyen des règles qui viennent d'être établies pour le payement des créanciers dont il s'agit, les unions et directions formées par quelques-uns d'eux» notamment celles formées pour
les biens de£ jéSUiteS; sont ët dëtrietifeiitj dès à présent, dissoutes et comme non-avenues. LeB procureurs génèratix syndics dè département, sur l'avis et à la poursuite et diligence des procureurs syndics de district, se ferout remettre en vertu d ordonnance des directoires de département, par les syndics et directeurs desdites unions et directions, et par les procureurs, notaires et autres officiers publics, employés par lesdits syndics et directeurs, les titres, pièces et procédures dont ils pourraient être dépositaires. Les procureurs généraux syndics fei'oût éti odtre i*èndre, dé la mêrtie manière, à tous les susnommés, compte de leur gestion et des Sommes qu'ils auront touchées; sauf à leur allouer ce qui leur sera légitime-ment dû. »
lève la séance à 10 heures du soir.
A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE bu
Nous vous supplions dp tiàvs lire, vous nous jugerez çe soir, par Mm. Du Boulet et Malherbe.
Deux officiers du régiment dë la Martihiqùé, après avoir marché à ja conquête de six colonies (1), à la défense de Sainte-Lucie, â l'attaque de SaVanon, a près avoir échappé à tous lés dangers, à toutes les fatigues de la guerre, a la veille ne recevoir de leur patrie la récompense flatteuse dé leur dévouement pour elle,^ont tout d'un coup arraché? d'uhe position si douce, dépouilles n'un nabit dont ils s'honoraient, précipités dans des cachots, embarqués despotiquemenL dénoncés à l'Assemblée nationale, etpeut-être à la veiile ae perdre leur état et leur honneur; quelle différence!
De quoi sont-ils accusés ? l'un de n'avoir pas eu de cocarde â son chapeau, et l'autre d'avoir provoqué un duel. Loin d'ekx toute crainte d'un jugement défavorable, l'Assemblée nationale n'a pas encore fait de malheureux poiii* de misérables débats, indignes de l'occuper un mondent. MM. Du Boulet et Malherbe seront-ils iesseqles victimes immolées aux voeux d'une municipalité) faible, ambitieuse et turbulente ?
MM. Du Boulet çt Malherbe, capitaines au régiment de la Martinique, se trouvaient malheureusement en détachement dans la ville de Sàint-Pierre, quand le peuple se porta en foule au greffe, pour biffer les registres et verser l'encre sur uh règlement de police de l'assemblée colopiale. dette violation fit grand bruit dans la colonie qui s assembla; il fut question, pendant plusieurs jours, de requérir le pouvdir exécutif à l'effet d'ëfi pdhir les auteurs. Dès lors, on vit dans le détachement qui était dans cette Ville) les instruments de l'ordre^ et la seule barrière qui pût s'opposer à la licence) ët on ne songea plus qu'à s'en défaire!
Dès l'àbparition de la cocarde natidnaledans la colonie, les chefs la firent prendre à tout le réa gimént) par conséquënt MM. Du Boulet ët Malherbe l'avaient arborée comme les autrës. Le tempB quij
dans les colonies use tout plus vite qu'âilleîirs, avait déjà refroidi le peuple. Les bourgeois de la ville dë là portaient presque plUS, quahd M; Du Boulet 8ë présenta Sans elle tin jour à la Cottié-die (1); Uh jeune homme du parterre monta dans la ldgë où il était, et lui dit qu'il fallait là pfëHftre, aecorbpàgnàht sa proposition d'injures menaçantes i il n'est àdCUh dé nbs jugeS qui në sënte dans son cdêuf tjtie Cë qu'il fait aVec lë pllis de plaisir lui deviendrait odieiix, si. oh l'ëiigeàit a'unè manière insultante ; M. Du Bbulët montra son ressentiment. Lë nârtet're Criâ aë le jetër d(i haut dés IbgëS. M. Delaumoy, cdmmàhdâtit ën secdhd, qui se trdUVàit là, ordOntië à bét officier de la prendre; il le fait ; à l'ittstâtit tdUt s'àpalSë.
Ceux qdi veillaient l'ocëàsion dë n'avoir jillis de trouves à Saint-Piërfë, trouvent ëëlle-bi trop belle pour l'échapper. Lê lëhdèiMin plusieurs officiers du détachement, passant dans là Ville, sont entourés par la populace; ils ne voient aë mbyéttë pbufr Së soustrairë à sà furëtir que dë lui parler d'horttièbr j ils disent qu'il serait plus gê-néPëttx que fceU* qdi Së èrolënt ittsUltés S'nflrëé1-sentàcefe dont ils prétendent avoirs se plaihdfë, qu'ils ëtàietit qUàtorze bffldiërs, qu'ils idgëàieht tous au même endroit.
Il est à remarquer que ce fut là Seule ressource qU'âperëëvàiërit ces tnilitairës pour échapper â cette fOUlë effrénée qui vdulàit lesdëchirer ; au nortk d'honneur, on rëtfoUvë toujours lé Fràdçàis ; le peuple les làièSë passër. Bientôt des brâVeë Sbtifc désignés fiburiés feombattrë; quatorze chiiuipid fis së rendent à lëhr quartier avec toute là ville qui d'y Viéiit, Sails doutë, que par curiosité. Lë détà-Chement était ë0mp0së,eh totalité de300hbmttiëS, ils croiéût, êtl Vbyàiit Cëttë foulé que lëurS officiers Vont être BaCrlfiés ; lis prennent les afines pour éëârtel' là mUltitUdë. Les militaires, Ui àp-pérçoivënt cé moUvëifiëht, abandonnent lëUrs aiitàgoniStëà fibur Ramener le sbldàt aU deydir. Pas ùb coup aë fUSil n'a été tiré. Lë inâife dë ià ville ët lë bommandàttt ën Second arrivaient eti ce môthënt: GëtiÛCittëht fait dlveMott; lës ëbni* battâbté sè Bëpàilëtit; lë pëuplë se rëttd à ià municipalité, ët lèéoffiëlerëchëz eUx; jusque 11, on he voit qu'une effërvescônfcë moriiëntàiiéë, qui, pàr la modération des militaires, n'à rien ëu de dêSastreUx.
Iei Voht bommëfiëel ieS tHbulatlôhs de MM. DU Bodlët ët Mâlhërbë. lié peUplë fàit ëlgttëf dë f0f6ë(2)Uh OMrôpàrM. Delàumby, cbmdiëhdàtit, qui lëur ëftjdiht de së rëndrë â Phàtël-dë-Villê f ils font ctiiëlcjUëâ difficultés, paréë qu'ils cPâïgflettt qUe ces rUriëUx fie Së jettent Sur ëUx. DëUM. bbÛP-gëOiS, dUi avaient apporté Pord^è, offrëht aë fëS-tef âVëe lStfbupë) cdfiitilë Otà^ëS, ët poUr SÛrëtê de cë dU'll hé leur Serait fait àucuhe Vldledfcë» Les déttx bfflbiëbà he dblitëtit ënëdfe nuliemëfit que ces citoyens ne fussent de tiodhë foi; ils së mirent en route SpUs ieUf saUvëgàrdë.ïis;n eurent pas plutôt pèrdU de vUe le quartier, (JU une pbpu-lade effrénée ëë jette Sur ëllx; lëhr dbrpâ ti'a asseÉ d'êtëndUë pour dbnner plàcë à ioutëS lëS màihs qui Veulent lëSprendrê, pouf rëéeVoirtdUS lës coups tj;U'oîi lëUr àdrësSë. Ils doiVent leur saltit à là fôUlë qui, se gêriàht par SOU ëmtirés^ semeht, Uë pbUVait lëâ àttëinarë. Ils fdréUtàiUSi traînés par le peuple à là maison de ville; là on parlà d'Un jugëmént en foriiië, cë fjUi suSa pendit Un moment sa ràgë ; mais BiëUtÔt unë
nouvelle crise avec redoublement s'en empare, il veut qu'on lui livre ces deux infortunés qu'une trop grande confiance avait précipités dans cet abîme. Les uns voulaient les pendre, les autres ne voulaient qu'arracher leur habit uniforme pour le mettre en pièces. Les officiers demandent la mort plutôt que l'infamie ; pendant qu'ils implorent ce bienfait qu'on leur refuse, les portes de la municipalité sont enfoncées, la multitude se précipite sur eux ; et ce même habit qu'ils ont porté avec honneur dans les conquêtes de M. de Bouillé et de M. d'Estaing, leur est ignominieusement arraché ; on les traîne dans les cachots où les nègres empoisonneurs sont ordinairement enfermés, et jusque dans ce lieu d'objection, la populace les accable de coups et d'injures. Ils y restent vingt-quatre heures, et ne revoient le jour que pour perdre de vue leur patrie. On les jette à bord d'un navire qui faisait voile pour la France.
Le régiment apprend l'injure faite à son uniforme et le traitement de ses officiers;il présente unerequêteà M. de Vioménil, pour faire poursuivre le vaisseau qui lesemportait. Une frégate est dépêchée, elle 1 atteint et ramène au Fort-Royal MM. Du Boulet et de Malherbe.
Le nom de l'Assemblée nationale, à laquelle on les envoyait, était trop imposant pour que le régiment etM. de Vioménil songeassent à les soustraire à son jugement ; plus ils sont innocents, moins ils le craignent. Deux jours après; ils furent encore embarqués sur une frégate qui se rendait en France. Depuis six mois, ils y attendent, avec la confiance de l'innocence malheureuse, le décret de l'Assemblée nationale. Ils ont perdu tout ce qu'ils avaient ; ils ont été battus, ruinés, exilés, il ne leur reste que l'honneur que MM. Ruste et Gorioud voudraient leur ravir.
Quels cœursont donc cesenvoyésdeSaint-Pierre? Que leur ont-ils fait pour être poursuivis avec l'acharnement de la haine ? Quand il serait vrai que M. Du Boulet eût refusé la cocarde, et que M. Malherbe, son camarade et son ami, eût pris son parti dans l'insulte faite à ce sujet, en est-ce assez pour vouloir les perdre, quand on a déjà épuisé sur eux toutes les vengeances humaines?
M. de Vioménil, qui était alors général à la Martinique, est actuellement en France. M. De-laumoy, qui commandait en second, est à Paris ; les députés de cette île dans l'Assemblée nationale sont instruits de cette affaire par les colons; un député extraordinaire qu'elle a envoyé depuis en a été le témoin : l'Assemblée nationale peut les appeler ; s'ils déposent contre MM. Du Boulet et Malherbe que la rigueur de ses décrets tombe sur la tête de ces infortunés. Ils demanderaient justice au nom de leur corps des mauvais traitement qu'ils ont éprouvés, s'il était possible de la réclamer contre le peuple. Ils savent que personne n'a tort quand tout le monde à tort.
MM. Du Boulet et Malberbe, pleins de confiance dans la justice de leur cause, auraient continué de garderie silence et d'attendre patiemmeut le décret de l'Assemblée nationale à ce sujet ; mais tout entiers attachés à leur proie, MM. les députés de Saint-Pierre les forcent d'écrire et de faire observer à cet auguste tribunal que ceux qui se plaignent contre eux, sont ceux qui se plaignent de toute la colonie, sont ceux qui veulent justifier l'assassinat affreux des mulâtres, la violation du greffe, sont ceux qui ont élevé d'informidables débats, sont enfin les députés de cette municipalité qui a mis le trouble dans celte île, et qui, après avoir laissé traîner ignominieusement daus
des cachots deux innocents, les poursuivent encore jusqu'à Paris pour les perdre. Quels hommes 1
Signé : Du Boulet et Malherbe.
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
fait l'annonce d'un Plan d'imposition pour les habitants des campagnes et villes taillables ; l'auteur, le sieur Gbarlemagne, en fait hommage à l'Assemblée.
Ce plan est renvoyé au comité d'imposition.
, député de Reims, demande et obtient un congé de huit jours.
, rapporteur du comité de Constitution, propose trois décrets : le premier concernant la nomination des juges de paix en divers lieux ; le second, relatif à l'installation des juges du district de la campagne de Lyon; le troisième, statue sur la suppression de quelques municipalités.
Ces trois projets de décrets sont mis aux voix ; l'Assemblée nationale les adopte, et ils sont prononcés en ces termes :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport du comité de Constitution, décrète qu'il sera nommé cinq juges de paix pour la ville et faubourgs de Caen, deux pour Falaise, deux pour Vire, deux pour Bayeux, deux pour la ville et faubourgs de Lisieux, et un pour les campagnes de Saint-Desir, Saint-Germain et Saint-Jacques dépendants desdits faubourgs ; un seul pour la ville de Honfleur, deux pour celle de Saumur, département de Maine-et-Loire. »
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de Constitution :
« Décrète, sur la pétition des administrateurs du district de la campagne de Lyon, qu'ils installeront les juges de son tribunal, séant en cette ville. »
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport du comité dè Constitution, décrète que les municipalités des paroisses de Notre-Dame, de Saint-Pierre, de Saint-Léonard, du Durtal et de Gouis, district de Châteauneuf, département de Maine-et-Loire, ne formeront plus, à l'avenir, qu'une seule et même municipalité, et qu'à cet effet, il sera procédé incessamment à l'élection des membres qui doivent la composer,'en conformité des décrets sur l'organisation des municipalités. »
,rapporteur du comité de Constitution. Vous avez ordonné, dans votre séance d'hier au matin, que les décrets rendus sur quelques objets concernant l'organisation des tribunaux de justice, seraient remis aujourd'hui sous vos yeux. Je vais en donner lecture. (Voy. ces articles à la séance d'hier.)
(L'Assemblée approuve défiqitivement la rédac tion de ces articles.)
J'ai appelé, à diverses reprises, l'at-
Cette motion est juste. Le comité donne une première satisfaction à l'orateur en vous proposant pour demain l'organisation des justices de paix.
(Cette proposition est adoptée.)
Le comité des finances a la parole pour faire un rapport sur l'état et les besoins du Trésor public.
, rapporteur. Vous avez décrété que l'ordonnateur du Trésor public mettrait sous vos yeux la recette et lesdépenses présumées des trois derniers mois de la présente année: ilaexécuté vos ordres ; je viens aujourd'hui vous offrir ce tableau, et malheureusement, avec ce tableau, les besoins du Trésor public. Au mois de mars dernier, le premier ministre des finances évaluait à 294 millions le déficit de l'année entière, en supposant L'exactitude dans tous les payements, et la stabilité des revenus à la hauteur où ses aperçus les avaient lixés. 11 ne calculait alors qu'un déficit de 60 millions sur le produit de la ferme générale et des régies. Il portait à 60 millions les dépenses extraordinaires. Il supposait les retards des premiers mois de l'année, dans la perception des impositions directes, compensés par une accélération marquée dans les derniers mois. Enfin, il n'avait fait entrer dans le compte de l'avenir, ni les mouvements intérieurs, ni les mouvements étrangers, ni les lenteurs nécessaires dans la composition d'un gouvernement, qu'il fallait reprendre clans ses fondements, ni tant d'opérations nouvelles que le développement de vos principes a nécessitées, et qui toutes ont, ou altéré les revenus, ou augmenté les dépenses.
Depuis, et à l'époque où l'on avait décrété une première émission d'assignats, il vous a présenté, dans un aperçu spéculatif, votre recette élevée à douze millions au-dessus du niveau de vos besoins, et le vaisseau de l'Etat s'avançant, à travers les orages de 1790, au port où il devait reposer en 1791. Ses espérances et ses calculs ont été trompés, et trompés au delà de tout ce que nous pouvions craindre. Cette erreur, je ne viens point la lui reprocher; s'il espéra mieux de la fortune, s'il craignit de nous alarmer par des pressentiments sinistres, nous devons justice à son zèle et quelque reconnaissance à ses ménagements. Ce n'est point de l'effroi que je viens moi-même vous inspirer. Notre situation n'a d'effrayant que ce que notre imagination voudrait y mettre, et quelque différenceque l'événement établisse entre les résultats de M. Necker et les nôtres, vous verrez que cette différence n'est pas aussi désespérante qu'elle semble l'être au premier aspect. Les 400 millions d'assignats sont épuisés, mais ils ne sont pas perdus; 170 millions sont consacrés à rembourser une somme égale de billets de la caisse d'escompte, qui ont circulé pour vous, et par conséquent à éteindre une partie de votre dette. D'autres ont payé les arrérages des rentes ; d'autres ont anéanti des anticipations, suppléé à des vides momentanés dans les impositions directes, vides qui seront remplis par la rentrée plus tardive de ces impositions. Le reste enfin a été absorbé, ou par des besoins imprévus, ou par des dépenses ordinaires.
La recette présumée pendant le3 trois derniers mois ne s'élève qu'à 96,335,000 livres; la dépense présumée sera de 231,315,000 livres.
Je vais vous présenter les éléments de l'une et de l'autre, avec les observations dont elles sont susceptibles. Je commence par la recette; elle se compose : 1° de 10,720,000 livres, qui existaient au premier octobre dans le Trésor public, mais qu'il faut diminuer d'environ 2 millions, pour des bons qui appartiennent au passé, et qui ne seront acquittés que dans les trois derniers mois; 2° d'effets qui écherront dans les trois derniers mois ; effets réunis par divers comptables, et qui s'élèvent à 3,585,000 livres; 3° les impositions directes calculées sur les soumissions des receveurs généraux donneront 36,170,000 livres. Je dois vous observer que les soumissions n'ont pa3 été fidèlement remplies jusqu'ici : 19 millions ont déjà manqué sur cette partie au Trésor public, et peut-être...., et certainement les derniers mois amèneront encore de pareils mécomptes. Les mécomptes ne sont pas des pertes; ils ne seront pas même la preuve des langueurs ou de la nullité des perceptions. Les perceptions sont en ce moment en activité; elles le sont du moins dans presque tous les départements. C'est à cette époque que le contribuable, quitte de sa récolte et bientôt de ses semences, commence à vendre sesdenréesetàpayer ses impositions.
Les trois mois qui viennent de s'écouleront été et sont ordinairement des mois morts pour la recette. Mais un autre inconvénient interceptera une partie de cette recette. Nous touchons au terme où le ministère des receveurs particuliers va expirer. La recette courante ne remplira plus les vides de leurs caisses : la confiance des prêteurs leur manquera, quelques-uns peut-être ne se feront pas scrupule de retenir des fonds qu'ils croient leur appartenir, parce que l'Etat leur doit une finance. Voilà le secret du véritable déficit que vous éprouverez sur les impositions directes. Nous devons attendre du zèle des départements qu'ils en sauveront une partie. Mais enfin, quel qu'il soit, ce déficit, il vous ôtera un revenu, mais il vous éteindra une dette. Le produit de la ferme générale est compté pendant les trois derniers mois pour 8,600,000, livres. C'étaient autrefois 13, 14 millions par mois que la ferme générale versait dans le Trésor public. La suppression de la gabelle, la contrebande du tabac, la destruction qui menace cette branche féconde de nos revenus, la langueur du commerce étranger et des consommations intérieures, des vides peut-être dans les caisses secondaires, mais des vides remplis d'avance pardescautionnements : voilà les causesqui ont tari celte source autrefois si abondante.il est temps, il est bien temps que vous prononciez enfin sur le sort des perceptions de la ferme générale; ses frais sont immenses aujourd'hui, en comparaison de ses produits, et bientôt ses revenus suffiront à peine à stipendier ses agents.
La régie générale donnera environ 4 millions. Au mois de février, quand la consistance de cette régie était encore entière, nous pouvions compter sur un revenu qui, quoique atténué par les circonstances générales, se serait élevé à plus de 42 millions.
Malgré la suppression des droits sur les cuirs, de la marque des fers, du droit sur les huiles, la régie générale nous aurait donné 36 millions ; elle est réduite à 1 million par mois : et que gagne le peuple à cetie réduction ? Rien : la fraude seule s'enrichit des pertes du Trésor public, et le caba-retier n'en vend pas moins au malheureux la li-
queur qui l'attire. Je dois pourtant vous dire qu'il est dû à cette régie 15 à 16 raillions. Ces 15 à 16 millions rentreront, si les départements, si les districts, si les municipalités déploient cet esprit public et cette vigueur que nous nous en sommes promis.
La régie des domaines* déduction faite des frais et des charges qu'elle doit acquitter, donnera environ 2,408,000 livres ; elle a déjà versé 1,900,000 livres en effets payables dans les trois derniers mois; ainsi son produit* pendant ces trois mois* sera un effet de 4,300,000 livres, de 17,200,000 livres pour l'année* et ses charges Sont de plus de 15 millions. C'est un revenu total, pour l'année 1790, de 32, 200,000 livres. La régie des domaines produit 50 millions; mais la suppression du franc-fief, la langueur des tribunaux, et tout à l'heure la gratuité de la justice, le mouvement ralenti des affaires, l'attente des événements qui suspend toutes ces transactions, ont altéré pour cétte année ie produit de cette régie. Elle se relèvera quand la tranquillité sera rétablie, quand vous aurez imprimé le mouvement aux biens nationaux, et ramené les citoyens à la nécessité d'acquérir.
Permettez que je recommande à votre patriotisme une régie* qui doit être une des portes les plus fécondés et les plus innocentes des revenus publics. Dépouillons, je vous en conjure, dépouillons les anciennes préventions et nous ne verrons dans cette régie modifiée, perfectionnée, qu'un instrument utile et jamais oppresseur, Si nous savons donner à sa perception des bases certaines et des principes bien constatés. La loterie royale est portée à 1*200,000 livres. Le produit ordinaire de la loterie est de 12 millions. On peut espérer plus de 1,200*000 livres sur les trois derniers mois : mais cette espérance pourrait tromper. Il y a des chances malheureuses, quelquefois plus que les produits d'un mois entier, et ce n'est que sur la totalité de l'année qu'on peut calculer les bénéfices hasardeux. La ferme des postes, toutes ses charges acquittées, même l'indemnité accordée aux maîtres de poste, produira 2,400,000 livres, c'est tout ce qu'elle doit produire. Le bail est de 12 millions, et les fermiers ont abandonné les trdis quarts de leurs bénéfices. Le décret que vous avez précédemment rendu, ceux que vous rendrez encore et les soins de l'administration porteront le revertu des postes à 15 millions. On évalue les trois derniers mois de la ferme des messageries à 300*000 livres. Cette ferme n'a presque rien produit cette année; elle toucheàson terme, et les circonstances, vos principes et vos décrets ne vous permettent plus d'envisager, dans cette partie* un véritable revenu.
Depuis 1775, les messageries n'ont guère donné qu'un million de produit effectif, déduction faite des dépenses et des indemnités. La ferme de Sceaux et de Poissy ne versera rien dans le Trésor public, mais le produit ne sera pas nul. Il est dû des remboursements aux fermiers ; il en est dû pour des fonds d'avances ; il leur en est dû pour la construction du marché aux veaux. Vous ne recevrez point, mais vous aurez éteint une dette de près d'Un million. La ferme des assignats est portée pour 100,000 livres. Depuis bientôt deux ans, il n'a été rien payé sur cette ferme. Le fermier accuse les circonstances, l'oubli du luxe; il veut compter de clerc à maître, et sans doute il a quelque droit d'exiger au moins un acompte. Au reste, ce qu'il ne payera pas sur son bail sera compté sur ses fonds d'avance, et c'est encore une dette que vous aurez acquittée. L'abonnement des
droits de la Flandre maritime ne fera point recette dans le Trésor public, mais il payera les intérêts d'un emprunt auquel il est hypothéqué.
La régie des poudres et salpêtres n'a point encore de recette ; mais ce n'est pas non plus défaut de produit. Le produit de cette régie s'élèVe à peu près à 600,000 livres. Depuis 1775 elle a rendu plus de 15 millions \ mais il a failu rembourser aux fermiers qui avaient exploité ce privilège avant elle; il a fallu emprunter pour des constructions de fabrique, de raffineries et de magasins : elle redoit encore 900,000 livrés. Elle devrait davantage, si les prêteurs eussent été plu3 confiants; mais elle a été frappée du discrédit commun à ses créanciers, absorbant ce qu'elle aurait versé dans le Trésor. Bientôt je vous présenterai le tableau dé cette régie, qui vous intéressera par son zèle et par la Sagesse de son ad*-ministration. Les impositions des pays d'Etat sont évaluées pour les trois derniers mois â 3,102*000 livres. Vous savez que leS impositions des pays d'Etat sont hypothéquées à des intérêts d'emprunt et à des remboursements. La recette qu'on vous présente suppose qu'il n'y aura point de remboursement. Des impositions particulières pour les fortifications des villes ne vont point au Trésor public; elles sont assignées aux dépenses militaires, et le versement diminué d'autant la somme que le Trésor public devrait au département de la guerre;
La caisse du commerce rendra 150,000 livres ; cette caisse est formée du produit des droits de marque sur les étoffes de fabrique française, et elle est destinée à les encourager. La perception s'en fait par les fermes générales* et elle se soutient encore quand toutes les autres dépérissent. Les bénéfices de la monnaie sont estimés 90,000 livres : dans d'autres temps, les monnaies donneraient un produit bien plus considérable; mais elles travaillent pour le Trésor public ; mais les matières d'or et d'argent sont à un trop haut prix, pour que le commerce les convertisse én monnaie ; mais la fonte de la vaisselle a cessé. Je dois vous rappeler que la fonte de la vaisselle n'a donné jusqu'ici; dans toutes les monnaies, que 15,726,652 liv. 14 sous. J'ajoute, pour satisfaire la curiosité de M. Fréteau, que dans les six premiers mois de 1790 il a été fabriqué 7,115,448 livres en argent ; 3,323,388 livres dans les trois derniers mois 1789. Il avait été fabriqué en argent 23,206,713 livres; en or 2,906,856 livres : par le produit de notre vaisselle, nouspouvons, juger oti du patriotisme de nos concitoyens, ou de la misère de notre luxe. La fabrication des louis d'or* si supérieure dans les 6 premiers mois de cette année à celle de l'argent, indique et l'émigration et l'exportation de cette partie de notre numéraire.
Le remplacement de la gabelle, du droit sUr les cuirs, sur les fers, sur les huiles, devait donner environ 52 millions; rien n'est rentré* rien peut-être bé rentrera cette année; mais sans doute nous retrouverons une partie de cette recette en 1791 : je dis uné partie, car un recouvrement attendu est toujours un recouvrement atténué. On ne paye jamais deux années en une seule, et la première compensation qu'on doit aux peuples, c'est de ne pas laisser arrêter leurs contributions.
La contribution patriotique s'élève en ce moment à 107,340,000 livres, du moins c'est tout ce qui est connu de déclarations jusqu'à ce jour. Le premier terme de cette contribution était dés* tiné, par vos décrets, au Trésor public. Le Trésor
public a déjà reçu 2Qt590,0n0 ..livres. Le tiers de 107,340,001) livres est d'environ35,800,000 livres; il y .a .encqre dans la caisse de l'extraordinaire 4,434000 livres. Npus vous demanderons de les faire verser dans le Trésor public- U reste Apercevoir sur cette partie la somme de 10,772,000 livres. La somme t,Qtaie des recettes, ou certaines çu présumées, s'élève donéa ^7,535,000 livres; Mais, et lés recouvrements que vous avez droit d'attendre ei les remboursements ou légitimes ou indus qui s'opèrent produiront vraisemblablement près de 90 millions, ce qui vous donnera, ou en revenu effeGtif*euèn diminution de dettes, 187,535,000 liv. La dépense présumée dep trois derniers mbis est de 230,315^00 livres. En effet* je ne regarde point comme Un déficit, véritable une .recette reculée i je ne regarde point comme un véritable déficit un défaut de recette qui opère l'extinction d'une créanee,
Après ces détails sur toutes les parties de la recette je dois vo.us dire un mot de la dépense» Il en est une partie déjà fixée par vos décrets, il en est une autre qui se fait encore sur la loi du passé, il en est enhn qui varient et qu'aucune prévoyance humaine ne peut calculer .avec précision» La dépense de la liste civile est telle que vous l'avez faite; mais ii reste) de parties échues dans les six premiers mois à solder, 1,966)000 livres. Les maisons des princes, frères du foi» sont encore sur le pied où je décret de la contribution patrie-tique les avait provisoirement fixées, et seront pour les trois derniers mois de 1,86Ô;000 livres* Le département des affaires étrangères emploiera 1*675,000 livras i c'est la somme où l'ont réduit Vos décrets» Là guerre n'a encore éprouvé que des accroissements dé dépense; elli? sera pour les trois derniers mois de 21,260,000 livres» La marine» loin d'être réduite, a obtenu vingt millions d'extraordinaire : elle obtiendra peut-être encore davantage; Le Trésor public lui devra pour les trois derniers mois 16i3ÔO}OÔQ livres; il a payé déjà 45 millions. Les ponts et chaussées em porteron 11,500,000 livfës, les haras ne devraien t plus être comptés; mais les directoires de département se sont formés tard; ils n'ont point encore disposé de tous les chevaux, et cependant il faut que tous les chevaux vivent et qu'ils soient soignés ; on évalue encore cétte dépense à environ 50,000 livres» peut-être sera-t-elle moins forte, peut-être serait-elle nulle dans les deux derniers mois.
Les rentes dont vous avez ordonné que l'année entière 1789 serait payée eH 1790 demanderont encore 77*000*000 livres; les intérêts d'effets divers* ceux de l'emprunt national s'élèveront à 7*000*000 livres^ des pensions de 1789* de ce que vous avez autorisé à payer pour les six premiers mois 1790il reste line somme de 14 millions; daignez vous rappeler que la somme des pensiofls de 600 livres et au-dessoUs est très considérable; que par conséquent vous avez à faire payer plus de dix-huit mois de pension en unëBeule année; vous connaissez les autres parties de la dépënsë ordinaire, la plupart encore calculées sur l'aneien pied, parce que l'ordre nouveau ne doit commencer qu'avec 1791. Sous le titré de dépenses extraordinaires sont rangés, dans les articles qué vous avez déjà vus dans d'antres états, des travaux au Havre, des travaux à Cherbourg; le poht de Louis XVI ; là clôture de Paris, si nécessaire a termiher, et sans laquelle les contributions de la capitale s'évanouissent; le canal de Bourgogne; le Banal du Gharolais ; des ateliers de charité,; des reinboursemeents qui veus sont connus à
Amsterdam et à Genève; lesdépenses del'Assemr blée nationale; des remboursements décrétés à la ville de Paris; des secours étrangers; des lettres de change des colonies à payement pressé sur l'arriéré de la marine; un vide privé de, six millions sur les soumissions des receveurs génér raux ; les remboursements de vaisselle portée à la monnaie ; 35 millions encore d'anticipations à éteindre j 2»400)000 livres, peut-être 3 millions» pour acheter du numéraire i dépense qui s'acçroif tousles jours;le fonds décaisse delO,000,000 livres que votreprudence veut toujours subsistant dans le Trésor public;
Voilà ce qui compose presque en entier les dépenses extraordinaires; li est un artiele que j'oubliais, et que vous n'attendiez plus : ce sont encore des traites pour d'anciens achats de grains» objet de 3 raillions. Ge payement reste à faire, et puisque les achats en ont été faits* ce n'est pas le payement qu'il faut critiquer. Mais je ne dote pas négliger de Vous dire que cette affaire de grains nous laisse une longue et épineuse comptabilité* Il a été fait des achats très considérables i mais aussi des ventes ont été faites* et il reste de grands recouvrements à faire. Les ventes ont été dispersées suivant le besoin ; il faut retrouver lés débiteurs, il faut retrouver des documents que la mort funeste d'un magistrat chargé de cette partie à laissés dahs l'obscurité. NduS ne pouvons pas vbus dire encore ce que produiront ces rentrées; nous en mettrons. le tableau SbuS vos yeux* à mesure qu'il sera formé. Il existe encore ici pour plus de 5,000,000 livrés degrainsi et nçûs vous proposerons incëssammënt uné disposition, qui, en tranquillisant la ville de Paris sur ses subsistances, épargnera au Trésor public la dépense et ie risque de les garderj et au gou-vernement le Soupçon sinistre auquel l'exposé uné pareille manutentiofl.
Enfin, nous vous présenterons incessamment l'état du portefeuille du Trésor public; Vous y verrez des dettes actives réelles, des créances sur t'fltâf qu'il faut éteindre; des créancéS sur des particuliers* qui promettent des recouvrements; et d'autres qui ne laissent guère d'espérance.
J'ajouterai encore que votre comité presse le traVâil de l'drgiirtiàttdft du Tfësor publié; ttue celte opêràlibti délicate, remisé au concours aëS deuîêd'mltês, h'àtteliti plus hué là détermination définitive de qbélqhëS bases cortStitUtlbtitiëllëSj dUë lë Système dé là fcbmptâbilitê màrbhërd dê front: que,ce système est urgent à établir; que dë tous cotés la comptabilité est prësâàHté, qu'il rahtlà terminer pour apHèiérer lë reinbôUrsemeiit. Votre vcëu sërâ quë l'état défit jë tiettè dë Vdttë rendre cômptè sbit soumis â l'impression, ïîotjS aurions déjà les états de là dépense èfrëctivé dë juillet et août» si les presses de votre imprimeur pouvaient suffire à tout. Les dernières épreuves en sont corrigées. Nous allons lui livrer rétai dê septembre. Ainsi vous, aurez, à partir de mai 1789 jusqu'au 1er octobre 1790, la dépense réelle du Trésor public.
Vous aurez la déperjse par aperçu depuis le 1er octobre 1790-,
jusqu'au 31 décembre.
Après tous ces détails, je reviéns à nos besoins.
Vous avez vu que ia dépense présumée deh trois derniers mëis s'élève à 280,315*000 livres ; la recette effective présumée à 93,535,000 livres; le déficit serà donc de 132)780,000 livres; Ge dé* ficit est distribué ainsi qu'il suit: en octobre l!l recette sera de 52^329,000 livres ; la dépénse 82*324)600 livrés» dëfieit 31*095,000 livres; En novembre, la recette 23*013,000 livres \ la dépense
75,446,000 livres; déficit 52,433,000 livres. En décembre, la recette 20,993,000 livres ; la dépense 69,945,000 livres; déficit 48,952,000 livres. Total du déficit 132,780,000 livres.
Pour nous fixer au mois d'octobre, voici notre état de situation. Le 11 de cp mois il y avait dans le Trésor public 19,061,767 livres; en argent effectif, 9,091,300 livres; en billets-assignats, 5,139,000 livres; en effets qui écherront dans le courant du mois, 9,851,467 livres : vous voulez et vous devez vouloir un fonds de caisse de 10 millions. Il n'y avait donc que 9 millions de disponibles. Ces 9 millions sont aujourd'hui presque absorbés, ou du moins très avancés. Il est donc essentiel de donner dès aujourd'hui un nouveau secours, et nous vous proposons de décréter toute la somme nécessaire pour le complément du mois. Cette somme, comme vous l'avez vu, est de 31,095,000 livres, y compris les 4,340,000 livres de la caisse de l'extraordinaire. Nous ne devons plus nous adresser à la caisse d'escompte. Les nouveaux assignats ne sont pas encore fabriqués ; il faut donc emprunter de la caisse de l'extraordinaire les 31,095,000 livres en assignats créés au 15 avril, et les lui restituer en nouveaux assignats quand ils seront fabriqués. Voici le projet de décret que j'ai l'honneur de vous présenter:
« L'Assemblée nationale décrète ce qui suit :
« Art. 1er. Des 800 millions d'assignats décrétés le 29
septembre, 31,095,000 livres seront employées au service du Trésor public pour le présent
mois d'octobre.
« Art. 2. Et attendu que les nouveaux assignats ne sont point encore fabriqués, la caisse de l'extraordinaire prêtera au Trésor public ladite somme, laquelle sera formée avec le capital desdits assignats, et la portion d'intérêt échue à l'époque du prêt, et le Trésor public la rétablira dans la caisse de l'extraordinaire en nouveaux assignats.
« Art. 3. La caisse de l'extraordinaire versera dans Je Trésor public la somme de 4,340,000 livres, qu'elle a reçue acompte du premier terme de la contribution patriotique.
Il faut bien donner au Trésor public ce qui est nécessaire; mais aussi je demande que , toute affaire cessante on s'occupe sans relâche de l'impôt, car si nous continuons ainsi, tous nos capitaux finiront par être absorbés.
Il faut aussi s'occuper des perceptions arriérées. Je demande qu'une section du comité soit chargée de vérifier quels sont les départements en retard et qu'elle puisse en rendre compte journellement.
Le comité a prévenu les désirs du préopinant. Une de ses sections y travaille et donnera sous peu les détails demandés.
(Le décret du comité des finances est mis aux voix et adopté.)
Le roi jouit actuellement des fonds de sa liste civile. En conséquence le comité me charge de vous proposer le projet de décret suivant :
« L'Assemblée nationale décrète ce qui suit :
« Le département de la maison du roi cessera de faire partie du Trésor public, à compter du 1er juillet dernier; et à partir delà même époque, les honoraires de l'administration et les appointements des commis et les frais de bureaux seront à la charge de ia liste civile. »
(Ce projet de décret est mis aux voix et adopté.)
Le Comité de constitution demande à présenter un décret concernant Vins-truction publique.
, évêque d'Autun. Le comité de Constitution ne vous présente point aujourd'hui l'ensemble de ses vues sur l'instruction,ce travail très avancé devant naturellement trouver sa place à la fin de la Constitution ; mais je viens vous demander, en son nom, sur ce sujet, quelques décrets qui ne vous occuperont qu'un instant, et que l'importance de la matière me paraît solliciter de votre sagesse. Plusieurs demandes concernant cette partie de l'administration générale vous ont été adressées à diverses époques, vous les avez habituellement renvoyées à votre comité de Constitution. Cependant un membre de l'Assemblée, animé par son zèle accoutumé, a cru devoir vous proposer, il y a quelque temps, et a même obtenu par un de vos décrets la formation d'un comité de salubrité, dont l'objet comprend particulièrement ce qui est relatif à l'enseignement et à la pratique de l'art de guérir. Vous avez toutefois approuvé, peu de jours après, la réclamation d'un de vos comités, qui, jaloux d'opérer tout le bien auquel il avait été appelé par vous, a craint de se voir privé par vous d'une de ses plus intéressantes attributions. Un autre membre de cette Assemblée, dans le grand travail qu'il vient de publier au nom du comité des finances sur la réduction de la dette publique, a appelé vos regards sur divers établissements anciens consacrés à l'enseignement public et à l'avancement des sciences, et il vous demande, dans cette partie de son travail, des décrets qui semblent fixer le sort de ces établissements. Vous croirez sûrement devoir décréter provisoirement ce qui concerne leur dépense, vous ne jugerez pas qu'il convienne de rien prononcer en ce moment, ni sur leur existence, ni sur leur organisation. Plus récemment enfin l'établissement du jardin du roi vous a adressé une pétition, que vous avez renvoyée à votre comité de commerce et d'agriculture, et qui touche par plusieurs points à l'instruction publique.
Votre comité de Constitution, en rendant hommage aux intentions patriotiques qui ont déterminé ces différentes demandes, croit devoir observer qu'il est possible que des déterminations à cet égard contrarient, dans quelques points, les principes de son travail, qui doit embrasser toutes les branches de l'instruction, pour faire pénétrer dans toutes l'esprit de la Constitution, et appeler au grand bienfait de l'instruction publique tous les citoyens indistinctement, car tous, dans une société bien ordonnée, ont le droit de réclamer l'instruction, comme une propriété commune. Il vous soumettra l'ensemble de ce travail, aussitôt que les principaux objets constitutionnels qui vous occupent en ce moment, vous permettront de l'entendre; mais il craint que des motions incidentes sur cet objet ne voûs engagent dans une foule de discussions prématurées, sur lesquelles des décisions de votre part pourraient gêner vos délibérations ultérieures. Il pense donc que, jusqu'au moment où son travail pourra être jugé par l'Assemblée, il convient qu'elle suspende toute détermination relative aux différentes branches de l'instruction, sur lesquelles un zèle impatient pourrait solliciter vos décrets, et l'obligation où vous êtes de mettre, dans cette partie importante de l'administration, l'accord et l'en-
semble qui y sont indispensables, autorise votre comité à demander que par aucun de vos décrets antérieurs vous n'avez voulu enlever à votre comité de Constitution aucune des parties de l'instruction publique.
Une seconde observation, plus importante, que ce comité doit vous présenter, a pour base la détermination, connue de l'Assemblée, de s'occuper d'un nouveau plan d'instruction publique. L'enseignement actuel a dû nécessairement languir; les maîtres se sont découragés; le zèle s'est refroidi, par la crainte d'être jugé inutile dans le nouvel ordre de choses. L'Assemblée nationale ne peut trop se hâter d'animer le zèle des instituteurs; elle doit manifester son intention de faire honorer plus que jamais leurs fonctions; de les entourer de cette considération universelle, qu'un préjugé stupide osa leur disputer autrefois; comme aussi d'assurer à ceux qui s'y sont livrés avec succès la récompense que leurs travaux auront méritée. Votre comité vous observe que l'organisation des établissements qui seront la suite de son travail ne pourra se faire tout à coup ; qu'elle entraînera des détails d'administration, auxquels trop de précipitation serait funeste : et comme il est de principe qu'il ne faut point de lacune dans l'instruction publique, qu'il ne faut rien détruire sans le remplacer promptement, votre comité pense qu'il faut que les écoles publiques s'ouvrent comme à l'ordinaire dans toute l'étendue du royaume. Enfin votre comité doit mettre sous vos yeux une sorte de délit qui intéresse le département de l'instruction publique : il lui est revenu de divers endroits que des monuments précieux avaient été pillés ou indignement dégradés. Les chefs-d'œuvre des arts sont de grands moyens d'instruction, dont ie talent enrichit sans cesse les générations suivantes. G'est la liberté qui les fait éclore, c'est donc sous son règne qu'ils doivent être religieusement conservés, et l'Assemblée nationale ne saurait trop se hâter de fixer sur cet objet la surveillance active des différents corps administratifs du royaume.
En réunissant les observations que votre comité de Constitution vient de vous soumettre, il vous propose le projet de décret suivant:
« L'Assemblée nationale décrète : 1° qu'elle ne s'occupera d'aucune des parties de l'instruction, jusqu'au moment où le comité de Constitution, à qui elle conserve l'attribution la plus générale sur cet objet, aura présenté son travail relatif à cette partie de la Constitution ;
« 2° Qu'afin que le cours d'instruction ne soit point arrêté un seul instant, le roi sera supplié d'ordonner que les rentrées dans les différentes écoles publiques se feront cette année encore comme à l'ordinaire, sans rien changer cependant aux dispositions du décret sur la constitution du clergé, concernant les séminaires ;
« 3° Elle charge les directoires des départements de faire dresser l'état et de veiller, par tous les moyens qui seront en leur pouvoir, à la conservation des monuments des églises et maisons devenues domaines nationaux, qui se trouvent dans l'étendue de leur soumission ; et lesdits états seront remis au comité d'aliénation ;
« 4° Elle commet au même soin, pour les nombreux monuments du même genre qui existent à Paris, pour tous les dépôts de chartes, titres, papiers et bibliothèques, la municipalité de cette ville qui s'associera, pour éclairer sa surveillance, des membres choisis des différentes académies. »
, évêque de Clermont. Je de-
mande que le rapport qui vient de vous être fait soit imprimé et que la discussion soit ajournée. Deux de vos comités sont en opposition et pour prononcer entre eux vous devez être éclairés.
Le comité de santé s'est attribué sans motif ces affaires qui ne sont pas de sa compétence. Je crois que l'utilité du décret qui vous est proposé ne peut être sérieusement contesté.
Je propose la question préalable sur le décret.
(La question préalable est rejetée.)
(Le décret est ensuite mis aux voix etadoplé.)
L'ordre du jour est la suite de la discussion sur la contribution foncière.
, rapporteur. Trois projets principaux se trouvent en présence pour établir le revenu net. Le premier est celui de M. de Delley; le second, celui de M. Heurtault-La-merville; le troisième, celui de votre comité. (M. de La Rochefoucauld relit les trois projets.)
Je demande à combattre le projet du comité et celui de M. de Delley. J'examine d'abord si les arbres qui portent des fruits doivent être estimés avec le sol. Je ne puis me décider que pour l'affirmative. Les arbres étant attachés au sol en augmentent considérablemeut la valeur et ne peuvent en être séparés pour l'estimation. Ce serait violer la déclaration des droits de l'homme, qui établit l'égalité de la répartition entre tous les citoyens, que d'imposer également un champ qui ne produit rien ou très peu de choses, ou un champ planté d'arbres très productifs. Les orangers et les figuiers doivent être rangés dans la classe des productions les plus utiles. Je fais, en disant cela, le sacrifice de mon intérêt particulier, puisque je suis propriétaire de champs couverts d'orangers.
Il est juste d'ailleurs d'établir une différence entre un champ inculte où se font des plantations et qui n'a encore rien produit et les productions d'un champ en plein rapport. Dans le premier cas, afin d'encourager l'agriculture, je pense que le champ doit être exempt d'impôt pendant trente ans; dans le second cas, l'estimation en doit être faite dans le cadastre.
Il me semble, en outre, que le comité de l'imposition engage l'Assemblée dans des discussions futiles et inutiles. Nous sommes pressés par le temps. Si, d'ici au 15 novembre, les bases de la contribution foncière ne sont pas déterminées, il n'y a plus d'impôt à espérer pour l'année prochaine.
J'observe] au préopinant qu'il est inexact de dire que c'est le comité qui a engagé l'Assemblée dans la discussion actuellement ouverte, puisque M. de Delley est l'auteur de cette motion et que le comité, en présentant un décret, n'a fait qu'obéir aux ordres de l'Assemblée. Ce décret remplit, en définitive, les vues de tous ceux qui ont recherché le revenu net des terres.
Divers membres demandent la clôture de la discussion.
La discussion est fermée.
On demande la priorité pour le projet du comité.
Cette priorité est mise aux voix et prononcée.
Les trois articles du projet de décret du cq-mite spqt successivement lus, mis aux voix et adoptés ainsi qu'il suit :
Assemblée nationale décrète ce qui syjt :
Articé premier.
« Le produit net d'une terre est ce qui reste à son propriétaire, déduction faite sur le produit brut, des frais de semences, culture, récolte et enFrétien.
Art 2.
« Le revenu imposable 4'une terre est son produit net moyen, calpulé sur un nombre d'années déterminé.
Art 3.
« Il sera 4onné avec le décret une instruction détaillée sur la manière d'évaluer le taux moyen des revenus. »
, rapporteur. donne lecture des articles 1, 2 et 3. du titre III.
développe la pé6essité de continuer jusqu'en 1792 le système dq répartition actuellement existant.
,député de Ville-franche en Rouergue. Quel doit être le but de l'Assemblée nationale dans là répartition de l'imposition foncière'? Que cette répartition soit telle, que chaque contribuable paye même partie de son revenu net. Quel est le nombre et quelle est là natpre des opérations qu'exige cette répartition? Il est évident que ces opérations qui sont des répartirions partielles se réduisent à quatre} savoir :
1 répartition entre les 83 départements, faite par l'Assemblée nationale :
2 La répartition entre ses districts, faite par chaqup département ;
3° Lâ répartition entre ses municipalités, faite par phaqUe district;
4° La répartition entre les contribuables, faite par chaque municipalité*.
Çpjppqent exécuter ces quatre répartitions suc-çeasives pp se pônformànt au principe dès réparations précédent? C'est là le problème à résoudre. ï| est évident qu'il faut des bases pour exécuter ces quatre répartïtionsf et que ces bases? pour que ll fépartition entré lés contribuables soit conforme au principe précédént, doivent être proportionnelles aux revenus nets; savoir : les bases de la répartition entre les départements, par l'Assemblée nationale, proportionnelles apx totaux des revenus nets dés propriétés foncières ije Ces départements. I^es bases ae la répartition eptre lps districts, par chaque département, prppprUonnelles ajjx totaux des revenus nets de ces districts. Les lisses de la répartition entre les munîcipaljtés, par |ès distriçtsj proportionnelles aux totaux des revenus nets de""ces municipalités. Les bases de la répartition entre lçs cpqtribuables, par les municipalités, proppr-ïionbelles aux revenus nets de chacun Ifêux. Ces principes sont incontestables, et ce sont eux qui yont pous §ervir de guide. D'up autre Cé, la proximité dé l'année rrel commandé impérieusement que la détermination de ces basés
soit prompte: aussi ce principe (le nécpsgifê tjpit êtré réuni aù principe précédent
Les'différents moyens que l'pp ppqï employer pour déterminer les bases de ces répartitions sont au nombre de six; je les ^poncefaltous, mais je ne m'attacherai 4' détaillqr qqé celui qui me paraît devoir être préféré '
Premier moyen. Lé premier moyen cppsjstp à prendre pour base de là répartittQn qne cQmli-haispn ae [a populationejt(Jel'éteqaqe qu terrain» Ces basés pè spn$ nullement p r opbrtioiine l les ftH* rpvenus neisj çe moyen conduirait à line r^pâf" titfoq inexacte.
' Second rfioyen.. — âq ne pept spi servir dp l'affij çjenjie répàriitipn, la npUvelle qivisiqp a diyisé très peq de pau^'iginajités, Épp bas£§ étant les mêmes gué peljqs dp l'ancienne répartition, elles ep perpétuent toutes les" inégalités.
Troisiéine moyen, —•'ypftg' comité semble même indiquer ùn trpjsième mpyenj ii yous propose, au titrpiHdespn projet 4e Décret, de faire excepter, dans chîaquç munipjpallt^» ùp cadastré préalable à la répartition qnife les oqntHbnanléÊ? }l suppose qu'alors Je district aura fixé le total de rimposition dé chaque municipalité; op moyen n'est que le cadastre général 4ps prppnété§ fppqères, rendq d'une exéfiutipn tr^s facile par re^istènee de tqptes |es assemblas adjninistrà? fivèp. Qpplqpe aYaptageusp qup parai ssp cette pperation, au premier poup çtvcçU f pp ne pept sé dissimule; cependant que si elle £tait inexacte elle ôerpetuerait iôngfemps l'injustice et la partialité; qu'en çons^qqence,}[ fautfîe grandes .prér captmns pppr s'assurer dé spn exactitude, qu elle est uniquement fondée spi> le cadastré Partiel des mypicipaljtés, puisque Je reste de l'opération ppnsiste en rassjemJ)le(nppts;flp'ains| Jt cadastre partiel des municipalité^ aurait fipspin 'de yépifi-cation; etque cette yérificatipR P^igéant pn temps à§se£ long, cette opératjpli est par là incompatible àype les circp'pstapces pressantes dans lesquelles vpus met la proximité c}e l apnée 1791. e| que puisqji il pp vpus reste à epoisjr qu'pptre lylne opération inexacte ou ppe opération très longue, il faut repherptier Vil n'eu existe pas d'autres qqi puisseqt y suppléer-
Quatrième moyen.-r- La dîme fournit à la vérjté 4ps connaissances spr le praduit total de chaque municipalité, Il y â pjpSi votre copjité dP rafié-nqtion dés biens dont jouissait le clergé, doit avoir une déclaration de chaque 'municipalité dans laquelle la partie fel^tive a la dîme est sqfh-samment détaillée pour pouvoir en popclure, par quelques calculs assez longs peut-être,revenu total de chaque mjinipipaUte. Mais c'est ep raison dés revenus ne(s que vous devez répartir l'impôt, ët les rpvenus nets ne sont pas proportionnels aux revenus totaux, voqs ne tirerjeç donc de la dîme q]ie (les bases inexactes.
Cinqui^nie moyér\. — Les rôles (ie vingtièmes sont relatifs aux (eyenns nets seplemént; ainsi lorsqu'une municipalité payé 2,fQQ liyres de vingtièmes, il semble naturel d'epcppclpre qu'elle § 20,000 livres de revenus qpls
Ce moyen, s'il présente layantgge de lacél^rit^ dans la déterminatiPS des bases d.es différentes répartitions, présente aussi la periiÇudç des plps grands erreurs.
Sziéne moyen• -r-. Il pp reste plus QUe rôjps des tailles pu jgipçsitipns ordinaires ? c'est sur {eur ejtistenfif qqjg je fonde (pytes parties de 1 operàtion que je vais vous proposer. Us coptiepnçqt une ré£iariiÛon §fltrp les contribuables, qui èst à peu près' proportionnelle à
leurs revenus nets. S'ils ont renfermé jadis quelques inégalités de répartition, du moins pour l'année 1790, ils ont été faits généralement avec beaucoup d'exactitude, à cause de l'abolition des privilèges péeuniaires.
Beaucoup de municipalités ont fait précéder la répartition d'un cadastre préalable, analogue à celui que propose votre comité. Ainsi, on peut regarder la répartition de la part de chaque municipalité entré ses contribuables, comme ayant été exécutée à très peu près proportionnellement à leurs revenus nets pour l'année 1790- D'après cela, si le taux moyen delà répartition du principal était le même dans chaque municipalité, la répartitipn des tailles de l'année 1790 fournirait les meilleures bases qu'il fût possible de déterminer ; mais on sait que ce taux n'est pas le même pour chacune d'elles, qu'il existe même entre les municipalités voisines des différences prodigieuses à cet égard.
Ainsi, il ne s'agit que de déterminer à peu près exactementce qu'est ce taux dans chacune d'elles; car si une municipalité paye le principal à deux sous pour livre de reyènu, et que le total du principal soit de 2,200 livres, on en conclura que le total de son revenu net est de 22,000 livres; de même il sera facile de reconnaître qu'une municipalité payant le principal à 1 s. 6. d. pour livre de son revenu, etpayant2,100 livres de principal, aura 28,000 livres de revenu net, etc..... En réduisant l'opération à la vérification de douze articles du rôle, on la rendra au moins vingt fois plus prompte que le cadastre total ; partout elle pourra être exécutée en deux ou trois jours au plus, et elle fournira la connaissance du total du revenu net de chaque municipalité. Ge total, à cause de l'exactitude de la répartition de l'année 1790, pourra même être aussi exact que celui qui serait détérminé par un cadastre complet.
Gela posé, je passe aiix détails du moyen que je viens de vouâ ihdiquer, Je vais, en conséquence, vous présenter un projet de décret qui me parait les renfermer tous, et qui développe toutes les parties des différentes opérations que devront exécuter les municipalités, les districts, les départements et l'Assemblée hationale.J'aidiyiséce projet de décret en différents titres, qui contiennent chacun tout ce qui concerne chacune des Giqq opérations partielles, dont l'exécution produira toutes les répartitions relatives à l'imposition foncière, conformément aux principes de l'Assemblée. Les quatre premiers titres présentent tous les détails des opérations à exécuter pour déterminer les bases de toutes les différentes répartitions; savoir : dans le titre Ier, les opérations des municipalités; dans le titre II, les opérations des districts ; dans Je titre III, les opérations des départements: dans le titre IV, les opérations de l'Assemblée nationale. Les opérations détaillées dans ces quatre titres concernent l'Assemblée jusqu'à la reddition du décret par lequel elle fixera, avec connaissance de eause, le taux du principal de l'imposition foncière, et lè taux de l'accessoire. Le titre V détaille, en conséquence de la reddition de ce décret, quelle sera la répartition du total de l'imposition foncière entre les départements par l'Assemblée nationale ; quelle sera la répartition entre les districts par chaque département; quelle sera la répartition entre les municipalités par chaque district; quelle sera la répartition entre les contribuables par chaque municipalité. Pour faciliter lés opérations des municipalités et des districts, j'ai joint à pe projet une instruction contenant detix tàbléauxqui présentent la matière
qui m'a paru être la plus simple et la plus prompte pour procéder avec ordre et facilité à la détermination de ces objets. Ces tableaux, avec les détails qui y sontjoints, pourront abréger singulièrement les petites opérations que les corps administratifs auront à exécuter, et accélérer par conséquent la confection de toute l'opération. Voici ie projet de décret que j'ai l'honneur de vous présenter.
lit ce projet de décret, ainsi que les instructions qu'il a annoncées,
La discussion me semble prenr dre depuis un instant une allure nouvelle qui n'est pas de nature à avancer nos travapx, 4lin delà ramener à de justes proportions, l'observe qu'il s'agit de constituer 1 impôt de 1791, de le répartir pour écarter les abus qui le rendaient oppressif pour la généralité des citoyens.
L'Assemblée nationale a pris plusieurs fois, dans des décrets solennels, l'engagement dont je viens de parler. Vous né pouvez suspendre la réforme de la contribution foncière sans suspendre en même temps la réforme des impôts directs et indirects qui tous dépendent des bases que vous avez adoptées pour fa contribution foncière.
Le comité d'imP9Sition a consulté, sur le mode de répartition qu'il vous offre aujourd'hui, les praticiens les plus versés dans la matière de l'impôt ; tous lui ont donné leur suffrage.
Je demande que dans l'article 2, au lieu de : un certain nombre de propriétaires, il soit dit : un nombre au moins, égal d'aïiires comr missaires.
(Cet amendement est adqpté.)
Je demande que les particuliers connus sous le nom de forains, e'est-a-dire ceux qui ont des propriétés dans le territoire d'une municipalité et leur domicile dans une autre, soient appelés au conseil général de la commune où on élit les commissaires estimateurs et y puissent être élus.
(Cet amendement est adopté.)
met successivement aux voix les articles qui sont décrétés en ces termes :
TITRE III.
De la contribution foncière pour 1791.
Art. 1er.
Aussitôt que les municipalités auront reçu le présent décret, saris attendre le mandement du directoire de district, elles formeront; un tableau indicatif du nom des différentes divisions de leur territoire, s'il y en a déjà d'e^jstqmt, ou de celles qu'elles détermineront, s'il n'erj existe pas déjà; et ces divisions s'appelleront septjgns soit dans les villes, soit dans les campagne^,
Art 2.
« Le conseil municipal choisira, parmi ses membres, des commissaires qui seront assistés d'un nombre au moins égaj d'autres commissaires nommés par Ip conseil géner.âl dé lâ commune dans une assemblée qui sgra indiquée byfi jours à l'avance, èt à laquelle les propriétaires,
même forains, pourront assister et être élus, pourvu néanmoins qu'ils soient citoyens actifs.
Art. 3.
« Ces commissaires se transporteront sur les différentes sections, et y formeront un état indicatif des différentes propriétés qui sont renfermées dans chacune ; ils y joindront le nom de leur propriétaire, en y comprenant les biens appartenant aux communes elles-mêmes.
« Les états ainsi formés seront déposés au secrétariat de la municipalité, pour que tous les contribuables puissent en prendre communication. »
lève la séance à trois heures et demie.
ANNEXE
A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE DU
SIMPLIFICATION DES PROCÉDURES
Et réduction des frais de justice, par M. Talon.
La forme de procéder en justice, quoique simple et peu coûteuse en apparence dans son institution, est néanmoins dans le fait très compliquée et très dispendieuse.
Cette partie de l'ordre judiciaire, qu'on peut appeler la partie de l'instruction, est encore plus susceptible de réforme que la partie du jugement, dont on paraît s'être uniquement occupé jusqu'à présent dans les différents projets publiés sur cette matière.
Mais il ne faut pas croire qu'en réformant le code de la procédure, comme on se propose sans doute de le faire par la suite, on parvienne jamais à nous garantir entièrement du double inconvénient dont je viens de parler; car il est impossible que les procédures, dont le mode et la quotité doivent nécessairement varier avec les circonstances et les objets, puissent être d'avance déterminées, de manière à ne souffrir aucune extension de la part des officiers instrumentales, qui, comme tous les hommes, seront toujours guidés dans leur état par l'intérêt personnel.
Et l'intérêt personnel des officiers instrumentales est malheureusement d'étendre et multiplier les procédures, parce qu'ils sont payés en raison du volume et de la quantité des actes de leur ministère.
Et le ministère des officiers instrumentaires est indispensable, afin d'éclairer et diriger également tous les citoyens, entre lesquels il n'y aurait sans cela aucune égalité dans l'exercice de leurs droits, qui dès lors cesseraient eux-mêmes d'être égaux.
Et il faut que les officiers instrumentaires continuent d'être payés par les plaideurs, chacun en raison de son travail particulier, attendu que s'ils étaient, comme les juges, gagés uniformément par la nation, l'on éteindrait en eux l'émulation et l'activité.
Et il le faut avec d'autant plus de raison, que si les officiers instrumentaires n'étaient plus payés par ceux qui forcent à recourir à leur ministère, les citoyens honnêtes et paisibles seraient alors
exposés à des procès continuels, que susciteraient contre eux l'esprit de chicane et la mauvaise foi, par la certitude de n'encourir aucun risque, en intentant ou soutenant une mauvaise contestation, dont les frais sont aujourd'hui la peine.
Mais il ne faut pas que cette peine soit arbitraire et il ne faut pas surtout qu'elle puisse être aggravée par ceux auxquels elle profite. Or, tel est l'abus qui existe ; et il existera malgré la réformation du code, je le répète, il existera tant que la quotité des procédures servira de base à la quotité des frais.
On ne peut donc réformer cet abus qu'en instituant pour le règlementdes honoraires une nouvelle mesure, indépendante de la quotité des procédures, et telle qu'elle ne puisse varier dans la main des officiers instrumentaires.
Je propose, en conséquence, de fixer et déterminer la quotité des honoraires des officiers ministériels par la quotité du principal, dans tous les cas où l'objet de la contestation sera susceptible d'une évaluation pécuniaire.
Ainsi, pour rendre ma proposition plus sensible par un exemple, si l'on fixe les frais à six derniers pour livre jusqu'à certaine somme, il en coûtera 75 livres pour une action de mille écus et 25 seulement pour une créance de cent pis-toles.
Eu adoptant ce mode de fixation, on supprime par le fait toutes les procédures abusives et ruineuses, que le nouveau code ne pourrait jamais prévenir.
Je dis qu'on supprimerait par là toutes les procédures abusives, et peut-on en douter? Si les officiers multiplient les procédures parce qu'on les paye en raison de la quotité des actes, cet abus disparaîtra nécessairement quand le volume des procédures n'ajoutera pins à la somme de leurs honoraires. On ne sort jamais des bornes qu'on n'a pas d'intérêt à franchir.
Alors les officiers seront, au contraire, intéressés à simplifier les procédures, car moins ils en feront dans chaque affaire, plus il leur restera de bénéfices nets, puisque leurs droits seront les mêmes, soit pour une procédure simple, soit pour une procédure volumineuse.
Et si la simplification des procédures est un effet de l'intérêt bien entendu desofficiers instrumentaires, nous ne craindrons plus alors cette multitude d'accidents et de difficultés, à la faveur desquels on éternise les procès, afin d'en augmenter le produit. Alors les droits des citoyens ne languiront plus dans les tribunaux, et le père de famille, en intentant une action, ne craindra plus de transmettre à ses enfants un procès interminable.
En un mot, l'intérêt de l'officier, devenu conforme à son devoir, cessera d'être en opposition avec l'intérêt de la partie; et le bien public sera désormais sous la sauvegarde de l'intérêt particulier.
La simplification, l'économie et la célérité sont des avantages assez grands sans doute pour faire admettre l'institution que je propose. Mais il en est un plus grand encore, c'est l'égalité qui doit en résulter dans la répartition des frais, entre les plaideurs, considérés sous le rapport des biens litigieux,qui forment l'objet des procédures. Ceci demande un plus grand développement.
Les officiers instrumentaires peuvent être en quelque sorte identifiés avec les parties qu'ils représentent dans les tribunaux, et, sous ce point de vue, il est juste qu'ils soient payés par les ci-toyensqui les emploient. Or, si les officiers doivent
être payés par les citoyens qui les emploient, n'est-il pas juste que ceux des citoyens qui ont le plus d'intérêt à les employer, et qui retirent un plus grand avantage de leur ministère , n'est-il pas juste que ceux-là, dis-je, contribuent dans les honoraires nécessaires à l'existence de ces officiers, pour une somme plus forte que ceux qui retirent de leur ministère une utilité moins grande?
La nécessité absolue des officiers instrumentales et la charge qu'on impose aux plaideurs de les payer, peuvent faire considérer leurs honoraires comme un impôt même, réparti sur les biens litigieux.
Chaque plaideur doitdonc contribuer, dans l'impôt, en raison de la valeur des biens qu'il défère à la justice. Ce qui rentre dans la proportion d'intérêt dont je pariais tout à l'heure.
Que le pauvre, en recourant à la justice pour une somme modique, ait, dans sa position, un intérêt aussi grand que le citoyen riche qui réclame une somme considérable : cela ne présente qu'une égalité relative dans leurs intérêts ; et l'on retrouve dans la répartition des frais cette même égalité, qui forme la base de la répartition de tous les impôts, et qui doit être celle de la répartition de toutes les dépenses communes qui se rapportent aux biens.
Eh ! que dis-je? c'est une égalité réelle en politique, que de répartir également sur les biens, et proportionnellement à leur valeur les honoraires des officiers que les lois ont institués, et que les citoyens emploienl pour la conservation de ces biens.
Et cette égalité, puisée dans les principes, dans le vœu même de notre Constitution, deviendra d'autant plus précieuse à la société, qu'elle tend au soulagement des citoyens de cette classe qui mérite la protection des lois et de la justice, trop souvent muettes pour les malheureux, par l'impossibilité de fournir à des frais quelquefois au-dessus de l'objet même de leur réclamation.
Ainsi le citoyen pauvre, dont les droits auront été méconnus ou violés, pourra désormais apporter sa réclamation aux pieds de la justice; et ses ministres seront dans l'heureuse impossibilité de lui refuser leur ministère.
Mais le pauvre n'est pas le seul qui, par l'énor-mité des frais arbitraires de procédure, soit repoussé du temple de la justice. L'homme opulent n'en approche qu'en tremblant, et celui qui jouit d'un reste de fortune appréhende une ruine entière en invoquant les lois pour recouvrer ses biens.
Si l'institution que je propose est admise, l'arbitraire disparaît, et le citoyen, instruit d'avance de la somme invariable des frais auxquels il s'expose, n'est plus gêné dans l'exercice de ses droits. Ah 1 c'est alors qu'il est vraiment libre et que les droits sont vraiment égaux!
La fixation et la répartition des frais de justice, considérés sous ce point de vue, importent à l'organisation politique et tiennent, même à la Constitution, par l'influence qu'elles peuvent avoir sur la liberté d'agir sur la propriété. Vainement les hommes seraient-ils égaux en droits dans la société, si la Constitution, en rectifiant les inégalités de la nature et de la fortune, ne donnait à tous les individus la même facilité, dans leur position respective, pour conserver l'égalité de leurs droits. Vainement aurais-je la liberté d'agir, si je n'en ai pas le moyen. Et si je n'ai pas le moyen de réclamer contre l'usurpation, c'est en
vain que ma propriété sera sous la sauvegarde de la loi constitutionnelle.
Le mode de fixation que je propose est une conséquence immédiate de ces principes: en proportionnant les frais de justice à la valeur de l'objet en litige, il met tous les citoyens dans le cas d'invoquer les lois, puisqu'il ne les expose qu'à des dépenses proportionnées à leur fortune, ou du moins à leurs biens litigieux.
Une institution de ce genre doit être de tous les temps et de tous les lieux; et telle est celle que je propose, car toujours et partout cette fixation se trouvera dans la même proportion avec la valeur du numéraire, puisque les honoraires seront une partie aliquote de la somme numérique des actions; avec les dépenses locales, puisque dans les villes ou les dépenses sont plus fortes, en raison de leur richesse, les affaires y sont aussi plus considérables par leur objet; de même qu'elles sont plus modiques dans les villes moins riches, où les besoins sont aussi moins grands.
Un autre caractère de stabilité dans la fixation que je propose, c'est qu'étant indépendante de la forme de procéder, elle ne sera point sujette aux variations réglementaires delà procédure.
Et, par cette raison, elle offre un avantage actuel, celui de pouvoir être établie dès à présent sans attendre le code nouveau, dont la formation sera sans doute laissée à d'autres législatures. Ainsi le peuple jouirait tout de suite des avantages précieux de cette institution, dans laquelle il doit infailliblement trouver simplification, économie, égalité, facilité, célérité.
Avec tous ces avantages cependant l'institution que je propose semble présenter des inconvénients que je ne dissimulerai point. Mais les uns, n'étant qu'imaginaires, disparaîtront dans la réfutation; et ceux qui pourraient avoir quelque réalité seront annulés par les précautions que j'indiquerai dans la discussion, et que je me propose d'établir dans le règlement.
Pour discuter mon plan avec plus de méthode et de précision, je pose trois points, auxquels doivent se rapporter toutes les objections: ^Inefficacité du plan; 2° injustice de la fixation; 3° danger dans l'exécution.
1° Le plan est-il efficace?
Le but de l'institution que je propose, étant principalement d'enlever aux officiers instru-mentaires le pouvoir dangereux de multiplier à leur gré des frais qu'ils ont intérêt de multiplier, on peut objecter que, chargés d'intenter les actions au nom de leurs clients, ils pourront également augmenter la quotité des frais, en augmentant, par fa demande, la quotité de la somme demandée, qui, quoique réduite par le jugement, n'en servira pas moins de base à la fixation des frais, puisque ce sera la somme demandée qui aura fait l'objet de la contestation.
Cette objection suppose dans l'officier ministériel une faculté qu'il n'a pas, celle de déterminer la quotité de la créance dont il est chargé de poursuivre le payement. Ce sont les pouvoirs qu'il reçoit de son client qui fixent l'objet de l'action.
Mais le créancier, par une déférence coupable, ou par un effet de l'humeur qui se mêle dans les contestations judiciaires, pourrait sciemment et volontairement exagérer la somme de ses prétentions, pour augmenter la masse des frais, au détriment d'un débiteur, qui cependant ne doit
supporter qu'une peine proportionnée à sa dette réelle.
Ceci n'est point un inconvénient imaginaire ; mais il est facile de le prévenir.
Un débiteur actionné pour 10,000 francs, et qui n'en doit que cinq, n'en est pas moins, dans l'état actuel, condamné à payer la totalité des dépens faits sur la demande. Et cette condamnation est juste, parce que la quotité de la somme n'influe pas sur la quotité des frais.
Mais cette condamnation serait injuste dans le système de la fixation que je propose. Alors le débiteurs doit être condamné envers le créancier qu'aux frais proportionnés à la somme qu'il doit; et le créancier doit être condamné au surplus des dépens occasionnés par l'exagération de sa demande.
Au moyen de cette précaution, chacun supportera la peine de son injustice. Car si c'en est une de refuser le payement de ce qu'on doit, c'en est une aussi que de demander plus qu'il ne nous est dû. Les frais sont une peine civile : eh bien, elle sera proportionnée à nos torts; et nous retrouverons ici la même égalité proportionnelle que nous avons trouvée relativement aux biens, en même temps que nous serons assurés par là de l'efficacité du plan que je propose.
On peut objecter que cette efficacité n'est que partielle, attendu que le plan proposé ne peut s'appliquer à toutes sortes d'affaires, puisqu'il en est dont l'objet n'est pas susceptible d'une évaluation pécuniaire, telles que celles dans lesquelles il s'agit uniquement de l'état, de l'honneur ou de la vie des citoyens ; comme il est d'autres affaires aussi qui ne peuvent être soumises au mode de fixation proposé, quoiqu'elles aient un intérêt civil, soit par défaut de détermination de l'objet principal, soit par ia nature du travail et des procédures, qui ne présenteraient pas précisément une contestation judiciaire.
Ma proposition, qu'on se la rappelle bien, ne s'applique en éffet qu'aux contestations dont l'objet serait susceptible d'une évaluation pécuniaire. Ainsi le plan que je propose est efficace, si j'ai démontré son efficacité à cet égard.
De ce qu'il ne peut s'étendre à toutes sortes de procédures, on ne doit pas en conclure que le plan doit être rejeté, à moins qu'on n'en présente un autre également bon et absolument général. Il y a peu d'affaires auxquelles celui-ci ne s'applique!: presque toutes ont, en effet, un intérêt civil pour objet; et quel est l'objet d'intérêt qui ne soit pas susceptible d'évaluation? Je puis dire, avec vérité, que dans la masse des affaires, on en trouve à peine une sur cinquante qui soit dans le cas de l'exception; ainsi l'institution que je propose réformera les quarante-neuf cinquantièmes des abus judiciaires, et le surplus des affaires, en attendant d'autres réformes, sera soumis au règlement actuel.
Mais qu'on ne s'alarme point sur les abus qui peuvent rester dans cette cinquantième partie des affaires : il faut à cet égard fixer ses idées.
Les affaires qui n'ont aucun intérêt civil pour objet'sont celles des affaires criminelles dans lesquelles il n'y point de partie civile qui conclue à des restitutions ou réparations pécuniaires. Mais on sait que, dans ces sortes d'affaires, il n'est point au pouvoir de l'officier ministériel d'étendre ou multiplier la procédure, parce que c'est le juge qui fait l'instruction.
Dans les affaires où des opérations générales, vagues et indéterminées ne présentent pas un objet fixe en demande judiciaire, alors il s'agit
moins de procédures susceptibles d'extension, que de travaux particuliers, qui, par leur nature, né peuvent qu'être simples et vraiment utiles.
Dans les procédures conservatoires ou extrajudi ciaires, il ne peut être question que d'actes isolés, dont l'objet est rempli dès l'instant qu'ils sont faits, et qui, en général, ne peuvent être étendus ni multipliés.
Si, dans ces trois espèces d'affaires auxquelles mon plan ne peut s'étendre, on ne trouve aucun abus possible relativement aux frais de procédure, ne puis-je pas dire que mon plan détruit absolu ment tous les abus de ce genre ?
L'objection que je me suis faite sur le défaut de généralité des affaires me conduit naturellement à quelques réflexions sur la généralité des officiers ministériels.
Ce règlement sera-t-il applicable à tous les officiers instrumentales tels que greffiers, commissaires, procureurs, notaires, huissiers?
Je réponds qu'il ne doit et ne peut être applicable ni aux greffiers, ni aux commissaires, ni aux huissiers, parce qu'en général ces officiers ne peuvent guère étendre ni multiplier les actes de leur ministère.
Les procureurs sont les seuls qui, par la nature de leurs fonctions et l'étendue indispensable de leurs pouvoirs, aient cette facilité dangereuse, dont mon plan tend à réprimer les effets. C'est donc aux procureurs seuls que mon plan doit être appliqué.
Et je le restreins encore aux actes de leur ministère uniquement, c'est-à-dire à leurs honoraires proprement dits, parce qu'il serait inutile, injuste et dangereux de comprendre les déboursés dans la fixation générale. Inutile, parce qu'ils n'ont guère le pouvoir de multiplier les actes étrangers à leur ministère, qui seuls entraînent les déboursés, qu'ils sont d'ailleurs intéressés à éviter ; injuste, pour les officiers comme pour le public, parce que dans des affaires semblables par la quotité de leur objet, les déboursés peuvent éprouver des variations considérables, qui ne permettent pas d'admettre à cet égard un taux moyen et commun ; dangereux enfin, parce que les officiers, afin d'épargner les déboursés qui seraient à leur charge, pourraient se permettre des économies préjudiciables à la défense de leurs clients.
Ainsi, en restreignant mon plan aux procureurs et aux actes de leur ministère, son objet se trouve rempli. Et ce plan, quoiqu'il ne comprenne que les actions susceptibles d évaluation pécuniaire, emporte la destruction de tous les abus de notre procédure.
L'efficacité de mon plan démontrée, je passe au second point.
2° Ce mode de fixation est-il juste ?
Qn peut objecter qu'une affaire dont l'objet est modique exige souvent autant de travail qu'une affaire importante ; et conclure de là qu'il serait injuste de proportionner les honoraires de l'officier à la modicité de l'objet.
Mais qui ne voit pas que l'officier se trouve dédommagé dans la masse des affaires 1 Si le produit de l'une est modique, le produit de l'autre est considérable ; et de là résulte un produit moyen, qui, comparé au travail réel, présente une juste proportion entre la peine et le salaire. Ainsi point d'injustice relativement à l'officier.
On dira, peut-être, qu'il n'en est pas de même
relativement au public, puisque cette compensation, établie entre les produits différents des affaires, semble charger un citoyen d'acquitter la dette d'un autre.
Mais si les affaires, considérées en masse relativement aux officiers, ne leur offrent pour produit moyen dans chaque affaire qu'un bénéfice proportionné à leur travail, ces mêmes affaires, également considérées en masse relativement au public, ne chargent les citoyens, aussi considérés en masse, que d'une dette également proportionnée à l'obligation de chacun dans chaque affaire. Et toutes ces considérations sont justes en politique, parce qu'une loi générale ne peut être vraiment bonne que par la masse des résultats.
je parle de justice, et je cherche des raisons ailleurs que dans cette égalité précieuse que j'ai fait remarquer! Me défiai-je donc du cœur ou des lumières de nos législateurs? Non, cette égalité seule emporte avec elle à leurs yeux la démonstration du juste absolu.
Mon plan est efficace, ii est juste, mais il reste un troisième point sous lequel il faut le considérer.
3° N'y a-t-il point de danger dans Vexécution dé ce plan ?
On peut objecter qu'il est à craindre que les officiers ne négligent les affaires qui, par la modicité de l'objet, ne leur présenteront qu'un modique bénéfice.
Eh quoi 1 ne sait-on pas que, dans l'état actuel des choses, il est des affaires qui par leur nature sont plus lucratives que d'autres? cependant toutes sont poursuivies également: et si l'onse plaint de lenteur, cette lenteur est commune aux affaires de toute espèce.
D'ailleurs, il est possible de fixer, même dans les affaires modiques, un prix qui soit proportionné tant à la modicité de l'objet qu'au prix du travail, en statuant que la rétribution ne pourra jamais être moindre de telle sommé ; comme il n'est pas juste non plus qu'elle soit augmentée dans une proportion toujours égaie avec les principaux, qui pourraient quelquefois porter ces honoraires à des sommes très fortes et trop au delà du prix moyen du travail* Le règlement posera ces deux bornes.
Enfin, les officiers instrumentaires ont un ministère forcé, et sont subordonnés dans leurs fonctions à la surveillance et à la discipline des magistrats, qui, sur une plainte de négligence, les rappelleraient à leur devoir.
On peut objecter, d'un autre côté, que. les officiers ayant intérêt à simplifier la procédure dans le nouveau mode de fixation, il est à craindre qu'ils ne négligent de faire l'instruction nécessaire, et qu'ils ne compromettent par là les droits dont la défense leur sera confiée.
Il faut convenir que cette crainte ne serait pas tout à fait sans fondement, si dans la fixation des honoraires en masse je comprenais les déboursés; ceux qui par intérêt passent au delà des bornes qui leur sont prescrites, pourraient bien se retirer en deçà des mêmes bornes, si leur intérêt l'exigeait. Mais on a vu que par celte raison même, entre autres, j'excepte de la fixation tous les déboursés, et que je n'y comprends absolument que les actes du miuistère des officiers auxquels elle s'applique.
Craindre que ces officiers ne fassent une économie préjudiciable sur leur temps, sur leur tra-
vail, il me semble que ce serait porter les craintes un peu trop loin. Car si, d'un côté, les officiers sont intéressés à simplifier leur travail, dans le nouveau système de fixation, d'un autre côté, leur intérêt est de mériter et fixer la confiance, pour accroître et conserver leur clientèle. La concurrence entre eux et la faculté de les révoquer piqueront toujours leur émulation et leur exactitude. Jît, d'ailleurs, l'ofhcier qui défend une cause s identifie insensiblement avec la partie dont il adopte l'opinion, et i'amour-propre, en ^aiguillonnant dans son devoir, attache au succès l'intérêt personnel du défenseur.
J'ai rapproché, sous trois points, les objections dont mon plan m'a paru susceptible ; et de la réfutation de ces objections il résulte que mon plan est efficace dans son objet; qu'il est juste dans la fixation qu'il renferme ; et qu'il est sans inconvénients dans son exécution.
Ajouterai-je à tous les avantages qu'il présente une considération particulière, consolante pour les officiers instrumentaires, et satisfaisante pour tous les citoyens dont ils ont la confiance? Ceux d'entre ces officiers que l'intérêt peut avoir égarés se trouveront ramenés à leur devoir ; mais ceux qui ne s'en sont jamais écartés n'éprouveront aucune diminution dans le fruit de leurs travaux; et, placés désormais à l'abri d'un soupçon trop général et souvent injuste, ils fixeront tous la considération due à des fonctions non moins importantes qu'honorables, quand l'officier qui les exerce sait lui-même les respecter.
PROJÉT DE RÈGLEMENT DES FRAIS DE PROCÉDURE
Introduction.
Je diviserai ce règlement en quatre parties.
Le premier chapitre contiendra les bases générales de la nouvelle fixation des frais.
Le second chapitre présentera les moyens d'appliquer cette fixation; en déterminant dans les différents cas la valeur ou la somme des objets divers de chaque espèce d'action, de pour-* suite et d'opération.
Le troisième chapitre déterminera le taux de la fixation, pour tous les cas énoncés dans le chapitre précédent.
Et le quatrième chapitre réglera l'obligation des parties et le droit des officiers, pour.lepayement des frais.
Toutes les dispositions de ce règlement feront d'autant plus sentir l'efficacité du système qui en est la base.
CHAPITRE PREMIER.
Bases générales.
Art. ler Les frais de procédure, quant aux honoraires et
vacations des officiers ministériels connus sous la dénomination de procureurs, seront fixés,
dans chaque procès, en masse et en raison de la valeur de l'objet en litige, dans tous les
cas où il s'agira d'une somme d'argent, ou lorsque l'objet litigieux sera susceptible d'une
évaluation pécuniaire : en telle sorte que pour une action de mille livres, par exemple, il
ne soit payé pour lesdits honoraires et vacations que la dixième parlie de ce qu'on payera
pour dix mille livres.
Mais dans ladite fixation, ne seront point compris les déboursés faits par lesdits officiers, pour les actes et travaux étrangers à leur ministère, et qui ne pourraient être faits par eux-mêmes ; desquelles avances ils seront remboursés séparément.
Art. 2. La somme ou la valeur de l'objet réclamé par le demandeur servira de base à la fixation desdits frais, tant en demandant qu'en défendant. Mais quand la somme ou la valeur de l'objet demandé se trouvera réduite par le jugement, la partie condamnée ne supportera de frais que proportionnellement à la somme de la condamnation principale ; et le surplus sera supporté par le demandeur.
Art. 3. Quant aux affaires dont l'objet ne sera pas susceptible d'une évaluation pécuniaire, les frais en seront taxés, comme par le passé, sur le pied des tarifs existants, ou qui seront faits par la suite.
Art. 4. Il en sera usé de même à l'égard de tous actes, procédures et opérations qui ne seraient point parties nécessaires de l'instruction d'un procès, ou contestation en cause, ou poursuite sur demande tendant à un jugement, liquidation ou vente judiciaire ; lesquels actes, procédures et opérations particulières continueront d'être taxés et payés en raison.du travail et des tarifs particuliers.
CHAPITRE II.
Détermination et évaluation des objets litigieux dont la valeur doit servir de base à la fixation des frais.
SECTION PREMIÈRE.
Des créances ou actions liquides.
Article unique. La somme de deniers dont le payement sera demandé en justice emportera nécessairement avec elle la détermination et l'évaluation de l'objet litigieux. En conséquence, ladite somme servira à la fixation des frais, en y comprenant les intérêts échus jusqu'au jour de la demande seulement. Ce qui aura pareillement lieu pour les intérêts des sommes déterminées par les liquidations et évaluations dont il sera question ci-après.
SECTION II.
Des créances ou actions non liquides.
Art. 1er. Quand la demande aura pour objet le payement d'une
somme de deniers non déterminée, mais qui devra l'être par la sentence même, ou par une
opération ordonnée, les frais seront fixés en raison de la somme qui aura été déterminée par
le jugement ou par l'opération faite en conséquence.
Art. 2. Lorsqu'il s'agira de la reddition d'un compte ou d'une liquidation de créances, ie montant de la recette ou de la race brute des créances sera pris pour base de la fixation des frais, comme formant le véritable objet de la discussion d'où doit résulter le reliquat.
Art. 3. Quand les parties transigeront, ou que les officiers seront révoqués avant la liquidation, les frais faits jusqu'alors seront payés sur le pied
des tarifs particuliers, sauf l'action pour le payement du surplus, ou pour restitution de ce qui aurait été payé de trop, d'après la liquidation qui serait faite parla suite; et sauf ce qui sera réglé par le chapitre III ci-après, pour le cas où les affaires n'auront pas été mises à fin.
SECTION III.
Des actions pour valeur d'objets liquides par la demande, mais sujets à estimation.
Art. 1er. Quand la demande aura pour objet le payement d'une
somme déterminée, pour le prix ou valeur d'ouvrages et autres objets quelconques sujets à
estimation ou règlement, lorsque le débiteur le requiert, la somme demandée servira de base à
la fixation des frais.
Art. 2. Mais si par l'événement de l'estimation ou règlement, la somme demandée se trouvait excéder le montant de l'estimation, le demandeur supportera les frais qui seront dus en raison de cet excédent, et contribuera en outre dans la même proportion, dans le coût du procès-verbal d'estimation ou règlement, indépendamment de la portion dont il pourrait en être tenu d'ailleurs.
Art. 3. Dans les demandes de la nature de celles dont il s'agit dans la présente section, et généralement dans tous les cas ou l'action aura pour objet le payement du prix ou la valeur d'une chose, et non la remise de la chose en nature, le demandeur sera tenu de fixer par sa demande une somme déterminée» pour prix ou valeur de la chose.
SECTION IV,
Des actions pour objets en nature susceptibles d'évaluation.
Art. 1er. Quand la demande n'aura pas pour objet le payement
d'une somme d'argent, et lorsque l'objet sera susceptible d'évaluation, le demandeur
l'évaluera lui-même par son exploit de demande, ou le défendeur en fera l'évaluation par son
premier acte de procédure : sinon l'oh^et sera considéré comme non susceptible d'évaluation,
et les frais seront exigibles sur le pied des tarifs particuliers, sans avoir égard à
l'évaluation que les parties pourraient faire par la suite ; à moins que les officiers
auxquels seront dus les frais ne consentent de s'y soumettre, et d'être payé suivant cette
évaluation tardive..
Art. 2. Le défendeur qui se reconnaîtra obligé, ou qui sera condamné, pourra se libérer de la chose demandée, en payant le montant de l'évaluation faite par le demandeur, lorsque l'objet n'existera plus en nature, ou qu'il s'agira de faire une chose non existante encore. Et de même, le demandeur aura la faculté d'exiger, en cas de refus, de faire ou remettre la chose en nature, le montant de l'évaluation faite par le défendeur.
Art. 3. Mais l'évaluation faite par l'une des parties n'obligera l'autre que relativement à la fixation des dépens, et seulement dans le cas où celle-ci y aurait acquiescé formellement ou tacitement, ainsi qu'il va être réglé.
Art. 4. En conséquence, lorsque le demandeur aura fait l'évaluation par son exploit de demande, si cette évaluation ne convient point, au défendeur, il sera tenu d'en présenter lui-même une autre par son premier acte de procédure, sinon
l'évaluation du demandeur sera censé acceptée. Il en sera de même de l'évaluation faite par le défendeur, lorsque le demandeur n'en aura point présenté d'autre, par le premier acte de procédure, signifié de sa part, depuis celui par lequel le défendeur aura fait son évaluation, sauf néanmoins en ce cas l'option laissée aux officiers par l'article 7 ci-après.
Art. 5. Celle des parties dont l'évaluation n'aura pas été acceptée sera tenue de déclarer par l'acte subséquent si elle rejette l'évaluation présentée par l'autre partie; sinon ladite seconde évaluation sera censé acceptée, et les frais seront fixés en raison d'icelle. Et en cas de rejet de cette évaluation, l'objet de la demande sera considéré comme n'étant pas susceptible d'être évalué, et les frais seront payés alors sur le pied des tarifs particuliers. Mais le montant desdits frais, en ce cas, ne pourra jamais excéder ceux qui auraient été dus en raison de l'évaluation faite par le demandeur, comme ils ne pourront être non plus fixés au-dessous de ce qu'aurait produit l'évaluation du défendeur, à laquelle les officiers pourront d'ailleurs déférer, s'ils y consentent, quoiqu'elle n'ait pas été acceptée dans le principe.
Art. 6. Lorsque l'évaluation du défendeur acceptée ne s'élèvera pas aux deux tiers de l'évaluation du demandeur, les officiers auront la faculté de demander la fixation de leurs frais, ou sur le pied de l'évaluation la plus faible, ou suivant les tarifs particuliers. Mais, en ce dernier cas, le montant desdits frais ne pourra jamais excéder les frais qui seraient dus en raison de l'évaluation la plus forte.
Art. 7. Quand le demandeur n'aura point fait d'évaluation, les officiers auront également la faculté d'exiger leurs frais, ou sur 1e pied de l'évaluation du défendeur, ou suivant les tarifs particuliers.
Art. 8. Quand le demandeur aura fait une évaluation, s'il est condamné aux dépens, son évaluation servira, contre lui, de base au règlement des frais, quoiqu'elle n'ait pas été acceptée.
Art. 9. Dans tous les cas où les officiers auront le droit d'exiger et voudront exiger effectivement leurs frais suivant les tarifs particuliers, par défaut d'évaluation, discordance ou autrement, les parties condamnées aux dépens auront la faculté de faire estimer les objets litigieux, et ce à leurs frais, et contradictoirement, tant avec les autres parties, qu'avec les officiers auxquels seront dus les dépens.
Art. 10. Ladite estimation sera faite en forme de simple aperçu, par les commissaires ou tiers taxateurs des tribunaux, sur la seule représentation des litres de propriété, baux ou autres pièces pouvant indiquer la valeur de l'objet en litige, sans qu'ils soient obligés de vérifier l'objet en nature. Et dans le cas où il n'y aurait aucuns titres, ni pièces, ou si ceux représentés ne suffisaient point pour faire ladite estimation, lesdits commissaires déclareront qu'il n'y a lieu à estimation, et alors ils régleront les frais suivant les tarifs.
Art. 11. En cas d'estimation, elle sera faite avec distinction entre la valeur de l'objet de la demande et la valeur de l'objet de la condamnation, toutes les fois que la partie condamnée le requerra; pour lesdits frais être supportés par chacune des parties dans les proporitions déterminées par l'article 2 du chapitre Ier.
Art. 12. Les commissaires ou tiers taxateurs et estimateurs ne percevront qu'un seul et même droit, soit pour estimer l'objet en litige, soit pour
taxer les frais, quand l'estimation n'aura point lieu; et ce droit sera une portion aliquote du montant des frais taxés ou résultant de l'estimation, laquelle portion sera d'un quarantième en sus du montant desdits frais.
Art. 13. L'estimation faite par lesdits commissaires ou tiers n'aura d'effet que relativement aux dépens; en conséquence, les parties ne pourront en exciper dans aucun autre cas comme d'une estimation réelle de l'objet des condamnations principales.
Art. 14. Lorsqu'il y aura lieu sur le fond de la contestation à une estimation réelle, et par experts, cette estimation servira de base à la fixation des frais, conformément à l'article 1er de la seconde section du présent chapitre, et sans préjudice de ce qui est réglé par la troisième section, pour les cas y portés. Et alors on ne pourra demander l'estimation par commissaires.
Art. 15. La faculté d'évaluer et celle de faire estimer par les commissaires ou tiers taxateurs ne pourront jamais, sous aucun prétexte, retarder l'expédition des affaires, ni multiplier les actes de procédure ; en conséquence, les évaluations, déclarations et réquisitions qui pourront être faites à cet égard seront insérées dans les actes de l'instruction ordinaire, et lesdits actes seront signifiés, dans les délais prescrits, tant pour l'instruction des affaires, que pour la taxe des dépens.
Art. 16. Quand le demandeur aura fait une évaluation plus forte que celle du défendeur, acceptée par le demandeur et par les officiers, pour servir de base à la fixation des frais, cette différence d'évaluation n'opérera aucune condamnation de dépens envers le demandeur.
Art. 17. Mais quand le défendeur sera dans le cas d'avoir recours à l'estimation par commissaires, si ladite estimation ne monte pas aux deux tiers au moins de l'évaluation du demandeur, en ce cas le demandeur supportera le coût de l'estimation.
Art. 18. Quand la différence qui se trouvera entre l'évaluation du demandeur et l'estimation par commissaires proviendra d'une différence entre l'objet de la demande et celui des condamnations, la valeur de l'objet demandé devant déterminer la tixation des frais, le demandeur supportera les frais dus en raison de cette différence ; à l'effet de quoi l'estimation sera faite avec distinction, conformément à ce qui a été réglé par l'article 2 ci-dessus.
Section V, Des exécutions.
§ Ier. — Poursuites mobilières.
Art. 1er. En matière de simple saisie-arrêt, où il n'y aura
d'instance qu'entre le saisissant, les tiers saisis et la partie saisie, les créances pour
lesquelles on aura saisi, et celles qui deviendront exigibles avant le jugement, serviront de
base à la fixation des frais.
Et ne sera perçu qu'un seul droit de la part du procureur du saisissant, quel que soit le nombre des saisies-arrêts, et quoiqu'elles aient été faites par différents exploits, ttà des époques différentes, pourvu toutefois que ce soit dans les six mois, à compter de la première saisie. Il ne sera pareillement dû qu'un seul droit lorsqu'il y aura des saisies-arrêts postérieures audit délai de six
mois, par suite des premières et avant le jugement de l'instance sur lesdites premières saisies-arrêts.
Art. 2. La fixation ci-dessus n'aura lieu que relativement au saisissant, pour les frais faits par lui et dont le remboursement pourrait être à la charge du débiteur, ou pour les frais auxquels le saisissant pourrait être lui-même condamné envers la partie saisie, dans le cas où il n'aurait pas eu le droit de former des saisies-arrêts ou oppositions.
Art. 3. A l'égard des frais des tiers saisis, ils continueront d'être taxés sur le pied des tarifs particuliers, soit que le prélèvement en ait été ordonné sur ce qu ils doivent, soit que, dans le cas où ils ne devraient rien, le saisissant ait été condamné aux dépens envers eux.
Art. 4. Cependant quand il y aura contestation sur la quotité des sommes dues par les tiers saisis, la portion de somme en litige servira de base à la fixation des frais faits à cet égard.
Art. 5. Quand il y aura d'autres oppositions sur les derniers saisis, et qu il aura été formé une demande à fin de mainlevée d'oppositions, justification de titres, recouvrement, dépôt et contribution, les frais seront fixés tant en raison de la créance du poursuivant, qu'en raison des créances des opposants assignés ;
Savoir: pour le poursuivant, en raison de la totalité de sa créance, et moitié des frais à cause" des autres créances;
Pour le procureur plus ancien des opposants, le quart des frais dus en raison de la totalité des créances des opposants, à l'exception de celle du poursuivant;
Et pour les autres opposants, chacun l'autre quart de ce qui sera dû de frais à cause de leurs créances respectives.
Art. 6. Mais les frais ci-dessus ne seront dus et exigibles en totalité, que dans le cas où les poursuites auraient été conduites jusqu'à.leur perfection, par une contribution judiciaire, ou amiable, faite par le concours du procureur poursuivant. Sinon, et hors ce cas, il ne sera payé que moitié des frais ci-dessus fixés. Il ne sera payé au poursuivant que le quart, lorsqu'il n'aura obtenu sur la poursuite qu'une simple sentence par défaut faute de comparoir, et qu'il n'y aura eu d'instruction avec aucune partie.
Art. 7. Dans les contestations particulières qui pourront s'élever entre le poursuivant et les opposants, et sur lesquelles il interviendra des condamnations ou compensations de dépens, lesdits dépens seront compris dans ceux ci-dessus, et n'ajouteront rien au montant d'iceux, lorsque le remboursement des compensations ou condamnations sera ordonné en faveur du poursuivant, en frais de poursuites, ou en faveur des opposants en accessoires de créances.
Mais quand, sur une mauvaise contestation, le poursuivant ou un opposant, aura été condamné personnellement aux dépens, et que l'un aura le droit de les faire payer à l'autre sans répétition contre la partie saisie, alors lesdits frais seront fixés en raison de la créance de l'opposant avec lequel il y aura eu contestation, ou sur le pied de la somme qu'il aurait mal à propos réclamée, ou qui lui aurait été mal à propos contestée ; et lesdits frais seront dus indépendamment des Irais généraux de poursuites, fixés par l'article précédent.
Art. 8. Il en sera de même à l'égard des débiteurs de la partie saisie, lorsque le poursuivant recouvrement formera contre eux, en cette qua»
lité, et comme exerçant le3 droits de son débiteur, des demandes directes, en payement des sommes que chacun d'eux pourra devoir. Lesquelles sommes particulières serviront de base à la fixation des frais, dans chaque instance particulière; en se conformant, au surplus, aux dispositions contenues dans les sections précédentes, relativement à la nature des actions directes.
§. 11. — Poursuites immobilières.
Art. ler. En matière de saisie réelle et vente forcée
d'immeubles, ordre et distribution du prix, les frais seront fixés sur deux bases, qui
concourront ensemble, savoir : 1° le montant des créances tant du poursuivant que de3
opposants, qui seront tenus à cet effet d'énoncer leurs créances dans leurs oppositions quand
elles seront liquides ; 2° le prix de l'adjudication des immeubles vendus. Ce qui n'aura lieu
néanmoins que dans le cas où toutes les poursuites et opérations ci-dessus auront concouru
jusqu'à l'ordre et distribution inclusivement.
Art. 2. Mais quand la poursuite se sera bornée à la vente, les frais seront fixés sur le pied des créances et sur le pied de moitié du prix de l'adjudication.
Art. 3. Et quand la vente n'aura point été faite, les frais de poursuites seront fixés sur le pied des créances seulement.
Art. 4. Les frais ci-dessus seront répartis entre les officiers, conformément à ce qui a été réglé par l'article 5 du paragraphe précédent, relativement aux frais de poursuites mobilières. En conséquence, les officiers, autres que le poursuivant, ne partageront que dans les frais dus en raison des créances, et le poursuivant percevra la totalité du surplus. .
Art. 5. Les frais des contestations particulières, qui pourraient s'élever entre le poursuivant et les opposants, seront réglés conformément aux dispositions de l'article 7 dudit paragraphe des poursuites mobilières.
Art. 6. En cas de revente sur folle enchère, les frais de la nouvelle vente seront payés en raison de moitié du prix de la nouvelle adjudication, et lesdits frais appartiendront au poursuivant seul.
Art. 7. Les exécutions directes que le poursuivant serait obligé de faire contre l'adjudicataire pour le payement ou consignation du prix de son adjudication, seront payées en raison de la quotité dudit prix, suivant la nature des poursuites qui seraient faites, ou des actions qui seraient intentées, et conformément à ce qui est et sera ci-après réglé pour les demandes et exécutions directes, sauf néanmoins ce qui sera réglé par l'article 9 ci-après, en cas de poursuites indirectes.
Art. 8. Lorsqu'il sera fait des poursuites en forme de demande contre des adjudicataires, acquéreurs ou séquestres de prix immeubles, dont ils sont comptables envers les créanciers, et dans tous les cas où il ne s'agira que d'un simple versement de deniers, et où les comptables n'auront d'autre intérêt personnel que celui de se libérer valablement, alors les sommes par eux dues ne serviront point de base à la fixation de leurs frais, mais lesdits frais seront taxés suivant les tarifs particuliers.
Art. 9. Les frais faits par le poursuivant dans le cas de l'article précédent seront compris dans les frais généraux, à moins que les difficultés ou
contestations ne proviennent d'une réclamation particulière de la part d'un créancier ou autre tiers, auquel cas l'objet de la réclamation servira de base à la fixation des frais, tant du réclamant que du poursuivant, si ledit poursuivant obtient une condamnation de dépens contre ledit réclamant, conformément à l'article 7 du paragraphe précédent, qui aura son exécution en ce cas.
§ III. — Des frais des parties saisies en poursuites mobilières et immobilières»
Article unique.Les frais faits par les procureurs des parties saisies, sur les poursuites de contribution, saisies réelles et ordre, seront fixés sur le même pied que ceux des procureurs plus anciens des opposants, pour en être remboursés sur le pied de ladite fixation, par les parties saisies.
SectioK IV.
Opérations particulières.
§ Ier. — Des licitations et ventes sur publications volontaires.
Art. 1er. En toutes ventes d'immeubles faites volontairement en
justice, le prix de l'adjudica-^ tion servira de base à la fixation des frais.
Art. 2. Quand l'adjudication n'aura pas été faite, mais que l'enchère se trouvera mise au greffe, cm I prendra pour base de la fixation des frais faits jusqu'alors moitié de la valeur de l'immeuble mis en vente, sur le pied de l'estimation préalable qui pourrait en avoir été faite, ou sur le pied de la dernière acquisition ou des baux, s'il n'a'point été estimé. Et quand il n'y aura ni estimation, ni contrat d'acquisition, ni baux représentés, ou lorsque les titres ne donneront pas des renseignements positifs sur le prix de l'objet mis en vente, les frais seront taxés suivant les tarifs particuliers. Il en sera de même quand l'enchère n'aura pas été ipiseau greffe.
Art. 3. Mais si, après avoir provoqué la vente judiciaire, les procureurs concourent à faire vendre à l'amiable, et que leur concours soit constaté par leur signature au contrât, leurs frais et honoraires seront fixés en raison des trois quarts du prix de la vente, soit que l'enchère eût été mise au greffe, ou non.
Art. 4. Dans les cas où les frais seront fixés en raison de la valeur de l'immeuble ou du prix de la vente, le montant desdits frais appartiendra, savoir, moitié au procureur poursuivant, et l'autre mojtié sera partagée par égales portions, entre ledit procureur poursuivant etleS procureurs des colicitants ou covendeurs. Quand il n'y aura qu'un seul propriétaire, le poursuivant percevra la totalité des frais.
Art. 5. Les frais de revente à folle enchère, quand elle aura lieu, seront, comme sur les ventes forcées, fixés en raison de moitié du prix de la nouvelle adjudication; et lesdits frais seront répartis conformément à ce qui est réglé par l'article précédent.
Art. 6. Les exécutions, poursuites et demandes qui pourraient avoir lieu par suite de l'adjudication, seront payées conformément à ce qui a éié réglé sur lés Ventes forcées, par les articles 7, 8 et 9 du paragraphe Itde la cinquième section,
g II. Des liquidations et partages.
Art. 1er. En matière de liquidation et partage judiciaire de
droits successifs, on prendra pour base de la fixation des frais le montant de la masse
active, déduction faite des dettes et charges. Et lesdits frais seront répartis comme ceux de
vente volontaire.
Art. 2. Quand la liquidation n'aura pas été consommée, les frais seront payés en raison du travail et suivant les tarifs particuliers.
Art. 3. Si la liquidation ou partage, après avoir été provoquée judiciairement, s'opère à l'amiable et avec le concours des procureurs, constaté par leur présence et signature à l'acte, ieurs frais seront fixés en raison des trois quarts de la masse active nette, et répartis comme il a été ci-dessus réglé, entre ceux qui auront concouru à l'acte seulement, ou suivant que ladite répartition sera réglée entre les officiers.
§ III. — Des faillites, unions et ditections.
Article unique. En matière de poursuites d'union ou direction et autres opérations de ce genre, les frais du poursuivant et des opposants ou refusants seront fixés, modifiés et répartis, conformément à ce qui a été oi-dessus réglé relativement aux discussions mobilières et immobilières, et suivant la nature des poursuites qui seFont faites dans lesdites unions, directions et opérations.
Chapitre III. Fixation du taux des frais.
Art 1er. Les vacations et honoraires des procureurs, dans
chaque affaire de la nature do celles indiquées dans le chapitre précédent pour être dans le
cas de la fixation ci-après, sont et demeurent fixés, indépendamment des déboursés ;
4 six deniers pour livre de la somme ou valeur de l'objet litigieux, jusqu'à cent mille livres seulement ;
Et à trois deniers pour .livre des sommes excédant celle de cent mille livres, pour laquelle il sera néanmoins perçu six deniers jusqu'à concurrence desdites cent mille livres, la diminution ne portant que sur l'excédent.
Mais quelle que soit la modicité de la somme ou de la valeur de l'objet en litige, lesdits frais ne pourront jamais être moindres de ceux dus pour un capital de Gepl pistoles, produisant vingt-cinq livres de frais.
Art. 2. Le droit ci-dessus fixé sera dû et payé aux procureurs de chacune des parties qui auront procédé dans les instances sur actions directes où ils auront occupé; et conformément à ce qui a été réglé dans les cinquième et sixième sections, relativement aux exécutions, poursuites et opérations particulières.
Art. 3. Il ne sera payé qu'un seul droit sur actions directes, au procureur qui aura occupé pour plusieurs parties, lorsqu'elles auront un intérêt commun, et qu'elles auront procédé conjointement et collectivement.
Art. 4. Quand il y aura plus de deux parties en cause, procédant séparément, il sera dû, outre le droit ci-dessus fixé, moitié dudit droit par chacune 4es parties excédant le nombre de deux.
Bien entendu que ladite augmentation n'aura lieu qu'au profit des procureurs qui procéderont contre plusieurs parties.
Art. 5. Il sera pareillement dû un demi-droit de plus à chacun des procureurs, pour chaque tiers dont la mise en cause serait ordonnée, pour chaque intervenant volontaire, pour une enquête, descente de lieux, rapport d'experts ; et généralement dans tous les cas où l'instruction sortirait d'une simple discussion entre les parties principales, et nécessiterait comme ci-dessus l'intervention de tiers, témoins ou experts.
Art. 6. Mais il ne sera dû que le quart des droit et demi-droit ci-dessus, lorsqu'il n'aura été rendu qu'un jugement par défaut faute de comparoir; et moitié lorsqu'il y aura eu contestation en cause ou instruction contradictoire commencée, jusqu'au jugement définitif contradictoire, ou par défaut sur débouté d'opposition, exclusivement ; en conséquence,le jugementdéfinitif pourra seul donner ouverture à la totalité de3 droits.
Art. 8. Quand les parties transigeront avant le jugement définitif, il sera alloué les trois quarts desdits droit et demi-droit aux procureurs qui auront concouru à la conciliation, et qui auront signé la transaction comme conseils des parties.
Chapitre IV.
De Vobligation des parties pour le payement des frais.
Art. 1er. Les procureurs auront action pour le payement de
leurs déboursés, honoraires et vacations, tant contre les parties qui les auront mis en
œuvre, que contre celles qui seront condamnées aux dépens, jusqu'à concurrence de ladite
condamnation, sans qu'il soit besoin de faire prononcer aucune distraction au profit desdits
procureurs.
Art. 2. Mais dan3 le cas où le défendeur aurait été déchargé de partie de la demande, son procureur ne pourra répéter contre lui que les frais proportionnés à la somme ou valeur des condamnations principales, ensemble la totalité de ses déboursés, sauf au procureur à poursuivre le demandeur qui aurait été condamné au surplus des frais.
Art. 3. Quand le défendeur aura été entièrement déchargé de la demande, il aura la faculté de se libérer envers son procureur, ou sur le pied du tarif, ou sur le pied de la fixation déterminée par la somme en valeur de l'objet de la demande, sauf, au premier cas, les droits du procureur contre le demandeur condamné aux dépens, pour raison du surplus des frais.
Art. 4. Les dispositions portées aux deux articles précédents auront lieu dans les cas mêmes où le défendeur aurait fait ou accepté l'évaluation de l'objet litigieux.
Art. 5. En matière d'exécutions et poursuites mobilières et immobilières, les procureurs des créanciers et même du poursuivant n'auront d'action contre leurs parties que pour raison des vacations et honoraires qui leur seront dus sur le pied des créances de leurs parties seulement, et pour la totalité de leurs déboursés, sauf l'action desdits procureurs, pour le surplus de leurs droits, contre la partie saisie et sur la masse.
Art. 6. Les procureurs auront hypothèque sur les immeubles des parties, pour raison de leurs honoraires, vacations et déboursés, à compter de la date des demandes introductivesdes instances
ou poursuites sur lesquelles ils auront occupé. Et ils seront privilégiés sur les créances ou objets qu'ils auront fait recouvrer, en matière d'actions directes, et sur la masse active, en matière de poursuites et opérations.
Séance du
La séance est ouverte à six heures du soir.
fait lecture de différentes pièces envoyées à VAssemblée nationale par rassemblée provinciale de la partie nord de Saint-Domingue.
La première est une adresse de cette assemblée provinciale, qui rend un compte rapide des événements et des fautes de l'assemblée générale de Saint-Marc, qui ont nécessité et amené sa dissolution par la réunion et le concours de tous les bons citoyens et de tous les vrais Français, constamment attachés à leur mère-patrie. L'àssemblée provinciale du nord dit qu'à une obéissance coupable aux décrets inconstitutionnels de rassemblée de Saint-Marc, elle a préférée hautement une périlleuse déférence aux sages décrets de l'Assemblée nationale; elle se flatte que sa confiance ne sera pas trahie, et sollicite l'approbation et les soins de l'Assemblée nationale, pour rétablir le calme dans la colonie.
A cette pièce est joint : un extrait des registres des délibérations de la même assemblée provinciale du Nord, contenant un discours patriotique du président;
Une lettre de la même assemblée aux citoyens du Port-au-Prince;
Une délibération de la paroisse de l'Anse-à-Veau, contre l'assemblée générale de Saint-Marc;
Et une délibération pareille de la province de l'Arcahaye.
L'Assemblée décrète l'impression de l'adresse de l'assemblée provinciale du Nord, ainsi que de la lettre de la même assemblée à MM. les citoyens des districts du Port-au-Prince.
Voici le texte de ces deux'documents :
adresse des membres de l'assemblée provinciale du nord de saint-domingue a l'assemblée nationale.
Messieurs, la colonie de Saint-Domingue s'écroulait sur elle-même ; la plus belle des possessions françaises d'outre-mer enlevée à la mère-patrie; nous étions à la veille de perdre le glorieux titre de Français.
"La nouvelle du monstrueux décret par leque l'assemblée coloniale licencie les troupes de ligne, a alarmé, à révolté tous les patriotes.
L'indignation de l'assemblée provinciale du Nord a éclaté, et après avoir renouvelé son
serment de soumission à vos décrets des 8 et 28 mars, elle a réuni tout ce qui lui restait
d'énergie, de courage et de force, pour arrêter l'assemblée colo-
Vous êtes instruits, Messieurs, jusqu'à l'époque de notre arrêté du 30 juillet qui vous a porté notre lettre du 2 août.
Vous savez, qu'effrayés par les actes de souveraineté qui émanaient de l'assemblée inconstitutionnelle de Saint-Marc, les colons français delà province du Nord envoyèrent des commissaires au Port-au-Prin ce pour requérir le secou rs des forces dont le général dispose, et l'assistance des colons de la province de l'Ouest, à l'effet de dissoudre une assemblée dont les manœuvres et le succès nous avaient mis dans la nécessité la plus indispensable d'opposer une ferme résistance.
Nous levâmes en même temps un corps de troupes patriotiques soutenues par des troupes réglées; pendant que nous faisions ces préparatifs exigés impérieusement par les circonstances, l'assemblée de Saint-Marc continuait ses perfides manœuvres.
Le vaisseau du roi, le Léopard, était révolté et sous les ordres de ses séducteurs; il protégeait leurs opérations commandé par un lieutenant fait capitaine.
Les membres du comité du Port-au-Prince, entièrement dévoués à cette assemblée, autorisaient, présidaient même des attroupements de gens armés que le gouverneur général crut devoir dissiper pour assurer la tranquillité publique. Nous nous abstiendrons d'entrer dans des détails dont il doit avoir rendu compte à l'Assemblée nationale.
Cependant nos détachements s'avançaient vers les Gonaïves sous les ordres de M. ne Vincent, maréchal de camp, appelé parle vœu unanime de tous ses concitoyens au commandement de nos généreux défenseurs.
Arrivé aux Gonaïves, il reçut une députation de la ville de Saint-Marc, qui annonçait ses craintes. Le commandant crut les dissiper par sa réponse qui accordait à l'assemblée un délai de dix-huit heures pour se dissoudre, et promettait garantie pour la sûreté individuelle de chaque membre qui se retirerait chez lui.
Après de longs débats, cette assemblée a quitté le lieu de ses séances, et s'est retirée à bord du vaisseau le Léopard, qu'ils avaient qualifié du Sauveur de la colonie, ci-devant vaisseau du roi.
On peuse qu'ils dirigent leur route vers la France, et qu'ils se disposent à nous y peindre commedes ennemis de la régénération. Nous osons espérer que leurs mensonges ne séduiront personne.
En cet état de choses, l'assemblée provinciale du Nord rappelle ses forces, elle va se reconstituer assemblée administrative, rassemble tous ses travaux depuis l'arrivée, dans la colonie, de votre décret du 8 mars, époque de sa division avec l'assemblée du Saint-Marc, et vous jugerez.
Notre conduite franche et loyale, notre attachement inviolable à la mère-patrie, notre confiance en vous, voilà ce qui caractérise toutes nos opérations.
Nous publions hautement que nous voulons vivre et mourir Français; l'assemblée coloniale exprime le même vœu; vous verrez laquelle des deux assemblées a le mieux prouvé ses sentiments par tes actions.
Nous ne craignons pas que vous vous laissiez abuser par la troupe nombreuse qui conduit dans vos ports un vaisseau révolté, traînant à sa suite de lâches déserteurs, escortés par une foule de
vagabonds qu'elleavaitramassésdanstous les coins de la colonie, et qu'elle soudoyait pour y entretenir l'épouvante et l'effroi; tout ce qui l'entoure dépose contre elle.
Cette assemblée avait cependant trouvé le moyen de séduire une partie de nos frères colons, par le masque du patriotisme dont elle savait couvrir sa coupable ambition. Elle disait : Nous sommes Français, nous chérissons la patrie, et on la croyait, tandis que toutes ses opérations concouraient à consommer la ruine de la France.
Elle s'apprête sans doute à tenir devant vous le même langage; mais son langage ne vous en imposera pas. C'est en développant, aux yeux de la nation, les principes invariables de la province du Nord, que vous pourrez prononcer sur cette importante discussion. Notre adresse ultérieure vous portera toutes les pièces nécessaires pour jeter le plus grand jour dans cette affaire, la province parait désirer de charger des commissaires de cette mission très importante; l'exécution de ce projet est soumis au retour de nos commissaires auprès du gouverneur général et de nos concitoyens employés à l'expédition.
Il est douloureux, sans doute, pour nous, Messieurs, de vous aflliger par le récit d'objets aussi tristes ; mais encore faut-il que vous sachiez tout, faut-il que nous ne vous cachions rien.
Vos décrets des 8 et28 mars nous sont parvenus trop tard. L'assemblée coloniale déjà formée avait manifesté des prétentions extraordinaires. Jamais son ambition n'a pu se renfermer dans les bornes que vous lui avez tracées.
Disons tout, Messieurs: M. de La Luzerne a été le prétexte dont s'est servi l'assemblée de Saint-Marc pour vous enlever tous les cœurs que la séduction a égarés.
Vous savez, disaient les orateurs de ce sénat despote, «.vous savez que La Luzerne est toujours . « ministre, et vous adoptez sans hésiter les dé-« crets de l'Assemblée nationale qui veut vous « tenir toujours attachés au joug ministériel.
« Barnave, le perfide Barnave est sa créature. « L'article 4 de ses instructions est l'arme qu'il « tient cachée, pour la perte, pour la ruine de tous « les colons. »
Vous êtes nos juges, Messieurs, soyez nos médiateurs. A une obéissance coupable aux décrets inconstitutionnels de l'assemblée de Saint-Marc, l'assemblée provinciale du Nord a préféré hautement une déférence périlleuse pour vos sages décrets. Notre confiance en vous ne sera point trahie.
C'est à vous à ramener la paix dans cette colonie; nous l'avons perdue au moment où nous apprenons que la métropole goûte le calme le plus pur, que la régénération, objet de vos travaux infatigables, se consomme.
Que la colonie de Saiut-ûomingue puisse en goûter aussi les fruits précieux, qu'elle soit l'objet de vos inquiétudes. Le temps presse; les journées se succèdent; elles peuvent amener des événements funestes; hâtez-vous de conjurer l'orage; hâtez-vous de venir au secours de vos frères de la province du Nord, qui ne demandent qu'à rester Français.
Nous sommes avec respect, Messieurs, vos très humbles et très obéissants serviteurs.
Les membres de l'assemblée provinciale du nord de Saint-Domingue.
Signé : Trémondrie, président de rassemblée provinciale du nord de Saint-Domingue ; Mail-
lard de Rocheland, vice-président ; Lévesque et Lux, secrétaires.
Au Cap, le 15 août 1790.
Lettre des députés de la province du nord de Saint-Domingue à Messieurs les citoyens des districts du Port-au-Prince.
Messieurs, chers frères et amis, votre situation critique a vivement affecté les membres de la députation de la province du Nord; elle s'est appliquée sérieusemement à rechercher la source de vos maux, pour en découvrir le remède : elle croit y avoir réussi. Amis, écoutez-nous avec un désir aussi sincère de recouvrer la paix, que nous avons de contribuer à vous la rendre.
Vos principaux griefs sont renfermés dans ce petit nombre d'objections que nous avons recueillies, tant au milieu de vos assemblées, que de la bouche de vos principaux membres.
Pourquoi M. le général se déclare-t-il contre nous? Pourquoi nous fait-il la guerre? Pourquoi une partie de nos concitoyens se joint-elle aux troupes pour nous accabler?
Voici, Messieurs et chers frères, la solution de ce grand et terrible différend, qui n'existerait pas si vous l'aviez bien connu. Vous juriez de toutes vos forces, et certainement de tous vos cœurs, que vous vouliez rester fidèles à la nation, à la loi et au roi; mais en même temps vous étiez fidèles et attachés aux opérations de l'assemblée coloniale et de votre comité, ennemis déclarés de la nation, de la loi et du roi. Vous paraissez douter encore de cette fatale vérité, parce qu'on vous a caché ou falsifié les décrets de cette assemblée séditieuse. Vous demandez que l'on vous prouve ses entreprises téméraires; mais, Messieurs, il faudrait vous retracer, presque sans exception, tous ses travaux; un seul de ses principes vous les peindra tous. Personne de vous n'ignore ni conteste, sans doute, cette base de la Constitution qu'elle s'est faite le 28 mai, par laquelle elle se déclare législative : voilà son principe fondamental, et c'est ce principe que nous avons en horreur. Tout ce qu'elle a fait depuis a été et devait être conséquent à cette déclaration : voilà ce que nous voulons punir.
Vous avez encore demandé, Messieurs, quel droit la province du Nord avait de dissoudre, par la force, l'assemblée coloniale, sans la participation des autres provinces? Nous vous répondons que nous les y avons invitées; mais que si elles ne veulent pas y concourir, nous y travaillerons seuls, par le droit incontestable que chacun ade poursuivre ladestruction de quiconque médite la sienne, et que pour nous destruction ou esclavage sont une même chose ; nous y sommes encore déterminés par la nécessité ;de prévenir l'ennemi public avant qu'il acquît assez de forces par l'intrigue et la séduction, pour nous affermir à son pouvoir despotique; enfin, par la certitude d'être approuvés de la nation française, notre mère commune, dont nous soutenons les droits outragés par cette criminelle coalition. EhI pouvez-vous croire, Messieurs, que les habitants d'une province entière fussent assez fous pour se disputer l'honneur de coopérer à cette grande entreprise, au péril de leur vie, si le danger de l'asservissement ne lui paraissait pas inévitable !
Voilà, Messieurs et chers amis, des idées nou-yelles sans doute pour vous; vos guides sont
bien coupables de vous les avoir laissé ignore r, puisque c'est de là que viennent tous vos maux; en effet, n'est-il pas affreux pour vous de voir une partie de vos concitoyens, mieux instruits de la vérité, obligés de se séparer de vous, et, la loi française à la main, sommer M. le général de leur prêter l'appui du pouvoir exécutif pour le maintien de cette loi, et par une conséquence nécessaire contre votre comité antinational, contre vous-mêmes, infortunés citoyens, assez abusés pour vouloir le maintenir? Oh ! combien cet aveugle attachement vous a été funeste I Combien il doit en coûter à vos cœurs, bons Français sans doute, que ce soit comme ennemis de la nation française qu'on ait pu vous poursuivre! Quelle haine ne devez-vous pas concevoir contre une assemblée qui vous procure de si grands maux et un si douloureux affront ! Enfin, quels regrets seront les vôtres, lorsque vous concevrez que, bien loin d'être opprimés, vous auriez joui de tout l'honneur, de toute Ja dignité qui appartient à un peuple sage, si vous aviez été assez bien conseillés pour vous couvrir de l'étendard national, en abjurant la criminelle association de Saint-Marc! Alors votre caractère français n'étant plus équivoque, quiconque aurait déployé contre vous des forces militaires se serait rendu coupable du crime de lèse-nation.
Mais, Messieurs, tout n'est pas, désespéré, hâtez-vous de faire votre profession de foi et vous rentrez aussitôt dans tous vos droits. Ne vous y trompez pas cependant; ce ne sont plus ces paroles de fidélité à la nation, à la loi et au roi, que l'assemblée de Saint-Marc a su rendre vaines à force de les profaner , qui peuvent attester désormais votre croyance : si vous ne reconnaissez pas la forfaiture ;de l'assemblée de Saint-Marc, vous l'approuvez ; si vous l'approuvez, vous n'êtes plus Français. Désavouez-la hautement; vous reprenez votre caractère ; vous recouvrez le calme et la paix.
Voilà, Messieurs, chers frères et amis, le point fondamental où vous devez vous rallier. N'allez point vous égarer dans ces idées ennemies de votre repos et de votre bonheur; ces idées de haine ou de crainte que vous inspirent les noms de Corporations, de Poufs, de Pompons et autres choses semblables. Remplissez cette première condition, nécessaire à votre bonheur autant qu'à votre sûreté, remplissez-la sincèrement et de bonne foi, et nous osons vous promettre que tous les sujets de mécontentement, quels qu'ils soient, disparaîtront à l'instant. Nous allons plus loin; et, si vous étiez trompés dans votre attente, lorsque vous vous serez revêtus de tous les caractères nationaux et pacifiques des bons citoyens, interpellez notre députation ; quelque part qu'elle se trouve, elle sera, ainsi que la province que nous représentons, votre conseil et votre appui.
Quelle satisfaction pour nous, Messieurs, pour notre province et pour vos généreux voisins, les députés de la Croix-des-Bouquets, si nos efforts communs pouvaient vous rendre la paix et le bonheur dont nous ne jouissons nous-mêmes que par les principes que nous vous proposons d'adopter.
Nous avons l'honneur d'être, avec un fraternel et sincère attachement, Messieurs et amis, vos très humbles et très obéissants serviteurs.
Les députés de la province du Nord,
Signé ; Bouyssou, Gauvain, Gouet de Monta-rand, et Ghesneau de La Mégrière, commis»
saires de l'assemblée provinciale; de La Corée, pour le corps des grenadiers; Fadeville, pour le corps des dragons; Brard, pour le premier bataillon, Paillieux ; pour le deuxième bataillon; de La Chaise, pour le corps des volontaires; Hardivillier, pour le corps des mulâtres; de Poni-Levoye, pour le corps des nègres libres; Gard, pour les commissaires de rade.
, secrétaire, donne lecture des adresses suivantes :
Adresse de Ja garde nationale d'Orléans, qui annonce que, pénétrée d'admiration et de regrets pour ses frères d'armes morts à Nancy, elle leur a rendu le 27 du mois dernier, des hommages funèbres. Elle offre aux veuves et aux orphelins des malheureuses victimes de leur patriotisme, ce qui lui reste, après avoir prélevé les frais funéraires, du produit d'une contribution volontaire.
Adresse des administrateurs du district de Beaucaire et de celui de Vigan, département du Gard, contenant adhésion à la délibération du directoire de ce département, et à celle du district de Nîmes, qui réclament une amnistie en faveur des citoyens qu'on avait égarés, lors des troubles qui ont agité la ville de Nîmes.
Adresse d'adhésion et de dévouement de la commune d'Arteuf, près Château-Chinon ; elle demande que ce bourg soit un chef-lieu de canton.
Adresse des officiers municipaux du Mans, qui déclarent que cette ville est redevable de la tranquillité dont elle jouit au régiment de Chartres, dragons, dont les chefs, par leur sagesse et leur civisme bien connu, et les soldats par leurs sentiments patriotiques, avaient mérité de l'ancienne municipalité des lettres de citoyens du Mans : dans les circonstances les plus difficiles, ce brave régiment a non seulement rétabli l'ordre dans cette ville, mais encore dans les environs où l'on a envoyé des détachements; partout il adonné l'exemple du plus pur patriotisme et de^la plus exacte discipline.
Adresse du district de Qhâteau-du-Loir qui demande à être conservé.
Cette adresse est renvoyée au comité de Constitution.
, député de la commune et des gardes nationales de Pamiers est admis à la barre et prononce le discours suivant :
« Messieurs,
« Armés depuis plus d'un an pour faire respecter vos sages décrets; luttant depuis cette époque contre toute la rage de l'aristocratie qui nous entoure ; alarmés, comme vous, des trames perfides des ennemis de l'heureuse Révolution, nous venons vous offrir nos bras et les baïonnettes dont vous voudrez les armer, pour voler au Champ-de-Mars, au nombre de 300 volontaires bien déterminés à ne jamais immoler les engagements de l'honneur. Nous nous y verrons réunis avec orgueil, à nos précieux camarades, aux braves parisiens et à tous les généreux défenseurs de la liberté de notre France et de ses augustes représentants.
« Chacun de nous prendra un ennemi à combattre, chacun sera terrassé ou vainqueur, parce que nul ne saura ni céder, ni fuir.
« Nous sommes prêts, Messieurs, à nous porter partout où vos ordres suprêmes nous enverront, avec Je même gèles le même oourage, que nous
avions offert à nos dignes frères de Toulouse et de Bordeaux, pour concourir à sauver et à venger avec eux nos anciens et infortunés camarades de Montauban.
« Daignez, Messieurs, seconder notre courage et nous associer aux vengeurs et aux vainqueurs de la patrie; c'est sur le champ de bataille que nous irons encore nous montrer dignes de ce bienfait.
« Ce sera sur ce théâtre de l'honneur que nous apprendrons par notre constance et par notre fermeté, à tous ceux qui nous tourmentent, que les vrais citoyens, que les fidèles patriotes, ennemis de toute lâcheté et de la basse intrigue, seront toujours dans votre garde nationale de Pamiers; elle vous consacre, de nouveau et à jamais, ses hommages, toute son énergie et toute sa force.
« Notre nombre serait bien plus fort et bien plus redoutable sans la cabale et l'oppression qui nous accablent, mais sans nous décourager.
« Nos devises sont connues : vaincre ou mourir, c'est pour le soldat; vivre libre ou mourir, c'est pour le citoyen. Nous sommes l'un et l'autre. Notre serment est sacré, nos âmes sont agrandies par vos vertus et comme vous, Messieurs, nous serons inébranlables pour le soutien de la sublime Constitution, dont vous avez le bonheur et la gloire d'être les artisans. (Ce discours est fort applaudi,)
répond l
« Le courage et l'héroïsme des gardes nationales de France & déjà étonné l'Europe, et tous les esprits qui savent calculer la marche des choses humaines ont senti que tant que la Constitution française serait environnée de défenseurs aussi braves et aussi intrépides, elle serait inattaquable. Les sentiments que vous avez manifestés ici n'offrent donc aucune nouveauté à l'Assemblée nationale; vos sentiments lui étaient connus et elle comptait sur votre zèle à défendre et faire exécuter ses décrets, comme vous avez droit de compter sur la sagesse qui les dicte ; soldats de la patrie, poursuivez votre glorieuse carrière; la liberté de la nation française, celle de l'humanité enlière, sera le fruit de vos efforts et leur reconnaissance éternelle en sera le prix.
« L'Assemblée nationale vous offre les honneurs de sa séance. »
L'ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret proposé par le comité d'aliénation sur les biens nationaux à vendre ou à conserver, suï leur administration, etc.
Le titre V sur lequel va porter la délibération est relatif à Ja dîme inféodée.
, rapporteur, lit l'article 1er qui est adopté sans opposition en ces termes :
TITRE V.
De l'indemnité de la dîme inféodée.
Art. 1er.
L'indemnité due aux propriétaires laïcs des dîmes inféodées, français ou étrangers, sera réglée sur le pied du denier 25 de leur produit pour celles en nature, et sur le pied du denier 20, pour celles réduites en argent par des abonne-méats irrévocables,
rapporteur, lit l'article 2.
attaque cet article comme injuste. La disposition qu'il contient confond les propriétaires jouissant sans titre de l'exemption de la dîme sur leurs terres, avec ceux qui avaient acquis à titre onéreux la dîme sur des domaines dont ils étaient devenus possesseurs, soit par acquisition ou succession, et avaient ainsi réuni, en une seule, deux propriétés différentes et distinctes.
répond que la dîme inféodée étant une servitude, une charge foncière, celui qui acquiert la dîme sur son bien, comme celui qui acquiert le fonds sur lequel il avait une dîme, ne réunissent pas par là deux propriétés distinctes, mais ne font qu'améliorer leur bien en l'affranchissant d'une charge foncière.
Il observe, de plus, que si on accordait une indemnité aux propriétaires ayant ou prétendant avoir droit de dîme sur leurs propres fonds, on serait obligé d'en accorder également à tous les possesseurs de fonds qui, par leur nature, ne payaient pas de dîmes, tels que les prés, les bois, etc.
On demande à fermer la discussion.
Cette proposition est mise aux voix et décrétée.
demande qu'il soit joint à l'article, par amendement, ces mots : sauf ceux qui jouissaient de l'exemption de la dîme sur leurs fonds par acquisition à titre onéreux. , (Cet amendement est écarté par la question préalable.)
L'article est mis aux voix et décrété en ces termes :
Art. 2.
« Ceux qui prétendraient avoir droit de dîme sur leurs propres fonds, ou en être exempts d'une manière quelconque, n'auront droit à aucune indemnité. »
, rapporteur. Le comité a accepté un article additionnel qui prendrait place entre les articles 2 et 3 et qui serait ainsi conçu :
Art 3.
« Ceux auxquels il appartient, sur des dîmes ecclésiastiques, des rentes, soit en argent, soit en denrées ou autres espèces, créées pour la concession faite à l'Eglise, desdites dîmes auparavant inféodées, seront indemnisés en la même manière que les propriétaires laïcs des dîmes inféodées : cette indemnité sera réglée dans la forme marquée ci-après, sur le pied du denier vingt pour celles en argent, et sur le pied du denier vingt-cfnq pour celles en denrées ou autres espèces. »
(Cet article est adopté.)
rapporteur, lit l'ancien article 3 devenu l'article 4.
présente des objections contre l'évaluation du produit des dîmes sur le pied des baux actuels ou des plus récents; elle est insuffisante; il serait plus juste et plus convenable de prescrire, pour opérer le remboursement de ces dîmes, le même mode que pour le remboursement du champart.
combat ces objections et appuie
fortement sur les avantages qui résulteront, pour l'accélération de l'opération, pour la diminution des frais, de l'adoption du mode présenté par le comité.
demande par amendement que l'option de l'évaluation sur le pied des baux, ou par l'expertise, soit laissée aux propriétaire» avec les frais de l'expertise à leur charge.
(Cet amendement est rejeté par la question préalable.)
rapporteur, présente une nouvelle rédaction, qui, après quelque débat, est adoptée en ces termes :
Art. 4.
« Le produit desdites dîmes, quand elles se trouveront abonnées, sera déterminé sur le prix de l'abonnement : lorsqu'elles seront affermées, il le sera sur le pied des baux qui auront une date certaine, antérieure au 4 août 1789, actuellement subsistants ainsi ; sur ceux passés précédemment, et dont la durée aura commencé quinze ans avant ledit jour 4 août 1789, en cas qu'il n'en existe aucune de cette espèce ; et dans le cas où ceux qui existeraient comprendraient avec les dîmes d'autres biens ou droits dont le prix ne serait pas distinct et séparé, le produit sera évalué de la manière ci-après réglée. »
lève la séance à dix heures du soir.
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du mercredi 13 octobre au matin.
Ce procès-verbal est adopté.
M. de Concédieu fait hommage à l'Assemblée d'un ouvrage sur les Monts-de-piété tels qu'ils devraient être à Paris et tels qu'on pourrait en établir ailleurs.
L'ouvrage et l'adresse qui y est jointe sont renvoyés aux comités des finances et de mendicité pour en rendre compte incessamment.
, rapporteur du comité de Constitution, propose deux décrets qui sont adoptés,|sans discussion, en ces termes :
PREMIER DÉCRET.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport du comité de Constitution, décrète
que les municipalités de Fresnoy et d'Irey-les-Prés sont supprimées et réunies à celle de la
ville de Montmédy.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport du comité de Constitution, décrète qu'il sera nommé quatre juges de paix dans la ville de Besançon, pour chacun des quatre arrondissements dans lesquels elle sera divisée, et qui formeront chacun l'étendue de leur ressort. »
rapporteur du comité de Constitution, monte à la tribune et fait un rapport sur le projet de décret contenant règlement pour la procédure en la justice de paix.
L'établissement de la justice de paix est un des grands bienfaits de l'Assemblée nationale envers le peuple; mais toute l'utilité que la nation se promet des principes décrétés sur cette matière ne sera pas remplie, si la théorie annoncée ne se réalise pas dans l'exécution.
L'exécution ne peut être conforme à l'esprit de l'établissement qu'en mettant les juges de paix en état de terminer les différends qui leur seront déférés, par des formes simples, expédi-tives, très peu dispendieuses, et qui fassent arriver au jugement sans s'être aperçu, pour ainsi dire, qu'on ait fait une procédure. Pour atteindre ce but, il faut écarter tous les préjugés dont le système compliqué de nos anciennes formalités judiciaires a si longtemps obscurci notre raison.
Le Gomité s'est attaché d'abord à exclure les praticiens non seulement de l'instruction des affaires portées en la justice de paix, mais encore du premier acte par lequel: les procès s'introduisent, et même de la faculté de représenter les parties en vertu de leurs pouvoirs particuliers. Sans cette précaution, dont l'intérêt se fait sentir sans effort, la pureté et la simplicité de l'institution ne pourraient pas être garanties d'une altération prochaine.
Le comité s'est appliqué ensuite à procurer la plus prompte expédition des affaires. La durée des procès est un grand mal par cela seul qu'elle entretient les plaideurs dans l'inquiétude, dans un état d'aigreur et d'animosité réciproque, et qu'elle les détourne d'occupations plus utiles à eux-mêmes, à leur famille et à la société. Dans le projet de décret proposé, les délais pour comparaître sur les citations sont courts,mais suffisants ; les parties peuvent être jugées au jour de la première comparution, dans les cas les plus ordinaires ; s'il est nécessaire d'entendre des témoins, ou de visiter les lieux, la forme de ces opérations, très simplifiée, en accélère l'exécution; et le jugement peut être rendu aussitôt qu'elles sont terminées ; enfin la péremption de droit, après quatre mois, est une rigueur salutaire qui prévient tout abus, sans jamais blesser la justice, parce qu'il n'y a point d'affaire de l'espèce de celles attribuées aux juges de paix, qui ne puisse être éclaircie dans un bien moindre espace de temps.
A la brièveté des délais, le comité a joint la simplification de la procédure, qui justifie la première, et concourt avec elle au même but. Il a pensé que les parties pouvaient se présenter volontairement et sans citation devant un juge de paix, pour lui exposer leur différend, et lui demander sa décision ; que, dans tous les cas, elles devaient être entendues par leur bouche, sans l'assistance ni le ministère d'un homme de loi; qu'aucun jugement préparatoire, ordonnant soit une enquête, soit la visite du lieu, prononcé en
présence des parties, ne devait être délivré ni signifié; que l'appel d'aucun de ces jugements ne devait être permis qu'après le jugement définitif, parce que l'exécution provisoire ne nuirait pas ensuite aux droits des parties sur l'appel; qu'il était inutile de faire écrire, soit les dépositions des témoins, soit le procès-verbal de la visite des lieux faite par le juge, lorsqu'il prononce en dernier ressort ; qu'enfin, le juge de paix pourrait entendre les parties et leur rendre justice, tous les jours de l'année sans exception, à toutes les heures du jour, et dans tous les lieux de son territoire, même dans son domicile, ou sur le lieu contentieux qu'il aurait été visiter.
C'est de l'en3emble de ces dispositions, que dépendent non seulement la simplicité et la brièveté de la justice, mais encore la diminution des frais, et le gain du temps que les plaideurs perdent en déplacements. Toutes ces choses se tiennent : si la procédure n'est pas très simple, les délais ne peuvent pas être courts ; et si les moyens d'obtenir le jugement sont longs et compliqués, il faut employer beaucoup de temps et d*argent pour parvenir à être jugé. Dans le projet du comité, un jugement ne coûterait rien, lorsque les parties se seraient présentées sans citation, et que le jugement ne serait pas délivré. Dans le cas de la citation, une affaire simple ne coûterait que 3 livres, y compris la délivrance et la signification du jugement; et les frais de celles qui auraient exigé, soit une enquête, soit une visite de lieu, même avec l'intervention des gens de l'art, ne pourraient guère excéder 10 à 12 livres.
Le comité s'est encore occupé des moyens de constater et d'assurer l'état des minutes dés jugements ; il propose aussi un ordre simple et facile dans leur rédaction, par lequel la même minute présentera, pour chaque affaire sujette à l'appel, le tableau, nécessaire en ce cas, de l'instruction qui aura préparé le jugement.
La considération décisive qui doit dominer dans l'examen des articles présentés par le comité, est celle de conserver à la justice de paix la simplicité dans les moyens et la promptitude dans l'exécution, par lesquelles seules elle peut produire le bien que l'Assemblée nationale s'est proposé en l'établissant.
PROJET DE DÉCRET, contenant règlement pour la procédure en la justice de paix.
TITRE Ier. Des citations.
Art. 1er. Toute citation devant les juges de paix sera faite en
vertu d'une cédule du juge, qui énoncera sommairement l'objet de la demande^ et désignera le
jour et l'heure de la comparution.
Art. 2. Le juge de paix délivrera cette cédule à la réquisition du demandeur ou de son porteur de pouvoirs, après avoir entendu l'exposition de sa demande.
Art. 3. En matières purement personnelles ou mobilières, la cédule de citation sera demandée au juge du domicile du défendeur.
Art. 4. Elle sera demandée au juge de la situation de l'objet litigieux, lorsqu'il s'agira :
« 1° Des actions pour dommages faits, soit par les hommes, soit par les animaux, aux champs, fruits, et récoltes ;
« 2° Des déplacements de bornes, des usurpations de terres, arbres, haies, fossés el autres
clôtures,commises dans l'année; des entreprises sur les cours d'eau servant à l'arrosement des prés, commises pareillement dans l'année, et de toutes autres actions possessoires ;
3° Des réparations iocatives des maisons et fermes;
4° Des indemnités prétendues parjie fermier ou locataire pour non-jouissance, lorsque le droit de l'indemnité ne sera pas contesté, et des dégradations alléguées par le propriétaire.
Art. 5. La notification de la cédule de citation sera faite, à la partie poursuivie, par le greffier de la municipalité de son domicile, qui lai en remettra copie ou la laissera à ceux qu'il aura trouvés en sa maison, oU l'affichera à la porte de lâ maison, S'il n'y a trouvé personne. Le greffier fera mention du tout, signée de lui, au has de l'original de la cédule.
Art. 6. Les cédules de citation et leurs notifications seront écrites sur papier non timbré, et ne seront sujettes ni aux droits ni à la formalité du contrôle.
Art. 7. If y aura un jour franc au moins entre celui de la notification de la cédule de citation et le jour indiqué pour la comparution, si la partie citée est domiciliée dans le canton ou dans la distance de quatre lieues.
Il y aura au moins trois jours francs, si la partie est domiciliée dans la distance depuis quatre lieues jusqu'à dix ; au delà, il sera ajouté un jour pour dix lieues.
Dans le cas eù les délais ci-dessus n'auront pas été observés, si le défendeur ne comparaît pas au jour par lequel il aura été cité, le juge de paix ordonnera qu'il soit réassigné.
Art. 8. Si, au jour de la première comparution, le défendeur demande à mettre un garant en cause, le juge de paix lui délivra une cédule de citation, dans laquelle il fixera le délai de comparaître relativement à la distance du domicile du garant.
