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ARCHIVES PARLEMENTAIRES
Paris. — Imprimerie PAUL DUPONT, 4, rue du Bouloi (Cl.) 7.2 95
ARCHIVES RARLEMENTAIRES DE 1787 A 1860
RECUEIL COMPLET DÉBATS LÉGISLATIFS & POLITIQUES DES CHAMBRES FRANÇAISES IMPRIMÉ PAR ORDRE DU SÉNAT ET DE LA CHAMBRE DES DÉPUTÉS SOUS LA DIRECTION DE M. J. MAVIDAL CHEF HONORAIRE DU BUREAU DES PROCÈS-VERBAUX, DE L'EXPÉDITION DES LOIS, DES PÉTITIONS, DES IMPRESSIONS ET DISTRIBUTIONS DE LA CHAMBRE DES DÉPUTES ET DE M. E. LAURENT BIBLIOTHÉCAIRE DE LA CHAMBRE DES DÉPUTÉS AVEC LA COLLABORATION DE MM. LOUIS CLAVEAU ET CONSTANT PIONNIER
PREMIÈRE SÉRIE (1787 à 1799) TOME XLV DU 9 JUIN 1792 AU MATIN, AD 30 JUIN 1792 AU MATIN
PARIS IMPRIMERIE ET LIBRAIRIE ADMINISTRATIVES ET DES CHEMINS DE FER PAUL DUPONT, Éditeur. 4, RUE DU BOULOI, 4
1895
Séance du
PRÉSIDENCE DE M. TARDIVE AU.
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
, secrétaire, donne lecture des procès-verbaux des séances du Mercredi 6 juin 1792, au matin et au soir, et de la séance du vendredi 8 juin 1792, au soir, dont les rédactions sont adoptées.
, secrétaire, donne lecture des lettres, adresses et pétitions suivantes :
1° Lettre de M. Roland, ministre de l'intérieur, qui sollicite un décret qui prononce d'une manière générale sur l'emploi au seizième revenant aux villes et communautés, dans les reventes par elles faites des domaines nationaux.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de l'extraordjnaire des finances.)
2° Lettre de M. Roland, ministre de l'intérieur, qui transmet à l'Assemblée la demande du département du Nord, d'accorder, à titre de prêt, a l'hôpital de Douai, une somme de 120,000 livres ou environ, restant du produit des biens que possédaient les ci-devant jésuites dans les Pays-Bas autrichiens.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de l'ordinaire des finances.)
3° Lettre de M. Roland, ministre de l'intérieur, qui rappelle à l'Assemblée la demande de la compagnie charitable qui s'occupe à Paris de l'assistance des prisonniers, d'obtenir le payement des avances qu'elle fait pour le blanchissage, entretien et achat dé linge nécessaire à ces prisonniers.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de l'ordinaire des finances.)
4° Lettre de M. Roland, ministre de l'intérieur, qui propose d'autoriser par un décret la délibé-
ration du conseil général de la commune d'Is-soire, tendant à l'acquisition d'un terrain appartenant ci-devant aux religieuses de Notre-Dame de cette ville.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de l'extraordinaire des finances.)
5° Lettre de M. Roland, ministre de l'intérieur, qui transmet une lettre du directoire du département du Tarn relative aux dépenses du culte.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de l'ordinaire des finances.)
6° Lettre de Af. Roland, ministre de l'intérieur, qui presse l'Assemblée de s'occuper d'un rapport que son prédécesseur lui a adressé le 27 février, relatif aux dépenses générales du culte.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de l'ordinaire des finances.)
7° Lettre de M. Duranthon, ministre de la justice, qui représente de nouveau à l'Assemblée la nécessité de porter à sept le nombre des juges dans chacun des tribunaux d'arrondissement de Paris, pour remplacer par cette augmentation ceux qui sont de service près du tribunal criminel ou du tribunal d'appel de police correctionnelle.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de législation.)
8° Lettre de M. Servan, ministre de la guerre,
3ui fait part d'une difficulté qui s'est élevée ans les cours martiales de l'armée relativement) au mode d'exécution de ces tribunaux militaires. Il demande une prompte décision sur la question de savoir comment les condamnations à mort doivent être exécutées dans l'armée Le ministre observe qu'il serait très long et très dispendieux de se servir dans les camps de la nouvelle machine adoptée f our la décolation.
(L'Assemblée renvoie cette lettre aux comités militaire et de législation réunis.)
9° Lettre de M. Sernan, ministre de la guerre relative à l'habillement du 3e bataillon des gardes nationales volontaires du département de rOise.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité militaire.)
10° Lettre du directoire du département de VAllier qui prie l'Assemblée de prendre incessamment un parti sur les forêts nationales, à cause des dévastations qui s'y commettent journellement.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité des domaines.)
11° Lettre du directoire du département du Gers qui réitère la demande d'un juge de paix de plus dans la ville d'Auch.
(L'Assemblée renvoie cette lettre aux comités de législation et de division réunis.)
12° Lettre des administrateurs du directoire du département de la Haute-Marne qui instruit l'Assemblée de l'acte généreux de M. Vincent, commandant du bataillon de la garde nationale du canton de Montiérender, qui vient d'armer et d'équiper à ses frais deux grenadiers de ce ba -taillon, et de prendre devant la municipalité de cette ville l'engagement de donner à chacun de ces grenadiers une somme de 100 livres, s'ils sont blessés en défendant la patrie pendant la guerre actuelle.
(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable au procès-verbal de l'acte généreux de M. Vincent.)
, procureur-syndic du district de Béarnaisy est admis à la barre; il s'exprime ainsi :
Messieurs, appelé momentanément ici par des affaires personnelles, je m'estime heureux de pouvoir profiter de cette occasion pour présenter devant vous, au noim de mes collègues et au mien, l'hommage de l'offrande que le directoire du district de Beauvais fait à la patrie pour les frais de la guerre. Elle est de 500 livres, dont 100 livres en numéraire sont dues à la générosité de celui qui a Drésidé depuis 3 ans ce directoire, avec un zèle auquel je dois un hommage public. (Applaudissements;)
accorde à M. Danjou les honneurs de la séance.
Une députation de jeunes enfants, accompagnés de leur instituteur, est admise à la barre. Ils déposent sur le bureau 63 livres 11 sois en assignats. (Applaudissements.)
accorde à la députation les honneurs de la séance.
(L'Assemblée accepte ces offrandes et en décrète la mention honorable au procès-verbal dont un extrait sera remis aux donateurs.)
. Messieurs, voici une déclaration de négociants et d'armateurs de Vile de Guernesey qui renoncent à armer aucun navire pour aller en course contre les. vaisseaux français, aussi longtemps que la nation anglaise sera en paix avec la France. Tout porte à croire que cette pièce est authentique, car à cette déclaration est joint un acte d'un notaire de Guernesey qui atteste l'authencité des signatures. Elle a été imprimée par ordre de la municipalité de Saint-Malo.
Plusieurs membres : Lisez! Lisez!
, secrétaire, donne lecture dé cette pièce qui est ainsi conçue : Déclaration des négociants de l'île de Guernesey.
: « Les négociants soussignés de l'île de Guernesey, ayant pris en considération les rapports
calomnieux qui se propagent et qui ont pour but de faire croire qu'ils saisiraient l'occasion favorable des circonstances pour s'enrichir aux dépens de la France, en armant des corsaires sous le pavillon de ses ennemis;
« Considérant que le nombre des navires propres à cet armement, qui est à leur dispositions, l'activité connue des habitants dans les dernières guerres et la situation avantageuse de cette île sembleraient justifier une pareille imputation, si elle n'était désavouée formellement;
« (Considérant surtout qu'un armement contre la France serait aussi criminel aujourd'hui, en ce qu'il pourrait compromettre la mère-patrie, qu'il était autrefois légal et une preuve de leur attachement pour cette même patrie, quand elle se trouvait en guerre;
Ont résolu jle repousser une calomnie aussi atroce par une déclaration formelle de leurs sentiments; ils déclarent :
« Qu'ils renoncent à toute espèce d'avantage et de considération d'intérêt que présentent d'une manière peut-être facile, mais assurément infâme, des entreprises sur le commerce de leurs voisins;
« Qu'ils s'engagent solennellement à ne point s'intéresser directement ni indirectement dans aucun armement hostile contre la France .pendant que l'Angleterre serait en paix avec elle. » (Applaudissements.)
« Guernesey, er
mai 1792
(Suivent les signatures.)
Un membre : Je demande l'insertion de cette déclaration au procès-verbal avec mention honorable.
Un autre membre : Je m'oppose à l'insertion parce que cette pièce me paraît très suspecte.
(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable au procès-verbal de la déclaration des négociants de l'île de Guernesey.)
. Vous avez décrété que le ministre des contributions publiques vous rendrait compte, dans 3 jours, de l'état du recouvrement des impositions dans la ville de Paris; il ne l'a pas fait. INfous savons que les contributions de la ville de Paris, dans l'ordre actuel, sont insuffisantes pour ses dépenses; qu'il faudra que l'Etat vienne à son secours, et par conséquent les départements. En effet, si cette ville qui est en retard dé 2 années pour la confection de ses rôles, persiste dans la lenteur de son exécution à les former, si le ministre la laisse dans cet état de repôs et de non-payement, il s'ensuivra que nos départements devront payer pour Pari£. non seulement ce qu'il faudra à celte ville au-delà de. ses contributions, mais ses contributions toutes entières. Gomme cette marché ne peut s'accommoder avec l'intérêt de nos commettants, je demande que le ministre des contributions publique? nous rende séance tenante le compte que nous lui avons demandé.
Un membre : L'ordre du jour; les délais ne sont pas encore expirés !
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
Un de MM. les secrétaires, annonceles dons patriotiques suivants :
1° M. Charles-François Letellier, citoyen de la section des Invalides, qui a offert 24 livres en
numéraire le 4 mai dernier et qui avait promis d'envoyer chaque mois 3 livres en numéraire, «nvoie 3 livres pour le premier mois ;
2° La compagnie des grenadiers d'un des bataillons des gardes nationales dit de l'Ource, canton de Landreville, district de Bar-sur-Seine, département de l'Aube, offre 300 livres en assignats;
3° Les Amis de la Constitution du Faouet, chef-lieu de district, département du Morbihan, envoient 120 livres en assignats ;
4° Les enfants de chœur de l'église cathédrale paroissiale de Vannes, chef-lieu du département du Morbihan, envoient 15 livres en assignats;
5° Le président du tribunal criminel du départe-
ment de VAude annonce qu'il prend l'engagement de compter incessamment à la municipalité de Carcassonne la somme de 120 livres ;
6° Les administrateurs du directoire du district, le procureur-syndic et le receveur du district de Crëpy envoient 410 livres en assignats.
(L'Assemblée accepte toutes ces offrandes avec les plus vifs applaudissëmentS et en décrète là mention honorable au procès-verbal dont un extrait sera remis aux donateurs.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une note des décrets sanctionnés par le roi ou dont Sa Majesté a ordonné l'exécution; elle est ainsi conçue :
« Le ministre de la justice a l'honneur d'adresser b Monsieur le President de "Assemble natio- nal la note des decrets sanctionncs par le roi, ou dont Sa Majeste a ordonne 1'execution.
dates des décrets.
23 mai 1792. 29 mai 1792.
29 mai 1792.
29 mai 1792.
29 mai 1792.
29 mai 1792. 29 mai 17H2. 29 mai 1792.
29 mai 1792. 29 mai 17923
de la justice a l'honneur d'adresser à Monsieur le Président de "Assemblée natio-décrèts sanctionnés par le roi, ou dont Sa Majesté a ordonné l'exécution.
dates de leur
présentation a la sanction.
2 juin 1792.
2 juin 1792.
2 juin 1792.
2 juin 1792.
2 juin 1792. 2 juin 1792. 2 juin 1792.
2 juin 1792. 2 juin 1792.
titre des décrets.
Décret relatif au logement et casernement des troupes.
Décret qui autorise les citoyens au-dessus de 50ans, à continuer leur service dans le bataillon des vétérans.
Décret relatif aux secours à accorder aux collèges qui ont essuyé des pertes par la suppression des dîmes et des droits féodaux.
Décret qui accorde un traitement de 6,000 livres à chaque commissaire du roi chargé de surveiller la confection des assignats.
Décret qui fixe les indemnités à accorder aux témoins assignés à comparaître devant la haute cour nationale.
Décret relatif à des expériences à faire de la poudre du sieur Veyland-Stalh.,
Décret relatif à la fabrication de la monnaie provenant du métal des cloches.
Décret relatif à la nomination de 4 officiers généraux pris parmi les officiers étrangers qui s'ofîriraient de servir pour la cause de la liberté.
Décret relatif au nombre de jurés que l'accusé peut récuser.
Décret concernant l'acte d'accusation contre le sieur Etienne Larivière, juge de paix de la section de Henri IV.
« A Paris, le 1er juin 1792, l'an IVe de la liberté.
« Signé : DURANTHON. »
dates des sanctions.
6 juin 1792.
6 juin 1792.
6 juin 1792.
6 juin 1792.
6 juin 1792. 6 juin 1792. 6 juin 1792.
6 juin 1792. 6 juin 1792.
Le roi en a ordonné l'exécution le 5 juin 1792.
Un membre demande que lorsque les sieurs fieauregard et Champion, commissaires civils et les sieurs Le fort et Folney, commandants à Avignon, seront introduits à la barre, il leur soit fait par le Président une série de questions à laquelle ils seront tenus de répondre (1).
(L'Assemblée décrète cette proposition.)
re série, t.
XLIV, séance du vendredi 8 juin 1792, page 712, le décret rendu à ce sujet.
(L'Assemblée décrète cette proposition.)
re série,
tome XLII, séance au 28 avril 1792, page 500, le rapport et le,pn> jet de décret relatif au
sieur Leteneur.
(L'Assemblée décrète cette proposition.)
. J'ai à me plaindre à l'Assemblée de la lenteur que les tribunaux apportent dans l'expédition des procédures criminelles qui sont instruites suivant les anciennes formes et je pense que cette lenteur est due en grande partie aux accusateurs publics provisoires qui reçoivent un traitement pendant la durée de leurs fonctions. Je demande en conséquence : 1° que le ministre de la justice, conformément à un décret rendu depuis longtemps et non encore exécuté, rende compte de l'état où se trouvent ces procédures; 2° que les tribunaux de district ne prennent pas de vacances jusqu'à ce que ces procédures aient été jugées; 3° que les accusateurs publics provisoires ne reçoivent d'honoraires qu'à proportion du travail qu'ils auront fait pour hâter ces jugements.
(L'Assemblée décrète la première proposition de M. Duhem et renvoie les deux autres au comité de législation.)
. Vous avez déjà entendu une adresse de 500 citoyens de la ville et du district de Belfort, parmi lesquels se trouve un grand nombre d'officiers municipaux et d'officiers décorés, dont le patriotisme est personnellement reconnu. Ils vous dénoncent l'agiotage dont les manœuvres tendent au renchérissement universel des denrées, et l'aristocratie stupide ou l'avarice des gens d'affaires qui refusent de recevoir les assignats en payements et de faire aucun appoint. Ils ont demandé au département une plus grande quantité de monnaie de billon, ou bien l'établissement d'une caisse de billets de confiance. La distribution de monnaie de billon, faite en vertu de vos décrets, ne peut pasêtre changée.D'un autre côté, l'établissement d'une caisse de confiance devient absolument impossible dans ces départements, parce que la confiance y est absolument détruite; Je ne vois donc d'autres moyens de faire droit a cette pétition que d'adopter le décret suivant :
« L'Assemblée nationale, considérant que le défaut d'une monnaie d'échange se fait plus particulièrementsentir sur les frontières, et qu'il est d'autant plus instant d'y pourvoir, qu'une monnaie quelconque faciliterait infiniment l'approvisionnement des armées, déclaré qu'il y a urgence.
s « L'Assemblée nationale, après avoir déclaré l'urgence, décrète :
« Qu'aufur et à mesure que les_ assignats de petite coupure sortiront de la fabrication, il en sera fourni d'abord aux cinq départements du Nord, des Ardennes, de la Moselle et du Haut et Ëas-Rhin, une quantité suffisante à établir des caisses d'échange; et proportionnée au contingent à revenir aux autres départements du royaume. » Plusieurs membres: La question préalable! Un membre observe que la perte qu'éprouvent les assignats dans les villes frontières provient, en grande partie, de l'agiotage qu'on y exerce et de ce qu on y accapare les assignats de petite valeur. Il demande le renvoi de la pétition et du projet de décret aux comités de surveillance et des assignats et monnaies réunis.
(L'Assemblée renvoie la pétition aux comités de surveillance et des assignats et monnaies réunis.)
Un membre demande que l'on mette à l'ordre du jour la suite du rapport du comité des Douze sur les troubles de l'intérieur.
(L'Assemblée décrète que la suite de ce rapport sera mise à l'ordre du jour des premiers jours de la semaine prochaine.)
, au nom du comité de division, fait la seconde lecture d'un projet de décret relatif à l'établissement d'un troisième juge de paix dans la ville de Versailles (1) ; le projet de décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, sur le rapport de son comité de division, décrète ce qui suit :
« Il y aura un troisième juge de paix dans la ville de Versailles : le directoire du département est chargé de fixer son arrondissement après l'avis du directoire de district. »
(L'Assemblée ajourne à huitaine la troisième lecture de ce projet de décret.)
, au nom du comité de division, présente uu projet de décret sur la réclamation de la commune a'Ustarilx, contre un arrêté du dépar~ tement des Basses-*Pyrénées, du 7 novembre dernier ; il est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de division, sur la réclamation faite parla commune d'Ustaritz contre un arrêté du département des Basses-Pyrénées, du 7 novembre 1791, par lequel, reformant ceux qu'il avait précédemment pris les 26 août et 31 octobre audit an, il a autorisé le directoire du district dudit Ustaritz à tenir ses séances à Bayonne, contre les dispositions du décret de l'Assemblée nationale constituante, du 26 février 1790, renvoie cette affaire au pouvoir exécutif, pour y être statué ainsi qu'il appartiendra, sauf ensuite le recours au Corps législatif, s'il y a lieu. »
(L'Assemblée adopte le projet de décret.)
, au nom du comité de l'ordinaire des finances, fait un rapport et présente un projet de décret (2) sur une transaction passée entre l'agent du Trésor public et le sieur Roues-sart, ci-devant trésorier de la guerre à Rennes ; il s'exprime ainsi :
Messieurs, le sieur Rouessart, ci-devant trésorier de la guerre à Rennes, se trouva, en l'année 1789, débiteur envers le Trésor public d'une somme de 1,469.000 livres.
Pour faciliter les opérations du service dont il était chargé en cette qualité de trésorier principal de la guerre à Rennes,, il avait formé des liaisons avec des banquiers et gens d'affaires à Paris; il leur avait donné une grande confiance ; et ce furent les suites de ces liaisons et dé cette confiance qui portèrent tout à coup à un poids si considérable la masse du débet du sieur Rouessart.
L'un de ses correspondants, le sieur Duvernoi, banquier à Paris, cessa ses payements au
mois de décembre 1789, et il devait des sommes assez considérables au sieur Rouessart.
Celui-ci, pour s'acquitter envers le Trésor public, offrit à l'administration des finances
tout ce qu'il possédait,-il remit des titres et des effets pour une somme d'environ 1,461,820
livres; il en fit le transport
er série, t.
XLIV, séance du 29 mai 1792, page 263, la première lecture de ce projet de décret.
Ainsi le sieur Rouessart, en se chargeant de la plus ample garantie, relativement à la légitimité et à la valeur des effets et des titres par lui transportés, restait toujours débiteur des sommes qui n'avaient pas encore été recouvrées par le Trésor public en vertu des titres transportés.
Sur les 1,461,820 livres cédées par le sieur Rouessart, il n'a encore été récupéré que87,684livres; le recouvrement du surplus exigera dés poursuites contre les débiteurs. Il en a déjà été exercé d'infructueuses, et le sieur Rouessart ne peut pas se dissimuler que les effets et les titres par lui cédés au Trésor public tombent, pour une grande partie, sur des personnes insolvables-, en sorte que la garantie à laquelle il s'est soumis l'expose à être poursuivi personnellement au payement des sommes qu'il a transportées.
Pour se tirer de cet embarras et se faire décharger de la garantie dont il est grevé, le sieur Rouessart s'est adressé aux commissaires de la Trésorerie nationale, et leur a proposé de verser à l'instant au Trésor public une somme de 100,000 livres, à condition que la nation renoncerait à exercer contre lui, pour raison des effets et titres par lui cédés par l'acte du 9 janvier 1790, aucune autre garantie que celle de droit, qui consiste à garantir que ces effets et titres lui appartenaient lorsqu'il les a cédés.
Les commissaires de la Trésorerie nationale, déterminés par la considération que le sieur Rouessart s'est dépouillé de la presque totalité de sa fortune pour s'acquitter envers le Trésor public; que c'est par l'efletde plusieurs circonstances malheureuses, et non par des malversations, qu'il s'est trouvé débiteur envers la nation ; que d'ailleurs le sieur Rouessart, après avoir cédé tous les effets et valeurs qui étaient en sa possession, ne pourrait fournir qu'une très faible garantie, et que cette garantie ne serait peut-être d'aucun avantage pour la nation, ont accepté les propositions du sieur Rouessart, et ont chargé l'agent du Trésor public de les consigner et de les faire rédiger dans une transaction qui a été passée par-devant notaires le 22 mars dernier.
Cette transaction porte que les commissaires de la Trésorerie nationale renoncent à exercer, au nom de la nation, contre le sieur Rouessart, pour raison des objets par lui cédés par l'acte au 9 janvier 1790, aucune autre garantie que celle de droit; qu'ils se désistent aussi des réserves sous lesquelles le transport avait été accepté, en ce qu'elles portent sur sa personne ét sur les biens qu'il pourra posséder à l'avenir; et réciproquement le sieur Rouessart renonce à tôute répétition contre le Trésor public pour raison d'opérations qu'il aurait faites dans les différentes fonctions que le gouvernement lui avait confiées, et surtout pour achat die grains ordonné par l'administration.
Les commissaires de la Trésorerie nationale étaient autorisés à faire cette transaction par l'article 5 du décret du 27 août 1791; mais, d'après les termes même de ce décret, la transaction ne peut avoir d'effet qu'après l'approbation du Corps législatif.
Elle a été adressée à l'Assemblée nationale le 2 avril dernier, et renvoyée à votre comité de l'ordinaire des finances pour vous en faire le rapport.
Votre comité a pensé que les motifs qui avaient déterminé les commissaires de la Tréso-
rerie nationale à transiger, devaient aussi vous déterminer à approuver la transaction ; il a vu dans le sieur Rouessart un débiteur de bonne foi, que des circonstances fâcheuses ont réduit à l'état de détresse où il se trouve, et dont le malheur a été causé en partie par les prévarications et les abus d'autorité des agents de l'ancien régime. 11 est nécessaire de vous dire un mot à ce sujet.
Le sieur Rouessart était créancier du sieur Monistrol d'une somme de 300,000livres; il avait dirigé contre ce dernier des poursuites, et avait obtenu une contrainte tant contre le sieur Monistrol que contre son épouse. Les délais expirés, et les sieur et dame Monistrol ne payant pas, ils furent arrêtés à Paris, le 23 janvier 1784, et conduits à l'hôtel de La Force.
Le sieur Rouessart avait l'espoir d'être bientôt jayé des 300,000 livres que lui devaient ses dé-siteurs détenus, lorsque, dans le courant du mois de mai 1784, les sieurs et dame Monistrol furent élargis, sans s'être acquittés, et cela sur les ordres arbitraires des sieurs Breteuil et Lenoir, sollicités par la dame Polignac.
Ainsi, dans ces temps de désordre, l'on violait les droits les plus sacrés de l'homme et du citoyen, en les privant de la liberté sans cause légitime; et l'on attaquait d'un autre côté, de la manière la plus vexatoire, la fortune des citoyens, en rendant la liberté à ceux que la loi avait permis d'en priver pour un temps. Ainsi sous ce régime atroce, soit qu'on attaquât la liberté, soit que par un acte que les apparences devaient faire attribuer à l'humanité, on favorisât cette liberté, on violait également les droits sacrés de la propriété.
Vous concevez, Messieurs, qu'un déficit de 300,000 livres dans la fortune d'un citoyen, devait y causer un dérangement considérante.
Le sieur Kouessart n'a pu depuis se faire payer de cette somme, et c'est une des causes qui l'ont rendu débiteur envers le Trésor public. C'est donc à l'ancien gouvernement qu'on peut attribuer une partie du mauvais état des affaires du sieur Rouessart.
Cette considération et celles que j'ai déjà mises sous vos yeux, ont déterminé votre comité à penser que la transaction du 22 mars dernier aevaitêtre ratifiée et approuvée; eu conséquence, votre comité me charge de vous présenter le projet de décret suivant :
Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de l'ordinaire des finances sur le débet du sieur Rouessart, ancien trésorier de la guerre à Rennes, envers le Trésôr public ; et après avoir entendu aussi la lecture de la transaction passée le 22 mars dernier, par-devant Aleaume et Thion, notaires à Paris, entre ledit sieur Rouessart et l'agent du Trésor public ensuite d'une autorisation spéciale des commissaires de la Trésorerie nationale : considérant
au'il est très intéressant pour le Trésor public e jouir promptement de l'effet de cette transaction, décrète qu'il y a urgence.
Décret définitif.
«L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, considérant que c'est par le fait même des agents de l'ancien gouvernement que s'est opéré en grande partie le dérangement survenu
dans les affaires du sieur Rouessart; qu'il s'est dépouillé de la totalité de sa fortune, et a employé tous les moyens qui étaient en son pouvoir pour s'acquitter envers le .Trésor public : décrète qu'elle ratifie et approuve la transaction passée le 22 mafs dernier, par-devant Aleaume et Thiori, notaires à Paris, entre le sieur Rouessart et l'agent du Trésor public ; charge le pouvoir exécutif de la faire exécuter dans toutes les dispositions et réserves qu'elle contient. »
(L'Assemblée ordonne l'impression du rapport et du projet de décret et ajourne la discussion à huitaine.)
, au nom du comité de l'ordinaire des finances, rend compte de l'état des receltes faites par la Trésorerie nationale pendant le mois de mai 1792 et propose un projet dé décret pour ordonner leversement d'une somme de 54,166,970 livres par la caisse de l'extraordinaire dans la caisse de là Trésorerie nationale ; il s'exprime ainsi :
Messieurs, les recettes du mois dernier se sont élevées à une somme de 35 millions et vous savez que, par la loi du 18 février 1791, elles doivent s'élever par mois à une somme de 48 millions. Les dépenses extraordinaires pendant le même mois se sont élevées : celles appartenant à l'année 1791 à 1,605,826 livres; celles particulières à l'année 1792 à 37,525,466 livres et les avances à faire aux départements à 1,959,649 livres. J'observe à " cet égard que dans la somme de 35 millions de recettes, il n'y a presque rien de fourni parle département de Paris qui se trouve dans un retard véritablement coupable. Les difficultés élevées sur les rôles de 1791 ou la négligence dans leur confection sont telles que si cela continue, il est impossible quç la contribution soit en recouvrement avant 8 mois. En conséquence, Messieurs, le comité de l'ordinaire des finances m'a chargé de vous présenter le projet de décret suivant :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de l'ordinaire des finances, qui 'lui a présenté le tableau des recettes et des dépenses, tant ordinaires qu'extraordinaires, faites pendant le mois dernier, et duquel il résulte que les dépenses ordinaires ont excédé les recettes ordinaires d'une somme de 13,076,039 livres, et que les dépenses extraordinaires, réunies aux avances faites aux département, se sont élevées, à une somme de 41,090,941 livres ; considérant qu'il est très instant pour le service du Trésor public que le déficit des recettes ordinaires et le ( montant des dépenses extraordinaires soient promptement remplacés, décrète qu'il y a urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
Art. Ier.
« La caisse de l'extraordinaire versera à la Trésorerie nationale une somme de 13,076,039 livres pour remplir le déficit qui s'est trouvé sur les recettes ordinaires du mois de mai dernier.
Art. 2,
œ Il sera pareillement versé par la caisse de l'extraordinaire, à la Trésorerie nationale :
« 1° Une somme de 1,605,626 livres pour les dépenses extraordinaires appartenant à l'année 1791, acquittées par la Trésorerie nationale, dans le courant de mai dernier ;
« 2° 37,525,466 livres pour dépenses extraor-
dinaires de 1792, acquittées pendant le même mois;
« 3° Et 1,959,649 livres pour avances faites aux départements, aussi pendant le même mois. »
(L'Assemblée adopte le projet de décret.)
, au nom des comités de marine et de l'extraordinaire des finances réunis, fait un rapport (1) et présente un projet de décret (1> sur la proposition du roi, portée dam sa lettre du A de ce mois (2), contresignée pas le ministre de la marine, de mettre à la disposition de ce ministre la somme de 6,443,252 livres pour un armement extraordinaire; il s'exprime ainsi :
Messieurs, lorsque le peuple français s'impose les plus généreux sacrifices pour sauver la patrie des dangers qui l'environnent ; quand une grande nation se lève tout entière pour défendre sa Constitution et sa liberté, il est du devoir de ses représentants de seconder de si nobles efforts par tous les moyens qui peuvent assurer son triomphe et sa gloire. Déjà trois armées nombreuses sont destinées à repousser les ennemis extérieurs; la surface de l'Empire est couverte de citoyens soldats, animés du plus ardent courage; tous sont prêts à mourir, s'il le faut, pour la cause de la liberté. Mais il est encore une partie essentielle de la force publique qui doit prendre aussi l'attitude qui convient à la dignité nationale; plusieurs frégates et bâtiments léger» ont été armés pour la protection du commerce. Le roi, Messieurs, par sa lettre du 4 de ce mois, contresignée par le ministre de la marine, vous propose une plus grande mesure, que les circonstances actuelles lui ont fait juger indispensable : l'armement d'un certain nombre de vaisseaux de ligne et frégates qui nécessite une dépense extraordinaire de 6,443,252 livres. Vos comités de marine et de l'extraordinaire des finances ont examiné, chacun en ce gui les concerne, les états de dépense que le ministre de la marine a joints à la proposition du roi; ils ont pensé qu'au moment où plusieurs cabinets de l'Europe semblent s'agiter pour nous susciter de nouveaux ennemis, il était instant.de décréter les fonds nécessaires à cet armement. Dans l'état des dépenses qu'il nécessité se trouvent compris le remplacement des vivres gui doivent être successivement fournis aux bâtiments armés, en conformité des ordres du 28 avril dernier, ainsi que les frais de relâche en pays étranger et les avances à faire aux munitiohnaires des vivres. Tous ces objets ne pouvant s'acquitter qu'en numéraire, il est indispensable que le versement des fonds qui y sont destinés soit effectué de cette manière. En conséquence, vos comités me chargent de vous proposer le projet de décret suivant :
« L'Assemblée nationale, délibérant sur la proposition du roi, contre-signée par le
ministre du aéparlement de la marine, après avoir entendu le rapport de ses comités de
marine et de l'extraordinaire des financés ; considérant que dans une guerre entreprise pour
le maintien de la liberté française, il est de la dignité nationale de faire concourir
toutes les parties de la force publique à la défense d'une si belle cause ; considérant que
les circonstances commandent im-
re série,
t. XLIV, séance au 5 juin 1792, au matin, page 592, la lettre du roi.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui siiit :
« Art. 1er. Il sera versé par la caisse de l'extraordinaire
dans celle de la Trésorerie nationale la somme de 6,443,252 livres pour subvenir aux frais
de l'armement proposé par le roi.
« Art. 2.11 sera mis, dès ce moment, à la disposition du ministre de la marine la somme de 3,507,170 livres, dont 1,482,910 livres en numéraire et 2,024,260 livres en assignats.
« Art. 3. Le Trésor public fournira le surplus, sur ia demande du ministre, à raison de 489,347 livres par mois.
« Art. 4. Le pouvoir exécutif rendra compte^ chaque mois, à l'Assemblée nationale du progrès de cet armement, ainsi que de l'emploi des fonds qui y sont destinés. »
(L'Assemblée ordonne l'impression du rapport et du projet de décret et ajourne la discussion.)
, au nom du comité de marine, fait un rapport (1) et présente un projet de décret (1) sur la répartition des quartiers des classes et des officiers d'administration qui doivent y , être établis, conformément aux lois des 28 septembre et 12 octobre 1791 ; il s'exprime ainsi :
Messieurs, le ministre de la marine, en se conformant à l'article 35 de la loi du 11 octobre 1791, qui concerne l'administration des ports, a adressé à l'Assemblée nationale un règlement pour la répartition des quartiers des classes et des officiers d'administration qui doivent y être établis : vous en avez décrété le renvoi à votre comité de marine, qui m'a chargé de vous rendre compte des dispositions qu'il contient. , Toute l'étendue des côtes maritimes et des rivières sujettes à l'ordre des classes a été divisée jusqu'à présent en 6 départements; savoir : Brest, Toulon, Rochefort, le Havre, Dun-kerque et Bordeaux. Les 3 premiers étaient régis par des intendants de la marine, et les 3 derniers par des commissaires généraux ordonnateurs.
La loi du 28 septembre 1791, en supprimant l'ancienne administration, a établi qu'il y
aurait à l'avenir des ordonnateurs dans les ports de Brest, Toulon, Rochefort et Lorient et
des chefs d'administration faisant fonction d'ordonnateurs dans les ports de Bordeaux, du
Havre, de Cherbourg, de Dunkerque, de Nantes et de Bayonne : en conséquence, la totalité des
côtes et. des rivières classées se trouve divisée en 10 arrondissements, à chacun desquels
doit être affecté un certain nombre de quartiers, suivant leur localité, dans ia dépendance
de l'ordonnateur le plus voisin, conformément à la loi du 12 octobre 1791. Votre comité a
pensé, Messieurs, d'après les observations présentées par le ministre de la marine, que 1
ancienne division des classes en 74 quartiers devait être maintenue ; que la convenance et
l'avantage des gens de mer s'y trouvent, et qu'une réunion de plusieurs quartiers pourrait
entraîner l'inconvénient de la confusion des matricules et registres des classes, et
occasionnerait d'ailleurs aux marins, des courses et des dépenses onéreuses, en les faisant
dépendre d'un port ou quartier dont ils
Quant aux paroisses maritimes, dont le ministre est tenu, conformément à l'article 36 de la même loi, de dresser l'état pour régler leur dépendance de chaque quartier, il observe à cet égard qu'il s'est convaincu d'après les renseignements qui lui ont été fournis, tant par les commissaires dos quartiers, que par les corps administratifs, qu'il n'était pas possible d'en former un état exact, parce que indépendamment des paroisses qui existent actuellement
11 eut fallu comprendre toutes celles de l'intérieur à des distances très éloignées où il y a des matelots. Il croit convenable de ne faire aucun changement dans l'état actuel des choses d'autant'mieux qu'il y a très peu de quartiers où il soit nécessaire d'en retirer quelques paroisses pour les attacher à un autre quartier; et votre comité, Messieurs, ne voit pas d'inconvénient, surtout dans les circonstances présentes, à renvoyer cette opération si elle est juaée utile, au moment du renouvellement général des registres des classes, qui se fait à des épo* ques déterminées et qui doit avoir lieu dans 4 ans. Tels sont les motifs sur lesquels se fonde votre comité pour vous proposer de n'apporter aucun changement dans l'ordre actuel des paroisses maritimes, et de laisser subsister le même nombre de quartiers des classes.
Ces quartiers, qui ont été régis jusqu'à présent par des commissaires aux classes, doivent être, à l'avenir, conformément à la loi du
12 octobre 1791, par des sous-chefs d'administration dont le nombre à établir dans les quartiers des classes a été fixé à 54, suivant l'état remis au comité de la marine de l'Assemblée constituante, qui a servi de base à l'état général des officiers d'administration, décrété le 28 septembre 1791. Le ministre de la marine, Messieurs, vous propose par son règlement la répartition de ces officiers, dans les différents ports, ainsi que celle des commis d'administration, dont la même loi a fixé le nombre à 24; votre comité a pensé que l'Assemblée nationale pouvait en adopter les dispositions qui lui ont paru utiles au bien du service.
Il est une autre disposition de ce règlement qui a plus particulièrement fixé l'attention de votre comité, en ce qu'elle nécessite que vous dérogiez en ce qui la concerne, à là loi du 28 septembre 1791, relative aux préposés des classes et aux syndics des marins.
L'état des employés de l'administration porte à 61 le nombre des préposés des classes qui doivent être établis dans les petits endroits dépendants des quartiers, non compris les 10 qui sont destinés au service des colonies. Les principales fonctions de ces préposés ne devant consister qu'à viser les rôles des bâtiments et à aposiiller les mouvements des équipages de cep bâtiments, le ministre de la marine a eu lieu de reconnaître que 30 suffiraient pour rémplacer dans ces fonctions les syndics des classes entretenus, et il a jugé utile a'en établir au Port-Louis, à Auray, à Béziers, à Rogliano, Quillebeuf, Garteret et Etaples où il n'y en avait pas. Cette diminution de 31 préposes en donne une d'environ 15,000 livres dans la dépense, dont l'emploi sera suffisant pour remplir l'excédent dans le nombre des syndics des marins, qu'il regarde comme indispensable d'augmenter. Le nombre de ces syndics, élus ou à élire dans chaque quartier des classes confor-
mément à la loi du 7 janvier, avait été déterminé à 290; mais leur établissement ayant été fait en grande partie par les administrateurs des départements, chargés spécialement de l'exécution de cette loi, il en est résulté divers changements : dans quelques quartiers où il n'y avait pas de syndicat, il en a été établi ; dans d'autres où ils étaient trop étendus, ils ont été réduits; et dans quelques autres le nombre en a été augmenté. Plusieurs départements avaient cru devoir aussi transférer provisoirement des syndicats d'un quartier dans un autre; mais cette dernière disposition, purement de convenance locale, eût été préjudiciable aux intérêts des gens de mer, en les faisant dépendre, ainsi qu'on l'a observé, d'un quartier ou d'un port avec lequel ils n'auraient eu aucune relation. C'est d'après la connaissance de ces changements que le nombre des syndics des marins établis ou à établir est porté, dans le projet de règlement qui vous est présenté par le ministre, à 372, au lieu de 290; ce qui fait une augmentation de 82. Votre comité, Messieurs, vous propose d'autant plus volontiers d'adopter cette mesure, qu'en satisfaisant plus complètement aux besoins du service, elle offre l'avantage d'avoir un plus grand nombre d'employés élus par les marins, et conséquemment plus digues ae leur confiance. Il est d'ailleurs assuré qu'au moyen de la somme de 15,000 livres économisée sur les 31 préposés des classes, et des 42,000 livres décrétées par la loi du 28 septembre pour les appointements des 290 syndics, on aura de quoi subvenir à la dépense des 82 d'augmentation. En conséquence, il vous propose le décret suivant :
Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de marine, prenant en considération le règlement qui lui a été présenté par le ministre de ce département, confor-
mément à l'article 35 de la loi du 12 octobre 1791, pour la répartition des quartiers des classes et des officiers d'administration qui doivent y être établis;
« Considérant qu'il importe aux intérêts des gens de mer et qu il est instant d'accélérer l'organisation de cette partie essentielle de l'administration de la marine, décrète qu'il y a urgence. »
Décret définitif.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
Art. 1er
« Le nombre des 61 préposés des classes, portés dans l'état des employés de l'administration, annexé à la loi du 28 septembre 1791, est réduit à 30, non compris les 10 qui ont été décrétés pour le service des colonies.