Art. 9. Il n'y aura plus lieu à la Citation én garantie, si la demande n'en a pas été formée au jour de la première comparution du défendeur; et celle qui aura été accordée demeurera comme non avenue, si elle n'a pas été notifiée au garant à temps utile pour l'obliger de comparaître au jour indiqué; sauf au défendeur à poursuivre l'effet de la garantie, s'il y a lieu, séparément de ia cause principale.
Art. 10. Les parties pourront toujours se présenter, volontairement et sans citation, devant le juge de paix , en déclarant qu'elles lui demandent jugement : auquel cas il pourra juger leur différend, soit sans appel dans les matières où sa compétence est en dernier ressort, soit à charge d'appel dans celles qui excédent sa compétence en dernier ressort; et cela, encore qu'il ne fût le juge naturel des parties, ni à raison du domicile du défendeur, ni à raison de la situation de l'objet litigieux.
TITRE II.
De la comparution devant le juge de paix.
Art. 1er. Au jour fixé par ïa citation, ou convenu entre les parties, au cas qu'elles aient consenti de se passer de citation, elles comparaîtront en personne, ou par leur fondé de pouvoirs devant le juge de paix, sans qu'elles puissent
fournir aucune écriture, ni se faire représenter ou assister par aucun homme de loi ou de pratique.
Art. 2. Si, après une citation notifiée, l'une des parties ne comparaît pas au jour indiqué, la cause sera jugée par défaut, à moins qu'il n'y ait lieu à la réassignation du défendeur au cas de l'article 7 du titre précédent.
Art. 3. La partie condamnée par défaut pourra former opposition au jugement dans les trois jours francs de sa signification» en vertu d'une céduh qu'elle obtiendra du juge de paix, et qu'elle fera notifier â l'autre partie, ainsi qu'il est dit au titre précédent pour les cédules de citation.
Art. 4. La partie opposante, qui se laisserait juger une seconde fois par défaut sur son opposition, ne sera plus reçue à former une opposition nouvelle.
Art. 5. Lorsque les deux parties, ou leurs fondes de pouvoirs comparaîtront, elles seront entendues contradictoirement par elles-mêmes ou par leurs fondés de pouvoirs ; et la cause pourra être jugée sur-le-champ, si le juge de paix et ses assesseurs se trouvent suffisamment instruits.
Art. 6. Il y aura lieu à juger sur-le-champ, toutes les fois qu'il ne sera pas nécessaire pour l'entier éclaircissement de la cause, soit d'accorder à une des parties un délai pour présenter des pièces, dont elle ne se trouverait pas saisie» soit d'ordonner une enquête ou la visite du lieu contentieux.
TITRE III.
Des enquêtes.
Art. 1er. Si les parties sont contraires en faits qui soient de
nature à être constatés par témoins, et dont le juge de paix et ses assesseurs trouvent la
vérification utile et admissible, le juge dé paix avertira les parties qu'il y a lieu de
procéder paj enquête, et les interpellera de déclarer si elles veulent faire preuve de leurs
faits par témoins.
Art. 2. Lorsque, sur cet avertissement, les parties^ ou l'une d'elles, requerront d'être admises à faire preuve par témoins, le juge de paix, de l'avis de ses assesseurs, ordonnera la preuve et en fixera précisément l'objet.
Art. 3. Les témoins seront toujours entendus en présence des deux parties, à moins que l'une d'elles ne soit défaillante au jour indiqué pour leur audition ; et elles pourront fournir leurs reproches, soit avant, soit après les dépositions.
Art. 4. Il sera procédé au jugement définitif aussitôt après l'audition des témoins, sans qu'il soit nécessaire de faire écrire les reproches ni les dépositions dans les causes où le juge de paix prononce en dernier ressort; mais les uns et les autres seront écrits par le greffier dansles causes sujettes à l'appel.
Art. 5. Dans tous les cas où la vue du lieu est utile pour que les dépositions des témoins soient faites et entendues avec plus de sûreté, et spécialement dans les actions pour déplacement de bornes, pour usurpations de terres, arbres, haies, fossés ou autres clôtures, et pour entreprises sur les cours d'eau, le juge de paix sera tenu de se transporter sur le lieu et d'ordonner que les témoins y seront entendus.
TITRE IV.
Des visites de lieu et des appréciations.
Art. 1er. Lorsqu'il s'agira, soit de constater l'état des lieux
dans les cas d'entreprises, de dommages, de dégradations et autres de cette nature, soit
d'apprécier la valeur des indemnités et dédommagements demandés, le juge de paix et ses
assesseurs ordonneront que le lieu contentieux sera visité par eux, en présence des parties.
Art. 2. Si le juge de paix et ses assesseurs trouvent que l'objet de la visite ou de l'appréciation exige des connaissances qui leur soient étrangères, ils ordonneront que des gens de l'art, qu'ils nommeront par le même jugement, feront la visite avec eux, et leur donneront leur avis.
Art. 3. Dans le cas où les assesseurs qui auront concouru au jugement qui ordonne la visite, ou l'un d'eux, ne se trouveraient pas sur le lieu contentieux au jour et à l'heure indiqués, le juge de paix appellerait un ou deux assesseurs du nombre des prud'hommes nommés dans la municipalité du lieu où se fera la visite.
Art. 4. Il ne sera pas nécessaire de faire écrire le procès-verbal de visite, ni l'avis des gens de l'art dans les causes où le juge de paix peut prononcer en dernier ressort; ils seront écrits par le greffier, seulement dans les causes sujettes à l'appel.
TITRE V.
Des jugements préparatoires.
Art. 1er. Aucun jugement préparatoire ou d'instruction, rendu
contradictoirement entre les parties, et prononcé en leur présence, ne sera délivré à aucune
d'elles, mais sa prononciation vaudra de signification : elle vaudra aussi d'intimation dans
le cas où le jugement ordonnera une opération à laquelle les parties devront être présentes,
et elles en seront averties par le juge cle paix.
Art. 2. Lorsque le jugement préparatoire aura été rendu par défaut contre une des parties, ou lorsque après s'être défendue contradictoirement, elle n'aura pas été présente à la prononciation du jugement, la partie qui l'aura obtenu se le fera délivrer par extrait, et sera tenue de le faire notifier à l'autre partie, avec sommation d'être présente à l'opération ordonnée.
Art. 3. Si le jugement préparatoire ordonne une enquête, il fixera le jour, le lieu et l'heure de la comparution des témoins. Le juge de paix délivrera aussitôt, aux parties qui auront requis la preuve, une cédule de citation pour faire venir leurs témoins, dans laquelle la mention du jour, du lieu et de l'heure de la comparution sera réitérée.
Art. 4. Si le jugement préparatoire ordonne la visite du lieu contentieux, il indiquera de même le jour et l'heure où le juge de paix et les assesseurs s'y transporteront, et où les parties devront s'y trouver présentes.
Art. 5. Lorsque le juge de paix et ses assesseurs auront nommé des gens de l'art pour faire la visite avec eux, aux termes de l'article 2 du titre précédent, le juge de paix délivrera à la partie poursuivante, ou à toutes les deux, si elles le requièrent également, une cédule de citation
pour faire venir les experts nommés, dans laquelle le jour, le lieu et l'heure de la visite seront indiqués.
Art. 6. Toutes les fois que le juge de paix se transportera sur le lieu contentieux, soit pour en faire la visite, soit pour y entendre les témoins, il sera accompagné du greffier, qui apportera ia minute du jugement par lequel la visite ou l'enquête a été ordonnée.
Art. 7. Dans les causes où les juges de paix ne prononcent point en dernier ressort, il n'y aura lieu à l'appel des jugements préparatoires qu'après le jugement définitif, et conjointement avec l'appel de ce jugemént; mais l'exécution des jugements préparatoires ne portera aucun préjudice aux droits des parties sur l'appel, sans qu'elles soient obligées de faire à cet égard aucune protestation ni réserve.
TITRE VI.
Des jugements tant préparatoires que définitifs.
Art. 1er. Les juges de paix n'auront point de costume
particulier; ils pourront juger tous les jours, même ceux de dimanche et de fêle, le matin et
l'après-midi.
Art. 2. Ils pourront donner audience chez eux; et lorsqu'ils iront visiter le lieu contentieux, ils pourront juger sur le lieu même sans désemparer.
Art. 3. Les parties seront tenues de s'expliquer avec modération devant le juge de paix et ses assesseurs; et de garder en tout le respect qui est dû à la justice. Si elles y ma'nquent, le juge de paix lesy rappellera, d'abord, par un avertissement après lequel, si elles récidivent, elles pourront être condamnées à une amende qui n'excédera pas la somme de 12 livres.
Art. 4. Dans le cas d'une insulte ou irrévérence grave commise envers le juge de paix personnellement ou envers les assesseurs en fonctions, il en sera dressé procès-verbal; le coupable sera envoyé par le juge de paix à la maison d'arrêt du district, et sera jugé par le tribunaldu district qui pourra le condamner à la prison jusqu'à huit jours, suivant la gravité du délit, et par forme de correction seulement.
Art. 5. Le juge de paix et ses assesseurs pourront ordonner que les pièces et actes dont les parties se seront respectivement servies pour leur défense, leur soient remises, soit pour les examiner en présence des parties, soit pour en délibérer hors de la présence des parties, à charge de procéder incontinent à cette délibération et au jugement.
Art. 6. Ils auront la même faculté de délibérer en l'absence des parties, dans tous les autres cas où ils jugeront nécessaire de se recueillir ensemble avant de former leur opinion.
Art. 7. Les parties seront tenues de faire juger définitivement leur cause, au plus tard, dans le délai de quatre mois, après lequel l'instance sera périmée de droit; et le jugement que le juge de paix rendrait sur le fond serait sujet à l'appel, même dans les matières où il a droit de prononcer en dernier ressort, et annulé par le tribunal du district.
TITRE VII.
Des minutes et de l'expédition des jugements.
Art. 1er. Chaque affaire, portée devant le juge
de paix, à la suite d'une citation, sera enregistrée et numérotée par le greffier, dans un registre tenu à cet effet, coté et paraphé par le juge de paix à toutes les pages; et mention sera faite de la date de chaque enregistrement.
Art. 2. Il en sera usé de même pour toutes les affaires sur lesquelles les parties se présenteront volontairement devant le juge de paix, sans citation.
Art. 3. Le greffier fera pour chaque affaire une minute détachée et particulière, portant le même numéro que celui de l'enregistrement ci-dessus, sur laquelle minute seront inscrits successivement et à l'ordre de leur date tous les jugements préparatoires, tous les autres actes d'instruction dans les affaires sujettes à l'appel, et ensuite Je jugement définitif; de manière que cette minute présente, avec le jugement, le tableau de l'instruction qui l'aura précédé.
Art. 4. Toutes ces minutes seront mises en liasse par le greffier, à mesure qu'elles seront commencées ; et, à la fin de chaque année, toutes celles dont les affaires seront définitivement jugées, ou autrement terminées, seront rassemblées en forme de registre. Ce registre sera déposé au greffe du tribunal du district, et il en sera donné reconnaissance au greffier du juge de paix pour sa décharge.
Art. 5. Le greffier du juge de paix désignera sur son registre, dont il est parlé dans l'article premier ci-dessus, par une note en marge de chacune des affaires qui y seront inscrites, celles dont les minutes auront été rassemblées dans le registre déposé à la fin de l'année au greffe du tribunal du district, et celles dont les minutes seront restées entre ses mains. Il continuera d'être responsable de ces dernières, jusqu'à ce que les affaires qu'elles concernent ayant été jugées définitivement, ou autrement terminées, elles soient entrées dans un registre déposé au greffe du tribunal du district.
Art. 6. Lorsqu'il n'y aura pas d'appel d'un jugement définitif, il suffira de délivrer ce jugement seul pour le faire mettre à exécution ; mais lorsqu'il y aura appel, le greffier délivrera une expédition de la minute entière, contenant la série des jugements préparatoires, enquêtes, procès-verbaux de visite et autres actes qui ont formé l'instruction de l'affaire.
Art. 7. Ces délivrances seront faites sur papier non timbré, signées du juge de paix et du greffier, scellées gratuitement du sceau du juge de paix, et ne seront sujettes ni à la formalité, ni à aucun droit de contrôle.
TITRE VIII.
Des dépens.
Art. 1er. Les dépens, qui seront adjugés à la partie qui aura
gagné sa cause, seront réduits aux simples déboursés, lorsque cette partie sera domiciliée
dans le canton, ou aura été représentée par un fondé de pouvoirs, domicilié dans le canton.
Art. 2. Il ne pourra être exigé des parties, ni taxé en dépens, que les sommes ci-après, savoir :
Pour chaque notification de citation, ou signification de jugement, 1 livre;
Pour la délivrance d'un jugement définitif, 1 livre ;
Pour chacun des jugements préparatoires, en-
quêtes ou procès-verbaux de visite délivrés avec le jugement définitif en cas d'appel, 10 sous;
Pour la délivrance séparée d'un jugement préparatoire rendu contre une partie défaillante, au cas de l'article 2, du titre V ci-dessus, 15 sous ;
Pour la vacation du greffier, assistant le juge de paix, lorsqu'il se transportera sur le lieu, 1 livre;
Pour la vacation des gens de l'art, lorsqu'ils seront appelés par le juge de paix, s'ils ont employé la journée entière, y compris l'aller et le retour, à chacun 3 livres ;
Et s'ils n'ont employé qu'un demi-jour, à chacun 1 livre 10 sous.
Le juge de paix pourra augmenter cette dernière taxe, relativement aux gens de l'art d'une capacité plus distinguée, qu'il se trouverait forcé d'appeler des villes voisines.
Art. 3. La partie à laquelle les dépens auront été adjugés, sera tenue, lorsqu'elle requerra la délivrance d'un jugement, de remettre au greffier les originaux de notification des différentes citations qu'elle aura fait faire, tant à sa partie, qu'aux témoins ou aux gens de l'art : et l'expédition du jugement exprimera le résultat de la taxe des dépens qui lui seront dus,, y compris le coût de la délivrance et de la signification du jugement.
TITRE IX.
Dispositions particulières pour les juges de paix des villes.
Art. 1er. Tout ce qui est contenu aux titres précédents aura
également lieu pour les juges de paix des villes, à l'exception de ce qui va être statué par
les articles suivants.
Art. 2. Les juges de paix des villes désigneront trois jours au moins par semaine, auxquels ils vaqueront à l'expédition et au jugement des affaires contenlieuses ; et cependant ils seront tenus d'entendre, tous les autres jours, celles qui exigeront une plus grande célérité, et celles pour lesquelles les parties se présenteraient volontairement, sans citation.
Art. 3. Ils pourront commettre un des huissiers ordinaires domiciliés dans leur arrondissement, ou au moins dans la ville, pour être attaché au service de leur juridiction.
Art. 4. Le nombre des prud'hommes pourra être porté jusqu'à six dans l'arrondissement de chaque juge de paix : deux seront de service alternativement tous les deux mois, et pendant ce temps aucun des deux ne pourra s'absenter sans s'être assuré d'un de ses collègues pour le remplacer.
Art. 5. Les citations seront faites devant les juges de paix par le ministère de leur huissier, dans la forme ordinaire des exploits, saris qu'il soit nécessaire d'obtenir une cédule du juge de paix ; et elles indiqueront le jour et l'heure de l'audience à laquelle les parties devront comparaître.
Art. 6. L'huissier rapportera à chaque audience les originaux des citations qu'il aura faites, sur lesquels il appellera les causes par ordre de priorité, suivant les dates des citations; et s'il y a quelques affaires qui n'aient pas été en tour d'être appelées à la première audience, elles seront remises à la prochaine, et appelées les premières.
annonce que divers membres demandent la parole sur l'article l9r du titre Ier.
s'élève avec force contre la proposition du comité de ne pas faire écrire les dépositions des témoins dans les causes où les juges de paix prononcent en dernier ressort. Il fait valoir le danger du despotisme et de la tyrannie de ces juges qui pourraient, s'ils n'écrivaient pas, juger arbitrairement les causes soumises à leur tribunal.
rappelle l'esprit de l'institution des juges de paix, qui tend à abréger les formalités, à éloigner l'esprit judiciaire et à ne pas surcharger des contestations légères de tous les fatras de la procédure.
pense qu'il est sage d'écrire sommairement les dépositions des témoins afin d'éviter les jugements arbitraires et l'impunité des prévarications des juges de paix.
répond que ce serait dénaturer la bonne institution des juges de paix, de l'assujettir à la formalité des procédures judiciaires.
insiste pour l'écriture des dépositions faites devant les juges de paix, pour empêcher qu'on n'élevât des plaintes contre leurs jugements.
réplique que dans les procès qui doivent naître et mourir dans un jour, il est nécessaire de n'en laisser aucune trace ; ce serait exposer à de longues discussions, à des plaidoiries sur les enquêtes et livrer souvent les dépositions à la volonté des greffiers.
s'écrie : Quel est l'objet de l'écriture des enquêtes? c'est de transmettre à d'autres tribunaux les faits nécessaires au juge-mentdesprocès: mais les procès formés devant les juges de paix doivent finir à la justice de paix ; il n'est donc pas nécessaire d'écrire ces enquêtes. D'ailleurs les jugements seront publics et les parties, ainsi que les juges et assesseurs, recevront, des témoins, le dire de la vêrilé de la première main. Les assesseurs, étant présents aux témoignages, les connaîtront mieux de la bouche des témoins que iorsque le juge seul en aura fait la rédaction.
On pourrait se borner à ne faire écrire les dépositions que sur la réquisition des parties.
Je demande la priorité pour l'amendement qui tend à faire écrire les enquêtes.
(Deux épreuves sont faites et sont déclarées douteuses.)
Je réduis mon amendement et je propose de dire que les dépositions seront écrites sommairement.
rapporteur. Sommairement est ou vague ou dangereux. On écrivait jusqu'à présent parce qu'un juge était chargé de transmettre les dépositions à d'autres juges ; mais, ici, le juge et les assesseurs connaîtront les faits en même temps.
Vous avez établi la compétence supérieure des juges de paix jusqu'à 50 livres; vous l'avez con-
fiée à trois hommes qui ont la connaissance pratique des usages et des faits minutieux, et les plus fréquents des campagnes. Dans l'ordre de cette compétence, en dernier ressort, dont les jugements sont absolument inattaquables, à qui le droit d'éclaircir les faits doit-il appartenir?
Il est un fait pour lequel il faut des témoins ; ils viennent dire aux juges et aux assesseurs ce qu'ils ont vu, et en présence des parties. Alors les juges et les parties peuvent avoir la conviction nécessaire. L'écriture est donc inutile. Elle serait même dangereuse, en ce qu'au lieu de juger sur-le-champ, ils passeraient leur temps à faire des procédures et des enquêtes. D'ailleurs, il ne faut pas exempter les juges du devoir d'aller entendre les témoins sur les lieux, afin de ne pas dénaturer les faits, tant de fois dénaturés et changés dans les enquêtes faites loin de la maison du juge. (On applaudit.)
Je me résume donc et je dis que la vérité du principe et son application à la justice de paix sont que le juge et ses assesseurs, sur les contestations d'objets de 50 livres, puissent décider après avoir entendu sur les lieux les divers témoins, sans désemparer.
répond qu'il ne restera alors aucune trace des dépositions faites quelquefois par de faux témoins qu'il faudrait confondre ou qui pourraient être un remède contre la prévarication des juges.
Plusieurs membres réclament la question préalable sur les amendements.
La question préalable est mise aux voix et prononcée.
met aux voix l'article 1er du projet du comité.
L'article est adopté.
Les articles 2, 3, 4 sont successivement décrétés sans opposition.
lit l'article 5.
Divers membres présentent des amendements.
propose de commettre un greffier pour remplacer le premier en cas d'empêcbe-ment.
Cet amendement est adopté et fondu dans l'article.
rapporteur, lit l'article 6.
fait un amendement pour que les cédules de citation et leur notification, au lieu du papier non timbré, qui est proposé par le comité, continuent à être écrites sur papier timbré dans les départements où le timbre est établi, tant qu'il n'en aura pas été autrement ordonné.
L'article, ainsi amendé, est décrété.
Les articles 7, 8, 9 et 10 sont ensuite décrétés avec quelques légers amendemeuts consentis par le rapporteur.
propose un article nouveau pour être intercalé entre les articles 7 et 8, afin d'abréger les délais dans les cas très urgents.
Cet article, consenti par le rapporteur, est adopté.
L'article ler du litre II est ensuite décrété avec amendement.
propose d'ajouter à l'article2 une
disposition portant que tes parties condamnées par défaut, devant le juge de paix, ne pourront recourir au tribunal supérieur sans avoir reçu un jugement contradictoire du juge, de paix.
L'amendement est renvoyé aU comité potir efl faire un rapport particulier.
L'article 3 est discuté et âdôpté avèti modificà-tion.
propose de réduire l'article 4 à la rédaction suivante :
« Il sera procédé au jugement définitif aussitôt après la déposition écrite des témoins* »
proposé dedire : qu'il sera procédé au jugement en présence des témoins entendus.
rapportent, accepte cet amendement et l'article du comité, ainsi modifié» est décrété.
Les articles 5, 6 et 7 sont décrétés sans opposition.
Le titre III ne souffre aucune difficulté et les 5 articles qui le composent sont adoptés.
Le titre IV est mis en discussion, il n'éprouve qu'un seul changement dans son troisième article.
Les titres V à IX sont décrétés avec quelques légers changements et modifications.
Vous venez de décréter rapidement une fonle d'articles dont il est bien difficile de saisir tous les rapports, le demande donc qu'il soit fait une lecture complète du décret que vous avez rendu.
rapporteur, fait cette lecture ainsi qu'il suit :
TITRE PREMIER.
Des citations.
Aft. 1er.
« Toute citation devant les juges de paix Sera faite eh vertu d'Une cédule du juge» qui énoncera sommairement l'objet de la demande, et désignera le jour et l'heure de la comparution.
Art. 2.
« Le juge de paix délivrera cette céduîe à la réquisition du demandeur ou de son porteur de pouvoirs, après avoir entendu l'exposition de sa demande*
Art. 3.
« En matières purement personnelles ou mobilières, la cédule de citation sera demandée au juge du domicile du défèndeur.
Art 4
« Elle sera démandée au juge de la situation de l'objet litigieux, lorsqu'il s'agira i
« 1° Des actions pour dommages faits, soit par les hommes, soit par les animaux, aux champs, fruits et récoltes;
« 2° Des déplacements de bornes; des usurpations de terres, arbres, haies, fossés et autres clôtures, commises dans l'année: des entreprises sur les cours d'eau servant à l'arrosement des
prés, commises pareillement dans fannêe, et de toutes autres actions posséssoires ;
« 3° Des réparations locatives des maisons et fermes;
« 4° Des indemnités prétendues par lé fermier ou locataire pour non-jouissance, lorsque (e droit de l'indemnité ne sera pas contesté, et des dégradations alléguées par le propriétaire.
Art. 5,
« La notification de la cédule de citation sera faite à la partie poursuivie, par le greffier de la municipalité de son domicile, ou celai qui sera commis pôûr le remplacer, qui lui en remettra copié, ou la laissera à ceuï qu'il aura trouvés en sa maison, ou l'affichera à la porte de la maison» s'il n'y a trouvé personne. Le greffier fera mention du tout, signée, de lui, au bas de l'original de la cédule*
Art. 6.
« Les cédules de citation et leur notification seront écrites sur papier timbré dans les départements où le timoré est établi, tant qu'il n'en n'aura pas été autrement ordonné, et ne seront sujettes ni aux droits ni à la formalité du cou-» trôle.
Art. 7.
« Il y aura un jour franc au moins entre Celui de la notification de la cédule de citation et le jour indiqué pour la comparution, si la partie citée est domiciliée dans le canton, ou dans la distance de quatre lieues.
« 11 y aura au moins trois jours francs, si la partie est domiciliée dans la distance depuis quatre lieues jusqu'à dix; au delà, il sera ajouté un jour pour dix lieues.
« Dans le cas où les délais ci-dessus n'auront pas été observés, si le défendeur ne comparaît pas au jour pour lequel il aura été cité, le juge de paix ordonnera qu'il soit réassigné.
Art. 8,
Les délais ci-dessus pourront être abrégés par le juge de paix, dans les cas très urgents» où il y aurait péril dans le retardement.
Art. 9.
Si, au jour de la première comparution, lé défendeur demande à mettre un garant en cause, le juge de paix lui délivrera une cédule dé citation, dans laquelle il fixera le délai de comparaître relativement à la distance du domicile du garant.
Art. 10.
« Il n'y aura plus lieu à la mise en cause du garant, si la demande n'en a pas été formée au jour de la première comparution du défendeur; et celle qui aurait été accordée demeurera comme non avenue, si elle n'a pas été notifiée au garant à temps utile pour l'obliger de comparaître au jour indiqué; sauf au défendeur à poursuivre l'effet de la garantie» s'il y a lieu» séparément de la cause principale *
Art I .
« Les parties pourront toujours se présenter volontairement et sans citation devant le juge de paix, en déclarant qu'elles lui demandent juj
gement : auquel cas il pourra j»ger seul leur | différend, soit sans appel dans tes matières où sa compétence est en dernier ressort, soïl ù charge d'appel dans celles qui excèdent sa compétence en dernier ressort; et cela, encore qu'il ne fût le juge naturel des parties, ni à raison du domicile du défendeur, ni à raison de la situation de l'objet litigieux. »
TITRE II.
De la comparution devant les juges de paix.
Art 1er.
« Au jour fixé par la citation, ou convenu entre les parties, au cas qu'elles aient consenti de se passer de citation, elles comparaîtront en personne, ou par leur fondé de pouvoirs, devant le juge de paix» sans qu'elles puissent fournir aucunes écritures, ni se faire représenter ou assister par aucunes des personnes qui, à quelque titre que ce soit, sont attachées à l'ordre judiciaire.
Art.2.
« Si, après une citation notifiée, l'une des parties ne comparaît pas au jour Indiqué, la cause sera jugée par défaut, à moins qu'il n'y ait lieu à la réassîgnation du défendeur, au cas de l'article 7 du titre précédent.
Art. 3.
« La partie condamnée par défaut pourra former opposition au jugement dans les trois jours francs de sa signification, en vertu d'une cédule qu'elle obtiendra du juge de paix, et qu'elle fera notifier à l'autre partie, ainsi qu'il est dit au titre précédent pour les cédules de citation.
Art. 4.
« La partie opposante qu? s® laisserait juger une seconde fois par défaut sur son opposition» ne sera plus reçue à former une opposition nouvelle, et les tribunaux de district ne pourront, dans aucun cas, recevoir l'appel d'un jugement du juge de paix » lorsqu'il aura été rendu par défaut, si ce n'est qu'il fût en contravention à l'article 7 du titre VI ci-après.
Art. 5.
« Si un absent est condamné par un premier jugement rendu par défaut, le délai de l'opposition sera prorogé par le juge de paix, soit d'office, s'il connaît par lui-même la justice de cette prorogation, soit sur les représentations qui lui seront faites au nom de l'absent; et dans le cas où la prorogation n'aurait été ni accordée d'office ni demandée, l'absent pourra encore être relevé de la rigueur du délai, et son opposition reçue, en justifiant que son absence a été telle qu'il n'ait pas pu être instruit de la procédure.
Art." 6.
« Lorsque les deux parties, ou leurs fondés de pouvoirs, comparaîtront, elles seront entendues cou tradictoirement par elles-mêmes ou par leurs fondés de pouvoirs;. et 1a cause pourra être jugée sur-le-champ, si te juge de paix et ses assesseurs se trouvent suffisamment instruits.
Art. 7.
» Il y aura lieu à juger sur-le-champ, toutes les fois qu'il ne sera pas nécessaire pour l'entier éclaircissement de la cause, soit d'accorder à une des parties un délai pour présenter des pièces dont elle ne se trouverait pas saisie, soit d'ordonner une enquête, ou la visite du lieu contentieux. »
TITRE IlL Des enquêtes.
Art. 1er.
Si les parties sont contraires en faits, qui soient de nature à être constatés par témoins, et dont ie juge de paix et ses assesseurs trouvent la vérification utile et admissible, le juge de paix avertira les parties qu'il y a lieu de procéder par enquête» et tes interpellera de déclarer si elles veulent faire preuve de leurs faits par témoins.
Art. 2..
« Lorsque, sur cet avertissement,, les parties, ou l'une d'elles, requerront d'être admises à faire preuve par témoins, le juge de paix, de l'avis de ses assesseurs, ordonnera, ia preuve et eu fixera, précisément l'objet.
Art. 3.
« Les témoins seront toujours entendus en présence des deux parties, à moins que l'une d'elles ne soit défaillante au jour indiqué pour leur audition ; et elles pourront fournir leurs reproches, soit avant, soit après les dépositions.
Art. 4.
« Il sera procédé au jugement définitif aussitôt après l'audition des técuoios, sans qu'il soit nécessaire de taire écrire la prestation de serment des témoins, tes reproche» ni les dépositions dans les causes; où le j^ge de paix prononce en dernier ressort, mis les uns et le» autres seront écrits par le greffier dans les causes sujettes à l'appel. Dans les premières, les assesseurs seront toujours présents à l'audition des témoins, et dans les secondes, ils pourront, à volonté, ou y assister ou s'en abstenir.
Art. 5.
» Dans tous les cas où la vue du lieu est utile pour quelles dépositions des témoins soient faites et entendues avec plus de sûreté, spécialement, dans les actions pour déplacement de bornes^ pour usurpations de terres, arbres, haies, fosses, cours d'eau, le juge de paix sera tenu de se transporter sur le lieu et d'ordonner que les témoins y seront entendus.
TITRE IV.
Des visites de lieu et des appréciations.
Art. Ier.
Lorsqu'il s'agira, soit de constater l'état des lieux dans les cas d'eotreprises, de dommages, de
dégradations et autres de cette nature, soit d'apprécier la valeur des indemnités et des dommage-ments demandés, le juge de paix et ses assesseurs ordonneront que le lieu contentieux sera visité par eux, en présence des parties.
Art. 2.
« Si le juge de paix et ses assesseurs trouvent que l'objet de la visite ou de l'appréciation exige des connaissances qui leur soient étrangères, ils ordonneront .que des gens de l'art, qu'ils nommeront par le même jugement, feront ia visite avec eux et leur donneront leur avis.
Art. 3.
« Dans le cas où les assesseurs qui auront concouru au jugement qui ordonne la visite, ou l'un d'eux, ne se trouveraient pas sur le lieu contentieux au jour et à l'heure indiqués, le juge de paix appellerait un ou deux assesseurs pris parmi les prud'hommes nommés dans la municipalité du lieu où se fera la visite.
Art. 4.
« Il ne sera pas nécessaire de faire écrire le procès-verbal de visite, ni l'avis des gens de l'art, dans les causes où le juge de paix peut prononcer en dernier ressort ; ils seront écrits par le greffier, seulement dans les causes sujettes a l'appel. »
TITRE V.
Des jugements préparatoires.
Art. 1er.
« Aucun jugement préparatoire ou d'instruction, rendu contradictoirement entre les parties, et prononcé eu leur présence, ne sera délivré à aucune d'elles, mais sa prononciation vaudra signification : elle vaudra aussi intimation dans le cas où le jugement ordonnera une opération à laquelle les parties devront être présentes, el elles en seront averties par le juge de paix.
Art. 2.
« Lorsque le jugement préparatoire aura été rendu par défaut contre une des parties, ou lors-qu'après s'être défendue contradictoirement, elle n'aura pas été présente ù la prononciation du jugement, la partie qui l'aura obtenu se le fera délivrer par extrait, et sera tenue de le faire notifier à l'autre partie, avec sommation d'être présente à l'opération ordonnée.
Art, 3.
« Si le jugement préparatoire ordonne une enquête, il fixera le jour, le lieu et l'heure de la comparution des témoins. Le juge de paix délivrera aussitôt aux parties qui auront requis la preuve, une cédule de citation pour faire venir leurs témoins, dans laquelle la mention du jour, du lieu et de l'heure de la comparution sera réitérée.
Art. 4.
« Si le jugement préparatoire ordonne la visite du lieu contentieux, il indiquera de même le
jour et l'heure où le juge de paix et les assesseuïe s'y transporteront, et où les parties devront s'y trouver présentes.
Art. 5.
« Lorsque le juge de paix et ses assesseurs auront nommés des gens ae l'art pour faire la visite avec eux, aux termes de l'article 2 du titre précédent, le juge de paix délivrera à la partie poursuivante, ou à toutes les deux, si elles le requièrent également, une cédule dé citation pour faire venir les experts nommés, dans laquelle le jour, le lieu et l'heure'de la visite seront indiqués.
Art. 6.
« Toutes les fois que le juge de paix se transportera sur le lieu contentieux, soit pour en faire la visite, soit pour y entendre les témoins, il sera accompagné du greffier, qui apportera la minute du jugement par lequel la visite ou l'enquête a été ordonnée.
Art. 7.
« Bans les causes où les juges de paix ne prononcent point en dernier ressort, il n'y aura lieu à l'appel des jugements préparatoires qu'après le jugement définitif, et conjointement avec l'appel de ce jugement; mais l'exécution des jugements préparatoires ne portera aucun préjudice aux droits des parties sur l'appel, sans qu'elles soient obligées de faire, à cet égard, aucunes protestations ni réserves. »
TITRE VI.
Des jugements tant préparatoires que définitifs.
Art. 1er.
« Les juges de paix n'auront point de costume particulier : ils pourront juger tous les jours, même ceux de dimanche et de fête, le malin et l'après-midi.
Art. 2.
« Ils pourront donner audience chez eux, en tenant les portés ouvertes; et lorsqu'ils iront visiter le lieu contentieux, ils pourront juger sur le lieu même sans désemparer.
Art. 3.
« Les parties seront tenues de s'expliquer avec modération devant le juge de paix et ses assesseurs, et de garder en tout le respect qui est dû à la justice. Si elles v manquent, le juge de paix les y rappellera d'abord par un avertissement, après lequel, si elles récidivent, elles pourront être condamnées à une amende qui n'excédera pas la somme de 6 livres avec l'affiche du jugement.
Art. 4.
« Dans le cas d'une insulte ou irrévérence grave commise envers le juge de paix personnellement, ou envers les assesseurs en fonctions, il en sera dressé procès-verbal ; le coupable sera envoyé par le juge de paix à la maison d'arrêt du district et sera jugé par le tribunal de district qui pourra le condamner à la prison jusqu'à huit
jours, suivant la gravité du délit, et par forme de correction seulement.
Art. 5.
« Le juge de paix et ses assesseurs pourront ordonner que les pièces et actes dont les parties se seront respectivement servies pour leur défense, leur soient remises, soit pour les examiner en présence des parties, soit pour en délibérer hors de la présence des parties, à charge de procéder incontinent à cette délibération et au jugement.
Art. 6.
« Ils auront la même faculté de délibérer en l'absence des parties, dans tous les autres cas où ils jugeront nécessaire de se recueillir ensemble avant de former leur opinion.
Art. 7.
« Les parties seront tenues de mettre leur cause en état d'être jugée définitivement, au plus tard dans le délai de quatre mois à partir du jour de là notification de la citation, après lequel l'instance sera périmée de droit, et l'action éteinte : le jugement que le juge de paix rendrait ensuite sur le fond serait sujet à l'appel, même dans les matières où il a droit de prononcer en dernier ressort, et annulé par le tribunal du district. »
Titre VII
Des minutes et de l'expédition des jugements.
Art. 1er.
« Chaque affaire portée devant le juge de paix, à la suite d'une citation, sera enregistrée et numérotée par le greffier, dans un registre tenu à cet effet, coté et paraphé par le iuge de paix à toutes les pages ; et mention sera faite de la date de chaque enregistrement.
Art. 2.
« Il en sera usé de même pour toutes les affaires sur lesquelles les parties se présenteront volontairement devant le juge de paix, sans citation.
Art. 3.
« Le greffier fera pour chaque affaire une minute détachée et particulière, portant le même numéro que celui de l'enregistrement ci-dessus, sur laquelle minute seront inscrits successivement et à l'ordre de leur date, tous les jugements préparatoires, tous les autres actes d'instruction dans les affaires sujettes à l'appel, et ensuite le jugement définitif; de manière que cette minute présente, avec le jugement, le tableau de l'instruction qui l'aura précédé.
Art. 4.
« Toutes ces minutes seront mises en liasse par > le greffier, à mesure qu'elles seront commencées; et à la fin de chaque année, toutes celles dont les affaires seront définitivement jugées, ou autrement terminées, seront rassemblées en forme de registre. Ge registre sera déposé au greffe du tribunal du district, et il en sera donné reconnaissance au greffier du juge de paix pour sa décharge.
Art. 5.
« Le greffier du juge de paix désignera sur son registre, dont il est parlé dans l'article premier ci-dessus, par une note en marge de chacune des affaires qui y seront inscrites, celles dont les minutes auront été rassemblées dans le registre déposé à la fin de l'année au greffé du tribunal du district, et celles dont les minutes seront restées entre ses mains. Il continuera d'être responsable de ces dernières, jusqu'à ce que les affaires qu'elles concernent ayant été jugées définitivement, ou autrement terminées, elles soient entrées dans un registre déposé au greffe du tribunal du district.
Art. 6.
« Lorsqu'il n'y aura pas d'appel d'un jugement définitif, il suffira de délivrer ce jugement seul pour le faire mettre à exécution ; mais lorsqu'il y aura appel, le greffier délivrera une expédition de la minute entière, contenant la série des jur gements préparatoires, enquêtes, procès-verbaux de visite et autres actes qui ont formé l'instruction de l'affaire.
Art. 7.
« Ces délivrances seront signées du juge de paix et du greffier, scellées gratuitement du sceau du juge de paix, et ne seront sujettes ni à la formalité, ni à aucun droit de contrôle.
Art. 8.
t Les directoires de district feront graver des sceaux, portant un écu oval, sur lequel seront écrits ces mots : Juge de paix, avec le nom du canton en entourage, entre l'écu et le cordon du sceau, et ils remettront deux de ces sceaux à chacun des juges de paix. »
TITRE VIII..
Des dépens.
Art. ler.
« Les dépens, qui Seront adjugés à la partie qui aura gagné sa cause, seront réduits à ceux qui seront ci-après réglés, lorsque cette partie sera domiciliée dans le canton, ou. aura été représentée par un fondé de pouvoirs, domicilié dans le canton.
Art. 2.
« Il ne pourra être exigé des parties, ni taxé en dépens, que les sommes ci-après, savoir :
« Pour chaque notification de citation, ou signification de jugement, 1 livre;
« Pour la délivrance d'un jugement définitif, 1 livre;
« Pour chacun des jugements préparatoires, enquêtes ou procès-verbaux de visite, délivrés avec le jugement définitif en cas d'appel, 10 sous ;
« Pour la délivrance séparée d'un jugement préparatoire rendu contre une partie défaillante au cas de l'article 2 du titre V ci-dessus, 15 sous;
« Pour la vacation du greffier assistant le juge de paix lorsqu'il se transportera sur le lieu, 1 livre ;
Pour la vacation des gens de l'art, lorsqu'ils
seront appelés par le juge de paix, s'ils ont employé la journée entière, y compris l'aller et le retour, à chacun 3 livres ;
Et s'ils n'ont employé qu'un demi-jour, à chacun 1 livre 10 sous.
« Le juge de paix pourra augmenter cette dernière taxe relativement aux gens de l'art d'une capacité plus distinguée.
Art. 3.
« Les notifications des citations aux témoins ou aux gens de l'art, s'ils sont domiciliés dans la même municipalité, seront faites par le greffier de cette municipalité : il sera payé et taxé 20 sols pour la première de ces notifications, et dix sous pour chacune des notifications subséquentes, faites à des domiciles différents.
Si les témoins ou les gens de l'art sont domiciliés en plusieurs municipalités, les citations pourront être faites ou par les greffiers de ces municipalités, chacun dans son territoire, ou par un huissier exploitant dans toutes : il sera payé et taxé de même 20 sons pour la première notification faite en chaque municipalité, et 10 sous pour chacune des notifications faites â des domiciles différents dans l'étendue de la même municipalité.
Art. 4.
« La partie à laquelle les dépens auront été adjugés sera tenue,- lorsqu'elle requerra la délivrance d'un jugement, de remettre au greffier les originaux de notification des différentes citations qu'elle aura fait faire,, tant à sa partie, qu'aux témoins ou aux gens de l'art ; et l'expédition du jugement exprimera le résultat de la taxe des dépens qui seront liquidés par le juge, y compris le coût de la délivrance et de la signification du jugement.
TITRE IX.
Dispositions particulières powr les juges de paix des villes.
Art. 1er.
Tout ce qui est contenu aux titres précédents aura également lieu pour les juges de paix tant -des Villes que des campagnes, à l'exception des dispositions suivantes, qui ne concernent que les juges de paix des villes.
Art. 2.
Les juges de paix des villes désigneront trois jours au moins par semaine, auxquels ils vaqueront à l'expédition et au jugeaient des affaires contentieuses;et cependant ils seront tehuS d'entendre tous les autres jours celles qui exigeront une plus grande célérité, et celles pour lesquelles tes parties se présenteraient volontairement, sans citation.
Art. 3.
« lis pourront commettre tm des huissiers Wdinaires, domiciliés dans leur arrondissement, Tttî au moins dans la ville, pour être attaché au service de la juridiction.
Art. 4.
« Le nombre de .prud'hommes pourra .être
porté jusqu'à six dans l'arrondissement de chaque juge de paix : deux seront de service alternativement tous les deux mois, et pendant ce temps aucun des deux ne pourra s'absenter sans s'être assuré d'un de ses collègues pour le remplacer.
Art. 5.
« Les citations seront faites devant les juges de paix par le ministère de leur huissier, dans la forme ordinaire des exploits, sans qu'il soit nécessaire d'obtenir une cédule du juge de paix, et elles indiqueront le jour et l'heure de l'audience à laquelle les parties devront comparaître.
Art. 6.
« L'huissier rapportera à chaque audience les originaux des citations qu'il aura faites, sur lesquelles il appellera les causes par ordre de priorité, suivant les dates des citations; et s'il y a quelques affaires qui n'aient pas été en tour d'être appelées à la première audience, elles seront remises à ia prochaine, et appelées les premières. »
après avoir pris les voix, prononce que le décret tel qu'il vient d'être lu est adopté.
La séance est levée à trois heures et demie.
Séance du
La séance est ouverte à six heures et demie.
, ex-président, remplace au fauteuil, le président en exercice, absent.
Le sieur Coq, serrurier, fait hommage à l'Assemblée d'une serrure de son invention qu'il offre d'appliquer aux archives et au coffre destiné à renfermer les ustensiles qui auront servi à îa fabrication des assignats.
L'Assemblée reçoit cet hommage avec satisfaction et ordonne qu'il en sera fait mention dans son procès-verbal.
Elle permet au sieur Coq d'assister à la séance.
Il est donné lecture de deux dénonciations î la première, d'un imprimé séditieux déféré à l'As semblée nationale par la municipalité d'Auxerre ; la seconde, faite par le procureur de la commune d'Auteuil, près de Montfort, contre le sieur Bidault, curé d'Auteuil, qui refuse obstinément de lire les décrets au prône.
L'Assemblée nationale renvoie ces deux dénonciations au comité des recherches.
, Tous ave,z chargé votre comité de liquidation d'esaminef quelle" in&em-,nité et
quelle .gratification M.- l'abbé de Mançlfe doit obtenir jpour la machine très ingénieuse et
très mutile qia ,a .été mise „squs vos -yeux- Eq ;17$2,
Je propose d'allouer une indemnité de 90,000 livres à M. de Mandre.
La première chose à faire serait, je crois, de s'assurer de l'utilité de la découverte.
J'observe qu'il n'y a d'affecté aux gratifications qu'un crédit de 2/000,000, sur lesquels les veuves et les enfants des citoyens tués devant Nancy, les vainqueurs dè la Bastille et autres ont des droits. Je propose donc de renvoyer M. l'abbé de Mandre au comité des pensions en lui accordant une nouvelle provision de a,000 livres.
propose un projet de 4éçfetqpi est adopté en ces termes :
« L'Assemblée nationale a décrété que la machine du sieur abbé de Mandre sera renvoyée à l'académie des sciences pour en constater la nouveauté et l'utilité; que le rapport de l'académie des sciences sera remis au comité des pensions, et que cependant il sera accordé au sieur abbé de Mandre une nouvelle provision de 3.y000 livres, »
M. de Menou a la parole pour rendre fiompte de l'affaire de quatre officiers du régiment de Bretagne.
, au nom du comité militaire. Au mois d'août 1789 une chanson courut parmi les officiers du régiment de Bretagne, en garnison à Briançon. 11 s'agissait d'une aventure galante. M. Morel, sous-lieutenant, se crut désigné par cette expression géant informe. Le lendemain il trouva des vers significatifs sous sa serviette. Il s'en plaignit. M. deCoëtlosquet, colonel, assembla les officiers, fit déclarer la chanson déshonorante et exigea ce serment: « ïe jure par l'honneur, et par le respect qu'on doit aux dames, que je ne suis pas l'auteur de la chanson. » On découvrit que M. cfHonières l'avait faite. Le colonel lui demanda sa démission et lui fit donner sa parole d'honneur de ne pas dire la cause de sa retraite et de ne pas se venger de M. Morel. M. d'Honiè-res se retira. Une correspondance, violée pendant jine maladie très dangereuse, apprit le secret qu'il avait juré de garder, et les lieutenants demandèrent que cet officier ^entrât au régiment. JLe colonel punit cette demande* en faisant enfermer au secret MM. Roubens et Bollard frères, lieutenants. L'un de MM. Bollard était depuis longtemps malade, le chirurgien-major lui ordonna des bains de rivière : le colonel fit jeter M. Bollard dans un cachot. Après une détention de neuf mois, ces trois officiers obtinrent leur
liberté en donnant Leur démission. Tels sont les faits de cette affaire. Je ne me permettrai aucune réflexion ; j'observerai seulement que si la force publique repose sur la subordination, les chefs qui abusent de leur autorité ne vous paraîtront pas exempts de reproches. Le comité militaire vous propose le projet de décret suivant :
« L Assemblée nationale décrète que le roi sera prié d'ordonner la formation d'une cour martiale, qui entendra les réclamations des sieurs Michel Bonnard, GabrieJ Bonnard, Raphaël Rou-bin et Alexandre d'Honières, officiers au régiment d'infanterie de Bretagne, et les jugera suivant les nouvelles formes décrétées pour les délits militaires. » (Adopté.)
, secrétaire, donne lecture du pro-c^s-verbal de la séance du mercredi 13 octobre AU soir!
Un membre observe que le premier des articles décrétés dans cette séance, sur les indemnités dues aux propriétaires laïcs des dîmes inféodées, n'est point exactement rédigé, et qu'il s'y trouve une disposition au 4el|i 4e ce qui a été décrété.
, rapporteur du comité ecelésiasti-q#e, rend compte de cette circonstance, et l'Assemblée nationale, après avoir entendu 1a discussion des dispositions additionnelles, les adopte, ,et ordonne que l'article sera définitivement rédigé dans les termes suivants :
Art. ler.
L'indemnité du.e aux propriétaires laïcs des dîmes inféodées, français ou étrangers, sera réglée sur ie pied du denier vingt-cjnq de leur produit pour celles en nature,, et sur le pied du denier vingt pour celles réduites en argent par des abonnements irrévocables, *
L'ordre du jour est la suite de la discnssipn du projet de décret sur les biens nationaux à vendre ou à conserver, sur leur a ministration et sur l'indemnité de la dîme inféodée.
rapporteur, donne lecture des articles £ à 1 j, du titre V, qui sont adoptés, après une courte discussion, dans les termes suivants :
Art. 5.
« Ceux à qui il appartiendra des dîmes ecclésiastiques, qu'eux ou leurs auteurs auraient légalement acquises, et dont le prix aurait tourné au profit de l'égide, auront droit à l'indemnité.
Art. 6.
Les propriétaires remettront dans le mois, ;à compter de la publication du présent décret, sous 1e récépissé du secrétaire? au secrétariat dn district où se percevait la majeure partie de leurs dîmes, leurs baux et leurs titres dé propriété; au surplus, les dispositions des articles 3, 6, 7 et 8 du titre III du décret sur les droits féodau.x auront leur exécution pour les dîmes inféodées.
Art. 7.
m S'il n'existe aucun bail aux termes de l'article 5, ils remettront, avec leurs titres de propriété, un état des pièces de terres produisant des fruits décimables, en les indiquant par tenants et aboutissants, et en dénommant les possesseurs.
Art. 8.
Lorsqu'il y aura des baux semblables à ceux ci-devant mentionnés, le directoire du district prendra les observations des municipalités, donnera son avis; ensuite, le directoire du département statuera ce qu'il appartiendra; le tout se fera dans deux mois après l'expiration du délai ci-devant fixé.
Art.9.
« Dans le cas où il n'y aurait aucuns baux, tels que celui ci-devant mentionnés, il sera procédé à une estimation par experts, conformément aux articles 13, 14, 15, 16 et 17 du décret du 3 mai, concernant les droits féodaux; pour cette estimation, un des experts sera choisi parle procureur-syndic du district, et l'autre par le propriétaire ; s'il est besoin d'un tiers expert, il sera choisi par le directoire du département. L'estimation faite, le directoire du district prendra les observations des municipalités, donnera son avis, et le directoire du département statuera ce qu'il appartiendra.
Art. 10.
« Lors du règlement de ladite indemnité, déduction sera faite sur la valeur de la dime du capital de la portion congrue, même de ce qui est payable pour cette année dans les six premiers mois de 1791 ; savoir : jusqu'à concurrence de 1,200 livres pour les curés, et de 700 livres pour les vicaires actuellement existants. Il sera pareillement fait déduction du capital et dé toutes les autres charges actuelles relatives au culte divin, môme des réparations; mais ces déductions n'auront lieu que dans Je cas où les dîmes inféodées étaient tenues de ces charges'subsidiairement, et pàr insuffisance de celles ecclésiastiques et des iens qui y étaient sujets, ou lorsqu'elles les supportaient concurremment, soit aveC'celles-ci, soit avec lesdits biens. Les mêmes déductions n'auront lieu que jusqu'à concurrence de ce dont les dîmes inféodées auraient pu être tenues après avoir épuisé les dîmes ecclésiastiques et lesdits biens.
Art. 11.
« Ceux auxquels il a été fait des abandons de biens-fonds, à condition d'acquitter la portion congrue, ou d'autres charges relatives au service divin, en tout ou en partie, ou de payer quelques redevances ou réfusions, verseront dans trois j mois, dans la caisse du district, le capital de ce | dont ils étaiént tenus ; savoir : sur le pied du denier vingt pour ce qu'ils devaient en argent, et pour ce qu'ils devaient en denrées sur le pied denier vingt-cinq, suivant l'estimation qui sera faite pour ces derniers objets ; ou bien ils seront tenus de renoncer auxdits biens-fonds; ce qu'ils opteront dans le mois, à compter de la publication du présent décret; à défaut de quoi lesdits biens seront dès lors déclarés nationaux, et mis en vente sans délai.
Art. 12.
i A l'égard de ceux auxquels il a été fait des abandons dedîmes aux conditions mentionnées dans l'article précédent, ils seront tenus de déduire sur leur indemnité le capital des charges qui leur auront été imposées sur le même pied que ci-dessus.
Art. 13.
« Il ne sera accordé aucune indemnité pour les
dîmes insolites dont les propriétaires ne justifieraient pas d'une possession de 40 ans.
Art. 14.
« Dans les dîmes inféodées dont l'indemnité doit être acquittée des deniers au Trésor public, ne sont point comprises celles qui, quoique tenues en foi et hommage, seraient justifiées par titres .être dues comme le prix de la concession du fonds; en ce cas, les redevables seront tenus de les racheter eux-mêmes, suivant le mode et le taux réglés pour le champart par le décret du 3 mai dernier, concernant les' droits féodaux; et jusqu'au rachat,
Art. 15.
« Les propriétaires des dîmes inféodées qui prétendraient être autorisés à percevoir des droits casuels lors des mutations des héritages sujets à la dîme, ne pourront les faire entrer dans leur indemnité; mais ils continueront de les percevoir, le cas échéant, contre les redevables de la dîme, sauf à ces-derniers leurs exceptions et défenses au contraire, et sauf à eux à racheter lesdits droits, en cas qu'ils y fussent assujettis.
Art. 16.
« Les ci-devant propriétaires de fiefs qui étaient autorisés par la loi, ou par titres, à percevoir des droits casuels en cas de mutation de 1a propriété de la dîme inféodée, seront indemnisés de ces droits par les propriétaires de la dime, suivant le taux et le mode réglés, et en se soumettant à tout ce qui est prescrit par le décret du 3 mai dernier, concernant les droits féodaux.
Art. 17.
« Si la dîme a été cumulée avec le champart, le terrage, l'agrier ou autres redevances de cette nature, ces droits fonciers ne seront dorénavant payés qu'à la quotité qu'ils étaient dus anciennement : en cas qu'on ne puisse découvrir l'ancienne quotité, elle sera réduite à celle réglée par la coutume ou l'usage des lieux. »
lève la séance à près de dix heures du soir.
a la séance de l'assemblée nationale du
Nota. Nous annexons à la séance de ce jour, ainsi que cela a été fait dans les procès-verbaux de l'Assemblée nationale, le document qui suit :
Rapport de MM. Duveyrier et B.-C. Cahier, commissaires nommés par le roi, pour l'exécution des décrets de l'Assemblée nationale, relatifs aux troubles de Nancy, remis à M. de La Tour-du-Pin, ministre de la guerre, le jeudi 14 octobre 1790. (Imprimé par ordre de l'Assemblée nationale.)
au roi.
Sire,
Chargés par Votre Majesté de l'exécution des
décrets de l'Assemblée nationale, relatifs aux troubles de Nancy, nous sommes partis dans la nuit du 3 au 4 septembre, accompagnés de MM. Remi-Viclor Gaillard et Charles-Pierre Leroi, avocats,nos amis, qui ont bien voulu exercer près de cous les fonctions de secrétaires, et dont le zèle, la prudence et les bons principes ont été d'une grande utilité aux intérêts publics qui nous étaient confiés.
Notre mission avait deux objets :
Maintenir la tranquillité dans la ville de Nancy; et prendre l'information exacte des faits qui doivent conduire à la punition des coupables, de quelque grade, rang et état qu'ils puissent être.
Sur le premier objet, sur le maintien delà tranquillité, Votre Majesté daignera apprendre ce que nous avons fait, lorsqu'il nous aura été possible d'exposer ce que nous avions à faire.
Le second objet était aussi le plus pénible de notre longue et délicate mission.
Développer tous les faits qui ont préparé, commencé, propagé le désordre, et conduit enfin la garnison de Nancy aux derniers excès de la révolte ; discerner les causes de cette longue et funeste agitation ; diriger l'oeil de la justice sur les vrais coupables; provoquer la censure des fautes et la punition des crimes : cette tâche n'a point effrayé notre zèle, et nous osons assurer Votre Majesté que notre désir le plus ardent a été de connaître la vérité, comme notre plus ferme résolution est de la dire.
Nous avons fait, pour trouver cette vérité précieuse, tout ce qui était humainement possible.
Après avoir reçu de la municipalité et du département les expéditions de leurs procès-verbaux, écrits, indicateurs au moins, des faits qu'il nous était imposé de vérifier, nous avons interrogé dans la ville de Nancy tous ceux, citoyens, 'soldats, officiers (1), qui paraissaient avoir quelques renseignements à nous donner, nous réservant ensuite de balancer les témoignages et de distinguer Ja vérité du mensonge, dans ces récits presque toujours dictés par le plusTif de tous les intérêts : par l'intérêt de l'opinion.
Le nombre des citoyens entendus ne peut être calculé.
Mais il nous sera permis de dire que nous avons interrogé plus de cent soldats, presque tous séparément, seuls, sans témoins, les invitant à la confiance par tous les signes de l'impartialité, par cette vérité répétée à chacun d'eux, que devant la justice nationale le général et le soldat sont égaux ; les plaçant enfin à côté de nous dans cette situation paisible et commode, qui seule pouvait leur donner le courage dont ils ont aujourd'hui besoin, contre des supérieurs qu'ils redoutent d'autant plus qu'ils les ont plus sensiblement offensés.
Nous nous sommes transportés à Verdun pour prendre les déclarations des chefs et des soldats du régiment du roi, qui nous étaient indiqués comme utiles à quelques éclaircissements ; à Saint-Dizier, pour interroger de même les officiers et les cavaliers de Meslre de camp sur tout ce qui pouvait leur être particulièrement relatif ; à Lu-néville, pour savoir des carabiniers eux-mêmes les faits et les causes de l'irruption si extraordinaire de la garnison de Nancy; à Metz enfin, pour converser avec M. de Bouillésur tout ce qui a préparé et suivi la journée du 31 août.
Ce dernier voyage d'ailleurs a eu un autre motif d'utilité don tnous aurons occasion de parler.
Les courses, les recherches, les informations ont été prodiguées jusqu'au moment où tous les récits venant se confondredans les mêmes résultats, nous ont assuré que nous savions tout ce qu'il était possible de savoir.
C'est du concours et du rapprochement de ces diverses in formations que nous avons formé, Sire, le rapport que nous avons l'honneur de mettre sous les yeux de Votre Majesté.
Dans la recherche des causes de tant d'événements funestes, si nos efforts n'ont pas découvert une cause inconnue, soupçonnée jusqu'à présent, peut-être avec quelque vraisemblance, nos efforts au moins nous ont acquis le droit d'affirmer que celte cause n'existe pas.
L'Assemblée nationale, en exigeant des renseignements certains sur les faits, a voulu que no3 recherches remontassent à l'origine des causes.
L'origine est la Révolution. C'est à cet instant de gloire pour l'Empire français qu'il faut remonter pour juger les causes des malheurs particuliers de la ville de Nancy.
Cette ville, longtemps le séjour des ducs de Lorraine, enrichie par Stanislas, distinguée par nos rois, était, le 14 juillet 1789, par sa situation politique, plus éloignée, peut-être, qu'aucune autre ville du royaume, des changements qui se préparaient.
Ses habitants avaient presque tous à regretter, au moins, s'il leur était impossible de les conserver, ou des privilèges ou des abus.
Une noblesse nombreuse, et d'autant plus jalouse de son existence, qu'à l'exception de quelques familles, son existence était plus nouvelle.
Un parlement, une chambre des comptes, dont les membres joignaient, aux autres attributs de leurs places, un avantage particulier, celui de ne pas les acheter, et d'y trouver un revenu fixe et considérable tour la province.
On sait que la plupart des magistrats de ces deux cours souveraines n'avaient, pour ainsi dire, d'autre fortune que les appointements attachés à leurs commissions.
D'autres tribunaux en grand nombre, un bailliage, une chambre des eaux et forêts, une chambre consulaire, une juridiction prévôtale, une intendance, toutes les combinaisons de la fiscalité, bureau du domaine, bureau des fermes; un chapitre noble, richement doté, un commerce fécondé de même par une exception, par la position de la Lorraine hors des barrières de France, et pour garnison, une troupe, aussi privilégiée, le régiment du roi :
Voilà ce qui peuplait la capitale de la Lorraine d'hommes destinés aux regrets du passé, aux alarmes de l'avenir.
Le peuple seul, ce qu'on appelait alors le peuple, n'avait point de privilèges, si ce n'est qu'il était exempt desdeux impôts tenant lieu de la taille et de la capitation.
Le régiment du roi, stationné depuis sept ans dans cette ville, y avait acquis domicile, et presque droit de cité ;" officiers et soldats, tous avaient leurs relations, leurs habitudes, et, pour ainsi dire, leurs établissements, chacun dans la classe où le fixait son rang, les officiers avec les nobles, les soldats avec le peuple.
Cette paix n'était troublée que par des querelles, quelquefois éclatantes, entre les jeunes officiers du régiment du roi et les jeunes citoyens de Nancy.
On rapporte, et ces rapports sont assez nombreux, assez unanimes, que même avant la Résolution, quelques jeunes officiers (1) du régiment du roi se faisaient un jeu d'insulter, de provoquer pendant le jour, de poursui vre et de battre pendant la nuit les jeunes citoyens de Nancy.
De tels excès s'étaient pas fréquents, il faut bien le croire, mais ils restaient impunis, ou la punition restait ignorée.
Ces dispositions ne préparaient pas les esprits à l'égalité établie par les lois nouvelles.
La Révolution s'opère; la loi vient : elle frappe également sur tous; mais, en confondant les intérêts, elle divise les opinions et les sentiments : les deux partis déjà séparés par l'inégalité des fortunes et des prérogatives, les officiers et les nobles, les soldats et le peuple, en s'éloignant l'un de l'autre, se réunissent plus intimement ensemble, l'un par les regrets des sacritices exigés, l'autre par l'espérance des avantages promis.
Geiite division a.été plus sensible et plus a.mère à Nancy que i iartout ailleurs, parce que les causes en étaient plus nombreuses et plus vives.
Elle s'était déjà manifestée daps les premières assemblées fournées pour la rédaction des cahiers et le choix des députés aux Etats généraux, lorsque les privilégiés offrirent pour la contribution égale des impôts un consentement qu'ils rétractèrent le lendemain.
Elle éclata depuis avec des conséquences plus ou moins funestes, dans toutes les occasions où l'intérêt public fut,agité ;
Lorsqu'il fut question d'établir la garde nationale, longtemps privée des armes, sans lesquelles elle ne pouvait exister;
Lorsque M. de La Valette, ancien commandant de cette garde, l'augmenta de :25 hommes par compagnie, sur le principe vrai que l'aisance ne devait pas être le seul titre d'admission ;
Lorsque, pour balancer les effets de cette opération, une vingt-huitième compagnie se lorma plus nombreuse que les autnes, et de telle sorte, qu'elle prit dans te public la dénomination de compagnie de Favras ;
Lorsqu'au mois d'octobre A7B9, les soldats citoyens essuyèrent quelques délais à fa commune, pour une fédération avec leurs frères d'armes des pays voisins;
Lorsqu'à l'époque de la fédération, effectuée /enfin au mois d'avril, la .commune, paf un arrêté imprimé et af(iché, déclara séditieux et calomi-nieux l'arrêté de la garde nationale relatif à cette fédération ;
Lorsqu'à l'approche des élections, quelques écrits indiquèrent aux électeurs, avec une franchise peut-être «trop amère, les vertus civiques que leur choix devait récompenser ;
Lorsqu'il fut proposé dans la commune de réclamer pour la ci-devant province de Lorraine l'exécution du traité de Vienne ;
Lorsqu'en envoyant, le £2 décembre 1789, des députés à Paris, on arrêta que des termes dont ces députés se serviraient, on né pourrait fin induire aucune adhésion ni opposition aux décrète ien général, on à aucun des arrêtés partiwlieris de VAssemblée nationale; et que, dans aucun çajs, fies pouvoirs ne pourraient être montrés à personne,,
pas même aux députés de la province à VAssemblée nationale.
La même division régnait en même temps dans le régiment du rai; et déjà l'on peut tenir pour certain que le mal a pris naissance dans cette troupe, longtemps connue par de meilleurs exemples; qu'il s'est répandu de là, et même assez tard, dans les deux autres régiments en garnison à Nancy, et qu'il n'eût pas fait sans doute de si funestes progrès, si les soldats du régiment du roi |ae s'étaient avisés, -dans les derniers temps, de rallier tous les soldats à leur cause par un intérêt qui devait les agiter tous.
C'est quelques semaines après la prise de la Bastille, à la fin de juillet ou dans îles premiers jours du mois d'août 1789, car l'époque précise n'a pu être rappelée, que les soldats du régiment du roi, sans aucun motif de plainte contre leurs officiers (ils en conviennent), demandèrent avec tumulte la liberté des portes, l'exemption de l'appel de quatre heures et autres objets aussi misérables.
Tous les soldats, interrogés sur les causes de ce premier moment d'insubordination, ont répondu qu'ils n'en connaissaient pas d'autres que Je désir, répandu depuis quelque temps clans Je cœur de chacun d'eux, d'essayer les fruits de oette liberté assurée à tous les Français.
Les officiers résistèrent d'abord, mais ils cédèrent ensuite et I on peut difficilement calculer l'effet de cette première condescendance.
Ils en firent quelque temps après un essai plus redoutable, lorsque tous les .grenadiers d'une compagnie se soulevé ne Bit po$r empêcher un de leurs camarades de subir la peine à laquelle il avait été condamné; ce&te peine était la prison.
On lit alors quelques exemples indispensables et justes : les plus animés furent congédiés avec des cartouches jaunes ; mais on se souvint de la faute passée (ce qui n'était pas d'une .aussi exacte justice, puisque les demandes des soldats avaient été accordées); ceux qui avaient paru pltsks em pressés à exiger la liberté des portes et l'exemption de l'appel de quatre heures furent égaler-ment congédiés avee des cartouches jaunes, et le nombre de ces soldats punis pour la première et la seconde faute peut être fixé à trente ou environ.
On voit déjà que depuis la ftéyolution le même sentiment n'animait pas les soldats et les officiers, et la conduite de plusieurs officiers n'était pas propre à rallier les esprits,.
Les anciens, ceux que l'âge ot la raison conduisaient à des mesures plus sages, ne paraissent pas avoir manifesté des intentions contraires aux lois nouvelles; .mais parmi les jeunes officiers, piu--sieurs sont accusés d'avoir à cet égard porté le mépris jusqu'à l'insulte.
Un nouvel uniforme, rival de tous les autres, en rehaussant Je courage des jeunes citoyens qui en étaient honorés, avait ulcéré l'orgueil des jeunes militaires.
Nous avons eu connaissance de plusieurs combats entre de jeunes officiers du régiment du roi et de jeunes gardes nationaux de JSancy, toujours provoqués par les officiers, et dont le prétexte, si l'on veut, était étranger à la chose publique, mais dont l'habit national augmentait sensiblement la vivacité.
Il donnait, au moins aux jeunes citoyens la hardiesse de repousser la provocation; ils furent toujours heureux dans ces rencontres particulières, et ces succès aigrissaient encore les arumo-sités respectives.
Ceci en vint au point que M. Niçois, membre de la commune, fut député par «lie vers les chefs do corps, pour les engager à faire cesser ce désordre, et à prévenir un combat qui devait avoir lieu le jour même ou le lendemain.
Celui des officiers supérieurs auquel il s'adressa fit réponse qu'on y veillerait pour l'avenir; mais que relativement au combat du jour, ce combat ayant été décidé par les jeunes officiers, un né pouvait l'empêcher sans perdre eelui de leurs camarades qui devait m être te -champion.
Les anciens officiers avouent eux-mêmes aujourd'hui que, parmi les jeunes, plusieurs -étaient, dans leur maintien et dans 'leurs discours, sur tout ce qui pouvait être relatif à l'Assemblée nar-tionale, à ses décisions, à ses lois, d'une légèreté •et d'une indiscrétion que les pli us sages conseils ne pouvaient 'tempérer.
On dit que les soldats ayant manifesté le désir de prendre le ruban national, et voulant y être autorisés par l'exemple de leurs officiers, ceux-ci ont opposé qu'ils n'avaient pcnnt d'ordre à cet égara, et que des militaires nefaisaîentrien sans ordre du ministre de la guerre.
Aussi faut-il ajouter, pour la plus impartiale justice, que tous officiers et soldats ont pris la cocarde nationale au moment même où le roi leur a permis de la prendre.
Il résulte de plusieurs déclarations, que les officiers marquaient leur déplaisir aux soldats qui fréquentaient les .Citoyens ; que sauvent, devant les détachements de la garde nationale qui portaient les armes, les officiers ne faisaient pas porter les armes à leurs troupes, et paissaient eux-mêmes Jeur épée dans le fourreau.
y.ojci 4).n fait particulier, tel qu'il est conçu dans une déclaration écrite et signée par M. fîo-liny, imajor de la ,garde nationale,, et autres membres -de ce corps, appuyée d'ailleurs par d'autres déclarations décrites : « D'après la .réquisition de la municipalité, dit .M,. Coliny, je me suis trans-« porté» .avec mon détachement^ à la paroisse « .Saint-ltoCh, :1e 24 mars, à trois heures après « midi- j'entrais ..dans la nef, en prenant la droite, « suivant Ja teneur du décret qui donne Ja pré-« «séance aux .gardes -nationales, "Un moment « après, on vint mf'avertir que le détachement * du régiment du roi avait pris la droite en.de-« Jhors de l'église. Je sortie, je m'abouchai avec « M. Chfiffontaine, qui .commandait le détache-« ment. Je lui observai que, suivant :ie décret, il « ne devait point garder la droite, il me dit qu'il « ne connaissait que les ordonnances, ejt qu'il « .avait ordre de prendre 3a droite. Je lui repré-« sentai qu'étant,appuyé du décret j'étais dans « l'intention de conserver la placé que J'OCCU' k pais. Il me dit que si je persistais» il allait se « retirer avec sa troupe. Je lui Répondis.qu'il en « .était le maître,; ce qu'il effectua. Entre autres m officiers qui se trouvaient là, AL JDamdor était « sur le perron de la paroisse, lorsque je JLui ob- servais que ma demande était fondée sur le « décret, il me dit qu'il se-- des débets; ce que « je certifie véritable, »
La première idée d'une fédération entre la garde nationale de la province de Lorraine et des p-o-yjpces voisines, car tas provinces ^isfcaiei&t 8f>-fipre, Avait été pro posée, à Kancy, dès le mois d'octobre 1789. L'exécution de ce projet n'avait trouvé qu'un obstacle, le choc des opinions qui divisaient les citoyens de .Nancy.
Au mois d'axr(il dernier* l'exemple de plusieurs
départements ne laissa plus de prétexte, et la fé dération fut décidée et annoncée.
Les officiers du oég«ment de Mestre de camp avaient eu le bon esprit de prévenir l'envie que leurs cavaliers devaient avoir de partager Je serment et la joie de cette fête.
ilg ne voulurent pas cependant placer les officiers du régiment du roi dans tune .situation désagréable.
Ils se rendirent chez le commandant de ce régiment, pour l'instruire de 1a résolution prise de conduire leurs soldats à la fédération.
Cet avis fit naître de grandes difficultés. Le régiment n'avait pas d'ordne pour se coaliser avec «les citoyens. Il fallut bien se décider pourtant à faire, a u moins es partie, ee que Mestre de camp faisait.
Nouvel embarras sur la question de savoir ai le régiment du roi y porterait un drapeau ; mais le régiment de Mestre de .camp y portait un de ses étendards et même l'étesdard rouge. 11 fal lut bien encore céder sur Je drapeau.
Ces petites résistances .n'étaient point ignorées, et l'on peut juger de l'impressioa qu'elles devaient faire 6ur l'esprit du soldat et du citoyen.
Cependant la fédération fut faite d'une juaniène décentes il parait même certain que les soldats n'y furent pas seulement spectateurs, «et qu'ils prêtèrent le serment d'alliance civique. Cette «cérémonie enfin n'eût laissé aucune.traoe désagréable., sans quelques observations qui., pour des esprits déjà mai disposés, ne devaient pas .attester ,1e patriotisme des officiers du régiment du roi.
On remarqua que les officiers du détachement 'était tous en habits négligés,, en .redingote (uniforme; mais le temps étaiil excessivement froid.
On remarqua que plusieurs pelotons, défilant devant la garde nationale» ne lui avaient pas rendu les honneurs militaires, et qu'ils avaient laissé l'arme au bras ; mais ,le second .lieutenant-colonel du régiment affirme en avoir donné d'ordre, et plusieurs soldats l'attestent.
Enfin, suivant la déclaration d'un seul soldat, un jeune officier avait craché devant le drapeau national, et tenu .hautement un propos plus sale encore &t plus méprisant que son ,geste-
Nous Je répétons avec plaisir., et c'est une justice de dire q.ue les anciens officiers ne paraissent pas avoir partagé cette indiscrétion contagieuse.
Vers le milieu du mois d'avril, le régiment s'était tumultueusement opposé à ce que M. La Launencie prit le commandement, eu qualité de premier lieutenant-colonel. Les soldai, interrogés en grand nombre, vont -tous répondu que ie seul motif de ce mouvement d'insubordination, était la sévérité extrême de M. La Lau-rencie dans le commandemeat militaire.
Les plus mutins, au nombre de trente-cinf, furent enaor.e renvoyés a%ec des cartouches jaunes.
Six semaines après, dans les derniers jours du mois de mai., un soldat raconte à ses camarades que, la veille, étant en sentinelle à la PépMè#e, entre dix heures du soir et minuit, il a vu le nommé Roussière, soldat du régiment du roi,,en habit bourgeois, l'épée au côté;, et un bonjjet de poil sur la itêie, provoquer au combat deux «citoyens qui se promenaient sur la terrasse de la Pépinière; qu'il a vu également quatre officiers du régiment du roi, MM. Cheffontaine frères, Bissy et Charitte, dont l'un avait une épée nue sous le bras, suivre, à dix pas, te nommé Roussière; que les officiers ordonnèrent à lui sentinelle d'arrêter les deux bourgeois; qu'il observa
que, dans ce cas, il était indispensable d'arrêter ainsi Roussière; qu'alors les officiers, s'adressant à Roussière, lui dirent : Viens-t'en, il n'y a rien à faire.
Ce propos circule : On dit que le même jour, une autre sentinelle, en faction devant la chambre des comptes, a vu le nommé Roussière entrer, en habit de soldat, avec les quatre officiers nommés, dans une maison située vis-à-vis de la chambre des comptes, et sortir, quelque temps après, de la même maison avec les mêmes officiers, en habit bourgeois.
Les esprits s'échauffent dans le régiment. On cherche, on saisit Roussière..... Interrogé, il avoue qu'il était sollicité à cette action par MM. Cheffontaine, Rissy et Charilte : il est mis au cachot, par ordre de 1 étal-major.
Les soldats demandent que son procès soit fait, et qu'il soit passé aux banderoles. Les officiers le condamnent à trois mois de cachot.
Cette peine paraît trop douce aux soldats ; ils craignent surtout qu'on ne fasse évader le coupable, et que la vérité ne s'échappe avec lui : ils demandent encore un jugement qui condamne Roussière aux banderoles et à une expulsion honteuse.
Sur les représentations des officiers, qu'il faut un ordre du ministre pour infliger une semblable peine, ils se contentent de l'expulsion.
Roussière est amené au milieu du quartier. Le nommé Rourguignon place sur sa tête un bonnet : de papier, sur lequel on lit, d'un côté: Iseariote; et de l'autre : C'est ainsi que l'honneur punit la bassesse.
M. Montlue cadet voit placer le bonnet, et s'écrie : Que fais-tu là, grenadier ? Rourguignon répond : Vous le voyez, mon officier. M- Montlue ajoute : Tu me le payeras.
Nous retrouvons bientôt le frère de cet officier et ce grenadier dans une scène dont les conséquences ont été bien dangereuses.
Enfin Roussière est conduit jusqu'aux portes de la ville par un détachement de soldats, sans officiers; el MM. Cheffontaine, Rissy et Charitte, compromis par la déclaration de Roussière, et par celle du nommé Ràsile, sentinelle sur la terrasse de la Pépinière au moment de l'attaque, disparaissent quelques jours après.
Voilà les détails certains de cette aventure, tels que les plus soigneuses recherches ont pu les développer devant nous.
Les anciens officiers disent que les jeunes officiers impliqués dans cette affaire ont cru devoir s'absenter avec permission. Ils ajoutent, tout bas, que, suivant toutes les apparences, ces officiers ne reviendront pas au régiment.
Us ajoutent qu'immédiatement après l'aventure, tous les officiers assemblés déclarèrent entre eux que le premier, quel que fût son grade ou son âge, qui compromettrait l'honneur de ses camarades, soit avec les soldats, soit avec les gardes nationales ou les citoyens, serait irrémis-siblement chassé.
Le livre des punitions ne donne aucun renseinement sur ce fait; on y voit seulement :0 mai 1790, Roussière, trois mois de cachot, chassé avec un congé jaune, pour s'être déguisé, être sorti après l'appel, et avoir été dans la Pépinière chercher dispute à des bourgeois.
Cet événement fut un grand mal; la faute des officiers n'était point douteuse pour les soldats ; ils murmurèrent de ce que la faute n'avait été ni constatée, ni punie.
Le comité des soldats du régiment du roi
s'était foraié dans le printemps : son origine est obscure; il paraît qne son premier objet a été de s'assembler pour lire les papiers publics; bientôt on a parlé de la discipline du corps; et les soldats, créateurs de ce comité, ont cru que cet objet ne leur était point étranger.
Ce qui est certain, c'est que, jusqu'à la fin du mois de juillet, il n'a été question ni de comptes à faire, ni d'argent à réclamer.
La fédération s'est passée avec joie et décence, le 14 juillet dernier, et les apparences de la concorde générale devaient promettre une paix solide ; les soldats ayant désiré donner chacun une livre de pain aux pauvres, le conseil d'administration du régiment fit distribuer à chacun d'eux 3 sous pour cette livre de pain, et 24 sous pour sa dépense personnelle.
C'est quelques jours après la fédération, qu'un nombre de soldats, on l'évalue à 5 ou 600, se mirent à crier dans le quartier : Point de comité, nous ne voulons être gouvernés que par nos officiers.
Quelques soldats disent que cette réclamation avait été sollicitée et provoquée par les officiers.
D'autres assurent que les membres du comité s'arrogeaient une certaine autorité sur leurs camarades ; qu'ils avaient des portefeuilles dans leur poche, sur lesquels ils inscrivaient le nom des soldats qui leur déplaisaient, les menaçant d'une punition quelconque.
Quoi qu'il en soit, les officiers crurent pouvoir moins profiter de cette disposition : ils firent courir dans les chambrées un ordre, par lequel ils déclaraient « que plusieurs soldats s'étaient réu-« nis, sous des formes défendues par l'Assemblée « nationale, à tous les citoyens, et surtout aux « soldats; mais que le bon esprit de ceux du ré-c gimcnt n'avait pas donné à leurs chefs la moin- are inquiétude sur l'irrégularité de telles as-« semblées; qu'ils voient avec plaisir que le « vœu général est que par la suite elles n'aient « pas lieu ; qu'ils nè désirent pas connaître les « auteurs ; que les soldats qui ont quelques de-« mandes à faire, trouvent dans l'ordonnance « des moyens très sages ; et qu'enfin les soldats i ne pourraient douter que leurs chefs ne soient « heureux qu'autant qu'ils peuvent contribuer à « leur bonheur. »
Le lendemain, dispute au cabaret, entre plusieurs soldats fusiliers et deux grenadiers membres du comité : l'inégalité du nombre indique assez les agresseurs. Les grenadiers courent au quartier, et répandent qu'on a voulu les assassiner, parce qu'ils sont membres du comité; les compagnies de grenadiers s'irritent ; on cherche, on saisit les agresseurs, on les maltraite, on les traîne en prison.
Les officiers interviennent, les font sortir de prison; mais bientôt après ils sont forcés de les y replacer ; et enfin la municipalité conseille de les transférer à la tour où ils sont encore (1).
Il résulte des procès-verbaux de la municipalité, que cette querelle a causé dans tout le régiment la plus grande agitation ; que trois fois Tes officiers ont requis la municipalité de se transporter aux casernes ; que le commandant de la place a annoncé le dessein pris par les soldats de se rendre à Paris avec leurs armes et la caisse militaire ; qu'il a demandé le rassemblement des
gardes nationales et les préparatifs de la loi martiale ; que la municipalité a envoyé trois fois des députés au quartier.
Et ce qu'il est impossible de ne pas remarquer, c'est que les trois députations ont rapporté à la municipalité que tout était tranquille, et que les soldats étaient disposés à se conformer aux désirs des officiers municipaux.
Aussi la municipalité, en présence du commandant lui-même et des officiers, décidait qu'il n'y avait lieu à délibérer, et le commandant et les officiers se retiraient en remerciant la municipalité.
On a fait grand bruit de cet événement ; l'objet principal était de vérifier l'accusation portée par quelques soldats contre leurs officiers.
Ils disent que ces neuf agresseurs étaient des spadassins payés par les officiers pour assassiner les membres au comité.
Il est très vrai que, par une réunion assez étrange, les neuf soldats agresseurs étaient presque tous des plus fins tireurs d'armes du régiment, et quetles deux soldats attaqués étaient deux membres''du comité.
Mais nous avons interrogé séparément ces neuf soldats, et en plus grand nombre d'autres soldats intéressés à les accuser, et nous n'avonsrecueilli aucune preuve de cette connivence.
Seulement, quelques déclarations nous ont appris que ces tireurs d'armes avaient été plusieurs fois entendus, parlant de l'argent qu'ils allaient dépenser au cabaret, comme d'un argent qui n'appartenait à aucun d'eux, mais qui appartenait à tous.
Les accusateurs disent,dans leur mémoire, que l'un des neuf accusés a reçu 6 livres de M. Compiègne, officier, et qu'interrogé sur cette libéralité M. Compiègne a répondu que c'était pour le récompenser de s'être battu contre un citoyen.
Il est vrai que M. Compiègne avait publiquement donné le même jour ou la veille 6 livres à l'un d'eux, nommé Riondé.
Il est vrai que Riondé, le jour même ou le lendemain de la fédération du mois d'avril au mont Sainte-Geneviève, époque à laquelle M. Compiègne n'était pas au régiment (1), s'était battu contreun garde national de Nancy ; mais le reste n'est pas prouvé.
Au surplus, tous les soldats bientôt vont se réunir en faveur des membres du comité; et cet accord, plus funeste peut-être que la division qui les agitait, ne peut être attribué qu'aux promesses faites à chaque soldat de l'intéresser au résultat lucratif des délibérations.
C'est à cette époque, sans doute, que le comité s'est occupé des comptes, et l'on sait que déjà plusieurs régiments avaient entr'eux une correspondance établie sur les formes et les objets de leurs réclamations.
Déjà ces comptes avaient agité la garnison de Metz, et le voisinage des deux villes devait accélérer la contagion de l'exemple.
Nous touchons au commencement d'un grand trouble.
Le 2 août dernier, un grenadier était de garde à la porte royale, c'était Bourguignon, celui qui avait placé sur la tété de Roussière l'inscription Ucariote; la garde de ce poste était commandée par M. Montluc, c'était le frère de celui qui avait alors menacé Bourguignon.
Notre devoir est de rappeler cette circonstance.
Les anciens officiers nous ont dit, à Nancy, qu'il existait une ancienne règle militaire, au désir de laquelle, la retraite battue, tous les soldats de garde à la porte royale devaient demeurer dans l'enceinte formée par les colonnes qui soutiennent cette porte; que cette contrainte était, depuis longtemps, négligée par des officiers plus tolérants; mais que M. Montluc était, plus qu'un autre, sévère observateur de la règle.
11 veut la faire exécuter; un d'eux s'y refuse, tous les autres soldats imitent son exemple : en descendant la garde, l'officier ordonne que Bourguignon soit conduit en prison, comme auteur de l'insubordination.
Toute la compagnie s'y oppose, le commandant de la place interdit la compagnie; toutes les compagnies de grenadiers refusent le service, le commandant de la place interdit toutes les compagnies de grenadiers; le régiment entier refuse le service, le commandant de la place interdit tout le régiment et requiert la municipalité de rassembler les gardes nationales pour faire le service, conjointement avec le régiment de Château vieux et Mestre de camp.
La fermentation était effrayante, le régiment voulait faire le service, malgré l'interdiction prononcée par le commandant : il s'était armé. Les Suisses et les cavaliers de Mestre de camp, commandés pour remplir les postes, obéissaient encore : le carnage pouvait être prévu par les moins pusillanimes.
Alors le commandant, à son tour, est requis par la municipalité de lever son interdiction ; il cède et tout rentre dans l'ordre, pour bien peu de temps.
La nouvelle de celte insubordination criminelle, entre autres motifs, a provoqué le décret du 6 août. Les soldats disent eux-mêmes que, le 9 de ce mois, ce décret était connu à Nancy par les papiers publics.
C'est précisément le 9 que deux soldats par compagnie, ie régiment étant en bataille, sortent des rangset demandent que Messieursde l'état-major se rendent chez M. le major pour entendre la lecture de leurs récriminations (1).
Bientôt après, l'appartement du major n'étant pas assez vaste, le rendez-vous est donné au quartier, et cinq officiers supérieurs se rendent à cette assemblée de soldats.
Un d'eux, le sieur Paumier, lut un mémoire, à chaque article duquel les officiers répondaient qu'ils n'avaient aucune connaissance de l'administration des finances.
La grande difficulté était sur l'existence des registres, les soldats voulaient remonter jusqu'à 1767, époque de la mort de M. de Guerchy; le trésorier, vieillard de 78 ans, assurait qu'il n'en existait plus qu'un, celui commencé en 1775: on dit que les soldats mirent ce vieillard aux arrêts pour quelques heures.
Les esprits s'échauffèrent, et, malgré les rapports divers sur celte séance, passée dans l'intérieur du quartier, il faut bien que quelques actes de contrainte aient été exercés contre les officiers supérieurs, puisqu'on voit, dans les procès-verbaux de la municipalité, une lettre écrite au corps municipal, à huit heures du soir, et par laquelle le commandant de la ville expose que les grenadiers et quelques soldats se permettent de consigner leurs officiers; que même il y a eu des
voies de fait contre ceux qui se présentent à la grille, des menaces de tirer et de plonger la baïonnette.
Ort voit, par le même procès-verbal, qu'au même instant une députation de soldats est introduite; elle venait communiquer au corps municipal une lettre, dont il sera bientôt question, écrite par le commandant de la ville au commandant du régiment, et demander s'il était vrai que le commandant de la ville eût réclamé la loi martiale.
On les interroge sur le sort de leurs officiers, on leur représente que, d'après le décret du 6 août, bien connu d'eux, le compte auquel ils faisaient procéder était absolument illégal. Ils répondent que leurs officiers sont libres et en sûreté ; que le décret du 6 n'est point sanctionné, et qu'ainsi il n'a point force de loi; qu'ils préviendront au surplus la municipalité du moment où la séance serait levée.
À dix heures, la séance n'était pas levée; la municipalité envoie son secrétaire.
Il rapporte qu'il a été reçu avec respect et honnêteté ; que les soldats lui ont répondu que dans un instant les officiers seront libres ; qu'ils invitent M. de Noue (c'est le commandant) à se tranquilliser et à ne point alarmer ia ville par ses craintes; qu'ils sont reconnaissants de la sollicitude de la municipalité; qu'ils le chargent de lui en témoigner leur sensibilité, et de lui demander la continuation de ses bontés et de sa protection.
Avec ces formes douces, l'indiscipline continuait; les soldats se hâtaient même de terminer avec les officiers avant la sanction du décret.
Le lendemain, nouvelle séance, à laquelle les officiers assistèrent encore volontairement; le résultat fut que les officiers délivrèrent aux soldats provisoirement une somme de 150,000 livres.
Les officiers disent que cette somme leur a été arrachée par violence; les soldats disent le contraire.
Il est très vraisemblable que ce payement provisoire n'a pas été volontaire de la part des officiers.
Cependant il ne faudrait pas, sans preuve, admettre que les soldats eussent ajouté un nouveau crime, celui d'une violence effective, au crime de violer un décret bien connu d'eux, quoiqu'il n'eût pas été promulgué.
Les officiers ont payé 150,000 livres; et s'ils ont cédé à la violence, on doit s'étonner qu'ils n'en aient consigné aucune plainte dans les procès-verbaux de la municipalité ou du directoire.
D'ailleurs, nous avons une instruction écrite de la main même d'un officier supérieur du régiment du roi, présent à la séance dans laquelle il est dit « qu'il fut avoué par un des officiers « supérieurs, que probablement ils pourraient « obtenir la rentrée de quelques retenues qui « avaient été faites aux soldats ; retenues que « l'ancien régime et l'ueage de presque tous les « corps avaient autorisées; qu'on cria de toutes « parts : de l'argent! de l'argent! Que les officiers « proposèrent 100,000 livres, qu'on en demandait « 200,000; qu'un soldat, en réclamant la con-« fiance qu'il avait, disait-il, méritée, parvint à « faire convenir que l'on se contenterait de « 150,000 livres, et que l'on ne demanderait plus « d'acomptes avant Je jugement de l'Assemblée « nationale, auprès de laquelle on solliciterait « un décret particulier; que cette promesse a été « renouvelée deux jours après (le 12 août) chez
« le commandant du corps et en présence de deu£' « officiers municipaux; que les offieiers supé-« rieurs ont rendu compte, en détail, des motifs « qui les avaient déterminés; qu'ils craignaient « que leur refus n'aigrît trop les esprits, et ne « compromît les autres officiers du corps. »
Cette somme de 150,000 livres, donnée le 10 août aux soldats du régiment du.roi, fut un poison pour la ville de Nancy; on peut la considérer comme une des causes de ses derniers désastres; elle produisit deux effets bien funestes.
Le premier fut de rallier étroitement à la cause des soldats la dernière classe des habitants de Nancy ;
Le second fut d'égarer les deux autres régiments en garnison dans la même ville, qui jusqu'alors étaient restés obéissants et fidèles.
Cette somme de 150,000 livres produisit à chaque soldat 73 livres 4 sous, qui furent versées dans leurs sociétés ordinaires de la ville, en dépenses de toute espèce; et ce qui fut plus funeste encore, c'est le bruit répandu en même temps qu'il revenait, en outre, 500 livres à chaque soldat.
Plusieurs déclarations des deux au Ires régiments nous ont appris qu'à cette époque ils avaient été déjà visités par quelques membres do comité du régiment du roi, qui venaient leur offrir leurs services pour le même objet.
Les deux autres régiments, Mestre de camp et Château vieux, n'étaient pas entièrement ébranlés; mais au moment des 150,000 livres distribuées aux soldats du régiment du roi, les Suisses et les cavaliers ne purent voir sans attrait cette richesse distribuée à leurs camarades, et dès le lendemain la contagion éclata par une scène dont les suites seules ont pu parvenir à notre parfaite connaissance.
Le lendemain, 11 août, deux soldats suisses ont passé aux courroies dans l'intérieur des casernes, et l'on dit qu'une heure a suffi pour l'accusation, la procédure, le jugement et l'exécution.
Les causes du jugement et les instigations surtout à la recherche desquelles nous étions employés ne pouvaient êlre exactement constatées que par la procédure ; nous l'avons demandée. Les officiers suisses ont opposé avec succès leurs capitulations qui les dispensent, disent ils, de communiquer leurs procédures à tout autre qu'à leurs cantons.
Nous nous sommes bornés à désirer des renseignements sur la procédure ; nous n'avons pas dissimulé l'objet et le pouvoir de notre commission; les décrets mêmes dont nous étions porteurs ont été exhibés et lus. M. de Salis, major de Cbâteauvieux, nous a dit que les officiers faisaient un mémoire; que le premier exemplaire serait envoyé à M. le comte d'AI'fry, qui le communiquerait, s'il le jugeait à propos, au ministre, ét peut-être à l'Assemblée nationale; que ce mémoire serait public et qu'il nous parviendrait aisément.
Il a dit vrai : le mémoire a été imprimé, vendu à Nancy, et nous l'avons acheté.
Nous ue pourrons pas en faire un grand usage; nous dirons seulement que le ton de ce mémoire ne dispose pas à une confiance sans borne?, pour tou3 les détails, pour tous les faits particuliers dont les conséquences seraient d'immoler à la conservation d'un régiment étranger deux régiments français, la garde nationale de Nancy, et même une grande partie des habitants de cette viile.
S'il faut, à la place de ces renseignements refusés, mettre toutes les connaissances que nous
avons acquises par d'autres moyens,, nous dirows que toutes les déclarations des citoyen s, tootesr celles des soldats de Ghâteauvieux, interrogés dans les prisons, les déclarations mêmes de quelques officiers des autres régiments, se réunis^ sent à ce seul points que le crime des deux soldats condamnés était d'avoir été députés par leurs camarades pour demander des comptes à leurs officiers.
Dans le mémoire dont nous venons de parler, l'accusation portée par les soldats est aussi relative à des comptes et au projet d'engager leurs camarades à faife les réclamations Us plus absurdes.
M. de Salis, lui-même, a bien voulu nous dire qu'ils avaient été trouvés saisis d'écrits incendiaire», tendant à demander des comptes ; que la loi les condamnait, comme séditieux, à être pew-dus; qu'on leur avait fait grâce contre son avis, et qu'il était persuadé qu'une plus grande sévérité eût été plus heureuse dans ses conséquences.
Il serait difficile de le croire : et si l'idée ré-pândne d'une injuste Sévérité a donné à cette expédition judiciaire des suites affreuses, il sera naturel de penser qu'une plus grande sévérité eût entraîné de plus grands excès.
Us ont été terribles. L'exécution était à peine achevée qué le quartier des Suisses était environné de la multitude; on disait hautement que les deux condamnés avaient été les victimes de l'injustice et de l'avidité de leurs officiers ; qu'ils étaient punis pour avoir demandé les comptes du régiment ; que le décret du 6 août ayant autorisé les comptes, ces Suisses ne pouvaient être coupables qu'à des yeux ennemis des décrets.
La fermentation devint prodigieuse : les officiers et les soldats eux-mêmes furent injuriés, menacés, maltraités; les femmes et les enfants (es poursuivaient dans la rue, à grandes huées et à coups de pierres ; les officiers S'armèrent de pistolets; M. de Salis, major, se plaint d'avoir été mis en joue par un garde national ; et ce garde national, dont nous avons la déclaration, atteste de son côté que M. de Salis, poursuivi par la multitude, lui a présenté le pistolet et lai eu a fait le lendemain des excuses.
Les procès-verbaux de la municipalité attestent que les gardes nationaux ont été commandés et qu'ils ont agi pour le rétablissement de l'ordre.
Mais le mal avait fait des progrès rapides : toute idée de subordination est désormais perdue.
Les soldats des deux autres régiments, facilement persuadés que les deux Suisses sont innocents, envoient une députation aux caserne» de Château vieux -t qui force les portes de 1a prison» délivre les deux condamnés, oblige, les armes à la main, le lieutenant-colonel à les rétablir, les promène en triomphe par la ville, et finit par leur donner asile, à l'un dans les casernes du régiment du roi, à l'autre dans les casernes de Mestre de camp.
D'autres soldats posent des sentinelles à la porte de tous les officiers suisses; d'autres cherchent le major, obligé de s'évader et de rester caché pendant trente-six heures. Les officiers, il faut le dire, avaient signalé l'intention de partir : leurs malles étaient faites, et le soir même les deux capitaines des deux Suisses condamnés se sont réellement absentés*
Jamais le décret du 6 n'avait été plus nécessaire, au moins sera-t-il respecté»
Il a été proclamé le lendemain 12 août. Le commandant de la ville avait ordonné tfue la proclamation, pour le régiment du roi, serait farte dans son quartier : au mépris de cet ordre, le régiment s'est rendu sur la place royale; les deux autres régiments sont venus aussi s'y placer.
Les deux Suisses punis la veille étaient dans les rangs, l'un du Mestre de camp, l'autre du régiment du roi.
Un nouvel épisode est venu augmenter la licence.
On a vu, le 9, une députation des soldats du régiment du roi introduite à la municipalité pour lui communiquer une lettre écrite par M. de Noue» commandant de la place, à M. de Balivière, commandant du corps.
Dans cette lettre, M. de Noue disait que l'Assemblée nationale s'occupait de réprimer le brigandage des troupes.
Ce mot choquait les soldats : ils voulaient des réparations :~M. de Noue, se croyant menacé,, s'était retiré à la municipalité et ne voulait paraître qu'avec des précautions convenables à sa sûreté. Des grenadiers et des chasseurs sont venus donner la parole des soldats, que le commandant serait respecté.
Il est descende avec les officiers municipaux en écharpes et les administrateurs du département ; un soldat (on nomme le sieur Paumler) s'est présenté hors des rangs, et a lu à haute voix la lettre dont il s'agit : M. de Noue a dit, qu'ayant toujours été satisfait du régiment du roi, y ayant servi pendant trente ans, il n'avait jamais eu l'intention de leur appliquer l'expression de brigand; qu'au contraire, tl les regardait tous comme des militaires pleins d'honneur.
Ce sont ies propres termes de sa réponse consignée dans les procès-verbaux de la municipalité.
Cela dit, il fait le tour des quatre bataillons, accompagné des administrateurs du département et des officiers municipaux.
On peut juger de l'empire que les soldats exerçaient déjà sor la ville entière.
Le décret est enfin proclamé: quel effet celte proclamation a»t-elle opéré?
C'est le même soir que des détachements de toutes les troupes promènent dans les rues les deux suisses condamnés, avec un désordre alarmant ; c'est le même soir qu'ils forcent le lieutenant-colonel à délivrer à chacun d'eux six louis pour son décompte et cent louis pour indemnité»
On nous a dit que les sieurs Carême et Lyonnais, deux citoyens de Nancy, étaient à la tête des soldats et de la multitude, lors de cette expédition ; qu'ils sont même désignés par la procédure qui sera pour eux un moyeu d'expliquer leurs motifs
Ces deux suisses, au surplus, ont été successivement incorporés dans le régiment du roi, dans le régiment de Mestre de camp, et dans la garde nationale, pour une plus parfaite réhabilitation : ils reçurent successivement des congés de ces trois troupes, et s'éloignèrent de la ville.
C'est le même soir, 12 août, que les Suisses ont commencé à tenir leurs officiers captifs dans leurs quartiers pour faire leurs comptes.
C'est le lendemain, 13 août, qu'ils forcèrent leurs officiers à leur délivrer provisoirement une somme de 27,000 livres, qui fut prêtée par M. Vaubecourt, citoyen de Nancy.
C'est le même jour, 13 août, que les soldats du régiment du roi, assurant que le décret proclamé la veille ne leur était point applicable, s'obsti-
nèrent à vouloir continuer leur compte; ils répondirent seulement à une députation de la municipalité, qu'ils ne toucheraient pas à la caisse du régiment, jusqu'à ce que le compte fût également arrêté: cette promesse ne captiva point la confiance du commandant de la ville, qui lit mettre une garde de maréchaussée à la porte de la caisse.
C'est le même jour, 13 août, que les cavaliers de Mestre de camp demandèrent de l'argent; qu'ils se saisirent du quartier-maître, mirent une garde à leur caisse, et que leurs officiers s'adressèrent à la municipalité pour emprunter l'argent dont ils pourraient avoir besoin.
Le bouleversement élait universel.
C'est le même jour, 13 août, que les Suisses viennent, avec leur musique et une foule innombrable, demander à la municipalité la permission de donner un souper aux soldats des autres régiments, et la municipalité se contente de leur recommander la paix.
C'eSt le lendemain, 14 août, qu'un détachement de 200 hommes du régiment du roi vient enlever la caisse du régiment sous les yeux mêmes de la municipalité, et malgré ses fortes représentations; elle est présentée chez le major qui la refuse, et de là transportée dans une chambre du quartier.
Les soldats disent que l'enlèvement de la caisse n'avait été fait que d'après la décision de leur comité, et qu'ils n'avaient été portés à cette démarche que par la honte de voir leur caisse gardée par la maréchaussée.
Il faut convenir, au moins, que leur conduite n'a pas manifesté un motif plus criminel ; ils ont dressé un procès-verbal de ce que la caisse contenait, et lorsque, par un mouvement de repentir, ils l'ont rapportée le lendemain, elle a été trouvée intacte, de l'aveu même des officiers.
Cette subversion effrayante de toute règle a déterminé, dans la nuit du 14 au 15, les corps administratifs et le commandant de la place, à mettre sous les yeux de l'Assemblée nationale et du roi, le danger imminent de la ville; et, comme on voit, tous les faits qui ont déterminé le décret du 16, sont exacts ; à l'exception de ce projet formé par les soldats, de conduire le sieur Paumier sur un char de triomphe qui serait traîné par les officiers.
Nous n'avons trouvé de ce projet aucune preuve, aucun indice, aucune trace; les soldats le nient formellement. Les officiers conviennent eux-mêmes que ce bruit n'a eu aucun fondement raisonnable.
Il faut dire encore que, pendant ces orgies bruyantes et tous ces effets de l'indiscipline la plus criminelle, la sûreté individuelle et les propriétés du citoyen n'ont point été compromises.
C'est le lendemain 15 août, que les cavaliers de Mestre de camp, tenant leurs officiers captifs aux casernes, les contraignent à leur délivrer une somme de 24,000 livres prêtée par la municipalité.
Le même jour, et dans le temps même que Mestre de camp se rendait coupable, les deux autres régiments cessaient de l'être.
On dit que le régiment du roi n'avait pas vu, sans inquiétude, la multitude qui jusqu'alors lui avait prodigué ses cris encourageants, garder le plus profoud silence, au moment où la caisse enlevée la veille traversait la place royale.
Quoi qu'il en soit, par une lettre adressée à tous les soldats du régiment du roi, les membres du comité de ce régiment leur apprennent qu'ayant
consulté les bons patriotes, ils croient devoir changer de marche, et nommer, parmi les membres du comité, huit hommes qui, après avoir obtenu des chefs l'argent et les congés nécessaires au voyage, se rendent chez M. du Châtelet, ou en droite ligne à l'Assemblée nationale.
Les chefs y consentent, délivrent des congés et une somme de 3,000 livres pour le voyage, et ces huit députés du comité du régiment partent le même jour.
Le même jour, les Suisses témoignent leur ré-pentir, conjurent leurs officiers de les recevoir à résipiscence, rentrent sous la discipline ordinaire, et prononcent un nouveau serment d'être fidèles à la nation, à la loi et au roi; ils ne rendent pas cependant encore les arrêtés décomptés qu'ils avaient fait souscrire à leurs officiers.
Les soldats du régiment du roi avaient prêté le même serment.
La paix paraît rétablie, et du moins jusqu'au 25, aucun trouble public n'affligera la ville de Nancy.
Le décret du 16, sanctionné par le roi, est arrivé le 19.
Ce décret a été transcrit sur tous les registres du département, de la municipalité et du bailliage; il a été imprimé ; des exemplaires, en grand nombre, ont été distribués aux chefs des corps qui se sont chargés de le faire passer aux chambres. Des preuves nombreuses constateront qu'il a été connu des soldats.
Mais il n'a été ni proclamé à la tête des troupes, ni publié dans la ville, ni affiché.
Nous avons demandé les motifs de ce défaut de proclamation, de publication et d'affiche.
Ces motifs sont dans une lettre répondue par les administrateurs du département, qui observent : 1° que, dans la rigueur des principes, la publication à la tête du corps et l'affiche n'étant point ordonnées par le décret lui-même (1), comme elles l'avaient été par le décret du 6, les corps administratifs n'ont été astreints qu'aux formalités prescrites par le décret lui-même; 2° que dans les conférences qui ont été tenues le même jour entre les administrateurs du département, les officiers municipaux, le3 principaux officiers de la garnison et de la garde nationale, l'affiche a paru d'un usage infiniment dangereux pour la sûreté publique, et qu'aucun moyen n'a semblé suffisant pour arrêter l'explosion qu'elle pouvait entraîner; 3° et enfin que la garde nationale, lorsqu'elle a offert sa médiation pour faire rentrer la garnison dans l'ordre, a demandé expressément qu'on suspendit l'affiche de la loi, en assurant qu'elle serait capable de porter les trois régiments aux dernières extrémités.
C'est ici qu'il faut rendre à la garde nationale de Nancy une justice complète, et l'Assemblée nationale a daigné déjà lui en témoigner sa satisfaction.
La nouvelle du décret du 16, et plus encore la nouvelle de l'arrestation des huit hommes envoyés par le comité du régiment du roi, avaient excité quelque fermentation.
Tous les membres du conseil d'administration delà garde nationale se sont préseutés pour calmer les esprits, les entretenir dans l'ordre et la paix, et leur offrir une médiation fraternelle.
Ces efforts ont reçu les éloges du département, consignés dans son procès-verbal du 22; ils ont
été sincèrement applaudis par tous les corps administratifs et par les chefs des trois corps militaires.
Il fut convenu que ces trois corps feraient Un acte de repentir et de soumission, et que la garde nationale enverrait deux députés à Paris pour implorer l'indulgence de l'Assemblée nationale.
En conséquence, le 20 août, les trois régiments signent l'acte suivant :
« Cejourdhui 20 août 1790, nous soussignés, « sous-officiers, grenadiers, soldats et cavaliers « des régiments du roi, infanterie; Mestre de « camp général,cavalerie;etChàteauvieux,suisse, « composant la garnison de Nancy,
« Ayant reçu une députation en forme de la « garde nationale de ladite ville de Nancy, qui, « nous a représenté, avec autant d'énergie que « de patriotisme, les conséquences fâcheuses des « erreurs dans lesquelles nous aurions pu tomber ; « désirant ne laisser aucun doute sur les senti-« ments dont nous sommes animés, et prouver « à l'Assemblée nationale l'absolu dévouement « dont nous sommes pénétrés pour la nation :
« Supplions l'Assemblé nationale, Sa Majesté et « nos chefs d'oublier les erreurs que nous au-« rions pu commettre; nous promettons et assu-« rons sur notre honneur d'exécuter ponctuelle-« ment toutes les règles de la discipline militaire, « et de ne jamais nous écarter des décrets de « l'Assemblée nationale, sanctionnés par le roi ; « nous invitons, en conséquence, Messieurs de la « garde nationale de porter aux législateurs notre « soumission la plus parfaite, comme aussi de « réclamer la liberté des députés du régiment du « roi, arrêtés à Paris, d'invoquer l'indulgence « de l'Assemblée nationale pour eux comme pour « nous-mêmes ; ils sont priés également de s'em-t ployer pour obtenir le redressement de nos « griefs et nous mettre en situation de ne laisser « aucun doute sur notre patriotisme et nos vrais « sentiments, promettant la soumission la plus « absolue pour tout ce qui sera décidé à cet « effet.»
Le 21, M. Pécheloche, aide-major de la garde nationale parisienne, arrive avec deux des soldats arrêtés à Paris. La présence de cet officier, la présence des deux députés, leurs discours ne font que confirmer la paix rétablie; les signes de cordialité sont prodigués.
Le 22, le 23, le 24, sont des journées également paisibles; rien n'annonçait un trouble nouveau : onattendait;et avec;contiance le retour des députés de la gardenationale; on espérait tout de lèur voyage.
Une cause nouvelle va replonger Nancy dans les plus grands excès et conduire cette ville infortunée, de désordre en désordre, jusqu'à la fatale journée du 31 août.
Ici les faits doivent être racontés avec la plus grande précision : les plus petits détails sont indispensables, et les déclarations uniformes, diverses et même contraires doivent être rapprochées et balancées.
M. Malseigne, maréchal de camp, arrive le 24, se présente à la municipalité, et annonce qu'il est envoyé par le roi pour l'examen des comptes des trois régimeuts en garnison à Nancy, et chargé de les ramener à l'ordre.
Le même soir, il se rend au quartier des Suisses avec M. Pécheloche, qui parvint à se faire remettre les arrêtés que les soldats avaient fait signer par leurs officiers; M. Malseigne travaille avec les députés du régiment : il alloue plusieurs
articles de réclamation ; il ne veut pas prononcer sur le dernier, et il est convenu, entre lui et les députés du régiment, qu'ils enverront et qu'il enverra de son côté un mémoire au ministre, pour être le jugement prononcé, par l'Assemblée nationale.
Un nommé Gérisier est chargé de rédiger le mémoire des soldats, et tous les députés invités à instruire leur corps de cette décision.
Suivant le mémoire des officiers, et il ne doit pas être suspect sur un fait de cette nature, M. Malseigne descend lui-même dans la cour du quartier, et il adresse aux soldats un discours dans lequel il expose leurs torts, met en opposition l'antique réputation de leur nation, représente combien cette nation doit être indignée de leur conduite, et finit par assurer qu'il leur sera accordé tout ce qui sera trouvé juste.
Les officiers ajoutent que l'effet de ce discours ne fut pas heureux.
Il faut bien que ce discours ait opéré un autre effet que l'effet attendu, puisque, le lendemain, suivant le même mémoire des officiers, les sol-, dats se plaignent d'avoir été insultés par M. Malseigne et voulaient satisfaction.
Le lendemain donc, c'est le 25 août, la fermentation dans le quartier des Suisses était assez grande contre M. Malseigne, pour que le lieutenant-colonel crût devoir l'engager à tenir sa séance à l'hôtel de ville.
Il voulut se rendre encore au quartier. Il demanda en entrant, au nommé Gérifier, si le mémoire était fait. Cérisier répondit que les soldats n'étaient point d'accord.
Ou demanda alors deux hommes par compagnie, pour donner le vœu du régiment sur le parti à prendre.
Ces hommes rassemblés, deux étaient d'avis que le général jugeât sur-le-champ ; deux voulaient être jugés par le canton suisse : tous les autres acceptaient le jugement de l'Assemblée nationale.
Le régiment était sous les armes dans la cour du quartier. On lui porta le vœu de la majorité. Ge vœu ne fut point accepté. Toutes les voix s'écrièrent : De Vargent, de l'argent, et que le général juge tout de suite.
Il descendit encore; son discours ne fit point d'impression. Les esprits s'échauffèrent : la rumeur devint grande. C'est là que les soldats se plaignirent d'avoir été insultés, la veille, par M. Malseigne. Quelques voix crièrent qu'il ne fallait pas le laisser sortir.
Il voulut sortir. Quatre grenadiers étaient à la grille.
M. Malseigne a fait, le même jour, à la municipalité le récit de^cette circonstance, et il a dit :
« Qu'alors il avait forcé la résistance qu'on lui « opposait, et qu'il se retirait, lorsqu'il vit ve-« nir à lui des soldats qui lui présentaient la « baïonnette et voulaient l'arrêter ; qu'il avait « tiré son épée pour leur faire le commande-« ment de se retirer; mais que ces soldats, le « menaçant et poussant près de son corps les « baïonnettes, il s'était vu forcé de parer les coups « et de se défendre; qu'il ne savait s'il en avait « blessé quelques-uns ; mais que son épée s'étant « rompue, il avait été obligé de prendre celie.du « prévôt général. »
Suivant le récit des officiers, les détails ne sont pas absolument les mêmes. M. Malseigne sorti, quelques soldats ont voulu l'arrêter, le sabre à la main : trois ont essayé de l'en frapper. Il a
paré, riposté, et les a blessés tous trois assez légèrement.
Suivant le récit des soldats interrogés, les détails changent encore. On n'a point présenté les baïonnettes au général, lorsqu'il a voulu sortir du quartier ; les fusils seulement ont été croisés. Le général sorti, deux soldats l'ont suivi, le chapeau à la main et le sabre dans le fourreau. Il a répondu paisiblement au premier. Le second, sans doute, lui a parlé avec insolence, puisque le général t'a blessé d'un coup d'épée. C'est alors que les soldats ont tiré le sabre.
Au milieu de ces variations, c'est au récit de M. Malseigne que la croyance paraît due. Il a été fait à la municipalité, en présence de trois soldais suisses qui en ont attesté la vérité ; il a été consigné dans un procès-verbal imprimé le même jour.
Ce qui est constant, c'est que cet officier général a été insulté et menacé ; que les soldats ont voulu, par force, l'empêcher desortir du quartier et le contraindre à y rentrer.
Ce que toutes les déclarations attestent encore, c'est que les Suisses blessés exaltèrent toutes les têtes déjà très échauffées. Malgré les efforts des officiers suisses, soixante soldats ou environ s'échappent du quartier, pour s'élancer sur les pas du général, qui se retire l'épée à la main, et sans précipitation, dans la maison de M. de Noue.
Elle est à l'instant même investie par les soldats ; Ja porte est enfoncée. Quelques officiers du régiment du roi et de Chàteauvieux défendent l'escalier avec intrépidité et sans armes.
C'est là que M. Pécheloche et M. Gouvernetont marché, avcc un détachement de grenadiers du régiment du roi; mais le calme était rétabli avant d'arriver à la maison du commandant.
Des piquets de Mestre de camp se présentèrent aussi avec de bonnes dispositions..
La garde nationale avait été également commandée, et c'est sous son escorte que M. Malseigne s'est rendu à la municipalité.
Une députation qu'il avait demandée, d'un homme par compagnie du régiment suisse, ect arrivée quelques instants après. Le général a renouvelé ses propositions.
L'opiniâtreté des Suisses a été extrême.
Ils ne voulaient point envoyer de mémoire à l'Assemblée nationale; ils craignaient d'envoyer des députés qui seraient, disaient-ils, arrêtés comme ceux au régiment du roi. M. Malseigne, MM. Gouvernet, Pécheloche, de Noue, le président de la commune, tous les officiers présents, tous les membres de la municipalité firent des efforts inutiles.
Les soldats du régiment du roi et ceux de Mestre de camp improuvaient hautement la conduite des Suisses dans celte affaire.
Ce sont les termes du procès-verbal de la municipalité, qui ajoute qu'aussitôt la séance levée, tous les grenadiers du régiment du roi, présents, nnt offert au général de le garder, et l'ont prié de prendre un appartement à leur quartier, où ils répondaient de la sûreté de sa personne; que les cavaliers de Mestre de camp ont fait les mêmes offres de service.
Toutes les déclarations attestent, à cette époque, les mêmes dispositions.
On adonné pour cette nuit à M. Malseigne une garde composée du régiment du roi, de Mestre de camp et de la garde nationale.
La journée du 26 .s'est passée en demandes superflues pour faire en tendre raison aux Suisses; toutes les propositions ont été refusées, même
celles de mettre en dépôt à la municipalité, jusqu'au jugement de l'Assemblée nationale, les sommes réclamées.
A sept heures du soir, M. Malseigne leur a intimé l'ordre de partir le lendemain pour Sarre-louis ; ils ont refusé, et M. Mafseigne a dressé procès-verbal de leur refus.
Les deux autres régiments n'ont encore montré que de bonnes dispositions: ils ont fait régulièrement le service commandé; et rien ne prouve qu'ils n'eussent pas marché contre le régiment suisse s'ils en eussent été requis.
Cependant leurs écarts passés n'ont pas permis, peut-être, de mettre eu eux une entière confiance, puisque, d'après les mesures concertées avec quelques membres du directoire du département et M.Malseigne, M. Desmottes, aidedecampdeM.de La Fayette, fit partir,dans la nuit même, vers les gardesnationales voisines de Nancy plusieurs courriers porteurs d'une lettre,, dont M. de La Fayette l'avait fait dépositaire, et qui contenait une invitation fraternelle aux gardes nationales, dans le cas où leur concours serait requis.
A cette lettre de M. de La Fayette, M. Desmottes en joignit une de lui-même, dans laquelle il apprend aux gardes nationales que les régiments paraissent être revenus à l'ordre; que M. Malseigne, offickr général,employé à Nancy, vient de donner l'ordre qu'il areçu pour faire partirdemain, 27, le régiment de Châteuuvieux ; que leur secours sera nécessaire, dans le cas où ce régiment ne voudrait point partir.
Ainsi la destination bien connue de ces gardes nationales n'était dirigée que contre le régiment de Chàteauvieux.
Nous avons dit que ces lettres n'avaient été envoyées que d'après des mesures concertées avec des membres du directoire ; et en effet, le lendemain 27, dès dix heures du matin, le directoire du département assemblé fit sa réquisition en ces termes :
« Vu la réquisition en date du jour d'hier adres-« sée au directoire du départementde la Meurtbe, « par M. deBouillé, officier général, etc.,
Toutes les gardes nationales du département « de la Meurtbe, armées de fusils, sont requises de « se rendre sans délai (l),enla ville de Nancy, pour « prêter mainlorte, conformément au décret sanc-« tionné par Sa-Majesté, à M. Malseigne,. officier « général, employé dans ladite ville pour t'exécu-« tion des derniers décrets sur la discipline naàli-« taire, en se joignant aux troupes qui y seront « employées de même, à l'effet de forcer le régi-« ment suisse de Chàteauvieux, rebelle auxdits « décrets, à rentrer dans l'obéissance. »
Cette réquisition a été sur-le-champ envoyée à la municipalité.
Ainsi, comme nous l'avons dit, la destination des gardes nationales était bien connue, et du département, et de la municipalité; elle n'était dirigée que contre les Suisses; les gardes nationales devaient agir conjointement avec les troupes sur
lesquelles on comptait encore dans la matinée du 27.
On ne voit dans celte matinée, ni de la part des officiers suisses, ni de la part de la municipalité, aucune tentative faite pour l'exécution de l'ordre donné Ja veille au régiment suisse de partirpour Sarrelouis. Suivant lesofficiers, comme on va fe voir, l'ordre de partir ne leur a été intimé que le lendemain 28.
Le même jour 27, les gardes nationales sont arrivées depuis dix heures du matin jusqu'au soir. Le zèle les avait rassemblés au nombre d'environ 4,000, et quoiqu'on n'eût demandé que ceux qui étaient armés de fusils, plusieurs venaient avec des bâtons, et tous sans munitions.
A mesure qu'ils arrivaient, on ne s'occupait que du soin de procurer à tous des logements et munitions.
On ne voit pas que, dans celte journée du 27 et jours suivants, aucune mesure publique ait été prise pour instruire ia garnison et les citoyens deNancy de la véritable destination des gardes nationales étrangères, encore moins pour les employer sur-le-champ.
Plusieurs d'entre ces gardes étrangers n'en étaient pas, eux-mêmes, précisément instruits, parce queles lettres de MM.de La Fayette et Desmottes et la réquisition du directoire avaient été remises aux municipalités et aux commandants des lieux d'où ils étaient partis.
On voit, dans la matinée du 27, les députés du régiment du roi venir au conseil général d'administration de la garde nationale, et là, témoigner les inquiétudes que tous leurs camarades avaient conçues sur l'arrivée en cette ville d'un grand nombre de gardes nationales étrangères; ils ont dit que d'aussi grandes forces étaient inutiles s'il ne s'agissait, comme quelques personnes cherchaient à le faire croire, quederéduire les Suisses de Ghâfeauvieux ; que la garde nationale de Nancy et le régiment du roi suffisaient bien contre ce petit nombre de soldats insurgents; enfin que le rassemblement de ces gardes donnait à leur corps un motif de croire que l'on suspectait sou patriotisme, et que l'on méditait quelque projet non seulement contre les Suisses, mais encore contre le régiment du roi.
On voit le commandant de la garde nationale obligé de répondre vaguement que la garde n'avait et ne pouvait avoir d'inquiétude sur l'arrivée de ses camarades et de ses frères; qu'il ignorait les motifs qui les avait fait appeler, mais que probablement, ils ne s'étaient mis en marche, conformément aux principes de la Constitution, qu'après en avoir été requis par le corps administratif de cette ville.
On voit, dans la même matinée, dix citoyens actifs se présenter à la municipalité, y témoigner les alarmes de leurs concitoyens sur l'arrivée des gardes nationales, dont ils ne connaissaient pas les motifs, et demander la convocation générale de la commune.
Et la municipalité, sans dire le motif de l'arrivée des gardes nationales, répond qu'elle n'a eu aucune influence sur leur arrivée; que ses pouvoirs se bornent à transmettre les réquisitions qui lui viennent du directoire.
Et quant à la convocation du conseil général de la commune, elle la refuse, par la raison que la municipalité est seule responsable de la tranquillité publique.
Ces inquiétudes que personne ne calmait s'augmentèrent par degrés. Cette idée que les gardes nationales étrangères soient arméescontre tous les
soldats de la garnison les fit circonvenir, et l'on ne peut pas douter que les soldats et cette portion de peuple intéressée à la cause des soldats n'aient employé auprès d'eux tous les moyeusde séduction.
C'est alors qu'on a commencé à douter de la mission de M. Malseigne; on disait que c'était un faux général ; qu'il venait avec M.de Bouille faire une contre-révolution : qu'il n'avait point de mission ; qu'il n'avait pas montré ses pouvoirs.
M. Malseigne dit que ses pouvoirs ont été lus à la tête du régiment suisse; mais on ne voit pas qu'aucune mesure publique eût été prise pour rendre ses pouvoirs certains et manifestes aux autres soldatsde la garnison, à tous les citoyens de Nancy, à tous les étrangers qui y étaient accourus.
Cette agitation s'accrut par degrés, au point d'occasionner quelques attroupements. La municipalité fit publier des défenses de s'attrouper : on a remarqué, sur les six heures du soir, deux voitures remplies de soldats suisses et du régiment du roi, qui faisaient jouer, par les portières, une espèce de drapeau rouge fait avec les stores d'une voiture; et l'on n'a point osé punir ces soldats.
Au surplus, cette journée du 27 a encore été employée à de vaines démarches pour ramener les Suisses à leur devoir; la municipalité et la garde nationale leur ont offert successivement de cautionner, même de déposer chez un banquier la somme demandée; la garde nationale a même offert de donner quatre hommes par compagnie, pour ôtage, et M. le commandant a voulu les suivre : tout a été refusé, et le mot argent était le seul mot prononeé par les Suisses.
Le lendemain 28 août, dans la matinée, suivant le récit des officiers suisses, le lieutenant-colonel et le major se sont rendus au quartier pour exécuter l'ordre du départ qui venait de leur être intimé par M. Malseigne : Payez-nous, leur a-t-on répondu, et nous vous suivrons au bout du monde. Les officiers trouvent, dans cette réponse, un motif d'éloge sur la fidélité de leurs soldats.
Ils ajoutent qu'ils ont voulu partir seuls, etque M. Malseigne ne l'a pas permis.
L'inquiétude, l'agitation continuaient toujours sans prendre un caractère plus décidé. Les gardes nationales restaient dans la même incertitude et dans la même inaction.
Dix citoyens actifs, invités par plus de cent cinquante"citoyens actifs, se présentent à la municipalité, à l'effet de demander une salle dans l'hôtel commun, où ils pourront rédiger tranquillement les pétitions qu'ils croiront les plus propres à assurer la tranquillité publique.
Le procès-verbal de la municipalité constate qu'on leur a proposé de signer leur pétition, parce qu'ils devenaient responsables de l'assemblée qui allait se tenir.
Qu'ensuite on leur a donné lecture de Ja réquisition du directoire du département, pour détruire les propos qui se répandaient que la municipalité avait fait venir les gardes nationales voisines.
Qu'après cette lecture, les dix citoyens ont été dissuadés de ces propos; et connaissant que le motif de L'approche des gardes nationales ne concernait que le départ des Suisses de Châteauvieux, ils ont refusé de signer leur pétition.
Si donc tous les citoyens de Nancy avaient pu venir à la municipalité prendre lecture de cette réquisition, au moins une des causes générales d'inquiétude n'aurait point existé.
A midi, ou environ, suivant la déclaration de M. Malseigne, un caporal de la garde nationale s'est approché, pour lui dire tout bas : Général, cala ne va pas bien; \on complote de vous arrêter; le régiment du roi prend ou va prendre les armes.
Ce premier avis a été méprisé; quelques instants après, le même caporal de la garde est revenu a la charge; M. Malseigne a cédé, disant à ceux qui l'entouraient qu'il allait vers le régiment du roi; et prenant avec lui quatre cavaliers seulement, il est sorti de la ville; puis, à quelque distance, il a laissé trois des cavaliers qui le suivaient, leur disant de l'attendre jusqu'à six heures; et ne gardant avec lui que le nommé Canone, il s'est avancé sur le chemin de Luné-ville.
A peine son départ eût-il fait quelque bruit, que quatre-vingts ou cent cavaliers de Mestre de camp sont montés successivement à cheval pour se précipiter sur ses traces.
Interrogés, aujourd'hui sur les motifs de ce mouvement coupable, et qui a été la cause décisive des malheurs de Nancy, ils répondent qu'ils en ont reçu l'ordre (c'est ainsi qu'ils s'expriment) de quelques citoyens, qui les aidaient même à seller leurs chevaux.
Pressés de dire s'ils connaissent ces citoyens, ils répondent ; Non ; mais que ces citoyens ne paraissent pas être de la classe aisée de Nancy.
Ils ajoutent seulement qu'ils ont vu au milieu d'eux, sur le chemin de Lunéville, un officier de la garde nationale, qui paraissait les guider, et qui les a quittés à Saint-Nicolas, leur disant qu'il était de garde à la comédie.
Invités à faire connaître cet officier de la garde nationale, ils le désignent sans être certains de son nom. Restons à Nancy.
Dans le mêmè instant où M. Malseigne sortait de cette ville, la poste y entrait, apportant Je n° 327 des Annales patriotiques et littéraires de la France, qui nous a été dénoncé, à la municipalité, lors de notre première séance, comme une des principales causes du désastre.
Tous les citoyens entendus, et le nombre en est considérable, quelle que soit d'ailleurs leur opinion, nous ont attesté que l'avis inséré dans cette feuille à l'article Paris, combiné avec le départ de Mr- Malseigne, avait fait l'impression la plus subite et la plus funeste.
Cet avis est ainsi conçu :
« On a donné avis hier au soir à la société des « amis de la Constitution, aux Jacobins, que des « commissaires-observateurs allaient partir in-« cessamment et secrètement pour tous les àé-« parlements, afin de prendre des renseignements, « et faire des recherches non seulement surl'or-« ^anisation de ces départements et des munici-« palités, mais encore sur le caractère et les « dispositions des personnes qui sont à la tête de « ces départements et de ces municipalités. « Comme les membres patriotes de l'Assemblée « nationale n'ont aucune connaissance de la dé-« partition de ces commissaires-observateurs, « on présume tout bonnement que ce sont des « espions du pouvoir exécutif, patentés pour al-« 1er reconnaître les lieux, se concerter, proba-« blement, avec les aristocrates qui sont en place; faire des listes et se tenir prêts à licen-« cier l'armée, si le décret proposé à cette occa- sion et appuyé par les ministériels venait à « passer : quiconque connaît à fond l'esprit in-« fernal des ministres, et suit de près leurs ma-« nœuvres et leur activité, ne doutera pas un « instant qu'ils ne soient très capables de cette
« démarche, et que pour éviter à leurs commis-« saires-ôbservateurs le sort de Trouard, ils n'aient « eu l'idée de les patenter, sous prétexte que « le pouvoir exécutif a le droit, sans con-« solter l'Assemblée, de prendre des informations « sur le3 départements et municipalités ; nous « savons, d'ailleurs, que les projets actuels de la « cour, beaucoup mieux combinés que jamais, « sont, en ce moment, de faire tous les efforts « possibles, soit avec de l'argent, soit avec des « promesses, soit avec des intrigues bien liées, « pour corrompre des municipalités et des défi parlements, et en même temps pour dissoudre « l'armée, afin qu'au milieu de l'automne et au « commencement de l'hiver, les brigands, qui sont « dans les forêts de Saarbruk et dans les bruyères « de Trêves, puissent entrer facilement en France, « et y commencer une guerre civile. La société « des amis de jla Constitution, alarmée des « suites que peuvent avoir les avis qu'on lui a « donnés, a résolu d'envoyer une adresse à ce « sujet à toutes les sociétés de l'Empire qui lui m sont affiliées : surtout, nous prévenons les « gardes nationales et les soldats patriotes des « troupes de ligne, de se tenir plus serrés que « jamais les uns contre les autres, pour faire « face à ce nouvel orage; et nous invitons les « mêmes soldats-citoyens et citoyens-soldats, « ainsi que les membres patriotes des départe-« ments et des municipalités, de flairer de près o les commissaires-observateurs envoyés par la « cour, et de les dénoncer, sur-le-champ, a tou3 « les échos d'alentour, à tous les journaux, etc., « afin de déjouer encore cette nouvelle et mons-« trueuse manœuvre. »
Pendant que le détachement de Mestre de camp courait à la poursuite de M. Malseigne, l'alarme circulait dans toutes les parties de la ville : on bat la générale; tous les soldats courent aux armes; les chefs sont méconnus, menacés, poursuivis ; le repos du citoyen lui-même n'est plus respecté ; les soldats entraient dans toutes les maisons pour y chercher leurs officiers et les ramener à leurs compagnies.
M.,de Noue, commandant de la place, est saisi dans sa maison par des cavaliers de Mestre de camp ; un combat se livre sur la terrasse de la Pépinière, entre les soldats qui l'ont saisi et les ofhciers du régiment du roi, qui veulent le délivrer; quelques officiers sont blessés, un soldat est blessé, un cheval est tué; M. de Noue, délivré d'abord, est repris par les cavaliers, auxquels se joignent des soldats suisses et quelques soldats du régiment du roi : il est conduit au quartier de ce réjgiment, mis au cachot, dépouillé de ses habits et revêlu d'un sarreau de toile.
Tous les officiers qui avaient défendu ce commandant sont arrêtés aussi et renfermés, les uns au cachot, les autres dans la salle de discipline; M. Pécheloche, lui-même, aide-major de la garde nationale parisienne , est retenu au quartier du régiment du roi.
M. Isling, officier suisse, est saisi travesti en garde nationale : les soldats le promènent dans les rues, en chemise, et veulent le pendre. Il est délivré par quelques gardes nationales et leur commandant, conduit à la municipalité qui, pour le sauver, l'envoie à la conciergerie.
Un jeune officier du régiment du roi est saisi travesti en femme : il court le même danger; il est sauvé par le même moyen.
Un nouvel incident vient ajouter au trouble général.
Des soldats du régiment du roi arrêtent à la
porte Notre-Dame un cavalier de maréchaussée, porteur de trois lettres écrites par M. Huin, prévôt général ; l'une à M. de Bouillé, les deux autres au prévôt géaéral de Toul et au prévôt général de Pont-à-Mousson.
Ces lettres sont apportées à l'hôtel de ville : les soldats en demandent l'ouverture, d'abord avec modération ; puis ils veulent s'autoriser à cette démarche illégale par le concours des gardes nationales. Ils font venir un garde-citoyen par chaque compagnie. Ges gardes-citoyens disent qué la ville est en danger; la foule des citoyens et des soldats augmente, les lettres sont lues.
On a reconnu, disent les procès-verbaux de la municipalité, que ces trois lettres contenaient les dispositions de la maréchaussée pour la conduite des soldats de Ghâteauvieux hors du royaume. Les trois lettres ont été remises aux soldats qui les ont exigées pour en donner lecture à toutes les compagnies, tant des troupes de ligne que des gardes nationales.
Nous avons interrogé M. Huin, prévôt général, auteur de ces lettres, sur les dispositions qu'elles contenaient. Il nous a dit qu'elles avaient été écrites en réponse aux ordres qu'il avait reçus; il nous a communiqué deux lettres à lui écrites de Metz le 27 août; l'une par M. de Bouillé, qui lui enjoint de se conformer aux ordres qu'il lui fait passer; et ces ordres sont d'établir autour de Nancy une chaîne de postes intermédiaires de maréchaussée, entre la ville et les cantonnements de son armée, pour ôter toute communication des troupes de la garnison avec celles du dehors;
Et l'autre, écrite par M. de Courtois, prévôt de la maréchaussée à Metz, qui détaille réellement les dispositions à prendre pour faire conduire les Suisses hors du royaume, et qui parle de cette disposition comme d'une mesure que M. deBouillé le charge de concerter avec son confrère le prévôt de Nancy.
Celui-ci ne refusait pas de nous remettre copie certifiée de ses lettres; mais à sa discrétion timide nous avons vu qu'il craignait de déplaire à M. de Bouillé.
Certains du contraire, nous l'avons prié d'envoyer ces copies certifiées au prévôt général de Metz, qui nous les remettrait en présence et par l'ordre de M. de Bouillé lui-même.
La chose a été exécutée ainsi.
M. de Bouillé aété d'abord extrêmement étonné que le prévôt général de Metz eût fait passer à son confrère de Nancy des ordres qu'il n'avait pas donnés, pour la conduite des Suisses de Château-vieux hors du royaume.
Le prévôt général de Metz a été appelé; et des explications qui ont eu lieu en notre présénce} il est résulté qu'en effet, M.de Bouillé n'avait point donné un ordre définitif pour concerter la conduite des Suisses de Ghâteauvieux jusque dans leur patrie.
Mais que, raisonnant avec le prévôt général de Metz sur la révolte opiniâtre de ces soldats étrangers, et lisant dans le décret du 16 la faculté à lui donnée de les licencier, si cette mesure était nécessaire, il avait, dans ce cas prévu, parlé des dispositions à faire pour les faire parvenir sans désordre jusqu'aux frontières delà Suisse; que ces mesures possibles, le prévôt les avait prises pour un ordre po.-itif, et qu'il les avait transmises au prévôt général de Nancy, en lui recommandant le secrei.
Au surplus, il est difficile de comprendre l'effet attribué à la lecture de ces lettres, par les procès-verbaux de la municipalité. On y lit: les craintes
que Von avait de haute trahison de la part des antirévolutionnaires, ont été un peu apaisées quand on a vu qu'il n'était question que du régi-ment de Châteauvieux.
Cet effet sans doute a été sensible dans l'intérieur de la salle de l'hôtel de ville.
Mais, tous les témoignages attestent aujourd'hui, qu'au contraire ces lettres, rendues aux soldats et colportées par eux dans toute la ville, ont augmenté l'effervescence générale et ies soupçons, dont les gardes nationales étrangères n'ont pas été elles-mêmes garanties (1).
Les Suisses étaient vendus, puisqu'on voulait les faire sortir du royaume; M. Malseigne était un traître, il avait été découvert, il avait pris la fuite; le projet de contre-révolution était certain.
Ces discours ne trouvaient plus de contradicteurs, ou ceux qui auraient pu le contredire gardaient le silence.
Le prévôt général de la maréchaussée a été poursuivi avec acharnement, et obligé de se cacher; sa maison a été investie, forcée et soumise aux plus scrupuleuses recherches ; il déclare cependant que ses propriétés n'ont pas été violées.
C'est au milieu de cette fermentation extrême que, sur les six à sept heures du soir, quelques cavaliers de Mestre de camp, du nombre de ceux qui s'étaient jetés â la poursuite de M. Malseigne, revinrent dans le plus grand désordre, en criant que leurs camarades avaient été massacrés par les carabiniers.
En effet, M. Malseigne, arrivé à Lunéville cinq ou six minutes avant ceux qui le poursuivaient, avaient fait monter à cheval quelques carabiniers, qui s'étaient portés en avant pour arrêter les cavaliers de Mestre de camp qui arrivaient par bandes séparées.
Ces diverses rencontres avaient fait tirer quelques coups de carabine et de pistolet. En résultat, soixante-et-un cavaliers de Mestre de camp, dont quelques-uns blessés, avaient été arrêtés el mis en prison.
Les cris de ceux qui revinrent à Nancy ajoutèrent un nouveau sentiment, celui de la vengeance, à tous ceux qui égaraient la garnison et une partie des citoyens de Nancy.
En un instant, trois mille hommes ou environ du régiment du roi, de Mestre de camp, des Suisses, des gardes nationales de Nancy ou étrangères, se précipitent sur le chemin de Lunéville, jurant qu'ils ramèneront M. Malseigne mort au vif, et qu'ils tailleront en pièces les carabiniers.
Il faut observer que la garde nationale de Nancy n'est point sortie pour cette expédition, en corps, ni par compagnies^ : quelques Individus seulement se sont détachés.
Il faut encore observer que la garde nationale de Lunéville a suivi pour veiller sur ses foyers menacés, et que sa situation, dans toutes les périodes de cette incursion, a été vraiment déplorable.
C'est au moment de ce départ confus pour Lunéville, que M. de Noue a été tiré du cachot, et placé dans une chambre du quartier.
C'est au même instant que le magasin des poudres a été forcé ; une planche de la porte a été brisée; les verrous et les ferrures ont été brisés à coups de hache ; nous avons vu les traces de cette violence,
Les barricades de planches, qui forment la première entrée du magasin des armes, ont été ega-
lement brisées. La porte de ce magasin n'est point endommagée, parce que, suivant la déclaration du garde-magasin, Âgé de quatre-vingt-sept ans, on l'a contraint d'en donner les clefs, les baïonnettes our la poitrine.
Au reste, on était parvenu, dans la nuit qui a suivi ce désordre, à refermer et à assujettir les portes; elles ont été forcées une seconde fois le lendemain; et dans ces deux pillages, suivant la déclaration du garde-magasin, la quantité de poudre enlevée se porte à huit milliers, et le nombre des armes, sans compter quelques pistolets, se monte à trois mille fusils ou environ, dont quinze à seize cents ont été recouvrés.
11 ne faut pas comprendre encore dans celte quantité les munitions que la municipalité était obligée de faire délivrer. L'état que nous avons pu nous en procurer, certifié par le garde-magasin, fait monter à près de seize mille cartouches celles données sur des bons de la municipalité pendant les deux journées du 28 et du 29 août, sans compter encore cent livres de poudre à canon.
C'est dans ce moment du départ pour Lunéville, que les soldats comprirent la nécessité d'avoir des officiers, et qu'ils les forcèrent de se mettre à leur tête, non pour leur obéir, mais pour les appeler traîtres, lorsqu'ils commandaient quelques manœuvres, et plus encore lorsqu'ils ne commandaient pas.
M. Saint-Méard entre autres, officier au régiment du roi, fut fait, par ies soldats, aide de camp de l'armée, et son poste fut périlleux, parce que l'avant-garde, le corps d'armée et l'arrière-garde, ne connaissant aucune supériorité, se tiraillaient en sens contraire.
M. Perdiguier, commandant de bataillon, qui fut choisi pour conduire l'arriêre-garde, se trouva souvent exposé aux mêmes dangers.
C'est dans le même instant du départ pour Lunéville, que la municipalité crut enfin devoir convoquer le conseil général de la commune, dont elle avait cru devoir la veille refuser la convocation.
L'armée de Nancy se trouvait, à onze heuresdu soir, à une lieue et demie de Lunéville.
Il a été décidé qu'on camperait sur la hauteur de Flinval, pour entrer dans Lunéville le lendemain à la pointe du jour.
Les gardes nationales de Lunéville étaient surveillées comme étages au milieu de l'armée ; cependant M. Thiébaut, l'un des aides-majors de cette garde, et M. Langlés, adjudant, s'échappèrent par la traverse, et vinrent avertir la municipalité de Lunéville.
On ne peut voir, sans une grande satisfaction, la conduite vraiment civique que la municipalité de Lunéville a tenue dans cette circonstance orageuse : elle a ordonné sur-le-champ de tenir toutes les rues illuminées; elle a fait défense de se servir d'armes contre les soldats de Nancy, et pendant la nuit, sur quatre alertes différentes, tous les membres en écharpev le maire à leur tête, se sont transportés quatre fois sur le chemin de Nancy avec des flambeaux et des sergents de ville, au-devant de trois mille soldats dont ta démarche exprimait assez l'emportement.
Pendant la même nuit, par une discrétion également louable, le corps des carabiniers avait décidé de se ranger en bataille, et de rester dans le Ghamp-de-Mars, derrière le château, pour écarter au moins de la ville le désordre et le carnage qu'on pouvait prévoir.
Au point du jour, M. Chailiy, se disant député
de l'armée, vint prévenir les officiers municipaux de ses intentions, d'après lesquelles on envoya vers les carabiniers pour les prévenir de la possibilité d'une conciliation.
Quelque temps après, l'armée s'étant avancée, les officiers municipaux s'approchèrent, et le maire demanda aux soldats des premiers rangs par quel ordre et avec quel dessein ils se portaient ainsi sur Lunéville?
Ces soldats répondirent qu'ils étaient venus de leur propre mouvement, qu'ils n'avaient aucune mauvaise intention contre les habitants de Lunéville, pourvu qu'ils les trouvassent sans armes ; mais qu'ils venaient pour venger le massacre de leurs camarades, et pour prendre M. Malseigne qu'ils voulaient avoir mort ou vif.
Après quelques discours propres à les porter à une conciliation, il a fallu les laisser entrer dans la ville, où ils ont posé des gardes.
Les carabiniers prévenus avaient déjà fait approcher leurs députés de l'hôtel de ville.
Les soldats de Nancy rejetèrent d'abord toute députation ; ensuite ils envoyèrent leurs députés, dont ie3 noms se trouvent dans les procès-verbaux de Lunéville.
Ces députés respectifs montèrent ensemble à l'hôtel de ville, où, après quelques débats, on fit un traité qu'on appelle encore à Lunéville la capitulation.
Un incident pouvait tout perdre sans la grande modération des carabiniers; un adjudant de ce corps fut tué d'un coup de fusil par un cavalier de Mestre de camp, à la porte même de i'hôtel de ville.
Le seul motif apparent de cet assassinat fut, de la part du cavalier de Mestre de camp, de venger la mort de son camarade ou de son frère tué, disait-il, la veille par l'adjudant des carabiniers.
Les députés de l'armée de Nancy témoignèrent le désir de chercher et de punir le coupable; les députés des carabiniers préfèrent terminer le traité important pour lequel ils étaient assemblés.
Déjà l'année de Nancy avait exigé la liberté des cavaliers de Mestre de camp emprisonnés la veille; cet article ne fit point partie de la capitulation.
Il fut seulement convenu que M- Malseigne se rendrait à Nancy, dès qu'il en serait requis par le corps municipal de cette ville*, qu'il s'y rendrait escorté par douze carabiniers et deux fusiliers choisis aans chacun des trois régiments de Nancy et dans la garde nationale.
Que trois heures après son départ, l'armée de Nancy partirait aussi pour se rendre dans cette ville, et qu'il ne serait attenté, ni à la personne ni à la liberté de M. Malseigne, jusqu'à ce que l'Assemblée nationale eut statué sur les griefs respectifs.
M. Malseigne, prévenu de cet accord, vint lui-même à l'hôtel de ville, et invité par tous, il signa l'acte qui en exprimait les conventions.
A peine ces conventions furent-elles rédigées, qu'on fit partir un cavalier de Mestre de camp pour les porter à la municipalité de Nancy, et l'inviter à donner sur-le-champ la réquisition nécessaire.
Il faut dire de suite que le cavalier de Mestre de camp est arrivé avant midi; que la municipalité a renvoyé la demande au département ; que le directoire n'était point assemblé; qu'on perdit un temps considérable en messages et en questions oiseuses de la municipalité au département, et du département à la municipalité; que la réquisition n'a pas été faite; et que le directoire a ; cru devoir se contenter d'une délibération par la-
quelle il déclare que M. Malseigne est sous la protection de la loi, et il invite la municipalité de Lunéville à prendre telle précaution qu'elle croira convenable pour la sûreté de cet officier.
Retournons à la municipalité de Lunéville.
Le traité signé, elle a envoyé des députés vers l'armée de Nancy pour l'en instruire; mais l'armée de Nancy, on ne sait par quelle détermination subite, avilit déjà repris le chemin de ses casernes : il n'était resté à Lunéville que les soldats députés par elle, et plusieurs autres, tant soldats que gardes nationaux qui s'étaient dispersés .
Les signatures finies, M. Malseigne lui-même était remonté à cheval, et il avait, de son côté, repris le chemin du Champ-de-Mars. Avant d'y arriver, il fut arrêté par un assez grand nombre de ces soldats et gardes nationaux venus de Nancy, qui le pressèrent d'exécuter sa promesse, et de partir sur-le-champ pour cette ville.
Il voulut leur faire entendre que les conditions n'étaient pas remplies ; qu'il fallait, avant tout, recevoir la réquisition de la municipalité de Nancy. Ils exigèrent, en présentant les baïonnettes, qu'il retournât à l'hôtel de ville pour y attendre cette réquisition.
Il reprit le chemin de l'hôtel de ville. A quelques pas de cette maison commune, il mit pied à terre; mais à l'instant où il s'est présenté pour entrer, la porte a été fermée. On lui a présenté les baïonnettes; on l'a pressé, avec menace et les qualifications ordinaires de traître, de prendre à l'instant la route de Nancy : plusieurs voulaient qu'il marchât à pied; M. Fauchet, adjudant des carabiniers, et faisant partie de son escorte, l'a fait remonter à cheval.
On reprend le chemin de Nancy. Vis-à-vis le café de Lunéville, M. Fauchet à dit M. Malseigne : Vos jours sont en danger, il faut s'échapper. M. Malseigne refuse, disant qu'il n'y a rien à craindre; il avait alors avec lui tout au plus vingt carabiniers.
Sur la nouvelle parvenue au Champ-de-Mars, qu'on le forçait à marcher vers Nancy, la compagnie de la Douze, du second régiment, est détachée, commandée par M. Beau repaire.
Cet officier le joint au premier pont, et lui demande: Général, est ce de votre bonne volonté que vous allez à Nancy ? M. Malseigne répond : Oui, d'un ton qui voulait dire non. Les soldats du régiment du roi, Suisses, Sestre de camp et gardes nationaux de Nancy entourent M. Beaurepaire, prodiguent les démonstrations de paix et d'amitié, et assurent qu'il n'arrivera rien à M. Malseigne.
M. Beaurepaire les somme encore de la parole d'honneur qu'ils ont donnée de respecter sa personne et sa liberté.
On avançait toujours. Un carabinier, nommé Etienne, se détache, passe à côté de M. Malseigne, et lui dit tout bas : Il est temps. M. Malseigne répond : Ne me perds pas de vue.
Quelques pas plus loin, surla place des Carmes, à l'endroit où il faut tourner à gauche pour prendre le chemin de Nancy, M. Malseigne fait signe à M. Beaurepaire, met le sabre à la main, se baisse sur sa selle, fond en avant, et prend à toute bride le chemin qui conduit à Vie.
A l'instant même, les gens de Nancy font une décharge de mousqueterie. Quatre carabiniers seulement suivent M. Malseigne ; les autres reviennent sur leurs pas; et c'est là qu'ils ont été plus maltraités. Vingt-cinq carabiniers ont été tués ou blessés : M. Malseigne lui-même a reçu
une balle dans son buffle. Il est revenu par un village nommé Jolivet, passant la rivière au moulin, joindre le corps des carabiniers qui était encore au Champ de-Mirs.
Ces détails ont été attestés partons les témoins oculaires, par les officiers et carabiniers composant le détachement de M. Malseigne.
On a beaucoup partê de deux coups de pistolet tirés et de deux carabiniers tués par M. Malseigne, au moment où il veut s'échapper. On a dit que cette action avait été le signal du massacre.
Tous les officiers et carabiniers entendus à Lunéville déclarent qu'ils n'ont pas vu M. Malseigne tirer les deux coups de pistolet ; et au contraire, ils déclarent, comme on l'a remarqué» qu'au moment de son évasion M. Malseigne a mis le sabre à la main.
Quelques officiers nous ont aussi déclaré que, revenu au Champ-de-Mars, M. Malseigne avait montré ses pistolets encore chargés.
Cependant il existe à la municipalité de Lunéville deux déclarations à cet égard, dont il «st impossible de ne pas faire mention.
Elles sont ainsi conçues :
Le même jour (30 août), « M. Esmonin, vëté-« ran et brigadier des carabiniers, étant venru à « l'hôtel de ville, a déclaré que le jour d'hier, « M. Malseigne, avant de s'évader, avait pris de « chaque main un de ses pistolets, et les tour-« nant l'un à droite, l'autre à gauche, avait tué « le maréchal des logis et ie brigadier des cara-« biniers qui étaient à ses côtés, pour se faire « jour, et qu'il avait pris la fuite. »
« M. Blondot, ancien boulanger, bourgeois de * Lunéville, étant également venu, a déclaré au « corps municipal, qu'il a vu hier M. Malseigne « porter ses pistolets à fleur de son cheval ; qu'il « les a tirés, et qu'à l'instant il a vu tomber un •• carabinier à sept ou huit pas devant ledit sieur « Malseigne; et que ce sont ces premiers coups « de pistolet qui ont engagé le combat, qui a « eu lieu après la fuite.»
Depuis, un soldat suisse, nommé Bouchayer, interrogé par nous dans les prisons de Nancy, nous a également attesté qu'il était près de M. Malseigne, au moment de son évasion, et qu'il l'a vu tirer les deux coups de pistolet, et les deux carabiniers tomber.
De ces trois déclarations, on jugera si celledu sieur Esmonin peut encore être de quelque poids. 11 est aujourd'hui du nombre des vingt-sept carabiniers prisonniers à Nancy, livrés par leur corps, la plupartsur les désignations faites par M. Malseigne lui-même. Il a devant nous dénié le fait des deux pistolets tirés : il a même été jusqu'à prétendre n'avoir fait à cet égard aucune déclaration à la municipalité de Lunéville, et cependant sa déclaration existe.
Enfin, nous avons désiré voir à LuifléviLle M. Blondot, auteur de la seconde déclaration ; mais M. Blondot était alors en voyage duns les montagnes des Vosges.
M. Malseigne ayant rejoint la troupe des carabiniers au Champ-de-Mars, plusieurs témoignages nous ont appris que sa présence n'avait pas été agréable à tous, et que plusieurs se plaignaient de ce qu'il exposait le corps à uu nouveau danger, en ne remplissant pas ce qu'ils appelaient sa promesse.
M. Malseigne nous a dit lui-même, que leur ayant montré, pour les animer, la marque de la balle qu'il avait reçue, ce spectacle n'avait pas
paru faire sur eux l'impression qu'il en attendait.
Quelque temps après, les chefs des carabiniers Erennent la résolution d'éloigner cette troupe de unéville. Ils la divisent, placent un régiment à Crosmar, distant d'une lieu de Lunéville, et l'autre à deux lieues plus loin.
M. Malseigne reste au château de Lunéville avec un détachement de 50 hommes.
Cependant la nouvelle de son évasion et de son séjour prolongé à Lunéville effrayait toute la cité; on craignait d'y voir fondre une seconde fois l'armée de Nancy.
Le conseil général de la commune s'assemble à cinq heures ; et il est décidé qu'à l'instant même il sera fait une députation à MM. Rossel et Courtivron, officiers supérieurs des carabiniers, pour les engager, par la parole qu'ils ont donnée (ils étaient du nombre des députés réunis le matin à l'hôtel de ville), de faire tenir à M. Malseigne l'engagement qu'il a pris ce matin.
Cette députation rencontre M. Malseigne lui-même, qui répond : Que tandis qu'il était en route aujourd'hui pour se rendre à Nancy, il a ouï que plusieurs soldats de la garnison de ladite ville disaient à haute voix des paroles menaçantes ; et que quand ils seraient en ligne il passerait mal son temps avec eux; que l'effet avait suivi les menaces, et qu'il avait reçu des coups de feu tirés sur lui ; qu'il avait perdu des carabiniers très braves; que tout cela le dégageait de la parole qu'il avait donnée ; mais qu'il croyait que demain il sortirait de Lunéville.
En effet.il avait reçu ordre de M. de Bouillé de se rendre le lendemain 30, à Saint-Nicolas, avec les carabiniers, pour se joindre à l'armée qui se rassemblait.
Rentré dans le château de Lunéville, M. Malseigne a été averti, quelque temps après, que toute la ville s'agitait, et que bientôt, peut-être, il n'y serait plus en sûreté.
Cet avis, d'abord méprisé, l'a enfin déterminé à monter à cheval avec son détachement, et à se rendre, le soir même, dans la plaine de Crosmar, où le premier régiment des carabiniers était stationné.
C'est dans cette nuit, du 29 au 30, que les carabiniers, en station à Crosmar,se chauffant autour des feux qu'ils avaient allumés, se sont répété tous les propos qu'ils avaient entendus à Lunéville, sur la prétendue trahison de M. Malseigne, sur son évasion de Nancy, sur le prétendu complot de contre-révolution, sur la vente des Suisses et d'autres régiments. Tous ceux que nous avons interrogés, nous ont rapporté qu'on disait que M. Malseigne avait compromis l'honneur du corps, en s'échappant à l'escorte qui le Conduisait à Nancy, en ne remplissant pas la fromesse qu'il avait faite à la municipalité de unéville.
Le détachement qui avait suivi M. Malseigne, revenant au milieu des carabiniers, disait que la municipalité de Lunéville l'avait elle-même invité par des députés de se rendre à Nancy, suivant sa promesse, et qu'il s'était refusé a cette invitation.
Les officiers ne se doutaient de rien : à une heure du matin, ou environ, on entend un coup de pistolet dans la campagne. Un brigadier- est envoyé pour découvrir d'où part ce coup de pistolet ; avant son retour on crie : A cheval, alerte ! Les carabiniers montent à cheval, les compagnies se forment : tous les officiers s'y rendent;
M. Malseigne sort lui-même, et demande le motif de l'alerte.
Alors sans que personne en ait donné l'ordre, plusieurs carabiniers de chaque compagnie, sortent des rangs, s'assemblent, forment un cercle autour de M. Malseigne, et disent : qu'il est un traître; qu'il faut qu'il rende ses armes.
Les officiers veulent résister à ce mouvement ; ils sont menacés, quelques-uns même poursuivis et obligés de fuir.
M. Malseigne, ainsi saisi* un détachement de carabiniers, ayant un trompette à sa tête, vient prévenir la municipalité que le général va s'y rendre. Il était alors quatre heures du matin, et quelques officiers municipaux avaient passé la nuit.
Un quart d'heure après, M. Courtivron s'y présente, et dit que M. Malseigne va se rendre à Nancy, escorté des carabiniers, pour remplir l'engagement pris le jour d'hier.
Tous ces faits, constatés par le procès-verbal de la municipalité de Lunéville, sont certiorés encore par tous les témoignages.
M. Malseigne est amené à l'hôtel de ville par un détachement, et il y reste gardé par quelques carabiniers et gardes nationaux.
On dit que, dans cette circonstance, des carabiniers et même des citoyens de Lunéville lui adressèrent des paroles assez vives sur tous les bruits répandus contre lui, et qu'il les écouta avec une constance digne de son caractère intrépide, mais sans donner aucune explication.
Pendant ce temps la municipalité de Lunéville faisait partir un exprès pour la municipalité de Nancy, avec une lettre par laquelle cette dernière municipalité était prévenue du prochain retour de M. Malseigne, invitée à venir le recevoir à l'endroit qu'elle indiquerait elle-même, et conseillée, en tant que besoin, de faire une proclamation qui apprit au peuple cet événement inattendu, et ses motifs.
Ces mesures prises, la même municipalité a fait deux réquisitions qui lui étaient, dit-elle, demandées de manière à ne pouvoir s'y refuser : la première • à la garde nationale, de donner à M. Malseigne un détachement de soixante hommes ; la seconde au corps des carabiniers, de se charger de la conduite de ce général et de le remettre entre les mains de la municipalité de Nancy.
M. Malseigne est parti dans une voiture à quatre places, ayant avec lui dans la même voiture, le major, un autre officier de ia garde nationale de Lunéville, et un carabinier nommé Violet, qui, dit-on, lui a tenu des propos très durs pendant le voyage. Il rend, au contraire, le témoignage le plus flatteur de la conduite des deux officiers de la garde nationale.
Devançons son arrivée à Nancy.
Cette ville avait été, pendant toute la journée du 29, dans cet état de méfiance inséparable d'un grand trouble. On arrêtait aux portes tous ceux qui voulaient entrer. On ne laissait sortir qu'avec des passeports. La garnison cependant était rentrée sans aucun événement remarquable : mais son empire, sur le régime public, était devenu plus sensible.
Le lendemain 30, pendant qu'on amenait M. Malseigne, on eut quelque espoir de se débarrasser des Suisses en leur donnant de l'argent.
Quatre officiers municipaux, envoyés au quartier à cet effet, en ramenèrent un officier suisse, qui déclara que ses camarades étaient décidés de donner à leurs soldats l'argent qu'ils deman-
daient; il invita le corps municipal à leur faire trouver les fonds dont ils avaient besoin, et le corps municipal promit ses bons offices. Il fit même quelques démarches ; mais le trouble du moment oe permit pas de trouver deux cents et quelques mille livres : il ne s'agissait de rien moins que de cette somme.
Sur ces entrefaites, la lettre de la municipalité de Lunéville est arrivée, cette lettre qui annonçait le retour de M. Malseigne, qui invitait la municipalité de Nancy à venir le recevoir à tel endroit qu'elle indiquerait, et qui conseillait même de faire une proclamation à ce sujet.
Cette lettre portée par la municipalité au département, le directoire a requis les carabiniers de ne pas outrepasser la station qui leur avait été fixée.
Quelque temps après on vient apprendre que M. Malseigne est sur le point d'arriver.. Nouvel le réquisition du directoire à ce général et aux carabiniers de rester à Saint-Nicolas jusqu'à ce qu'ils reçoivent des ordres ultérieurs.
Malgré celte réquisition, l'avant-garde des carabiniers arrive sur la place royale, et elle est reçue par les soldats de la garnison avec de grandes démonstrations d'amitié.
On avait décidé cependant que M. Malseigne serait conduit à la municipalité. On avait disposé les gardes nationales en haie depuis la porte Saint-Nicolas jusqu'à l'hôtel-de-ville, et l'on assure que cette précaution eut l'effet de garantir M. Malseigne de la fureur que le peuple et les femmes surtout manifestaient par les signes les plus effrayants-
Ce général est entré dans la ville sous l'escorte de plusieurs soldats des trois régiments qui s'étaient avancés à quelque distance pour le recevoir des mains des carabiniers.
L'emportement du peuple ne permit pas qu'il parvînt jusqu'à l'hôtel de ville. On dit qu'un soldat du régiment du roi était derrière la voiture, le sabre à la main, et menaçant de lui trancher la tête s'il descendait à la municipalité.
Il fut conduit au quartier du régiment du roi et mis en prison.
Les dangers qu'il courut dans cette circonstance peuvent être facilement supposés. Le régiment du roi s'était mis sous les armes. Les propos les plus incendiaires circulaient dans tous les rangs. Le général avait vendu les Suisses aux Autrichiens pour trois millions, et pour six millions le régiment du roi.
Un cavalier de Mestre de camp parcourait les compagnies, en criant à chacune : Mes amis, votre avis riest'ilpas que le général soit pendu aujourd'hui ?
C'est dans ce moment que quelques soldats du régiment du roi ont exigé un nouvel acompte d'un louis par chaque soldat. Les chefs ont cédé, comme on pense bien, en exigeant seulement que chaque soldat signerait une promesse d'honneur de ne plus rien exiger jusqu'au jugement de l'Assemblée nationale.
Cette promesse fut signée par chaque soldat, qui reçut 3 livres dans la journée, et 21 livrés dans la matinée du lendemain.
M. Malseigne n'est resté qu'une heure aux casernes du régiment du roi. Le directoire et la municipalité l'ont fait, à travers mille dangers, transférer à la conciergerie; où il est resté jusqu'au lendemain, exposé aux insultes, aux menaces, aux violences mêmes, et gardé jusque dans l'intérieur de sa prison, par des soldats toujours armés de sabres et de pistolets.
Il était temps que la puissance publique mît un terme à ce désordre épouvantable.
Les corps administratifs et le3 citoyens de Nancy nous ont unanimement déclaré qu'aucune puissance publique n'existait plus dans cette ville, lorsque la nouvelle de l'approche de M. de Bouillé y parvint dans la matinée du 30; que depuis cet instant jusqu'à son entrée dans la ville, les soldats de la garnison avaient tenu la municipalité et le département dans le plus dur esclavage.
Et c'est ainsi qu'ils expliquent cette vérité incontestable, que dans ce moment de trouble extrême toutes les mesures publiques, qui auraient dû détromper le peuple, n'ont pas été prises, et qu'au contraire toutes les mesures publiques qu'on a prises ont été de nature à prolonger et à confirmer son erreur.
Cette erreur, protégée par les événements du jour et des jours précédents, était établie sur le motif de l'approche d'une armée commandée par M. de Bouillé. On disait qu'il venait avec 30,000 hommes pour opérer une contre-révolution, et l'on n'oubliait aucune des circonstances propres à favoriser cette illusion : on faisait remarquer toutes les troupes étrangères qui composaient une partie de cette armée, et surtout le régiment Royal-Allemand (1).
La nécessité de détromper le peuple avait été sentie à l'instant même par la municipalité.
On voit, dans les procé3-verbaux, que son premier soin, dans la matinée du 30, s'est porté sur les mesures à prendre pour instruire tous les citoyens du véritable objet de la mission donnée à M. de Bouillé.
Elle s'était proposé, d'abord, d'inviter tous les capitaines de la garde nationale à assembler leurs compagnies, pour les prévenir que si M. de Bouillé, officier général, se présentait avec des troupes de ligne, c'était pour assurer l'exécution des décrets des 6 et 16 du mois d'août, et non pour exercer aucune hoslilité contre les citoyens.
Ensuite cette mesure sans doute n'ayant pas paru suffisante, il a été délibéré d'envoyer près le département, afin de l'engager à faire une proclamation qui prévien Irait tous le s citoyens des motifs de 1 armée de M. de Bouillé, et d'en faire répandrè dans le public un très grand nombre d'exemplaires.
Malheureusement cette proclamation n'a pas eu lieu. Le département avait eu, de son côté, la même pensée ; il fit même lecture aux députés de la municipalité du projet de la proclamation, mais il décida que cette promulgation devait être différée jusqu'après le retour des députés qu'il avait envoyés à M. de Bouillé.
Quelle était cette députation? elle était encore le résultat d'une fausse mesure commandée par la garnison.
Cette députation était composée d'un membre du département, M. Foissac ; d'un membre de la municipalité, M. Saladin; et du major de la garde nationale, M. Coliny. Elle était partie dans la matinée pour aller trouver M. de. Bouillé à Toul. Sa mission publique, sa mission connue de tous,était de faire à ce général une réquisition tendant à le forcer de retirer ses troupes ; sa mission secrète était de lui peindre la situation de la ville, le
despotisme de la garnison, la servitude des corps administratifs, et le supplier d'accorder quelques délais à une conciliation peut-être encore possible.
Ce n'était pas tout: le déparlement avait de même envoyé sur toutes les routes des gardes-citoyens, pour sommer les troupes qui arrivaient de se retirer; et sans doute il faut supposer dans cette démarche une grande contrainte, puisqu'il ne donna à ces envoyés aucune instruction particulière; aussi firent-ils bien leur devoir: un d'eux nous a déclaré qu'il était parvenu, avec la réquisition du département dont il était porteur, à faire reculera la distance de six lieues un régiment de l'armée de M. de Bouille.
De sorte que si tous avaient eu Je même succès, le lendemain ce général aurait vainement attendu son armée.
Nous avons en original deux de ces réquisitions ; elles sont ainsi conçues :
Le directoire du département invite et, en temps que besoin, requiert, soit M. de Boitillé, soit les chefs des corps militaires des troupes réglées qui pourraient avoir reçu des ordres de s"approcher de la ville de Nancy, de rester dans les stations qui leur ont été indiquées par les commandants militaires, et de ne pas les outre passer, pour que la tranquillité des citoyens de Nancy ne soit aucunement inquiétée ni troublée.
Le département a bien senti lui-même l'effet funeste de ces précautions absolument contraires à celles qu'il aurait fallu prendre, absolument conformes aux idées qui égaraient la multitude.
Voici comme il s'en exprime lui-même dans un récit tenant lieu de procès-verbal, pour la journée du 30 :
« Les soldats révoltés se saisirent de toutes les « lettres qu'ils croyaient pouvoir donner des ins- « tructions sur les projets de l'armée.....Par la « vigilance des soldats, le directoire vit sa com-« munication interceptée avec l'armée nationale, « et fut privé de ia possibilité de l'instruire de « l'affreuse situation où il se trouvait. La terreur « s'était tellement emparée des esprits, qu'il ne « trouva pas même de courrier qui voulût se « charger de ses lettres.
« Des députés des trois régiments forcèrent le « directoire de leur donner une attestation comme « ce n'était point par ses ordres que l'armée « s'approchait. Bientôt, et avec des menaces « contre la municipalité et le directoire, ils le « contraignirent d'envoyer des gardes-citoyens « sur les routes par où devaient arriver les « troupes, pour les sommer de se retirer, et de « demeurer dans les stations qui leur avaient « été indiquées, de manière à ce que la tran-« quillité de la ville ne pût être troublée. On fut « forcé même de députer un membre du direc-« toire et de la municipalité à M. de Bouille, pour « l'inviter à retirer ses troupes, et, dans le fait, « pour l'instruire des démarches irrégulières « auxquelles le directoire avait été contraint, et « qui pouvaient déconcerter les mesures prises « par ce général. »
Ce n'était pas tout encore. Les soldats de la garnison s'étaient occupés des moyens de défense, et rien n'avait été publié par la municipalité ou Je département, pour apprendre au peuple que cette défense n'était pas légitime; au contraire, la municipalité ayant député vers le département, pour lui observer qu'il convenait de faire retirer les canons que les soldats avaient placés aux portes de la Aille, le département répondit que ce n'était pas le moment de les faire
retirer, et qu'il espérait trouver des moyens de pacification qui empêcheraient que l'on en fît usage.
Jusque-là, il ne faut point le dissimuler, toutes les mesures publiques prises pur les corps administratifs n'avaient d'autre effet que de donner à l'armée de M. de Bouillé l'air d'une armée ennemie.
On avait précédemment, à la vérité, appelé au directoire du département les différents chefs des gardes nationales étrangères; on leur avait recommandé de profiter de leur influence sur leurs soldats-citoyens, pour les désabuser de leur erreur. Mais cette précaution partielle était-elle suffisante ?
La proclamation, retardée jusqu'alors, devenait à chaque instant plus indispensable.
Les trois députés envoyés à Toul vers M. de Bouillé, y.sont arrivés entre onze heures et midi; ils ont vu ce général qui leur a déclaré que le plus léger relard dans l'exécution des décrets de l'Assemblée uationale pouvait jeter la nation dans de terribles angoisses.
En les quittant, M. de Bouillé leur a remis une vingtaine d'exemplaires, ies seuls qui lui restas-lent, de la proclamation qu'il avait fait imprimer à Toul, en les invitant à la faire publier à Nancy.
11 leur a observé en même temps qu'il en avait déjà envoyé dans cette ville cent ou cent cinquante exemplaires.
Ces cent ou cent cinquante exemplaires ont été, sans doute, interceptés : rien ne prouve au moins qu'ils soient parvenus, soit au directoire, soit à la municipalité.
Les trois députés ne sont pas revenus ensemble à Nancy; deux d'entre eux, MM. Foissac et Sala-din, ne sont rentrés dans cette ville que le lendemain de l'expédition; et ils ont alors déclaré, qu'ayant aussi été nommés précédemment pour se rendre à l'Assemblée nationale, ils avaient pensé qu'il serait peut-être important d'attendre ia réponse de leurs corps, avant de continuer leur route, et surtout de rester près de M. de Bouillé à Toul, pour lui faire part de la décision que prendraient le département et la municipalité de Nancy.
Nous n'avons recueilli aucune preuve de cette mission particulière donnée à MM. Foissac et Saladin près de l'Assemblée nationale.
Le troisième député, M. Coliny, major de la garde nationale, et porteur d'une vingtaine d'exemplaires de la proclamation de M. de Bouillé, est revenu seul à Nancy.
Nous avons, de ce qu'il a fait, sa déclaration éerite et signée.
M. Coliny déclare qu'en rentrant à Nancy et portant les vingt exemplaires de la proclamation, il en remit trois exemplaires à trois officiers de la garde nationale qu'il rencontra dans la rue Saint-Stanislas ;
Qu'il alla droit au département, où il arriva entre quatre et cinq heures; qu'il remit presque à tous les membres un exemplaire de la proclamation. en leur disant que M. de Bouillé désirait qu'elle fût publiée;
Que de là il se rendit à la municipalité, où il remit le seul exemplaire qui lui restait sur le bureau, en leur annonçant le désir de M.deBouillé.
Maintenant plusieurs membres de la municipalité attestent qu'ils n'ont eu aucune connaissance de cette proclamation.
Il est possible qu'ils n'aient pas été présents à la remise de cet exemplaire ; ii est possible que
le trouble du moment ne leur ait permis ni de voir ni d'entendre M. Coliny.
Mais il est toujours certain que l'exemplaire a été remis sur le bureau de la municipalité, et qu'en le remettant, M. Coliny n'a point laissé ignorer le désir de M. de Bouillé que cette proclamation fût publiée.
Outre la déclaration de M. Coliny, nous avons sur ce fait un témoignage respectable, c'est celui de M. Poirson, président de la commune, citoyen intègre et bien digne de la conliance dont ses citoyens l'ont honoré.
Ce fait établi, il nous sera permis d'observer que le plus grand malheur de Nancy, clans l'instant critique où cette ville se trouvait, est que cette proclamation de M. de Bouillé n'ait été publiée et affichée ni par la municipalité, ni par le département.
Elle était faite autant pour détromper les citoyens séduit3, que pour en imposer à la garnison coupable.
Elle était d'autant plus nécessaire que jusqu'alors, comme on l'a vu, toutes les opérations émanées des corps administratifs avaient été contraires à leurs intentions sans doute, comme à la mission de M. de Bouillé.
Elle a été publiée et affichée ; mais le l*r septembre, le lendemain de l'expédition.
Elle est ainsi conçue :
là nation, la loi et le roi.
De par le roi, François-Claude-Amour De Bouillé, lieutenant général des armées du roi, chevalier de ses ordres, commandant et général de l'armée sur le Rhin, la Meurthe,. la Moselle, la Meuse et pays adjacents, frontière du Palatinat et du Luxembourg.
« La garnison de Nancy, ayant désobéi au dé-« cret de l'Assemblée nationale, du 6 août, sanc-« tionné par le roi, qui ordonne que les troupes « ne pourront faire leurs réclamations] qu'à i'ins-« pecteur qui sera nommé à cet effet, et pronon-« cer sur leur légitimité ; ayant usé de violence « non seulement contre leurs officiers, mais encore « contre l'officier général, chargé de l'examen « et de la vérification des comptes, lequel offi-« cier ils ont voulu arrêter, et que plusieurs sol-« dats ont tenté d'assassiner, en présence de leurs « camarades qui les excitaient à ce crime; ayant « commis, depuis plusieurs jours, toutes sortes « d'actes derebellion, le régiment de Ghâteauvieux « particulièrement, s'étant refusé d'en montrer « le repentir, de rentrer dans l'ordre et d'obéir au « décret qui l'ordonnait; ayant de plus refusé « d'exécuter l'ordre du roi, qui lui ordonne de « partir de Nancy pour se rendre àSarrelonis, et « rompu enfin tous les liens de la discipline et « de l'obéissance, au mépris des décrets de l'As-« semblée nationale, et des ordres du roi, que la « nation suisse a servi avec tant de zèle et une 11-« délité à laquelle, depuis plusieurs siècles aucun « corps suisse n'a manqué, et dont le régiment « de Ghâteauvieux donne l'exemple inouï jusqu'à « ce jour; des cavaliers des Mestre de camp ayant « poursuivi M. de Malseigne, leur inspecteur gé-« néral, le sabre à la main jusqu'aux portes de t Lunéville, y ayantatlaquéles.carabiniers ; enfin, « une partie de cette garnison s'étant portée hors delà ville pour attaquer les troupes destinées à « assurer l'exécution des décrets de l'Assemblée « nationale et des ordreB du roi :
« Étant donc nécessaire de réprimer de pareils « excès, de forcer à l'obéissance aux lois les corps « qui s'en seraient soustraits ;
« En vertu du décret de l'Assemblée nationale, « du 16 août, et des ordres du roi, qui enjoignent « aux corps administratifs, aux gardes nationales, « aux troupes de ligne et aux généraux qui les « commandent, d'assurer l'exécution des lois et « des décrets, d'employer tous les moyens que la « force peut donner pour faire rentrer les soldat» « dans l'obéissance et d'appuyer la justice à la-« quelle les fauteurs et instigateurs de cette re-« bellion doivent être livrés, pour être jugés et « punis selon la rigueur des lois :
« Ordonnons aux troupes de marcher, d'après « l'ordre qui leur en sera donné, et à l'heure qui « leur sera indiquée, pour exécuter le décret de « l'Assemblée nationale, sanctionné par le roi, « conjointement avec les gardes nationales qui se « réuniront à celles de Nancy, pour contraindre, « par la force, les soldats rebelles à la soumis-« sion auxlois. Invitons les gardes nationales, qui « sont dans les murs de Nancy, à se réunir aux c troupes qui marcheront pour l'exécution du « décret, au moment de leur arrivée aux portes * de cette ville ; et engageons les fidèles soldats « et les bons citoyens à réunir leurs efforts en « vertu de leur serment, pour l'exécution des lois « et des décrets, et pour le rétablissement de l'or-« dre et de la tranquillité de la ville de Nancy.
« Toul, le 30 août 1790.
« Signé : BOUILLE- »
La journée du 30 s'est passée ainsi en préparatifs de défense, que la garnison commandait, exécutait, et que les opérations contraintes ues administrateurs paraissaient justifier.
Le lendemain, 31 août, à cinq heures du matin. M. de Noue, toujours retenu aux casernes du régiment du roi, envoie chercher M. Poirson, président de la municipalité, et lui remet une lettre de M. de Bouillé, par laquelle ce général écrit:
« Je suis arrivé, en vertu d'un décret de l'As-' « semblée nationale, sanctionné par le roi, pour « rétablir l'ordre dans la ville de Nancy, et la « discipline parmi les troupes de cette ville; si « les soldats, honteux de tant d'excès, veulent « donner un acte de repentir, le premier témoi-« «nage que j'en demande, c'est la délivrance de « M. Malseigne, à qui j'ordonne de venir me « joindre sur la route de Pont-à-Mousson, où je r serai à la tête des troupes sur les dix heures : « je ferai ensuite connaître mes ordres ultérieurs; « sinon je rallierai aux troupes fidèles tous les « bons citoyens des gardes nationales, et ces sol-« dats traîtres à la patrie verront la nation çn-« tière mareher contre eux, pour punir leur re-« bellion, et les forcer d'obéir à la loi et au roi. »
M. Poirson porte cette lettre à l'hôtel de ville, fait assembler le conseil de la commune, et sur les sept heures du matin, le conseil décide que cette lettre sera imprimée et répandue avec profusion; il ne décide pas qu'elle sera imprimée en placards et affichée.
Mais il décide en même temps qu'elle sera incontinent portée à la garnison par quatre officiers municipaux.
Ces députés, de retour, rapportent que la garnison oppose toujours aux paroles de paix et de vérité la plus criminelle résistance.
En effet, les soldats continuèrent, comme la veille, à exiger de la municipalité et du département de3 décisions qui devaient confirmer l'er-
reur et montrer à la classe la moins instruite des citoyens de Nancy la défense de cette ville, comme une défense légitime.
Une troupe de soldats des trois régiments se présente à la municipalité; elle est renvoyée au département. Le département la refuse : elle revient l'instant d'après, plus animée.
Que demandait-elle?
Elle voulait que la générale fût battue, pour appeler tous les citoyens en armes à la défense de la ville. Elle voulait que réquisition fût faite aux carabiniers de venir, pour le même objet, se joindre à la garnison de Nancy.
Après un premier refus, la municipalité et le département cèdent aux menaces.
D'un côté, la municipalité fait battre la générale; et, de l'autre, le département expédie, pour les carabiniers, la réquisition de venir se joindre à la garnison.
Avec la générale battue, le bruit se répand qu'il faut que tous les citoyens portent les armes, s'ils veulent que leur propriété soit protégée; et l'on a vu des officiers du bailliage, des vieillards, prévenus de cette nécessité, demander des fusils, et se mettre dans les rangs de la troupe nationale.
Quelque temps après, d'autres soldats du régiment du roi montent à l'hôtel de ville, ayant à leur tête un officier qui n'y paraît au surplus que pour réprimer les plus grands excès.
Ces soldats se plaignent que la municipalité, chargée par état de veiller à la sûreté de la ville, ne fasse rien pour elle ; qu'ils ont été obligés de tout faire; qu'ils ont placé les canons; mais qu'ils ne peuvent en même temps porter les armes et servir les canons.
Ils demandent des hommes pour le service des canons : ils veulent que le tambour de la ville annonce que tous ceux qui ont servi dans l'artillerie se rendent au quartier du régiment du roi, pour de là être distribués aux canons placés aux portes de la ville.
La résistance et les réflexions sont inutiles; le président de la commune, seul au bureau, est encore obligé de céder, et le tambour s'en va par la ville, publiant, au nom de la municipalité, invitation à tous ceux qui ont servi dans l'artillerie de se présenter pour être employés au service du canon.
Ce préparatif de défense sérieuse ordonné publiquement par la municipalité produisit l'effet le plus funeste. On peut en juger par une seule circonstance.
Un exemplaire de la proclamation de M. de Bouillé se trouvait dans les mains d'un officier ou d'un soldat-citoyen d'une compagnie de Ta garde nationale, alors sous les armes sur la place royale.
Cette proclamation a été lue à haute voix dans cette compagnie : elle faisait une impression très favorable, lorsque le tambour, publiant l'ordre de se présenter pour le service du canon, vint détruire cette impression et rendre désormais inutiles les discours des hommes sages et instruits, qui voulaient persuader aux autres le véritable objet de la mission de M. de Bouillé.
C'est encore sans doute sur la demande des soldats, que le corps municipal a fait placer aux portes de la ville des détachements de la garde nationale, avec les détachements placés par les régiments du roi, Mestre de camp et Château-vieux ; ces ordres étaient donnés verbalement au major de la garde nationale, qui les transmettait par écrit aux différents détachements.
11 est encore certain que, par ordre de la municipalité, et sur la demande des soldats, les
gardes nationaux ont été chargés pendant cette journée de tout le service intérieur de la ville, parce que sans doute les soldats se destinaient à la défense extérieure.
L'ordre est en original dans les mains du commandant de la garde nationale, ainsi conçu :
« MM. les officiers municipaux requièrent M. le commandant de la garde nationale de donner les ordres nécessaires pour que les gardes nationaux, qui sont en cette ville, fassent le service dans l'intérieur de la ville, au lieu et place des troupes de ligne, qui en ont fait la demande, et qu'ils veillent à la sûreté et tranquillité publique. »
Il est inutile de faire apercevoir l'effet inévitable de ces dispositions forcées, qui n'étaient démenties d'ailleurs par aucune mesure solennelle et publique, sur cette partie des citoyens ignorante et crédule, qui voyait toutes ces dispositions, et qui ne voyait pas la force qui les maîtrisait
Il faut dire ici, pour ne plus y revenir, que suivant le récit des officiers suisses, leurs soldats exigèrent encore dans cette matinée une somme de 27,000 livres.
Cependant, sur les dix heures du matin, les soldats font quelques réflexions.
Les procès-verbaux de la municipalité rapportent que ces. bonnes dispositions furent préparées par les députés municipaux qui retournèrent au quartier du régiment du roi.
L'instruction écrite par M. Poirson, président de la commune, dit que les soldats se présentèrent eux-mêmes au département pour engager ce corps administratif à députer vers M. de Bouillé.
L'instruction écrite par un officier supérieur du régiment se rapproche du témoignage de M. Poirson, en disant que sur les instances de M. Dumontet, membre du directoire, les soldats consentirent à envoyer quatre députés de chaque corps.
Quoi qu'il en soit, ces députés réunis sont partis de Nancy sur les onze heures du matin; ils ont trouvé M. de Bouillé à Frouard, village distant de Nancy de deux lieues ou environ.
Des lettres circulaires avaient été préparées pour son armée. Les soldats du régiment du roi se vantaient qu'une heure suffirait pour désarmer tous les régiments aux ordres de ce général, si les lettres circulaires pouvait parvenir.
Il ne paraît pas même qu'elles aient été reçues ; au contraire, les députés de la garnison lurent accablés par les soldats de M. de Bouillé d'injures et de menaces, dont il fut prudent de modérer la vivacité.
M. de Bouillé n'avait avec lui que des détachements de plusieurs régiments : les soldats de Nancy virent une assez grande quantité d'uniformes différents, ils crurent que l'armée était composée de tous les régiments dont ils voyaient les uniformes, et ils supposèrent M. de Bouillé à la tête au moins de 15,000 hommes.
Là, les députés reçurent les conditions du général telles qu'on va les lire dans la lettre des officiers municipaux ; car les députés municipaux ne sont pas revenus à Nancy, dans le même moment. Cette circonstance ne fui pas heureuse; il est impossible de se dissimuler que le retour et la présence de ces députés auraient eu plus de succès qu'une lettre, pour la propagation de la vérité.
M. de Bouillé nous a déclaré qu'ils lui avaient demandé, pour demeurer auprès de lui, un ordre qu'il avait refusé.
On va voir, dans un instant, que bien loin d'ap-
prouver le désir qu'ils témoignaient de rester auprès de lui, M. de Bouillé avait donné un détachement pour reconduire les députés.
Ils ont dit eux-mêmes à la municipalité depuis leur retour, que la fatigue qu'ils avaient éprouvée en allant à Frouard à pied, ne leur avait pas permis de retourner sur le champ à Nancy.
Ils ont donc envoyé, par un exprès à la municipalité de cette ville, une lettre ainsi concue :
« Nous n'avons que l'instant de vous mander les intentions de M. de Bouillé que voici r
« 1° 11 n'entend et ne veut entendre aucune « proposition de paix que ces conditions ne « soient remplies;
« 2° II exige que la garnison de Nancy sorte « de la ville, ayant à sa tête MM. Malseigne et de « Noue, ou qu'elle se range paisiblement dans ses * quartiers, après avoir remis les deux généraux « entre les mains du détachement qui doit recon-« duire les députés ;
« 3° Que quatre hommes par régiment, des « plus mutins et reconnus pour chefs de la dis-« corde, soient à l'instant envoyés à l'Assemblée « nationale, pour y être jugés suivant la rigueur « des lois.
« Si les régiments persistent dans leur opiniâ- treté, dans deux heures, après l'arrivée des « députés, il entrera lui-même dans Nancy à force ouverte, et se propose de passer au fil de « l'épée, tout nomme qui sera trouvé les armes « à la main.
Cette lettre est parvenue à la municipalité sur les trois heures après midi.
Dans le même temps une autre députation qui n'était envoyée, ni par le département, ni par la municipalité, composée de quatre gardes nationaux et de quatre soldats de chacun des trois régiments, était parvenue à M. de Bouillé, qui se trouvait alors plus près de la ville avec sa petite armée.
Le général les entendit encore et il dicta en leur présence, pour leur être remises, ses dernières dispositions.
Nous avons cet ordre en original, écrit de la main de M. Gouvernet et signé par M. de Bouillé.
Il est en ces termes:
« Dans une heure, M. Malseigne et M. de Noue « seront en dehors ue la ville, ainsi que les trois « régiments reposés sur les armes, et attendant « mes ordres ; sinon, j'entre à coups de canon. »
Ces députés revinrent sur le champ à Nancy, et ils s'empressèrent, en entrant dans la ville, à ce qu'ils rapportent, de publier la volonté de M. de Bouillé.
II ne paraît pas, au surplus, que ce dernier écrit de M. de Bouillé soit parvenu à la municipalité, ni qu'il ait influé sur le parti que les régiments avaient déjà pris.
Revenons à la première députation.
Sa lettre parvenue, comme nous l'avons dit, sur les trois heures après midi, la municipalité a décidé qu'elle serait imprimée sur le champ, et publiée.
Elle a été imprimée, puisque nous en rapportons un exemplaire.
Elle a été, en outre, lue à quelques gardes nationales rassemblées sur la place royale.
On ne peut pas aflirmer qu'elle ait été lue à toutes les gardes nationales de Nancy, et aux gardes nationales étrangères restées dans cette ville, encore moins à tous les citoyens de Nancy, puisque, sans parler de quelques compagnies qui n'ont pu être rassemblées, la municipalité elie-
même, en ordonnant cette réunion des gardes nationales sur la place royale, avait également ordonné de laisser aux portes les gardes nationales qui y étaient placées.
Et, à l'égard de ces gardes nationales placées aux portes, elle a requis les officiers de leur faire donner lecture de la lettre, et d'ordonner à tous de déposer leurs armes aussitôt que les troupes de M. de Bouillé paraîtraient.
Ces précautions n'étaient pas assez solennelles pour être infaillibles; aussi toutes nos recherches ne nous ont pas procuré la certitude de leur pleine et entière exécution.
Pendant que l'hôtel de ville était ainsi occupé, les soldats, joints à cette première députation, étaient rentrés dans leurs quartiers,
Les soldats du régiment du roi, après avoir entendu les conditions imposées par M. de Bouillé; après avoir entendu, surtout, l'énumération des forces dont on supposait ce général environné, et les injures dont leurs députés avaient été chargés par son armée, se mirent à crier assez unanimement : La loi, la loi, la loi! et ils se déterminèrent à souscrire aux volontés de M. de Bouillé.
Ils députèrent vers les deux autres régiments, pour les engager à prendre le même parti; et les deux autres imitèrent leur exemple.
Il était alors quatre heures du soir. Une députation du régiment du roi vient à la municipalité annoncer que les trois régiments vont obéir. On les engage sur-lc-champ, d'exécuter cette louable résolution. En passant sur la place royale, ils apprennent la même nouvelle aux gardes nationales sous les armes, et ils sont embrassés avec transport.
Ils retournent à leurs quartiers ; et, quelques temps après, on voit passer sur la place royale M. de Noue, à la tête d'un détachement de grenadiers et de chasseurs du régiment du roi. Ils marchaient vers la conciergerie, pour délivrer M. de Malseigne.
On vient annoncer à la municipalité, que ceux qui gardent ce général ne veulent pas le rendre, et menacent sa vie; que les officiers municipaux seuls peuvent le délivrer.
La municipalité députe à l'instant deux officiers municipaux et deux notables, qui accompagnés du major de la garde nationale, et de plusieurs citoyens qui s'offrent volontairement, parviennent à délivrer M. Malseigne, montent avec lui dans une voiture, et le conduisent à travers mille dangers et une multitude extrêmement animée.
Les grenadiers qui l'escortent, craignant qu'il ne devienne enfiu victime d'un coup désespéré, lui font prendre un autre chemin que le chemin ordinaire.
Alors le corps municipal, voulant, dans tous le3 cas, que M« de Bouillé fut instruit sans délai de la résolution prise par les soldats de la garnison, députent vers lui deux officiers municipaux et deux notables qui, prenant le plus droit chemin, arrivent les premiers.
Dans le même temps, les trois régiments, conduits par un grand nombre de leurs officiers, sortaient de la ville pour se ranger en bataille, une partie dans la prairie, et l'autre près du pont de Maxeville et dans le faubourg des Trois-Mai-sons.
C'est aussi, dans le même temps, ou à peu près, que la compagnie de la garde nationale de ce faubourg, faisant partie de la garde nationale de Nancy, est venue tout entière se joindre à l'ar-
mée de M.de Bouillé ; et elle a été reçue avec tous les témoignages de l'amitié (1).
Ce moment était décisif. Le bruit de la paix faite avait été répandu dans la ville. Un garde national avait été vu traversant les rues à cheval et criant que la paix était faite.
Que la ville de Nancy renfermât alors dans son sein un nombre considérable d'étrangers, d'inconnus, mal intentionnés, intéressés au désordre, c'est un fait qu'il serait difficile de contester.
Que les compagnies de la garde nationale fixées à un nombre d'homme déterminé, se soient trouvées dans cette journée portée à un nombre d'hommes beaucoup plus considérable, et dont la plupart n'étaient pas connus de leurs officiers, c'est encore un fait attesté par toutes les déclarations.
Que des citoyens mêmes de Nancy ayant opiniâtrement résisté à ces apparences'de paix, c'est une vérité également certaine.
Ainfci, au bruit de la paix faite, se mêlaient des clameurs de perfidie et de trahison.
Les soldats qui conduisaient M. de Noue et M. Malseigne, s'en allaient disant : Nous sommes trahis, on nous livre, on nous mène au supplice; d'autres plus furieux couchaient en joue l'un et l'autre général, que des citoyens couvraient de leurs corps.
Les gardes nationales étaient toujours sous les armes. Les portes, surtout celles de Stainville et de Stanislas étaient toujours gardées par des détachements des trois régiments et de la garde nationale.
Ces soldats aux postes résistaient opiniâtrement aux ordres que leurs officiers osaient encore leur donner, malgré les injures et les menaces.
Les gardes nationales qui voulaient quitter les postes étaient menacées par les soldats, et même par les plus animés de leurs camarades.
Les gardes nationales n'avaient pas reçu encore de la municipalité l'ordre de se retirer.
Cet ordre a été donné très tard, si môme il n'a pas été donné après les premières hostilités.
Ce point mérite d'être examiné.
L'original de cet ordre étant entre les mains du commandant général de la garde nationale, ne porte que la date du jour : l'heure, le moment, n'y sont pas exprimés.
Suivant le récit de M. Poirson, président de la commune, cet ordre n'a élé donné par le conseil général, pour être distribué et porté aux gardes nationales placées aux portes, que lors-qu'ilaétëassuréque les troupessortaieutdelaville. Il douue même la raison de ce retard. Cette'précaution, dit-il, avait été nécessaire, parce que la garnison avait menacé la garde de tirer sur elle, si elle l'abandonnait. Il n'était pas sûr de la faire retirer avant de s'être assuré de la sortie des troupes.
Or, ce moment de la sortie certaine des troupes a été, suivant toutes les déclarations, très voisin des premières hostilités.
L'instruction écrite par un officier supérieur du régiment du roi, dit que ce régiment et celui de Ghâteauvieux sortant de la ville par deux portes différentes, ee rencontrèrent, et qu'ils furent étonnés d'entendre une fusillade à la porte Stainville.
Les officiers suisses disent la même chose :
suivant eux, leur régiment en sortant de Ja ville rencontre le régiment du roi, qui prend Ja tête. On aperçoit un détachement des troupes de M. de Bouillé, qui vient recevoir MM. de Noue et Malseigne, et bientôt se fait entendre un coup de canon, suivi d'une fusillade assez vive.
Ainsi l'instant de la sortie entière des troupes et l'instant des premières hostilités n'ont pas été éloignés l'un de l'autre.
Ainsi l'ordre de se retirer, suivant le président de la commune, donné par la municipalité pour être distribué et porté aux différents postes des gardes nationales, n'a précédé que de quelques instants les premières hostilités.
Le procès-verbal de la municipalité ne fixe pas bien précisément ce moment précieux; cependant il est impossible de ne pas conclure des détails qu'il renferme, que l'ordre de se retirer, donné aux gardes nationales, et les premières hostilités, sont ensemble renfermés dans un très petit espace de temps.
MM. Desbourbes, chevalier de Saint-Louis, et Nicolas, citoyen de Nancy, tous deux notables, tous deux membres de la première députation envoyée le malin vers M. de Bouillé, rentrent par la porte Stainville, au moment où le jeune héros Desilles est couché sur la bouche d'un canon, au moment où il crie : « Ge sont vos amis, ce sont « vos frères, l'Assemblée nationale Jes envoie. Le « régiment du roi sera-t-il déshonoré! »
MM. Desbourbes et Nicolas sont deux citoyens vertueux, amis des lois et de la liberté. Le* patriotisme est toujours intrépide. Ils se joignent à Desilles, ils le serrent dans leurs bras ; leur action n'a pas été assez remarquée: ils sont arrachés, repoussés avec lui, saisis, maltraités, menacés, taudis que l'indomptable Desilles, s'échappe, s'élance, se jette entre les rebelles et l'avant-garde de M. de Bouillé, qui n'était plus qu'à trente pas de la porte.
Ce moment est celui des premiers coups. Ge moment est celui où le plus vertueux jeune homme a été atteint de plusieurs coups de fusils tirés par les soldats mêmes qu'il voulait retenir.
MM. Destourbes et Nicolas dirigent leur marche vers l'hôtel de ville ; le trajet est assez long : ils y arrivent lorsque le combat était engagé; ils y arrivent au moment où le corps municipal, ayant requis le commandant des gardes nationales de les faire retirer, se trouvait exposé aux menaces et à la fureur de ceux d'entre les étrangers et inconnus qui ne voulaient pas exécuter l'ordre, et qui voulaient empêcher les autres de l'exécuter.
Ainsi, conformément au procès-verbal de la municipalité, l'instant où l'ordre a été donné aux gardes nationales de se retirer, se trouve confondu avec l'instant des premières hostilités.
La relation publiée par Ja garde nationale de Nancy est absolument conforme. Elle raconte l'action de Desilles; celles de MM. Desbourbes et Nicolas ; le coup de canon tiré à la porte Stainville ; le combat engagé dans la rue; ensuite elle dit : « La municipalité et les chefs de la garda natio-« nale venaient de donner ordre à tout le monde « de se retirer promptement. »
Le récit imprimé des gardes nationales de Metz est bien plus précis sur ce fait important.
M. de Noue et M. Malseigne venaient d'être remis entre les mains de M. de Bouillé, lorsque,dans la persuasion de la paix conclue, ce général envoie à Nancy dix citoyens-soldats de la garde nationale de Metz pour marquer les logements.
Ces dix Messins entrent par ta porte Notre-Dame; ils y trouvent un poste composé de Suisses, de
soldats du régiment du roi el de gardes nationales. Ils sont couchés en .joue par les soldats qui se plaignaient d'avoir été vendus et trahis. Avant d'arriver à la place Carrière, ils entendent le bruit du canon et de la mousquelerie vers les portes deStanislas et deStainville. lis aperçoivent plusieurs détachements de la garde nationale sous les armes, en différents endroits de ia ville.
Ils arrivent à la municipalité : la fusillade continuait toujours. Ils exposent l'objet de leur mission, en.observant que si l'on se bat, le travail des logements est inutile.
Au même instant, un garde national monte et dit que le feu continuait, et qu'il fallait donner ordre aux gardes nationales de se retirer, ce qui a été aussitôt exécuté.
On voit que, suivant ce récit, l'ordre de se retirer n'a été donné aux gardes nationales qu'après le signal du combat, auquel on ne devait plus s'attendre.
Ce fait est confirmé par deux déclarations écrites qui sont en notre possession, dont l'une atteste que lorsqu'on entendit de la place royale une décharge de grosse artillerie, suivie d'une fusillade bien soutenue, on n'avait pas eu le temps de porter l'ordre à toutes les compagnies de se retirer; et dont l'autre atteste que lorsqu'on donna les ordres de se retirer, le feu était commencé depuis quelques minutes.
Obligés de présenter des faits certains, nous avons cru devoir environner celui-ci de toutes ses preuves, et établir que l'ordre de se retirer n'a été donné par la municipalité, porté el distribué aux différents postes des gardes nationales, qu'à l'instant des premières hostilités, et peut-être même après les premières hostilités commencées.
Revenons au moment que nous avons suspendu, au moment où la garnison sort de la ville, au moment où la municipalité envoie quatre députés à M. de Bouillé pour l'instruire que ia garnison obéit, et que MM. Malseigne et de Noue sont rendus.
Nous l'avons dit, ce moment était décisif. La garnison sortant de la ville pour aller recevoir les ordres de M. de Bouillé ; MM. Malseigne et de Noue rendus ; la nouvelle de la paix conclue se répandant dans la cité; la très majeure partie de la garde nationale éclairée et fidèle; quelques esprits exaltés ou méchants; quelques citoyens égarés, mêlés de beaucoup d'étrangers inconnus qui crient encore à la trahison, et qui sèment l'alarme; quelques soldats s'opiniâtrant aux portes. Eh quoi! dans ce moment, qui ne reviendra plus, n'existe-t-il pas un moyen d'aller recevoir hors de la ville, le général qui s'avance au nom de l'Assemblée nationale? n'existe-t-il pas un moyen d'empêcher une poignée de soldats rebelles, d'attaquer les soldats de la loi?
Ce moyen aurait sauvé la ville, car toutes les voix se réunissent pour convenir que les premiers coups de fusils, que le premier coup de canon tiré à la porte Stainville, ont été le signal et la cause du carnage.
Les quatre députés envoyés à M. de Bouillé pour l'instruire de la sortie des troupes et de la remise de MM. Malseigne et de Noue étaient arrivés près de lui.
Sur cette nouvelle qui semblait assurer la paix, le général, comme on l'a vu, avait envoyé à Nancy dix gardes nationales de Metz pour faire préparer les logements pour leurs camarades.
Il avait changé la disposition de sa marche. Son armée, divisée d'abord en deux colonnes, de-
vait entrer par deux portes : celles de Stainville et de Stanislas.
Puisqu'elle n'allait plus trouver de résistance, il la fit ranger sur une seule colonne qui devait entrer par une seule porte, celle de Stainville.
Il avait demandé aux députés municipaux le chemin le plus court pour aller trouver les régiments qui l'attendaient dans la prairie.
Sur ces entrefaites, M. de Noue et M. Malseigne étaient arrivés : le général les avait embrasses.
Il conversait avec eux et avec les officiers municipaux. Il les assurait encore que les citoyens de Nancy devaient être tranquilles; que les troupes commandées par lui étaient destinées à la sûreté de la ville; qu'elles n'avaient d'autre intention que de venir au secours des habitants, et que si les troupes de Nancy tenaient leur parole, il n'y aurait pas une amorce brûlée.
Tels étaient ses discours, lorsque deux officiers vinrent l'avertir de quelques mouvements ; il piqua son cheval du côté de la ville, et à l'instant même on entendit un coup de canon et des coups de fusils.
Alors le courageux Desilles était étendu par terre, couvert de gloire et de blessures.
Son dévouement héroïque n'avait point arrêté les soldats du poste Stainville ; ces hommes aveugles et furieux avaient mis le feu au canon et fait une décharge de mousqueterie sur ia colonne qui s'avançait pour entrer dans la ville.
On ne sait pas bien si les coups de fusils ont précédé ou suivi le coup de canon, et ce fait est assez indifférent.
Il serait plus intéressant de savoir quel est celui qui a mis le feu au canon, qui sont ceux d'entre les soldats du poste de Stainville, qui ont tiré les premiers coups de fusils.
Un cavalier de Mestre de camp est accusé d'avoir tiré le canon en faisant feu de son mousqueton sur la lumière de cette pièce d'artillerie.
Mais ce cavalier, dit-on, produit aussi de son côté des témoignages favorables, et suivant quelques rapports, lors de l'entrée de la colonne dans la ville, plusieurs Suisses ont été vus morts couchés par terre près du canon, et dont l'un tenait encore une mèche à sa main.
Ce qui est certain, c'est que l'armée de M- de Bouillé avait l'ordre, dans tous les cas, d'attendre le premier feu, et que cet ordre a été religieusement exécuté.
Ce qui est incontestable et déclaré par tous, c'est que le premier coup de canon, les premiers coups de fusils sont partis de la porte Stainville et des mains des soldats placés à cette porte.
Au reste, il serait difficile de peindre la commotion universelle, produite par ee signal de guerre au milieu des assurances de paix.
La ville retentit des cris de perfidie et trahison.
Les trois régiments qui reposaient sous les armes, hors de la ville, et dont tous les soldats se partageaient entre la fureur, l'inquiétude et la soumission, se troublent, s'irritent, s'ébranlent au bruit du canon, et rentrent dans la ville, au pas de charge, malgré leurs officiers, toujours menacés.
A l'exception de quelques centaines de soldats qui se débandent et se dispersent dans la ville, le régiment du roi et celui de Chàteauvieux se renferment, l'un dans son quartier, et l'autre dans la citadelle.
Le régiment de Mestre de camp fut plu3 difficile à contenir ; M. Burgat, son lieutenant-colonel, s'était absenté au moment même où le régi-
ment venait de sortir de la ville ; son absence fut un nouveau sujet d'inquiétude pour les soldats. Us s'imaginèrent qu'il était allé se réunir au général pour les charger, et au premier moment de l'alarme ils se dispersèrent par bandes.
Ces bandes séparées furent cependant contenues, en différents endroits, par MM. Danglars, de Bassignac, et autres officiers dont on ne peut trop recommander à la nation et au roi les bons principes et la bonne conduite.
Leurs soins n'ont pu empêcher un certain nombre de cavaliers, plus insensés que les autres, de se répandre dans la ville, et quelques-uns se jetèrent dans la maison du lieutenant-colonel : ils l'auraient massacré, s'ils l'eussent trouvé; ils brisèrent ses meubles.
Dans le même temps, la municipalité, qui, comme on l'a vu, venait de donner l'ordre aux gardes nationales de se retirer, ne pouvait pas faire exécuter cet ordre trop tardif; ceux qui voulaient obéir, étaient appelés lâches et traîtres, poursuivis, menacés de baïonnettes, couchés en joue par ceux qui voyaient ou voulaient voir la trahison jusque dans l'exécution de cet ordre.
La municipalité fut alors en butte aux mêmes fureurs. Quelques coups de fusils furent tirés dans les fenêtres de l'hôtel de ville ; et les gardes nationales de Metz, arrivées là pour faire préparer les logements, crurent que ces coups de fusils étaient dirigés contre eux.
Mais, malgré cette opinion, ils ont juré qu'ils périraient plutôt que de laisser maltraiter le corps municipal.
Le récit imprimé au nom de la municipalité ajoute qu'une pièce de canon avait été pointée contre l'hôtel de ville, et qu'un officier de l'armée de M. de Bouille, arrivé heureusement sur la place royale, avait sabré celui qui allait y mettre ie feu.
Tout est exact dans ce fait, excepté la direction du canon qui n'était pas contre l'hôtel de ville, mais contre la colonne de l'armée de M. deBouillé, qui s'avançait par la rue de l'Esplanade.
La même confusion régnait partout; l'ordre de se retirer, porté aux différents postes des gardes nationales, éprouvait des retards dans son exécution ; les uns, postés en vertu d'ordres par écrit, voulaient des ordres par écrit pour se retirer; les autres, n'ayant plus de frein, forçaient les plus raisonnables à rester et à garder leurs armes. Ce sont ces hommes, pour la très grande partie, étrangers et inconnus a Nancy, qui, joints aux soldats dispersés, se sont jetés dans les maisons pour fusiller par les caves et les fenêtres; ce sont ces hommes qui attendaient au coin d'une rue les détachements de l'armée patriotique, pour tirer leurs coups de fusils, s'enfuir et se poster au coin d'une autre rue.
Le commandant de la garde nationale (1) fut exposé lui-même aux plus grands dangers. Echappé aux baïonnettes plusieurs fois tournées contre lui, plusieurs de ces hommes qu'on vient de peindre l'arrêtant, le forcent de se mettre à leur tête, pour les conduire, disaient-ils, à l'ennemi.
Cet ennemi était une colonne de l'armée de M. de Bouillé qui les couche en joue, les disperse avec ce seul geste, et délivre le commandant.
Malgré cette tribulation générale, ce qu'on peut appeler le corps de chaque compagnie de la garde
nationale, s'applaudit d'avoir exécuté, jusqu'au dernier moment, l'ordre de la municipalité.
A l'attaque imprévue des soldats placés à la porte Slainville, l'armée de M. deBouillé avait repris sa division projetée. La première colonne, obligée de combattre, est entrée, à force ouverte, par la porte Slainville.
La seconde colonne s'est présentée à la porte Stanislas, où elle a éprouvé la même résistance et obtenu le même succès.
La grille de cette porte était fermée, et les coups de fusils portaient à travers les barreaux de la grille et par les fenêtres des maisons voisines.
La serrure de la grille a été brisée d'un coup de canon, et la colonne s'est avancée dans la rue de l'Esplanade, toujours fusillée par les fenêtres et par les soupiraux des caves.
Ce moment déplorable a vu commettre des atrocités indépendantes de toute erreur, des crimes de lèse-humanité, dont la loi cherche aujourd'hui et menace les coupables.
On rapporte qu'un officier des hussards, blessé, demandant la vie,, a reçu de celui qu'il suppliait un coup de pistolet dans la têle;
Qu'un autre forcené a devancé un prêtre qui portait à un mourant les secours spirituels, pour assommerl e mourant à coups de crosse de fusil;
Que d'autre?, après avoir jeté par terre un hussard d'un coup de fusil tiré par la fenêtre, sont descendus pour le dépouiller et se disputer sa dépouille.
A ce tableau lugubre, opposons un tableau consolant. Ce moment a aussi vu des actions héroïques; celle du jeune ûesilles sera désormais immortelle.
Après ce héros, n'est-il pas juste de nommer celui à qui il doit le jour qu'il conserve encore? (1)
Il était renversé, frappé de quatre coups de fusil. Un garde national de Nancy, âgé de dix-huit ans, M. Hœner, fils d'un imprimeur estima-? ble, d'un bon citoyen, se précipite sur lui au milieu du feu, le prend dans ses bras, l'enlève et le met à l'abri dans une maison voisine. La déclaration de M. Ûesilles suffit à la preuve de ce fait.
On a déjà parlé de la contenance stoïque de MM. Desbourbes et Nicolas, notables qui ont, à côté de M. Desilles, dévoué leur existence à la fortune publique.
Une femme, celle du sieur Humberg, consigne d'une porte, après avoir tenté vainement tous les moyens de vaincre l'opiniâtreté des soldats qui voulaient mettre le feu à un canon, a osé, s'ex-posant à toute leur fureur, jeter sur la lumière une chaudronnée d'eau, au moment où la mèche allait toucher l'amorce.
Les preuves de ce fait sont dans les registres de la municipalité.
Ces actions, dignes de louange, ne peuvent faire oublier la conduite généreuse de toute l'armée de M.de Bouillé, au moins dans le moment de l'action ; ce courage indulgent, celte intrépide modération que tousses soldats ont opposés aux attaques les plus perfides et les plus meurtrières. La colère et ia vengeance pouvaient porter le fer et le feu dans ces maisons traîtressses, d'où la mort sortait presque sûre de l'impunité. Eh hien l tous lés témoignages attestent que ces maisons mêmes ont été respectées, qu'aucune propriété n'a été violée, et si les fureurs particulières ont eu quelques accès ; si quelques soldats de cette armée se sont
portés, dans ce moment de gloire et de danger, à des actions inutiles à la défense légitime, ces actions, fussent-elles prouvées, ne sauraient être le motif d'un reproche général.
Dans toutes ces rencontres, on a généralement observé l'acharnement presque indomptable des Suisses de Ghâteauvieux.
Le relevé exact des enterrements faits par la municipalité a porté le nombre des morts de cette journée à quatre-vingt-quatorze, sans compter les blessés dont plusieurs ont augmenté depuis le nombre des morts : on se plaint même qu'en général les blessures sont très dangereuses.
A sept heures ou environ, l'armée était en possession de tous les postes.
Les trois régiments avaient reçu l'ordre de leur départ.
Le régiment du roi, renfermé dans son quartier; les Suisses de Ghâteauvieux, contenus dans la citadelle avec des efforts vantés par leurs officiers, ont exécuté cet ordre avant la nuit.
La plus grande partie du régiment de Mestre de camp s'était retirée à la Chartreuse, située à une lieue de Nancy; un seul détachement était resté dans les casernes, d'où il est parti à quatre heures du matin.
De nombreuses patrouilles arrêtaient toutes les personnes armées.
La nuit a été douloureuse, mais paisible.
Le lendemain, cette proclamation de M. de Bouillé, dont la destination avait été d'apprendre aux citoyens de Nancy ce qu'il venait faire dans cette ville, affichée enfin, leur apprit ce qu'il avait fait.
Bientôt ce général observa lui-même et témoigna son étonnement de ce que les gardes nationales ne faisaient aucun service. Cette observation fit placer un garde national à la porte de la municipalité.
Bientôt on lui demanda des ordres pour régler tout ce qui pouvait intéresser la police et l'administration, ou plutôt tout ce qui intéressait l'opinion alors dominante, pour réformer la garde nationale, ainsi que nous l'expliquerons bientôt; pour faire emprisonner les personnes qu'on désignait; pour fermer et saisir dans ses papiers le club patriotique, auquel on affectait d'attribuer les fautes de la garnison, et les malheurs de la ville : on voulait, sans le dire, donner à M. de Bouillé une autorité dictatoriale.
Il déclara précisément qu'il n'était venu que pour exécuter les décrets de l'Assemblée nationale, et réduire par la force, puisque la force avait été indispensable, une garnison rebelle; qu'il n'avait dans la ville aucune autorité administrative ; que les administrateurs étaient en fonctions; qu'ils pourraient désormais les exercer paisiblement.
Instruit par des demandes réitérées, que l'on continuait à saisir en sens inverse l'objet de sa mission, M. de Bouillé, après avoir réglé toutes les choses militaires, s'est éloigné de Nancy, dès le 2 septembre, surlendemain de son expédition.
Deux jours après son départ, et la veille de notre arrivée, en vertu d'un jugement rendu par les justices réunies des régiments de Yigié et Castella, suisses, 23 soldats du régiment de Ghâteauvieux ont subi la peine de mort, 41 ont été condamnés pour 30 ans aux galères, et 71 ont été renvoyés à la justice de leur régiment.
Nous sommes arrivés à Nancy le 5 du même mois, et nous nous sommes présentés le 6 aux corps administratifs.
Dans quel état avons-nous trouvé cette ville infortunée I
Elle jouissait de cette tranquillité que donnent la terreur et la consternation.
Parce que les soldats avaient affecté le patriotisme, tous les citoyens qui depuis le commencement de la Révolution avaient manifesté avec quelque énergie des sentiments et des principes de liberté étaient considérés comme les complices des soldats.
Ils étaient exposés à des insultes publiques; et, lors du service célébré pour les honorables victimes de la loi, plusieurs avaient été auda-cieusement insultés, maltraités, obligés de se retirer.
C'était contre eux, surtout, qu'était dirigée cette procédure ordonnée par le décret du 16, contre les instigateurs des troubles ; et, si cette procédure était connue, on serait affligé de voir qu'une opinion publiquement énoncée, un geste de curiosité, un sourire même ont été des motifs suffisants pour décréter des citoyens recomman-dables par leur état, et dont les vertus, avant la Révolution,n'avaient jamais été calomniées.
Le patriotisme enfin semblait puni d'un crime dont il n'était pas coupable.
Les couleurs nationales étaient proscrites, la cocarde et l'uniforme forcés de se cacher.
La municipalité avait autorisé tous les capitaines de la garde nationale à retirer et à retenir chez eux les armes de leurs compagnies ; aussi la garde nationale ne faisait-elle plus aucun service, excepté le factionnaire placé à la porte de la municipalité, sur l'observation de M. de Bouillé.
Plusieurs compagnies apportaient successivement des délibérations, dont le résultat était de détruire nécessairement la garde nationale pour la réformer, en procédant à des exclusions nombreuses, dont la loi seule n'eût pas été l'arbitre.
Chacune d'elles attestait qu'elle était irréprochable; que les excès du 31 août avaient été commis par des brigands inconnus introduits dans son sein, mais presque tous en tiraient la conséquence fausse, que le corps de la garde nationale était souillé, flétri, déshonoré, et l'un des capitaines a été jusqu'à demander que les drapeaux fussent brûlés en place publique.
Le procureur du roi avait rendu plainte, le 3 septembre, pour la poursuite des crimes commis dans la journée du 31. Au moment de l'action, les soldats vainqueurs arrêtaient tous ceux qu'ils rencontraient les armes à la main; mais les jours suivants, la loi aurait dû seule être écoutée, et les proscriptions continuaient; nous en avons eu ia preuve le 5 septembre : le jour même de notre arrivée, on emprisonnait encore, sans forme, sans accusation, sans décret, sans qu'il fût possible de connaître la puissance en vertu de laquelle on emprisonnait.
Les prisons étaient pleines ; l'effroi circulait dans cette portion de la multitude qui croyait avoir une grande erreur à se reprocher ; quelques boutiques avaient été fermées ; les émigrations étaient nombreuses.
M. de Bouillé avait refusé l'ordre qu'on lui demandait pour fermer le club patriotique. Depuis ce refus, M. de Noue s'était transporté à la municipalité, avec un officier de Royal-Normandie, et il avait dénoncé le club, disant que l'on y attirait déjà des soldats de la nouvelle garnison, et qu'il était instant de prévenir les effets des séductions dont la garnison précédente avait été victime.
Sur cette dénonciation, la municipalité ? avait, sur-lç-champ» nommé deux cominissaires, qui, à l'instant, accompagnés d'une trentaine de Soldats, s'étaient transportés au lieu des séances de cette société, avaient fait ouvrir les armoires par un serrurier, s'étaient saisis des registres et papiers, sans en faire inventaire, sans requérir la présence d'aucuns des propriétaires,
Ces papiers avaient été portés à la municipalité et envoyés par elle au bailliage qui les avait joints à la procédure instruite contre les instigateurs de la révolte des troupes.
Quelques soldats de |a garnison nouvelle paraissaient oublier cette modération qui les avait rendus recommandâmes aumoment.de leur entrée dans 'a vil'eî 00 faisait éclater (les signes de ressentiment contre les habitants de Nancy ; des plaintes fréquentes qui nous dénonçaient des insultes faites aux femmes, des menaces faites aux cabaretiers, quelques vignes même dévastées pouvaient faire craindre tous les excès du despotisme militaire,
D'autres soldats de l'ancienne garnison, échappés au désordre du 31 août, erraient dans les bois sans vêtements, sans nourriture, et menaçaient la tranquillité des campagnes.
Enfin, ce qui était plus alarmant encore, tous les pays voisins manifestaient, contre la ville de Nancy, des sentiments de colère et de vengeance que semblaient justifier certaines délibérations de la garde nationale. Ces sentiments s'exhalaient à Metz avec plus de vivacité que partout ailleurs.
Dès le premier septembre, M. Lisez, architecte, .revenant de Metz,, avait déclaré à la municipalité de Nancy que tous les citoyens que leurs affaires pouvaient conduire à Metz devaient être avertis de retarder leur voyage jusqu'au moment où les Messins pourraient être détrompés de l'opinion qui supposait coupables tous les habitants de Nancy.
On nous a rapporté, à nous-mêmes, que des balles à fusil, portées de Nancy à Metz, avaient été vues, dans cette dernière ville, aplaties, pendues aux boutonnières, avec eette inscription : Vengeance contre les traîtres de Nancy.
Ces ressentiments paraissaient justifiés par les pertes irréparables que les braves et fidèles Messins avaient faites devant les portes de Nancy : mais leur effet pouvait être redouté.
Dans cette convulsion générale, chargés de maintenir la paix en recueillant les renseignements exacts que nous venons d'exposer, nous avons cru qu'une commotion véhémente, un développement subit de l'autorité qui nous était confiée, ne convenaient point au bien qu'on attendait de nous.
Nous avons cru que des mesures forcées, dont l'effet eût été de donner un grand empire à certaine opinion, aux dépens de l'opinion contraire, pouvaient être plus nuisibles que profitables. Nous avons pensé, enfin, qu'il suffisait, pour rétablir l'équilibre, d'appliquer quelque baume sur cette blessure profonde, et de répandre partout l'influence du génie de l'Assemblée nationale et des vertus de Sa Majesté.
Après avoir déclaré, lors de notre première séance à la municipalité, que les chambres habitées par nous dans une auberge de la ville seraient continuellement ouvertes à tous, sans distinction de rang et de fortune; que tous seraient entendus également; que tous obtiendraient justice de l'Assemblée nationale et du roi, nous
avons rigoureusement, et jusqu'à notre départ, rempli cette professe,
Nous nous sommes contentés, de même, d'observer au tribunal que 5 jours après une grande catastrophe, la loi devait reprendre son enjpire, inflexible et immuable ; que les citoyens pe pou-» voient être emprisonnés ni retenus eu prison, sans une accusation préalable et sans décret,
Cette manifestation impartiale et douce de nos sentiments a opéré l'effet que pous avions droit d'attendre.
Les couleurs nationales ont osé reparaître ; les membres de la garde se spptfait bientôt un plaisir de ne nous visiter qu'en uniforme, et l'honneur que l'on voulait nous faire d'entretenir un poste ae quelques hommes devant l'auberge que nous habitions, en stimulant un service partiel, mais journalier, a donné un mouvement propice à la garde nationale.
Examen fait par le procureur du roi et du bailliage, des personnes détenues et des causes de leur détention, tous les citoyens que la justice n'avait aucun intérêt de retenir sous sa main, tous ceux qui n'étaient ni décrétés ni dans le cas de l'être, ont été rendus à la liberté et aux alarmes de leurs familles.
Aucune plainte d'emprisonnement arbitraire n'est plus arrivée jusqu'à nous; la confiance publique s'est ranimée, quelques boutiques ont repris leur commerce et leurs travaux ; quelques projets de quitter la ville ont été rétractés.
Les prévenus frappés de décrets sont en prison ou contumaces, et si quelquefois leurs familles éplorées ont pu, dans leur ignorante crédulité, recourir à l'autorité dont nous étions revêtus, il a suffi de leur enseigner la loi pour ia faire respecter; il a suffi, pour faire cesser leurs instances inutiles, de leur déclarer précisément, que nous étions étrangers à la procédure; que la justice était supérieure à toute puissance, mais qu'elle était éclairée autant qu'inflexible, et qu'elle pèr serait, dans une balance égale, les faits et leurs causes, les actions et leurs motifs.
M. de Bouillé, que la nouvelle de notre arrivée, et la nécessité défaire publier, devant la garnison, les décrets dont nous étions porteurs, venaient de rappeler à Nancy, nous a, pour ainsi dire* prévenus sur l'inconvénient de laisser longtemps, dans cette ville, une troupe nécessairement aigrie par le ressentiment d'une résistance meurtrière autant qu'inattendue.
Les régiments suisses de Vigié et de CasteJIa, et les hussards de Lauzun, avaient remplacé les régiments du roi, de Chàteauvieux et de Mestre de camp.
M. de Bouillé, lors de notre première entrevue, avait déjà pris des mesures pour faire arriver d'autres troupes des garnisons de l'Alsace, Successivement les trois corps intéressés à l'événement du 31 août ont été remplacés par des régiments étrangers à cet événement, et deux ou trois jours avant notre départ la garnison entière, était renouvelée.
Le calme ramenant insensiblement les réflexions impartiales et froides, la dénonciation faite con? tre la société des amis de la Constitution a été bientôt et facilement éclairée.
On a reconnu que les membres de cette société ne s'étant point assemblés depuis quinze jours, il était impossible qu'ils eussent attiré dés soldais de la garnison nouvelle à des séances qui n'avaient point existé.
Leurs papiers, joints à la procédure instruite en vertu du décret du 16 août, ne présentaient
que les principes purs de la Constitution, et la preuve ijon suspecte des efforts fiaits pour ramener la garnison à l'obéissance, à l'exécution de la loi.
La municipalité a offert de leur rendre ces papiers ; et cette affaire serait entièrement terminée, si la municipalité avait voplu joindre, à la remise de ces papiersî un arrêté qui rendit publiquement justice à leurs principes compromis, à leurs sentiments mécpnnus.
Lçs papiers du club patriotique sont donc restés assez inutilement enchaînés à une procédure criminelle; mais il à repris la faculté paisible de ses séances, et le premier usage qu'A én a fait a été l'expression d'un sentiment qui honore beaucoup trop nos faibles efforts én faveur de la loi, de (a paix et de la liberté-
le rétablissement dç îa garde nationale a été le plus Iqpg, et pour ainsi dire, le plus difflciie de nos travaux-
Les dissentiments qui agitaient les membres de cette troupe nâlfonalè avaient rendu inutiles trois réquisitions faites pour qbéççjr? en sa présence, fa lecture et la proclamation des d'êçrets que nous venions faire exécuter.
Les capitaines enfin ont été assemblés : pous avons été invités à cette séance dans laquelle il a été arrêté que ïa garde nationale existait ; qu'elle continuerait provisoirement son seryiçê; qu'il fallait une modification dans sa pomposition actuelle, qui fût conforme au? décrets de l'Assemblée nationale, et enfin que les eXQlUglpns arbitraires étaient défendues.
Cet arrêté a été exécuté dans toutes ses dispositions- La nouvelle composition s'est faite aveç lenteur, mais sans aucun obstacle alarmant; et le 30 du mois dernier, la veille de notre départ, nous avons eu, avec les officiers municipaux, la satisfaction d entendre la proclamation des décrets dont nous étions porteurs, devant toutes les compagnies de la garde nationale assemblée sous les armes r§pdues par les capitaines, et sous les drapeau? qui n avaient pas été brûlêf.
Les avis que nous avions reçus relativement aux soldats de l'ancienne garnison, égarés dans les bois voisins, nous les avons transjpîs à la municipalité de Toul, plus exposée» (|isajt-phf à-çe désordre, et nous avons été pleinement rassurés par les dispositions déjà prises à cet égard, plusieurs détachements delà garde nationale de cette Ville et des troupes de ligne, cantonnés dans les environs, s'étaient volontairement chargés de cette surveillance nécessaire, et chaque jour a annoncé un succès jusqu'à l'entier rétablissement de la Sûreté publique dans ces captons.
La nécessité d'aller à Metz vérifier, auprès de M, de Bouilli, certains faits que le temps développera successivement, ppus a procuré J'avantage de répandre, dans la municipalité de cette ville, dans l'esprit des citoyens dont les regards éclairent toutes ses opérations, des idées plus vraies, plus favorables a la ville de Nancy, et d'affaiblir cette impression amère et vindicative, qui, de deux cites longtemps rivales, pouvait faire deux ennemies irréconciables.
Qu'il nous soit permis de laisser échapper ici le sentiment consolateur dont npps avons été pénétrés, en voyant à Meté, au milieu des forces militaires, la Constitution assise sur les plus inébranlables fondements, et l'un des boulevards de l'empire devenu celui de ia liberté ; en voyant des citoyens, déjà célèbres par up poipbat livré pour la défense de ia loi, et qui* depuis longtemps, sur les bruits d'une Invasion étrangère, exer-
çaient leqrs armes pour des d^Pgors phis faciles à prévoir et des victoires raoips douloureuses.
Mais, malgré nos enorts dans cette Circonstance, en faveur de la ville de Nancy, il reste éncore, à l'Assemblée nationale et au roi, quelques bienfaits à répandre sur cette contrée malheureuse, pour effacer entièrement oes idées fausses qui prendraient un grand empire si elles n'étaient pas solennellement démenties, et qui en feraient bientôt, dans l'esprit de tous seâ voisins, une terre de haine et de proscription.
L'attention du roi et de l'Assemblée nationale doit encore être appelée sur un objet important, sur les deux procédures qui s'instruisent à Nancy, la première en exécution du décret du 16 contre les instigateurs des troubles de la garnison, et la seconde eontre les excès commis dans la journée du 31.
Dans la première, 15Q témoins ont été entendus et 15 décrets opt été décernés; mais lés plus graves ne paraissent pas déeernés sur des preuves d'instigation ; des délits d'un autre genre ont pu être dénoncés par l'information.
La seçonde est établie sur la plainte rendue le 2 septembre par le procureur du roi eontre tes assassinais eorhmis sur les troupes de M. de Bouillé par différents particuliers qui les tiraient à coup de fusil, contrairement aux çrdres qu'ils avaient reçus, contre les particuliers qui ont cherché et excité à repousser, par la force des armes, ceux qui s'étaient transportés en cette irille pour soutenir Vexécution des décrets.
Tels sont les termes de la plainte : sur cette plainte près de 200 témoins étaient entendus» lorsque nous avons quitté Nancy, sans parler d'un monitoire dont nous avons été instruits, aù moment où il venait d'être ordonné.
La première réflexion qui saisira, c'est que tous les délits purement militaires, tous les excès commis par les soldats à main armée, ne sont poursuivis par aucune accusation, soit qu'on les compte depuis le 28 août seulement, si l'on pense que l'acte de repentir, souscrit le 20 dû même mois par les régiments, ait effacé les délits antérieurs; soit qu'on les réprenne dépuis le 10 août, si l'on pense que cet acte de repentir ait été lui-même effacé par tous les délits postérieurs,
A l'égard des citoyens, l'Assemblée nationale a réservé dans sa sagesse de prononcer { après le rapport des commissaires dont effé avait décrété l'envoi, sur l'adresse âelle envoyée le 2 septembre par le département, le district et la municipalité réunis, pour obtenir que le bailliage de Nancy jugeât en dernier ressort et même fît exécuter, sans attendre la conviction de leurs complices, tous les coupables convaincus des atten-r tats commis dans la journée du 31 août.
Les faits sont maintenant connus. Si l'opinion des corps administratifs de Nancy pouvait èncore aujourd'hui exercer quelque influence sur cette grande et ipaportante décision, npps oserions supplier l'Assemblée nationale et le roi, de rap-. procher de cette adresse rédigée le 2 septembre dans un moment où les esprits étaient agités par le spectacle encore récent de tant de malheurs, le discours qui nous a été adressé au nom de là commune par son procureur dans up temps plus calme, le 30 du même moins, la veille même de notre départ.
Ici les bornes impérieuses de notre ministère nous arrêtent. Il nous était ordonné d'exposer des faits certains et d'indiquer les preuves.
Si les idges conçues au milieu d'un long travail, si les résultats préparés par un examen con-
tinuel, pouvaient paraître de quelque utilité, nous attendrons à cet égard les ordres du roi et de l'Assemblée nationale, et leurs moindres désirs seront des ordres pour nous.
Signé: Dcverryer, B.-G. Cahier.
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin.
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du 14 octobre au matin.
Ce procès-verbal est adopté.
, rapporteur du comité des finances, présente un projet de décret pour autoriser la commune d'Etraye à faire un emprunt.
Ce projet de décret est adopté en ces termes :
« Sur le rapport fait à l'Assemblée nationale, par son comité des finances, d'une première adresse de la commune d'Etraye tendant à être autorisée à un emprunt de 700 livres pour le payement de dettes urgentes; du renvoi de cette demande, par le comité des finances, aux directoires de district et département pour vérifier les faits et donner leur vœu ; des arrêtés desdits directoires, des 28 septembre et 7 octobre, aux tins de l'autorisation : l'Assemblée nationale autorise les officiers municipaux à faire l'emprunt de ladite somme de 700 livres à la charge d'en faire le remboursement dans deux ans sur le prix à provenir de la vente de leur quart de réserve, s'ils y sont autorisés, et, à ce défaut, par la voie d'imposition suivant le mode qui sera fixé ou approuvé par le district et département. »
fait lecture d'une lettre signée du procureur général syndic du département du Nord, qui annonce les dispositions les plus favorables et les plus prochaines pour la vente des biens nationaux ; ce qui a été agréablement accueilli par l'Assemblée nationale.
fait ensuite donner lecture d'une lettre de M. de La Tour-du-Pin, ministre de la guerre, concernant le régiment de Royal-Champagne, en garnison à Hesdin (voy. p. 479, séance du 6 octobre 1790, le rapport des commissaires). Cette lettre est renvoyée au comité militaire.
, rapporteur du comité de Constitution, obtient la parole et fait un rapport sur la réduction des districts en général et particulièrement sur ceux du département de l'Ain.
Messieurs , le directoire du département de l'Ain demande la réduction des neuf districts qui le composent.
Ce département ne contribue pas aux charges de l'Etat au delà de dix-neuf cent mille
livres, pour toutes impositions ; il lui en coûtera trois
L'intérêt des villes, dirent-ils alors, est d'être un impôt sur les campagnes, d'appeler dans leurs murs beaucoup de dépenses, et de multiplier, à cet effet, toutes leurs relations ; mais 1 intérêt que les villes oublient, que l'Assemblée nationale ne doit pas oublier, c'est celui du peuple, et particulièrement de celui des campagnes, qui payera toujours aux villes les frais de l'administration et de la juridiction.
« Il ne faut donc pas multiplier les districts, parce qu'il ne faut pas multiplier sans nécessité lés dépenses de l'administration, ni celles de la justice que l'on ne paye qu'avec des impôts. La dépense d'administration pour un petit district, onéreuse à tous les contribuables, sera plus que triplée, relativement au tribunal. Les officiers ministériels, bornés à un petit ressort, compliqueront les procès ; ils en susciteront ; la justice deviendra un impôt de séduction pour les citoyens. C'était l'inconvénient des petits bailliages royaux, multipliés à l'excès dans quelques-unes des ci-devant provinces par de honteuses vues fiscales; c'était celui des justices seigneuriales, dont se nourrissait cette nuée formidable de praticiens de villages.
« Le danger de trop multiplier les administrateurs et les officiers de justice est double; plus on en a au delà du besoin, plus ils coûtent; plus on en a, moins ils valent, et moins bien leur service est fait. Ensuite, après avoir fait l'énu-mération des hommes instruits, qu'exigent et l'administration et la justice dans un district, nombre que vous avez augmenté depuis, par rétablissement des jurys, vos commissaires ont dit qu'il ne fallait conséquemment se permettre de former de petits districts, que lorsque les localités opposant des obstacles considérables aux communications, rendaient impossible d'en faire de grands; qu'ainsi lorsqu'il s'agissait de diviser un département en districts, il fallait d'abord examiner si la facilité des communications permettait de n'en faire que trois ou quatre, et que si-la chose était possible, il fallait bien se garder d'y en placér un de plus ; que la latitude de les porter jusqu'à six ou neuf n'était qu'une latitude de faculté et non d'ordre, et dont on ne devait user qu'autant que des localités impérieuses en faisaient une loi de nécessité. Telle est, Messieurs, la doctrine que les commissaires du comité de Constitution ont exposée; elle a été rendue publique dans l'ouvrage imprimé et distribué à l'époque de la division du royaume; ils ont insisté même, en terminant cette opinion, pour que, dans tous les cas, les divisions de territoire pour le ressort des tribunaux ne fussent pas les mêmes que celles qui devaient avoir lieu pour l'administration, afin de remé-
dier, au moins sous ce rapport, à l'abus de la multiplication des divisions administratives (1).
» Ce que vos commissaires avaient prévu, Messieurs, l'événement l'a justifié. Plusieurs directoires de départements demandent la réduction de leurs districts. L'Ardèche l'a sollicitée, et la chose est faite. On ne peut se dissimuler que rien n'est plus désirable que l'effectuation très prochaine de cette réduction ; elle l'est pour la perfection de la nouvelle division du royaume; elle l'est pour l'effectuation de vos décrets sur l'ordre judiciaire, et de ceux que vous allez rendre pour l'établissement des jurys; elle l'est pour le soulagement du peuple, sous"les rapports de l'économie. Un mot sur cet objet vous convaincra.
Dans le nombre des quatre-vingt-trois grandes divisions de la France, connues sous le nom de départements, il n'en est que quarante-quatre dont les sous-divisions soient dans un nombre modéré, et qui néanmoins est encore susceptible de réduction; cinq départements se sont divisés en trois districts, huit en quatre, cinq en cinq, vingt-six en six ; le tout forme quarante-quatre départements dont les districts ne sont pas excessivement multipliés, puisque le nombre le plus considérable est de six ; il reste trente-neuf grandes divisions, dont dix-huit sont sous-divi-sées en neuf, sept en huit, quatorze en sept : en réduisant à un terme moyen de dix districts chacun de ces trente-neuf départements , on gagnerait la dépense de soixante-douze districts; mais ces trente-neuf ainsi réduits, joints aux vingt-six qui sont actuellement divisés de même, forment soixante-cinq départements, qui pourraient présenter, sinon une réduction générale à cinq divisions, au moins celle de soixante-cinq sur Je tout; et en joignant cette économie de soixante-cinq districts à celle de soixante-douze que l'on aurait obtenue sur les départements divisés en plus grand nombre que six, il en résulterait une diminution de cent trente-sept, qui, à 30,000 livres de dépenses [pour chacun, produiraient une économie annuelle de 4,110,000 livres, et du double de cette somme pour les frais d'établissement ; plus on se rapprochera du plan du comité, plus l'économie deviendra intéressante. Parmi les autres avantages que je viens de détailler, le plus remarquable est celui de la nécessité d'une bonne exécution du plan de votre ordre judiciaire, qui, sans cela, serait exposé à des inconvenances choquantes. La perspective d'un si grand bien a excité l'intérêt et l'attention de votre comité; il a examiné d'abord comment il serait possible de parvenir à l'exécution, et voici les réflexions qu'il a faites :
S'il est dangereux de revenir sur ce qui est fait, cette réflexion n'est pas applicable à
l'exécution de la division du royaume en districts ; sans doute, la division en elle-même est
constitutionnelle; mais l'exécution ne l'est pas; ainsi, sans examiner ce qu'il sera possible
ou utile de faire lors de la rédaction de tous les points de la Constitution, au moins est-il
incontestable que l'Assemblée nationale aura Je droit de prononcer sur les contradictions
apparentes, ou sur les
Maintenant que le plan entier est décrété, que les détails existent, faut-il que l'Assemblée nationale abandonne à la prochaine législature un soin que son droit, que son devoir est de prendre? Je dis son devoir, parce qu'en laissant établir ou consolider les tribunaux et les administrations dans chaque district, la législature trouvera des obstacles sans nombre à les réduire. Les députés des villes pourront être chargés spécialement de les maintenir, et ils seront aussi faciles sur ce point que plusieurs membres de cette Assemblée l'ont été pour tolérer leur établissement : on ne peut se dissimuler que quelques-uns d'entre eux, entraînés par l'intérêt, très excusable alors, de conserver à leurs villes les établissements qu'elles possédaient, ou par les sollicitations des députés extraordinaires, ont eu une complaisance qui deviendrait funeste à la chose publique, si l'on n'y portait remède.
En second lieu, quel danger n'y a-t-il pas d'exposer à une juste critique, peut-être même à la haine du peuple, des institutions créées pour son bonheur? car il ne verra jamais ce bonheur dans des établissements qui le grèveront d'impôts.
Troisièmement, le mépris qu'affectent pour eux les ennemis de la Goustitutiou ne s'accroîtra-t-il pas par la formation vicieuse des tribunaux, là où rien ne les appelait, où rien ne peut les soutenir? et les fautes de leurs membres n'exposeront-elles pas à une ruine entière l'organisation judiciaire, qui a besoin d'être justifiée, par l'expérience, des critiques qui l'attaquent ?
L'Assemblée nationale a donc le droit de réduire la multiplicité des districts, parce qu'il ne s'agit que de l'exécution d'un point constitutionnel, et que cette exécution est devenue impraticable par le décretqui établit un tribuDal en chacun d'eux : ou il faut réformer les décrets qui placent un tribunal par district.
Mais quel sera le mode de réduction? La difficulté que cette question présente pourrait d'abord se résoudre par le principe que je viens d'énoDcer ; c'est que, ne s'agissant pas de réformer un point constitutionnel, et seulement le mode d'exécution actuellement impraticable, par l'effet d'un nouvel ordre de choses, les députés des départements, autorisés par l'Assemblée à convenir de leurs districts, peuvent l'être actuel-
lement à présenter leur réduction au comité de Constitution»
Cependant on a opposé des motifs qui ne sont pas sans force; on soutient que si Tordre actuel des choses peut plaire aux départements, ce ne sera pas faire injure aux administrés de le laisser subsister ; qu'il faut attendre l'expérience, d'après laquelle le Corps législatif pourra, sur les pétitions qui lui seront faites, corriger les erreurs et les vices de la division des départements en districts. On ajouté que la pétition du département de l'Ain n'est pas suffisante ; qu'elle excède son pbuvoir, et que c'est aux assemblées administratives que vous l'avez délégué : on s'appuie sur l'instruction du 12 août, qui porte que les administrations de département ne peuvent faire aucun changement dans le nombre et la distribution générais des districts ; qu'elles pourront néanmoins proposer les vues générales d'utilité publique et d'économie, quis sur cet objet, lui paraîtront dignes de l'attention du Corps législatif
Si, conformément à l'avis de votre comité, vous vou9 déterminez, par l'influence de ces motifs, à ajourner au mois de novembre la réduction de districts que vous demande le directoire du département de l'Ain» il croirait qu il convient à votre sagesse d'ordonner aux assemblées administratives, de Vous proposer leurs vues à cet égard, aussitôt après leur réunion. Ce ne serait pas assez dans les circonstances de dire qu'elles pourront proposer ; leur zèle pour la chose publique éprouverait les plus grands obstacles, et l'intérêt particulier des villes, dont ils seraient citoyens, lutterait avec succès contre leur déBir et leur devoir. On a d'autant plus de motifs de le craindre, que beaucoup de départements sont représentés par un nombre égal d'administrateurs, par chaque district, d'après les conventions illégalement faites par les assemblées électorales.
Votre comité a reçu de toutes parts des lumières sur ce point \ elles lui ont fait ooncevoir le projet d'un décret qui produirait un effet digne d'un objet aussi grand. Il résulterait de son exécution* la rectification entière de cette base importante de votre Constitution* Dès la fin de novembre, votre comité serait à même de vous présenter un plan général de réduction partiellement combinée pour chacun des départements qui aurait trop de districts.
Alors l'Assemblée nationale ne se séparerait point, non seulement sans avoir arrêté Une grande économie, mais encore sans avoir donné à une de ses plus belles opérations une assiette stable, La législature qui suocéderait, n'aurait plus à revenir à une nouvelle division qui donnerait lieu à de grandes difficultés, et qui, peut-être, restant telle qu'elle est, serait exposée à sa ruine entière.
AU sujet de l'ajournement de la pétition du directoire du département de l'Ain, on ne peut se dissimuler qu'outre l'incompétence que quatre districts soutiennent par des motifs assez spéciaux, celui de Gex réclame aussi ;
C'est le plus petit district du royaume; mais il est séparé du département de l'Ain par le mont Jura ii a toujours eu son administration et son tribunal i et quoiqu'il n'ait que quarante communautés, et environ 16,000 habitants, Ses députés mettent une grande importance à sa conservation ~il faut convenir que si la localité peut commander un district aussi petit, c'est dans cette partie qu'il doit avoir lieu, puisqu'il Semble qu'il ne peut, qu'avec peine, communiquer avec le reste du département; et, en tou9 cas, les babi-
tants, grevés d'une surchage annuelle de trente mille livres, pourront un jour lui comparer les avantages d'une administration, et d'un tribunal particulier, et en demander la suppression, s'ils se trouvent grevés»
je me résume, Messieurs, sur les deux objets du rapport.
Votre comité n'avait pas d'abord été dé l'avis de l'ajournement, au mois de novembre, de la pétition du directoire du départëffierit de l'Ain, qui est appuyée d'une très grandê masse d'adtaltus-trés ; il a pensé qu'il avait aësefc dé lumlèrés acquises pour opérer une réduction ; que dette réduction est devenue pressante, sahs renvoi au département» par la conséquence des décrets sur l'ordre judiciaire ; que laisser établir les tribunaux» ce Sêfra multiplier les difficultés d'autant plus inutilement, que lé corps ôonstituaut a toujours le droit de réformer les objets de cette es pèce, lorsque le plus grand avantage du peuple l'exige. Au fond, il est persuadé quë neuf districts surchargeront dé toute manière le département de l'Ain, le plus petit du royaume en contribution, population et territoire \ que cette surcharge sera bien plus préjudiciable âufc .administres* que d'avoir deux lieues de plus â faire pour l'administration et pour la jUsticé, tf'aUtânt plus que l'attrlbtitiôh des juges dê paix reddra très rares les cas dé se pourvoir par devant les juges de district, qui, d'ailleurs, dans lés cas de la réduction seront placé» convenablement pour la meilleure exécution de l'ordre judiciaire que vous avez décrété i cependant, 1 opposition de quatre districts, la demande qu'ils foét du reb-voi à l'assemblée du département, la proximité dé ses séances ont déterminé rajburflément. Mais avant que le comité vous présehte ce tjil'il croit convenable de prescrire en le décrétant, il est de son devoir rigoureux de dénoncer tth abUs destructif de vos principes constitutionnels, ët qui met lë trouble dahs Uh très grand nombre de départements;
Il consiste dans la provbcâtiôh. pour ainsi dire UtiiVët'Sellë, QUë pluSiëUrs directoires, plusieurs ùludicipÊllitêS font des Voeux, des Communes, et des élëctëUfS pour lêS faire âppârténir à Un canton, â Uh district, à Un département, plutôt qu à un aUtrë ; les campagnes sont encore poUr les Villes un dbthaitië tjufylès se contestent. Il résulterait de cëS provocations, non seulement un grand désordre tjtii désorganiserait la division au royaume, mais elles produisent, d'ailleurs, l'habitude très dangereuse de la part des corps administratifs OU des municipalités, de se coaliser en Uhe masse plus OU moins grande d'individus ; et de la part dës habitants des campagnes de substituer lëiir volonté â la volonté de la loi.
Prenez gardé, Messieurs, aux conséquences très dangëfêUsës qui fésulterâiêht dei la tolérance d'une pareille conduite ; le moindre mal que votre Cbmité én redoUtë ëst i'anâfchie, peUt-être mêmé un jdUr l'emploi dé la force Contre les décrets.
Il faut, en défendant de semblables provocations, mettre dans l'impuissance de porter atteinte à la Constitution les citoyens qui, par ignorance oU par un faux zêlè, abusent de la liberté qu'elle a établie.
Lë projet de décret du comité vpus présentera sur Ces objets, sur l'intérêt générai ét si pressant de la réduction des districts, et enfin sur la pétition du département de l'Ain, des dispositions qu'il croit indispensable d'adopter,
PROJET DE DÉCREt.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport: dil comité de Constitution, ajourne la pétition de la réduction des districts du département de l'Ain, au 12 novembre, et ordonne à l'assemblée administrative de ce département de lui présenter, pour ladite époque, son vœu à cet égard ; et décrète :
« Art. 1er. Celles des assemblées de département qui, en
conformité de l'instruction du 12 août, croiront, avoir à proposer des considérations
d'utilité publique et d'économie, quant â la réduction de leiirs districts, seront tenues de
s eh occuper, des leurs premières, séances, pour être aussitôt statué par l'Assemblée
nationale, ainsi qu'il appartiendra.
« krlt 2. Aucune assemblée administrative, aucun directoire, municipalité* ni aucun membre qui les compose ne pourront provoquer le vœu des municipalités, des électeurs, m celui individuel des citoyens, sur ces objets ni sur tous autres; sauf refcécutioq des lois constitutionnelles qui. règlent le droi^ et le pouvoir de faire dés pétitions au Corps législatif1. »
. Le projet de décret que voug présente le comité dé Constitution ne tend à rien moins qu'à renouveler les agitations^ à peine assoupies, sur la répartition des districts entre les villes rivales.
. Vous allez jeter le royaume dans Un dédale de contestations- Il faut conserver ce qqi est fait, çrainte de faire pis encore. La division des districts pe vient pas de votas, Si les adqiinistrés ont lieu de se plaindre j ils se plaindront. Je suis d'avis ou de laisser les choses dans leur état actuel jusqu'à ce que les départements demandent la réduction, ou que l'Assemblée nationale, usant de sa puissance souveraine, prononce sans consulter les départements.
. Ce serait bouleverser le royaume que de revenir la-dessus. Ou'avons-nons à faire? À suivre la route que vos décrets vous ont tracée: c'est de faire droit gur les réclamations des districts qui demandent a se réunir. Votre b.ut« en les chargeant de leurs dépenses, a été de.leur faire sentir la nécessité des réunions. Agissez donc en conséquence, tîne loi générale pourrait produire ies plus grands .inconvénients* Je demande qu'il,soit statué sur i'affaire particulière et que l'ordre du jour écarte le reste,
. Le Vœu des directoires de département ne suffit pas pour prononcer la réduction. Je demande, en conséquence, que l'affaire poit ajournée jusqu'à ce que le vœu des administrés soit connu plus précisément.
L'Assemblée prononce la division du projet dë décret. Elle passe à l'ordre du jour, sauf sur ce qui concerne le département de l'Ain et rend le décret ci-dessous :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport du comité de Constitution, ajourne la pétition de la réduction des districts du département de l'Ain au 12 novembre, et ordonne à.i'As-semblée administrative de ce département de lui présenter, à ladite époque, son vœu à cet égard. »
, membre du cçmitè des finances,
obtient la parole et dît : Messieurs, rien n'est plus Intéressant que la fabrication du papier pouf lés nouteaiii assignats. Nul détail à cet égaM n'est indifférent fti minutieux. Vôtre comité vous propose de prier le roi de ndiflrrter des commissaires chargés, avec ceui que vous fehoi-sirëfc VOttS-mêmes datis votre sein, dê surveillef l'Opération. Ces confiWîsSàifeS seront obligés de sortir de Paris, c'est pourquoi nOUs ydtis ptopo*-sons d'eii nommer six afin qu'ils puissent sê relever chaqUë semaine et être toujours présents au nombre de deux.
Voici nôtre projet de décret :
« L'Assemblée nationale, après avdlf OUï lé rapport de son comité des finances, décrété ce qui suit :
« Art. 1ér. Le roi sera sutinlfê dé tidtnfner deux commissaires
pour surveiller la fabrication des formeè, du baplëi» et des 800 millions d'assignats
nouveaux, décrétés le 29 gëtftëriibre dernier.
« Art. 2. L'Assembléë nationale nommera in-cessamment dans son sein six commissaires pôUr s'ôftëupër de la même surveillance, èofi)di(ite-rhent avéfe les commissaires nommés par le roi.
« Art. 3; Les comrtiissàires seront tenus de surveiller la fabrication des assignats, à .fcotfr-Tttfetléfiï1 pàf Içs opéràtioris préliminaires, et sUc-fie^sivé'Uïëht jusqu'à leur parfaite confection ët leur retrilse dans la éâîssé de l'extraordinaire. >
(Ce projet dé décret est adopté.)
, autre rapporteur du éofnlté des finances, présente un projet de décret éottcérnant les ¥éntè's Sûf lé àleiqè,
Cé décret est adopté ainsi qfi'll suit :
« Art. 1èr. Lës renies dues à dés particuliers sur lé ëlefëé
seront remboursées, si mieux tî'aimè le prôprlétaïfë lëà côhsërvef datis l'état des rentes
constituées.
« Dans l'un ët l'autre cas, les arréragés échus et â échoir sëfôttt payés par les payeurs des rén'tés, acompte dë ceux qui sôUt dUS aépUiS le juillet 1790.
« Art. 2. Lesdites fëhlëS SerOrit distribuées à un Sêul payeur, lëcftiêl âera tenu dë faire inèes-samment lë rëlëvé àur le registre dtl Ci-dévënt Receveur général du clergé, et de les payer ên la formé prëacrite paf le décret du 15 août dernier, à iheSurë que les quittancés aurottt été paf lUi vérifiées.
« Art. 3. Lés ârférâges des rentes dues Par le c]ergé dont je remboursement aurait été ordonné et non Consommé, seront payés, si fait n'a été, acompte des dëfriiers arrérages aô^uittéi, |us-qti àU jôur du remboUrsemënt.
« Art. 4. Ledit fêcëveUr général du clergé sëfa tenu de verser incessamment, dans le Trésor public lëS fonds dUi doivent êxHèr dans sa caisse, et lésdits fonds seront appliqués, jusqu'à due concurrencé, à l'âcctUittëmeht immédiat desdites rentës.
«"Art. 5. Il sèra nommé incessamment, parle roi, dès commissaires pour faire, le rejet dès rentës constituées sur lë clergé qui doivent être éteintes et supprimées, aux tërmes du décret du 15 août, et dresser l'état, de celles qui, aux termes du même decrët, doivent êtrë payées dans lës di^-Vërs districts.
« Art. 6. LëS réhtéfc et redeVabCéS connues sous le nom de fief et accessoiféS dë droits d'usage, chauffage et autres droits affectés jusqu'ici sur lës domaines au profil des âfcheyêcfiés, êvêchéa, chapitrés, diôëesëê, abbàyës, cures, chapelles, bénéfices,' CQiûfôUnâutês Religieuses, autres tou*
tefois que les commanderies et bénéfices de l'ordre de Malte, les maisons religieuses de
femmes conservées sans traitement, seront rejelées de l'état des domaines et supprimées à
compter du ler janvier 1790.
« Art. 7. Les rentes affectées sur les domaines et autres revenus, à des hôpitaux, hôtels-Dieu, pauvres de paroisses, écoles, collèges, fabriques, autres que ceux qui sont situés dans le départe* ment de Paris, seront payées dans les divers districts auxquels ces établissements appartiennent, en la forme et aux conditions prescrites par les articles 13, 14, 15,16, 17 et 18 dudit décret du 15 août.
« Art. 8. Les gages des offices de greffiers des insinuations, de greffiers des domaines,
des gens de mainmorte et autres appartenant à des corps ecclésiastiques, ou religieux seront
éteints et supprimés à compter du 1er janvier 1790.
« Art. 9. Toutes les autres rentes affectées, sur les domaines ou autres revenus au profit des» congrégations libres des maisons religieuses de femmes conservées sans traitement, de l'ordre de Malte, des corporations séculières non supprimées seront provisoirement payées par les payeurs des rentes.
« Art. 10. Seront pareillement acquittées par lesdits payeurs les rentes, soit perpétuelles, soit héréditaires de mâle en mâle, soit viagères, constituées sur les domaines ou sur d'autres régies au profit de particulier ou de famille particulière, à compter des arrérages échus au 1er juillet 1790.
« Art. 11. Les dispositions du présent décret et de ceux des 14 et 15 août ne changeront rien à l'ancien usage, quant à la loi qui régissait les rentes, lesquelles continueront d'être régies par la loi du domicile du propriétaire, à l'exception de celles qui étaient précédemment régies par la coutume de Paris.
« Art. 12. Les appointements à divers professeurs, les fonds assignés à quelques bibliothèques ou autres établissements sur les domaines ou autres revenus seront provisoirement répartis sur les recettes de district de leur arrondissement, et payées en la forme prescrite pour les rentes dues aux collèges, écoles, etc., par le décret du 15 août.
« Art. 13. Les rentes sous le titre d'augmentation de gages créées au denier 18, au denier 16 et à des deniers plus bas, seront rejetées de l'état des charges et rentes, si fait n'a été, et incessamment remboursées.
« Art. 14. Quant à celles qui auraient déjà été rejetées dudit état et non remboursées, l'intérêt en sera payé à raison du denier 20 du capital, depuis la date du rejet, jusqu'au jour du remboursement.
« Art. 15. Et attendu que lesdites augmentations dégagés font partie de la finance desoffices, il en sera dressé un état, préalablement à toute liquidation d'office, et le capital sera imputé sur la finance, des offices auxquels elles appartiennent encore, ou auxquels elles auront appartenu : sauf aux titulaires à justifier que les augmentations de gages ne sont point entrées dans l'évaluation.
« Art. 16. Le bureau du contrôle et de l'enregistrement de3 rentes et celui de liquidation qui y est attaché seront réunis à la direction générale du Trésor public. »
demande ensuite à faire un rapport, au nom du comité des finances, sur les dépenses concernant les ponts et chaussées.
L'Assemblée, pressée de passer à son ordre du jour, ordonne l'impression du projet de décret seulement et fixera, dans une séance ultérieure, la date de la discussion.
Ce projet de décret est ainsi conçu :
PROJET DE DÉCRET SUR LES PONTS ET CHAUSSÉES.
TITRE Ier.
Art. 1er. Il continuera d'y avoir, sous les ordres du roi, une
direction des ponts et chaussées, qui réunira le dépôt des plans, projets et modèles,
l'assemblée des ponts et chaussées, le bureau pour les expéditions et l'école.
Art. 2. A la tête, sera un directeur général.
Sous lui le premier ingénieur, garde des plans, projëts ou modèles, huit inspecteurs généraux, un premier commis, et le nombre des commis nécessaires.
Art. 3. L'assemblée des ponts et chaussées sera forméé du directeur général, du premier ingénieur, dès huit inspecteurs généraux et des ingénieurs en chef des départements qu'ils jugeront a propos d'appeler.
Art. 4. Cette assemblée sera chargée de l'examen de tous les projets généraux de routes dans les différents départements, d'ouvrages d'art en dépendant, de eanaux, de navigation, de construction, d'entretien et de réparation des ports de commerce.
Art. 5. Cette assemblée, durant les sessions du Corps législatif, se tiendra sous les yeux du comité des ponts et chaussées de l'Assemblée nationale, lorsqu'il le jugera convenable.
Art. 6. Quand il s'agira de constructions dans les ports de commerce où la marine militaire est reçue, ou sur les frontières, les projets de constructions seront discutés et examinés dans une assemblée mixte composée de commissaires de l'assemblée des ponts et chaussés et de commissaires du corps de génie.
Le résultat de cet examen sera porté aux comité militaire et des ponts et chaussées de l'Assemblée nationale, réunis; et il sera statué ce qu'il appartiendra sur les rapports de ces deux comités par le Corps législatif.
Art. 7. Chacun des huit inspecteurs généraux sera attaché à un certain nombre de départements : ils seront tenus de les visiter tous les ans, d'inspecter les travaux qui s'y font, de soumettre le résultat de leur examen aux directoires de département, et d'en rendre un compte général à l'assemblée des ponts et chaussées.
Art. 8. Les appointements du directeur général seront de 12,000 livres.
Art. 9. Les frais de bureau et appointements des employés, de 25,000 livres.
Art. 10. Les appointements de chacun des inspecteurs généraux, de 8,000 livres.
Art. 11. Il sera alloué, chaque année, la somme de 46,000 livres pour les frais de voyage du directeur général et des inspecteurs généraux.
Art. 12. Le premier ingénieur sera pris parmi les inspecteurs généraux, el nommé par le roi.
Art. 13. Les inspecteurs généraux seront pris parmi les ingénieurs en chef du département, et nommés au scrutin par l'ingénieur en chef, les inspecteurs généraux et les architectes adjoints.
TITRE II.
Art. 1er. Chaque assemblée de département aura, sous ses
ordres, un ingénieur en chef et un sous-ingénieur.
Art. 2. Chaque département payera son ingénieur et son sous-ingénieur.
Art. 3. Le maximum des appointements de l'ingénieur en chef sera de 4,000 livres.
Le minimum sera de 3,000 livres.
Le maximum des appointements du sous-ingé-nieur sera de 3,000 livres.
Le minimum de 2,400 livres.
Art. 4. Les appointements de l'un et de l'autre seront divisés moitié en appointements fixes, et moitié en gratification.
Art. 5. Le choix de l'ingénieur en chef et des sous-ingénieurs appartiendra aux assemblées de département; mais elles ne pourront les prendre que parmi ceux qui auront été déclarés éligibles pour l'un et l'autre grade, par l'assemblée des ponts et chaussées, et par les examinateurs qui leur seront adjoints (1).
Art. 6. Les ingénieurs et sous-ingénieurs pourront être déplacés par les assemblées de département, mais à la charge de rendre compte à la direction générale des raisons qui motiveront ce déplacement.
TITRE III.
Art. 1er. Les départements seront chargés, comme l'étaient déjà
les provinces, de tous les travaux dont la dépense entière pourra être supportée par eux.
Art. 2. Mais ils ne pourront entreprendre ni faire exécuter aucun projet de routé, canal ou port, que le projet n'ait été soumis à l'assemblée des ponts et chaussées, et décrété par le pouvoir législatif.
Art. 3. Quant aux travaux d'un ordre supérieur, et qui doivent être à la charge de l'Etat, les fonds en seront réglés chaque année par le pouvoir législatif.
Art. 4. Ces travaux seront dirigés, sous la surveillance des départements respectifs, par les ingénieurs el sous-ingénieurs desdits départements; et, en cas que lesdits ingénieurs et sous-ingénieurs ne puissent pas suffire à cet accroissement de travail, il leur sera adjoint d'autres sous-ingénieurs, aux dépens du Trésor public.
TITRE IV.
Art. 1er. Il continuera d'y avoir une école gratuite des ponts
et chaussées, sous la direction de l'ingénieur en chef.
Art. 2. Deux sous-inspecteurs surveilleront les-dites écoles, y maintiendront la discipline et en régleront l'enseignement, aux appointements de 4,200 livres chacun.
Art. 3. Les places de professeurs seront remplies par des élèves qui, après des examens et des concours déterminés, auront été jugés les plus capables de cet emploi.
Art. 4. Soixante élèves et vingt surnuméraires seront reçus à cette école; mais nul n'y
sera ad-
Art. 5. Tous les ans, les élèves et les surnuméraires seront soumis à un concours et à uu examen, au jugement de l'ingénieur en chef, des inspecteurs généraux qui seront à Paris, et de trois membres de l'académie d'architecture, et les prix d'usage seront distribués à ceux qui en auront été jugés dignes.
Art. 6. Ceux qui auront obtenu des prix seront envoyés à la suite des travaux importants, pour s'y instruire sous les ingénieurs qui les dirigent.
Art. 7. Ceux qui, dans les examens et concours successifs, auront obtenu le nombre de degrés acquis seront déclarés éligibles pour la place de sous-ingénieur.
Art. 8. Chaque année, les inspecteurs généraux rendront un compte détaillé des travaux et des services des sous-ingénieurs de leurs départements respectifs, en présence de l'assemblée des ponts et chaussées et des trois architectes adjoints, et, sur ce compte, ceux qui seront jugés les plus capables seront déclarés éligibles au grade d'ingénieur.
Art. 9. Pareil compte sera rendu, tous les ans, des travaux et des services des ingénieurs en chef, et l'un et l'autre compte sera rendu public par la voie de l'impression.
Art. 10. Il sera destiné 28,000 livres chaque année pour les prix, pour les gratifications aux professeurs et aux élèves, et pour les dépenses imprévues.
Art. 11. L'état de distribution de cette somme sera rendu public. Il sera accordé provisoirement la somme de 12,600 livres pour le loyer de la maison occupée par l'école.
, député des Marches, communes de Poitou et de Bretagne, demande un congé de six semaines.
, député de la Manche, sollicita la même permission et pour la même durée.
Ces congés sont accordés.
. L'Assemblée reprend la suite de la discussion sur la contribution foncière. Dans sa séance du 13 octobre, elle a adopté les articles 1, 2 et 3 du titre III.
, rapporteur, lit l'article 4 ainsi conçu :
« Dans le délai de 15 jours, après l'affiche des susdits états, tous les propriétaires feront au secrétariat de la municipalité, par eux ou par leurs fermiers ou régisseurs, et dans la forme qui sera prescrite, une déclaration de ce qu'ils possèdent dans le territoire de la communauté, de la contenance, de lanaturedesditsbienset des charges dont ils peuvent être grevés : ce délai passé, les officiers municipaux procéderont à l'examen des déclarations et suppléeront à celles qui n'auront pas été faites d'après leurs connaissances locales, et celles des commissaires dont ils se feront assister. »
présentent des amendements qui sont combattus par MM. Legrand et de Tracv.
, rapporteur, pense que les amendements peuvent être adoptés.
On propose la rédaction suivante :
« Art. 4. Dans le délai de quinze jours, après « la formation et la publication desdits étals, « tous les propriétaires feront au secrétariat de « la municipalité par eux ou par leurs fermiers, « régisseurs ou fondés de pouvoir, et dans la forme « qui sera prescrite, la déclaration de la con-« tenance de leurs différentes propriétés; ce délai « passé, les officiers municipaux et les com uis-« eaires adjoints procéderont à l'examen des dé-« clarations et suppléeront, d'après les connais-« sances locâles, à celles qui n'aurdftt pas été « faites ou qui se trouveraient inexactes s
« Il sera loisible de prendre communication « de ces déclarations au. secrétariat de la mu-« nicipalité. »
(Cet artide est adopté sauf la rédaction définitive qui sera présentée par le comité à la séance de demain.)
, rapporteur, lit l'article b.
. Pour répartir l'impôt fon-^ cier avec justice, je voudrais que chaqûè municipalité nommât deux ou trois estimateurs parmi les propriétaires pour évaluer les terres. Ces estimateurs se réuniraient au chef-lieu du canton, de la manière la plus prompte ; mais, dans toUB les cas, jamais les estimateurs de la municipalité n'auraient voix délibéFative* mais seulement Voix consultative.
. J'insisterai sûr les classes déterminées des terres qui ne seront pas également louéei ét que lès gens pressés de jouir s'attacheront à souâtralre de l'impôt par de gros pots^de-^vio; Ces classes déterminées faciliteront beaucoup les opérations de l'assiette de l'impôt: lorsque toutes les terres d'un district au-rént été estimées par municipalités et ^ue ces terres âuroht été désignées par les numéros des six classes, vous connaîtrez les rapports de toutes les municipalités de ce . district, et bientôt les Rapports de totis les districts. Comparant ensuite les départements éntre eux, faisant, en un mpt, l'examen de la totalité de l'estimation des terrés classées dans chaque département, Vous connaîtrez les départements dont lés numéros des classes cadreront ou non ensemble. Vous Verre*, je suppose, que ce n'est que le numéro 2 des classes des terres du département dés Hautés-Py-rénées qui se rapporte au numéro 1er du département du NoreL Ainsi vous sèfea sûrs quê le Midi ne vaut pas le Nord. Alors VouB pôUPrefc établir dehx ou trois classes de départements et vous approcherez beaucoup du but. Cette comparaison, toute imparfaite qu'elle sera* pourra vous suffire et vous obtiendrez sans frais, sans perquisitions vexatoires et aussi vite qu'il est possible» un cadastre approximatif qus le temps seul et la Confiance peuvent perfectionner.
Répartissant enfin l'impôt sur ces bases dégrossies, vous confierez aux assemblées administratives sa division, qu'elles feront d'après les déclarations des municipalités qu'elles Vérifieront i
La déclaration de quelquês-unes, dira-t-on, sera peu exacte et imparfaitement vérifiée; mais comme oii peut en dire autant de toutes* ce n'est rien dire et l'incertitude même met ici un contre* poids.
D'ailleurs, à quoi tient leur bonne foi? A la sagesse de l'instruction que vous allez jdifl&re au 4écret* Si votre comité, par son instruction, tran-
quillise les cultivateurs, si on leur explique sous quels rapports ils doivent considérer l'impôt et comment ils doivent calculer l'impôt pour calculer ce qu'ils payaient, sous différentes dénominations, avec ce qu'ils vont payer sou3 une seule; si les cultivateurs entendent bien, surtout, ce que vous déduisez du revenu net* pour les frais dé semence, de récolte, de culture etd'éftlre-tien ; s'ils voient clair dàtis lettrs travaux, Vous saurefc 1a vérité. C'est donc ttfié raison pour traiter avec paternité lés hommes de la campagne. Je ne demande pas qu'ils payent moins à la nation qu'ils ne doivent payer, mais je désife ardemment qu'ils ne payent pâs pitié. La terre ne mam-qnera jamais à la Uàtiôh. Là terré est lë principe de tout. Si l'impôt territorial était plus fertile qu'il ne devrait l'êtrê â Sbn assiette présente, il ne serait pas une chose irréparable, mais l'opération coniràire pourrait être très dangereuse et très imnoiitiqué:
Jê demandé, Messieurs, que les clauses dêtêi^ minées de l'évaluation dés) terres soient adoptées, que le comité présente sous très pêu dé jours une instruction détaillée et paternelle de l'impôt, qui sera envoyée à totiteâ les municipalités et qhe le décret né leur soit point adressé séparément de cette instruction.
demande à proposer des moyens plus courts pour asseoir promptement les impositions de l'année 1791.
On demande la clôture de la discussion qui est prononcée.
L'article 5 est ensuite décrété ainsi qu'il suit :
« Art. 5. Aussitôt que les ônérâtionâ préliminaires seront terminées, les officiers municipaux et les commissaires adjoints feront, en leur âme et conscience, l'évaluation du revenu net des différentes propriétés foncières de la communauté, section par sectiënj »
, rapporteurt fait lecture de plusieurs articles nouveaux du comité.
observe, en ce qui concerne les étrangers, que ce sont des propriétés avantageuses aux propriétaires, mais contraires à l'agriculture et à l'accroissement de la population «
demande que l'Assemblée charge le comité de présenter un projet de déGret particulier sur l'imposition des bpis et des étangs afin qu'il puisse être médité et disGuté.
insiste pour l'adoption de l'article du comité en en retrahchàm les étangs qui feraient l'objet d'une disposition spéciale.
demande que l'on déduise des étangs lè quart du revenu et que ces objets ne soient imposés que sur les trois quarts.
, laboùfèiïr, dit f|ué l'ASSemblée devrait prendre des ffieSbréâ, puisqu'on parle des maisonsetdes étangs, pour qu'il | eût dés deèhâfges et des déversoirs àfin que Ie§ prbjmétés voisines ne fussent pàs submérgêeë.
(L'Assemblée décidé dde lés nôdveâUx articileâ seront imprimés et distribués âVant la délibération qui est renvoyée à deiïiaiii.)
fait donner lecture d'une lettre de M. Dietrlchj maire de Strasbourg. Voici l'extrait de cette lettre t « J'ai l'honneur de vous envôyer lâ fr&dtrôttott
d'un avis circulaire que les prébendiers de la cathédrale de Strasbourg font distribuer dans les campagnes. Le chapitre de ia Toussaint ot celui de Saint-Pierre-le-Vieux et de Srint-Pierre-le-Jeune l'ont fait distribuer à leurs fermiers par leurs bedeaux. Un. bedeau de Saint-Pierre-le-Jeune était porteur de dix de ces avis. Les observations d'Un fermier lui ont donné des inquiétudes; il est venu me faire des déclarations, et m'a remis les avia qu'il n'avait pas encore distribués. Un grand nombre d'habitants des campagnes sont induits en erreur par un ajournement du 22 septembre 1789. et par les décrets eorîcernadt lei protestants. L'on est persuadé que l'Âsgèmblée é&t dans l'intention de trâitef de même les ecclésiastiques catholiques. Le patriotisme est ébranlé par les inquiétudes qu'on répand sur la vente des biens domaniaux; cette vente Sei^difflcilé ët lente ; la circulation des assignats éproliverà dé grands obstacles et notre commerce S'anéantira. Je vous prie de mettre incessamment ces faits sôuS le f eux de l'Assemblée nàtioUâlë, et dë lui donner1 l'assurance de mon respect pôiif* SeS décrets et de mon zèle pour leur exécution. *
(L'Assemblée applaudit àtii sentiments exprimés dans cette lettre.)
Le directoire du district de Strasbourg, cdmposé de Citoyens vraiment patriotes, avait déjà ënvdyé ad Comité de liquidation l'avis qu'on vous annoncé èt dôht Vdifci la tMdufctiOû : « Lë gràhd chapitre dé Strasbourg: avertit par ces présentes tous ses fermiers que, comme lé 22 septembre. 1789, l'Assemblée nationale a réservé la discussion rar lës propriétés edcléslagti^gs a Alsace et sur ies dîmes et dl-oits seigneuriaux, èu égard â Cètte fééël'Vé, le décret du 2 novèrrlbfë ët autres qui en dééoulent ttë peuvent étfë adaptés aux églises câtlioliqués et luthefiehhes d'Alsace. Elle a de même reconnu les droits résultant des Capitulations aux.églises luthériennesd'ÀI&ace et de F^àtlchë-Comtê. Gdmrtië Ces capitulations assurent les propriétés dû grand chapitré, oh VOUs prié et i on vous conseille de n'acheter aucun des biens appartenant au grand dhapitfë dë stras-bourg, et de continuer a lui pàyei\ commë au Seul et Véritable propriétaire, les droits, ce h s et canons portés par votre bail : c'est par ia ruse, l'infidélité ët là fofce de la pUissandë, ét non pâr Unë assemblée iiisté t(Ue vous éëHèàî privés de VoS biens à fertnëj »
Dans unë délibération pHsë dans le même esprit, il est dit que ces dispositions sont manifestées pât* tiné lëttfë aë M. de La TOur-du-Pin à M. ChaumOnt. Le ministre déclare quë l'intéh-tioU du roi estdtle les parties réclamantes ëh Alsace COnlinUeUt â jouir de lettré droits iusqti'à décision contraire. Je me^uis rendu chez M. de La TOur-du-Pin : il m'a dit qu'ii était impossible qu'il eût écrit Uhë iéttrë semblable. Lë 22 septembre 1789, M. l'abbé Aymar avait voulu faire insérer une protëstatldn d;ihëië pfôôès-Vërbâi. Je m'y opposai; ët l'Assemblée, pour terminer un^ aussi fâchétise discussion, ajourna la question élevée SUr cettê insertion àU ^focès-vefbai, voilà cët ajournement au sujet duquel on sophistique depuis treifcè tiioîâ. Lë 6 juiilët de cette année, M. l'abbé Aymar demanda à M. Camus l'extrait du procès-verbal de cëttë sêancë. D'après les ordres de MM. de Bonnav et l'abbé GodtteS, Cet extrait fut délivré; C'est le 8 juillet que la lettre de M* de La Tour?du-Pin a été surprise, Je demande qu@ les pièces qui ont été envoyés par Die-
trich soient remises au comité d'aliénation pour vous présenter demain un projet de décret. (Gette proposition est adoptée.)
annonce une séance extraordinaire pour ce soir, pour y achever la discussion des articles concernant l'administration des biens nationaux. La séance est levée à trois heures.
Sécthôè du
La séàhce est ouVërie à Six heures du soir.
fait donner lecture dés adresses suivantes %
Adresse dê Itt société des aifiis dë lté Constitution dë CdkùtS (jUi dettiitndè quë lès èêbhèës des ùùïps adntinisttûiifs soient publiques*
Jé4démandë qde cettè adresse soit renvoyée au comité de Constitution, (Cé Renvoi est prononcé.) Adresse des plumets porteurs de fcharbOû travaillant sur les différents ports dé Paris, qui, en présentant a l'Assëtubiêè nationale ie tribut de leur respect, de leur amour et de leur Soumission, ét les assurances de leur fidélité à la na^ lion* à la loi et au roi, forment une pétition relative à leurs salaires êt au régime Vexatoire auquël ils se plaignent d'avoir été assujettis pâr la fertile générale et ses préposés à là régie du charbon.
Adressé des marins de Bayonne ét Saint-Jean-de-LuZj qui» ayant rempli les conditions prescrites par les ordonnancés pour être reçus capitaines de navires pour les voyages de long cours, supplient l'Assêmhlôe de les autoriser à subir à BuVOhnèi devant le professeur ordinaire d'hydrographie établi en cette ville, l'examen indispensable pour la réception dans ce grade.
Adresse de ia commune de Romans, district de Ghâtillon^les-Oombes, qui fait le don patriotique du produit des impositions des ci-devant privilégiés de son territoire poUr les six derniers mois de 1789.
Adresse des gardes nationales de la Ville et du canton dê Boissons, des dragons du régiment de ia reine> qui y sont en détachement, et des brigades de la maréchaussée de la même ville, qui expriment leurs sentiments d'admiration pour le courage héroïque que leurs frères d'armea du département de la Meurthe ont montré à Nanoy, sous la couduite de M. de Bouillé; ils font part à l'Assemblée que dans la vue d'honorer la mémoire de ceux qui ont péri victimes de leur dévouement à ia Constitution et à là loi, ils ont fait célébrer pour eux un service solennelj et consigné dans leur adresse leurs félicitations à l'armée de M. de Bouillé.
Adresse du conseil général de la commune de la ville de Galais» qui renouvelle à
l'Assemblée
Adresse des officiers municipaux de la ville de Castres, qui se plaignent d'un arrêt du parlement de Toulouse, en date du 24 septembre dernier, lequel, sur l'appel d'une sentence du bailliage de Castres, relevé par deux particuliers dont elle réglait le procès à l'extraordinaire, et que les officiers municipaux avaient fait arrêter le 7 mai précédent, pour cause des manœuvres séditieuses qu'ils employaient, sous le voile de la religion, pour exciter à Castres des malheurs semblables à ceux qui affligèrent le 10 du même mois les villes de Nîmes et de Montauban, a relaxé ces particuliers, et acondamné aux dépens les officiers municipaux, conjointement avec le procureur de la commune.
(L'Assemblée a renvoyé cette adresse, et deux collationnés y joints du procès-verbal des officiers municipaux, en date du 7 mai, et de l'arrêt du parlement de Toulouse, ainsi que de l'exploit de sa signification et de la réponse desdits officiers municipaux, à son comité des rapports.)
Lettre de M. Gallot, médecin, député de Poitou, par laquelle il fait hommage à l'Assemblée nationale d'un mémoire de sa composition sur les épidémies de Poitou pendant les années 1784, 1785 et 1786 ; il expose que quatre cents exemplaires de son ouvrage furent envoyés le 16 février 1788 au contrôle général, par ordre du ministre, pour être répandus dans les provinces, ce qui n'a point eu lieu, et demande à être autorisé à retirer ces quatre cents exemplaires du contrôle général, où ils sont encore, et à les faire adresser aux directoires des quatre-vingt-trois départements, pour être mis entre les mains des gens de l'art.
(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention de cette adresse dans son procès-verbal, et là renvoie, ainsi que l'ouvrage qui y est joint, à son comité de salubrité.)
, ci-devant de Sillery. Le comité des recherches et celui des rapports m'ont chargé de vous rendre compte de l'affaire de Nancy. Les commissaires envoyés par le roi dans cette ville, sur le décret de l'Assemblée nationale, ont remis leur rapport à M. le garde des sceaux. Je prie l'Assemblée d'ordonner que cette pièce nous soit communiquée : nous ne pouvons terminer ce travail sans cette communication.
observe que l'Assemblée a déjà décrété que toute communication serait faite aux comités, sur leur réquisition, et l'Assemblée passe à l'ordre du jour.
(Voy. ci-dessus, séance du 14 octobre, p. 616, le rapport des commissaires sur les troubles de Nancy.)
L'ordre du jour est la suite de la discussion sur
les biens nationaux à vendre ou à consei'ver, sur leur administration et sur l'indemnité de la dîme inféodée (1).
, rapporteur, rend compte d'abord de quelques observations qui lui ont été faites en particulier et d'après lesquelles il propose déplacer à la suite de l'article 13 du projet devenu le 17, par l'effet des précédentes interca-lations, un article additionnel, qui est décrété en ces termes :
Article pour être placé à la suite de l'article 13 du titre V du projet devenu le 17, et former le 18.
« Art. 18. Les propriétaires qui, ayant la dîme sur leurs héritages, les auraient concédés par bail emphytéotique pour un temps limité, à condition par les preneurs de la leur payer avec d'autres redevances, ou sans autres redevances, ne pourront prétendre à aucune indemnité ;mais ils continueront delà percevoir jusqu'à l'expiration desdits baux, sans que les preneurs puissent forcer les propriétaires d'en souffrir le rachat. »
, rapporteur, observe que l'ajournement ci-devant prononcé de tout ce qui avait rapport aux ministres protestants devait entraîner celui des trois articles qui formaient d'abord les articles 14, 15 et 16 du projet.
L'ajournement de ces trois articles est en conséquence prononcé.
fait ensuite remarquer que l'article 17 du projet concernait les curés connus en Alsace sous le titre de curés royaux, mais qu'il a été pourvu à leur traitement par un décret.
L'article 17 est retranché comme inutile.
passe à la lecture des articles .18 et 19 formant les articles 19 et 20 du décret. Ils sont décrétés comme il suit :
« Art. 19. Les corps, maisons, communautés et bénéficiers étrangers recevront annuellement l'équivalent en argent du produit de leurs dîmes en France, suivant l'estimation, aussi longtemps que les puissances dont ils dépendent permettront sur leur territoire l'exécution des articles 14, 15 et 16 du titre Ier du présent décret tant pour les biens-fonds et autres, que pour les dîmes, ou pour l'équivalent de celles-ci en argent, aussi suivant 1'estimation.
« Art. 20. Les fermiers des dîmes ecclésiastiques et inféodées qui auront quelques demandes en indemnité à former, en vertu de l'article 11 du décret des 14 et 20 avril dernier, les adresseront au directoire du district de leur domicile, sur l'avis duquel elles seront réglées par celui du département. »
, rapporteur. Malgré toutes les précautions qu'on a pu prendre, plusieurs jugements ont porté atteinte aux dispositions précédemment décrétées sur l'administration des biens nationaux et notamment au décret du 27 mai dernier, sanctionné le 28 ; nous vous proposons de les annuler par une loi générale et de substituer à l'article 21 du projet un article ainsi conçu :
« Art. 21. L'Assemblée déclare nuls et de nul
propose un nouvel article qui est adopté en ces termes :
« Art. 22. Toutes actions, soit contre les municipalités ou les communes, soit contre les particuliers, en payement de la dîme ecclésiastique, des années 1789 et 1790, ou pour indemnité à raison des empêchements apportés à ia perception, même les actions autres que celles dont la procédure et les jugements ont été annulés par l'article précédent, qui seraient pendantes devant les tribunaux, et qui n'auront pas été jugées en dernier ressort, seront réglées sans frais, sur un simple mémoire, par les directoires de département sur l'avis de ceux de district.
« Cependant, en cas que la quantité des fruits décimables, le mode, la quotité ou le fond du droit lussent contestés, les corps administratifs se borneront à donner un avis ; sauf ensuite aux parties intéressées à se pourvoir, en ce cas, par-devant les tribunaux, si elles le jugent à propos. »
Les articles 21, 22 et 23, devenus les 23, 24 et 25, ne donnent lieu à aucune discussion et sont décrétés ainsi qu'il suit :
« Art. 23. Les indemnités annuelles accordées par l'article 19 du présent titre, seront payées, à compter du 1er janvier 1791, par les receveurs des districts dans l'arrondissement desquels les dîmes se perçoivent.
« Art. 24. Quant aux autres indemnités, il sera pourvu à leur acquittement de la même manière que pour celui des autres dettes nationales exigibles, et les intérêts en courront à compter du 1er janvier 1791.
« Art. 25. Les directoires de département feront faire par les directoires de district un état des indemnités qui seront accordées et des créances qui seront reconnues légitimes, en exécution du présent décret, lequel état les directoires de département enverront sans délai au Corps législatif. »
, rapporteur. L'article 24 était relatif aux fermiers déchargés du payement de la dîme ecclésiastique ou inféodée et à leurs obligations vis-à-vis des propriétaires des fonds qu'ils tiennent à ferme et à la décharge desquels ils payent la dîme. Divers membres ayant fait remarquer qu'on s'occupait du même objet, dans le projet de décret sur la contribution foncière, nous vous proposons l'ajournement et le renvoi de l'article 24 à la suite du travail sur la contribution foncière. (Cette proposition est adoptée.) L'article 25 et dernier du projet, devenu le 26, est décrété comme il suit :
« Art. 26. Le roi sera prié de donner aux puissances étrangères communication du présent décret, en ce qui les concerne, et de se concerter avec elles au plus tôt possible sur le règlement à faire entre elles et la nation française, sur les objets mentionnés dans les articles 14, 15,16 et 17 du titre Ier et 18 du présent titre, ainsi que pour procurer, dès à présent, l'exécution des articles 15, 16, 17 du premier titre, et 18 du présent titre. »
, rapporteur. J'ai encore à proposer à l'Assemblée quelques articles additionnels.
Quoique l'usage de l'Assemblée ne soit pas de rassembler, sous un seul point de vue et dans un seul article, tous les ajournements qu'elle a prononcés dans le cours de la discussion d'une même loi, lesquels se trouvent simplement épars dans son procès-verbal, il est cependant à propos de le faire ici, tant à raison de la nature de l'objet, que pour épargner tant au public qu'aux administrateurs eux-mêmes tout embarras et toute incertitude.
Voici le texte du premier de ces articles additionnels :
Art. 1er.
Pour être placé après l'article 18 du titre II, et former le 19.
« Les fermiers actuels des droits seigneuriaux et féodaux ne pourront, en cas de rachat des uns ou des autres, prétendre à d'autre indemnité que celle réglée dans l'article 18 du titre Ier, du présent décret pour les baux à venir, sauf à eux à demander la résiliation de leur bail, laquelle ne pourra leur être refusée. »
(Cet article est mis aux voix et adopté.)
lit les articles additionnels 2 et 3 qui sont adoptés, après quelques observations, dans la teneur suivante :
Art. 2
Pour être placé à la suite de l'article 22 du même titre.
« Si des vignes avaient été données à moitié ou à tiers-fruits, les directoires de district pourront, en les affermant, imposer au fermier la condition de continuer de les faire cultiver par des colons partiaires suivant l'usage, en rendant le fermier et les colons responsables des dégradations qu'ils pourraient y commettre. »
Art. 3.
Pour être mis à la place des articles 14 et 15 du titre III du projet.
« Les conventions faites par les bénéficiers, corps, maisons et communautés, des mains desquels l'administration de leurs biens a été retirés, avec des commissaires à terriers ou feu-distes, pour la rénovation des terriers, ou la recette des rentes et autres droits dépendants des biens desdits bénéficiers, corps, maisons ou communautés, sont et demeurent résiliés sans indemnité : néanmoins les travaux qui auraient été par eux faits, leur seront payés d après lesdites conventions, ou suivant l'estimation ; et les corps administratifs prendront telles mesures que leur prudence leur suggérera, pour faire passer aux redevables, des reconnaissances desdits droits, conformément à ce qui est prescrit par le titre Ier du décret du 15 mars dernier, sur les droits féodaux. »
, rapporteur, donne lecture des articles 4 et 5 additionnels relatifs aux religieuses.
propose, par amendement, au second de ces articles, de substituer 4 ces mois : échus à No pi 1789, peuvci ; « les fermages et loyers échus à la Saint-Martin ou autres termes éçbu§ eu 1789, et par eljes reçus alors ou depuis* »
Cet amendement est adopté et inséré dans l'article; et 1 appliquant en outre à ce qui eonçerqe les religieux, l'Assemblée décrété qu'à ces mots dé l'article précèdent : t perçus à Noël 1789 , » oo substitue ceux-ci : « tant à la Saipt-Martin « qu'à d'autres termes de 1789, par eus I^ÇUS « alors ou depuis. »
observe ensuite que, dans certains lieux, des chapitres de chanoinesses qui n'avaient rien reçu de leurs revenus en 1789, n'en avaient pas moins été forcés de payer les impositions de cette année, et même la contribution patriotique : il propose en conséquence un second amendement, portant que, dans le cas où des communautés de religieuses n'auraient fait aucune recette, ou n'auraient fait que des recettes insuffisantes, il leur serait alloué, sur lèé emprunts qu'elles auraient été forcées de faire, soit collectivement ou séparément, pour y suppléer, une somme suffisapte pour leur subsistance, laquelle ne pourrait excéder les 5 sixièmes de la somme décrétée pour leur traitement, et qu'il leur serait, de plus, tenu Compte, sur lesdits emprunts, des payements qu'elles auraient faits, spit des impositions, soit de la contribution patriotique.
représente que les dispositions des précédents décrets seraient plus favorables aux religieuses, aux chanoinesses, que cet amendement ; que, d'ailleurs, tous ces objets de détail ne pouvaient elre employés dans la loi, mais qu'ils pourraient être pris en considération dans le compte qui serait fait avec tes religieuses et chanoinesses; et il demande, en conséquence, la question préalable sur l'amendement. L'amendement est rejeté-Les deux articles proposés sont ensuite décrétés eq ces termes :
Art. "4.