Art. 2.
« Le nomÈre des syndics des marins, fixé par lamêmeloi à 290, sera porté provisoirementà372.
Art. 3.
« L'Assemblée nationale décrète les dispositions du règlement présenté par le ministre de la marine concernant le nombre et la répartition des quartiers des classes et des officiers d'administration qui doivent y être établis, lequel règlement restera annexé au présent décret.
Art. 4.
« Le ministre de la marine est autorisé à faire, dans la répartition des officiers d'administration, des syndics et des préposés des classes, tous les changements que le bien du service et l'intérêt des gens de mer exigeront, sous la réserve de ne pouvoir augmenter le nombre de ces officiers sans un décret du Corps législatif. »
REGLEMENT pour la répartition des quartiers des classes du royaume et des officiers
d'administration qui doivent y être établis, conformément aux lois des 28 septembre et 12 octobre 1791.
arrondissement du port de dunkerque.
Cet arrondissement, qui comprend les côtes des départements du Nord, du Pas-de-Calais et de la Somme, est spécialement destiné à fournir aux armements et aux travaux des ports de Ërest et de Lorient, et à ceux des autres ports de l'Océan, dans les cas extraordinaires où les besoins du service l'exigeront. Il sera composé ainsi qu'il suit :
NOMS DÉPARTEMENTS ADMINISTRATION.
DIS QUARTIERS dans l'étendue desquels ils sont situés. Sous-chefs. Commis. Préposés des classes. Syndics des marins.
Dunkerque.............. du Nord................... i à Gravelines 2 2
Calais.................. Pas-de-Calais.............. l 1 »
Boulogne............... Pas-de-Calais.......... Jjl à Étaples. i
Saint-Valéry-sur-Somme. La Somme et le Pas-de-Calais. i 1 à Abbeville. 6
1
i, » 3 14
ARRONDISSEMENT DU PORT DU HAVRE.
Cet arrondissement, qui comprend les côtes des départements de la Seine-Inférieure et du Calvados, et une partie du département de l'Eure, est spécialement destiné à fournir aux armements et aux travaux des ports de Brest et de Lorient et à ceux des autres ports de l'Océan, dans les cas extraordinaires où les besoins du service l'exigeraient. 11 sera composé ainsi qu'il suit :
NOMS des quartiers. DÉPARTEMENTS dans l'étendue desquels ils sont situés. ADMINISTRATION.
Sous-chefs. Commis. Préposés des classes. Syndics des marins.
Dieppe................. Seine-Inférieure........... 1 1 1 1 1 i Au Tréport. 1 » Saint-Valéry-en-Caux. 1 s A Quillebeuf. 1 •» 4 8 4 1 3 5
Rouen.................. Seine-Inférieure, Eure.....
Fécamp................. Seine-Inférieure...........
Le Havre............... Seine-Inférieure...........
Honfleur................ Calvados, Eure............
Caen................... Calvados, Eure.............
6 3 25
ARRONDISSEMENT DU PORT DE CHERBOURG.
Cet arrondissement, qui comprend les côtes du département de la Manche et une extrémité de celles du département au Calvados, est spécialement destiné à fournir aux armements et aux travaux des ports de Brest et de Lorient, et à ceux des autres ports de l'Océan, dans les cas extraordinaires où les besoins du service l'exigeront. Il sera composé ainsi qu'il suit :
NOMS des quartiers. DÉPARTEMENTS dans l'étendue desquels ils sont situés. ADMINISTRATION.
Sous-chefs. Commis. Préposés des classes. Syndics des marins.
La Hougue........... 1 1 1 à Isigny et à Barfleur. 2 à Carteret. 1 » 3 S 22
Cherbourg.............. La Manche................
Granville............... La Manche..............
Totaux...........
3 » 3 30
ARRONDISSEMENT DU PORT DE BREST.
Cet arrondissement, qui comprend les côtes des départements de l'Ille-et-Vilaine, de» Côtes-du-Nord et du Finistère, est spécialement destiné à fournir aux armements et aux travaux du port de Brest. Il sera composé ainsi qu'il suit :
NOMS des quartiers.
Saint-Malo..
Dinan......
Saint-Brieuc Paimpol....
Morlaix.,...
Brest.......
Le Conquet. Quimper...
DÉPARTEMENTS dans l'étendue
desquels ils sont situés.
Ille-et-Vilaine..............
Côtes-du-Nord,Ille-et-Vilaine
Côtes-du-Nord.....;........
Côtes-du-Nord.............
Finistère, Côtes-du-Nord... Finistère ..................
Finistère...................
Finistère ...............
Totaux...........
ADMINISTRATION.
Sous-chefs.
Commis.
à RoscolT 1
à Camaret 1
à Concarneau 1
Préposés des classes.
à Rennes 1
à Tréguier 1
à Lannion 1
à Douarnenez 1
ARRONDISSEMENT DU PORT DE LORIENT.
Cet arrondissement, qui comprend les côtes du département du Morbihan et une extrémité de celles du Finistère, est spécialement destiné à fournir aux armements et aux travaux des ports de Brest et de Lorient. Il sera composé ainsi qu'il suit :
NOMS DÉPARTEMENTS ADMINISTRATION.
des quartiers dans l'étendue desquels ils sont situés. Sous-chefs. Commis. Préposés des classes. Syndics des marins.
Morbihan-Finistère......... 1 » au Port-Louis 7
Vannes................. Morbihan.................. 1 » 1 à Auray 10
Belle-Isle............... Morbihan.................. » 1 1 » 3
Totaux........... 2 1 1 20
ARRONDISSEMENT DU PORT DE NANTES.
Cet arrondissement, qui comprend le département de la Loire-Inférieure, et tout le cours de la Loire et des rivières y affluant, est spécialement destiné à fournir aux armements et aux travaux des ports de Brest et de Lorient, et à ceux du port de Rochefort, lorsque les besoins du service l'exigeront. Il sera composé ainsi qu'il suit :
NOMS des quartiers. DÉPARTEMENTS ADMINISTRATION.
dans l'étendue desquels ils sont situés. Sous-chefs. Commis. Préposés des classes. Syndics des marins.
Croisic................. Loire-Inférieure, Morbihan, 1 » » 5
Paimbœuf.............. Loire-Inférieure........... 1 » » 2
Nantes.................. Loire-Inférieure............ 1 » A Bourneuf. 9
Ingrande................ Maine-et-Loire, Loire-Infé- 1
» 1 » 7
Angers................. Maine-et-Loire, Mayenne et
1 » » 7
Saumur................. Maine-et-Loire, Indre-et- 4 1 A Isle Bouchard. 10
Loire, la Vienne......... » 1
Tours................... Indre-et-Loire, Loir-et-Cher, Cher..................... 1 A Selles. 12
» 1
Orléans................. Loiret, Loir-et-Cher........ 1 » » 6
Nevers.................. La Nièvre, Loiret, Cher, Al-
lier, Saône-et-Loire,Rhône- » 1 » 12
Totaitx....... 6 3 3 70
ARRONDISSEMENT DU PORT DE ROCHEFORT.
i
Cet arrondissement, qui comprend les départements de la Vendée, de la Charente-Inférieure et de la Charente, est spécialement destiné à fournir aux armements et aux travaux du port de Roche-fort. Il sera composé ainsi qu'il suit :
NOMS ses quartiers. DÉPARTEMENTS ADMINISTRATION.
dans l'étendue desquels ils sont situés. Sous-chefs. Commis. Préposés des classes. Syndics des marins.
La Vendée................. » 1 A l'île Dieu. 4
1 » 1 2
Charente-Inférieure........ 1 » à Marans. 3
Ile de Ré ............ 1 » 1 » 3
Ils d'Oléron ......... » 1 » 2
1 » » 3
» 1 » 7
» 1 » 3
Charente-Inférieure........ 1 » » 4
B 1 » 4
Totaux........... 5 5 2 35
ARRONDISSEMENT DU PORT DE BORDEAUX.
Cet arrondissement, qui comprend les départements de la Gironde, de la Garonne, du Lot, de Lot-et-Garonne, de la Haute-Garonne, et une partie de ceux de l'Ariège, des Hautes-Pyrénées, de la Corrèze, de l'Aveyron et du Tarn, est spécialement destiné à fournir aux armements et aux travaux du port de Rochefort, et à ceux de Toulon, dans les cas où les besoins du service l'exigeraient. Il sera composé ainsi qu'il suit :
NOMS DÉPARTEMENTS ADMINISTRATION.
bis quartiers. dans l'étendue lesquels ils sont situés. Sous-chefs. Commis. Préposés des classes. Syndics des marins.
Blaye................... La Gironde............... I 1 A Pauillac. 7
Libourne............... La Gironde, la Dordogne.... 1 6
Bergerac............... La Gironde, la Dordogne, la Corrèze.................. 1 » s
Souillac................ Le Lot, la Corrèze, la Dordogne................... 1 g
Bordeaux............... La Gironde........... .... 1 1 5
Langon................. La Gironde, Lot-et-Garonne. Lot-et-Garonne............. g
Villeneuve-du-Lot....... 5
Lot, Aveyron.............
Auvillars............... Lot-et-Garonne, Lot, Haute-Garonne................. 1 7
Montauban.............. Lot, Haute-Garonne, Tarn... Haute-Garonne............. 1 4
Toulouse............... 1 4
Cazères................. Haute-Garonne, Ariège, Hautes -Pyrénées............. » 1 3
La Teste de Buch........ La Gironde................ » 1 3
Totaux........... 6 8 » 66
ARRONDISSEMENT DU PORT DE BÂYONNE.
Cet arrondissement, qui comprend les côtes des départements des Landes et des Basses-Pyrénées, est spécialement destiné à fournir aux armements et aux travaux des ports deBayonne et de Roche-fort. 11 sera composé ainsi qu'il suit :
NOMS des quartiers. DÉPARTEMENTS dans l'étendue desquels ils sont situés. ADMINISTRATION.
Sous-chefs. Commis. Préposés des classes. Syndics des marins.
Bayonne................ Saint-Jean-dé-Luz....... Landes, Basses-Pyrénées... Landes, Basses-Pyrénées... Basses-Pyrénées........... Totaux........ 1 I 1 » » » » » » 6 3 5
3 i » 14
ARRONDISSEMENT DU PORT DE TOULON.
Cet arrondissement, qui comprend les côtes des départements de l'Aude, de l'Hérault, des Bouches-du-Rhône, du Var, de 1a Corse, et une partie des départements du Gard et des Pyrénées-Orientales, est spécialement destiné à fournir aux armements et aux travaux du port de Toulon. Il sera composé ainsi qu'il suit :
NOMS DÉPARTEMENTS ADMINISTRATION.
dans l'étendue
des quartiers. desquels ils sont situés. Sous-chefs. Commis. Préposés des classes. Syndics des marins.
Aude, Pyrénées-Orientales.. 1 » ! à Collioure. 1 5
Agde,«................. Hérault................... 1 1 | à Béziers. 4
Cette................... Hérault, Gard.............. 1 1 » 1 à Aigues-Mortes.
Arles................... Bouches-du-Rhône, Gard.... 1 » 1 » t
Le Martigues........... Bouches-du-Rhône......... 1 » » q
Marseille............... Bouches-du-Rhône.......... 1 » à Cassis g
La Ciotat............... Bouches-du-Rhône et Var.. 1 a 1 à Bandol 4
Toulon................. 1 1 aux îles d'Hyères et à Bonnes. 2 à Sénary. g
La Seyne............... ld......................... 1 » 3
1
Saint-Tropez........... 1 » 3
Fréjus.................. » 1 2
ld......................... » 1 2
Antibes................ Id......................... 1 » au Cros i de Cagues. 1 à Rogliano. 2
( Bastia. Ile de Corse. 1 ( Ajaccio. 1 » 5
i 1 1 2
Totaux............ 13 3 10 56
RÉCAPITULATION.
NOMBRE ADMINISTRATION.
ARONDISSEMENTS. des quartiers Sous-chefs. Commis. Préposés des classes. Syndics des marins.
Dunkerque................... 4 4 D 3 14
Le Havre.......................... 6 6 y> 3 2b
Cherbourg.......................... 3 3 3 30
Brest............................... 8 3 1 4 4 43
Lorient........................... 2 1 2 20
Nantes.............................. g 6 3 3 70
Rochefort.......................... 10 13 3 5 5 2 35
6 8 » 66
Bayonne........................... 3 » 14
Toulon............................. 15 12 3 10 56
Totaux....... 74 54 24 30 372
(L'Assemblée ordonne l'impression du rapport et du projet de décret et ajourne la discussion.)
, au nom du comité de marine, observe que ce comité est surchargé de travail et qu'il est indispensable de l'autoriser à prendre un secrétaire de plus.
Plusieurs membres observent que ce secrétaire peut être tiré de quelque comité où il s'en trouve qui ne sont pas occupés.
(L'Assemblée autorise le comité de marine à prendre un secrétaire de plus et renvoie aux commissaires inspecteurs de la salle pour tirer ce secrétaire de l'un des comités où il s en trouve qui sont le moins occupés.)
, au nom du comité de liquidation, fait la troisième lecture (1) d'un projet de décret sur des pensions et gratifications en général.
(L'Assemblée renvoie la discussion de ce projet de décret à la séance du soir.)
, au nom du comité féodal, fait la troisième lecture (2) d'un projet de décret concernant la suppression, sans indemnité, de divers droits féodaux déclarés rachetables par le décret du 15 mars 1790 ; ce projet de décret est ainsi conçu:
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité féodal, considérant que par les lois des 4 et 7 août 1789, le régime féodal a été aboli; que néanmoins, par les articles 1er et 2 du ti«re III du décret du 15 mars 1790, lès droits casuels connus sous les noms de quint, requint,treizième, lods et tresains, lods et ventes, et issues, mi-lods, rachats, venterolles, reliefs, i-elevaispns, plaids, acapte, arrière-acapte, et autres qui étaient dus à cause des mutations survenues dans la propriété ou la possession d'un fonds par le vendeur, l'acheteur, les donataires, les héritiers, et tous autres ayants cause du précédent propriétaire ou possesseur; crue tous ces différents droits sont déclarés simplement rachetables, et devoir être continués jusqu'au rachat, comme étant présumés être le prix et la condition d'une concession primitive de fonds ;
« Considérant que, loin que cette présomption puisse avoir lieu, tout indique au contraire, que ces droits n'ont jamais eu pour cause la concession primitive d'un fonds, mais bien la tyrannie et l'oppression ; que ces droits prennent leur source dans la permission que les seigneurs donnaient à leurs vassaux, de pouvoir vendre les biens qui leur appartenaient, tandis que ces biens étaient libres et francs dans l'origine, soit qu'ils fussent échus aux chefs, soit qu'ensuite ils les eussent subdivisés aux soldats dans le partage et la délivrance qui en fut faite ;
« Considérant, en outre, que la nation, comme possédant le ci-devant domaine de la
Couronne, venant à affranchir elle-même les ci-devant seigneurs de tous droits de mutation,
il est juste qu'à leur tour leurs ci-devant vassaux se trouvent affranchis de ces mêmes
droits ; qu'enfin, il était contre tout principe de justice de ne point assujettir les
ci-devant seigneurs à justifier que les
re sérié, t.
XLIV, séance du 31 mai 1792, page 395, la seconde lecture de ce projet de décret. re série, t.
XLII, séance du 28 avril 1792, page 485, la seconde lecture de ce projet de décret.
« Art. 1re. L'Assemblée nationale, dérogeant aux articles Ier
et 2 du titre III du décret du 15 mars 1790, et à toutes autres lois à ce relatives, décrète
qu'à partir de la publication du présent décret, tous les droits casuels connus sous les
noms de quint, requint, treizième, lods et tresains, lods et ventes, et issues, mi-lods,
rachats, venterolles, reliefs, relevaisons, plaids, acapte, arrière-acapte, et autres
dénominations quelconques, et qui étaient dus à cause des mutations qui survenaient dans la
propriété ou la possession d'un fonds, par le vendeur, l'acheteur, les donataires, les
héritiers, et tous autres ayants cause du précédent propriétaire ou possesseur, sont et
demeurent supprimés sans indemnité.
« Art. 2. Tous les rachats desdits droits qui ne sont point encore consommés par le payement, cesseront d'avoir lieu, soit pour la totalité du prix, s'il est dû en intégrité, soit pour ce qu'il en reste dû, encore qu'il y eût eu expertise, offre, accord ou convention; mais ce qui aura été payé, ne pourra être répété.
« Art. 3. Pourront cependant les ci-devant seigneurs exiger lesdits droits, lesquels continueront d'être rachetables, aux termes du décret du 15 mars 1790, lorsqu'ils seront dans le cas de justifier par le titre primitif d'inféodation, qu'ils n'ont concédé et inféodé les fonds que sous la condition expresse desdits droits de mu* tation.
« Art. 4. Les ventes faites et les mutations survenues jusqu'au jour de la publication du présent décret seront assujetties aux mêmes droits, et ils seront payés aux ci-devant seigneurs, lesdits droits n'étant abolis que pour l'avenir.
« Art. 5. Les princes allemands possessionnés en France seront indemnisés de la privation desdits droits, conformément aux décrets de l'Assemblée constituante.
« Art. 6. Ceux auxquels la nation avait vendu quelques-uns des droits supprimés par le présent décret seront indemnisés d'après estimation faite contradictoirement avec les procureurs généraux des départements, et ce, proportionnellement-aux prix des ventes à eux faites. »
Je demande la question préalable contre ce premier essai des travaux de vôtre comité féodal. C'est sur la motion de M. Couthon qu'il avait été chargé de vous faire un rapport. Or, M. Couthon n'a pas demandé la suppression absolue sans indemnité, des droits casuels; mais seulement des moyens pour en faciliter le rachat. Cependant le comité, quoiqu'il prononce le mot de suppression dans son.premier article, conserve la nécessité du rachat dans tous les cas où les ci-devant seigneurs prouveront, par,la présen-' tation des titres primitifs, qu'ils sont en effet devenus, par une concession de fonds, propriétaires des cens qu'ils réclament; au lieu que la loi du 15 mars 1790 dit que les contestations qui pourront s'élever entre les censitaires et les ci-devant seigneurs seront jugées selon les coutumes des lieux, et qu'à défaut de titres primitifs, ils seront admis à présenter dès reconnaissances,
attestant que les titres ont existé. La question se réduit donc à savoir si, à raison de la prévention qu'on a contre cette espèce de droit, il faut exiger des preuves plus rigoureuses que celles que 1 on exige des autres propriétaires. Les droits casuels ne seront-ils exigibles qu'autant qu'on en présentera les titres primitifs? ou bien les censitaires seront-ils obligés de se racheter, d'après la présomption qu'une longue possession établit en faveur des possesseurs des fiefs? et les contestations qu'ils pourraient élever, seront-elles jugées d'après des lois et les coutumes existantes?
Messieurs, pour ne point courir le risque de s'égarer soi-même dans le vague des idées, il importe, avant d'aborder la question, de bien s'assurer de l'état actuel et positif des choses, relativement au système féodal, dont les droits utiles qui en restent sont comme les débris.
Les arrêtés de la nuit du 4 août 1789 avaient proclamé le principe dont les décrets des 15 marà et 3 mai 1790 ont depuis donné le développement.
Abolition du régime féodal ;
Suppression sans indemnité des droits féodaux tenant à la servitude personnelle;
Maintien jusqu'au remboursement de ceux purement fonciers.
Telles étaient les bases posées par l'article 1er des arrêtés, qui déclarait en outre, article 6, que que les rentes foncières, quelles qu'en fussent 1 espèce et l'origine, seraient rachetables au taux qui serait incessamment fixé.
Tout consistait à bien séparer du régime féodal à jamais proscrit ce qui ne lui appartenait pas essentiellement, afin de rappeler à l'état naturel, et de faire rentrer sous l'empire des lois communes ce qu'il lui avait usurpé ! Ainsi l'article 1er du décret du 15 mars porte: « Toutes dictinc-tions honorifiques, supériorité et puissance résultant du régime féodal sont abolies; quant à ceux des droits utiles qui subsisteront jusqu'au rachat, ils sopt entièrement assimilés aux simples rentes et charges foncières. > Cette différence, entre les prestations ou services que les ci-devant seigneurs exigeaient à titre de supériorité et de puissance féodales, et les droits purement utiles, est la clef de toutes les difficultés imaginables que cette vaste matière peut fournir.
Tout droit prétendu, qui n'a point ce caractère d'utilité réciproque, n'a pu résulter que de ce qu'on appelait puissance de fief, puissance dont il importe au maintien delà Constitution et de la liberté d'abolir jusqu'aux moindres traces, et c'est aux droits, ou plutôt au\ distinctions de cette espèce que s'applique en général la suppression sans indemnité.
Mais un état de choses, réciproquement utile, n'aurait pu, sans blesser les fois éternelles de la justice, être anéanti pour l'un et conservé en même temps pour l'autre. Un bail à rente foncière est, sous ce point de vue, le contrat qui lie le ci-devant censitaire. La loi est devenue égale entre eux ; il n'y aura plus de prérogative sei-gnéuriale, il ne peut plus y en avoir.
En un mot, le sort des charges foncières, ci-devant seigneuriales, est devenu en tout pareil à celui des rentes et charges foncières ordinaires; elles leur sont entièrement assimilées.
C'est bien dans cette catégorie sans doute, je veux dire dans la classe des droits utiles, naturellement fonciers, que l'on a dû placer les droits casuels, comme les droits fixes, censuels ou féodaux, parce qu'ils frappent sur le fonds et non
sur les personnes.1 Ceci résulte du texte formel du décret du 4 août 1789. Ils sont aussi nommément rappelés au troisième chapitre du décret du 15 mars, chapitre qui concerne, comme je l'ai dit, les droits seigneuriaux rachetables. En effet, Messieurs, à quels signes distingue-t-on la servitude personnelle, avec laquelle les malveillants intérprètes de cette loi affectaient de confondre ces droits, lorsqu'une loi, en forme d'instruction, du 29 juin 1791, vint éclairer les esprits prévenus ? « Oh entend — ce sont en partie les expressions de cette loi que j'emprunte. — On entend, par servitude personnelle une sujétion qui a été imposée à la personne, qui ne pèse que sur la personne, et que la personne s'est obligée à subir, par cela seul qu'elle existe, qu'elle habite en certain lieu. » Or, aucun de ces caractères ne convient aux droits casuels, pas plus qu'aux censives, pas plus qu'aux champarts, et a tous droits fonciers par leur nature. Ce n'est pas à la personne qu'ils sont imposés, c'est au fonds ; ce n'est pas la personne qui en est grevée, c'est le fonds, et cela est si vrai que l'on cesse d'y être soumis du moment qu'on çesse de posséder le fonds sujet.
La distinction ainsi marquée entre les droits de servitude personnelle, abolis sans rachaf, et les droits fonciers rachetables, restait à prévoir l'existence d'une troisième espèce, participant des deux à la fois et formant une sorte d'exception à l'ordre naturel des choses. Des droits purement de servitude par leur nature, et qui ne frappent en apparence que sur les personnes, un droit de banalité, par exemple, ont pu être, dans leur origine, le prix, la récompense d'un fonds ; et alors il sera de toute justice, quelque pénible qu'en soit l'exercice, que les possesseurs des fonds concédés avec ces charges, continuent à les acquitter jusqu'au rachat. Les exceptions sont indiquées par 7 des articles qui composent, dans le décret du 15 mai*s, le titre des droits seigneuriaux rachetables sans indemnité.
Telle est, Messieurs, la théorie des preuves dont les divers droits féodaux rachetables sont, dans l'état actuel, reconnus susceptibles.
Que vous propose le comité féodal? Non pas, je l'ai dit, ae les abolir indistinctement, mais d'exiger de ceux qui sé prétendront à l'avenir propriétaires de pareils droits, la représentation du titre primitif, portant concession du fonds avec cette charge expresse.
Une singularité bien remarquable qu'offre ce système, et dont on est frappé de prime jibord, c est la rigueur de la preuve exigée pour sauver de la proscription une propriété foncière par sa nature, en présence de la loi, bien moins exigeante, gui concerne les droits de pure servitude, loi que le système du comité respecte. Ainsi, par exemple, pour conserver une corvée, une banalité, à raison de ce qu'elle aura été constituée en récompense de fonds, il suffira de deux déclarations, et, pourvu qu'elles soient énoncia-tives du titre primitif, on ne sera pas tenu de rapporter ce droit. Telle est la loi du 15 mars 1790 pour cë cas d'exception. Et Ton se verrait dépossédé à jamais, sans indemnité, sans qu'il fût besoin de rachat, d'un droit naturellement foncier, ou présumé tel, dès que c'est au fonds même, sans égard àyla persohne, qu'il est et demeure inséparablement attaché. Telle serait la contradiction au système de votré comité, trop évidente pour qu'elle puisse se justifier.
Le système de votre comité ne pourrait donc être admis que dans le cas où toute espèce de
propriété devrait être assujettie à la preuve littérale et oCi la possession ne devrait être comptée pour rien. Attaquez les droits casuels qui portent sur le fonds, et aussitôt toutes les rentes foncières éprouveront le même sort puisqu'elles leur sont assimilées par la loi; et s'il faut des preuves littérales malgré la plus longue possession, les propriétés les plus sacrées, les propriétés nationales elles-mêmes n'échapperont pas à la proscription. Le ci-devant seigneur n'aurait-il pas le même droit de demander au censitaire qui lui refuserait le rachat, à quel titre vous-mêmes possédez-vous ce bien qui de tout temps a été grevé d'une rente envers ma famille?
Je demande, en outre, pourquoi cet attachement exclusif à la poursuite des droits casuels? Les droits fixes, les cens, les surcens, en un mot les redevances ci-devant seigneuriales, soit en argent, soit en nature, sont de même nature. Ils ont un égal caractère de réalité, une origine commune ; les uns, soumis à des périodes réglées, s'acquittent annuellement, les autres sont éventuels; des mutations plus ou moins fréquentes y donnent ouverture et en déterminent le produit; voilà la seule différence : tous sont droits fonciers, et comme tels nécessairement présumés, comme sont présumées légalement les rentes foncières, provenir de concession de fonds. Si donc vous exigiez pour les droits casuels uné preuve littérale quelconque, il faudrait, à moins d'inconséquence, exiger la même preuve pour les cens, redevances, et autres droits fixes.
Et, c'est en quoi le système de MM. Gouthon et Dorliac me semble supérieur à celui de votre comité. La mesure proposée par l'un, dans son discours du 29 février, par l'autre, dans son opinion prononcée le 11 avril, frappe indistinctement et les droits fixes et les droits casuels, sous la dénomination générique de droits ci-devant seigneuriaux. C'est donc, et puisqu'en tout événement le projet du comité est, par son incohérence, reconnu insoutenable, à ces deux préopinants qu'il faut répondre.
Ils s'accordent sur le principe, et diffèrent peu dans l'application.
Leur principe commun est que la preuve du droit seigneurial doit être exclusivement à la charge du propriétaire.
Quant au genre et au degré de preuve requise, l'un et l'autre, à défaut de titre primitif, consentent que des déclarations ou reconnaissances y suppléent. M. Couthon en exige trois : deux, et même une seule suffit à M. Dorliac; mais il veut, de plus que M. Couthon, qu'on ne puisse réclamer une possession annuelle qui remonte à cent ans.
S'il était dans mon opinion que l'existence d'une charge réelle dût nécessairement dépendre de la preuve littérale, et que la possession dût être désormais comptée pour rien, mon vœu serait pour que la loi, déjà faite à l'égard des droits personnels constitués pour concession de fonds, s'appliquât aux droits naturellement fonciers. — A défaut de titre primitif, deux réconnaissances énonciatives de la concession originaire, et la possession actuelle qui remonte sans interruption à 40 ans; ce sont les conditions imposées par l'article 29 du titre II du décret du 15 mars, aux possesseurs des droits personnels par .essence, devenus fonciers par exception ; et puisqu'on confondrait dans l'hypothèse, ce qui,
}>ar la nature des choses, est absolument distinct, e personnel et le réel ; je n'admettrais pas de différence dans le régime ni dans le choix des
preuves applicables à l'une ou à l'autre espèce.
Mais cessant toute supposition, je ne saurais confondre des objets qui diffèrent aussi essentiellement entre eux : je ne saurais, lorsque tout existe, tout vit, tout prospère au milieu de nous sous l'Empire tutélairede la possession, récuser son témoignage. Je sais qu'une servitude, une servitude personnelle surtout, ne se prescrit jamais; aussi applaudirai-je à la loi qui impose au possesseur robligation de prouver qu*une concession de fonds en ait légitimé l'origine. Mais des redevances, mais des droits quelconques acquittés constamment par le propriétaire de fonds, et cessant d'être acquittés par lui lorsqu'il cesse d'être propriétaire, sont des droits essentiellement fonciers ; et l'on ne peut s'y soustraire, ou la propriété n'est qu'un vain mot, à moins de prouver que l'apparence est mensongère, et qu'ils doivent leur existence à une autre cause : cette preuve est donc nécessairement à la charge du redevable.
Je pense donc, Messieurs, que quant aux bases de la distinction qu'il a fallu nécessairement établir entre les charges de servitude purement personnelle et les droits purement fonciers, rien de mieux à faire que de s'en tenir à celles posées dans les titres II et Ilïdu décret du 15 mars 1790.
Mais iln'en saurait être de même de leurappli-cation. L'on peut sans doute aussi désirer des amendements au mode du rachat à l'égard des droits qui en sont déclarés susceptibles, et c'est enfin le double objet que MM. Couthon et Dorliac ont eu subsidiairement en vue.
A cet égard. Messieurs, je croirais anticiper sur le juste débat dont ces mesures réglementaires peuvent devenir l'objet, je me reprocherais d'intervertir, pour le moment, l'ordre de la discussion entamée, si je me permettais des développements étrangers au plan de votre comité. Celui des finances appelle toute votre attention; vous ne vous en êtes distraits, pour vous occuper des droits féodaux, qu'afin de savoir s'il était juste ou non de comprendre ce qui en appartient à la nation dans le chapitre consolant de ses ressources. Ce but est atteint; je crois du moins que les doutes élevés sur la légitime propriété des droits féodaux fonciers, casuels ou fixes, se dissiperont bientôt, et que l'Assemblée nationale pourra avec confiance compter la valeurcapitale de ces droits pour en avoir de 4 à 500 millions, gage précieux pour les créanciers de l'Etat.
D'après ces considérations, je demande la question préalable sur le projet de décret du comité; mais je propose en même temps qu'il soit chargé de nous présenter ses vues sur les moyens de faciliter les rachats, savoir : pour diviser ceux des biens muuvants de là nation, et une composition pour parvenir à l'affranchissement prompt des propriétaires dans tous les degrés de mouvances depuis le premier censitaire jusqu'au suzerain, qui est la nation.
Un membre : Je demande que la discussion ne soit pas fermée, avant que j'aie été entendu dans la discussion que je me propose d'établir sur le rapport des finances de l'Etat. Je prouverai que la suppression sans indemnité des droits casuels priverait le Trésor public d'une ressource de plusieurs centaines de millions.
Dans une question de droit, il ne s'agit pas de savoir si sa décision peut ou non préjudicier au Trésor public. Je demande donc que Monsieur ne soit entendu que dans le cas où il serait inscrit sur la liste de la parole.
(L'Assemblée adopte la proposition de M. Voi-sard.)
propose un projet de décret conforme aux principes qui ont fait la base de son opinion (1); il est ainsi conçu:
L'Assemblée nationale décrète :
« 1° Que tout débiteur de droits ci-devant seigneuriaux conservés pourra en faire le rachat par-iiel, sans qu'en vertu de la solidarité il puisse être contraint à rembourser au delà de sa quote-part ; et ne seront réputés conservés et susceptibles de rachat que ceux desdits droits qui seront établis par titres constitutifs suivis de prestation ou au moins par trois reconnaissances successives également suivies de prestation et dont la plus ancienne rappelle le titre de concession ;
* 2° Qu'il n'y aura lieu au rachat forcé des droits casuels, que dans le cas seulement où après le rachat effectué des droits fixes, il y aurait mutation réelle de propriété par vente ou acte équivalent à vente.
L'Assemblée dérogeant à toutes lois et dis--positions contraires au présent décret. »
J'appuie le projet de décret du comité, et je demande qu'il s'étende, non seulement aux droits casuels, mais aux cens. Pourquoi dispenserait-on les ci-devant seigneurs de toutes preuves pour justifier de la propriété de leurs droits casuels ou de leurs rentes à cens, tandis que toutes les présomptions sont contre eux? Les 19 vingtièmes du territoire français sont sujets aux casualités. Pour supposer que toutes les casualités dérivassent d'une concession primitive de fonds, il faudrait supposer une révolution qui aurait soumis la France entière au régime de la féodalité ; il faudrait supposer que ce bouleversement se serait fait par droit de conquête, ou bien que toutes les propriétés eussent passé en même temps dans les mains du chef de la nation, qu'il les eût cédées en fiefs, et que de concessions en sous-concessions, ces propriétés eussent enfin passé à titre onéreux dans les mains de la classe nombreuse des censitaires ; mais où trouverez-vous le commencement de cette chaîne universelle de distribution féodale? Sera-ce dans les maximes barbares de quelques écrivains honteusement célèbres? Il ne peut résulter de leur application aucun titre de propriété.
Sera-ce dans les conquêtes des Romains? Nous trouvons, au contraire, dans leurs lois la
proscription totale du régime féodal. Elles conservèrent aux Gaulois leurs propriétés, et
présumaient toujours la franchise et l allodialite des terres. Sera-ce dans les conquêtes
des Bourguignons et des Visigoths? 11 est vrai que ces peuples s'arrogèrent les deux tiers
des propriétés conquises, et qu'ils n'en laissèrent que le tiers aux Gaulois, leurs vaincus.
Mais pour supposer gue l'établissement du régime féodal ait pu résulter de cet envahissement
de propriétés ; il faudrait établir que toutes les propriétés des pays conquis eussent été
mises en masse, pour être ensuite réparties entre les anciens et les nouveaux habitants, à
titre onéreux. Or, qu'on lise les lois de ces pays, on verra qu'aucune redevance
seigneuriale n'a été le résultat du partage de terres qui se fit alors. Un Bourguignon et un
Visigoth furent associés pour ce partage avec un Gaulois;
re série, t.
XXXIX, séance du 29 février 1792, page 194, le discours de de M. Couthon.
Mais, dit-on, ils reçurent ces biens en partage, seulement à titre précaire et comme simples bénéfices; la loi salique et la loi ripuaire combattent cette objection, elles ne parlent que de simples aïeux, et ce mot indiquait toujours des propriétés franches, et ces lois ne parlent même pas d'aïeux héréditaires, ce qui exclut l'idée de bénéfice ; donc le régime féodal ne résulte pas des partages qui ont été faits en vertu des droits de conquête : ce qui est d'autant plus évident, que, quoique les Bourguignons et les Visigoths soient ceux qui ont le plus abusé du droit de conquête, l'allodialité ou la liberté des terres s'y est plus constamment maintenue.
Quelle est donc la source d'où l'Assemblée constituante a pu induire l'établissement universel du régime féodal en France ? Voici quel a été le prétexte de ceux qui ont défendu ce système : dès la première race nos rois ont concédé à plusieurs de leurs sujets des terres fiscales, en qualité de bénéfices ; mais ces bénéfices, d'abord concédés à vie, furent bientôt rendus héréditaires par une ordonnance de 615. Nous voyons dans cette loi l'origine du système anti-social, connu depuis sous le nom de noblesse; mais quoiqu'on commençât alors à faire des distinctions de personnes, ces terres fiscales restèrent libres après qu'elles furent déclarées héréditaires. La première idée de fief ne remonte qu'au règne de Charles-Martel : celui-ci voulant récompenser ses soldats s'empara d'une partie des biens du clergé ; il les leur céda à condition qu'ils prendraient les armes à la première réquisition, et qu'ils feraient le service de sa garde. Ces bénéfices devinrent héréditaires à la fin de la seconde race. On entendait par vassaux les officiers du roi, qui bientôt se firent des sous-vassaux ; mais ces bénéfices ne furent pas tous cédés à titre de fiefs. Et en supposant même qu'ils l'eussent été, et en y ajoutant lés terres fiscales concédées sous la première race, toujours serait-il vrai que ces terres ne formeraient qu'un petit point sur la surface du royaume, et l'on ue pourrait induire de l'inféodation de ce petit nombre de terres, l'introduction de la féodalité universelle en France.
Enfin, la féodalité ne peut pas avoir eu sa source dans les désordres et les révolutions qui eureut lieu dans le commencement et le milieu du neuvième siècle ; car alors la France était en grande partie régiô par les lois romaines. Elle n'a pas été plus légitimement introduite dans les pays coutumiers puisque même la loi salique supposait l'allodialité. Plusieurs propriétaires, il est
vrai, se recommandèrent, soit au roi, soit aux seigneurs pour en obtenir protection ; mais cette recommandation n'entraînait pas la conversion des aïeux en fiefs, comme Montesquieu a voulu l'induire du traité d'union fait entre Charles-le-Ghauve et ses frères, puisqu'une loi postérieure de 9 ans dissout, en cas de conversion forcée de l'aleu, les liens du vasselage.
Je viens de donner des preuves négatives de l'existence d'une féodalité légitime en France, je vais établir par des faits positifs qu'elle n'était
3u'une usurpation. La France était divisée en uchés, Comtés et centaines; les ducs et les comtes étaient chargés de percevoir l'impôt sous les noms de cens personnels et réels, impôt qui avait été établi par les Romains.