Pour être placé à la suite de Varticle 17 du titre IV, devenu le 18.
« En ce qui concerne les religieuses qui, par leur institut, ne sont pas employées à l'enseignement publio et au soulagement des pauvres, et des mains desquelles l'administration de leurs biens a dû être retirée dès cette année, ainsi qu'à l'égard des chanoinesses, leurs pensions ou t.ran tements ne devant commencer qu'à compter du 1" janvier 1791, les marchands, fournisseurs et ouvriers qui auront fait pour elles des délivrances, fournitures ou ouvrages, et qui seront reconnus légitimes, ainsi que leurs aumôniers ou chapelains pour leurs honoraires, et leurs domestiques pour leurs gages, en seront payés des deniers du Trésor public : à cet effet, ils observeront ce qui est prescrit par l'article 2 du précédent titre.
Art, 5.
« Pour faciliter la reconnaissance de la légitimité des dettes qu'elles auraient pu contracter pour ces objets pendant la présente année, lesdites religieuses et chanoinesses seront tenues de rendre compte, au 1er janvier 1791, 4e leur recette et de leur dépense, en portant dans ia
recette les fermages et loyers échus (Jepqjs la Saint-Martin, et par elles reçus alors pu depuis cette époque : en cas qu'elles eussent au moment où elles doivent rendre compte, des deniers entre les qiains, elles les imputeront sur le premier quàrtier de leurs pensions et traitements ae 1791, ou jusqu'à concurrence; qu'au surplus, sril y en a, elles le verseront dans caisse du receveur du district. »
« L'Assemblée décrète en outre que dans l'article 17 dp titre IV, au lieu de ees mots : perçus à Noël 1789, seront mis ceux-ci : depuis la Saint-Martin , et par eux reçus alors qu depuis cette époque. »
, rapporteur, propose un dernier article relatif aux religieux chargés de l'enseignement public. Il est destiné à prendre place après l'article 9 du titre et à former l'artiole 10.
Cet article est décrété en ces termes :
Art, 6.
A l'égard des religieux chargés de l'enseignement public, des mains desquels l'administration de leurs biens a dû être retirée en vertu !u décret des 14 et 20 avril dernier, et dont les pensions commencent à courir à compter du 1er janvier 1790, pour être payées en 1791, ils rendront compte de ce qu'ils auront reçu comme les autres religieux ; et dans le cas où ils cesseraient ou négligeraient de remplir leurs fonctions, il pourra y être pourvu par les directoires de département sur l'avis de ceux de district, et 'après avoir entendu les municipalités, »
, évêque d'An-goulême, demande et obtient un congé de six semaines.
L'Assemblée nationale a décidé, dans une de ses précédentes séanoes, qu'elle entendrait M. Louis Monneron,^député de Poqdi-» chéry, aussitôt que l'affaire de Saint*DomiPgue serait terminée, Les circonstances n'ont pas permis de lui accorder la parole jusqu'ici. M. Mon-neron est toujours aux ordres de l'Assemblée si el|e yeut lui permettre de donper lecture de son mémoire en faveur des colonies françaises aux Indes.
(L'Assemblée accorde la parole.)
(i). « Messieurs» perdus « dans un éloigqement qui à peine permet à la « surveillance de l'admîpistràtion souveraine de. « connaître et d'apprécier notre existence, qous « avons, plus que tous les autres établissements « français formés au delà des mers, besoin de « ces chaînons précieux qui doivent nous unir « immédiatement à la nation. Trop souvent, nous « n'avons connu le pouvoir que pourep craindre « les effets. Daignez nous accorder, Messieurs» « deux représentants, qui, membres de l'Âssem-« blée nationale, puissent intercéder pour nous » dans nos malheurs ; plaider quelquefois la cause « de cent cinquante mille hommes libres, qui, « volontairement, se sont voués à la nation fran-« çaise ; et, surtout, développer à vos yeux* le « grand tableau de vos intérêts en Asie» y
Je rapporte. Messieurs, les propres paroles des habitants de pondichéry dans la requête
déposée au bureau de vos archives; et d'après le vœu de cette colonie, je vais entrer en
matière.
Vos intérêts de commerce présentent une masse annuelle d'affaires de trente millions ; et voici mon calcul :
La compagnie des Indes aun capital de 40.000.000 Eile doit.....t!.....;,;........... 20.000.000
Ce qui fait,f?............ 60.000.000
Cette somme existera en marchandises dans ses magasins pour les ventes de cette année et de l'année prochaine. On m'objectera que plusieurs armements français, sous des pavillons étrangers, sollicitent l'introduction de leurs cargaisons en France; s'ils l'obtiennent, ils augmenteront la masse des marchandises, dont la masse se réalisera dans la troisième année. Les personnes les plus instruites sur la consommation du royaume, pensent que, pour maintenir les marchandises à des prix raisonnables, la vente ne doit pas excéder trente millions; depuis deux ans, elle ne s'élève point à cette somme ; mais des circonstances particulières qui cesseront lorsque la tranquillité cessera, ont pesé d'une maniéré défavorable sur le commerce de l'Inde.
Il convient d'examiner à présent, Messieurs, si les résultats de ce commerce invitent à le continuer, et doivent vous engager à l'encourager.
Le vœu des villes de commerce, qui a nécessairement influé sur votre décret du 3 avril dernier, préjuge cette question d'une manière favorable ; cependant, la ruine de plusieurs maisons qui se sont livrées à ce commerce, sous le régime de la liberté; la valeur actuelle des actions de la compagnie, qui est â 10 0/0 au-dessous du capital primitif, quoique depuis seize mois il n'ait été payé aucun dividende, paraissent tenir l 'esprit en suspens sur ies avantages et les inconvénients, Toutes ces considérations ne doivent pas vous arrêter ; Je commerce fructifie et contribue à la prospérité de l'Etat, lorsque le manufacturier vend sa marchandise, et lorsque l'artisan et le matelot sont employés. Le capitaliste voit dans un armement le sort d'une loterie, dont les chances lui sont quelquefois favorables, et très souvent contraires,
Je trouve la preuve de cette assertion dans tes résultats qui nous ont été présentés sur le commerce de la pêche de la morue; quoiqu'il paraisse ruineux pour les particuliers qui le hasardent, les villes qu'ils occupent n'en prospèrent pas moins.
On a dit, dans la discussion concernant le commerce de l'Inde, que c'était unçommercede luxe; qu'il nuisait à nos manufactures, et que, sous ces deux rapports, il devait être proscrit, ou au moins grevé de droits qui pussent équivaloir à une prohibition. Je dois combattre ces assertions, Messieurs, et, pour les réfuter, je diviserai le commerce de i'inde en trois objets bien distincts. Le premier comprend les matières premières, telles que : le salpêtre, l'indigo, le bois rouge, les rotins, les cauris, le poivre, le coton en bourre et en fil. Le second comprend les toiles, sous le nom de prohibées, destinées à la traite des noirs. Le troisième comprend ies toiles blanches,
Il n'est pas douteux que ce np soit ce dernier objet qui donne lieu aux réclamations. J'aurai l'honneur de vous observer qu'un seizième seulement des toiles que l'on expose en vente est, à proprement parler, un objet de luxe, et que les quinze seizièmes des autres toiles, connues sous la dénomination de guinées, garras, baffetas et casses
sont destinées pour l'impression; qu'elles sont adjugées au prix de 30 à 60 sous l'aUne; encore ce dernier prix ne comprend qu'une très faible quantité de toiles, ce qui indique bien clairement qu'elles ne doivent point être considérées comme objet de luxe; et, si elles le deviennent, c'est par l'apprêt et la peinture qu'elles reçoivent de l'industrie nationale; ainsi, sous ce rapport, le commerce de l'Inde ne doit pas être prohibé. Quant au reproche, qu'on lui fait, de nuire à nos manufactures, j'observerai que c'est un très grand mal-r heur auquel la cessation de ee commerce n'apporterait aucun remède, si nous ne pouvons par-? venir à établir une concurrence entre les toiles de l'Inde et celles fabriquées dans nos manufactures. Les Anglais nous donnent des exemples que nous ne saurions trop nous hâter d'imiter : leur commerce de l'Inde est trois fois plus considérable que le nôtre; il s'élève annuellement à cent millions; cependant ils fabriquent chaque année, suivant l'opinion de M. Lecouteulx de Ganteleu, qui doit être d'une grande autorité eq fait de commerce, pour cent soixante millions de toiles de coton, qui emploient trois cent cinquante mille ouvriers.
Si des droits excessifs ou des contrariétés forçaient malheureusement les spéculateurs à abandonner le commerce de l'Inde? un grand nombre de manufactures en souffriraient nécessairement; celles qui s'élèveraient pour pourvoir à cette consommation auraient à lutter contre la contrebande qui s'introduirait de toutes parts dans le royaume, que tous vos règlements ne pourraient réprimer, et qui rendrait les efforts de vos fabriques sans objet et sans succès, Mais au lieu d'abandonner ce commerce, ét même de le contrarier, vous devez l'encourager.
La France, dans cette carrière. Messieurs, est appelée à jouer un grand rôle : l'Inde est tributaire de ses vins, eaux-de-vie, huiles, draps, fil d'or ; elle le sera de ses métaux, lorsque la Constitution, bieu affermie, permettra à vos départements de porter leurs regards sur cette source do richesses, que l'ancien régime a méconnu jusqu'à présent, quoiqu'il ait l'air de s'occuper de tout.
Les peuples indigènes de cette vaste partie de l'univers, témoins de nos succès et de nos mal-* heurs, appréciant notre franchise et notre caraç-^ tère sociable, désirent et recherchent des liaisons d'affaires avec nous. Une raison plus impérieuse nous y invite; les effets de notre Constitution doivent nous faire monter au rang que la situation physique de la France nous impose, et c'est cette heureuse position qui explique notre existence au milieu de tous ies vices et de toutes les erreurs de notre ancienne administration.
Nous sommes appelés enfin, Messieurs, à don-* ner une grande puissance agricole et commerçante; mais notre attention doit se porter principalement vers la marine. Six cents lieues de côte?* sur l'Océan et,sur la Méditerranée, des ports excellents,des rivières qui y aboutissent, après avoir traversé la France; un art pour la construction, qui a servi de modèle à l'Europe; des marins qui ne le cèdent ni en courage ni en talent à ceux des autres nations; tous ces avantages devraient, au moins, nous assimiler aux puissances qui donnent le plus d'extension à leur commerce maritime; mais nous sommes bien loin de cet état de prospérité, toujours repoussés par une fatalité que je ne puis attribuer qu'à un défaut d'encouragement et aux vices de nos ordonnances maritimes, qui entravent la liberté et l'industrie.
Il n'est pas étranger à mon sujet, Messieurs, de vous faire connaître l'état d'inertie dans lequel se trouve notre marine; et je prendrai pour exemple, nos relations avec les puissances de l'Europe.
Sur dix mille vaisseaux qui entrent annuellement dans la Baltique, on en compte trois mille à trois mille cinq cents Anglais, dix-huit cents à deux mille Hollandais, et la faible quantité de quatre-vingts à cent Français : cependant nous avons à échanger, avec les peuples du Nord, les denrées de nos colonies ; nos vins, eaux-de-vie, huiles, savons, modes, etc... contre leurs métaux, cordages, goudron et mâtures. Le commerce de la baleine nous est absolument étranger : nous manquons de vaisseaux en France parce que la construction n'est pas animée.
Dans un ouvrage, qui vient d'être publié, on nous en a donné gratuitement le nombre de quatre mille; et je puis vous assurer, Messieurs, que nous n'avons pas, dans tous nos ports, plus de quinze cents bâtiments, de 90 à 1,200 tonneaux.
Si vous encouragez, si vous protégez le commerce de l'Inde, vous provoquerez nécessairement les armements: ce commerce est susceptible d'une très grande extension, soit dans les relations avec la France, soit dans le pays même. Les matières premières abondent dans toute l'Asie; les échanges se font avec succès.
Ce serait la matière d'un très grand mémoire, que de vous développer l'étendue et l'importance de ce vaste commerce.
Une circonstance très heureuse vous ouvrait tous les ports et toutes les ressources de la Co-chinchine : le souverain du pays, obligé de fuir devant un usurpateur, avait envoyé en France son fils unique, comme le gage des traités que l'évêque d'Adran, à qui il avait confié le sceau de l'Empire, serait avec nous : il était question de quelques faibles secours qui existaient aux Indes en hommes et en vaisseaux : jamais l'im-péritie d'un ministre n'a frappé d'une manière plus funeste sur les intérêts commerciaux d'une nation. Au lieu d'adopter un projet dont la France devait recueillir de si grands avantages, il crut devoir laisser à M. de Comvay, la liberté d'exécuter ou d'abandonner ce projet. Ce gouverneur, nouvellement arrivé aux Indes, n'ayant aucune notion de nos intérêts dans le pays confié à son administration, se détermina, contre le vœu et les instances de la colonie, à abandonner l'évêque d'Adran à ses propres ressources. L'amour de ses peuples a remis l'empereur en possession de son trône. Le gouvernement français n'a pas eu la gloire d'avoir contribué à cet événement; mais l'évêque d'Adran, distinguant les inconséquences d'un ministre, des intérêts de la nation, n'en est pas moins disposé à employer son crédit, ses talents et ses ressources, pour nous obtenir tous les avantages que nous pouvons désirer dans un pays dont la population est immense, qui a des ports excellents, et qui offre la réunion abondante de toutes les productions de la Chine et des Indes.
Voilà, dira-t-on, des espérances bien séduisantes I mais si nous encourageons le commerce de l'Inde, qui nous présente déjà une masse imposante de trente millions d'affaires par an, si nous lui donnons un plus grand développement, n'exposons-nous pas nos vaisseaux et nos richesses à devenir la proie de la supériorité que les Anglais ont aux Indes ? Cette question amène nécessairement une discussion politique dont je vais vous entretenir.
Les établissements que les Anglais ont formé
depuis le pied des montagnes du Thibet, jusqu'au cap Comorin, en comprenant le Bengale et en suivant les côtes d'Orixa et de Coromandel, et depuis le cap Comorin, en remontant la côte Malabar, jusqu'à Surate, semblent, s'il est permis de s'exprimer ainsi, tracer le cours de leur domination : mais coupé d'espace en espace par de fréquents intervalles, qui en interrompent la continuité, leur empire n'a pas cette consistance que donnent la réunion et l'ensemble. Leurs places d'armes, celles qui leur assurent leurs grandes propriétés, comme Calcutta, Mazulipatam, Madras, Velour, Trichenapaly et Bombay, sont trop distantes entre elles pour pouvoir aisément s'aider et se protéger mutuellement. Ils ne peuvent guère augmenter leurs forces dans un de ces points principaux et tous également intéressants pour eux, sans risquer de trop dégarnir les autres ; ils n'ont que 19 ou 20,000 hommes effectifs de troupes blanches, et environ 70,000 hommes de troupes noires pour garder plus de dix-huit cents lieues de pays.
Leurs revenus peuvent être calculés sur 150 millions, dont les deux tiers sont absorbés en frais civils et militaires, l'autre tiers sert à former les cargaisons destinées pour l'Europe. On peut évaluer son produit à 60 millions Les fortunes particulières, qui se réalisent annuellement, peuvent s'élever à une pareille somme. Ainsi l'Angleterre, par le fait seul de ses possessions et de son commerce aux Indes, reçoit chaque année une augmentation de richesses de cent vingt millions, qui lui donnent une influence bien sensible et bien marquéedans le mouvement général des affaires en Europe.
Je viens de mettre sous vos yeux. Messieurs, la situation des Anglais aux Indes ; je n'entrerai dans aucun détail sur les dangers réels ou probables auxquels ils sont exposés, s'ils n'étaient nécessairement liés avec votre existence aux Indes.
En jetant les yeux sur la carte de l'Inde, je vois quatre grandes puissances: les Etats du Mogol, les Marattes, le Soubab du Dekkan et Tippoo-Sultan, cercler toutes les possessions anglaises; chacune d'elles peut lutter avec succès contre les forces que les Anglais peuvent rassembler contreelles : réunies, elles anéantissent, dans l'espace de six mois, leur puissance, en les réduisant aux seules places qu'ils ont sur les bords de la mer. On se le persuadera aisément, lorsqu'on saura que ces puissances peuvent mettre en campagne quatre cent mille cavaliers, habitués, ainsi que leurs chevaux à endurer ia faim, la soif et les chaleurs les plus excessives.
Cette réunion n'est point impossible ;elle est d sirée, l'idée en est propagée, l'histoire de ces peuples est écrite par des écrivains profonds; ce sont les livres élémentaires qui servent à l'éducation des princes ; ils formeront, n'en doutez point, des Aekbar, des Aurungzeb, des Nizam, des El-moulocuk, qui vengeront leurs ancêtres, et qui rendront la liberté à leurs pays. Dans le moment où je vous parle, Messieurs, il existe un homme de cette trempe; c'est Tippoo-Sultan : ce prince a hérité des talents, du courage de son père Hayder Ally-kan, de sa haine pour les Anglais et de son amitié pour nous. Nous devons d'autant moins douter de sa sincérité, que notre conduite à son égard, en ne proférant pas son nom dans fe dernier traité de paix, quoiqu'il eût fourni pendant longtemps des vivres et de l'argent pour plusieurs millions à notre armée et à notre escadre, devait naturellement exciter du refroidissement. Non seulement il n'a pas voulu recevoir le rembour-
sement de ses avances, en déclarant qu'entre amis il ne devait pas y avoir de compte d'argent ; mais il s'est empressé d'envoyer en France une ambassade pour resserrer les liaisons qu'il croyait devoir convenir à nos intérêts communs. Fidèle à ses principes, il avait ordonné, lorsque M. de Couway lui lit part de la probabilité d'une rupture très prochaine avec l'Angleterre, un rassemblement de troupes de cent mille hommes, dont vingt-cinq mille devaient attaquer Tellichery, à la côte de Malabar; quinze mille devaient inquiéter les Anglais du coté de Taujaour ; vingt mille devaient s'introduire dans le Garnate par le nord de Madras : et il devait lui-même entrer dans cette province avec quarante mille hommes.
Il rendit publiques ces dispositions dans son Dorbar ; il témoigna ensuite ses regrets de ce qu'elles restaient sans effets, par une seconde lettre où il venait de recevoir de M. de Couway, portant avis que la guerre n'aurait pas lieu. Il est j impossible que tant de franchise et de loyauté ne j fasse pas regretter la perte d'un allié aussi fidèle ; il est impossible de ne pas prendre intérêt au sort qui l'attend, en voyant les Anglais ne pas se fier à leurs propres forces, et soudoyer cinquante mille hommes de cavalerie Marates pour l'attaquer avec plus de succès.
Le second danger réel que les Anglais ont à redouter, est dans leurs propres milices. La précaution qu'ils prennent d'avoir dans leur composition des bas-officiers européens doit maintenir. une surveillance pour prévenir un soulèvement; mais quand on considère que dix-huit à vingt mille nommes doivent constamment en contenir soixante I quinze à quatre-vingt mille, dont le fond du caractère est une inquiétude naturelle et un art particulier de ruse et de déception, on doit être dans des alarmes continuelles.
D'autres dangers probables sont dans la nature même des choses. Des colonies aussi éloignées de la métropole, aussi indépendantes de ses productions, aussi riches, éprouvant des mouvements d'indépendance qui se sont manifestés d'une manière assez fortement prononcée en 1776, lorsque le gouvernement de, Madras fut arrêté et mourut en prison ; et, en 17Ô5, lorsque le bill de M. Pitt fut envoyé aux Indes, et par les Indiens unanimement rejeté.
D'après l'exposé que je viens de vous faire, Messieurs, votre existence, d'une manière quelconque, aux Indes, assure, plus qu'on ne pense votre tranquillité en Europe :|Cette partie des possessions anglaises est le grand objet de leur attention. Elle est une source de richesses dont la réalisation doit nécessairement alléger la dette publique, qui s'est élevée depuis 1757, de dix-huit cent quatre-vingt-quinze-millions à cinq milliards quatre cent seize millions. Là considération de compromettre ces possessions, sera, n'en doutez pas, un frein pour l'Angleterre ; elle n'ignore pas que lorsque Pondichéry sera défendu par une garnison de deux mille deux cents hommes d'inran-terie, deux cents d'artillerie, deux cents Cafres, et mille spahis, il lui faut rassembler au moins dix mille Européens, c'est-à-dire plus de la moitié des forces qu'elle entretient aux Indes, pour s'assurer le succès du siège; et encore il faut que dans ce cas-là les gens du pays ne fassent aucun mouvement en notre faveur, ce qui est très probable; ainsi l'évacuation ordonnée et exécutée de Pondichéry, est le trait le plus impolitique que l'on puisse citer, depuis que les ministres dirigent nos affaires.
r Je vais maintenant, Messieurs, discuter et com-
battre les raisons qu'allègue un mémoire de la marine, pour justifier l'évacuation de Pondichéry.
Il commence par un tableau comparatif deè forces que les Anglais entretiennent aux Indes, et de celles que nous devons destiner à la défense dé Pondichéry, qu'il porte à 2,500 èuropéens et 1,000 spahis.
J'ai prouvé ci-dessus que l'étendue des possessions des Anglais ne leur permettait pas de se dégarnir, et qu'il était impossible qu'ils pussent destiner au siège de Pondichéry un nombre d'Européens suffisant pour eu assurer la conquête.
« Pondichéry, ajoute-t-il, dont les fortifications « ont été détruites par les Anglais, dans la der-«i nière guerre, ne leur opposéra qu'une simole « enceinte non revêtue. »
Si l'Assemblée nationale veut entendre M. de La Lustière, capitaine du corps royal du génie, qui a dirigé én chef les fortifications de cette Ville, et qui est actuellement à Paris,' elle sera à même d'être instruite de la somme nécessaire pour mettre cette ville en état de défense très respectable.
La colonie, dans son aperçu ci-joint, ne la porte qu'à cinq cent mflie livrés. J'inVoquel'autorité de Mi d'Heryille, qui est également à Paris!, qui a servi avec distinction pendant vingt ans aux Indes, et qui a commandé l'artillerié efi 1788 ; j'invoque son témoignage pour constater cette vérité, que, dans la situation actuelle, cetfb place est infiniment plus en état de soutenir un siège qu'en 1778, époqué à laquelle elle n'à capitulé qu'après six semaines de tranchée ouverte, quoiqu'elle n'eût que 700 hommes européens destinés à la défendre.
« Telle sera l'opinion de tout militaire,continue le mémoire, telle a été celle! dè feu M. le bailli de Suft'ren.» Je ne peux pas croire que M. deSuffren ait voulu faire oublier jusqu'au nom des lieux qui ont été le théâtre de ses succès; des lieux qui ont fait accorder des grâces, telles qu'on ne pourra récompenser désormais d'une manière convenable, un homme qui aura sauvé la patrie. L'autorité de M. de Suffren, au reste, ne peut être d'aucun poids ; sés soins étaient de chercher et de combattre l'ennemi : il n'a rien vu et ne pouvait rien voir au delà.
Si le ministre se fut étayé de l'autorité de MM. Law de Lauriston et de Souillac, qui ont commandé, avec Une distinction rare, ces Colonies pendant vingt-cinq ans : je croirais qu'il he s'est déterminé au funeste parti d'âbandonner l'Inde, qu'après avoir pris tous les renseignements qui pouvaient être en son pouvoir ; mais je vois que ni l'un ni l'autre de ces officiers généraux n'ont été consul tés,et je crois devoir, à cet égard, rapporter les propres paroles de M. de Souillac, dans un mémoire que j'ai entre les mains:
« L'enceinte dePondichéry, dit-il, était presque « terminée ; sa garnison de 2,400 hommes euro-« péens et de 1,200 spahis était suffisante pour « attendre, dans tous les cas possibles, les se-« cours de notre allié, lorsqu'il eut ordre l'année « dernière d'évacuer cette place; de se replier « sur l'Ile de France, et d'y transporté^ àgrand's « frais, les munitions de tout genre qui étaient « rassemblées à Pondichéry.
« M. de Souillac, qui repassa en France au « commencement de 1788, s'y trouva, lorsque « les ambassadeurs de Tippoo-Sultan y arrivè-« rent. On ne lui demanda aucun renseignement, « et il ne lui fut pas donné la moindre connais-« sance, ni de leurs propositions ni des ar-« rangements qui furent pris avec eux. Lé même
« Siiebcë avec lui eUt lieu relativement à là dê-i terminâtiott prisé ëUsuited'êvaCUer Pondichéry i ou d'abandonner 1 Inde, ce qui est absolument
la même chose, Telle est sa profession de foi, « et j( lui importe qu'elle Soit connue; les colons « indiens, et en général les Français qui se Sont
occupés de l'Inde politiquement ou cotrimerci ciaiemebt, pouvant avoir quelque peine à se « persuader qu'après avoir été fehargé de Cë gbu-« vernement pendant plusieurs années ii n'ait « pas eu quelqtie influence dans lés détermina-« lions prises immédiatement après son retour, i
Voilà,, messieurs, l'opinion de M- de Souillac. « Le témoignage de m. de Suffrén, ajoute le mé-« moire, n'est màlhëureuSëmeht que trop con-
firmé, par les leçons répétées que nous avons « reçues dans les ueui guerres précédentes : ce » serait polir nos ennemis que nous nous obstine-« rions à encombrer de troupes, d'artillerie, à hé-« risser de fortifications Pondichéry,qui nous sera « sans cesse ènlëvé,avant même qu on soitinstruit « dans l'Inde des hostilités qui auront commencé « en Europe ; quel espoir fonder sur une place > qui restera toujours mauvaise ? li en coûterait « des sommes immenses pour reVêtir seulement « les fein parts de Pondichéry; mais quelque ou-vrage qu'on y ajoute, quelques travaux qu'on « y fasse, jamais cé local ne déviendra une bonne « placé; sa position, son étendue s'^ opposent. »
À toutes ces déclamations jé répondrai que l'amiral Boscàssèh jiarut devant Pondlchêry le I août 1788, àvëb vingt-six vaisseaux» qu'il en leyà le siège le 17 octobre suivant, avec Une perte très éonsldérabié;
Que cette même place s'est rendue le 15 janvier 1786, faute dé vivres;
Qu'elle n'a succombé, sous M. de BëlléCObibe en 1778, quj3 parce qu'elle manquait de munitiûng.
En ne faisant point éprouver ces besoins à Pondichéry auxquels il est aisé dè pourvoir, cette place fera la même résistance qu'aucune autre place du îiiônde.,
Si ëllë eût été convenablement sbUtëttUd par poiré marine, comme elle le devait et comme elle pouvait l'être, tous lés ëiiorts réunis des Anglais eUSfiént ëtêsans succès; son rëvêtëmëiitexigerait nécessairement des dépenses, mais ëllës ne Së-raient pas aussi considérables qu'on les re^ré-èebtë. Au reste, dans Un pays où les terres n'oht point de pousSéës, les fortilications disposées comme elles doivent l'être, avec une simple dé-
{*iensë,de 500j00y livres» présëntirônt à 1 entiemi es mêmes difficultés à surmonter, que Si lë revêtement ëtufeté effectué»
Là place dë Pondichéry est une espèce dé rectangle, dont les deux grands côtes, à l'oUest ët à I'ëst, ont environ nulle toises dë longueur chacun, et les côtés dU sud et du nord ën ont chacun cinq cents. Ità mer baigné l^i partie de l'est, des lhoUdations couvrent là moitié du Côté de l'oUëst, il reste quinze cents toisës de développement, que l'ennemi peut attaquer; mais, .c'est là Ou Part de "ingénieur ét de l assiégé veillë à là défense de Cette place ; quant à sa grandeur et à son étendue, dont oh se plaint, elles soht dës ressources pour des retranchements et rendent sàns effet le jeu des bombes; on en à eu la preUvë dans les douze mille que les Anglais y oht jetées en 1778.
Je ne crois pas reconnaître un oUyrage sorti dës bureaux dë ia marine, lorsqii on allègue que Pondichéry sera enlevé avant même qu'on soit instruit dans i'ïhdq des hostilités, Jë në vois pas pourquoi les Anglais auraient plus de ressources que noUs pour y faire passer des avis ; nous avons, J
ë&itime eux, la voie de Suez et des avisos d'une marche supérieure.
« La nature et l'intérêt de la France, continue « jë mémoire, destine l'Ile de France à servir de « relâché aux bâtiments de notre commerce et à devenir le receptacle de nos flottes et l'arse-« nal de nos armes, lorsque nous voudrons porter « la guerre dans les extrémités orientales de l'Univers*
« L'Ile de France (c'est toujours le mémoire) « mérite qu'on pourvoie efficacement à sa sûreté * et à sa défehse. Mais puisqu'il faut bien se ré-« soudre à perdre* dès les premières hostilités, « tout ce que nous possédons au delà ; il n'a pas « été moins politique qu'économique d'accumuler « en Asie des troupes, une artillërie nombreuse, « des magasins qui he seraient utiles que pour « nos ennemis, et de n'entretenir désormais les « villes et territoires qui nous appartiennent; que « sur le pied de simples comptoirs.
« Tels sont les véritables motifs qui ont engagé « Sa MajeBté à retirer de Pondichéry non seule-« ment les troupes, mais les munitions de guerre « et autres effets qui lui appartiennent * »
Jedemeuré d'accord, avec l'auteur du mémoire, dë l'importance de l'Ile de France, et de la nécessité de s'occuper sérieusement de sa défense. Cette île est lé foyer d'où doivent partir et où doivent aboutir tous nos mouvements maritimes. Son port offre un asile à nos vaisseaux ët à nos corsaires, et toutes les ressources pour leur carène et leur radoub. Je combattrai seulement ses assertions sùr les Succès que l'oh doit en attendre dàns le cas d'une guerre sous un point d'appui àUX Indes.
Je demande à l'Assemblée qu'elle ordonne au ministre de la marine de lui repésenter les lettres originales de M. Dorves et de M. de Suffren ; on verra que là première expédition n'a eu aucun succès > fàutë de vivres * Pondichéry, qui était entré les mains des Anglais, n'ayant pas pu lui eh fburhir; que le convoi de M. de Suffren fut
firis et dispersé le 16 février, par le défaut d'un têu de ralliement : que son engagement avec l'amiral Hughes, le 17 du même mois, avec douze VaisSeàUx dans le meilleur état possible, ayant à bbhd qtiàtorzë millë hommes* contre neuf vaisseaux mal armés, fut indécis, parce que le manque d'eau et le défaut d'indication d un endroit où on pût en faire, l'ont forcé d'abandonner la poursuite de l'ennemi pour ne pas s'éloigner de la côte. Certainement si PondiGhéry eût existé, l'escadre anglaise eût été détruite* et l'anéantissement de là puissance anglaise à la côte Goro-màndel on eût été la suite» Je ne calcule pas, Messieurs, l'effet qu'un pareil événement aurait produit. Lës Anglais auraient été trop heureux de faire de grands sacrifices en Europe et aux Indes.
Dans cette position, M* de Suffren a gagné Pro-tonood, à huit lieuës de distance de Pondichéry, ët manquant de bateaux du pays, il a fait le débarquement de Ses troupes avec ses chaloupes : il en a résulté des avaries, des fatigues pour son équipage, et une station de vingt-sept jours pour cette opération et pour l'embarquement de ses vivres; QUelle économie dë peines et de temps, si Pondichéry eût été en notre pouvoir I On peut juger de la Vivacité que l'on aurait mis dans cette opération, par 1 embarquement de quinze cents hommes que M. de Suffren a fait dans une seule nuit en juin 1783, lorsque nous étions ën possession de Gondelour. Enfin , nos succès aux Indes ont été nuls, et ils auraient été décisifs
si hoils y avions eti tin point d'appui. Voilà ttlà
f»rofession de foi, et j'eri prends a têtdbiti toutes es personnes qui connaissënt l'Inde,
Je crois àvoir démontré que, sotis tin point d appui, nous ne pouvons rien entreprendre àtix Ifldes.
Il est question maintenant de prouver c(ue l'é^ vactiation de Pondichéry entraîne nécessairement la perte de l'Ile de Francë, ou la rêdhit à n'être d'aucune utilité pour la natioti. Je n'ai pas, pour cette dernière hypothèse, une meilleure autorité que celle de M. de Souillac. Voici ce que dit cet ex-gouverneur : « J'ai vu avec douleur le parti d'abandonner Pondichéry et nos liaisons dahB l'Ihde ; dë parti, s'il était Bâtis appel, amènerait nécessairement l'abandon des îles de « France et dé Bourbon, lesquelles ne seraient « plus qu'une charge pour la France, si elles ces-« saient d'être une échelle, un intermédiaire en-« tre l'Inde française et la tnétrbpole. » Je passe â ma seconde hypothèse, L'Ile de France ne peut subsister que jpar les approvisionnements qu elle reçoit de la France, du Càp de fîotinë-Espérancë, de Madagascar et des Indes, elle né petit point suffire à ses propres besoins ; én voici la preuve. Au commencement de 1781, sés communications étaient libres, excepté avec l'Iodé. L'escadre de M. DorVeS était àbsénte, la garnison n'excédait pas trois mille hommes Cependant le 19 janvier, les administrateurs dé cette cOionie m'écrivaient au Cap de Bonne-Espérance : « Nos besoins deviennent ur-« getits de plus eh plus, et c'est Sur votre zèle et « sur votre vigilance que nous comptons potir y « pourvoir. Expédiez-nous promptëïtieùt les flûtes « que nous4 vous envoyons, elles ne feront lëtir « retour ici jamais aussi diligertiment que tiotre « position nous le fait désirer. Si Vous jugea, Mon-« sieur, ne pouvoir les charger complètement et « lés faire partir à la fois, nous approuverons que « vous envoyiez celle qui aura fait son charge-« mëht la première, pourvti Qu'elle uohs apporte « des farinés, qui Sont l'objet d'importance la plus majeure. »
Quelle ressourcé préséiîte Une colonie à qui le chargement d'un seul vaisseau est si nécessaire?
Je puis vous assurer, Messieurs, que, depuis cette époque, la culture des subsistances n'a pris àhcUii aecroisSettiènt, et SI vous vOUlei en avoir la preuve, vous pouvez vous faire représenter les lettres originales de l'administration actuelle, sur les embarras qu'elle éprouve pour la subsistance d'une garnison qui ti'excède pas 3,500 à 4,000 hommes.
ÛattS bettë position, on doit considérer que cette colonie est exposée à manquer de subsistances * parce que l'Inde ne pourra pas lui en fournir ; parce qu'il est très probable que les ports hollandais lui seront fermés, et parce que les Anglais tenteront d'intercepter les communications avec Madagascar, qui n'offre aucune espèce de défense, puisque le gouvernement n'y possède ni ports ni fortifications : si donc les Anglais se présentent, ils ont tout à espérer de cet état de détresse de la colonie. Oh m'observera qtié l'on peut y pourvoir par des Vaisseaux destinés à sa défense et à 'Son approvisionnement; en ce cas, le gouvernement dépensera millions sur millions, pour ue remplir aucun objet de gloire et d'utilité.
Mais si Pondichéry existait, on pourrait y rassembler des vivres que,l'on ferait passer à l'Ile de France, et si cette piacé se trouvait assiégée par mer, on n'en aurait pas moins les ressources dé communiquer avec les Danois, les Portugais,
les gens du pays {Jour traiter avec eux pour des subsistances à envoyer atix lies, pàrce que comme rade foraine, il n'est pas possible d empêcher îes cati-marons où petits radeaux du pays d'entrer et de sortir. Ainsi Pondichéry, dans tout état dë catiSe, peut secourir l'Ile de France, tandis que cettê colonie he petit servir qu'à rafraîchir les secours qui sont destinés pour l'Inde. :
« Il en résulté^, continue le mémoire* une économie de 2 millions. » Je n'ai rien â répondre â cette assërtidh, parce que le soldat qdi n'existe point à Pondichéry ne doit rien compter pour sa soldé, son érttrëtien et sa nourriture. Mais si on le transplante à l'Ilë dè France, je maintiens qu'il coûtera le double qu'aux Indes. J'en appelle aux comptes actuels qui existent dans les bureaux de la marine ; et pour rendre ma dédions^ tratidtt hltis sensible, i observerai que l'on peut avoir à Pondichéry 180 livres de riz oti de blé pour 10 livres, qui cbûletit à l'Ile de France 24 a 80 livres, Un boeuf pour 12 livres qui Se vènd 15 sous la livre ailx IlëB. Enfin l'habillement, les bas, les souliers suivent la même proportion.
La colonie de Pondichéry m'a chargé* Messieurs, de vous remettre Un état qui sera certainement susceptible dé quelqtie réduction, Si le ministre, au lieu d'autoriser à fournir des traites, fait des remises en nature; et par lequel il paraît, qu'en fixant la garnison a 2,600 hommes européens et 1,200 spahis, vos dépenses civiles et militaires, potir tous vos ëtablisemëttts quelconques aux Indes, ne s'élèveront pas ati delà de trois millions. Je crois devoir, Messieurs* invoquer votre justice pour que vous affectiez aux dépenses de ces établissementst les droits que le gouvernement perçoit sur le commerce de l'Inde, que j'évalue a 7 1/2 0/0, induit et droits de fermes compris, sur 30 milliôhs, à..... 2,250,000 liv.
Plus, les,revenus locaux des Indes, évalués suivant l'état... *... 800,000
3,050,000 liv.
Ainsi, Messieurs, voilà des établissements qui s'entretiennent par leur propre produit, et dont la conservation, je ne satirais trop vous le répéter j tient plus qu on ne pense à votre tranquillité en Europe, et à la sûreté de vos colonies occidentales.
Mais quand même d'aussi puisâànts motifs que ceux que je vous ai exposés n'existeraient point, balanceriez-vous,4Messieurs, â faire quelques sacrifices pécuniaires à votre dignité ? Jetez les yeuX sur l'Angleterre qui, pénétrée de ce principe, entretient depuis quatre-vingt-six ans, à grands frais, une garnison nombreuse sur le pied de guerre dahs Gibraltar, qui n'est qu'un rocher qui Semble dominer l'Espagne et être là porte de la Méditerranée, et qui cependant n'a jamais empêché Un vaisseau d'y entrer ni d^en sortir*
Consentiriez-vous, Messieurs, à adopter une mesure aussi honteuse dans ses principes qué dé sastretise dans ses effets, l'évacuation de VOS colonies de l'Inde? Voudriez-vouS, dans tin moment de régénération, et lorsque vous vous livrez, avec un courage qui étonné l'Europe, à transfuser des sucs nourriciers et vivifiants dans toutes les partis dé l'Éttipirè, qiie Sës dërtiièreS ramifications déssèchent entre vos mains? Faut-il vous rappeler que ce sont les premières colonies que la Francé ait eu en sa possession? que, flem-blables à la Flandre, elles ont été pendant qua-I rante ans le théâtre de grands succès et de grands
revers? Que les habitants de Pondichéry ont sa-sacrifié leur fortune et leur vie pour la chose publique? Que trois sièges mémorables, dans l'espace de trente ans, ont attesté leur courage et leur patriotisme? Je suis si intimement persuadé, Messieurs, de vos grands principes, que je n'hésite pas de vous proposer le projet de décret suivant :
L'Assemblée nationale, désirant assurer à ses colonies des Indes orientales, aux peuples indigènes qui les habitent, et aux Français qui se livrent au commerce de l'Inde, la protection qu'elle doit à tous les sujets de la monarchie française, a décrété et décrète ce qui suit :
Art. 1er. Il sera fait des fonds nécessaires pour achever les fortifications de la ville de Pondichéry.
Art. 2. Il sera entretenu pour la défense une garnison effective de 2,200 soldats européens, 200 soldats ^artillerie, 200 Cafres, 1,200 spahis.
Art. 3. Il y sera entretenu une artillerie et les munitions nécessaires pour sa défense.
Art. 4. Il sera formé un comité, sous le nom de comité asiatique, composé de cinq membres de l'Assemblée nationale. Paris, le 15 octobre 1790.
Louis Monneron, Député des Indes-Orientales.
Etat de la situation des ouvrages de la fortification de Pondichéry, au 15 septembre de l'année 1789.
Savoir : Front,
Entre le bastion Saint-Louis et le bastion d'Orléans.
Ce front, qui fait face au rivage de la mer, est avantageusement situé, et il est présentement porté au degré de perfection que l'on s'est proposé; mais comme la mer baigne, pour ainsi dire, le pied du glacis, il est à craindre que, pendant le gros temps, elle ne vienne le couvrir et n'y occasionne de grandes dégradations ; c'est pourquoi il est nécessaire de faire au pied de ce glacis une chaussée solide, qui sera en même temps très avantageux pour le service du public, qui passe par la porte Saint-Louis, au dehors de laquelle il y a des sables qui rendent l'accès facile.
La dépense de cette chaussée est estimée trente mille livres.
Cette porte ferme par un pont-levis ; elle a été construite cette année, en maçonnerie, ainsi que le corps de garde intérieur ; ses profils, du passage à traver le glacis, les revêtements du parapet de la place d'armes du chemin couvert, etc., sont faits de même.
La place d'armes se ferme par une barrière; elle est aussi palissadèe solidement, ainsi que les hemins couverts.
Front,
Entre le bastion d'Orléans et celui d'Anjou.
Pour achever entièrement ce front et le porter à sa perfection, il faudrait encore faire un rapport de terre, pour achever la queue du glacis, depuis le saillant, ou bastion d'Orléans, jus- ,
qu'au saillant de la demi-lune ; la dépense à faire est de quinze mille livres.
La branche du chemin couvert, au devant du bastion d'Orléans, et son parapet, sont revêtus en maçonnerie, et on a construit dans la demi-lune un corps de garde qui sert présentement de magasin à poudre.
Le chemin couvert du corps de la place et les deux places d'armes rentrantes sont palissadées solidement, et les communications à la demi-lune bien couvertes.
Front,
Entre le bastion d'Anjou et celui de Madras.
Ce front est un de ceux qui a occasionné le plus de dépenses, à cause des ponts qu'il a fallu faire pour les communications et le passage de cette porte, dont il ne reste plus qu'à achever les bâtiments de la porte du corps de la place, qui sont déjà élevés jusqu'à la hauteur de la naissance des voûtes; et comme les matériaux sont rassemblés et presque tout à pied d'oeuvre, la dépense à faire actuellement ne surpasserait pas la somme de vingt-cinq mille livres.
Le pont dormant du corps de la place est pavé en pierres de taille, avec des gardes-corps en fer : celui sur le fossé de la demi-lune est en bois, établi sur piles de maçonnerie; les profils, à travers les glacis, sont en maçonnerie, ainsi que le revêtement du parapet de la place d'armes. On a construit cette année un corps de garde dans la demi-lune.
Les deux places d'armes rentrantes sont solidement palissadées et peuvent se fermer par des barrières; le chemin couvert de la demi-lune est aussi palissadé, mais avec du mauvais bois qui sera bientôt pourri.
Au reste, ce front est en bon état de défense ; il ne faudrait plus que faire combler quelques mares d'eau qui sont en avant dans la campagne, et qui serviraient de couvert à l'ennemi lorsqu'il commencerait ses tranchées; la dépense pourrait monter à la somme de cinq mille livres.
Front,
Entre le bastion de Madras et celui du roi.
Ce front est totalement achevé et est dans le meilleur état de défense.
Les chemins couverts sont palissadés, mais avec de mauvais bois que l'on a été obligé de prendre l'année dernière, lorsque la place était menacée d'un siège.
Front,
Entre lè bastion du roi et le bastion dauphin.
Pour mettre ce front en bon état de défense, il faut faire une banquette dans le chemin couvert et achever la queue des glacis, en creusant un avant fossé au pied, pour avoir les terres nécessaires : la dépense sera d'environ sep t mille livres.
FRONT,
Entre le bastion dauphin et celui de Valdaour.
Ce front est dans le même cas que le précé-
dent ; et, de plus, il est indispensable de palissader et fermer la place d'armes rentrante, à cause du passante de la porte; la dépense est de quinze mille livres.
Quant à la construction de la porte au corps de la place, comme les fossés sont pleins d'eau, cet ouvrage ne peut se faire que lorsqu'on sera dans le cas de revêtir le corps de la place en maçonnerie. En attendant, on a fait un corps de garde intérieur et un pont dormant en bois sur le fossé, établi sur des piles de maçonnerie. Ge pont n'a pas encore toute la largeur du fossé ; mais on y a suppléé par une digue qui occupe le reste du passage du côté de la place.
FRONT,
Entre le bastion Valdaour et celui Dupleix.
Les glacis du chemin couvert sont encore très informes et moins avancés que ceux du front précédent ; on continuera l'aVaht-fossé pour pouvoir l'achever. Ge front, qui est situé avantageusement à cause de l'inondation, pourra être considéré alors comme n'étant pas susceptible d'attaque. La dépense est de quinze mille livres.
FRONT,
Entre le bastion Dupleix et celui de Villenour.
Ce front est encore un de ceux qui a occasionné le plus de dépenses, à cause du passage de la porte, qui est entièrement achevée. Cette porte est décorée d'architecture; les ponts sont pavés en pierres de taille, avec des gardes-corps en fer. Il y a un corps de garde avancé dans la demi-lune, avec un logement pour un consigne.
La place d'armes est palissadée et fermée par une barrière, et les profils à travers les glacis sont revêtus en maçonnerie.
Pour achever ce front, il faudrait encore ajouter un parapet au chemin couvert de la demi-lune, qui doit être terminé en glacis coupé du côté de la campagne. La dépense serait de vingt mille livres.
Sur la capitale du bastion Villenour, on a construit un pont de bois sur piles de maçonnerie, disposé de manière à pouvoir être éclusé, afin de retenir les eaux de l'inondation qui se termine en cet endroit.
FRONT,
Entre le bastion Villenour et celui de la reine.
Ce front sera entièrement perfectionné, lorsqu'on, aura fait le remblai qui reste encore à faire au glacis au devant de la face gauche du bastion de Villenour et de la place d'armes adjacente. La dépense est de douze mille livres.
FRONT,
Entre le bastion de la reine et celui de l'Hôpital.
Sur le milieu de la courtine, on a construit une belle poterne, qui renferme deux petits magasins de dépôt, et il y a un aqueduc au-dessus pour l'écoulement des eaux de cette partie de la ville.
11 y a aussi, comme au front précèdent, un remblai à faire au glacis de la face droite du bastion de l'Hôpital et de la face de la demi-lune. La dépense est de douze mille livres.
FRONT,
Entre le bastion de l'Hôpital et celui de Goudelour
On a commencé à élever la demi-lune, ainsi
Îue les chemins couverts; mais on a été obligé e cesser. Lorsqu'on reprendra Jes ouvrages, il en coûtera encore, pour achever ce front, environ trente mille livres.
FRONT,
Entre le bastion de Goudelour et celui de la petite-batterie.
On a laissé sur la courtine de ce front une ouverture pour le passage de la porte Goudelour, qui est a faire. Au lieu d'un pont dormant pour traverser le fossé, on a préféré de faire construire une digue qui sert de passage pour cette porte, et en même temps pour séparer les eaux douces des fossés de la place des eaux salées de la rivière. Cette digue est défendue par la place d'armes rentrante, qui est fermée et bien palissadée, ainsi que toute la branche droite du chemin couvert. Tout le terrain en avant de ce front est inondé; et, pour communiquer par cette porte au dehors, on a été obligé de faire la chaussée qui traverse sur toute l'étendue de ce front.
Le canal qui sépare la ville blanche de la ville noire, dans la direction nord et sud, vient aboutir au rempart à côté de la porte Goudelour, où on a construit une porte d'eau : elle consiste principalement en un passage voûté de seize pieds de largeur, et dont la longueur comprend toute l'épaisseur du rempart de la berne, qui est au pied, et de la longueur de la rue antérieure, qui est le long de la courtine, en formant un pont. Dans sa direction, au-dessus de ce passage, on a fait, dans l'épaisseur du massif du rempart, un corps de garde, dans lequel on a pratiqué une coulisse destinée à recevoir la herse qui doit fermer le passage en l'abaissant.
Par le moyen de cette porte d'eau, on communique du canal de la ville avec les fossés à gauche de la porte Goudelour ; et de celui-ci avec la rivière qui aboutit à un passage éclusé qui traverse le chemin couvert au devant de l'épaule droite du bastion de la petite batterie ; de sorte qu'actuellement, la navigation se trouve établie pour communiquer de l'intérieur de la ville avec la rivière ; et, dans la suite, en achevant ce canal, on pourrait communiquer avec les fossés de la ville de toutes parts ; ce qui serait d'un avantage inappréciable pour la défense des ouvrages extérieurs.
Pour achever ce front, il faut finir le parapet de la face droite du bastion de la Petite-Batterie et de la partie de la courtine qui est au-dessus du passage de la porte d'eau ; faire un batardeau vis-à-vis l'angle de l'épaule dudit bastion ; approfondir le fossé au devant de la face, et faire les chemins couverts et glacis, depuis le passage du canal jusqu'au saillant du bastion. La dépense est de vingt-quatre mille livres•
FRONT,
Entre le bastion de la Petite'Batterie et cçlui de Saint-Laurçnt.
Ce front est présentement celui où il y a le plus d'ouvrage à faire, parce que, n'étant guère susceptible d'attaque, on l'avait laissé pour le dernier ; il faut encore élever une partie du rempart de la courtine et du bastion Saint-Laurent qui n'ont pas encore un relief suffisant, approfondir le fossé, élever la contrescarpe, faire tout le chemin couvert et les glacis. Il sera indispensable aussi de construire sur le milieu de la courtine une porte pour communiquer au polygone de l'artillerie qui a été établi en avant de ce front, avec un pont de communication sur ie fossé, établi sur piles de maçonnerie; revêtir également les profils du passage à travers les glacis, faire un corps de garde, etc. La dépense est de soixante mille livreft
FRONT,
Entre le bastion Saint-Laurent et royale,la batterie
Ce front fait face au rivage de la mer, et sa situation est par conséquent très avantageuse, et est à faire en entier; mais comme il a moins de relief que les précédents, il suffira d'y employer une somme de cinquante mille livres.
A l'égard de la partie de l'est qui reste encore à faire, entre la batterie royale et le bastion Saint-Louis, elle se trouve défendue naturellement par la mer, dont le rivage n'est abordable qu'avec des chelingnes (espèce de bateau du pays); il serait cependant indispensable d'y faire quelques ouvrages provisoirement, si on voulait défendre la place, et construire eu même temps quelques bâtiments indispensables.
En y employant, pour ces divers objets, une somme de cent quatre-vingt mille livres, cela porterait la dépense totale à cinq cent mille livres.
Pour garantir les ouvrages de cette fortification des pluies abondantes qui tombent quelquefois, il a fallu non seulement revêtir les talus de terre argileuse, mais encore construire des couloirs de maçonnerie à tous les angles, et de distance à autre dans les parties basses, afin que ces terres ne fussent pas entraînées par les eaux dans les fossés : par ce moyen, ils pourront se conserver plus longtemps en bon état.
On a au^si fait planter sur le rempart environ trois mille pieds d'arbres, qui seront d'une grande ressource par la suite.
A Pondichéry, le 15 septembre 1789.
Nous soussignés, députés des Indes-Orientales, certifions que le présent état est conforme à l'original qui nous a été adressépar le comité représentatif des citoyens de la ville de Pondichéry.
Paris, ce 15 octobre 1790.
Louis Monneron, Beylié.
Récapitulation des sommes à employer pour parachever les fortifications de Pondichéry.
Front, entre le bastion Saint-Louis e(
celui d'Orléans ........................ 30,000 liv.
Front, entre le bastion d'Orléans et
celui d'Anjou. .........................' 15,000
Front, entre le bastion d'Anjou et celui
de Madras..............................30,000
Front, entre le bastion de Madras et
A reporter.... 75,000 liv.
Report........ 75,0Q0 liv,
celui du roi, à cause des mauvais bois des palissades, sera ici seulement pour
mémoire....................................»
Front, entre le bastion du roi et celui
du daupbin......................................................7,000
Front, entre le bastion dauphin et celui
Valdaour............................................15,000
Front, entre le bastion Valdaour et
celui Dupleix..............................15,000
Front, entre le bastion Dupleix et celui
de Villenour............................ 20,000
Front, entre le bastion Villenour et celui
de la reine....................................12,000
Front entre le bastion de la reine et
celui de l'Hôpital...................................12,000
Front, entre le bastion de l'Hôpital et
celui de Goudelour..........................................30,000
Front, entre le bastion de Goudelour
et la petite batterie........ ......................24,000
Front, entre le bastion de la petite bat-?
terie et celui de Saint-Laurent.../....V. 60,000
Front, entre le bastion de Saint-Laurent
et la batterie royale ................... 50,000
Front, entre la hatterie royale, et le
bastion Saint-Louis, environ...................180,000
Total de la dépense à faire................500,000 liv.
Tableau des produits que les établissements français de l'Inde ou de la Chine rendent au Trésor public de la France, en Europe ou en Asie : lesdits produits estimés, d'après l'évaluation la plus modérée,
Savoir :
recettes.
Les revenus locaux de tous les établissements de l'Inde, les droits seigneuriaux, les fermes ou régies diverses, la revente de l'opium, etc., peuvent être arbitrés à un million : on ne les portera
ici qu'à 800,000 livres, ci....... 800,000 liv.
Le droit d'induit sur les marchandises de l'Inde et de la Chine peut être estimé quinze cent mille livres ; on ne le portera ici qu'à douze cent mille livres, ci.. 1,200,000
Les droits payés par le commerce de l'Inde et de la Chine, aux fermes générales en France, passent certainement douze cent mille livres ; on ne les portera ici qu'à un million, ci......... 1,000,000
Recette au plus faible.... 3,000,000 liv.
200,000 liv.
Par ce tableau, il paraît : 1° Que l'on n'a porté les revenus locaux de tous les établissements énoncés au premier article, qu'à huit cent mille livides, tandis qu'ils peuvent réellement souvent s'élever à un million et plus; ce qui serait une différence en augmentation de deux cent mille livres,
ci............................
2° Que le droit d'induit, dont l'estimation varie entre quinze à dix-huit cent mille livres, n'est porté ici que pour douze cent mille livres; ce qui serait encore en augmentation, une différence au moins de trois cent mille livres, ci..300,000
4 reporter.,,.. 5QQ,000 Uy.
Report.... 500,000 liv.
3° Que les droits payés aux fermes générales, en France, portés ici seulement à un million, passent réellement douze ppnt mille livres ; ce qui serait encore une différence en augmentation de deux cent mille livres, ci.... 200,000
Que le total des différences qui se trouveraient entre les produits tels qu'ils ont été portés sur le présent tableau, et les produits qui, sans" forcer calcul, auraient pu être énoncés, donnerait upg sommé de sept cent mille livres, ci.................,.........! 700,000 liv.
Le tableau de nos établissements aux Indes en a porté le calcul aussi haut qu'il pouvait s'élever, et ij ne présentait qq'une somme de trois milléquatré-vingt-quatm livres excédant l'estimation la plus faible de la recette : en ajoutant actuellement à cëtte recette les différence» que nous venons d'additionner, on aura un total de trois millions sept cent mille livres de recettes, pour fournir à trois millions trois mille quatre-vingt-quatre livres de dépenses : c'est-à-dire six cent quatre-vingt-seize mille neuf cent seize livres de plus qu'il n'en coûterait pour nos établissements aux Indes, en les tenant suc le pied SUC lequel ils étaient au mois de septembre mil sept cent qmtrfauwgfahuUt
ÉriTa
ÉTAT DES DÉPENSES FIXES DES ÉTABLISSEMENTS FRANÇAIS
déterminées sur celles qui y ont été faites de 1785 à 1789, pour toutes les parties, et qui, la première dépense une fois exécutée, peuvent être arbitrées sous les rapports d'entretien et de frais annuels,
SAVOIR :
Pondichéry.
Etat-major.
Un commandant général.... Un commandant en second.
Troupes européennes...^
I Un régiment de 1200 hommes; appointements, solde et masse; ensemble 307,356 livres tournois, fait, pour deux régiments..............
Deux compagnies d'artillerie de cent hommes chaque, appointements, solde et masse........
Subsistance de 2,600 hommes, à 9 sols par jour, fait, pour une année........................
Journées d'hôpitaux, à raison du dixième, sur 2,600 hommes, fait 94,900 journées, à 40 francs par jour, retenue déduite....................
Fournitures diverses faites aux troupes dans les quartiers, à 6,000 livres par mois.............
Deux bataillons de spahis, ensemble.
Troupes indiennes.
Majorité et service de la France et des casernes, nettoiement compris, 1,000 livres par mois...
Cinq officiers, ensemble chaque mois, logement compris, 1,800 livres, et par an.............
Corps royal du génie...
Direction des travaux du génie et ateliers, 900 livres par mois...............................
Direction des travaux de l'artillerie, 1,200 livres par mois fait..............................
Administration civile
Un commissaire général ordonnateur...........
Quatre commissaires des colonies à6,000 livres.
Un contrôleur...............................
Un écrivain principal..........................
Deux écrivains ordinaires à 2,400 livres.......
Un garde-magasin général.....................
Un garde-magasin d'artillerie.................i
Bureaux divers...
Hôpital.
Vingt-quatre employés de diverses dénonciations et traitements ; les premiers commis de chaque bureau, compris pour les bureaux du magasin général, du contrôle des fonds des troupes et des classes, par mois 2,200 livres, et par an..
Appointements des officiers de santé, du direc teur et commis, et solde de serviteurs, 4,000 livres par mois...........................
Fournitures diverses des magasins ou autres, à 300 livres par mois..........................
Justice et police.
Conseil supérieur, par mois, 812 livres 14 sous1! 3 deniers.
Chauderie, 809 livres 13 sous 4 deniers. Police, 707 livres 12 sous 5 deniers.
62,000 livres. 22,000
614,712 71,362 427,050
189,800 72,000 320,000 12,000
21,600
10,800
14,400
30,000 24,000 6,000 3,000 4,800 2,400 2,000
48,000 36,000
2,330
84,000 livres.
1,374,924
332,000
46,800
72,200
26,400
84,000
Par an. 27,960
A reporter.. 2,048,284 livres.
Grande voirie et domaine, 1,050 livres par mois.
Direction de la monnaie et réparations de l'hôtel .......................................
Préfet apostolique et clergé paroissial. Transports intérieurs et extérieurs.....
Dépenses fixes du port, le capitaine compris, 400 livres par mois..........................
Dépenses diverses.
Solde des entretenus au service général de la colonie, 1,400 livres par mois................
Dépenses fixes du Dorbar, 4,200 livres par mois.
Frais de l'hôtel du gouvernement, illuminations, etc., à 1,200 livres par mois.................
Dépenses des prisons civiles et militaires, soldes et subsistances des prisonniers, 250 livres par mois.......................................
Loyers des maisons et magasins, et Cheling, à 4,000 livres par mois........................
Œuvres de bienfaisance./ par mois, fait.
Solde des vétérans, à 1,000 livres par mois, fait.. Pensions et subsistances diverses, 2,500 livres
Demi-solde des officiers indiens, 500 livres par mois, fait.................................
Travaux divers.
Fortifications et bâtiments civils.....
Travaux de l'artillerie................
Travaux de la voirie................
Dépenses imprévues.
Total des dépenses de Pondichéry.
Chandernagor et dépendances.............
Karikas (garnison fournie par Pondichéry).
Mahé....................................
Yanaon..................................
Dépenses des comptoirs.^ Mazulipatam........ ....................
Calicut..................................
Moka....................................
Surate............................... *.
Canton..................................
Total général.
Report 12,600 livres
6,000 4,800 12,000
4,800
16,800 50,400
14,400
3,000
48,000
12,000
36,000
6,000
120,000 80,000 30,000
2,048,284 livres.
250,000 livres. 60,000 120,000 12,000 6,000 6,000 12,000 12,000 20,000
Total général.
172,800
54,000
200,000 30,000
2,205,084
498,000
3,003,084 livres
Nota. — Les dépenses affectées aux comptoirs dépendant de Pondichéry sont plus fortes que celles qui leur avaient été ci-devant attribuées, parce qu'il a été reconnu, par expérience, que ces comptoirs ne pouvaient seulement être maintenus avec les fonds qui leur avaient été assignés.
Nous, soussignés, députés des Indes orientales, certifions que le présent état est conforme à l'original qui nous a été adressé par le comité représentatif des citoyens de la ville de Pondichéry.
Paris, ce 15 octobre 1790.
Louis Monneron, Beylié.
(L'Assemblée décrète l'impression du mémoire £t du projet de décret qui viennent de lui être soumis, et elle en ordonne le renvoi aux c[nq comités diplomatique, de la luarjne, colonial, militaire, d'agriculture et dë commerce réupis.') "
lève la séanceAà neuf heures, ét indique celle de demain à l'heure ordinaire.
Séance du er octobre
1790
La séance est ouverte à neuf 'heures et demie du matin.
fait donner lectijfe, par M- Bouche, un de MM. léà Secrétaires, d'une lettre dans laquelle M. Villemotte, directeur ou manège du ro|, demandé une indemnité de 80,000 livres pour la perte que lui fait éprouver l'établissement de l'Assemblée nationale dans l'enceinte qu'il occupait autrefois.
L'Assemblée ordonne le renvoi de cette lettré àux comités réunis des domaines et de liquidation.
, député de Nemour£), donne lecture de la lettre du commandant du Régiment de Chàteauvieux, adressée â M. de Lullin ae Chàteauvieux, colonel commandant dudit régiment.
L'Assemblée nationale ordonne l'impression de cette lettre et l'envoi à tous les régiments de l'armée. Elle est ainsi conçue :
« De Marsal, Je 7 octobre 179.0»...
« Vous devez avoir reçu. Monsieur, Ja lettre pleine' de repentir et de douleùr adressée par le régiment de Château vieux à ses camarades. Si Vous pouviez douter des sentiments qui l'ont dictée, la conduite honorable que vient de tenir Ce régiment vous convaincrait de leur sincérité.
« Les soldats sont allés, tous en corps,c|iez leurs Capitaines, pour leur annoncer qu'ils voulaient rendre l'argent qu'ils ont exigé pendant l'in*. surrection ; les capitaines ay&Pt répondu qu'ils étaient plus flattés d'un pareil mouvement que sensibles à la perte d'un peu d'argent dont.le sacrifice était fait, les soldats ont insisté, j'ose le dire, avec line sorte d'emportement, en qéclarant qu'il fallait que cet argent fût jforté sur leur dé* Compte, retenu sur leur solde, etc.; qu'ils n'entendaient pas en rester plus longtemps entachés, 0t qu'ils aimaient mieux supporter toutes les privations, que d'être malheureux par tout ce que ce honteux argent leur reprochait.
« Ils ne sé sont retirés que sur la promesse qu'on leur a faite de leur procurer aussitôt des moyens de les satisfaire,
« Je suis si sûr du plaisir que vous fera cette nouvelle, que je ne perds pas un instant à vous en informer ; et je vous prie d'être assuré dés sentiments respectueux avec lesquels j'ai l'ndhûedr d'être, Monsieur, votre très humble et obéissant serviteur..
« àn-der-Matt. »
« Vous ignorez peut-être aussi que plusieurs dé nos hommes, désértés dans la nuit du 31, ef entrés en Suisse, ont déclaré qu'ils n'avaient i se plaindre de personne au régiment, et qu'ilé n'attendaient que le retour de la tranquillité pour» demander d oser rejoindre. »
Le si^r Olivier fait hommage à l'Assemblée d'Un, ouvrage de sa composition, intitulé : « Nouveau code civil proposé à la nation française, etc.
L'Assemblée j^tjoqalé ordonne que cet ouvrage sèra déposé dans ses archives.
Lecture est faite du procès-verbal de la séancu d'hier au matin.
Çe procès-verbal est adopté.
fait, au nom du comité de liquidation, un rapport dans lequel il donne con* naissance tfutj traité fait en 1783, par MM. les) évêqués d'Àutun et de Bordeaux, au nom dd clergé en France, avec MM.Ûidot et Thévenot, im« primeurs, pour l'impression des œuvres de Féne* Ion,Déjà il a été fourni 22,000 livres et publié cinq( volumes ; il reste assez de manuscrit pour en pu* blier trois pouveau*, Voici, en conséquence,le dé* eretquevotre comité de liquidation vous pro+ pose :
« L'Assemblé nationale, ouï le rapport de son comité des finances, décrète ce qui suit :
Art, ler
« Le Trésor public donnera au sieur Didot, imprimeur des œuvres de feu M. de Fénelon, ar« çftevêque de Cambray, la somme de 20,000 livres | moyennant laquelle il achèvera d'imprimer les* dites œuvres.
Art, 2
«Le sieur Didot remboursera au trésorier 14 somme de 52,000 livres des premiers deniers dt} produit de là première vente desdites œuvres. 1
(Ge décret est adopté*)
, député de $ourg en Bresse, prifs l'Assemblée de lui accordé un congé de trois se* maines pour raison de sauté.
L'Assemblée nationale le lui accorde.
, au nom du comité de Constitution, propose deqx décrets : l'un relatif à la pétitiofl au directoire du département du Doubs; l'autre relatif au bureau de paix à établir pour le digt-trict de la campagne de Lyon.
Ces décrets sont adoptés ainsi qu'il suit :
premier décret.
« L'Assemblée nationale, après avoir entend|i le rapport du comité de Constitution, décrète, sur la pétition du directoire du département du Doubs. qu'il sera établi un tribunal de commerce dans la ville de Besançon. «
deuxième Déûrèt.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport du comité de Constitution, décrète
que le bureau de paix, tel crue celui qui doit être établi dans les Villes, chefs-lieux de districts, sera formé pour le district de la campagne do Lyon, par les administrateurs de ce district, en se conformant à l'article 4 du titre X du décret du 16 août dernier, sur l'organisation de l'ordre judiciaire ;
# Décrète, en outre, que les fonctions de ce bureau de paix seront réduites aux seuls objets déterminés par les articles 7 et 8 du titre X dudit décret. »
fait observer que dans l'article â des décrets des 2 et 6 septembre, on avait omis de placer le mot « Gambresis », après ceux de « Flandre, Hainaut et Artois. »
L'Assemblée nationale ordonne que le Carnbre-i sis sera compris dans le dispositif de l'article 3 des décrets des 2 et 6 septembre.
L'ordre du jour est la suite de lu discussion sur lu contribution foncière, titre III.
, rapporteur du comité d'imposition, fait lecture de I Article 4 qui a été décrété, sauf redactionV avec les amendements ; des articles 5, 6 et 7 qui étaient l'article 4 du titre premier ; des articles 8,9, 10, 11, 12, 13, 14 et 15, sur la contribution foncière.
Après une légère discussion, la. rédactiop de l'article 4 est approuvée et décrétée.
Sur l'article 5, il est décidé que l'Assemblée nationale s'est expliquée la veille, et qu'elle J'à décrété. On passe à l'article 6,
Sur celui-ci les discussions sont multipliées et les opinions différentes.
propose qu'il soit ajouté à la fin de cet article. Ces mots? dont 1 Assemblée se réserve de régler l'effet pour l'avenir ».
Cet amendement est coinbattu.
en propose un autre très peu différent du précédent ; Il est conçu ainsi ; « Suivant le taux et le mode qui serpnt réglés par l'Assemblée nationale- »
propose un troisième amendement; il consiste à insérer à la fin de l'article, ces mots : « Suivant l'instruction qui sera jointe au présent décret. »
Cette addition est adoptée par l'Assemblée nationale.
, rapporteur, propose le septième article.
Les opinions sont encore plus nombreuses et plus diverse! entre elles que sur l'article 6
prétend qu'il faut distinguer dans cet article les rentes constituées à prix d'argent, et celles qui sont constituées pour prix restant de biens-fonds.
, rapporteur propose une rédaction différente de celle qu'il vient de soumettre aux délibérations de l'Assemblée.
demande l'ajournement de cet article.
La question préalable est proposée sur cette demande.
L'ajournement demandé est retiré par son auteur
La division de l'article est proposée et adoptée par l'Assemblée nationale.
, rapporteur, donne lecture de la partie sur laquelle 1 Assemblée est d'abord bien aise de délibérer, et il est décidé que la discussion est fermée.
Plusieurs amendements sont proposés sur cette partie d'article; mis aux voix, il est décrété qu'il n'y a pas lien à délibérer,
demande que le mot \ soumis », qu'on l;t dans cette partie, soit remplacé par le mpt « autorisé ». Il est décidé par l'Assemblée nationale qu'il n'y a pas lieu de délibérer sur cet amendement.
Enfin, cette première partie 4e l'article 7 est mise aux voix et décrétée par l'Assemblée nationale. |
L'Assemblée passe à la discussion de la seconde partie de l'article 7,
propose d'y ingérer cette décision, « que les rentes viagères .seront soumises à la même retenue que les autres renfes. n'exceptant que celles qui ont été acoordées à titre de dons ou de legs, qui ne seront soumises qu'à une retenue de moitié. »
Après cet amendement, la discussion est dê-dat ée fermée, ûn demande la question préalable sur tous les amendements.
, avant que dé passer à une délibération sur la question préalable, demande qu'il soit fait une exception en « faveur des legs Faits pour tenir lieu d'aliments. »
demande une pareille exception en faveur des douaires ; sur çell$*ci, il est observé que pareille exception est de droit.
La question préalable est demandée sur ces nouveaux amendements comme sur les précédents : il est décidé par l'Assemblée nationale qu'il n'y a lieu à délibérer sur aucun de ces amendements.
Après cette décision, la seconde partie de l'article 7 est mise aux voix et décrétée.
, rapporteurt fait lecture d'une troisième partie de l'article 7, sur laquelle la question préalable est d'abord demandée Cette motion est combattue. On y fait Succéder une motion eu ajournement, et cependant le renvoi au comité de Constitution, pour rédiger et présenter un projet de loi plus conforme aux opinions qu'on vient de soutenir.
L'ajournement est d'abord écarté par la question préalable, et il est décidé par l'Assemblée nationale qu'il y a lieu à délibérer sur cette troisième partie d article.
propose une rédaction différente qui donne lieu à des discussions contraires pour la soutenir et la combattre.
Alors s'élève la question de savoir laquelle de ces deux rédactions aura la priorité. Une partie des membres de l'Assemblée la demande pour la rédaction du comité, l'autre la demande pour la rédaction proposée par le membre de l'Assemblée.
Cette question ae priorité est mise aqx voix; elle est décidée en faveur de la seconde rédaction, et l'Assemblée nationale, en l'adoptant par son décret, ia place de manière qu'elle devient
l'article 9 du décret par la division du septième article.
L'article 8 est soumis à la discussion. On propose d'abord de ne faire qu'un seul article de celui-ci et du neuvième.
, ouvrant une opinion différente, fait une motion tendant à ce qu'il soit fait pour l'imposition des maisons une classe différente de celle des terres.
Cette opinion est combattue par la proposition qui est faite d'une autre espèce d'ajournement. Sur ce dernier, il est décidé qu'il n'y a pas lieu de délibérer. Les deux premiers sont retirés par leurs auteurs. Après des débats divers sur les moyens de donner à cet article 8 la plus grande clarté qu'il serait possible, il est mis aux voix et adopté par l'Assemblée nationale.
, avant la lecture du neuvième article, annonce l'ordre du jour pour la séance du soir, et celle du lendemain au matin.
L'article 9 est lu par le rapporteur du comité des impositions.
demandé qu'après le mot « cultivateur », qu'on lit dans l'article, on ajoute ceux-ci, « et le logement des propriétaires fonciers », pour que ce logement soit aussi excepté de l'imposition, et que le mot « cultivateur » reste parfaitement expliqué.
demande que cet article soit renvoyé au comité des impositions, avec charge expresse de rédiger un article qui pose précisément ia différence qu'il doit y avoir quant à l'imposition, entré les pays de «grande » et ceux de « petite culture. »
, combattant les deux précédents amendements, soutient et demande que tout « logement soit déclaré soumis à l'imposition, hors les granges et maisons de ferme proprement dites. » Celte motion est vivement appuyée.
propose d'insérer dans l'article 9 ces mots : « Il n'y aura que les maisons des villes et bourgs qui seront imposées; et dans l'instruction l'Assemblée nationale expliquera ce qu'on doit entendre par maisons de villes et maisons de bourgs. »
, simplifiant l'énonciation déjà insérée dans l'article, prétend que cet article ne doit contenir que les mots, « exploitations rurales », et qu'on doit supprimer ceux-ci : le « logement du cultivateur. »
L'Assemblée nationale ferme la discussion.
Un membre fait la motion d'ajourner au lendemain la discussion nouvelle qui se prépare sur Je choix de l'amendement.
L'Assemblée nationale adopte cette motion et ajourne à la séance du lendemain la discussion sur la suite de l'article 9, et celle sur les articles suivants du projet de décret présenté par le comité des impositions.
(Les articles divers, qui ont été successivement discutés et décrétés dans cette séance sur la contribution foncière, ont été placés et additionnés de manière que les huit articles du projet imprimé ont formé ceux qu'on va lire, et qui ont été prononcés comme s'ensuit) :
Art. 4.
« Dans le délai de quinze jours après la formation et la publication des susdits états, tous les propriétaires feront au secrétariat de la municipalité, par eux ou par leurs fermiers, régisseurs ou fondés de pouvoirs, et dans la forme qui sera prescrite, une déclaration de la nature et de la contenance de leurs différentes propriétés. Ge délai passé, les officiers municipaux et les commissaires adjoints procéderont à l'examen des déclarations, et suppléeront, d'après leurs connaissances locales, à celles qui n'auront pas été faites, ou qui se trouveraient inexactes.
« Il sera libre à tous les contribuables de prendre communication de ces déclarations au secrétariat de la municipalité.
Art. 5.
« Aussitôt que ces opérations préliminaires seront terminées, les officiers municipaux et les commissaires adjoints feront en leur âme et conscience l'évaluation du revenu net des différentes propriétés foncières de la communauté, section par section.
Art. 6.
« Les propriétaires dont les fonds sont grevés de rentes ci-devant seigneuriales ou foncières, d'agriers, de ctomparts ou d'autres prestations soit en argent, soit en denrées, soit en quotité de fruits, feront, en acquittant ces rentes ou prestations, une retenue proportionnelle à la contribution, sans préjudice de l'exécution des baux à rente faits sous la condition de la non-retenue des impositions royales, suivant l'instruction qui sera jointe au présent décret.
Art. 7.
« Les débiteurs d'intérêts et de rentes perpétuelles constituées avant la publication du présent décret, et qui étaient autorisés à faire la retenue des impositions « royales » feront la retenue à leurs créanciers dans la proportion de la contribution foncière.
Art. 8.
« Les débiteurs de rentes viagères constituées avant la même époque, et sujettes aux mêmes conditions, ne feront la retenue que dans la proportion de l'intérêt que le capital eût porté en rentes perpétuelles, lorsque ce capital sera connu ; et quand le capital ne sera pas connu, la retenue sera de la moitié de la proportion de la contribution foncière.
Art. 9.
« A l'avenir, les stipulations entre les contractants sur la retenue de la contribution seront entièrement libres ; mais la retenue à raison de la contribution foncière aura toujours lieu, à moins que le contrat ne porte la condition expresse de non-retenue.
Art. 10.
I« Pour déterminer la cote de contribution des maisons, il sera déduit un quart sur leur revenu,
en considération du dépérissement et des frais d'entretien et de réparations. »
adresse à M. le Président la lettre suivante -.
« Monsieur le Président,
« J'ai cru jusqu'ici de mon devoir de ne demander aucun congé à l'Assemblée, mais ma santé, depuis longtemps délabrée, exige impérieusement des précautions dans ce moment-ci. J'ai l'honneur de vous prévenir que je me propose d'aller consulter M. Tissotà Lausanne et que j'espère pouvoir me rendre de là à Turin pour y rendre à M. d'Artois un hommage que je regarde comme un devoir, ayant l'honneur de lui être attaché depuis dix-sept ans. Je vous prie, Monsieur le Président, de vouloir bien présenter à l'Assemblée la demande que je fais d'un congé pour remplir ces deux objets.
« J'ai l'honneur d'être, etc.
« Signé : Bailli de Crussol. »
Divers membres murmurent.
D'autres membres disent : Bon voyage I
propose de ne faire mention au procès-verbal que de la demande de congé.
Le congé est accordé sous cette réserve.
lève la séance à trois heures et demie.
Séance du
La séance est ouverte à six heures et demie du soir.
fait donner lecture d'une note de M. le garde des sceaux, qui transmet à l'Assemblée un mémoire envoyé au ministre des affaires étrangères de la part de l'électeur de Cologne, tant au nom de ce prince, qu'en celui du possesseur actuel du fief de Suz en Basse-Al-sace, relatif à la suppression des droits féodaux.
(Ce mémoire est renvoyé aux comités féodal et diplomatique.)
On fait lecture - d'une lettre du sieur David, graveur, qui offre à l'Assemblée de se charger de toutes les gravures en taiiie douce relatives aux assignats décrétés le 29 septembre, sans rien exiger au delà des déboursés ; ce qui diminuera ies frais de gravure d'environ les deux tiers de ceux déjà fabriqués.
(L'Assemblée témoigne sa satisfaction, et renvoie cette lettre au comité des finances, section des assignats.)
On annonce une lettre du sieur du Mourrier, maréchal de camp, commandant à Cherbourg, à M.
le Président, qui lui adresse, et par lui à l'Assemblée nationale, sa correspondance avec le
maire de Cherbourg, tendant à éclaircir quelques faits relatifs aux événements arrivés en
ladite ville au mois de juillet 1789, et à la déposition
Quelques membres observent que cette affaire particulière ne doit pas occuper les moments de l'Assemblée, et demandent que la lettre ne soit pas lue.
D'autres, au contraire, insistent pour qu'elle le soit, M. le Président consulte l'Assemblée, qui décide que lecture en sera faite. . Il est donné lecture de cette lettre.
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier au soir.
Ce procès-verbal est adopté.
Il est donné lecture des adresses suivantes :
Adresse de félicitation, adhésion et dévouement des municipalités de Erans, Jassans et Beaure-gard, du district et canton de Trévoux, département de l'Ain. Elle fait le don patriotique du produit de l'imposition des ci-devant privilégiés des six derniers mois de 1789. Elles supplient l'Assemblée de maintenir le district et le tribunal qu'elle a établis à Trévoux.
Adresse de l'assemblée des électeurs du district de Château-Thierry pour la nomination des juges, contenant le procès-verbal de cette nomination. Ils supplient l'Assemblée de décréter qu'ils seront incessamment indemnisés des dépenses qu'ils ont faites.
Adresse de M. Asseline, curé et maire de la commune de Bruyères, district de Château-Thierry, qui fait hommage à l'Assemblée d'un ouvrage intitulé : « La Révolution vengée, ou le bonheur du peuple. »
Adresse des officiers municipaux de la ville de Rouen, contenant le procès-verbal de l'apposition des scellés sur les portes du palais et greffes du ci-devant parlement de Normandie.
Lettre de M. Capitaine l'aîné, ingénieur-géographe du roi à l'Observatoire, qui envoie une pétition des directeurs de la carte générale de la France, divisée en 83 départements. Il annonce que bientôt il offrira à l'Assemblée cette carte de sa composition en 18 feuilles réunies. Elle aura 8 pieds et demi de hauteur sur autant de largeur.
La ville de Pont-de-l'Arche se plaint de la cherté et de la rareté des grains, et demande que le transport n'en soit pas permis sans formalité.
Gomme député du Pont-de-l'Arche, bailliage secondaire de celui de Rouen, je vous prie de me permettre de dire un mot sur l'adresse de cette ville, qui vient de vous être lue.
Je pense comme vous qu'on ne doit mettre aucune espèce d'entrave à la circulation des grains ; mais Pont-de-l'Arche et les villes voisines, qui manquent souvent de blé et qui le payent très cher, quoique très soumises à vos décrets, ne peuvent s'empêcher d'avoir les plus grandes inquiétudes sur les transports continuels de grains qui se font nuit et jour, et elles soupçonnent qu'il se fait des accaparements par les ennemis du bien public pour tenter de soulever les peuples; c'est pourquoi je demande que vous vouliez bien décréter que les voituriers de ces grains seront obligés de faire, en passant dans les villes, I leurs déclarations du lieu d'où ils sont partis, de celui de leur destination et de la quantité de I grains qu'ils transportent.
(On pâsse à l'ordre du jour.)
Une députation des officiers d'administration des îles du Vent est admise à là barre.
L'orateur de la députation prononce le discours suivant :
« Messieurs, séparés par l'intervalle des mers, les officiers de l'administration des îles du Yent n'en ont pas moins partagé avec l'Europe entière et payé , le juste tribut d'adttiirâtiort dû à vos immortels travaux; ilé étaient bien loin de se croire au moment dè Vetlir ëtik-fhêméS vous àp-
orter l'expression de leur reconnaissance. Cet
onneur est sans doute le premier dédommagement, ainsi que lâ plus belle récompense de tout ce qu'ils ont souffert pour la cause du patriotisme persécuté.
« Ils viennent; Messieurs, implorer votre justice contre l'assemblée de la Martinique. Cette colonie, autrefois Si florissante, a été, dès lès premiers moments de 1a Révolution, tle théâtre de scènes aussi funestes dâhs leurs effets, qu'affligeantes dans leur principe j âu lieti d'y voir tranquillement flotter la bannière sous laquelle tous les cœurs et tous les intérêts dé la mêre-pâtrie se trouvent réunis, on a vu déployer l'étendard de la guerre civiles L'olivier de la paix, deux fois présenté aux ennemis dë la Constitution par le patriotisme des îles voisines* Semblait annoncer des jours plus heureux* Votre décret dU 8 mars ajoutait enobre à la confiance des bons Citoyens ; mais l'amour-propre, enfin un triomphé odieux dont il nous serait trop pénible de retracér les détails* a replongé la ville la plus peuplée et la plus commerçante des Antilles dans le deuil et dans l'oppression.
« Au milieu de tous ces désastres,' les officiers de l'administration employés aux îles du Yent, pt particulièrement à la Martinique, n'ont cessé dè montrer le zèle le plus soutenu pour concourir au rétablissement dë l'Ordre ët à l'exédUtlon de vos décrets. Il n'est point de sacrifices auxquels ils ne se soien t dévoués ; heureUx d'avoir su défendre et protéger les intérêts du commerce dé la métropole, ils sé félicitaient d'avoir pU soUtedir le fardeau du service dans des moments où dénués de tous secours* de toutes ressources, il leur fallait subvenir au prêt des troupës, à leurs réclamations multipliées, aux besoins d'une escâ-dre stationnaire, enfin à l'approvisionnement des magasins du roi. Ils ehtrevoyaiënt, avec une satisfaction pure, l'instant où ils allaient jouir du prix de lëurs efforts:
« Cependant, Messieurs, quelle a été leur récompense? uhe assemblée contre laquelle n'a cessé 4e réclamer la partie de la Colonie la plus forte en population, comme la plus importante par son intluenee sur l'agriculture* Uhë assemblée pour qui tous les droits du citoyen devaient être sacrés ; cette assemblée, au mépris des sages instructions où vous établissiez une ligne démarca-tive entre ses pouvoirs et ceux qui appartiennent au régime extérieur* les a dépouillés de leurs fonctions : elle s'est emparée d'un service, si longtemps pénible* quand elle a été instruite qu'il allait devenir plus facile par l'arrivée prochaine des fonds annoncés ; elle s'est chargée de tous les moyens de surveillance lorsque ces moyehs devaient être dirigés contre elle-même; elle s'eBt arrogé une autorité que l'exemple seul de la métropole aurait dû lui apprendre à respecter; en un mot, elle s'est faite dispensatrice des fonds que la nation prélève sur ses propres contributions, sur les besoins journaliers* et qu'elle con-
Sacre à la protection si nécessaire à son commerce dans ces climats si éloignés.
« Mais ce n'est pas là, Messieurs, le seul motif qUi nous amène devant Votre auguste tribunal, nous venons réclamer avec toute l'énergie dont nous sommes capables contre un acte qui porte avec lui le caractère de l'injustice là plus réfléchie* qui blesse tous les droits de la liberté individuelle et qui montré jusqU'où petit conduire l'abus du pouvoir usurpé. Les chefs d'une administration; nous osons le dire, au-dessus même dë la Calomnie, Se sont vus contraints par une délibération de cëttë assemblée dë s'éloigner d'une colonie* d'où auchne force, si Cë n'est Celle de là lof; ne pouvait les arracher; mais injustement dépëuiliés* leur présence importune eût été Sans doUte un reproche continuel, et l'on a préféré de consoihmer sur eUX lâ Violation de tous lës droits, plutôt que de laisser échapper un bien acquis au prix de tant d'injustices,
« C'est, Messieurs, Contre cet acte d'un despotisme Sans exemplë,1 acte illégal, acte criminel, puisqu'il attaque l'honneur de trois citoyens irréprochables et qu'il laisserait après lui des traces flétrissantes, si vous ne vous empressiez de les effacer; c'est Contre lui que nous implorons votre justice ; nous la demandons à la face de la nation entière dont nôtre conduite ne craint point les regârds, et nous l'attendons avec cette sécurité que nous inspirent la sagesse et l'intégrité de ses représentants.
Nous déposons stir le bureau les pièees qui peuvent éclairer l'Assemblée dans cette affaires et si un patriotisme qui^ comme notre zèle, ne connaît point de bornes, si un entier dévouement à la chose publique peuvent être de quelque prix à ses yeux après les hombreuî tributs qui lui ont été offerts, l'administration des îles du Vent ne se croira pâs indigne d'un hbhneur auquel tous les Français ont aspiré ; celui de prononcer ici solennellement le serment d'une fidélité inviolable à la nation, à la loi et au roi. »
répond :
« L'Assemblée nationale est profondément affectée du tableau douloureux que vous venez lui offrir; mais en même temps que vos malheurs excitent toute sa sensibilité, les causes qui les ont fait naître réveillent sa justice ; elle emploiera tous leS moyens qui sont en son pouvoir pour que la vérité ne lui échappe pas, et je puis vous promettre, en son nom, que la décision que vous attendez d'elle, ne restera pas au-dessous de l'idée que vous avez justement conçue de sa sagesse et de son intégrité. L'Assemblée vous permet d'assister à sa séance: »
L'ordre du jour est la discussion du projet de décret concernant remplacement des tribunaux et corps administratifs (1).
, rapporteur, lit l'article premier.
demande si le comité entend comprendre dans les dispositions de cet article les hôtels des États dans les ci-devant provinces d'Etats.
répond affirmativement.
prétend que la nation ne
répond qu'il n'CBt pas question des dettes générales des ci-dèvànt pays d'Etatsy mais seulement des dettes contractées et non encore acquittées pour la construction des édifices etrque la nation se charge de la partie de ces dettes encore existantes ; qu'il y a parité de raisons pour disposer des hôtels des Etats dans les ci-devant provinces d'Etats, comme des hôtels des commissaires départis dans les ci-devant provinces d'élection, puisque lés uns et les autres ont été également édifiés aux frais des provinces qui les possèdent, et qu'il serait injuste de disposer des uns, si en même temps on ne disposait des autres.
(On ferme la discussion.)
demande l'ajournement.
L'ajournement est rejeté par la question préalable.
Un membre propose, par amendement,de join-^ dre et comprendre nommément dans l'article les hôtels ci^devant dits des Etats*
M. le rapporteur adopte cet amendement.
Il est proposé alors deux sous-amendements :
Le premier ayant pour but d'ajouter à l'article ces mots : « sans rien préjuger sur les dettes des pays d'Etats ; »
Le second, « contenant la réserve de statuer sur l'emploi du produit de la vente des hôtels des Etats. »
Sur ces deux sous-amendèments, on demande à passer à l'ordre du jour, ce qui est décrété.
On met ensuite aux voix l'article avec l'amendement adopté par M. le rapporteur, et il est décrété en ces termes :
Art. 1er,
* Les édifices qui servaient à loger les commis^ saires départis; les gouverneurs, les corhtnandants et autres fonctionnaires publics, ainsi que les hôtels destinés à l'administration des ci-devant pays d'Etats, que les villes justifieront avoir construits sur leurs terrains et a leurs frais seuls, ou avoir acquis sans contribution de provinces, continueront à appartenir aux villes, qui pourront en disposer; et dans le cas où ils auraient été construits sur un terrain national, il sera procédé à une ventilation, d'après les règles reçues; à l'égard des autres, ils seront vendus comme biens nationaux; et, en conséquence, la nation se charge des dettes encore existantes qui ont été contractées par les provinces pour la construction desdits édifices. »
, rapporteur, lit l'article 2 qui est décrété, sans discussion, ainsi qu'il suit :
Art, 2,
« Les hôtels-de-ville continueront à appartenir aux villes où ils sont situés; et lorsqu'ils seront assez considérables pour recevoir le directoire dé district ou celui de département, ou tous deux & la fois, lesdits directoires s'y établiront; ils se réuniront dans la même enceinte, quand le local
pourra lé permettre, et seront tenus des réparations pour la portion dé l'édifice qui sera par eux occupée.
Art.3
, Rapporteur, lit l'article 3.
demande de compreddrê les hôtels des juridictions consulaires dans l'exception des objets à vendre.
propose aussi d'ajouter :
« N'ehtënd l'Assemblée nationale comprendre le3 palais fournis par les ci-devant seigneurs laïcs. »
adopte ces deux amendements ét l'article est décrété dànS lës termes ci-deSsbils :
Art. 3
t L^S palais de justice ordinaire CodtihUëfont à servir a l'Usage auquel ils êtaierit dëStinéë; et seront, ainsi que les prisons, à là chargé des jds-ticiables; quant aux édiflbes occupés par lës tribunaux d'exception, autres qtiê lesdits palais de justice et les juridictions consulaires, ils seront tous mis en vente; n'entend l'Assemblée hatio-nale comprendre les palais fournis pal* les ci* devant seigneurs laïcs. >t
Art. 4.
« Lesdits palais de justiêe ordinaire recevront aussi les corps administratifs, si l'emplacement est assez vaste pour les contenir et les hôtels-'de-ville Insuffisants; lesdits corps administratifs en supporteront les réparatibiis dans la proportion qui vient d'être déterminée: ët s'il s'élève des difficultés à raison de ces divers arrangements et convenances relatifs, lës directoires de dé-partement y Statueront provisoirement ët sans délai, à la charge d'en rendre compte au Corps législatif, pouf y prononcer définitivement. »
, rapporteur, lit l'article 5.
Je demande qu'il n'y ait pas d'exception pour le logement ën faveur des secrétaires de district et de département.
soutient la disposition de l'article à cet égard, par là Considération dë l'intérêt public qui exige que les secrétaires des corps administratifs soient à portée, par,leur habitation dans l'hôtel même du district ou du département, de veiller au dépôt précieux des pièces intéressantes qui leur sont confiées.
répond que cette faveur d'un logement n'est pas nécessaire pour une telle surveillance; que les greffiers des cours de justice ont toujours eu des dépôts dé pièces non moins précieux, sans loger dans les palais de justice; que le logement accordé aux secrétaires est susceptible de beaucoup d'abus, dans l'extension qu'on ne manque pas d'y donner* et qu'il est d'ailleurs un motif de jalousie pour tous les autres membres des corps administratifs, à qui l'Assemblée a cru, dans sa sagesse, devoir refuser cet avantage. Il conclut, par amendement, à ce que ces mots, » autres que lefse-crétaire », soient retirés de l'article.
Cet amendement est mis aux voix et adopté.
On demande qu'il soit déclaré expressément que l'article ne comprend dans ses dispositions les habitations des évêques dont les sièges sont conservés, les presbytères et autres édifices mentionnés dans le décret rendu sur le traitement du clergé, non plus que les casernes et autres bâtiments nécessaires au service.
, rapporteur, adopte cette disposition.
Les articles 5 et 6 sont ensuite décrétés dans la teneur suivante :
Art. 5.
« Tous les autres édifices et bâtiments quelconques, ci-devant ecclésiastiques et domaniaux, aujourd'hui nationaux, non compris dans les articles précédents, seront vendus sans exception, sauf aux directoires de district et de département, lorsque les hôtels-de-ville et palais de justice ne seront pas assez vastes pour les contenir, à acheter ou louer, et chacun aux frais de leurs administrés respectifs, ce qui pourra leur être nécessaire pour leur établissement, sans qu'aucun membre desdits corps administratifs puisse y être logé; ne comprend le présent article les habitations des évêques dont les sièges sont conservés, les presbytères et autres édifices mentionnés dans le décret rendu sur le traitement du clergé, non plus que les casernes et autres bâtiments nécessaires au service militaire. »
Art. 6.
« Chaque directoire enverra au comité chargé de l'emplacement des tribunaux et corps administratifs, uu mémoire expositif de ses vues, et y j oindra un devis ou plan estimatif, contenant l'étendue de l'édifice qu'il jugera lui convenir, et ce, dans le délai de deux mois; l'Assemblée excepté cependant du présent article, les édifices appartenant aux établissements réservés par l'article 7 du décret des 14 et 20 avril dernier. »
(La'séance est levée à dix heures du soir.)
Séance du
La séance est ouverte à onze heures du matin.
, rapporteur du comité de Constitution, propose deux décrets pour l'établissement de tribunaux de commerce à Aix et à Ronfleur Us sont adoptés, sans discussion, ainsi qu'il suit :
PREMIER DÉCRET.
« L'Assemblée nationale,après avoir entendu le rapport du comité de Constitution, décrète qu'il sera établi un tribunal de commerce pour le district d'Aix, qui sera séant en cette ville. »
DEUXIÈME DÉCRET.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu
, au nom du comité de Constitution, fait ensuite un rapport et présente un projet de décret pour réduire de neuf à quatre, les districts du département de la Sarthe.
Messieurs, le département de la Sarthe, divisé en neuf districts, se trouve dans une exception, relativement à cette division.Les députés avaient senti, en le divisant en neuf, qu'un pareil nombre de tribunaux ne pouvait être soutenu par le département, et la minorité, qui avait réclamé contre ces excès de districts, fit prononcer par amendement que leurs conventions sur le nombre des tribunaux seraient prises en considération lors de l'organisation de l'ordre judiciaire. Cependant le décret pour cette organisation ayant adopté un tribunal par district, cette loi d'ordre général ne parut pas à votre comité devoir céder à une disposition particulière; en conséquence, il vous proposa neuf tribunaux pour le département de la Sarthe.
Les députés soutinrent, lors de leur placement, qu'ils n'avaient fait neuf districts que pour l'administration ; qu'ayant prévu le cas où l'on placerait un tribunal par chacun d'eux, l'Assemblée les avait rangés dans une exception ; mais ils ne sentirent pas qu'elle ne pouvait pas intervertir, sans inconséquence, même pour le cas particulier, un décret qui admettrait une règle si précieuse d'unité et d'uniformité; car il s'en serait suivi que le département de la Sarthe eût eu seul neuf divisions pour l'administration et quatre ou cinq pour l'ordre judiciaire.
Cependant l'Assemblée nationale ayant admis autant de tribunaux que de districts, on assure que le département de la Sarthe est véritablement surchargé par la masse de dépenses qui résultera de cette disposition, et qu'elle ne peut se maintenir d'une manière qui fonde la Constitution, au moins pour la partie de l'ordre judiciaire.
La majorité des députés du département a émis son vœu à cet égard; les députés ont exprimé le leur; mais vos principes ne vous permettent pas de l'admettre. En effet, il existe deux lois, qui seules doivent diriger votre comité. Par la première, vous avez délégué aux assemblées administratives le droit de vous présenter leurs vues d'économie sur le nombre et la distribution des districts; par la seconde, vous avez chargé chaque district des dépenses de son administration et de son tribunal.
Il n'y a donc que deux voies pour rectifier l'ordre établi. Si quelques-unes des assemblées administratives du royaume vous demandent une réduction, et si leur demande vous paraît convenir à l'intérêt général, vous l'adopterez; si un district vous représente, par une pétition, qu'il est surchargé, s'il demande d'être réuni au district le plus prochain, vous examinerez encore, malgré la faveur de cette réunion, si réellement le vœu et l'intérêt de ses administrés, si l'exécution de l'organisation de l'ordre judiciaire l'exigent, et alors vous l'admettrez.
Dans l'espèce, vous n'avez ni le vœu de l'assemblée des administrateurs du département ni celui d'aucun district.
On présente à la vérité la pétition de la majorité des municipalités qui le composent; mais ces pétitions individuelles ne suffisent pas pour établir l'assentiment ni l'intérêt général: elles ne suffisent pas, si l'on consulte la forme que vous
avez admise; elles rétablissent bien moins encore, si l'on consulte les principes de la Constitution, car une majorité de municipalités ne forme certainemet pas le vœu de la majorité des administrés, surtout quand on suspecte ce vœu de provocation, et le directoire .du département lui fait formellement ce reproche.
Votre comité n'avait pas proposé hier de dérogation à ces principes, car le second article de son projet de décret n'était qu'une faculté semblable à celle de l'instruction du 12 août, et il ne la propose pas davantage en ce moment ; mais il pense que la pétition de près de 300 municipalités, que la réserve portée dans le décret de la division du département de la Sarthe, que la considération que ce département est un des petits du royaume, qu'enfin une grande partie inculte et sablonneuse n'offre pas de population, méritent l'examen de l'assemblée du département, et il vous propose le décret suivant :
« L'Asssemblée nationale, après avoir entendu le rapport du comité de Constitution, décrète que les pétitions des différentes municipalités du département de la Sarthe, pour la réduction à quatre des neuf districts qui le composent, sont renvoyées à l'assemblée des admministrateurs du département de la Sarthe, pour, sur son avis motivé, qui lui sera adressé pour le 12 novembre prochain, être statué ce qu'il appartiendra. »
. L'Assemblée ne peut faire la veille et détruire le lendemain. Je propose donc de renvoyer aux prochaines législatures tous les changements dans l'organisation et dans le nombre des districts, en maintenant ses décrets antérieurs.
. L'Assemblée nationale s'est déjà montrée peu disposée à prononcer la réduction des établissements créés par la Constitution. J'observe cependant qu'elle ne peut se dispenser de déférer au vœu qui lui serait légalement exprimé par une majorité d'administrés ; celui du département de la Sarthe me paraît mériter considération et je crois qu'il y a lieu d'adopter le décret qui vous est proposé.
met aux voix ce décret. Il est adopté.
MM. les commissaires chargés par le roi de l'exécution des décrets de l'Assemblée nationale relatifs aux troubles qui ont eu lieu à Nancy, ayant termiué leur mission, ont adressé au ministre de la guerre un rapport qui contient le résultat de leurs opérations (1); ce ministre eu a fait part à M. le président. La lettre d'envoi ayant été lue par l'un des secrétaires* l'examen du tout est renvoyé aux comités militaire, des rapports et des recherches.
A la séance du 29 août, une adresse de la garde nationale d'Hesdin avait été renvoyée à
l'examen des comités militaire, des rapports et des recherches; à la séance du 11 octobre, il
fut fait lecture d'une lettre écrite à M. le président par l'un des commissaires civils
envoyés par le roi à Hesdin, au sujet du régiment de Royal-Champagne (2> : quoique cette
lettre eût un rapport intime avec la première adresse de la garde nationale, elle n'avait été
renvoyée qu'au seul co-
(ci-devant de Saint-Fargeau) demande un congé de huit jours.
(ci-devant de Laforge), sollicite un congé de quinze jours.
Ces congés sont accordés.
. L'ordre du jour est la suite de la discussion du titre III sur la contribution foncière. Dans sa séance d'hier, l'Assemblée a ajourné l'article 9 du projet primitif du comité qui deviendrait l'article 11 du décret.
, au nom du comité d'imposition. Vous avez ajourné l'article 11 du titre III du projet de décret sur la contribution foncière. La question d'assujettir ou non à cette contribution les logements des cultivateurs a été l'objet de la discussion. Votre comité a cru devoir l'examiner de nouveau, et vous présenter son opinion motivée : il avait vu d'abord que l'habitation du cultivateur faisait une partie essentielle des moyens de culture, et qu'en conséquence elle devait être confondue avec les autres bâtiments servant aux exploitations rurales. Il avait donc pu croire que la protection spéciale qu'exige l'agriculture lui permettait de vous proposer de n'assujettir le logement des cultivateurs à la contribution foncière, à raison du terrain qu'il occupe, qu'au taux des meilleures terres de la communauté, êtde considérer cette fixation comme une justice, plus encore que comme une faveur. Mais quelques-uns des inconvénients, qui accompagneraient cette manière de fixer la contribution pour ces logements, ont frappé votre comité. D'abord il a remarqué qu'en exemptant de l'impôt sur les maisons les logements des cultivateurs, c'était décréter en même temps que beaucoup d'autres maisons seraient exemptes, car les maisons de commerce et même de plaisance passeraient bientôt aussi pour être des maisons de cultivateurs, puisqu'il ne faudrait qu'y rentrer les fruits de quelques arpents de terre labourable, même de prairies ou de vignes, pour jouir de cet avantage.
Cet abus aurait infailliblement lieu dans toutes les campagnes, excepté pour les pauvres artisans qui y demeurent, et dont les chaumières seraient assujetties à une charge dont tant d'autres sauraient s'affranchir pour des logements d'une valeur mille fois plus grande, en resserrant dans une partie les récoltes de quelques coins de terre. Il a vu même que beaucoup d'habitants des villes pourraient ainsi peut-être soustraire leur demeure à l'impôt. Nous objectera-t-on qu'il serait possible de fixer une étendue d'exploitation proportionnelle à l'importance, atin de pouvoir jouir de la franchise accordée à la culture ? Mais combien il serait difficile de fixer cette perception 1 II serait nécessaire d'avoir égard à toute la variété de notre sol, de nos productions ; aux diverses manières d'exploiter dans le royaume ; aux différences qui existent entre les bâtiments d'un canton et ceux d'un autre, ce seraient des détails sans fin, détails qui contribueraient à mettre des obstacles à l'imposition, et qui pis est, livreraient à l'arbitraire celle qui, par sa nature, en doit être la plus exempte. Accorder l'exemption de l'impôt sur le logement des cultivateurs, c'est, par le fait, la donner à tous les habitants un peu
aisés de la campagne et à beaucoup de propriétaires des villes, et n'y laisser assujettis que les artisans et les m an ouvriers ; et certainement quand une loi peut recevoir forcément une application si opposée à son véritable but, elle est par cela seul mauvaise, et il vaudrait mieux donner clairement l'exemption locale de la contribution foncière à toutes les maisons de campagne, que de l'accorder par la loi uniquement à celles des cultivateurs, et par le fait à tous les autres, excepté aux plus pauvres. Ce serait un grand encouragement à l'agriculture, un bien grand moyen de prospérité pour la campagne, que cette exception d'impôt sur leurs maisons, quand bien même le terrain qu'elles occupent serait estimé à un taux double et même triple des meilleures terres.
Malheureusement cette mesure si désirable aurait aussi des inconvénients très grands; où s'arrêterait-on sous la dénomination de campagnes? Beaucoup de communautés portent le nom de ville, et sont en partie de vraies campagnes ; les faubourgs des villes, leur banlieue participent des villes et des campagnes; les imposer, ce serait être injuste à l'égard d'une partie des habitants, et trop favorable aux autres. Ne point les imposer, c'est détruire quelques villes, qui n'ayant pas plus d'avantage et plus d'agrément que leurs faubourgs, seraient désertées par ceux qui voudraient se soustraire à l'impôt. Exempter toutes les campagnes de l'impôt sur les maisons, ne serait-ce point exciter quelques réclamations des villes qui, momentanément, souffrent de la Révolution ? et cependant l'impôt sur les maisons des villes est nécessaire. Après avoir balancé ces inconvénients, votre comité ayant toujours devant les yeux l'étendue des besoins de l'Etat a cru qu'il était nécessaire de donner à la contribution foncière autant de matière imposable qu'il était possible. Il a été obligé de renoncer à regret à cette idée, qu'il caressait, de ne point imposer le logement des cultivateurs; il a pensé même qu'elle leur serait peu ou point profitable, parce que l'extension certaine qui y serait donnée, ferait retomber sur leur terre une partie de contribution peut-être même plus forte que celle qu'ils acquitteraient pour leur demeure. Le comité a observé que dans les campagnes le prix des loyers était modique, et qu'en général dans les pays de grande comme de petite culture* le logement des cultivateurs était fort restreint ; que le grenier, la cave du bâtiment même de leur demeure servaient réellement à leur exploitation et en devaient être distraits. Ainsi, d'après ces diverses considérations, et afin de donner à l'impôt plus d'objets qui doivent le supporter, il a cru devoir vous proposer de n'admettre aucune exception pour la contribution des logements ; faveur qui, en dernière analyse, serait une espèce de privilège dont on abuserait, tant qu'il serait préjudiciable à ceux mêmes que l'on aurait voulu favoriser. En conséquence, il a l'honneur de vous proposer le décret suivant :
« L'évaluation des bâtiments servant aux exploitations rurales ne sera faite que d'après la valeur de la partie servant au logement des cultivateurs. Le terrain qu'occupent lès autres bâtiments sera évalué au taux des meilleures terres labourables de la communauté. »
obtient la parole et fait une nouvelle exposition des principes qu'il a précédemment exposés sur la matière.. Il repousse l'arbitraire qui résulterait de l'article proposé : il est
nécessaire ou de n'imposer que les maisons de ville ou que l'impôt soit également appliqué à toutes les maisons de campagne.
. Il y a bien assez longtemps qu'une partie de la nation ne paye pas d'impôt, tandis que l'autre paye tout; il faut aujourd'hui que tout le monde paye sans distinction; si l'on excepte les maisons des cultivateurs, vous verrez que les ci-devant seigneurs donneront à leurs châteaux le nom d'habitation de cultivateur ; je demande que toute habitation de campagne soit sujette à l'impôt.
. 11 me semble que la chaumière de pauvre devrait être affranchie de l'impôt et qu'on ne devrait rien faire payer à toute maison de campagne n'ayant que deux croisées de face.
propose une rédaction très détaillée sur ce qu'on doit entendre par bâtiments nécessaires à l'exploitation des terres.
. Je crois que la discussion s'égare et qu'il est temps de la ramener aux principes, c'est-à-dire à l'article du comité.
. Il est certain, Messieurs, que vos délibérations ne sont si vagues que parce que nous n'avons pas d'abord établi des bases fixes sur lesquelles nous aurions assis tout le système de nos impositions. Nous élevons une aile de l'édifice avant d'avoir posé les fondements de l'édifice entier, ce qui gêne souvent les opérations de l'architecte. Mais le plan est ainsi adopté, il faut s'y conformer.
La discussion n a été si longue hier et aujourd'hui que parce qu'aucun des orateurs n'a recherché ce que c'est qu'une maison. Cependant elle a deux caractères bien distincts : la partie territoriale et l'accessoire du sol. Sa partie territoriale doit payer l'impôt du territoire ; son élévation sur le sol doit payer l'impôt d'industrie.
Soumettant toutes les maisons à la contribution foncière en proportion de l'étendue du terrain qu'elles occupent, évalué au taux des meilleures terres de la communauté, vous exigez des maisons tout Ge qu'elles doivent sous le premier rapport.
Sous le second rapport, qui est un accessoire d'industrie, elles appartiennent véritablement à l'impôt des facultés, à la taxe personnelle.
Mais puisque vous renoncez à les comprendre dans la taxe personnelle, puisque vous voulez ici confondre ces deux impôts ensemble, nul doute que les maisons, toutes sans exception, ne doivent recevoir une seconde imposition. Cependant vous voulez en exempter les bâtiments qui ne sont utiles qu'aux bestiaux, parce que l'industrie ne peut pas les revendiquer à juste titre. Voici donc la rédaction de l'article qui, je crois, présente un terme moyen fait pour trancher toutes les difficultés :
« Les bâtiments ruraux ou d'exploitation « seront soumis à la contribution foncière en « proportion de l'étendue du terrain qu'ils oc-c cupent, évalué au taux des meilleures terres « de 1a communauté, et le logement des culti-« valeurs, ainsi que tous les autres bâtiments « hors des villes, des bourgs et des faubourgs, « seront assujettis à une évaluation double. »
(de Nemours). Je propose un amendement ainsi conçu s
« Les bâtiments servant aux exploitations rurales ne seront imposés qu'à raison du « terrain qu'ils occupent, évalué sur le pied des « meilleures terres labourables de la commu-« nauté. »
« Les bâtiments adjacents qui ne servent point « à l'exploitation rurale seront imposés à raison « du double. »
. Cet amendement consacrerait une injustice en paraissant détruire l'arbitraire. Je demande la question préalable. (La question préalable est mise aux voix.) (L'Assemblée décide qu'il y a lieu à délibérer.)
. Pouvez-vous avoir quelque justice à imposer de grands châteaux, des maisons de plaisance, placés auprès des grandes villes, où les terrains sont précieux, comme les bâtiments ordinaires placés dans les champs ? Je propose, par amendement, d'imposer au double du produit des meilleures terres de la communauté, les maisons d'habitation du colon et du fermier, et quant aux maisons de plaisance de ies imposer relativement à leur valeur locative.
. Cet amendement présente une formule équitable et je l'appuie.
L'article du comité me semble préférable en en retranchant les mots : « le logement du cultivateur ».
On demande de tous côtés à aller aux voix. Les divers amendements sont successivement rejetés.
L'amendement de M. Anson, qui remplace l'article du comité, est ensuite décrété en ces termes :
Art. 11.
« Les bâtiments servant aux exploitations rurales ne seront point soumis à la contribution foncière, mais le terrain qu'ils occupent sera évalué au taux des meilleures terres labourables de la communauté. »
. Les comités ecclésiastique et d'aliénation demandent à faire un rapport sur la dénonciation faite par le directoire du district, par le maire et les officiers municipaux de Strasbourg, d'un écrit répandu dans les départements du Haut et du Bas-Rhin, par le clergé d'Alsace, sur la vente des biens ecclésiastiques. (La parole est donnée au rapporteur.)
, rapporteur. Les comités ecclésiastique et d'aliénation m'ont chargé de vous rendre compte de l'affaire que vous leur avez renvoyée hier. L'objet de l'opposition des chapitres de Strasbourg, de la Toussaint, de Saint-Pierre-le-Vieux et de Saint-Pierr'e-le-Jeune, à la vente des biens ci-devant ecclésiastiques, se réduit à dire que les biens du clergé d'Alsace ne sont pas soumis à la disposition et à l'admission des biens nationaux. Ces chapitres s'appuient sur un prétendu ajourne*-ment et sur une lettre du ministre dans le département duquel se trouve l'Alsace. L'ajournement prononcé n'a eu pour objet que la question élevée de savoir si l'on admettrait dans le procès-verbal un mémoire du clergé d'Alsace, et un extrait des délibérations des chambres ecclésiastiques de Strasbourg et Weissembourg, diocèse de Spire, contre les arrêtés du 4 août; on dit alors que ce mémoire était une protestation *
Une discussion s'ouvrit et un ajournement indéfini fut prononcé. Dans l'extrait du procès-verbal, joint à l'avis distribué par les chapitres d'Alsace, on a dit qu'il y avait eu un ajournement précis pour la discussion sur les droits du clergé d'Alsace. De la comparaison du procès-verbal avec l'imprimé allemand, il résulte une altération criminelle, dont l'objet était de jeter le trouble dans les départements du Haut et du Bas-'Rhin, de soulever les peuples contre vos décrets, et de les déterminer à s'opposer à leur exécution. Le corps de délit est bien formel : cette altération, dans le sens et dans la lettre de votre procès-verbal, doit être punie. Vos comités proposent le projet de décret suivant : « L'Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait, etc., considérant qu'un avis motivé sur le faux prétexte que les biens du clergé d'Alsace ne sont pas compris dans le décret du 2 novembre, attendu l'ajournement du 22 septembre 1789, a été répandu dans les campagnes pour exciter le peuple à s'opposer à l'exécution des décrets concernant la disposition, la vente et l'administration des domaines nationaux ; considérant qu'à la suite de cet avis est une traduction du procès-verbal du 22 septembre, dans laquelle le texte français a été altéré, en ce qu'il est dit dans cette traduction qu'il a été prononcé un ajournement à jour certain sur les droits du clergé d'Alsace ; déclare qu'ayant compris dans le décret du 2 novembre tous les biens possédés en France par le clergé, et n'ayant jamais excepté ceux possédés en Alsace par les ecclésiastiques, les moyens employés, l'avertissement distribué dans les campagnes et l'altération du procès-verbal ne pouvant être que criminels, en ce qu'ils tendent à soulever les peuples contre les décrets acceptés et sanctionnés par le roi : décrète que le roi sera prié de donner des ordres pour faire informer contre les âuteurs de ladite altération, et contre l'impression et distribution dudit avis, pour lesdits auteurs être punis comme réfractaires aux décrets de l'Assemblée nationale, acceptés ou sanctionnés par le roi, et comme ayant tenté de soulever les peuples ; décrété que les corps administratifs du département du Haut et du Bas-Rhin continueront de faire exécuter les décrets de l'Assemblée nationalé, acceptés ou sanctionnés par le roi, tant sur la constitution civile du clergé et le traitement du clergé actuel, que ceux sur les ordres religieux et sur l'aliéna* tion des biens nationaux.
« Défenses sont faites, au surplus, à qui que ce puisse être, de contrevenir aux décrets de l'Assemblée nationale, et d'apporter aucun, obsta-j cle à leur exécution, à peine d'être puni, ainsi qu'il appartiendra. L'Assemblée déclare qu'elle est satisfaite de la conduite des directoires du district et de la municipalité de Strasbourg; charge son président de se retirer par-devers le roi pour le prier de donner des ordres nécessaires pour l'exécution du présent décret. »
. Ce projet de décret est de toute sagesse ; je ne le combattrai pas; je m'élèverai seulement contre le mot criminel, Il est possible que les chapitres de Strasbourg aient été trompés. Je propose de se servir de cette expression : « Repréhensibles et criminels dans le cas où l'on persisterait dans l'opposition à la vente des biens nationaux. »
. La question soumise à votre décision n'est pas difficile à résoudre; c'est
une 6imple question de fait : il faut donc rapprocher les faits pour juger en connaissance de cause. Quand une motion est proposée, vous n'avez que trois manières de procéder : vous pouvez l'adopter ou la rejeter, l'ajourner, l'écarter, enfin, par la question préalable. Je vous prie de vous souvenir que les chambres ecclésiastiques de Strasbourg et de Wissembourg vous avertirent qu'elles ne pouvaient adhérer aux arrêtés pris le 4 août et jours suivants : ce mémoire fut lu.
. C'est un fait faux, il ne fut pas lu ; je m'y opposai.
. Un membre du clergé d'Alsace vous présenta ce mémoire. Voici le procès-verbal qui répondra à toutes les chicanes qu'on élève : « Un membre du clergé d'Alsace a présenté un extrait des délibérations des chambres ecclésiastiques de Strasbourg et Wissembourg, diocèse de Spire, par lesquelles le clergé qui les compose déclare ne pouvoir adhérer aux arrêtés pris le 4 août et jours subséquents, n'ayant pas donné à cet égard des pouvoirs suffisants à ses députés, et supplie l'Assemblée de prendre en considération les motifs déduits dans le mémoire. » Voilà la demande bien exposée, bien libellée. « Un membre a observé que cette adresse, contenant un acte de protestation contre les décrets de l'Assemblée, ne devait pas être admise, mais renvoyée. » Voilà la question préalable demandée; elle ne fut pas adoptée. « Après une courte discussion, dans laquelle un membre a observé que, selon les apparences, cela regardait une des observations qui nous auraient été proposées par le roi, relativement aux princes de l'Empire ; un autre que le clergé d'Alsace devait confondre ses intérêts dans ceux de la nation ; un dernier enfin, qu'il n'y avait pas de protestation prononcée. » Voilà l'état de votre délibération à Versailles. « On a demandé l'ajournement, et il a été décidé qu'il aurait lieu. »
. Par qui ce procès-verbal a-t-il été rédigé ? Par M. l'abbé d'Eymar.
. L'inscription de faux contre le procès-verbal est donc ouverte?
Non, mais c'est une observation qu'il était bon de faire.
Le procès-verbal est donc authentique: on a donc présenté un mémoire dans lequel l'Alsace demandait à n'être pas confondue avec le clergé de France, et réclamait une exemption établie sur le traité de Westphalie. On ajourna la question sans décider que cette demande n'était pas fondée. Il faut décider cette question sans délai ; le décret d'ajournement la laisse tout entière, ou bien il est absurde; et mon respect pour votre décret m'empêche d'en supposer l'absurdité. Lorsque M. le cardinal de Rohan vous écrivit qu'il persistait dans ses réclamations, fondées sur l'ajournement du 22 septembre, on fit un grand silence, un silence d'approbation. (Il s'élève de grands murmures.) Nous sommes donc au même point que lors du décret du 22 septembre. Or, alors auriez-vous regardé les titulaires d'Alsace comme criminels envers l'Etat, s'ils avaient dit à leurs fermiers de ne pas acheter leurs biens?
. Oui !
. AhI oui... Non, ils auraient bien raisonné ' s'ils avaient bien raisonné alors, ils ont donc bien raisonné aujourd'hui. Je ne m'appuie pas sur l'étrange différence que vous faites entre les églises luthériennes et le clergé d'Alsace, sur l'étrange procédure à instruire, sur la traduction d'une lettre écrite dans une langue qui vous est inconnue. Est-ce dans un corps de législateurs que ces égards de droit public doivent être rappelés ?
Sur la dénonciation du maire de Strasbourg, d'un protestant, vous blâmez des avis donnés à leurs fermiers par des ecclésiastiques qui ne seront jamais criminels, ou je le serai avec eux, car je me mettrai à leur tête. (Il s'élève des murmures.) Une assemblée impartiale doit avoir le courage d'entendre la vérité que j'ai le courage de lui dire. Les Néron, les Phalaris n'auraient jamais fait un crime à un titulaire de dire : Faites attention avant d'acheter mon bien. L'Assemblée n'en est pas encore venue à fabriquer des crimes ; elle ne peut croire criminel ce qu'un honnête homme croit légitime. Les ecclésiastiques d'Alsace n'ont rien fait de dangereux; ils ont conservé l'espoir que donnait votre ajournement. L'ajournement dure, et cet espoir avec lui; c'est l'exécution de l'ajournement que je demande. Je demande à défendre les églises d Alsace, avec le traité de Westphalie, et la protestation des princes d'Allemagne à la main. Je demande surtout que votre comité^cclésiastique ou anti-ecclésiastique... (On demande que M. l'abbé, Maury soit rappelé à l'ordre.) La chaîne que j'ai mise sous vos yeux est facile à saisir; tous les anneaux sont des faits... Jugez si l'on peut dire que les ecclésiastiques d'Alsace sont criminels envers l'Etat. Les véritables ennemis de l'Etat sont ceux qui exagèrent nos décrets ; et s'il fallait faire le procès à ceux qui ont exagéré les décrets sur les biens ecclésiastiques, serait-.il criminel de dire que ceux qui ont prétendu que ces biens étaient à la nation sont des faussaires? Vous avez mis les biens du clergé à la disposition de la nation...
Les biens d'une femme sont à la disposition de son mari ; mais ils ne sont pas à lui, mais il ne peut les aliéner... Au reste, il faut bien que l'Assemblée s'accoutume à ces discussions ; elles se feront hors de cette salle. Nous saurons apprécier vos décrets, et notre respect nous empêchera de leur laisser donner une trop grande latitude. On serait coupable pour dire à des fermiers de faire de sérieuses réflexions ! Eh 1 prenons l'avis pour nous-mêmes, l'Europe nous voit... (Les murmures redoublent, M. l'abbé Maury descend de la tribune.) Je demande qu'on ajourne à vendredi prochain la discussion de la demande des églises d'Alsace, et que sur lè surplus du décret il n'y ait pas lieu à délibérer. L'Assemblée n'était pas instruite le 22 septembre; elle ne l'est pas davantage, puisque la discussion n'a pas été ouverte (1).
. Tous vos décrets ont été envoyés en Alsace, exécutés en Alsace. En parlant de M. le
cardinal de Rohan, vous avez dit qu'il serait fait inventaire de ses meubles; l'ajournement
est donc nul ; la question est donc jugée. Je crois la première partie du décret trop sévère.
Je crois que les chapitres d'Alsace ont été induits en er-
. Je demande la question préalable sur les conclusions de M. l'abbé Maury. Il s'est toujours appuyé sur l'ajournement du 22 septembre ; mais quand cet ajournement aurait été celui de la question, par votre décret du 2 novembre vous avez mis à la disposition de la nation tous les biens du ci-devant clergé de France; vous n'avez fait aucune exception en faveur de l'Alsace ; la question aurait donc été décidée. On voudrait, en vous faisant ajourner aujourd'hui cette même question, jeter de la terreur, arrêter les ventes et empêcher le succès de la mesure des assignats. (Une grande partie de VAssemblée applaudit.)
(L'Assemblée décide, à une très grande majorité,-qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'ajournement proposé par M. l'abbé Maury.)
Le décret amendé par M. Rewbell est adopté en ces termes :
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport qui lui a été fait au nom de ses comités des affaires ecclésiastiques et d'aliénation des biens nationaux, au sujet d'un imprimé en langue allemande, distribué dans les départements du Haut et du Bas-Rhin, contenant un avertissement de la part du ci-devant grand chapitre de Strasbourg, de celle des ci-devant prébendiers du Chapitre de la Toussaint et de celle de la ci-devant collégiale de Saint-Pierre de la même ville, aux fermiers des biens qu'ils possédaient, par lequel ils leur conseillent sérieusement de ne point acheter des biens nationaux et de continuer de payer aux ci-devant possesseurs les cens et canons suivant leur bail ;
« Considérant que cet avertissement motivé sur le faux prétexte que les biens du clergé de la ci-devant province d'Alsace ne sont point compris dans le décret du 2 novembre 1789, qui déclare être à la disposition de la nation tous les biens possédés par le clergé, attendu, selon ledit avertissement, que les droits particuliers prétendus du clergé d'Alsace avaient été ajournés pour une discussion particulière dans la séance du 22 septembre précédent;
« Considérant qu'à la suite de cet avertisse-
ment, il se trouve une traduction en allemand d'un extrait du procès-verbal de ladite séance relatif audit ajournement; que, dans cette traduction, le texte français a été changé, en ce que l'on y a rapporté que l'Assemblée avait décrété un ajournement à jour certain pour une discussion particulière des droits prétendus du clergé d'Alsace, tandis qu'il n'y a eu d'ajournement prononcé qu'indéfiniment, et seulement sur la question de savoir si l'on admettrait au procès-verbal ou si l'on renverrait une adresse au clergé d'Alsace que l'on disait renfermer des protestations contre les décrets de l'Assemblée :
« L'Assemblée nationale déclare qu'ayant compris, dans son décret du 2 novembre 1789, tous les biens possédés par le clergé; que n'ayant jamais excepté ceux possédés par le clergé d'Alsace, les moyens employés dans l'avertissement dont il s'agit", ainsi que dans la traduction inexacte de l'extrait du procès-verbal de la séance du 22 septembre précédent, ne peuvent être considérés que comme repréhensibles, en ce qu'ils tendent à soulever les peuples contre les décrets de l'Assemblée, acceptés ou sanctionnés çar le roi, concernant les biens qui étaient possédés par le clergé.
« En conséquence, elle décrète que les corps administratifs des départements du Haut et du Bas-Rhin continueront de faire exécuter-les décrets de l'Assemblée, acceptés ou sanctionnés par le roi, tant sur la constitution civile du clergé et le traitement du clergé actuel, que ceux sur les ordres religieux et sur l'aliénation et l'administration des biens nationaux ;
« Au surplus, fait défense à qui que ce puisse être de contrevenir auxdits décrets, et d'apporter aucun obstacle à leur exécution, à peine d'être puni ainsi qu'il appartiendra.
« L'Assemblée déclare qu'elle est satisfaite de la conduite du directoire du district, de la municipalité et du maire de Strasbourg; elle charge son président de se retirer sans délai devers le roi pour prier Sa Majesté de donner les ordres les plus prompts pour l'exécution du présent décret. »
. Je dois prévenir les membres des comités d'Avignon et diplomatique qu'ils sont convoqués pour aujourd'hui après la levée de la séance.
. Cette convocation est la septième ou huitième que le bureau fait inutilement. Cependant rien n'est plus urgent que de prendre un parti. On reçoit tous les jours d'Avignon et du comtat Venaissin les nouvelles les plus alarmantes. Tout récemment les deux départements du Var et des Bouches-du-fthône ont adressé à l'Assemblée nationale des arrêtés sur les dispositions les plus prochainement hostiles dans le pays; on ne doit donc pas envisager la réunion à la France, comme l'affaire particulière des Avignonais, mais comme l'affaire propre de la nation, comme celle de la Constitution même; de telle sorte qu'il serait très imprudent que l'Assemblée nationale, en renvoyant, en négligeant cette question, s'endormît sur des mines et des contre-mines qui se creusent sous ses pieds et dans son propre sein par des regnicoles ayec qui il y aurait d'ailleurs des moyens de Raccorder par voie de négociation, sans conquête et sans injustice.
(L'Assemblée décide que le rapport de cette affaire sera fait incessamment.):
fait donner lecture : 1° d'une lettre du directoire du département de la Gironde; 2° d'un arrêté de ce même directoire concernant X armement de Toulon.
« Bordeaux, 2 octobre 1790.
« Monsieur le président, nous avons l'honneur de vous adresser l'arrêté que nous avons pris relativement au service de la marine dans ce département. Nous vous prions de le mettre sous les yeux de l'Assemblée nationale.
« L'armement de Toulon pouvait manquer, si nous n'avions pas tout sacrifié à cet objet important. Nous avons senti qu'il fallait apprendre aux ennemis de l'Etat que nous pouvions encore développer les plus grandes forces, elles développer avec la plus grande activité.
« Sans ce secours, Monsieur le Président, les matelots commandés pour le service auraient été arrêtés dans les routes de nos départements, et auraient pu y commettre de grands désordres. Nous avons regardé comme un devoir de prévenir ce danger.
« Ce sera toujours avec le plus grand zèle que nous veillerons sur tous les objets qui tiennent à l'ordre public et à la sûreté de la dation.
« Nous sommes, avec un très profond respect, Monsieur le Président, vos très humbles et très obéissants serviteurs.
« Les administrateurs du directoire du département delà Gironde :
« Journu, président; Buhan, secrétaire général. »
Extrait des registres du directoire du département de la Gironde.
Du
M. Prévôt , commissaire - ordonnateur, et M. Vincent, trésorier de la marine, se sont présentés au directoire. Ils ont lu, et remis sur le bureau, une pétition, tendant à ce qu'il leur soit fourni en argent monnayé une sommede soixante-cinq mille cinq cents livres, qui leur est encore nécessaire, pour fournir aux frais du départ des deux mille cinq cents matelots, commandés pour Toulon, à la cnarge de fournir en échange une pareille somme en assignats.
Sur quoi, le directoire considérant que si, d'une part, il est indispensable de conserver une partie du numéraire versé dans les caisses des receveurs, pour pourvoir à la sûreté des subsistances de la ville; d'un autre côté, il serait contraire aux vues de l'Assemblée nationale, à la gloire de la nation et, peut-être, à la tranquillité publique de retarder la levée des matelots, ou de les forcer à partir sans leur fournir les avances fixées par les ordonnances de la marine, a arrêté, ouï M. le procureur général syndic : que les receveurs seront autorisés à fournir à M. Prévôt la somme de soixante-cinq mille cinq cents livres en espèces, et ce en échange d'assignats; et néanmoins qu'il sera écrit, par le prochain courrier, à M. de La Luzerne, ministre de la marine, pour se plaindre à lui de ce qu'il n'a pas pris les précautions convenables pour fournir à M. Prévôt les fonds nécessaires au service de la marine, et qu'il sera pareillement écrit à l'Assemblée nationale, dans l'objet de l'instruire de la conduite du ministre, à cet égard.
Fait à Bordeaux, en directoire, le onze octobre mil sept cent quatre-vingt-dix.
Pour copie : Buhan, secrétaire général.
. Je demande l'impression de ces deux pièces* et que M. le Président écrive au directoire du département de la Gironde, pour lui témoigner la satisfaction de l'Assemblée sur les marques réitérées de patriotisme que ce département ne cesse de donner.
(Cette proposition est unanimement adoptée.)
(La séance est levée à trois heures et demie.)
a la séance de l'assemblée nationale du
Opinion de M. l'abbé Manry sur le clergé d'Alsace (1),
Messieurs, les chapitres de Strasbourg avaient, dans un mémoire à l'Assemblée nationale, prétendu que leurs possessions leur étant garanties par les traités de Westphalie et de Ryswick, ne pouvaient être comprises dans les décrets qui prononcent l'expolialion du clergé de France, et que, nonobstant ces décrets qui ne les concernaient pas, ils continueraient de se regarder comme légitimes possesseurs de leurs biens. La délibération sur ce mémoire avait été ajournée, et n'a jamais été reprise depuis. Ces chapitres, en Conséquence, ont prévenu leurs fermiers, par un avis circulaire écrit en allemand, que c'était aux receveurs des chapitres qu'il fallait encore, comme par le passé, payer leurs redevances.
M. Dietrich, maire de Strasbourg, luthérien de religion, zélé révolutionnaire par principe, à ces deux titres ennemi naturel du clergé catholique, a bien vite dénoncé cet avis, comme tendant à soulever les peuples, comme un signal de contre-révolution, comme un acte attentatoire à l'autorité du sénat auguste.
Le fcèle du comité ecclésiastique ne s'est pas endormi ; il s'est hâté de faire son rapport, et en a chargé M. Chasset, digne successeur de M. Chabroud.
Le rapporteur a lu l'acte des chapitres avec les yeux de M. Dietrich, c'est-à-dire avec ceux de la prévention et de la haine; il y a trouvé les mêmes attentats qu'y voyait le maire de Strasbourg; et de plus il a, par la comparaison du procès-verbal de l'Assemblée avec l'avis du chapitre écrit en allemand, découvert, dans cette dernière pièce, une altération criminelle de la première, un faux caractérisé. Je ne croyais pas M. Chasset professeur de langue allemande, c'est san s doute, sur ia foi de son maître d'allemand et d'accusation, M. Dietrich, qu'il aura forgé au chapitre ce nouveau crime.
Quoi qu'il en soit, il conclut qu'il faut prier 1e roi de faire poursuivre, arrêter et punir les auteurs de tant d'attentats.
Le jour pour faire passer ce décret était bien choisi, c'était un dimanche, jour où les membres du côté droit sont ordinairement en petit nombre. Par malheur, est survenu M. l'abbé Maury, qu'on n'attendait pas; s'étant informé de l'objet qui causait la fermentation de l'Assemblée, dans le mouvement d'une juste indignation,
il est sauté à la tribune, et, quoiqu'il n'eût pu prévoir le sujet de la délibération, quoiqu'il n'ait pas eu un moment â réfléchir, a prononcé le discours suivant, l'un des plus éloquents qu'il ait encore fait retentir dans cette tribune à jamais célèbre, et purgée, par son éloquence, par son courage et son enthousiasme, de l'ignominie dont les Ghabroud et tant d'autres l'avaient couverte :
« La question qui est soumise dans ce moment à votre décision, ne sera pas difficile, c'est une simple question de fait.
« Toutes les fois qu'une proposition est faite à cette Assemblée dans les formes ordinaires de nos délibérations, vous n'aurez que trois manières de la juger : il faut ou l'écarter par la question préalable, ou la décider par un décret, ou la suspendre par un ajournement. Cette dernière forme suppose que vous manquez de temps ou d'une instruction suffisante pour prononcer définitivement. La question alors reste entière; et il faut nécessairement la discuter avant de la décréter.
« Ces principes sont clairs et incontestables ; appliquons-les au rapport que vous venez d'entendre. Je lis dans votre procès-verbal du mardi 22 septembre 1789, qu'on vous a présenté un mémoire du clergé d'Alsace et un extrait des délibérations des chambres ecclésiastiques de Strasbourg et de Wissembourg, par lequel le clergé, qui les compose, déclare ne pouvoir adhérer aux arrêtés du 4 août et jours subséquents, ri ayant pas donné à cet égard'des pouvoirs suffisants à ses députés, et supplie l'Assemblée de prendre en considération les motifs déduits dans le mémoire. Un membre voulait faire rejeter cette adresse comme contenant une protestation ; un autre prétend que cette réserve ne regarde que les princes de l'Empire ; un autre que le clergé d'Alsace devait confondre ses intérêts dans ceux de la nation; un autre qu'il n'y a point de protestation prononcée, Après la discussion, on a demandé l'ajournement, et il a été décidé qu'il aurait lieu.
« Or, voici comment je raisonne sur ce récit, consigné dans votre procès-verbal. Vous voyez qu'on a épuisé, à l'occasion de ce mémoire du clergé d'Alsace, toutes les formes de délibération. Un membre le voulait faire juger et rejeter au fond. Avez-vous accueilli sa demande? Non, le décret définitif n'a pas été même mis aux voix. Un autre demandait que la proposition fût mise à l'écart par la question préalable. Avez-vous écouté cette motion?Non; vous en avez entendu le motif, et vous n'en avez pas même discuté l'injustice. Enfin, un autre a demandé l'ajournement, et vous avez prononcé que l'ajournement aurait lieu. Il est donc démontré que les raisons, les prérogatives, les exceptions et les oppositions du clergé d'Alsace ont été ajournées. Il est de principe que l'ajournement est suspensif. Vous n'avez donc rien décidé sur les droits du clergé d'Alsace.
(Ici on interrompt M. l'abbé Maury; on lui dit que le procès-verbal a été rédigé par l'abbé d'Ey-marqui l'a falsifié, et qu'à tous égards un procès-verbal ne prouve rien, parce qu'on est assuré que l'Assemblée n'a jamais voulu ajourner la question.)
« La voie de l'inscription de faux contre le procès-verbal, répond M. l'abbé Maury, est ouverte à tout le monde. Si quelqu'un est tenté d'y recourir, qu'il se lève et qu'il s'explique. Une seule voix aura plus de poids que toutes ces tumultueuses réclamations, qui ne prouvent autre chose que l'embarras ou plutôt l'impossibilité de me répondre. Personne ne se montre? Je conclus de ce silence que je peux poursuivre, et je me hâte
de fortifier mon assertion par quelques raisonnements que je recommande à l'attention de mes adversaires.
« Quand vous avez délibéré sur le mémoire du clergé d'Alsace, il est bien manifeste que vous avez voulu décider quelque chose. Or, si vous n'avez pas ajourné la pétition, apprenez-moi, de grâce, ce que vous avez décrété. Permettez à mon respect pour cette Assemblée de ne pas vous croire aussi absurdes que vous le seriez, si vous adoptiez l'étrange commentaire de M. Chasset.
« Votre procès-verbal atteste un ajournement, et il faut bien que cette décision littérale de votre procès-verbal existe, ou que cette auguste Assemblée ait rendu un décret digne des Petites-Maisons. Du reste, ne craignez rien pour votre gloire; je vais la défendre contre fes sophismes de votre rapporteur.
« Je sais bien, Messieurs, qu'aujoud'hui la réclamation du clergé d'Alsace ne vous embarrasserait guère; vous avez fait de si étonnants progrès dans la conquête des biens d'autrui, que le suprême moyen de la question préalable étoufferait bientôt la voix du téméraire qui oserait plaider ici la cause de la justice au tribunal de la force. Mais dans le mois de septembre 1789, souffrez que je vous le rappelle avec respect, votre éducation législative n'était pas si avancée; vous aviez encore alors la circonspection et la réserve, que vous commandait l'incertitude de votre renommée; depuis ce temps, votre gloire a parfaitement dissipé vos scrupules, et vous n'avez montré dans l'invasion des biens du clergé, que la morale des conquérants.
Je suppose que le 23 du même mois de septembre, un bénéficier d'Alsace eût écrit dans cette province, que l'Assemblée nationale avait ajourné les réclamations des ecclésiastiques contre votre décret, et je demande si, à cette époque, on aurait osé lui faire un crime de s'être prévalu d'un décret d'ajournement rendu la veille?... Vous dites oui, et moi je dis non, et la raison est de mon avis. Très certainement vous n'auriez pas osé contredire cette assertion. Or, le clergé d'Alsace est aujourd'hui dans la même situation où l'a placé votre décret du 22 septembre. Vous ne crûtes pouvoir juger alors le fond de la question; vous ne vous en êtes plus occupés. Elle reste donc entière, et votre ajournement vous condamne à l'examiner avant de prononcer.
« Cette réclamation est fondée sur les clauses du traité de Westphalie, qui, en réunissant l'Alsace à la couronne, garantit aux corps ecclésiastiques et aux bénéficiers de cette province toutes leurs possessions. Je n'examine pas dans ce moment le mérite de cette garantie; cette discussion appartient au fond de la cause. Mais je dis que cette considération vous a paru à vous-mêmes du plus grand poids. Vous n'auriez assurément pas accueilli les réclamations du clergé, des bénéficiers de nos anciennes provinces, contre vos décrets relatifs au clergé. Pourquoi avez-vous donc fait une distinction en faveur de l'Alsace? Pourquoi avez-vous ajourné l'examen de ses titres? J'entends dire, autour de moi, que le décret du 22 septembre n'a rien de commun avec le fameux décret de spoliation du clergé du 2 novembre suivant. Votre décret d'ajournement, sur le mémoire du clergé d'Alsace, a prononcé une exception provisoire en faveur de ce clergé ; et l'exception étant une fois établie, elle embrasse manifestement tous les décrets subséquents, relatifs aux propriétés ecclésiastiques.
« Cette seule réponse suffit pour repousser le
raisonnement puérile de M. de Lameth. Je l'avertis seulement que je vais m'en faire un nouveau titre pour lé confondre; car, si vous avez ajourné les réclamations du clergé d'Alsace contre le décret du 4 août, qui supprimait la dtme, vous êtes tenus, à bien plus forte raison, d'ajourner et d'examiner ces oppositions contre la confiscation de ses propriétés foncières. Le traité de Westphalie, sur lequel il se fonde, et qu'il vous a dénoncé, lui garantit plus littéralement encore ses domaines que ses dîmes.
« Lorsque M. l'évêque de Spire s'est élevé contre vos décrets, lorsque plusieurs autres bé-néficiers de l'Empire ont revendiqué avec lui leurs possessions en Alsace, leur mémoire vous a été transmis par le ministre des affaires étrangères ; vous l'avez renvoyé à votre comité féodal ; vous en avez ajourné la discussion, et vous avez joint cet ajournement à celui que vous ne doutiez certainement pas alors d'avoir prononcé en faveur du clergé d'Alsace.
« Lorsque M. le cardinal de Rohan vous a écrit en vous adressant sa démission, vous avez entendu la lecture de sa lettre avec l'attention la plus menaçante et la plus sévère; vous l'avez interrompu vingt fois par les murmures les plus bruyants; vous avez répondu majestueusement, par de longs éclats de rire, à la touchante sensibilité avec laquelle il vous parlait de ses créanciers, auxquels il avait délégué ses revenus. Mais à l'endroit de cette lettre où M. le cardinal de Rohan vous rappelait l'ajournement de la grande question relative au clergé d'Alsace, vous n'osâtes point contredire ce fait, dont vous ne doutiez pas alors plus que lui; et je vous rends grâces, dans ce moment, de ne vous être point avilis alors par des huées et par des éclats de rire, qui conviennent toujours mal à des spoliateurs en présence de leurs victimes.