Les magistrats profitant de la faiblesse des derniers Garlovingiens pour rendre leurs places héréditaires, changèrent leur arrondissement en fief. Ils paraissaient gouverner sous l'autorité royale ; mais ils établirent en effet un système de gouvernement destructif de toute autorité légitime; ils détruisirent les administrations municipales, firent disparaître la juridiction civile devant l'autorité de leurs tribunaux; ils continuèrent à percevoir, en vertu de leur prétendue souveraineté, mais à leur profit, les cens réels et personnels qu'ils percevaient ci-devant comme délégués du roi ; ils établirent, même de leur autorite privée, de nouveaux impôts. Voilà l'origine des cens et autres droits de cette nature. Il en est de même des lods et ventes ; ils étaient d'abord le prix du sceau apposé par les officiers seigneuriaux aux actes de mutation.
entre dans de nombreux détails sur cette dernière partie de son opinion ; il s'attache principalement à combattre le système' de féodalité établi par Montesquieu, Dubos, Ducange et Mablyv; puis il continue :
Donc le système qui supposerait l'établissement universel de la féodalité en France, n'est autre chose que la maxime nulle terre sans seigneur; et cette maxime elle-même ne doit sa naissance qu'au chaos des coutumes, qui étaient l'ouvrage des seigneurs, et aux interprétations que donnaient à ces coutumes les tribunaux composés de seigneurs. La présomption est donc tout entière contre l'existence d une féodalité résultant d'une concession primitive de fonds. — Ne laissez pas plus longtemps les propriétaires asservis à la preuve négative; mais obligez les ci-devant seigneurs qui réclament le rachat de leurs cens et de leurs droits casuels, à prouver que ces droits résultent originairement d'une concession de fonds ; ne vous contentez pas de simples reconnaissances de propriétaires et de déclarations à terriers ; ces actes dérivent eux-mêmes de la puissance seigneuriale; ils ont été arrachés par la crainte de l'oppression. Une commune contre laquelle un seigneur élevait de pareilles prétentions, était sûre d'être écrasée par des procès qu'elle était sûre de perdre, puisque les tribunaux étaient juges et parties.
Les seigneurs, dit-on, n'ont pu conserver les titres originaires de l'inféodation ou de l'accen-sement; mais, répondrais-je, comment les communes auraient-elles conservé les preuves de leur allodialité? ces titres restèrent entre les mains d'officiers vendus aux seigneurs. (Applaudissements.)
Les ci-devant seigneurs se plaindront sans doute; mais de quoi ne se plaignent-ils pas? Vous serez absous par les bénédictions des
quatre-vingt-dix-neuf-centièmes de la génération et celles des générations futures. Les terres-bénéficiâtes cédées à fiefs, arrières-fiefs et cen-sives ne faisaient pas la vingtième partie du royaume; dans l'impossibilité de distinguer ces-terres des autres propriélés restées libres, fau-dra-t-il présumer que les autres dix-neuf-ving-tièmes ont été légitimement grevés des même» droits? On vous a dit que vous priviez le Trésor public d'une ressource très considérable. Pour apprécier cette objection, il faut remarquer que-cette ressource s'évanouit du moment où l'injustice de ces droits est prononcée. Les redevables portant leurs espérances sur une législature prochaine, suspendront les rachats.
La destruction sans indemnités de tous les droits, est la pierre qui manque au fondement de la Constitution ; elle vous procurera des ressources bien plus solides que le payement des-droits eux-mêmes. Quand la nation aura fait pour ses membres tout ce qui est commandé par la justice, alors ils s'empresseront de faire tout ce qui sera commandé par l'intérêt de la patrie; ils courront au-devant ae tous les sacrifices pour la liberté, qui déjà est un besoin moral pour les citoyens éclairés, et dont vous aurez fait un besoin physique pour tous les Français. {Applaudissements.)
propose un projet de décret qui porte en substance que tous les effets de la maxime nulle terre sans seigneur, sont et demeurent abolis; qu'ainsi, toute terre est franche et libre de tous droits féodaux, à moins qu'ils ne soient établis par des titres authentiques; que tous les droits casuels, quint, requint, acapte, arrière-acapte, etc... sont et demeurent pareillement abolis, à moins que ceux qui en ont joui, ne justifient qu'ils ont pour cause une concession de fonds; que les droits seuls stipulés dans l'acte primordial d'inféodation sont déclarés rache-tables. Il se réunit à l'avis du comité pour les autres dispositions de son projet de décret {Applaudissements dans les tribunes.)
Plusieurs membres : L'impression ! 1 (L'Assemblée ordonne l'impression du discours de M. Mailhe.) (1),
, ministre des contributions publiques. Je prie l'Assemblée de m'àccorder jusqu'à lundi pour satisfaire à son décret du 4 de ce mois qui m'ordonne de rendre compte des causes qui ont retardé la confection des matrices de rôles et de présenter le tableau du recouvrement d'impositions pour la ville de Paris. J'ai besoin de ce délai parce que je n'ai reçu que ce matin le mémoire fait à ce sujet par le procureur-général-syndic du département.
(L'Assemblée accorde la demande de M. Gla-vière.)
, ministre des contributions publiques, lit un mémoire, pour obéir au décret du 8 de ce
mois par lequel l'Assemblée demandait dans les 24 heures un compte par écrit, de l'état de
la fabrication des petites coupures d'assignats. Il rappelle d'abord les décrets rendus sur
les secours accordés à la ville de#Paris, et sur l'examen à faire des caisses patriotiques.
Un seul article le regarde. C'est celui qui excepte
Le 1er mai un 'décret ordonna, au ministFe des contributions publiques, de rendre compte de l'état de la fabrication des coupons d'assignats. Il s'en acquitta. Il donna alors des espérances; rien n'a changé depuis. On met la plus grande célérité possible dans la fabrication, et le moment de l'émission des billets de 15 et de 10 sous est très prochain. Les imprévoyances inséparables d'une aussi grande entreprise sont actuellement réparées. Le choix des artistes n'était point dé M. Clavière ; mais il atteste que l'examen le plus rigoureux ne constaterait pas la plus légère négligence, soit de sa part, soit de celle des agents employés. Il affirme, en outre, qu'il est faux qu'il ait écrit à l'Assemblée qu'on n'aurait point de petits assignats avant 2 ou 3 mois. L'émission la plus éloignée est celle de 50 sous; et l'on conçoit que lorsqu'il a fallu diriger à la fois la fabrication de 10 espèces différentes d'assignats, on a souvent été ODÏigé de retarder les uns pour accélérer également les autres. Il propose comme môyen d'accélération, que l'Assemblée nationale organise l'administration qui lui a été proposée par ses comités réunis de l'extraordinaire des finances et des assignats et monnaies, pour la confection des petites coupures d'assignats et prie l'Assemblée ae s'occuper de la loi déjà demandée, par le décret du premier mai, aux comités réunis de législation et des assignats et monnaies sur les billets de confiance.
termine son mémoire par des réflexions générales sur la nécessité de réprimer. les émissions des billets de confiance. Il est instant que la loi mette un terme à cette èspèce de brigandage. Il a pour résultat la cherté des denrées qui naît toujours d'une trop grande circulation de numéraire ou réel ou fictif.
Le ministre annonce ensuite que M. Lecoulteux ne veut plus se charger du timbrage et de la signature des assignats et il demande qu'au moment où l'une des machines à timbrer sera en pleine activité, ce qui va bientôt arriver, l'Assemblée veuille bien l'autoriser, ou toute autre personne, à se charger de l'exécution^ du timbrage. (Applaudissements.)
Les faits énoncés dans le mémoire du ministre annoncent la nécessité de prendre en considération les vues qui vous ont été présentées par vos comités de l'extraordinaire des finances et des assignats et monnaies réunis relativement à la nouvelle administration pour la confection des petites coupures d'assignats. Je vous observai que M. Lecoulteux s'est chargé de cette opération qui n'était point dans ses fonctions et qu'il a demandé, il y a 6 mois,qu'on l'en déchargeât. Je vous propose donc 'adopter la proposition de son comité
Il n'est pas au pouvoir de M. Lecoulteux de quitter à volonté les fonctions qu'il a remplies jusqu'alors sous l'empire des lois exis-
tantes et de dire à un ministre qu'il ne veut plus d'une si grande responsabilité. Je demande qu'il reste chargé de surveiller le timbrage des nouveaux assignats jusqu'à ce que la loi soit changée.
J'appuie la proposition de M. Fouquet. Il y a plus de 6 mois que M. Lecoulteux a demandé à être déchargé de cette responsabilité à laquelle il n'est tenu par aucun décret.
Je rappelle à l'Assemblée que M. Lecoulteux ne s'est chargé de ce travail que par une suite de son zèle et de son patriotisme. C'est pour ce seul motif qu'il a, en acceptant cette mission, sacrifié son repos et compromis sa fortune. L'Assemblée doit, en toute justice, lui accorder sa demande et je m'étonne que M. Cambon, qui sait aussi bien que tout autre, les services que M. Lecoulteux a rendus gratuitement à 1 Etat, lui marque une telle opposition.
Divers membres présentent des observations à ce sujet.
Plusieurs membres : La discussion fermée 1
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Je propose le décret suivant :
« L'Assemblée nationale décrète que le ministre des contributions publiques sera chargé provisoirement, et jusqu à ce qu'il en ait été autrement ordonné, de suivre toutes les opérations relatives au timbrage des petits assignats ; et de faire dans celui des bâtiments nationaux qui sera jugé le plus convenable, toutes les dispositions nécessaires pour la suite desdites opérations. »
(L'Assemblée décrète l'urgence et adopte la rédaction de M. Fouquet.)
, le jeune. Le moyen le plus certain de faire disparaître les billets de confiance de la circulation est d'accélérer la fabrication de la nouvelle monnaie de billon. On a déjà fabriqué onze millions de sols avec le métal des cloches, ce qui donne environ neuf sols pour chaque individu et suffit à tous les besoins journaliers dans les temps ordinaires. Mais l'émission très prochaine des subdivisions d'assignats va accroître la masse des effets au porteur, et il en résultera un mal au-dessus des avantages que promettent les petites coupures. Je demande donc à l'Assemblée d'entendre ce soir le rapport du comité des assignats et monnaies sur la fabrication d'une nouvelle monnaie de billon.
(L'Assemblée décrète la proposition de M. Carnot-Feuleins, le jeune.)
Un membre demande que l'Assemblée ^'occupe sans interruption de la discussion sur les droits féodaux jusqu'à ce qu'elle ait été terminée par un décret.
(L'Assemblée décrète cette proposition.)
Un de MM. les secrétaires fait lecture d'une lettre de M. Servan, ministre de la guerre, par laquelle il fait part à l'Assemblée que le roi ayant donné les ordres pour faire rendre à l'armée du Nord le. bataillon des gardes nationales du département de la Sarthe. et le deuxième de la Haute-Vienne, ces bataillons doivent passer en-deçà de la distance de 30,000 toises du lieu des séances du Corps législatif, et il prie l'Assemblée d'autoriser leur passage.
(L'Assemblée accorde l'autorisation demandée:)
(La séance est levée à trois heures et demie.)
Séance du
PRÉSIDENCE DE M. LEMONTEY, ex-président.
La séance est ouverte à six heures du soir.
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal delà séance du jeudi 7 juin 1792, dont la rédaction est adoptée. ,
, secrétaire, donne lecture du] procès-verbal de la séance du samedi 9 juin 1792, au matin, dont la rédaction est adoptée.
M. MICHEL BàBOIS, citoyen du Havre, est admis à la barre et offre, au nom de la Société des Amis de ta Constitution du Havre, 198 livres en espèces; 570 livres en assignats; 33 livres, en billets de confiance et une quittance de liquidation s'élevant à 9 livres 15 sols ; il offre ensuite en son propre nom deux lettres de maîtrise, dont une est du capital de 225 livres, l'autre est de 450 livres. (Applaudissements.)
accorde à M. Michel Babois les honneurs de la séance.
Un jeune citoyen, qui veut rester inconnu, est admis à la barre et offre 24 livres en or.
accorde à ce citoyen les honneurs de la séance.
Quatre invalides de la marine de Toulon sont admis à la barre et offrent deux écus de 6 livres en argent.
accorde à ces citoyens les honneurs de la séance.
Un de MM. les secrétaires annonce les dons patriotiques suivants :
1° Un inconnu envoie 35 sols en assignats;
2° Les adjudants-majors du dixième bataillon de la sixième légion de la garde nationale parisienne envoient 50livres en assignats pour remplir l'engagement qu'ils ont contracté de fournir Chaque mois pareillejsomme;
3° La dame Riberaud Adrien, veuve Lamothe, envoie 50 livres en assignats. • (L'Assemblée accepte toutes ces offrandes avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal dont un extrait sera remis aux donateurs qui sse sont fait connaître.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres, adresses et pétitions suivantes :
1° Lettre de M. Roland, ministre de l'intérieur, qui instruit l'Assemblée de la découverte faite par le directoire du département de Mayenne-et-Loire d'un rassemblement criminel qui a eu lieu le 8 mai dernier dans la commune de La Poitevinière.Les intentions de ce rassemblement, composé d'une vingtaine de maires et officiers municipaux, parurent suspectes aux administrateurs et il a été constaté, en effet, qu'il avait pour but de concerter le Soulèvement de 40 à 50 paroisses pour chasser les prêtres assermentés et réintégrer les prêtres réfractaires. Cette conduite ayant paru au directoire avoir tous les caractères d'une sédition, il fit arrêter les 20 maires et officiers municipaux et les dénonça aux tribunaux. Le ministre demande à l'Assemblée de vouloir bien statuer sur le genre du délit et de l'accusation.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de surveillance, avec charge de faire son rapport dans 3 jours.)
2° Pétition individuelle de plusieurs invalides de la marine relative à l'exécution des décrets des 28 et 30 avril 1791.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de marine.)
3° Lettre de M. Dur an thon, ministre de la justice, par laquelle il prie l'Assemblée de prendre en considération la demande faite par le commissaire du roi, par intérim, près le tribunal de cassation, de deux commis pour le seconder.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de l'ordinaire des finances avec le mémoire y joint.)
4° Pétition du sieur Argon, qui réclame des avances et une récompense pour dès services qu'il a rendus à l'Etat.
(L'Assemblée renvoie cette lettre aux comités de liquidation et militaire réunis.)
5° Lettre de M. Duranthon, ministre de la justice, qui fait passer à l'Assemblée les pièces d'une procédure instruite contre Antoine Vida-lenche, de Beaucaire, et qui la prie de décider deux questions auxquelles cette procédure donne lieu.
(L'Assemblée renvoie les pièces au comité de législation.)
6° Lettre de M. Roland, ministre de l'intérieur, qui adresse à l'Assemblée un rapport et plusieurs pièces relatives aux caisses patriotiques ou billets de confiance, avec la copie d'une lettre aux maire et officiers municipaux de Paris, sur le même sujet.
(L'Assemblée renvoie les pièces au comité de l'ordinaire des finances.)
7° Pétition de la damé Stchoudi qui réclame contre les mesures prises à son égard, comme émigrée.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au pouvoir exécutif.)
8° Réclamation du conseil général de la commune et de la garde nationale de La Loupe, département d'Eure-et-Loir, contre le dernier décret de l'Assemblée, sur le complément de l'Organisation de la gendarmerie nationale et remplacement particulier d'une brigade (1).
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
9° Lettre du sieur Guichard, grenadier du bataillon de Nazareth, électeur de la section du Temple, relative à une dénonciation contre M. Duport, lue par M. Merlin; elle est ainsi conçue (2) :
« Paris,
« Monsieur le Président,
« Jaloux de conserver mes droits à l'estime publique, je dois repousser tout ce qui peut y
porter atteinte. M. Merlin, dans la séance de mardi dernier du courant, a dit, en terminant
sa dénonciation contre M. Duport du Tertre, que les grenadiers Mouchet et Guichard ont
dénoncé ces faits à leurs collègues électeurs, afin
Je suis le seul grenadier électeur du département de Paris ayant nom Guichard; la signature ne pouvant s'appliquer qu'à moi, je déclare que
Je n'ai aucune part à la dénonciation faite par 1. Merlin, qu'il est faux que j'ai annoncé à mes collègues électeurs les faits qu'elle contient puisqu'ils ne sont venus à ma connaissance que par la dénonciation de M. Merlin. Je déclare en outre que je ne connais pas M. Merlin, que je n'ai jamais approuvé son écriture, encore moins appuyé de ma signature. Applaudissements.) « J ai l'honneur, etc.
« Signé : Guichard,
« Grenadier du bataillon de
Nazareth, électeur de la section du Temple. »
Je demande que l'infamie qui a été commise, quel qu'en soit l'auteur, soit consignée dans le procès-verbal.
et plusieurs autres membres s'élèvent contre cette proposition.
Je demande à M. Ghéron s'il connaît la signature ?
Je dis qu'il y a une infamie de la part du réclamant, si la signature est vraie, ou de la part de M. Merlin, si la si-
tnature est fausse. Il est nécessaire que celui es deux, de M. Guichard ou de M. Merlin, qui a commis un faux, en porte la peine et la honte.
Un membre ; J'atteste à l'Assemblée que j'étais au comité de surveillance, lorsque 2 grenadiers s'y sont présentés et ont déclaré ce qui vous a été rapporté pair M. Merlin. L'un d'eux a dit s'appeler Guichard.
Je demande l'ordre du jour, fondé sur ce que cette lettre est controuvée, comme la lettre qui vous a été envoyée, il y a quelque temps, par un marchand de sucre. Au surplus, si la réalité de la lettre et de la signature est attestée par un membre de l'Assemblée, je demande Tordre du jour.
Je n'ai pas entendu parler d'un grenadier du bataillon de Nazareth, mais d'un sieur Guichard, du bataillon de l'Oratoire. (Murmures.)
Je demande que l'imposteur, qui est l'auteur de cette calomnie contre M. Duport, soit puni. (Bruit.) Plusieurs membres : L'ordre du jour! (L'Assemblée passe à l'ordre du jour.) Une députation du bataillon des Petits-Augus-tins, de garde près l'Assemblée nationale, demande à être admise à la barre, pour dénoncer un fait qui intéresse la tranquillité publique.
.(L'Assemblée décide que la députation sera admise sur-le-champ.) La députation est introduite. Un officier, orateur de la députation, s'exprime ainsi :
Messieurs, nous venons faire part à l'Assemblée nationale d'une lettre circulaire,
accompagnée d'un projet d'adresse qui ont été envoyés aux
re série, t.
XLIV, séance du 5 juin 1792, page 593, la dénonciation de M. Merlin.
Lettre adressée aux officiers du bataillon.
Messieurs, un grand nombre de "citoyens de la garde nationale, désirant présenter à 1 Assemblée nationale les vœux exprimés dans cette adresse,^vous êtes priés de' la présenter aux citoyens de votre , bataillon oui désireraient se réunir à vous, et la nantir aie votre signature. Nous vous en envoyons plusieurs exemplaires, afin que la réunion des signatures puisse se faire plus promptement. Vous voudrez bien les renvoyer dimanche matin, avant 8 heufés, au secrétariat de l'état-major à l'Hôtel-de-Ville; et vous pouvez prévenir les signataires que la pétition sera portée à l'Assemblée dimanche à midi.
Adresse individuelle des citoyens-soldats de la garde nationale parisienne.
Messieurs, la garde nationale parisienne a r constamment rempli les devoirs de son institution; composée de ces mêmes citoyens qui les premiers déployèrent l'étendard de la liberté sous les auspices de l'Assemblée constituante, elle a les mêmes vertus, la même force.
Législateurs, elle est dans la douleur.
Le ministre de la guerre vous a dit : « La brave garde nationale consultant plus son zèle que ses forces, se soumet avec empressement à un service qui l'honore, mais qui est trop fort pour les circonstances. »
Sur un point il a dit vrai. La garde nationale n'a pas voulu consulter ses forces ; si elle l'eût fait, les malveillants dont il se plaint eussent depuis longtemps disparu devant elle.
Sans doute aussi nous n'avons fait que notre devoir, mais nous l'avons, fait. Nous avions volontairement contracté de grandes obligations, et nous les avons acquittées.
Nous n'approfondirons pas les motifs du ministre. Sa proposition enlève à la fois, et l'honneur et les droits que la Constitution nous donne. A-t-il pensé que l'Idée de la fédération voilerait à nos yeux, les idées plus naturelles que son projet a fait naître?
Nos frères d'armes, tous les Français ont eu confiance en nous; pourquoi le ministre voudrait-il faire çenserque nousl'avonsperdue? Avons-nous démérité? Et ne savent-ils pas, nos frères d'armes, que notre immense population suffit à nos dangers quels qu'ils soient? On craint des brigands ! C'est nous qu'ils craignent. Que l'on nous commande ; la réquisition de la loi fera taire l'épouvante qui demande du secours.
Nos armes sont à nous ; nos canonniers sont nos frères ; leurs armes et les nôtres forment un faisceau indivisible comme nos cœurs.
Union, force, respect pour la loi, assistance aux .autorités constituées, surveillance, maintien de la propriété, guerre aux factieux de tous les genres ; nous le jurons.
Législateurs, nous demandons le rapport du décret que le ministre de la guerre a seul provoqué.
Les citoyens du bataillon des Petits-Augustins ont juré de maintenir la Constitution, et de n'exécuter que les décrets de l'Assemblée nationale ; (Vifs applaudissements des tribunes ;) aujourd'hui ils viennent vous supplier de prendre en consi-
dération les pièges que l'on cherche à tendre à d'honnêtes gens. (Applaudissements des tribunes.) Nous supplions l'Assemblée de vouloir bien prendre en considération nos observations et toutes les mesures nécessaires pour n'être point trompés. Nous avons iuré de ne reconnaître que vos décrets, de n'obéir qu'à la loi ; nous répétons en ce moment ce serment sacré {Applaudissements), que nous jurons de conserver.
Les gardes nationales: Oui ! Oui! nous le jurons 1
répond à la députation et lui accorde les honneurs de la séance.
Les gardes nationales déposent sur le bureau un exemplaire imprimé du projet d'adresse et delà lettre d'envoi et traversent la salle au milieu des applaudissements des tribunes et delà gauche de l'Assemblée.
La dénonciation qui vient dé vous être laite mérite toute l'attention de l'Assemblée nationale. {Applaudissements des tri -bunes.) Je considère les pièces qui viennent de vous être lues par ces bons citoyens comme un acte de rebellion, comme une violation manifeste de la Constitution {Murmures); et je dis que ce sont tous les malveillants qui cherchent à égarer lé civisme des bons citoyens qui composent la garde nationale de Paris. Elle ne s'est jamais démentie et n'a jamais cessé de donner des preuves de sa soumission à la loi. Je demande que le pouvoir exécutif soit tenu de prendre des mesures pour découvrir les auteurs de cette machination perfide; et de plus, qu'il soit tenu de rendre compte dans les 24 heures, des moyens qu'il aura pris pour connaître les auteurs de ces éerits.
Quelques membres : Appuyé.
D'autres membres : L'ordre du jour!
Je m'empresserai d'abord de pay er le juste tribut d'éloges que tout homme doit aux citoyens soldats qui sont venus apporter l'adresse proposée parles agitateurs de la garde nationale parisienne. Déjà depuis longtemps un système s'ést annoncé, non seulement dans les journaux vendus aux ennemis de la Constitution ; mais encore chez tous ceux qui se couvrent du masque du patriotisme, pour mieux tromper les amis de la liberté ; ce système, c'est, Messieurs, de diviser la garde nationale et les citoyens ; c'est d'essayer, ce à quoi ils ne parviendront jamais^ de tuer le véritable esprit patriotique qui anime la garde nationale parisienne.'{Applaudissements.) C'est ce même système, Messieurs, qu'on reproduit aujourd'hui. Mais je le prédis ; non, les espérances de ces malveillants ne se réaliseront jamais. La garde nationale saura toujours distinguer ses véritables amis de ceux qui ne là flattent que pour la tromper.
Au reste, Messieurs, il n'est peut-être pas inutile de profiter de cette occasion pour détromper ceux des bons citoyens qui pourraient être en alarmes sur les mesures que vous avez décrétées. Rien n'est si simple que le projet qui vous a été proposé par le ministre de la guerre. Ce projet, j'ose le dire, a été inspiré par le. patriotisme le plus pur, et il est avoué par la prudence : de quoi s*agit-il, en effet ? Sans doute, personne n'a pu douter de tout le zèle, de tout le patriotisme de la garde nationale parisienne livrée à ses propres sentiments ; mais d'un côté le général Lafayette nous a fait connaître le désir qu'il avait, qu'une partie de la garde nationale parisienne vint renforcer son camp; c'est un nouveau titre
d'honneur qu'il veut lui donner ; car, sans doute, c'en sera toujours un pour les véritables amis de la liberté, que d'être préférés pour marcher à l'ennemi. {Applaudissements.) D'un autre côté, quelques insurrections s'étaient manifestées dans les départements qui avoisinent Paris, et on devait craindre qu'au moment des moissons les insurrections ne se renouvellassent. Or, vous avez été témoins, Messieurs, que plusieurs détachements de la garde nationale ont été forcés de quitter leurs drapeaux pour aller rétablir l'ordre soit à Soissons, soit à Etampes, et qu'ils ont produit les meilleurs effets dans les émeutes à la répression desquelles ils ont été employés. Enfin depuis longtemps on annonce que les Autrichiens ont formé le projet d'établir un camp dans un endroit d'où ils pourraient facilement entrer sur notre territoire ; car il n'y a pas loin du camp indiqué parles Autrichiens à Soissons, et de Soissons à Paris. Il était donc nécessaire (et tous les bons militaires en conviennent) de former d^tns les environs de Paris, un camp qui pùt forpiér une seconde ligne ; ]et c'est là ce que le ministre de la guerre a vu d'essentiel dans les circonstances actuelles, c'est ce qu'il a proposé. Sans doute, ni l'Assemblée nationale, ni le ministre de la guerre n'ont pas pu, n'ont pas voulu entendre que les citoyens appelés des divers départements pussent venir à Paris pour y remplacer la garde nationale qui serait en activité. C'est là une infernale invention de la part des ennemis de la chose publique; invention aussi calomnieuse pour la garde nationale de Paris, que pour les citoyens qui seront appelés à former un camp dans les environs de la capitale. Cependant vous voyez lès espérances que les ennemis de la chose publique ont fondées sur ce projet. Il ne s'agit de rien moins pour eux que d'en profiter pour semer la discorde entre la garde nationale parisienne et les braves gardes nationales des diiférents"départements. C'est là, vous ne pouvez vous le dissimuler, le principal objet de l'àdresse que l'on se propose de vous présenter ; et s'il est vrai, Comme on l'annonce (car lé moment de dire toute la vérité est venu) s'il est vrai que la sanction de votre décret n'a été retardée que par cela même, qu'on a annoncé qu'il y aurait dimanche à votre barre une pétition de toute la garde nationale de Paris, vous pouvez voir aisément quels sont ceux qui dirigent cette infernale et atroce manœuvre.
Mais, je le répète, les espérances dés malveillants seront dejouées. Il ne leur en reviendra que la honte de les avoir conçues. La garde nationale parisienne se ralliera autour de vous et autour de la loi; et jamais elle n'abandonnera la véritable cause du patriotismë et de la liberté. {Applaudissements.) Cependant, en rendant cet hommage éclatant à la garde nationale parisienne, nous devons en distinguer ceux qui cherchent, à l'égarer contre votre décret, en essayant de faire violer les premiers principes de vos lois. Cette manœuvre mérite d'être éclaircie. Elle tient peut-être à plus d'un projet dont la connaissance intéresse essentiellement la sûreté publique. Je demande donc, non pas comme M. Del mas, que le pouvoir exécutif soit chargé de prendre des renseignements sur cet objet; mais que le commandant général de la garde nationale de Paris, aujourd'hui de service, soit mandé à la barre à l'instant pour vous donner sur cette pétition et la lettre de l'état-major, tous les renseignements qui sont en son pouvoir. {Applaudissements.) Il n'appartient pas à un corps,
à un corps militaire de faire des jpétitions collectives, C'est attenter à la Constitution, qui porte expressément qu'elles seront individuelles.-
Je demande l'ordre du jour sur la motion de M. Guadet et je vais le motiver. Vous ne pouvez voir autre chose, dans la péti-tition qui vous a été lue, que l'exercice du droit qu'a la garde nationale de vous faire des représentations sur un décret rendu. Je crois que le •droit de pétition doit être sacré... (Murmures).
Je demande à lire la Constitution.
Un membre : Je demande que l'on rappelle à l'ordre M. Thuriot.
C'est une raison pour né pas mander le commandant de service à la barre. Je sais que la garde nationale parisienne n'a pas le droit de délibérer, mais je crois que tous les citoyens ont le droit de prendre une détermination et d'apporter une pétition à l'Asseiri-blée; si c'était là un crime, je serais le premier à faire la motion que le, commandant de la garde nationale fût mandé à la barre, mais il ne λeutyen avoir et c'est pourquoi je demande que 'Assemblée nationale, avant de prendre aucune mesure, veuille bien réfléchir. Je propose donc l'ordre du jour sur la proposition de M. Guadet.
On vient de déposer sur le bureau de l'Assemblée une lettre circulaire impri-mée, à laquelle est joint un projet d'adresse, prétendue individuelle, également imprimée, faite au nom des gardes nationales de Paris. J'observe, ce qui est très essentiel, qu'il est dit dans la lettré : « Vous voudrez bien renvoyer avec « vos signatures l'adresse, dimanche matin, avant « 8 heures, au secrétariat de ,l'état-major de « FHôtel-de-ville de Paris. » Or, i'obsérve, Messieurs, que cette démarche tend à faire faire une pétition à toute la garde nationale de Paris comme corporation (Murmures) puisque les signatures seront déposées à l'état-major de l'Hô; tel-de-ville.
'' Un second fait encore plus important, et qu'une personne digne de confiance m'a attesté (/tires.), c'est que cette lettre et cetffe adresse ont été •distribuées à l'ordre. C'est donc sur ces .deux faits que vous devez demander des éèlaircisse-ments. Il n'y a point d'inculpation sur eux, tels qu'ils sont énoncés; mais il est du devoir de 1 Assemblée de les approfondir. C'est du commandant de la garde nationale qu'il faut savoir s'il a connaissance d'Une adresse et d'une circulaire distribuées à la garde nationale, dont la minute originale devait être déposée demain au secrétariat de l'état-major; s'il a connaissance •que Cette lettre et cette adresse aient été distribuées à l'ordre. Je demande que l'Assemblée prenne des éclaircisseirients de celui-là seul 3pi doit les lui donner, c'est-à-dire |du coiriman-ant général de service. (Applaudissements à gauche et dans les tribunes).
Il y a plusieurs personnes dans les bataillons qui vont mendier les signatures de porte en porte.
Je demande la parole pour un fait. J'observe que l'Assemblée doit passer à l'ordre du jour, d'autant plus que, par une subversion de tous les principes, il y a eu des pétitions présentées ici par des citoyens qui s'annonçaient ets'instituaientprésidents etsecrétaires de corporations. L'Assemblée nationale ayant fermé les yeux jusque aujourd'hui sur cet abus... (Murmures.)
Un membre : Un des pétitionnaires ici présent, observe que la pétition qui a été lue leur a été envoyée ce matin par l'état-major.
Plusieurs voix : La discussion fermée! (Bruit.)
Un membre : Comment voulez-vous fermer la discussion ; on n'a encore entendu que des accusateurs à la journée.
Il faut donc s'en aller, si vous fermez la discussion.
Plusieurs voix : La question préalable sur la clôture !
Je demande que l'on entende quelqu'un en faveur de la garde nationale.
(L'Assemblée décrète que la discussion n'est pas fermée.)
On vous annonce une pétition de la part d'un grand nombre de citoyens de Paris sur le décret que vous avez rendu hier et on ajoute que cette pétition doit être signée par des gardes nationales.
Je conviens du principe qu'aucun garde national ne doit présenter de pétition. Comme garde national, il fait partie de la force publique, il doit alors être obéissant; ce n'est que comme citoyen qu'un homme peut présenter une pétition au Corps législatif et à toutes les autorités constituées. Ainsi, s'il vous était présenté une pétition par des gardes nationales, vous ne devriez pas admettre a votre barre ceux qui la présenteraient. Voilà quels sont les principes de la Constitution, et voilà, par conséquent, quels sont les miens. ( Murmures.)
Mais on annonce qu'il a été colporté dans Paris un modèle d'adresse à signer par les bataillons, et que l'état-major a dicté cette adresse. Sans doute, aucune influence étrangère ne doit dicter les pétitions présentées aux autorités. Cependant, au moment où l'on proclame ce très juste principe, qu'aucun garde national ne peut faire ae pétition, je pourrais, Messieurs, m'éton-ner qu'une pétition présentée par les gardes nationaux qui sont devant vous, donnât lieu à refuser une pétition que veulent présenter d'autres gardes nationaux.
Je pense que l'Assemblée ne peut prendre aucune décision sur un objet de ce genre que quand réellement il y a eu un délit commis. Or, y a-t-il un délit ççmmis? J'examine les faits. On vous fait une dénonciation et l'on vous présente deux imprimés. Or ce délit est pour moi, comme pour beaucoup de membres, une chose très incertaine (Murmures) et je demande si l'Assemblée peut prendre une délibération sur un imprimé en blanc, gu'on dit avpir été envoyé par l'état-major de Paris. Ne faut-il pas à l'Assemblée nationale d'autres preuves que cet imprimé en blanc, pour affirmer qu'en effet c'est l'état-major de la garde nationale qui l'a adressé à tous les bataillons, qui l'a donné comme une loi qui devait être suivie par toutes les gardes nationales, et n'est-ce pas vous compromettre que demander à votre barre le commandant qui est peut-être étranger à tout cela?... (Murmures.)
Au surplus, Messieurs, qu'a donc d'effrayant une pétition qui serait faite par un grand nombre de citoyens sur un décret rendu par l'Assemblée? Si la garde nationale se présente en cette qualité, vous ne devez pas lui permettre de lire une pétition sur l'un de vos décrets; mais, si ce sont des citoyens, que l'influence leur en ait été donnée, soit par l'état-major, soit par tout autre, vous délibérerez sur les moyens qui y serbnt dé-
veloppés. Si ces moyens sont sages, s'ils étaient capables de vous faire délibérer une seconde fois sur votre décret, votre devoir serait de le faire.
Plusieurs voix : Ah ! ah !
Il n'importe, quelle que soit l'influence qui aurait dirigé les déclamations qui vous seraient faites sur un décret, si ces motifs étaient sages, votre devoir serait de les examiner et de les peser; s'ils n'étaient au contraire, comme vous le pensez, que de vaines déclamations, ne serait-il pas toujours temps de passer à l'ordre du jour? Si ceux qui veulent vous présenter une pétition, n'en ont pas le droit, vous les rejetterez de votre barre.
Je pense donc que les mesures que l'on vous propose, surtout celle de mander a la barre le commandant de la garde nationale, sont des mesures plus que prématurées, inutiles; et que demain, si l'on vous présente la pétition annoncée, il sera temps d'éloigner la proposition qui vous est faite, ou de la rejeter, si la mesure qui vous est proposée ne doit pas faire revenir sur le décret. En conséquence, je demande l'ordre du jour.
M. Becquey a rendu hommage aux motifs sur lesquels s'est appuyé M. Guadet. Il est convenu formellement qu aux termes de la Constitution, la force armée était essentiellement obéissante, et n'avait pas le droit, de délibérer. Mais ensuite M. Becquey s'est trompé, en voulant faire l'application de cette loi, et en annonçant que la pétition était faite au nom de citoyens, et non pas au nom de la garde nationale. La pétition, Messieurs, est au nom de la garde nationale. M. Becquey vous demande où existe le délit. Le délit existe dans les expressions mêmes contenues dans la pétition... (Murmures) et ensuite.....
Un membre : Vous ne l'avez pas lue.
Je l'ai entendue. Il y a des choses importantes dans la pétition, et qui exigent principalement l'attention de l'Assemblée; c'est la •perfidie d'annoncer à la garde nationale de Paris, l'intention de lui enlever ses canons et ses armes. Jamais l'Assemblée n'a eu une pareille intention. Elle a formellement décrété hier, que le pouvoir exécutif serait chargé de faire armer les gardes nationales volontaires qui se rendraient pour le 14 juillet à Paris. C'est donc une imposture combinée criminellement pour tâcher de soulever la garde nationale. (Applaudissements.) Il y a une grande vérité que l'Assemblée ne doit pas perdre ae vue, c'est que, d'après cette dénonciation, celui qui a rédigé la pétition est, à mon sens, coupable d'un grand plan de conjuration. (Applaudissements à gauche.)
Plusieurs membres à droite : C'est affreux de parler ainsi!
Ce qui doit confirmer mon idée, et convaincre l'Assemblée qu'il est réellement criminel, c'estque, connaissantrintentiondelaioi,il n'a pas signé la circulaire qui accompagnait la pétition. Hé! Messieurs, on vous dit dans le moment que ce n'est point l'universalité de la garde nationale que l'on a voulu déterminer à présenter une pétition à l'Assemblée. Je dis que c'est vouloir s'éblouir sur ce point qui a été bien démontré. Car la pétition a été donnée à l'ordre, et envoyée à tous les bataillons de Paris, et à tous les capitaines, avec l'invitation de recueillir les signatures de tous les membres delà garde nationale. Or, je vous demande si ce n'est pas là un
délit grave ; si ce n'est pas déclarer hautement à la France entière que l'on veut que la garde nationale de Paris fasse la loi à l'Assemblée nationale. (Applaudissements.) Oui il est impossible de se dissimuler cette vérité; c'est que ceux qui ont combiné cette pétition, n'ont pas eu d'autres objets que d'armer la garde nationale de Paris contre 1 Assemblée nationale. (Murmures à droite. Applaudissements dans les tribunes.)
Voix dans les tribunes : Oui! oui!
Plusieurs membres : A l'ordre ! à l'ordre !
Je suis le premier à louer la garde nationale de Paris, et je ne crains pas que l'on vienne à bout d'altérer son patriotisme ; mais je dis que le plan qui a été formé est un crime contre la sûreté et la liberté de l'Assemblée. Je demande donc que la proposition de M. Guadet soit mise aux voix, et qu'on sache enfin quel est l'homme assez criminel pour avoir créé une pareille pétition, et l'avoir envoyée dans tous les quartiers de la capitale.
, secrétaire. Voici une lettre relative à cette affaire :
« Charlemagne, citoyen, prie M. le Président de vouloir bien faire lire à l'Assemblée une adresse qui accompagne sa lettre. »
Quelques membres : La lecture de l'adresse !