« Vous avez donc ajourné la demande du clergé d'Alsace ; vous avez reconnu votre ajournement, et je vous invite à faire quelques réflexions sur ies inconvénients très graves qu'il y aurait à dépouiller le clergé catholique dans une province où vos décrets ont conservé les possessions du clergé luthérien. Cette manière si différente de traiter les deux religions est d'autant plus digne d'éveiller votre prudence, que le maire de Strasbourg, qui ose provoquer aujourd'hui vos rigueurs avec un si fanatique acharnement, est lui-même luthérien.
« Passons maintenant à l'examen des autres articles du décret qui vous est proposé par votre comité ecclésiastique, ou plutôt anti-ecclésiastique. (Ici les murmures recommencent. Je ne sais quel long député, qu'on appelle, m'a-t-on dit, Durand- de Maillane, que l'on croyait, depuis très longtemps, bien résolu d'imiter de Conrart le silence prudent, s'est fâché de la qualification ; mais au lieu de continuer cette guerre offensive, il s'est bientôt vu réduit à se tenir lui-même sur la défensive. Les reproches les plus terribles l'accablaient, et il fut obligé de s'asseoir.) « Si on me fâche, disait l'abbé Maury, je n'appellerai pas simplement ce comité anti-ecclésiastique; je l'appellerai anti-chrétien, et je demanderai d'être admis à ia preuve. » Puis, continuant son opinion avec une véhémence qui a entièrement subjugué l'Assemblée, dont il s'est emparé, par son éloquente indignation : « Est-ce bien ce comité, a-t-il dit, ou un comité des recherches, un comité de l'inquisition que nous venons d'entendre? Il faut être nourri des maximes des Néron, des Phalaris et des Tibère, pour n'être
pas révolté des principes atroces que le rapporteur vient de nous débiter, dans cette tribune, avec un sang-froid qui ajoute infiniment à leur barbarie. Quoi ! Messieurs, on ose vous proposer de fonder une procédure criminelle sur une traduction anonyme que personne n'avoue, et dont on ne nous désigne pas même l'auteur ; sur une traduction dans une langue dont M. Chasset ne sait pas un seul mot, et que nous n'entendons pas nous-mêmes ? Ah 1 la toute-puissance de cette Assemblée n'est que trop connue dans le royaume; mais elle ne va pourtant pas jusqu'à créer des crimes imaginaires, jusqu'à fabriquer des délits illusoires, pour motiver des poursuites trop réelles. Voilà donc jusqu'où peut s'avilir, voilà donc jusqu'où peut s'aveugler l'esprit de persécution dans un comité dont les membres sont dispensés de rougir. C'est vous, implacables calomniateurs, qui êtes les véritables ennemis de l'Assemblée nationale; c'est vous qui voulez faire distiller dans nos décrets le venin de la haine dont vos âmes sont remplies. Et vous osez vous asseoir parmi les législateurs de la France I Vous osez, dans votre superbe délire, nous inviter à devenir les complices de vos absurdes fureurs 1 Je ne vous dénonce pas aux tribunaux, puisque vous êtes inviolables, mais je vous dénonce à l'opinion, qui nous doit une justice exemplaire de votre audace et de vos lâches persécutions; je vous dénonce à la France entière, dont vous profanez la confiance, et dont vous déshonorez le caractère national.
« Eh ! quel est donc le délit que M. Ghasset impute au clergé d'Alsace? Les bénéficiers de Samt-Pierre-le-Vieux de Strasbourg ont écrit à quelques citoyens tentés d'acquérir les biens ecclésiastiques dans cette province, qu'ils les invitaient à faire de sérieuses réflexions sur leur projet, parce que l'Assemblée nationale avait prononcé un ajournement sur cette question, relativement à l'Alsace. Est-on rebelle, est-on factieux, est-on l'ennemi de l'Etat, est-on criminel de lèse-nation, quand on invite les acquéreurs de nos biens à faire de sérieuses réflexions? Eh bien, je vais me rendre coupable de ce grand crime sous les yeux de la France entière. J'invite donc hautement tous ceux qui sont tentés de s'approprier nos dépouilles, à faire de sérieuses et de très sérieuses réflexions: et je me livre à toutes les poursuites criminelles que mérite une pareille déclaration dans ma bouche. Ge n'est pas seulement à mes concitoyens, c'est au Corps législatif lui-même que j'adresse cette invitation.
« Oui, c'est vous, Messieurs, que je somme dans ce moment de faire de sérieuses réflexions sur la spoliation du clergé et sur la vente de nos biens. Les véritables falsificateurs de nos décrets sont ceux qui en étendent arbitrairement les dispositions, ceux qui en dénaturent le sens, ceux qui en exagèrent la rigueur, et qui préparent, à des acquéreurs de mauvaise foi, des moyens invincibles de dépossession, en fondant leur propriété sur des commentaires de pure imagination. Les coupables auxquels j'impute cette grande infidélité nationale ne sont pas inconnus. Si l'on vous eût proposé, le 2 du mois de novembre dernier, comme on l'aurait dû pour se conformer à la discussion, de décréter si la nation était ou n'était pas propriétaire des biens ecclésiastiques, jamais cette révoltante confiscation n'eût été prononcée ; mais on nous déclara qu'on voulait simplement consacrer le principe, que l'on ne pensait point à nous dépouiller de nos biens, et encore moins à les aliéner ; et on
surprit ainsi la bonne foi de plusieurs membres de cette Assemblée, en faisant passer un décret qui déclare que les biens ecclésiastiques sont à la disposition de la nation, mais qu'elle n'en disposera que d'après les renseignements et le vœu des provinces. Est-ce là, Messieurs, un titre de propriété ? Est-ce avec une pareille clause que quelqu'un d'entre vous croirait ou voudrait devenir propriétaire? Ce mot de propriété est-il donc assez indifférent, pour qu'on puisse le suppléer par une périphrase? Avez-vous été assez modérés envers le clergé, pour vous flatter que, dans un temps calme, on interprétera vos décrets contre nous, pour en augmenter encore la rigueur 1 Croira-t-on sérieusement à une propriété que vous n'avez pas osé vous attribuer vous-mêmes ? Un mari a les biens de sa femme à sa disposition : en est-il pour cela le véritable propriétaire? Avez-vous consulté les provinces, comme vous vous y êtes engagés par votre décret ? Cette condition dirimante a-t-elle été remplie?
« Voilà, Messieurs, de sérieuses réflexions que les bénéliciers d'Alsace auraient pu suggérer à leurs concitoyens ; je les dilvugue hautement dans cette Assemblée, et je vous déclare que je les répandrai dans tout le royaume. L'avidité sera-t-elle assez hardie pour ne pas s'arrêter, pour ne pas réfléchir du moins sur les bords de l'abîme où l'on se flatte de nous avoir précipités ? Mais que m'importe son audace, qui sera d'autant moins dangereuse, qu'elle aura moins calculé les dangers de l'avenir ? Je le répète, Messieurs, faites-y vous-mêmes de sérieuses réflexions. Oui, réfléchissez, il en est tempa, l'Europe vous observe, la France commence à vous juger ; et si l'opinion publique vous échappe, quel sera le sort de tant de décrets qui partent de cette Assemblée pour porter chaque jour la désolation dans toutes nos provinces ? L'enthousiasme ne règne qu'un moment : la raison, la justice, la vérité sont éternelles.
« Je conclus donc à ce que l'Assemblée nationale, faisant droit sur l'ajournement prononcé le 22 septembre 1789, au sujet de la demande du clergé d'Alsace, mette à l'ordre du jour, mercredi prochain, la discussion des titres particuliers qui doivent établir une exception en faveur du clergé de cetteprovince, relati vement aux ecclésiastiques ; et que sur le surplus des conclusions du comité, elle déclare qu'il n'y a lieu à délibérer.
« Je demande d'avance la parole, pour défendre le clergé d'Alsace avec le traité de Westphalie à la main. »
Enfin, l'éloquence foudroyante de M. l'abbé Maury a une fois triomphé de la fureur des ennemis du clergé. La délation calomnieuse du maire luthérien, le rapport insidieux et l'érudition allemande de M. Chasset, les sophismes puériles de M. de Lameth, la bile de M. Rewbel, la haine universelle contre le clergé, toutes les passions ont été forcées de céder à l'empire de la raison, du sentiment, de l'éloquence, portés à leur plus haut degré. Les hommes sanguinaires, qui se faisaient une fête de voir un nombre considérable d'ecclésiastiques, distingués par leur naissance et leurs dignités, livrés à ce tribunal dont ils hâtent la création, pour avoir des juges qui jugeront dans le sens de la Révolution, ces hommes altérés de sang ont frémi en voyant M. l'abbé Maury arracher à leur fureur ces victimes qu'ils destinaient en holocauste à la Constitution. Mais enfin ils ont été contraints de les abandonner, et l'on n'a osé môme blâmer la conduite des chapitres accusés.
Un grand nombre de personnes bien intentionnées pensent que la minorité devrait ou rester muette ou se retirer de l'Assemblée, puisque ses avis les plus sages, les mieux motivés, ne sont jamais écoutés : on voit, par cette exemple, que la présence des Maury, des Cazalès, etc., est nécessaire, que s'ils ne produisent pas tous les biens qu'on devrait en attendre, ils écartent du moins bien des maux qui achèveraient de perdre la France, s'ils ne s'opposaient au torrent destructeur. Dernièrement n'ont-ils pas arrêté ce déluge de deux milliards trois cents millions d'assignats dont on menaçait de nous inonder? Aujourd'hui, voilà que l'abbé Maury sauve à l'Assemblée et à la nation, la honte d'une procédure criminelle, qui eût été presque aussi flétrissante pour elle, que l'extinction de celle du Châtelet.
Je suis persuadé que l'Assemblée entière, rendue quelque jour à elle-même, remerciera M. l'abbé Maury d'avoir mis, par son éloquence victorieuse, un frein solutaire aux ennemis du clergé.
La question sur la propriété inviolable du clergé d'Alsace n'a pas été discutée; l'Assemblée l'a enveloppée dans la proscription générale du clergé catholique, au mépris des traités de Westphalie et de Ryswick, au risque de voir les possessions du clergé alsacien défendues par toutes les forces de l'Allemagne, dont tous les princes, dans l'Assemblée de Francfort, ont unanimement décidé, par leurs plénipotentiaires, qu'ils ratifiaient les traités de garantie. Quelle témérité de la part de nos législateurs! ce qu'il est malheureux que M. l'abbé Maury n'ait pas pu discuter cette grande et belle question, et sauver la nation du danger d'une guerre ruineuse, comme il lui a épargné la honte et l'opprobre d'une procédure atroce !
a la séance de l'assemblée nationale du
Nota. Le document ci-dessous se rattachant à la discussion relative au clergé d'Alsace,, nousl'annexons à la séance dans laquelle cette affaire a été discutée.
Lettre de M. l'abbé d'Eymar, député du clergé d'Alsace, à M. le Président de l Assemblé nationale.
Monsieur le Président, j'ai à regretter doublement qu'une absence par congé, à raison de ma santé, m'ait empêché d'être présent à la séance du 17 de ce mois, puisque, d'une part, elle m'a privé d'éclairer la justice de l'Assemblée nationale sur une dénonciation illégale et calomnieuse faite par le maire de Strasbourg contre une partie du clergé de cette ville, et que, de l'autre, j'eusse probablement contenu celui de mes collègues qui s'est permis contre moi, avec aussi peu de décence que de fondement, et surtout avec beaucoup de lâcheté, puisqu'il a profité de mon absence pour la hasarder, l'inculpation la moins méritée.
Je me" hâte, Monsieur le Président, de réparer ces torts, involontaires, en vous adressant cette lettre, dont je vous prie de vouloir bien donner lecture à l'Assemblée nationale. J'oseespérer qu'elle ne refusera pas de consacrer quelques moments à entendre la justification d'un de ses membres, et
à recevoir des éclaircissements qui intéressent essentiellement la sagesse et l'équité de ses décrets.
Je n'ai rien à ajouter à la discussion lumineuse de M. l'abbé Maury, faite en suite du rapport du comité ecclésiastique. Les causes que défend cet orateur éloquent, peuvent bien n'être pas couronnées de succès, mais elles ne continueront pas moins d'ajouter à sa gloire et à confirmer l'opinion universelle qu'il a donnée de ses talents. Je dois établir cependant la connaissance de certains faits dont cet honorable membre n'a pu être informé, lorsqu'il a eu l'honnété d'improviser en faveur du clergé d'Alsace et de son député, et qu'il n'a eu d'autre document que le texte même du décret du 22 septembre, dont il s'agissait d'expliquer l'intention, l'application et la rédaction.
Monsieur le Président, l'intention du décret suspensif du 22 septembre ne peut être douteuse que pour ceux qui se plairont à contester ce qu'il y a de plus clair et de mieux prouvé.
Si le dire de M. Rewbell, que j'ai lu dans un journal, est fidèlement rapporté, il a été évidemment trompé par sa mémoire, en avançant qu'avant le 22 septembre, on avait différentes fois voulu insérer dans le procès-verbal, parmi les adresses, des protestations dont l'Assemblée avait ordonné la radiation.
Les mémoires différents que le clergé de la basse Alsace et son prince êvêque ont soumis par mon organe à la justice de l'Assemblée nationale, le 22 Septembre, ont annoncé et manifesté pour la première fois leurs réclamations en Vertu des traités qui les ont réunis volontairement à la France. Je vous prie de faire attention que ces mémoires, comme ceux de la noblesse de cette province, et ceux mêmes des princes de l'Empire, présentés ou publiés à la même époque, étaient une suite de notre adhésion conditionnelle aux décrets des 4 et 5 août précédent. L'Assemblée nationale n'a donc pu les rejeter provisoirement comme des répétitions de protestations, dont elle avait déjà ordonné la radiation.
Que je suis éluigné, Monsieur le Président, d'adopter encore l'idée, que le même opinant a cherché à faire naître, lorsqu'il a prétendu qu'une question de cette importance, liée avec tout cé que le droit public oifre de plus imposant, question recommandée par le roi et par l'un de ses ministres à la plus sérieuse attention de l'Assemblée, eût pu être confondue avec des adresses particulières de félicitation et autres de ce genre cités par M. Rewbell. Ce serait se jouer de la sagesse et de la justice de l'Assemblée que de vouloir persuader qu'elle n'a fait aucune distinction entre cette demande et ies objets de remplissage destinés alors à l'ouverture de nos séances.
L'Assemblée devait une réponse affirmative ou négative à cette première invocation du clergé, ou elle était obligée d'annoncer qu'elle s'en occuperait par un décret d'ajournement. Eût-il été de sa prudence de prononcer sur nos réclamations sans ordonner un examen préalable des motifs qui les étayaient ? elle n'a pas cru devoir statuer encore sur cet examen, elle a donc pris le seul parti qui lui restait à prendre : celui d'ajourner la question, d'ajourner nos réclamations. L'Assemblée a donc véritablement ajourné. Toute autre interprétation est, à mon avis, un manque de respect pour l'Assemblée, puisqu'elle lui supposerait une incurie et une légéreté sans doute bien éloignée de ses principes.
Je prends acte également de l'aveu de M. Lavie qui a avancé avec vérité que les mémoires du clergé
n'ont pas été lus : certainement l'Assemblée est trop juste pour annuler des réclamations sans les lire, ou sans se faire rendre compte des mémoires où sont consignés les titres et les motifs des réclamants. Elle a donc renvoyé l'examen et la discussion de ces objets majeurs au temps où elle pourrait s'en occuper avec tranquillité; elle a donc prononcé un ajournement.
S'il était nécessaire d'ajouter à un exposé aussi tranchant, des preuves nouvelles et décisives, de l'intention réelle de l'Assemblée et de la persuasion non interrompue où nous avons été nous-même de sa volonté, j'aurais l'honneur de rappeler que, depuis l'époque du 22 septembre 1789, je n'ai pas une seule fois, à la tribune, parlé sur les affaires d'Alsace, sans faire mention, de la manière la plus formelle, de l'ajournement dont il s'agit. Le 14 avril, non seulement je l'ai nommé, en prononçant un discours sur la constitution civile du clergé, mais j'annonçai que toute l'Alsace en attendait l'effet. Je sollicitai encore de la justice de l'Assemblée d'y mettre fin, en nous permettant de produire nos titres et de défendre la cause d'une des plus anciennes églises du monde chrétien. Il ne vint dans la pensée de personne de,contester l'ajournement. Le 18 mai, et c'est celui encore où j'ai repoussé avec les armes de la vérité des inculpations calomnieuses du maire de Strasbourg contre la portion si respectable du clergé catholique en Alsace, ce même jour, dis-je, je sollicitais la permission de faire lecture du décret du 22 septembre, en motivant cette pétition sur ce que quelques membres avaient paru douter de l'ajournement qu'il contenait. Une majorité d'une voix se fit entendre pour dire qu'on le connaissait et que personne ne le niait. Un très grand nombre de députés se rappelleront aisément ce fait : J'invoque leur témoignage, j'invoque celui de quiconque.se pique de raison et de bonne foi, pour prononcer sur l'existence de l'ajournement qu'on n'a pas oraint, tout récemment, de mettre en problème.
Quant à l'application de ce décret suspénsif, faite par le clergé d'Alsace, elle est fondée en justice et en raison. Ce clergé, en vertu des traités de Westphalie et de Ryswtck ayant eu, jusqu'à ce jour, un mode d'existence absolument distinct de celui du clergé de France, étranger à ses dettes comme à son régime, a invoqué ces traités pour démontrer qu'il ne doit point subir le sort auquel celui du royaume a été condamné ; il a dû constamment espérer que l'Assemblée nationale aurait égard à ses justes représentations : il a dû considérer le décret suspensif du 22 septembre Comme un acte de prudence de la part des législateurs, qui ont vouiu avoir le temps de réfléchir sur la question délicate qui leur était soumise, et chercher les moyens de concilier ce qu'ils devaient à la justice avec le Système général qu'ils avaient adopté.
D'après cette présomption légitime, des membres du clergé n'ont-ils pas pu dire à leurs fermiers, dans le mois d'octobre, ce que j'avais l'honneur de prononcer à la tribune, le 11 avril et le 18 mai : Rien n'est encore décidé par rapport à nous, et nous nous trouvons, par le fait de l'ajournement, dans notre état primitif, jusqu'à ce qu'il en soit ordonné autrement. Tel est l'esprit de la circulaire allemande que plusieurs chapi^-tres ont.adressé à leurs comptables. Je joins ici, Monsieur le Président, une traduction légale de cette lettre, ainsi qu'une copie légale aussi de la traduction en allemand du décret du 22 septem-bre. N'ai-je pas à déplorer, et l'Assemblée elle-
même ne déplorera-t-elle de son eôté que le rapporteur de son comité, hors d'état de juger de la fidélité ou de l'infidélité d'une traduction, puisque M. Chasset ignore la langue dans laquelle est conçue, en origine, l'écrit dénoncé, ait pu s en fier au dénonciateur lui-même, toujours suspect, toujours récusable sous tous les régimes, dans tout code législatif, et qu'il n'ait pas craint, sans un examen préalable et légal, de proposer à l'Assemblée uationale une condamnation sévère, un décret sanguinaire qui, s'il avait été adopté pouvait livrer l'innocent entre les mains de son accusateur, et par conséquent de son ennemi? J'ose donc me plaindre, au nom de ce même clergé, qu'on ait voulu traiter cette application de criminelle et propre à soulever les peuples, qu'on ait applaudi aux conséquences que la duplicité et la malice en ont tirées. Je rejette et je désavoue également la pitié fausse et insultante dè ceux qui ont prétendu excuser le clergé en disant qu'il avait pu être induit en erreur. Le clergé d'Alsace n'a pu être trompé, car il a lu expressément qu'il existait un décret d'ajournement : il n'a pas voulu tromper, car il n a fait qu'envoyer la traduction simple et exacte de ce décret. L'induction qu'il en a tirée découle naturellement et nécessairement du principe. Sans doute, il a pu se flatter que des traités solennels, garantis par des puissances voisines, seraient respectés ; et lorsqu'il ies a vus invoqués avec succès, par les églises protestantes de la conférence d'Augsbourg, il a dû espérer la même justice pour lui.
En faisant cette obsérvation, il est loin de son esprit et de son cœur de porter envie à ceux de nos frères qui ont obtenu ce décret, qui maintient les ministres du culte protestant dans leur possession. La manière dont je me suis expliqué à la tribune le 17 août dernier, sur la demande des protestants de la Confession d'Augsbourg, dans cette province, est un gage certain et non équivoque, je crois, de mes sentiments à cet égard et de ceux du clergé, que j'ai l'honneur de représenter. Elle rappelle que j'ai été assez heureux pour concourir à un acte d'équité, et de la politique la mieux entendue.
Je ne dirai qu'un mot, Monsieur le Président, pour confondre celui qui a osé, avec la témérité la plus impudente, jeter des soupçons sur la rédaction du décret du 22 septembre. Cette calomnie ne sert qu'à manifester combien M. Lavie, qui s'élevait contre le sens véritable du décret, était contrarié par le texte de sa rédaction, puisqu'il a été obligé de s'attacher à une chicane aussi odieuse, pour échapper à la vérité qui le pressait.
Il est vrai, qu'à l'époque du 22 septembre, j'avais l'honneur d'être l'un des secrétaires de l'Assemblée; mais il est tout aussi vrai que* ce même jour, ce n'était point à mon tour de rédiger le procès-verbal : c'est un de mes cinq collègues qui a rempli cette fonction. Il est d'autant plus aisé de vérifier le fait, sur les titres originaux, que j'ai constamment écrit de ma propre main toutes les rédactions qui sont tombées à ma charge pendant le temps de mon secrétariat.
Je ne tirerai d'autre vengeance de l'insulte gratuite, dont il s'agit, qu'en forçant son auteUr à roUgir à vos yeux et à ceux de la France entière» d'avoir eu la bassesse de concevoir un pareil soupçon, ou la coupable audace de chercher à le faire naître, sans l'avoir conçu.
L'Assemblée nationale ne peut blâmer ce juste mouvement d'indignation. Ehl qui ne serait pas révolté de voir son honneur attaqué, lorsqu'on
est à cent vingt lieues de l'arène, où l'on cherche lâchement à lui porter des coups pareils.
Je supplie l'Assemblée nationale d'être en garde contre ceux qui, faisant parade d'un faux zèle, excitent à chaque instant ses inquiétudes, provoquent sa rigueur contre de prétendus ennemis de ses décrets/et lui peignent les ecclésiastiques de cette province sans cesse occupés à soulever le peuple. Ce qui serait le plus propre à le soulever, Monsieur le Président, c'est s'il voyait de telles calomnies accueillies, car il sait bien qu'elles n'ont aucun fondement: ce qui pourrait lui faire haïr la Constitution, c est s'il était frappé de quelque déni trop manifeste de justice, car on ne peut aimer que ce qui est vrai et juste. Ce qui pourrait le soulever, en effet, ce serait de voir prodiguer des éloges à célui qui l'égaré et le tourmente, tandis qu'on cherche â noircir et à opprimer ceux qui n'ont cessé de le servir et de 1 édifier. Je suis pénétré du respect le plus sincère pour l'Assemblée, mais les membres qui la composent sont des hommes; et malgré la pureté de leurs intentions, leur réiigion peut être surprise. Elle l'a été à mon occasion, dans ce moment; elle l'a été pour la seconde fois sur le compte du clergé de ce département ; je crois donc qu'il est permis et même ordonné à un député de faire connaître la vérité à l'Assemblée, et d'espérer qu'elle réformera les points sur lesquels il lui est démontré mathématiquement, comme dans cette circonstance, qu'elle a été trompée.
J'ai l'honneur d'être, Monsieur le Président, votre très humble et très obéissant serviteur.
Signé : l'abbé d'Eymar, Député du clergé d'Alsace.
A Strasbourg, le 31 octobre 1790.
pièces justificatives
jointes à la lettre à M* le Président.
I. — Certificat légalisé d'un notaire public et juré, par lequel il conste que la traduction allemande faite de l'extrait original du procès-verbal de l'Assemblée nationale du 22 septembre 1789, est en tout conforme audit extrait.
(Ainsi les chapitres de Strasbourg 6ont justifiés légalement du crime de faux découvert par M. Chasset dans leur traduction allemande ).
II. — Traduction française également légalisée de la lettre circulaire des chapitres, et soumise ici au jugement de la raison et du public non prévenu :
« Le grand çhœur de la cathédrale de Strasbourg instruit ses fermiers, par la présente, que dès le 22 septembre de l'année dernière, l'Assemblée nationale a ajourné l'examen dès droits et propriétés particulières du çlergé d'Alsace ; même à l'égard des dîmes et redevances seigneuriales (comme il est avéré d'une manière incontestable, par la traduction ci-annexée de l'extrait du procès-verbal de l'Assemblée nationale du dit jour, extrait qui a été communiqué encore tout récemment le 6 juillet) - qu'en conséquence de cet ajournement solennellement prononcé, le décret du 2 novembre et tous ceux qui en sont une Suite, ne peuvent concerner les biens ecclésiastiques des églises catholiques et luthériennes d'Alsace.
« La haute Assemblée nationale confirmé encore cette exception, tout récemment, par ses décrets du 17 août et du 10 septembre de l'année cou-
rante, en assurant, conformément aux traités et capitulations, aux églises luthériennes d'Alsace et de la Franche-Comté, le libre exercice de leur culte, etc.
« Puisque donc, ces mêmes traités et capitulations (1) que l'Assemblée nationale a pris pour base des décrets rendus, le 17 août et le 10 septembre, en faveur des églises luthériennes, assurent également ies droits de propriété des églises catholiques, et nommément ceux du domaine de l'église de Strasbourg, on vous instruit de tous ces faits et on vous conseille sérieusement, non seulement de ne pas acheter des biens appartenant au grand chœur, que vous ou d'autres tenez à ferme, mais de continuer à livrer aux vrais propriétaires desdits biens, conformément aux baux qui vous ont été passés, les canons et redevances ordinaires.
« La conduite de l'Assemblée nationale, ci-dessus mentionnée vous garantit suffisamment qu'elle regarde le droit des gens et des traités solennels comme saints et inviolables. Qu'ainsi ce ne sera que par ruse et finesse, par force et par violence et non d'une Assemblée nationale éclairée et amie de la justice, que les biens que vous tenez à ferme vous seront ôtés, et que les droits de propriété, légalement assurés au grand chœur de la cathédrale de Strasbourg, ne pourront jamais lui être enlevés. C'est d'après cet avis que vous aurez à vous conduire.
« A Strasbourg, ce 18 septembre 1790. »
(De la part du grand chœur de la cathédrale de Strasbourg.)
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin.
, secrétaire, fait lecture du procès-verbal de la séance du samedi 16 octobre au soir.
Ce procès-verbal est adopté.
, secrétaire, lit le procès-verbal de la séance d'hier dimanche, 17 octobre.
Il ne s'élève aucune réclamation.
, député de Vendôme, demande un congé d'un mois à raison de sa santé.
Ge congé est accordé.
, curé, député du Loiret, sollicite la permission de s'absenter quelques jours, si l'état
dangereux de son frère, dont il attend des nouvelles à chaque instant, l'exige.
, rapporteur du comité de Constitution, propose six articles additionnels au titre II du règlement pour la procédure en la justice de paix.
Ces articles sont lus, mis aux voix et adoptés en ces termes :
TITRE II.
De la récusation des juges de paix.
Art. 1er.
« Les juges de paix ne pourront être récusés que quand ils auront un intérêt personnel à l'objet de la contestation, ou quand ils seront parents ou alliés d'une des parties jusqu'au degré de cousin issu de germain.
Art. 2.
« La partie qui voudra récuser un juge de paix sera tenue de former la récusation et d'en exposer les motifs par un acte qu'elle déposera au greffe du juge de paix, dont il lui sera donné par le greffier une reconnaissance faisant mention de la date du dépôt.
Art. 3.
« Le juge de paix sera tenu de donner au bas de cet acte, dans le délai de deux jours, sa déclaration par un écrit portant, ou son acquiescement à la récusation, ou son refus de s'abstenir, avec ses réponses aux moyens de récusation allégués contre lui.
Art. 4.
« Les deux jours étant expirés, l'acte de récusation sera remis par le greffier à la partie récusante, soit que le juge de paix ait passé sa déclaration au bas de cet acte ou non : il en sera donné décharge au greffier par la partie, si elle sait signer ; et si elle ne sait pas signer, le greffier fera la remise, et en dressera le procès-verbal en présence de deux témoins qui signeront ce procès-verbal avec lui.
Art. 5.
« Lorsque le juge de paix aura déclaré acquiescer à la récusation, ou n'aura passé aucune déclaration, il ne pourra rester juge, et sera remplacé par l'un des assesseurs qui connaîtra de l'affaire avec l'assistance de deux autres assesseurs.
Art. 6.
« Si le juge de paix conteste l'acte de récusation et déclare qu'il entend rester juge, le jugement de la récusation sera déféré au tribunal du district, qui y fera droit, sur les simples mémoires des deux parties plaidantes, sans forme de procédure et sans frais. »
, député de la province du Berry. demande un congé d'un mois à cause de circonstances affligeantes.
Ge congé est accordé.
, rapporteur du ^comité ecclésiastique, présente une suite d'articles nouveaux, mais tous relatifs à divers articles renfermés dans le grand décret sur la constitution civile du clergé.
Les articles 1, 2,3,4,5, 6, 7 et 10 sont adoptés sans discussion. La discussion s'ouvre sur les articles 8,9 et 11.
combat la disposition de l'article 8 relatif aux bâtiments qui servaient dans les cures à des objets étrangers au logement du curé, tels que les granges, fénils et autres bâtiments d'exploitation. Il représente les inconvénients d'une mesure qui mettrait les assemblées administratives ouïes fermiers des fonds ruraux, ci-devant dépendant desdites cures, dans l'impossibilité de les faire valoir, ou qui porterait même un grand préjudice à leur aliénation en mettant lés acquéreurs daùs la nécessité de faire construire d'autres bâtiments. (L'amendement de M. Legrand n'est pas adopté.)
renouvelle, sur l'article 9, la proposition, combattue dans des séances antérieures, d'accorder aux curés de campagne le verger attenant à leur presbytère.
Ce serait s'exposer à faire des injustices et à traiter inégalement; les mêmes fonctionnaires. Qu'on accorde aux curés un arpent de terre, ils en disposeront à leur gré. (L'amendement de M. de Custine est rejeté.)
L'article 11, proposé par M. Chasset, est mis en délibération : il concerne les jardins à donner aux curés qui n'en ont pas.
demande la question préalable.
soutient, au contraire, que l'article doit être adopté.
met aux voix l'ajournement proposé par divers membres.
L Assemblée prononce qu'il y a lieu à délibérer;
s'élève contre l'article. Il représente que c'est grever gratuitement la nation d'une charge que rien au monde ne peut lui imposer. Si l'on a conservé-le jardin au curé qui en avait un, c'était pour ne point l'affliger parla privation d'un objet agréable dont il avait l'habitude de jouir ; mais quant à ceux qui n'en ont point possédé jusqu'à ce jour, on ne les frappe d'aucune* mortification.
parle en faveur de l'article. Il dit qu'un demi-arpent n'est pas grand chose, et que pourtant il est d'un grand secours à un presbytère. L'égalité qu'on a voulu établir entre les pasteurs oblige la nation à les traiter avec la même faveur. L'orateur fait remarquer qu'on gagne d'ailleurs sur les anciennes dotations des curés des fonds de terre considérables et qu'il y a très peu de cures sans jardin.„
renouvelle la demande de la question préalable sur l'article 11.
réclame la division et propose d'adjuger aux curés une portion de jardin dans les paroisses où il y a des biens nationaux.
(Les divers amendements sont mis aux voix et écartés.)
met aux voix l'article 11.
L'Assemblée le rejette en passant à l'ordre du jour.
Suit la teneur des articles adoptés :
« L'Assemblée nationale décrète :
Art. Ier.
« Les dispositions de l'article 23 du titre II du décret du 12 juillet dernier, concernant les curés actuellement établis en aucunes églises cathédrales, ainsi que ceux des paroisses qui seront supprimées pour être réunies à l'église cathédrale et en former le territoire, auront lieu pour les curés établis, soit dans les autres églises paroissiales des villes, soit dans celles des campagnes. En conséquence, tant les curés des villes dont les paroisses seront réunies à d'autres que celle de la cathédrale, que les curés des campagnes dont les paroisses seront aussi réunies à d'autres paroisses seront de plein droit, s'ils le demandent, les premiers vicaires des paroisses auxquelles les leurs seront unies, chacun suivant Tordre de leur ancienneté dans les fonctions pastorales.
Art. 2. '
« Tous les curés qui voudront user de la faculté ci-dessus et de' celle accordée par l'article 22 du titre II dudit décret seront tenus d'en faire leur déclaration dans la forme et dans le temps ci-après fixés ; sinon, et ledit temps passé, il sera pourvu auxdites places de vicaires par qui de droit.
Art. 3.
« Ceux qui sont établis en aucunes cathédrales, et ceux dont les paroisses doivent être unies aux cathédrales actuellement formées feront leur déclaration à l'évêque dans la quinzaine, à compter de la publication du présent décret, par le ministère d'un notaire.
Art. 4.
« Ceux dont les paroisses doivent être unies à des cathédrales non formées, et dont l'évêque n'est pas nommé, feront leur déclaration de la même manière à l'évêque qui sera nommé une quinzaine après sa consécration.
Art. 5.
« Ceux dont les paroisses doivent être unies à des paroisses de villes ou de campagnes, dont la suppression et la réunion ne sont pas encore déterminées, feront leur déclaration aussi de la même manière au curé de la paroisse à laquelle les leurs seront unies, dans la quinzaine après que l'union aura été consommée.
Art. 6.
« Les curés des villes et des campagnes dont les paroisses seront supprimées et réunies, soit à des cathédrales, soit à d'autres paroisses, tant ceux actuellement pourvus, que ceux qui le seront d'ici à ce que la suppression de leurs paroisses soit effectuée, qui ne voudront pas user de ia faculté ci-devant expliquée, jouiront d'une pension de retraite des deux tiers du traitement qu'ils auraient conservé s'ils n'eussent pas été supprimés, mais ladite pension ne pourra excéder 1a somme de 2,400 livres.
Art. 7.
t Ceux qui voudront user de ladite faculté, jouiront de la totalité de leur traitement, ainsi que des logements et jardins dont ils auraient conservé la jouissance s'ils n'eussent pas été supprimés.
Art. 8.
« Dans les logements conservés aux curés, sont compris tous les bâtiments dont ils jouissaient six mois avant le décret du 2 novembre dernier, et qui étaient destinés, soit à leur habitation, soit au service d'un cheval, ainsi que tous les objets d'aisance qui en dépendaient, mais.non ceux qui, destinés à l'exploitation des dîmes et autres récoltes, étaient séparés des bâtiments d'habitation et hors des clôtures du presbytère.
Art. 9.
« Par jardins, l'Assemblée entend les fondsqui dépendaient du presbytère, et dont le sol était en nature de jardins six mois avant le décret du 2 novembre dernier, en quelque endroit de la paroisse qu'ils soient situés, et de quelque étendue qu'elles soient, pourvu qu'elle n'excède pas celle qu'ils avaient avant ladite époque.
Art. 10.
* Si le sol n'était pas en nature de jardins avant ladite époque, et qu'il n'y en eût point, ou s'il y en avait qui ne fussent pas d'un demi-arpent d'étendue, mesure de rçi, il sera pris sur ledit sol une quantité de terrain' suffisante pour former un jardin d'un ^demi-arpent d'étendue, mesure de roi. »
L'Assemblée reprend la suite de la discussion du titre III sur a contribution foncière.
, rapporteur. L'Assemblée avance dans'son travail sur la contribution foncière ; pour ne point retarder sa marche, il est à propos que le comité des finances nous remette très incessamment l'état des dépenses publiques arrêtées. Un motif bien puissant et bien déterminant, c'est que la vente des biens nationaux se fera avec beaucoup plus de célérité quand on saura quelle masse d'impôts doit peser sur les terres.
Je propose que le comité des finances présente non seulement l'état qui lui est demandé, mais le plad général de toutes les impositions qu'il croit devoir être conservées ou créées.
La demande du préopinant est prématurée, et le comité des finances, malgré toute sa bonne volonté, n'est pas en état de le satisfaire en ce moment.
La proposition de M. de La Rochefoucauld 'est adoptée et consignée dans le décret ci-dessous :
« L'Assemblée nationale décrète que le comité des finances remettra très incessamment au comité de l'imposition l'état de toutes les dépenses dont la somme est déjà fixée par les décrets, et celui par aperçu des dépenses qui ne sont pas encpre déterminées. »
lit l'article 10 du
projet imprimé, destiné à devenir le 12® du décret :
« Art. 10. L'évaluation des ateliers de fabriques et de manufactures et celle des forges, moulins et autres usines, ne seront faites que d'après la valeur de la partie servant au logement et d'après la superficie des terrains qu'ils enlèvent à la culture, lesquels seront évalués aux taux des meilleures terres de la commune, le surplus en revenu que procurent les établissements, devant être considéré comme purement industriel et soumis à la contribution personnelle. »
Cet article n'a pas été rédigé par le comité d'imposition ; il est évidemment l'œuvre de MM. Des Forges, Des Moulins, Des Usines, Des Ateliers. (On rit beaucoup dans la salle. —- On donne immédiatement ces noms aux membres du comité: M. Rœderer devient M. Des Moulins, M. de La Rochefoucauld, M. Des Usines, etc.)
(ci-devant de Roquefort). Le mode d'imposition que vous propose votre comité est en partie posé sur les bases fixées dans la déclaration de 1715.
Ces bases sont qu'il faut distinguer les subsè-ques et les moulins des autres objets, les moulins surtout n'ont d'autre valeur que par la balandise et cette balandise ne peut pas être calculée arbitrairement : ce serait donner lieu aux plus grands abus.
Il ne faut pas confondre les moulins ci-devant banaux avec*ceux qui appartiennent à des particuliers.
Sans doute, l'on peut connaître la production d'un moulin banal, parce que les sujets baniers sont forcés d'y aller moudre leurs grains.
Mais il n'en est pas de même des moulins appartenant à des particuliers ; rien n'est plus variable à cet égard.
J'ajoute que les moulins, les fabriques, les manufactures exigent des réparations considérables.
Il faut surtout encourager les facilités des fabriques, des manufactures.
Il semble donc, Messieurs, que la justice a décidé ce que vous propose votre comité et je l'adopte.
Il faudrait au moins, dans le cas où l'avis contraire prévaudrait, déduire le tiers du revenu pour les réparations.
, Je propose e rédiger l'article de la manière suivante :
« Pour déterminer la cote des ateliers, des fabriques, des manufactures et celle des forges, moulins et autres usines, il sera déduit un tiers sur leur revenu, en considération du dépérissement et des frais d'entretien et de réparation. »
Il faut distinguer les moulins et les manufactures. Le comité a pensé que l'impôt sur les moulins était un impôt sur le pain.
L'impôt sur les terres est de la même nature.
C'est peut-être une erreur, mais nous avions espéré, en diminuant les impôts sur les moulins, que nous diminuerions les frais de mouture. A l'égard des manufactures, nous n'attachons pas le même prix qu'aux moulins, parce-que ceux-ci sont relatifs aux besoins de première nécessité et que les autres ne sont pas d'une utilité si marquée.
Il faut distraire un tiers pour les moulins et forges, un quart pour les fabriques et manufactures, et supprimer le mot ateliers qui ne présente qu'une idée vague.
Le comité ne distingue pas les moulins à eaux de ceux à vent. Je demande que le comité présente un article nouveau sur cet objet.
introduit une modification dans l'amendement de M. Rewbell.
Cette modification, mise aux voix, est adoptée et l'article est décrété ainsi qu'il suit :
Art. 12.
« Les fabriques et manufactures, les forges, moulins et autres usines seront imposés à raison des deux tiers de leur valeur locative, en considération des frais d'entretien et de réparations qu'exigent ces objets.
, rapporteur, donne lecture de l'article 11 du projet, destiné à devenir le 13e du décret.
« Art. 11. Les mines et carrières ne seront évaluées qu'à raison de la quantité de terrain qu'elles enlèvent à la culture; ainsi celles exploitées à ciel ouvert le seront d'après leur surface, et celles exploitées par cavage d après la surface de leurs ouvertures; les terrains qui couvrent ces dernières seront d'ailleurs évalués selon leur produit, et les maisons ou ateliers occupés pour 1 exploitation et le service des mines et carrières, seront évalués comme ceux désignés dans l'article précédent. »
Les mines et carrières doivent être imposées sur le revenu qu'elles produisent et pas autrement.
Les mines et carrières sont du domaine de l'industrie ; elles tendent à augmenter la prospérité publique et, par suite, l'article du comité doit être adopté.
Je propose l'amendement suivant:
« Les mines et carrières seront imposées à raison de leur valeur locative, indépendamment des terrains sous lesquels elles seront excavées, qui seront imposés à raison de leur produit net. »
Je demande l'ajournement de cet article, jusqu'à ce que le comité d'agriculture et de commerce ait donné son avis.
(L'Assemblée, consultée, renvoie l'article au comité de l'imposition, pour lui être représenté de nouveau sous une autre forme.)
Vous avez ordonné à votre comité de Constitution de vous présenter un projet pour Vorganisation d'un tribunal chargé de juger les crimes de lèse-nation; il ne vous a point encore présenté son travail : déjà des troubles se manifestent dans quelques départements, et l'on pourrait supçonner des complots. Vous ne voulez pas que la chambre des vacations du parlement de Toulouse soit réduite à l'alternative de n'être pas jugée ou de l'être par le Châtelet.
Je demande que le comité soit chargé de vous présenter son travail demain ou après-demain. Cette motion est adoptée en ces termes : « L'Assemblée nationale décrète que le projet
d'organisation du tribunal destiné à connaître des crimes de haute-trahison lui sera présenté à la séance de jeudi au matin. »
fait donner lecture d'une lettre de M; delà Luzerne, ministre de la marine, concernant l'armement de Toulon. Elle est ainsi conçue :
« Monsieur le Président, j'apprends que dans la séance d'hier il aété lu une lettre et un extrait des registres du département de la Gironde. On ne peut assurément qu applaudir aux mesures prises par ce département, qui a fait convertir en argent monnayé les fonds qfte j'avais envoyés pour payer la conduite d'environ deux mille cinq cents hommes de mer, levés pour l'armemeqt de l'escadre de Toulon. Je dois même ajouter que plusieurs autres corps administratifs ont donné la même preuve de patriotisme, et je supplie l'Assemblée nationale d'observer, d'après l'exposé même du directoire, que le département de la marine avait pris toutes les précautions qui dépendaient de lui pour subvenir aux besoins du service ; et je dois d'autant plus le représenter, qu'il a été contraint d'adopter des mesures semblables, relativement à beaucoup de départements et de quartiers, La plus grande partie des payements du Trésor public et par conséquent les envois de fonds s'effectuent en papier; ce même papier, quoiqu'il puisse, sans être dénaturé, acquitter plusieurs genres de dépenses, n'est pas susceptible d'être divisé à l'infini, et remis à chaque matelot pour solder les sommes modiques affectées sur le Trésor public à sa conduite, c esl-à-dire aux frais de son voyage depuis le lieu de sa résidence.
« Il est donc indispensable qu'avant d'être distribué aux hommes dé mer il soit converti eues--pèces, et cette conversion ne peut être opérée qu'où il se trouve de l'argent monnayé apparte^ nant à l'Etat, c'est-à-dire à la caisse publique, L'objet dont il s'agit est très important, et je prie instamment l'Assemblée nationale de le prendre en considération ; car si elle voulait qu'on n'usât plus de cette ressource, et désapprouvait que les agents du pouvoir exécutif dans le département de la marine s'adressassent aux corps ad minis? tratifs pour les inviter à favoriser les échanges si impérieusement commandées par la nature même des dépenses, il ne resterait plus qu'un moyen de pourvoir aux besoins réels dn service : il faudrait nécessairement que le Trésor public fit transporter en argent monnayé, dans chaque lieu du royaume, la somme nécessaire pour y acquitter toutes les dépenses, tellement divisées en modi-v ques parties, que chacune de ces portions ne peut être payée en papier. Mais il est en même temps aisé de sentir que le moyeu unique doit être regardé,' surtout dans les circonstances présentes, comme à peu près impraticable. »
(Cette lettre est renvoyés au comité des finances.) &
lève la séance à trois heures du soir.
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du lundi 18 octobre.
Ce procès-verbal est adopté.
Des Français fugitifs depuis l'édit de Nantes sont répandus en Ecosse, en Angleterre, en Suisse, en Allemagne ; ils demandent que l'Assemblée hâte le rapport de son comité des domaines, dont le but sera sans doute de leur faire restituer des biens usurpés par le despotisme. Il leur tarde de rentrer dans leur patrie, et de venir jurer de maintenir une Constitution qui fera cesser leurs peines.
(L'Assemblée ordonne que le rapport du comité des domaines lui sera fait samedi prochain à la séance du soir.)
Un de M. M. les secrétaires donne lecture d'un procès-verbal de capture de 2,989 aunes de mousseline et toile de coton blanche, du cheval, de la charrette et des harnais, ladite capture faite par les gardes nationales du département du Jura, dans la partie d'Entre-deux-Monts, le 21 septembre dernier.
fait la motion de charger M. le Président d'écrire à la garde nationale d'Entre-deux-Monts, district de Saint-Caude, pour leur témoigner la satisfaction de l'Assemblée sur son zèle, et de renvoyer le procès-verbal et pièees jointes, aux comités des finances etde Constitution, pour présenter un projet de loi générale sur la part qu'il conviendra d'accorder aux gardes nationales, dans les captures de contrebande qui ont été faites, ou qui seront faites à l'avenir par les gardes nationales.
(Cette motion est adoptée.)
Il est fait lecture d'une lettre du sieur Vaillant de Villers, commandant de la garde nationale d'Abbeville; qui annonce la saisie d'un brick chargé de tabac de contre bande, dans la baie de la Somme de Saint-Valery.
(L'Assemblée nationale autorise son président à témoigner sa satisfaction à la garde nationale d'Abbeville.)
Il est donné lecture de deux adresses du directoire du département de Lot-et-Garonne : l'une concernant une protestation du sieur de Beaumont, contre le décret qui supprime la noblesse, l'autre, contre un arrêt de la chambre des vacations du parlement de Toulouse, rendu au mépris d'un décret qui suspend toutes contestations, relativement aux biens nationaux.
(L'Assemblée nationale renvoie la première adresse au comité de Constitution, et la seconde au comité ecclésiastique.)
Il est donné lecture d'une adresse du sieur Alphonse Le Roy, docteur-régent de ia faculté
de médecine de Paris, qui, sur le vœu manifesté par le comité de mendicité, qu'on formât un
corps d'instruction pour l'art des accouchements,
(L'Assemblée nationale autorise son président à témoigner sa satisfaction au sieur Alphonse Le Roy, et renvoie le plan proposé, aux comités de Constitution, de salubrité et de mendicité.)
Il est fait lecture d'une adresse des maîtres voiliers du port de Toulon. Ils demandent le même traitement dont jouissent les maîtres pilotes et canonniers, ou le même droit qu'eux aux prises; vu, disent-ils, qu'ils partagent les mêmes dangers qu'eux.
(L'Assemblée nationale renvoie la pétition au comité de la marine, pour lui en rendre compte incessamment.)
Il est fait lecture d'une adresse du sieur André Rael, de Mausse, département du Var, qui réclame le payement d'une somme considérable, qui lui est due par le département de la marine, pour fournitures de papier à doublage et à cartouche.
(L'Assemblée nationale renvoie la pétition aux comités réunis de ia marine et des finances, pour lui en être rendu compte très incessamment.)
, au nom du comité de Constitution, propose deux décrets concernant Paris, qui sont adoptés en ces termes :
Premier décret.
L'Assemblée nationale, après avoir 'entendu le rapport de son comité de Constitution, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« La municipalité de Paris commettra provisoirement un greffier et des commis-greffiers en nombre suffisant pour procéder à l'expédition des arrêts du ci-devant parlement de Paris, sur les demandes qui en seront faites par les parties; ce greffier et les commis-greffiers prêteront serment devant elle, et rendront à l'administration des domaines, en présence d'un officier municipal, compte, de clerc à maître, du produit des expéditions, qui, jusqu'à ce qu'il en ait été autrement ordonné, continueront d'être payées selon les formes actuelles et sur le pied de l'ancien tarif; la signature du greffier et des commis-greffiers rendra les arrêts exécutoires.
Art. 2.
« Les officiers municipaux feront immédiatement après, la reconnaissance et la levée du scellé sur les dépôts qui contiennent les minutes des arrêts rendus en Ja présente année 1790, et dans les cinq années antérieures; ces minutes seront confiées à la garde du greffier et des commis-greffiers provisoires, qui en demeureront chargés et responsables.
Art. 3.:
« Les greffiers aux expéditions des arrêts du parlement de Paris et tous autres dépositaires ou détenteurs de minutes d'arrêts seront tenus, dans le délai de trois jours à compter de la publication du présent décret, de passer, devant la municipalité de Paris, déclaration des minutes d'arrêts qui se trouvent entre leurs mains; faute
par eux de faire cette déclaration et de remettre les minutes au dépôt entre les mains des greffiers ou commis-greffiers établis par l'article précédent, ils y seront contraints par corps; et la contrainte sera prononcée par le tribunal actuel de police.
Art. 4.
« Le tribunal de police actuel de la ville de Paris connaîtra provisoirement, à la charge de l'appel, des affaires portées ci-devant à la Chambre de la marée, mais des contestations qui auront lieu dans la ville de Paris seulement; ses jugements en cette matière seront exécutoires par provision, nonobstant l'appel, en donnant caution. »
DEUXIÈME DÉCRET.
« Les décrets sur l'organisation de la municipalité de Paris ayant borné l'étendue de son territoire à l'enceinte actuelle de ses murs, l'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de Constitution, décrète ce qui suit :
« Les maisons et terrains bornés d'un côté par la rive droite de ia Seine, et s'étendant jusqu'au chemin de Picpus à Saint-Maur, formeront provisoirement le territoire d'une municipalité particulière.
« En conséquence, les citoyens actifs de la Grande-Pinte, qui ne dépendent pas de la municipalité de Conflans, ceux du Ponceau, de la vallée de Fécamp, de la Grange-aux-Merciers, du Petit-Bercy, de la rue de Bercy hors les murs, se rassembleront dans la chapelle du Petit-Bercy pour y faire les élections municipales, à la charge de se conformer à ce qui a déjà été réglé pour les impositions de l'année courante;
« Décrète, en outre, que les autres maisons ( t terrains extérieurs à la nouvelle enceinte de la ville de Paris, et qui faisaient précédemment partie du territoire de cette ville, seront, sauf la distance réservée des quinze toises qui [forment l'isolement extérieur des murs, et sur lesquels la municipalité de Paris continuera d'exercer sa juridiction, réunis aux municipalités voisines, ainsi qu'il suit, savoir :
« A celle de Vaugirard, les maisons et terrains qui s'étendent depuis la rivière jusqu'à l'ancien chemin de Vanves;
« A celle de Montrouge, les maisons et terrains aboutissant à ses dépendances actuelles, situés au delà de l'ancien chemin de Vanves, et de la chaussée du Maine, vers ia route d'Orléans, et bornés du côté de Gentilly par les chemins-aux-Prêtres et la Voie-Creuse;
« A celle de Gentilly, les maisons et terrains qui s'étendent depuis le chemin-aux-Prêtres jusqu'à la route de Choisy;
« A celle d'ivry, les maisons et terrains situés entre la route de Choisy et la rivière;
« A celle de Saint-Mandé, les terrains contenus entre le chemin de Picpus à Saint-Maur, jusqu'à celui de Lagny, par Fontenay, mais par provision seulement, et jusqu'à ce qu'il ait été statué définitivement sur l'existence de la municipalité de Saint-Mandé;
« A celle de Charnnne, les maisons et terrains bornés, d'un côté, par l'isolement extérieur des murs, et de l'autre, parla rue Saint-André;
« A celle de Belleville, les maisons et terrains qui, en y comprenant l'enclave formée par le
chemin des Carrières et celui de Ménilmontant, s'étendent jusqu'à l'ancien chemin de Meaux ;
«A celle de laVillette, les maisons et terrains bornés, d'un côté, par le chemin de Meaux, et, de l'autre, par celui des Vertus.
« A celle de la Chapelle, les terrains qui s'étendent de la rue des Vertus au chemin des Poissonniers, en y comprenant le faubourg de Gloire et ses dépendances, déjà réunis à la municipalité de la Chapelle par le décret du 30 septembre dernier;
« A celle de Clichy-la-Garenne, les maisons et terrains bornés, d'un côté, par l'ancien chemin de Neuilly, et, de l'autre, par les anciennes dépendances de la paroisse de Clichy ;
« Enfin, à celle de Passy, les terrains et maisons qui dépendaient précédemment du territoire de Ghaillot, et qui se trouvent hors l'enceinte des nouveaux murs, à partir du bureau de la barrière de Versailles en pointe au midi, jusqu'à l'étoile du nord; d'un côté aussi vers le midi, à la rive extérieure du boulevard de la nouvelle enceinte, et d'autre côté vers le nord, aux murs du bois de Boulogne et par enclave à la paroisse de Villiers-la-Garenne :
« Déclare que les propriétaires et habitants de terrains et maisons situés dans les différents points de cet arrondissement, dépendent, tant pour l'exercice de leurs droits de citoyens, que pour leur contribution aux impôts, des différentes municipalités entre lesquelles ils se trouvent partagés, et dont la juridiction s'étendra jusqu'à la distance réservée de quiuze toises pour l'isolement des nouveaux murs. »
rend compte, au nom des comités ecclésiastique et d'aliénation réunis, de la dénonciation faite par le directoire du département de Saône-et-Loire contre les religieux de Vabbaye de Cluny, accusés de malversations dans la régie et adminitrations des biens de cette ci-devant abbaye. 11 lit un projet de décret.
(de Saint-Jean-d'Angely) propose un article additionnel qui a pour objet de décréter, que conformément aux lois déjà portées les religieux seront punis d'après les informations prises par le directoire de département.
, ci-devant de Roquefort, soutient que les malversations que l'on impute aux religieux de Cluny sont de la seule compétence des juges des tribunaux de district; que ces derniers sont les dépositaires des lois qui ont été portées;que c'estàeux seuls qu'appartient le droit de les faire exécuter; que ce n'est que par-devant ces tribunaux que les religieux soupçonnés peuvent être renvoyés; qu'ils seront punis s'ils sont coupables, mais" aussi qu'ils ont le droit de manifester leur innocence si l'accusation n'est pas fondée.
Il demande, par amendement, qu'il soit dit dans le décret qu'à la requête du procureur général syndic du département, les accusés des dilapidations, soustractions, seront poursuivis par le tribunal de district aux formes de droit.
(Get amendement est adopté.)
Le décret est ensuite rendu ainsi qu'il suit :
« L'Assemblée nationale a décrété les articles suivants :
Art". 1er.
« A compter du jour de la notification du pré-
sent décret, les religieux de l'abbaye de Cluny demeurent déchus de tous droits à la régie et administration des biens ci-devant dépendants de ce monasière, nonobstant les dispositions des décret des 14 et 20 avril dernier, et de tous autres semblables, auxquels il est expressément dérogé à l'égard desdits religieux.
Art. 2.
« Néanmoins lesdits religieux conserveront la jouissance des meublés et ustensiles nécessaires pour les besoins communs et l'usage personnel de chacun d'eux, tant qu'ils resteront dans les bâtiments dudit monastère, jusqu'à ce qu'il en ait été autrement ordonné, et sauf à être pourvu s'il y échéaif, par le directoire du département et après l'àçurement du compte qui doit être rendu, au payement de ce qui lèur est attribué par les décrets de l'Assemblée nationale du 13 février et des 8 septembre, et jours suivants, de l'année 1790,
Art. 3.
t Dans un mois à compter de la notification du
g résent décret, lesdits religieux de l'abbaye de luny seront tenus de présenter à la municipalité de Cluny le compte détaillé de la régie et administration qu'ils ont èiie des biens ci-devant dépendants dudit monastère, par recette, dépense et reprise, se chargeant en recette de tous les deniers comptants, crédits, denrées et effets disponibles et existants au 1er janvier 1790, et de tout ce qui a été indûment aliéné depuis ladite époque, pour être ledit compte examiné et contredit, s'il y échéait, par ladite municipalité, rapporté ensuite au directoire du district de Màcon, par lui vérifié, et arrêté définitivement par le directoire du département.
Art. 4.
« Le reliquat qui pourra être reconnu à la charge desditfi religieux, sera versé incontinent dans la caisse du receveur du district; jusqu'à ce, ils ne pourront rien exiger du traitement qui leur est attribué par les décrets de l'Assemblée nationale, ci-dessus mentionnés.
Art. 5.
« Le directoire du district de Mâcon est chargé de pourvoir, sous la surveillance et l'inspection du directoire de département, à la règle et à l'administration des biens ci-devant dépendants de l'abbaye de Cluny, et le produit en sera partiellement versé dans la caisse du receveur de district.
Art. 6.
« Le procureur général syndic du département de Saône-et-Loire poursuivra, devant le tribunal du district de Màcon, la vérification des dilapidations imputées à des religieux de l'abbaye de Cluny, pour faire prononcer, s'il y a lieu, les peines portées par 1a loi.
Art. 7.
« Les directoires de département sont autorisés à interdire toute régie et administration des biens déclarés nationaux, aiix monastères et autres administrateurs provisoires des biens ci-devant ecclésiastiques, qui seront prouvés avoir dilapidé
lesdits biens et malversé dans leur régie, et à leur appliquer les dispositions précédentes; et sera le présent décret incessamment porté à la sanction royale. »
. Le comité d'aliénation m'a chargé de vous annoncer qu'hier la vente des biens nationaux, dans Paris, s'est ouverte par l'adjudication de trois maisons qui ont été portées par les enchères à 156,000 livres ; l'une évaluée 26,380 livres a été vendue 43,100 livres. (On applaudit.)
. L'Assemblée reprend la suite de la discussion sur le titre III de la contribution foncière.
. Le comité vous propose d'évaluer les terrains enclos d'après la même règle que ceux des terrains non enclos, à l'exception de ceux enlevés à la production pour le pur agrément, lesquels seraient évalués au taux des meilleures terres de la communauté.
Nous n'ignorons point que l'estimation de ces objets au plus haut prix des biens de chaque communauté a été proposée il y a quelques années et qu'eile a même été assez universellement bien accueillie; mais nous avons examiné si elle était juste, si elle était utile ; nous avons cru reconnaître qu'elle n'était ni l'un ni l'autre.
Les grands enclos, ceux qui paraissent d'abord n'être que des objets de luxe, sont principalement les parcS; mais ce genre de propriété enlève très peu du sol aux productions utiles; les parcs contiennent des bois taillis, des futaies, des prairies, des étangs. Nous nous sommes demandé pourquoi ces divers genres de produits, qui font partie de ia masse de nos richesses territoriales, et qui peuvent être estimés, d'après la même règle que des objets parfaitement semblables ; nous nous sommes demandé, djs-je, par quelle raison ils devaient supporter une contribution plus forte que celle des terrains non en-Clos, et nous n'avons pu en découvrir aucune : quelques considérations agricoles ont aussi déterminé notre opinion ; j'essaierai de vous les exposer en peu de mots. Il est de fait que le sol de la France nourrit, dans ce moment et depuis très longtemps, un nombre de bestiaux très inférieur aux besoins de son agriculture, de son commerce et de sa consommation. Diverses causes sans doute ont empêché la prospérité de cette importante branche de notre économie rurale; mais il est démontré, pour tous les hommes qui s'en sont occupés avec quelque réflexion et quel* que constance, que ce n'est qu'en augmentant nos clôtures que nous pouvons cesser d'être les tributaires de nos voisins, qui nous fournissent chaque année des bestiaux, des laines, des suifs, des cuirs, que notre sol nous donnerait avec abondance, si notre industrie savait bien les lui demander.
Certainement tous ceux qui ont examiné de près les sources de la prospérité de l'Angleterre n'ignorent pas que ce sont les nombreux troupeaux qu'elle nourrit qui lui fournissent tant de subsistance et tant de matières premières, j)our alimenter ses riches manufactures ; de même c'est cette énorme quantité de bétail qui lui fait obtenir de sa terre une masse de récoltes divers ses que son sol ne semblait point devoir lui donner.
Il n'y a point de doute : c'est principalement à ses enclos que l'Angleterre dpit cette grande
prospérité de son agriculture. îi est certain que sans ses enclos l'éducation des bestiaux, leur engrais, y seraient moins profitables. Ën France nous apercevons que c'est en général dans les pays où il y a le plus de clôtures que les bestiaux sont les plus beaux et les plus nombreux, et nous croyons que c'est à ce moyen que quelques-uns de nos départements doivent une grande partie de leur aisance. Nous pensons donc que l'intérêt de l'agriculture et du commerce exige impérieusement que les enclos soient favorisés ; et cependant nous ne demandons poureux qu'une justice rigoureuse, celle de n'être imposés que d'après les mêmes règles que les biens, de même nature et de même produit.
Une considération qui doit encore vous déterminer à ne point surcharger les terrains clos, c'est que, d'après vos lois mêmes et la nature des choses, la propriété n'est parfaitement complète que lorsqU elle est Close, et que ce n'est que dans Celles ainsi disposées que l'on peut s'occuper avec succès et profit de diverses cultures précieuses. L'on peut encore ajouter qu'il est bien nécessaire, dans ce moment, de ne point priver, surtout par une mauvaise loi fiscale et antiagricole, la classe très nombreuse des ouvriers des salaires qu'elle trouverait dans l'augmentation et l'entretien des clôtures. Il ne faut point mettre un obstacle à un meilleur emploi de notre sol et de nos capitaux, en laissant inutiles, à charge et même dangereux à la société, des bras prêts à la servir. Surcharger les terrains clos, c'est en diminuer la valeur, c'est les détruire au lieu de les augmenter, et accroître sans justice, momentanément et de très peu, le produit des contributions.
Si quelques parcs sont presque uniquement des objets de luxe, en général ils ne diminuent guère la masse des productions, et l'effet nécessaire de la Constitution étant de fixer, plus que par le passé, les grands propriétaires à la campagne, les terrains qui entourent leurs demeures seront probablement bien plus utilement employés. Une partie de cet article pourra paraître inutile à quelques personnes, puisque c'est une répétition détaillée de l'article qui assujettit, sans aucune exception, à la contribution foncière ces propriétés diverses. Mais le comité a observé que dans beaucoup d'endroits l'on a passé d'un extrême à l'autre. En 1788 les parcs des privilégiés ne payaient aucun impôt; pour les six mois de 1789 et pour 1790, dans quelques endroits où ils ont été évalués au double des meilleures terres non closes, sans égard à leur revenu, et cela uniquement par rapport aux clôtures. Vous n'avez point assujetti à l'impôt les bâtiments servant aux exploitations rurales, et certainement vous ne voudrez point y assujettir les murailles qui servent à l'amélioration des terres, et dont l'Etat retire réellement de grands avantages par l'augmentation des récoltes, ët, par une suite nécessaire, par l'augmentation même des revenus soumis à l'impôt. Il a paru également utile à votre comité d'éloigner les inquiétudes de ceux qui possèdent de vastes clôtures, et qui auraient dû les détruire; mais bien plus encore d'encourager ces travaux qui peuvent tant vivifier nos campagnes.
Quant aux parties des enclos enlevés aux productions utiles pour Je pur agrément, votre comité a senti que leur évaluation serait souvent impossible; il a pensé que le luxe ou la fantaisie ne méritant pas les ménagements dus aux emplois utiles, ces enclos devaient être imposés au taux le plus haut des terres de la communauté ; en
conséquence, il a l'honneur de vous proposer les trois articles suivants qui deviendraient
Art; 1èr (art. 13).
« Les terrains enclos seront évalués d'après les mêmes règles et dans les mêmes proportions que les terrains non enclos, donnant le même genre de productions; les terrains enlevés à la culture pour 1e pur agrément seront évalués au taux des meilleures terres labourables de la communauté.
Al-t. 2 (art. 14).
« L'évaluation des bois en coupe réglée sera faite d'après le prix moyen ae leur coupe annuelle.
Art. 3 (art. 15).
« L'évaluation des bois et taillis qui he sont pas en Coupe réglée sera faite d'après leur comparaison avec les autres bois de la communauté ou du canton. »
Le comité me chargé de vous proposer deux articles relatifs au mode d'imposition. Les voici :
Art. l«r (art. 16),
« D'après les évaluations, les officiers municipaux procéderont", aussitôt que le mandement du directoire de district leur sera parvend, à la confection du projet de rôle, conformément aux instructions au directoire de département, qui seront jointes au mandement, et seront tenus de faire parvenir le projet de rôle, arrêté et signé par eux, au directoire dé district dans le délai de quinze jours, à compter de la date dudit mandement; la forme des rôles, de leur envoi, de lebr dépôt, ét dë la manière dont ils seront rendus exécutoires, sera réglée par l'instruction de l'Assembléë nationale.
Art. 2 (art. 17).
« Les administrations de département et de district surveilleront et presseront, avec la plus grande activité, toutes les opérations Ci-dèssus prescrites aux municipalités. » (Ces cinq articles sont adoptés sans opposition.)
, rapporteur du Comité des finances. rend compte d'une pétition du département de la Mosellé, qui demande que les commissaires ci-devant établis pour l'assiette des impositions dans ce département continuent, pendant cette année, la répartition dont ils étaient chargés.
Le comité propose Un projet de décret qui est adopté en ces termes :
« L'Assemblée nationale, sur le rapport de son comité des finances, instruite des motifs qui avaient déterminé la commission intermédiaire provinciale des Trois-Evêchés à n'ordonner l'imposition que pour les six premiers mois de 1790, prenant en considération les mêmes mottfS qui avaient pour objet : 1° de se réserver la faculté d'établir une proportion plus équitable, si l'expérience apprenait au'eUe n'eût pas été maintenue par les bases qu'elle avait fixées;
o 2° De laisser au bureau intermédiaire des districts le temps nécessaire à l'effet de se pro-
curer tous les éclaircissements dont ils pouvaient avoir besoin pour perfectionner leur travail;
« 3° De s'assurer un moyen de répartir en moins-imposé le produit du rôle de supplément des six derniers mois de 1789, qui n'était point encore connu, et qui ne pouvait l'être qu'après que les demandes en surtaxe auraient été jugées;
« L'Assemblée, considérant que ces motifs subsistent encore, et ayant égard à la demande du directoire du département de la Moselle, autorise les anciens administrateurs de la ci-devant province des Trois-Evêchés à procéder au travail
ui reste à faire pour consommer la répartition
es impositions de l'année 1790, tant dans le département de la Moselle que dans 6eux de la Meurthe, des Vosges, de la Meuse et des Arden-nes qui composaient ladite province ; après laquelle opération cesseront toutes les fonctions desdits administrateurs anciens. »
, au nom du comité de l'imposition, fait le rapport suivant sur la contribution personnelle.
Messieurs, vous avez consacré, dans la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, les principes qui devaient diriger nos travaux.
« Une contribution commune est indispensa-: « ble, elle doit être également répartie entre tous « les citoyens en raison de leurs facultés. » (Déclaration des droits, art. 21.)
Telle est la loi que nous n'avons pas perdue de vue, et dont nous avons cherché à faire la plus juste application.
Le. plan de contribution foncière que nous vous avons proposé, en remplacement de plusieurs impôts qui portaient sur les terres, est propre à faire payer, par toutes les propriétés foncières, une contribution commune et également répartie en raison de leurs revenus.
Il n'est pas aussi facile d'établir une contribution commune et égale sur les autres facultés des citoyens ; la capitation arbitraire, la taille personnelle, 1e vingtième d'industrie, celui des offices et droits étaient autant d'impôts personnels directs.
Plusieurs impôts indirects portaient aussi en partie sur les mêmes facultés ; la gabelle, les droits sur les cuirs et amidons, sur les fers, sur les huiles étaient souvent payés du seul produit des facultés personnelles.
La suppression de ces impôts indirects et la nécessité de leur substituer, et aux divers impôts personnels directs, une seule contribution personnelle, a fait l'objet de nos méditations.
Nous avons examiné plusieurs plans qui nous ont été présentés ; nous avons également discuté ceux qui ont été livrés au public; nous avons enfin cherché, dans les systèmes de finances des autres nations de l'Europe, les dispositions qui auraient pu nous convenir.
Parmi les plans dont nous avons pris connaissance, les uns, enfantés par l'esprit de système, présentent un seul impôt, ou sur la denrée de première nécessité, ou sur les personnes, en les classant suivant leurs professions; les autres ne donnent, pour la répartition, d'autre ressource que l'arbitraire.
Nous avons pensé, Messieurs, que des moyens mesurés, mais efficaces, étaient préférables à des systèmes éblouissants qui ne serviraient qu'à répandre le trouble et la défiance.
Nous n'avons pas cru aussi pouvoir adopter une contribution personnelle sans autre base que
la diversité de possession ou l'arbitraire qui existait pour la capitation, et moins encore aurions-nous voulu vous proposer de vous en rapporter aux déclarations des contribuables.
Il est sans doute dans l'ordre des choses possibles qu'une société soit composée de membres, si pénétrés de patriotisme et de désintéresement, que par de contributions volontaires ils fassent les fonds nécessaires pour la dépense publique ; mais ce n'est pas sur cette possibilité que nous aurions osé nous appuyer.
En effet, Messieurs, toutes les fois que l'assiette d'une contribution dépend de la déclaration des contribuables, elle est payée scrupuleusement par les bons citoyens; mais il en est d'autres qui ne craignent pas de s'y soustraire par de fausses déclarations.
De là résulte généralement une inégalité d'autant plus fâcheuse, qu'elle surcharge les bons et profite aux mauvais.
D'un autre côté, si la répartition est abandonnée à la volonté arbitraire d'un seul homme ou de plusieurs, c'est exposer le contribuable à une guerre continuelle, et ne lui laisser aucun moyen d'obtenir justice : il aura beau réclamer, ses réclamations seront sans fruit : et comment pourrait-il les faire valoir avec succès contre un répartiteur qui n'aurait besoin, pour soutenir son injustice, que d'en appeler à son opinion, et pourrait refuser de discuter les bases ae la répartition qu'on lui reprocherait?
Vous voulez, Messieurs, qu'en matière de contributions comme en toute autre, chaque citoyen qui se croira fondé à réclamer le puisse faire", et ait tous les moyens d'obtenir justice; il faut donc que ceux qui auront à juger les réclamations contre la répartition de la contribution personnelle, sachent quelle a dû être la base de cette contribution; il faut que cette base ne soit pas incertaine, et il est impossible de perpétuer l'ancien régime arbitraire.
Nous ne nous sommes pas dissimulé, Messieurs, combien notre tâche devenait pénible. Il est si aisé de cacher les facultés mobilières, il est si dangereux de décourager l'industrie, en taxant l'artisan, que nous nous attendons à voir notre travail exposé aux plus amères critiques.
Mais les contributions sont indispensables; il faut pourvoir aux besoins publics, la contribution personnelle peut servir de ressources ; elle devient même indispensable pour faire contribuer aux dépenses publiques toutes les richesses mobilières ; nous avons cherché tous les moyens de les atteindre en écartant tout ce qui pouvait tenir à l'arbitraire.
C'est dans cet esprit, Messieurs, que nous avons formé le plan de contribution personnelle que vous avez à discuter, et dont je vais développer les dispositions.
Compte du projet de décret.
Nous avons suivi pour la contribution personnelle la même marche que pour la contribution foncière. Notre projet est divisé en cinq titres : le premier, des dispositions générales qui déterminent les bases de la contribution ; Je deuxième,de sa quotité pour 1791 ; le troisième,de son assiette; le quatrième,des décharges et réductions ; et le cinquième, de la perception ou recouvrements.
TITRE Ier.
Art. Ier et 5. La somme sera fixée par chaque législature.
Les dispositions du premier titre demandent, Messieurs, toute votre attention. D'abord, nous avons cru qu'aucune contribution directe ne serait consentie par l'Assemblée nationale et par les législatures qu'en somme fixe et déterminée chaque année.
S'il en était autrement, il pourrait arriver ou que le Trésor public ne recouvrerait pas de quoi faire face aux dépenses, ou que les peuples seraient surchargés d'un excédant de perception.
Ces inconvénients démontrent la nécessité de la disposition du premier article.
Art. 2, 3 et 4. La plus forte partie supportable par les richesses mobilières.
Les 2e, 3® et 4* articles n'annoncent que des aperçus faciles à saisir. Il est certain que les contributions étant le payement de la protection publique, tous les citoyens qui n'ont pas de propriétés foncières n'en doivent pas moins partager cette dépense en raison de leurs facultés mobilières.
Or, comme les propriétés foncières payent leur part de la dépense au rôle de la contribution foncière, la plus forte partie de la contribution personnelle doit être levée en raison des salaires publics et privés et des revenus d'industrie et de ronds mobiliers qui sont toujours facultés mobilières.
Quant à la partie de la contribution commune à tous, il nous a paru : 1° que le titre précieux de citoyen actif, en rappelant aux Français les avantages de leur Constitution, devait leur rappeler leurs obligations, et nous avons cru entrer dans les vues delà Constitution, de faire payer à chacun des citoyens actifs une contribution directe qui prévienne toute difficulté sur leur qualité ;
2° L'intérêt puissant d'empêcher la dépopulation des campagnes et d'asseoir sur le luxe une partie de la contribution, nous a déterminés à ajouter à la cote de chaque contribuable qui aura des domestiques, des chevaux de selle ou desvoitures, autant de taxes particulières.
Mais l'évaluation des facultés mobilières est l'article qui nous a le plus longtempsarrètés. Tous les moyens présentaient leursmconvénients.Nous avons discuté s'il ne serait pas possible d'évaluer le3 facultés d'après les professions. C'est la base qui fut adoptée lors de l'établissement de la capi-tation. Il nous a paru qu'elle était impraticable pour toutes jes professions industrielles, qui ne reçoivent pas chaque année un salaire fixe.
Personne n'ignore combien sont différentes les facultés de chaque individu des diverses professions.
Nous n'avons pas cru qu'il fût possible de se contenter des déclarations des contribuables, ou de laisser aux répartiteurs le droit de taxer arbitrairement. Je vous ai développé les motifs qui nous ont éloignés d'adopter ces mesures, et nous avons'pensé, Messieurs, que la base d'évaluation la moins fautive et la seule générale serait le loyer d'habitation.
Tous les hommes ont besoin, surtout dans notre climat, de se garantir des injures du temps;
chacun satisfait à ce besoin avec plus ou moins de dépense en raison de ses facultés ; s'il se trouve des hommes qui, par avarice, renoncent aux commodités que leurs facultés leur permettraient de se procurer, il faut bien renoncer à les faire contribuer comme ils le devraient. N'a-t-il pas toujours été ^impossible d'atteindre l'avare ? et s'il n'échappe pas à l'impôt de consommation, la part qu'il en paye n'est-elle pas nulle en raison de ses facultés? 1
On peut nous faire des objections ; mais je le répète, Messieurs, nous avons reconnu l'impossibilité de prévenir tous les inconvénients. Vous verrez dans les articles du titre II, que nous avons cherché à réparer ce que la base que nous vous proposons présente de sujet à l'erreur, et nous recevrions avec reconnaissance un plan plus propre que le nôtre à assurer le produit de la contribution sans violer vos principes.
Art. 6, 7, 8, 9. Fonds de non-valeurs pour les décharges, obligation aux corps administratifs de répartir la cote de leurs contribuables.
Les quatre derniers articles du premier titre renferment des dispositions dont l'utilité et la justice sont faciles à reconnaître. Il faut un fonds de non-valeurs si l'on veut que le Trésor public puisse compter sur une rentrée fixe, autrement les réductions prononcées soit pour cause d'excès de taxation, soit en raison d'accidents fortuits, réductions qu'on ne peut jamais calculer d'avance, diminueraient la sommesur laquelle aurait compté le Trésor public.
11 faut que le fonds des non-valeurs soit partagé entre la caisse du département et la caisse nationale, afin que le contribuable puisse, dans les cas ordinaires, trouver dans, ia caisse du département le montant de sa décharge, et que la législature puisse accorder les décharges dues à un département ou les secours nécessaires à tout un territoire qui aurait éprouvé une calamité publique.
Enfin, il faut que les administrations ne puissent se dispenser de faire la répartition, et que personne aussi né puisse se dispenser de payer, même sous prétexte de réclamation ; et cela doit être exécuté sans peine, puisque chacun sera sûr d'obtenir son indemnité sur le fonds des non-valeurs, toutes les fois que les réclamations seront fondées.
Vous remarquerez sans doute, Messieurs, ia différence de ce plan à celui que nous vous avons proposé dans le projet de contribution foncière pour le fonds des non-valeurs.
Mais je dois vous observer que nous avons reconnu qu'il serait difficile de percevoir le fonds à faire pour les non-valeurs par des additions de sous ou deniers pour livre sur la contribution personnelle, qui, étant formée de diverses taxations, ne présentait pàs une base unique comme la contribution foncière.
Nous nous sommes ensuite déterminés à ne remettre à la disposition de la législature que la moitié du fonds des non-valeurs, parce que les décharges et réductions sur la contribution personnelle étant rarement l'effet de l'intempérie des saisons qui souvent désole un territoire considérable, il y aura moins à recourir à la législature pour les réductions sur cette contribution, que pour celles sur la contribution foncière.
TITRE IL
Le second titre de notre projet demande un examen particulier.
Art. ler. Quotité pour 1791.
Nous n'avons pas déterminé la somme à asseoir en contribution personnelle, parce que nous ignorons encore le montant de nos besoins, et qu'elle doit y être relative. Nous pensons même que vous ne la fixerez qu'après avoir discuté les impôts indirects, et calculé ce que vous en devez attendre.
Nous devons cependant, Messieurs, vous dire que la contribution personnelle, destinée à remplacer la capitation, l'industrie, la taille personnelle, et quelques impôts indirects qui portaient en tout ou en partie sur les facultés personnelles, devrait, dans le système d'un simple remplacement, s'élever de 70 à 72 millions, et que si vous cédez au désir d'éteindre toutes gènes et vexations dans la perception des impôts indirects, vous pouvez être contraints de la porter à cent millions.
Art. 2. Répartition entre les 83 départements.
Quant à la répartition entre les départements, nous ne pouvons encore vous proposer que des aperçus. Nous prenons toutes les mesures qui peuvent nous conduire à connaître ce que payait chaque partie du royaume, quelle est sa population, son territoire, son genre de culture, son commerce, et nous vous soumettrons, aussitôt que vousaprez prononcé sur nos projets, les bases de répartition qui nous auront paru les plus propres a atteindre l'égalité.
Nous vous proposons de faire payer à tout citoyen qui aura de droit le titre, ou prétendra devoir jouir des droits de citoyen actif, la valeur de trois journées de travail, et de faire déterminer le taux des journées par chaque district pour les municipalités de son territoire.
Il est une de ces dispositions qui exige quelques explications.
Nous avons pensé que la contribution ne devait être assise que sur le revenu qui n'est pas indis-pensabiemettt nécessaire à la conservation de l'individu, et que ce serait prendre sur le nécessaire absolu, que de demander une contribution à celui qui ne gagne que le plus médiocre salaire, et n'a d'autre habitation que celle indispensable. Nous vous proposons de n'asseoir aucune taxe sur les citoyens qui sont dans ce câs.
Mais il pourrait arriver qu'on voulût ranger dans cette classe un ouvrier qui, jaloux des droits précieux de citoyen actif* aurait aussi des moyens suffisants, quoique ignorés, de payer la contribution, et déclarerait qu'il est en état de la supporter. Il serait injuste de ne pas s'en fier à sa déclaration. Nous avons même pensé que rien n'est plus intéressant que d'attacher tous les Français à un titre qu'ils doivent chérir, et que sa contribution voloutaire était une présomption toujours favorable de l'honnêteté au citoyen, et devait déterminer la patrie à lui en accorder tous les droits. Tels sont les motifs qui nous out convaincus de la nécessité d'adopter la déclaration de ceux qui se soumettront à la contribution civique.
Nous n'avons pas redouté l'inconvénient de voir
les riches fournir la contribution des pauvres pour s'en faire des créatures. Ce n'est pas au moment des élections que eé feront les rôles; et celui qui le matin achète des suffrages pour le soir, ne songera pas à les acheter plusieurs mois d'avance.
Enfin, s'il fallait ajouter quelques précautions, vous pouvez, dans les règlements postérieurs, ordonner que tous ceux qui payeront Volontairement l'a contribution civique ne commenceront à jouir des droits de citoyen actif, que lorsqu'ils pourront en représenter les quittances de trois années successives.
En vous proposant, Messieurs, dé prendre pour base de la contribution personnelle, l'habitation, je ne vous ai pas dissimulé que cette base pouvait avoir des inconvénients; c'est pour y remédier, autant que nous l'avons pu, que nous avons fait différents tarifs joints au présent.
Ces tarifs sont au nombre de sept : un, pour les municipalités de campagnes; cinq, pour les différentes villes, lesquelles sont distinguées à raison de leur population; et le septième, pour la ville de Paris.
Chaque tarif présente, à raison de la différence des loyers, une progression croissante; progression que nous croyons indispensable de vous proposer, parce qu'il est reconnu que le pativré prér lève sur son revenu une somme plus forte pour la dépense de son loyer; et comme c'est sur le revenu que l'imposition doit porter, il est dès lors nécessaire, pour la rendre toujours proportionnelle au revenu, qu'en prenant pour base de l'indication des facultés, une nature de dépense qui est d autant plus forte, quo le revenu est plus faible, la progression du taux de l'imposition, fait en raison inverse du rapport de cette naturô de dépense avec le revenu sur lequel elle est prélevée, . #
Une autre considération non moins décisive en faveur de cette progression, résulte des dispositions que nous vous proposons à l'égard des pères de familles nombreuses; nous avons consi-? aéré que leur habitation était nécessairement plus dispendieuse, et que leurs facultés étaient souvent diminuées plutôt que d'être augmentées par le nombre des enfants; nous désirons que vous adoptiez la diminution proposée en leur faveur, et le même motif nous fait souhaiter que vous adoptiez la progression qui doit porter sur l'opulence.
Vous pourriez d'autaut moins balancer, que cette progression est le seul moyen de compenser, au,profit du pauvre, ce qu'il paye dans l'impôt indirect ou de consommation au-desstis de la proportion de ses facultés. On ne peutse dissimuler qu'il a les mêmes besoins de première nécessite que l'homme opulent ; il payedonc en égalité avec celui-ci les droits sur ces objets de consommation ; et comme il vous serait impossible de détruire cette injustice, vous saisirez l'occasion de la réparer.
Nous pourrions enfin ajouter qu'il est un terme au delà duquel l'habitation devient un véritable luxe; et d'après le vœu tant de fois formé par cette Assemblée de faire supporter l'impôt par le luxe, nous avons cru entrer dans vos vues, en adoptant une progression croissante.
Nous avons fixé le tarif dans des termes modérés, parce nous n'avons pas craint que les produits restassent au-dessous du besoin, puisqu'il faudra toujours que la somme déterminée soit acquittée.
C'est encore, Messieurs, dans la vue d'atteindre
le luxe, que nous vous proposons d'ajouter à l'article de chaque contribuable une taxe additionnelle en raison des domestiques mâles, et des chevaux de selle ou de voiture.
Art. 5.
Il nous a paru qu'il serait trop rigoureux de comprendreles femmes dans la disposition que nous vous proposons, parce qu'on ne peut laisser trop de ressource à ce sexe faible, et qu'il serait à désirer qu'on préférât leur service, et qu'on laissât à la culture des hommes que la nature y a destinés.
Nous avons fixé progressivement de 2 à 6 livres la taxe à raison des domestiques mâles, et nous en avons excepté les domestiques destinés à la culture des cnamps, et les compagnons et apprentis ouvriers.
Des considérations, que vous saisirez comme nous, ne permettent pas de les comprendre daps l'article ; ce serait arrêter l'industrie dans sa source, et marcher directement contre votre intention qui n'est que d'atteindre le luxe.
Nous n'avons porté qu'à 2 livres la taxe en raison d'un premier domestique,_ parce qu'il peut souvent arriver que les infirmités ou d'autres causes puissantes forcent un citoyen peu aisé de prendre un domestique»
Nous n'avons pas élevé la progression au-dessus de 6 livres, parce que la porter plus loin nous a paru propre à faire naîtredes inconvénients; sans être utile au Trésor public, le luxe se tournerait vers d'autres objets si on surchargeait celui-ci ; beaucoup de domestiques pourraient être ren* voyés et se trouver sans place et sans ressources. Ce n'est qu'avec une sage lenteur qu'il faut amener les réformes que le bien public exige.
Nous avons fixé à 3 livres la taxe en raison d'un cheval de selle, et à Ijvres celle en raison d'un cheval de voiture;
La différence entre ces deux taxes paraît frappante; mais nous ne l'avons adoptée qu'après y avoir mûrement réfléchi. Un cheval de Belle est souvent plutôt de nécessité que de luxe, le cheval de voiture est toujours un signe d'opulence et presque toujours un objet de luxe.
Sur cet article, Messieurs, il vous paraîtra peUt-être qu'on eût dû vous proposer une plus forte taxation ; mais nous ne cesserons de repéter que tout objet de luxe doit être modérément taxé, si l'on ne veut qu'il soit entièrement abandonné.
La disposition de l'article 6 du second titre exige un compte particulier des motifs qui nous engagent à limiter à douze deniers pour livre de leur montant la contribution sur les revenus d'industrie et de richesses mobilières.
Il doit vous paraître, au premier aperçu, fort étrange que le taux soit aussi médiocre, lorsque la contribution des revenus fonciers vous est proposée du sixième au septième de leur montant.
Mais en vous proposant le prix de loyer comme la base la plus sûre de la contribution personnelle, nous ne vous avons point dissimulé que nous ne la regardions que comme l'indication la plus vraisemblable des revenus d'industrie et des richesses mobilières ; et, de plus, il est sage de ne pas asseoir une trop forte contribution sur une base qui ne consiste que dans la plus forte présomp^ tion possible.
Il faut aussi que vous veuilliez bien considérer que, par l'effet de la progression du taux, la contribution du contribuable, purement capitaliste, se trouvera très augmentée par comparaison à
l'ancien ordre de choses, comme yous pourrez vous en convaincre par les exemples joints au présent rapport.
Enfin les droits de timbre et tous autres drojts accidentels atteignent plus spécialement les richesses mobilières, et se compensent avec ce qu'elles n'ont pas payé directement.
Art. 7.
Quant à l'article 7, il ne présente, Messieurs, que le résultat d'une opération de calcul. Dans le tarif des loyers,nous avons suivi une progression relative à la fortune présumée du contribuable^ de telle manière que la cote d'habitation, résultant de ces taux différents, se trouvera dans une proportion uniforme avec le revenu présumé du contribuable, c'est-à-dire formant toujours la trois centième partie de ce revenu. Or, pour tirer le sol pour livre du revenu, on parviendra toujours au même résultat, soit que l'on multiplie la cote d'habitation par trois cents fois pour trouver d'abord le revenu, et en tirer ensuite le sol pour livre, soit que l'on multiplie sur-le-champ cette cote d'habitation par quinze fois, en franchissant l'opération intermédiaire, attendu que quinze est la vingtième partie de trois cents, comme le sol est la vingtième partie de la livre.
Nous vous proposons cette dernière formule comme la plus simple; et il sera d'ailleurs facile aux directoires de département de faire dresser, pour les municipalités de campagne, des tableaux où les calculs se trouveront tout faits et indiqués.
L'article suivant, relatif à la réduction accordée aux propriétaires fonciers, est facile à concevoir; un exemple suffit pour le rendre sensible.
Art. 8,
Deux citoyens se procurent le même revenu de 3,000 livres; l'un par son industrie, L'autre par le produit de propriétés foncières.
L'un et l'autre ont un loyer de 300 livres, leur revenu est présumé le même, ils payent l'un et l'autre la cote de citoyen actif ; et si l'on faisait payer au propriétaire foncier le vingtième de son revenu à sa cote d'industrie et de richésses mobilières lorsqu'il a déjà payé la contribution foncière, et que l'autre contribuable n?a rien payé, ce serait une véritable injustice. Cette cote ne doit être payée que par les revenus qui n'ont pas contribué, ce sont les seuls revenus d'industrie et de richesses mobilières; ainsi, nous ne vous proposons, dans l'article 8, qu'une disposition de la plus rigoureuse justice.
Art. 9.
L'article 9 devenait nécessaire d'après la fixation de la contribution personnelle. Il faudra eu effet qu'en décrétant 100 millions ou tonte autre somme, cette contribution se divise entré les départements, les districts et les municipalités, toujours par somme fixe.
Supposons maintenant une municipalité à qui l'on donne pour sa quote-part dans la contribu? tiou personnelle 4*000 livres; elle aura un rôle à plusieurs colonnes pour porter à l'article de chaque contribuable sa cote de citoyen actif, celle en raison de ses domestiques et de ses chevaux, celle des revenus d'industrie et autres richesses mobilières, et celle d'habitation suivant son tarif.
Il peut arriver que ces diverses taxations ne s'élèvent pas sur le rôle à 4,000 livres, ou qu'elles s'élèvent au-dessus; et la municipalité ne devant contribuer que pour 4,000 livres, mais devant toujours contribuer pour cette somme, ii a fallu lui assurer un moyen de porter sa contribution au taux déterminé, et de même de l'y réduire.
C'est le but de l'article 9, et afin que l'augmentation ou la diminution soient communes à tous, c'est sur une cote commune que se fait l'opération.
Il suffit de jeter un coup d'oeil sur le projet du rôle joint au présent pour reconnaître la facilité de cette opération.
On voit, au surplus, que le motif qui nous a déterminés à ne faire porter l'augmentation ou la diminution que sur la cote de loyer, c'est que les revenus fonciers ayant acquitté la contribution au rôle particulier de la contribution foncière, les revenus d'industrie et de richesses mobilières l'ayant acquittée aussi en particulier au rôle de la contribution personnelle, il est juste que l'augmentation et la diminution soient communes à tous.
Enfin vous devez reconnaître, Messieurs, dans le plan que nous vous proposons, un moyen de parvenir à l'égalité de contribution, autant qu'on peut espérer de l'atteindre en contribution personnelle.
Les mêmes bases de répartitions seront suivies dans tout l'Empire français ; et les rôles fourniront des moyens de comparaison dont les législatures suivantes pourront avantageusement faire usage.
Art. 10. Inscription des non contribuables à la suite du rôle.
L'article 10, qui n'annonce qu'une disposition réglementaire, vous est proposé comme un moyen d'exciter l'émulation parmi les citoyens peu aisés qui chercheront toujours à obtenir le rang de citoyen actif : il fournira d'ailleurs la facilité de connaître la population, et de juger des besoins des communautés chargées de pauvres.
Art. 11. Contribution des salaires publics.
L'article 11 renferme une disposition de précaution devenue indispensable d'après la suppression des retenues qui avaient lieu dans l'ancien régime. Nous avons pensé qu'il serait impossible de concilier des retenues avec la nouvelle Constitution, que ces retenues ne pourraient se faire que par voie d'administration générale, lorsque le recouvrement des impositions directes doit aujourd'hui se faire en entier par chacun des départements. Cette considération est décisive et nous dispense de vous en soumettre plusieurs autres.
Mais comme la présomption cède à la réalité, nous avons pensé que tout salarié public devait être cotisé sur le montant de son traitement, toutes les fois que l'évaluation de ses facultés, d'après la présomption légale, ne s'élèverait pas au taux connu de ce traitement.
Les salariés publics n'auront pas à se plaindre d'une pareille disposition, qui est dans les termes rigoureux de la justice, dès qu'elle ne les assujettit qu'à payer comme les autres citoyens.
Il est vrai que les salariés sans domicile, exempts de l'ancienne retenue, pourraient ne pas payer par la contribution; mais il faut croire
qu'il n'y aura que ceux que des fonctions pénibles et errantes éloigneront de leur patrie, qui ne chercheront pas à y jouir de la qualité et des droits de citoyen actif : il n'y aura pas à regretter qu'ils disposent de tout leur salaire, et il ne sera pas d'ailleurs difficile d'assujettir tout salarié public à représenter sa quittance.
Les articles 12, 13 et 14 sont conçus dans un même esprit, et déterminés par les mêmes motifs.
Art. 12, 13 et 14.
Nous avons considéré qu'un père de famille était obligé d'avoir une plus grande habitation, en raison du nombre de ses enfants, et qu'il y aurait de l'injustice à le faire payer une plus forte contribution, lorsque le célibataire pouvait se contenter d'une moindre habitation avec une plus grande fortune.
Nous espérons, Messieurs, que vous reconnaîtrez la justice de ces motifs sur lesquels nous croyons inutile d'insister.
Les deux derniers articles de ce titre n'ont pas besoin de développement, et ne sont que la suite des dispositions générales.
TITRE III.
Tout le titre III ne renferme aussi que des dispositions conséquentes à celles des premiers; c'est l'application, ou, à vrai dire,Ue mécanisme d'exécution de ces dispositions par les officiers municipaux; et pour vous mettre, Messieurs, en état de juger de la facilité de l'exécution, nous vous présentons un aperçu de la forme des rôles qui seront envoyés aux municipalités.
TITRE IV.
Les dispositions du titre IV sont à peu près les mêmes que celles que nous vous avons proposées pour les décharges et modérations en contribution foncière. Il faut bien assurer aux contribuables une ressource contre l'erreur ou l'injustice des répartiteurs des contributions, et nous ne doutons pas que vous adopterez les mêmes que nous vous proposons dans ce titre.
TITRE V.
Nous voici parvenus au dernier : nous n'avons pas adopté pour la contribution personnelle toutes les dispositions que nous avons proposées par la contribution foncière, elles ne sont pas également applicables à l'une et à l'autre; mais d'abord nous avons pensé que, pour l'économie, il convenait que le même collecteur fût chargé des deux rôles; c'est pour ce motif que nous vous proposons le premier article.
L'inspection des officiers municipaux doit s'étendre également sur le recouvrement des deux rôles, et ce recouvrement doit aussi se faire par mois et par trimestre; mais à défaut de payement, il n'y a pas, comme pour la contribution foncière, une hypothèque permanente; il est même impossible que le collecteur accorde de longs délais sans être exposé à perdre tout espoir de recouvrement par l'émigration du contribuable.
Ces motifs, Messieurs, nous ont déterminés à vous proposer la contrainte dans les meubles et
effets mobilière faute de payement du trimestre.
Vous voyez, Messieurs, par le compte que je viens de vous rendre de notre travail sur la contribution personnelle, que toutes les parties en ont été scrupuleusement examinées dans le comité, qu'il ne s'est déterminé pour les bases qu'il vous propose, que par la considéralion qu'elles lui ont paru inoins imparfaites que toutes les autres.
Ce plan réunit plusieurs avantages non moins intéressants en politique qu'en finances. La contribution du citoyen actif est égale pour tous, et rappelle à tous les citoyens français le premier principe que vous avez consacré : l'égalité civile.
Il atteint particulièrement les revenus purement mobiliers, parce que ces revenus n'ayant encore payé aucune contribution, il fallait leur en faire payer.
Il satisfait à l'opinion de ceux qui désirent une progression croissante ; progression trop rigoureuse en contribution foncière, mais qui est de toute justice en contribution personnelle.
Il réunit, sous une seule perception, une foule d'impôts plus ou moins arbitraires, plus ou moins inquisitifs, et il ne présente point les mêmes inconvénients.
Enfin, telle est la série de notre travail, qu'en adoptant la contribution foncière comme nous vous l'avons proposée, elle pourra servir de contrôle à la contribution personnelle, et celle-ci pourra servir de base pour la perception des droits qui se payaient ci-devant pour les actes, en raison des anciennes qualités auxquelles il faut aujourd'hui substituer une autre base.
Au comité de l'imposition, le 19 octobre 1790.
Signé : Defermon, La Rochefoucauld, Dauchy, Rcederer, Jary, Dupont (de Nemours); d'Allarde, de Talleyrand, évêque d'Autun.
PROJET PE DÉCRET.
TITRE ler.
Articles généraux.
Art. 1er. Il sera établi, à compter du 1er janvier 1794, une
contribution personnelle dont la somme sera déterminée chaque année.
Art. 2. Une partie de cette contribution sera commune à tous les habitants du royaume, de quelque nature que soient leurs revenus ; mais la plus forte sera levée à raison des salaires publics et privés, et des revenus d'industrie et de fonds mobiliers.
Art. 3. La partie de cette contribution commune à tous les habitants aura pour base de répartition, la qualité de citoyen actif, la valeur annuelle de l'habitation, fixée suivant le prix du bail ou l'estimation qui sera faite, les domestiques mâles, les chevaux de selle et de carosses ou cabriolets dans les villes.
Art. 4. La partie qui portera uniquement sur les salaires publics et privés, les revenus d'industrie et de fonds mobiliers, aura pour base ces revenus, évalués d'après la cote des loyers d'habitation.
Art. 5. La législature déterminera, chaque année, la somme de la contribution personnelle, d'après les besoins de l'Etat, et, en la décrétant, en arrêtera le tarif.
Art. 6. Il sera établi un fonds pour remplacer les non-valeurs résultant, soit des décharges et réductions qui auront été prononcées, soit des
remises ou modérations que les accidents fortuits mettront dans le cas d'accorder.
Art. 7. Ce fonds, qui ne pourra être détourné de sa destination, sera formé par une retenue sur la contribution personnelle, et partagé en deux portions : l'une, qui sera la moitié de cette retenue, sera confiée à l'administration de chaque département, et l'autre restera à la disposition de la législature.
Art. 8. Les administrations de département et de district ainsi que les municipalités ne pourront, sous aucun prétexte, et ce, sous peine de forfaiture, se dispenser de répartir la portion contributoire qui leur aura été assignée dans la contribution personnelle ; savoir : aux départements, par un décret de l'Assemblée nationale ou des législatures ; aux districts, par la commission de l'administration de département ; et aux municipalités, par les mandements de l'administration de district. :
Art. 9. Aucun département, aucun district, aucune municipalité, ni aucuns contribuables, ne pourront, sous quelque prétexte que ce soit, même de réclamation contre la répartition, se dispenser de payer la portion contributive qui leur aura été assignée, sauf à faire valoir leurs réclamations, selon les règles qui seront prescrites.
TITRE II.
Contribution personnelle pour 1791.
Art. ler. La contribution personnelle pour l'année 1791 est
fixée à.....
Art. 2. Cette somme sera incessamment répartie entre les départements par un décret particulier.
Art. 3. La partie de la contribution qui sera établie à raison du titre de citoyen actif, sera fixée à la valeur de trois journées de travail, dont le taux sera proposé par chaque district pour les municipalités de son territoire, et arrêté par chaque département : elle sera payée par tous ceux qui auront quelques richesses foncières ou mobilières, ou qui, réduits à leur travail journalier, feront quelque profession qui leur procure un salaire plus fort que celui des ouvriers et manœuvres de la dernière classe. Ceux-ci seront exempts de la payer; mais ils pourront s'obliger à cette contribution civique, en déclarant qu'ils la veulent payer, et ils jouiront des droits de citoyen actif, s'ils réunissent d'ailleurs les autres conditions requises pour être réputé tel.
Art. 4. La partie de la contribution qui sera établie à raison de l'habitation aura pour base le véritable prix du loyer vis-à-vis de locataires, et son estimation vis-à-vis des propriétaires occupant leurs maisons, et sera dans les proportions déterminées par le tarif joint au présent décret.
Art. 5. La partie de contribution, à raison des domestiques mâles et des chevaux de selle et de voiture dans les villes sera payée, d'après le tarif suivant, par chaque contribuable, par addition à son article :
1° Pour un seul domestique, 2 livres ; pour un second, 3 livres ; pour un tro'sième, 6 livres ; et 6 livres pour chacun des autres au-dessus de ce nombre; et ne seront comptés les apprentis et compagnons d'arts et métiers, les domestiques
de charrue et autres destinés uniquement à la culture des champs ;
2° Pour chaque cheval de selle, 3 livres ; et pour chaque cheval de voiture, 12 livres.
Art. 6. La partie de la contribution qui sera établie sur les revenus d'industrie et de richesses mobilières sera de 12 deniers pour livre de leur montant, présumé d'après les loyers.
Art. 7. La cote de cette contribution, tant qu'elle sera fixée aux douze deniers pour livre, sera, pour ceux dont les facultés ne feront en aucune partie le résultat de produits territoriaux, de quinze fois et demi la coté de contribution de loyer.
Art. 8. A l'égard de tous les contribuables qui justifieront être imposés aux rôles des contributions foncières, il leur sera fait, dans le règlement de leur cote, déduction du vingtième de leur revenu fqpcier.
Art. 9. La cote d'habitation indiquée par le tarif ue sera cependant définitivement fixée qu'après les autres ; elle sera susceptible d'augmentation ou de diminution dans chaque communauté, et la municipalité sera toujours obligée d'établir sur cette cote ce qui, après les autres parties de la contribution personnelle, lui restera à répartir en plus ou en moins de la cotisation générale de contribution personnelle.
Art. 10. Les citoyens qui ne sont pas en état de payer la contribution ae citoyen actif, et qui n'auront pas déclaré s'y soumettre, ne seront point taxés au rôle de la contribution personnelle, mais serpnt inscrits soigneusement, et sans excepiion, à la fin du rôle.
Art. 11. Tous ceux qui jouiront d'un traitement public, à quelque titré que ce soit; si lépr loyer d'habitation ne présente pas une évaluation de facultés mobilières aU3Si considérable que ce traitement, seront cotisés, sur leur traitement public, dans la proportion déterminée par l'article 6.
Art. 12. Chaque chef de famille, qui aura chëg lui, ou à sa charge, plus de trois enfants, sera placé dans une classe du tarif annexé au présent, infériëqfé ç}e dèux déniera à celle où' son loyer le ferait plaeèr.
Art. Celui qui aura chez lui, ou à sa charge, plus de six enfants, sera placé dans Une classe inférieure dé trois deqiers.
Art. 14. Le célibataire au-dessus de l'âge de trente-six ans,sera placé dans la classe supérieure de deux deniers à celle où son loyer le placerait.
Art. 15, La cote des gens en pension et des personnes n'ayant d'autre domicile que dans des maisons communes, sera faite à raison du loyer de l'appartement qUe chacun occupera, et elle sera exigible vers le locateur, sauf soq remboursement contre eux.
Art. 16. La portion Coqtributoiré assignée à Chaque, département sera répartie par son admi-? nistration entre les différents districts qui lui sont subordonnés; le contingent, assigné à chaque district, sera pareillement réparti pàt sOn administration* entre ies municipalités de son arrondissement, et [a quote-part assignée à chaque municipalité sera répartie par les officiers munir Cipaux entré tous les habitants, ayant domicile dans le territoire de ia municipalité.
Art. 17. Il sera retenu, pour 1791, dans la totalité du royaume, sur le montant de ia contribution personnelle, six deniers pour livi'e, for-r mant une somme de : et de cette
somme, moitié sera versée au Trésor pbbiiCi et
l'autre restera ^ la disposition de l'administration de cfiaqué département.
TITRE III.
Assiette de la contribution personnelle de 1791.
Art. 1er. Aussitôt que les municipalités auront reçu le présent
décret, et sans attendre le mandement du district, elles formeront un état de tous les
habitants domiciliés dans leur territoire ; elles le feront publier et le déposeront au
greffe de la municipalité, où chacun en pourra prendre connaissance.
Art. 2. Dans la quinzaine qui suivra la publication, tous les habitants feront ou feront faire au secrétariat de la municipalité, et dans la forme qui sera prescrite, une déclaration qui indiquera : 1* s'ils ont ou non la qualité de citoyen actif; 2° la consistance de leur habitation et le montant de son loyer; 36 le nombre de leurs domestiques mâles destinés au service de la maison, et des chevaux de sejle, de carosses et cabriolets dans les villes; 4° enfin, pour ceux qui sont propriétaires, les sommes auxquelles ils auront été taxés pour la contribution foncière, dans quelque lieu que ce puisse être.
Art. 3. Ce délai passé, les officiers municipaux procéderont â l'examen des déclarations, suppléèrent à celles qui n'auront pas été faites ou qui seraient incomplètes, d'après leurs connaissances locales et les preuves qu'ils pourront se procurer.
Art. 4. Aussitôt que ces opérations seront terminées, les officiers municipaux établiront dans le rôle, en leur âme et conscience : 1° la taxe de citoyen actif, pour ceux qui le sont de droit, et de ceux qui ne l'étant pas auront déclaré vouloir payer la contribution civique; 2° la taxe d'habitation pour tous les domiciliés de leur territoire, d'après le prix de location ou son estimation, et conformément au tarif et aux dispositions des articles 11, 12, 13 et 14 du titre précédent; ils ajouteront à l'article de chaque contribuable une taxe relative au nombre de ses domestiques mâles destinés au service de la maison, et de ses chevaux de selle, de carosses et cabriolets, dans les villes; 4° ils taxeront ies revenus d'industrie et de richesses mobilières de chaque contribuable, conformément à l'article 7 du titré il, sauf là déduction des revenus fonciers, suivant l'article 8 ; 5° si, après avoir établi ces différentes cotes, dans l'ordre qui vient d'être prescrit, il restait Un excédant ou un moins imposé à répartir, ladite répartition sera faite, par une colonne particulière, au marc la livre de la cote d habitation, conformément à l'article 9 du titre II.
Art. 5. Les officiers municipaux procéderont, aussitôt que le mandement du directoire de district leur sera parvenu, à la confection du projet de rôle, conformément aux instructions du directoire de département, qui seront jointes au mandement ; et lorsque ce rôle sera termine il sèra déposé, pendant huit jours, au secrétariat de la municipalité où chaque contribuable pourra en prendre connaissance. Après ce délai, les officiers municipaux arrêteront définitivement lé projet, le signeront et l'enverront au directoire ae district.
La forme des rôles, le nombre de leurs expéditions, de leur enyoi, leur dépôt et la manière dont ils seront rendus exécutoires seront réglés par l'instruction de l'Assemblée nationale,
Art. 6. Les administrations de département et de district surveilleront eré presseront avec la plUB grande activité toutes les opérations ci-dessus prescrites au* municipalités.
TITRE IV.
Des demandes en décharge ou réduction.
Art. 1er. Si quelque contribuable se croit lésé dans la
répartition, il adressera, dans la forme qui sera prescrite, une réclamation au directoire de
son district, lequel la communiquera à la municipalité pour décider ensuite sur sa réponse.
Art. 2- Si le contribuable, ou les officiers mu* nicipaux se croient fondés à réclamer contre cette première décision, ils adresseront une requête a^U directoire du département qui, après ravoir comrpuniquée à celui du district, statuera définitivement.
Art. 3. Topte cote réduite par la décision dti directoire de département sera imputée sur le fonds des non-valeurs, établi par l'article 6 d|i titre Ier du présent décret.
Art. 4.- Sj c'est une commune entière qui se croit fondée â réclamer, elle s'adressera fu di^ rectoire de département;la réclamation, envoyée par lui à l'administration du district, sera communiquée àùi Communautés dont le territoire touchera celui de la comjnUnauté réclamante ët il y sera de même statué, cOntradictoirement et défij-nitivemènt, par l'administration du département, sur l'avis de l'administration du district.
Si la réduction de la cotisation est prononcée, la somme excédante sera de même Imputée sUr lë fonds des hon-vàlenrs.
AH. 5. La réclamation d'Upe administration de district, qui se croirait lésée, sera, de même, adressée au directoire du département et communiquée par lui aux autres districts du même département pour y être ensuite statué, contradictoire-ment et définitivement, par l'administration du département, sur le rapport et l'avis de son directoire.
Les administrations de département adresseront, chaque année, à la législature, leurs décisions sur les réclamations des administrations de districts, avec les motifs de ces décisions.
Quant aux réductions accordées aux districts, elles seront aussi imputées sur les fonds des non-valeurs.
Art. 6. Enfin, si c'est une administration de département qui se croit fondée à réclamer, elle s'adressera, par une pétition, à la législature; la pétition sera communiquée aux administrations de départements, dont le territoire touchera celui l'administration réclamante, et il sera ensuite statué contradictoirement par la législature.
L'imputation de la réduction accordée sera de même sur les fonds de non-valeurs.
TITRE V.
De la perception et du recouvrement.
Art. 1er. Il ne sera alloué, pour la perception de la
contribution personnelle, que trois deniers pour livre du montant du rôle, et le recouvrement
en sera toujours fait par celui qui aura pris l'adjudication du rôle de contribution
foncière.
Art. 2. Chaque année, aussitôt que le rôle pour le recouvrement de la contribution personnelle
aura été rendu exécutoire et renvoyé à la municipalité, il sera remis au collecteur du rôle de la contribution foncière.
Art. 3. Les trois deniers pour livre, attribués au collecteur, seront pris par retenue sur le recouvrement effectif.
Art. 4. La cotisation de chaque contribuable sera divisée en douze portions égales, payables le dernier de chaque mois.
Art. 5. Les officiers municipaux pourront, en tout temps, vérifier suf Le rôle, l'état des recouvrements, et les rece^eurs des communautés serotit tenus de verser, chaque mois, dans la caisse du district,, la totalité de leur recette, et d'en représenter un bordereau certifié par les officiers municipaux.
Art. 6. Dans ladite huitaine de chaque trimestre, c'est-à-dire dans la dernière huitaine des mois de mars, juih, septembre ët octobre, il sera fourni, par les receveurs des communautés, un état de tous les contribuables èh retardj lequel, après avoir été visé par les officiers municipaux, 6era publié ët affiché; et faute dë payement dans les huit premiers jours dU rhois suivaUt, lë con^ trlbuable pourra être contraint par saisie de Meubles et effets mobiliers.
Art. 7. La forme des états des contribuables en retard, celle dés saisies et là nature des contraintes seront déterminées par un règlement particulier.
Articles du comité de l'imposition sur la contribua tion personnelle.
(Présentés pendant la discussion.)
Art. Ier. Les loyers dë 10 livres à 120 livres serbùt prêsiimés
être de la moitié au revenu des contribuables.
Ceux de 120 livres à 600 livres , du quart;
Ceux de 600 livres à 1,200 livres , du cin- quième;
Ceux de 1,200 livres à 4,000 livres , du septième 1/2 ou 2/15;
Ceux de 4,000 livres à 8,OOOlivres, du dixième;
Ceux de 8,000 livres et au-dessus, du douzième 1/2 ou 2/25';
" Art. 2. La partie de la contribution qui formera la cote des revenus mobiliers, sera du sol pour livre de leur montant présumé, suivant l'article précédent.
Art. 3. La partie de la contribution qui formera la cote d'habitation, sera du trois centième du revenu présumé , suivant les dispositions précédentes :
Art. 4. Les manouvriers et artisans seront cotisés dans la classe immédiatement inférieure à celle où leur loyer les aurait placés.
Il en sera de même des marchands qui auront des boutiques ouvertes, et à l'égard des commis et employés à appointements fixes dans différents bureaux, ou chez des banquiers, négociants, etc., pourvu que leur loyer n'excède pas ; savoir : pour Paris, 1,200 livres, 800 livres dans les villes de 60,000 âmes, 500 livres dans celles de 30 à 60,000 âmes, 400 livres dans celles de 20 à 30,000 âmes, 200 livres dans celles de 10 à 20,000 âmes, et 100 livres, pour les villes au-dessous de 10,000 âmes.
Au moyen de ces réductions, les uns et les autres ne pourront réclamer celles accordées par les précédents articles.
Art. 5. Nul ne sera taxé à la contribution per-
sonnelle qu'au lieu de sa principale habitation, et sera considérée comme habitation principale, celle dont le loyer sera le plus cher; en conséquence, tout citoyen qui aura plusieurs habitations, sera tenu de les déclarer à chacune des municipalités où elles seront situées : si, au surplus, il a des domestiques et des chevaux dans différentes habitations, chaque municipalité taxera, dans son rôle, ceux qui séjourneront habituellement dans son territoire.
Art. 6. Pour l'année 1791, le revenu foncier de chaque contribuable sera évalué d'après la contribution foncière qu'il aura payée en 1790 ; et quant aux parties du royaume qui n'étaient pas assujetties aux contributions foncières, on recevra la déclaration des propriétaires, pourvu qu'ils l'aient communiquée à la municipalité de la situation des biens et fait certifier par elle.
Art. 7. Le percepteur sera tenu de compter,dans les délais prescrits, soit en argent, soit en ordonnances de décharge et modération, soit enfin en justifiant de l'insolvabilité des contribuables dans la forme qui sera prescrite.
Art. 8. A l'égard de tous les contribuables qui justifieront être imposés aux rôles des contributions foncières ou avoir supporté, .sur les rentes dont ils sont propriétaires par titre publiç, des retenues conformes à ce qui a été décrété pour la contribution foncière, il leur sera fait, dans le règlement de leur cote, une déduction proportionnelle à leur revenu foncier ou aux rentes qui auront supporté les retenues.
L'Assemblée nationale se réserve de Rtatuer sur les réductions à faire aux étrangers résidant en France, et aux Français propriétaires de biens, soit dans les colonies, soit dans l'étranger.
Article additionnel après l'article 9. Dans tous les cas où la diminution à faire serait plus forte
que la cote entière d'habitation, le surplus de la diminution se fera sur la cote de facultés mobilières.
Article additionnel après l'article 11. Tout salarié public dont le traitement annuel excédera 400 livres, ne pourra en toucher aucune portion pour 1792, qu'il ne représente la quittance de sa contribution personnelle de 1791 et ainsi de suite, chaque année.
Article additionnel sur la contribution personnelle. JL)ans les villes, les manouvriers et artisans ne seront cotisés pour la cote d'habitation, qu'à un taux inférieur de 3 deniers au taux de la classe où leur loyer les aurait placés; et par suite ils seront taxés pour leur cote de facultés, d'après leur dite cote d'habitation.
Il en sera de même pour les marchands qui occuperont des boutiques ouvertes et à étal sur la rue; et à l'égard des commis et employés à appointements fixes dans différents bureaux, ou chez des banquiers, négociants, etc., pourvu que leur loyer n'excède pas: savoir, 1,200 livres pour la ville de Paris, 800 livres dans les villes ayant plus de 60,000 âmes, 500 livres dans celles qui ont de 30 à 60,000 âmes, 400 livres dans celles de 20 à 30,000 âmes, 200 livres dans celles de 10 à 20,000 âmes, et. 100 livres pour les villes au-dessous de 10,000 âmes.
Au moyen de cette réduction, les uns et les autres ne pourront réclamer celle accordée aux pères de famille par l'article...
(MM. les députés qui auront quelques observations à faire sur le plan de contribution personnelle, sont invités à les communiquer au comité de l'imposition ; il sera toujours prêt à les recevoir, et la discussion au comité accélérera le travail de l'Assemblée.)
Primixr tarif.
TARIFS POUR ÉTABLIR LA CONTRIBUTION PERSONNELLE.
PREMIER TARIF.
Pour les municipalités des campagnes.
PRIX DU LOYER. NOMBRE DE DENIERS. MONTANT DE L'IMPOSITION d'après le tarif de proportion. REVENU PRÉSUMÉ. PROPORTION du REVENU avec le loyer.
livres . sous, deniers. Un cinquième.
10 livres. 4 deniers pour livre. » 3 4 5o livres.
20 » 6 8 100
30 » 10 » 150
40 » 13 4 200
SO » 16 8 250
60 1 » a 300
80 1 6 8 400
100 6 deniers pour livre. 2 10 » 750 Un septième et demi.
120 3 » » 900
180 4 10 » 1,350
200 5 » » 1,500
220 8 deniers pour livre. 7 6 8 2,200 Un dixième.
240 8 » » 2,400 -
260 8 13 4 2,600
280 9 6 8 2,800
300 10 » » 3,000
320 10 13 4 3,200
340 11 6 8 3,400
360 12 » » .3,600
380 12 13 4 3,800
400 13 6 8 4,000
420 14 » » 4,200
440 14 13 4 4,400
480 16 » > 4,800
500 10 deniers pour livre. 19 16 8 6,250 Un douzième et demi.
520 20 13 4 6,500.
540 21 10 9 6,750
560 22 6 8 7,000
580 23 3 4 . 7,250
600 24 » » 7,500
Quatrième tarif.
SECOND TARIF.
Pour les villes dont la population est au-dessous de dix mille âmes.
PRIX
DU LOYER.
20 livres. §0 40
8° 60
80
400
120
140
180
200 220 240 260 280 300
340 360 380 400 420 440
480 500 520 540 560 580 600 620 660 700 720 740 780 820 860 900
NOMBRE
DE DENIERS.
4 deniers pour livre.
6 deniers pour livre.
8 deniers pour livre.
10 deniers pour livre.
MONTANT
DE L'IMPOSITION d'après le tarif de pfropottion:
livres, sous, deniers.
» 6 8
» 10 »
» 13 4
a ia 8
1 » »
1 6 8
1 13 4
2 3» »
2 6 8
3 » a
5 » »
10 »
6 s 3t
6 10 »
1 » ¥
7 10 »
11 3 8
12 0 $
12 13 *
13 16 8
14 m »
14 13 4
19 $ 4
19 16 8
20 13 4
21 10 »
22 6 8
23 3 à
24 » S
24 16 8
26 10 >
28 3 4
29 » »
29 16 8
31 10 â
33 3 4
34 16 8
36 10 »
REVENU
PRÉSUMÉ.
100 livres. 150 200 250 300 400 500 600 700 90Q
" 1,500 1,650 1,800 1,950 2,100 2,250
3,400 3,600 3,800 4,000 4,200 . 4,.400
6.000 6,250 6,500 5,750 7,000 7,250 7,500 1.750 '8.250 " 8,750 9,000 9,250 9,750 10,250 . 10,780 11,250
PROPORTION du
REVENU
avec le loyer.
Un cinquième.
Un septième et demi.
Un dixième.
Un douzième et demi.
Troisième tarif.
troisième tarif. Pour les villes dont la population est de dix à vingt mille âmes.
prix
DU LOYER.
20 livres. 30 40 50 60 80 100 120
180 200 210 220 240 260
280 300 340 360 380 400 420
440 480 500 520 540 560 580 600 620 660 700
740 780 820 860 900 940 980 1,020 1,060 1,100 1,140 1,180 1,200
nombre
DE DENIERS.
4 deniers pour livre.
6 deniers pour livre.
8 deniers pour livre.
10 deniers pour livre.
1 sou pour llvq.
MONTANT
db l'imposition
d'après Je tarif de proportion.
livres, sous, deniers.
» 6 8
» 10 »
» 13 4
» 16 8
1
1 6 8
1 13 4
2 » »
4 10 »
5 E» »
5 5 »
5 10 »
6 » »
6 10 »
9 6 8
10 » s
11 6 8
12 a »
12 13 4
13 6 8
14 » 9
17 6 8
19 »
19 16 8
20 13 4
21 10 »
22 6 8
23 3 4
24 » »
24 16 8
26 10 »
28 3 4
37 » 9
39 B a
41 » »
43 » »
45 » »
47 » >
49 » »
81 » »
53 S »
55 » a
57 » m
59 » »
60 » »
REVENU
PRÉSUMÉ.
100 livres. 150 200 è50 300 400 .500 600
1,350 1,500 1,575. 1,650 .1,800 1,950 . .
2,800 3,000 . 3,400 3,600 3,800 . 4,000 4,200
5,500 6,000 6,280. 6,500 6,750 7,000 7,250 7,500 . 7,750 8,250 8,750
11,100 11,700 12,300 12,900 13,500 14,100 14,700 15,300 15,900 16,500 17,100. .
17,700 .....
18,000
PROPORTION dq revenu avec le loyer.
Un cinquième.
Un septième et demi.
Un dixième.
Un douzième èt demi.
Un quinzième,
Quatrième tarif.
QUATRIÈME TARIF.
Pour les villes dont la population est de vingt à trente mille âmes.
PRIX
du loyer.
30 livres. 40 50 60 80 100
120 180 200 210 220 240 260 280 300 320 340
380 400 420 440 460 480 500
540 560 580 600 620 660 700 720 740 780 820 860 900
980 1,020 1,060 1,100 1,140 1,180 1,200 1,220 1,260 1,300 1,340 1,380 1,420 1,460 1,500 1,540 1,600 1,700 1,800 1,900 2,000
NOMBRE
DE DENIERS.
* deniers pour livre
I 6 deniers pour livre.
8 deniers pour livre.
10 deniers pour livre.
1 sou pour livre.
MONTANT
DE L'IMPOSITION d'après le tarif de proportion.
livres, sous, deniers.
REVENU
PRÉSUMÉ.
» 10 » 150 livres.
» 13 4 200
» 16 8 250
1 J» » 300
1 6 8 400
1 13 4 500
3 » » 900
4 10 » 1,350
5 s » 1,500
5 S » 1,575
5 10 > 1,650
6 » » 1,800
6 10 » 1,950
7 » » 2,100
7 10 » 2,250
8 » » 2,400
8 10 s 2,550
12 13 4 3,800
13 6 » 4,000
14 » » 4,200
14 13 4 4,400
15 6 8 4,600
16 » » 4,800
16 13 4 5,000
21 10 » 6,750
22 6 8 7,000
23 3 4 7,250
24 « » 7,500
24 16 8 .. 7,750
26 10 » 8,250
28 3 4 8.750
29 » » 9,000
29 16 8 9,250
31 10 » 9,780
33 3 4 10,250
34 16 8 10,750
36 10 » 11,250
49 » » .14,700
51 m » 15,300
53 T) » 15,900
55 » » 16,500
57 » » 17,100
59 » » 17,700
60 » » 18,000
61 » » 18,300
63 » » 18,900
65 » » 19,500
67 » » 20,100
69 » » 20,700
71 9 » 21,300
73 » » 21,900
75 » » 22,500
77 » » 23,100
80 » » 24,000
85 9 » 25,500
90 » » 27,000
95 » • 28,500
100 » » 30,000
PROPORTION du REVENU
avec le loyer.
Un cinquième.
Un septième et demi.
Un dixième.
Un douzième et demi.
Un quinzième.
Cinquième tarif.
CINQUIÈME TARIF.
Pour les villes dont la population est de trente à soixante mille âmes.
PRIX DU LOYER. NOMBRE DE DENIERS. MONTANT DE L'iMPOSITIOn d'après le tarif de proportion. REVENU PRÉSUMÉ. PROPORTION du BEVENU avec le loyer.
livre», sous, deniers.
30 livres. 4 deniers pour livre. » 10 » 150. Un cinquième.
40 » 13 4 200
50 » 16 8 250
60 1 » » 300
80 1 6 8 .;.....400 .....
100 6 deniers pour livre. 2 10 » 750 * . Un septième et demi.
120 3 » » 900
180 4 10 » 1,350
200 5 » » 1,500
210 5 5 » 1,575
220 5 10 » 1,650
240 6 D « 1,800
260 6 10 » 1,950 . .
280 7 » » 2,100
300 7 10 » 2,250
320 3 » » 2,400
340 8 10 » 2,550 .
360 9 » » 2,700
380 9 10 » 2,850
400 10 » » 3,000
440 8 deniers pour livre. 14 13 4 4,400 Un dixième.
460 15 6 8 4,600
480 16 » . » 4,800
500 16- 13' 4 5,000
520 17 6 8 5.200
540 18 » » 5,400
560 18 13 4 . 5,600
580 19 6 8 5,800
600 20 » » 6,000
620 20 13 4 6,200
660 21 39 » 6,600
700 23 6 8 7,000
740 10 deniers pour livre. 29 16 8 9,250 Un douzième et demi.
780 31 10 » 9,750
820 33 3 4 10,250
860 34 16 8 10,750
900 36 10 » 11,250
940 38 3 4 11,750
980 39 16 8 12,250
1,020 i 41 10 » 12,750
1,060 43 3 4 13,250
1,100 44 16 8 13,750
1,140 46 10 » 14,250
1,180 48 3 4 14,750
1,200 49 » » 15,000
1,220 49 16 8 15,250
1,260 51 10 » 15,750
1,300 53 3 4 16,250
1,340 54 16 8 16,750
1,380 56 10 » 17,250
1,420 58 3 4 17,750
1,460 59 16 8 18,250
1,500 61 10 » 18,750
1,600 1 sou pour livre. a 80 » » 24,G00 Un quinzième.
1,700 85 » 25,500
1,800 90c: > » 27,Q00
1,900 95 » » 28,500
2,000 100 » » 30,000
2,100 105 » » 31,500
2,200 110. » » 33,000
î,400 120 » » 36,000
2,600 130 » 39,000
2,800 140 » » 42,000
3,000 150 » » 45,000
4" Série. T. XIX.
Sixième tarif.
SIXIEME TARIF.
Pour les villes de Lyon, Bordeaux, Rouen, Marseille, Nantes, etc., dont la population est de soixante mille âmes et au-dessus.
PRIX DU LOYER. NOMBRE DE DENIERS. MONTANT DE L'IMPOSITION d'après le tarif de proportion. REVENU PRÉSUMÉ. PROPORTION du REVENU avec le loyer.
livres . sous, deniers.
30 livres. 4 deniers pour livre. » 10 » 150 Un cinquième.
40 » 13 4 200
50 » 46 8 250
60 1 » » 300
80 1 6 8 400
100 1 43 4 500
110 1 46 8 550
120 2 a » 600
180 3 » 900
200 3 6 8 1,000
210 3 10 » 4,050
220 3 43 4 1,400
240 4 » » 1,200
280 6 deniers pour livre. 7 » 40 » 2,400 Un septième et demi.
3u0 7 » 2,250
320 8 » » 2,400
340 8 10 » 2,550
360 9 » n 2,700
380 9 10 » 2,850
400 ............... 10 » » 3,000
420 10 40 » 3,450
440 14 » » 3,300
460 11 10 9 3,450
480 12 » » 3,600
500 12 10 a 3,750
520 13 » » 3,900
540 13 10 » 4,050
560 14 » » 4,200
580 14 10 » 4,350
600 15 » » 4,500
660 8 deniers pour livre. 24 » » 6,600 Un dixième.
700 23 6 8 7,000
720 24 » » 7,200
740 24 13 4 7,400
780 26 » » 7,800
820 27 6 8 8,200
860 28 13 4 8,600
900 30 » 3) ' 9,000
940 34 6 8 9,400
980 32 13 4 9,800
1,020 34 » » 40,200
1,060 35 6 8 10,600
1,400 36 13 4 11,000
1,140 37 » » 11,400
1,180 39 6 8 11,800
1,200 40 13 4 12,000
1,220 41 » » 12,200
1,260 42 6 8 12,600
1,300 43 13 4 13.200
1,340 45 » » 13,400
1,380 46 6 8 13,800
1,420 47 13 4 14,200
4,460 48 t» s 44,600
1,500 49 6 8 15,000
1,560 52 » » 15,600
1,600 53 6 8 46,000
1,700 56 13 4 47,000
1,800 60 » » 18,000
2,000 10 deniers pour livre. 82 6 8 25,000 Un douzième et demi.
2,400 86 9 40 26,250
2,200 90 13 4 27,500
2,400 99 » » 30,000
2,600 107 6 8 32,500
2,800 145 43 4 35,000
3,000 124 » 9 37,500
3,200 1 sou pour livre. 160 s » 48,000 Un quinzième.
3,400 170 » » 51,000
3,600 180 » » 54,000
3,800 490 » » 57,000
4,000 200 » » 60,000
4,500 225 » » 67,500
5,000 250 » » 75,000
5,500 275 82,000
6,000 300 » » 90,000
Septième tarif.
SEPTIÈME TARIF.
Pour la ville de Paris.
PRIX DU LOYER. NOMBRE DE DENIERS. MONTANT DE L'IMPOSITION d'après le tarif de proportion. REVENU PRÉSUMÉ. PROPORTION DU REVENU avec le loyer.
livres. sous, deniers.
60 livres. 4 deniers pour livre. 1 » a 300 livres. Un cinquième.
80 1 6 8 400
100 1 13 4 500
HO 1 16 8 550
120 2 a » 600
180 3 9 a 900
200 3 6 8 1,000
210 3 10 » 1,050
220 5 13 4 1,100
240 4 » » 1,200
260 4 6 8 1,300
280 ..... 4 13 4 1,400
300 5 » » 1,500
320 5 6 8 1,600
340 5 13 4 1,700
360 6 » » 1,800
380 6 6 8 1,900
400 6 13 4 2,000
420 7 » » 2,100
440 7 6 8 2,200
460 7 13 4 2,300
500 6 deniers pour livre. 12 10 a 3,750 Un septième et demi.
520 13 9 » 3,900
540 13 » » 4,050
560 14 » » 4,200
580 14 10 » 4,350
600 15 » n 4,500
640 16 » a 4,800
660 16 10 » 4,950
700 17 10 » 5,250
720 18 » » 8,400
740 18 10 » 3,550
780 19 10 n 5,850
820 20 10 a 6,250
660 21 10 » 6,550
900 22 10 a 6,850
940 23 10 » 7,050
1,000 8 deniers pour livre. 33 6 8 10,000 Un dixième.
1,060 35 6 8 10,600
1,100 36 13 4 11,000
1,140 38 » » 11,400
1,180 39 6 8 11,800
1,200 40 » * 12,000
1,220 40 13 4 12,200
1,260 42 » s 12,600
1,300 43 6 8 13,000
1,340 44 13 4 13,400
1,380 46 » » 13,800
1,420 47 6 8 14,200
1,460 48 13 4 14,600
1,500 50 » a 15,000
1,560 52 » a 15,600
1,600 53 6 8 16,000
1,700 56 13 4 17,000
1,800 60 » » 18,000
1,900 63 6 8 19,000
2,000 66 13 4 20,000
2,100 70 a » 21,000
2,400 10 deniers pour livre. 99 » » 30,000 Un douzième et demi.
2,600 107 6 8 32,500
2,800 115 13 4 35,000
3,000 123 10 » 37,500
3,200 131 16 » 40,000
3,400 1 sou pour livre. 170 » 51,000 Un quinzième.
3,600 180 » 54,000
3,800 190 » 9 57,000
4,000 200 a » 60,000
4,800 225 » a 67,000
5,000 250 » 9 75,000
6,000 16 deniers pour livre. 400 a 9 120,000 Un vingtième.
6,500 433 6 8 130,000
7,000 466 13 4 140,000
7,500 500 » 9 150,000
8,000 533 6 8 160,000
8,500 566 13 4 170,000
9,000 600 » a 180,000
9,500 633 6 8 190,000
10,000 666 13 4 200,000
10,500 700 » » «10,000
11,000 733 6 8 120,000
11,500 766 13 4 230,000
12,000 800 » » 240,000
RÉCAPITULATION.
Première page., Deuxième page, Troisième page
On suppose! que les autres ] Quatrième page pagres du rôle/
pasres au roie
s'élèvent à ces 1 Cinquième page.
quotités
Sixième page. Septième page.
TAXE de
CITOYEN
actif.
225
1. s. d.
6 15 »
36 » »
36 » »
38 5 »
27 » »
31 10 »
49 10 »
TAXE !t raison des
domestiques
1. s. d.
16 » »
12 » »
10 » »
12 » »
11 » »
TAXE à raison des chevaux
de selle, de carrosse et
de cabriolet.
75
1. s. d. 27 » »
24 » »
12 » »
6 » »
6 » «
3 » »
87
COTE des
facultés mobilières
et
salaires publics et pri vés.
1. S. d.
325 » 3)
456 » »
434 5 »
526 445 566
7 » 6 »
216 10 1
2,963 16 1
COTE d'habitation
1. s. d.
178 6 8
72 » »
48 » »
96 » »
120 » »
72 » »
87 10 »
643 16 8
EXCEDANT réparti au marc la livre
de
la cote d'habitation
1. s. d.
1 9 9
» 12 »
» 8 »
» 16 »
1 » »
3) 12 3>
33 9 6
7 3
TOTAL.
1. s. d
554 11 !
594 12 3)
537 13 3)
685 8
610 6
684 10 »
332 19 7
4,000
Le présent rôle de la contribution personnelle de la communauté d pour l'année 4.191, montant à la somme totale de quatre mille livres, fait et arrêté par nous officiers municipaux, soussignés.
A
ce
Vu par N , administrateur du directoire du district d , au département d , le présent rôle de la contribution personnelle de la municipalité d , fait par les officiers municipaux de ladite communauté, pour l'année prochaine 1191, ledit rôle montant à la somme de quatre mille livres, laquelle nous avons vérifié être parfaitement conforme à celle portée au mandement par lequel nous avons fixé la contribution personnelle de ladite communauté ; avons arrêté et arrêtons le présent rôle, pour être mis en recouvrement à la susdite somme de , pour la perception des sommes y contenues être faite sur les contribuables y dénommés par le , lequel sera tenu d'en verser exactement le montant entre les mains du receveur du district d , dans les délais prescrits par les lettres patentes du roi, du , sur le décret de l'Assemblée nationale du précédent.
Enjoignons pareillement à tous les contribuables, cotisés dans le présent rôle, d'acquitter, chacun en droit soi, les sommes y contenues, entre les mains dudit collecteur, dans les termes prescrits, sous peine d'y être contraints, conformément aux articles J------Jî--i* ----— -*— f Fait par nous, administrateurs du directoire du district d le mil sept cent quatre-vingt-dix.
du susdit décret, sanctionné par le roi. au département d
MUNICIPALITE D
departement'
d .
district
ROLE DE LA CONTRIBUTION PERSONNELLE
pour l'année 1791
Nous, officiers municipaux de la communauté d , en exécution du mandement, en date du , à nous adressé par messieurs les administrateurs du directoire du district d et qui nous est parvenu le 1790, par lequel mandement la contribution personnelle, à répartir sur tous les contribuables domiciliés dans notre communauté, pour l'année prochaine 1791, a été fixée à la somme de..............................;.....................................i. 4,0001. » s. » d.
Avons d'abord établi la taxe des citoyens actifs qui s'élève à la somme de deux cent vingt-cinq livres, ci...................225 1. .» s. » d.i
2° Celle à raison des domestiques, qui donne un total de soixante-quinze livres, ci.................................. 75 » »
3° Celle à raison des chevaux de selle, etc., dont le total ^ 3,3501. 16 s. de la somme, de quatre-vingt-sept livres, ci............. i.... 87 » »
i" Celle des facultés mobilières qui s'élève à deux mille neuf cent soixante-trois livres seize sous un denier, ci........ 2,963 16 1
3,350 13 16 s 1 d.
Et après avoir soustrait le total desdites sommes, de celle qui a été assignée à notre communauté pour sa contribution personnelle de 1791, avons reconnu qu'il nous restait encore à répartir, pour compléter ladite somme totale de quatre mille livres, celle de...........................................649 1. ; 3 s. 11 d.
Sur laquelle, défalquant le montant des cotes d'habitation, qui est de................................................. 643 16 8 643 16il ne nous est plus resté qu'un excédant de..... ............. 5 7 3
Lequel excédant, à répartir au marc la livre des cotes d'habitation, revient aux deux deniers du montant desdites cotes, ci............................................... 5 7
Total ..... i.........*.,....;......................i:.........t. . 4,0001. » s.
En conséquence, nous avons procédé à la confection totale du rôle de la contribution personnelle de notre communauté, ainsi qu'il suit :
ÉMARGEMENT des
payements
faits par les contribuables.
NOMS, QUALITE ET DEMEURE des contribuables.
article premier.
Le sieur Jacques Augier, négociant, rue Citoyen actif. — Deux domestiques. — Un
cheval de selle.............................
Total des taxes................
Cote d'habitation.
A raison d'un loyer de 700 livres à 8 deniers..
Cote de facultés........ 350 liv.
Sur quoi déduire le vingtième d'un revenu en biens-fonds de 2,000 livres imposé à la contribution foncière..... 100
1. s. d.
10 5 » 23 6 8
250 liv. 250 » »
Excédant à répartir, revenant aux deux deniers pour livre de la cote d'habitation..........................
» 3 11
283 15 7
article ii.
Le sieur Jean-Pierre Carrier, menuisier, rue . Citoyen actif......................
Cote d'habitation.
A raison d'un loyer de 300 livres à 6 deniers suivant le tarif; mais porté à 4 deniers seulement, ayant enfants..
Cote de facultés Aucun revenu foncier à déduire.
2 5
» »
» »
» »
82 5 10
article iii.
Le sieur Paul Gabriel, journalier, citoyen
actif........................................
N'est susceptible d'aucune autre imposition.
2 5 »
article iv.
La dame veuve Joubert. — Trois domestiques. — Deux chevaux...........................
Cote d*habitation.
A raison d'un loyer de 3,000 livres au sou pour livre.......................................
Cote de facultés......... 2,250 liv.
Sur quoi déduire le vingtième d'un revenu en biens-fonds de 45,00') livres imposé à la contribution foncière.............................. 2,250 liv.
Reste ............. »
Excédant aux deux deniers pour livre..............................
35 » »
150 » »
1 5
186 5 »
TAXE de
citoyen actif, à 15 sous la
journée.
2 5»
2 5»
11 » »
6 15 »
TAXE à raison des
domestiques
1.
s. d.
16
TAXE à raison
des chevaux
de selle, de carrosse ou
cabriolet.
s. d.
3
24
27
COTE des
facultés
mobilières, et
salaires publics et privés.
1. s. d.
250 » »
75
3-25
COTE d'habitation,
1. s. d.
23 6 8
150
178
EXCEDANÏ réparti au marc la livre de la cote d'habitation.
1. s. d.
» » 10
TOTAL
1. s.
283 15
» 3 11 /
82 5
2 5
>186 5
1 5 » / 1 9 "554 il
IMPOSITION COMPAREE
d un contribuable
ne possédant qué des facultés mobilières.
Loyer de dix livres, taxé aux quatre deniers pour livre.
Le nommé Saint-Bon.
Citoyen actif.....................2 5»
Cote d'habitation à raison de dix livres de loyer à quatre deniers pour livre. >> 3 4 Cote de facultés...............2 10 4
Total,
4 18
Loyer de six cents livres, taxé huit deniers pour livre.
Le sieur Constant
Citoyen actif.....................2
Deux domestiques......... 5
Cote d'habitation à raison de six cents livres de loyer, à huit deniers pour
livre..................... 20
Cote de facultés......... 300
Total.
327 5
Loyer de quatre mille livres, d'un sol pour livre.
taxé
Le sieur Léger.
Citoyen actif....................2
Trois domestiques........ 11
deux chevaux............ 24
Cote d'habitation à raison de quatre mille livres de loyer, à un sol pour livre..................... 200
Cote de facultés.........3,000
Total.......... 3,237 5
d'un contribuable
dont les facultés sont partie foncières, partie mobilières.
Même loyer de dix livres, taxé aux quatre deniers pour livre.
Le sieur de Chery.
Citoyen actif..............
Cote d'habitation à raison de dix livres de loyer, à quatre deniers pour livre.
Cote de facultés. 2 10 liv.
Sur quoi déduire le sou pour livre d'un revenu en biens-fonds dë 25 livres imposé à la contribution foncière...... 1 5
Reste.... 1 5
5 > 3 4
Total...
3 13 4
Même loyer de six cents livres, taxé à huit deniers pour livre.
Le sieur Saint-Magloire.
Citoyen actif ...............
Deux domestiques........
Cote d'habitation à raison de six cents livres de loyer, à huit deniers pour
livre....................
Cote de facultés .. 300 liv. Sur quoi déduire le sou pour livre d'un revenu de 4,000 livres imposé à la contribution foncière
2 5
20
Reste...,
Total.
200 100
100
127
Même loyer de quatre mille livres, taxé à un sou pour livre.
Le sieur Allakd.
Citoyen actif............... 2 5»
Trois domestiques......... 11 » »
Deux chevaux.............. 24 » »
Cote d'habitation à raison .de quatre mille livres de loyer, à un sou pour livre. 200 » » Cote de facultés.. 3000 liv. Sur quoi déduire le sou pour livre d'un revenu en biens-fonds de 30,000 livres imposé à la contribution fonc.; 1500
Reste.... 1500 1500 » »
Total..
1737
d'un contribuable dont les facultés sont uniquement foncières.
Même loyer de dix livrestaxé aux quatre deniers pour livre.
Le sieur Amand.
Citoyen actif...............
Cotte d'habitation à raison de dix livres de loyer, à quatre denierspour livre.
Cote de facultés. 2 10 liv.
Sur quoi déduire le sou pour livre d'un revenu en biens - fonds de 50livres, imposé à la contribution fonc. 2 10
2 5
Reste.