, secrétaire, donne lecture de cette adresse qui est ainsi conçue :
« Législateurs, il va donc renaître pour nous le beau jour de la fédération ; le jour où nous verrons renouveler cette fraternité entre la garde nationale de Paris et celle des autres départements. (Applaudissements.) Le ministre de la guerre vient d'ajouter à l'idée que l'on s'était formée de son patriotisme, par sa démarche auprès du Corps législatif pour solliciter cette fédération générale. Vous, Messieurs, vous avez adopté avec enthousiasme cette idée; votre décret existe : il est applaudi de tous les vrais amis de la chose publique. Il n'est pas étonnant que nos ennemis, que cette horde de brigands que Paris renferme, n'ait pas vu avec satisfaction la réunion prochaine de 20,000 patriotes qui viennent entourer leurs conciliabules secrets. Ils intriguent en tous sens pour faire avorter vos projets. Ils calomnient les intentions du ministre. Ils trompent la religion des citoyens les plus crédules. Ils ont été assez adroits pour attirer à eux une partie de l'.état-major de lagarde nationale parisienne, qui (ilsren faut) n'est pas animée d'un patriotismeaussipur que celui qui anime les citoyens soussignés. (Applaudissements.) Ils les ont engagés à se concerter pour mettre obstacle à l'exécution de votre décret, et en voici la preuve. Cet état-major s'est assemblé, et, sans mission, il a fait rédiger et imprimer une adresse au nom de la garde nationale, où les inductions les plus atroces sont tirées de la proposition du ministre. Elle est terminée parla demande qu'il fait du rapport du décret. Il fait circuler cette adresse aux citoyens des différentes sections pour mendier leurs signatures. Quelle conduite astucieuse! Législateurs, quand il vous fera parvenir cette adresse, ne croyez pas que ce soit le vœu de la garde nationale. Vous verrez au bas quelques signatures surprises à la bonne foi de quelques personnes crédules et faibles, et d'autres données par des êtres parasites qui n'ont jamais fait, et qui ne font pas leurs services. Législateurs, vous n'y verrez pas la nôtre. Zélés défenseurs de vos lois, et admirateurs du
vrai patriotisme, nous attendons avec impatience le jour où nous jurerons de nouveau avec nos frères des départements le serment de. vivre libres ou mourir. (Applaudissements réitérés à gauche et dans les tribunes.)
« Signé : Charlemagne père et fils, citoyens de la section de la Fontaine-Montmorency, 42, rue de Cléry. »
Je trouve dans le titre premier de la Constitution, au nombre des droits assurés aux citoyens, et contre lesquels le Corps législatif ne peut en aucun cas rien entreprendre: « La liberté d'adresser aux autorités constituées, des pétitions signées individuellement. » J'y trouve ensuite que « le Corps législatif ne pourra faire aucune loi qui mette obstacle à l'exercice des droits consignés dans ce titre. » J'observe que la Constitution exige que les pétitions soient signées individuellement, qu'elle ne détermine en aucune manière la nature des objets sur lesquels elles peuvent porter, que la plus grande latitude est garantie à cet égard à tous les citoyens.
J'observe secondement que l'espèce même de ces citoyens n'est pas davantage désignée par la loi constitutionnelle ; que, de quelque caractère que soient revêtus les citoyens, ils rentrent pour l'exercice d'un droit naturel dans la sim-
fdicité de leurs conditions d'hommes; que, dès ors, toutes les qualifications données aux particuliers qui provoquent la signature d'une pétition s évanouissent à l'instant où ils la signent, qu'ils ne s'y trouvent que comme simples citoyens, et que les inductions que l'on pourrait tirer des qualités dont les uns et les autres pourraient être revêtus, n'ont nulle application au cas qui vous occupe. Je considéré, troisièmement, que lorsque l'on a fait au droit de pétition l'application du principe, que la force armée ne saurait délibérer, on a confondu deux choses tout à fait distinctes. II n'y a pas de délibération dans l'acte de signer une pétition que chacun signe individuellement; il n'y a de délibération que dans l'acte de signer collectivement une chose dans laquelle la majorité fait la loi à la minorité; or, dans l'acte de signer une pétition, ceux qui signent ne représentent nullement ceux qui ne signent pas, et par conséquent la prohibition de délibérer faite aux gardes nationales et à la force armée, ne frappe nullement sur le droit qu'elle a de signer des pétitions.
Je considère quatrièmement que ni la loi constitutionnelle, ni aucune autre loi, n'ont défendu ni n'ont pu défendre à des individus qui joignent à leur qualité de citoyens une autre qualité quelconque, de faire une pétition qui aurait pour objet l'état même et les fonctions dont ils sont revêtus.!Et ainsi, par exemple, un pétitionnaire à votre barre peut demanaer, relativement à l'état qu'il professe, telle loi qu'il juge nécessaire, utile ou convenable. Après avoir ainsi défini les mots, distingué les choses
au'on avait confondues, il est bien aisé de se éterminer dans cette circonstance. Je n'examinerai pas comment la pétition dont le modèle vous a été dénoncé, a été imprimée ou répandue, car cela ne fait rien du tout à l'affaire. (Murmures à gauche.)
Plusieurs membres à gauche : C'est là précisément l'affaire.
Je ne raisonne point, Messieurs, pour les personnes qui ont intérêt dans cette occasion à violer une liberté qui, jusqu'à présent, a été portée jusqu'à la licence; je demande mêmes poids et mêmes mesures, et pour les sociétés de citoyens qui n'ont rien donné à la patrie que leurs cris séditieux, et pour la garde nationale qui lui a prêté son bras depuis le commencement de la Révolution pour la défense de la Constitution et de la liberté. (Applaudissements à droite. Murmures à gauche.) Je lé répète, la manière dont ce projet de pétition a été proposé à la signature, ne faisant aucune violence au libre arbitre de chacun de ceux à qui elle a été présentée, ne tombe dans aucune loi répressive ou prohibitive; et c'est dans ce casque | l'on a droit de dire que Tout ce qui n'est pas défendu est permis. Il est inutile, ais-je, de savoir comment cette pétition a été répandue; il s'agira de savoir si elle est signée individuellement, il s'agira de savoir si aucune des personnes qui l'ont signée, n'a été contrainte à le faire ; enfin si les signataires ne se regardent pas comme les représentants de ceux qui n'ont pas signé. C'est sur ces objets que la Constitution vous permet de décider seulement ; car, en mettant le droit de pétition au nombre des droits naturels contre lesquels aucune autorité ne peut proposer ou faire des lois, elle a reconnu que ce droit était le dernier refuge de la liberté; que s'il était jamais possible d'y porter atteinte, c'est alors que l'opinion publique qui doit environner et guider les législateurs, c'est alors que l'opinion publique réduite à un morne sir lence, abandonnerait l'Empire aux volontés, au caprice, au despotisme du premier ambitieux, du premier parti qui s'emparerait des rênes du gouvernement. >
Vous l'avez si bien senti que, toujours indul-geiits envers l'ignorance ou l'inconsidération même de ceux qui se présentaient à votre barre, vous avez respecté dans leurs fautes mêmes l'exercice d'un droit auquel il est impossible de jamais porter la moindre atteinte. En quoi! serait-ce donc dans l'instant où un projet de pétition sans signature, qui n'aura peut-être pas d'effet (Murmures à gauche.), vous est dénoncé, que vous exerceriez sur les individus qui voudront la signer une inquisition vraiment dictatoriale et destinée évidemment à fermer la bouche de ceux qui ne parlent pas dans l'esprit du parti dominant! Considérez que vous ne pouvez porter nulle atteinte à ce droit, sans qu'une portion considérable de la nation ne ressente avec impatience les chaînes dont certaine faction tend a la surcharger; sans que la résistance de l'opinion ne vienne avertir cette faction qu'elle est trop pressée de dominer; rappelons-nous encore les généreux efforts que nous fîmes en 1789 contre le despotisme. (Rires et murmures à gauche.) Il est bien étonnant que, lorsque l'Assemblée a donné tant de preuves de longanimitéj qu'elle ne s'est point informée comment lui parvenaient des pétitions qu'on avait fait approuver et signer par le moyen de sociétés correspondantes, pétitions que devaient faire réprouver les principes inconstitutionnels dont elles étaient remplies, ce soit à l'instant où une partie de la garde nationale parisienne, toujours si respectueuse...
Quelques membres : Une partie de l'état-major.
A l'instant où une partie de la garde nationale parisienne cherche à émettre
un vœu, que commence cette inquisition, que commence une vérification inquiète, que 1 on veut mettre des bornes à l'exercice d'un droit qui n'en peut recevoir. Je demande que, conformément aux principes que vous avez toujours professés, passant à 1 ordre du jour sur une dénonciation (Murmures.) qui tend à jeter la division au sein de la garde nationale...
Quelques membres: C'est vous! C'est vous!
Passant à l'ordre du jour sur cette dénonciation que l'on ne saurait regarder comme innocente si l'autre est çoupable, puisqu'elle est présentée de même par des individus ae la garde nationale; que l'Assemblée nationale, dis-je, respectant aujourd'hui les principes qu'elle a toujours professés, ouvre sa barre aux pétitionnaires qui auront à lui présenter leurs réclamations. (Applaudissements à droite. — Murmures à gauche.)
L'instruction étant un moyen des
Elus sûrs et des plus efficaces pour rallier les ons citoyens autour de la loi, dans l'intention de détruire l'effet de deux calomnies aussi atroces qu'absurdes qui circulent dans la capitale, et paraissent avoir fait une certaine im- ?ression sur la garde nationale et le peuple de paris...
Plusieurs voix : Non, non !
Dans l'intention de détruire ces deux calomnies tendant, l'une à persuader au peuple dè Paris, qùe lé rassemblement de 20,000 hommes était pour affamer la capitale; l'autre, que l'organisation de cette troupe était un outrage à la garde nationale de Paris, j'avais rédigé un projet d'adresse. Si l'Assemblée veut l'entendre.
Plusieurs voix : Non, non I
Je demande à ajouter quelques faits à ce qu'a dit M. Ramond. Le comité de pétitions peut vous dire qu'il nous a lu une roule d'adresses et de pétitions envoyées au Corps législatif, non seulement par des bataillons de gardes nationaux volontaires, mais même par des troupes de ligne. On peut ajouter à cela que -ces pétitions ont été admises, qu'elles ont été soumises aux délibérations de vos comités, et que leur objet a été ensuite décrété par l'Assemblée. Je ne conçois pas, d'après cela, comment on a pu faire les propositions qu'on vous a soumises et ce n'est pas sans une grande surprise que je vois balancer à passer à 1 ordre du jour, dans cette enceinte, où j'ai entendu le patriotisme s'exprimer si bien et avec tant de force sur le droit sacré de pétition.
Messieurs, il n'est pas question en ce moment de juger une pétition qui n'a pas encore été présentee, et dont par conséquent les formés n'ont pas été soumises à votre examen. Il est seulement question de savoir si les faits qui ont été dénoncés peuvent être considérés comme des délits; il est question de savoir si dés citoyens, revêtus d'une autorité légale, ont pu profiter de cette autorité pour déterminer ceux qui leur sont subordonnés, dans l'ordre militaire, à signer une pétition conforme aux principes qu'ils auraient voulu proclamer. Voilà le véritable état de la question. (Applaudissements.) \
M. Ramond vous a exposé, avec autant de clarté que d'éloquence, les vrais principes du droit de pétition; mais lorsqu'il en est venu à l'application de ces principes à la circonstance actuelle, il b'est servi très adroitement d'une figure de rhé-
torique, qu'on appelle, je crois, prétérition (^p plaudissements), mais qui ne doit pas, ce me semble, dispenser l'Assemblée de discuter l'application des principes. En effet, le droit de pé--tition ne peut être considéré comme sacré qu'autant que les individus seuls et considérés isolément en jouissent; mais, s'ils se permettent d'ajouter quelque chose à leur qualité pure et simple de citoyens, non seulement ils désobéissent à la loi, mais ils sont violateurs du droit de pétition.
Ce sont céux qui revêtent leur pétition de caractère supérieur à la simple individualité; ce sont ceux-là, dis-je, qui sont les ennemis déclarés du droit de pétition. C'est donc le droit de pétition que je venge à cette tribune. C'est de ce droit dont je demande que la violation soit punie. Certainement, Messieurs, on ne peut pas se dissimuler que les membres de la société qui sont investis; d'urié autorité quelconque par la loi, et qui se servent de cette autorité, soit pour provoquer des pétitions, soit pour obtenir un plus grand nombre de signatures, soit pour faciliter le moyen de donner à ces pétitions le plus de publicité, le plus de force, le pïiis d'influence ; ces citoyens-là outrepassent le droit de l'individu, et ils sont par conséquentyiolateursdu droit de pétition. Voilà, ce me semble, Messieurs, des principes incontestables, et d'une telle force que, lorsque l'Assemblée nationale s'est occupée d'une pétition à peu près semblablej qui fut présentée au roi par le directoire du département de Paris, le rapporteur (certes, non suspect) de cette affaire, vous développa les mêmes principes que je réclame en cè moment (1). Eh! Messieurs, j'ose rappeler à l'Assemblée que si l'impunité n'avait suivi cettè pétition inconstitutionnelle, si le silence de l'Assemblée n'avait pas autorisé de semblables démarches, elle n'aurait probablement pas à s'occuper aujourd'hui d'une pareille questions (Applaudissements des tribunes.)
Il s'agit donc, en ce moment, de savoir si le délit qu on vous a dénoncé est réel ; si quelques individus de rétat-n(iajor de la garde nationale se sont permis d'user des moyens d'influence que leur donne la loi, pour provoquer une pétition, pour multiplier les signatures. Je crois que le seul moyen que vous puissiez suivre est celui qui vous a été proposé.
Qu'on ne dise pas : quel est le crime du commandant général? Il n'y en a point.
Messieurs, lorsqu'on vous a proposé de décréter qu'il serait formé un camp de 20,000 hommes, on vous a dit sur-le-champ que cette proposition était injurieuse à la garde nationale. Lorsque vous voulez mander le commandant général, on vous dit que cette proposition suppose un délit; elle suppose bien l'existence d'un délit, mais elle n'est autre chose que la demande au commandant de vous donner des éclaircissements dont lui seul peut être dépositaire. (Applaudissements.)
Plusieurs membres : La discussion fermée!
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
(L'Assemblée rejette l'ordre du jour.) (Applaudissements.)
re série, t.
XXXVIII, séance du 4 février 1792, au soir, page 144, le rapport de M. Gorguereau.
Je demande la question préalable sur la proposition de M. Guadet.
(L'Assemblée rejette la question préalable et •décrète que le commandant général de service «de la garde nationale de Paris est mandé à la barre pour donner sur-le-champ les éclaircissements qui lui seront demandés sur les faits portés par la dénonciation qui vient d'être faite et dont l'objet est d'appeler l'attention de l'Assemblée sur un projet de pétition présenté à l'ordre aux divers Tbataillons de la garde nationale parisienne, avec invitation de la signer et d'emporter •demain les exemplaires au secrétariat de l'état-major, à l'hôtel commun) (Applaudissements.)
, au nom du comité militaire, soumet à la discussion un projet de décret sur la réclamation du sieur Leteneur, relative à la validité de sa nomination à une place de catntaine de gendarmerie nationale ; le projet de décret est ainsi conçu : (1)
Décret d'urgence.
L'Assemblée nationale, considérant qu'il est instant de statuer sur la réclamation au sieur Leteneur, relative à la Validité de sa nomination par le directoire du département de Seine-et-Oise. le 4 juillet 1791, à une place de capitaine de gendarmerie nationale, qui a été ensuite conférée au sieur Redi de Lagrange, par une élection ultérieure du même directoire, sur le refus de M. Duportail, ministre de la guerre, de faire expédier au sieur Leteneur la commission de capitaine; et qu'il est instant de prononcer sur le sort de deux officiers, nommés au même emploi, décrète qu'il y a urgence.
Décret définitif.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité militaire, et décrété l'urgence ;
« Considérant que l'article 7 du titre VI de la loi sur l'organisation de la gendarmerie nationale, qui accorde ia moitié des places de capitaines aux officiers de la ci-devant maréchaussée, et qui laisse aux directoires du département le cljoix de l'autre moitié parmi des sujets ayant servi au moins dix ans en qualité d'officiers, n'interdisaitjpoint aux directoires la faculté de choisir parmi les officiers de la ci-devant maréchaussée, pourvu qu'ils eussent les qualités exigées par cet article ;
« Considérant que la réclamation du sieur Leteneur, à l'Assemblée nationale, contre les refus du ministre de la guerre, de lui délivrer sa commission de capitaine, et contre l'interprétation qu'il s'était permis de faire de l'article 7 du titre VI de la loi sur l'organisation de là gendarmerie nationale, devait empêcher le directoire de procéder à une nouvelle élection, jusqu'à ce qu'il y eût été statué;
« Considérant enfin que le directoire du département de Seine-et-Oise, consulté, le 14
septembre suivant, par le ministre de là guerre, sur les deux nominations au mêrné emploi,
qu'il reconnaissait valables, et auquel des deux officiers élus la préférence devait être
accordée; et au' lieu de s'expliquer positivement sur le choix
re sérié, t.
XLII, séance du 28 avril 1792, page 500, la présentation de ce projet de décret.
« Décrète que la nomination faite par le directoire du département de Seine-et-Oise, de M. Le-teneiir, à une place de capitaine de la gendarmerie nationale, est valable ; et que la commission lui en sera délivrée, qu'il sera rappelé de ses appointements de lieutenant depuis le 4 juillet 1791;
« Décrète que le sieur Redi de Lagrange, nommé au même emploi, remplira la place de lieutenant, destinée, par le ministre de la guerre, au sieur Leteneur, qu'il en fera lés fonctions et en touchera les appointements, jusqu'à ce qu'il sdit remplacé dans la ligne et dans le grade qu'ilau-rait obtenu s'il n'en eût pas sorti; si mieux il n'aime continuer son service dans la gendarmerie nationale, où il prendra son rang pour l'avancement, suivant les règles établies par les précédents décrets;
« Décrète enfin que le présent décret sera envoyé aux directoires du département et des districts de Seine-et-Oise. »
(L'Assemblée adopte le décret d'urgence, puis le décret définitif.)
, au nom du comité de liquidation, fait la troisième lecture (1) d'un projet de décret sur des pensions et gratifications en général; ce projet de décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, sur le rapport de son comité de liquidation, qui lui a rendu compte des vérifications et rapports faits par le commissaire du roi, directeur général delà liquidation; après avoir entendu les trois lectures faites dans les séances des 23 et 31 mai derniers et 9 juin présent mois, d'un projet de décret concernant les pensions, secours et gratifications; et après avoir décrété qu'elle était en état de rendre le décret définitif, décrète ce qui suit :
Art. ler.
c Les pensions énoncées au premier état annexé à la minute du présent décret, montant à la somme de 378,453 1. 5 s. 2 d. pour les personnes nées en 1715 et au-dessus, 1718,1720,1721,1724, 1725,1726 et 1727, seront recréées et payées sur le fonds de 10 millions ordonné par l'article 14 du titre Ier de la loi du 22 août 1790, à. compter du 1er janvier de ladite année 1790. .
Art. 2.
* Sur le même fonds de 10 millions il sera payé, à compter du jour de la publication du présent décret, la somme de 8,565 livres aux personnes dénommées au second état annexé a la minute du présent décret, sous le titre de pensions créées : laquelle somme de 8,565 livres Sera répartie suivant la proportion portée audit état.
Art. 3.
« Les pensions énoncées au troisième état, mon-
er série, t.
XLIV, séance du 31 mai 1792,' au soir, -page 395, la seconde lecture de ce projet de
décret.
Art. 4.
« Sur le fonds de 2 millions de secours, établi par l'article 15 du titre III de la loi du 22 août 1790, il sera payé, à compter du 1er janvier de ladite année, la somme de 24,200 livres aux personnes comprises dans le quatrième état annexé à la minute du présent décret; laquelle somme sera répartie suivant la proportion portée audit état.
Art. 5.
« Sur le fonds de 150,000 livres ordonné par l'article 11 de la loi du 25 février 1791, et en conformité, tant de ladite loi que du décret du 18 août dernier, il sera payé par le payeur principal des dépenses diverses de la Trésorerie nationale :
« 1° Là somme de 1,000 livres aux personnes dénommées dans le cinquième état annexé à la minute du présent décret ;
« 2° Celle de 781 L 74 s. aux personnes dénommées au sixième état, également annexé à la
minute du présent décret, pour leur tenir lieu des secours dont elles jouissaient
précédemment sur les fonds de leurs communautés supprimées, et pour les remplir des sommes
qu'elles auraient touchées jusqu'au 1er janvier 179z, sauf à
statuer définitivement, d'après le rapport qui en sera fait par le comité de liquidation,
sur le remplacement annuel desdits secours ; laquelle somme de 781 1. 14 s. sera remise par
le payeur principal des dépenses diverses de la Trésorerie nationale, au bureau du
département de police de Paris, sur le récépissé de son président, qui sera tenu de
justifier de l'emploi de ladite somme de 781 1.14 s., au directoire du département, lequel
en certifiera l'Assemblée nationale dans le mois, à compter de la publication du présent
décret.
Art. 6.
« Sur le fonds de 2 millions destiné aux gratifications par l'article 14 du titre Ier de la loi du 22 août 1790, et en conformité de l'article 12 du titre III de ladite loi, il sera payé :
« 1° Au sieur Etienne-Benjamin Texier de Nor-bec, né le 24 novembre 1724, la somme de 5,000 1. en remplacement d'une pension de 530 livres net qu'il a justifié lui avoir été accordée en considération de ce que, étant capitaine d'artillerie dans la marine, en faisant l'épreuve d'un mortier, il a perdu l'œil et le bras droits, et a eu le visage couvert de blessures.
« Au moyen de quoi l'article contenu dans le huitième état annexé au décret du 7 avril dernier, qui avait rejeté sans remplacement la pension audit sieur Texier de Norbec, attendu son activité subsistante, sera réformé et regardé comme non-avenu, et il en sera fait mention sur la minute dudit décret, ainsi que sur toutes les expéditions qui ont pu être délivrées, ou qui le seraient par la suite, et partout où besoin sera;
« 2° Au sieur Nicolas Fou rnaux, né le 12 janvier 1726, la somme de 3,600 livres, en rempla-
cement d'une pension de 360 livres iiet, à lui accordée pour travaux littéraires relatifs aux arts de la charpente et de la menuiserie, tels que la publication d'un traité très détaillé sur la charpente, l'un des meilleurs en ce genre; la composition d'une description abrégée sur le même art, adoptée par l'Académie des siences, et des preuves réitérées *de talents pour la perfection des arts mécaniques ;
« 3P Au sieur Joseph-Jérôme Le François de Lalande, né le 11 juillet 1732, professeur d'astronomie au collège royal, et membre de l'Académie des sciences, savant distingué, auteur d'un traité complet d'astronomie, en 4 volumes in-quartoy qui est aujourd'hui à sa troisième édition, la somme de 8,500 livres, convertie en une rente viagère de 850 livres, payable sur le fonds de 2 millions destiné aux gratifications, tant en considération de ses travaux, du soin qu'il a pris de former des élèves et du soin qu'il a mis à les instruire, qu'en remplacement d'une gratification annuelle de 1,000 livres, qui lui avait été accordée pour récompense des découvertes par lui faites pouf l'utilité et les progrès de la navigation, le tout en conformité des articles 10 du titre 1er, et 6 et 7 du titre II de la loi du 22 août 1770;
« 4° Au sieur Jean-François Seignan, né le 19 janvier 1767, ci-devant employé dans les fermes, actuellement lieutenant au 17e régiment, la somme de 3,000 livres une fois payée, tant en récompense de la conduite qu'il a tenue à la tête de la garde nationale de Cazères, dont il était alors lieutenant-colonel, pour donner force à la loi dans l'émeute qui eut lieu Je 13 mai 1790, au village de Palaminy, département de la Haute-Garonne, et délivrer des mains d'une troupe de factieux, armés de fusils, le maire de ce village, qu'ils tenaient assiégé dans la maison commune, qu'en considération des blessures qu'il y a reçues, et dont il est resté estropié de la main droite.
Art. 7.
« En conformité de l'article 8 du titre Ier de la loi du 22 août 1790, les pensions énoncées au septième état annéxé à la minute du présent décret, montant à la somme de 7,000 livres, pour les personnes dénommées audit état, seront converties en rentes viagères, sans retenue, et payées par la Trésorerie nationale, sur les fonds a ce destinés, à compter du 1er janvier 1790.
Art. 8.
« Sur la réclamation du sieur Jean-Baptiste-Joseph-Bernard d'Azincourt, né le 17 février 1719, ancien capitaine de cavalerie, tendant à ce que sa pension, recréée par décret du 17 septembre 1791, soit augmentée en raison de 2 années de service qu'il a fait dans la garde nationale, et d'une campagne de plus que celles portées audit décret, l'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité de liquidation, qui a examiné les motifs à l'appui de la réclamation dudit sieur d'Azincourt, et vu les certificats fournis au commissaire du roi, directeur général de là liquida^ tion, décrète que, tant en conformité de la loi du 22 août 1790, que de celle du 16 octobre 1791, la pension dudit sieur d'Azincourt sera recréée pour 1,106 liv. 5 s., à compter du l6rjanvier 1790, sauf l'imputation de ce qu'il pourrait avoi r reçu, soit à titre de secours provisoire, soit en vertu
dudit décret du 17 septembre; en conséquence, l'article qui concerne ledit sieur d'Azincourt, dans le premier état annexé audit décret, sera regardé- comme non avenu, réformé sur la minute dudit décret, ainsi que sur les expéditions qui ont pu en être délivrées, ou qui le seraient par la suite, et il en sera fait mention partout où besoin sera.
Art. 9.
.« Sur celle faite parle sieur Anne-Louis Pinon de Saint-Georges, né le 22 avril 1720, contré les dispositions qui le concernent dans le deuxième état annexé au décret du 20 janvier dernier, attendu que, vérifications faites des renseignements et instructions fournis depuis l'époque de ce décret, il résulte : 1° que ledit sieur Pinon de Saint-Georges jouissait d'une pension de 5,000 livres, produisant net 3,437 liv, 10 s., accordés antérieurement au règlement du département de la Guerre, qui est de 1763, et d'une autre pension de 6,000 livres sur l'ordre de Saint-Louis, accordée en 1773, confirmée par édit de janvier 1779, revêtu des formes alors légales;
« 2° Que les services militaires dudit sieur de Saint-Georges sont de plus de 20 ans, qu'il a 14 campagnes de guerre, et le grade de lieutenant-général.
« L'Assemblée nationale décrète que lesdites pensions seront rétablies pour leur produit net de 9,437 liv. 10 s., conformément aux articles 6 et 7 du titre III de la loi du 22 août 1790, à compter du Ie* janvier de ladite année, sauf l'imputation de ce qui pourrait avoir été payé à titre de secours provisoires : en conséquence, l'article dû décret du 2Q janvier dernier, concernant ledit sieur Pinon de Saint-Georges, sera réformé, regardé comme non avenu, et il en sera fait mention sur la minute dudit décret, ainsi que sûr les expéditions qui ont pu en être délivrées, ou qui le seraient par la suite, et partout où^besoin sera.
Art. 10.
« Quant au sieur Didièr-François-Honorat Ba-raudin, né le 8 janvier 1724, réclamant contre
l'article inséré dans le premier état annexé au décret du 20 janvier dernier, par lequel il
lui a été recréé une pension de 3,000 livres, l'Assemblée nationale, vu les certificats
fournis au commissaire du roi, directeur général de la liquidation, par le ministre de la
marine, par lesquels il est justifié que ledit sieur Barauain a 53 ans de service, y compris
12 campagnes, et que le traitement dont il a joui pendant les 3 dernières années, en qualité
d'ancien capitaine de vaisseau, était de 3,600 livres, décrète que sa pension sera recréée
pour la totalité de ce traitement, conformément aux articles 18,19 et 20 du titre Ier, et 4 du titre III de la loi du 22 août 1790, au moyen de quoi
l'article qui concerne le sieur Barauain, dans le décret du 20 janvier dernier, sera regardé
comme non avenu, et réformé sur la minute dudit décret, ainsi que sur les expéditions qui
ont pu en être délivrées, ou qui le seraient par la suite, et il en sera fait mention
partout où besoin sera.
Art. 11.
« En conformité tant des articles 10,11 et 17 du titre Ièr, 7 et 8 du titre III de la loi du 22 août 1790,
que de l'article 1er du décret du 18 août 1791, les pensions énoncées au huitième état annexé à la minute du présent décret, montant à la somme de 117,972 liv. 16 s. 8 d., et qui étaient partagées entre les personnes dénommées audit état, seront rayées et rejetées des états de pensions à-la charge de la Trésorerie nationale.
Art. 12. '
« A l'égard des demandes de pensions faites par les personnes dénommées au neuvième état, également annexé à la minute du présent décret, l'Assemblée nationale, considérant qu'aucune de ces personnes ne réunit les conditions exigées par la loi du 22 août 1790, pour obtenir pension, gratification ou secours, décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer.
Art. 13.
« Sur la réclamation faite par le sieur Pierre-Lucien Chapelle de Jumilhac, né le 18 octobre 1716, contre l'article qui le concerne dans le décret du 17 septembre 1791, sanctionné par le roi le 2 octobre suivant, lequel article rétablit sa pension à 4,200 livres, attendu que, d'après les nouvelles vérifications faites, ledit sieur Chapelle de Jumilhac a obtenu tout ce qui doit lui être accordé d'après la loi du 22 août 1790, relative aux pensions, l'Assemblée nationale décrète qu'il n y a lieu à délibérer.
Art. 14.
« Sur celle du sieur Jean-François Maûpassant, né le 18 octobre 1720, qui prétend que la pension de 4,800 livres, recréée en sa faveur par le même décret ci-dessus cité, doit être portée à 5,400 livres, attendu qu'on aurait dû comprendre dans ses appointements, pour la fixation de sa pension, les 600 livres dont il jouissait en sus, à titre de gratification annuelle, l'Assemblée nationale décrète qu'il n'y a lieu à délibérer.
Art. 15.
« Sur celle du sieur Claude-François-Bernard Moreau, ancien procureur du roi au ci-devant Ghâtelet de Paris, formée contre la partie du dispositif de l'article qui, dans le décret du 24 mars 1791, le rejette pour une pension de 15,000 livres, obtenue à titre de pure indemnité pour le dédommager d'une partie du produit de sa charge, résultant de la diminution du corps des marchands ;
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu son comité de liquidation, qui a examiné les motifs de réclamation du sieur Moreau, et reçu le rapport du commissaire du roi, directeur de la liquidation, déclare qu'il n'y a pas lieu à délibérer.
Art. 16.
« Sur celle du sieur Duvignau, maréchal de camp, ci-devant directeur des fortifications, qui demande une gratification relativement à un ouvrage qu'il a composé pour l'instruction des élèves de l'école du génie, l'Assemblée nationale considérant que ledit sieur Duvignau ayant obtenu 9,000 livres de pension par décret du 28 septembre dernier, ses services paraissent suffisamment récompensés, décrète qu'il n'y a lieu à délibérer. »
Un membre sur l'article premier de ce projet de décret propose un amendement tendant à ce que la pension de Mme veuve Goujon, comprise pour 600 livres dans le premier état annexé à ce décret, soit portée à 1,000 livres. Il motive son amendement sur ce que le mari, ancien officier major commandant de la ville de Haguenau, département du Bas-Rhin, a péri en voulant préserver la ville et sauver ses concitoyens d'une inondation extraordinaire, causée par la crue subite des eaux et des glaces, arrivée la nuit du 22 au 23 janvier 1757.
Un membre demande la question préalable sur cet amendement.
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'amendement et qu'elle est en état de rendre le décret définitif, puis adopte le projet de décret.)
, au nom du comité de liquidation, fait la troisième lecture (l) d'un projet de décret sur les pensions nu gratifications à accorder aux ci-devant employés supprimés par la loi du 31 juillet dernier et aux ci-devant magistrats de la Corse, non originaires de cette île, qui n'auraient pas été appelés aux mêmes fonctions par les élections faites ; ce projet de décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, sur le rapport de son comité de liquidation, qui lui a rendu cômpte des états dressés par le commissaire du roi directeur général de la liquidation, eh exécution, tant de l'article 8 du décret du 2 juillet 1791, que de la loi du 31 du dit mois relative aux employés des ci-devant fermes, régies et administrations supprimées, après avoir entendu les trois lectures faites dans les séances des 23 et
31 mai dernier et 9 juin présent mois, d'un projet de décret concernant les pensions, secours et gratifications, et après avoir décrété qu'elle était en état de rendre le décret définitif, décrète ce qui suit:
Art. 1er.
« Il sera payé par la Trésorerie nationale, à titre de pensions annuelles et viagères, aux employés supprimés de la première classe, compris dans le premier état annexé à la minute du
{présent décret, la somme de 202,181 1.1 s. 9 d., aquelle somme sera répartie suivant la proportion établie par ledit état.
Art. 2.
« Il sera payé par la Trésorerie nationale, à titre de pensions annuelles et viagères, aux employés supprimés de la deuxième classe, compris dans le second état annexé à la minute du présent décret, la sommede 35,1001.14 s. 3 d., laquelle somme sera répartie suivant la proportion établie par ledit état.
Art. 3.
« La Trésorerie nationale payera, à titre de secours, aux employés supprimés de la
troisième classe, compris au troisième état annexé à la minuté du présent décret, la somme
de 305,8051. Il s. 8 d. laquelle somme sera répartie
re serie, t.
XLIV, seance du 31 inai au soir, page 391, la secoude lec- ture de ce projet de
decret.
Art. 4.
« Les pensions accordées par les articles 1 et 2 du présent décret, auront lieu à compter
du ler juillet 1791, conformément à l'article 16 de la loi du 31
dudit mois de juillet, sauf la déduction des secours provisoires que chacun desdits employés
aura reçus depuis ledit jour 1er juillet : la même déduction aura lieu sur les secours
accordés par l'article 3 du présent décret.
Art. 5.
« Il sera payé par la caisse de l'extraordinaire : 1° aux 52 employés dénommés au quatrième état annexé à la minute du présent décret, la somme de 33,717 1. 11 s. 8 d. à titre d'indemnités accordées conformément aux articles 12 et 13 de la loi du 31 juillet dernier, pour raison des dégâts faits dans leurs maisons et meubles, lors des mouvements qui ont eu lieu depuis le 12 juillet 1789, laquelle somme de 33,717 L 11 s. 8d. sera répartie entre lesdits 52 employés, suivant la proportion portée audit état;
« 2° La somme de 7,000 livres à Anne Mon-deher, épouse du sieur VHôpitau, elle ci-devant receveur des droits de haut pavé à Nantes, tant pour indemnité de la perte de pareille somme par elle versée dans la caisse au fermier des devoirs, sous la condition qui a été effectuée de lui donner, sa vie durant, une place dans ladite administration, qu'en considération de ce que son sexe ia prive de l'admission au remplacement dans l'organisation nouvelle, comme tous les employés supprimés, et du dénuement absolu où elle se trouve par la perte d'un état pour l'obtention duquel elle avait sacrifié toute sa fortune ;
« 3° Aux représentants du sieur Bouëbe, ancien chirurgien-major du régiment de Salis, la somme de 4,1671. 9 sols pour complément de cé qui restait dû audit sieur, à titre d indemnité; et quant au surplus des demandes faites par lesdits représentants, l'Assemblée nationale décrète qu'il n'y a lieu à délibérer, attendu que les inventions postérieures dudit sieur Bouëbe ne peuvent être d'aucune utilité à la marine.
Art. 6.
« En conformité de l'article 8 de la loi du 20 juillet 1791, il sera payé par la Trésorerie nationale, aux ci-devant magistrats de l'île de Corse, compris dans le cinquième état annexé à la minute du présent décret, sous le titre de pensions créées, la somme de 7,3081.15 sols, laquelle somme sera répartie suivant les proportions portées audit état.
(L'Assemblée décrète qu'elle est en état de rendre le décret définitif, puis adopte le projet de décret.)
, au nom du comité de liquidation, fait la troisième lecture d'un projet de décret relatif aux pensions à accorder sur la proposition du roi; ce projet de décret est ainsi conçu:
L'Assemblée nationale, sur le rapport de son
re serie, t.
XLIV, seauce du 31 mai 1792, au soir, page 398, la second© lecture de ce projet de
decreL.
Art. 1er.
« Sur le fonds de 10 millions destiné aux pensions par l'article 14 du titre Ier de la loi du 22 août 1790, il sera payé la somme de 102,7241.
1 s. 2 d. aux personnes comprises dans l'état de répartition annexé à la minute du présent décret, sous le n° 1.
Art. 2.
« Sur le même fonds de 10 millions, il sera payé la somme de 87,421 1. 5 s. aux personnes dénommées dans l'état également annexé à, la minute du présent décret, sous le n° 2, laquelle èomme sera répartie suivant la proportion portée audit état.
Art. 3.
« Sur le fonds de 2 millions destiné aux gratifications par l'article 14 dû titre Ier de la loi sus-datée, il sera payé aux personnes comprises dans l'état annexé a la minute du présent décret, sous le n° 3, la somme de 10,200 livres, laquelle somme sera répartie dans la proportion portée audit état.
Art. 4.
Sur la réclamation faite par le sieur Denis-Louis Dubosc de Vitermont, ancien major au 8e régiment de cavalerie, l'Assemblée nationale, vu les certificats joints à la réclamation, produits par le ministre ae la guerre, le lieutenant général commandant en chef dans la ci-devant province d'Artois, et le conseil d'administration du 8è régiment de cavalerie, qui atteste que ledit sieur de Vitermont a 38 ans 11 mois de services, y compris 4 campagnes de guerre, pendant lequel temps il s'est toujours conduit avec zèle et distinction; après avoir entendu le rapport de son comité de liquidation, décrète que, conformément aux articles 18, 19 et 20 dû titre Ier de la loi du 22 août 1790, la pension dudit Sieur de Vitermont sera portée à la somme de 1,7531. 2 s. 6 d., et que l'article qui le concerne dans le premier état annexé au décret du 7 avril dernier, sanctionné par le roi le 29 dudit mois, sera réformé, et regardé comme non avenu, et il en sera fait mention sur la minute dudit décret, ainsi que sur les expéditions qui ont pu en être délivrées, ou qui le seraient par la suite, et partout où besoin sera.
Art. 5 (1).
« L'Assemblée nationale, satisfaite de la con-
« L'Assemblée nationale charge, en conséquence, son comité d'instruction publique de lui présenter, sous 3 jours, un projet de décret sur cet objet.
« Il sera aussi payé, sur le même fonds, une gratification de 150 livres à chacune des nommées Maréchal èt Gavet, dont les fils ont été victimes de leur humanité et,de leur dévouement, pour sauver leurs concitoyens du même naufrage ».
(L'Assemblée décrète qu'elle est en état de rendre le décret définitif, puis adopte le projet de décret.)
, au nom du comité de liquidation, fait la troisième lecture (1) d'un projet ae décret sur les réclamations des pensionnaires de la ci-devant province de Bretagne pour le payement des arrérages de leurs pensions pendant les années 1788 et 1789; ce projet de décret est ainsi concu :
« L'Assemblée nationale, sur le rapport de son comité de liquidation, après avoir entendu les 3 lectures faites les 23 et 31 mai 1792 et 9 juin présent mois, d'un projet de décret concernant les pensions et secours, et après avoir décrété qu'elle était en état de rendre le décret définitif, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« Les personnes qui jouissaient de pensions et gratifications annuelles assignées sur toutes autres caisses que le Trésor public, et qui, aux termes du décret du 27 juin 1790, devaient les toucher jusqu'au 31 décembre 1789, seront payées par le payeur des dépenses diverses de la Trésorerie nationale, de ce qui peut leur en rester dû jusqu'à ladite époque.
Art. 2.
« Elles seront payées de même par la Trésorerie nationale, de ce qui peut leur rester dû des secours provisoires accordés par le décret du 2 juillet 1791, et autres antérieurs, notamment par l'article 8 du décret du 20 février 1791 ; et sur ces secours provisoires, accordés par le présent article, il sera fait déduction des sommes qui auraient été payées en vertu de la loi du 25 lévrier 1791, sur le fonds de 150,000 livres.
Art. 3.
« Lesdites personnes ayant droit aux paye-
Art. 4.
« Pour effectuer le payement des pensions, gratifications annuelles ou secours ordonnés par le présent décret, la Trésorerie nationale se conformera aux lois précédemment rendues à cet égard, et notamment aux dispositions relatées dans celle du 28 juin 1791, auxquelles le présent décret n'a point dérogé.
« Le présent décret sera porté dans le jour à la sanction du roi. '»
(L'Assemblée décrété qu'elle est en état de rendre le décret définitif, puis adopte le projet de décret.)
, au nom du comité colonial, fait un rapport et présente un projet de décret sur les réclamations de M. Jean Borée; le projet de décret est ainsi conçu :
Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, considérant l'état de détresse où se trouve réduit le sieur Borée par son séjour' forcé en France, ayant égard à l'intérêt pressant qu'a ce citoyen de retourner incessamment à Saint-Domingue pour y rétablir sa fortune ; considérant enfin que les bâtiments qui doivent transporter dans cette colonie les secours qui lui ont été accordés, sont sur le point de partir, décrète qu'il y a urgence.
Décret définitif.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète :
Art. 1er.
« Le ministre de la marine sera tenu, dans le plus bref délai, d'arrêter un passage pour le sieur Jean Borée, sur l'un des bâtiments qui sont prêts à faire voile pour l'île de Saint-Domingue.
Art. 2.
« Sur les fonds destinés au service de la marine, il sera accordé audit sieur Jean Borée une somme de 200 livres à titre de secours et pour sa conduite jusqu'au port de mer de son embarquement. »
Un membre demande que les mêmes dispositions soient étendues aux sieurs Guys et Bosque, dont l'Assemblée a précédemment rejeté la réclamation (1).
Plusieurs membres demandent l'ordre du jour sur cette motion.
, au nom des comités de marine et de Textraordinaire des finances réunis, fait un rapport (1) et présente un projet de décret sur Vindemnité réclamée par Mme Saint-Laurent, directrice dés vivres de la marine à Dunkerque, et M'ie Touch, sa sœur (2); il s'exprime ainsi :
Messieurs, la circulation des grains et farines dans le royaume a fourni pendant quelque temps, aux malveillants et aux brigands, le prétexte d'occasionner des troubles considérables dans divers départements. Celui du Nord, un des plus productifs en blé, a été un de ceux qui ont le plus éprouvé ces mouvements désastreux, produits par un peuple qu'on égarait. Douai et Saint-Omer ont été successivement le théâtre de ces scènes d'horreur, si affligeantes pour l'humanité. Enfin Dunkerque, cette ville qui, grâce à la fermeté et à la bonne conduite d'une garde nationale bien organisée, avait joui, pendant les 3 premières années de la Révolution, d'une tranquillité parfaite, a été tout à coup en proie à une insurrection bien fatale à quelques-uns de ces citoyens.
Quoique cette insurrection se fût annoncée dès le 13 février dernier, à l'occasion de quel-
ues chariots dé blés arrivés de Bergues à
heures du soir, ce ne fut cependant que le lendemain matin 14 qu'elle éclata dans toute sa fureur. Huit maisons furent dévastées et pillées plus ou moins ; mais celle sur laquelle la fureur des brigands s'exerça plus particulièrement, est celle qu'occupaient Mme éaint-Laurent, directrice des vivres de la marine,'et M1*® Touch, sa sœur. Tous les meubles, argenterie, bijoux, argent, papiers, livres dé comptes, lettres de change, billets, assignats, furent jetés par les fenêtres, ou pillés : il n'est pas même resté en place vestige des boiseries dés appartements et des cloisons qui les séparaient. Ces dames, que leurs domestiques avaient hissées? par une trappe, dans un petit grenier qui n'avait point d'escalier, y restèrent pendant 4 heures, entre la vie et la mort; et M. Saint-Laurent fils fut obligé de se sauver par les toits.
Cet acharnement des brigands contre les propriétés de Mme Saint-Laurent et de sa sœur est d'autant plus étonnant, qu'elles n'ont jamais donné au peuple le moindre sujet d'exercer à leur égard les excès dont il s'est rendu coupable ; que ces dames ont toujours joui de l'éstime de tous les honnêtes gens, qui se sont empressés de leur témoigner Ta part qu'ils prennent à leur désastre, et à leur faire toutes sortes d'offres de service.
Voici, Messieurs, ce que les administrateurs du directoire du district de Bergues, qui Se
rendirent à Dunkerque dès qu'ils furent informés, par la municipalité de cette ville, des
excès qui s'y commettaient, ont consigné dans leur procès-verbal, au sujet des dégâts commis
dans la maison de Mme Saint-Laurent : Etant parvenus dans la rue Saint-Sébastien, escortés
d'un détachement de 12 hommes et de quelques gardes nationales de Dunkerque, nous avons
remarqué que tout le poids de la fureur des forcenés avait
me Saint-Laurent, et les meubles et
effets qui la garnissaient, dont les débris couvraient les pavés de toute la rue.
Le 17 au matin, un des juges de paix de Dun-kerque s'étant transporté dans la maison
qu'occupaient Mme Saint-Laurent et sa soeur, sur la réquisition
qui lui en avait été faite par ces dames, à l'effet de constater l'état de ladite maison,
tant dans l'intérieur qu'à l'extérieur; il s'exprime ainsi dans son procès-verbal : Ayant
parcouru successivement toutes les pièces et cham-br.es de ladite maison, ainsi que les
cours, caves et magasins, dans lesquels nous n'avons trouvé que des monceaux de meubles de
toute espèce, brisés et rompus, ainsi que toutes les boiseries de nécessité ou d'ornement,
et toutes les clôtures de l'intérieur et de l'extérieur, nous avons remarqué que, dans toute
la maison, il n'existait rien d'entier, ce qui est le fait des gens qui se sont attroupés
dans la journée du 14 de ce mois, et qui se sont livrés aux excès et aux dévastations qui
ont eu lieu ledit jour chez différents particuliers. Avons pareillement observé que
l'endroit de ladite maisçn qui servait de cabinet, et qui contenait les papiers de la régie
des vivres de la marine, a été totalement spolié et dévasté; et nous étant enquis des
personnes préposées à la garde du lieu, que nous avons trouvées dans ladite maison, si aucun
des meubles et effets qui la garnissaient n'avait échappé au brigandage, il nous a été
unanimement attesté que ceux qui s'étaient portés au pillage n'avaient absolument rien
épargné.
Une déclaration, signée par Mrae Saint-Laurent et Mme Toucli,
porte à 172,000 livres la valeur des effets, meubles, bijoux, or, argent, assignats, lettres
de cbauge et marchandises que ces dames avaient en leur possession dans la maison qui a été
dévastee, et se trouve annexée à ce procès-verbal.
Le même juge de paix s'étant transporté, le soir dudit jour 17 lévrier, dans la maison où la dame Saint-Laurent et sa sœur s'étaient réfugiées, elles lui ont déclaré que, depuis la veille, il leur avait été rapporté quelques parties de linge de .corps, de lit et de table, qui avaient été tirées des débris de leurs meubles et effets qui gisaient sur le pavé de leur ci-devant domicile, mais qui étaient déchirées, imprégnées d'ordures, et hors d'état de servir; lesquelles parties de linge ayant été représentées audit juge de paix, ont été reconnues pour être absolument hors d'état de pouvoir servir.
Le 22 dudit mois de février, le juge de paix s'étant encore transporté, sur une nouvelle
réquisition de Mme Saint-Laurent et de elle Touch, dans la
maison où elles s'étaient réfugiées, ces dames lui ont dit que dans la déclaration qu'elles
avaient faite le 17, elles avaient omis d'y comprendre plusieurs objets, tels que les
glaces, une somme de 1,080 livres en assignats, qui était dans le secrétaire de leur commis,
une autre de 1,075 livres en médailles, pièces d'or étrangères et jetons d'argent, ainsi que
divers effets et marchandises dont elles ont donné le détail, et qui sont reprises dans le
procès-verbal, le tout se montant à 6,751 livres, de laquelle somme il a été déduit celle de
2,158 livres, pour quelques bijoux, argenterie et linge qui leur avaient été rapportés par
le curé et autres personnes inconnues, ce qui la réduit à celle de 4,593 livres, qui,
ajoutée aux 172.000 livres portées dans la première déclaration, tait monter la perte
essuvée par Mme Saint-Laurent et sa soeur, à 176,593'livres.
Tel est, Messieurs, le résultat des procès-verbaux adressés par le ministre de la marine à
celui de l'intérieur, qui les a fait passer à votre président, avec une lettre par laquelle
il expose que, d'après l'article 2 de la loi du 2 octobre dernier sur la libre circulation
des grains, Mme Saint-Laurent paraît dans je cas d'être
indemnisée de ses pertes; mais que, comme aux termes de cette loi il y aurait lieu à
augmenter en conséquence l'imposition du département, il n'appartient qu'à l'Assemblée
nationale de statuer sur cette demande, et de fixer l'indemnité qui peut être accordée à la
dame Saint-Laurent.
Cette dame et sa sœur ont cru devoir ne pas borner seulement aux pièces dont je viens de vous rendre compte, les preuves de la dilapidation de leurs propriétés : elles ont pensé ou elles devaient recourir à tous les moyens qu il leur était possible d'employer, tant pour prouver la cause des excès auxquels les malintentionnés se sont portés, que pour constater l'authenticité de leurs pertes, et leur valeur. A cet effet, elles ont fait faire une information par forme d'enquête, par devant l'un des juges de paix de Dun-kerque, dans laquelle 53 personnes de tout état ont été entendues. Il appert des dépositions que ce n'est qu'avec beaucoup de peine qu'on est parvenu à sauver ces dames de la fureur des brigands qui vomissaient des imprécations contre elles; que le nommé Vanbeveren, l'un de ceux qui les ont arrachées des mains des brigands, a couru les plus grands dangers, parles menaces qui lui ont été faites de le pendre ou de l'assommer; et ce citoyen n'a du son Salut qu'à la fuite, après avoir abandonné un panier renfermant des objets précieux qu'il voulait soustraire au pillage. Il est prou vé, par d'autres dépositions, que l'or et l'argent monnayés, une boîte contenant des lettres de change, un portefeuille avec des assignats, plusieurs bijoux et pièces d'argenterie, avaient d'abord été cachés par les domestiques de ces dames, sous la paillasse du lit d'une servante, et ensuite mis sous du linge, dans le panier que les brigands ont arraché des mains de Vanbeveren et d'une servante qui aidait à le transporter.
Une marchande chez laquelle ces dames avaient été. transportées fut obligée, pour sauver sa maison du pillage dont elle était menacée, de les faire sortir après les avoir gardées un auart d'heure. Elles furent conduites à l'hôpital, et ensuite chez le sieur Mirabel, officier-major de la place de Dunkerque, où elles ont resté jusqu'au moment de leur départ pour venir solliciter la justice de l'Assemblée nationale.
D'autres dépositions constatent que ces dames étaient dans un tel état de détresse, que leurs amis se sont empressés de leur porter des vêtements et une somme de 2,800 li vres en assignats, pour fournir à leurs plus pressants besoins. La dame Saint-Laurent était arrivée chez le sieur Mirabel n'ayant qu'un soulier, et sa sœur avec ses habillements déchirés par les brigands qui l'avaient déjà saisie par le bras,lorsque des hommes courageux eurent le bonheur de la sauver.
35 témoins, parmi lesquels se trouvent deux officiers municipaux et le président du district de Bergues, déposent uniformément que la dame Saint-Laurent vivait d'une manière qui annonçait beaucoup d'aisance ; qu'elles occupaient une très grande maison, très bien meublée en glaces, trumeaux, tableaux, pendules, rideaux de Perse, des Indes, et autres beaux meubles rechèrchés ; qu'elles avaient de très belles dentelles, et des
robes des plus belles étoffes, de beau linge de corps et de table, beaucoup d'argenterie, de très belles porcelaines, des montres d'or à répétition, garniesde diamants, et beaucoup d'autres bijoux précieux; enfin qu'elles avaient chez elles tout ce qu'on peut voir chez les personnes les plus aisées, et qu'elles ont dû perdre considérablement.
Le sieur Girardeau, tapissier, troisième témoin, déclare que, d'après la connaissance qu'il avait des meubles de ces dames, il estime que, pour ce qui regarde, sa partie, il en coûterait 18 à 20,000 livres pour remettre la maison dans l'état où elle était avant le pillage.
Plusieurs autres dépositions, dont il serait trop long de rendre compte, constatent la vente de bijoux précieux faite à ces dames, et qu'elles étaient bien approvisionnées en vins et liqueurs.
Mme Saint-Laurent a encore produit beaucoup d'autres pièces,
parmi lesquelles se trouvent :
Un état, certifié le 3 mai, par les régisseurs des vivres delà marine, par lequel il appert que depuis 1776 jusqu'au jour où elle a été pillée, elle a fait des achats de grains et légumes pour l'approvisionnement des ports, pour une somme de 2,642,873 liv. 4 s. 6 d., et que les 5 dernières années d'achats montent à celle de 1,846,347 liv. 19 s. 4 d.
Une déclaration desmêmes régisseurs, portant que la danie Saint-Laurent occupe, depuis 1771, la place de directrice des vivres de la marine; qu en cette qualité, elle a été chargée, et particulièrement dans les derniers temps, d'achats de blé et de légumes pour être expédiés à Brest, Rochetort et Lorient, pour le service de la marine. Ils louent l'exactitude, le zèle et l'honnêteté avec lesquels elle a constamment exécuté les ordres qui lui ont été donnés.
Un état délivré par les officiers municipaux de Dunkerque, par lequel il est prouvé que cette dame a expédié* depuis le 15 mai 1790 jusqu'au 6 février dernier, 32 navires pour les ports de Cherbourg, Brest, Rochefort et Lorient : les notes marginales de cet état prouvent que toutes ces expéditions ont été faites pour le service de la mariné.
Plusieurs certificats du commissaire-ordonnateur et d'autres officiers supérieurs de la marine à Dunkerque, constatent que, lors de l'insurrection du 14 février, la dame Saint-Laurent avait, à l'écluse de Bergues, deux bélandres chargées de blés destinés pour le service de la marine, et que l'une de ces bélandres ayant été attaquée par la populace, les blés qu'elle contenait ont été débarqués et transportés dans l'église des Capucins; qu'elle avait, en outre, dans le port, un bâtiment chargé de blé qui était destiné pour Rochefort.
Une copie de lettres et de procès-verbaux de la municipalité de Dunkerque, d'où il résulte que les brigands ayant voulu piller cette bélandre de blés, des commissaires de la municipalité ont cru devoir la faire décharger pour apaiser la fureur de la populace ; ces mêmes procès-verbaux contiennent encore que les mal intentionnés ont aussi exigé le débarquement des navires chargés de blé, et que les officiers municipaux ont été obligés de leur promettre qu'ils les feraient décharger.
Je dois observer que ces brigands s'étant opposés à la circulation et embarquement des blés par le port de Dunkerque, la dame Saint-Laurent a été obligée de résilier une charte-partie, qu'elle avait passée avec le capitaine Héroul,
pour l'expédition du navire le Patriote, à la destination au port de Rochefort. Elle a aussi été obligée de faire emmagasiner, tant à Bourbourg que dans d'autres villes, des blés qui étaient expédiés pour être embarqués à Dunkerque pour la subsistance des gens de mer : de lorte que son service a été interrompu depuis l'insurrection du 14 février dernier. Ces faits sont prouvés par des pièces et certificats authentiques.
Votre comité de la marine, que vous avez chargé, Messieurs, de vous rendre compte de cette affaire, après avoir pris communication des procès-verbaux des différentes administrations du département du Nord, et du juge de paix de Dunkerque, ainsi que de l'enquête et de toutes les autres pièces jointes et produites par la dame Saint-Laurent; après avoir examiné la loi du 2 octobre 1791, concernant la libre circulation des grains, a pensé qu'il était d'autant plus juste d'accorder à la dame Saint-Laurent et à la demoiselle Touch, sa sœur, l'indemnité qu'elles réclament, que ce n'est que parce que la première remplissait les ordres qui lui étaient donnés par les régisseurs des vivres de la marine, d'après ceux qu?ils recevaient du ministre, d'acheter et de faire passer dans les arsenaux des ports de France les blés nécessaires pour la subsistance des équipages, qu'elles ont perdu tout ce qu'elles possédaient, puisque jamais cette directrice n'a fait le moindre achat ou envoi de grains pour son compté.
Une considération qui vient encore à l'appui de l'opinion de votre comité, c'est que, quoique la dame Saint-Laurent ait fait dans diverses occasions des achats très considérables de blés et légumes pour la marine, il ne lui a jamais été passé de commission pour cet objet; qu'elle ne jouissait que des modiques appointements at-> tachés à sa place de directrice des vivres de la marine, et de quelques faibles gratifications qui lui étaient accordées de temps à autre pour les peines et soins extraordinaires que nécessitaient les achats et embarquements d'une très grande quantité de blés et autres grains.
Votre comité de la marine, Messieurs» a pensé qu'il ne convehait pas qu'il vous fît le
rapport de cette affaire, sans en avoir auparavant conféré avec votre comité de
l'extraordinaire des finances. Les deux comités réunis, après avoir mûrement examiné la
demande de Mma Saint-Laurent, et toutes lés pièces que j'ai citées, ainsi que la loi sur la
libre circulation des grains, et après une longue discussion pendant deux séances, ont
unanimement reconnu qu'aux termes de l'article 2 de la loi du 2 octobre 1791, la nation doit
à Mme Saint-Laurent l'indemnité de ses pertes; mais, attendu que la nation doit reprendre la
valeur de l'indemnité, en l'imposant sur le département du Nord, où le désordre a été
commis, et que le département doit faire porter cette charge sur le district ou sur les
communes dans le territoire desquelles le délit a eu lieu, sauf à elles à exercer leur
recours solidaire contre les auteurs des désordres, vos comités ont pensé qu'ils ne
pouvaient, quant a présent, vous proposer d'accorder à Mme
Saint-Laurent la totalité de ses pertes, quoiqu'elles leur aient paru bien constatées, et
l'évaluation bien justifiée. Ils fondent leur opinion à cet égard sur la considé-| ration
que les départements, et, par suite, le [ district de Bergues, la municipalité ou la commune
de Dunkerque en définitif, étant dans le cas, d'après les termes de la loi, de rendre à la
nation la valeur de l'indemnité, il était de votre
justice d'envoyer au ministre de l'intérieur la réclamation de MmeSaint-Laurent, avec toutes les pièces à l'appui, pour les faire passer au
département du Nord, qui renverra le tout au ministre, avec son avis sur l'évaluation des
pertes portées dans l'état de Mme Saint-Laurent, après avoir
préalablement pris celui du district de Bergues, qui aura entendu contradictoirement la
municipalité de Dunkerque sur ladite évaluation, pour le tout être ensuite renvoyé parle
ministre, avec son avis, à l'Assemblée nationale, qui décrétera définitivement la quotité de
l'in-emnité ; et autorisera le ministre à imposer en conséquence le département du Nord,
sauf son recours ainsi qu'il a été dit.
Cependant, Messieurs, vos comités ne se sont pas dissimulé que cette marche,.conforme à la
justice, entraînera beaucoup de longueurs, et que MmeSaint-Laurent, qui est dans ce moment aans une très grande détresse, hors d'état de
jouvoir subsister et continuer les fonctions qui ui sont confiées, a droit à demander un
secours provisoire qu'il est d'autant plus urgent de lui accorder, que son service pour les
approvisionnements de nos flottes est interrompu : ces considérations puissantes, Messieurs,
n ont pas permis à vos comités d'hésiter à vous prp- Eoser d'accorder, à titre de provision,
à Mme Saint-aurent, une somme de 70,000 livres, à charge toutefois par elle de donner bonne
et suffisante caution, qui sera reçue par le directoire du département du Nord, avec
soumission de rapporter cette somme, ou partie d'icelle, si, en définitive, et contre toute
attente, l'Assemblée nationale l'ordonnait ainsi, d'après les avis des administrateurs du
département du Nord, sur l'état d'évaluation fourni par Mme
Saint-Laurent. Je dis, Messieurs, contre toute attente, parce que les pièces produites par
cette dame, prouvent un mobilier de grande valeur, et que, dans son état d'évaluation, se
trouvent portées une somme de 45,000 livres en assignats, une autre de 3,000 livres en
espèces, 5,400 livres valeur de 3,000 sacs pour embarquer des blés, et 3,000 1h vres pour 40
pièces de toile à sacs; valeurs qu'il n'est pas étonnant que Mme Saint-Laurent, irectrice
des vivres de la marine, et, en cette qualité, chargée d'achats pour des sommes
considérables, eût à sa disposition et dans sa maison lors du pillage qu'elle a éprouvé. On
pourrait même dire que la modicité de sa déclaration prouve sa bonne foi et sa délicatesse,
puisqu'il eût été possible qu'elle eût à cette époque, dans la circonstance, où elle était
chargée d'un service qui exige un grand capital disponible, une somme beaucoup plus forte,
attendu que les blés s'achètent toujours au comptant.
J'ajouterai à cela, Messieurs, que depuis 21 ans, Mme
Saint-Laurent est chargée de la direction des vivres de la marine à Dunkerque ; que son mari
est aussi chargé d'une pareille direction à Rochefort ; qu'un de ses fils est officier de
marine ; qu'un autre est capitaine dans l'artillerie, et qu'un troisième, garde national, la
seconde dans les opérations qui lui sont confiées : cette famille entière est consacrée au
service de l'Etat.
Le ministre de la marine, à qui Mme Saint-Laurent s'était
adressée en premier lieu, et le ministre de l'intérieur, ont écrit plusieurs lettres à
l'Assemblée nationale, par lesquelles ils exposent les motifs d'intérêt qui se présentent en
laveur de cette malheureuse famille, qui se trouve réduite à l'indigence : ils sollicitent
la
justice de l'Assemblée pour ces victimes infortunées d'un peuple égaré : ils exposent que
d'après l'article 2 de la loi du 2 octobre dernier sur la libre circulation des grains, MmeSaint-Laurent paraît être dans le cas d'être indemnisée par la
nation.
Le ministre de la marine représente que la justice et lés considérations les plus importantes pour les intérêts de la nation, sollicitent une prompte décision, et qu'il est indispensable, surtout dans les circonstances actuelles, que toutes les personnes préposées à l'achat et à l'expédition des grains et légumes destinés pour le service de l'Etat, puissent compter entièrement sur la proposition et la garantie du gouvernement.
Le ministre de l'intérieur, qui partage les mêmes sentiments, prie l'Assemblee de fixet l'indemnité, afin qu'il puisse faire rentrer dans la caisse de la nation la somme à laquelle l'indemnité aura été fixée, en augmentant en Conséquence l'imposition du département du Nord.
Je n'examinerai point ici, Messieurs, si par des mesures vigoureuses, il eût été possible
de dissiper les attroupements dans leur principe ; si, par le bon emploi des forces qui se
trouvaient à la disposition de la municipalité, les propriétés de Mme Saint-Laurent pouvaient être conservées. Céttô discussion a paru inutile à vos
comités : ils ont vu qu'il suffisait qu'il fut constaté que cette dame avait été victime des
excès que le prétexte de ses embarquements de blés a occasionnés, pour qu'elle fût en droit
d'invo-
auer à son égard la juste application de la loi u 2 octobre 1791. Quant à la question desavoir s'il a été possible d'employer des moyens de répression contre les brigands, le département du Nord a adressé à ce sujet plusieurs procès-verbaux à l'Assemblée nationale, qui les a renvoyés à son comité des Douze, pour lui en faire un rapport.
Il me reste à vous observer, Messieurs, que dans le nombre des effets détruits ou pillés,
il se trouvait pour 40,000 livres de lettres de change ou billets à l'ordre de Mme de Saint-Laurent et de sa sœur, et que vos comités pensent qu'on
doit espérer de la loyauté des débiteurs qu'elles en seront payées. Ils ont, en conséquence,
trouvé juste de déduire cette somme du montant de leur avoir, au moment qu'il a été anéanti
: ce qui réduit l'indemnité à 137.393 livres, si elle n'est pas contestée par le département
du Nord; sur laquelle somme vos comités vous proposent d'accorder un provisoire de 70,000
Iiv., sous caution et soumission de le rapporter, s'il en était ainsi ordonné par la suite.
En conséquence, Messieurs, vos comités de marine et de 1 extraordinaire des finances vous proposent le projet de décret suivant :
Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités de marine et de l'extraordinaire des finance^ sur la pétition de la dame Saint-Laurent, directrice des vivres de la marine, et sa sœur, relativement aux pertes qu'elles ont éprouvées dans l'insurrection arrivée à Dunkerque, le 14 février dernier, décrète qu'il y a urgence.
Décret définitif,
« La pétition de la dame dite Saint-Laurent et
de sa sœur, les procès-verbaux des administrations du département du Nord et du juge de paix de Dunkerque, l'état d'évaluation des dommages éprouvés par ladite dame Saint-Laurent et sa sœur, et les autres pièces justificatives de leurs pertes, seront remises au ministre de l'intérieur pour être par lui envoyées au directoire du département du Nord. Ces administrateurs, après avoir pris sur le tout l'avis du directoire du district de Bergues et de la municipalité de Dunkerque, les renverront, avec leur avis particulier, au ministre de l'intérieur, qui les adressera à l'Assemblée nationale pour être statué sur ladite pétition, conformément à l'article 2 de la loi du 2 octobre 1791. »
(L'Assemblée adopte le projet de décret) (1).
, au nom du comité militaire, fait un rapport et présente un projet de décret sur la for motion d'une compagnie de guides à l'état-major de l'armée du midi; le projet de décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, considérant qu'il importe de donner à toutes les parties de la force publique le complément d'organisation dont elles sont susceptibles, décrète qu'il y a urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
Article premier.
« Il sera attaché une compagnie de guides à l'état-major de l'armée du midi.
Art. 2.
« La formation de cette compagnie sera la même que celle des trois Compagnies qui ont été décrétées le 25 avril dernier, pour les autres armées.
(L'Assemblée adopte ce projet de décret.)
, l'aîné, au nom des comités d'instruction publique et de l'extraordinaire des finances réunis, fait un rapport (2) et présente un projet de décret (2) sur les réparations et indemnités dues à la mémoire et aux familles de Théobald Dillonet de Pierre-François Berthois; il s'exprime ainsi :
Messieurs, je viens, au nom de vos comités d'instruction publique et de l'extraordinaire des finances réunis, vous présenter, conformément au décret du 8 mai dernier (3),'un projet de loi sur les réparutions et indemnités dues à la mémoire et aux familles de Théobald Dillon, maréchal de camp et de Pierre-François Berthois, colonel directeur des fortifications, massacrés l'un et l'autre à Lille, le 29 avril, au retour de la malheureuse expédition de Tournai.
Vous n'exigerez pas, sans doute, Messieurs, que je vous retrace ici les détails sanglants
de
re série,
t. XLIII, séance du 8 mai 1792, page 122, le décret rendu à ce «vjot.
Ce qu'il vous importe de savoir, Messieurs, c'est que les hommes dont j'ai à vous entretenir étaient purs et dignes d'un meilleur sort : c'est que les recherches officielles les plus exactes, les rapports authentiques les mieux constatés, n'indiquent pas un seul reproche à leur faire, c'est que tous s'accordent à représenter leur conduite comme sage et rigoureusement conforme aux ordres qu'ils avaient reçus ; c'est que leur vie entière n'offrit que loyauté, vertus militaires, vertus privées, services importants rendus à l'Etat, amour des lois, de l'égalité, de la justice et de la liberté publique.
Le but de l'entreprise faite sur Tournai était uniquement d'empêcher que la garnison autrichienne de cette ville ne donnât du secours à celle de Mons qui devait être attaquée 1e m^rne jour par l'armée du lieutenant général Biron. Les ordres du maréchal Rochambeau portaient expressément que si la ville de Tournai se trouvait évacuée à t'approche des troupes françaises, elle serait occupée par l'infanterie, pendant que la cavalerie suivrait les ennemis; mais que si l'on se mettait en devoir de nous repousser, nos troupes rentreraient à Lille sans engager le combat et se contenteraient d'observer et d'inquiéter l'ennemi, pour l'empêcher de se porter à Mons.
En conséquence, le maréchal de camp Dillon, après avoir fait enlever par ses grenadiers la barrièredu territoire autrichien, qui était gardée; après avoir reconnu que la garnison de Tournay était sortie en forcer et avait pris poste pour combattre, ordonna la retraite. On était encore très loin de la portée du canon ennemi, et la retraite s'exécutait dans lémeilleurordre, lorsque des escadrons qui se trouvaient avantageusement situés pour la couvrir, au lieu de remplir cet objet important, se précipitèrent tumultueusement sur le chemin tenu pâr l'infanterie. Les rangs furent bientôt rompus, l'artillerie en désordre, la grande route engorgée par les chariots brisés, la confusion portée au comble, par des cris de trahison et de sauve qui peut ; la déroute enfin fut entière.
Vous demandez, Messieurs, quelle fut la cause de cette déroute. Inutilement voudrait-on en trouver d'autre que la précipitation des troupes à cheval qui devaient couvrir la retraite. On fut battu, uniquement parce que les ordres donnés par le chef rhéobald Dillon ne furent point exécutés; et cependant c'est à lui qu'en ruyarit, on donnait le nom de traître; c'est à lui, à ses coo-pérateurs, que les coupables, pour couvrir leur
ftropre lâcheté, inventent des crimes, attribuent a honte de leur défaite; c'est contre eux qu'ils assouvissent leur rage, et que sont épuisées des barbaries sur lesquelles l'imagination frémit de s'arrêter.
J'essaierais vainement de vous persuader, Messieurs, que de pareilles cruautés sont le simple effet du dépit ou d'une erreur momentanée: le patriotisme ne s'égare pas jusqu'à immoler ses plus zélés partisans, ses défenseurs les plus intrépides et les moins équivoques. Comment, sans une de ces perfidies combinées que des cœurs droits ont tant de peine à soupçonner, pourrait-on expliquer les événements
de cette époque désastreuse? Qui pourrait avoir produit si subitement cette étrange subversion des mœurs et du caractère national? Comment des guerriers français auraient-ils oublié en un moment jusqu'aux noms de courage, d'honneur et d'humanité? Rapprochons les diverses circonstances ; comparons ce qui eut lieu le même jour à Lille et à Valenciennes, considérons que les mêmes cris de trahison et de sauve qui peut se firent entendre dans les deux armées; que, dans les deux villes, il parut, la veille et le jour même de l'action, un nombre (le personnes plus que suspectes, des émigrés fameux par leur rage aristocratique, qui disparurent aussitôt: remarquons enfin que nos projets étaient si bien connus d'avance par nos ennemis, qu'il n'était aucune de leurs mesures qui ne fût visiblement prise et calculée sur la tentative que nous devions faire, et nous aurons peine de nous refuser à la persuasion intime, que les atrocités commises le 29 avril n'ont pu être que le résultat d'une trame ourdie dans les ténèbres de la politique autrichienne.
CVst cette noire politique qui, fécondée par la trahison de plusieurs chefs, par des milliers de parjures infâmes, a brisé tous les liens d'ordre et ae discipline dans nos armées; c'est elle qui, par de fausses correspondances adroitement semées, est parvenue à rendre suspects les généraux les mieux intentionnés ; ceux que leur conduite passsée, leur gloire, leurs intérêts propres, la haine implacable de nos ennemis, attachaient fortement et irrévocablement à la Révolution. Elle a réussi enfin à porter dans l'esprit des meilleurs citoyens, des nommes de bonne foi, cette incertitude qui les fait flotter malgré eux entre la défiance atrabilaire qui désorganise tout, et l'imbécile idolâtrie qui crée les despotes.
Je ne vous entretiendrai pas, Messieurs, des précautions prises pour la punition des meurtriers; déjà le glaive vengeur de la loi s'est appesanti sur les plus criminels ; il frappera toutes les têtes coupables, il portera l'effroi dans l'âme des pervers, et rappellera, sans doute bientôt, les cœurs honnêtes aux douceurs de l'espérance.
Quel triomphe pour tes ennemis, ô sainte liberté! Quelles sont tes premières victimes?Ceux qui ont tout sacrifié pour toi; ceux qui, dès le principe, avant que ta puissance ne fût affermie, ont osé fouler aux pieds tous leurs intérêts, re-
Êousser tous les préjugés et braver toutes les
aines. Voilà ceux dont le sang a rougi le sol qui t'a vu naître, voilà ceux qu'ont déchirés les mains sacrilèges auxquelles la patrie avait confié la défense et le salut de l'Empire.
Il est temps, Messieurs, que vous détourniez vos regards de ces tristes objets, ma mission, en ce moment est de vous apporter au nom de vos comités réunis, des paroles de consolation pour les personnes infortunées, qui, indépendamment de la douleur qu'elles ont à partager avec tous les amis de l'humanité, ont encore des pleurs à répandre sur leurs malheurs particuliers; qui, non seulement ont perdu comme nous tous de braves et généreux défenseurs, mais encore leur père, leur époux, la plus chère moitié d'elle-même ; quijont vu se briser, en un moment, tous les liens qui les attachaient à la vie, et disparaître les ressources qui soutenaient leur existence.
Le décret du 3 août 1790, sur les pensions et autres récompenses nationales (art. VII, du titre Ier), dit, que la veuve d'un homme mort dans
le cours de son service public pourra obtenir une pension alimentaire, et les enfants être élevés aux dépens de la nation, jusqu'à ce qu'elle les ait mis en état de pourvoir eux-mêmes à leur subsistance. Ce sont les termes de la loi.
Pierre-François Berihois laisse une veuve et 4 enfants. Une pension de 4,000 livres, lui avait été faite au commencement de la dernière guerre contre les Anglais pour des services qui exigeaient une grande réunion de talents et de courage et dont il s'était acquitté avec le plus rare succès.
Cette pension à laquelle le roi joignit, de sa volonté propre, la décoration militaire et le grade de lieutenant-colonel, était réversible à sa femme et par moitié à ses enfants; elle fut supprimée par les lois nouvelles : des déplacements réitérés qu'il avait éprouvés dans ces derniers temps, avaient de plus considérablement altéré sa fortune, sans ébranler jamais ni son ardent amour pour la Constitution, ni celui qu'il avait pris soin d'inspirer à sa famille.
Vos comités ont donc pensé, Messieurs, que la plus rigoureuse justice exigeait qu'il lût accordé a la veuve, par forme d'indemnité, une somme annuelle de 1,500 livres pendant sa vie et à chacun des enfants, pour leur éducation jusqu'à l'âge de 21 ans, une somme annuelle de 800 livres.
Il existe aussi de Théobald Dillon, dans l'ordre de la nature, une famille composée d'une femme et trois enfants; il allait légitimer les fruits de cette union respectable, lorsque le fer meurtrier vint arrêter les effets de sa résolution. Cette résolution, Messieurs, est exprimée par un testament écrit en entier, de sa propre main, qu'il fit, le jour même de son départ de Lille poùr l'attaque de Tournay, comme si de sinistres présages l'eussent averti de sa malheureuse destinée. Voici ce testament écrit et signé par lui : je demande, Messieurs, la permission de vous le lire : il est fait pour intéresser vos âmes sensibles.
Je fais ici mon dernier testament, et telles sont mes dernières volontés, que je recommande à la religion de mes parents et à l'amitié qu'ils m'ont toujours témoignée. Je n'ai pas eu le temps d'épouser Joséphine de Viefville, quoique ce fût mon intention et qu'elle mérite de moi à tous les égards les sentiments avec lesquels je meurs. Elle est mère de mes trois enfants, Auguste, Edouard, et un né d'aujourd'hui. Je leur laisse tout ce que j'ai, tout ce à quoi je pourrai avoir droit par la suite ; je demande pour eux l'amitié de mes sœurs, et je compte que si quelque forme peut manquer à cette pièce, ils y suppléeront bien entendu après que toutes mes dettes auront été payées. Je finis en recommandant mon âme à Dieu et ma mémoire à mes sœurs. Fait à Lille, le 28 avril, mil sept cent quatre-vingt douze.
Notre Constitution, Messieurs, ne considère le mariage que comme un contrat civil; elle a voulu nous rapprocher de la nature, autant que cet état peut se concilier avec l'ordre social. Or, quel contrat fut jamais plus sacré, plus respectable que celui qui exprime, je ne dis pas les dispositions de fortune d'un nomme qui touche au terme de sa vie, mais les dernières affections de son cœur, ses derniers élans vers ceux qu'il aimait, les dernières paroles qu'il adresse a ce qu'il eut de plus cher 1 Le crime des assassins d'un homme probe doit-il retomber sur d'aimables et innocentes victimes qui lui doivent le jour? Non, Messieurs, l'équité, la philosophie, la nature s'y opposent, et vous ne voudrez pas
que ces êtres intéressants soient abandonnés de la patrie, vous acquitterez la dette nationale, envers les enfants de Théobaid Dillon et leur mère infortunée.
L'estime nous est commandée pour cette femme malheureuse par les sentiments que lui témoigne en ce moment la famille même de Théobaid. Non-seulement cette famille adhère aux dernières volontés du défunt, mais elle a voulu, par un acte solennel et authentique, cimenter des dispositions du testament, reconnaître les enfants de Théobaid Dillon, annoncer à la France, à l'univers entier la satisfaction avec laquelle elle verra son nom porté par eux. (Applaudissements réitérés.)