Total..
» » 3)
Même loyer de six cents livres, taxé à huit deniers pour livre.
Le sieur Edme.
Citoyen actif..............
Deux domestiques.........
Cote d'habitation à raison de six cents livres de loyer, à huit deniers pour
livre....................
Cote de facultés. 300 liv. Sur quoi deduire le sou pour livre d'un revenu en biens - fonds de 6,000 livres imposé à la contribution foncre.
20
300
Reste.... Total..
27
Même loyer de,quatre mille livres, taxé à un sou pour livre
Le sieur d'ANViLLE.
Citoyen actif.............. 2
Trois domestiques.......... 11
Deux chevaux............. 24
Cote d'habitation à raison de quatre mille livres de loyer, à un sou pour livre. 200 Cote de facultés.. 3,000 liv. Sur quoi déduire le sou pour livre d'un revenu en biens-fonds de 60,000 livres imposé à lacon-tribution foncière.......... 3,000
Reste.... 33 » Total..
IMPOSITION COMPARÉE
d'un contribuable qui n'est dans mcune exception. d'un contribuable ou artisan, ou qui est marchand, ayant boutique ouverte ou étal, ou enfin commis et employé à appointements Axes. d'un contribuable ayant plus de trois enfants. d'un contribuable célibataire.
Loyer de dix livres, taxé aux quatre deniers pour livre. Le nommé Aubry. Citoyen actif..... 2 8 » Cote d'habitation à raison de dix livres de loyer, à quatre deniers pour livre...... » 3 4 Cote de facultés. 2 10 » Même loyer de dix livres, taxé à trois deniers de moins, c'est-à-dire à un denier au lieu de quatre deniers. Le nommé Bertrand, manouvrier. Citoyen actif........ 2 8» Cote d'habitation à raison de dix livres de loyer, à un denier pour livre.. » » 10 Cote de facultés.... » 12 6 Même loyer de dix livres, taxé à deux deniers de moins , c'est-à-dire à deux deniers au lieu de quatre deniers. Le sieur Humbert. Citoyen actif...... 2 8 » Cote d'habitation à raison de dix livres de loyer, à deux deniers p. livre............ » 1 8 Cote de facultés.. 15s Même loyer de dix livres, taxé à deux deniers de plus, c'est-à-dire à six deniers au lieu de quatre deniers. Le sieur Bruno. Citoyen actif...... 2 5 » Cote d'habitation à raison de dix livres de loyer, à six deniers pour livre............ » 8 » Cote de facultés. 3 15 »
Total,... 4 18 4 Total........ 2 18 . Total...... 3 il 8
i i 1 1 Loyer de six cents livres, j. taxé aux huit deniers pour livre. Le sieur Gaillard. Citoyen actif..... 28» Deux domestiques. 8 » » Cote d'habitation à raison de six cents livres de loyer, à huit deniers pour livre. 20 » » Cote de facultés. 300 » » Même loyer de çix cents livres , taxé à trois deniers de moins, c'est-à-dire à cinq deniers au lieu de huit deniers. Le sieur Grandpré, marchand. Citoyen actif........ 2 8 » Deux domestiques.. 8 » » Cote d'habitation à raison de six cents livres de loyer, à cinq deniers pour livre, à cause de son étal.......... 12 10 » Cote de facultés,... 187 10 > Même loyer de six cents livres, taxé à deux deniers de moins, c'est-à-dire à six deniers au lieu de huit deniers. Le sieur Prosper. Citoyen actif...... 2 5 » Un domestique... 2 » » Cote d'habitation à raison de six cents livres de loyer, et à 6 deniers pour livre seulement, ayant plus de. trois en- . fants........... 15 » » Cote de facultés .. 225 » » Même loyer de six cents livres, taxé à deux deniers de plus, c'est-à-dire à dix deniers au lieu de huit deniers. Le sieur Baltazar. Citoyen actif...... 2 5 » Un domestique... 2 » » Cote d'habitation à raison de six cents livres de loyer et de dix deniers pour livre étant célibataire............ 25 y> Cote de facultés.. 375 » »
Total....... 327 5 » Total...... 207 5 » Total.... 244 5 » Total.... 404 s »
Loyer de quatre mille liv., taxé à un sou pour liv. Le sienr Dufournil. Citoyen actif...... 2 8» Trois domestiques. 11 » » Deux chevaux..... 24 » » Cote d'habitation à raison de quatre mille livres de loyer, à un sou pour livre.. 200 » » Cote de facultés.. 3000 » » Même loyer de quatre mille livres. L'exception indiquée par cette colonne est limitée à un loyer de douze mille livres pour la ville de Paris, et à un loyer encore plus faible dans les autres villes. Même loyer de quatre mille livres, taxé à deux deniers de moins, c'est-à-dire à dix deniers au lieu de douze deniers. Le sieur Gombert. Citoyen actif...... 2 8 » Trois domestiques. 11 » » Deux chevaux..... 24 » » Cote d'habitation à raison de quatre mille de loyer, à dix deniers pour livre seulement, ayant plus de trois enfants......... 156 13 4 Cote de facultés.. 2500 » » Même loyer de quatre mille livres, taxé à deux deniers de plus, c'est-à-dire à quatorze deniers au lieu de douze deniers. Le sieur Verniseuil. Citoyen actif...... 2 5 » Trois domestiques. 11 » % Deux chevaux..... 24 » » Cote d'habitation à raison de quatre mille livres de loyer à quatorze deniers pour livre............. 233 6 2 Cote de facultés.. 3500 » »
Total..... 3237 8 » Total.... 2703 18 4
TABLEAU DE COMPARAISON DE DIFFÉRENTES COTES DE CAPITATION DE LA VILLE DE PARIS, EN 1790,avec la contribution personnelle de 1791.
contribution de 1790.
600... Suivant le décret du 29 avril 1790, art. II et IV............
36 1.
pere de famille.
600.
36 1.
600.
celibataire.
36 1.
Contribution de 1791*
600 à 6 deniers. Cote d'habitation.......... 15 1
Cote de facultés
mobilières... 225 V 245 1. Un domestique. 2 Citoyen actif., 3 Si ce contribuable ne possède que des propriétés foncières, alors il ne payera que...... 20
600 à 4 deniers. Cote d'habitation..........
Cote de facultés mobilières... Un domestique. Citoyen actif...
10 1.
150 2 3
165 1.
600 à 8 deniers. 20 1. Cote de facultés
mobilières ... 300 ) 325 I. Un domestique. 2 Citoyen actif... 3
contribution de 1790. 4,000 ..... 346 1. 13 s. 4 d.
père de famille. i,000..... 346 1. 13 s. 4 d.
celibataire.
4,000 ..... 346 1. 13 s. 4 d,
Contribution de 1791.
4,000 à 1 s. pour livre. Cote d'habitation.......... 200 » »
Facultés mobilières...... ........ 3,000 »»
Trois domestiques. 11 »"»( 3,238
Deux chevaux..... 24 »
Citoyen actif...... 3 »
Si ce contribuable ne possède que des propriétés foncières -alors il ne payera que ......... 238
4,000 à 10 d. pour
livre........166 13 4
Facultés mobilières.............. 2,500 » »
Trois domestiques 11 » »
Deux chevaux..... 24 » »
Citoyen actif..... 3 » »
S'il est propriétaire uniquement, il ne payera que.............
2,704 13 4
204 13 4
4.000 à 14 d. pour
livre............
Facultés mobilières.............
Trois domestiques. 11 » » ( 3,771 6 8|
Deux chevaux.....
Citoyen actif......
S'il est propriétaire uniquement, il ne payera que............ 271 6 8
233 6 8
3,500 » »
11 » »
24 J> D
3 J> »
TABLEAU DES ANCIENNES CONTRIBUTIONS PERSONNELLES.
Dans les provinces où les impositions sont mixtes, le total de ces impositions s'élève à 88,579,415 liv. 8 s. 7 den., dont les cinq sixièmes, revenant à 73,816,179 livres, ont été considérés comme portant sur les terres; ainsi, il reste un sixième seulement pour l'industrie et les facultés mobilières, ci.. 14,763,236 1. 8 s. 7 d.
Dans la capitation des pays de taille réelle et de la ville de Paris, qui s'élève à 18,399,824 liv. 7 s. 7 den., on a estimé qu'il en portait un tiers sur les propriétés ; ainsi, les deux tiers restants, portant sur l'industrie et les facultés mobilières,donnent, ci.......................................................................................................12,266,549 11 8
Les vingtièmes d'industrie, ci....................................................689,962 4 3
Ceux des offices et droits, ci.........................................................761,533 1 7
Dans la gabelle, dont le produit net est de 60,000,000 livres, on a évalué à moitié la portion qui en était supportée par les propriétés foncières; ainsi pour la seconde moitié, portant sur l'industrie et les facultés mobilières, reste à....................................30,000,000 » »
Pour la moitié du droit de traites sur les sels et des droits sur les cuirs, montant ensemble à 9,000,000 livres, ci.......................................................................4,500,000 » »
Marque des fers en totalité, ci....,..................................................................................1,000,000 » »
Huiles et savons, ci..............................................................................................................1,000,000 » »
Droits de traites sur les huiles, ci.............................................................500,000 » »
Poudre et amidons, ci..........................................................................................................1,000,000 » »
Centième denier des offices en 1788, pour 1789, ci......................................................753,231 9 10
Droit de survivance, mutation et maîtrise des corps et communautés en 1788,
pour 1789, ci..............................................................................................................................2,591,228 11 4
Total........................................................................69,825,7411. 7 s. 3 d.
Nota. Le marc d'or, en 1788, a produit 1,099,976 liv. 18 s. 3 den.
(L'Assemblée ordonne l'impression du rapport de M. Oefermon.)
Le rapporteur de l'affaire de Brest demande la parole.
au nom des comités diplomatique, colonial, militaire et de la marine, fait le rapport de l'insubordination de l'escadre et des troubles qui se sônt manifestés à Brest. Il présente le tableau des faits contenus dans les lettres et autres pièces dont on a donné lecture dans diverses séances. Après avoir exposé séparément ceux qui concernent l'escadre ét la municipalité de Brest;1 il passe à la troisième partie du rapport. Je dois vous rendre compte, dit-il, des motifs du projet dé décret que je suis chargé de vous présenter. Il est divisé en trois parties. La première est relative à l'insubordination de l'escadre. L'insouciance des agents du pouvoir exécutif, une longue oppression, l'exaltation des esprits, les erreurs de quelques gens ignorants qui prennent la licence pour la liberté, peut-être même les intrigues et l'argent de quelques puissances étrangères, et l'arrivée du Léopard, ont produit les désordres qui vous affligent; ils sont immenses, eu égard à notre situation politique, mais ils ne sont pas sans remède.
Espérons que les mesures que nous allons prendre ramèneront l'ordre et l'obéissance. Si notre espoir était trompé, nous trouverions des milliers de citoyens pour remplacer ceux qui, sourds à la voix de la patrie, à celle du devoir, se refuseraient à la subordination qu'exigent la force et la félicité publiques. On s'est occupé, dans le comité, de savoir s'il fallait changer quelques articles du code pénal de la marine. Nous avons pensé que si l'inconstance des lois était l'attribut du despotisme, leur immutabilité est celui d'une Constitution libre. C'est à des chefs, qui auraient la confiance des marins, à user avec sagesse, peut-être avec clémence, des lois que vous avez portées. Les comités proposent aussi d'ajouter deux commissaires à ceux qui ont été nommés par le roi. Il serait nécessaire que ces commissaires fussent choisis à Paris. Leur choix est imporiant; les matelots croient qu'on les trompe, et c'est surtout de la confiance qu'il faut leur inspirer. Il faudrait donner à ces commissaires tout droit pour faire arrêter et punir les coupables, et qie lecommandantde l'escadre fût autorisé à congédier les matelots indisciplinés ou n'étant pas propres au service de mer. Je dois remarquer qu'on a reçu sur la flotte des gens sans aveu, et qui n'étaient pas classés. Le comité regarde aussi comme une mesure efficace de publier incessamment les règles de l'avancement et de changer le pavillon blanc en pavillon aux couleurs nationales; mais il pense que cette grâce ne doit ê.re accordée qu'au moment où l'insubordination aura entièrement cessé.
La seconde partie du projet de décret est relative à la municipalité de Brest et au procureur de la commune. Sans doute, cette municipalité a été trompée par son zèle même et son patriotisme; sans doute, elle n'a vu dans l'assemblée coloniale que des victimes du despotisme, ët dans l'équipage du Léopard et les troupes coloniales que des défenseurs de la liberté; mais la municipalité s'est emparée du pouvoir exécutif en essayant de retenir le vaisseau le Ferme; elle a ainsi compromis le sort de nos colonies. Que deviendrait l'unité politique, si les corps administratifs s'attribuaient tous les pouvoirs ? De quel droit cette mu-
nicipalité a-t-elle fait comparaître devant elle MM. d'Albert, d'Hector, et exigé la représentation des minutes de leurs lettres? Elle a cru bien faire peut-être; mais quand il s'agit d'hommes revêtus de fonctions publiques, on ne juge que par les actions et non les sentiments. On doit donc un exemple qui apprenne aux municipalités à se renfermer dans les pouvoirs qui leur ont été confiés. Il paraît convenable de prendre une disposition séparée pour le procureur de la commune, qui a fait un discours véhément, propre à augmenter le désordre.
Les faits nous ont conduits naturellement à examiner la position politique du royaume. Nous avons vu la régénération de l'Etat s'avancer rapidement vers son terme, nous avons vu qu'elle n'avait plus besoin que du concours actif et réel des agents du pouvoir exécutif ; mais ce concours n'est pas tel que nous devions l'attendre. Quelle que soit la cause de leur inertie, soit que la méfiance qu'ils ont inspirée au peuple leur ait opposé des obstacles, soit qu'ils ne connaissent encore la Constitution que "de nom, et qu'ils n'en aient pas adopté les principes, la force publique est ralentie dans leurs mains ; toutes leurs démarches, le retard dans l'envoi des décrets, des lenteurs continuelles en arrêtent l'organisation.
Ils s'occupent bien de tous les désordres locaux, ils viennent chaque'jour nous en entrer tenir, chaque jour ils nous annoncent la défiance qui suit leurs démarches et qui empêche de donner au pouvoir exécutif l'énergie et la puissance qu'il doit avoir. Cependant la situation de nos colonies, la crise qu'occasionnent les débats politiques de l'Europe exigent qu'on restitue toute cette puissance, toute cette énergie. Vos comités n'ont point oublié qu'il n'appartient qu'au roi de nommer les ministres; mais ils savent qu'il est de Votre devoir de faire connaître la vérité, que c'est la plus sacrée peut-être des fonctions qui vous ont été confiées. Ils ont cru que vous compromettiez le salut de l'Etat, si vous craigniez de dire la vérité à un roi digne de l'entendre.
Un décret exclut du ministère les membres de cette Assemblée ; il doit être maintenu; c'est le palladium de la liberté. Les sentiments personnels du roi ne permettent pas de douter que s'il se détermine à choisir de nouveaux ministres, il les prendra parmi les amis de la Constitution. La nouvelle organisation s'achèvera promptement, la force publique reprendra toute son énergie, s'il règne un concours d'intelligence et de zèle entre l'Assemblée nationale, le pouvoir exécutif et ses agents. Voici le projet de décret que vos comités vous proposent :
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport, etc., décrète que lé roi sera prié de nommer deux nouveaux commissaires civils revêtus des pouvoirs nécessaires, pour, en se concertant avec le commandant de l'escadre, employer tous les moyens propres à rétablir l'ordre et la subordination, et requérir à cet effet les gardes nationales et les troupes de ligne ; qu attendu qu'il s'est introduit dans les équipages des hommes qni ne sont ni marins ni classés, le commandant sera autorisé à congédier ceux qui ne seront pas propres au service de la mer; que le pavillon blanc sera remplacé par le pavillon aux couleurs nationales, lorsque la subordination sera entièrement rétablie.
« L'Assemblée nationale, considérant que le salut public et le maintien de la Constitution exigent que les corps administratifs et les municipalités se renferment exactement dans les bornes
des pouvoirs qui leur sont confiés, déclare que les corps administratifs et municipalités doivent ne pas s'écarter des décrets sanctionnés ou acceptés par le roi ; que la force militaire est indépendante de l'autorité qu'ils tiennent de la Constitution, sauf les réquisitions légales : improuve les mesures prises par la municipalité de Brest, en exigeant la représentation des minutes des lettres ae MM. d'Hector, d'Albert, de Marigny, etc. ; déclare que les actes émanés le 14 septembre de la même municipalité, l'adresse aux garnisons et équipages des vaisseaux* la réquisition faite au commandant de retarder le départ du vaisseau le Ferme, sont illégaux et nuls, et que tous corps administratifs ou municipalités qui s'en permettraient à l'avenir de pareils encourraient la peine de forfaiture.
« Décrète que le procureur syndic de la commune sera mandé à la barre pour rendre compte de sa conduite.
« L'Assemblée nationale, après avoir.arrêté les précédentes dispositions, portant ses regards sur fa situation actuelle de l'Etat, et reconnaissant que la défiance des peuples contre les ministres occasionne le défaut de force du gouvernement, décrète que son président se retirera par devers le roi pour représenter à Sa Majesté que la méfiance que les peuples ont conçue contre les ministres actuels apporte les plus grands obstacles au rétablissement de l'ordre public, à l'exécution des lois et à l'achèvement de la Constitution. »
Ce n'est point pour défendre les ministres que je monte à cette tribune ; je ne connais pas leur caractère, et je n'estime pas leur conduite; depuis longtemps ils sont coupables, dès longtemps je les aurais accusés d'avoir trahi l'autorité royale; car c'est un crime de lèse-nation aussi que de livrer l'autorité, qui seule peut défendre le peuple du despotisme d'une Assemblée nationale, comme l'Assemblée nationale peut seule défendre le peuple du despotisme des rois. J'aurais accusé votre fugitif ministre des finances qui, calculant bassement l'intérêt de sa sûreté, a sacrifié le bien qu'il pouvait faire à sa propre ambition. Je l'aurais accusé d'avoir provoqué la Révolution. (Il s'élève des murmures,)
C'est par une honteuse et perfide politique qu'il a laissé l'Assemblée nationale s'embarrasser dans sa propre ignorance, et dans cet extrême désordre des finances qui a peut-être nécessité le moyen violent, Ja dernière mesure que vous avez adoptée. Je l'aurais accusé d'avoir provoqué la Révolution, sans avoir préparé les moyens qui devaient en assurer les succès et eu prévenir les dangers ; je l'aurais accusé d'avoir constamment dissimulé sa conduite et ses principes. J'aurais accusé le ministre de la guerre d'avoir, au sein des plus grands troubles, donné des congés à tous les officiers qui osaient en demander, de n'avoir pas noté d'infamie tous ceux qui quittaient leur poste au milieu des dangers de l'Etat; je l'aurais accusé d'avoir ainsi laissé détruire la force publique et la subordination. J'aurais accusé les ministres de l'intérieur d'avoir laissé désobéir aux ordres du roi; je les aurais accusés tous de cette étonnante neutralité ; je les aurais accusés de leurs perfides conseils.
Tout peut excuser l'exagération de l'amour de la patrie; mais ces âmes froides sur lesquelles le patriotisme ne saurait agir, qui les excuserait, lorsque se renfermant dans le moi personnel, ne voyant qu'eux au lieu de voir l'Etat, ayant la conscience de leur impéritie et de leur lâcheté,
ces ministres, après s'être chargé des affaires publiques, laissent à des factieux le.timon de l'Etat, ne se font pas justice, s'obstinent à garder leurs postes, et craignent de rentrer dans l'obscurité d'où jamais ils n'auraient dû sortir? Pendant les longues convulsions qui ont agité l'Angleterre, Strafford périt sur un échafaud ; mais l'Europe admira sa vertu, et son nom est devenu l'objet du culte de ses concitoyens. Voilà l'exemple que des ministres fidèles auraient dû suivre : s'ils ne se sentent pas le courage de périr ou de soutenir la monarchie ébranlée, ils doivent fuir et se cacher. Strafford mourut. Eh I n'est-il pas mort aussi ce ministre qui lâchement abandonna la France aux maux qu'il avait suscités? Son nom n'est-il pas effacé de la liste des vivants? N'éprouve-t-il pas le supplice de se survivre à lui-même, et de ne laisser à l'histoire que le souvenir de son opprobre ? Quant aux serviles compagnons de ses travaux et de sa honte, objets présents de votre délibération, ne peut-on pas leur appliquer ce vers du Tasse :
IIs allaient encore; mais ils étaient morts!
J'ai cru devoir exprimer mon opinion sur les ministres présents et passés avec la franchise de mon caractère, avant de combattre l'avis du comité. Je l'attaquerai malgré ma mésestime pour tous ces ministres, parce qu'il touche aux principes constitutifs de la monarchie. Il est dans un Etat deux espèces de pouvoirs : le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif; c'est sur leur entière indépendance que repose la liberté publique. Si le Corps législatif usurpait le pouvoir de nommer les ministres (Il s'élève des murmures), la puissance exécutive serait envahie, les deux pouvoirs accumulés, et nous gémirions sous le plus intolérable despotisme. Cependant si l'Assemblée nationale s'arrogeait le droit de présenter au roi le vœu du peuple, les vœux du peuple sont à la longue des ordres pour les rois; le roi, n'ayant pas encore le moyen légal de consulter le peunle, serait obligé d'obéir. Si, par son influence, l'Assemblée excluait du conseil les hommes appelés parla confiance du monarque, elle parviendrait bientôt à les nommer et nous tomberions dans la plus monstrueuse tyrannie. Je citerai la pratique constante de l'Angleterre, de ce peuple qui connut le premier l'art de la liberté. Vous ne verrez dans l'histoire pas un seul exemple d'un ministre renvoyé sur le vœu du parlement. (On murmure.)
Pendant le long parlement, à cette époque honteuse que l'Angleterre voudrait effacer de son histoire, les communes présentèrent à Charles I« une adresse pour demander qu'il écartât, disait-elle, des ministres pervers. C^t infortuné monarque, qui garda jusque sur l'échafaud la force de son caractère, savait qu'il tenait de la nature autant que de la loi le droit de choisir ses conseillers : il répondit que jamais il n'avait voulu soustraire ses ministres a la loi, et que si l'on articulait contre eux un chef d'accusation, il les ferait juger et punir. Charles résista. A quelque temps de là, le comité qui gouvernait ce factieux parlement présenta une adresse dans laquelle il déclara que d'autres ministres avaient perdu la confiance publique; car, dans la langue de tous les peuples, mériter la confiance publique, cela veut dire mériter la confiance du parti qui domine. Ces communes toutes factieuses qu'elles étaient, ces communes qui avaient commis tant de crimes, qui ont fait monter leur roi sur l'échafaud, eurent cependant honte de ce projet. Il tomba dans l'oubli. Ces tentatives ont été renouvelées sous
Charles II, sous GuillaumélII, 'et rejetées toujours vainement.
Enfln, cette grande question vient d'être décidëè solennellement par le peuple anglais. Charles Fox était ministre : il proposa ce bill célèbre qui fut rejeté à dix heures : à minuit Fox n'était plus miftlstre. Il souleva les communes qui se plaignirent du nouveau ministre rc'était Pitt qui gouverna et gouverne encore l'Angleterre avéc tant de gloire. Les communes prétendirent qu'il était inconstitutionnellement appointé, c'est l'expression anglaise ; le roi répondit que sa volonté était le titre légal de Yappointément. Les communes firent une nouvelle adresse, et déclarèrent traître quiconque conseillerait la dissolution du parleraient. Le roi répondit: « Il s'est élevé Une grande question entre le parlement et moi; j'en appelle à mon peuple. » Il dit, et le parlement fut dissous.
Telle est l'admirable Constitution du gouvernement anglais; tel est l'heureux effet, pour la liberté publique, dé la prérogative de dissoudre le parlement, que sans désordre, sans faction, le roi garde une influencé légale sur les représentants du peuple. Toutes les fois que les trôis partis sont réunis, le peunle obéit; toutes les fois qu'un des trois partis diffère d'opinion, ;le peuple juge : chaque candidat déclare s'il est pour lé roi ou pour l'opposition; et e'est une grande tache en Angleterre que d'avoir changé de parti. Ainsi, par la composition du parlement, le vœu du peuple est légalement c0nnu5. il est évident que la majorité étant pour le roi ou pour le peuple, l'Angleterre prononce si elle blâme les dernières mesures de la cour ou du parlement. Si à la constante pratique du peuple; qui a le mieux connu l'art de se gouverner, il était nécessaire d'ajouter quelque chose et de tirer des considérations des circonstances, je rappellerais que les ministres dont on propose à l'Assemblée de demander le renvoi;.. (On murmure.) On me reproché de ne pas me renfermer dans le projet du comité; mais je répète qu'exprimer le vœu du peuplé contre les ministres, c'est demander le renvoi des ministres. Je vous représente que plusieurs ministres ont été tirés de votre sein; que c'était alors l'opinion publique ; que c'est l'opinion de cette Assem ■ blée qui les a désignés au roi. (Les murmures augmentent.) Ne Craignez-vous pas que cette vacillation d'opinions ne passe pour l'effet de l'intrigue de quelques membres qui veulent monter à la place de ceux qu'on vous demande d'en faire descendre? (Les murmures continuent.) Eh 1 lie pensez pas qué le décret qui défend aux membres de cette Assemblée d'accepter les places du ministère suffise pour éviter ce soupçon ; on répand déjà dans le public que ce décret va être abrogé; peut-être serait-ce un bien (On murmure), et peut-être si cette question était discutée, les plus zélés partisans de ce décret seraient les plus actifs à demander sa réformation.
Qu'on mette par amendement que le décret sera conservé.
Des membres de cette Assemblée ont formé le coupable projet de dépouiller l'autorité royale du peu d'autorité qui lui reste.
Plusieurs voix du côté gauche : Nommez-les I
Je suis loin de croire que l'Assemblée nationale adopte jamais un projet aussi coupable : alors sa ressemblance -avec le
USMENT AIRES. [19 octobre 1790.]
long parlement serait complète^ Il ne resterait aux amis du monarque, et il en est beaucoup, et il en est un très grand nombre, qu'à se rallier autour du trône, qu'à s'ensevelir sous ses ruines. (Des applaudissements partent d'une partie du côté droit ; une personne applaudit dans les tribunes.) Je pense donc qu'il n'est qu'un moyen d'attaquer les ministres qui ont démérité, c est de porter contre eux une accusation précise et formelle. (Il s'élève quelques applaudissements et quelques murmures.)
Je dis une accusation précise* parce qu'une accusation vague Serait une tyrannie, parce qu'une accusation vague mettrait le j citoyen le plus vertueux dans l'impossibilité de se défendre et serait indigne de la loyauté des représentants de la nation. Je pense que tout autre moyen d'influer sur le choix des ministres est anticonstitutionnel et dangereux. Tout autre moyen serait contraire à la liberté du peuple, que Pautorité royale peut seule défendre. Si la liberté du Foi était gênée par l'influence du Corps législatif, la monarchie serait détruite. Je crois, avec M. le président de Montesquieu, que nous serions condamnés à vivre dans une république non libre. Je pense donc, pour l'intérêt de la monarchie, pdur l'intérêt du peuple, pour celui de l'Assem-* blée nationale, qui perdrait la confiance publique, que la troisième partie du projet de décret doit être repoussée par la question préalable.
(M, Ricard, député de Toulon, paraît à la tribune, un cahier à la main.)
J'ai l'honneur de remarquer que sur un débat de la nature de celui-ci le pour et le contre doivent être alternatifs. Or, j'observe, et j'en demande pardon à l'honorable membre qui est à la tribune, qu'uri discours écrit ne peut répondre au discours du préopinant, dont il est bon de réfuter les nombreux écarts.
Je demande la parole après M. de Mirabeau pour lui répondre.
Je ne conteste nullement l'usage établi, et dont j'ai profité plusieurs fois, d'apporter ici des discours préparés; mais je dis que M. de Cazalès, depuis le premier mot jusqu'au dernier, m'ayant paru entièrement hors de la question...
Je demande à répondre à M. de Mirabeau.
(Après quelques agitations, l'Assemblée décide que M. Ricard sera entendu.)
député de Toulon. Sans doute que la municipalité de Brest a commis des erreurs funestes; jène veux pas excuser ses torts, quoique ce soient ceux du patriotisme égaré. Si vous n'aviez eu que des torts de cette nature à punir, la Constitution serait déjà faite. Si quelqu'un a commis une grande imprudence, c'est le ministre de la marine. Pourquoi a-t-il proposé un commandant contre lequel il savait que la flotte était prévenue? Je ne parlerai pas de ce ministre qu'on vient d'attaquer avec tant d'acharnement ; je me suis rappelé que nous- devons à cet administrateur infortuné l'égalité de représentation; j'ai pensé que la nation lui devait de la reconnaissance, et je l'ai cru vengé. Les opérations imprudentes des ministres actuellement en place ont un principe peu connu, mais un but et des effets trop certains... Il est temps que l'Assemblée na-
tionale, érigée en pouvoir constituant par le vœu uuanime de tous les Français, fasse connaître, par une loi positive, quels sont les droits de ceux a qui le pouvoir exécutif est confié, quelles seront les bornes de la puissance des législatures. Il faut établir pour l'un un grand pouvoir, ponr les autres, de grands devoirs.
Cette loi présentera des règles immuables à suivre dans la Convention nationale dont vous indiquerez l'époque...
M. le président, ce n'est pas là l'ordre du jour.
Eh bien, je vais y passer. Je reviens à la municipalité de Brest. Si les individus qui composent l'escadre et la municipalité sont de mauvais citoyens, il faut anéantir la municipalité et détruire nos propres vaisseaux; mais non, ces citoyens sont égarés, sont trompés. Indiquez à la municipalité les bornes de ses pouvoirs, elle sera fidèle à s'y renfermer ; punissezles coupables sur l'escadre, mais frappéz également sur les officiers et sur les soldats ; que la loi n'admette aucune distiuction, et je réponds de la flotte comme de la municipalité... Ne perdons pas de vue qu'ayant des devoirs à tracer, nous ne devons pas prononcer des peines... Voici le projet de décret que je propose :
« L'Assemblée décrète : 1° que le président, à la tête d'une députation composée de douze membres, se rendra dans le jour chez le roi, pour lui déclarer que le ministre de la marine ayant perdu la confiance des marins compromet, par cela seul, la sûreté de l'Etat; qu'il est du devoir de l'Assemblée d'éclairer sa religion, etde rendre cette déclaration publique;
« 2° Qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la lettre de M. d'Albert;
« 3° Que le roi sera supplié de nommer un commandant qui ait la confiance des marins ;
« 4° Que le procès sera fait au matelot qui a porté la main sur son officier, ainsi qu'à l'ofhcier qui, sur la même frégate, a osé soustraire un coupable aux peines portées parla loi;
« b° Rappeler à la municipalité de Brest les lois constitutionnelles décrétées ;
« 6° Qu'il sera nommé, à la majorité absolue des voix, trois membres de l'Assemblée nationale, auxquels le roi sera supplié de donner tous pouvoirs. (Il s'élève des murmures.) Ils se rendront à Brest; ils entendront les plaintes des officiers et équipages; ils ordonneront pro visoirement cexju'ils jugeront utile et nécessaire pour 1 observation de la discipline et de la subordination, et rendront compte jour par jour de leurs opérations à l'Assemblée nationale et au roi. Ils s'embarqueront sur la flotte (Les murmures augmentent); en cas de guerre, et dans le cas particulier d'un combat, ils se distribueront de manière qu'il y ait un d^ux sur chaque vaisseau commandaut de chaque division; ils se tiendront au poste d'honneur, et rendront compte de toutes les actions d'éclat dont ils auront été susceptibles (Des rires se joignent aux murmures) ;
t la L'assemblée, se trouvant dans l'impossibilité de décréter sur-le-champ les règles d avancement et récompenses pour les marins, déclare que tout officier, quels que soient son ancienneté dans son grade et son temps de navigation, qui, commandant en temps de guerre un bâtiment de l'armée navale, aura pris ou détruit un bâtiment ennemi de force supérieure à la sienne, sera avancé d'un grade, ainsi que les officiers et bas-
officiers ; les hommes non susceptibles d'avancement seront augmentés de paye, selon les propositions qui seront déterminées; la nation se chargera spécialement des veuves et des enfants dont le mari ou le père aura été tué dans un pareil combat, ou à la suite de ses blessures.. .Cet article sera affiché aux mâts de tous les vaisseaux de la flotte;
« 8° Le roi sera supplié de mettre au complet et sur pied toutes les forces de terre et de mer qui sont au pouvoir de la nation. » (La discussion est continuée à demain.) (La séance est levée à trois heures et demie.)
Séance du
La séance est ouverte à six heures et demie.
fait donner lecture d'une adresse du sieur Helman, graveur de l'académie des arts de Lille, lequel, admis à la barre de l'Assemblée, lui fait hommage d'une gravure représentant la mémorable séance de la nuit du 4 août 1789.
L'Assemblée nationale reçoit avec applaudissement cet hommage patriotique ; elle décrète qu'il en sera fait une mention honorable dans son procès-verbal, et accorde au sieur Helman le3 honneurs de la séance.
Il est ensuite donné lecture des adresses suivantes :
Lettre du procureur de la commune de Paris, qui transmet à l'Assemblée nationale une adresse des membres du département, du district et de la garde nationale de Caen, dans laquelle ils dénoncent comme incendiaire et extrêmement dangereux, lé journal de l'Ami du roi.
Adresse de la société des amis de la Constitution de la ville d'Aix, qui applaudit au décret relatif aux assiguats. Elle réclame la protection spéciale de l'Assemblée en faveur des membres des sociétés patriotiques du royaume, contre les corps administratifs.
Adresse du directoire du département des Landes, qui, dès l'instant de sa formation, présente à l'Assemblée nationale le tribut de son admiration et de son déVouemeut. " Adresses de l'assemblée électorale du district de Ghaumont, et de celle du district de Nimes, pour la nomination des juges, qui présentent à l'Assemblée nationale des expéditions des procès-verbaux de ces nominations.
Adresse des commissaires des départements de l'ancienne pro vince de Languedoc, qui, dès l'instant de leur réunion, renouvellent à l'Assemblée nationale l'hommage de leur zèle et de leur dévouement pour l'exécution de tous ses décrets.
présente, au nom du sieur Geoffroy, citoyen originaire de la ville il'Aix, et domicilié à
Paris, un tableau de contribution personnelle, sous le titre Loterie nationale, avec une
adresse qui en contient les explications.
On a donné ensuite lecture d'une adresse des officiers municipaux de Pantin, chef-lieu de canton au district de Saint-Denis, département de Paris, qui, en renouvelant les assurances de leur dévouement et de leur soumission aux décrets de l'Assemblée nationale, réclament contre les opérations de l'assemblée primaire de leur canton, formée le 16 de ce mois, et remettent à l'Assemblée diverses protestations et autres pièces qui prouvent l'illégalité de ces opérations.
(L'Assemblée renvoie cette adresse et les pièces y jointes, à son comité de Constitution.)
On admet à la barre une députation de la garde nationale de Lorient : elle y exprime les sentiments dont elle a été affectée avec tous les bons citoyens, au récit de la malheureuse affaire de Naucy, et fait part à l'Assemblée qu'après avoir rendu les honneurs funèbres à ceux que la mort a moissonnés, et avoir appelé sur eux les secours de la religion, elle s'était déterminée à venir déposer dans son sein les secours d'une sensibilité fraternelle, tels que ses facultés lui ont permis de les offrir aux familles de ces malheureuses victimes.
La députation dépose en conséquence, sur le bureau, un effet de 2,000 livres, pour être appliqué à cette destination.
(L'Assemblée nationale applaudit vivement à cette démarche de la garde nationale de Lorient.
exprime à la députation la satisfaction et la gratitude de l'Assemblée, par la réponse suivante :
« L'Assemblée nationale reçoit avec satisfaction l'offrande que votre humanité et votre patriotisme viennent lui apporter, et elle s'empressera de la transmettre aux victimes infortunées du dévouement héroïque de vos généreux frères d'armes. C'est pour la nation française un spectacle bien doux, que de voir ainsi les défenseurs et gardiens de la Constitution donner à la fois l'exemple de la bienfaisance et celui de la bravoure 1 Elle est donc bieu précieuse à l'humanité; elle doit donc être bien chère à toutes les belles âmes, cette liberté que vous avez conquise, et que vous défendez avec tant d'énergie, puisqu'elle est devenue le germe de toutes les vertus guerrières et civiques, puisqu'en un instant elle a converti un peuple d'égoïstes, ou plutôt de castes et d'individus isoles, en une famille unie par les nœuds les plus saints !
« Jouissez, Messieurs, de votre ouvrage ; jouissez de l'estime de vos concitoyens, et recevez-en le premier gage dans l'offre que l'Assemblée nationale, interprète de leurs vœux, vous fait des honneurs de sa séance. »
le demande que la lettre de change de 2,000 livres soit envoyée de suite au directoire du département de la Moselle établi à Metz, qui sera chargé d'en appliquer la valeur suivant sa destination particulière.
(Cette proposition est adoptée.)
Il est fait lecture d'une lettre du sieur àbbé Brun de Lacombe, qui fait hommage à l'Assemblée de ses ouvrages, qui tous ont annoncé l'heureuse Révolution qui fait aujourd'hui l'honneur de la France, et qui en prépare la prospérité.
(L'Assemblée applaudit au patriotisme du sieur abbé Brun de Lacombe ; elle agrée son hommage,
et décrète qu'il en sera fait mention dans son procès-ver bal, et que les ouvrages remis sur le bureau seront déposés dans ses archives.)
Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance du matin de ce jour.
observe, sur l'article de ce procès-verbal qui concerne la saisie faite par les gardes nationales d'Abbevilie, d'un brick chargé de tabac de contrebande, qu'un détachement du régiment d'Orléans ayant contribué à cette capture par son intrépidité et ses bonnes dispositions, il était juste que ce détachement participât aux honneurs que l'Assemblée a décernés à la garde nationale d'Abbevilie, et que le président fût chargé de lui écrire.
(L'Assemblée adopte cette proposition.)
, au nom du comité d'agriculture et de commerce, fait le rapport suivant sur un projet de canal destiné à faciliter la navigation des rivièresmqui avoisinent Paris (1).
Messieurs, on a souvent senti la nécessité d'abréger la navigation des rivières qui se trouvent aux environs de Paris, de la faciliter et de la rendre praticable dans tous les temps.
Depuis près de deux siècles, l'on vit éclore différents projets pour se procurer ces divers avantages ; l'on distingua celui des sieurs Riquet et de Manse, qui proposèrent d'ouvrir un canal commençant à la Marne, près de Lizy, qui arriverait à la pointe de Belleville et de là à Paris.
Des lettres patentes de 1676 en ordonnèrent l'exécution ; les travaux furent commencés et conduits jusqu'à Meaux; mais la mort de M. Riquet, de son coopérateur, de Colbert, et la pénurie des fonds que le gouvernement devait fournir, les firent abandonner.
L'on voulut, en différents temps, ouvrir un canal, qui prendrait la Seine au-dessus de Paris, et la rejoindrait au-dessous de cette ville, en passant par Saint-Denis. Il ne paraît pas nécessaire de rappeler l'historique des différents projets que l'on a présentés sur ce canal (2) ; mais il peut être co n venable d'observer que leur nom bre prou ve que l'on attachait beaucoup d'importance à leur objet ; cependant aucun d'eux n a été exécuté.
Le sieur Brullée a présenté, en 1785, au gouvernement un nouveau projet qui réunit presque tous les avantages des anciens, et qui fut renvoyé à l'examen de l'académie des sciences. Les sieurs Condorcet, de Lavoisier, Bossu, Perronet et Borda, nommés commissaires pour y procéder, en firent leur rapport à celte académie, le 24 mai 1786. Les raisons les plus puissantes nous déterminent à ne nous servir ici que de leur propres expressions.
« Ils disent qu'ils ont examiné le projet du sieur « Brullée d'amener les eaux de la
Beuvronne à « Paris ; que l'objet principal de ce projet est d'é-« tablir un canal de
navigation de la Seine à la « Seine, à travers la plaine de Saint-Denis, réser-« vant le
surplus des eaux, s'il y en a, pour servir « de boisson aux habitants de Paris, ou pour laver
« les rues de cette capitale ; que ce canal doit « partir de la Seine, au bastion de
l'arsenal, pas-« ser devant l'hôpital de Saint-Louis, joindre la « Seine à Saint-Denis, par
un premier embran-« chement, continuer sa route vers le nord-ouest,
Ils examinent différentes questions. Les eaux de la Beuvronne pourront-elles arriver à l'endroit désigné? Quel en est le volume ? Ce volume, augmenté de celui de la rivière d'Aunay, est-il suffisant pour alimenter, dans tous les temps de l'année, le réservoir de partage?: Ils déclarent:
1° D'après plusieurs nivellements faits en différents temps et en diversesoccasions, et d'après celui de l'un d'eux, que du pont de Souilly jusqu'au réservoir de partage, il y a une pente suffisante pour fairearriver les eaux de la Beuvronne au point de partage ;
2° Que celte rivière fournira 1,800 pouces d'eau, et celle d'Aunay 700 pouces ;
3° Que ces eaux sont suffisantes pour alimenter le canal jusqu'à Saint-Denis;
4° Que les eaux de ia rivière de Groue, de Go-nesse et de l'étang de Saint-Gratien, fourniront celles nécessaires à la navigation de Saint-Denis, à Gonfians-Sainte-Hduorine et à Pontoise; ils finissent cette partie de leur travail en disante la navigation par le canal dont il s'agit sera dans tous les temps facile et abondante, et qu'il y aura même une assez grande quantité d'eau superflue que Von pourra verser dans Paris, si on le juge à propos.
Cette affaire ayant été communiquée à la municipalité de celte ville, le sieur de Gorny, procureur du roi, l'ayant examinée, dans son avis du 30 mars 1787, avec beaucoup de soin, a pensé que le projet de canal du sieur Brullée présente l'espérance de tous les avantages qui peuvent lui concilier un accueil favorable ; facilité dans les moyens d'exécution, utile dans les résultats ; suppression des inconvénients d'une navigation longue et dangereuse ; accroissement d'activité pour le commerce, d'énergie pour la capitale, et de ressources pour l'approvisionnement de ses habitants.
Cet avis et l'opinion favorable que les serviteurs du roi avait manifestée dans leur correspondance annonçaient un heureux succès au sieur.Brullée ; il espérait d'être autorisé à ouvrir le canal qu'il avait proposé ; mais cette affaire ayant été portée au conseil, il y intervint uu arrêt dont voici le dispositif :
« Le roi étant en son conseil, ayant aucunement égard à ladite requête (du sieur Brullée)
et avant de faire droit définitivement sur les demandes et conclusions y contenues, aordonné
etordonnequ'à la diligence et aux frais du sieur Jaud (1), et sous
Le sieur Brullée, en respectant les talents des commissaires-inspecteurs qui lui avaient été donnés, crut que son affaire 'irait lentement; leur âge très avancé (1) n'annonçait pas l'activité nécessaire à un travail aussi considérrable que pressant, et ennemi des retards: il ne se rebuta cependant point; mais lorsqu'il voulut se mettre en mouvement, on lui apprit qu'il devait commencer par une consignation de 100,000 livres, qui probablement ne suffirait pas à l'opération que l'on allait entreprendre. Il ne jugea point à propos d'ajouter aux grandes dépenses qu'il avait déjà faites, celle de 100,000 livres ; il ne reprit son projet, que lorsqu'il vous vit, Messieurs, disposés à détruire tous les abus.
On ne se permettra qu'une réflexion sur cet arrêt, c'est que la possibilité d'exécuter le plan que le sieur Brullée proposait alors, fut reconnue.
Revenons un instant à l'avis du sieur de Gorny ; nous y verrons les raisons qui ont déterminé le*sieur Brullée à agrandir son premier projet.
Ge magistrat:ne s'est point borné, dans son avis, à approuver le plan qu'il examinait; il y donna des idées propres à eu augmenter les avantages ; il manifesta le désir de con vertir la rigole destinée à. amener les eaux de la Beuvronne au point de partage, en un canal qui communiquerait à la Marne, près de Saint-Symphorien. Le sieur Brullée adopte cette idée; il offre de l'exécuter. Le sieur de Gorny voulait de plus que l'on ajouta à ce canal des moyens capables de prévenir les dangers des inondations dans la capitale et les perles que le commerce éprouve fréquemment (2); il parlait d'un pont à construire sur ta Seine, à l'extrémité des fossés de l'Arsenal, dans la direction du boulevard de l'Hôpital, dont l'ouverture des aiche3 serait proportionnée au volume d'eau, destiné à traverser la ville.
Ge moyen a des inconvénients; mais un canal qui commencerait de la Marne, près de Lizy et se continuerait par Souilly, Saint-Denis, etc., jusqu'à Gonflans-Sainte-Honorine, servirait de canal de navigation et de passage aux grandes eaux de la Marne et remplirait les vues du sieur de Gorny; elles entrent dans le plan du sieur Brullée.
Enfin ce dernier ajoute à tous ces nrojets, celui d'ouvrir un canal de Pontoise à Dieppe, par Chaumont, Neufchâtel et Arques.
Votre comité a pensé, Messieurs, que la connaissance de ces faits vous était nécessaire pour procéder à l'examen des questions soumises à votre décision.
L'une des plus importantes dans cette affaire est celle de savoir si l'on peut amener à la Vil-lette, près de Paris, soit les eaux de la Marne, prises à l'embouchure de l'Ourcq, soit (eseaux de la Beuvronne, prises au pont de Souilly.
Le célèbre Riquet a vérifié, en 1676, que l'on pouvait amener à Paris les eaux de la Marne,
prises à l'embouchure de l'Ourcq ; il fit plus, il
Le sieur Brullée a le même projet; il se propose de suivre, à peu de chose près, la route que Riquet voulait tenir : il est donc très probable que les eaux de la Marne, prises à l'embouchure de l'Ourcq, peuvent arriver à la Villette.
L'on présente cependant quelque chose de positif, c'est un nivellement des terrains faits par des personnes de l'art, qui prouve que les eaux de la Marne, prises à l'embouchure de l'Ourcq, sont au-dessus de celles du la Seine à Paris, de 83 pieds 9 pouces. Ce canal aura 14,050 toises de longueur; en supposant qu'il faille à ces eaux une pente de 19: pieds 4 pouces pour arriver au-dessus de la Villette, il restera 64 pieds 5 pouces au-dessus de la Seine à Paris.
Il est donc constant qu'il est possible de faire un canal de la Marne, prise à l'Ourq jusqu'à la Villette. Mais pour ne rien hasarder sur un fait aussi important, votre comité, Messieurs, ne vous proposera à cet égard qu'une mesure provisoire.
Il est inutile .de s'étendre sur la possibilité d'amener les eaux de la Beuvronné à la Villette, et de là dans les autres parties du canal. Les commissaires de l'académie des Sciences attestent cette, possibilité dans la partie de leur rapport dont on vous a rendu compte ; et le nivellement, dont on a déjà parlé, la justifie également; de sorte qu'en divisant en différentes parties, et sous l'aspect de la possibilité physique, le projet de canal du sieur Brullée, il résulte :
1° Que Ton est autorisé par les opérations de Riquet, et par le nivellement présenté par le sieur Brullée, à croire qu'il est possible d'amener les eaux de la Marne, prises à Lizy, jusqu'au pont de Souilly;
2° Qu'il est possible d'amener les eaux de la Beuvronne à la Villette par une rigole, et par suite par un canal, car une rigole est un petit canal, et un canal est une grande rigole ;
3° Qu'il est également possible d'alimenter le canal projeté par le sieur Brullée, depuis son commencement jusqu'à Saint-Denis, soit avec les eaux de la Marne, soit avec celles de la Beuvronne;
4° Que le reste de ce canal, depuis Saint-Denis jusqu'à Conflans-Sainte-Honorine et Pontoise, peut être alimenté par les eaux de la rivière de Crou, de Gonesse et de l'étang de Saint-Gratien.
De plus, il résulte, tant de l'avis du 27 mai 1786, des commissaires de l'académie des Sciences, que de celui du 31 mai 1790 des mêmes commissaires, que la Beuvronne et i'Aunay seules fournissent six mille six cent soixante-six toises cubes d'eau en vingt-quatre heures, ce qui est suffisant à l'entretien continuel de la navigation de ce canal, en supposant même que tous les bateaux de la Marne, de la Seine-Inférieure et de l'Oise en prennent le chemin : donc, en toute rigueur, l'on peut se passer des eaux de la rivière de Crou, de Gonesse, de l'étang de Saint-Gratien et de celles que le terrain et les dessèchements des marais situés près de Ville-Parisis, Glaye, peuvent produire; elles présentent une surabondance précieuse, à la vérité, mais il faut la distribuer avec prudence.
On ne voit donc rien qui annonce des grandes difficultés à la construction d'un canal, alimenté par les eaux de la Beuvronne ou celles de la Marne.
Quant au canal de l'Oise à Dieppe, votre comité vous observera, Messieurs, qu'il serait très avantageux d'cuvrir une communication entre
eette ville et Paris, elle est désirée; elle peut s'opérer par différents chemins; l'on présente même divers projets : aucun ne mérite encore votre approbation, il faut laisser agir leurs auteurs; et lorsque le résultat de leurs recherches vous sera présenté, vous accueillerez celui des plans qui méritera la préférence.
Votre comité, Messieurs, ne vous proposera point une branche de canal de Saint-Denis à la Seine, parce qu'elle ne paraît pas fort utile; les citoyens qui pourraient en profier, n'apportent à Paris que de3 menus objets, par partie et journellement : d'ailleurs, si par la suite on la juge nécessaire, on pourra l'exécuter.
Si l'Assemblée nationale ne peut s'occuper de tout le détail de l'exécution de ce canal, elle doit du moinfi en poser les bases.
En le creusant de 6 pieds, on y aura une navigation supérieure à celle que donnent habituellement les rivières des environs de Paris.
Sa largeur sera dans les campagnes de 48 pieds à la superficie de leau, et de 30 au fond, avec des anses éloignées l'une de l'autre de 400 toises, pour faciliter le passage des bateaux à leur rencontre : cette largeur sera plus considérable dans Paris ; l'affluence des bateaux exige cette mesure.
La construction de ce canal, des ses bernes, chemins de hallage, fossés, francs-bords et contre-fossés, nécessitent, selon l'entrepeneur, une largeur de terrain de 50 toises. Le sieur de Corny, ci-devant procureur du roi de Paris, ne l'a pas trouvée excessive ; il cite même un éditde 1726, qui en accordait 90.
Le sieur Brullée se propose de soumettre, au jugement de quelques savants, une forme d'écluse de sa composition, et de l'employer, si elle est jugée utile.
Il ne suffit pas d'avoir posé les bases d'exécution, il faut prendre des précautions pour que tous les travaux à faire le soient d'après ces bases, les règles de l'art et les exigences de l'entreprise et des localités; il est nécessaire qu'un commissaire arrête avec l'entrepreneur tous les travaux à faire, et veille à leur parfaite exécution, et que les assemblées de département exercent ici la surveillance qui leur est confiée.
Les dépenses des travaux dont il s'agit s'élèvent à 20 milions, y compris 3,141,000 livres pour celles imprévues, selon les devis qui ont été faits et certifiés par des ingénieurs civils et militaires, et par des entrepreneurs de bâtiments. On a lieu de croire qu'elles ont été calculées au plus haut, et que les dépenses ne s'élèveront réellement point à cette somme.
Ces fonds sont considérables ; des capitalistes doivent les fournir proportionnément aux besoins. Le sieur Minguet, notaire en cette ville, écrivit au sieur Brullée, le 20 septembre 1790, que les personnes qui avaient offert 10 millions pour son canal, les donneraient, s'il obtenait le décret qu'il espérait. Le sieur Boucher écrivit, le 19, à peu près dans les mêmes termes.
« Vous devez, Messieurs, vous occuper tant de l'intérêt public, que de celui de l'entrepreneur de ce canal, et des bailleurs de fonds; vous devez chercher à connaître quels sont les moyens de leur procurer une indemnité suffisante, et si ces moyens se concilient avec l'intérêt social. »
Le sieur Brullée ayant toujours offert de construire ce canal à ses frais, avait demandé la concession perpétuelle du droit de péage, dont le tarif fut renvoyé à l'examen des députés du commerce. Ceux-ci le critiquèrent, le réduisirent
et l'ont borné aux sommes et aux objets énoncés dans le tarif joint.
Des calculs modérés, et dans lesquels on ne lit point entrer le produit possible des bateaux de la haute Seine, qui voudront profiter du cuual pour se rendre dans la basse Seine, portent ce péage à plus d'un million annuellement. Il est susceptible d'augmentation : on a lieu de penser que les ci-devant provinces de Bourgogne, Champagne, Flandre, Artois, Hainaut, etc,, feront leur commerce par la Marne, la Seine, l'Oise et l'Escaut, lorsque leurs négociants pourront éviter la traversée actuelle de PariSy les sinuosités de la Seine, les dangers de ses ponts et de ses pertuis, la longueur et la lenteur de sa navigation.
Le sieur Brullée ne le dissimule pas ; il ne fonde point sa parfaite indemnité sur un droit de péage. Il alimente son canal, soit avec une prise d'eau de six lignes, faite dans la Marne, à Lizy, soit avec les eaux de la Beuvronne, jointes à celles de l'Aunay; il trouve un excédant d'eau, dont il dispose pour fournir de l'eau à Paris ou pour faire tourner des moulins, et qui sera augmenté par le dessèchement de quelques marais et par d'autres eaux dont l'utilité peut être multipliée, sans nuire à qui que ce soit; il trouvera encore d'autres ressources dans les magasins qu'il se propose d'établir sous (es quais de ce canal, dans l'enceinte de Paris.
Cette ville immense, cette ville dont le commerce de consommation est si considérable, n'a point de magasins, n'a point des établissements toujours prêts à recevoir les marchandises que le négociant domicilié, que le négociant étranger, pressé par les circonstances, veut mettre en sûreté et à couvert des influences des saisons; le sieur Brullée lui en procurera à un prix tellement réglé, que tous les intérêts seront satisfaits^).,,
Ainsi donc le produit du péage, la vente des eaux surabondantes, le produit de différents moulins, la location ou la vente des magasins, quelques facilités que vous accorderez, etc., présentent à l'entrepreneur une indemnité dont il se contente, et qui parait devoir lui suffire, si les avantages de ce canal sont assez grands pour en consentir l'exécution.
Quels sont-ils?
Ils sont considérables et multipliés, ils abrègent la navigation; en effet, un bateau qui emploie à présent sept jours jour arriver de Gon-flans-Sainte-Honorine à Paris, fera le même voyage en un jour par le canal projeté.
La navigation de Pontoise à Paris sera singulièrement raccourcie (2), et celle de Lizy à Paris sera diminuée de près de moitié; de plus, on évitera les rochers, les atterrissements, les ponts,les pertuis, les îlots qui rendent difficile et dangereuse la navigation des rivières rapides, telles que la Seine, la Marne et l'Oise.
Il en résultera une diminution dans les prix des transports, et plus de sûreté.
Ge canal, depuis la pointe de l'Àrseual, jusqu'à la Villette, offrira, tant une gare au
commerce qui en manque, et qui perd annuellement un million, que des magasins pour la
retraite et le dépôt des marchandises d'approvisionnement; il donnera à la capitale, des
ports dont elle a be-
soin, des eaux pour l'arrosement et le nettoiement de ses rues, la facilité d'établir des moulins nécessaires à sa subsistance, et celle peut-être de supprimer ses pompes et la Samaritaine; une dérivation pour la garantie des inondations et des débâcles, etc. ; il procurera aux cantons voisins de Paris la facilité de dessécher les uns, d'arroser les autres, et à tous des moyens de prospérité; il assurera aux pays arrosés par la Marne, la Seine, l'Oise et l'Escaut, une communication économique qui agrandira leur commerce, et qui facilitera d'autant plus les approvisionnements de Paris.
Enfin, il ouvrira à tout le commerce une navigation continuelle, égale dans tous les temps, qui remplacera une navigation intermittente, une navigation interrompue, une partie de l'année, soit par une surabondance, soit par une pénurie d'eau.
Si l'on voulait, Messieurs, vous présenter des objets d'utilité future, l'on vous dirait, qu'en établissant la très courte communication de la Meuse à la Marne, l'on pourrait faire arriver à Paris les bois des Vosges, y établir des moulins propres au débit de ces bois, et conserver en France le commerce de cette denrée que l'étranger emporte brute, et qu'il nous rend ensuite, après avoir reçu une main-d'œuvre et acquitté beaucoup de frais de transport et bien des droits.
Les départements, dans l'étendue desquels ce canal doit passer, ont énoncé leur vœu sur ce projet dont ils ont eu communication.
Le directoire de celui de Seine-et-Marne a développé, dans sa délibération du 6 septembre, des principes véritablement civiques, et des sentiments dictés par le patriostisme le plus pur.
Il a pensé que l'exécution de ce canal pouvait nuire aux riverains et navigateurs de la Marne, mais qu'il a un objet d'utilité publique et générale qui doit faire disparaître tous les intérêts de localité contraires.
La commune de Paris, par une députation de ses représentants, présidée par son maire, vous a présenté, Messieurs, une adresse par laquelle elle vous prie d'autoriser l'exécution de ce projet; elle vous a détaillé avec une forte simplicité les avantages qui doivent eu résulter ; elle vous a fait voir la nécessité d'employer à d'utiles travaux une classe de citoyens dont l'oisiveté peut être dangereuse à la capitale et à tout l'Empire.
L'opinion du département de Seine-et-Oise ne fut pas unanime, trois districts seulement ont été consultés; ceux de Gonesse et de Pontoise, après avoir pris les avis (1) de leurs municipalités, ont exprimé, de la manière la plus positive, le désir de le voir réaliser.
Les opinions sont partagées dans le district de Saint-Germain ; la municipalité de Gonflaris-Sainte-Honorine trouve l'exécution de ce projet très utile.
Celles du canton de Triel n'ont pris aucune part aux démarches des municipalités voisines.
D'autres municipalités le désapprouvent.
Le procureur général syndic du département est de ce dernier avis.
Le directoire s'est borné à renvoyer les pièces de ce procès, pour qu'il soit jugé par l'Assemblée.
Votre comité d'agriculture et de commerce a pensé, Messieurs, qu'il devait vous exposer les
raisons rapportées contre l'exécution de ce canal.
Des citoyens, dit-on, seront privés de leurs propriétés contre leur gré, à leur préjudice, pour l'avantage particulier de lafiville de Paris; ces propriétés seraient dégradées pour longtemps si l'on abandonnait les travaux après les avoir commencés : ce canal fera perdre beaucoup de terrain à l'agriculture; des héritages seront divisés par le canal, qui gèlera bien plus souvent que les rivières.
Réponse
Ces moyens peuvent s'employer contre tous les travaux de la nature de celui-ci : un décret écartera ceux des inconvénients qui peuvent l'être.
Objection.
Ce canal, ajoute-t-on, nuira à la navigation de la Marne, de la Seine et de l'Oise, etc.
Réponse.
L'on peut prendre six lignes d'eau dans la Marne sans lui préjudicier (1) : en outre, ces eaux seront rendues à la Seine, et on ne touchera point à l'Oise.
Objection.
Deux bateaux ne pourront pas se croiser dans ce canal, les anses proposées retarderont leur marche.
Réponse.
Ces anses recevront les bateaux vides, la marche des autres ne sera pas retardée*
Objection.
Ce canal doit être fait aux frais de l'État, afin qu'un particulier ne perçoive aucun impôt sur ses concitoyens : il appauvrira les villes de la Normandie situées sur la Seine; il transportera ailleurs leur commerce ; il détruira leurs relations; il fera tort aux mariniers de la Seine, aux rouliers, aux aubergistes, etc.
Qn ne croit point qu'il soit nécessaire de répondre à ces raisons.
Enfin on témoigne des craintes sur le rassemblement d'un grand nombre d'ouvriers autour de Paris, dont le nombre, dit-on, sera augmenté par l'ouverture d'un grand atelier, et dont le licenciement sera dangereux, dans tel temps qu'il se fasse ; l'on Voudrait les disperser dans les provinces, les y employer aux chemins, au dessèchement des marais, etc.
Ces craintes, réelles ou chimériques, peuvent indiquer la nécessité de quelques précautions, mais elles ne suffisent point pour empêcher l'entreprise du canal, s'il est utile : d'ailleurs, un très grand nombre d'ouvriers pouvant être employé incessamment aux environs de cette ville, le nombre de ceux envoyés au loin ne sera pas assez considérable pour être dangereux.
Vous avez entendu, Messieurs, les raisons qui ont déterminé les assemblées des officiers
municipaux de quelques cantons de Saint-Germain à
Vous voyez que le département de Seine-et-Marne, celui de Paris, les districts de Gonesse et de Pontoise, et une partie de celui de Saint-Germain approuvent ce projet, qu'une partie du dernier district rejette ; c'est à vous, Messieurs, à prononcer : mais votre comité doit manifester son opinion ; il se déterminera d'après vos principes; vous pensez que l'utilité générale commande des sacrifices, et qu'elle doit l'emporter sur l'utilité particulière.
Le canal proposé par le sieur Brullée n'est-il pas d'une utilité générale? Il tend à donner un centre commun au commerce des départements arrosés par la Marne, la Seine, l'Oise, l'Escaut, etc. ; à ouvrir sur la capitale une communication par eau avec des départements qui n'en ont pas encore. Ces départements n'auront-ils pas alors et entre eux,et avec la capitale, une communication aussi facile qu'utile? N'acquerront-ils pas un débouché nouveau, sûr et peu dispendieux? Dix à douze départements en profiteront : un établissement avantageux à une si grande partie de l'Empire français, et surtout à la partie la plus peuplée, n'est-il pas un établissement d'utilité générale? N'importe que Paris puisse en retirer quelque profit particulier; alors l'utilité générale d'une très grande partie de l'Empire, unie à l'utilité particulière de la capitale, ajoute à la nécessité d'exécuter le pian qui vous est présenté; plan dont l'exécution est sollicitée depuis près de deux siècles, et d'autant plus précieuse, qu'elle aura le double avantage de ne pas altérer la navigation actuelle, qui restera libre à tous ceux qui voudront s'en servir, et de préparer à l'intérieur de la France un nouveau débouché à la mer.
D'après ces considérations, votre comité, Messieurs, a l'honneur de vous présenter le projet de décret suivant :
OBSERVATIONS PARTICULIÈRES.
J'ai considéré la soumission du sieur Brullée comme un acte conteuant les articles d'un contrat à faire; j'ai pensé que vou3 aviez renvoyé ces articles à l'examen de votre comité; j'ai cru que, s'agissant d'une sorte de contrat, et le sieur Brullée étant l'une des parties contractantes, il devait être instruit de l'opinion de ce comité, et que je devais lui communiquer les articles arrêtés, sur lesquels le sieur Brullée a fait des observations que j'ai reçues et dont je vais vous faire part. Vous devez, Messieurs, en être informés, car vous voulez prononcer en connaissance de cause.
PROJET DE DÉCREÏ.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport qui lui a été fait au nom de son comité d'agriculture et de commerce, de la demande du sieur Jean-Pierre Brullée, citoyen français, demeurant à Paris, de construire a ses frais, et aux conditions consignées dans sa soumission du 12 septembre 1790, un canal de navigation, qui prendrait sa naissance dans la Marne sous Lizy, auprès de l'embouchure del'Ourcq, de là passant par Meaux, Claye et la Villette, descendrait dans un point de partage, où il se diviserait en deux branches, dont l'une se rendrait par les faubourgs Saint-Martin et du Temple, les fossés de la Bas-
tille et de l'Arsenal, dans la Seine ; et l'autre passerait par Saint-Denis, la vallée de Montmorency, Pierrelaye, se rendrait d'un côté à Conflans-Sainte-Honorine; et de l'autre côté, dans l'Oise près Pontoise, et qui enfin se continuerait de Pontoise à- Dieppe, par Gournay et autres lieux. - « Après avoir également entendu le rapport de l'avis du 24 mai 1786, donné par les sieurs Borda, Lavoisier, Condorcet, Perronet et Bossu, commissaires nommés pour l'examen du projet, alors
Frésenté par ledit sieur Brullée, et approuvé par académie des sciences, de celui du 26 mai 1790, donné par lesdits sieurs Borda, Lavoisier, Condorcet et Bossu ; de la pétition des représentants de la commune de Paris, du 6 juin dernier, qui demandent l'exécution de ce projet et des dires des directoires des départements de Seine-et-Marne et de Seine-et-Oise;
« A décrété et décrète ce qui suit :
« Art. 1". Le sieur Brullée est autorisé d'ouvrir, à ses frais, un canal de navigation, qui commencera à la Beuvronne, près du pont de Souilly* arrivera entre la Villette et la Chapelle, dans un canal de partage qui formera deux branches.
« L'une passera parles faubourgs de Saint-Martin et du Temple, les fossés de la Bastille et de l'Arsenal, pour se rendre dans la Seine.
« L'autre branche passera par Saint-Denis, la vallée de Montmorency, arrivera au-dessous de Pierrelaye, où elle se divisera encore en deux branches, dont l'une se rendra dans la Seine à Conflans-Sainte-Honoriue, et la seconde dans l'Oise près de Pontoise; il suivra, autant qu'il sera possible, la direction du plan joint à son acte de soumission ci-dessus rappelé. L'ancienne navigation de la Seine, de la Marne et de l'Oise restera libre comme ci-devant. »
Observations du sieur Brullée.
Il demande que cet article soit ainsi conçu : Le sieur Brullée est autorisé d'ouvrir, à ses frais, un canal de navigation, qui commencera à la Marne, près de l'Ourcq, passera au pont de Souilly, etc.
11 est, dit-il, indispensable de commencer ce canal à la Marne près de l'Ourcq, afin d'assurer au commerce et à la ville de Paris tous les avantages qu'ils doivent en attendre; quoique ies commissaires de l'académie des sciences ne se soient point expliqués sur la possibilité de cette partie du canal, qu'ils n'ont pas vérifiée, il n'en est pas moins certain qu'elle est possible.
Riquet a démontré la possibilité de faire un canal qui commencerait à la Marne, près de l'Ourcq, et arriverait à Paris à la pointe de l'Arsenal ; il s'agit ici de l'exécution de ce projet : c'est le projet de Riquet que l'on veut exécuter, avec quelques variantes indifférentes à sa possibilité. Riquet a commencé son canal, et le conduisit, du point rappelé, jusqu'à Meaux; le sieur Brullée veut également le commercer à ce même point, et suivre assez régulièrement la marche de Riquet, non seulement jusqu'à Meaux, mais encore jusqu'au pont de Souilly, où Riquet arrivait; donc la partie du canal que les commissaires n'ont pas vérifiée est possible : ce qui est prouvé :
1° Par les travaux de Riquet;
2" Par le témoignage de La Lande, dans son Ouvrage sur les canaux ;
3° Et par les nivellements présentés par le sieur Brullée, vérifiés et signés par les ingénieurs.
Donc, continue-t-il, il convient d'adopter la rédaction de l'article 1", telle qu'il la sollicite.
Elle sera conforme à l'intérêt public, â la vérité des faits ; elle tranquillisera grandement les personnes qui pourraient prendre quelques inquiétudes mal fondées, à l'occasion de quelques eaux qu'elles croiraient perdre.
« Art. 2: Ce canal, les berges, chemins de hallage, fossés, francs-bords et contre-fossés seront exécutés sur une largeur de terre de cinquante toises ;elle sera augmentée dans les endroits où il sera jugé nécessaire d'établir des réservoirs, bassins, gares, ports, abreuvoirs, et des anses pour le passage des bateaux, où les francs-bords ne donneraient point assez d'espace pour les dépôts des terres provenant des fouilles : et aussi dans les endroits où les terres des excavations n'en fourniraient point suffisamment pour former les digues dudit canal.
« Art. 3. Le canal aura, àila superficie de l'eau, dans l'intérieur de Paris, douze toises de largeur entre les murs de quais, et huit toises partout ailleurs ; sa profondeur sera de six pieds d'eau : il sera garni d'écluses partout où elles seront nécessaires, et dans la campagne, d'anses de quatre cents toises en quatre cents toises.
«Art. 4. Le sieur Brullée construira des ponts sur toutes les grandes routes coupées par ledit canal, conformes à ceux existants sur lesdites routes et sur les chemins de traverse, éloignés l'un de l'autre au moins de mille toises ; ils seront plus rapprochés, si l'utilité publique l'exige : ils seront remplacés par des bacs, si quelque localité y nécessite. Il construira, dans Pans, des ponts à la rencontre des principales rues, et des quais de six toises de largeur, sous lesquels il pourra établir des magasins à son profit.
« Art. 5.11 acquerra les propriétés nécessaires à l'exécution de son canal et de ses dépendances, dans la forme énoncée dans le décret du , si les juges de paix sont établis, sinon à dire d'experts; et les difficultés, s'il en survient à cette occasionneront terminées parle directoire des départements.
« Le propriétaire d'un héritage divisé par le canal pourra, lors du contrat, obliger le sieur Brullée d'acquérir les parties restantes ou portion d'icelle3, pourvu qu'elles n'excèdent pas en valeur celles acquises pour ledit canal et ses dépendances.
« Art. 6. Il ne pourra se mettre en possession d'aucune propriété, qu'après le payement réel et effectif de ce qu'il devra acquitter; si on refuse de recevoir ce payement, ou en cas de difficulté, la consignation de la somme à payer, faite dans tel dépôt public que les directoires des départements ordonneront, sera considérée comme payement, après qu'elle aura été notifiée ; alors toutes oppositions ou autres empêchements à la prise de possession seront sans effet.
« Art. 7. Quinzaine après le payement ou la consignation dûment notifiée, le sieur Brullée est autorisé à se mettre en possession des bois, pâtis, prairies et terres à champ emblavées ou non, qui se trouveront dans l'emplacement dudit canal et de ses dépendances ; à l'égard des bâtiments, clos et marais légumiers, ce délai sera de trois mois.
« Art. 8. Les hypothèques dont les biens qu'il acquerra pour la construction de ce canal et de ses dépendances pourraient être chargés, seront purgées en la forme ordinaire, mais il ne lui sera expédié chaque mois qu'une seule lettre de ratification par tribunal, pour tous les biens dont les hypothèques auront été purgées pendant ce mois. •
« Art. 9. Ce canal sera traité, à l'égard des impositions, comme le seront les autres établissements de ce genre. »
Observations du sieur Brullée.
Il a demandé la faculté de passer sur papier et parchemins libres tous les actes relatifs à ce canal, et l'abandon des biens nationaux qui se trouveraient dans son cours. A cet égard, il réduit sa demande aux fossés de la Bastille et de l'Arsenal dans leur état actuel : ils sont nécessaires au canal et à l'établissement d'une gare, si désirée et si essentielle. L'Assemblée nationale, dit-il, a manifesté le désir d'encourager l'agriculture et le commerce. N'est-ce pas les encourager que de leur donner un débouché nouveau, plus sûr, moins dispendieux que l'ancien, et d'autant plus précieux, que le commerce ne sera plus exposé à perdre annuellement un million par les avaries des rivières qui approvisionnent Paris ? D'ailleurs, ce sacrifice sera plus que compensé par l'emploi, pendant plusieurs années, d'un grand nombre de citoyens actuellement à charge au Trésor public : à ces titres, il croit avoir droit à des faveurs, quoique le comité d'agriculture et de commerce ait pensé différemment, dans la persuasion que les principes de l'Assemblée rejettent toute exception ; il demande donc quelques avantages, et principalement l'exemption des droits qu'il devrait acquitter à cause des ventes, reventes et échanges qui se feront à l'occasion de ce canal ; il les réunit tous dans un seul article que l'on pourrait, dit-il, substituer à l'article 9 ci-dessus.
Article 9 proposé par le sieur Brullée :
1° Le sieur Brullée sera exempt des droits domaniaux, fiscaux, féodaux et nationaux qui seraient dus au Trésor public pour les achats, ventes, reventes, échanges et contrats (de telle nature qu'ils soient), faits à l'occasion dudit canal et de ses dépendances ;
2° Les matériaux qui entreront à Paris pour être employés aux ouvrages de ce canal seront exempts de tous droits en prouvant leur destination, mais ceux dus aux hôpitaux seront acquittés ;
3° Le canal et sas dépendances seront exempts de toutes impositions généralement quelconques.
« Art. 10. Les fossés de la Bastille et de l'Arsenal, ainsi que leurs murs, sont abandonnés au sieur Brullée, pour faire partie dudit canal et de ses dépendances ; il démolira, à ses frais, les constructions qui se trouvent dans lesdits fossés, et profitera des matériaux qui en proviendront (1).
« Art. 11.11 est autorisé à détourner les eaux qui seraient nuisibles au canal, et d'y amener celles qui y seront nécessaires, de former des canaux d'irrigation dans la campagne, et de conduire les eaux du canal dans les différents quartiers de Paris, en indemnisant préalablement ceux dont les propriétés seraient endommagées, et en remplaçant les établissements utiles au public, dont la suppression, à cause de leur situation, aurait été jugée indispensable.
« Art. 12. Il pourra construire des moulins sur
« Art. 13. Il jouira des francs-bords du canal, soit en les plantant, soit en y formant des établissements- de commerce, soit autrement; cependant, si, dans la campagne, l'on désire quelques ports, cette jouissance ne sera point un obstacle à leur établissement.
« Art. 14. Il aura seul le droit d'établir des coches, diligences, gaillottes et batelets pour le transport des voyageurs et des personnes qui voudront traverser ce canal; il en établira le nombre qui sera jugé, par l'Assemblée nationale, nécessaire au service public.
«Art. 15. Il jouira pendant cinquante ans (dans lesquels le terme fixé pour l'achèvement dudit canal n'est point compris), du droit de péage énoncé dans: le tarif joint. Après ce temps, ce canal appartiendra à la nation ; mais le sieur Brullée conservera les moulins et autres établissements qu'il aura fait construire pour son profit particulier. »
Articles proposés par le sieur Brullée, en rempla-cernent de Varticle 15.
Il jouira, pendant quarante ans (dans lesquels le terme fixé pour l'achèvement dudit canal n'est point compris), du droit de péage énoncé dans le tarif joint: après ce temps, la nation sera propriétaire de ce canal, en restituant préalablement la valeur de l'emplacement d'icelui et de ses dépendances, et celle des établissements que le sieur Brullée aura faits pour son utilité particulière, selon l'estimation qui en sera laite légalement, et dans laquelle on ne comprendra point les fossés de la Bastille et de l'Arsenal.
Autre article.
Cependant la nation pourra laisser à perpétuité la propriété dudit canal au sieur Brullée : dans ce cas, le péage sera diminué d'un quart, après lesdites quarante aunées de jouissance ; d'un autre pareil quart, après dix autres années de même jouissance (sans cependant que la rétribution payée pour le transport des voyageurs et .pour les frais de gare souffre aucune réduction); et le sieur Brullée ou ses ayants-cause res; feront seuls chargés de l'entretien dudit canal, de ses dépendances et de la reconstruction des ouvrages, et les maintiendront toujours en bon état.
La nation, par ses représentants, fera son choix dans la trente-neuvième année de la jouissance du sieur Brullée; sinon elle sera censée lui abandonner ce canal aux conditions énoncées ci-dessus.
Observations du sieur Brullée
Le comité d'agriculture et de commerce veut réduire à cinquante ans la jouissance du sieur Brullée; il lui refuse toute espèce d'avantage et de répétition ; la justice, la raison, ne s'y opposent-elles pas?
Une jouissance de cinquante ans ne suffit pas ordinairement à un entrepreneur pour l'indemniser des frais qu'exige la construction d'un canal: il faut cependant, lorsqu'il fait le bien,
qu'il soit indemnisé ; si cinquante ans de jouissance d'un établissement qu'il a créé ne suffisent point à son indemnité, il faut trouver un autre mode de le rendre indemne ; ce qui est toujours facile, lorsque l'établissement qu'il a formé est comme éternel.
Cinquante ans de jouissance du péage établi sur le canal dont il s'agit suffiraient-ils, dans les circonstances, à la parfaite indemnité du sieur Brullée? Il aura, sans doute, beaucoup d'établissements qui y concourront; mais est-ce une raison pour confondre les avantages qui résulteront de ce canal, avec ceux qui dépendront des établissements formés à l'occasion de ce éanal ? Ces objets sont séparables et doivent être séparés ; on ne doit point confondre strictement les bénéfices d'une industrie louable et utile au public, avec ceux qui doivent résulter du cariai. Il faut prendre un terme moyen ; d'après ces raisons, il est évident, dit le sieur Brullée, que le comité fut trop sévère.
Les propositions rappelées, continue-t-il, paraissent très raisonnables. La nation veut-elle acquérir la propriété du canal? elle peut le faire, en restituant la valeur de son emplacement et l'emplacement de ses dépendances, et la valeur des établissements qu'il aura formés par son utilité particulière, qu'on ne peut, sans inconvénients, séparer du canal. Elle gagnera, dans ce cas, les dépenses de la construction de ce canal, des écluses, des ponts, etc. Ce gain n'est-il pas assez honnête? ne doit-elle pas restituer la valeur brute d'un terrain dont elle a vendu une partie, dont le prix lui aura été payé, et qui lui est rendu, enrichi d'un canal et de ses accessoires indispensables? enfin doit-on espérer que les citoyens se livreront à de grandes entreprises, si les risques seulement sont pour eux?
Si la nation, au contraire, veut abandonner la propriété dudit canal, elle trouvera dans mes propositions, dit le sieur Brullée, un avantage dont il n'existe aucun exemple : c'est celui d'un péage continuellement décroissant, jusqu'à ce qu'il soit réduit à ce qui est indispensablement nécessaire à son entretien, qui sera probablement toujours à la charge de ceux qui s'en serviront; ce moyen est sûrement plus utile à l'Etat que d'acquérir la propriété d un établissement qui exigera toujours une foule d'employés très dispendieux, peu économes, etc., etc.
« Art. 16.11 mettra dans l'année, à compter du jour de la sanction du présent décret, ses travaux en activité, après avoir justifié au département de Paris qu'il peut disposer de dix millions : il les achèvera dans le terme de huit ans; s'il ne remplit pas l'une et l'autre de ces conditions, il sera décnu du bénéfice du présent décret, sans pouvoir rien répéter à la charge de la nation.
Art. 17. L'Assemblée nationale se réserve de prononcer s'il y a lieu d'ouvrir une branche de communication de ce canal à la Seine, au droit de Saint-Denis; si elle est jugée nécessaire, elle sera faite aux dépens du sieur Brullée, et fera partie du canal.
« Art. 18. Il est autorisé à faire vérifier, à ses frais, par les commissaires de l'académie des sciences, ci-dessus rappelés, le reste de son projet de navigation, en indemnisant préalablement ceux qui devraient éprouver quelques dommages de ses opérations; défenses sont faites à toutes personnes de le troubler, ainsi que ceux employés à ce travail, soit en les molestant, soit en déplaçant leurs jalons, soit autrement, à
eine d'être poursuivis et punis selon la rigueur es lois (1).
« Art. 19. Le roi sera prié de nommer deux commissaires, l'un de l'académie des sciences, et l'autre de celle d'architecture, pour arrêter, avec le sieur Brullée, d'après les observations des départements: 1° les opérations scientifiques; 2° l'emplacement le plus avantageux du canal; 3° et les autres moyens d'exécution. »
TARIF
du péage demandé par le sieur Brullée.
« Art. 1er. Les bateaux, tels qu'ils soient, chargés de grains,
vins, chanvres, bois, fers, charbons de toute espèce, foins, pailles, poteries, pierres,
chaux, tuiles, ardoises et engrais, payeront six deniers du quintal, poids de marc, eu raison
de chaque lieue de 2,000 toises qu'ils feront sur ledit canal. Us payeront, pour toutes
autres mar chandises, neuf deniers du quintal poids de marc, en raison de chaque lieue.
« Art. 2. Les trains de bois de toute espèce et les bateaux vides qui passeront sur ce canal payeront 12 sols par toise de longueur et par lieue.
« Les bateaux qui n'auront que le tiers de leur charge ou moins payeront ces mêmés droits, en sus de ceux dus par les marchandises.
Les batelets et bachots d'environ vingt pieds de longueur payeront 15 sols par lieue.
« Art. 3. Les voyageurs parles coche3, diligences, batelets et gaiflottes établis sur le canal payeront 3 sols par lieue et 6 deniers par livre, pour leurs effets et marchandises, au-dessus de ce qui excédera le poids de dix livres.
«. Art. 4. Les bateaux chargés, les batelets ou bachots qui les suivent, et les trains de boi3 qui entreront dans ce canal, pour se rendre à leur destination, pourront y rester pendant dix jours, à compter des l'instant de leur entrée, sans rien payer pour droit de |séjour gou gare. Après ce temps, les bateaux et trains de bois payeront
1 sol 3 deniers par journée de vingt-quatre heures et par toise de longueur, pendant leur séjour dans ce canal, et les batelets et bachots,
2 sols seulement par journée.
« Les bateaux vides, les batelets et bachots qui emprunteront le passage* du canal, pourront y rester quatre jours sans payer les frais de séjour ou de gare. Après ce terme, ils les acquitteront, comme il est dit ci-dessus.
« Art. 5. Les bateaux,batelets, bachots et trains de bois qui n'entreront dans le canal que pour s'y mettre en gare, en acquitteront les droits, à compter du moment de leur entrée.
« Il sera fait un règlement pour la police du canal. »
(L'Assemblée ordonne l'impression du rapport de M. Poncin.)
Un membre du comité des domaines observe que le sieur Brullée demandant la concession de quelques domaines nationaux, tels,, entre autres, que les fossés de la Bastille, il est nécessaire d'avoir l'avis du comité des domaines. 11 propose d'ajourner l'affaire et de la renvoyer à un nouvel examen.
s'oppoâe à cet ajournement gé-
Divers membres demandent la question préalable sur l'ajournement. Elle est mise aux voix et prononcée.
rapporteurt recommence la lecture des articles.
Après quelques observations, le préambule et les quatre premiers articles sont décrétés en ces termes :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport qui lui a été fait au nom de son comité d'agriculture el de commerce, de la demande du sieur Jean-Pierre Brullée, citoyen français, demeurant à Paris, de construire, à ses frais, aux conditions consignées dans sa soumission du 12 septembre 1790, un canal de navigation qui prendrait sa naissance dans la Marne, sous Lizy, auprès de l'embouchure de l'Ourcq; de là passant par Meaux, Claye et la Villette, descendrait dans un point de partage où il se diviserait en deux branches, dont l'une se rendrait, par les faubourgs Saint-Martin et du Temple, les fossés de la Bastille et de l'Arsenal, dans la Seine; et l'autre passerait par Saint-Denis, la vallée de Montmorency, Pierrelaye; se rendrait, d'un côté, à Gon-flans-Sainte-Honorine, et de l'autre côté dans l'Oise rès Pontoise, et qui enfin se continuerait de ontoise à Dieppe par Gournay et autres lieux : « Après avoir également entendu le rapport de l'avis du 24 mal 1786, donné par les sieurs Borda, Lavoisier, Condorcet, Perronet et Bossu, commissaires nommés pour l'examen du projet, alors présenté par ledit Brullée, et approuvé par l'académie des sciences ; de celui du 26 mai 1790, donné par lesdits sieurs Borda, Lavoisier, Condorcet et Bossu ; de la pétition des représentants de la commune de Pans, du 6 juin dernier, qui demandent l'exécution de ce projet et des dires des directoires des départements de Seine-et-Marne, et de Seine-et-Oise. « Décrète ce qui suit
Art. 1er.
« Le sieur Brullée est autorisé d'ouvrir, à ses frais, un canal de navigation qui commencera à la Beuvronne, près du pont de Souilly, arrivera, entre la Villette et la Chapelle, dans un canal de partage qui formera deux branches.
« L'une passera par les faubourgs de Saint-Martin et du Temple, les fossés de la Bastille et de l'Arsenal pour se rendre dans la Seine.
« L'autre branche passera par Saint-Denis, la vallée de Montmorency, arrivera au-dessous de Pierrelaye, où elle se divisera encore en deux branches, dont l'une se rendra dans la Seiae à Conflans-Sainte-Honorine, et la seconde da»s l'Oise près de Pontoise : il suivra, autant qu'il sera possible, la direction du plan joint à goq actp de soumission ci-dessus rappelé. L'ancienne navigation de la Seine, de la Marne et de l'Oise restera libre comme ci-devant.
Art. 2.
« Ge canal, les herges, chemins de hallage, fossés, francs-bords et contre-fossés seront exécutés sur une largeur de terre de50 toises; elle sera
augmentée dans les endroits où il sera jugé nécessaire d'établir des réservoirs, bassins, gares» ports, abreuvoirs, et des anses pour le passage des bateaux, où les francs-bords ne donneraient point assez d'espace pour les dépôts des terres provenant des fouilles; et aussi dans les en-» droits où les terres d'excavations n'en fourniraient point suffisamment pour former les digues dudit canal.
Art. 3
« Le canal aura, à la superficie de l'eau, dans l'intérieur de Paris, douze toises de largeur entre les murs de quais, et huit toises partout ailleurs ; sa profondeur sera de six pieds d'eau. Il sera garni d'écluses partout où elles seront nécessaires; et dans la campagne, d'anses, de quatre cents toises en quatre cents toises.
Art 4
« Le sieur Brullée construira des ponts sur tou-« tes les grandes routes coupées par ledit canal, conformes à ceux existants sur lesdites routes et sur les chemins de traverse, éloignés l'un de l'autre au moins de mille toises ; ils seront plus rapprochés, si l'utilité publique l'exige ; ils seront remplacés par des bacs, si quelque localité y nécessite. Il construira dans Paris des ponts à la rencontre des principales rues, et des quais de six toises de largeur* sous lesquels il pourra établir des magasins à son profit, »
demande la parole sur Parti* cle 5 et propose qu'au lieu d'attribuer aux juges de paix la connaissance des indemnités que le sieur Brullée aura à payer pour le terrain qu'il sera forcé d'acquérir, 1 estimation en soit faite par des commissaires nommés par les directoires de département dans leurs territoires respectifs.
,'Get amendement est adopté,) Les articles 5, 6, 7, 8 et 9 sont ensuite décrétés en ces termes ;
Art, 5,
« Il acquerra les propriétés nécessaires à l'exécution de son canal et de ses dépendances, sui** vant l'estimation faite par des commissaires nommés par le directoire de département; et les difficultés, s'il en survient à cette occasion, seront terminées par les directoires de département.
« Le propriétaire d'un héritage divisé par le canal pourra, lors du contrat, obliger le sieur Brullée d'acquérir les parties restantes, ou portion d'icelles, pourvu qu'elles n'excèdent pas en valeur celles acquises pour ledit canal et ses dépendances.
Art. 6.
« Il ne pourra se mettre en possession d'aucune propriété, qu'après le payement réel et effectif de ce qu'il devra acquitter. Si on refuse de recevoir en payement, ou en cas de difficulté, la consignation de la somme à payer, faite dans tel dépôt public que les directoires de département ordonneront, sera considérée comme payement, après qu'elle aura été notifiée; alors toutes op» positions ou autres empêchements à la prise de possession seront sans effet*
Art. 7.
« Quinzaine après Fle payement ou la consignation dûment notifiée/le sieur Brullée est autorisé à se mettre en possession des bois, pàtis, prairies et terres à champ, emblavées ou non, qui se trouveront dans l'emplacement dudit canal et de ses dépendances. A l'égard des bâtiments, clos et marais légumiers, ce délai sera de trois mois.
Art. 8.
« Les hypothèques dont les biens qu'il acquerra pour la construction de ce canal et de ses dépendances pourraient être chargés, seront purgées en la forme ordinaire; mais il ne lui sera expédié chaque mois qu'une seule lettre de ratification par tribunal, pour tous les biens dont les hypothèques auront été purgées pendant ce mois.
Art,.9
Ge canal sera traité, à l'égard des impositions, comme le seront les autres, établissements de ce genre. »
Un membre renouvelle, en particulier sur l'article 10, concernant l'abandon à faire au sieur Brullée des fossés de la Bastille et de l'Arsenal, la demande d'ajournement qui a d'abord été faite sur la généralité du projet.
L'Assemblée renvoie cet article à son comité des domaines, et l'ajourne à la séance de jeudi au soir, 21 de ce mois.
lève la séance à neuf heures et demie, et indique celle de demain matin à l'heure ordinaire.
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin.
, député de Ville-franche, demande et obtient un congé de six se^ maines ou deux mois pour affaires très pressantes.
obtient un cpngé de quinze jours.
, député d'Aubusson, demande la permission de s'absenter pour six semaines à dater des premiers jours de novembre,
Cette autorisation lui est accordée.
Le comité des finances demande à présenter un décret sur l'interprétation erronée donnée dans le département de la Mayenne aux décrets sur la vente des sels.
, rapporteur. L'Assemblée, en dé-I crétant la suppression de la gabelle, a ordonné que le sel, qui était alors dans les salorges,serait vendu par la ferme pour le compte de l'Etat; que cette vente serait absolument libre, et qu'eu suivant le prix du commerce, il ne pourrait cependant excéder 3 sous la livre dans les pays les plus éloignés des salines. L'esprit tout naturel de ce décret a été mal saisi par le directoire du département de la Mayenne. Cette assemblée administrative n'a pas laissé au commerce de cette denrée la liberté que vous avez voulu lui donner ; elle l'a taxée, dans l'étendue de son arrondissement, à un sou la livre. Voici, en conséquence, le décret que votre comité des finances vous propose :
« L'Assemblée nationale, instruite par le rap^ port de son comité des finances, des interpréta-* tions erronées que le département de la Mayenne, les districts de Villaine-la-J.uhel, Chàteau-Gontier ont données à ses décrets des mois de mars, avril et mai 1790, relatifs à la vente libre du sel, au débit qui devait être fait, par la compagnie des fermes, du sel qui se trouvait dans les greniers, magasins, dépôts, ou qui avait été acheté avant le premier avril, et au compte qui devait en être rendu chaque mois; désirant prévenir les suites de ces fausses interprétations, les abus qui en pourraient résulter, et empêcher que l'erreur ne se propage au préjudice des revenus de l'Etat, déclare :
« 1° Que, par l'article du décret du mois de mars, elle n'a eu d'autre objet que d'établir une pleine liberté dans la vente du sel, et de prévenir des renchérissements subits trop considérables; en conséquence, elle ordonne que le sel qui était acheté avant le premier avril, ou qui se trouvait pour lors dans les salorges, greniers et magasins, soit débité librement par la compagnia des fermes pour le compte de la nation, et au prix qu'elle trouvera convenable d'y fixer, pourvu que, dans les lieux les plus éloignés de la mer, la vente n'excède pas 3 sols la livre;
« 2° Que les précautions ordonnées par l'article 6 du décret du mois de mars, et par l'article 3 de celui de mai, ne tendaient qu'à empêcher de nouveaux achats, et le remplacement de tout autre sel que de celui qui était alors dans les greniers, magasins, salorges, ou dont l'achat antérieur aU premier avril se trouverait constaté: en conséquence, elle ordonne qu'il ne soit fait aucun empêchement à ce que le sel dont l'achat était antérieur au premier avril, ne soit transporté dans les salorges, celpi des salorges dans lës dépôts, magasins et greniers, et sans qu'il puisse être fait aucun obstacle aux approvisionnements successifs despremiers, jusqu'à l'entier épuisement des sels existants dans les salorges : le tout néanmoins en faisant constater par les municipalités les enlèvements et emplacements ;
« 3° A l'égard des comptes du prix des ventes qui, aux termes dudit décret, doivent être rendus chaque mois, et du versement des deniers qui doit être fait à la même époque dans le Trésor public, l'Assemblée nationale déclare que ce compte ne doit être rendu qu'à l'administrateur général des finances; que les sommes à provenir du prix desdites ventes ne peuvent être versées ailleurs qu'au Trésor public, ni distraites pour quelques causes que ce puisse être, à moins d'un décret spécial, sauf néanmoins, sur le tout, la surveillance dès districts et départements.
Enjoint l'Assemblée nationale au département de la Mayenne, de Viliaine-sur-Juhel,Gh&-
teau-Gontier, et tous autres qui pourraient avoir adopté les mêmes erreurs, d'avoir à se conformer exactement aux dispositions tant du présent décret que du précédent. »
(Ce projet de décret est adopté.)
Le comité des finances demande à proposer an projet de décret sur les mesures à prendre pour opérer à moindres frais la vente du mobilier de M. et Mme Mesle de Saint-Seyran, débiteurs et comptables envers la nation.
, rapporteur .M. Mesle, receveur des tailles à Moniauban, doit à l'Etat 336,000 livres ; la chambre des comptes a fait saisir ses effets. Des créanciers particuliers ont formé opposition à la saisie; les frais sont immenses. L'Etat a dans la finance de l'office de ce receveur, qui est de 600,000 livres, un gage assuré de sa créance. Les créanciers particuliers de M. Mesle se réunissent pour demander la permission de faire Vendre à l'amiable les effets de leur débiteur, à la charge d'en verser les premiers deniers dans le Trésor public. Le comité approuve cettp mesure, et propose à l'Assemblée de l'admettre.
Un membre observe que cette affaire n'est point de la compétence du Corps législatif.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
prend texte du rapport de M. d'Al-larde pour faire la motion suivante :
« L'Assemblée nationale décrète que le comité de liquidation, auquel les états des créances du Trésor public sur divers particuliers ont été remis par le comité des pensions, présentera incessamment à l'Assemblée un projet de décret sur les poursuites à faire contre lès débiteurs du Trésor public, et sur la forme de ces poursuites, à l'effet de faire rentrer, le plus prompte-ment possible, dans le Trésor public, les sommes qui lui sont dues. »
' (Cette motion mise aux voix est décrétée.)
L ordre du jour est la suite de la discus ion sur l'affaire de Brest et sur le renvoi des ministres.
Les quatre comités vous ont présenté un projet de décret qui contient trois dis- Fositions diverses: l'une est relative à l'escadre, autre à la municipalité, et l'autre est générale pour tout le royaume. Je demande qu'elles soient discutées successivement et séparément.
Il n'y a rien de plus dangereux que de prescrire ainsi un mode de discussion sur rensemble d'un décret. Il est sans exemple, dans une assemblée délibérante, que lorsqu'un pro-jèt de décret est soumis à la délibération, chaque membre n'ait pas le droit d'examiner ce décret sous tous les rapports.
, député de Saint-Jean-d' Angely. Il est évident que la disposition du décret relatif aux ministres est absolument indépendante des autres. En vain, si vous les confondiez, vous flatteriez-vous de parvenir à un résultat. De débats en débats, de question préalable en question préalable, vous verriez embrouiller la discussion. Je demande donc que la proposition de M. d'André soit acceptée.
M. d'André a proposé de traiter séparément différentes questions renfermées dans le projet de décret proposé
par les quatre comités. D'autres membres ont demandé que toutes les dispositions soient discutées dans leur ensemble, en établissant qu'elles ont toutes un rapport intime entré elles. Je dois dire que, dans vos quatre comités, en s'occupant de l'insurrection de l'escadre de Brest et de la conduite de la municipalité de cette ville; en voyant que cette municipalité, dont le patriotisme est connu, n'avait motivé ies actes répréhensibles qu'elle s'était permis, que sur la défiance que lui inspiraient les sentiments et les projets des ministres, vos comités, dis-je, ont cru devoir chercher la cause des désordres qui avaient lieu dans les différentes parties du royaume, et voyant que de toutes parts, dans les colonies, dans les flottes, dans l'armée, partout, la méfiance qu'inspirent les ministres actuels enfante des malheurs et en annonce de plus grands encore ; en voyant le système d'inertie par lequel ils vous renvoient toutes les difficultés, pour embarrasser votre marche, ralentir vos travaux, jeter l'incertitude dans l'âme des citoyens, fomenter et accroître les espérances des mécontents, et vous amener peut-être à le suivre, en vous déconsidérant auprès des puissances étrangères ;
Vos comités, dis-je, ont unanimement pensé que, soit incapacité, soit malveillance de la part des ministres, leur existence à la tête du gouvernement mettait la chose publique en danger. Les membres qui les composent, partagés sur la manière de présenter la mesure qui vous a été soumise, sont unanimement convenus qu'elle était indispensable. Ainsi donc, traiter les deux premières parties, relatives soit à l'insurrection de la flotte, soit à la conduite dé la municipalité, sans discuter et arrêter celle qui a rapport aux ministres, serait une chose inutile; on vous ferait arrêter des mesures diverses sur les effets, sans vous faire prononcer sur les causes : le mal est dans l'existence des ministres actuels à la tête des affaires. Vous devez le faire connaître au roi et ensuite décider les deux autres parties. Je demande donc que, si l'on sépare les trois dispositions, on commence par celle qui est relative aux ministres.
(Cette proposition est mise aux voix et adoptée.)
En conséquence, le troisième article relatif au renvoi des ministres est mis en délibération.
(1). Messieurs, les comités diplomatique, des colonies, de la marine et militaire réunis, proposent, comme un moyen d'arrêter les troubles ae Brest, de déclarer au roi que la nation ne peut avoir confiance dans les ministres qu'il honore de la sienne : membre du comité militaire, je crois qu'il est d'autant plus de mon devoir de manifester mon opinion particnlière à ce sujet, qu'absent de la séance, dans laquelle cette motion a été délibérée, je n'ai pu y motiver les principes qui m'auraient prescrits impérieusement de m'y opposer.
L'Assemblée nationale a décrété que le pouvoir exécutif suprême appartenait au roi; elle a
prononcé la responsabilité des ministres. Sous ce double point de vue, l'arrêté proposé est
également inconstitutionnel : demander au roi l'éloi-gnement de ses conseils, ceux qu'il a
cru devoir y appeler, c'est empiéter sur ses droits, c'est réunir tous les pouvoirs, c'est
enfin violer la Constitution; que le Corps législatif accuse individuellement, tel ou tel
ministre, il en a le droit sans doute en vertu de ses décrets, mais les
La nation, dit-on, ne peut avoir confiance en eux : qu'est-ce qui nous garantit l'opinion générale de la nation? Les provinces ont-elles été consultées? Leurs plaintes les ont-elles dénoncées? non, sans doute; quinze voix sur dix dans une réunion de comités, dont plusieurs membres mêmes étaient absents, sont donc j squ'à présent les seuls interprètes de tpute la nation. Le Corps législatif entier pourrait-il penser comme eux? Je ne pui3 le croire si les intérêts d'une Constitution, son ouvrage, peuvent encore le toucher; que deviendrait-elle, si des ambitieux, tranchons le mot, si des factieux, toujours ennemis nés de toute autorité, pouvaient, en l'interprétant à leur gré, s'en servir pour éloigner tous les agents d'un pouvoir qui pourrait se trouver en opposition avec leurs projets criminels ?
L'Assemblée nationale a décrété que ses membres ne pourraient accepter aucune place dans le ministère; des prétentions trop annoncées ont provoqué, dans le temps, ce sage décret; elles se renouvellent sous une forme différente; la demande du renvoi des ministres n'est aujourd'hui que préparatoire; une fois choisie au gré du parti dominant, il ne tardera pas à solliciter leur admission dans l'Assemblée nationale; les intérêts de la nation devraient peut être y marquer leur place; mais ce motif ne seraqu'un prétexte; le Corps législatif, séduit et égaré par le désir du bien, ne ferait, en y admettant ces nouveaux ministres, que servir des ambitieux, dont l'unique projet serait de les remplacer, aussitôt qu'ils auraient pu parvenir ainsi à faire révoquer un décret qui les contrarie.
Députés honnêtes des provinces, dignes représentants de la nation, vous qui méritez sa confiance, on cherche à vous égarer; prenez-y garde : c'est à vous que j'ose adresser mes observations.
Tels sont nos principes; membre du comité militaire, j'ai dû les publier hautement pour me justifier d'un projet auquel je serais honteux d'être soupçonné d'avoir participé.
Nous avons pensé, à l'unanimité, dans les quatre comités, que la cause des désordres qui agitent aujourd'hui le royaume tenait à l'inertie des ministres; mais il est d'autres causes encore dans mon opinion particulière. Le renversement des principes de subordination, la propagation des désordres, les fausses idées qu'on se fait de la liberté, les entreprises des municipalités qui veulent régner dans leur territoire; les calomnies qu'on a répandues sur un officier également estimé de la France et de l'Angleterre; tout cela n'a pas peu contribué aux troubles qui ont éclaté sur l'escadre de Brest. Si l'on vous propose d'attaquer les ministres comme la racine du mal, je ne suis point de l'avis du décret. Si l'on vous propose, au contraire, de déclarer que le gouvernement est nul, j'adhère à cette déclaration.
Je n'ai jamais été plus frappé de la nécessité
d'établir un centre d'unité que dans ce moment. Il faut rétablir l'autorité royale sans laquelle le Corps législatif parvien Ira aussi à la nullité. Je n'accuse pas les ministres des maux do it nous nous plaignons ; la censure des papiers publics les absout à mes yeux. Dès le mois de septembre de l'année dernière, je les ai improuvés d'avoir consenti à être les dépositaires d'un pouvoir qui n'existait plu-5; ils auraient fait l ur devoir, si, chaque fois qu'ils ont vu briser dans leurs mains les instruments qui devaient servir à faire marcher la machine politique, ils'vous en avaient apporté les débris; s ils avaient imité la conduite du chef de l'escadre qui, dès qu'il a vu des soldats rebelles, a cru qu'il ne devait pas se charger plus longtemps de les commander. Que résultera-t-il du décret qu'on nous prooose? Pouvons-nous eéner le roi dans la dispen«ation de sa confiance? Pouvons-nous transporter !e gouvernement dans nos comités etré'inir ainsi ions les pouvoirs? La mesure que l'on nous présente est plus faible que vigo'irense; elle me rappelle le grand Condé faisant la guerreau cardinal de Retz. Voici la disposition iue je vous propose de substituer à celle qui vous est présentée : « L'Assemblée nationale déclare que le salut de l'Etat dépendant del'obéis-sanre absolue aux décrets sanctionnés par le roi et de l'activité du gouvernement pour réprimer les désordres, les ministres demeurent responsables de leur négligence. »
Le grand intérêt de la nation exige que la Constitution s'achève promptement, et, s'il est pos3inle, sans secousses. En vertu des pouvoirs dont nous sommes investis, nous avons non seulement le droit de faire une Constitution, d'organiser les pouvoirs, de les diviser, de leur assigner leurs limites, mais encore de surveiller les agents quelconques du gouvernement. Nos devoirs nous i n posent l'obligation de diriger les mouvements de chaque rouage de la machine politique. En notre qualité de Convention nationale nous sommes subordonnés envers le peuple à deux espèces de responsabilité; l'une est celle des vices que, par notre négligence, nous laisserions introduire dans une Constitution qui doit avoir pour base l'égalité et qui doit être la plus libre possible; l'autre est celle dont l'opinion publique nous menace en ce moment.
Quand elle nous reproche de laisser sans action, sans mouvement, une Constitution déjà assez avancée pour que l'on en eût pu ressentir les salutaires effets, si les ministres avaient, par leurs efforts, secondé constamment les travaux des législateurs; quand elle nous reproche d'avoir laissé trop longtemps quelques agents du gouvernement perpétuer la méfiance des amis de la liberté et nourrir, par cette conduite, les espérances de ceux qui en sont les ennemis; qu'en est-il résulté? C'est qu'on nous a accusés de lenteur dans nos opérations, quand la plus ou moins coupable négligence des agents était seule ré-préhensible. Nous aurions évité ces reproches si nous avions connu aussi bien l'étendue de nos droits que celle de nos devoirs; si nous avions reconnu que le pouvoir constituant est tellement forcé d'avoir à lui des moyens d'exécution, qu'il serait véritablement obligé de s'en donner à lui-même, pour le temps de la durée de ses fonctions, si les ministres, s'isolant de la cho-e publique, restreignaient leurs fonctions importantes au faible avantage de ne se plus regarder que comme les conseils du roi. Je pense donc que
nous serions responsables envers la nation, si quand nous savons que le ministère n'a pas la confiance; si quand nous craignons que la Constitution ne puisse s'achever; si, dans des circonstances à la fois délicates et pressantes, nous ne prenions pas toutes les mesures convenables pour donner à la chose publique d'autres coopérateurs. En jetant les yeux sur les dangers d'une guerre prochaine, sur les malheurs antérieurs, je pourrais trouver encore des raisons puissantes qni militeraient en faveur du projet de décret qui vous est présenté ; mais sur ce sujet il me suffira de me souvenir de ce mol prononcé à cette tribune lors de la fameuse discussion du droit de paix ou de guerre. Il était question de nos voisins, de leurs richesses, de leurs moyens d'exécution, et un des membres de cette Assemblée dit : Ils ont de l'or; eh bien, nous avons du fer! Eh bien, c'est sur notre fer que je me repose! (On ap-plaudit.) Et j'ose croire d'ailleurs que nos braves marins sauront prouver que l'insubordination est, devant l'ennemi, un crime impossible à des Français. Ils se rappelleront aussi que leurs devoirs sont devenus plus sacrés que jamais, puisque aujourd'hui ils sont les défenseurs d'un peuple libre. (On applaudit.)
Mais ce sont nos dangers intérieurs dont il est permis d'être effrayé; ce sont eux qui exigent nos plus pressantes sollicitudes.La source du mal nous est connue; et une chose assez remarquable c'est que l'orateur éloquent qui, hier à cette tribune, a pris la cause des ministres, et les a insultés pour les mieux défendre, nous l'a indiquée lui-même en leur reprochant leur neutralité. Je n'emploierai pas les mêmes expressions pour indiquer Ja cause de la méfiance qu'ils ont inspirée; mais je représenterai que leur inaction réduirait nos travaux à des spéculations de théorie, ou à des maximes d'économie politique, tandis que nous sommes chargés de donner la vie au corps politique. L'Assemblée a pu s'assurer, par les lumières de ses comités, de la stagnation des affaires dans toutes les parties de l'Empire; elle doit donc, pour le mal qui lui est officiellement connu, employer le remède qu'on lui présente.
De tous les fonctionnaires publics, nous sommes certainement ceux qui doivent le moins se laisser diriger par des considérations particulières; si cependant quelques-uns de nous se défendaient difficilement du regret d'avoir adopté des mesures qui tendent à éloigner les ministres, qu'on ne peut pas proprement appeler prévaricateurs, ces regrets, ce me semble, devraient disparaître devant cette reflexion: c'est que des ministres qui auraient dû toujours agir de concert avec nous, être de moitié dans nos travaux, connaissent l'opinion publique sur leur compte et le décret auquel cette opinion nous conduit, et cependant de tels hommes n'ont pas eu la pudeur de prévenir, par leur démission, le décret qu'ils savent que nous aljous rendre. (On applaudit.)
C'est donc avec la connaissance de nos droits et de nos devoirs, et surtout pour éviter Jes orages que doivent craindre les amis de la paix, que j appuie le projet de décret qui nous a été présenté; et c'est au nom du salut de l'Etat que j'invite les amis de la liberté et de l'ordre public à se rallier pour l'adopter.
(1).
Je ne m'efforcerai pas de vous présenter dans leur ensemble la multitude de raisons qui couir-batlent une motion que rien n'autorisait à vous présenter. Par quel hasard vos comités dont vous interrogiez l'opinion sur la révolte d'une escadre, ont-ils, sans vous indiquer démonstrativement les fils qui rapprochent les deux objets, ont-ils, dis-je, détourné votre attention vers un changement de ministère? Qu'ont de commun ces deux objets? Est-ce parce que les ministres sont mauvais que l'escadre refuse notre code pénal? Le code pénal, voilà la difficulté, voilà l'objet de la révolte et de votre délibération. Mais les ministres.... Ils ne sont pour rien dans cette affaire, on ne vous a pas démontré qu'ils y eussent part. Est-ce parce que l'on croit que la gravité des circonstances exige un acte de vigueur, et qu'il est plus aisé de chasser des ministres, que de réduire des séditieux, est-ce pour cela que l'on vous propose sérieusement de faire, pour ainsi dire des ministres, un holocauste à la révolte ? Eh ! Messieurs, ou vous connait bien mal quand on vous propose de telles mesures. D'ailleurs où est le vœu national? On a pu le reconnaître l'an dernier, lorsque, sur toute l'étendue de la France, la nation s'éleva tout à coup contre le choix d'un ministère précédé par la haine publique, et par des actes de tyrannie, et cependant je m'opposai seul dans cette Assemblée, à ce qu'elle devînt l'organe inconstitutionnel d'une proposition semblable à celle qu'on vous propose aujourd'hui. On a pu reconnaître ce vœu national, lorsque i cette même nation applaudit au choix des mi-
nistres actuels, lorsque dans le sein de cette Assemblée, ils vinrent accepter solennellement le fardeau de la responsabilité, lorsque vous leur déclarâtes que le choix du roi était celui que la nation eût elle-même présenté (expression de procès-verbal).
Mais aujourd'hui j'avoue que je ne reconnais pas le vœu national, aucun département, aucune pétition ne s'explique. Je me rappelle seulement qu'il y a six semaines que sous vos fenêtres, un soir, cinquante voix demandèrent le renvoi des ministres, et j'apprends aujourd'hui que dans vos quatre comités, réduits par hasard a 25 votants, on a découvert à une pluralité de 15 contre 10, que les ministres n'ont pas la confiance de la nation.....Si ce sont là les caractères, les premiers symptômes d'un vœu national, et si un vœu national ainsi découvert suffît à l'expulsion d'un ministre, certes vous ne trouverez pas un honnête homme qui accepte une place qu'un tel moyen peut lui ravir, certes vous ne trouverez pas un fripon qui refuse une responsabilité dont un tel moyen peut Je délivrer, quand il voudra.
Je n'ajoute rien à ces considérations. Je ne répondrai pas même aux reproches dont un préopinant (M. de Cazalès) a poursuivi le ministre qu'il appel le fugitif, et ses collègues qu'il appelle morts. Morts et fugitifs. Quand il a prononcé ces deux mots, j'ai cru qu'il s'interdisait toute attaque.
Je passe aux excursions qu'il a faites contre ceux qui n'épousent aucun parti. Je suis un de ces hommes faibles ou changeants qui n'épousent aucun parti, et je ne réponds qu'un mot à ce reproche : montrez-moi le parti qui a toujours eu raison, et si je l'ai déserté j'ai tort, mais ce parti n'est ni là, ni là.— Et quand je suis arrivé ici je me suis dit, comme plusieurs de mes collègues, je combattrai le despotisme et s'il succombe, je n'insulterai pas aux vaincus, je ne dépouillerai pas les morts, je défendrai les droits du peuple et s'il triomphe je ne flatterai pas le vainqueur.
Je demande la question préalable sur la proposition des comités.
(1). Messieurs, et moi aussi, je viens défendre, non les droits, mais les intérêts des princes, mais les droits des nations. Et moi aussi je viens défendre des principes sans lesquels ne peut subsister, je ne dirai pas tout gouvernement libre, mais tout gouvernement où l'on veut trouver encore quelque trace de justice et de raison.
Je ne m'arrêterai pas à compter les nombreux et graves reproches justement encourus par les
ministres. Je m'assure que quiconque a suivi les opérations, et conserve encore de l'amour
pour la patrie et la vérité, serait prêt à les dénoncer à l'opinion de la France, si dès
longtemps elle n'avait pris soin de le faire. Je me bornerai à avouer, avec M. de Cazalès,
qu'ils ont compromis plusieurs fois la véritable gloire du trône, et mis l'Etat en péril; et
j'ajoute qu'ils ont fait surtout l'un et l'autre, lorsqu'ils ont vu d'une part, Je peuple
français se ressaisissant de ses droits et déterminé à les maintenir, et l'Assemblée
constituante, interprête fidèle des volontés nationales, arrachant jusqu'au dernier germe des
oppressions de tout genre; lorsqu'ils ont vu, d'un autre côté,|
Et néanmoins, ce n'est pas le renvoi de ces ministres si coupables, ou si peu habiles, que l'on vous propose aujourd'hui de solliciter du monarque. Car, quoi qu'on ait pu équivoquer et dire à ce sujet, je maintiens qu'il n'existe nulle parité, nulle analogie, entre une telle demande de renvoi et cet autre discours :
« Sire, vos ministres ont manqué ou de bon^ne « volonté, ou d'activité suffisante dans l'exercice « de leurs fonctions respectives: cependant la « méfiance est au cœur des citoyens, les affaires « languissent ou se désordonnent, et la chose « publique est menacée. Sire, daignez pénétrer « vos ministres de votre amour po urles peuples» « et de votre respect de la loi. »
Or, c'est à quoi il est facile de réduire la proposition de vos comités.
Maintenant, si l'on met en doute qu'il puisse être du devoir du Corps législatif d'adresser
au prince un tel langage, je demande, moi, à l'Assemblée nationale, si telle sera chez nous
la déplorable condition des rois, que jouets éternels de toutes les intrigues et de toutes
les séductions des cours, ils ne puissent jamais leur échapper! Serait-il donc nécessaire de
rappeler ici une maxime qne le sang des nations a tant de fois et si cruellement justifiée?
Qui ne sait que le premier besoin des princes est la connaissance prompte et nue de la
vérité? Qui ne sait toutefois que trop souvent séduits et égarés par les personnes qui ont le
plus d'ascendant sur leur esprit et sur leur cœur, entourés, obsédés de leurs ministres, ou
des seuls agents et des créatures da leur ministres,ilsse trouvent tellement enlacésde toutes
parts, qu'ils n'ont de liberté que celle qu'on veut bien leur accorder ; qu'ils ne voient et
n'entendent que ce dont on a intérêt de frapper et de fasciner leurs yeux et leurs oreilles?
Et combien de rois ont achevé leurs jours longs et calamiteux, perpétuellement retenus dans
ce sommeil d'une véritable servitude?Que leur manqua-t-il cependant pour qu'ils en pussent
être arrachés? Un être qui eût assez de courage pour braver les tyrans du prince, assez de
puissance pour percer jusqu'à lui, et un caractère tel qu'il pût s'en faire attentivement
écouter. Or, je cherche vainement où cet être pourrait exister en France ailleurs que dans
l'Assemblée nationale ; je cherche vainement quel citoyen ou quel corps administratif dans
l'Empire oseront élever la voix, contrôler les ministres, les dénoncer au chef de la nation,
et comment enfin ils en pourront espérer une au-
Je n'entreprendrai de discuter ni lès principes, ni les faits relatifs au parlement d'Angleterre, et qui sortent manifestement de notre question actuelle. Je conviendrai au surplus qu'il serait funeste et terrible, non que l'Assemblée législative demandât le renvoi des agents du pouvoir exécutif, mais qu'elle se portât jamais à indiquer son vœu pour leurs successeurs.
Que si le monarque doit jouir d'une pleine liberté dans la nomination de ses ministres, je tiens pour maxime non moins incontestable, que le Corns législatif, en prononçant des décrets, doit vouloir essentiellement que ses décrets soient exécutés. Il doit vouloir qu'ils arrivent au but qui leur est marqué par la constitution des agents de cette puissance qui, par sa nature, doit être sans cesse vigilante, sans cesse agissante, sans cesse présente dans toutes les branches de l'administration et dans toutes les portions de l'Empire.
Non, je ne concilierai jamais et une Assemblée faisant des lois, et cette Assemblée voyant le chef suprême de la nation circonvenu, séduit, trompé, égaré ; et cette même Assemblée, dis-je, restant muette et tranquille, lorsque les plus pressants intérêts de l'Etat parlent si haut, et par un coupable respect pour une prétendue et fausse liberté du monarque méconnaissant et violant sa véritable liberté, qui, comme celle du peuple, consiste évidemment à désirer le bien, et à vouloir que le bien s'opère. Quoi ! lorsque naguère il n'était pas de si chétive cour de parlement qui ne pût dénoncer les ministres, et demander formellement leur renvoi, les véritables représentants du peuple seraient les seuls qui ne pourraient faire entendre à ce sujpt leurs plaintes et leurs observations motivées ! Certes, Messieurs, ce serait se faire une étrange idée de l'indépendance des pouvoirs, que de leur refuser tout point de rapprochement et de contact, lorsqu'il est soumis et commandé par une confiance, par un amour, par des intérêts communs, par la prospérité et le salut delà chose publique.
Accusez les ministres, nous dit-on.....Mais qui ne voit que la conduite d'un ministre peut être très repréhensible, très funeste à l'administration, et ne pas donner lieu cependant à l'accusation nationale 1 Qui ne voit,parexemple,quedes ministres incapables pourront à loisir semer les abus et ruiner le gouvernement, à moins que vous ne déclariez que dans ceux qui se seront chargés de fonctions publiques au-dessus de leurs forces, la faiblesse et l'impéritie seront dorénavant des crimes de lèse-nation !
On nous parle d'intrigues et des projets.....J'ignore, et il m'importe peu de savoir s'il existe en effet parmi nous quelques ambitieux qui dévorent en espérance des emplois dans un ministère à venir. Ce que je sais, c'est que j'ai porté avec transport la loi qui a exclu de ces places les représentants de la nation. C'est que cette même loi, fût-elle vingt fois reproduite ici, je la confirmerai vingt fois avec la même ardeur ; c'est que je ne doute pas un seul instant qu'aucun de ceux qui ont concouru à ce sage décret, voulût ou osât démentir sa première opinion sur cette matière.
Délions-nous, au reste, Messieurs, de ces bruits exagérés ou menteurs que fomentent ces inimi-
tiés, et qu'accréditent quelquefois les frayeurs estimables du patriotisme et de la vertu.
Laissons, surtout, et je ne me lasse point de le répéter, laissons gronder autour de nous ces éternelles déclamations, par où l'on se plaît à menacer le trône de renversement, et la monarchie de dissolution. Nature I égalité 1 liberté ! droits et devoirs des hommes ! voilà le livre que le despotisme avait scellé, et que vous avez ouvert aux nations. Votre tâche a du être d'en développer et d'en appliquer religieusement les principes ; et vous arriverez intrépidement au terme, à travers les discours incendiaires, les allusions perfides, et cette foule de complots mille fois ourdis et déconcertés. Ou bien, chose impossible ! s'ils s'éteignaient jamais ces sentiments généreux qui brillèrent d'abord au milieu de nous avec tant d'éclat et d'énergie ; si les Français n'avaient si glorieusement conquis la liberté'que pour cesser presque aussitôt d'en être dignes ; si enfin, découragés et abattus, ils devaient bientôt retomber sous le joug de l'esclavage ; immuables comme les règles de la nature et comme la vérité que vous auriez enseignées et défendues, vous survivriez encore à cette mort universelle, et vous resteriez debout et immobiles au milieu de l'anéantissement des lois et des ruines de la liberté !
J'appuie la troisième disposition du décret proposés par vos quatre comités.
(On demande l'impression de ce discours.)
(Elle est décrétée à une très grande majorité.)
Un de MM. les secrétaires fait lecture d'une lettre de M. Guignard sur Vaffaire de Brèst.
Le ministre se hâte de faire parvenir à l'Assemblée, même avant de les avoir mises sous les yeux du roi, les dépêches des commissaires envoyés par le roi à Brest: elles portent que les lieutenants de vaisseau, la société des Amis de la Constitution, les gardes nationales et la municipalité se proposent de faire une adresse aux marins de l'escadre, pour leur rappeler l'obéissance qu'ils doivent à leurschefs. Les commissaires ne croient pas devoir laisser ignorer que M. d'Estaing est le commandant désiré de l'escadre.
Au lieu de nous occuper d'établir l'ordre dans l'escadre de Brest, on vient nous entretenir des ministres ; on vient faire jouer, dans le sein de l'Assemblée nationale, des cabales et des intrigues. Après avoir moi-même attaqué les ministres, lorsqu'ils étaient les agents du despotisme, je ne crains pas de paraître suspect en les défendant dans la parfaite nullité à laquelle ils sont réduits. Que leur reproche-t-on? Quel est leur crime ? S'ils en ont commis, pourquoi éluder cette sage loi de responsabilité que nous avons décrétée? Si, au contraire, ils ne sont attaqués que par des intérêts particuliers ; je dis intérêts particuliers, car, quoiqu'il soit impossible à aucun de nous de parvenir au ministère, on peut avoir des vues sur des amis, sur des créatures : l'Assemblée nationale ne se laissera pas prendre à de pareils pièges.....Dans les temps d'orage j'ai levé fièrement la tête :1e 13 juillet, sur les cinq délibérations vigoureuses que vous avez adoptées, j'en avais proposé quatre. C'est toujours contre le despotisme que je veux lutter, et je ne crois pas qu'on puisse me taxer de faiblesse.....Je finis par appuyer le projet de décret présenté par M. Malouet ; seul il peut ramener le calme et la subordination, dont on tente tous les jours, par de nouveaux efforts, de se débarrasser.
On s'efforce, soit par des écrits, soit par des paroles publiquement articulées, soit par des inculpations secrètes, de suspecter le motifs de vos comités, d'obscurcir la vérité, et de supposer des intentions étrangères à celles qui doivent vous déterminer. Je commence donc à ramener la question à sa pure simplicité, en laissant de côté les calomnies pour et contre : elle se réduit à ceci : Est-il vrai que le gouvernement ait constamment souffert, soit de 1 incapacité de ses ministres, soit de leur malveillance, soit de la méfiance qu'on leur oppose ? Si cela est vrai, devez-vous mettre cette vérité sous les yeux du roi? L'organisation publique est prête à s'achever : il reste à donner le mouvement aux institutions que vous avez établies. Jetez les yeux sur l'Empire, vous verrez, dans toutes les parties, un état de crise en bien ou en mal, quipeutdevenir funeste. Si le ministre agit dans tel ou tel sens, si les dispositions sont suspectes, vous verrez les finances non seulement rétablies, mais dans un état de ri-chessequ'aucuneautrepuissancene peut présenter. Vous verrez notre situation politique, forte encore de toute l'énergie de la nation, près de péricliter par la faute de ceux à qui notre force est confiée.Voyezles colonies, elles vous présenteront toutes la plus grande méfiance pour le ministère. Parcourez la campagne, vous verrez le peuple conduit par un patriotisme qui, jusqu'alors, lui était inconnu, prêt à payer les impôts, mais les percepteurs soigneux d'en arrêter la rentrée.
Il faut imprimer le mouvement aux tribunaux, des places importantes sont restées à la nomination du roi ; vous verrez le chef de la justice revêtu d'une grande influence à cet égard. Les corps administratifs ne sont point encore suffisamment instruits de vos décrets; ils n'ont pas encore la connaissance parfaite des bornes et de l'étendue des fonctions qui leur sont attribuées : comment ne s'égareraient-ils pas, si vous n'aviez pour ministres de l'intérieur des hommes amis constants de la Révolution, qui, mettant leur gloire dans le succès de la Constitution, réprimassent avec rigueur tous les actes qui tendraient à faire sortir ces corps des limites tracées ? Si tel est notre état, s'il est vrai qu'au moment où il a fallu tout recommencer, nous soyoas près de la plus grande félicité ou du plus grand dépérissement, de quelle lumière ne doit pas être pour nous le parallèle de la conduite des premiers agents du pouvoir exécutif avec les besoins de l'Etat ! Tous les orateurs qui ont paru à cette tribune ont dit que l'inertie et l'incertitude forment le caractère de ces hommes placés au timon des affaires ; tous ont dit que par leur faiblesse l'autorité royale légitime était anéautie ; tous les ont accusés de retard dans l'envoi de vos décrets, de lenteur dans leur exécution, d'affectation à vous surcharger de toutes sortes de matières d'administration : aussi vos comités ont été unanimes sur l'incapacité, sur l'impuissance des ministres actuels. Il n'est aucun comité qui n'en recèle des preuves. Le comité des rapports reçoit de toutes parts des témoignages d'une méfiance trop certaine. Le comité militaire a vu que la cause la plus puissante de l'insubordination c'est la méfiance dans le ministère et dans ses agents.
C'est une assertion fausse : il n'y a pas au comité militaire une seule plainte contre M. de La Tour-du-Pin.
Je certifie que le comité a été si fort surchargé d'affaires étrangères à ses fonc-
tions, de demandes de soldats, d'officiers ou autres, qui ne s'adressaient pas au ministre, qu'on proposa de nommer à cet effet un comité contentieux; ce qui prouve sans réplique que le ministre n'a pas la confiance des corps.
C'est en vertu d'un décret formel que les officiers et les soldats ont adressé leurs demandes au comité militaire.
(On passe à l'ordre du jour.)
Le seul moyen de rétablir la force du pouvoir exécutif, c'est de supprimer tous les comités administratifs de l'Assemblée, et de rendre les ministres responsables.
M. Rostaing annonce qu'il veut s'élever contre ce que je viens de dire; je demande la parole pour lui, et je la réclame ensuite pour moi.
, membre du comité militaire. J'ai l'honneur d'assurer que le comité militaire n'a aucune connaissance de plaintes directes contre le ministre de la guerre.
(Qn demande à passer à l'ordre du jour.)
(L'Assemblée décrète de nouveau cette demande.)
J'avais demandé la parole; je doi3 une explication à l'Assemblée... J'ai le droit d'être entendu... Je réclame contre cette injustice—
L'agitation d'une partie de l'Assemblée et de quelques membres du comité militaire aurait été moins forte, si l'on m'avait mieux entendu. Je n'ai pas dit, en effet, d'une manière bien précise, qu'il fallait accuser le ministre de la guerre de l'insubordination ; j'ai dit que souvent la méfiance avait servi de prétexte aux actes d'insubordination, et le comité militaire en a sûrement des preuves ; j'en ai vu entre les mains d'un grand nombre de personnes.
Les circonstances sont bien plus positives pour le comité des colonies, puisquil n'est pas une de nos colonies d'où l'on n'ait reçu des plaintes contre le ministre de ce département. Elles étaient divisées par des partis ; mais tous les partis se confondaient sur Ce point : donc il a recueilli, il a obtenu la défiance universelle dans les colonies. On ne niera pas, quant aux finances, que des plaintes multipliées n'aient été portées au sujet des impôts, au sujet des mesures à prendre pour le succès des assignats que vous aviez précédemment décrétés.
Je quitte les faits et je passe à la question. Si la méfiance que la nation a conçue pour les ministres actuels oppose les plus puissants obstacles à l'établissement de l'ordre public et de la Constitution, avons-nous le droit et le devoir de mettre cette vérité sous les yeux du roi ? Notre droit est incontestable.'Organes de la nation, premiers conseillers du roi, nous devons faire connaître au monarque ce qui est nécessaire pour le bonheur du peuple. Toujours les corps administratifs ont joui de ce droit, ont dû se conformer à ce devoir. Vous-mêmes, l'année dernière, vous avez déclaré au roi que les ministres n'avaient pas, n'obtiendraient pas la confiance de la nation. Alors ils agissaient ouvertement contre vous : aujourd'hui il ne s'agit que de leur incapacité, que d'une ioertie volontaire ou involontaire. La circonstance est différente, le principe est toujours le même.
On a dit que le seul moyen à employer était l'accusation formelle et précise. Mais si, en occasionnant des maux graves el réels, les ministres n'ont pas commis de crimes; si, ayant commis des crimes, les délits sont cachés, les preuves ont été soustraites ; si même les preuves sont authentiques et certaines, il faut du temps pour que l'accusation justifiée les fesse descendre du poste où ils compromettent le salut de l'Etat. Il faudrait, et c'est la traduction de ce raisonnement, laisser périr la chose publique plutôt que d'articuler contre eux une méfiance générale. L'année dernière ils étaient certainement coupables ; on vous dit aussi alors qu'il fallait une accusation formelle et précise ; mais la méfiance était palpable, mais le danger était pressant, il fallait vous hâter, et vous dîtes au roi que ses ministres avaient perdu la confiance de la nation. Cet usage est constant chez un peuple qui depuis longtemps connaît l'art de se gouverner. On a, à ce sujet, bien altéré l'histoire. Toutes les fois qu'en Angleterre la proposition qu'on vous fait a été proposée ou admise, elle l'a été comme une marche constitutionnelle, et nul ne l'a regardée comme un attentat à l'autorité royale, à la Constitution. On l'a rarement employée, parce que les ministres, délibérant dans la Chambre des communes, ne peuvent servir utilement que quand ils ont la majorité. Quand ils ne l'ont plus, le roi, averti qu'il ne peut leur conserver plus longtemps sa confiance, la leur retire.
C'est une chose constitutionnelle en Angleterre, que la Chambre des communes peut présenter telle adresse qu'elle veut, et, quant à la déclaration que les minisires ont perdu la confiance publique, il est certain que vous devriez adopter cette forme, plutôt encore qu'en Angleterre, où le roi est averti par un signe extérieur? Vous n'avez pas d'autre moyen de lui faire connaître une vérité nécessaire à l'intérêt de la Constitution et décisive pour lui. Portez actuellement vos regards sur.la position de l'Empire, et vous sentirez qu'il est impossible que l'autorité royale ait toute son énergie, si elle est dans des mains sans force et sans activité. C'est donc sous tous les points de vue un devoir que vos comités vous proposent de remplir. Ne vous exposez pas à la responsabilité qui pèserait sur vous, si vous laissiez plus longtemps l'Etat entre des mains incapables de gouverner. Ou moment où vous aurez dit ia vérité, vous aurez fait ce que vous aurez dû, et les reproches tomberont sur ceux qui, par des conseils perfides, auront déterminé ie roi à conserver de semblables ministres. Déclarez en même temps que vous persistez dans le décret par lequel vous avez exclus tous vos membres du ministère. Ge décret est immuable, chacun sait au fond de son cœur que nous n'en reviendrons jamais, ie me borne donc à demander que la proposition faite par les quatre comités soit décrétée, et, s'il fallait un mot de plus, je dirais : Que ceux qui sont contents de l'administration des ministres se lèvent. {On applaudit.)
se lève.
Monsieur le Président, vous m'aviez fait espérer la parole après M. Barnave.
se dispose à consulter l'Assemblée, pour savoir si M. de Noailles sera entendu.
(Une partie de l'Assemblée demande la parole pour lui.)
M. de Rostaiug a dit un fait qui n'est point opposé à ce que j'ai avancé. (On demande l'ordre au jour.) Je n'ai que deux mots à dire. Un fait différent ne détruit pas un autre fait, quand il ne lui est pas contraire. (On réclame encore l'ordre du jour.) Mon allégation subsiste, puisqu'elle n'est pas combattue.
(On passe à l'ordre du jour.)
(1). Messieurs, je ne sais si pour mériter ie titre de patriote, il faut se déchaîner, invectiver sans cesse contre les ministres; si, pour plaire au peuple, réchauffer son zèle, il faut chaque jour lui présenter de nouveaux conspirateurs, ae nouveaux ennemis de la liberté, bercer son oisiveté de plans insensés, de projets chimériques, de conjurations, de contre-révolutions. Mais nous ne pouvons nous dissumuler que, depuis quelque temps, on a prodigué ces moyens jusqu'à l'ennui et la satiété.
Dans l'espace d'une année, si j'ai bien compté, nous en sommes à la quatrième dénonciation des ministres, et aucune, que je sache, n'a été couronnée et justifiée par le succès; et les dénonciateurs nous ont dit froidement, que, dans la crise d'une révolution, la délation même là plus hasardée, devenait un devoir sacré, une vertu héroïque, et qu'en pareil cas le zèle devait servir d'excuse, même à ia calomnie.
Pour moi, Messieurs, je vous avoue que des signes aussi équivoques de zèle et de patriotisme ne m'en imposent pas ; que le nom de ministre, si envié, et si souvent calomnié, n'est pas, à mes yeux, un titre de réprobation. Je vous déclare d'ailleurs que je ne connais aucun de ceux que le roi a honorés de son choix et de sa confiance; qu'au-dessus de la crainte, ainsi que de l'espoir, je n'ambitionne pas plus leurs faveurs, que je ne redoute leur pouvoir. Peut-être qu'à ce titre il me sera permis d'élever la voix en leur faveur, et de repousser les traits que la prévention, un zèle exagéré sans doute, ont essayé de lancer contre eux.
Et d'abord j'observerai, Messieurs, que trois d'entre eux ont mérité les éloges et les
regrets de cette Assemblée ; que les deux autres ont été choisis dans son sein ; que ce choix
excita alors l'enthousiasme et la reconnaissance de tous les Français : c'est déjà, ce me
semble, un préjugé ûeureux en faveur de leurs talents et de leurs vertus. Par quelle fatalité
ces hommes si chers au peuple ont-ils donc pu encourir sa disgrâce ? Quels sont leurs torts ?
Quels sont leurs crimes ? On leur reproche en général, et sans articuler aucun fait probant,
d'avoir perdu la confiance de la nation. Mais que signifie cette accusation vague, et
destituée de toute espèce de fondement? Entend-on, par la nation, cette partie du peuple,
toujours si facile à égarer, qui, naguère, demandait à grands cris la tète de ces ministres
qu'il ne connût jamais, et celle de ce général, dont il bénit aujourd'hui la sagesse et le
courage? N'est-il pas plutôt l'écho que l'auteur des plaintes qu'on se permet en son nom?
Qu'on me produise les réclamations d'une seule de nos provinces, el je ne balance pas à les
condamner; mais je ne regarderai jamais comme légales ces récriminations odieuses de quelques
individus qui peuvent avoir un grand intérêt à les trouver coupables. Entend-on, par la
nation, ces libel-listes incendiaires, ces journalistes méprisables,
Entend-on, par la nation, les quinze membres de vos comités, qui, contre l'opinion de dix de leurs collègues, ont décidé que l'insurrection de Brest avait sa source dans l'incapacité ou la mauvaise volonté des ministres? Pour moi, Messieurs, quelle que soit ma docilité, je vous avoue que cette majorité ne me séduit pas ; que, sur le rapport même de vos comités, où les ministres, qu'on n'a pas eu certainement envie de ménager, ne jouent aucun rôle, je ne les crois pas plus coupables que le pavillon blanc que vous vous proposez aussi de renvoyer ; que je trouve les intentions qu'on leur prête incompatibles avec une autre accusation déjà partie de vos comités, et souvent répétée dans cette Assemblée. On les accuse, en effet, de vouloir fortement ia guerre, et cette accusation n'est peut-être pas sans vrai • sembiance, parce que la guerre est véritablement le triomphe du pouvoir ministériel. Mais si les ministres doivent désirer la guerre, ils doivent donc vouloir aussi les moyens de la faire avec succès, puisque les revers sont le signal de leur chute, le tombeau de leur prospérité. Mais comment pourront-ils se flatter: de quelques succès, s'ils n'ont à opposer aux ennemis de la nation, que des soldats sans discipline, des généraux sans autorité ? Est-ce ainsi qu'on se conduit, quand on n'est pas entièrement frappé d'aveuglement et de folie ? Se prépare-t-on, de gaîté de cœur, des revers qui doivent ruiner sans ressource un pouvoir qu'on chérit, et pour lequel on a tout sacrifié ? En un mot, s'ils ont le plus grand intérêt à faire cesser le désordre, pourquoi les accuse-t-on de le fomenter.
Un d'entre eux, en particulier, est accusé de négligence, d'inexactitude même dans la manière dont il transmet vos décrets ; mais vingt fois, dans cette Assemblée, j'ai entendu renouveler cette accusation, et jamais elle ne vous a paru assez sérieuse et assez fondée, pour oser lui donner des suites.
Mais accordons à toutes ces accusations toute la vraisemblance qu'on veut bien leur prêter, devez-vous, pour cela, engager le roi à renvoyer ses ministres ? Non, Messieurs : cette démarche serait indigne de la majesté du Corps législatif ; ou la demande que vous ferez au roi, sera ce qu'elle doit être, une simple prière, et alors vous compromettez 1a dignité de cette Assemblée, en l'exposant à un refus toujours humiliant; ou bien ce sera un ordre, et alors vous franchissez les bornes de votre autorité, vous dépouillez le monarque, vous envahissez son pouvoir, puis-qu'en le forçant à renvoyer les ministres qui vous déplairont, vous le réduisez à la nécessité de n'avoir que ceux qui seront de votre Choix. Le jour qui éclairera cette entreprise hardie, j'oserai le dire, Messieurs, sera le dernier de votre liberté, l'époque du despotisme le plus absolu ; c'est alors qu'il sera vrai de dire que la France, au lieu d'un roi, aura 1,200 tyrans. Vous
ne l'avez pas oublié, Messieurs, vous l'avez si souvent répété, que la division des pouvoirs est la base de votre Constitution ; concluez-en donc que leur réunion en sera le tombeau.
Ce n'est pas tout, Messieurs, si vous disposez à votre gré du sort des ministres, vous ouvrez la porte à l'ambition, et par conséquent à la corruption. Rappelez-vous ce décret, à jamais mémorable, qui, en excluant du ministère les membres de cette Assemblée, prouva au peuple français que les représentants étaient vraiment dignes de sa confiance ; n'allez pas, par une démarche précipitée, vous exposer à en. perdre le fruit ; gardez-vous de donner lieu aux conjectures téméraires, aux soupçons odieux. Le jour que la nation nous soupçonnera d'ambition, nous perdrons sa confiance sans retour, et à bien plus juste titre que les ministres.
Si vous croyez les ministres coupables, vous avez en vos mains un moyen bien sûr de réprimer leurs excès, de punir leurs prévarications ; faites exécuter la loi tutélaire de la responsabilité, faites-les juger, vous en avez le droit incontestable ; c'est ainsi qu'il convient aux représentants de la nation d'assurer notre bonheur et notre liberté. Mais n'allez pas, sur des soupçons vagues, et peut-être intéressés, exiger du monarque une satisfaction qu'il ne vous doit pas ; songez que si le sort des ministres est une fois livré à la disposition du Corp3 législatif, la Crainte de lui déplaire, l'instabilité de ces places, déjà si difficiles, en éloignerà les hommes qui en sont vraiment dignes ; qu'on n'y verra, à 1 avenir, que de bas intrigants qui les déshonoreront, et finiront peut-être par renverser l'édifice que vous avez eu tant de peine à élever.
Je conclus done à la question préalable sur le troisième article du décret de vos comités réunis, ou à ce que la loi qui établit la responsabilité des ministres soit mise à exécution, et que leur procès soit instruit par-devant le tribunal qu'il plaira à l'Assemblée d'instituer.
(On ferme la discussion.)
Je demande la question préalable sur le projet de décret présenté par les quatre comités.
Puisque la discussion eët fermée...
Monsieur le Président,vous n'avez pas Je droit de fermer Ja discussion.il faut, aux termes du règlement, qu'elle dure pendant trois jours. Je vous rappelle à l'ordre.
Je vous prie, Monsieur le Président, de me déclarer si la discussion est fermée.
L'Assemblée, consultée sur ia question de savoir si elle était fermée, a décidé qu'elle le serait.
Je ne conçois pa3 comment oq a demandé dans cette occasion la question préalable; il s'agit d'un fait à révéler au roi: ou les ministres ont perdu la confiance,ou ils l'ont conservée-iG'est ce qu'il faut nier, ou ce dont il faut convenir.Je ne conçois pas davantage comment on mettrait en question si l'Assemblée nationale a le droit et le devoir de faire ce que la vertu, ce que le patriotisme exigent de tout bon
Français. Il est du devoir de tout bon citoyen de porter, s'il le peut, la vérité dans le cabinet des rois. Je demande si l'Assemblée nationale, qui n'a voulu aucun intermédiaire entre elle et le monarque, n'a pas eu l'intention de faire parvenir jusqu'à lui toutes les vérités, et, s'il le fallait, la vérité importante qu'il faut lui dire aujourd'hui!
Plusieurs voix de la partie droite : Est-ce la vérité?
Gomment peut-on le demander, lorsqu'il n'est pas un orateur qui, à cette tribune, n'ait cru devoir attaquer la conduite individuelle des ministres, lorsque ceux qui ont combattu avec éloquence et chaleur la motion des comités ont encore, avec plus de chaleur et d'éloquence, combattu les ministres? N'est-ce pas la vérité, quand tous les partis ont été obligés d'en convenir? (Une grande partie de l'As-ssmblée applaudit.)
, ci-devant d'Eprémesnil. On abuse de l'opinion de M. de Cazalès.
Quand les opinions les plus opposées se sont réunies sur ce point, je n'ai pas besoin de parler ni des entraves, ni des gaucheries, ni des lenteurs, par lesquelles les ministres ont arrêté l'achèvement ae la Constitution.
L'opinant oublie que la discussion est fermée.