Ici, Messieurs, les objections s'élèvent, et la raison peut-être ne suffit pas pour les résoudre : je les abandonne donc au sentiment/profond qu'inspire le malheur. Si la pitié n'est pas effacée du cœur des hommes, le sort de Joséphine de Viefville doit l'émouvoir : les destinées semblent avoir rassemblé sur elle tout ce qu'elles ont de plus accablant. Engagée par les promesses avouées de celui qu'elle a nommé son époux pendant 9 ans, c?est le jour même qu'elle en reçoit les adieux éternels, que vient au monde le dernier gage de son attachement; pendant que le lendemain, on massacrait le père sur la place de Lille, cet enfant traversait la même
Elace sur les bras de ceux qui le portaient au aptême; il échappait aux Barbares, pendant que Ceux-ci cherchaient la famille entière pour rimmoler, la mère, dans son état de douleurs et d'affliction, est obligée, pour se soustraire à leur fureur, de faire à pied trois quarts de lieues, en allant de maison en maison, elle se réfugie dans une cave sur la paille. (L'indignation et les larmes de VAssemblée se mêlent aux sanglots du rapporteur.) Aujourd'hui elle subsiste encore, mais sa langueur ne permet pas de croire qu'elle survive longtemps à ce qu'elle a perdu; et si, l'on réclame des secours pour elle, c'est moins dans l'espérance qu'elle pourra en profiter, que pour venger l'humanité outragée.
Quel est, Messieurs, le but du mariage considéré comme contrat civil? C'est de fixer l'ordre des successions, d'assurer l'éducation des enfants et de préserver les mœurs.
Ici l'acte civil manque, mais son objet est véritablement rempli. Le vœu du père est formellement exprimé, les parents abandonnent la succession; les enfants sont élevés avec les plus tendres soins, et les mœurs, sans doute blessées par une première faiblesse, ont dû recevoir une réparation précieuse, par le cours d'une vie concentrée et dévouée tout entière aux devoirs >des mères et des épouses.
Pourrait-il venir, dans la pensée, Messieurs, d'adopter les enfants et de repousser la mère? Non, Messieurs, ils n'accepteraient pas de pareils bienfaits; du moins, ils rougiraient de les avoir reçus, dès qu'ils viendraient à se connaître accoutumés à chérir et respecter celle qui leur donna le jour, arrachera-t-on de leur cœur tous ces sentiments, pour y substituer celui de l'éloignement et du mépris? Si vous ne croyez pas que la patrie puisse fixer sur elle des regards de bienveillance, au moins ne pouvez-vous la dépDuiller de sa plus chère propriété. Elle réclamera ses enfants, elle aimera mieux les nourrir de ses larmes, ou périr avec eux, que de leur ôter les droits qui leur donnent sur elle la tendresse et la nature. Sans doute, Messieurs, vous serez touchés par
ces considérations ; vous respecterez les derniers vœux de Théobaid et les généreuses dispositions de ses parents, vous les confirmerez par un décret qui honore, et votre législature, et le siècle de la raison. Les préjugés sont abolis par la loi ; il est temps qu'ils le soient par le fait, et c'est à vous, Messieurs, à les écraser sous l'expression forte d'une volonté qui certainement sera la volonté du peuple français tout entier.
Vos comités ont donc pensé, Messieurs, que la famille de Théobaid Dillon, reconnue par son testament olographe et par l'acte authentique de ses parents, avait les mêmes droits aux indemnités nationales que celle du colonel Ber-thois. Ils vous proposent, en conséquence, d'accorder également à la mère une somme annuelle de 1,500 livres durant sa vie, et à chacun des enfants, une somme annuelle de 800 livres pour leur éducation jusqu'à l'âge de 21 ans.
Comme la générosité a sur la justice l'avantage de la promptitude, nous n'avons pu enlever au lieutenant général d'Aumont la yloire de prévenir votre bienveillance envers cette famille affligée. Cet officier général dont l'intrépidité et le dévouement à la Constitution sont si connus, commandait à Lille la première division de l'armée du Nord : c'est à sa fermeté et à sa présence d'esprit que cette ville a dû son salut après la mort de Dillon, c'est à sa grandeur d'âme que la famille éplorée de son ami a dû les premiers accroissements de sa douleur. Il lui a offert un asile paisible à la campagne ; et cet excellent citoyen, forcé de suspendre son service par ses peines morales et ses infirmités, sollicite de nouveau le bienfait d'aller mourir au champ d'honneur. (Applaudissements.)
Enfin, Messieurs, deux frères, Antoine et Pierre Dupont Chaumont, l'un adjudant général de l'armée du Nord, l'autre aide-de-camp du général Dillon, ont été grièvement blessés par leurs propres soldats, en obéissant aux ordres de leur chef et à la loi. Vos comités vous proposent de déclarer qu'ils sont susceptibles l'un eH'autre d'obtenir, dès à présent, la décoration militaire, que leur ancienneté de service ne leur*donne pas encore le droit de réclamer.
Mais c'est en vain, Messieurs, que vous aurez décerné des récompenses individuelles aux bons citoyens; inutilement le glaive de la loi aurait frappé les têtes coupables, si le souvenir de ces événements n'était transmis à la postérité. Vos comités réunis, Messieurs, pensent qu'un monument simple élevé sur la porte dé Lille, vers le chemin qui conduit à Tournai, serait la plus utile leçon que vous puissiez laisser aux générations futures; ils ont pensé que ce droit serait le plus puissant moyen d'attacher chacun à son devoir et de rappeler, dans les circonstances orageuses, le Français près de s'égarer, aux sentiments qu'il trouve si naturellement en lui-même. Quant à moi, Messieurs, je me persuade q ué ce mon u ment serait u ne sorte de palladium qui rendrait le côté de la place où il serait élevé, inattaquable aux ennemis.
Combien les lois deviendront simples, combien le Code sera dans peu réduit, si nous savons mettre en jeu les ressorts de la sensibilité, de l'annulation, de la morale universelle. La fête du maire d'Etampes a créé des milliers de héros. Multipliez les exemples, et nous n'aurons plus besoin de préceptes. Sachons honorer les vertus, et nous n'aurons bientôt plus de crimes à punir. (Applaudissements.)
Que nos ennemis ne s'énorgueillissent pas de
leurs succès éphémères : la nation est là, qui veut la liberté, qui veut l'égalité, qui veut la Constitution tout entière, et qui ne souffrira pas que, ni par la fprce des armes, ni par les voies obliques d'une politique tortueuse, un seul mot en soit effacé.
Voici, Messieurs, le projet de décret que vos comités réunis m'ont chargé de vous présenter :
Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, considérant que la plus précieuse fonction des législateurs est de réparer les outrages faits à 1 humanité, d'honorer la mémoire des citoyens qui se sont dévoués pour le salut de leur pays, de porter des consolations dans le sein de leur famille, d'offrir enfin aux guerriers des modèles à suivre, et à tous les citoyens le tableau des malheurs qu'en^ traîne la désobéissance aux lois et le mépris des autorités légitimes.
« Considérant que Théobald Dillon, maréchal de camp, employé à Lille, et Pierre-François Berthois, colonel, directeur des fortifications dans la même ville, ont bien mérité de la patrie et sont morts le 29 avril de cette année, victimes des complots tramés contre la chose publique et le succès de nos armes, décrète qu'il vy a urgence.
Décret définitif.
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de ses comités d'instruction publique et de l'extraordinaire des finances réunis, après avoir déclaré l'urgence, décrète ce qui suit :
« Article premier. Il sera élevé aux frais du Trésor public, sur le glacis de la porte de Lille, vers le bord du chemin qui conduit à Tournai, un monument à la mémoire de Théobald Dillon, maréchal de camp et de Pierre-François Berthois, colonel, directeur des fortifications, morts le 29 avril 1792, l'ai IV® de la liberté, après s'être dévoués pour la défense de la patrie et de la loi.
« Art. 2. Le premier article du présent décret sera inscrit sur la face la plus apparente de ce monument.
« Art. 3 . Le pouvoir exécutif est tenu de prendre les mesures nécessaires pour que ce monument soit achevé dans le plus bref délai possible, et de remettre à l'Assemblée nationale les mémoires, plans et devis qu'exigent son exécution.
« Art. 4. Il sera payé, par forme d'indemnité, à chacun des 4 enfants de Pierre-François Berthois, une somme de 800 livres pour leur éducation, jusqu'à l'âge de 21 ans ou jusqu'à ce qu'ils soient pourvus d'un emploi produisant «00 livres et à leur mère line somme de 1,500 livres durant sa vie.
« Art. 5. Il sera également payé à Auguste, Edouard et Théobald, enfants de Théobald Dillon et de Joséphine de Viefville, une somme annuelle de 800 livres chacun, pour leur éducation, jusqu'à l'âge de 21 ans ou jusqu'à ce qu'ils soientpourvus d un emploi produisant 800 livres, et à leur mère une somme annuelle de 1,500 livres durant sa vie.
« Art. 6. Antoine Dupont-Chau mont, adjudant général et Pierre Dupùnt-Chaumont, aidé de camp, blessés l'un et l'autre dans la journée du 29 avril, sont déclarés susceptibles, dès à présent, de la décoration militaire.
« Art. 7. Extrait en forme du procès-verbal
de la séance sera envoyé, avec une lettre du Président de l'Assemblée nationale, aux familles de Théobald Dillon et de Pierre-François Berthois, et aux deux frères Antoine et Pierre Dupont-Chau mont. (Applaudissements réitérés.)
et quelques membres : L'impression et l'ajournement.
Plusieurs membres : Aux voix! aux voix le projet de décret!
En rendant hommage à la sensibilité de M. le rapporteur...
Un grand nombre de membres : Dites de l'Assemblée!
Sensibilité qui a été partagée par chacun des membres de l'Assemblée, je la prie de se défier de cette sensibilité... (1Murmures.) J'observe que dans ce moment il y a une procédure commencée relativement à l'assassinat... Je ne çrains pas de me servir de cette expression.... relativement à l'assassinat commis sur la personne de M. Théobald Dillon. En même temps que vous voulez venger la société de ce crime, que vous voulez donner de justes éloges à la mémoire du citoyen qui en. a été la victime, je crois que vous ne devez pas écouter un mouvement de précipitation. La sensibilité à laquelle... (Murmures.}
Un grand nombre de membres : Aux voix ! aux voix!
Je demande l'impression du rapport et l'ajournement.
Un grand nombre de membres : La question préalable sur l'ajournement !
(L'Assemblée décrète à la presque unanimité qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'ajournement.)
Je demande la parole sur le projet de décret.
Plusieurs membres : Aux voix l'urgence !
(L'Assemblée décrète l'urgenCe.Y
La parole est à M. Lasource.
J'adopte les mesures présentées à l'égard des familles des infortunés Dillon et Berihois; mais j'attaque les 3 premiers articles du projet des comités qui ont rapport à l'élévation d'un monument. Qu'est-ce que l'action dont ces officiers ont été les victimes? C'est une infamie, c'est une abomination qui souille le nom français, car ce sont malheureusement des citoyens français qui sont les coupables. Eh bien, il ne faut pas éterniser une pareille action:.. (Murmures.) Gardez-vous, Messieurs, d'élever à une action dont le nom français aurait à rougir... (Murmures:) N'élevez que des monuments qui retracent à vos yeux, non pas des actions criminelles, mais des actions dignes de l'estime et des élogés de la postérité. S'il est un vice dans l'histoire, c'est celui par lequel on nous transmet souvent le souvenir des crimes à la place des traités qui devraient seuls la décorer... (Murmures.) Je parle sans passion. (Murmures.)Nous ne devons pas transmettre à la postérité une action aussi honteuse. Je demande donc qu'en rendant tel hommage que l'Assemblée nationale jugera convenable à la mémoire de MM. Théobald Dillon et Berthois, ellenefasse point ériger un monument qui éternise l'assassinat de 2 citoyens; et c'est pourquoi je propose la question préalable sur les 3 premiers articles du projet. (Mouvements divers.)
(de Paris). Je conçois que l'amour austère de la justice s'inquiète, lorsqu'il s'agit de dire d'un homme placé dans des circonstances difficiles : Il a mérité de son pays, ou II a trahi son devoir. Mais quand les faits sont examinés, quand les causes ont été approfondies, quels seraient les motifs qui pourraient faire retarder un acte d'équité nécessaire à l'autorité légitime, nécessaire au repentir de l'homme é^aré, à la tranquillité du bon citoyen,à l'expiation d'un crime, et imploré par l'humanité? 11 me paraît démontré, il l'est pour vous, Messieurs, il l'est pour la France, que des soldats furieux, excités par des traîtres, ont fait tomber sous leurs coups MM. Berthois et Théobald Dillon : il me paraît démontré que l'un et l'autre étaient innocents, que les coupables sont des lâches qui, criant à la trahison, ont fait passer la rage dans l'âme de citoyens faciles à séduire. Il est évident à mes yeux que le plus cher souhait des instigateurs de ce crime serait qu'il restât sans vengeance, serait que l'exemple de l'impunité portât la défiance dans l'âme du soldat, et le découra-
fement, l'inquiétude de chaque minute dans âme de l'officier : tel est, n'en doutez pas, Messieurs, 'le vœu que forment les conspirateurs du dedans et du dehors. (Applaudissements.) Ce ne sont point ces hommes-là que nous représentons ici. L intérêt de la chose publique exige donc que par un excès de susceptibilité, nous ne concourrions pas sans le savoir aux vues de nos ennemis.
Vous devez, comme législateurs, une réparation à la mémoire des infortunés Dillon et Berthois, et une nouvelle offrande expiatoire sur l'autel de la loi ; c'est en acquittant cette dette douloureuse, que vous raffermirez sur sa base la statue de la liberté ébranlée par l'anarchie, c'est-à-dire par l'empire de la force, qui n'est pas moins opposée à la liberté que le despotisme. (Applaudissements.)
Je ne me ferai pas l'objection de dire qu'un monument existant révolterait le soldat. Messieurs, le crime fut individuel, et l'armée française trouvera dans sa sensibilité, dans son res-
Êect pour les principes, qui maintiennent les mpires, des motifs pour vous savoirgré d'avoir exprimé ses sentiments. (Applaudissements.) Avant peu, et lorsque par des fêtes nationales, lorsque par des récompenses publiques, vous aurez vivifié partout l'amour de la loi; avant peu, lorsque le vice aura sa honte, et la vertu son honneur, tous les citoyens, tous les hommes qui sentent leur existence dans celle de la volonté générale, vous remercieront d'avoir employé ce
Suissant mobile, et d'avoir attaché la mémoire e votre session à ces précieux souvenirs. On citera dans l'armée, j'ai dit dans ia France, le décret relatif à Dillon et à Berthois, et tout à la fois celui qui illustra le don de l'amitié fait au brave grenadier Pie en le lui envoyant au nom de la nation (1).
M. Berthois, comme vous l'a dit M. le rapporteur, était époux et père; M. Dillon n'était
pas époux, mais il était père; il est probable que si vos travaux vous eussent permis de
faire sortir ia bienfaisante loi de l'adoption, ces enfants eussent reçu un état civil de
leur père. Je ne vous dirai rien de la pension que leur mère a
re série, t.
XLIII, séance (lu 13 mai 1792, page 311, le don d'un sabre d'bonneur au grenadier Pie.
Plusieurs membres : Aux voix le projet* du comité!
Je demande la parole. (Murmures.)
Plusieurs membres : Fermez la discussion !
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Monsieur le Président,c'est pour un fait. (Murmures.) J'ai le droit de parler pour un fait. (Non ! non S)
Je demande que M. Le-cointre soit entendu parce qu'il a calomnié la mémoire de M. Dillon en disant qu'il avaitdonné de mauvais fusils à ses soldats. Il veut sans doute réparer cette faute.
(L'Assemblée, consultée, décide que M. Lecointre sera entendu.)
Il est de mon devoir d'instruire l'Assemblée de ce que je sais, de ce qui est prouvé, de ce que M. le rapporteur sait aussi bien que moi.
Vainé, rapporteur. Je demande à répondre sur ce point.
Je déclare à l'Assemblée nationale que la conduite de M. Théobald Dillon n'a pas été irréprochable dans la journée du 29 avril... (Murmures prolongés.) Un commandant de volontaires nationaux vous a dit ici, à la barre, que M. Dillon avait souffert qu'il fût délivré à sa troupe des cartouches de faux calibre, c'est-à-dire trop fortes pour pouvoir entrer dans les canons des fusils. (Murmures.)
Un membre : Je demande que la calomnie soit bannie de cette Assemblée.
Sans doute, Messieurs, c'est déjà une présomption grave contre M. Dillon. Indépendamment de cette déclaration faite à la barre de l'Assemblée, j'ai conféré de ce fait avec M. le rapporteur. Ce matin, nous étions plusieurs personnes chez moi.M. le rapporteur est convenu qu'il savait qu'il avait été distribué des cartouches d'un calibre trop fort; il ajoute que celte faute n'était pas imputable à M. Théobald Dillon, mais aux officiers d'artillerie parce qu'on avait employé du papier trop épais.
Plusieurs membres : Alors, pourquoi accuse*-vous M. Dillon ?
Je vous demande si un général, qui mène sa troupe à l'ennemi peut, quand il le sait, permettre de délivrer à ses hommes de telles cartouches ? (Murmures prolongés.)
Un grand nombre de membres : Aux voix le projet de décret, et à bas, M. Lecointre ! à bas de la tribune!
Je demande que le mémoire de M. Dillon soit purgée de cette allégation. (Applaudissements dans les tribunes.)
, l'aîné, rapporteur. L'Assemblée veut-elle que je réponde?
Plusieurs membres : Non! non! Cela ne mérite pas de réponse !
Je demande que la discussion soit fermée ; cette calomnie ne mérite pas de réponse. (Murmures.)
parlent dans le bruit.
Plusieurs membres : La discussion est fermée!
Je réitère mon amendement et je demande la question préalable sur les 3 premiers articles du projet. (Murmures.)
Plusieurs membres : Aux voix le projet de décret !
D'autres membres : La question préalable sur les 3 premiers articles !
(L'Assemblée, consultée, rejette la question préalable).
, l'alriè, rapporteur, donne lecture de l'article 1er du
projet de décret qui est ainsi conçu :
« Il sera élevé aux frais du Trésor public, sur le glacis de la porte de Lille, vers le bord du chemin qui conduit à Tournai, un monument à la mémoire de Théobald Dillon, maréchal de camp, et de Pierre-François Berthois, colonel directeur des fortifications, morts le 29 avril 1792, l'an IV de la liberté, après s'être dévoués pour la défense de la patrie et de la loi. »
Puisque l'Assemblée veut ériger un monument à Théobald Dillon et à Berthois, il faut aussi en ériger un aux 200 gardes nationales qui ont péri devant Mons. (Applaudissements réitérés à gauche et dans les tri-Dunes.) Sans doute, Messieurs, que parmi ces 200 gardes nationales, victimes de leur patriotisme et de la mauvaise conduite des officiers... (Murmures dans l'Assemblée. — Applaudissements dans les tribunes.) il en est qui laissent des veuves et des enfants dans le besoin. Je demande qu'ils soient nourris aux dépens de la patrie... (Applaudissements réitérés dans les tribunes.)
Plusieurs membres : Monsieur le Président, imposez donc silence aux tribunes !
Ces enfants de la patrie sont aussi précieux que ceux de Théobald Dillon, et lorsque l'Assemblée élève un monument à la mémoire d'un officier général, elle doit accorder le même honneur à tous les citoyens qui sont morts avec lui. (Applaudissements prolongés dans les tribunes.)
Un membre : Il n'y a plus de liberté dans l'Assemblée, si les tribunes se conduisent journellement d'une manière aussi indécente.
J'ordonne aux tribunes de garder le respect qu'elles doivent aux représentants du peuple français.
, le jeune. J'appuie la proposition de M. Maribon-Montaut. Sans doute,
Messieurs, il n'y a pas un de nous qui ne reconnaisse que tous les citoyens ont les mêmes droits à la reconnaissance publique lorsqu'ils défendent la cause de la patrie. MM. Théobald Dillon et Berthois sont morts victimes de la loi ; les gardes nationales ont également péri en combattant pour la loi...
Un membre : En fuyant... (Vive agitation.)
Je demande que cet insolent soit rappelé à l'ordre ; le bataillon de Paris n'a pas fui devant Mons.
, le jeune. Le membre de cette Assemblée, qui s'est permis ce propos, a été assurément trompé. Il n'a pas connu, avec toute la France, comment s'est comporté le bataillon de Paris dans la malheureuse alfaire de Mons. J'appuie donc de toutes mes forces la motion de M. Montaut ; mais j'y fais un amendement. Je demande que l'une des faces du monument porte qu'il est élévé en mémoire de Théobald Dillon et de Berthois et l'autre en mémoire des gardes nationales morts en combattant devant Mons.
Je pense qu'un monument de cette nature ne peut être qu'une pyramide qui aura 3 faces et c'est pourquoi je propose d'inscrire sur la dernière face latérale les noms de ceux qui ont été tués.
Voix nombreuses dans les tribunes ; Oui !,oui! appuyé!
Messieurs, je rends hommage à la mémoire de Théobald Dillon et de Berthois, et déjà l'Assemblée a vengé l'honneur français par 1 empressement qu'elle met à décréter une récompense pour leurs familles et à élever un monument en leur mémoire. A mon avis, l'Assemblée doit décréter les 4 derniers articles du projet et ajourner les 3 premiers. Il est malheureux que nous n'ayons pas encore une loi sur les récompenses à accorder, et c'est pourquoi je pense qu'en votant les 3 premiers articles, nous déciderions trop légèrement une question qui mérite d'être envisagée sous tous les points de vue. Il ne faut point que cette question soit discutée pour un fait particulier parce que la sen-^ sibilité des législateurs les empêche souvent de discerner ce qui peut être utile à la nation. En conséquence, je demande que les articles relatifs aux familles de Théobald Dillon et de Berthois soient décrétés dans la séance et que les 3 premiers articles soient ajournés pour être discutés séparément. (Applaudissements dans les tribunes.)
Il m'a paru que les préopinants avaient confondu 2 choses très différentes. Si Théobald Dillon était mort les armes à la main en combattant pour la patrie, sa mort serait glorieuse et nous n'aurions lien à faire pour lui. L'histoire attesterait à la postérité sa belle action et lui assurerait la reconnaissance publique. C'est là, Messieurs, ce qui caractérise l'action particulière des gardes nationaux morts pour la patrie et il n'est personne de nous qui ne voulût mourir ainsi. (Murmures à gauche. — Applaudissements à droite.)
Mais un général, qui a rempli son devoir, qui a ensuite fait des efforts inutiles pour ramener dans son armée l'ordre que des malintentionnés en avaient éloigné par des cris séditieux, un général, immolé comme l'a été M. Dillon, laisse ce me semble une mémoire à laquelle la nation doit une réparation authentique et c'est cette
réparation que l'on vous propose. Ainsi ce monument n'est pas fait pour rappeler un crime, comme l'ont dit quelques personnes, mais pour réparer l'attentat commis envers un citoyen. Je ne vois pas quelle différence on peut établir entre le meurtre de Théobald Dillon et le meurtre du maire d'Etampes. L'un et l'autre remplissaient leur devoir, 1 un et l'autre ont été victimes de la perfidie de leurs concitoyens. Le crime d'un petit nombre d'hommes, ce crime si éloigné de la générosité française demande une réparation authentique et c'est pour cette réparation que je demande le monument.
Plusieurs membjes : Aux voix ! Aux voix I
Je suis d'un avis tout opposé à celui de M. Vaublanc et il me paraît avoir perdu de vue le véritable objet des monuments publics. Quel est-il en effet? De consacrer pour l'avenir les leçons du temps présent, de laisser à nos neveux de grands exemples à suivre, et de beaux modèles à imiter. Mais, Messieurs, qu'allez-vous donc éterniser par la pyramide de Lille ? Le malheur des deux citoyens et le crime de quelques autres. Faut-il donc apporter ces affreux matériaux à l'histoire? Puisse-t-elle plutôt les oublier! Suivons l'exemple des Germains. Ils enfouissaient et le traître et les monuments de la trahison; son nom était voué à l'oubli et sa maison disparaissait aux yeux. On vous cite l'exemple du maire d'Etampes; mais quelle différence! Ici, vous avez consacré le dévouement d'un magistrat à la loi, un beau, un illustre sacrifice personnel; là, au contraire, je ne vois qu'un lâche assassinat, qu'un malheur {tour les victimes. Que la patrie embrasse donc eurs malheureuses familles, qu'elle adôpte les enfants de Dillon, de Berthois et leurs compagnes éplorées; voilà ce que nous avons à faire, voilà la dette de la patrie. Payons-là, Messieurs, mais que l'enthousiasme me nous égare pas sur la nature des réparations qui leur sont dues. {Applaudissements ;)
On a justement établi la parité entre l'action de Théobald Dillon et celle du maire d'Etampes, Simonneau. Ce n'est point le moment où Dillon a perdu la vie qu'il qu'il faut consacrer par un monument; mais celui où, dans le village de Baisieux, il s'opposait seul à la colonne de cavalerie qui fuyait devant l'ennemi et qui, entraînant le reste de l'armée, passait sur le corps de l'infanterie, celui où seul, avec ses deux aides-de-camp, il a reçu un coup de pistolet. Théobald Dillon s'est sacrifié volontairement: il a été au devant des assassins. (Murmures.)M. le rapporteur en fournira les preuves. C'est donc à tort que Ton dit ici que l'on veut éterniser le souvenir du crime. Moi aussi, je veux que le souvenir delà trahison soit enseveli et que les traîtres Soient enfouis. Mais je veux qu'ils le soient sous le monument qui eonsacrelâ réparation nationale. (Murmures.) C'est le souvenir de la réparation qu'il est essentiel de garder et la nation s'honorera en laissant sur les glacis dé Lille un témoignage éternel de ses regrets et un avertissement salutaire à tous les traitres.
Le fait cité par M Dumas rend le crime plus atroce. Au lieu de lé consacrer par un monument d'ignominie, il faudrait pouvoir déchirer cette page de notre histoire.
Plusieurs membres : Fermez la discussion!
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Plusieurs membres : L'ajournement des trois premiers articles !
(L'Assemblée ajourne les trois prômiers articles du projet de décret.)
, l'aîné, rapporteur, donne lecture des articles 4 et 5 qui deviennent articles 1 et 2 et qui sont adoptés, sans discussion, dans les termes suivants :
Art. 1er (ancien art. 4).
« Il sera payé par forme d'indemnité, à chacun des enfants de Pierre-François Berthois, une somme annuelle de 800 livres pour leur éducation, jusqu'à l'âge de 21 ans, ou jusqu'à ce qu'ils soient pourvus d'emplois dont le produit soit de 800 livres, et à leur mère une somme annuelle de 1,500 livres, durant sa vie.
Art. 2 (ancien art. 5).
« Il sera également payé à Auguste, Edouard et Théobald, enfants de Théobald Dillon, une somme annuelle de 800 livres chacun, pour leur éducation, jusqu'à l'âge de 21 ans, ou jusqu'à ce qu'ils soient pourvus d'emplois dont le produit soit de 800 livres, et à leur mère, une somme annuelle de 1,500 livres, durant sa vie.
l'aîné, rapporteur, donne lecture de l'article 6 qui devient article 3 et qui est ainsi conçu :
Art. 3 (ancien art. 6).
« Antoine Dupont-Chaumont, adjudant général et Pierre Dupont-Chaumont, aide de camp, blessés l'un et l'autre dans la journée du 20 avril, sont déclarés susceptibles, dès à présent, de Ja décoration militaire. »
C'est un malheur que nous n'ayons pas encore un mode de récompensés pour les militaires. Dans un Etat libre, où il n'y a point de corporations, je vois avec peine qu'on donne comme récompense une décoration militaire, c'est-à-dire une paarque qui tend à établir une corporation. La récompense doit être la même, Messieurs, et pour le militaire et pour celui qui s'est rendu utile à la nation. Je demande l'ajournement de cet article.
Tout le monde se rend compte, comme M. Cambon, qu'il faudra, lorsque 1 Assemblée pourra le faire, qu'elle décrète une récompense qui sera donnée à tous les citoyens, de toutes les professions, quand ils auront bien mérité de la patrie Mais en attendant que l'Assemblée ait pris ce parti, il est constant que la décoration militaire existe, que l'on ne donne cette récompense qu'aux militaires et qu'il y a même un décret pour la conserver et la donner aux gardes nationales. En conséquence, je crois que vous ne pouvez pas vous dispenser de l'accorder à des hommes qui ont servi aussi vaillamment que MM. Dupont-Chaumont.
Je voulais rappeler à l'Assemblé que par un décret vous avez déclaré il y a 8 jours que les gardes nationales seraient susceptibles de la décoration militaire. Or, c'est dans le moment où vos armées sont en face de l'ennemi; où elles sont composées d'officiers de tous grades qui ont 22 et 23 ans de services et aspirent à cette décoration militaire,- c'est ce moment, dis-je, que l'on choisit pour vous pro-
poser de la supprimer. Je demande la question préalable sur l'ajournement.
Plusieurs membres : La discussion fermée !
(L'Assemblée ferme la discussion, décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'ajournement de l'article 6, puis adopte cet article.)
l'aîné, rapporteur, donne lecture de l'article 7, qui devient article 4, et est adopté sans discussion dans les termes suivants :
Art. 4 (ancien art. 7).
« Extrait en forme du procès-verbal de la séance, sera envoyé, avec une lettre du Président de l'Assemblée nationale, aux familles de Théobald Dillon et de Pierre-François Berthois, et aux 2 frères Antoine et Pierre Oupont-Ghau-mont. »
Plusieurs membres demandent l'impression du ort et du projet de décret présentés par arnot ainé.
(L'Assemblée ordonne l'impression.)
Je demande le renvoi, aux comités de l'extraordinaire des finances et d'instruction publique réunis, des 3 premiers articles du projet de décret. Je demande en outre le renvoi à ces mêmes comités de la proposition que j'ai faite relativement aux indemnités qui peuvent être dues aux veuves et aux enfants des gardes nationaux morts dans les actions de Mons et de Tournai.
(L'Assemblée décrète la motion de M. Maribon-Montaut.)
Suit le texte définitif du décret rendu :
« L'Assemblée nationale, considérant que la plus précieuse fonction des législateurs d'un peuple libre est de réparer les outragesfaits àl'hu-manité, d'honorer la mémoire des citoyens qui se sont dévoués pour le salut de leur pays, de porter des consolations dans le sein dèleurs familles, d'offrir enfin aux guerriers des modèles à suivre et le tableau des malheurs qu'entraînent la désobéissance aux lois et le mépris des autorités légitimes;
« Considérant que Théobald Dillon, maréchal-de-camp employe à Lille, et Pierre-François Berthois, colonel directeur des fortifications de la même ville, sont morts le 29 avril de cette année, ayant bien mérité dé la patrie, et victimes des complots tramés contre la sûreté de l'état et le succès de nos armes, décrète qu'il y a urgence.
v L'Assemblée nationale, après avoir déclaré qu'il y a urgence, ouï le rapport de ses comités réunis d'instruction publique et de l'extraordinaire des finances, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« Il sera payé, par forme d'indemnité, à chacun des enfants de Pierre-François Berthois, une somme annuelle de 800 livres pour leur éducation, jusqu'à 21 ans, ou jusqu'à ce qu'ils soient pourvus d'emplois dont le produit soit de 800 1. et à leur mèrè, une somme annuelle de 1,500 1. durant sa vie.
Art. 2.
« Il sera également payé à Auguste, Edouard et Théobald, enfants de Théobald Dillon et de Joséphine de Viefville, une somme annuelle de
800 livres, chacun, pour leur éducation, jusqu'à l'âge de 21 ans, ou îusqu'à ce qu'ils soient pourvus d'emplois dont le produit soit de 800 livres, et à leur mère, une somme annuelle de 1,500 1. durant sa vie.
Art. 3.
« Antoine Dupont-Chaumont, adjudant général, et Pierre Dupont-Chaumont, aide de camp, blessés l'un et l'autre dans la journée du 29 avril, sont déclarés susceptibles, dès à prséent, de la décoration militaire.
Art. 4.
« Extrait en forme du procès-verbal de la séance, sera envoyé, avec une lettre du Président de l'Assemblee nationale, aux familles de Théobald Dillon et de Pierre-François Berthois et aux deux frères Antoine et Pierre Dupont-Chaumont. »
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre de M. Poinçot, libraire, qui fait hommage à l'Assemblée de la septième livraison des œuvres de Jean-Jacques Rousseau ; elle est ainsi conçue (1) :
« Paris, le
« Monsieur le Président,
« Permettez que je présente à l'Assemblée nationale la continuation des œuvres de J.-J. Rousseau. Cette septième livraison est le 3e volume de l'Emile et le tome 4e des sciences, arts et belles lettres que contient le théâtre et poésie joints aux 14 autres que l'Assemblée a bien voulu accepter et en faire mention honorable dans son procès-verbal. L'ensemble fait à présent 16 volumes Ornés de 87 gravures. Daignez, Messieurs, en agréer l'hommage.
« J'ai l'honneur d'être, etc.
Signé : poinçot »
(L'Assemblée agréé cet hommage et décrète qu'il en sera fait mention honorable au procès-verbal.)
M. le commandant général de service de la garde nationale parisienne demande à être introduit à la barre en vertu du décret qui l'a mandé. (2)
Monsieur le président, vous avez sur le bureau une lettre d un citoyen. Je demande qu'on en fasse lecture. Il réclame contre la signature qu'on à surprise à son fils, âgé de 14 ans, au bas de l'adresse dont il a déjà été question. (Murmures.)
Un membre : Vous connaissez donc le fait? (Bruit.)
Jédemande que M. le commandant de la garde nationale soit entendu et quand la discussion sera ouverte sur les moyens à prendre, je proposerai alors de lire la lettre.
M. le commandant général de la garde nationale est introduit.
Quel est votre nom ? (Murmures.)
Plusieurs membres se plaignent de l'inconvenance d'une pareille demande qu'on ne peut faire à quelqu'un dont on veut seulement avoir des renseignements.
D'autres membres : Lisez le décret!
Un de MM. les secrétaires donne lecture du décret qui est ainsi conçu :
t L Assemblée décrète que le commandant-général de service de la garde nationale de Paris, est mandé à la barre pour donner sur-le-champ les éclaircissements qui lui seront demandés sur les faits portés par la dénonciation qui vient d'être faite et dont l'objet est d'appeler l'attention de l'Assemblée sur un projet de pétition présenté à l'ordre aux divers bataillons de la garde nationale parisienne, avec invitation de la signer et d'en porter demain les exemplaires au secrétariat de l'état-major, à l'hôtel commun. »
Monsieur, l'Assemblée vous demande des éclaircissements sur les faits dont on vient de vous informer.
M. le commandant général. Je demande, Monsieur le Président, si vous désirez que je raconte historiquement comment les laits se sont passés. (Oui! oui!) Je vais le faire.
A la lecture, et le lendemain que s'est faite la démarche du ministre de la guerre, l'inquiétude s'est manifestée dans toute la garde nationale ; il y eut une grande fermentation. Pleine d'amour pour la patrie, pleine de zèle pour la Constitution et pour l'Assemblée nationale, la garde nationale, qui avait la confiance des représentants du peuple, qui a toujours servi avec la plus grande chaleur, qui s'est toujours fait honneur de garder les législateurs de la France et d'être sans cesse à ses ordres, qui est nombreuse et en état de faire le service, a entendu avec chagrin le ministre de la guerre dire qu'elle ne pouvait y suffire. Elle est en état plus que jamais de de remplir son devoir, et dans les cas extraordinaires où on a eu besoin d'elle, elle s'est toujours trouvée à hauteur de sa tâche.
Moyennant cela, elle a vu avec beaucoup d'inquiétude appeler d'autres citoyens pour ajouter a son nombre. Elle a cru qu'on voulait lui enlever ses canons, auxquels elle est fort attachée, et qui lui paraissaient ne devoir sortir des bataillons, que pour marcher avec elle et avec son drapeau, voilà ce qui en est. Plusieurs gardes nationaux sont venus me trouver particulièrement. Depuis ils se sont assemblés en divers endroits. Ils sont venus hier à un comité que nous tenons ordinairement entre nous autres chefs, Sour nous rendre compte de ce qui se passe. s étaient même en assez grand nombre. Ils sont venus me demander à faire une pétition et m'ont paru désirer qu'elle fût présentée à l'Assemblée nationale. Je leur répondis que cette pétition ne devait pas être présentée au nom ae la garde nationale tout entière, que ceux qui voulaient la signer étaient maîtres de le faire; mais qu'il fallait qu'ils s'arrangeassent entre eux. L'embarras fut pour eux d'exprimer leurs sentiments et de réunir les signatures. 11 paraissait que toute la garde nationale avait un même voeu. Ils cherchèrent un moyen et celui qu'ils trouvèrent a été de venir à l'ordre ce matin où un adjudant de chaque bataillon prend l'ordre à la municipalité et le communique ensuite à son bataillon;
chaque adjudant présent à l'ordre emporterait à sa légion des exemplaires de la pétition et en remettrait à chaque bataillon un paquet pour qu'elle fût communiquée à leurs frères, d'armes et signée.
Ceux qui se sont chargés de rédiger la pétition sont donc venus nous demander la permission de la présenter, et en même temps nous dire qu'il s agissait d'une pétition individuelle de plusieurs particuliers membres de la garde na-> tionale, de plusieurs membres de section qui sont dans la garde nationale et de citoyens actifs.
Ainsi on présentera peut-être demain cette adresse à l'Assemblée; mais elle est individuelle, ce n'est pas une affaire de la garde nationale. On n'a proposé à aucun des chefs de la signer, et aucun ne l'a fait; elle ne les concerne donc pas. Mais les membres de la garde nationale qui ont l'intention de vous la présenter, désirent vous adresser leurs réclamations et vous faire part de leurs craintes et de leurs inquiétudes. (Applaudissements.)
Plusieurs membres : L'ordre du jour et les honneurs de la séance !
, répondant au commandant de la garde nationale. L'Assemblée est satisfaite du rapport que vous lui avez fait. (Bruit.)
Un membre : Accordez les honneurs de la séance, Monsieur le Président !
Pas avant que les faits soient éclaircis.
Je demande que l'Assemblée soit consultée pour savoir si on accordera les honneurs de la séance à M. le commandant général ; ou bien il fallait les accorder à M. Rebecqui (1).
Plusieurs membres : A l'Abbaye, Monsieur Merlin, à l'Abbaye ! (Bruit.)
, s'adressant au commandant de la garde nationale. L'Assemblée vous accorde les honneurs de la séance. (Applaudissements.)
M. le commandant de la garde nationale traverse la salle au milieu des plus vives acclamations et de nombreux applaudissements.
Les applaudissements que l'Assemblée nationale vient ae prodiguer au commandant de la garde nationale parisienne énoncent déjà plus de la moitié de ce que j'avais à proposer.