L'observation que ie voulais proposer est non seulement contre la question préalable, mais encore contre l'étendue trop indéfinie de la proposition. L'intérêt de la vérité, la justice me paraît exiger de séparer un ministre. (Il s élève quelques murmures dans la partie droite.) Je m'attendais aux murmures, et certes je ne les craignais pas. (Les applaudissements de la partie gauche sont unanimes.) Je demande, dis-je, que l'on sépare, le ministre qui, par la nature des soins extérieurs qui lui sont confiés, n'a pu exciter contre lui cette malveillance malheureuse, un ministre dont le patriotisme est bien connu. (Lapartie droite murmure, la partie gauche répona par des applaudissements.) Ce ministre n'est dangereux que pour ceux qui craigryent qu'il ne fasse entendre au roi un langage bien différent des insinuations coupables dont vous ne doutez pas que la personne du monarque ne soit trop souvent entourée. (Nouveaux Applaudissements, nouveaux murmures.) Je déclare, pour répondre aux rumeurs dont je suis entouré, que je ne connais pas ce ministre ; mais j'ai toujours observé sa conduite, et comme représentant de la nation, je ne faisais que m'ac-quitter d'un devoir ; je demande donc que M. de Montmorin soit formellement excepté. (Toute la partie gauche applaudit à plusieurs reprises.)
En ma qualité de rapporteur, j'adopte l'amendement.
monte à la tribune.
, placé dans la partie gauche près de la tribune, demande la parole.
se place dans la même position, dans la partie droite.
Je commence par déclarer formellement...
lit une longue liste des personnes qui sollicitent la parole sur la question préalable.
On demande à aller aux voix sur l'amendement.
La question préalable étant proposée, il faut la mettre aux voix avant l'amendement.
L'amendement est la division de la question préalable; la division doit être délibérée la première.
Je demande la parole pour une observation d'ordre. Le ministre des affaires étrangères ne devait pas plus être compromis dans la motion que dans la discussion. Les comités se sont appuyés sur ce que la méfiance que la nation a conçue pour les ministres actuels, oppose les plus puissants obstacles à l'établissement de l'ordre public et de la Constitution. Le ministre des affaires étrangères, quand il aurait mérité cette défiance, ne pourrait jamais être considéré comme la cause de ces obstacles ; mais qu'il soit permis à un député de Bretagne de dire que, pendant dix ans, il a vu ce ministre gouverner cette province avec une probité et un zèle qui lui ont mérité les hommages de tous les citoyens. C'est le seul qui ait montré qu'il savait aussi être ministre auprès d'une Assemblée nationale. Si la question préalable était mise aux voix, mon opinion ne serait plus libre ; je serais obligé de l'admettre: car mon avis est que le ministre des affaires étrangères n'a pas perdu la confiance de la nation, depuis le moment où cette même confiance l'a élevé au poste qu'il occupe. Je crois donc qu'il est indispensable de mettre l'amendement aux voix, en ces termes : « L'Assemblée nationale déclare que M. de Montmorin n'a pas perdu la confiance publique depuis 1e moment où il en a reçu le témoignage. »
Je demande la question préalable sur l'amendement.
pose la question préalable.
Je demande que l'Assemblée décide si la discussion sur l'amendement sera fermée avant d'être ouverte.
La discussion est fermée à une grande majorité sur la question préalable demandée sur l'amendement.
L'Assemblée décide, à une très grande majorité, qu'il y a lieu à délibérer.
On demande que la discussion soit fermée sur le fond de l'amendement.
Délibérer n'est-ce pas discuter? Décider qu'il y a lieu à délibérer n'est-ce pas décider qu'il y a lieu à discuter ? Je ne connais qu'une manière d'accuser les ministres, quand il s'agit de délits formels : c'est d'articuler un délit précis, particulier à chaque ministre ; mais quand il s'agit d'avertir simplement le roi que les ministres ont perdu la confiance publique, il peut y avoir deux manières de motiver cet avertissement. Le premier motif c'est uand un ministre s'est mal conduit dans son épartement, et alors il faut s'expliquer claire-
ment. Le second motif c'est quand ies miDistres, en bloc, ont donné des conseils dangereux au roi, et alors aucun ne doit être excepté. Gomme je suis et serai constamment de bonne foi, je demande qu'on réponde à ce dilemme. Si je cherchais des motifs sur chacun des ministres, je rappellerais qu'à cette tribune M. Charles de Lameth a accusé le ministre des affaires étrangères d'avoir donné des avis tardifs sur les dispositions hostiles des puissances.
(L'amendement est mis aux voix et décrété à à une très grande majorité.)
(L'Assemblée, consultée, décide à une très grande majorité, qu'il y a lieu à délibérer sur la question principale.)
(La partie droite réclame.)
J'ai prononcé le décret conformément à ce que j'ai vu, et à l'avis unanime des secrétaires sur la majorité.
La partie droite demande l'appel nomiuaL
La partie gauche demande que l'appel nominal se fasse sur la motion principale et non sur la question préalable.
L'Assemblée le décrète ainsi.
On fait de nouveau lecture de l'article 3, tel qu'il suit :
« L'Assemblée nationale, après avoir arrêté les précédentes dispositions, portant ses regards sur la situation générale du royaume, et reconnaissant que la faiblesse apparente du gouvernement a pour véritable cause 1a métiaQce que la nation a conçue contre les principaux agents du pouvoir exécutif; voulant remédier à ces maux autant qu'il est en elle, en éclairant la sagesse du roi sur l'usage du pouvoir que la Constitution a mis dans ses mains, décrète que son président se retirera devers le roi, pour lui représenter que la méfiance que la nation a conçue contre les ministres actuels, oppose les plus puissants obstacles à l'établissement de l'ordre public et de la Constitution. »
On procède à l'appel nominal.
La proposition des quatre comités est rejetée à la majorité de 403 voix sur 440.
La séance est levée à six heures.
A LA SEANCE DE L'ASSEMBLEE NATIONAL DU
Nota. M. Dupont (de Nemours) a fait imprimer et distribuer à tous les députés, son discours sur les principes constitutionnels relativement au renvoi des ministres. Nous avons pensé que cette opinion, quoique prononcée en dehors de l'Assemblée nationale, devait trouver place dans les Archives parlementaires.
Principes constitutionnels, relativement au renvoi et à la nomination des ministres. (Discours prononcé à ia Société des Amis de la Constitution, dans la séance du 20 octobre 1790), par M. Dupont (de Nemours).
AVERTISSEMENT.
Quelques personnes, amies du trouble; quelle
ques particuliers acharnés depuis longtemps à calomnier tous les hommes utiles et braves qui aiment la liberté, la nation , Ja loi, le roi, la paix, l'ordre et la Constitution; quelques factieux qui voudraient prolonger l'anarchie, dans laquelle et par laquelle ils régnent; qui craignent l'influence que la raison, la justice, la morale et la modération ont sur les esprits sages et sur les cœurs honnêtes; quelques agents d'intrigues qui sont effrayés de la stabilité que la Constitution prendra, et de la prospérité qui renaîtra et qui s'accroîtra sans cesse dans le royaume, lorsque les maximes de l'Assemblée nationale y seront généralement respectées, et qu'on se pénétrera d'une vénération religieuse pour ses décrets, ont cherché à flétrir dans l'opinion publique celui qui a été rendu le vingt de ce mois.
Ils n'ont pas craint de supposer à ce décret des motifs indignes de la majesté du Corps législatif, et de l'amour dont ses membres sont animés pour la patrie.
Ils ont affecté de ne pas voir que tout autre décret eût été entièrement opposé aux principes les plus purs de la Constitution.
Ils ont fait imprimer de prétendues listes de ceux qui, disent-ils, ont trahi la cause de l'Etat, en sortant de VAssemblée pour éviter de donner leur voix.
Je me trouve inscrit sur une *de ce3 listes, comme si j'avais ainsi déserté ma place et mon devoir. Nul de ceux qui me connaissent ne le croira. Je dois déclarer aux autres que loin de m'être absenté, j'ai essuyé d'une partie de ta minorité un applaudissement dérisoire, une huée véritable, pour avoir été de l'avis de la majorité, c'est-à-dire de celui de l'Assemblée.
Je crois devoir plus; je crois devoir montrer, puisqu'on ose dire au public te contraire, que cet avis était le seul que la Constitution permit à l'Assemblée nationale d'adopter, et qu'il est très heureux que sa sagesse et ses lumières l'aient fait échapper au piège le plus dangereux qu'un zèle égaré ait pu mettre sous ies pas des législateurs.
C'est dans cette vue que je publie le discours que j'ai prononcé le jour même à la Société des Amis de la liberté et de la Constitution de 1789, lorsqu'un de ses membres y a fait la motion qua cette société exprimât un vœu pour le renvoi des ministres.
J'ai tâché d'y traiter la question avec simplicité, avec clarté, avec sagesse, sine ira et studio, quorum causas procul habeo.
DISCOURS.
Messieurs, l'objet qui vous occupe en ce moment est digne sous tous les aspects d'exciter votre attention la plus sérieuse. 11 tient aux principes de la morale, de la justice, de la politique et de la Constitution.
Il n'est pas permis en morale d'accuser sans preuve, moins encore sans avoir une idée nette de l'objet de l'accusation.
En justice, il faut nécessairement articuler des faits; sans quoi, il n'y a lieu à aucune action, à aucune accusation.
En politique, et de la part des corps, on doit avoir une réserve plus sévère encore s'il était possible; car comment un corps pourrait-il se permettre une action, une volonté commune et des démarches publiques, sur des objets par rapport auxquels les particuliers ne pourraient trou-
ver la matière d'une action, ni d'une accusation privée :
Relativement â la Constitution, le point dont il s'agit est àù plus éfîiineht degré dë Conséquence et dans là circonstance où se trouve la chose publique, lë salut du royàumë, et la Conversion de tout ce qui a été fait d'utile par l'Assemblée nationale, auraient ptt être compromis, si elle n'eût pas pris unë résolution sage et prudente sur l'Objet qui à été soumis hiër et ce inatih à sa considération.
Ayant été dë l'avis qui a obtenu la majorité dans l'Assemblée nationale, et venant d'entendre exposer, en faveur de oet avis, différents motifs qui ont pu concourir à le faire adopter, mais qui n'ont pas été celui qui a fixé mon opinion, ni l'opinion du plus grand nombre de mes collègues, dont je me trouvais environné; je me crois obligé de rendre compte de ce véritable motif qui, d'après les principes de l'Assemblée, me paraît avoir décidé et dù décider le Corps législatif.
Le mérite ou les défauts des ministres, leurs talents ou leur incapacité, lorsqu'il n'y a contre ëux aucune accusation de délit, ne pouvaient influer en rien, sur la résolution qui a été prise.
Ils seraient beaucoup meilleurs, ou beaucoup pires qu'ils ne sont, que cette résolution aurait dû être la même, dès qu'il n'y a contre eux aucune imputation qui puisse être la matière d'un jugement.
Cette résolution étant rigoureUsemeht dictée par l'intérêt que nous avons tous au maintien de la Gbnstitution, par le respëct que nous devons tOUS; et qUe l'Assemblée nationale doit comme nous aux décrets qui sont émanés d'elle} et qui ont reçu là sanction du roi, ou qui ont été acceptés par lui. L'Assemblée ne pourrait se permettre d'y porter elle-même atteinte, sans exposer la dignité législative et la Sbumission générale qui lui ëst due.
Ôii a cité dans la tribune dé l'Assemblée ha-tionale, ou à citë dans celle dë la société particulière que nous formons ici, la manière doht les Représentants de la nation së sont expliqués sur îe ministère fdi,mé lë 13 jùillet 1789 ; l'improba-xibh cjû'Ils lui ont donhee, et ies marqués de ÇOntlâhce ddnt ilS ont, à cette époque, honoré le ministère actuel. Mais alors on étâit dans la crisë de lu Révolution ; aucun, pouvoir n'était limité ; aucune loi constitntivë n'avait été prononcée, et lë devoir dë l'Assembléë avait été de suppléer à tout.
Aujourd'hui les principes fondamentaux de la Constitution sont posés; la distinction des pouvoirs et de leurs différentes fonctions est établie ; il a été décrété que le choix et la nomination des ministres appartenaient au roi; et pour qu'il n'en pût résulter aucun abus, il a été décrété que les ministres seraient responsables,
L'Àssëmblèe nationale s'est réservé le droit de les faire punir lorsqu'ils seraient coupables, non pas cëlui de les renvoyer lorsqu'il n'y aurait contré eux aucune accusation formelle; élje peut demander leurs têtes, mais non pas leurs places; car la tête në se demande, par une assemblée respectable, que sur des faits positifs, ët ia placé se demanderait, comme aujourd'hui, sur les plus vagues allégations.
Les parlements, a-t-on dit, dénonçaient les ministres, dili, et ils faisaient très bien, quand il y avait lieu. C'est iin droit universëi que celui aë dénoncer ; nul citoyen n'en est, ni ne peut en être privé; l'Assemblée nationale, à plus forte
raison, a le droit, le pouvoir, le devoir dans l'occasion d'exercer cette fonction reddutable;
MaiS, quand on dénonce, il faut que ce soit quelque chose, quelque faute visible, soit de commission contre le devoir, soit d'omission du devoir. Hors de là, rien.
L'Assemblée nationale, et même tout citoyen peut donc dire au roi, si le fait est vrai : tel ministre ne mérite plus la confiance de la nation, ni la vôtre; car il a eu tel tort, ou commis tel délit. L'Assemblée nationale, ët même tout citoyen peut dire au roi, si la chose,existe : tout le ministère doit être privé de votre confiance et de celle dé la nation, car tel ministre est coupable de tel fait, tel autre de tel autre fait, ét ainsi du reste en articulant les torts de tous.
Mais l'Assemblée nationale ne peut pas dire Vaguement, tel ministre, moins encore, tout le ministère n'a plus la confiance de la nation ; car elle n'en fait rien et notre Constitution ne donne aucun moyen prompt ni sûr de le savoir.
Notre Constitution a voulu qu'on ne pût être puni que pour des fautes réelles ; non pour l'idée qu'un Corps ou Uh autre se formerait d'une opinion qu'on disait générale et qui serait un motif très suffisant d'action si, en effet, elle était générale, mais qu'il serait impossible de constater.
En Angleterre, la Chambre des communes peut dirë au roi que ses ministres n'ont pas là Confiance publique, parce que si le roi d'Angleterre croit (lue la Châmbre des communes se trompe, ou est entraînée par une intrigue, il y a un moyen dé Consulter le véritable souverain, d'appeler au peuple, en convoquant un nouveau parlement, dans l'élection et les instructions duquel le peuple exprime son opinion.
En France, au contraire, le roi ne peut renvoyer l'Assemblée nationale, ni aucune législature; il hé peut en Convoquer une autre qu'à l'époque lixéé par la loi. Il n'a donc pas le moyen de connaître lë véritable vœu dtt peuple, lorsque le Corps législatif voudrait diriger l'ëxercicé des droits conHés par la Constitution àu pouvoir exécutif. Les séditions be sont pas des organes de ïa véritable volonté publique. Le peuple de France n'habite pas exclusivement sUr une terrasse ou dans un jardin. Celui d'Une tfille ou d'un canton n'a aucun droit particulier sur les représentants et les différents délégués de celui de tout le royaume. On ne peut donc, en France, s'écarter de la loi constitutionnelle, ni dans les cas particuliers se dispenser d'articuler des faits positifs et susceptibles de preuves régulières.
L'Assemblée nationale a eu ce respect pour la liberté générale qu'elle ne s'est pas réservé le droit (que personne au reste ne peut avoir dans le monde) ni le pouvoir de dire pro ratione vo-luntas, vel opinio. Elle s'est interdit l'arbitraire, comme âu roi. Elle s'est soumise à la sanction de celui-ci. Elle lui a laissé la liberté de la refuser dans tout ce qui concerne l'administration, jusqu'au délai dans lequël les lumières de la dation auraient pu être consultées par des éléctions nouvelles.
. C'est douç avec beaucoup de raison et trèscons-titutionneliement que l'Assemblée nationale, en gardant le droit d accùsér et de faire punir les ministres, a renoncé à celui de lés décrëditer, d'affaiblir ainsi lë pouvoir éxëcutif, èt d'en destituer ies agents sur dë simples opinibné indéterminées qui pourraient être le résultat d'intrigues ambitieuses ou d'ërréUrs involontaires.
L'Assemblée nationale a eu, dans la proposition même qui lui a été faite, l'exemple et la preuve
de des cireurs qiii alitaient beaucoup de dangei4. Les quinze commissaires, qui avaient formé la majorité de ses quatre comités réunis, lui avaient proposé, un décret qui déclarait que tous les ministres, sans aucune exception, avaient perdu la confiance de la nation. Quelques membres ont observé que M. de Montmorin, ministre des affaires étrangères, jouissait certainement de cette confiance et la méritait. Les quatre comités sont convenus, par l'organe de leur rapporteur, de ce fait important dont ils avaient omis de rendre compte à l'Assemblée. Ils sont donc convenus que leur projet de décret n'était pas l'expression de l'opinion générale qu'ils invoquaient et qu'ils citaient. Ils sont donc convenus que si leur décret eût été adopté sans discussion et en passant aux voix* comme la minorité qui se croyait la majorité; le désirait* l'Assemblée nationale aurait, au moins en un point, fait une injustice, et dé-élaré commé incontestable une chose qui n'existait pas, et dotit le peu de fondement a été avoué, à l'instant même* par ceux qui avaient propesé de la faire entrer dans un décret.
C'est donc avec beaucoup de raison et très Constitutionnellement que l'Assemblée nationale S'est abstenue de prononcer sur des allégations qui n'étaient appuyées par l'exposition d'aucun fait propce à devenir un chef d'accusation et possible à prouver.
C'est avec beaucoup de raison ét très constitutionnellement que, voulant et devant fendre les ministres responsables, elle a renoncé à la faculté de les congédier ou de forcer leur retraite, sans les accuser de demander leur punition* et à celle de nommer ou d'ihdiquér leurs successeurs, qui résulterait nécessairement du pouvoir d'obliger le roi à changer son conseil.
Je sais qu oh dira que l'Assemblée nationale, en mettant le roi dans la nécessité de renvoyer ses ministres, lui laisserait la nomination de ceux qui devraient les remplacer; Mais chacun voit que cette prétendue liberté du roi serait en ce cas totalement illusoire; car si l'Assemblée pouvait chasser les ministres sur la déclaration vague que quinze commissaires sur vingt-cinq auraient faite que le ministère ri a pas la confiance de la nation, quinze autres commissaires pourraient dire le lendemain, et diraient sans doute que le nouveau ministère ri aurait pas non plus la confiance de la nation, s'il n'avait point été nommé par eux.
On pourrait ainsi faire épuiser au roi, en un mois, tous les choix possibles, jusqu'à ce qu'on l'eût conduit à celui de quelques secrétaires af-fidés des principaux chefs du parti qui dominerait dans l'Assemblée.
Peu importerait alors le très sage décret qui interdit aux membres de la législature l'entrée dans le ministère : décret contre lequel plusieurs tentatives, repoussées par le patriotisme, ont été faites dans ces derniers temps auprès d'un grand nombre de membres de l'Assemblée nationale.
Il serait encore plus commode d'avoir au ministère ses créatureâ que d'y être soi-même, et d'exposer aux dangers de cette place les gens qui . dépendraient de nous que de courir nous-mêmes ces dangers.
Cet usage troublerait tout. Les administrateurs, au lieu d'administrer, s'occuperaient à se défendre par des intrigues contre des législateurs, qui, au lieu de faire des lois, s'occuperaient du soin d'attaquer, et de changer, par d'autres intrigues, les agents du pouvoir exécutif.
La hation, voyant ses représentants s'écarter de la lettre et de l'esprit d'une partie des décrets qu'éul-thémes ont pronoticês, ne croirait plus Ces mêmes décrets, ni ceui qui portent sur les autres branches du gouvernement, autant obligatoires qu'ils ie sont.
Lorsqu'on s'apercevrait que le roi serait contraint à déplacer sur la plus vague imputation les seuls hommes qui puissent lui conseiller d'accepter et de sanctionner, ou de ne pas accepter et de ne pas sanctionner les décrets de l'Assemblée nationale, les bons citoyens de Paris et surtout des provinces pourraient attacher moins de poids à la très importante formalité de l'acceptation et de la sanction.
L'édifice de la Constitution demeurerait sans lien et sans base : sans base, si l'Assemblée, ne se croyait pas obligée par ses propres décrets ; sans lien, si l'on doutait de la liberté avec laquelle le roi se porte à l'acceptation des décrets qui doivent êti-e acceptés, et à la sanction de ceux qui doivent être sanctionnés.
L'Assemblée nationale et la Constitution n'ont peut-être jamais couru un aussi grand danger que celui auquel les a exposées, dans cette occasion, le zèle irréfléchi de ses comités.
Mais quelques déclamations que les ennemis du bien public aient pu faire contre l'Assemblée nationale, elle a constamment et toujours justifié la Confiance du peuple par la sagesse avec laquelle elle s'est déterminée sur les questions importantes qu'elle a eu le loisir d'exàfhihéi*.
Le vœii de la majorité est respectable, et parce qu'il est celui de la majorité, seule puissance â laquelle oh doive obéir dàns une assemblée délibérante, et parce qu'il est celui de la raison.
Dans la circonstance actuelle, il à sauvé l'Etat d'un torrént d'intHgues et d'anarchie, ett maintenant lé principe cdûstitutionnél indépendamment dé toute opinion avantageuse ou défavorable au ministère.
Il n'en peut résulter aucun danger; il n'en peut résulter la conservation d'aunih ministre Véritablement indigne de la confiance publique ; car, après Péclat surtout qui vient d'être fait, les ministres hé peuvent qu'être très sévèrement surveillés. Aucun d'eux ne pourra donc échapper à une accusation formelle s'il a une conduite ré-préhensiblé; et l'on doit considérer que la multitude des affaires sur lesquelles un ministre est obligé de prendre un parti et de donner des ordres est telle, qu'il est à peu près impossible qu'elle fie leur échappe, dans une occasion ou dans l'autre, une faute sérieuse, et que ie3 plus vertueux, les plus prudents, les plus habiles ne donnent, mêmë avec les meilleures intehtiods, prise à une accusation grave.
Il faudrait que ceux contre lesquels on ne pourrait pas trouver lieu à Une telle accusation lorsqu'ils seraient néanmoins entourés d'ennemis, fussent quelque chose dé plus qU'irfé{jrbchableâ. S'il en était dé tels, il n'y aurait sans douté aucun inconvénient à ce qu'ils occupassent le ministère, car cette invulnérabilité prouverait qu'ils auraient et qu'ils mériteraient la confiance de la nation.
L'impatience à congédier ceux contre lesquels on iie veut pas se donner le temps d'attendre ce terrible jugement de l'expérience pourrait être regardée comme une raison puissante en leur faveur. Mais encore une fois l'Assemblée nationale a dû ne se déterminer par aucune raison pour ni contre les personnes, lorsqu'il s'agissait des choses, des lois, des principes fondamentaux de
la Constitution. Les ministres passeront nécessairement; la Constitution doit être immortelle. Il aurait été trop triste de la voir altérée par ceux mêmes qui en ont élevé l'édifice avec tant de courage, avec tant d'amour pour la patrie, avec une philosophie si profonde.
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin.
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du 19 octobre au soir.
, secrétaire, lit le procès-verbal de la séance d'hier, 20 octobre.
Ces procès-verbaux sont adoptés.
, secrétaire, annonce que le comité de vérification des pouvoirs a examiné ceux de M. Jean-Baptiste Leclerc, député suppléant de la ci-devant sénéchaussée d'Anjou, qui s'est présenté pour remplacer M. Milscent, qui a donné sa démission, et que toutes les pièces relatives à la députation dudit sieur Le Clerc ont été trouvées en règle.
L'Assemblée, ayant pris connaissance du rapport fait à ce sujet, ordonne que M. Le Clerc prê-' tera le serment civique, et sera admis dans son sein en qualité de député pour remplacer M. Milscent.
monte à la tribune, prête le serment civique et est admis.
fait ensuite lecture d'une lettre écrite à M. le Président par les commissaires des gardes nationales du berceau de Henri IV, au sujet des arrêtés pris les 25 et 27 septembre par le ci-devant parlement de Toulouse, contre les décrets dé l'Assemblée nationale, et de la manière dont les citoyens en avaient usé contre ces arrêtés irrespectueux.
L'Assemblée nationale décide qu'il sera fait mention de cette lettre et de la délibération du corps des officiers des gardes nationales du berceau de Heuri IV.
Je demande la parole pour rappeler à l'Assemblée que, par un de vos décrets, vous avez chargé votre comité des finances de vous faire un rapport sur la direction du Trésor national. Ce dépôt doit être confié à des mains sûres, et les ministres actuels n'en sont pas dignes. (On applaudit.)
C'est sur ma motion que le décret dout il est question a été rèndu. Je demande que les
comités de Constitution, des finances et d'imposition nous fassent ce rapport vendredi
prochain. (Plusieurs voix s'élèvent : C'est demain.)
(L'Assemblée décide que ce rapport lui sera fait dimanche prochain.)
Je demande que la motion qui a été rejetée dans la séance d'hier soit insérée dans le procès-verbal telle qu'elle a été lue.
(Cette proposition est adoptée.)
Le procès-verbal dont on vient de vous donner lecture fait mention d'un congé demandé et obtenu par un honorable membre de cette Assemblée. Vous me permettrez d'en prendre occasion, pour vous rappeler que vous avez décrété le 3 avril dernier « qu'il serait fait une liste de tous les députés absents, de ceux qui demandent à s'absenter, de ceux qui donnent leur démission, et de ceux qui rentrent après l'expiration de leur congé... » L'exécution de ce décret, qui, jusqu'à présent, a été fort négligée, me parait absolument nécessaire, et je me crois obligé de la solliciter dans ce moment auprès de vous avec les plus vives instances. Vous vous rappelez, j'ose le dire avec douleur, que, dans la décision majeure que vous ayez portée hier, nous avons tous vu, non sans un pénible étonnement, et les départements peut-êire le verront comme nous, que le résultat du scrutin ne nous a présenté que le nombre de 700 et quelques votants, tandis que l'Assemblée nationale est constitutionnellement composée de 1,200 membres. Dans le nombre sans doute de ceux qui n'ont pas répondu à l'appel nominal, il y en a qui sont légitimementabsents, puisque vous avez cru devoir leur accorder des congés; d'autres peuvent être réellement retenus par de graves et réelles infirmités : on peut avoir un état précis des premiers, les seconds peuvent se présumer; mais il paraît essentiel d'adopter une mesure qui puisse nous servir de base pour fixer les idées sur les uns et les autres, et nous assurer au besoin le tribut de lumières que nous doivent toujours, et surtout dans les affaires majeures, ceux de nos collègues qui ne sont ni malades ni absents par congé.
Dans cette unique vue, j'ai l'honneur de vous proposer d'ordonner, sans aucun délai, l'exécution la plus rigoureuse de votre décret du 3 avril dernier, afin que le résultat de votre scrutin du jour d'hier, consigné dans toutes les feuilles périodiques, ne donne pas lieu de croire que le tiers et plus de l'Assemblée nationale est malade ou paralysé.
(Cette proposition est adoptée.)
prie l'Assemblée de vouloir bien lui permettre de s'absenter trois semaines pour aller à Metz, où des affaires pressantes l'appellent.
L'Assemblée nationale accorde à M. Emmèry le cougé de trois semaines qu'il demande.
Je dois informer l'Assemblée nationale qu'on emploie dans les régiments de nouvelles manœuvres pour se défaire des soldats patriotes, de ceux qui, par leur éducation, sont les plus propres à propager l'esprit de la Constitution. Il vient d'être réformé 50 soldats d'un régiment d'artillerie en garnison à Strasbourg, pour le prétendu défaut de taille. Ils avaient demandé des congés de semestre ; arrivés dans leur patrie, ils ont reçu des congés de réforme. C'est un fait que je dénonce à l'Assemblée nationale. Je dois observer que les uns servaient depuis trois ans, les autres depuis quatre : tout à coup ils ont perdu la taille.
L'Assemblée ne devrait pas s'occuper de ces détails. Depuis quatre jours les inspecteurs extraordinaires sont de retour, et ils ont apporté le sincère repentir de tous les régiments.
On m'assure qu'il a été donné 25,000 congés de cette espèce. Je demande que le comité militaire et le ministre de la guerre nous fournissent des détails d'ici à lundi.
Cette proposition est adoptée en ces termes :
« LAssemblée nationale décrète que le ministre de la guerre fournira au comité militaire, d'ici à dimanche prochain, un état exact de tous les congés donnés aux soldats de toutes les armes, depuis le 15 juillet 1789;
« Décrète, en outre, que le comité militaire lui rendra compte de cet état lundi prochain, et lui présentera en même temps un projet de décret tendant à réprimer l'abus des congés trop multipliés. »
On distribue à la porte un imprimé, signé du directeur de l'imprimerie royale. Il se plaint de ce que le comité des finances lui ôte limpression des assignats. L'imprimerie royale est le plus bel établissement de ce genre qui existe en Europe. Loin de lui porter préjudice, je crois qu'il faut s'occuper de son entretien. Il est possible que MM. du comité aient eu des raisons, mais je pense qu'ils doivent les exposer à l'Assemblée. Je demande qu'il en soit rendu compte incessamment.
Cette proposition est décrétée après lecture de la lettre qui est ainsi conçue :
Lettre de M. Anisson-Duperron, directeur de l'imprimerie royale, à MM. du comité des finances de l Assemblée nationale sur Vimpression des assignats nouvellement décrétés (1).
Messieurs, j'apprends que ce n'est pas l'imprimerie royale qui sera chargée de l'impression des nouveaux assignats; je vous supplie de vouloir bien suspendre à cet égard votre détermination, après avoir écouté mes représentations.
Le sieur Reveillon, papetier du faubourg St-Antoine, à qui ia fabrication du papier des nouveaux assignats a été dévolue, a, dit-on , aussi obtenu de monter, près l'hôtel Soubise, un établissement pour l'impression en lettres desdits assignats.
Ai-je démérité dans l'exécution des fonctions qui m'ont été confiées pour les douze cents mille premiers assignats?
« L'imprimerie royale, pour un objet de cette importance, et lorsqu'elle y a déjà été employée, ne doit-elle pas à justes titres être préférée à toute autre imprimerie, et surtout aux services offerts par quelqu'un qui doit monter pour cela un établissement qui n'a aucun rapport à son état?
J'en appelle, Messieurs, à votre justice et me résigne avec confiance à votre jugement.
M. de Montesquiou, en m'apprenant que c'était ce même M. Reveillon, propriétaire de la
manufacture de Courtalin, et son voisin de sa terre de Maupertuis, qui était chargé de la
fabrication du papier des nouveaux assignats (2), m'engagea
Je dois encore observer que c'est moi qui ai donné, il y a plus d'un mois à M. de Montesquiou, l'idée de réunir l'impression en lettres, h l'impression en taille-douce, d'où il devait résulter une économie d'argent de 300,000 livres, et celle, incomparable, du temps.
M. de Montesquiou, muni de la connaissance de mes idées, après en avoir sollicité longtemps de moi la prompte expédition, muni des dessins et des travaux des sieurs Chossard et Petit, que j'avais engagés à quitter tous leurs travaux pour se livrer aux premiers essais de l'exécution, vous produit aujourd'hui de nouveaux artistes au détriment des autres, et sans leur offrir de dédommagement.
Quant à ce qui regarde l'impression, il vous propose, à l'aide de mes idées nouvelles, d'en investir un papetier, contre la propriété de mes recherches et contre toutes convenances.
J'ignore ce que coûtera le nouvel établissement qu'on vous propose, il serait facile de l'évaluer ; mais je dois, et à la vérité, et à mon honneur, de vous donner ici ma soumission pour l'impression des trois millions soixante mille nouveaux assignats.
Au prix des précédents, ils coûteront 100,000 livres au plus ; tel est mon engagement, que je souscrirai quand il vous plaira.
D'ailleurs, Messieurs, pourquoi vous porterait-on à faire de nouveaux frais pour un nouvel établissement? tout est disposé à l'imprimerie royale, et présente des ressources bien plus étendues. Lors de l'impression des douze cents premiers mille assignats, j'ai expulsé des locataires, et rempli une maison de douze presses, pour employer toutes celles du Louvre à votre service, et pour cela je ne réclame rien.
Vous croirez sans doute de votre prudence d'examiner mûrement l'aperçu des grands frais
qu'on ne vous présente pas même tous encore. Ceux de l'imprimerie royale, pour la seule
impression, n'excéderont pas 100,0J0 livres, soit qu'on imprime en lettres, ce qui vaudrait
mieux que tout autre moyen, soit qu'on soumette à la presse en lettres une planche gravée,
suivant mes idées, et auquel cas il convient toujours de
placer dans la planche des caractères wpbiles\ et suftout ceux du Louvre, qui sont fondus dans l'intérieur de l'imprimerie rçyale, pe servent que pour elle, et portent des marques distinct tives, qui, dans tous [es temps, ont fait J& sûreté des effets royaux.
J'ai l'honneur d'être avec respect, Messieurs, votre très humble et très obéissant serviteur» Anisson-Duperron, Directeur général de Vimprimçrie royale.
; A Paris, ce
membre du comité des finances, e^ppse la situation particulière 4 un trésorier qui se trouve reliquataire de 424,iH7 livres, et qui, . dans ce moment, ne peut pas payer, J| expose qu'en le poursuivant à la rigueur, on pe tirera de lui que 1QO,OOÛ livres, tapdisque, par ç|es arrangements et des conciliations, on pourrait, à termes fixes, sauver $00,00Q livres de çettè çréancp, et même plus.
demande qu'on passe à l'ordre du jour, en faisant remarquer qu'on pe doit pas s'écarter de l'ordre rigoureux de comptabilité.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
L'Assemblée reprend la suite de la discussion sur le projet çle décret concernant les troubles de Brest.
Toutes lés observations que j'aurais à faire sont à peu près renfermées dans le projet de décret dont je vais vous faire lecture :
« L'Assemblée nationale, fidèle dans ses principes, s*attacbera toujours à maintenir eeux de ses décrets qu'elle regarde comme constitutionnels ; mais elle peut rectifier Geux qui ne sont que réglementaires. Avertie que mal à propos les gens de mer avaient cru leur honneur blessé par quelques dispositions du code pénal, et voulant détruire tout prétexte de trouble, elle a décrété que son président se retirerait par-devers le roi pour le prier d'ordonner que les douze plus anciens officiers de l'egeadre se réuniront avec les commissaires nommés, pour revoir ce que la disposition du code peut avoir de contraire avec le nouvel esprit des marins, pour ensuite, par l'Assemblée nationale, être statué ce qu'il appar* tiendra.., »
Je demande que l'opinant soit rappelé à l'ordre pour proposer une chose aussi inconstitutionnelle, aussi propre à opérer la dissolution de l'Empire, et dans un temps...
continue : Et qu'il sera donné ordre aux commissaires civils de se concerter avec les chefs de l'escadre, afin de licencier les officiers, sous-officiers et soldats auteurs de l'insurrection qui a eu lieu ; à moins que, pénétrés d'un véritable repentir, ils ne se rendent en prison pour 15 jours (On demande la question préalable); ne prétendant cependant point arrêter la poursuite des délits qui auraient encouru le jugement d'un conseil de guerre; recommande aux officiers et sous-officiers de mettre en usage tous les moyens pour ramener à l'ordre les jeunes matelots.
Nous ne pouvons nous dissimuler l'alarmante position de la France : l'intérêt^ de la Constitution sollicite une mesure
prompte; des puissances armées nous environnent; les Anglais sopt prêts à déployer toutes leurs! forces contres nos alliés : le rapporteur des quatre comités vous a fait un tableau effrayant de tous les désordres. Quel est le bon citoyen qui ne tremble pas pour le salut de la patrie?'L'escadre de Brest a résisté à toutes les mesures, et je suis forcé de témoigner tout mon étonnement de ce que le rapport ne nous a pas été plus tôt présenté ; voici mon projet de décret :
« L'Assemblée nationale, ayant entendu le rapport de ses quatre comités sur l'insurrection des équipages en armement à Brest, a décrété : 1° que le procureur syndic de la commune de Brest se rendra à la barre de l'Assemblée nationale dans 15 jours, à Compter de la publication du présent décret, poqry être entendu sur la conduite qu'il a tenue relativement à l'insurrection des équi-; pages ;
« 2° Qu'elle improuve la conduite de la muni'-, cipalité de Brest, pour avoir forcé le cornman-dant à lui communiquer sa correspondance, pour avoir mig des obstacles au départ du vaisseau le Ferme ;
* 3° Qu'il sera nommé de nouveaux commis* saires pour se joindre à ceux qui sont déjà envoyés, lesquels seront autorisés à faire rentrer dans le port |es vaisseaux qui persisteraient dans leur rébellion, pour les désarmer- »
Il y a un décret qui porte qu'on discutera article par article. Je demande que ee décret soit suivi.
J'ai une observation à faire sur le nouveau pavillon qu'on propose d'arborer. C'est le même que celui des Hollandais
En ma qualité de rapporteur des quatre comités réunis, fai dû vous présenter le projet de décret qui y a été arrêté. Mais après avoir rempli ce devoir il m'est sans doute permis d'exprimer ici mon opinion personnelle sur l'insubordination de l'escadre armée à Brest, et sur la conduite de la municipalité de cette ville. Lors* que vos quatre comités se sont réunis, quelques-uns des membres qui les composent, et moi personnellement,nous n'avons envisagé l'insubordination de l'escadre que comme une suite nécessaire de l'impéritie et de la malveillance des ministres (On applaudit); et, puisqu'il faut le dire ici, de l'horreur que plusieurs d'entre eux témoignent pour la Bévolution. Convaincu de cette vérité, j'ouvris le premier contre eux, dans les comités, l'avis qui n'a été rejeté hier que parce que malheureusement leur influence, semblable à un souffle empoisonné qui flétrit tout ce qu'il rencontre, s'est fait sentir jus-> que parmi les anciens fondateurs de la liberté; et cet avis, après quelque discussion, fut adopté par la presque unanimité. (On applaudit à trois diverses reprises.—Lu partie droite demande que l'opinant soit rappelé à l'ordre.)
Quand on parle des fondateurs de la liberté, ce n'est pas à vous qu'on s'adresse.
(L'Assemblée décide qu'elle passera à l'ordre du jour.)
. Plusieurs d'entre ceux qui hier ont opiné pour son rejet avaient le plus contribué à sa rédaction. Il était convenu que le décret serait indivisible, que les trois mesures seraient
présentées à la fois, et c'est à ces conditions seulement que plusieurs d'entre nous, ainsi que moi, avions consenti à prfendre des mesures sévères contre la municipalité de Brest.
En effet, i! était simple qu'en présentant le décret contre les ministres nous n'épargnassions personne, et que nous fissions sentir aux patriotes que les erreurs même involontaires, et qui souvent ne sont que le résultat de l'intention la plus pure, que les erreurs, cjis-je, doivent être réprimées par la loi; mais aujourd'hui l'affaire change entièrement de face : si, les ministres restant en place, nous sévissipns contre la municipalité de Brest, qui est-ce qui nous resterait dans ce pays pour défendre la liberté? La journée d'hier, de timides et obscurs ennemis qu'étaient les ministres, en a peut-être fait d'audacieux tyrans. (On applaudit.) Et nous voudrions encore pous aliéner ceux qui, aux extrémités de la Bretagne, intrépides et magnanimes défenseurs de la ljbeyté, n'ont commis de faute que par un exces de patriotisme; qui, entraînés par ce sublime sentiment, n'ont vu dans (es fugitifs de Saint-Dqqjingue que des malhpqreqses victjmesdu despotisme ; qui, en demandant au commandant de la marine de suspendre le départ dq vaisseau le Ferme, ont été persuadés que c'était empêcher la scission ou là révolte des colonies ; qui, en invitant MM. d'Hector, d'Alhert et autres à se rendre au conseil général et à faire part de leurs lettrés, n'ont eu d'autres prétentions que d'apaiser un peuple irrité ! Ah ! si nous avons quelqpe chqse à dire officiellement à la municipalité de Brest et au procureur de la commune, que ce soit seulepâent pour les avertir que l'excès de la vertu est quelquefois qjiisjhle; encourageons-les, soutenons-les dans leur patriotisme; disons-leur qu'avant d'exercer letfr bienveillance il est utile d'examiner si ceux qui la réclament en sont (Jignes. Voilà' comipe nous devons punir les amis de la Révolution, les défenseurs de la liberté naissante, {Jn seul mot de notre part éclairera plus leur patriotisme que les décrets les plus sévères. Je ne le dis qu'à regret, si ce feu sacré, cet amour de la liberté qui tant de fois a embrasé les représentants de la nation fran-, çaise, se fût manifesté hier dans l'Assemblée nationale: si...
Mais jedois m'arrêter ; sans doute ce saint amour de la Jiberté n'est pas détruit, il n'est, pour ainsi dire, qu'assoupi : il suffit, pour le réveiller, de vous avertir què la patrie est en danger. (On applaudit.) Non, la corruption ne viendra pas nou3 souiller par le désir d'obtenir pu faire obtenir des places, ne viendra pas flétrir nos couronnes civiques, et nous redeviendrons ce que nous étions lorsque nous avons fondé les premières bases de la liberté.
Quant à la partie du décret qui concerne particulièrement l'insubordination de l'escadre, je suis d'avis de laisser subsister les dispositions qu'elle contient, à l'exception de la fin du premier article qui a pour objet le pouvoir donné aux comités de requérir toutes les forces publiques qu'ils croiraient nécessaires pour l'exécution des décrets de l'Assemblée nationale. Mon motif est la persuasion dans laquelle je suis que les équipages sont plutôt égarés que malintentionnés ; que l'insubordination est excitée par des hommes qui ne sont ni marins ni classés, et qu'en donnant au commandant le pouvoir de congédier ceux qui ne seraient pas propres au service de la mer, il détruira la gangrène qui existe actuelle-men t d ans les équi pages.
D'ailleurs, les dernières nouvelles portent que
le repentir se manifeste parmi les véritables marins, parmi ceux qui ont tant de fois et si glor: rieusement exposé leur vie pour le salut et la défense de la patrie. Il ne faut donc pas leur dire, ni leur donner à penser que nous nous persuadons qu'il faudrait employer la force pour les ramener à l'obéissance ; laissons au contraire à leur patriotisme mieux éclairé, à celui dp la municipal lité, à celui de la société des amis de la GonstitUr tion de cette ville, à celui du commandant qu il plaira au roi de nommer, à celui du comité, enfin à celui de tous les habitants de Brest, le soin d'établir l'ordre et la subordination. Voici le projet de décret relatif à la municipalité et au procureur de la commune :
« li'Assemblée nationale, ouï le rapporÇ de ses comités 4e marine, pailitaire, diplopiatique èt des colonies, décrèteq$e le roi sera supplié de nommer deui nouveaux commissaires civils, lesquels se réupiroqt à Brest avéc ceux que Sa Majesté â précédemment notpmés, "et" seront revêtus de pouvoirs suffisants pour, en se concertant qtveo le cpmmap4ant qu'il plaira au roi de mettre à la tête di l'armée navale, enaployer tous les moyens et prendre toutes les mesures nécessaires au ré-tablissepaept de l'ordre dàns ie port et la rade de Brest ;
« Décrète, qu'attendu qu'il a été embarqué sur l'escadre, en remplacement de quelques gens de mer, des gens qui ne sont ni marins, ni alassés, le commandant de l'escadre sera autorisé à congédier ceux qui ne lui paraîtront pas propre* au service de mer;
« Décrète que le pavillon blanc, qui jusqu'à présent a été le pavillon de France, sera changé en un pavillon aux couleurs nationales; mais qu'au moment où tous les équipages seront rentrés dans la plus parfaite obéissance.
« L'Assemblée nationale, considérant que le salut public et le maintien de la Constitution exigent que les divers corps administratifs et les municipalités soient strictement renfermés dans les bornes de leurs fonctions, déclare que les corps adnainistratifs et les municipalités n'e peur vent exercer d'autres pouvoirs que ceux qui leur sonlt formellement et explicitement attribués par les décrets de l'Assemblée nationale, et que les forces militaires en sont essentiellement indépendantes, sauf le çlroit de les requérir dans les cas prescrits et déterminés par les lois.
« L'Assemblée nationale, persuadée Que l'excès du patriotisme a pu seul entraîner la municipalité et le procureur de ia commune de Brest dans des démarches rirégulières, inconstitutionnelles, et qui pouvaient avoir de dangereux effets, décrète que son président sera chargé de leur écrire, pour les rappeler aux principes de la Constitution, ne doutant pas, d'ailleurs, qu'ils ne fassent tous leurs efforts pour concourir, avec les commissaires du roi et les chefs de la marine, au rétablissement de l'ordre et de la discipline parmi les équipages des vaisseaux actuellement en armement à Brest. » (On applaudit à plusieurs reprises.)
Il y a déjà trois jours que l'Assemblée est occupée de cette affaire. Je demande qu'on aille aux voix sur le décret dont il vienf d'être fait lecture.
Il est certain que la Constitution et la sûreté de l'Empire sont compromises, si nous ne faisons pas rentrer dans l'ordre les équi-
pages. Nous ne saurions prendre des mesures irop grandes.
Plusieurs membres demandent à aller aux voix.
Vautres demandent que la discussion soit fermée. — Quelques minutes se passent dans le trouble. Les cris: Aux voix! redoublent.
Que signifient ces cris-là ?
(La partie droite se lève en désordre.)
Deux observations principales s'étaient présentées à mon esprit, lorsque les quatre comités réunis vous ont présenté leur projet de décret. Celui particulier à M. de Menou ne m'a pas fait changer. Les ennemis de la France arment sur terre et sur mer ; l'insurrection se manifeste dans l'armée. Les corps municipaux, par un patriotisme mal entendu, s'arrogent tous les pouvoirs et le désordre s'accroît. Il est donc de la plus haute importance de prendre des mesures générales pour réprimer un mal qu'il serait bientôt impossible d'arrêter. Je propose de décréter que les citadelles et remparts des places de guerre, lorsqu'il y a garnison, les arsenaux de terre et de mer sont déclarés être continuellement sous l'effet de la loi martiale ; elle sera censée y être toujours proclamée. ( On demande la question préalable.) Cette idée n'est pas de moi ; elle vous a déjà été annoncée par M, le vicomte de Noailles.
Plusieurs voix s'écrient : Plus de vicomte!
Je le désigne comme je veux.
Monsieur l'opinant, je vous rappelle à l'ordre.
La nation serait en droit de nous demander un compte sévère de l'usage que nous avons fait de sa confiance. Je ferai aussi quelques observations sur le pavillon qu'on se propose de substituer à celui qui a toujours fait la gloire et l'honneur du nom français. Tous les bons citoyens seraient alarmés si la couleur en était changée: c'est ce pavillon qui a rendu libre l'Amérique ; un changement tendrait à anéantir le souvenir de nos victoires et de nos vertus. Je partage le sentiment qui a engagé le comité à nous proposer d'arborer ce signe de notre liberté ; en conséquence, je demanderai qu'à la couleur, qui fut celle du panache de Henri IV, on joigne celles de la liberté conquise, c'est-à-dire qu'il y soit joint une bande aux couleurs nationales; et pour rappeler une époque nouvelle je dirai : Contemplez ce drapeau suspendu aux voûtes de cette enceinte, il est blanc ; c'est devant lui que vous avez marché à la fédération du 14 juillet.
Je demande que la discussion soit fermée.
(L'Assemblée décide que la discussion est fermée.)
(On demande la priorité pour la motion de M. de Menou, et la question préalable sur les amendements,)
fait lecture du décret présenté avant-hier par les quatre comités et de celui qui lui est particulier.
Je demande la priorité pour
le décret présenté par les quatre comités. Je n'examinerai pas s'il y a de la convenance, lorsqu'on a été chargé" d'un rapport, de venir ensuite présenter un rapport tout différent. La priorité est déjà accordée, puisque depuis trois jours vous discutez le plan des comités.
(M. l'abbé Maury demande la parole.)
(On demande que la discussion soit fermée sur la question de priorité.)
Je ne dirai rien sur la priorité...
(On demande la question préalable sur le projet de M. de Menou. ,-r L'Assemblée décide qu'il y a lieu à délibérer. — La priorité est accordée à ce projet de décret.)
fait lecture de la première disposition de la première partie de son projet de décret. — Elle est adoptée.
fait lefcture de la deuxième disposition de la première partie.
Le premier article comprend implicitement le second. Le second ne contient que des mesures de détail qui ne sont pas de notre ressort. Je demande donc la suppression de cet article.
On se plaint de ce que nous nous mêlons des mesures de détail : eh ! n'y sommes-nous pas obligés, soit que les ministres ne veulent pas s'en occuper, soit parce qu'ils n'en sont pas capables ? Leur système est de faire croire le pouvoir exécutif paralysé, et leur système en cela n'est pas bien malin ; ils espèrent qu'on lui accordera toujours de nouveaux droits. Je le disais hier à un de mes collègues. Le pouvoir exécutif fait le mort. (On applaudit.) Puisque l'Assemblée n'a pas cru pouvoir déclarer que les ministres ont perdu la confiance publique, il faudra bien qu'on s'occupe de convaincre les plus incrédules qu'ils ne l'ont pas, qu'ils ne la méritent pas. (Les applaudissements redoublent.)
Je demande que M. de Lameth soit rappelé à l'ordre; ma motion est appuyée.
Vous faites le mort, Monsieur le Prèsideut l
Mettez aux voix ma motion.
Les plaideurs ont 24 heures après la perte de leur procès.
Je retire ma motion par considération pour M. l'abbé Maury.
Le comité des rapports vous dira que l'administration souffre dans toutes ses parties. Quand un orage est formé, quand une sédition est commencée, le ministère s'empresse de vous la renvoyer, et voilà sa mission remplie ; et il veut que vous soyez responsables des événements, (Plusieurs voix s'élèvent dans la partie de droite: Vous n'êtes pas dans la question.) On se plaint que je ne suis pas dans la question. M. Malouet vous a dit que nous nous occupions des articles de détail ; j'ai voulu prouver que, par notre situation, nous y étions contraints : et puis on crie à l'usurpation, au despotisme ; on dit que l'Assemblée usurpe tous les
pouvoirs. Il faut bien suppléer ou à la mauvaise foi ou à l'impéritie de* ministres. Je ne finirais pas si je vou'ais raconter tous les maux qu'ils font et tout le bien qu'ils ne font pas.
M. de Lameth vient d'établir que le ministère était détruit et qu'il fallait s'en saisir. Je demande s'il est possible d'adopter une mesure qui sous-entend la spoliation du pouvoir exécutif. On veut confondre tous les pouvoirs, c'est-à-dire nous jeter dans l'anarchie.
(L'amendement de M. Malouet, mis aux voix, est rejeté.)
(La seconde disposition de la première partie du projet est adoptée.)
fait lecture de la troisième disposition.
Plusieurs membres de la partie droite demandent la question préalable.
Je demande qu'on renvoie au comité la proposition de changer le pavillon, car, quoique je sois de cet avis, je ne veux pas que les trois couleurs soient divisées en parties égales.
On peut simplement décréter le principe, que le pavillon sera aux trois couleurs, et on renverra au comité sur la forme à lui donner. Je suis bien étonné, lorsque le monarque lui-même a ordonné aux chefs de toutes les troupes de faire arborer aux soldats ce signe de la liberté, que la même proposition trou e ici des contradicteurs. Peu m'importe laquelle des couleurs y sera en plus ou moins grande étendue. Ce n'est pas de cela qu'il s'.igit. La circonstance exige peut-être que je fasse ici une observation générale. Le peuple français est dans l'impossibilité de revenir en arrière, il faut qu'il achève la conquête de la liberté, ou qu'il périsse au sein du désordre et de la plus affreuse misère. (On applaudit.)
11 est d'autant plus nécessaire de conserver ia couleur de notre pavillon, que celui des Anglais et des Hollandais est aux trois couleurs. D'ailleurs, vous occasionnerez des dépenses considérables; il faut conserver à la monarchie son ancien pavillon. Je demande la question préalable sur l'article proposé.
Je vais vous proposer une rédaction, qui, en consacrant le principe, terminera tous les débats : « Le pavillon des Français portera désormais les couleurs nationales. L'Assemblée renvoie à son curaité de marine les dispositions nécessaires pour l'exécution du présent décret. »
(On demande que la discussion soit fermée.)
(M. de Mirabeau l'ainé demande la parole.)
Soit que vous adoptiez la motion de M. Menou, soit que vous adoptiez la rédaction de M. Le Chapelier, vous consacrerez toujours le même principe. (Il s'élève de violents murmures dans la partie gauche.) Jugez ct-t article avec l'impartialité dont vous êtes capables. Je vous demande quels sont les départements, quels sont les militaires qui vous ont proposé de profaner ainsi la gloire et l'honneur du pavillon français; voilà ia véritable cause des désordres
de l'escadre; laissez à des enfants ce nouveau hochet des trois couleurs.
Je demande que l'opinant soit rappelé à l'ordre; il insulte les couleurs nationales.
Les préjugés sont respectables; il faut les ménager. Ne nous laissons plus amuser de frivolités, de cet amour pour les modes. (Les murmures de la partie gauche interrompent l'opitiant.) Il est dangereux de prendre une mesure inutile; puisque nous n'avons aucune réclamation, il est inutile de délibérer ; je demande la question préalable.
Aux premiers mots proférés dans cet étrange débat, j'ai ressenti, je l'avoue, comme la nlus grande partie de cette Assemblée, les bou'llons de la furie du patriotisme jusqu'au plus violent emportemert. (Il s'élève à droite des murmures que couvrent de nombreux applaudissements; l'orateur s'adresse du côté d'où partent ces murmures et dit) : Messieurs, donnez-moi quelques moments d'attention; je vous jure qu'avant que j'aie cessé de parler vous ne serez pas tentés de rire..... Mais bientôt j'ai réprimé ces justes mouvements pour me livrer à une observation vraiment curieuse, et qui mérite toute l'attention dé l'Assemblée. Je veux parler du genre de présomption qui a pu permettre d'oser présenter ici la question q i nous agite, et sur l'admission de laquelle il n'était pas même permis de délibérer. Tout le monde sait quelles crise-* terribles ont occasionnées de coupables incultes aux couleurs nationales; to it le monde sait quelles ont été en diverses occasions les funestes suites du mépris que quelques individus ont. osé leur montrer; tout le monde sait avec quelle félicit.ition mutuelle la nation entière s'est com dimentée, quand le monarque a ordonné aux troupes de porter, et a porté lui-même ces couleurs glorieuses, Ce signe de ra'liement de tous les amis, de tous les enfants de la liberté, de tous les défenseurs de la Constitution; tout le monde sait qu'il y a peu de mois, il y a peu de semaines, le téméraire qui a osé montrer quel iue dédain pour cette enseigne du patriotisme eût payé ce crime de sa tête. (On entend de violents murmures dans la partie droite; la salle retentit de bravos et d'applaudissements. )
Et lorsque vos comités réunis ne se dissimulant pas les nouveaux arrêtés que peut exiger la mesure qu'ils vous proposent, ne se dissimulant pas que le changement de pavillon, soit dans sa forme, soit dans les mesures secondaires qui seront indispensables pour assortir les couleurs nouvelles aux divers signaux qu'exigent les évolutions navales, méprisant, il est vrai, la futile objection de la dépense; on a objecté la dépense, comme si la nation, si longtemps victime des profusions du despotisme, pouvait regretter le prix des livrées de la liberté! comme s'il fallait penser à la dépense des nouveaux pavillons, sans en rapprocher ce que cette consommation nouvelle versera de richesses dans le commerce des toiles, et jusque dans les mains des cultivateurs du chanvre, et d'une multitude d'ouvriers! lorsque vos comités réunis, très bien instruits que de tels détails sont de simples mesures d'administration qui n'appartiennent pas à cette Assemblée et ne doivent pas consumer son temps, lorsque vos comités réunis, fra >pés de cette remarquable et touchante invocation des
couleurs nationales, présentée par des matelots, dont on fait avec tant de plaisir retentir les dé* sordres, en en taisant lés véritables causes, pour peq qu'elles puissent sembler excusables; lorsque vos comités réunis ont eu cette belle pj; profonde idée de donner aux matelots, comme un signe d'adoption de la patrie, comme un appel àléur dévouement,comme une récompense de leur retour à la discipline, le pavillon national, et vpus proposent en cpméquence une mesure, qui, au fond, n'avait pas besoin d'être demandée, ni décrétée, puisque le directeur du pouvoir exécptif, le chef suprême des forces de la nation avait déjà ordonné que les trois copieurs fussent )e signe national.
Eh bien, parce que je ne sais quel succès 4'une tactique frauduleuse dans la séance d'hier a gonflé les ccpurs contre-révolutionnaires, en vingti-quatre heures, en une nuit, toutes les idées sont tellement gubverfies, tops les principes pont tellement dénaturés, on méconnaît tellement l'esprit public, qu'on pse dire, à vous-mêmes, à ja face du peuple qui nous entend, qu'il est des préjugés antiques qu'il faut respecter : comme si votre gloire et la sienne n'étaient pas de les avoir anéantis, ces préjugés que l'on réclame] qu'il est indigne de l'Assemblée nationale de tenir à de telles bagatelles, comme si la langue des signes n'était pas partRUt le mobile le plus puissant pour les hommes, le premier ressort des patriotes et des conspirateurs, pour le succès de leurs fédérations ou de leurs complots ! On pse, en un mot, vous tenir froidement un langage qui, bien analysé, dit précisément : Nous nous croyons assez forts pour arborer la couleur blanche, c'est-à-dire la couléur. de la contre-révolution (la droite jette ie grande cris, les applaudissement? de la gauche sont unanimes), à la place des qdieuses couleurs de la liberté, Cette observation est curieuse sans doute, mais son résultat n'est pas effrayant. Certes, ils ont trop présumé. Croyez-moi (l'orateur parie à la partie droite), ne vous endormez pas dans une si périlleuse sécurité, car le réveil serait prompt et ter-» rible. (Au milieu des applaudissements et des murmures, on entend, ces mots : C'est la langage d'un factieux.) (A la partie droite) ? Calmez-vous, car cette imputation doit être l'objet d'une controverse régulière, nous sommes contraires en faits ; vous dites que je tiens le langage d'un factieux.
Plusieurs voix de la droite: Oui, oui!
Monsieur le Président, je demande un jugement, et je pose le fait (Nqu-> veaux murmures)', je prétends, moi, qu'il est, je ne dis pas irrespectueux, je ne dis pas inconstn tutionnej, je dis profondément criminel, de mettre en question si une couleur destinée à nos flottes peut être différente de celle que l'Assemblée na^ tionale a consacrée, que la nation, que le roi ont adoptée, peut être une couleur suspecte et proscrite. Je prétends que les véritables factieux» les véritables conspirateurs sont ceux qui parlent des préjugés qu'il faut ménager, en rappelant nos antiques erreurs et les malheurs de notre honteux esclavage. (On applaudit.) «=-Non, Messieurs, non : leur folle présomption sera déçue; leurs sinistres présages, leurs hurlements blasphémateurs seront vains: elles vogueront sur les mers, les couleurs nationales ; elles obtiendront le respect de toutes les contrées, non comme les signes des combats et de la victoire, mais comme celui de la sainte confraternité des amis de la liberté sur toute la
terre, et comme la terreur des conspirateurs et des tyrans.» Je demande que la mesure gépérajç comprise dans le décret soit adoptée ; qu'il soft fait droit sur la proposition de î||f Le Chapeljer, concernant'les mesures ultérieures, et que ies matelots à bord des vaisseaux» Je matin et le soir et dans tontes les occasions importantes, au Ijeu du cri accoutumé et trois fois répété de t Vive le roi/ disent : Vivent la nation, la loi gt le roi 1 (La salle retentit pendant quelques minutes de bravos et d'applaudissements.)
(La discussion est fermée à une très grande majorité.)
monte à la tribune. — On demande à aller aux voix. -— Il entre en fureur ; il saisit la tribune et l'ébranlé comme pour la lancer sur le côté gauche.
La troisième disposition de la première partie du projet de décret de M. de Mènou est décrétée avec l'amendement proposé par M. de Mirabeau qui est conçu en ces termes ; « décrète, en outre, qu'au simple cri de : Vive le roi f usité à bord des vaisseaux, le matin et le soir et dans toutes les occasions importantes, sera substitué celui de : Vivent la nation, la loi et le roi ! ,
(Un grand tumulte s'élève au milieu de la salle. — M. Guilhermy monte à la tribune. — On lui crie de descendre à la barre. Après de longues agitations, il se fait un moment de silence?) '
M. Guilhermy a traité M, de Mirabeau d'assassin et de scélérat ; je demande, que pour l'honneur de l'Assemblée, elle autorise son président à faire arrêter sur-le-champ M. Guilhermy.
; (La gauche se lève et demande à aller aux voix.)
D'après la motion que M. de Menou vient de faire contre moi, il me paraît qu'il n'a entendu que la moitié de ma phrase. Toute l'Assemblée a été témoin de la manière dont M. de Mirabeau a empoisonné le discours de M. de Foucault. Il l'a accusé d'avoir méprisé les couleurs nationales. (La partie gauche s'écrie : Il a eu raison de l'accuser.)
Je suis prêt à redire ce qtis j'ai dit.
M. de Foucault avait insisté sur le danger du changement de pavillon. M. de Mirabeau l'a accusé, ainsi qu'une partie de cette Assemblée, de vouloir la oontrerrévplutiQn, parce qu'on voulait conserver le drapeau blanc ; comme si, lorsque l'oriflamme suspendue à la voûte de cette salle ne porte pas les couleurs nationales, cette oriflamme était un signe de contre^révorr lution. M. de Mirabeau, parlant du triomphe d'hier, a dit qu'il serait court; il a traité de iacf tieux les membres qui composent une partie de cette Assemblée. J'ai dit que M. de Mirabeau voulait faire assassiner cette partie de l'Assemblée. (Il s'élève des murmures.)
Je demande que l'Assemblée envoie deux officiers aux Tuileries, pour déclarer au peuple que je n'ai nulle part au prQr pos qui s'est tenu, et qu'on l'a trompé sur mon compte.
Je demande la question préalable sur la proposition que fait M. l'abbé Maury,
car rien n'est plus dangereux, plus factieux que de mettre l'Assemblée nationale en correspondance avec le peuple,
. Je demande si c'est pn mépris dés couleurs nationales que de demander la conservation du pavillon blanc. (Plusieurs voix disent : Ce ri est pas là la question.) M. de Mirabeau a dit que celui qui aurait osé tenir un semblable propos trois semaines plus tôt, aurait payé ce crime de sa tête. Or, je demande si celui qui aurait fait tomber la tête de M. de Foucault n'aurait pas été un assassin ? si celui qui 1 aurait conseillé n'aurait pas été un assassin ? Je demande si ce discours de Ml Mirabeau n'est pas séditieux, s'il ne tend pas à attirer la vengeance du peuple sur un parti qui n'est pas le sien?... (la partie droite applaudit.) Je dis qui n'est pas le parti de M. de Mirabeau : certainement celuHà n'est pas le parti dû peuple. (La partie droite applaudit.)
J'ai dit à M. de Beauharnais, qui était prés de moi, je l'avoue, je l'ai dit bien haut : Ou le propos de M* de Mirabeau tend à faire assassiner une partie de l'Assemblée. (Plusieurs vofa : JVon, won, vous ri avez pas dit cela!) Je demande si quand un accusé est interrogé, on doit l'interrompre par des murmures j j'ose le dire, cela est indécent. Je répète; j'ai dit que le propos tendait à faire assassiner une partie de l'Assemblée OU que le propos de M. de Mirabeau était celui d'un assassin* M- de Mirabeau sait combien le peuple est aisé à tromper; il y a quelque temps qu'il en a fait l'épreuve. Je veux croire que cette intention n'était pas dans son cœur; qu'il rétracte squ propos, je rétracterai le mien. Quant à M. de Menou, je pe sais s'il demande cpntre moi une lettre de cachet indéfinie, ou si je serai arrêté à la requête 0e M. de Menou ou de M. de Mirabeau,
Je déclare d'abord sur la conscience et sur l'honneur (Quelques membres de la droite murmurent ; la très grande majorité applaudit) que M. Guilhermy a dit ; M. de Mirabeau est un scélérat et un assassin! (Beaucoup de membres de la partiç gauche disant : Qui, oifi, h l'a ditt U l'tt dit f)
J'endends dire là-bas : Oui, oui ! Comment est-il possible qu'on ait entendu de là ce qui s'est dit auprès de la barré ?
. Il se peut que M. de Menou n'ait pas bien entendu. J'étais près de la barre, et lui près du bureau. Je ne me rappelle pas les propres termes dont je me suis servi. Si ces Messieurs ont entendu les derniers mots, je ne les nie pas, mais ils n'ont point entendu les premiers.
demande qu'on passe à l'ordre du jour.
. Je certifie que le fait est tel que M- Guilhermy l'a rapporté.
paraît à la tribune. On demande à aller aux voix.
L'accusé a eu deux avocats ; le premier c'est lui ; l'autre, plus généreux sans doute, c'est M. de Mirabeau qui vient de demander qu'on passe à l'ordre du jour. Au surplus, dans la motion de M. de Menou, il ne s'agit pas de juger l'accusé, mais de son arrestation provisoire.
(On demande à aller aux voix.)
, Certes, une pareille doctrine est assez étrange : il est bien étonnant qu'on veuille empêcher d'entendre un membre qui veut défendre son collègue. L'Assemblée ne peut ou^ plier qu'un de ses premiers, comme un de ses plus grancjs bienfaits, c'est le conseil qu'elle a accordé aux accusés ; j'espère qu'elle daignera m'écouter avec bonté, même avec faveur, quand je tâcherai d'excuser l'imprudence d'un 4e mes collègues. S'il était possible de justifier cet inexcusable propos, il faudrait convenir que la mo-tion de M. de Mirabeau est incendiaire, il faudrait convenir qu'il a dû paraître étonnant de l'entendre désigner au peuple une partie de celle Assemblée, qui peut être dans l'erreur, mais dont les intentions sont pures (il ? élève de. grand? murmures), de la désigner comme n'étant pas du parti du peuple que nous aimons aussi, et qui connaîtra un jour, par l'excès de son malheur, non ceux qui le trompaient, car personne ici ne veqt le tromper, mais ceux qui se trompaient eux-mêmes. Le discours de M. de Mirabeau était tellement incendiaire, que je l'aurais rappelé à l'ordre sans mon respect pour la liberté des opj» nions, et c'est cette même liberté que j'invoque. L'usage de l'Angleterre est que toute invective personnelle n'est punie que par le rappel à l'ordre. Si vous voulez suivre les lois du parlement d'Angleterre, M. Guilhermy doit être rappelé à l'ordre. Si vous voulez suivre les lois françaises, il est sans exemple dans l'histoire de cette monarchie, qu'un décret de prise de corps ait été décerné pour un délit verbal, Si vous voulez suivre les règles éternelles de la justice et de la raison, |l est contre toute convenance sociale qu'un mot dit à son voisin d'une manière privée et non articulée à la tribune soit uq délit. Certes, un jugement de cette nature serait lui-même un délit. Je aïs donc que vous ne devez pas vous occuper d'un propos privé, d'un propos qui n'est pas dit publiquement car il n'y a qe "propos publics id que ceux qui sont tenus à la tribune. Je demande donc que l'Assemblée se laisse aller à un sentiment si doux, et qu'elle passe à l'ordre du jour, ou si vous voulez suivre les règles de la police de toutes les assemblées législatives dp l'Europe, je propose de rappeler à l'ordre M. Guilhermy, Si vous prononcez une peine plus sévère, il n'y a plus de liberté dans les opinions, car qui peut, dans la ehaleur de la discussion, être assez maître de ses expressions pour qu'il ne lui échappe pas quelque chose de répréhensible ? J'avoue qu'il serait possible que je commisse une faute de cette nature, et je désirerais alors obte» nir l'indulgence de l'Assemblée,
Je serais bien fâché de me présenter en cette occasion comme accusateur, mais je ne puis cependant pas consentir à être accusé. Non seulement mon discours n'était pas incendiaire, mais je soutiens qu'il était de devoir pour moi, dans uqe insurrection si coupable, de relever l'honneur des couleurs nationales et de m'opposer à l'infamie, il n'y a lieu à délibérert que l'on osait espérer de notre faiblesse. J'ai dit, et je tiens à honneur d'avoir dit, que demander que l'on ménageât les préjugés sur le renverse^ ment desquels est fondée la Révolution, que demander qu'on arborât la couleur blanche proscrite par la nation, à la place des couleurs adoptées par elle et par son chef, c'était proclamer la Gontre=révolution. Je le répète, je tiens à honneur de le répéter, et malheur à qui, parmi ceux qui comme moi ont juré de mourir pour la Constitu-
tion, se sent pressé du besoin de m'en Taire un crime 1 II a révélé l'exécrable secret de son cœur déloyal. Quant à l'injure de l'homme traduit devant cette Assemblée et soumis à sa justice, cette injure est si vile qu'elle ne peut m'atteindre. J'ai proposé que l'on passât à l'ordre du jour, au lieu de s'occuper de sa démence; et peut-être, s'il eût conservé quelque sang-froid, m'aurait-il demandé lui-même pour son avocat. Je ne puis donc être suspecté d'un désir de vengeance, en prenant la parole pour requérir de votre justice un jugement. En réfléchissant à ce qui vient de se passer, j'ai compris qu'il ne convenait pas à un représentant de la nation de se laisser aller au premier mouvement d'une fausse générosité, et que sacrifier la portion de respect qui lui est due comme membre de cette Assemblée, ce serait déserter son poste et son devoir. Ainsi, non seulement je ne propose plus, comme je l'avais fait, de passer à l'ordre du jour, mais je demande qu'on juge M. Guilhermy ou moi. S'il est innocent, je suis coupable; prononcez. Je ne puis que répéter que j'ai tenu un langage dont je m'honore, et je livre au mépris de l'histoire et de la nation ceux qui oseraient m'imputer à crime mon discours.
Le propos incendiaire c'est d'avoir dit que trois semaines plus tôt M. de Foucault eût payé de sa tête le propos qu'il a tenu.
(On demande à aller aux voix.)
. Plusieurs motions ont été proposées ; voici celle qui, d'après l'ordre naturel de la délibération, doit être mise la première aux voix : M. Guilhermy sera-t-il rappelé à l'ordre, son nom inscrit sur le procès-verbal, et passera-t-on ensuite à l'ordre du jour?
(Une première épreuve est douteuse.)
. Je demande à faire une observation. Je suis pour le parti le plus sévère; mais lorsqu'il y a du doute, il faut de droit adopter le plus doux.
. Recommencez l'épreuve ; l'accusé renonce à cet avantage.
L'Assemblée, consultée, décide que l'épreuve sera recommencée.
Cette seconde épreuve est également douteuse.
On demande l'appel nominal.
Pour éviter l'appel nominal, que ceux qui sont de l'avis de l'affirmative de la question passent du côté droit.
. Il faut poser ainsi la question : Est-il permis à un membre d'en appeler impunément un autre scélérat et assassin?
député de Saint-Jean-d'Angely. Les défen^urs de M. Guilhermy n'ont pas cherché à le disculper. L'Assemblée a condamné une fois un membre qui lui avait manqué, à garder, pendant huit jours, les arrêts; je demande que l'Assemblée, qui ne peut oublier ce nouveau manquement, condamne M. Guilhermy aux arrêts pour trois jours (1).
(Cette proposition est décrétée.)
député du département des
Ce congé lui est accordé.
Un membre fait observer que les congés des députés se multiplient infiniment et qu'il est temps d'y remédier. Il propose un décret qui est prononcé en ces termes :
« L'Assemblée nationale décrète que le retour des députés qui s'étaient absentés par congé sera annoncé dans l'Assemblée, et inscrit dans le procès-verbal, et gue les députés seront regardés comme absents, jusqu'à ce qu'à leur retour ils aient rempli cette formalité ».
L'Assemblée revient ensuite à la discussion de Vaffaire de Brest.
Les dernières dispositions du projet de M. de Menou sont adoptées presque sans débat.
prononce le décret ainsi qu'il suit :
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de ses comités de la marine, militaire, diplomatique et des colonies,
« Décrète que le roi sera prié de nommer deux nouveaux commissaires civils, lesquels se réuniront à Brest avec ceux que Sa Majesté a précédemment nommés, et seront revêtus de pouvoirs suffisants pour employer, de concert avec le commandant qu'il plaira au roi de mettre à la tête de l'armée navale, et avec celui du port, tous les moyens et toutes les mesures nécessaires au rétablissement de l'ordre dans le port et la rade de Brest;
« Décrète qu'attendu qu'il a été embarqué sur l'escadre, en remplacement de quelques gens de mer, des hommes qui ne sont ni marins ni classés, le commandant de l'escadre sera autorisé à congédier ceux qui ne lui paraîtront pas propres au service de ia mer ;
« Décrète que le pavillon de France portera désormais les trois couleurs nationales, suivant les dispositions et la forme que l'Assemblée charge son comité de la marine de lui proposer; mais que ce nouveau pavillon ne pourra être arboré sur l'escadre qu'au moment où les équipages seront rentrés dans la plus parfaite subordination ;
« Décrète, en outre, qu'au simple cri de « vive le roi, » usité à bord des vaisseaux le matin et le soir, et dans toutes les occasions importantes, sera substitué celui de « vivent la nation, la loi et le roi. »
L'Assemblée nationale, considérant que le salut public et le maintien de la Constitution exigent que les divers corps administratifs et les municipalités soient strictement renfermés dans les bornes de leurs fonctions ;
« Déclare que lesdits corps administratifs et les municipalités ne peuvent, sous peine de for-faiture, exercer d'autres pouvoirs que ceux qui leur sont formellement et explicitement attribués par les décrets de l'Assemblée nationale, et que les troupes de terre et de mer en sont essentiellement indépendantes, sauf le droit de les requérir dans les cas prescrits et déterminés parles lois.
v Au surplus, l'Assemblée nationale, persuadée qu'un excès de zèle a pu seul entraîner la municipalité et le procureur de la commune de Brest dans des démarches irrégulières, inconstitutionnelles, et qui pouvaient avoir de dangereux effets, décrète que son président sera chargé de leur écrire pour les rappeler aux principes de la Gons-
titution ; ne doutant pas d'ailleurs qu'ils ne fassent tous leurs efforts pour concourir, avec les commissaires du roi et le chef de la marine, au rétablissement de l'ordre et de la discipline parmi les équipages des vaisseaux actuellement en armement à Brest. »
annonce l'ordre du jour pour ce soir et lève la séance à quatre heures.
Lettre de M. GuiLHERMY, député de la sénéchaussée de Castelnaudary, à ses commettants (1).
Paris, le
Messieurs, après l'incroyable débat qui a eu lieu hier à mon sujet dans l'Assemblée nationale, je dois vous rendre compte des circonstances qui l'ont amené et du décret qui en a été la suite.
L'Assemblée nationale délibérant sur les moyens de rétablir l'ordre dans le port de Brest, avait rejeté à une grande majorité l'étrange proposition de forcer le roi à renvoyer quatre de ses ministres, en lui déclarant qu'ils avaient perdu la confiance de la nation. On s'y occupait de la discussion sur la proposition de changer le pavillon blanc qui jusqu'ici a été le pavillon de France, en pavillon aux couleurs nationales, lequel ne pourrait être arboré sur l'escadre, que lorsque les équipages seraient rentrés dans la plus parfaite obéissance. M. le marquis de Foucault venait de représenter que cette proposition tendait à déshonorer le pavillon blanc, en le signalant comme la cause des désordres; que ce changement serait dispendieux; qu'il mécontenterait peut-être cette foule de vieux et braves militaires qui avaient combattu avec gloire sous le pavillon blanc; qu'il croirait lui plus prudent à l'Assemblée de se contenter d'adopter la proposition de M. de Galbert, qui consistait à faire arborer au bout du grand mât une flamme aux couleurs nationales ; lorsque M. de Mirabeau a paru à la tribune, et qu'avec toutes les grimaces d'une feinte fureur, il nous a dit qu'au premier mot de cette étrange discussion, il avait ressenti les bouillons du patriotisme jusqu'à l'emportement. (Heureusement on sait que le patriotisme de M. de Mirabeau est accommodant «t que ses emportements ne sont pas dangereux.) Venant ensuiie à M. de Foucault, M. de Mirabeau a dit qu'il avait été profondément coupable de se permettre seulement de discuter la proposition du changement de pavillon. 11 l'a accusé d'avoir méprisé les couleurs nationales. Il n'a pas rougi d'avancer que trois semaines plus tôt, il lui en eût coûté la tête pour sa témérité. Il a osé dire que la couleur blanche était la couleur de la contre-révolution (i), que ceux qui voulaient la conserver
au pavillon français étaient des factieux, des conspirateurs enhardis par le succès de la veille, et qui se croyaient devenus assez forts pour pouvoir l'arborer; mais que le réveil serait prompt (1). En vain M. l'abbé Maury se présenta pour répondre à un discours aussi incendiaire, l'Assemblée ferma la discussion. J'étais à côté de M. le marquis de Beaubarnais, et dans la juste indignation dont je me sentis pénétré, je ne pus m'empêcher de lui dire que M. de Mirabeau qui n'était qu'insolent à la tribune, avait tenu des propos atroces, révoltants, les propos d'un scélérat et d'un assassin. Je n'ai dit que cela, et je ne suis comptable que de ce que j'ai dit, en admettant même que je sois comptable de ma conversation avec M. de Beau-harnais.
Ces mots proférés au milieu d'un grand tumulte, conséquemment susceptibles d'être mal entendus, et mal entendus en effet, ont excité contre moi un tumulte encore plus violent. M. de Menou a cru devoir les relever; si j'eusse été l'ami de M. de Mirabeau, j'en aurais été réellement mortifié pour lui. M. de Menou a demandé qu'attendu qu'il était public que j'avais traité M. de Mirabeau ae... je ne répéterai pas les qualilicatious, l'estime et l'attachement que je conserverai toute ma vie pour le brave et loyal militaire dont M. de Mirabeau a l'honneur d'être frère, m'imposent le silence. M..de Menou a demandé que pour la punition de ce prétendu crime, M. le Président fût autorisé à donner de suite l'ordre de m'arrêter provisoirement. Je me suis élancé sur-le-champ à la tribune. A la barre ! à la barre ! criaient quelques députés, avec une fureur et des hurlements qui m'auraient fait presque douter si j'étais devant mes juges. J'ai persisté à soutenir que ma place était à la tribune, et j'ai refusé d'en descendre. J'ai entendu les mêmes voix demander quej'e fusse jugé sans être entendu, puisque je ne voulais pas parler à la barre, lorsque M. Goupil de Préfeln ayant insisté pour qu'on m'écoutât, je suis enfin parvenu à obtenir une espèce de silence, et je me suis exprimé à peu près dans les termes suivants :
« Vous avez tous entendu comment M. de Mirabeau a empoisonné le discours de M. de Foucault, comment il a osé l'accuser d'avoir méprisé les couleurs nationales, tandis que celui-ci n'a pas dit un mot d'où l'on puisse induire ce mépris, et que bien loin de là, en insistant sur les inconvénients qui pourraient résulter du changement de pavillon,- il a appuyé la proposition de M. de Galbert, qui consistait à arborer au haut du grand mât, une flamme aux couleurs nationales (2).
M. de Mirabeau a dit que la couleur blanche était ta couleur de la contre-révolution. Il a osé accuser de projets de contre-révolution, ceux qui voulaient la conserver au pavillon français : comme si l'orillamme blanc, qui est suspendu à la voûte de cette salle, y avait été apporté ea signe de contre-révolution; comme si, de même
qUé nos soldats portant là cocarde aux couleurs de la nation avaient conservé lëliïs drapeaux blancs, nos màribs portant aussi la éocame. nationale, ne pouvaient pas conserver leuf pavillon blàhc. ». »,
M. de Mirabeau éuftpoéâht l'Assemblée h&tlo-bàlë divisée ën deux pârtiës, à cherché à attirer touteâ les fureUrs du pëdplë sur le parti qui n*èst pas le sien. « (Ici les pàrtisalib de Mi de Mirabeau Ont cru triompher, ils dnt paru supposer, certai-nement bien gratuitement, que j'avais voulu dire que lë parti dévoué par M. de Mifâbëau n'était pas le parti dû peuple. Ce triomphe a été de courte durée. J'ai repris ët continué mon opinion en ces térinës). « Je dis que toutes les fufëurs du pëUJile ont été lâchement excitées contre le parti qui h'ëst pas celui dë M. de MirabéâU ; ët cërjtëâ, ie parti de M. de Mirabeau n'est pas le parti du peuple. M. dë Mirabeau n'ignore pas Combien ce peuple est facile à égarer. Il devrait se rappeler, qu'il y à peu de mois, il a tenu à peu qu'il n'en fit la triste expérience.
« M. de Mirabeau â dit qu'il n'y a pas trois seinaihës quë M. de Foucault eût payé de sa tête sa prétehduè témérité. M. de Mirabeau, traitant une partie des membrës de cette Assemblée de fàciiëux et de conspirateurs, a dit qu'enhardis par lë succès d'hier, ils osaient demander hautement là couleur blanche, et se croyaient assez forts pour l'arborer, mais que le réveil serait prompt.
,« Jë demandé s'il est permis dé traiter impunément une partie des membres de l'Assemblée nationale dë conspiratëurs et de factieux ? Je demandé s'il ëst permis d'oser les accusér, sans prouvés, même sans présomption, Je vouloir tenter cé que M. de Mirabeau appelle une cbntrë-révolution ? Je demande ce que signifie cette prédiction, que le réveil sera pirompt ? Je demande si celui qui* il d'y à pas trois semaines, aurait fait tomber la tête de M. de Foucault, n'aurait point été un assassin ? Je demande, si celui qui àurait conseillé de la faire tomber, n'aurait pas été plus coupable encore? Je demande s'il est posssible d'exciter le peuple à des assassinats, sans en devenir le complice? Que M. de Mirabeau nous explique ce qu'il a voulu dire, et je serai le premier à lui rendre toute la justice qu'il pourra mériter.
« Je viens à là motion de M. de Menou. A îa manière dont il l'à àrticulée, il m'a paru qu'il n'avait entendu que la moitié, que là dernière partie dë ma phràsë. J'ai dit à M. dë Beaunarnais que M. de Mirabeau avait parlé de maniéré .à faire assassiner une partie de VAssemblée ; qu'il avait tenu des propos atrocèè, révoltants, les propos d'un scélérat et d'un assassin. Pour, ce délit) M. de Mënou demande que M. te Président soit autorisé à donner sur-le-champ tordre de m'arrêter provisoirement. il në dit pas quel sera le terme de cette arrestatibn. M. de Mënou veut-il que. le procès me soit fait à la diligence de la partie publique ? M. de Menou veut-il que l'Assemblée lance contre moi une espèce de lettre de cachet, un de ces ordres arbitraires contre lesquels il s'est tant de fois êlëvêf Je deftiandê cjU'il s'ëxpliquë. »
M. dë MëiiOti,. àprés avoir prétendu que ma demandé avait l'air d'ude mauvaise plaisanterie, à affirmé sur sa èonscience et sur son honneur, qu'il m'avait entendu qualifier la personne et non le discours de M. de Mirabeau: J'ai répondu que, sans prétendre affecter ni t'honhéûr hi la dons-toience de M. de Menou, j'osais soutenir que je n'avais qualifié que le discours et non la personne de M. de Mirabeau, et que je pouvais affirmer que
M. dè Menôii ai)âii mal ènténdu. cé qûi n'était certainement pas étonnant, d'après la violence du tumulte au milieu duquel j'avais proféré le propos controversé. M. dë MenoU n'a pas donné d'autre explication, ët jë suis descendu dè la tribune.
M. l'abbé de Pradt, qui était asse2 près de rnoi lors du propos en question, a soutenu vraie la version que j'en donnais. M. le marquis de Beau-harnais se présentait aussi pour fournir la même attestation, et certes, il était plus que personne dans le cas de rendre témoignage, puisque c'était à lui que je parlais du discours de M. de Mirabeau, lorsque les mêmes personnes qui avaient voulu me forcer à descendre à la barre ont soutenu, par acclamation, avoir entendu mon propos tel que M. de Menou, qui se taisait dans ce moment, frappé sans doute dë la justice des observations que j'avais faites sur ce qu'il était bien aisé de concevoir qu'il eût pu mal entendre, tel que M. de Menou, dis-je, l'avait d'abord rendu. Sur quoi, il a été très judicieusement observé par M. le comte de Mirepoix, qu'il était bien étonnant qu'on osât affirmer in avoir ouï distinctement, au plus fort d'un grand tumulte, et de l'extrémité opposée de la salle* tandis que lui, qui était beaucoup plus près de moi* n'avait rien entendu.
Mi de Gaz-dlês m'a succédé dans la tribune, et y a pris ma défense àvëc cette noblëssë et cëtte sensibilité qui në l'abandohheilt jamais. Il à soutenu que s'il avait àjustifièr le propos qu'on m'imputait, il dirait que l'opinion incendiaire de M. de Mirabeau Vavait provoqué ; que cette opinion contenait là menace la plus directe contre une partie de l'Assemblée qui y avait été désignée au peuple en victime ; qu'il n'y avait pas d'exemple dans notre jurisprudence, qu'un délit verbal fût puni de là prison ; et qû'on ne pondait même regarder comme un délit, un propos tenu dans un entretien, el d'une manière privée. Interrompu sur ces dër>-niers mots, il a soutenu qu'il n'y avait de public dans l'Assemblée que cé qui était prononcé à la tribune ; enfin, quê si l1 Assemblée croyait avoir le droit de s'occuper du prôpOS que j'avais tenu, elle pouvait, tout au plus, mé ràppelêr à Vordré.
Ici, M. de Mirabeau qui avait d'abord ëu là prudence dë demàridër que l'Assemblée passât à l'ordre du jour, sans s'occupe? de mon propos , M. dë Mirabeau s'est plaint de ce que d'accusateur qu'il a préleridû avoir droit dé se porter, on voulait le faire devenir accusé. Il a dit : que soti discours pour la défense des coupleurs nationales avait été commdndé pdf le patriotisme le plus pur. Etait-ëë pour la défense dës, cOUledrs nationales, qu'il nous avait représenté M. dè Foucault, qui ne les avait point insultées, payant dë sa tête sa prétendue téhiérité? Etait-ce pour la défense de^ couleurs nationales qd'il botts avait fàit tin crime dli succès dë là Veillé, ëtJu'il avait Osé dire que lë rëVèil serait prompt? M. de Mirabeau a ajouté que si f avais eu le Sang-froid dé le prênare pour avotat, il m/aurait défendu beaucoup mieûdc que je ne rii'étais défendu moi-même. D'une manière plus avantageuse pour son amour-propre, Cela se peut; Câr jë ne puis crbirë quë, quoique M. de Mirabeau ne pût se dissimuler combien son discours avait dû exciter d'indignation, il eut eu la bonne foi d'en convenir. Enfin M. de Mirabeau, après avoir essayé de proférer quelques paroles, que l'on pourrait croire demépris, si l'on ne savait qu'il n'est personne au monde que M. dé Mirabeau ait le droit dë mépfiser, à fini pat demander que lui et moi nous fussions jugés.
Deux fois l'Assemblée a été aux voix sur là proposition de M. de Cazalès, deux fois l'épreuve
à parti douteuse. M. Goupil de Préfelh, qU'Oh dit Savoir pas voté pOUr nibi, soutenait néanmoins que, dans le doute, le décret devait être prononcé en ma faveur, mais cette proposition qui était de là plus exacte Vérité, dé la plus rigoureuse justice àilait donner lieu à une discussion, lorsque pour contenter tout le monde, M. Regnaud a demandé (JU'au rappel à l'ordre, on substituât trOis jours d'arrêts, Ce qui a été adopté. L'Assemblée m'a ainsi jugé, mais elle n'a point jugé M. de Mirabeau, car je ne croirai jamais qu'elle ait entendu canoniser son discours.
Je rougis, Messieurs, d'avoir â me plaindre que durant cette extraordinaire discussion, il ait été jeté au peuple, par les fenêtres dê notre salle, des billets qui l'exhortaient à venger sur moi, no-ininalivèment, la prétendue insulte faite à M. de Mirabeau. En vain, a-t-on voulu faire accroire que cette manœuvre, observée et dénbnéëe par plusieurs membres de l'Assemblée, et hbtaîrtment par M. Martin d'Aucb, mon respectable collègue, était relative au travail d'un journaliste, qui jetait ainsi ses feuilles à des personnes aflidées, et chargées par lui de les apporter sur-le-champ à l'im-
Prinierie. Si l'on pouvait élever des doutes sur existence des billets dont j'âi parlé, et sur leur contenu, et surtout si de pareils moyens pouvaient eicitèr en moi un autre sentiment que Celui du mépris, j'invoquerais lé témoignage de MM. le comte de Toulouse-Lautrec et comte de Chambors, membres denotre Assemblée, qui m'ont dit avoir vu ramàsser et entendu lire ces billets. J'invoquerais celui dé plus de trente autres per-sohnës dignes de loi, qui m'Ont été nommées pour l'avoir aussi vu et entendu. Mais ce qui me venge bien complètement d'un procédé aussi lâche et âUssi noir, c'est l'ihdifférénce avec laquelle le peuple a reçu ces avis. Et en effet, Messieurs, c'est utte bien im]jbt,tanle nouvelle que M. de Mi-rabeau nous a apprise, lorsqu'il lui est échappé que trois semaines plus tôt il en eût coûté la tête à M. de Foucault, poùrce qu'il n'avait pas dit. Les temps seraient-ils donc changés, depuis trois semaines ? Le peuple sortirait-il de cette profonde léthargie dàns laquelle l'ont plongé des fàctieux qui, l'éhivrattt d'êSpéranceS chimériques dans un temps oû il avait des besoins réels, espéraient eux-mêmes le faire Servir à leurs desseins, s'ein-barrassant ensuite aussi peu de son Sort à Venir que de sbn état présent? Serâit-cé de son réveil, qu'on aurait prétendu nous parler? Sans doute, il sera terrible pOhr tous cës conspirateurs à qui |t en coûte Si pëu pour bouleverser des Empires, et pour qui ies larmes et le sang des hommes ne Sont rien, pOUfrvu qu'ils Viennent à bout de leurs coupables projets. Il sera terrible pour tous ceux dUi otttpd Croire qu'il leut était permis dé 3erendre ce peuple favorable, en fattant ses passions èt ën encourageant ses penchants. Et si les lois sont encore longtemps muettes, ce peuplé aigri par le malheur, réveillé pât le sentiment douloureux dé ses souffrances; vengera peut-être sur ëtix, par Uh cHme nouveau (1), les crimes qu'ils 1 ont forcé de commettre. Mais Ce réveil n'épouvantera pas ce petit nombre de citoyens qui ont constamment bravé tous les dangers J)our faire cijhnaltre là Vérité à ce peuple. Ce réVeil n'épou-vauterà pas Ceut qui, demeurés fidèles à leurs
serments, ont constamment pris pour règle de leur conduite les mandats dont ils avaient été chargés- Et quand même, ce que je suis bien éloigné de croire, quand même ils se seraient trompés sur le moyen de rendre ce peuple heureux, ils pourraient peut-être lui rappeler qu'autrefois Manlius condamna son fils à mort, pour avoir contrevenu à ses ordres en combattant malgré sa défense, quoique le suCcèseùt d'ailleurs couronné son entreprise.
S'il m'était permis de vous présenter quelques réflexions sur le décfret qui a été rendu contre moi, ea m'interdisant de rechercher Si l'Assemblée nationale a le droit de priver une sénéchaus sée, momentanément même de ses représentants, je pourrais detnahder comment il peut se faire qu'il existe dans cette Assemblée une caste privilégiée, dont lés membres aient le droit de se permettre impunément à la, tribune, vis-à-vis de l'autre caste, les imputations ies plus calomnieuses, les plus odieuses qualifications ? Je demanderais comment, il y a un peu plus d'un an, dans un temps où la majorité passait quelquefois d'un parti à l'autre* ce même homme, qu'hier oh m'a accusé d'avoir insulté, enragé de la voir quelquefois lui échapper, osa écrire au président de l'Assemblée nationale : qu'il avaitavec lui quatre cents députés las de gémir Sous la tyrannie de huit cents, et que s'il ne prenait des mbyens pour faire cesser cette oppression, ils en prendraient eux de tels* que les plus doux seraient de la dénoncer au peuple, c'est-à-dire dé le tromper encore* et de le porter à de nouveaux excès? Je demanderais comment l'Assemblée nationale, à qui cette menace fut dé-ddncée, ne sévit pas de la manière la plus éclatante; contré cette violation manifeste de la liberté, dans son sanctuaire même? Je demanderais Comment il à pu se faire que lorsque M. de Foucàult s'opposait à la demande d'un appel nominal, dans des circonstances où il représentait que cet appel pourrait tromper le peuple sur les véritables intentions de l'Assemblée, faire attaquer, et dans leurs propriétés et dans leurs personnes, des députés qui, sur la foi d'un congé, étaient tranquilles au fond de leurs provinces^un atroce, Eh bien ! ait pu partir du sein de cette Assemblée* et qUe tous les représentants de la nation ne se soient pâs levés à la fois pour dénoncer à la France entière celui qui avait osé le prononcer? Je demanderais... Mais je m'arrête, je respecte votre sensibilité;, qué de semblables détails ne peuvent qu'affliger. C'est à vous surtout qu'il appartient de juger si la mienne a pu être coupable. C'est à Vous qu'il appartient de juger même les décrets de l'Assemblée nationale.
P. S. — Quelques journalistes ont -[imprimé qu'en me défendant, ma voix était tremblante et mal assurée. Mes amis, au contraire, m'ont reproché, avec plus de justice peut-être, de n'avoir pas pris le ton et la contenance modeste qui convien* nent à un aceusé. Aux reproches de ces derniers, seuls fondés, je répondrai que, sans doute* j'aurais dû montrer plus de modestie si quelques personnes avaient montré moins d'acharnement.
Séance du
La séance est ouverte à six heures et demie du soir.
Un de MM. les secrétaires fait lecture des adresses suivantes :
Adrtsse de félicitation, adhésion et dévouement de la municipalité de Murey, district de Pont-à-Mousson. Elle applaudit principalement au décret sur les assignats-monnaie.
Adresse des commissaires de l'assemblée élec-toiale du district de Tours pour la nomination des juges, qui annoncent que cette nomination a été faite à la satisfaction de tout ce district.
Adresse des ofticiers municipaux du village de Chazelles, district de Bioms. Ils remercient vive-n.eut l'Assemblée nationale de la suppression des droits féodaux.
Pacte fedératif des habitants de Saint-Germain-Beaupré, district de la Suuteraine.
Adresse de la municipalité de Cessenonau, département de I Heiauli. Elle exprime sa soumission aux décrets de l'Assembler, réfute les inculpations qu'on avait dirigets cornre elle, et remet un mémoire justilicatit de sa conduite pendant les assemblées primaires.
Il est ensuite annoucé un mémoire et diverses pièces remises sur le bureau, pour le corps des pêcheurs ue la ville de la Ciotat. Il est décidé que ce mémoire et les pièces seront renvoyés aux co-n ités de la marine, d'agriculture et de commerce, déjà saisis de tout ce qui concerne cette aLaire.
Il est aussi donué connaissance à l'Assemblée d'un réquisitoire lait par le procureur générai syndic du département de la Haute-Garonne, qui dénonce aux administrateurs composant le directoire de ce département uu écrit intitulé « arrêtés du parlement de Toulouse, séant en vacations, dt s '2b el 27 septembre », et conclut à ce que ces arrêtés ou protestations soient, par le directoire, dénoncés à 1 Assemblée natiouale et au roi.
fait donner lecture de la note suivante :
Le roi a donné sa sanction le 12 de ce mois :
« 1° Au décret de l'Assemblée nationale du 6, relatif aux événements qui se sont passés dans le département de l'Aude les 25, 26 et 27 septembre dernier ;
« 2° Au décret du 8, concernant les membres de la ci-devant Chambre des vacations du parlement de Toulouse;
« 3° Aux uécrets des 29 septembre, 8 et 10 de ce ce mois, relatiis au remboursement tant de la dette non constituée de l'Etat, que de celle constituée par le ci-devant clergé, et aux assignats;
« 4° Et le 14 du même mois, au décret du 2u septembre, concernant ia municipalité de Bar-le-Duc;
« 5° Au décret du 2 de ce mois, concernant les renseignements à fournir aux administrations
de département, ou à leurs directoires, sur le produit des impositions;
« 7° Au décret du 3, relatif aux mouvements séditieux qui se sont manifestés parmi le peuple de la cité haute de Carcassonne et des environs de cette ville;
« 8° Au décret du même jour, relatif aux fonds nécessaires au service du Trésor public, et à l'état de situation de la caisse de chaque receveur particulier;
« 9° Au décret du 4, portant que la ville de Pau est le siège de l'administration du département des Basses-P\rénées;
« 10° Au décret du même jour, portant qu'il sera payé à la municipalité de Paris, sur le produit des ventes des biens nationaux situés dans l'étendue du district de Paris, la somme de 568,143 livres 13 sols 3 deniers, en remboursement des dépenses qui ont été faites pour les travaux de la démolition de la Bastille;
« 11° Au décret du 5, portant que la cour provisoire établie à Dijon est autorisée à continuer ses fonctions jusqu'au 15 de ce mois;
« 12° Au décret du 6, portant qu'aucune compagnie des anciens juges, aucun tribunal qui se trouve séparé sans avoir formé le tableau ae ses dettes actives et passives, ne pourra s'assembler sous prétexte de faire ledit tableau, ni sous aucun autre prétexte, à peine de forfaiture;
« 13° Au décret du 7, relatif à un moyen proposé par le sieur Chipart, graveur en métaux, de faire des poinçonsiuimitabtes pour la marque des matières d'or et d'argent, et applicable au papier-monnaie;
« 14° Au décret du même jour, relatif aux ventes qui auraient pu être faites en justice, ou autrement qu'en vertu de décrets de l'Assemblée, depuis la publication de celui du 2 novembre 1789, des biens du clergé, des fabriques et des établissements publics;
« 15° Au décret du même jour, relatif à une route conduisant de Melun à Nangis;
« 16° Au décret du même jour, rendu à l'occasion de contestations survenues eu plusieurs lieux, et notamment entre le directoire du département de ia Haute-Saône, et ia municipalité de Gray, el règle différents points de compétence des corps administratifs ;
« 17° Au décret du même jour, relatif aux ouvrages de préparations, radoubs et entretiens exécutes dans les arsenaux de la marine;
« 18° Au décret des 8, 9, 14, 15, 16, 18, 21, 23, 25 septembre, et 4, 5, et 8 de ce mois ; sur les religieux, les religieuses et les chanoinesses, régulières et séculières;
« 19° Au décret du 8 du présent mois, qui lève les défeuses qui avaient été laites à la caisse d'escompte de faire de nouvelles émissions de ses billets;
« 2u° Au décret du même jour, portant que l'emprunt national de 80 millions, ouvert en vertu uu décret du 27 août 1789, sera fermé à compter du jour de la proclamation du présent décret ;
« 21° Au décret du même jour, relatif à l'arrêt rendu le 23 septembre, par la chambre des vaca-fions du parlement de Toulouse, contre le sieur Jean-François d'Escuns ;
« 22° Au décret du même jour, relatif à un projet proposé pour la construction des bassins, pour remiser les vaisseaux pendant la paix ;
« 23° Au décret du 5 du même mois, portant que les tribunaux des districts de la ville de Lyon
et de la campagne séant en cette ville, seront composés de six jugés;
24° Au décret dudit jour, portant que le tribunal du district de la ville de Bordeaux sera composé de six juges;
« 25° Au décret du 7, portant qu'il sera procédé sans délai à l'élection d'un commissaire de police dans chaque section de la ville de Paris ;
26° Au décret du 8, portant que le tribunal du district de Rouen sera composé de six juges, qu'il y aura huit juges de paix dans cette ville et ses faubourgs; qu'il y en aura deux dans les villes de Dieppe et du Havre, et que celles de Rouen et de Dieppe continueront d'avoir un tribunal de commerce, qui serà établi dans la ville du Havre;
« 27° Au décret du 9, qui autorise le directeur du Trésor public à payer à la caisse d'escompte la somme de trois millions sept cent neuf mille quatre cent sept livres douze sols sept deniers, pour solde de son compte de clerc à maître, depuis le 1er janvier 1790, jusqu'au 1er juillet suivant; et contient d'autres dispositions relatives à la caisse d'escompte;
c 28° Au décret du 10, portant qu'il sera mis à la disposition du département de la marine une somme de 4,958,218 livres ipour être employée à l'armement extraordinaire de 45 vaisseaux, décrété le 26 août dernier;
« 29° Au décret du même jour, relatif aux soumissions des municipalités pour l'acquisition des domaines nationaux;
c 30° Et aujourd'hui au décret du 9 de ce mois, pour la formation dans chaque directoire de département d'un comité contentieux provisoire, pour connaître du contentieux de celles des impositions indirectes et autres parties de service ou d'administration, dont la connaissance avait été attribuée aux commissaires départis ;
« 31° Au décret du même jour, qui autorise le tribunal de Fonteuay-le-Gomte à juger en dernier ressort la procédure commencée devant le lieutenant-criminel de la ville de Niort contre les auteurs, instigateurs et complices de l'insurrection qui a eu lieu dans ladite ville de Niort les 2 et 5 septembre dernier;
« 32° Au décret du 11, portant que les apanagistes pourront faire couper et exploiter à leur profit, dans les délais ordinaires, les coupes de bois qui doivent être coupés et exploités dans le cours de l'hiver prochain;
« 33° Au décret du 12, par lequel l'Assemblée nationale déclare que de prétendus décrets et autres actes de l'assemblée constituée à Saint-Marc sous le titre de l'assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue, sont attentatoires à la souveraineté nationale et à la puissance législative, nuls et incapables de recevoir aucune exécution, etc. ;
« 34° Au décret du même jour, contenant des articles additionnels sur l'ordre judiciaire;
« 35° Au décret du même jour, pour l'établissement, près de l'Assemblée, d'un seul bureau pour le contre-seing des lettres et paquets ;
« 36° Au décret du même jour, portant que le district d'Orange demeure uni au département des Bouches-du-Rhône, et que le bourg de Mon-dragon fait partie de ce district;
« 37° Au aècretdu 13, portant que les administrateurs du district de la campagne de Lyon installeront les juges de soc tribunal, séant en cette ville;
« 38° Au décret du même jour, portant que le
département de la maison du roi cessera de faire partie du Trésor public ;
« 39° Au décret du même jour, portant que les municipalités des paroisses de Notre-Dame, de Saint-Pierre, de Saint-Léonard, de Durtal et de Gonif, district de Ghàteauneuf, département de Maine-et-Loire, ne formeront plus à l'avenir qu'une seule et même municipalité;
« 40° Au décret du même jour,relatif à la partie de l'instruction, et portant que le roi sera supplié d'ordonner que les rentrées dans les différentes écoles publiques se feront encore cette année comme à l'ordinaire ;
« 41° Au décret du même jour, portant qu'il sera nommé des juges de paix pour la ville et faubourgs de Gaen, pour les villes de Falaise, Bayeux et autres ;
« 42° Au décret du même jour, relatif aux 800,000,000 d'assignats décrétés le 29 septembre dernier ;
« 43° Au décret du 14, pour la formation d'une cour martiale, qui entendra les réclamations des sieurs Bonnard, Roubin et d'Honières, officiers au régiment d'infanterie de Bretagne ;
« 44° Au décret du même jour, portant qu'il sera nommé quatre juges de paix dans ia ville de Besançon ;
« 45° Au décret du même jour, portant que les municipalités de Fresnoy et d'Irey- les-Prés sont supprimées et réunies à célle de Montmédy;
« 46° Au décret du même jour, portant quç la machine du sieur abbé de Mandre sera renvoyée à l'Académie des sciences ;
« 47° Au décret du 15, pour la nomination de commissaires qui surveilleront la fabrication des formes du papier et des 800,000,000 d'assignats nouveaux, décrétés Je 29 septembre;
« 48° Au décret du même jour, qui autorise les officiers municipaux d'Etrayes à faire l'emprunt d'une somme de 700 livres;
« 49° Au décret du même jour, portant que l'assemblée administrative du département de l'Ain présentera, le 12 novembré prochain, son vœu sur la réduction des districts de ce département;
« 50° Au décret du 16, portant que le bureau de paix pour le district de la campagne de Lyon sera formé par les administrateurs de ce district ;
« 51° Au décret du même jour, portant que le Trésor oublie donnera au sieur Didot la somme de 20,000 livres, moyennant laquelle il achèvera d'imprimer les œuvres de feu M. de Fénelon, archevêque de Cambrai ;
« 52° Et enfin, au décret du même jour, portant qu'il sera établi un tribunal de commerce dans la ville de Besançon. »
Signé : CHAMPION DE GlCÊ,
Archevêque de Bordeaux.
Paris, le
Il est fait lecture ensuite de la note ci-après :
Expéditions en parchemin pour être déposées dans les archives de l'Assemblée nationale.
« 1° D'une proclamation sur un décret de l'Assemblée nationale, du 8 mai 1790, portant que les membres de l'Assemblée nationale actuelle ne pourront être nommés par le roi pour remplir les fonctions de commissaires de Sa Majesté dans les tribunaux de justice que quatre
ans après la clôture de la présente session, et ceux des législatures suivantes, que deux ans après la clôture des sessions respectives;
« 2° D'une proclamation sur un décret du 13 août dernier, portant qu'il ne sera plus.concédé d'apanages réels, et révocation de ceux ci-devant concédés ;
« 3° D'une proclamation sur un décret du 5 septembre dernier, qui détermine le bouton uniforme que doivent porter les gardes nationales de France ;
c 4° D'une proclamation sur un décret du 15 du même mois, portant règlement de répartition de l'augmentation de solde accordée aux gens de mer, par décret du 15 juin dernier ;
« 5° D'une proclamation sur un décret du 15 du même mois, portant que les traitements des curés royaux dans les départements du Haut et du Bas-Rhin seront acquittés, comme précédemment, pour la présente année 1790, par les receveurs des impositions, sur les ordonnances des directoires de districts ;
« 6° D'une proclamation sur un décret du 18 du même mois, qui renvoie au département des Ardennes les plaintes portées contre les Chartreux de Mont-Dieu ;
« 7» De lettres patentes sur un décret du 20 du même mois, qui autorise les officiers municipaux de la ville de Ghauny à faire un emprunt de 8,000 livres;
« 8° De lettres patentes sur un décret du même jour, qui autorise les officiers municipaux de la ville de Compiègne à faire un emprunt de 12,000 livres pour l'établissement d'un atelier de charité en filature ;
9°D'une proclamation sur un décret du 22 du même mois de septembre, relatif aux opérations prescrites par l'article 10 de la troisième section du décret du 22 décembre 1789, pour la liquidation dans les provinces où il y avait une administration commune et qui sont divisées entre plusieurs départements, des dettes contractées sous le régime précédent, et des fonds dont il reste à disposer ;
« 1Q° D'une proclamation sur un décret du 22 du même mois, concernant les déclarations et les inventaires qui doivent être faits à l'époque des vendanges, et le payement des droits d'aides, droits réservés et tous autres droits imposés sur les boissons et vendanges ;
« 11° D'une proclamation sur un décret du même jour, qui ordonne que provisoirement et pour la présente année seulement, les appointements et soldes des officiers et cavaliers de maréchaussée ne seront assujettis à aucune imposition ;
« 12° D'une proclamation sur un décret du 23 du même mois, relatif à une protestation que la municipalité de Corbigny s'est permise contre un décret de l'Assemblée nationale;
« 13° D'une proclamation et de lettres patentes sur le décret du même jour, relatif aux émeutes arrivées à Soissons, les 30 juillet et Ie* août précédents, contre la libre circulation des grains ;
«14° D'une proclamation sur un décret du même.jour, portant que lus abonnements arrêtés pour le payement des droits qui sont établis à a Saint-LÔ en remplacement de la taille, seront exécutés provisoirement jusqu'au l8r janvier 1791;
«t 15° D'une proclamation sur un décret du 29 du même mois, portant qu'il sera informé par la municipalité de Saint-Omer, provisoirement, et jusqu'à ce que les nouveaux tribunaux
soient en activité, des faits dénoncés par le procureur de la commune de Noort-Pesne ;
« 16° De lettres patentes sur un décret du 30 du même mois, portant que la cour supérieure provisoire de Rennes continuera ses fonctions jusqu'au 15 octobre présent mois; '
« 17° D'une proclamation sur un décret du même jour, portant que la municipalité de Paris remettra au supérieur de Sain te-Barbe, sur les revenus dont jouissait ci-devant M. l'archevêque de Paris, la somme de 4,000 livres pour la pension des boursiers ;
« 18° D'une proclamation sur un décret du premier de ce mois, concernant la solde et les pensions, traitements et émoluments des officiers, sous-officiers et soldats suisses ;
« 19° De lettres patentes sur un décret du 5, portant que la cour provisoire établie à Dijon est autorisée à continuer ses fonctions jusqu'au 15 du présent mois ;
« 20o D'une proclamation sur un décret du 6, relatif aux événements qui se sont passés dans le département de l'Aude ;
« 21° Enfin, d'une proclamation sur un décret du 8, relatif aux membres de la ci-devant chambre des vacations du parlement de Toulouse»
« Paris, ce
donne lecture d'une lettre qui lui a été écrite par M. Holdt,; doyen du ci-devant conseil souverain d'Alsace, par laquelle il envoie un imprimé intitulé : Protestation des officiers du conseil souverain d'Alsace. M. Holdt annonce avoir reçu cet imprimé sous enveloppe et sans lettre d'envoi; il déclare n'avoir participé ni directement ni indirectement à celte protestation (1).
Je suis chargé par M. Spon, ancien premier président au conseil d'Alsace, de déclarer à l'Assemblée nationale qu'il désavoue formellement toutes imputations qui lui seraient faites d'avoir directement ou indirectement pris part aux protestations du conseil souverain d'Alsace et que leurs auteurs ne peuvent être qu'abandonnés au mépris et à l'indignation publique.
Divers membres demandent qu'il soit fait dans le procès-verbal mention honorable du nom de cet ancien magistrat du conseil souverain d'Alsace.
Cette proposition est adoptée.
Le sieur Lardier admis à la barre présente au nom du sieur Roubaud, son parent, différentes découvertes utiles aux arts, à l'agriculture et à la navigation, dont il lait hommage à l'Assemblée, et il la supplie de nommer des commissaires qui puissent juger du degré d'utilité de ces découvertes, d'aprè3 les épreuves qui seront faites en leur présence.
Il a été décrété que cette demande serait renvoyée aux comités de ia marine; d'agriculture et de commerce qui en feront leur rapport à l'Assemblée, après avoir consulté l'académie des sciences.
présente, au nom du comité de Consti tution, le projet de décret suivant, qui est adopté :
L'ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret concernant un canal pour faciliter la navigation autour de Paris:
, rapporteur. Vous avez renvoyé hier l'article 10 au comité des domaines pour avoir son avis sur la cession au sieur Brullée, dé terrains dépendant de la Bastille. Ce comité n'ayant pas encore exprimé son opinion, nous allons passer à l'article 11.
L'article 11 est lu, mis aux voix et décrété en ces termes :
Art. 11.
« 11 est autorisé à détourner les eaux qui seraient nuisibles au canal, et à y amener celles qui y seront nécessaires ; à former des canaux d'irrigation dans la campagne, et à conduire les eaux du canal dans les différents quartiers de Paris, en indemnisant, préalablement, ceux dont les propriétés seraient endommagées, et en remplaçant les établissements utiles au public dont la suppression, à cause de leur situation, aurait été jugée indispensable. »
lit l'article 12.
Un membre a observé qu'il était convenable et nécessaire de déterminer, avant de discuter cet article, ce que deviendront le canal et les établissements en dépendants, après la jouissance du sieur Brullée ; il a exposé les motifs de son opinion.
On a demandé, en conséquence, à discuter l'article 15 du projet de décret avant l'article 12; ce qui a été adopté par le rapporteur.
La discussion s'est alors portée sur l'article 15, par lequel il est dit que le sieur Brullée doit jouir pendant 50 ans du droit de péage suivant le tarif qui sera déterminé ; après quoi ce canal appartiendra à la nation ; mais que le sieur Brullée conservera les moulins et autres établissements qu'il aura fait construire pour son profit particulier. Cette dernière partie a donné lieu à une longue discussion, qui portait d'une part sur l'inconvenance et les inconvénients de laisser entre les mains d'un particulier des établissements qui pourraient gêner la navigation du canal, et de l'autre sur la difficulté ae déterminer quels établissements devaient être réunis à la, nation à la même époque que le canal, et quels étaient ceux qui devaient et pouvaient rester en propriété au sieur Brullée ou à sa compagnie, sans inconvénient pour la chose publique.
Il a été proposé par amendement que tous les établissements faits sur la largeur de 50 toises du canal, et en dépendant essentiellement, soient remis à la nation, ainsi que le canal, en bon état de navigation, après 50 ans de jouissance, le tout sans en pouvoir prétendre aucun remboursement ni indemnité. 11 a été proposé par sous-amendement que la jouissance fût portée à 60 ans au lieu de 50. Ce sous-amendement a été écarté par la question préalable.
L'amendement a été adopté ; mais de nouvelles discussions s'étant élevées sur la rédaction de l'article, il a été proposé de le renvoyer, et tous ceux qui restent encore à décréter sur cette affaire, a un nouvel examen du comité d'agriculture et de commerce, pour en faire un nouveau rapport à l'Assemblée nationale, et d'ajourner eu conséquence toute la suite de ce décret.
(Cet ajournement a été mis aux voix et décrété.)
fait part à l'Assemblée d'une lettre du sieur Joseph Daudet, qui réclame la propriété du projet de canal soumis à sa discussion.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour sur la lettre du sieur Daudet.)
L'ordre du jour est la discussion de l'affaire d'Huningue.
Un de MM. les secrétaires annonce une lettre du sieur Kech, se disant chargé de procuration de la municipalité et de la majeure partie de la commune d'Huningue, qui demande la remise à samedi, afin de faire connaître à l'Assemblée un imprimé sur l'affaire de cette ville.
(L'Assemblée décide qu'il n'y a pas lieu d'ajourner la discussion.)
, rapporteur,dit que depuis huit mois il existe des contestations dans la ville d'Huningue, relativement à l'élection des officiers municipaux. Deux partis divisent la ville, l'un est conduit par le curé, l'autre par le syndic. Il paraît que le syndic a voulu exclure des élections la partie des citoyens la moins aisée, pour rester dans le cercle de ses partisans qui sont plus favorisés de la fortune.
Le curé, au contraire, voulait que les citoyens de toutes les classes fussent admis aux élections; ses adversaires lui reprochent même d'avoir voulu y introduire des étrangers.
Le rapporteur pense que la justice serait plutôt du côté du curé que du syndic, mais pour le bien de la paix, il propose que les choses soient remises en l'état et que les élections soient recommencées.
demande la parole pour soutenir le parti du syndic, dont la conduite serait irréprochable.
fait remarquer que l'Assemblée n'est pas suffisamment instruite, et qu'une affaire aussi compliquée ne peut être jugée dans une séance où se trouvent à peine quel^ ques membres. Il propose de renvoyer à samedi prochain la suite de la discussion.
Gette proposition est adoptée.
La séance est levée à neuf heures du soir.
séance de l'Assemblée nationale du
Protestation des officiers du conseil souverain d'Alsace (contre la suppression de l'ancienne magistrature).
Les officiers du conseil souverain d'Alsace, pénétrés commé tous les Vrais Français, de la plus
profonde douleur .à la vue des ruines qui couvrent la vaste superficie du royaume, cherchant à se rallier au trône, qui lui-même chancelle, frappés du coup mortel qui doit les anéantir avec tous les corps de cette antique magistrature, qui jusqu'ici avait été regardée comme la fidèle gardienne des lois constitutionnelles de l'Empire des Francs, comme l'appui du trôné contre les attentats des factieux, qui tenteraient de l'ébranler, et comme le soutien du peuple opprimé contre le despotisme des ministres prévaricateurs, qui oseraient attenter à sa liberté, à compromettre son bonheur.
Considérant que ces lois solennelles, regardées jusqu'ici comme fondamentales, semblent si parfaitement oubliées des Français, qu'il est presque aussi inutile que dangereux de les rappeler; que c'était pour les faire revivre et les rendre à jamais stables et inattaquables, que les Etats généraux avaient été si vivement sollicités par les bons souvrains, et convoqués par un monarque ami de son peuple, que cependant c'est dans le sein même d'une assemblée composée de représentants de la nation, qu'ont été rendus une foule de décrets, qui ne laissent plus au roi qu'un vain nom, et à la France que l'apparence de la monarchie.
Qu'il n'est pas étonnant que la Constitution ait été renversée dans une assemblée essentiellement inconstitutionnelle; qu'en effet ce n'est pius par les Etats généraux de France,que les lois, qui nous doivent régir, sont proposées au prince pour les revêtir de son autorité, mais par une assemblée prétendue nationale, qui s'est constituée sans le concours de la nation et s'est, de son autorité privée, érigée en soi-disant assemblée de convention, tandis que le -trône était occupé, que le monarque adoré de ses peuples était à leur tête, ét que ceux-ci n'entendaient, ni changer de souverain, ni altérer la forme du gouvernement. Que depuis l'instant où les Etats généraux ont perdu et leur nom et leur existence, les députés composant l'assemblée prétendue nationale se sont dégagés de la foi du serment qu'ils avaient prêté en recevant leurs pouvoirs, qu'ils n'ont plus tenu compte, ni de leurs cahiers, ni de leurs commettants, qu'il se sont prorogésindéfiniment dans leurs fonctions contrairement à leurs mandats, qu'ils se sont abandonnés à toute la fougue des factions, au délire des systèmes irreligieux, à la frénésie d'une fausse liberté, et au chimérique espoir de faire prévaloir un système monstrueusement républicain, aussi contraire à toutes ies notions du droit public qu'au génie et aux lois constitutives de la nation française.
Qu'ayant une lois perdu de vue qu'ils n'étaient que de simples commis, les députés pour s'arroger tous les pouvoirs, s'emparer de l'administration, s'établir à la fois législateurs et exécuteurs des lois, juges, dispensateurs des grâces, ordonnateurs de l'autorité et de la puissance militaire, et même pour envahir les droits de l'autel, porter une main sacrilège à l'encensoir, et rendre des lois réservées à l'Eglise, se sont attribué une autorité effrayante par son extension, monstrueuse par son exercice, aussi attentatoire à l'autorité du prince, qu'à la liberté des peuples, et telle que jamais les trente tyrans d'Athènes, les décemvirs et triumvirs de Rome n'en ont exercé une aussi odieuse et aussi absolue.
Que telle n'était pas l'opinion ni la conduite des députés aux précédents Etats généraux, qui jamais ne se sont regardés que comme des mandataires et fondés de procuration, tenus d'exé-
cuter leurs mandats et de rendre compte à leurs mandants, que l'illustre fiodin dans les Etats de 1576, a établi ces maximes constitutionnelles, et que toutes les fois qu'on a voulu engager les or-» dres à délibérer sur des objets non prévus par les cahiers, il répondait simplement au nom du tiers état, qu'il présidait : qu'il était d'autant plus impossible de suppléer au pouvoir qu'ils n'avaient pas reçu de leurs commettants, que les Etats généraux eux-mêmes n'avaient pas l'autorité de le leur donner, et quec était là un point pé-remptoire auquel il n'y avait pas de réplique.
Qu'en suivant une marche contraire, il n'est point d'excès auxquels les députés ne se soient portés; que C'était déjà un attentat horrible à la Constitution que d'avoir confondu les trois ordres, ordonné les délibérations par tête, et de s'être constitués en assemblée unique, livrée à la violente éloquence d'orateurs fougueux, à l'impulsions d'insolentes tribunes, à l'agitation des partis, d'abord près, ensuite dans le sein d'une capitale séditieuse, sans autorité suffisante pour calmer l'éffervescence, sans contrepoids qui puisse rétablir l'équilibre.
Qu'à dater de cette époque, rien n'a plus été sacré pour l'assemblée, soi-disant nationale, substituée aux Etats généraux, que les premiers coups qu'elle a portés ont eu pour objet d'anéantir le clergé et de faire perdre jusqu'au souvenir de l'antique et vénérable Eglise gallicane, que c'est avec les convulsions d'une fureur anti-chrétienne, et l'apreté de la plus sordide avarice, qu'elle a, en la spoliant de ses biens, donné une atteinte désastreuse aux droits sacrés de la propriété, réduit ses membres les plus respectables au rang de vils salariés, prononcé la suppression des vœux religieux, anéanti les monastères, et décrété une organisation du clergé, impie par ses motifs et par ses suites, nulle par défaut de pouvoir, insupportable au peuple par . la charge énorme et inouïe de l'entretien du culte divin, de ses ministres et des pauvrés.
Que la noblesse dont Montesquieu à dit, qu'elle entre dans l'essence de la monarchie, que là où il n'y a point de monarque, il n'y û pas de noblesse, et où point de noblesse, point de monarchie, mais un despote ; que cette brave et généreuse noblesse, qui par son courage a porté jusqu'aux extrémités du monde la gloire du nom français, n'a pas éprouvé un meilleur sort que le clergé, que,privée de ses honneurs,dépouillésdeses propriétés et d'un grand nombre de ses droits, ou transmis par d'illustres aïeux, ou acquis comme toute autre espèce de propriété, elle s'est vue honteusement dégradée et ravie par l'orgueil et l'envie réunis, ses titres, ses armoiries, son existence, comme si l'Assemblée pouvait commander à l'opinion et arracher à l'histoire tant de pages consacrées à la gloire de la noblesse française.
Que pour pouvoir se permettre impunément de pareils attentats* il fallait fermer la bouche aux organes des lois, empêcher leur réunion, et livrer la France entière aux maux résultant du silence et de la nullité des tribunaux, plutôt que de souffrir qu'ils élevassent la voix pour réprimer tant d'excès ; qu'on a donc mis en œuvre tous les moyens de séduction et de corruption pour aigrir les peuples et leur faire désirer la dissolution de ces corps qui, pendant tant de siècles, avaient mérité leur respect et leur confiance.
Que les éffurts de la calomnie et de la haine ont eu un plein succès, puisque les peuples ont vu sans frémir d'abord lei service des cours souveraines réduit à une chambre de vacations, en-
suite les persécutions suscitées à plusieurs d'entre telles, et le dépouillement successif de prérogatives essentiellement attachées à leurs fonctions, puisque aujourd'hui ils ne redoutent pas de voir une multitudede petits tribunaux éphémères, dont les membres pour parvenir à contracter, par les élections, un bail de six années de judicature, ont dû se rendre familières l'intrigue et la corruption, substitués à ces cours antiques, où là connaissance des lois et leà vertus magistrales semblaient devenues héréditaires; puisque enfin, dans leur aveuglement, ils paraissent préférer à l'ancien système si peu onéreux à la nation; l'organisation nouvelle, qui, à l'appât mensonger de la justice gratuite, leur impose une chargeant nuelle, qui pèsera également et sur l'avide chicaneur, et sur le paisible et conciliant citoyen.
Que la création de juges nationaux est une de ces entreprises inconstitutionnelles qui doivent opérerla ruine de la monarchie; qu?il est absurde que la justice soit rendue au nom du souverain, sans que celui-ci en nomme les officiers; que saint Louis, jugeant sous le grand chêne du bois de Vincénnes, a consacré la maxime fondamentale, que la première dette ainsi que le premier devoir de la royauté est de rendre la justice, et que toute juridiction dans toute l'étendue du royaume ne peut émaner que du roi; que faire dépendre cette fonction sacrée des élections populaires et rendre le juge destituable après un laps de six années, au gré du caprice de la multitude, c'est avilir son caractère, et le moyen le plus certain de n'avoir que des juges sans énergie, sans vertu et sans lumières; c'est dépouiller le trône de sa plus belle prérogative et rompre l'anneau qui y attache la nation avec le plus de force.
Que pour préluder à tant d'attentats et avant de pouvoir amonceler tant de ruines, il a fallu livrer la France entière aux horreurs de l'anarchie, exciter des soulèvements dans toutes ses parties, autoriser les incendies, laisser impunir les assassinats les plus odieux, exciter les insurrections dans l'armée, protéger les attroupements séditieux* couronner tant d'atrocités par toutes celles dont une nuit affreuse a souillé le palais de nos rois, et ne point permettre qu'une procédure juridique.révélât le secret 'de tant de forfaits, de peur de trouver des complices dans le sein de l'Assemblée.
Que c'est au milieu des troubles qui agitent la France depuis dix-huit mois qu'on a imaginé de donner un système de lois inapplicables à un peuple ancien etcorrompu* et de le faire précéder far une déclaration métaphysique des uroits de homme, sans y ajouter le contrepoids de ses devoirs, ni l'influence d'une religion divine; que cette déclaration des droits et ce système de lois n'ont fait que révéler au peuple le secret de ses forces physiques, et le porter à tous les excès de la licence, sous le masque de la liberté et d'une chimérique égalité.
Que pour se l'attacher il ^a fallu arborer, sur les débris des droits et des propriétés du trône et de l'autel, l'étendard de la démagogie, et se servir sans relâche des moyens employés par les Grecques de tous les siècles et de toutes les nations.
Considérant qu'après tant d'essais sur le peuple pour l'égarer et le corrompre, il n'est pas étonnant qu'il ait perdu son véritable caractère, son amour pour son roi, son respect pour tout ce qui était autrefois respectable à ses yeuX; mais que c'est aux magistrats à les rappeler, au péril de
leur vie, à la soumission aux lois, qui ne doiven ( périr qu'avec eux et auxquelles il ne leur est pas permis de survivre.
Que, parmi ces lois fondamentales reconnues par nos publicistes et que nos rois eux-mêmes ont dit être dans Uheureuse impuissance d'enfreindre...
La plus essentielle et la première est celle qui fixe l'hérédité de la couronne ; qu'à la vérité l'Assemblée a paru la respecter, mais qu'il est ^vident que la France, loin d'être encore une rùonarchie, n'est plus qu'un amas informe de gràndeset petites républiques, à la tête desquelles on a mis un chef sans autorité, un roi sans pouvoir, et que le décorer du nom de monarque c'est joindre la dérision à l'insulte.
Que toutes les autres lois, tant celles qui concernent les prérogatives attachées au sang royal, que celles qui ont déclaré la religion catholique, religion de l'Etat, et celles qui ont établi la distinction des ordres, assuré la stabilité des tribunaux, garanti l'indénendance des juges supérieurs par leur inamovibilité, mis sous leur sauvegarde et leur empire la sûreté des personnes et des propriétés, sont audacieusefhent violées; que sous aucun des rapports qu'elles ont établis, il n'est plus possible de reconnaître la France, et que sa subversion totale et sa ruine la plus entière doivént être la suite funeste de tant d'infractions.
Qu'ils sont d'autant plus répréhensibles, que ce n'était point pour renverser la Constitution, mais pour l'affermir et la perfectionner, que ce n'était point pour détruire, mais pour opérer de salutaires réformes, que ce n'était point couvrir la France de ruines mais pour la purger des abu3 lés plus criants, et surtout pour travailler, de concert avec té meilleur des rois, au prompt rétablissement des finances par la consolidation de la dette, la réduction des dépenses et une meilleure répartition des impôts, que les Etats libres et généraux de France ont été convoqués.
Que cependant, au lieu de s'occuper de cet intéressant objet, qui, suivant l'expression trop vraie de ce ministre autrefois l'idole, aujourd'hui l'exécration des Français, n'était à l'ouverture des Etats généraux qu'un jeu d'enfants, on voit nos prétendus législateurs employer leur temps et leurs ruineuses séances qu'au soin de consommer leurs désastreuses opérations, sans songer ni à arrêter la dette, ni à déterminer les impôts, parce qu'ils craignent que leur peuple, qu'ils ont séduit par tant de basses adulations, n'ouvre enfin les yeux sur ses perfides amis.
Que non seulement les moyens véritablement propres à rétablir les finances n'ont point été employés, mais que malgré la contribution immense et immorale du quart des revenus, malgré tant de dons patriotiques, malgré la ressource honteuse des boucles, la dette n'a fait que prendre des accroissements effrayants, que l'administration est devenue plus dispendieuse, la déprédation plus scandaleuse, et le gouffre du déficit si profond, qu'il n'est plus possible de le sonder.
.Que pour y remédier, l'Assemblée n'a su imaginer qu'une prodigieuse émission d'assignats érigés en papier-monnaie, dernière ressource et infaillible signe de mort d'un Empire ruiné; que si tous les bons esprits ont prévu leur funeste influence sur le numéraire, qu'ils devaient faire disparaître, sur le commerce et l'industrie dont ils devaient consommer la ruine, ils n'ont pas moins démontré, que leur circulation ne pouvait devenir avantageuse qu'à cette horde insatiable d'agioteurs, vampires dévorants qui se sont en-
graissés de la substance des Français, et ont attiré sur eux tous les fléaux qui les accablent.
Considérant qu'il n'y a point de province, où les effets de cette création subite d'une si énorme quantité de papier-monnaie que la cupidité et l'éloquence-vénales des coryphées de l'Assemblée réussira à porter à la somme monstrueuse de deux milliards, se feront sentir d'une manière plus désastreuse, qu'en Alsace, parce que la majeure partie de ses relations étant avec l'étranger, les payements que recevra l'Alsacien se feront en papier et ses remboursements ne pourront se faire qu'en écus, parce que ses débiteurs acquerront à bas prix des billets qui perdront sur la place, et que ses créanciers ne consentiront à solder un décompte final, qu'en argent monnayé, parce que le faussaire étranger versera avec la plus grande facilité le produit de sa frauduleuse adresse à falsifier, dans une province frontière, dont les malheureux habitants, plus versés dans la langue allemande que dans la française que la plupart ne connaissent pas, ne pourront ni découvrir le faux, ni éviter les pièges que leur tendra une criminelle avarice.
Que dès lors la ruine de cette intéressante province, qui, par sa position, l'industrie de ses habitants, la fertilité de son sol, ses privilèges garantis par les traités,qui l'ont réunie à la France, devait être à jamais à l'abri d'une si horrible catastrophe, est irrévocablement consommée.
Considérant qu'il est du devoir des magistrats, gardiens et exécuteurs de lois, de rappeler sans cesse, à leur observation, et qu'il n'en est point de plus sacrées, et dont l'infraction soit plus dangereuse, que celles que les puissances et les nations se sont faites à elles-mêmes dans des traités solennels, conclus après de longues guerres.
Que tels sont ceux en vertu desquels l'Alsace a passé sous la souveraineté des rois de France. Que les traités de Westphalie, de Nimègue, de Risvick et deBaden, ainsi que les lettres patentes et capitulations, qui sont fondées sur leur teneur, non seulement ont assuré les droits, propriétés .et privilèges des princes et Etats d'Empire, du clergé, de la noblesse, des villes et du peuple d'Alsace; mais encore qu'ils sont garantis par toutes les puissances de l'Europe intéressées au maintien du droit public germanique.
Que les princes et Etats d'Empire se sont volontairement soumis à la France, sous la condition expresse de continuer à jouir de tous les droits réguliers, compatibles avec la souveraineté du roi; que vouloir les en priver, c'est attenter à la foi publique et encourir tous les dangers attachés à sa violation; que même par la teneur du fameux paragraphe 75, du traité de Munster, et tous les articles de restitution insérés aux traités de Risvick et de Baden, non seulement les princes n'ont pas renoncé à leur immédiateté, mais, que l'Empire et l'empereur n'ont jamais reconnu leur séparation, ni rompu les liens qui, encore à présent, les attachent au corps germanique.
Quç vouloir étendre sur l'Alsace les décrets concernant l'abolition des droits féodaux en France, ce serait donc, d'une_part, forcer les princes et anciens Etats à se rejeter dans le sein du corps germanique, et celui-ci à revendiquer ceux de ses membres qui n'en sont pas légalement séparés.
Que la noblesse immédiate est dans le même cas; que sa réunion à la France a été entièrement libreet volontaire, qu'elle tient à l'Empire par le lienvassalitique d'une grande partie de ses terres et seigneuries, pour lesquelles, encore à présent,
de l'aveu même de nos rois, elle prête les foi et hommage en Empire, qu'elle est donc autorisée à réclamer tous les droits attachés à son ancienne immédiateté.
Que la noblesse non immédiate n'a pas moins le droit de protester contre d'odieuses suppressions, puisque le roi de France n'a acquis sur les domaines à lui cédés en Alsace, par la maison d'Autriche, que ceux que cette maison elle-même possédait, et que jamais celle-ci n'aurait osé exercer le droit inique de spolier une noblesse, dont l'existence, les propriétés et les droits étaient liés à la Constitution de l'Etat.
Que l'existence et les propriétés du clergé n'ont pas été moins assurées que celles de la noblesse, que nos rois ayant juré de maintenir la religion telle qu'elle existait au moment de la réunion, ayant reconnu aux princes-évêques de Spire, de Strasbourg et de Bâle, tous les droits de supériorité territorial et de juridiction épiscopale, dont ils jouissaient à cette époque, ayant pris sous leur protection leurs églises, et les églises qui y étaient incorporées, et ayant adopté l'année normale 1624, pour l'époque et règle décisive des propriétés et droits respectifs au clergé catholique, d'une part, et concédés de l'autre part à ceux de la confession d'Augsbourg, il n'est plus possible ni d'attenter à ses propriétés, ni de rien changer à l'état de la religion.
Que cependant une foule de décrets concernant la disposition, administration et aliénation des biens d'Eglise, ont été envoyés et sont déjà en partie exécutés en Alsace; mais que l'Assemblée nationale a même compris cette province dans sa prétendue organisation du clergé, par laquelle sans formes canoniques, sans le concours des parties intéressées, et contrairement à leurs droits et volontés connues, elle a érigé un évê-ché à Colmar, aux dépens de celui de Bâle, attribue à l'évêque de Strasbourg toute la partie du diocèse de Spire, située en Alsace, et rompt tous les liens hiérarchiques qui attachaient ces diocèses à la métropole de Mayence.
Que si les décrets spoliateurs du clergé pouvaient avoir lieu en Alsace, cette province contribuerait de ses fonds, et dans une proportion lésionnaire et beaucoup plus, forte que d'autre province, à la liquidation des dettes de l'Etat, et que la création, soit des assignats, soit des quittances de finance, qui doivent servir à l'acquisition des biens prétendus nationaux, il résulterait que lès Alsaciens, dont très peu sont intéressés dans les affaires publiques et qui n'ont presque pas d'offices à rembourser, seraient exclus de l'acquisition de ces biens; que des étrangers en deviendraient nécessairement les acquéreurs ; que les cultivateurs dont on a cherché par tant d'artifices à capter la bonne foi et à exciter la cupidité, loin de devenir propriétaires, ne seraient que de malheureux colons pressurés sans pitié, et que le produit des baux verserait au dehors le peu de richesse que l'Alsace pourrait encore conserver.
Que cette même Assemblée, qui prive le clergé catholique de ses droits et propriétés, les conserve à ceux des confessions d'Augsbourg et Helvétique, quoique les uns et les autres dérivent également des mêmes traités ; que s'il est difficile de trouver la raison de cette disparité, à moins que ce ne soit dans le désir formé de détruire à jamais le culte catholique, il est d'autre part inconcevable qu'on n'ait pas craint d'exciter une rivalité de religion très dangereuse dans une province, dont les habitants avaient
toujours été renommés par la sage tolérance qui les distinguait.
Qu'il ne peut résulter de ce décret inconséquent d'autre effet, que de mécontenter les catholiques, sans satisfaire les protestants, dont les ministres sont en grande partie compétenciés sur les biens des corps ecclésiastiques, i et qui, d'un autre côté, sont contrairement aux traités, privés à jamais du droit acquis qu'ils avaient à l'alternative et parité dans les emplois municipaux des villes les plus considérables de la province, pour les livrer au hasard des élections»
Que la Constitution de toutes ces villes fondée sur les traités, les capitulations et la plus respectable possessiop eat bouleversée à un point qui les rend méconnaissables : que pour la détruire on n'a consulté ni le vœu de la bourgeoisie, régulièrement convoquée, ni le droit des magistrats en place, qui reste intact, tant qu'ils n'auront pas été légalement dépossédés, mais qu'on n'y est parvenu par la force et la violence, et au moyen d'insurrections soudaines et simultanées, dont le mobile n'est plus un problème.
Considérant que l'exécution de tant de décrets attentatoires aux traités de paix est diamétralement contraire à celui du 22 septembre 1789 qui a ajourné les questions relatives aux droits des Etats, de la noblesse et du clergé d'Alsace, qu'il fallait statuer sur cet ajournement, avant de rien innover dans la province, mais qu'on a préféré sans doute exécuter tant de destructions, au moyen d'insurrections suscitées et par la terr reur qu'on a inspirée aux intéressés, plutôt que de prononcer nettement sur des droits qui ne sont ni contestés ni contestables.
Que tant qu'ils n'auront pas été formellement proscrits par un décret positif, tous ceux qui y sont contraires, en supposant même la compétence de l'Assemblée prétendue nationale, sont nuls et illégaux, en tant qu'ils concernent l'Alsace, et que les princes et Etats, nobles, clergé, villes et peuple d'Alsace doivent continuer provisoirement à jouir de tous leurs droits, propriétés et privilèges.
Que, dès lors, le droit de rendre la justice aux peuples étant la plus belle .prérogative et le premier devoir desdits princes et Etats, uobles,etc., ils doivent continuer à en jouir, et leurs officiers à en exercer les fonctions, nonobstant tous décrets, qui,après avoir aboli en France les justices seigneuriales, ont créé à leur place, et cette multitude de juges de paix, et ces nouveaux sièges de district, qui seront prématurément et illégalement établis, tant qu'il n'aura pas été statué sur ledit ajournement.
Que, dans aucun cas, ces nouveaux tribunaux ne sauraient tenir lieu du conseil souverain d'Alsace, qui, créé, pour remplacer, dans toute l'étendue de son ressort, la chambre impériale et le conseil aulique, jugeait en dernière instance les affaires des vassaux des princes, Etats, nobles et seigneurs qui se pourvoyaient devant lui par la voie de l'appel ; et les princes, Etats, nobles et seigneurs eux-mêmes qui avaient le droit d'y être jugés en première et dernière instance; qu'il n'est pas douteux que sous ce rapport consacré par les traités, lettres patentes et capitulations, le conseil souverain ne soit une partie intégrante de la Constitution de l'Alsace, et qu'il ne soit en droit de réclamer, avec tous les ordres de la province, les,titres qui ont opéré sa réunion à la France.
Qu'elle a d'autant plus d'intérêt de demander la conservation de ce tribunal et de l'ordre judi-
ciaire établi jusqu'aujourd'hui, qu'il n'en est point qui soit moins compliqué, plus accessible aux justiciables, plus adapté aux mœurs des habitants dont il a toujours respecté et consacré les coutumes et les usages; que, d'ailleurs, sous l'appât illusoire de la justice gratuite, la nouvelle organisation est infiniment plus dispendieuse que l'ancienne, d'autant que, dès à présent les officiers du conseil souverain d'Alsace ne connaissent ni épices ni émoluments, et que les salaires attribués à tous ces nouveaux juges de paix et tribunaux de district formeront une masse d'impositions excédant du double au moins celle qui est levée aujourd'hui pour le même objet.
Considérant que ce rapport de l'intérêt pécui niaire des peuples d'Alsace devient d'autant plus important que, sous tous les points de vue, ses charges seraient successivement augmentées dans une progression effrayante si les décrets de l'Assemblée nationale pouvaient y être adaptés.
Que la nouvelle administration, par la complication des ressorts, la multitude de tant d'agents salariés, et les faux frais de toute espèce, sera infiniment plus dispendieuse que n était l'ancienne, contre laquelle on s'est tant récrié, et quelquefois à si juste titre, que déjà les dépenses des fédérations, des élections primaires et autres de toute espèce ; les frais d'impression, de messages, de courses et voyages de cette immense quantité de municipaux, sans parler de tant de journées dérobées à la culture et à l'industrie, montent à des sommes énormes, qui ont ruiné les communautés, et leur ont, dès à présent, fait contracter des dettes considérables, qu'elles seront dans l'impossibilité d'acquitter sur le produit de leurs revenus patrimoniaux.