Vous avez mandé le commandant, vous avez eu la preuve que rien n'avait porté atteinte aux fonctions qu'il remplit. Or, c'est dans cette circonstance que M. Merlin s'est permis d'assimiler le commandant de la garde nationale parisienne au sieur Rebecqui.
Plusieurs membres : A l'Abbaye, Monsieur Merlin, à l'Abbaye!
Messieurs, si l'Assemblée nationale était assez pusillanime pour tolérer une telle
insulte, faite non seulement au commandant de la garde nationale, mais à toute la garde
nationale parisienne... (Vifs applaudissements.) si elle n'y mettait un frein, on
renouvellerait chaque jour dans son sein les affronts les plus sanglants contre les citoyens
qui, comme lui, ont nien mérité de la patrie. (Mouvements divers.) Je dis que M.Merlin a
manqué à la garde nationale parisienne...
re série, t.
XLIV, séance du 8 juin 1792, au soir, page 704, l'admission à la barre de M. Rebecqui.
.... en comparant son
commandant général à M. Rebecqui, et je demande qu'il soit envoyé pour 3 jours à l'Abbaye. (Longue agitation.)
Je ne suis point étonné des alarmes que la garde nationale parisienne a conçues.....
Plusieurs membres : Monsieur Merlin, à l'Abbaye 1 (Vive agitation.)
Si vous faites justice de m. Merlin en l'envoyant à l'Abbaye, je demande que vous la fassiez aussi des interrupteurs indécents qui troublent sans cesse l'Assemblée..... (Murmures prolongés.)
(La tribune est environnée de beaucoup de membres. M. Dubois de Bellegarde vient se placer entre la tribune et les membres de la droite avec un air menaçant dont on s'est plaint avec force. 11 veut alors enjamber une barrière et tombe. On s'informe autour de lui s'il ne s'est pas fait de mal et il vient s'asseoir, en passant par le chemin ordinaire, à côté de ceux auprès desquels il s'était placé d'abord. Le calme eut été rétabli sans M. Maribon-Moutaut qui a prétendu que M. Tarbé avait insulté quelqu'un. On est parvenu enfin à lui imposer silence;.
Gomme je n'ai point la présomption de croire que je m'explique de la manière la plus claire et la plus précise, je demande
3ue l'on m'écoute avec quelque patience. J'ai
es faits à rappeler d'abord. Ils pourront déterminer ensuite la conduite de l'Assemblée envers m. Merlin.
Je ne suis point étonné des alarmes que la garde nationale parisieune a conçues sur le décret que vous avez rendu. Ces alarmes ne supposent en elles-mêmes aucune méfiance incivique. Lacauseen est dans les opinions manifestees a cette tribune. On n'a pas, en effet, seulement combattu le projet de décret en lui même, on n'a pas cherché à prouver qu'il était mauvais, on a voulu souiller l'idée la plus patriotique jjar des idées de factions. C'est ici, c est à cette tribune quon a commencé à dire que la motion qui avait été faite était injurieuse à la garde nationale parisienne; c'est à cette tribune que l'on a fait entendre que l'on se proposait de lui enlever ses canons ; c'est à cette tribune que l'on a dit que l'on ne provoquait la formation d'un camp pour faire faire le srrvice .de la garde nationale parisienne que parce qu'on ne Comptait plus assez sur son zèle ; ou du moins qu'on a cherché à prouver à l'Assemblée, par les opinions que l'on développait, que telle était l'intention de ceux qui proposaient le décret.
Et remarquez, Messieurs, que ceux qui développaient une opinion aussi insultante pour l'Assemblée nationale et pour la garde nationale parisienne, avaient sans cesse a la bouche le mot de factieux, de telle sorte qu'en soufllant le feu de la discorde ils paraissaient cherchera diviser les citoyens. Si l'on était moins sur de la pureté de leurs intentions, si l'on ne savait que ce mot leur échappait en improvisant leur opinion, on eut cru qu'en répétant le mot de factieux, ils voulaient se dénoncer eux-mêmes. (Applaudissements réitérés à gauche et dans les tribunes.)
Ainsi, Messieurs, il n'y a dans les alarmes conçues par la garde nationale parisienne qu'un juste mouvement de sensibilité, de patriotisme,
qui est digne d'éloges. Il n'en est pas de même de la pétition que l'on se propose de vous présenter et sur laquelle je reviendrai. Mais je dis que. quand on demande que M. Merlin soit envoyé à l'Abbaye pour une expression que j'avoue injurieuse pour M. le commandant, on aurait dû auparavant y envoyer ceux qui ont développé à cette tribune uiie opinion séditieuse, sinon dans l'intention, au moins dans la forme. (Applaudissements dans les tribunes.)
Un membre : Où. donc est la liberté des opinions ?
Pourquoi, Messieurs, n'a-t-on pas seulement proposé de rappeler à l'ordre ceux qui cherchaient ainsi à troubler la tranquillité publique? c'est parce que les opinions sont libres da nscette Assemblée, d'après laCons-titution, et qu'on esl maître d'y parler selon sa conscience. Or, M. Merlin a dit ce qu'il pensait dans sa conscience... (Murmures prolongés dans l'Assemblée. — Applaudissements dans les tribunes.) Il n'est pas question ici de justifier les paroles de M. Merlin. J'ai énoncé mon opinion sur elles et je crois l'avoir fait assez clairement pour qu'on ne pense pas que je les approuve. Mais je dis que m. Merlin, en énonçant son opinion qui était injurieuse pour M. le commandant, mais qui n'était injurieuse ni pour la garde nationale, ni pour l'Assemblée, n'a fait qu'user du droit qui appartient à chaque membre.
M. Calvet et M. Frondière avaient aussi énoncé leur opinion; on les a pourtant envoyés à l'Abbaye (1).
On me cite les opinions de MM. Calvet et Frondière; mais il s'agissait dans ces opinions d'une insulte faite directement au Corps législatif.
Plusieurs membres : Non ! non ! mais à M. Guadet.
M. Calvet fut envoyé à l'Abbaye parce qu'il avait comparé l'Assemblée nationale aux Séjan et aux Tibère, et certes, ceux qui ne voient pas là une insuite, ne seront jamais insultés. M. Frondière y était envoyé....
C'est tout simple, pour avoir commis un crime de lèse-Gironae.
.....pour avoir insulté aussi un représentant du peuple dans le sein de l'Assemblée nationale, lorsqu'il énonçait son opinion ; vous n'avez puni M. Frondière que pour n'avoir pas respecté lui-même la liberté d'opinion, que devait avoir M. Guadet dans cette tribune. La proposition d'envoyer M. Merlin à l'Abbaye, n'est donc qu'un misérable (incident suscité dans ce moment, pour vous faire perdre de vue la question principale pour laquelle vous avez mandé M. le commandant à la barre.
M Vergniaud vous a dit que les opinions manifestées à cette tribune avaient occasionné
la pétition de la garde nationale. Je réponds à cela que M. le commandant de la garde
nationale vous a observé, vous a dit, que le vœu de la garde nationale s'était manifesté
aussitôt que M. Servan avait fait sa proposition à l'Assemblée nationale, c'est-à-dire avant
que la discussion fut ouverte. Ce ne sont donc pas les opinions qui ont été émises à cette
tribune, qui ont provoqué la pétition. Au surplus, il n'est
re série, t.
XLIV, séanc du z9 mai 1792, au soir, pa»» 296 et 308, les décrets relatifs à MM. Frondière et
Calvet.
(de Bayeux). Je voulais dire de plus à l'Assemblée qu'il était faux que ce fussent les opinants qui aient donné lieu aux inquiétudes de la garde nationale. C'est le rapporteur du comité militaire qui a dit que l'on pouvait se servir et qu'on se servirait des armes et des canons de la garde nationale parisienne.
Je demande donc qu'on passe à l'ordre au jour. (Bruit.)
Je demande la parole pour M. Merlin et contre M. Vergniaud.
Je pense, Messieurs, que M. Merlin a manqué à la décence et au respect dû à l'Assemblée, en comparant des personnes et des chosse très peu susceptibles de parallèle. M. Merlin n'ignorait pas que M. Rebecqui avait été dénoncé à l'Assemblée nationale, qu'il y venait pour se justifier d'inculpations appuyées sur des pièces authentiques et sur un rapport de vos comités. M. le Président a donc dû suivre alors l'usage constant de ne point admettre aux honneurs de la séance ceux qui étaient traduits au tribunal de l'Assemblée nationale. M. Merlin sait tout cela et doit tonnaître l'usage de l'Assemblée nationale. Le parallèle qu'il vient de faire est donc injurieux et au commandant de la garde nationale et à l'Assemblée elle-même. Cependant, Messieurs, je m'oppose à ce que, pour une pareille inconséquence, jl fsoit envoyé à l'Abbaye. Je ne saurais m'habituer à voiries membres de cette Assemblée se menacer réciproquement de la prison, et se faire un jeu scandaleux de ces moyens de discipline intérieure. Je demande que simplement M. Merlin soit rappelé à l'ordre.
Mais je demande aussi, et à plus forte raison, que M. Vergniaud soit rappelé à l'ordre pour avoir ici donné le plus extraordinaire exemple de la violation de la liberté des opinions, en calomniant avec autant de hardiesse les intentions de ceux qui ont opiné dans la discussion du décret des vingt mille hommes. Assurément on se ferait une singulière idée de la liberté des opinions si les membres de cette Assemblée n'avaient pas le droit de développer tous les dangers qui pourraient se cacher sous un projet de décret dont un ministre s'est permis l'inconstitutionnelle initiative. (Bruit.)
J'ajoute que la crainte conçue, par la garde nationale, de l'enlèvement de ses canons et de ses armes, n'a pu être le résultat des opinions débitées à cetté tribune, mais bien de la lettre même du ministre, où ce projet était énoncé, comme
l'était encore dans le considérant du rapport. Bruit.)
parle dans le bruit.
Plusieurs membres : La discussion fermée !
(L'Assemblée ferme la discussion et passe à l'ordre du jour sur la motion d'envoyer M. Merlin à l'Abbaye»)
Plusieurs membres se lèvent pour se retirer.
Si M. Vergniaud n'a plus rien à ajouter à ce qu'il a dit, je demande que l'Assemblée prenne un parti sur le fond de l'affaire et qu'elle prononce le renvoi de la dénonciation au comité de surveillance. (Rire.)
Plusieurs membres demandent l'adjonction du comité de législation au comité de surveillance.
D'autfes membres : L'ordre du jour 1
Je crois qu'il faut en effet renvoyer cette affaire aux comités de législation et de surveillance. Il n'est pas douteux que la pétition annoncée est inconstitutionnelle dans> la forme. 11 paraît constaté qu'il a été fait une invitation à la signer; or, cette invitation est inconstitutionnelle... (Murmures.) parce qu'on s'est servi de là voie de l'ordre pour la faire parvenir aux divers bataillons... (Murmures.) ce n'est sûrement pas parla voie de l'ordre que l'on peut inviter à signer une pétition : car, en agissant ainsi, c'est se regarder comme militaires et délibérer comme corps armé.
Lé commandant général a dit le contraire.
Il y a encore une autre illégalité dans la manière dont cette invitation a été faite. 11 paraît qu'on voulait faire passer cette pétition d'individu à individu pour la signer. Or, c'est là une illégalité. Ceux qui sé sont donné la peine de lire l'instruction du 7 mai, pour les corps administratifs, sur le droit de pétition, doivent savoir que, quand plusieurs citoyens veulent signer une pétition, il leur est expressément défendu de la colporter de porte en porte, et il serait très facile ae prouver la sagesse de cette défense. Donc, lorsque plusieurs citoyens veulent présenter une pétition* ils sont obligés de suivre les formes que leur prescrit la loi, et comme ici la loi n'a pas été suivie, il y a illégalité.
Je sais bien que cette pétition n'a pas encore été présentée, en sorte que la faute n'est pas encore consommée. Aussi, je ne la dénonce pas. Mais je demande que les comités réunis soient chargés d'examiner les faits et de proposer un plan de conduite, afin que, dans le cas où la pétition serait présentée, l'Assemblée puisse sur-le-champ prendre un parti convenable pour réprimer la violation de la loi.
Un membre : Je demande si pour les pétitions du fauhourg Saint-Antoine, on a fait les mêmes difficultés.
Je demande la parole pour un
Je demande que la lettre du citoyen qui a été annoncée par M. Charlier, et dont la lecture a été retardée, soit lue à l'Assemblée.
Après la discussion.
Un membre ; Je m'oppse formellement à ce que des lettres mendiées soient lues pour influencer la délibération de l'Assemblée. (Bruit.)
, secrétaire, donne lecture de cette lettre qui est ainsi conçue (1) :
« Paris, le e de la liberté.
« Monsieur le Président,
« Citoyen soldat et père de famille attaché à la Constitution, je ne souillerai jamais mon
nom en l'apposant à une pétition qui, dans ce moment, peut être considérée comme une
provocation du veto sur un acte législatif rendu après Une mûre délibération. J'étais ce soir
à la
« Je suis avec respect, Monsieur le Président, votre très humble serviteur.
« Deplagne, citoyen soldat, compagnie Day, hôtel des Etats généraux, rue de Richelieu.) »
Je demande l'impression de cette lettre et l'envoi aux sections de Paris, pour leur faire connaître comme on les trompe.
Monsieur le Président, je demande qu'on suspende l'impression de la lettre au moins pendant 24 heures, pour savoir si elle ne sera pas désavouée. (Rires et applaudissements adroite.)
Je la garantis vraie. (Rires.)
J'appuie l'impression de la lettre afin que les citoyens connaissent les moyens employés pour les égarer.
(Après deux "épreuves successives, l'Assemblée décrète l'impression de la lettre de M. Deplagne.)
J'insiste pour que l'on mette aux voix la proposition de l'envoi aux sections.
(Cette motion n'a pas de suite.)
La parole est à M. Ramond pour un fait.
Messieurs, il s'est glissé dans l'opinion de M. Vergniaud une erreur de fait. Le projet de pétition n'a point été envoyé aux gardes nationales par la voie de l'ordre. Il ré-
suite du rapport de M. le commandant général que les citoyens, qui sont venus à l'ordre, se le sont respectivement communiqué, sans que cela ait eu aucuu caractère ni forme militaire. (Bruit.)
Je demande que Monsieur soit entendu parce qu'il est bien instruit.
Je réponds à l'indécente interruption de M. Montaut que je suis instruit pour avoir fait mon devoir, celui d'écouter le compte rendu par le commandant général de la garde nationale parisienne.
On appelle mettre à l'ordre l'acte d'envoyer parle commandant aux différents bataillons, pour être lue à la tête des bataillons ou des compagnies, une chose quelconque. On ne peut point appeler mise à l'ordre une enose qui a été communiquée individuellement et particulièrement par des personnes qui se sont rencontrées à l'ordre. (Murmures à gauche.) Je n'entends pas relever les faits pour ceux qui craignent l'évidence des faits. J'ajoute que M. Vergniaud, en jugeant illégale une pétition, dont le projet seulement est parvenu à l'Assemblée nationale, par la dénonciation qui lui en a été faite, a prononcé, ce me semble, un jugement précipité sur une chose dont l'inégalité ne pourra être jugée que lorsqu'on ja présentera, que lorsqu'on verra si, aux termes ae la loi, la pétition n'est pas indi-\ viduellement signée.
Les caractères qu'une pétition doit avoir sont I marqués par la Constitution et par la loi du 7 mai. Le droit de pétition doit avoir la plus grande latitude. Une pétition n'est inconstitutionnelle qu'autant qu'elle est faite par un corps et signée en nom collectif. Si elle est signée individuellement, elle est constitutionnelle, quand même \ son objet ne le serait pas. Je vous le demande, si le Corps législatif, de feu pour certaines pétitions, était de glace pour d'autres; s'il distribuait, au gré de ce qu'il croirait son intérêt personnel, la louange ou le blâme sur celles qui lui seraient apportées ; s'il frappait les unes de l'improbation la" plus sévère, avant même qu'elles lui soient connues et après l'inquisition la plus illégale; s'il imprimait avec éloge les opinions contraires, je demande si la dignité du Corps législatif serait bien conservée, et si la liberté individuelle du citoyen, qui n'a pas de plus forte garantie que le droit de pétition, serait bien assurée. C'est là cependant le résultat des différentes opinions qui vous ont été si tumultueusement présentées.
La pétition qui vous a été dénoncée ne vous est pas connue encore : vous ne pouvez donc la juger. C'est pourquoi je demande, qu'avant de rien statuer, l'Assemblée attende que la pétition lui ait été présentée et qu'elle passe à l'ordre du jour sur toutes les propositions qui ont été faites.
M. Ramond n'a pas rappelé exactement à l'Assemblée le fait énoncé par le commandant. Le voici : La distribution de cette adresse a été faite à tous les bataillons de la garde nationale de Paris par le ministère des adjudants. Ainsi, elle a été faite à tous les citoyehs actifs de Paris, puisqu'ils sont tous dans la garde nationale. Ce fait est constaté par l'aveu de M. le commandant. Ce n'est donc plus un vœu individuel qu'on veut émettre, mais celui de la commune de Paris, Or, les pétitions des citoyens actifs de la commune doivent être arrêtées dans les assemblées de section. On a voulu prendre la voie de l'ordre pour éviter les assemblées des sections. On a donc violé la loi, lorsqu'on a voulu, en quelque sorte, donner un caractère
militaire à une pétition qui devait être faite dans des formes purement civiles. D'après cela, je demande le renvoi du tout aux comités de législation et de surveillance réunis.
Je demande l'ordre du jour et à le motiver. (Murmures.)
Plusieurs membres : La discussion fermée !
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Plusieurs membres : L'ordre du jour!
(L'Assemblée décide qu'elle ne passe pas à l'ordre du jour.)
Je propose, par amendement, de charger les comités de présenter des articles additionnels sur la manière dont les pétitions doivent être faites.
Je mets aux voix la motion qui a été faite de renvoyer aux comités de législation et de surveillance réunis l'examen des faits dénoncés à l'Assemblée par le bataillon des Petits-Augustins et les éclaircissements donnés par M. le commandant général sur la pétition dont il s'agit.
Plusieurs membres : La question préalable !
(L'Assemblée rejette la question préalable et renvoie l'examen de cette affaire aux comités de législation et de surveillance réunis.)
(La séance est levée à une heure et demie du matin.)
A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE DU
PIÈCES (2) adressées à l'Assemblée nationale par le conseil général de la commune et la garde nationale de la Loupe, département d'Eure-et-Loir, pour réclamer contre le dernier décret de l'Assemblée, sur le complément de l'organisation de la gendarmerie nationale et l'emplacement particulier d'une brigade.
1
Extrait du registre des délibérations du conseil général de la commune de la Loupe, en
date au
Aujourd'hui dimanche, 15 avril 1792, le conseil général de la commune du Bourg-de-la-Loupe, chef-lieu de canton de 12 paroisses, district de Châteauneuf-en-Thimerais, département d'Eure-et-Loir, assemblé en la maison commune, M. le maire a annoncé que le bruit se répand que la brigade de gendarmerie nationale etablie et résidant depuis quelque temps en ce bourg de la Loupe est sur le point d'être transférée dans la paroisse de Champrond ; que toute incroyable que soit cette nouvelle, il serait possible que l'Assemblée nationale eut été induite eu erreur contre la préférence due au bourg de la Loupe pour un établissement que le département a lui-même jugé devoir y être fixé; qu'il a rédigé en conséquence une adresse à l'Assemblée nationale législative pour lui mettre sous les yeux les motifs
qui ont déterminé cet établissement, qu'il s'empresse de la communiquer au conseil général et qu'il le prie de bien vouloir prendre en ce moment tel arrêté ou délibération que sa prudence lui suggère.
Suit la teneur de ladite adresse :
Adresse au Corps législatif de la nation française par le conseil général de la commune du bourgde la Loupe.
La commune du bourg et paroisse de la Loupe, affectée au bruit parvenu jusqu'à elle que la brigade de gendarmerie qui réside dans son sein doit être déplacée pour être transférée dans la paroisse de Champrond, à deux lieues de distance de la Loupe, prend la liberté de faire parvenir au Corps législatif ses justes doléances et ses promptes réclamations sur cet objet.
« Un des Besoins, senti depuis longtemps par la commune de la Loupe, était d'avoir une force active et vigilante au milieu d'elle pour y réprimer les abus et y maintenir le bon ordre ; pénétrée de cette vérité, elle n'a pas eu plutôt connaissance de la loi du 16 février 1791 sur l'organisation de la gendarmerie nationale qu'elle s'est empressée de demander au Directoire du département d'Eure-et-Loir, qui la gouverne, une des trois brigades d'accroissement quecette loi lui accordait; la justice du directoire a été telle sur cette demande et sur celle des autres communes de Bonneval et d'Anet, qu'il les a jugées préférables à toutes celles qui lui avaient été faites alors par plusieurs autres villes et communauté. On en trouve la preuve dans le rapport de ses opérations fait au conseil général du département, le 15 novembre dernier, où on lit que le directoire a fixé dans ces 3 chefs lieux la résidence des 3 brigades dont il pouvait disposer, qu'il sollicite une augmentation de 3 autres brigades qu'exigeait l'intérêt du département et qu'il en a désigné dès lors la résidence à Chartres, à la Ferté-Vidame et à Brézolles. Il résulte donc de ce rapport des vérités constantes. La première, que lé bourg de la Loupe a été considéré primitivement par le directoire du département comme un endroit qui nécessitait impérieusement une brigade de gendarmerie nationale, les établissements demandés pour Chartres, la Ferté-Vidame et Brézolles n'ayant pas prévalu et ayant été subordonnés à une augmentation ultérieure de 3 brigades.
« Pour obtenir une brigade de gendarmerie nationale, la commune de la Loupe n'a employé jusqu'ici que des motifs de justice et d'équité et ce sont encore les mêmes moyens dont elle se servira aujourd'hui auprès du Corps législatif pour la lui conserver.
« 1° La Loupe est un gros bourg traversé par 4 grandes routes, 4 diligences principales, 4 fourgons et autres voitures publiques etoù se trouvé une poste aux chevaux pour le service des voyageurs ;
« 2° Ce bourg, qui est fort peuplé ainsi que ses environs, est un chef-lieu de canton de 12 paroisses qui y ont une relation habituelle pour le tribunal de la justice de paix, les bureaux de paix et de conciliation et les différents tribunaux de police créés par les lois ;
« 3° Ce chef-lieu ae canton est situé de manière que la brigade qui lui a été accordée n'a pu équitablement lui être refusée parce que sa position topographique forme un point centrai et de correspondant avec les villes et bourgs de
Nogent-le-Rotrou, Illiers, Courville, Ghâteauneuf-en-Thimerais, la Fertê-Vidame et Regmalard qui en sont à 4 ou 5 lieues, où il y a des brigades établies, et qu'il n'était pas possible de priver une aussi vaste étendue de pays d'un secours qui était justement acquis.
« On observe que c'est au moyen de la correspondance qui existe entre la brigade de la Loupe et celle des 6 endroits qu'on vient dé dé signer qu'il se fait un service des plus exacts dans tous les lieux intermédiaires, en sorte que la paroisse de Champrond, qui n'est qu'une bourgade traversée par une seule route d'embranchement et qui, dit-on, a l'étonnante prétention d'avoir une brigade particulière et le quadruple avantage d'être surveillée par celle de Courville, Illiers, Nogent-le-Rotrou et la Loupe au milieu desquelles cette paroisse est située.
« 4° 11 se tient tous les mardis à la Loupe un des plus forts marchés de la ci-devant province du Perche, auquel concourent quatre foires des plus considérables dans l'année. Ces foires et marchés sont un entrepôt de commerce en chevaux, bestiaux, grains, volailles et denrées nécessaires au pays et à l'approvisionnement de Paris. L'af-fluence y est si grande qu'elle exige toujours un rassemblement ae plusieurs brigades pour pourvoir à la sûreté publique et déjà on doit à celle de la. Loupe d'avoir arrêté plus d'une fois les progrès des agitations qui se sont manifestées pour la liberté de la vente des grains' dans les marchés des mois de janvier, février et mars derniers.
« 5° Enfin le bourg de la Loupe est entouré à la distance d'une lieue, plus ou moins, par environ 15,000 arpents tant bois nationaux que particuliers qui rendent très dangereux le passage des chemins et des routes dans les endroits ou on est obligé d'y passer, soit de les cotoyer. Il en est de ces endroits' à une lieue de la Loupe •sur la grande route de Regmalard, sur celle ae Châteauneuf et sur celle de Courville, qui effrayent lés voyageurs, de même que les communications avec la Ferté-Vidame, Sènonches et Champrond qui,offrent jusqu'à une lieue et plus de bois ou de forêts à traverser.
'« Tels sont les puissants motifs que la commune de la Loupe a fait valoir auprès du directoire du département d'Eure-et-Loir quand elle lui a demandé et qu'elle a obtenu de sa justice une brigade de gendarmerie nationale qui fait sa plus grande sûreté. Tels sont aussi ceux qu'elle présente au Corps législatif pour le prier de ne pas la priver d'un établissement qui a eu lieu suivant son vœu et sés besoins, et dont les heureux effets se sont déjà fait sentir par la vigilance et les soins du brigadier et des gendarmes dont la brigade est composée. Il suffit à la commune de la Xoupe d'avoir ainsi développé ses moyens pour motiver en même temps 1 exclusion ae la paroisse de Champrond sur un gros bourg et un chef-lieu de canton qui sous tous les rapports doit lui être préféré. Forte de la justice de sa demande, la commune de la Loupe met toute sa confiance dans celle des législateurs purs et intacts qui travaillent à consolider la liberté de la nation, elle attend de* leur sagesse et de leur équité qu'ils voudront bien lui conserver l'établissement de la brigade résidant actuellement à la Loupe, et à ce moyen réformer l'erreur dans laquelle on les aurait mis si cet établissement leur avait été indiqué comme plus nécessaire dans un autre endroit. »
« Sur quoi la matière mise en délibération,lec*
ture prise de ladite adresse et ouï le procureur de la commune, tous les membres composant le conseil général de la commune ont déclaré l'adopter et ont remercié M. le maire d'avoir bien voulu la rédiger.
« Arrête, en conséquence, le conseil général de la commune que ladite adresse sera envoyée, sans délai, au Corps législatif et que le sieur Bourdon-Monfreville, député extraordinaire de la commune à Paris, sera invité d'employer ses soins et ses bons offices pour en solliciter l'effet, et ont tous les membres signé :
Brichon, maire, Lorin, Blanchard, Garnier et Lemarchand, etc.i etc., officiers municipaux.
Pour copie :
Hubert, secrétaire, i
II
Extrait du registre des délibérations du conseil général de la commune de la Loupe, en
date du
Aujourd'hui 22 mai 1792, 5 heures de relevée.
Le conseil général de la commune du Bourg et paroisse de la Loupe, district de Châteauneuf en-Thimerais, département d'Eure-et-Loir, assemblé au lieu ordinaire, assuré qu'on va transférer à Champrond-en-Gastine, sous le district de Nogent-le-Rotrou, la brigade de gendarmerie nationale qui réside en ce bourg.
Considérant : 1° que le bourg de la Loupe est un endroit considérable traversé par plusieurs grandes routes ; qu'il s'y tient chaque semaine un marché le plus considérable du pays et quatre foires par an qui y attirent une foule d'étrangers ;
2° Que la municipalité n'a maintenu l'ordre avant la résidence d'une brigade de gendarmerie à la Loupe qu'en employant journellement les gardes nationaux qui" n'ont cessé de faire le service dans l'espoir qu'ils seraient secondés par cette brigade; ;
3° Que le bourg de la Loupe étant avoisiné par les forêts nationales de Senonches, Montecor et la Grande-Maison et dévastées par des gens du pays, il est impossible d'empêcher ce désordre sans une brigade de gendarmerie nationale à la Loupe, ce qui est prouvé par cè qui s'y est passé depuis qu'elle y réside ;
4° Qpe Rétablissement d'une brigade de gendarmerie nationale à Champrond n'est que l'effet de la surprise qui a été faite au comité militaire, parce que Champrond est une bourgade, de sorte que le motif du courrier aux lettres qui y passe est illusoire parce que l'embranchement de route qui se rend de Courville à Nogent-le-Rotrou n'est pas plus longue que l'embranchement de Champrond; que cet embranchement doit être supprimé; que le voyageur venant de Courville à la Loupe peut, de ce dernier endroit, se porter facilement à Bellesme, Mortagne, Verneuil et Châteauneuf, par les grandes routes qui communiquent à ces différents endroits, tandis que de Courville à Nogent par Champrond le voyageur n'a pas ces facultés et manque le plus souvent; du nécessaire ;
5° Considérant qu'en supprimant l'embranchement de route de Courville à Nogent-le-Rotrou, la nation gagne l'entretien de 8 lieues de route; qu'en la route de Châteauneuf à Angers, l'embranchement par les Murgerde, la nation gagnera encore 2 lieues et demie de route et la
poste aux chevaux de la Loupe peut facilement communiquer avec celles de Regmalard, Nogent-le-Rotrou,Courville et Ghâteauneuf ; que par conséquent les postes de Montlandon, les Murgers et Digny sont de toute inutilité et qu'elles ne doivent leur existence qu'au vice de l'ancien régime et pèsent sur l'intérêt national.
6° Que la poste aux lettres en passant par la Loupe passera en même temps par Poucqom qui est un gros bourg ; que dans ces deux endroits elle déposera des paquets ; qu'à ce moyen le service sera simplifié et mieux entendu. Considérant qu'une brigade de gendarmerie nationale à Champrond ne sera éloignée que de 3 lieues de celle a'Illiers et de 6 de celle de la Ferté-Vidame, tandis qu'étant à la Loupe elle sera à 6 lieues et demie de ces deux brigades, ce qui rend le service plus facile.
Le conseil général de la municipalité déclare à l'unanimité qu'il répugne à sa conscience et à sa délicatesse de cesser de réclamer contre un pareil changement aussi préjudiciable à l'intérêt public ; qu'elle persiste dans l'adresse qu'elle a laite au Corps législatif le 15 avril dernier, qu'il lui sera même impossible de remplir ses fonctions à partir de 1 iostant où cette brigade sera supprimée; que ne voulant pas qu'il ne lui soit rien imputé, elle déclare que de cet instant elle remercie ses concitoyens de l'emploi dont ils l'ont honorée, mais que ne pouvant le remplir eomme elle l'a fait jusqu'à présent et sans courir des dangers, elle n'entend plus, au dit cas, en faire les fonctions; arrête que copie du présent arrêté sera envoyé au directeur du district de Château-neuf avec prière de se joindre à eux pour continuer à réclamer auprès du Corps-législatif contre un changement aussi préjudiciable à l'ordre ainsi que le département et lui en sont convaincus.
(Suivent les signatures.)
Pour copie :
Hubert, secrétaire.
III.
Arrêté de la garde nationale de la Loupe, * en date du
Aujourd'hui 23 mai 1792, la garde nationale de la Loupe assemblée, partageant avec tous les bons citoyens du canton la surprise extrême où l'a plongée la nouvelle confirmative du déplacement de la brigade de la gendarmerie nationale installée et résidente au chef-lieu de canton depuis environ 2 mois, et ne pouvant se dissimuler que ce déplacement ne peut être que le fruit des manœuvres sourdes de quelques hommes qui, pour favoriser leurs vues personnelles, ne se sont fait aucun scrupule de surprendre la religion du comité militaire, en défigurant la vérité sous les traits, du mensonge et la plus insigne mauvaise foi, elle a en conséquence arrêté que, vu l'impossibilité de veiller, elle seule, au maintien de l'ordre public et de pouvoir se transporter dans tous les lieux où sa présence serait journellement nécessaire, pour reprimer les délits qui s'y commettent impunément sur toutes les propriétés, si ses efforts n'étaient secondés par ceux d'une brigade dont on connaît de plus en plus l'indispensable nécessité, elle se trouverait forcée, malgré tout le zèle qui n'a cessé de l'animer jusqu'à ce jour, de cesser toute espèce de service du moment où elle serait privée de
celui d'une brigade dont elle reconnaît toute l'importance et, dans un temps surtout où l'anarchie imposant silence aux lois, se permet les excès les plus condamnables. Tout parlant en faveur de l'établissement d'une brigade à la Loupe, ce que personne ne peut révoquer en doute, à moins d être aveuglé par la partialité la plus grande, la garde nationale dudit lieu se croirait donc autorisée à regarder le déplacement projeté comme un acte purement arbitraire qui, sous l'ancien régime, n'aurait pu exciter la moindre surprise, par l'usage où l'on était de tout accorder au crédit et à la faveur, mais qui, sous le nouveau, aurait d'autant plus lieu de surprendre que le règne de la justice et de la raison semblait avoir déplacé celui des abus. Elle ose donc encore espérer que ses réclamations seront d'autant plus favorablement accueillies qu'elles ont pour base la justice, rien, que la justice que le comité militaire est à portée de vérifier, s'il daigne toutefois considérer l'objet en question sous tous les rapports dont il est susceptible, et démêler par ce moyen la vérité sur laquelle on s'est plu à répandre les plus épaisses ténèbres, c'est dans cette confiance que la garde nationale de la Loupe ne cessera de bénir les travaux de notre auguste Assemblée législative dont la noble tâche est de travailler sans relâche au bonheur d'une nation libre et généreuse qui n'a pas craint de lui confier ses plus chers intérêts.
{Signé par la garde nationale de la Loupe.)
Délivré par le secrétaire de la garde nationale de la Loupe :
Chevallier.
IV.
Lettre du procureur syndic du district de Château-neuf-en-Thymerais aux officiers municipaux du chef-lieu du canton, à la Loupe.
Châteauneuf-en-Thymerais,
Messieurs,
L'administration n'a pas balancé à croire, lors de l'organisation de la gendarmerie nationale et de sa distribution entre les chefs-lieux de son ressort, que le vôtre devait y avoir part, ses efforts n'ont pas été vains puisque le vôtre a été pourvu d'une brigade. C'est cette brigade qu'on veut vous enlever et dont la translation est déjà ordonnée à Champrond, mais comme l'administration est persuadée que ce changement est un véritable obstacle à l'intérêt public, elle réunira ses efforts aux vôtres pour vous la conserver. Les raisons qu'elle alléguera et dont elle a d'avance frappé le Corps législatif, ne lui permettent pas de douter de sa réussite.
Le procureur-syndic de Châteauneuf : Signé : MarreaU.
V.
Lettre du procureur général syndic du départe-ment d'Eure-et-Loir au maire et officiers municipaux de la Loupe.
Chartres,
reçu la délibération du conseil général de votre commune du 15 avril dernier, en laquelle est insérée une adresse au Corps législatif, relativement aux craintes qu'elle manifeste que la brigade de gendarmerie nationale placée en votre bourg, ne soit transférée. Le directoire avait aussi entendu parlé du projet de cette translation, et le 12 avril, il a écrit au comité militaire de l'Assemblée nationale chargé du travail pour la gendarmerie, pour que cette translation n'eût pas lieu. Aujourd'hui, le directoire vient de remettre à M. Bellier (Duchesnay), l'un de nos députés, copie de cette même lettre et de la délibération du conseil général de votre commune, pour rappeler l'attention de l'Assemblée sur votre réclamation. Il y a tout lieu d'espérer qu'elle sera accueillie.
Le procureur syndic du département d'Eure-et-Loir.
Signé : Bomère.
VI.
Copie de la lettre écrite par le directoire du département d'Eure-et-Loir, à Messieurs composant le comité militaire de l'Assemblée nationale,
Chartres,
Messieurs,
D'après la loi du 16 février 1791, nous avons organisé la gendarmerie nationale. Nous avons depuis longtemps fixé/de concert avec le lieutenant-colonel qui réside en ce département, le placement de 15 brigades que cette loi nous accordait la faculté d'organiser. Ce placement effectué, nous avons reconnu l'insuffisance de ces 15 brigades, et nous avorts formé une demande à fin d'augmentation. Sur votre travail. Messieurs, l'Assemblée nationale nous a accordé 2 nouvelles brigades, ce qui porte le nombre à 17 pour notre département, mais en même temps l'Assemblée a procédé au placement de ces 17 brigades, et il paraît qu'elle a transféré à la Ferté-Vidame, celle que nous avions placée à la Loupe; elle a indiqué la résidence des deux nouvelles,l'une à Avet et l'autre à Champrond.La translation de la brigade de la Loupe à la Ferté-Vidame fait l'objet de notre réclamation, les raisons qui la fondent nous paraissent péremp-toires, les voici : La Loupe est un des chefs-lieux de canton de ce département, les plus fréquentés ; il s'y tient une fois la semaine un marché très considérable, ce bourg est situé sur une grande route très fréquentée qui conduit dans les ci-devant provinces du Maine et de la Basse-Bre-tagne, il y passe 5 voitures publiques par semaine. Cette route a besoin d'être toujours inspectée à cause du nombre des militaires, ou soi-disant tels qui la fréquentent; la sûreté des grandes routes est, comme vous le savez, Messieurs, d'un intérêt bien puissant pour le gouvernement, c'est cette sûreté qui donne au commerce toute son activité, et l'on ne doit pas se dissimuler qu'on n'obtient cette sûreté des grandes routes qu'en y plaçant, de distance en uistance, des portions de cette force armée essentiellement destinée au maintien de l'ordre public. Il est encore un objet de considération dans le placement d'une brigade à la Loupe, -c'est que cette brigade est à peu près dans le
centre du district de Cfiâteauneuf, que la correspondance de cette brigade avec les autres est on ne peut plus aisée, plus facile et plus prompte, qu'elle peut, dans des moments de troubles, se joindre soit à la brigade de Châteauneuf, soit à celle de Courville, ce qu'elle a déjà fait plusieurs fois. Tous les avantages du placement d'une brigade à la Loupe sont donc bien évidents ; mais si en transplantant cette brigade à la Ferté-Vidame, ôn n'y trouve aucun des avantages ci-dessus, il est certain que le bien public exige qu'elle reste à Loupe. Or, Messieurs, la position de la Ferté-Vidame est on ne peut plus incommode au placement d'une brigade, ce bourg est absolument sur la lisière du département, il est dans un fond au milieu de bois qui ne sont pas percés, sans aucune route fréquentée, sans aucune voie facile à la correspondance. Une brigade placée dans cet endroit serait entièrement perdue et sans aucun pouvoir de conserver par sa surveillance, l'ordre et la tranquillité au delà de l'enceinte du bourg. Votre intention étant, Messieurs, comme nous n'en doutons pas, d'opérer le plus grand bien possible, nous sommes assurés que vous rendrez à la Loupe une brigade dont la résidence en cet endroit est si précieuse. Nous vous observons, d'ailleurs, qu'on a fait des dépenses à la Loupe pour le placement de cette brigade, que les bâtiments qu'elle occupe sont loués, ou sur le point de l'être, que tous les préparatifs sont faits et qu'il en coûtera considérablement si l'Assemblée persiste à placer cette brigade à la Ferté-Vidame.