Qu'elles succomberont sous le poids, lorsque la masse des impositions sera décrétée, et qu'elle achèvera de les accabler ; qu'il est impossible de le dissimuler, qu'elle sera énorme, et d'autant plus insupportable aux Alsaciens, qu'elle portera, ou sur les objets nouveaux, tels que les impôts pour l'entretien du culte divin, de ses ministres et des pauvres, pour la nouvelle organisation de la justice, etc., ou sur des remplacements d'impôts qu'elle n'a jamais acquittés, tels que ceux des aides, des gabelles, des traites, et d'une foule de droits partiels perçus dans l'intérieur de la France, et dont le remplacement, réparti sur tout le royaume, se percevra également en Alsace.
Qu'il est certain cependant qu'excepté la subvention, l'Alsace devait être exempte de toute autre espèce d'imposition, et que toutes celles qu'elle a payées jusqu'ici, montant à des sommes énormes et supérieures même à ses facultés, sont une preuve non équivoque de la générosité avec laquelle elle s'est empressée dans tous les temps de venir au secours de l'Etat.
Que pressée, d'une part, par des charges exorbitantes, et, de l'autre, privée, par le reculement des barrières à l'extrême frontière, des avantages du commerce, libre avec l'étranger, de la culture d'une denrée précieuse, de la liberté des échanges de toutes les productions de son sol et de son industrie, du profit certain du passage des marchandises étrangères par son territoire, il ne lui restera plus aucune ressource contre la misère et le désespoir, qui en est la suite inévitable.
Que déjà le mécontentement et les murmures des peuples, révoltés à l'aspect de tant de ruines et de dévastations, se font remarquer; que l'explosion est d'autant plus à redouter, que leur pa-
lience a été plus fatiguée ; que celle de tant de
Îirinces puissants par eux-mêmes et tenant par eurs alliances à des princes plus puissants encore, tous intéressés au maintien des traités, est épuisée. Que dans des circonstances aussi critiques les bons citoyens se voient à la veille d'être les victimes du plus cruel de tous les fléaux, celui d'une guèrre civile, jointe à une guerre étrangère, dont les horreurs ne pourront être imputées qu'aux mandataires infidèles, qui, oubliant à la fois et les titres consacrés dans les traités, et les vœux de leurs concitoyens consignés dans les cahiers, auxquels ils out fait serment de se conformer, De peuvent que répondre sur leurs têtes des suites désastreuses de leur infidélité.
Qu'ils sont d'autant plus coupables, qu'ils ne pouvaient ignorer les intentions de leurs commettants, qui ne se portaient certainement pas sur tant d'iniques spoliations, dont ils ne profiteront pas; mais sur la conservation de toutes les propriétés, sur la réforme des abus, sur la suppression de certains droits nouveaux et trop onéreux ; qu'à cet égard, ils ont été prévenus par le clergé èt par la noblesse, qui se sont empressés de faire le sacrifice le plus entier de leurs exemptions et privilèges pécuniaires, que le clergé a fait des offres considérables, et fera de plus grands sacrifices encore pour concourir au rétablissement des finances; que la noblesse a annoncé et annonce le dessein généreux de renoncer à ceux de ses droits féodaux, qui, par leur nature, paraissent trop gêner la liberté ou les propriétés et leurs justiciables; que même les-princes ont manifesté l'intention bienfaisante de soulager leurs vassaux, de tout leur pouvoir, et d'écouter les justes réclamations qui pourraient leur être faites.
D'après toutes ces considérations, les officiers du conseil souverain d'Alsace, convaincus que lorsque tant de maux sont prêts à fondre sur les peuples, dont l'intérêt doit leur être si cher, le premier devoir des magistrats est de leur faire connaître les dangers auxquels ils sont exposés, et de faire tous les efforts pour les prévenir, même au péril de leurs jours, que quand même ces efforts seraient inutiles et leur courage impuissant, ils doivent le sacrifice de ce qu'ils ont de plus cher au roi, dont ils sont officiers; au royaume, dont la Constitution est détruite; aux différents ordres de leur ressort, dont la perte est jurée; au peuple même séduit et égaré, qui ne reconnaîtra la profondeur de l'abîme, que lorsqu'il y aura été précipité.
Se rappelant que lorsque dans des temps plus orageux encore que les nôtres, des factieux ont déchiré la France et l'ont conduite au bord de sa ruine, elle a été sauvée par le courage des magistrats et l'énergie avec laquelle ils ont ramené les Français à l'observation des lois fondamentales du royaume, que déjà plus d'une époque de notre histoire nous a présenté le spectacle d'assemblées séditieuses, qui, sous le masque de la popularité, u'avaient d autre but que de renverser 1e trône et d'élever un pouvoir inique et usurpé sur les ruines du pouvoir légitime du monarque; mais que leurs succès u'on t eu qu'une courte durée; que c'est ainsi que les Etats généraux de 1358 ont été déclarés séditieux par ceux de Compiègne, que tout ce qu'ils ont fait a été généralement condamné, ainsi que la conduite de la ville de Paris, et que lesdits Etats, au nom de la nation, remercièrent le régent, depuis le roi Charles le Sage, de ce que, dans des temps orageux, de troubles et
de calamité, ils n'avaient point désespéré du salut de la patrie. (Histoire de France, par Villaret, tome 5, page 305); que c'est encore ainsi que les Etats généraux de 1594, tenus dans cette même ville de Paris, qui semble fatale à la tenue de pareilles assemblées, ont été annulés et proscrits et que leur mémoire est encore en horreur à tous les Français.
Pénétrés du désir le plus sincère de voir l'ordre renaître, les lois revivre, et les Français rendre au meilleur des rois leur amour, leur fidélité et leur obéissance; détestant les factieux démagogues qui couvrent la France de désordres, de ruines et de deuil, et adressant à leurs chefs,avec 1e sentiment profond de la plus vive indignation à la vue de leur roi retenu dans une indigne captivité, ce qu'Achille de Harlai a dit au duc de Guise : Cest grand'pitié quand le valet chasse le maître; au reste, mon âme est à Dieu, mon cœur est à mon roi, et mon corps est entre les mains des méchants, qu'on en fasse ce qu'on voudra.
Lesdits officiers du conseil souverain d'Alsace déclarent qu'ils rendent Ie3 députés d'Alsace, nommés pour les Etats libres et généraux de France, responsables ( en tant qu'ils y auront concouru), de tous les décrets de l'Assemblée nationale, qui sont attentatoires à l'autorité constitutionnelle du roi, aux lois fondamentales du royaume, aux droits et propriétés des différents ordres, et généralement aux privilèges de l'Alsace, et des suites funestes qu'ils pourront avoir. Se réservant, dès que le retour de l'ordre le permettra, de dénoncer toutes les contraventions des mandataires aux mandats qui leur ont été donnés et à l'intention connue des mandants, pour être le procès fait et parfait, à ceux d'entre lesdits députés qui seraient prévenus d'avoir manqué à la foi de leurs serments, ainsi que de fidélité au roi et à leurs commettants, et être iceux en cas de con viction et s'il y a échec, punis comme coupables de lèse-majesté, et de trahison envers leursdits commettants.
Ët cependant ont protesté et protestent lesdits officiers, tant comme de nullité que d'inconséquence. contre tous et chacun de ses décrets, en tant qu'ils sont contraires aux lois fondamentales du royaume, aux volontés des commettants, aux traités de paix et à la constitution particulière de la province.
Déclarent qu'ils se regardent et se regarderont toujours comme officiers du seigneur roi, chargés du dépôt des lois, et de rendre la justice pour lui et en son nom, tant qu'ils ne seront pas destitués par une procédure légale et pour forfaiture préalablement jugée. En conséquence, que ceux qui, en vertu de la prétendue organisation judiciaire, s'ingéreront d'exercer les fouctions de juges nationaux, nommés par le peuple, sont et seront réputés ennemis de la Constitution fondamentale du royaume et pourront être recherchés comme tels.
Déclarent en outre, qu'aucun décret, quoique sanctionné par ledit seigneur roi, ne peut et ne doit être considéré comme loi du royaume, tant qu'il ne jouira pas de toute l'étendue de sa puissance constitutionnelle et de la plénitude de sa liberté, et qu'il ne sera censé jouir de celle-ci, que lorsque, tiré de l'esclavage où le retient la garde nationale de Paris, il pourra visiter ses provinces, escorté de sa maison et de sa garde, formées par lui et à ses ordres; et attendu que la présente déclaration et protestation individuelle de chacun des signataires ne peut être consignée
au greffe du conseil, dont le dépôt n'est plus assuré; que, d'ailleurs, l'état d'anarchie, où des factieux ont plongé la France, il est superflu de désigner des victimes à des forcénés toujours prêts à commettre des crimes et des forfaits, qu'il est sage de leur épargner; lesdits officiers soussignés ne donnent point à leurs noms la même publicité qu'à leur présente protestation, mais ils en dressent une double minute, qu'ils déposeront en deux dépôts publics, l'un en "France, et l'autre en Allemagne, pour leur servir et valoir, le cas échéant, ce que de raison.
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin.
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier au matin, 21 du courant.
, secrétaire, lit le procès-verbal de la séance d'hier au soir.
Ces procès-verbaux sont adoptés.
remarque qu'il est plus de dix heures et que la salle est à peu près vide. Il demande que M. le Président, à deux heures, propose à l'Assemblée de ne commencer les séances qu'à midi, afin que les membres qui se piquent d'assiduité ne perdent pas leur temps jusqu'au moment où la salle se remplit. '
Un membre propose d'ordonner un appel nominal tous les jours à dix heures, afin de constater quels sont les membres qui négligent leurs devoirs.
D'autres membres réclament l'ordre du jour sur ces propositions.
L'ordre du jour est prononcé.
(ci-devant le comte) fait une motion pour que les colonels soient tenus de changer les cravates blanches des drapeaux et étendârds des troupes de ligné pour en substituer d'autres aux couleurs nationales.
Cette motion est décrétée et renvoyée au comité militaire pour les détails d'exécution.
dit qu'il a reçu un plan d'éducation publique pour en faire nommage à l'Assemblée nationale* par MM. Guéroult l'aîné, professeur d'éloquence au collège d'Harcourt; Guéroult le jeune, professeur d'éloquence au collège des Grassins, et Champagne, professeur de seconde au collège de Louis-Ie-Grand; ce plan est renvoyé par l'Assemblée au comité de Constitution.
Votre comité des monnaies m'a
Un de MM. les secrétaires fait lecture d'une adresse d'un district du département du Mont-Jura. Les administrateurs et fonctionnaires publics de ce district annoncent qu'ils se restreignent aux deux tiers du traitement qui leur a été accordé par l'Assemblée.
Les fonctionnaires publics du district de Bous-sac, département de la Creuse, déclarent qu'ils se restreignent à la moitié de leur salaire.
L'Assemblée décide qu'il sera fait mention au procès-verbal de ces actes de patriotisme.
, membre du comité ecclésiastique, sur les rapports duquel l'Assemblée nationale a déjà décrété la série d'articles concernant l'administration des biens nationaux et autres objets accessoires, a proposé à l'Assemblée là lecture des mêmes articles ainsi décrétés, dans la forme d'une rédaction plus exacte ou régulière, laquelle cependant, sans toucher au sens ni à 1a disposition substantielle des mêmes articles, avait besoin d'être an prouvée par l'Assemblée ; mais, cette matière ayant été discutée et décrétée dans les séances du soir, divers membres ont opiné à renvoyer cette lecture à une pareille séance, et, en conséquence, l'Assemblée l'a renvoyée à la séance de demain samedi au soir, 23 du courant.
L'ordre du jour est la discussion du projet de décret présenté par le comité de Vimposition sur la contribution personnelle.
, rapporteur, donne lecture des articles 1 et 2, qui, après quelques observations, sont adoptés ainsi qu'il suit :
Art. 1er.
« Il sera établi, à compter du 1èr janvier 1791, une contribution personnelle dont la somme sera déterminée chaque année. »
Art. 2.
« Une partie de cette contribution sera commune à tous les habitants du royaume, de quelque nature que soient leurs revenus; mais l'autre sera levée à raison des salaires publics privés, et des revenus d'industrie et dè fonds mobiliers. »
, rapporteur, lit l'article 3.
« Art. 3. La partie ae cette contribution, commune à tous les habitants, aura pour base de répartition la qualité de citoyen actif, la valeur annuelle de l'habitation fixée suivant le prix du bail ou l'estimation qui sera faite, les domestiques mâles, les chevaux de selle et de carrosse ou cabriolet dans les villes. »
La contribution personnelle est la plus difficile à répartir. Les bases que propose le comité me paraissent absolument inégales et prêteraient à l'arbitraire. Tel particulier est fort riche qui n'a qu'un chétif logement, et tel autre, qui n'a qu'un revenu très modique, en a un considérable. Je pense que la coutribu-
tion personnelle, doit être répartie d'abord par l'Assemblée nationale sur les départements, par les départements sur les districts, par les districts sur les municipalités, et par les municipalités sur lea contribuables, à raison de leurs facultés. '
En général, c'est une base assez peu certaine que celle de l'habitation; mais après avoir examiné tous les autres moyens, le comité d'imposition n'en a pu trouver de meilleure. L'habitation est généralement l'indice le plus probable; cependant le comité a cru devoir, adopter deux principes : 1° la distinction des villes dont les habitations se trouvent plus ou moins considérables; 2° la prôportjôn entre le riche et le pauvre propriétaire, de telle sorte, par exemple que celui-ci, dont le loyer serait de âQ.ou^Q livres, ne payerait que 3 deniers pour livre, et que le premier en payerait jusqu'à 12,,
Toutes ces applications ne doivent porter qu'à rejeter l'article. Vous ne voulez pas d'un moyen qui entraîne après lui l'arbitraire et qui détruit l'égalité; Dans les provinces, on trouverait toujours le moyen d'éluder la loi par le moyen des çontre-rlettres que les propriétaires accepteraient facilement de la part de leurs locataires. Je demande que l'on décrète simplement que la contribution personnelle aura pour base la qualité de citoyen actif et la faculté des contribuables.
Il ;ne peut y avoir de contribution personnelle que celle relative à la qualité de cjtoyen actif. La dénomination d'imposition personnelle donnée à celle sur les habitations me paraît impropre. Je vois avec effroi votre système tourner contre l'agriculture. Je conclus à ce qu'il soit déterminé qu'il n'y aura d'autre contribution personnelle que celle de citoyen actif;, et que pour atteindre le riche elle sera étendue aux consommations.
En' adoptant la consommation pour base de la contribution (personnelle,; ce serait charger d'un double faixles propriétaires fonciers, qui, après\ayoir payé U contribution foncière sur leur revenu nét, seraient astreints à payer encore pour avoir droit de consommer ce revenu net. Le co'mitè à évité l'inconvénient de, ce doubla emploi;,il a résolu le difQcilejp.ro-blème de la contribution, purement personnelle, Elle ne doit, porter que-sur la tête de l'homme, en sa qualité de citoyen actif et sur les capitaux mobiliers. Eh 1 comment connaître ces capitaux presque toujours cachés? Ce sera par la mesure queu donnera pour approximation l'étalage des commodités, dont le propriétaire de ces capitaux aime toujours à s'entourer, Le loyer est assez ordinairement le principal indice de ces richesses cachées. Un nombreux domestique, des voitures, des chevaux,ce sont ià des indices assez sûrs. C'est par le logement qu'on règle ordinairement sa dépense. Mais on fait plusieurs objections. On dit qu'il y a des gens fort riches qui se logent fort mal : oui, il y a des avares, mais ils ne peuvent être atteints par la volonté, publique, et puis il y a des prodigues ; l'un est compensé par l'autre.
On dit, en second lieu, que les ateliers des artistes exigent de grands emplacements, et que c'est détruire les arts que de vouloir les imposer trop fortement. Gela est vrai {les ateliers ne sont
pas des revenus, et le comité vous propose à ce sujet des articles additionnels ; celui qui a dix enfants, et à qui il faut par conséquent beaucoup d'emplacement pour les loger, fera aussi la matière d'une exception. D'après ces observations, je conclus pour l'adoption du projet du comité.
Je demande qu'on change la rédaction de l'article et qu'il soit substitué aux mots citoyen actif, ceux-ci : les facultés mobilières qui peuvent donner qualité de citoyen actif; sans cela. les hommes qui, en vertu de vos lois, sont privés de ce titre, et toutes les femmes seraient exclus de la contribution ; ce n'est pas l'homme qui doit l'impôt, c'est sa fortune.
Je suis surpris que le comité n'ait parlé d'aucune manière des propriétaires de renies, soit perpétuelles, soit viagères sur l'Etat, et & cet égard j'observe que le décret qui porte qu'à l'avenir il né sera fait aucune retenue sur ces espèces de rentes ne peut s'entendre de l'affranchissement des impositions, mais des retenues ministérielles qui, suivant les circonstances, réduisaient même les fonds des capitalistes. Je demande, en conséquence, le renvoi de l'article au comité, pour être représenté avec ces nouvelles dispositions.
J'adopte les bases du comité; mais je trouve qu'il a mal à propos fait une distinction entre les domestiques mâles ou femelles. Dans certaines maisons, il se trouve jusqu'à' cinq domestiques femelles, et cela par luxe. Je propose, en conséquence, que cette distinction n'ait pas lieu.
Le projet du comité prête à un arbitraire sans ressource.Bientôt on verra les citoyens réduire leursloyers pour éluder la loi ; et l'on finira par se priver presque totalement de l'impôt personnel. Jamais il ne s'est élevé de réclamation contre les collecteurs dans les provinces où l'évaluation du mobilier était en usage ; cette* iïïésure serait la moins sujette aux inconvénients, et il faut bien avoir quelque confiance aux municipalités.
Je demande la priorité pour le mode proposé par M. Biauzat. Tout le monde est convaincu de la vérité des raisons qu'il nous a présentées; il faut que l'imposition personnelle soit telle, que vous ne soyez pas obligés de surcharger les terres d'un impôt considérable.
Il est malheureux, pour une question aussi importante et qui a une liaison aussi étroite avec le système général de l'imposition, qu'aUcun opinant n'ait daigné réserver, soit pour l'attaquer, soit pour l'adopter, l'observation que j'avais faite au commencement de cette séance. Nous avons établi, et alors les opinants qui nous ont attaqués étaient absents, que les propriétaires de terres se rédimeraient de l'imposition personnelle; que pour atteindre les propriétaires de capitaux mobiliers, qui n'ont ni surface, ni étendue, il fallait se livrer à des dispositions Conjecturales. Que vous propose-t-on ? Que les municipalités établissent arbitrairement, et ce mot seul fait trembler (On applaudit), établissent arbitrairement la contribution personnelle sur les différents contribuables. Chez toUs les peuples, et même dans notre ancien régime, on n'a jamais établi la contribution personnelle de cette ma-
nière : un propriétaire de terres qui aura dix mille livres de reveou, dont les dépenses sont montées sur ce taux, qui aura déjà payé l'impôt foncier, se verra encore soumis à une contribution, parce que la municipalité croira de son devoir de l'imposer comme tout autre. Laissera-ton subsister, comme autrefois ces classifications établies sur des signes extérieurs, sur des distinctions d'ordre? Non, vous les avez détruites. Le projet du comité met en équilibre la contribution foncière et la contribution personnelle, sur les capitaux mobiliers qu'on n'avait jamais atteints; ce projet met en équilibre la contribution des municipalités, des districts, des départements : car il ne suffit pas de niveler les. personnes, il faut niveler les province^ C?est pour cela que nous proposons de répartir une somme fixe en somme fixe pour chaque département, et nous vous donnons des moyens de rectification de bas en haut, si je puis m'exprimer ainsi, qui égaliseront les personnes, les municipalités, les districts, les départements. (Une grande partie de VAssemblée applaudit.)
(La discussion est fermée.)
Je demande l'ajournement jusqu'à ce que le comité ait présenté le t^rif qu'il annonce dans le quatrième article de son projet de décret.
(L'Assemblée décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'ajournement.)
(La priorité est accordée à l'article du comité.)
Je propose, en amendement, d'établir une imposition légère sur les domestiques femelles, un autre sur les chiens inutiles, et une autre contribution de vingt-quatre livres sur les personnes qui voudront chasser avec des armes a feu.
Je m'oppose à ces amendements et je me borne à observer que la chasse est un devoir du propriétaire; que pour la conservation des moissons, il doit pouvoir détruire ie gibier qui viendrait sur son héritage.
Le comité, en ne proposant aucune imposition sur les domestiques femelles, le motif du comité est qu'il faut laisser aux travaux des champs, aux fonctions sociales, au métier glorieux des armes des hommes robustes appelés à jouir de la liberté la plus entière. Les femmes, au contraire, sont des intirmières que la nature a données aux enfants et aux malades. Nous avons cru qu'une imposition sur les domestiques mâles ferait sortir de nos maisons ces hommes beaux et vigoureux qui s'énervent dans l'oisiveté, et mettrait les deux sexes à leur place dans les travaux de la société.
(On demande à aller aux voix.)
L'article 3 est décrété en ces termes :
Art. 3.
« La partie de cette contribution, commune à tous les habitants, aura pour base de répartition les facultés qui peuvent donner la qualité de citoyen actif; la valeur annuelle de l'habitation, fixée suivant le prix du bail ou l'estimation qui sera faite, les domestiques mâles, les chevaux de selle dans les villes, et ceux des carrosses ou cabriolets, tant dans les villes que dans les campagnes. »
(L'Assemblée, sur la demande de plusieurs membres, arrête que le comité de l'imposition
lui fera, sous huitaine, le rapport de ses opérations relatives aux rentes viagères et perpétuelles.)
, curé de Bonneuil, député de Caent a demandé un congé pour un mois ou six semaines, auquel il donne pour cause des affaires indispensables; ce qui lui est accordé.
, député de Charolais, absent de l'Assemblée depuis le mois d'août, déclare s'y être rendu le 12 du présent mois d'octobre.
La partie peu nombreuse, qui se prouvait dans la salle à lO heures et demie, m'a chargé de demander vos ordres sur l'heure à laquelle s'ouvriront désormais vos séances.
L'Assemblée nationale trouve à chaque pas des obstacles à l'exécution des lois qu'elle a rendues pour le rétablissement des mœurs et de la félicité publique; mais son esprit n'est pas Changé, plus elle trouvera d'obstacles, plus elle développera de zèle. Je sais que les comités continuent chaque jour leurs opérations fort avant dàns la nuit; je sais que chacun de nds collègues se livre à des correspondances étendues, dont l'objet unique est de ramener l'ordre et la paix dans les départements ; je sais,aussi que ces hommes, qui se sont exposés sans crainte à la mort pour donner la liberté au peuple, sauront braver les fatigues de leurs utiles travaux.
Je demande donc que l'heure des séances ne soit pas changée ; que quand l'Assemblée ne sera pas formée à l'heure ordinaire, M. le président mette au nombre de ses devoirs les plus sacrés de dire: «L'Assemblée ne s'est pas formée à l'heure convenue ; la chose publique en souffre. » Je suis persuadé que ce seul mot ramènera tous les membres à l'heure ordinaire, (Les applaudissements sont presque unanimes.)
Ainsi, Messieurs, je vous supplie, au nom de la patrie et de vos devoirs les plus chers, de voits trouver ici demain à 9 heures.
La France vient de perdre un homme célèbre par son dévoûment et son courage... M. Désilles est mort. Je demande que M. le président soit chargé de donner au père-de ce vertueux citoyen les témoignages de la sensibilité ét des regrets de l'Assemblée.
(Cette proposition est unanimement adoptée.)
Un de MM. les secrétaires fait lecture d'une lettre dans laquelle M. le maire de Paris annonce qu'hier dèux maisons natiônales ont été adjugées. La première, située rue des Blancs-Manteaux, n° 63, louée 800 livres, estimée 15,000 livres, a été vendue au prix de l'estimation. La seconde, sise à la place Saint-Michel, n° 93, estimée 42,900 livres, a été adjugée pour 61,300 livres.
(La séance est levée à 3 heures.)
a la séance de l'Assemblée nationale du
Nota. Nous insérons ici plusieurs lettres qui se rattachent aux discussions des 20 et 21 octobre, sur la question du renvoi des ministres. 11 nous a paru que ces documents devaient prendre place dans les Archives parlementaires.
Copie de la lettre adressée au roi par les ministres de Sa Majesté^ le
« Sire,
« Le vœu manifesté des représentants de la nation vous détermina, le 18 juillet de l'année dernière, à rappeler deux d'entre nous dans votre conseil. L'Assemblée avait déclaré solennellement qu'ils avaient emporté dans leur retraite l'estime et lès regrets de la nation. Vous voulûtes encore prendre dans le sein de l'Assemblée ceux que depuis vous avez associés aux premiers, et elle en a remercié Votre Majesté par l'organe de son président, qui lui dit, en son nom, qu'elles les aurait présentés elle-même.
« Ces honorables suffrages nous étaient nécessaires pour espérer quelques succès; et, malgré la difficulté des circonstances, nous crûmes devoir n'écouter que notre zèle et notre dévouement.
« Nous aviqns çn nous-mêmes le sentiment de la droiture de nos intentions. Il nous fut peut-être permis de compter que la confiance publique nous accompagnerait près de vous, qu'elle ne pourrait nous être enlevée tant que nous y conserverions tous nos droite;.et la loi de la responsabilité, à laquelle nous étions soumis avant même qu'elle fût prononcée, semblait devoir nous mettre à l'abri des inculpations hasardées, mille fois plus dures que cette loi.
« Aiuéi, nous avons dû mépriser les traits de la calomnie, les dénonciations vagues et tout ce qui aurait pu nous distraire des soins importants de l'administration.
... « Ainsi nous avons dû nous exposer à la haine des ennemis de l'ordre et à la censure de ceux qui, ne jugeant les ministres que par les événements, n'apprécient ni les obstacles à vaincre, ni le nombre et le degré d'efforts qui ont été déployés contre eux.:
« Il est consolant, il est glorieux pour nous de pouvoir invoquer votre témoignage auprès de Votre Majesté elle-même.
a Elle sait , elle a eu la bonté de nous le dire quelquefois, combien, dans une carrière hérissée de difficultés toujours renaissantes, jl nous a fallu de courage pour y persévérer et supporter le poids de nos places.
« Elle sait qu'il a fallu nous oublier sans cesse nous-mêmes pour ne nous souvenir que de l'amour deVotreMajestè pour le bien dès peuples, de l'importance de nos obligations et de notre dévouement à de si grands intérêts.
« C'est dans les mêmes sentiments et dans les mêmes principes, qui nous ont fait un devoir sacré de tout sacrifice utile, que nous devons maintenant supplier Votre Majesté de prendre en considération s il ne convient pas à ses intérêts ainai qu'à la chose publique de choisir d'autres ministres.
* Nous avons lieu de juger, par ce qui vient de se passer dans l'Assemblée nationale, que nous n'obtenons plus la confiance d'un grand nombre de ceux qui la composent; et quoiqu'elle ait, dans sa justice, rejeté le décret qui lui a été proposé, quoiqu'il n'ait été rien articulé de précis contre nous, quoique la généralité et l'amertume des imputations n annoncent que l'impatience de fixèr sur nous le tort des malheurs publics, et qu'il nous fût facile de rendre sensible la pureté de notre conduite, soit dans, son ensemble, soit dans tous ses détails, cependant il peut résulter de l'éclat même de cette discussion, et du fantôme de méfiance que l'on cherche à susciter contre nous, Une impression fâcheuse pour le bien de votre service .
« Daignez donc, Sire, peser dans votre sagèSàé ce que la Circonstance demande de vous. Daignez imposer silence à votre bonté naturelle et ne consulter que l'intérêt de votre personne et de votre administration.
* Notre amour pour notre patrie et pour notre roi vivra toujours dans nos Cœurs, et certes, quel que puisse être notre sort, nous mériterons toujours d'être comptés au nombre des bons citoyens de votre Empire. Nous sommes, etc.
« L'archevêque de Bordeaux, La Luzerne, Guignard et La Tour-du-Pin. »
Réponse du roi à la lettre qui lui a été adressée par ses ministres, le
« Saiht-Clotid, le 22 octobre.
t. Je suis très touché des sentiments que vous me témoignez. Personne ne sait mieux que moi combien sont peu fondées les inquiétudes que l'on a conçues à votre sujet. Je vous ai toujours vus amis du peuple, de l'ordre, de.la justice et de4 lois. Je prendrai en grande considération votre lettre; je ferai connaître à chacun de vous mes intentions, et j'attends de votre zèle pour le bien public et dé votre attachemènt pour moi que jusque-là vous n'abandonnerez pas vos fonctions.
Signé : Louis.
Lettre de M, de La Luzerne au roi.
« Paris, le 23 octobre.
«Sire,tous vos ministres ont mis sous vos yeux leur position et l'état des affaires publiques; mais l'ai plus particulièrement fait sentir à Votre Majesté qu il m'est devenu impossible de lui rendre des services utiles dans le département qu'elle m'a confié.
« Des désordres s'étaient d'abord répandus dans différentes provinces de la France, et s'y sont bientôt accrus. On a ébranlé ensuite la fidélité ou au moins la discipline de divers corps de troupes : aujourd'hui: c'£st dans les possessions les plus éloignées qu'on suscite des troubles; c'est parmi les équipages des escàdres et ouvriers des ports et arsenaux qu'on a semé le germe de la licence et de l'insubordination.« Ces ports, ces arsenaux, ces escadres, on doit les regarder comme la véritable égide des colonies françaises; je prierai Votre Majesté d'agréer que je lui expose bientôt, dans un mémoire plus étendu; en quel élat je les laisse, ét que je lui rende un compte détaillé de mon administration; mais je veux rapidement tracer une esquisse qui en présentera les résultats ; elle suffira pour
constater les ressources faciles à trouver dans ce qui subsiste, et il importe de faire connaître dès ce moment le parti qui peut êtretiré après moi de ce qui a été fait pendant ma gestion.
« Une marine matérielle beaucoup plus considérable quMle ne l'a jamais été depuis le commencement du siècle, les approvisionnements qu'elle exige rassemblés, soixante-dix vaisseaux de ligne et soixante-cinq frégates à flot (je ne comprends dans ce nombre ni quatre vaisseaux et deu x fi égates qui peuvent être mis à l'eau avant la fin de l'année, ni huit autres vaisseaux et quatre frégates en construction), une foule d'excellents officiers qui se sont signalés pendant la dernière guerre, et qu'on a constamment exercés depuis cette époque, devraient rendre la France redoutable à toutes les puissances maritimes, préserver d'insultes ses colonies, et être 1e plus sûr garant du maintien de la paix.
« En ce moment néanmoins les flottes des autres nations couvrent déjà les mers, et nos forces navales restent enchaînées ; elles se trouvent condamnées à l'inaction et à l'inertie par l'indiscipline des marins qui se perpétue par des mouvements sans cesse renouvelés d'insurrection, par les soupçons déraisonnables et injustes qu'on leur inspire chaque jour.
« Désormais, Sire, un de vos anciens ministres aurait, moins que qui que ce soit, la faculté d'opposer à ce mal moral les remèdes qu'il faut y apporter. Il est nécessaire, il est instant, comme je l'ai constamment représenté depuis plusieurs jours, de me nommer un successeur. Je trahirais ma conscience et la vérité, que je n'ai jamais dissimulée à Votre Majesté,, en n'insistant pas de nouveau sur les motifs qui rendent cette mesure indispensable. Quel que soit celui que vous choisirez pour me remplacer, il est probable qu'il n'éprouvera pas les mêmes difficultés. On n'aura pas encore cherché à aliéner de lui l'opinion publique. Il recueillera au moins les prémices de la faveur populaire, faveur qui peut seconder efficacement ses efforts et l'aider à rétablir l'ordre. Cette considération est si décisive et si urgente, qu'aucune autre,dans les circonstances actuelles, ne doit la balancer. Mon dévouement pour vous, Sire, est et sera toujours sans bornes. Je n'offre à Votre Majesté qu'une nouvelle preuve de mon attachement à ses véritables intérêts, et de ma fidélité à mes devoirs, en lui adressant ma démission et en la suppliant de l'accepter. »
Réponse du roi.
« Saint-Cloud, le 25 octobre. . «Vous m'avez, Monsieur,donné, l'année dernière, une grande preuve de votre attachement en reprenant votre place quand j'ai cru votre retour utile pour mon service et pour le bien de l'Etat. Vous pensez à présent que votre retraite est nécessaire. Je retrouve en cette occasion le sentiment qui vous a toujours conduit. Je désire que vous exposiez votre conduite, comme vous me paraissez dans la résolution de le faire, et j'en ferai usage suivant les circonstances. Je n'oublierai jamais et j'aurai du plaisir à vous témoigner ma satisfaction des marques constantes de dévouement que vous m'avez données, et c'est à regret que j'accepte votre démission.
Signé : LOUIS- »
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures précises du matin.
On fait lecture, au début de la séance, d'une adresse de la faculté de médecine de Douai, dans laquelle elle fait hommage à l'Assemblée nationale de ses vues sur l'enseignement de la médecine.
(L'adresse et le projet ont été renvoyés aux comités de Constitution et de salubrité.)
Il a été donné lecture d'une lettre du sieur Nigot, commandant de la garde nationale du canton de Saint-Sauveur, district de Saint-Fargeau, département de l'Yonne, dans laquelle il déclare qu ayant été entraîné à signer une protestation contre les décrets de l'Assemblée nationale, il s'est empressé de la rétracter par acte authentique et à la tête de son corps, dès qu'il a pu reconnaître l'erreur dans laquelle on l'avait induit en abusant de sa jeunesse.
(L'Assemblée a applaudi aux sentiments patriotiques du sieur Nigot, et a ordonné qu'il serait fait une mention honorable de sa lettre daus le procès-verbal.)
Il a été rendu compte des circonstances de la nomination du sieur Ghautems à la commission du trésorier du district de Châlons-sur-Marne, et d'une réclamation à ce sujet.
(L'Assemblée nationale a déclaré valable la nomination du sieur Chauteius.)
Le comité de vérification a rendu compte à l'Assemblée de l'examen qu'il avait fait des pouvoirs de M. de Gennes, qui se présente pour remplacer M. Guérin qui avait précédemment donné sa démission, et a déclare que ses pouvoirs ont été trouvés en règle.
(L'Assemblée nationale, après avoir ouï le rapport de son comité, â décrété que M. de Gennes serait admis comme député et qu'il prendrait place comme tel dans l'Assemblée.)
, député d'Etampes, et Chenon, député de l ancienne province du Maine, ont obtenu un congé d'un mois.
a donné lecture de deux adresses des officiers des anciens gardes intermédiaires de la marine, et de la société des amis de la Constitution, établie à Brest, aux citoyens composant les équipages de l'armée navale.
L'Assemblée nationale, applaudissant au patriotisme qui respire dans ces adresses, a ordonné qu'il en serait fait une mention honorable dans son procès-verbal, qu'elles seraient imprimées, et que M. le président serait autorisé à donner des témoignages de-sa satisf-jKfcan aux officiers des anciens gardes intérmédiai*5^de la marine, et à la société des amis de la Constitution établie à Brest.
Suit la teneur des adresses ;
Messieurs, pénétrés de la plus vive reconnaissance, les marins et militaires de l'armée navale croient devoir manifester les sentiments dont ils ont toujours été animés : ils osenten offrir l'hommage à la nation entière. La renommée, rarement exacte, a pu exagérer au loin le désordre qui a été senti dans l'escadre: mais quoiqu'il en soit, les véritables marins, les véritables militaires n'ont pris aucune part à ces mouvements de trouble. S'ils ont eu des réclamations à présenter à l'auguste Assemblée nationale, ils savaient que le moyen de les faire accueillir, avec bonté, était de les joindre aux protestations du plus parfait respect pour tous ses décrets, et à l'assurance d'être capables de tous les sacrifices pour montrer l'obéissance aux lois et pour continuer de servir honorablement la patrie. Que des hommes, étrangers jusqu'à ce jour à la mer et au service, séduits par l'erreur, ou égarés par l'ignorance, aient méconnu les règles de la subordination, les vrais marins, les vrais militaires ont été les premiers à les condamner.
Ils ont l'honneur de vous assurer qu'ils n'ont pu entendre les discours de MM. les commissaires du roi, et les conseils de leurs généreux concitoyens, de leurs frères, sans eu être vivement pénétrés ; et que loin d'être sourds à la voix de la patrie, qui leur disait: « Notre commerce est « anéanti, nos colonies perdues, nos ports aban-« donnés : il ne nous reste plus qu'à gémir, si « nous ne pouvons en imposer par nos forces « maritimes aux puissances rivales de notre Con-« stitution », ces motifs puissants sur des cœurs français ont eniièrement déchiré le voile qui les enviionnait: et lorsque les lois, leurs devoirs et la subordination leur ont été présentés sous des couleurs vraies, nécessaires et belles, ils ont juré d'un accord unanime d'obéir à leurs chefs, de remplir leurs devoirs, et de se soumettre aux lois qui émanent de votre auguste Assemblée.
Ces sentiments des marins et militaires sont ceux de la France entière: pourraient-ils en avoir d'autres sans briser tous les liens sociaux?
Seraient-ils assez ingrats, assez dénaturés pour méconnaître vos bienfaits ? N'ont-ils pas, comme tous les Français, leur bonheur particulier attaché au bonheur général qui dirige toutes vos ac-tions ?
Croyez, Messieurs, que les braves et généreux marins et militaires, citoyens de l'armée, vouent au plus grand mépris, ceux qui, par l'esprit d'insubordination, ou tout autre motif que ce puisse être, tendraient à bouleverser l'ordre qui doit régner sur les vaisseaux ; et nous demandons au nom de l'honneur qui nous anime, qu'ils soient déclarés indignes de naviguer sous le pavillon national que vous venez d'adopter pour ia régénération de cet Empire.
Nous jurons que^ pavillon, symbole de la Constitution et de iffliberté, ne sera pas souillé par la licence et le mépris des lois.
Voilà, Messieurs, les véritables sentiments qui animent les marins et les militaires, et avec lesquels ils défendront la Constitution et la liberté jusqu'à la dernière goutte de leur sang, et ont l'honneur d'être avec le plus profond respect,
Messieurs, vos très humbles et très obéissants serviteurs.
fît ont signé : les membres de la commission et les députés des vaisseaux.
MM. La Montagne, président.
Coatlosquet, secrétaire, timonier de la Fauvette.
Joseph Madelaine.
Saint-Julien.
Marin, canonnier.
Jean-Baptiste Leneindre.
Pierre Rinbaux, du Patriote.
Jaquet, idem.
Duprat, dit Toulouse, de l'Apollon.
J. JBrochard. Simon Robert. Claude Allaire.
Redeller, maître canonnier de l'America.
Lecterc capitaine d'armes.
Jacou Sergent, premier, second canonnier.
François Gui More], canonnier.
Jean-Marie Thébault, timonier.>
Pierre-Louis Tourez, matelot
. François-Nicolas Grevai, canonnier
. Miehel-àtlain Gubier. Yves Cotar.
Pierre-Joseph Le Canu.
Rancourt, ait Vive le Roi, appointé du régiment
de Rouergue.
Jean-Baptiste Godard.
Pierre Aubert, chef de pièce.
Jean-Antoine Launois.
Elie Labbé. Jean-Claude Cloitre.
Pierre Duhin, soldât.
Etienne Canton.
Baudry.
Simon Millet.
Nicolas Enguéhard.
Charles Patin.
,P. Levêque, soldat de marine.
J.-E. Fleury. Biget.
Leblond, fusilier de Normandie
. Etienne Endeline.
Adresse de la Société des amis de la Constitution, établie à Brest, aux citoyens, composant les équipages de l'armée navale.
Frères et amis, l'amour de la patrie, un dévouement sans bornes à la nouvelle Constitution, l'attachement le plus inviolable pour de braves marins, de braves militaires, qui ont tant de fois répandu leur sang pour la défense de leur pays, nous engagent à vous ouvrir nos cœurs. Nous venons déposer dans votre sein nos douleurs et nos craintes. Ecoutez, amis, la voix de vos concitoyens, de vos frères; ils ne vous tromperont pas; leurs intérêts et les vôtres sont les mêmes. Comme vous, ils ont été esclaves et malheureux; comme vous, ils ont brisé leurs fers; comme vous, ils voient l'aurore de la liberté, et éprouvent déjà les bienfaits de notre heureuse Constitution.
Cette Constitution assure à l'homme les droits imprescriptibles qu'il tient de la nature. D'une foule d'esclaves, elle a fait des hommes, des citoyens. Elle ne sera pas seulement la Constitution des Français : objet de l'admiration de tous les peuples, elle deviendra un jour celle de l'Univers; et nous aurons la gloire d'être le modèle de toutes les nations, et d'avoir fixé sur la terre le bonheur et la liberté. 1
Gette Constitution a proscrit à jamais toutes les vaines distinctions ; elle a déclaré tous les citoyens également admissibles aux dignités, places et emplois. Une action de bravoure ne restera donc
plus ignorée, et le prix qui y était attaché, ne sera plus le partage de la naissance. Les talents et la valeur auront toujours une récompense assurée; la nation juste et généreuse saura distinguer également celui qui obéit avec courage et celui qui commande avec succès. Ainsi, nos frères et amis, vous ne rencontrerez plus d'obstacles; et depuis le grade de matelot jusqu'à celui d'amiral, tout vous est ouvert.
Cette Constitution a détruit l'autorité arbitraire, et lui a substitué des lois sages, fondées sur la nature et la raison. Désormais, la loi existe pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse; désormais, la honte est attachée à la faute et non au châtiment. Ni les caprices d'un chef, ni ses passions ne présideront plus à aucun jugement, et ne décideront point arbitrairement de la vie et de l'honneur d'un citoyen. Les peines ordonnées par la loi ne pourront être infligées que lorsque vos camarades, vos frères auront eux-mêmes reconnu et déclaré que l'accusé est coupable.
Mais celte Constitution qui doit assurer le bonheur des Français, la laisserions-nous s'anéantir? Verrions-nous, sans douleur, s'évanouir d'aussi belles espérances?... Non, nous avons tous juré de la-maintenir. Tout ce qui en émane est sacré comme elle, et nous répandrons pour elle jusqu'à la dernière goutte de notre sang. Elle nous ordonne le respect et la soumission à la loi ; le roi lui-même en reconnaît l'autorité ; il ne règne que par elle, et cé n'est qu'en son nom qu'il peut exiger l'obéissance. C'est sur la loi que repose la sûreté de chacun et la liberté de tous ; sans la loi, il n'existe plus d'union entre les citoyens, sans elle il n'est plus de subordination, et par conséquent plus de force publique.
Si la subordination est nécessaire au maintien de la société, elle l'est bien davantage à la mer, où un seul homme, en un seul instant, peut, par sa désobéissance, sa négligence ou sa paresse, causer la perte d'un vaisseau et de son équipage. Supposez-vous dans une tempête; si l'ordre ne règne pas à bord, si le chef qui ordonne n'a pas le pouvoir de faire exécuter, si tout le monde croit avoir le droit de commander, nul ne se croira forcé d'obéir; chacun voudra faire sa manœuvre, on n'en fera aucune; et pendant ce temps, la tempête augmente, le danger s'accroît, le vaisseau s'engage et périt.
Si le même désordre a lieu en présence de l'ennemi, celui-ci profite de vos lenteurs, prend une position avantageuse, vous accable de son feu, et le vaisseau de la nation que vous deviez défendre, passe au pouvoir d'une puissance étrangère.
Tel est aujourd'hui, frères et amis,'l'état de la France : l'Assemblée nationale est le pilote de ce grand vaisseau; tous les Français en sont les matelots : nous avons tous chacun notre manœuvre, et nous ne devons la faire mouvoir que par l'ordre de celui qui nous gouverne. Mais si, sourds à sa voix, si, rebelles à ses ordres, nous refusons d'obéir, nous devenons les auteurs de la perte générale; et le vaisseau, à la merci des flots et de la tempête, va périr sur les écueils et les rochers, qui vous offrent l'image des ennemis du bien public.
Voilà un faible tableau des maux que peuvent entraîner l'insubordination et l'oubli de ses devoirs. Mais il ne suffit pas de considérer ces maux par rapport à voUs-mêmes, voyez encore la ruine et la désolation générales qui ën seraient la suite inévitable. Si la France ne peut plus en imposer à ses ennemis; si nos escadres, autrefois tant redoutées, deviennent, par l'indiscipline, un objet
de mépris pour les autres nations, vous verrez nos colonies perdues, notre commerce anéanti, nos côtes, nos ports abandonnés, des milliers de pères de famille, sans état, sans ressources, réduits à la plus affreuse misère; vous-mêmes alors, en rentrant dans vos familles, vous n'y trouverez que l'indigence, le désespoir et la mort.
Au nom de la patrie, que nous devons tous défendre; au nom de la liberté, que nous avons Conquise, obéissons à la nation, obéissons aux chefs, qui ne tiennent leurs pouvoirs que d'elle, et qui lui doivent compte de toutes leurs actions. Souvenez-vous que ces chefs auxquels vous êtes subordonnés, sont eux-mêmes soumis à la loi, dont ils ne sont que les organes. Rendez-leur cette confiance, sans laquelle il n'existe aucune force dans le gouvernement. Citoyens français, comme vous, ils ont juré d'être tidèles à la nation, à la loi et au roi : ils ne sauraient être parjures, sans oublier leurs intérêts les plus chers. N'onl-ils pas, comme nous, des propriétés à conserver et à défendre? N'existent-ils pas, comme nous, par les bienfaits de la nation ? N'ont-ils pas enfin, comme nous, des familles, dés amis?... Et si quelqu'un concevait le téméraire projet de violer ses serments, de trahir ses devoirs, pourrait-il échapper au glaive de la loi?
Braves marins, braves militaires, la France entière a les yeux fixés sur vous; c'est de votre conduite, dans cette circonstance, que dépend le succès de la Constitution, et c'est sur elle que repose la félicité des Français. Offrons à nos ennemis, s'il s'en présente, un front tranquille et imposant, par la bonne intelligence entre tous les citoyens, par l'union intime des chefs et des équipages. Surtout ne perdez jamais de vue que nos ennemis calculent vos fautes, et qu'ils établissent leur triomphe sur l'abandon de vos devoirs. Votre patriotisme, votre gloire, votre propre intérêt, inséparable de celui de vos concitoyens, tout nous fait espérer que vous accueillerez les conseils de vos frères, de vos amis. Oui, notre attente ne sera pas trompée; et nous aurons la douce satisfaction d'annoncer à tous les Français que, si, par Les insinuations pertides de gens mal intentionnés, quelques-uns d'entre vous ont été pendant un moment égarés, ils ont bientôt reconnu leur erreur ; et que, ralliés au nom sacré de la patrie, tous les équipages de l'armée navale sont rentrés dans l'ordre.
Fait et arrêté en Société, à Brest, le 16 octobre 1790, et l'an deuxième de la liberté.
Signé : Geffroy, président ; belval, moras, Jullou, Pouliquen, secrétaires.
Séance de MM. les officiers des grades intermédiaires de la marine, assemblés extraordinai-
rement à Vhôtel du commandant, le
Messieurs, l'égalité d'opinion que nous avons trouvée dans plusieurs de nos camarades, nous a fait désirer d'être tous réunis, pour vous communiquer notre manière de voir sur les grands événements qui se passent sous nos yeux; car nous ne doutons pas que vous ne sentiez comme nous combien là France doit gémir de voir les progrès de l'insubordination qui, pour ainsi dire, paralyse notre armée. Mais croyèz-vous, Messieurs, que nous devons nous reposer sur la pureté de nos sentiments dans Une position aussi délicate? Non, Messieurs; et quoique le silence ne nous rendrait jamais véritablement coupables,
nous devons craiDdre que des gens mal intentionnés nous supposent des vues ambitieuses, méditées sourdement, et des raisons particulières pour désirer l'éloignement de nos chefs. Cette idée, quoique absurde et sans nul fondement, ne laisserait pas de s'accréditer, si nous ne faisions tous nos efforts pour détruire un soupçon que notre délicatesse repousse avec indignation.
Telles sont à peu près, Messieurs, les expressions dont nous allons vous donner connaissance, et que nous n'avons pas cru devoir livrer à l'impression, sans vous les faire connaître, et vous témoigner tout le cas que nous ferions de votre suffrage, si vous croyez devoir nous l'accorder. Un autre sentiment, non moins puissant, nous a guidés dans cette adresse; c'est de nous voir tous réunis pour coopérer, par notre ensemble, au rétablissement de l'ordre et de la tranquillité publique.
Après ce discours, on lit la lecture de l'adresse suivante :
Plus je vis d'ennemis, plus j'aimai ma patrie...
L'honneur qui fut toujours notre seul guide, pourrait-il nous abandonner dans 1e moment ou il doit nous sauver du plus grand des malheurs? L'idée d'un soupçon diffamant est accablante; la honte et le mépris qui l'accompagnent n'en sont que mieux sentis, quand on n'a aucun reproche à se faiie. Alarmés de propos indiscrets que des hommes mal intentionnés accréditent sourdement, pourrions-nous garder un silence criminel aux jeux delà nation?
Animés du zèle et du patriotisme pur qui caractérisent de vrais Français, nous aimons, nous désirons prouver, par notre exemple, l'oubli généreux de quelques torts particuliers, résultats indisptnsables d'un régime vicieux et d'anciens préjugés détruits, et désavoués aujourd'hui par la raison.
Réfléchissez donc, ô vous qui ne suivez qu'un sentiment aveugle!... En supposant que l'égalité rende tous les hommes habiles aux premiers emplois,... croytz-vous que ceux â qui vous aviez si jusiement accordé votre contiance puissent avoir démérité par la raison même que nous avons droit d'y prétendre? Non, nos cœurs désavouent d'aussi absurdes prétentions, et nous rougirions d'être soupçonnés capables de seconder de telles vues.
Ne faites donc plus de vains efforts, ou dirigez-les vers un objet plus digne de cœurs vraiment civiques ; inspirez la confianceà nos braves marins, faites-leur sentir l'avantage que nous retirerons d'un ensemble parfait, sans lequel nos forces formidables se tourneraient contre nous ; secondez nos efforts, éclairez nos équipages, imprimez-leur l'amour de l'ordre et celui ae leur devoir, dont ils ne peuvent s'écarter sans devenir parjures.
Et vous, braves marins et soldats, serez-vous sourds aux cris de la patrie? N'oubliez pas que c'est autant à la subordination et à la discipline qu'à votre courage, que la France doit quatorze siècles de triomphes. Les Anglais sont armés, bientôt ils couvriront nos côtes... Disposons-nous donc à lesrepousser et àleur prouver qu'une na-tiou libre est toujours redoutable, si ou l'attaque injustement.
Profondément affectés des maux qui nous accablent, nous ne pouvons nous borner à gémir sur les plus grands malheurs que nous entre-
voyons: et ne fussions-nous pas assez heureux pour nous faire entendre, nous aurons au moins rempli les devoirs de fidèles citoyens.
Témoins des désordres affreux dont les suites sont incalculables, nous nous croirions indignes de l'honorable emploi de défendre la patrie, si, dans un moment où nous voyons s'accroître les désordres, nous ne faisions tous nos efforts pour découvrir les causes qui vont détruire notre marine, si l'Assemblée nationale et le roi ne s'empressent d'arrêter ies suites funestes de l'insubordination.
Nous ne voyons de toutes parts que cabales, que des trames ourdies sous la forme des plus méprisables fictions; et des gens qui se disent Français osent les répandre dans un peuple bon et facile à séduire, surtout quand il croit voir le bien de son pays; nous voyons, avec la plus vive douleur, nos braves marins aveuglés de mille idées fantasques, établies sur des principes aussi faux qu'absurdes... Voilà donc le noble emploi que nous faisons de cette sainte liberté qu'un monarque, plus en père qu'en roi, vient d'accorder à nos désirs; et vous ne retirez donc de votre triomphe que l'anéantissement de vos forces! Pouvez-vous vous oublier assez, pour préférer au bonheur de votre patrie le coupable sentiment de soutenir une opinion qui n'est pas celle de votre cœur, mais qui a pris naissance dans les perfides impressions de nos plus cruels ennemis? Oui, c'est uue vérité ; on altecte de craindre ou de supposer des traîtres; on se fait une étude criminelle de faire rejaillir ie mépris sur des hommes vertueux, dont une grande partie a versé son sang pour la gloire de la nation, et à qui on veut refuser aujourd'hui l'honneur de mourir pour elle. Craignons donc de tomber dans une funeste indifférence sur les dangers qui nous menacent ; entendons les clameurs du faux patriotisme qui demandent que 1e général d'Albert abandonne un poste auquel il a été cent fois porté par tous ceux qui l'ont vu combattre les ennemis de l'Etat; par une grande partie, enfin, de ces mêmes hommes qui paraissent aujourd'hui le méconnaître.
Répondez, ô vous qui donnez d'aussi dangereux conseils ! Sentez-vous à combien de malheurs vous exposez votre patrie, en autorisant les demandes inconsidérées de quelques individus qui, par la suite, voudront faire une loi d'un événement malheureux, suggéré par nos ennemis? Nous frémissons, en refléchissant que le sort futur de nos armes va peut-être dépendre d'une cabale. Quoi, Français, voudriez-vous devenir injustes !. .. Vous méconnaissez l'homme vertueux qui a soutenu la gloire de votre pavillon ; lui, l'émule de Suffren... lui, que nos ennemis respectent, et que nous osons môme dire qu'ils craignent; mais sans s'écarter des principes, songez enfin, qu'il faut quarante années de travaux pour former un bon général, et que le siècle de Louis XIV, où le mérite fut toujours placé au premier rang, n'a produit que cinqgeands hommes de mer, Tourville, Duguay-Trouin, Duquesne, Jean-Bar t et Forbin. Soyons justes, et aitendons au moins que de nouveaux guerriers, auxquels vous voudriez contier nos armées, aient donné des preuves de leurs talents et de leur courage; nous disons courage, car il ne faut pas confondre les premiers feux de la jeunesse avec cette fermeté mâle et vigoureuse qui seule peut diriger ies opérations dont dépend la vie de plusieurs milliers de citoyens et l'honneur de la nation. Espérons qu'il sera fait un choix dont la justice et
l'équité seront la base; des services signalés, des faits qui prouvent, des connaissances enfin qui nous justifieront aux yeux de la postérité.
Méprise, 0 ma patrie, tous ces conseils funestes qui te porteraient à méconnaître les officiers d'un corps auquel tu as tant de fois confié ta gloire, et qui ont si dignement rempli tes vœux, en protégeant ton commerce, source de ta prospérité; ne cite pas quelques malheurs qui ont fané tes lauriers. Nos ennemis ont fait aussi des fautes, et nous en ferons moins désormais, si nous savons nous renfermer dans nos devoirs : ils se bornent à suivre, respecter, maintenir lës lois, et à honorer et récompenser le vrai mérite.
Puisse la nation ne voir dans cette adresse que l'expression du vrai patriotisme et les vœux les plus sincères que nous ne cesserons de former pour sa gloire! Mais trop faibles pour arrêter les désordres qui nous font gémir, nous ne pouvons qu'attendre avec la plus vive impatience le moment heureux de la paix intérieure, et du bonheur général auquel nous sommes disposés à concourir jusqu'au dernier souffle de la vie.
A Brest, le 13 octobre 1790.
L'assemblée, ayant applaudi et approuvé unanimement l'adresse ci-dessus, a délibéré qu'après en avoir donné connaissance au commandant de la marine, il serait envoyé une députation vers la municipalité et MM. les commissaires du roi ; et que si l'un et l'autre l'approuvaient, elle serait signée sur-le-champ par tous les officiers présents, pour être livrée à l'impression.
La députation,composée d'un officier de chaque escadre, s'étant rendue à l'hôtel de ville, 1 un d'eux a dit :
Messieurs, votre amour du bien, vos lumières et vos vertus vous ont rendu, en quelque sorte, les dispensateurs de l'estime de nos concitoyens. Nous venons d'apprendre, avec douleur, que des bruits, artificieusement répandus sur notre conduite, pourraient altérer une opinion qui ne pourrait ensuite se rétablir que lorsqu'on serait éclairé de manière à ne plus douter de notre désintéressement et de notre probité : dans une position aussi délicate, nous avons formé le projet de rendre compte de notre conduite, et nous venons à cet effet vous donner communication d'une adresse où nous espérons détruire tout ce que l'on a imaginé avec autant de folie que de malignité.
Nous avons l'honneur de vous prier d'en prendre lecture, de l'examiner, et de comparer ensuite nos principes et nos idées avec notre conduite : si malheureusement elle se trouvait contradictoire; s'il était quelques points sur lesquels elle eût à être censurée, vous êtes suppliés de parler avec franchise, et de nous indiquer les moyens de réparer les erreurs que nous avons pu commettre; que si, au contraire, nous étions assez heureux pour être exempts de bl&me ou de reproches, nous nous abandonnons, avec la plus entière confiance, à ce que vous indiquera l'équité, pour rétablir des militaires vraiment patriotes dans l'opinion de leurs concitoyens.
Tels sont, Messieurs, les motifs d'une démarche que nous a prescrite peut-être moins le besoin de nous justifier, que celui d'éclairer sur notre conduite et nos intentions, et par dessus tout, la juste envie de rendre hommage à votre patriotisme.
MM. Jes officiers municipaux ayant témoigné leur satisfaction aux députés, ils se sont rendus chez MM. les commissaires du roi, qui ont pareillement approuvé leur adresse.
La députation ayant rendu compte à l'assemblée du résultat de sa démarche, qui se trouvait conforme au vœu général, en conséquence ont signé :
MM. Trublet, Duval, Puren, Allarv, Le Tourneur, Sébire, lieutenants de vaisseau et anciens capitaines, de brûlots.
MM. Blanchard, Kerengal, La Vieuville, Gubian, Lesquin, de Langle, Chasteignier, Plancy, Contrepont, PiQquer, Brossard, Fustel, Nielly, Leisseguer, Coquet, La Coudraye, Ménagé, Bédée, Harscouet, Pean, Marié, Jézéquel, Furie, La Rue-Desmarets, Villeon aîné, Villeon cadet, Martin, Couaridoux, Kerangalet, du Drezit, Portzampart, Barré, Rudeval, Daniel Kerféré, Beauverger, Rheydellek, Daniel, Clément, du Fossé, Krohm, Deloz, Deslandes, Coupé, Brochereuil, Bruillac, La Morandais, La Carrière, Roux aîné, Le Blond-Saint-Hi-laire, Brulean, Salembier, La Trouplinière, du Bonaze, Drieux, Hubert, Taillard, Lher-mite, Bertrand, Massot, Falaise, du Cellier, Flonct, Daniel Kerfaux, Courson, Molenard, Siméon, Bruillac cadet, Duquesne, LeLamer, Prévost La Croix, Dulac, Poideloue, Barbier, Sauturon, Ëtienne, Dubreuil, Robert, Koat-nempren, sous-lieutenants de vaisseau.
Vous avez décrété qu'il serait envoyé des commissaires pour se rendre à Nancy et prendre tous les renseignements nécessaires sur cette malheureuse affaire. Ils ont fait passer leurs procès-verbaux au comité; les pièces ont été examinées avec le plus grand soin, et, comme il est du plus grand intérêt pour le public que cette affaire soit éclaircie, nous avons cru répondre aux vœux de l'Assemblée en faisant imprimer toutes ies pièces. Elle y verra que M. Desilles, dont elle regrette la mort, n'avait cessé d'employer tous les moyens qui étaient en lui pour arrêter le désordre.
Un de MM. les secrétaires donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier vendredi, 22 du présent mois.
J'apprends par la lecture du procès-verbal qu'hier M. Lavenuea fait l'imprudente, l'injuste motion de faire imposer les rentes constituées et viagères. J'apprends avec plus d'étonnement encore que vous avez renvoyé au comité d'imposition cette proposition, qui méritait d'être ensevelie dans l'oubli. Je demande que le rapport nous en soit fait au plus tôt, afin de ne pas laisser plus longtemps d'incertitude sur une question qui n'aurait pas dû en faire une. Je déclare d'avance que je soutiendrai de tout mon pouvoir la théorie que l'Assemblée a consacrée sur l'indemnité absolue dont ces rentes doivent jouir.
Je demande la réformation du procès-verbal, parce qu'il n'a point été décrété nier que la motion de M. La venue serait examinée par le comité. Il a seulement été dit que le comité présenterait dans la huitaine ses vues sur les rentes.
(L'Assemblée décide que le procès-verbal sera rectifié.)
Le comité des finances m'a chargé de vou3 donner qneJques explications sur des objets importants. 11 s'occupe avec un zè'e con-
forme à ses devoirs, et il est assez étonnant qu'on veuille encore répandre des doutes sur ses travaux. Vous auriez peine àcroire combien il est occupé simplement par les affaires courantes ; car, malheureusement, dans ce département comme dans les autres, les ministres ne font pas toujours leur devoir. La section qui est occupée de la surveillance du Trésor public est prête à vous faire son rapport. Nous avons aussi un projet tout prêt, qui est l'ordre du payement et de remboursement de la dette non constituée. Nous demandons à ie présenter lundi ou mardi au plus tard.
D'après les observations plusieurs fois réitérées de M. de Noailles, l'Assemblée décide que le rapport ne sera fait qu'après qu'il aufa été imprimé et distribué à tous ses membres.
L'Assemblée ordonne aussi l'impression d'un rapport sur l'organisation d'un Trésor public.
L'ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret sur la contribution personnelle.
, rapporteur, lit les articles 4 à 9 qui terminent le titre Ier. Ges articles sont décrétés sans discussion en ces termes ;
Art. 4.
« La partie qui portera uniquement sur les salaires publics et privés, les revenus d'industrie et de fonds mobiliers, aura pour base ces revenus, évalués d'après la cote des loyers d'habitation.
Art. 5.
« La législature déterminera chaque année la somme de la contribution personnelle d'après les besoins de l'Etat, et en la décrétant, en arrêtera le tarif.
Art. 6.
« Il sera établi un fonds pour remplacer les non-valeurs résultant soit des décharges et réductions qui auront été prononcées, soit des remises ou modérations que les accidents fortuits mettront dans le cas d'accorder.
Art. 7.
« Ge fonds ne pourra être détourné de sa destination; il sera pris sur la contribution personnelle, et partagé en deux portions égale», dont l'une, qui sera la moitié de cet excédent, sera confiée à l'administration de chaque déparlement, et l'autre restera à ,1a disposition de la législature.
Art. 8.
« Les administrations de département et de district, ainsi que les municipalités, ne pourront, sous aucun prétexte, et ce, sous peiue de responsabilité personnelle, se dispenser de répartir la portion contributoire qui leur aura été assignée dans la contribution personnelle; savoir i aux départements, par un décret de l'Assemblée nationale ou des législatures, aux districts par la commission de l'administration de département; et aux municipalités par les mandements de l'administration de district.
Art. 9.
« Aucun département, aucun district, aucune municipalité, ni aucun contribuable, ne pourront, sous quelque prétexte que ce soit, même de réclamation contre la répartition, se dispenser de payer la portion contributoire qui leur aura été assignée, sauf à faire valoir leurs réclamations selon les règles qui seront prescrites. »
, rapporteur. Je donne lecture de l'article Ie' du titt-e 11.
TITRE II.
CONTRIBUTION PERSONNELLE POUR 1791.
« Art. 1er. La contribution personnelle pour 1791 est fixée
à... »
continue. Gomme la quotité de l'imposition n'est pas encore déterminée, je propose l'ajournement de l'article 1er*
(Cet ajournement est prononcé.)
L'article second est décrété sans discussion en ces termes :
Art. 2.
« La somme qui sera décrétée pour la contribution personnelle sera repartie entre les départements par un décret particulier. »
doqne lecture de l'article 3.
« Art. 3. La partie de la contribution qui sera établie à raison des facultés qui donnent le droit de citoyen actif, sera fixée à la valeur de trois journées de travail, dont ie taux sera proposé par chaque district pour les municipalités de son territoire, et arrêté par chaque département. Elle sera payée par tous ceux qui auront quelques richesses foncières ou mobilières, ou qui, réduits à leur travail journalier, exerceront quelque profession qui leur procure un salaire plus fort que celui des ouvriers-manœuvres de ia derniere classe. Ceux-ci seront exempts delà payer; mais ils pourront s'obliger à cette contribution civique, en déclarant s'ils la veulent payer et ils jouiront des droits de citoyen actif s'ils réunissent d'ailleurs les autres conditions requises pour être réputés tels. »
La dernière partie de cet article me semble renfermer une contradiction à vos décrets constitutionnels. Vous avez décrété que, pour être citoyen actif, il faudra payer la valeur de trois journees de travail. Si vous aviez luissé cette faculté absolument libre, vous l'auriez dit. Que résultera-t-il du décret qu'on vous propose ? Qu'avec 100 pistoles on fera cinq cents citoyens actifs. Je demande donc la question préalable sur celte partie de l'article.
(L'Assemblée adopte la question préalable.)
présente une nouvelle rédaction de l'article 3 ; elle est décrétée en ces termes:
Art. 3.
« La partie de la contribution qui sera établie en raison des facultés qui peuvent donner le titre
de citoyen actif, sera fixée à la valeur de trois journées de travail, dont le taux sera proposé par chaque district pour les municipalités de son territoire, et arrêté par Chaque département. »
Il est nécessaire que l'Assemblée décide quelles sont les facultés auxquelles on attache le titre de citoyen actif. Le salarié qui ne gagne que sa subsistance rigoureuse et qui ne pourrait rien distraire de sa journée sans risquer de ne pas exister ce jouHà, doit être mis hors de la ligne; mais comme il ne peut être appelé aux fonctions sociales, il ne doit pas non plus être imposé.
Je demande la question préalable sur la proposition de M. Rcedel-er. Loin d'augmenter les difficultés, il faudrait les diminuer ; le droit de citoyen est un droit naturel dont doit jouir tout membre d'une société politique; il n'a pas besoin pour cela de l'intervention du législateur*
La proposition de M.Rcederer me paraît de toute justice : elle a pour but d'exempter la classe qui ne doit rien au Trésor public. 11 n'y aurait plus de société si vous imposiez ceux qui n'ont pas moyen de payer. M* Robespierre vous a dit que ie droit de citoyen était un droit naturel, et que, pour en jouir, on n'avait pas besoin de l'intervention du législateur. D'abord il a oublié un de vos décrets. Je lui demanderai si ce n'est pas la loi qui donne le droit de citoyen ; s'il n'y avait pas de loi, que serions-nous 1 Une horde de brigands,
Là proposition de M. ÏUede-rer peut faire un article à part, que l'on rédigerait en ces termes ;
Art. 4.
« La contribution des trois journées de travail sera payée par tous ceux qui auront quelques richesses foncières ou mobilières, ou qui, réduits à leur travail journalier, exercent quelque profession qui leur procure un salaire plus fort que celui arrêté par le département pour la journée ae travail dans le territoire de leur municipalité. »
(L article 4 est mis aux voix et adopté.)
donne lecture de l'article 4 devenu l'article 5,
propose par amendement que la partie de la contribution qui sera établie en raison de l'habitation, ait pour base, non seulement le véritable prix du loyer vis-à-vis des locataires, mais en outre l'estimation de ce loyer.
Le rapporteur adopte cet amendement et l'Assemblée adopte ce qui suit :
Art. 5.
« La partie de la contribution qui sera établie à raison de l'habitation, aura pour base le véritable prix ou l'estimation du loyer vis-à vis des locataires, et son estimation vis-à-vis des propriétaires occupant leurs maisons,et sera dans les proportions déterminées par les tarifs qui seront joints au présent décret. »
, rapporteur, lit l'article 5 du projet devenu l'article 6e du décret.
« Art. 6. La partie de la contribution, à raison des domestiques mâles, sera payée d'après le tarif suivant pour chaque contribuable par addition à son article 1° pour un seul domestique, 2 livres; 2° pour on second, 3 livres; 3°pour un troisième, 6 livres, et 10 livres pour chacun des autres au-dessus ae ce nombre, et ne seront comptés Jes apprentis et compagnons d'arts et métiers, les domestiques de charrue et autres destinés uniquement' à la culture des champs. »
(Le surplus de l'article est relatif aux chevaux de selle et de voiture dans les villes.)
Je demande la division de cet article. La disposition concernant les domestiques ne peut être comprise et confondue avec les autres dispositions.
(Cette proposition est adoptée.)
Je propose d'imposer le premier domestique 2 livres, le second 6 livres, le troisième 12 livres, le quatrième 18 livres, les autres dans la même proportion.
(de Saint-Jean-d'Angéty). Le comité ne veut pas imposer les domestiques à un taux considérable, parce qu'ils sont salariés par les richesses mobilières qu'il a déjà imposées au vingtième.
Cependant l'homme qui n'a que 3,000 livres ne doit pas payer autant que celui qui a une somme plus considérable, et on ne peut rétablir la proportion qu'en faisant payer en outre à ce dernier toutes les jouissances du luxe, et en particulier les domestiques mâles qui sont toujours plus ou moins une marque d'aisance.
Un second domestique est un objet uè luxe; il faut se transporter dans l'intérieur des provinces pour sentir cette vérité. Le premier domestique mâle est déjà une présomption d'une certaine aisance. C'est là le premier pas du luxe. Je propose 6 livres pour le premier domestique, 12 livres pour le second» 24 livres pour le troisième.
Je demande que dans le décret des domestiques mâles ne soient pas compris les enfants qui, dans beaucoup de maisons et chez plusieurs curés trouvent des secours pour leurs services domestiques. Il serait bon de fixer également l'âge auquel ie domestique mâle devra être imposé.
Dans l'état actuel il serait im-politique d'imposer trop fortement les personnes qui ont des domestiques : n'oublions pas que les artisans manquent de travail et que nous augmenterions la classe des désœuvrés. D'ailleurs, si l'on veut rendre l'impôt de ce genre très productif, il est nécessaire qu'il soit très modéré.: en Angleterre il produit peu, précisément à cause de sott énormité.
fait lecture d'une nouvelle rédaction.
Un membre propose un amendement tendant à ne pas imposer le premier domestique.
Cet amendement est écarté par la question préalable.
(de Saint-Jean-d1Angèly) propose un impôt de 3 livres pour le premier domestique,
6 livres pour le second et 12 livres pour le troisième.
On demande la question préalable. Elle est rejetée.
L'amendement de M. Regnaud est adopté.
J'observe qu'il est des domestiques âgés qu'on garde par bienfaisance ainsi que des enfants. On pourrait fixer l'âge d'exemption jusqu'à 15 ans et à partir de 60 ans.
Je pense qu'on pourrait fixer les limites à 10 ans et à 70 ans.
(de Saint-Jean-d'Angély). L i véritable bienfaisance n'est pas sans doute de prendre un enfant pour en faire un domestique, car ce serait le livrer à la servitude au lieu de le laisser à la liberté; la véritable bienfaisance consiste à lui donner un métier, à le former dans un art utile et non à l'avilir et à le corrompre. Point d'exception à l'égard des domestiques enfants. J'appuie l'amendement eu faveur des sexagénaires.
J'appuie l'opinion de M. Regnaud ; il faut éloigner les moyens qui accoutument les hommes à la servitude et encourager tous ceux qui peuvent les porter à la liberté.
Je réclame une exception en faveur de tous ceux qui travaillent à l'agriculture.
Je demande qu'on mette aux voix la question de savoir si les domestiques femelles dans les villes et dans les maisons de campagne seront imposées. (Cette motion soulève un grand tumulte.)
l'aîné.Cette question a déjà été jugée et je demande la question préalable.
La question mérite examen et je propose de la discuter.
Il faut, en ce cas, supprimer de l'article 3 adopté hier le mot mâle.
Hier on a déjà proposé de mettre aux voix la radiation du mot mâle et cette proposition a été refusée. On peut, sans revenir sur je décret, fixer une rétribution quelconque sur
les domestiques femelles, que vous avez cependant voulu exempter de l'impôt, à cause de leurs fonctions touchantes et sécrétés auprès des enfants, des vieillards ou des malades.
On demande à aller aux voix sur la radiation dans l'article 3 du mot mâle auquel on substituerait les mots domestiques mâles et femelles.
, rapporteur. Il suffit de retrancher le mot mâle de l'article 3.
(Ce retranchement est prononcé.)
On demande à aller aux voix sur l'article en discussion.
L'article est décrété en ces termes :
Art. 6.
« La partie de contribution à raison des domestiques mâles sera payée par chaque contribuable, par addition à son article, savoir :
Pour un seul domestique, 3 livres; pour un second, 6 livres, et 12 livres pour chacun des autres.
« Celle à raison des domestiaues femelles sera de 30 sols pour la première, de 3 livres pour la seconde, et de 6 livres pour chacune des autres; et ne seront compris les apprentis et compagnons d'arts et métiers, les domestiques de charrue et autres destinés uniquement à la culture ou à la garde et soins des bestiaux, ni les domestiques au-dessus de l'âge de soixante ans. »
, rapporteur, lit la seconde partie de l'article 5, qui deviendrait le 7® du décret.
» Art. 7. La partie de contribution, à raison des chevaux de selle dans les villes, et de cabriolet ou de carrosse dans les villes et campagnes, sera payée par chaque contribuable, par addition à son article, savoir : par chaque cheval de selle, 3 livres, par chaque cheval de voiture, 12 livres.»
Divers membres observent qu'il est tard pour commencer une discussion de cette importance.
(La discussion est remise à demain.)
annonce que l'Assemblée va se retirer dans ses" bureaux pour nommer son président, trois secrétaires et les commissaires pour la surveillance des assignats.
La séance est levée à trois heures du soir.
FIN DU TOME XIX-
i
— Propose d'attribuer aux corps administratifs une juridiction sur la perception des impositions (p. 472).
— Présente un projet de décret sur le mode de recouvrement des décimes et dons gratuits (p. 523). —
— Parle sur la caisse d'escompte (p. 527), — sur la contribution foncière (p. 675), — sur les dépenses publiques (p. 686), — sur les travaux du comité des finances (p. 770).
Projet de décret présenté par Crillon l'aîné, au sujet du régiment de Soissonnais en garnison à Monté-limart (ibid.)', — discussion : d'André, Emmery, d'André (ibid.)', — adoption (ibid.).
Renvoi au comité militaire d'un mémoire des brigades de la maréchaussée de l'Ile-de-France, à la demande de Regnaud (de Saint-Jean d'Angély) (ibid. p. 69).
Rapport par Alexandre de Lameth sur l'admission dans 1 armée et l'avancement militaire, au nom du comité militaire (19 septembre, p. 70 et suiv.); — projets de décrets (ibid. p. 76 et suiv.); — adoption du tilre I" et des 15 premiers articles du titre II sur l'avancement (20 septembre, p. 89 et suiv.); — adoption des articles 16 à 27 (21 septembre, p. 109) ; — adoption du titre I*r relatif au remplacement des officiers reformés par la nouvelle organisation (ibid. et p. suiv.); — adoption du titre II concernant le remplacement des officiers réformés ou à la suite (ibid. p. 110 et suiv.); — articles additionnels (titres 1 et II) au décret sur le mode d'avancement dans l'armée (23 septembre, p. 146 et suiv.); — adoption (ibid. p. 147).
Lettre de soumission aux décrets adressée par le corps des sous-officiers, caporaux, grenadiers, soldats et chasseurs du régiment Royal-la-Marine (29 septembre, p. 310).
Proposition par Noailles d'un décret relatif à la nomination aux emplois vacants dans l'infanterie et
les troupes à cheval (2 octobre, p. 394); — adoption [ibid.)
Rapport par de Bouthillier sur les adjudants généraux et les aides-de-camp (5 octobre, p. 446 etsuiv.);
— discussion : d'Eibecq, Millet de Mureau, Alexandre de Lameth, Alexandre de Beauharnais, Millet de Mureau, de Noailles (ibid. p. 450);—adoption du projet de décret du comité militaire (ibid. et p. suiv.).
Rapport par Coppens et Ferdinand Dubois sur l'affaire du régiment Royal-Champagne (6 octobre, p. 479 et suiv.). — Lettre du ministère de la guerre (La-Tour-du-Pin) (15 octobre, p. 644); — renvoi au comité militaire (ibid.).
Rapport par de Menou sur l'affaire de quatre officiers du régiment de Bretagne tl4 octobre, p. 615);
— projet de décret (ibid); — adoption (ibid.). Lettre du commandant du régiment de Château-
vieux, relative à la soumission de ce régiment (16 octobre, p. 666); — envoi de cette lettre à tous les régiments [ibid.).
Gaulthier-Biauzat dénonce le renvoi des soldats patriotes sous prétexte de défaut de taille (21 octobre, . 740); — discussion : d'Harambure, Gaultier-iauzat (ibid. p. 141); — l'Assemblée décrète que le ministre de la guerre fournira au comité militaire un état exact de tous les congés depuis le 15 juillet 1789 et que le comité militaire lui en rendra compte et résentera en même temps un projet de décret tenant à réprimer l'abus des congés (ibid.).
— décret tendant à une production de pièces à l'appui des créances (ibid.) ; — supplément au rapport de Vernier (p. 94 et suiv.)
Réponse de Mathieu de Montmorency au mémoire de Camus, sur la partie concernant le comte d'Artois (p. 99 et suiv.).
Etat de situation de la caisse de l'extraordinaire relativement a l'émission des assignats au 5 octobre 1790, présenté par Lablache, au nom du comité des finances (8 octobre, p. 503 et suiv.).
Projet de décret présenté par Montesquiou pour l'unification de tous les assignats (ibid. p. 504 et suiv.); —discussion : Brillât Savarin, Morcau, Malouet (ibid. p. 505) ; — adoption (ibid.).
Projet de décret présenté par le même sur la fabrication et I'émi6Sion des assignats (ibid.); — dis-
cussion : Mirabeau, do Montesquiou, Mirabeau, de Montesquiou, Poignot, Pétion, Rœderer, Regnaud (de Saint-Jean d'Angèly), Poignot, de Folleville (ibid. et p. suiv.) ; — texte du décret (ibid. p. 508). — Renseignements sur le prix de fabrication (ibid. p. 509) — Lettre de Mirabeau à Montesquiou sur la fabrication des assignats (p. 518 et suiv.); — réponse de Montesquiou (p. 520 et suiv.). — Nouveaux renseignements sur le prix de fabrication (9 octobre, p. 523).
Exposé des inconvénients du transport des assignats par la poste fait par un membre (ibid. et p. sniv.) ; — renvoi aux trois comités réunis des finances, des impositions et d'agriculture et de commerce (ibid. p. 524).
Projet de décret présenté par Naurissart relative ment à la surveillance à exercer sur la fabrication du papier pour les nouveaux assignats (15 octobre, p. 647); — adoption (ibid.).
Présentation par Montesquiou du préambule du décret relatif à l'extinction de l'intérêt des assignats (10 octobre, p. 531) ; — adoption (ibid.).
Ouverture de la vente des biens nationaux dans Paris annoncée par La Rochefoucauld (19 octobre, p. 690).
(t. XIX, p. 450), — sur l'affaire de Brest (p. 729 et suiv.).
— adoption sans discussion de l'article 2 (5 octobre, p. 470); — adoption de l'article 3 amendé par Bouche (ibid.) ; — adoption sans discussion des articles 4 à 14 (ibid. et p. suiv.) ; — adoption des articles 16 à 28 (6 octobre, p. 487 et suiv.);— titre 11% article 1" : de Vismes, au nom du comité des domaines (ibid. p. 489 et suiv.) ; — adoption (ibid. p. 491) ; — adoption des articles 2 et 3 (ibid.) ; — modifications proposées par Chasset à l'article 8 de titre Ior (7 octobre, p. 494) ; — adoption {ibid. p. 495) ; — adoption des articles4, 5 et 6 (ibid. p. 496) ; — adoption d'un article intercalé entre les articles 3 et 4 adoptés (les articles 4, 5 et 6, devenant 5, 6 et 7) (8 octobre, p. 512) ; — adoption des articles 8 à 28 (ibid. et p. suiv.) ;
— renvoi au comité ecclésiastique des articles 5 et 6, pour vice de rédaction, à la demande de Lavie et de Bonnal (9 octobre, p. 522) ; — nouvelle rédaction de l'article 22, proposée par le comité (11 octobre, p. 542 et suiv.) ; — discussion : Lavie, abbé Gouttes (ibid. p. 543) ; — adoption (ibid.) ; — articles 25 et 26 devenus l'article 29 (ibid ) ; — adoption (ibid.) ; — adoption des articles 27 et 28 devenus les articles 30 et 31 (ibid.) ;
— adoption des 13 premiers articles du litre III (ibid. et p. suiv.) ; — ajournement et renvoi des articles 14 et 15 aux comités féodal et ecclésiastique (ibid. p. 544) ;
— les articles 16 et 17 deviennent les articles 14 et 15 (12 octobre, p. 580) ; — suppression des articles 18 et 19 (ibid.) ; — les articles 20, 21 et 22 deviennent les articles 16, 17 et 18 (ibid.) ; — adoption des trois premiers articles du titre III (ibid. et p. suiv.) ; adoption de l'article 4 amendé par Moreau et des articles 5 à 10 (ibid. p. 581) ; — adoption de l'article 2 amendé (ibid. et p. suiv.) ; — adoption des articles 12 à 15 (ibid. p. 582) ; — discussion sur l'article 16 : abbé Gouttes, abbé Bourdon, Martineau (ibid.); — adoption de cet article et des articles 17 à 22 (ibid. et p. suiv.);
— titre V, article 1er : adoption (13 octobre, p. 603) ;
— article 2 : Thévenot, Tronchet, de Montlosier (ibid. p. 604) ; — adoption (ibid.) ; — article 3 : adoption (ibid.) ; — article 4 : Lucas, Treilhard, de Folleville, (ibid.) — adoption (ibid.) ; — nouvelle rédaction de l'article 1er (14 octobre, p. 615); — adoption des articles 5 à 17 (ibid. et p. suiv.) ; — adoption de l'article 18 (15 octobre, p. 652) ; — annulation d'un article relatif aux curés royaux (ibid.) ; — adoption
des articles 19 et 20 (ibid.) ; — article 21 : adoption (ibid. et p. suiv.) ; — adoption des articles 22 à 25 (ibid. p. 653); — renvoi de l'ancien article 24 à la suite au travail sur la contribution foncière (ibid.) ; — adoption de l'article 26 et dernier (ibid.) ; — adoption de 6 articles additionnels proposés par Chasset, après adoption d'un amendement de Lucas et rejet d'un autre de Folleville sur les observations de Tronchet (ibid. et p. suiv.).
Rapport par Bouteville-Dumetz sur les conditions nécessaires pour rendre officaces les soumissions d'acquérir des biens nationaux, faites par les municipalités (10 octobre, p. 529 et suiv.); — adoption (ibid. p. 531).
généraux et les aides-de-camp (t. XIX, p. 446 et suiv.).
— Parle sur l'affaire de Brest (p. 728 et suiv.).
. (p. 4 et suiv.). — Parle sur la contribution foncière (p. 462), — sur les assignats (p. 505), — sur la contribution foncière (p 667).
— sur la dette publique (p. 206 et suiv.), (p. 313 et suiv.), — sur l'affaire de Brest (p. 735 et suiv.), (p. 736).
Rapport par Garesché sur le compte de clerc à maître présenté par la caisse d'escompte (ibid. p. 15 et suiv.); — projet de décret (ibid.]). 18)] —le rapporteur demande qu'on discute ce compte (3 octobre, p. 426) ; — d'André demande l'ajournement, qui est accordé (ibid.)\ — discussion : Garesché, Camus, Gillel» Lajacqueminière, Anson (9 octobre, p. 527) ; — décret (ibid. et p. suiv.).
Rapport de Vernier tendant à autoriser les administrateurs de la caisse d'escompte à une nouvelle émission, pour leur propre compte, de billets de caisse jusqu'à concurrence de la somme de 30 millions (6 octobre, p. 472) ; — ajournement (ibid.) ; — projet de décret relatif à une émission en billets de caisse de 300 et de 200 livres (8 octobre, p. 502) ; — discussion : Camus, Germain, de Folleville, Camus, (ibid. et p. suiv.) ; — décret amendé (ibid. p. 503).
— adoption des articles 6, 7, 8 et 9 (ibid. et p. suiv.) ;
— renvoi de l'article 10 au comité des domaines (ibid. p. 727); —adoption de l'article 11 (21 octobre, p. 755);
— ajournement des articles 12,13 et 14 (ibid.); — adoption d'un amendement à l'article 15 et renvoi de cet article et de tous ceux non décrétés à un nouvel examen du comité d'agriculture et de commerce (ibid.).
— Présente un projet de décret sur les biens nationaux (p. 435 et suiv.); — le défend (p. 444). — Présente un projet de décret sur les menées du clergé d'Alsace (p. 675), — des articles additionnels au décret sur la constitution du clergé (p. 685).
— lettre de La Fayette (ibid. p. 393); — débat préliminaire de Bonnay, Mirabeau ainé, de Bonnay (ibid.); — nouveau document lu par Chabroua (2 octobre, p. 39*7 et suiv.) ; — autre débat préliminaire: d'Estourmel, Mirabeau ainé, abbé Maury, Du-fraisse, Goupil, Rœdcrer, Dubois-Crancé, Mirabeau ainé, Guillaume, de Latouche, abbé Dillon (ibid. p. 398) ; — discussion : abbé Maury, Alexandre de Lameth, Rœderer, abbé Maury, Cbabroud, abbé Maury, Féraud, Mirabeau aîné, deBiron, de Montlosier, Rœderer, de Biron, Barnave, abbé Maury, de Montlosier, de Murinais, de Montlosier (ibid.el p. suiv.); — l'Assemblée décide qu'il n'y a lieu à accusation ni contre Mirabeau aîné, ni contre Louis-Philippe-Joseph d'Orléans (ibid. p. 404); — Brûlart de sillery demande la parole au nom du duc d'Orléans pour le lendemain (ibid. p. 405); — opinions, non prononcées, de l'abbé Maury (ibid. et p. suiv.), de Henry de Longuève (p. 409 et suiv.); — compte rendu par une partie des membres de l'Assemblée de leur opinion sur le rapport de Chabroud (p. 416 et suiv.); — discours du duc d'Orléans inculpé dans la procédure (3 octobre,#p. 426).
Dénonciation par Boissy-d'Anglasd'un mandement de l'archevêque de Vienne, Charles-François Lefranc de Pompignan (20 septembre, p. 91) ; — renvoi au comité des rapports (ibid.); — texte de ce mandement (p. 101 et suiv.).
Dénonciation par Voidel des prédications d'un curé do la Flandre maritime (29 septembre, p. 310) ; — décret (ibid.).
Dénonciation par le procureur de la commune d'Au-teuil, contre le sieur Bidault, curé d'Auteuil, qui refuse de lire les décrets au prône (14 octobre, p. 615);
— renvoi au comité des recherches (ibid.).
Rapport par Chasset sur une dénonciation faite
par le directoire du district, par le maire et les officiers municipaux de Strasbourg, d'un écrit répandu dans les départements du Haut- et du Bas-Rhin par le clergé d'Alsace sur la vente des biens ecclésiastiques (17 octobre, p. 675); — projet de décret (ibid.);
— discussion : de Custine, abbé Maury, Rewbell, Alexandre de Lameth (ibid. et p. suiv.); — adoption du projet amendé (ibid. p. 677); — discours in-extenso de l'abbé Maury (p. 678 et suiv.); — lettre de l'abbé d'Eymar, un des anciens secrétaires, au sujet du procès-verbal (p.681 et suiv.); — pièces justificatives (p. 683 et suiv.).
Présentation par Chasset d'articles additionnels au décret sur la constitution du clergé (18 octobre, p. 685); — adoption sans discussion des articles 1, 2, 3, 4,5, 6, 7 et 10. (ibid.) ; — article 8 : Legrand (ibid.) ; adoption (ibid.) ; — article 9 : Murinais (ibid.) ; — adoption (ibid.) ; — article 11 : Prieur, abbé Maihias, Treflhard, abbé Gibert, Le Bois-Desguays, Chantaire (ibid.); — rejet (ibid.) ; — texte des articles adoptés (ibid. et p. suiv.).
au comité des monnaies (ibid.). — Echantillons de monnaie extraits de la matière des cloches, présentés par Boucault, mécanicien (30 octobre, p* 424) ; — renvoi au comité des monnaies (ibid.).
Plainte formulée par de Curt contre une lettre de Gouy (20 septembre, p. 93) ; — débat : de Gouy, Charles de Lamelh, de Gouy, de Curt (ibid. et p. suiv.) ; — renvoi aux comités des rapports, de la marine, des recherches et colonial (ibid p. 94).
Motion de Moreau de Saint-Méry tendant à autoriser le président du comité de liquidation à écrire aux présidents des assemblées coloniales pour leur faire connaître les grands sacrifices que s'impose et «'imposera la métropole (27 septembre, p. 259) ; — adoption (ibid.).
Lettre dedePeynier annonçantdes troubles à Saint-Domingue (27 décembre, p. 275^; — Cocherel et Barnave demandent que les députés du Port-au-Prince soient entendus avant toute décision (ibid.); — adoption (ibid.). — Autres lettres de de Peynier (29 septembre, p. 309; — renvoi au comité colonial (ibid.);
— lettre des membres de l'assemblée coloniale de Saint-Domingue (30 septembre, p. 322); — renvoi au comité colonial (ibid.); — députation du Port au-Prince et de la Croix-des Bouquets (30 septembre, p. 324 et suiv.); — réponso du président à l'orateur de la députation (ibid. p. 336;; — Barnave demande que l'on entende aussi les membres do l'assemblée de Saint-Marc (ibid.); — adoption (ibid.).
Renvoi au comité colonial de pièces relatives à des excès commis à la Martinique (l*r octobre, p. 337).
Présentation des membres composant la ci-devant assemblée générale de Saint-Domingue (2 octobre, p. 421) ; — le président (Emmery) demande qu'on indi-dique les places à donner à cette députation trop nombreuse pour se tenir à la barre (ibid.); — Barnave propose que la tête de députation s'y tienne et que la suite vienne à la file (ibid.); — l'Assemblée en décide ainsi (ibid.); — discours de Berault, président de la députation, et de Cullon, orateur (ibid. et p. suiv.); — sur la demande de Barnave, il est décidé que le narré des faits sera déposé sur le bureau (ibid. p. 424). — Lettre du ministre de la marine (La Luzerne) contenant un extrait des registres de l'assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue (4 octobre, p. 429 et suiv.) ; — usurpation de pouvoirs constatée par Dupont (de Nemours) (ibid., p. 430) ; — adoption des propositions de d'Aurillac et de l'abbé Gouttes tendant à la répression (ibid.);
— lecture d'une lettre de l'assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue (ibid. p. 433); — renvoi au comité colonial, à la demande d'Alexandre do Lameth (ibid.); — motion de Barnave tendant à faire décréter que si dans les 48 heures les pièces annoncées par l'assemblée ci-dessus ne sont pas déposées, le comité colonial devra immédiatement faire son rapport sur cette affaire (4 octobre, p. 435) ; — discussion Foucault. Goupilleau (ibid ) ; — adoption (ibid.). — Introduction à la barre de Santo-Domingo, commandant du vaisseau Le Léopard (7 octobre, p. 495); — ses explications (ibid.);— renvoi aux comités réunis de la marine et colonial, après débat entre Blin et Vaudreuil (ibid.). — Rapport par Barnave sur l'affaire de Saint-Domingue (11 octobre, p. 542), (12 octobre, p. 545 et suiv.) ; — projet de décret (ibid., p. 570); — adoption sans discussion (ibid.); — opinion de Potion (ibid. et p. suiv.).
Compte rendu par Anthoine, au nom du comité des rapports, de quelques troubles arrivés dans la ville de Saint-Pierre de La Martinique (12 octobre, p. 579 et suiv.; — projet de décret (ibid. p. 580); — discussion: Bouche, Paul Nairac, Arthur Dillon, Boutteville-Dumetz (ibid.) ; — renvoi au comité colonial (ibid.).
— Note de Du Boulot et Malherbe (p. 583 et suiv.)1.
Pièces envoyées par l'assemblée provinciale de la partie nord de Saint-Domingue (p. 600 et suiv.}.
Mémoire de Louis Monneron en faveur des colonies françaises aux Indes (15 octobre, p. 654 et suiv.) ; — projet de décret (ibid. p. 660); — pièces à l'appui (ibid. et p. suiv.); — renvoi aux comités diplomatique, de la marine, colonial, militaire, d'agriculture et ae commerce réunis (ibid. p. 666».
Députation des officiers d'administration des lies du Vent, admise à la barre et protestant contre l'assemblée de la Martinique (16 octobre, p. 670); — réponse du président (ibid.).
E. 470) ; — membre élu par le comité des monnaies : aurine (7 octobre, p. 495).
v sition de La Rochefoucauld iibid.) ; — noms des nouveaux commissaires (9 octobre, p. 528).
Saisie par la garde nationale d'Abbevilie d'un brick chargé de tabac de contrebande (ibid.)', — le Président est autorisé à la féliciter (ibid.) ; — sur la demande de Noailles, des félicitations pour ce fait seront adressées aussi à uu détachement au régiment d'Orléans qui a aidé à cette capture (ibid. p. 718).
— débat préliminaire : Brillat-Savarin, Rœderer (ibid. et p. suiv.); — discussion : de Delley d'Agier, Leleu de La Ville-aux-Bois (ibid. p. 5 et suiv.); — Montcalm-Gozon (21 septembre, p. 112 et suiv.); — Aubry-du-Bochet, Ramel-Nogaret, La Rochefoucauld, Regnaud (de Saint-Jean-d'A ngely), Charles de Lameth, Rœderer, d'Harambure, Goupilleau, de Delley d'Agier, Rey (23 septembre, p. 148 et suiv.) ;— de Dellev d'Agier, Heurtaut-Lamerville, de Boislandry, de La Rochefou-
cauld, Brillat-Savarin, Prieur, Brillat-Savarin, Dubois-Crancé, Rœderer (5 octobre, p. 451 et suiv.) ; — opinion, non prononcée, de Boislandry (p. 465 et suiv.);
— suite de la discussion : Dubois-Crancé, Rœderer, Dubois-Crancé, d'André, Mougins, Démeunier, abbé Charrier, Vernier, Boussion, de Delley d'Agier, abbé Charrier, Féraud, Rœderer, d'André, Martineau (6 oo-tobre, p. 472 et suiv.) ; — de La Rochefoucauld, Bouche, Sinety, Goupil, de La Rochefoucauld, de Folleville, de Delley d'Agier, Rœderer (7 octobre, p. 493 et suiv.) ; — adoption (ibid. p. 494).
Rapport par La Rochefoucauld sur un projet de décret relatif au revenu imposable (11 octobre, p. 534 et suiv.); — projet de décret (ibid. p. 536); — discussion : de Delley d'Agier, Heurtault-Lamerville (ibid. et p. suiv.) ; — Rey, Rœderer (13 octobre, p. 589) ;
— adoption des trois premiers articles du titre III (ibid. p. 590);— art. 4 : Gaultier de Biauzat, Tron-chet, Legrand, de Tracy, La Rochefoucauld (15 octobre, p. 649) ; — Adoption, sauf rédaction, de l'article amendé (ibid. p. 650); — art. 5 : Murinais, Heurtault-Lamerville, Populus (ibid.) ; — adoption (ibid.) ; — présentation de divers articles nouveaux (ibid.) ; — débat préliminaire : Populus, de Sillery, Tronchet, de La Galissonnière, Gérard (ibid.)', — art. 4 du titre III : adoption définitive (16 octobre,
£. 667) ; — art. 6 : Ramel-Nogaret, Andrieu, Heurtaut-amerville (ibid.) ; — adoption (ibid.) ; — art. 7 : de Folleville, de La Rochefoucauld, Ramel-Nogaret, Brillat-Savarin (ibid-.); —adoption de la première partie de l'article (ibid.) ; — discussion sur la seconde : de Tracy, de Lachèze, Lucas (ibid.) ; — adoption (ibid.) ; — discussion sur la troisième partie : ae Delley (ibid.) ; — elle devient l'art. 9 (ibid. et p. suiv.) ;
— art. 8 : Rey (ibid. p. 668) ; — adoption (ibid.) ; — art. 9 : La Galissonnière, Ramel-Nogaret, Rœderer, de Montcalm-Gozon, Legrand (ibid)', — ajournement (ibid.) ; — reprise de la discussion sur l'art. 9 devenant l'art. 11 : Dauchy, de Delley, Gérard, Malouet, Boussion, Rœderer, Heurtault-Lamerville, Dupont (de Nemours), Rewbell, Legrand, Rewbell, Anson (17 octobre, p. 673 et suiv.) ; — adoption de l'article amendé (ibid. p. 675); — art. 12: Le Bois-Desguays, Mougins, Rewbell, Rœderer, Lachèze, Rœderer, Populus, d'Es-tourmel, Legrand (18 octobre, p. 686 et suiv.); — adoption de l'article amendé (ibid. p. 687) ; — art. 13 : de Reynaud, de Tracy, Legrand, Darche (ibid.); — renvoi au comité d'imposition (ibid.) ; — Dauchy présente trois articles destinés à devenir 13, 14 et 15, et La Rochefoucauld, deux articles destinés à devenir 16 et 17 (19 octobre, p. 690 et suiv.); — adoption (ibid. p. 691).
Projet de décret sur la contribution foncière pour 1791, présenté par La Rochefoucauld (ibid.); — discussion : Rey, de Montcalm-Gozon, Rœderer, Regnaud, Lucas (ibid. et p. suiv.) ; — adoption du projet amendé (ibid. p. 591 et suiv.).
Observations de d'Harambure, non prononcées, sur la répartition de l'impôt foncier entre chaque département, district, canton, municipalité et entre chaque contribuable (p. 176 et suiv.).
— après débat entre Robespierre et d'André, la proposition de Rœderer est votée et devient l'art. 4 (ibid.) ;
— art. 4 devenant l'art. 5 : d'Andro (ibid.) ; — adoption de l'article amendé (ibid.); — art. 5 devenant l'art. 6 : Pétion, Rewbell, Regnaud (de Saint-Jean-d'Angély), Legrand, abbé Bonnet, Rœderer, Regnaud (de Saint- Jean-d' Angély), de Lachèze, Legrand, Regnaud (de Saint-Jean-d'Angély), Rœderer, de Foucault, Legrand, Garat aîné, Gaultier-Biauzat, Defermon, rapporteur, Rœderer, Defermon (ibid. et p. suiv.); — radiation du mot mâle de l'art. 3 (ibid. p. 772); — adoption de la 1" partie de l'art. 6 formant un tout (ibid.) ; — 2* partie ae l'ancien art. S destiné à devenir l'art. 7 : renvoi à la séance suivante {ibid.)
Décret voté sur la demande de Choiseul-Praslin pour l'application des couleurs tricolores aux cravates des drapeaux et des étendards des troupes de ligne (22 octobre, p. 761).
Cuirs et autres peaux, fers, huiles et savons fabriqués dans les départements encore séparés par des barrières du reste du royaume. Adoption sans discussion d'un projet de décret sur leur entrée (9 juillet 1790, t. XIX, p. 525).
— ordre du jour (ibid.). — Camus demande que le comité do liquidation présente incessamment un projet de décret sur les poursuites à exercer contre les débiteurs du Trésor public (ibid.) ; — accordé (ibid.).
— sur la dette publique (p. 314), — sur la contribution foncière (p. 476). — Présente des projets de décret sur la police de la ville de Paris (p. 492), — sur le serment des officiers municipaux et des notables de la ville do Paris (ibid.), — sur la compétence des corps administratifs en matière de grande voirie (ibid.), — sur une contestation entre le département de Seine-et-Marne et la municipalité de Maincy (ibid. et p. suiv.), — sur l'expédition des arrêts du ci-devant parlement do Paris (19 octobre, p. 688 et suiv.),
— sur la constitution municipale de la banlieue de Paris (ibid. p. 689).
exactement le décret du 3 avril précédent ordonnant qu'il sera fait une liste des députés absents, de ceux qui demandent à s'absenter, de ceux qui donnent leur démission et de ceux qui rentrent après l'expiration de leur congé (21 octobre 1790, t. XIX, p. 740) ; — adoption (ibid.).
Projet de décret proposé par un membre, portant que le retour des députés absents par congé sera annoncé dans l'Assemblée et inscrit au procès-verbal et que les députés seront regardés absents jusqu'à ce qu'à leur retour ils aient remplis celte formalité (ibid. p. 748) ; — adoption (ibid.).
— adoption du projet amendé par Martineau (ibid.).
— Lettre d'envoi de Necker d'un mémoire contenant un plan de liquidation (17 septembre, p. 23).
Suite de la discussion sur un plan général de liquidation : Malouet (ibid. p. 27 et suiv.) ; — lecture du dernier rapport de Necfeer (ibid. p. 32 et suiv.) ; — incident relatif à la continuation immédiate de la discussion : Beaumetz, Charles de Lameth, Regnaud
ide Saint-Jean-d'Angély), abbé Maury, de Croix, lirabeau aîné, Charles de Lameth (ibid. p. 38 et suiv.);
— suite de la discussion : Anson (ibid. p. 39 et suiv.) ; — Talleyrand-Périgord, d'Harambure, Vernier, Démeunier (18 septembre, p. 48 et suiv.); — d'Elbecq, de Foucault, de La Galissonnière, Morin, de Montesquiou, Fezensac (24 septembre, p. 178 et suiv.) ; — rapport par Regnault-d'Epercy sur le vœu de diverses places de commerce relativement aux assignats (ibid. p. 193) ; — incident : Dubois-Crancé, de Mirabeau, le Président (Bureaux de Pusy), de Mirabeau, de Muri-nais, Duval d'Eprémesnil, de Mirabeau, Duval d'Epré-mesnil, de Mirabeau, de Murinais, La Réveillère de Lépeaux (ibid. et p. suiv.); — reprise du rapport (ibid. p. 194 et suiv.) ; — discussion : Anson, Briois de Beaumetz (24 septembre, p. 206 et suiv.); — annexe à cette séance : Moyens de se libérer de 2, 600 millions envers divers créanciers de l'Etat par Dubernet, négociant (p. 212 et suiv.) ; — lettre sur les assignats par Charles Micoud (p. 214 et suiv.) ; — encore un mot sur les assignats par le même (p. 216 et suiv.);
— mémoire pour la ville de Lille contre le projet de liquidation ae la dette nationale exigible par assignats forcés (p. 218 et suiv.); — suite de la discussion : Decrétot, de Custine, Cigongne, Dupont (de Nemours), Prugnon (25 septembre, p. 221 et suiv.) ; Le Couteulx de Cauteleu (26 septembre, p. 243 et suiv.); — de Montlosier (ibid. p. 247 et suiv.),
Si. 253 et suiv.) ; — abbé de Coulmiers, de Broglie, lirabeau aîné, Maury, de Balz, Gaultier de Biauzat, Mirabeau ainé (27 décembre, p. 259 et suiv.) ; — opinions, non prononcées, de Stanislas de Clermont-Tonnerre (p. 275 et suiv.), de La Rochefoucauld (p. 280 et suiv.) ; — incident : lettre de Duval d'Eprémesnil demandant à présenter un plan (28 septembre, p. 283) ; — débat : Goupilleau, Duval d'Eprémesnil (ibid.) ; — ordre du jour (ibid.) ; — reprise de la discussion : Bergasse-Laziroulle, Toustain-Viray, Le Chapelier, abbé Maury, Barnave, Lebrun, Miràbeau aîné, d'Harambure, Duval d'Eprémesnil, de Cazalès, Alexandre de Lameth, de Cazalès (28 septembre, p. 283 et suiv.); —Duval d'Eprémesnil, le Président (Emmery), Duval d'Eprémesnil, Rewbell, Duval d'Eprémesnil, Charles de Lameth, Alexandre de Lameth, Mathieu de Montmorency, de Cazalès, Charles de Lameth, Coroller, abbé Maury, Mirabeau aîné, Duval d'Eprémesnil, Périsse-Duluc, de Cazalès, Camus, Malouet, Briois dp Beaumetz, Démeunier, Poignot, Mirabeau aîné, Malouet, Mirabeau ainé, abbé Maury, Madier de Montjau, de Foucault, Camus (29 septembre, p. 310); —interruption violente delà discussion (ibid. p. 315); —reprise: Dufraisse, de Faucigny, de Montlosier, Madier de Montjau, Camus, Duval d'Eprémesnil, de Crillon jeune, de Menou (ibid. et suiv.); — adoption des trois articles du projet
(ibid. p. 316). — Opinion, non prononcée, de Duport (ibid. et p. suiv.). — Proposition faite par La Roche-foucauld-Liancourt et appuyée par Foucault, tendant à envoyer aux départements une adresse pour démontrer l'avantage du décret sur les assignats (30 septembre, p. 322 et suiv.) ; — adoption (ibid.)
— sur les journées des 5 et 6 octobre (p. 398).
— Parle sur des troubles à Saint-Pierre de la Martinique (p. 580).
Dionis du Séjour, député de la noblesse de la ville de Paris. Parle sur l'invention de l'abbé de Mandre ( (t. XIX, p. 615).
— discussion : Pémartin, d'Arraing, Gaultier ae Biauzat (ibid.) ; — adoption d'un projet de décret fixant à Pau le chef-lieu (ibid. et p. suiv.) ; —de Macaye demande l'alternat entre Pau et Bayonne (5 octobre, p. 445) ; — ordre du jour (ibid.). — Décret rattachant le district d'Orange au département des Bouches-du-Rhône et le bourg de Mon dragon à ce district (12 octobre, p. 578). — Décrets de suppression de quelques municipalités (13 octobre, p. 584), (14 octobre, p. 604). — Rapport par Gossin sur la réduction des districts en général et en particulier sur ceux du département de l'Ain (15 octobre, p. 644et suiv.);
— projet de décret (ibid. p. 647); — discussion: Lavie, Bouche, d'André, abbé Bourdon (ibid.); — adoption d'une partie du projet (ibid.). — Décret établissant un tribunal de commerce à Besançon (16 octobre, p. 666). —Décret relatif à la formation d'un bureau de paix pour le district de la campagne de Lyon (ibid. et p. suiv.). — Décret établissant des tribunaux de commerce à Aix et à Honfleur (ibid. p. 672). — Projet de décret tendant à réduire de 9 à 4 les districts du département de la Sarthe (ibid. et p. suiv.) ; — discussion : abbé Gouttes, d'André (ibid. p. 673): — adoption (ibid.). — Adoption d'un projet de décret instituant deux juges de paix dans la ville de Bar-le-Duc et fixant les limites de leur juridiction (21 octobre, p. 755).
verbal relative au décret : Dupont (de Nemours), Martineau. — Gillet de La Jacqueminière, abbé Aubert, abbé Dillon, Vernier (23 septembre (p. 145 et suiv.);
— addition des mots : jusqu'à ce qu'il ait été autrement statué (ibid. p. 146).
— sur le remplacement de la gabelle (p. 429), — sur la contribution foncière (p. 462), (p. 472 et suiv.), (p. 474 et suiv.), — sur une lettre de La Luzerne relative aux événements do Brest (p. 532), — sur cette dernière affaire (p. 743),— surun incident soulevé par Guilhermy (p. 748).
— sur les journées des 5 et 6 octobre (p- 398).
Buval d'Eprémesnil, député de la noblesse de Paris-hors-les-Murs. Parle sur les pensions des religieux (t. XIX, p. 22), — sur la dette publique (p. 194), — sur l'af-
faire de l'abbé de Barmond (247), — sur la dette publique (p. 308), (p. 310 et suiv.), (p. 312), (p. 315), — sur un projet de décret relatif au parlement de Toulouse (p. 515).
Pondichéry. Rapport par Grégoire sur l'admission des députés Beylié de Kj-Jean et Monneron (19 septembre 1790, t. XIX, p. 69) ; — adoption (ibid.).
Maine (Sénéchaussée du). Rapport sur l'admission de Gennes, remplaçant Guérin, démissionnaire (22 octobre, p. 765); — adoption (ibid.).
Compiègne. Adoption d'un projet de décret tendant à la formation d'un atelier de charité (20 septembre 1790, t. XlX, p. 83).
Chauny. Adoption d'un projet de décret en faveur d'ouvriers nécessiteux (ibid.).
Etraye. Adoption d'un projet de décret pour le payement de dettes urgentes (15 octobre, p. 644).
Projet de décret présenté par Vernier relativement au retard apporté par les élus de la ci-devant province de Bourgogne dans la reddition de leurs comptes (1" octobre 1790, t. XIX, p. 337 et suiv.); — adoption du projet amendé par Gouttes (ibid. et p. suiv.).
Proposition de Vernier relative à la situation d'un trésorier reliquataire de 424,617 livres (21 octobre, p. 742); — ordre du jour voté à la demande de d'Ailly (ibid.).
— est rappelé à l'ordre (ibid.) — Parle sur les biens nationaux (p. 443), — sur la contribution foncière (p. 493), — sur une émission de billets par la cour des comptes (p. 503), — sur les assignats (p. 508), — sur une lettre de La Luzerne relative aux événements de Brest (p. 532), — sur les biens nationaux (p.604), (p. 654), — sur la contribution foncière (p. 667).
— sur une adresse relative aux assignats (p. 322 et suiv.), — sur les frais de»démolition de la Bastille (p. 434), — sur Saint-Dominguo (p. 435), — sur le contrôle d'or et d'argent (p. 542), — sur le logement des tribunaux (p. 671),— sur l'affaire de Brest (p. 745),
— sur la contribution personnelle (p. 772).
— sur les pensions des religieux (p. 240), (p. 24 .), — sur les besoins du Trésor public (p. 242), — sur une lettre d'Albert de Rioms (p. 509), —sur la marine (p. 531), — sur une lettre de La Luzerne relative aux événements de Brest (p. 532).
— (ibid.)-, — reprise de la discussion sur l'article 2 : Gaultier de Biauzat, Prévôt, Chasset, Chantaire, Boutteville-Dumetz, Regnaud (de Saint-Jean-d'Angély) (4 octobre, p. 431); — nouvel ajournement (ibid.)',
— adoption (8 octobre, p. 599 et suiv.); — adoption des articles 3, 4, 5 et 6, après rejet d'un amendement proposé par Mougins (9 octobre, p. 524 et suiv.).
— réponse de Merlin, président (ibid.). — Députation de la garde nationale de Lorient au sujet de l'affaire de Nancy (19 octobre, p. 718); — réponse de Merlin, président (ibid.). — Lettre des commissaires des gardes nationales de Pau au sujet des arrêtés pris par le ci-devant parlement de Toulouse contre les décrets de l'Assemblée nationale (21 octobre, p. 740).
— en demande la discussion (p. 426); — le défend (p. 527).
— Communique une lettre de soumission du régiment de Royal-la-Marine (p. 310). — Parle sur le remplacement de la gabelle (p. 428), (p. 429), — sur la fixation du chef-lieu du département des Basses-Pyrénées (p. 430), — sur la gabelle (p. 431), — sur la contribution foncière (p. 493), — sur la justice de paix (p. 609), — sur le Trésor public (p. 740), — sur les abus des congés dans l'armée (ibid.), (p. 741), — sur la contribution personnelle (p. 762), (p. 772).
royaume (p. 578), (p. 584), (p. 644 et suiv.), (p. 672 et suiv.). — Communique une déclaration de Spon, ancien premier président au conseil d'Alsace, désavouant la protestation des officiers de ce conseil (p. 754). — Présente un projet de décret sur la division du royaume [ibid. et p. suiv.).
— sur le retard apporté par les comptables de la ci-devant province de Bourgogne dans la reddition de leurs comptes (p. 337), — sur les troubles de l'Aude relatifs à la circulation des grains (p. 425), — sur Saint-Domingue (p. 430), — sur les biens nationaux (p. 543), (p. 582). — Fait un nouveau rapport sur la machine de l'abbé de Mandre (p. 615). — Présente un projet de décret relatif à l'achèvement do l'impression des œuvres de Fénélon (p. 666). — Parle sur la division du royaume (p. 673).
Projet de décret présenté par de Broglie sur les excès commis dans le département do l'Aude pour empêcher la circulation des grains (3 octobre, p. 425);
— discussion : abbé Gouttes, Boissy d'Anglas, de Custine (ibid.); — adoption (ibid. p. 426).
Parle sur les journées des 5 et 6 octobre (t. XIX' p. 398).
Proposition de Goudard tendant à charger les comités d'imposition et des finances de se réunir â celui d'agriculture et de commerce, pour la présentation en commun d'un plan d'organisation des compagnies de finances ayant pour mission la perception des impôts indirects (3 octobre, p. 425); — adoption (ibid.).
Proposition par Anson, au nom de divers comités, tendant à attribuer aux corps administratifs une juridiction contentieuse sur les difficultés soulevées journellement par la perception des impositions directes et indirectes (6 octobre, p. 472); — ordre du jour voté à la demande de Regnaud (de Saint-Jean d'An-gély) (ibid.).
Lettre de Lambert, contrôleur général des finances, sur les obstacles apportés à la perception des impositions (7 octobre, p. 494); — renvoi au comité des finances (ibid.).
Adoption d'un projet do décret présenté par Vernier, relativement à la continuation, pendant 1790, des fonctions des commissaires ci-devant établis pour l'assiette des impositions dans le département de la Moselle (19 octobre, p. 691 et suiv.).
— Démeunier propose l'ajournement (ibid.) ; — Re-gnaud (de Saint-Jean d'Angély) présente un projet de décret affirmatif (ibid.)', — adoption (ibid.).
Décret concernant la nomination de juges de paix en divers lieux (13 octobre, p. 584).
Décret relatif à l'installation des juges du district de la campagne de Lyon (ibid.).
Décret concernant la nomination de juges de paix (14 octobre, p. 605).
— adoption de l'article amendé (ibid.) ; — article 6 : Andrieu (ibid.); — adoption de l'article amendé (ibid.); —adoption des articles 7, 8, 9 et 10 amendés (ibid.); — adoption d'un article supplémentaire proposé par Gaultier de Biauzat et devant être placé entre le 7e et le 8° (ibid.) ; — article 1" du titre II : adoption avec amendement (ibid. p. 610) ; — renvoi de l'article 2 au comité pour statuer sur une addition proposée par Lapoule (ibid.); — adoption des articles 3 et 4 avec modification (ibid.) ; — adoption sans changement des articles 5, 6 et 7 (ibid.); — titre III : adoption des cinq articles (ibid.) ; — adoption du titre IV, avec une seule modification à l'article 3 (ibid.) ; — adoption des titres V à IX, avec quelques changements (ibid.) ; — lecture, à la demande de Belzais-Courménil, du projet avec les modifications y apportées (ibid. et p. suiv.) ; — présentation de six articles additionnels au titre II (18 octobre, p. 684); adoption (ibid.).
contribution foncière (p. 462), (p. 493). — Fait un rapport sur un projet de décret relatif au revenu imposable (p. 534 et suiv.). — Réclame un état des dépenses publiques (p. 686). — Annonce l'ouverture de la vente des biens nationaux dans Paris (p. 690).
— Présente deux articles relatifs au mode d'imposition (p. 691).
— sur la cession du Clermontais, l'acquisition de la principauté d'Henrichemont, etc. (ibid. el p. suiv.).— Demande à exprimer les vœux des départements, des directoires et des municipalités au sujet des assignats (p. 307). — Fait un rapport sur l'état et les besoins du Trésor public (p. 585 et suiv.). — Présente des projets de décrets sur la liste civile (p. 588), — sur les rentes dues par le clergé (p. 617 et suiv.), — sur les ponts et chaussées (p. 648 et suiv.).
— sur la contribution personnelle (p. 771), (p. 772).
— Discours de l'orateur de la députation (ibid. p. 64 et suiv.) ; — réponse du président (Bureaux de Pusy) (ibid. p. 66); — impression des deux discours à la demande de Merlin (ibid.) ; — renvoi aux comités des finances et de liquidation (ibid.).
— discussion sur l'article 1er : Bouche, Prugnon, abbé Maury, Prugnon, abbé Maury, un membre (16 octobre, p. 670 et suiv.) ; — adoption de l'article amendé (ibid. p. 671); —adoption sans discussion de l'article 2 (ibid.) ; — aiticle 3 : Decrétot, de Foucault (ibid.); — adoption de l'article amendé (ibid.); — adoption de l'article 4 sans discussion (ibid.); —article 5 : Bouche, Salomon, Lucas (ibid.); — adoption de l'article amendé (ibid. et p. suiv.); — adoption sans discussion de l'article 6 (ibid. p. 672).
— sur la dette publique (p. 313). — Présente un projet de décret sur les travaux des ouvriers dans les arsenaux (p. 495). — Parle sur les assignats (p. 505).
— Présente un projet de décret sur la marine (p. 531).
— Parle sur une lettre de La Luzerne relative aux événements de Brest (p. 532^, — sur la contribution foncière (p. 674), — sur l'affaire de Brest (p. 728), (p. 729), (p. 744), — sur la contribution personnelle (p. 762).
— discussion : abbé Grégoire, Rewbell, Camus, Dionis (ibid.); — renvoi de la machine à l'Académie des sciences pour en apprécier la valeur, et, en attendant sa décision, octroi d'une nouvelle gratification de 3,000 livres (ibid.).
Communication par lo ministre de la marine (La Luzerne) de lettres de d'Hector et d'Albert de Rioms, au sujet de l'effervescence des esprits à Brest et à bord ae l'escadre (2 octobre, p. 405) ; — renvoi au comité de la marine (ibid.).
Adoption d'un projet de décret relatif aux travaux des ouvriers dans les arsenaux (7 octobre, p. 495).
Lettre d'Albert de Rioms (8 octobre, p. 509) ; — renvoi au comité de marine, à la demande de Fréteau (ibid.).
Adoption d'un projet de décret sur la nécessité de construire des bassins.pour remiser les vaisseaux pendant la paix (ibid. p. 511).
Projet de décret présenté par Malouet sur une demande de fonds relative aux dépenses de l'armement (10 octobre, p. 531); —discussion : Fréteau, d'Es-tourmel, Sillery (ibid.); — adoption du projet de décret amendé (ibid. et p. suiv.).
Communication d'une lettre du directoire du département de la Gironde et d'un arrête de ce même directoire concernant l'armement de Toulon (17 octobre, p. 678) ; — Noailles demande que l'Assemblée vole des félicitations à ce directoire (ibid.); — accord (ibid.); — lettre du ministre de la marine, (La Luzerne) (18 octobre, p. 687); — renvoi au comité des finances (ibid.).
Rapport par de Menou sur l'affaire de Brest (19 octobre, p. 714) ; — projet de décret (ibid et p. suiv.) ; — discussion : de Cazalès, Mirabeau, Ricard, (ibid. p. 715 et suiv.) ; — d'André, Malouet, Regnaud (de Saint-Jean d'Angély), Alexandre de Lameth, de Bouthillier, Malouet, Alexandre de Bcauharnais, Stanislas de Clermont-Tonnerre, Brevet (20 octobre, p. 728 et suiv.); — communication de dépêches par Guignard, ministre de Vintérieur (ibid. p. 732); — reprise de la discussion : de Virieu, Barnave, Félix de Wimpffen, de Noailles, d'Eslourmel, de Cazalès, de Noailles, de Rostaing, de Noailles, Barnave, de Noailles, abbé Jacquemart, Cazalès, Briois de Beau-metz, Madier de Montjau, Briois de Beaumetz, Duval d'Eprémesnil, Brios de Beaumetz, Faydel, Briois de Beaumetz, de Menou, Lebois-Desguays, Le Chapelier, de Digoine, de Cazalès (ibid. p. 732 et suiv.); — décret de méfiance contre les ministres (ibid. p. 730) ; — opinion, non prononcée, de Dupont (de Nemours) (ibid. p. 737 et suiv.) ; — suite de la discussion : d'Harambure, La Révcillère-Lépeaux, d'Harambure, de Vaudreuil, de Menou, Goupilleau, d'André, de Vaudreuil, de Menou, Goupilleau (ibid. p. 742); — nouveau projet de décret présenté par de Menou (ibid. et p. suiv.) — discussion : Dubois-Crancé, de Virieu (21 octobre, p. 742 et suiv.); — adoption delà première partie de la première disposition du projet nouveau (ibid. p. 744) ; — discussion sur la seconde : Malouet, Charles de Lameth, de Montlosier (ibid. et p. suiv.)— adoption (ibid. et p. 745);— troisième disposition : Millet-Mureau, La Reveillère-Lépeaux, Le Chapelier, de Foucault, Charles de Lameth, de Foucault, Mirabeau (ibid. et p. suiv.) ; — adoption de cette disposition amendée (ibid. p. 746); — incident au sujet d'une insulte adressée par Guilhermy à Mirabeau : de Menou, Guilbermy, abbé Maury, de Cazalès, Guilhermy, de Menou, de Mirepoix, Guilhermy, de Mirabeau, abbé de Pradt, de Cazalès, Rœderer, de Cazalès, de Mirabeau, Guilhermy, le Président (Merlin), Goupil, de Cazalès,Dubois-Crancé, Rœderer, Regnauld (de Saint-Jean d'Angély) (ibid. et p. suiv.); —condamnation do Guilhermy a trois jours d'arrêts (ibid. p. 748) ;—adoption des dernières dispositions proposées par Menou (ibid.). — Adresse des marins et militaires de l'armée navale do Brest à l'Assemblée nationale (23 octobre, p. 766) ; — adresse do la Société des amis de la Constitution, établie à Brest, aux citoyens composant les équipages de l'armée navale (ibid. et p. suiv.);— compte rendu delà séance des officiers des grades intermédiaires de la marine, assemblés extraordinairement à l'hôtel du commandant 1e 13 octobre (ibid. p. 767 et suiv.)
— sur l'ordre de la parole (p. 263), — sur la dette publique (p. 290 et suiv.), — sur un incident relatif à Duval d'Eprémesnil (p. 312), — sur la dette publique (p. 314),— sur les journées des 5 et 6 octobre (p. 398 et suiv.), (p. 399), (p. 400), (p. 404); — son opinion, non prononcée, sur ces journées (p. 405 et suiv.). — Parle sur un projet de décret relatif au parlement de Toulouse (p. 515), — sur l'emplacement des tribunaux (p. 670 et suiv.), (p. 671), — sur un projet de décret relatif aux menées du clergé d'Alsace (p. 675 et suiv.), (p. 678 et suiv.), — sur un propos à lui attribué (p. 746).
— sur une députation du peuple liégeois (p. 63), (p. 66). — Défend le projet de décret sur les frais de poursuites criminelles, etc. (p. 70). — Parle sur les biens nationaux (p. 445). —Président (p. 526);
— son discours d'installation (p. 529); — ses réponses à l'orateur delà garde nationale de Pamiers (p. 603),
— à une députation des officiers d'administration des îles du Vent (p. 670), — à une députation de la garde nationale de Rouen (p. 718).
(p. 737 et suiv.). — Documents concernant la question de leur renvoi (p. 764 et suiv.).
— sur la dette publique (p. 193 et suiv.), (p. 194),
— sur les besoins du Trésor public (p. 242 et suiv.),
— sur la dette publique (p. 263 et suiv.) (p. 307 et suiv.), — sur un incident relatif à Duval d'Eprémesnil (p. 312), —» sur la dette publique (p. 314), — sur les journées des 5 et 6 octobre (p. 393), (p. 398), (p. 400 et suiv.), — sur les frais de démolition de la Bastille (p. 434), — sur la fabrication et l'émission des assignats (p. 505 et suiv.), (p. 507), — sur un projet de décret relatif au parlement de Toulouse (p. 515). — Sa lettre à Montesquiou sur la fabrication des assignats (p. 518 et suiv.). —Parle sur l'affaire de Brest (p. 716), (p. 717), (p. 745 et suiv.);— demande qu'on passe à l'ordre du jour sur un incident relatif à un propos tenu contrelui parGuilhermy (p. 747);—demande qu'on le juge (ibid. et p. suiv.).
— Parle sur la motion faite par Lavenue d'imposer les rentes constituées et viagères (p. 769).
— indique le prix de revient (p. 509). — Réponse à une lettre de Mirabeau sur les assignats (p. 520 et suiv.). — Présente un projet de décret sur les assignats (p. 531).
— sur l'affaire de Brest (p. 745).
— Dénonce un numéro du journal de Marat (p. 322).
— Parle sur les biens nationaux (p. 444), — sur les assignats (p. 505), — sur les biens nationaux (p. 581),
— sur l'instruction publique (p. 589).
TABLE ALPHABÉTIQUE ET ANALYTIQUE DES ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 7«J5
Dénonciation, par le président du département des Bouches-du-Rhône, d'un discours prononcé devant le parlement d'Aix, le 27 décembre 1789 (5 octobre, p. 445); — renvoi au comité des recherches (ibid.).
Projet de décret présenté par Le Chapelier et tendant à proroger jusqu'au 15 octobre les fonctions de la cour supérieure établie à Rennes au mois de février (30 septembre, p. 322); — discussion : d'Ëstour-mel, Defermon, Goupil (ibid.) ; — adoption (ibid.) ; — Volfius demande l'extension de cette mesure à la cour
Srovisoire de Dijon (20 octobre, p. 394); — Dufraisse-uchey en propose l'application à toutes les chambres de vacation (ibid.)', — Muguet demande l'ordre du jour qui est adopte (ibid.).
Dénonciation par le président du département des Bouches-du-Rhône d'un discours prononcé devant le parlement d'Aix, le 27 décembre 1789 (5 octobre, p. 445); — renvoi au comité des recherches (ibid.).
Communication du garde des sceaux relative à la manière dont les chambres de vacations dos parlements de Rouen, Bordeaux, Douay, Nancy, Grenoble, Toulouse et le conseil supérieur de Colmar ont reçu le décret de suppression de toute l'ancienne hiérarchie judiciaire (ibid. p. 469); — protestation de Robespierre contre un arrêté insurrectionnel de la chambre des vacations du parlement de Toulouse (ibid.) ;
— renvoi au comité des rapports de la lettre du garde des sceaux et des pièces y annexées (ibid.).
Motion nouvelle de Volfius tendant à autoriser la cour provisoire de Dijon à continuer ses séances jusqu'au 15 octobre (ibid. et p. suiv.); — adoption (ibid p. 470).
Lettre de la municipalité d'Aix relative à l'apposition des scellés sur les archives du parlement de cette ville (8 octobre, p. 501); —renvoi au comité de Constitution (ibid.).
Annulation d'un arrêt rendu par la chambre des vacations du parlement de Toulouse (ibid. p. 510).
— Rapport par de Broglie sur deux arrêtés de ce parlement (ibid. p. 513 et suiv.); — projet de décret (ibid. p. 515); — discussion : Maury, Alexandre de Lameth, Roger, Madier de Montjau, Duval d'Epré-mesni!, de Mirabeau, abbé Lamastres, de Menou (ibid.); — adoption (ibid.). — Texte des arrêtés incriminés (p. 516 et suiv.). — Opinion, imprimée à part, de Madier de Montjau (p. 517 et suiv.).
Darnaudat annonce que la transcription du décret concernant les nouveaux tribunaux a été faite avec le plus grand ordre par la chambre des vacations du parlement de Pau (9 octobre, p. 527).
Poignot, député du tiers état de la ville de Paris, membre du comité des monnaies (t. XIX, p. 16). — Parle sur la dette publique (p. 314], (p. 507 et suiv.), (p. 508).
— Fait un rapport sur un projet de canal (p. 718 et suiv.).
nationale et d'un tribunal de cassation (p. 469). — Parle sur la contribution foncière (p. 650), (p. 686).
Projet de décret présenté par Gossin au sujet d'une disposition du décret sur l'organisation judiciaire, dont la ville de Lyon réclame le bénéfice (5 octobre, p. 445) ; — adoption (ibid.) ; — mémo réclamation faite par Nairac pour la ville de Bordeaux (ibid.); — adoption (ibid.)-
Décret relatif au nombre des juges de paix de Rouen, de Dieppe et du Havre, est aux tribunaux de commerce de ces trois villes (8 octobre, p. 502).
Articles additionnels aux décrets rendus sur l'organisation des tribunaux, présentés par Thouret et adoptés sans discussion (12 octobre, p. 544 et suiv.).
— sur la contribution foncière (p. 462), — sur la justice de paix (p. 609), — sur la constitution civile du clergé (p. 685), — sur le procès-verbal (p. 769).
Princes-apanagistes. Projet de décret y relatif (11 octobre 1790, t. XIX, p. 534) ; — adoption (ibid.).
— Fait un rapport sur la question des logements des tribunaux et des corps administratifs (p. 395 et suiv.).
— Parle sur les pensions des religieux (p. 431). — Défend son rapport (p. 670), (p. 671). — Demande le renvoi au directoire du département de la Moselle de 2,000 francs destinés aux victimes de l'affaire de Nancy (p. 718).
p. 434) ; — Madier de Montjau (20 octobre, p. 736) ;
— de Virieu (21 octobre, p. 744).
— renvoi au comité des finances (ibid.).
— Parle sur le traitement des religieuses (p. 121 et suiv.), — sur la contribution foncière (p. 155), — sur la gabelle (p. 431), — sur les frais de démolition de la Bastille (p. 434)f — sur l'attribution d'une juridiction contentieuse aux corps administratifs touchant la perception des impositions (p. 472), — sur les assignats (p. 508), — sur la contribution foncière p. 591), — sur les religieux de Cluny (p. 689), — sur l'affaire de Brest (p. 728). — Demande qu'on condamne Guilhermy à trois jours d'arrêts (p. 748). — Parle sur la contribution personnelle (p. 771 et suiv.).
| p. 193), (p. 194 et suiv.).
— art. 28 à 36 (18 septembre, p. 66 et suiv.); — adoption (ibid.);— discussion sur le titreII : Treilhard, Regnaud (de Saint-Jean-d'Angély), abbé de Montesquiou, Briois de Beaumetz (21 septembre, p. 121 et suiv.); — adoption de l'art. 1er (ibid. p. 122); — art. 2,3 et 4 : Treilhard, abbé Bourdon (23 septembre, p. 176); — adoption (ibid.) ;— art. 5 : abbé Gouttes, Martineau (ibid.) ; — adoption (ibid.) ; — art. 6 à 19 : adoption sans discussion (25 septembre, p. 239 et suiv.); — art. 20: Fréteau, adoption [ibid. p. 240);
— art. 21 : abbé Bourdon, abbé Gouttes, abbé de Bonnefoy, Martineau, Camus (ibid.) ; — adoption de l'article amendé (ibid.); — adoption de l'art. 22 et de deux articles additionnels devenant les articles 23 et 24 (ibid.y, — ancien article 23 devenant l'article 25 : abbé de Bonnefoy, abbé Landrin, abbé Gouttes (ibid. et p. suiv.) ; — adoption de cet article et des deux suivants (ibid. p. 241); — titre III, article 1er : Du Châtel et, Prugnon (4 octobre, p. 431) ; — adoption de l'article amendé (ibid. p. 432); — articles 2 à 9 : adoption (ibid.) ; — article additionnel proposé par Prieur (ibid.); — adoption et ajournement de la rédaction (ibid.) ; — modifications des articles 1, 4 et 5 proposées par Treilhard (ibid.); — adoption (ibid.) ; — modification proposée par Treilhard à l'article 5 du titre II (5 octobre, p. 445); — adoption (ibid.); — rétablissement de mots supprimés dans l'article 21 du même titre (8 octobre, p. 502).
Projet de décret présenté par Lanjuinais et concernant les-religieux de Cluny accusés de malversations (19 octobre, p. 689) ; — discussion : Regnaud (de Saint-Jean-d'Angély),illo\ig\ns (ibid.); — adoption (ibid. et p. sui/.).
clergé d'Alsace (p. 676 et suiv.), — sur la contribution foncière (p. 686), — sur un projet de canal (p. 725 et suiv.), — sur les élections municipales d'Huningue (p. 755), — sur la contribution personnelle (p. 763), (p. 771).
— sur l'enlèvement des grains à Soissons (p. 175),
— sur l'arrêté de la chambre des vacations de Toulouse (p. 469), — sur la contribution personnelle (p. 771).
— sur la contribuîion foncière (p. 589), (p. 591), (p. 668), (p. 67-i), (p. 686), — sur un propos attribué à Guilhermy (p. 747), (p. 748), —sur la contribution personnelle (p. 672 et suiv.), (p. 763), (p. 771), (p. 772).
Villemotte, directeur du manège du roi, demande une indemnité de 80,000 francs pour la perte que lui fait éprouver l'établissement de l'Assemblée nationale (16 octobre, p. 666) — renvoi aux comités réunis des domaines et de liquidation (ibid.).
Chabroud propose le renvoi à une séance du matin de la lecture du rapport sur les journées des 5 et 6 octobre, les séances du soir étant plus tumultueuses que les autres (22 septembre, p. 139).
D'André demande que les séances ne commencent
. qu'à midi (22 octobre, p. 761) ; — un autre membre propose d'ordonner un appel nominal tous les jours à dix heures, pour faire connaître les noms des membres inexacts (ibid.) ; — ordre du jour (ibid.) ; — le Président (Merlin), selon le dcsir de plusieurs membres, propose de fixer une heure à laquelle s'ouvriront à l'avenir les séances (ibid. p. 763) ; — La Ré-veillère-Lépeaux demande de conserver l'heure ordinaire d'ouverture (ibid.)', — le Président adjure l'Assemblée d'être en nombre le lendemain à 9 heures (ibid.).
— renvoi au comité de Constitution sur la demande de Faydel (ibid.).
— abbé Bourdon, Goupilleau et Vieillard (de Saint-Là)
_ (9 octobre, p. 528).
Sinéty (De), député de la noblesse de la sénéchaussée de Marseille. Parle sur la contribution foncière (t. XIX, p. 493).
l'organisation judiciaire (p. 544 et suiv.)", — un projet de décret contenant règlement pour la procédure en justice de paix (p. 605 et suiv.), — des articles additionnels au titre II de ce projet (p. 684).
Treilhard, député du tiers état de la ville de Paris. Présente et défend le projet de décret sur le traitement des ordres religieux (t. XIX, p. 121), (p. 176).
— Parle sur les biens nationaux (p. 604), — sur la constitution civile du clergé (p. 685).
Projets de décret présentés par Cernon sur les états à fournir au comité des finances (30 octobre, p. 425),
— sur le versement par la caisse d'escompte d'une somme de ISmillions pour les besoins d'octobre (ibid.) ;
— adoption (ibid.).
Rapport par Lebrun sur l'état et les besoins du Trésor public (13 octobre, p. 585 et suiv.); — projet de décret (ibid. p. 588); — discussion: Goupilleau, d'André, Lebrun (ibid.)', — adoption dbid ).
Motion de Saint-Martin relative au rapport sur la direction du Trésor public (21 octobre, p. 740); — Gaultier de Biauzat demande que les comités de Constitution, des finances et d'imposition fassent ce rapport le lendemain (ibid.); —l'Assemblée en fixe au 24 le dépôt (ibid.). Voir Débiteurs.
— ajournement à huitaine (ibid.).
Rœderer demande le renvoi au comité de Constitution d'une pétition de la ville de Longwy tendant à faire de cette ville le siège du tribunal placé à Longuyon (ibid.); — Vieillard parle contre (ibid.)',
— ordre du jour (ibid.).
Adoption d'un projet de décret présenté par Gossin pour la convocation des citoyens actifs de Montauban afin de procéder au choix des électeurs devant concourir avec ceux des autres cantons du district à l'élection des juges (16 septembre 1790, p. 20).
Présentation par Lemercier d'une modification à l'art. 7 du décret du 2 septembre 1789 qui exclut les membres des directoires des nouveaux tribunaux (8 octobre, p. 501 et suiv.); — ordre du jour (ibid. p. 502).
(ibid.); —adoption de l'article40 amendé parMoreau et des articles 41 et 42 (ibid.)]—ajournement de l'article 43(ibid.); — adoption des articles 44et4o, devenus les articles43 et 44 (ibid.); — article46devenu lé45: ajournement d'un amendement proposé par Murinais et adoption de l'article^îftîÉ/.); — adoption des articles47 à 63 devenus les articles 46 kfffîibid. etp. suiv.);—ajournement de l'article 64 devenu l'article 63,sur la proposition de Prieur(iôi'(f.p. 143); — adoption des articles 65 à 75 devenus lés articles 63 à 73 (ibid. et p. suiv.); — ajourne'méntdes articles 76 et77devenus 74 et 75(ibid. p.144); —adoption des articles 78 a 81, devenus 74 à 77 (ibid.); — adoption de l'article 82, devenu le 78", amendé par Fréteau (ibid. p. 144); —adoption des articles 83 à 94 devenus 79 à 90(ibid.).
Tronchet, député du tiers état de la ville de Paris. Parle sur les biens nationaux (t.XIX, p.604), — sur la contribution foncière (p. 649),(p. 650),—sur les biens nationaux (p. 654).
Earticuliers et du roi par des braconniers (18 septem-
re 1790, t. XIX, p. 47); — renvoi aux comités des domaines et de féodalité sur la proposition de Re-gnaud (deSaint-Jean-d'Angëly) (ibid.); — rapport par Barrère (ibid. p. 61) ; — discussion : Muguet, Charles de Lameth, Fréteau (ibid. p. 61 et suiv.); — décret (ibid. p. 62).
Rapport par de Curt sur les troubles de Brest (20 septembre,p. 92) ; — discussion : de Montcalm, de Curt, Duquesnoy, de Reynaud, Barnave, d'Ëstourmel (ibid. et p. suiv.); — décret (ibid. p. 93).
Lettre des membres du directoire du département de Seine-et-Oise sur les prétendues déprédations commises à Versailles (27 septembre, p. 283); — Bouche demande que cette lettre soit présentée au roi, et l'abbé Latyl qu'elle soit imprimée (ibid.); — décret conforme (ibid.); — suspension de ce décret à la suite de la lecture d'une lettre de Berthier, commandant de la garde nationale de Versailles (29 septembre, p. 309 et suiv.)j — lettre de la municipalité de Versailles (30 septembre, p. 322).
Lettre des officiers municipaux et du conseil général de la commune de Niort, relative aux troubles de celte ville (l8r octobre, p. 338); — renvoi au comité des recherches (ibid.).
Adresse de la Société patriotique des amis de la Constitution d'Avignon (3 octobre, p. 420 et suiv.); — lettre du comité militaire d'Avignon (ibid. p. 421.)
Pièces déposées par d'André sur des troubles à Marseille (6 octobre, p. 471 et suiv.); — renvoi au comité des rapports (ibid. p. 472); —renseignements contradictoires donnés par Castellanet (7 octobre, p. 492) ; — réponse de d'André (ibid.).
Rapport par Rousselet sur les troubles de Niort (9 octobre, p. 528); — décret (ibid.).
Lettre de La Luzerne sur les événements de Brest (10 octobre, p. 532; — débat sur sa lecture: Fréteau, d'Ëstourmel, Montlosier, de Folleville, de Menonville, Dubois-Crancé, Malouet, Fréteau, (ibid.); — lecture de cette lettre (ibid.); — renvoi au comité de la marine (ibid.).
Durand de Maillane demande que l'on statue rapidement sur l'affaire d'Avignon (la réunion à la France) (17 octobre, p, 677): — l'Assemblée décide que ce rapport sera fait incessamment (ibid.). Voir Nancy.
— Parle sur la contribution foncière (p. 477 et suiv).
— Présente des projets de décret sur un emprunt d'intérêt local (p. 644), — sur les impositions dans le département de la Moselle (p. 691 et suiv.), — sur la vente du sel (p. 727 et suiv.), — sur la situation d'un trésorier reliquataire de 424,617 livres (p. 742).
— est rappelé à l'ordre (p. 744).
Voidel, député du tiers état du bailliage de Sarregue-mines. Fait un rapport sur des obstacles apportés à l'enlèvement des grains à Soissons (t. XIX, p. 175). — Dénonce un curé de la Flandre maritime (p. 310.) — Fait un rapport sur les délits causés au canal de Languedoc (p. 487).
Projet de décret présenté par le même sur une contestation entre le département de Seine-et-Marne et la commune de Maincy au sujet d'une route (ibid. p. suiv.); — adoption (ibid. p. 493).
fin de la table alphabétique et analytique du tomé xix.
Paris. — Imprimerie PAUL DUPONT, 41, rue Jean-Jacques-Rousseau (Cl.) 4.9.S4,