Quant aux 2 brigades nouvelles dont l'une est placée à Anet et l'autre à Champrond, nous pensons que les localités bien consultées, la première serait peut-être mieux à Brézolles. Nous n'insisterons pas cependant pour ce dernier endroit parce qu'à Anet elle peut produire par sa surveillance dn bien égal à celui qu'elle ;pour-rait faire à Brezolles.^
Mais nous ne pouvons vous dissimuler que celle qui est destinée pour Champrond serait bien avantageuse placée à Brou, chéf-lieù d'un canton où se tient le plus fort marché du département; on peut appliquer au placement d'une brigade dans cet endroit, la plus grande partie des avantages qu'on trouve dans le placement d'une brigade à la Loupe, que nous avons déve- loppé plus haut. Nôu
Nous vous prions, Messieurs, de prendre dans la plus grande considération les observations contenue en cette lettre ; nous vous prions d'être persuadés que dans les changements que nous vous proposons, nous n'avons mis aucun autre intérêt, nous n'avons été guidés par aucun autre motif que ceux du bien public.
Les administrateurs et procureur général d'Eure' et-Loir,
Signé : FoREAU, président; LoiSELEUR, Lariche, etc.
A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE DU
Projet de décret (2), 'présenté par M. Coppens, au nom des comités de marine et de Vextraordinaire des finances réunis, sur l'indemnité réclamée par Afm® Saint-Laurent, directrice des vivres de la marine à Dunkerque, et Mll° Touch, sa sœur.
Décret d'urgence.
L'Assemblée nationale, ouï le rapport de ses comités de marine et de l'extraordinaire des finances réunis, considérant que les troubles qui ont eu lieu les 13 et 14 février dernier dans la ville de Dunkerque, ayant eu pour prétexte l'opposition des gens malintentionnés à la libre circulation des grains dans le royaume, sont évidemment l'effet des artifices et manœuvres criminelles de ceux qui trament contre l'abondance des subsistances dans toutes les parties de l'Empire : considérant que les malintentionnés, après avoir contraint les officiers municipaux de Dunkerque à ordonner le déchargement des blés adressés à Mme Saint-Laurent, directrice des vivres de la marine au port de , cette ville, se sont ensuite transportés dans la maison qu'elle occupait avec sa sœur où ils se sont livrés aux excès les plus atroces, soit en menaçant la dame Saint-Laurent et sa sœur de leur ôter la vie, soit en portant leur fureur sur tous leé objets qui garnissaient leur maison et détruisant toutes leurs propriétés mobilières; que dans cette dévastation, sont compris les registres et papiers de la régie des vivres de la marine et autres papiers, les lettres de change, assignats et argent monnayé qui se trouvaient dans cette maison à ladite époque; que tous ces faits sont prouvés tant parles procès-verbaux des administrateurs du directoire du district de Bergues, de la municipalité et du juge de paix de Dunkerque, que par, une information faite par-devant le même juge de paix, dans laquelle un très grand nombre de témoins ont été entendus, et encore par beaucoup d'autres pièces légales et authentiques ; considérant que plusieurs lois, et notamment celle du 2 octobre 1791, ont eu pour principal objet de rassurer4ceux qui font le commerce des blés, en leur procurant protection et garantie, et que la dame Saint-Laurent, en sa qualité de directrice des vivres de la marine, chargée spécialement des subsistances des gens de mer employés au service de l'Etat, dans les ports de Lorient, Cherbourg, Brest et Rochefort, est encore plus particulièrement dans le cas prévu par la loi ; considérant enfin qu'il faut faire connaître aux administrations et aux communes que leur responsabilité n'est pas illusoire, et que l'Assemblée nationale veut que les lois de police et de sûreté qui mettent les personnes et les propriétés sous leur protection, soient exécutées, décrète qu'il y a urgence.
Décret définitif.
« L'Assemblée nationale ayant entendu ses comités de marine et de l'extraordinaire des finances réunis, sur les malheurs, violences et voies de fait que la dame Saint-Laurent, directrice des vivres de la marine, et sa sœur, ont éprouvé le 14 février dernier, et les circonstances qui y ont donné lieu, et après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit : « «
Art. 1er. La nation doit à Mm* Saint-Laurent et à Mlle Touch,
sa sœur, l'indemnité des pertes qu'elles ont éprouvées par le fait de l'insurrection qui a eu
lieu à Dunkerque le 14 février dernier.
« Art. 2. Avant de fixer la quotité de l'indemnité, la pétition de Mme Saint-Laurent et de sa sœur, les procès-verbaux des administrations du département du Nord et du juge de paix de Dunkerque, l'état d'évaluation des dommages que* ces dames ont éprouvés, s'élevant à 137,373 livres, non compris 40,000 livres de lettres de change, et les autres pièces justificatives de leurs pertes, seront envoyés, par le -ministre de l'intérieur, au directoire du département du Nord. Ces administrateurs, après avoir pris l'avis du directoire du district de Bergues et de la municipalité de Dunkerque, sur ledit état d'évaluation, renverront lesdites pièces, avec leur avis et ceux du district de Bergues et de la municipalité de Dunkerque, au ministre de l'intérieur, qui les adressera, avec ses observations, à l'Assemblée nationale.
« Art. 3. L'indemnité sera fixée par l'Assemblée nationale, et payée à Mme Saint-Laurent et à sa sœur, sur les fonds de la caisse de l'extraordinaire, et, en conformité de l'article 2 de la loi du 2 octobre 1791, le-montant de l'indemnité sera repris, par forme d'imposition, sur le département du Nord, sauf son recours, aux termes de ladite loi.
« Art. 4. Il sera, dès à présent, payé à titre de provision, à Mme Saint-Laurent, sur les fonds de la caisse de l'extraordinaire, une somme de 70,000 livres.
« Art. 5. Le trésorier de la caisse de l'extraordinaire ne payera à Mme Saint-Laurent là somme de 70,000 livres portée en l'article précédent, qu'après qu'elle lui aura remis un acte de cautionnement et de soumission de rapporter ladite somme, au cas qu'il fût, par la suite, ainsi ordonné. La solidité et la validité desdits cautionnement et soumission seront préalablement reçues et reconnues par le directoire du dépar-ment du Nord, et visées par le ministre de l'intérieur.
Séance du
PRÉSIDENCE DE MM. TARDIVE AU ET FRANÇAIS (DE NANTES.)
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres, adresses et pétitions suivantes :
1° Lettre de M. Roland, ministre de Vintérieur, sur la demande formée par le sieur Bourgeois du payement de ses salaires de 115 journées em~
ployées comme gardien des scellés apposés chez le sieur ûelattre, décrété d'accusation.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de ~ législation.)
2° Lettre de M. Roland, ministre de l'intérieur, gui, conformément au décret du 1er de ce mois, informe l'Assemblée des moyens qu'il a pris relativement aux comptes à rendre par l'économe général et autres régisseurs des biens nationaux.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de l'examen des comptes.)
3° Lettre de M. Roland, ministre de l'intérieur, qui invite l'Assemblée à prononcer sur la demande du directoire du département de la Seine-Inférieure, relative au nombre des commissaires de police à établir dans son arrondissement.
(L'Assemblée renvoie cette demande au cpmilé de division.)
4° Lettre de M. Roland, ministre de l'intérieur, qui fait part à l'Assemblée de la demande qui lui a été faite par le directoire du département du Var, de faire payer en espèce les gendarmes de la gendarmerie nationale de ce département.
(L'Assemblée renvoie cette lettre aux comités militaire et de l'extraordinaire des finances réunis.)
5° Lettre de M. Roland, ministre de Vintérieur, qui représente l'urgente nécessité dè décréter le payement de l'indemnité de 30 livres par chaque cheval, due aux maîtres de poste, d'après la loi du 5 mai 1790.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de l'ordinaire des finances.)
6" Lettre de M. Roland, ministre de Vintérieur, par laquelle, conformément au décret du 2 de ce mois (1), il rend compte de l'insurrection qui a eu lieu au Beausset, près de Toulon, dans le département du Var, les 13,19, 20 et 21 du mois dernier, et des poursuites qui sç font à ce sujet ; cette lettre est ainsi conçue (2) :
« Paris, le
« Monsieur le Président,
« L'Assemblée nationale par un décret du 2 de ce mois, m'a fait le renvoi d'une lettre qui lui a été adressée par l'accusateur public près le tribunal criminel du département du Var pour l'informer d'une émeute arrivée à Beausset dans laquelle deux citoyens ont perdu la vie, et l'Assemblée a ordonné que je lui rendrais compte de ce fait. Il résulte des détails qui m'ont été donnés à çe sujet* par le directoire du déparlement, que le 13 du mois dernier un huissier de Toulon se transporta au Beausset pour assigner 19 témoins à l'effet de déposer dans une procédure qui s'instruit à la requête de l'accusateur public, et dans laquelle la municipalité et la société patriotique du lieu sont impliquées, comme accusées d'avoir vexé les citoyens par des amendes arbitraires et d'avoir contribué à la démission forcée du curé assermenté. Le peuple, croyant que parmi les citoyens assignés, 14 étaient plutôt partie que témoins relativement à des griefs qu'ils pouvaient avoir contre la majorité des habitants, craignit la suite de cette
affaire et d'attrouper sur la ptece du lieu en menaçant de se porter aux derniers excès contre les citoyens qu'il suspectait. La municipalité se rendit au lieu du rassemblement et parvint à le dissiper, mais à peine était-elle retirée que l'attroupement recommença et presque aussitôt 2 citoyens, dont l'un avait été arraché de sa maison et l'autre arrêté sur la place, furent assommés et criblés de coups de fusil.
« Dès que la municipalité fut instruite de cet événement elle fit publier la loi maïtiale et dépêcha un exprès au directoire du département pour l'en instruire. Deux commissaires du directoire se transportèrent le lendemain au Beausset avec un détachement de la garde nationale de Toulon et leur présence y rétablit l'ordre.
« Le directoire du département dénonça à l'accusateur public les auteurs du meurtre de 2 citoyens, et comme rien n'annonçait que la tran^ quillité dût encore être troublée dans ce lieu, le détachement de la garde nationale de Toulon en fut retiré. Mais le 19 mai les habitants du Beausset se mirent de nouveau en mouvement pour célébrer, disaient-ils, le retour de la paix dans leur bourg et, à la suite d'une fête qui dura jusr qu'au 21, une troûpe de gens armés pilla et démolit en parties maisons ae citoyens qui s'étaient retirés à Toulon et à la Cadière pour échapper aux menaces qui leur avaient été faites.
« Le directoire du département ayant été informé de ces nouveaux désordres, envoya sur-le-champ au Beausset un détachement de 500 hommes de troupes de ligne et un pareil nombre de gardes nationales de Toulon, tant pour contenir les séditieux que poûr protéger les opérations du directeur du juré qui devait s'y rendre afin d'informer contre les auteurs des délits commis le 13 et de ceux du 14 qui venaient d'être également dénoncés. Mais ces précautions n'ont pu rassurer ni les témoins qui auraient pu déposer, ni même le directeur du juré contre les menaces qui leur étaient faites et les informations paraissaient avoir été prises avec tant de précipitation et de faiblesse qu'il n'en est résulté qu'une procédure incomplète qui ne donne aucune lumière sur les coupables.
Le directeur m'en ayant donné avis, j'ai aussitôt communiqué sa lettre au ministre de la justice en l'engageant à se faire rendre compte de cette procédure et à donner des ordres pour qu'elle fût reprise avec toute l'activité qu'exige la gravité des délits qui en sont' l'objet. J'ai en même temps chargé le directoirè du département de continuer les précautions qu'il a prises pour contenir les habitants du Beausset. Les 500 hommes de la garde nationale de Toulon en ont été retirés; il n'y reste plus queles 500 hommes de troupe de ligne, et d'après ce que le directoire m'a marqué, cette force sera suffisante pour prévenir de nouveaux désordres ainsi que pour assurer la poursuite des coupables aussitôt que la procédure aura été reprise.
« Je suis avec respect, Monsieur le Président, etc.
« Signé : ROLAND. »
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité des Douze.)
7° Lettre du sieur Maurecourt, capitaine d'artillerie, qui fait passer à l'Assemblée deux adresses, l'une des gardes nationales et troupes de ligne composant l'avant-garde de l'armée du Centre et l'autre des gardes nationales et troupes de ligne
de la garnison de Philippeville ; cette lettre est ainsi conçue (1) :
« Philippeville, le
« Monsieur le Président,
« Je m'empresse de remplir auprès de l'Assemblée nationale la commission infiniment flatteuse dont m'a honoré l'avant-garde de l'armée du Centre commandée par le général Gouvion, lorsqu'elle a reçu l'ordre de lever le camp de Jamaque, près de Philippeville. Elle a laissé dans cette ville le souvenir de sa gloire acquise lé 23 mai à la vue de ses remparts, et l'adresse que ces braves guerriers m'ont chargé d'envoyer à l'Assemblée nationale lui serait plutôt parvenue si la garnison de Philippeville, jalouse de se modeler sur ses frères d'armes dàus les combats, n'eût ambitionné de les imiter par avance dans l'expression de leur dévouement au maintien de la Constitution décrétée par l'Assemblée nationale constituante et acceptée par le roi.
« Vous trouverez, Monsieur, les deux adresses ci-jointes.
« J'ai l'honneur, etc.
« Signé : Maurecourt, capitaine commandant Vartillerie à Philippeville. »
« Au camp de Jamaque, près Philippeville, le
« A l'Assemblée nationale.
« Messieurs,
« L'avant-garde de l'armée du Centre a été vivement pénétrée des applaudissements dont vous avez tien voulu honorer la conduite qu'ell» a tenue, dans la journée du 23 du mois dernier; elle n'a fait en cela que son devoir, et vous assure que tout ce qu'il y a de mérite de plus à cette action est dû à la valeur et aux talenls militaires du général Gouvion.
« Maintenant, les plus malintentionnés même ne pourront donc plus douter du patriotisme de nos généraux ni du nôtre. Nos serments sont sacrés et inviolables. On peut compter sur notre zèle et sur celui de nos compagnons d'armes, des gardes nationales et troupes de ligne de tout l'Empire. La Constitution sera respectée, ou nous ne serons plus. Non seulement nous combattrons pour elle jusqu'au dernier soupir au dehors, mais nous la maintiendrons au dedans telle qu'elle a été déclarée par l'Assemblée nationale constituante et acceptée par le roi. (Applaudissements.)
« Nous sommes avec respect, Messieurs, vos très humbles et très obéissants serviteurs, les gardes nationales et troupês de ligne composant l'avant-garde de l'armée au Centre. »
« A Philippeville, le
« Messieurs,
« C'est après un combat glorieux qu'il est beau d'offrir aux représentants de la patrie la
preuve de son dévouement pour elle. Tel est l'avantage que nous envions à nos heureux frères d armes de l'avant-garde commandée par le général Gouvion; mais quoique nous n'ayons pas partagé leurs périls et leur gloire, au désir brûlant que nous en avions tous, nous nous sentons dignes, Messieurs, de nous associer à eux pour vous assurer que nous remplirons nos serments de défendre jusqu'à la mort, au dehors et dans l'intérieur, la Constitution décrétée par l'Assemblée nationale et acceptée par le roi. Tel est l'esprit de l'armée entière aux ordres du brave et vertueux Lafayette. (Applaudissements.)
« Nous sommes avec respect, Messieurs, vos très humbles et très obéissants serviteurs, les gardes nationales et troupes de ligne composant la garnison de Philippeville. »
(L'assemblée décrète la mention honorable et l'insertion au procès-verbal des deux adresses.)
8° Lettre des administrateurs du département de la Seine-Inférieure, qui se plaignent ae ce que, malgré les instances qu'ils ont faites près des ministres, ils n'ont pu obtenir, pour leur département, l'instrument nécessaire à l'exécution des jugements portant peine de mort.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au pouvoir exécutif.)
9° Pétition des députés de VIle-de-France, près VAssemblée nationale, qui réclament un décret par lequel le ministre de la marine soit autorisé à pourvoir à l'entretien d'un consul en Chine, ainsi qu'aux frais qu'entraîne la possession du Hang ou vaste maison dans laquelle logent les négociants français qui abordent à Canton, et sans la possession duquel le consul ne pourrait arborer à son hôtel le pavillon national.
(L'Assemblée renvoie cette pétition aux comités de commerce et de l'extraordinaire des finances réunis.)
10° Lettre des maire, officiers municipaux et autres habitants de Chefboutonne, district de Melle, département des Deux-Sèvres, demandent que le sieur Saint-Vincent, lieutenant de gendarmerie, commandant la brigade, soit maintenu dans leur bourg, où la troupe qu'il commande est nécessaire, et qu'il soit autorisé à ne pas se rendre à Melle, où l'appellent les ordres du commandant en chef.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au pouvoir exécutif.)
11° Lettre et mémoire du sieur Dagueau de Ri-checourt qui, ayant été forcé d'accompagner son épouse aux eaux de Spa et d'Aix-la-Chapelle, demande que son nom soit rayé de la liste des émigrés, et qu'on lui donne mainlevée des scellés apposés sur sa maison et du séquestre mis sur ses biens.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
12° Adresse des citoyens de la ville de Nantes, qui observent que la permanence des séances de l'Assemblée nationale fait croire que la patrie est en danger et qui annoncent que les Amis de la Constitution sont prêts à voler au secours de leurs frères de Paris et à défendre contre toute atteinte les représentants de la nation ; cette adresse est ainsi conçue (1) :
« Nantes, le
« Législateurs,
* On trame un grand complot, on vous en offre la preuve et plusieurs membres de votre Assemblée promettent de vous le démontrer jusqu'à l'évidence ; vous êtes les dépositaires du feu sacré de la liberté, il ne s'éteindra jamais, votre patriotisme nous est un sûr garant et le décret qui déclare les séances de votre Assemblée permanente nous assure une surveillance infatigable.
« En déclarant vos séances permanentes vous avez déclaré la patrie en danger. En fallait-il davantage pour électriser les Nantais ? La liberté qu'ils idolâtrent leur a rendu toute cette énergie qu'ils déployèrent si avantageusement en 1789 ; jamais séance des Amis de la Constitution ne fût plus imposante que celle où votre décret nous est parvenu. On y propose de suite de voler au secours de nos frères de Paris pour verser jusqu'à la dernière goutte de notre sang, pour la défense de nos représentants. Notre éloignement ne fait qu'ajouter à l'impatience du départ, le patriotisme ne sut jamais calculer les distances; on propose une souscription pour les frais du voyage et, au lieu de faire inscrire, les citoyens membres de notre assemblée, ceux des tribunes des hommes, celles des femmes, tout le monde se dispute l'honneur de déposer des premiers sur l'autel de la patrie l'offrande de son patriotisme,
« Un jeune nomme, saisi d'un saint enthousiasme, s'empare de. la tribune.
« J'étais à Paris, s'écrie-t-il, lçrsque je vis pleuvoir sur l'autel de la patrie les dons patriotiques pour la guerre; je n'avais jamais désiré les richesses mais je gémis alors de mon peu de fortune : un père que je chérissais autant pour son civisme que pour ses bontés paternelles m'avait fait présent d'une montre; j ai balancé à me défaire d'un don qui m'était si précieux et les sentiments de tendresse que la mort de mon père m'avait rendu des plus vifs, l'ont emporté sur mon civisme; mais cette piété filiale, en lutte avec l'amour de la patrie n'est pas de force à soutenir deux épreuves. Cette montre, je la dépose dans le temple de la liberté, j'en garderai le cordon pour me rappeler le meilleur des pères.
« Tant de vertus civiques n'ont point étonné les Amis de la Constitution. Depuis 3 ans, ils sont accoutumés aux prodiges que fait enfanter la divinité qui les enflamme.
« Législateurs, parcourez sans crainte votre noble carrière, il est temps enfin de frapper les grands coups. Malheur aux traîtres! Les Français du 14 juillet sont encore là, leur respect pour les lois leur fait depuis longtemps garder un silence qui a fait croire à leurs ennemis qu'ils donnaient dans une fatale sécurité ; mais nous le répétons, ils sont encore là, législateurs, parlez et vous verrez bientôt auprès de vous des légions d'hommes libres, tous prêts à écraser ces insectes rampants qui, depuis trop longtemps, nous importunent. Lâ liberté ou la mort, c'est toujours la devise gravée dans nos cœurs en caractères ineffaçables. » {Applaudissements. )
(Suivent les signatures.)
Plusieurs membres : Mention honorable 1
(L'Assembléé décrète qu'il sera fait mention honorable de cette adresse au procès-verbal.)
M. sérard, curé, et deux autres députés extraordinaires de la paroisse de Champdeuil, du district de Melun. sont admis à la barre. Ils réclament contre la suppression de leur paroisse, prononcée par un décret du 8 juillet 1791, et sollicitent son rétablissement, oU du moins que leur église soit érigée en succursale.
accorde aux pétitionnaires les honneurs de la séance.
(L'Assemblée renvoie la pétition au comité de division.)
donne lecture d'un extrait du procès-verbal du comité de la section du Faubourg-Montmartre, en date du 9 juin 1792. Cette section félicite l'Assemblée ae l'heureux moyen d'une fédération civique, employé pour parvenir àla prompte levée d'une armée de 20,000 hommes de gardes nationales. Elle la remercie du décret par lequel elle vient de requérir cette réunion des gardes nationales de toutes les parties de l'Empire. — Enfin elle lui dénonce les manœuvres employées par l'état-major général de la garde de Paris, pour indisposer cette garde contre ses frères des autres départements, appelés à former un corps de réserve entre Paris et la frontière du Nord, où le théâtre de la guerre n'est éloigné que de 40 liéues de la capitale. — Le procès-verbal du comité de cette section contient la preuve de ces intrigues. Un grand nombre de citoyens ont déposé que les signatures de leurs femmes, de leurs enfants, ont été surprises par ces malveillants, qui se promènent de porte en porte pour arracher des suffrages à la crédulité. MM. Camus, Neveu et Colet, de cette section, rétractent la signature qu'ils Ont apposée au bas de la pétition tendant à solliciter du Corps législatif le rapport du décret qui ordonne la levée des 20,000 gardes nationaux qui doivent se rendre à Paris. (Applaudissements.)
Voix diverses : L'ordre du jour ! Le renvoi aux comités !
? (L'Assemblée renvoie cette pièce aux comités de législation et de surveillance réunis.)
M. Blondeau, commerçant à Issoudun, est admis à la barre.
Il exposé qu'il lui est dû une indemnité pour la non-exécution du traité qu'il a passé avec le sieur Deschamps, directeur des domaines à Bourges, pour la fourniture des formules en parchemin dans les ci-devant généralités de Bourges, Moulins, Bretagne et Tours, d'autant que ses magasins étaient remplis de ces parchemins lors de la cessation de ces fournitures-
accorde à M. Blondeau les honneurs de la séance.
(L'Assemblée renvoie cette demande et les pièces à l'appui au comité de liquidation.)
M. Jean-Christophe Sirot, mécanicien à Toulon, est admis à la barre. 11 expose qu'il a longtemps exercé ses talents à l'avantage de la marine française, et qu'il s'est particulièrement rendu utile par le moyen qu'il a imaginé de tirer de la mer deux vaisseaux de ligne. Il offre de présenter des plans relatifs à la construction d'un nouveau bassin dans le port de Toulon.
accorde à M. Sirot les honneurs de la séance.
(L'Assemblée renvoie la pétition de M. Sirot au comité de marine.)
Un de MM. les secrétaires annonce que le sieur Pliet adresse à l'Assemblée un projet sur la propagation du chameau dans les îles d'Amérique.
(L'Assemblée renvoie l'examen de ce projet aux comités colonial, d'agriculture et de commerce réunis.)
, au nom du comité d'instruction publique et de l'ordinaire des finances réunis, présente un projet de décret tendant à rapporter le décret rendu le 2 de ce mois, sur la pétition du sieur Rossel, au sujet des tableaux par lui-faits pour le compte du gouvernement; ce projet de décret est ainsi conçu :
Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, ayant entendu la lecture d'une lettre de l'agent du Trésor public, par laquelle il instruit l'Assemblée que le décret qu'elle a rendu, le 2 de ce mois, sur la pétition du sieur Rossel, au sujet du prix des tableaux par lui faits pour le compte du gouvernement, arrête absolument la marche et l'action du pouvoir judiciaire, qui est saisi d'une contestation relative au même objet indécis entre le sieur Rossel et l'agent du Trésor public, après s'être fait représenter les pièces de cette contestation ; considérant que rien n'est plus instant que d'assurer à toutes les autorités constituées l'exercice du pouvoir qui leur est délégué par la Constitution, décrète qu'il y a urgence.
Décret définitif,
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, déclare rapporter le décret qu'elle a rendu le 2 de ce mois, en suite de la pétition d'Auguste-Louis de Rossel, ancien capitaine de vaisseaux du roi, et le renvoie à suivre par-devant les tribunaux la contestation qui y est indécise, entre lui et l'agent du Trésor public, au sujet des tableaux qu'il a peints pour le compte du gouvernement. »
, sans vouloir combattre le projet de décret, cherche à intéresser la j ustice de l'Assemblée en faveur de M. de Rossel. „
, en observant que le recours à la justice est ouvert à tout le monde, propose de passer à l'ordre du jour sur le projet du comité.
(L'Assemblée adopte le projet de décret du comité.)
Une députation des citoyens du faubourg Saint-Antoine est admise à la barre.
M. Santerre, orateur de la députation, s'exprime ainsi :
Législateurs, pour un peuple qui veut être heureux, la liberté est le premier des biens ; tout ce qui peut en réchauffer le germe, doit être saisi par le législateur. Ce n'est pas tout d'avoir une Constitution fondée sur l'égalité, il faut encore, et surtout au moment où l'orgueil, l'intérêt et l'intrigue se pressent autour ae son berceau pour l'étouffer à leur aise.'; il faut, dis-je, entretenir dans tous les cœurs ce feu sacré, ce feu divin du patriotisme. Les esclaves ne s'assemblent jamais que pour rendre de honteux hommages à des assassins couronnés, pour satisfaire leur caprice ou leur ambition,'et pour aller désolerla terre de leurs voisins. Les hommes libres se réunissent pour resserrer les doux liens
de la fraternité sociale. Législateurs, vous saisirez toujours avec empressement tout ce qui pourra contribuer à consolider cette harmonie, cette fraternité, cette union de laquelle dépend notre bonheur ; vous venez de le prouver, en adoptant le projet qui vous a été proposé par un ministre patriote. Nous avons vu pâlir les ennemis de l'égalité ; mais, malgré leurs efforts réunis, les Parisiens, les hommes du 14 juillet auront donc encore le plaisir de serrer dans leurs bras leurs frères des départements ; c'est avec eux, au milieu d'eux, dans leur camp même; que nous voulons planter l'arbre de la liberté : sous ses rameaux des millions de défenseurs naîtront. (Applaudissements à gauche et dans les tribunes.)
"En applaudissant à votre décret, permettez-nous, législateurs, de vous proposer une addition que nous suggèrent en ce moment notre affiliation et notre amour pour nos camarades des troupes de ligne. Nous vous prions, pour resserrer les nœùds qui nous ont unis lors de la fédération générale avec les divers détachements des troupes de ligne, de permettre et d'autoriser chaque régiment à fournir 2 soldats choisis et nommés par leurs camarades, non pour le camp, mais pour venir, au nom d'eux, resserrer les liens qui nous unissent. Décrétez aussi que, dans chaque département, les> citoyens s'assembleront le plus tôt possible pour nommer 83 citoyens choisis indistinctement parmi les citoyens actifs et non actifs. Ces 83 députés nommes tireront au sort pour savoir dans quel département chacun d'eux devra aller. Alors le 14 juillet, il y aura dans chaque département 83 députés pour ranimer cette ardeur, cet amour de la liberté qu'ils ont juré de maintenir.
Législateurs,"nous l'espérons, vous nous accorderez notre demande. Par votre décret qui adopte le projet du ministre de la guerre, vous voulez jouir des vertus d'un peuple libre, vous voulez partager ses plaisirs et son bonheur; eh bien, vous viendrez, non pas par une députation, vous viendrez tous, oui tous, au Champ-de-Mars, Vous viendrez recevoir le serment d'union de tous les enfants de la patrie, vous y viendrez recevoir les témoignages de reconnaissance et de patriotisme, et votre présence dissipera les nuages dont l'intrigue a couvert le champ de la liberté. [{Applaudissements. )
Qu'il sera beau ce jour où toute la France rassemblée, pour ainsi dire, autour de ses représentants, ; prêtera le serment d'union, et l'entendra répéter dans tout le royaume dans des fédérations partielles !
Que les intrigants, les conspirateurs, voient alors nos larmes de joie, nos embrassements... qu'ils expirent de rage, de désespoir... jamais le peuple n'aura exercé de vengeance plus digne de son caractère. (Applaudissements.)
répond aux pétitionnaires et leur accorde les honneurs de la séance.
Plusieurs membres : L'ordre du jour!
D'autres membres : La mention honorable'!
D'autres membres : La question préalable sur la mention honorable !
Dans le moment de crise où nous sommes, on ne peut refuser la mention honorable d'une adresse où respirent les sentiments du plus pur patriotisme et l'adhésion la plus entière a nos décrets.
(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable au procès-verbal de l'adresse des citoyens du faubourg Saint-Antoine.)
Une'députation de citoyens et de citoyennes de la section de Bonne-Nouvelle est admise à la barre.
M. charron, officier municipal, orateur de la députation,s'exprime ainsi (1) :
Les citoyens de la section de Bonne-Nouvelle, ceux dans le sein desquels se conçut, se proposa la fédération générale des Français, ceux qui vinrent, plusieurs fois, vous offrir leurs bras et leur courage pour vous défendre contre les ennemis de la patrie, ceux qui appelèrent tant de fois votre sollicitude sur le jeu, ce terrible fléau qui ravage avec Une impunité révoltante les mœurs, dont la régénération est aussi nécessaire que l'était la régénération des lois, les citoyens et leurs épouses reviennent dans ce sanctuaire auguste donner une nouvelle preuve de leur amour pour la liberté et pour la Constitution.
Nous déposons sur l'autel de la patrie notre offrande pour la guerre. Comme nos moyens cette offrande est peu considérable, mais elle ne doit pas en être moins méritoire à vos yeux puisqu'elle est l'honorable prix de nos veilles et de nos travaux.
S'il était proportionné à notre courage, à notre haine de tous les despotismes, à notre vénération pour vous, à notre entière obéissance à la loi, ce tribut suffirait pour fournir des armes à tous les peuples de la terre.
Qu'ils tremblent, les, ennemis qui comptent sur notre défaite, qu'ils tremblent si, restant unis, si méprisant toutes les intrigues, toutes les factions, nous marchons constamment à la liberté, par les sentiers que les lois émanées d'elle ont tracés devant nous. Ils ne savent donc pas que le serment de vivre libre ou de mourir est profondément senti par chacun des vrais citoyens français ; ils ne savent donc pas que, nouveaux enfants de la terre, nous renaîtrons partout où sera le danger et le besoin de conserver nos lois; ils ne savent donc pas que nos veilles, nos bras, nos fortunes, notre vie tout entière sont consacrés chaque jour au maintien de la liberté et que c'est en vain qu'ils fomentent les troubles dans l'intérieur, qu'ils éveillent toutes les passions, toutes les haines, toutes les défiances, qu'ils agitent nos phalanges guerrières, et voudraient souffler au milieu d'elles la désobéissance et l'insubordination ! Fermes et debout contre les orages si nous ne pouvons les conjurer, du moins nous n'y succomberons jamais.
M. Charron dépose sur le bureau 166 livres 12 sols en billets de confiance, 4,070 livres en assignats, 617 livres 18 sols en espèces, un crochet d'or, une petite croix d'or et débris de chaîne d'or pesant ensemble 4 gros 18 grains, une petite croix d'argent pesant trois quarts de gros.
répond aux pétitionnaires et leur accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée décrète la mention honorable de l'adresse des citoyens de Bonne-Nouvelle et son insertion au procès-verbal.)
. Une députation des citoyens de la section du Louvre est admise à la barre.
Ils demandent la permanence des sections, la réintégration des ci-devant gardes-françaises
dans la garde nationale et ils déposent sur l'au-
répond à la députation et lui accorde les honneurs de la séance. • (L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable de l'offrande au procès-verbal et renvoie au comité militaire la demande relative aux ci-devant gardes-françaises, pour lui faire son rapport demain.)
observe que, dans la rédaction du décret du 1èr juin 1792, relatif à la gratification de 600 livres accordée à la dame Martin, épouse du sieur Lavarenne (1), il est dit que cette somme sera payée par la caisse de l'extraordinaire, tandis qu'elle doit l'être par la trésorerie nationale.
(Sur cette observation, l'Assemblée considérant qu'il y a erreur dans la rédaction dudit décret, décrète que ces mots trésorerie nationale seront substitués à ceux de caisse dë l'extraordinaire, ainsi que ceux 23 août 1790 à ceux : 17 février 1791.)
Suit le texte définitif de ce décret :
« L'Assemblée nationale, voulant récompenser les services rendus à la patrie, tant par le sieur Lavarenne, que par la dame Martin, son épouse, qui, dans la journée du 5 octobre 1789, fut dangereusement blessée en sauvant la vie à un suisse et à un des gardes du roi, et vu leur état de détresse actuel, décrète qu'il y a urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des secours publics, et décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« Il sera payé à la dame Martin, épouse du sieur Lavarenne, par la caisse de l'extraordinaire, la somme de 600 livres à prendre sur les fonds de 2,000,000 accordés par le décret du 17 février 1791, pour secours et gratifications.
Art. 2.
« L'Assemblée nationale renvoie le sieur-La-varenne, pour les services énoncés rendus à la patrie, devant le ministre de l'intérieur, pour d'après la vérification faite de 15 campagnes sous Louis XV, et des blessures qu'il a reçues, lui être accordé une place à l'Hôtel des Invalides. »
, au nom du comité militaire, fait un rapport et présente un projet de décret relatif à la réclamation faite par les ouvriers de la manufacture d'armes de Maubeuge; il s'exprime ainsi :
Messieurs, vous avez chargé votre comité de revoir les différentes ordonnancés existantes
pour la fabrication des armes, et les pétitions qui vous ont été adressées par les ouvriers
des manufactures de Tulle et de Maubeuge. Le premier objet sera traité dans un rapport
général que nous vous ferons incessamment; nous ne vous présenterons aujourd'hui que les
moyens provisoires de rendre justice aux pétitionnaires. Ces ouvriers se plaignent de ce que
38,600 li-
Décret d'urgence.
* L'Assemblée nationale, prenant en considération les réclamations des ouvriers de la manufacture d'armes de Maubeuge, et la nécessité de ranimer, sans délai, l'activité du travail dans ces importants ateliers, après avoir entendu son comité militaire, décrète qu'il y a urgence.
Décret définitif.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
« Art. 1er. L'entrepreneur de la manufacture d'armes de
Maubeuge, dans le délai de 15 jours, après la publication du présent décret, justifiera en
présence de la municipalité de ladite ville, à quel titre il a reçu, dans le courant de
l'année dernière, la somme de 38,600 1. 16 s. 11 d. du ministre de la guerre, et de l'emploi
qu'il a fait de ladite somme.
« Art. 2. Jusqu'au moment où l'Assemblée nationale aura rendu un décret général sur les manufactures d'armes de l'Empire, les ouvriers delà manufacture d'armes de Maubeuge recevront généralement, pour les ouvrages de la même espèce et de la même nature, les mêmes prix que ceux qui sont alloués aux ouvriers de la manufacture d'armes de Gharleville.
« Art. 3. Les gratifications et pensions accordées par le règlement de 1777, et antérieures aux différentes classes des ouvriers des manufactures de l'Empire, ainsi que les prix destinés à exciter le zèle des maîtres et le succès des élèves, seront distribués.
« Art. 4. Le ministre de la guerre indiquera à l'Assemblée, sous huitaine, la somme nécessaire pour entretenir les moyens d'émulation et d'encouragement parmi les ouvriers de ladite manufacture.
« Art. 5. Le ministre de la guerre rendra compte à l'Assemblée nationale, dans le délai de 15 jours, de l'état des pensions et secours accordés ou à accorder aux ouvriers infirmes ou hors d'état de continuer leurs utiles travaux dans la manufacture d'armes de Maubeuge, ainsi
que de l'état actuel d'approvisionnement en matières premières dans toutes les manufactures d'armes du royaume. »
Un membre propose un autre projet de décret sur le même objet.
Plusieurs membres observent que les nouvelles idées que renferme ce dernier projet de décret doivent être renvoyées au règlement général que le comité militaire doit présenter sur la fourniture et la fabrication des armes.
(L'Assemblée accorde la priorité au projet de décret du comité et décrète l'urgence.)
, rapporteur, donne lecture des articles l et 2 qui sont adoptés sans discussion, puis de l'article 3 qui est ainsi conçu :
« Les gratifications et pensions accordées par le règlement de 1777 et antérieures aux différentes classes des ouvriers des manufactures de l'empire, ainsi que les prix destinés à exciter le zèle des maîtres et le succès des élèves, seront distribués. »
Un membre propose de substituer aux mots « seront distribués », ceux-ci : « seront provisoirement distribués. »
(L'Assemblée adopte l'article 3 avec l'amendement.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 4 ainsi- conçu :
« Le, ministre de la guerre indiquera à l'Assemblée, sous huitaine, la somme nécessaire pour entretenir les moyens d'émulation et d'encouragement parmi les ouvriers de ladite manufacture. »
Plusieurs membres demandent l'ajournement de cet article jusqu'au règlement général que le comité doit présenter.
(L'Assemblée ajourne l'article 4.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 5, qui devient article 4, et qui est adopté sans discussion.
Suit le texte définitif dn décret rendu :
« L'Assemblée nationale, prenant en considération les réclamations des ouvriers de la manufacture d'armes de Maubeuge, et la nécessité de ranimer sans délai l'activité du travail dans ces importants ateliers, après avoir entendu son comité militaire, décrète qu'il y a urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
Article premier.
«L'entrepreneur de la manufacture d'armes de Maubeuge, dans le délai de quinze jours, après la publication du présent décret, justifiera, en présence de la municipalité de ladite ville, à quel titre il a reçu, dans le courant de l'année dernière, la somme de 38,600 1. 16 s. 11 d., du ministre de la guerre, et de l'emploi qu'il a fait de ladite somme.
Art. 2.
« Jusqu'au moment ou l'Assemblée nationale aura rendu un décret général sur les manufactures d'armes de l'Empire, les ouvriers de la manufacture d'armes de Maubeuge recevront généralement pour les ouvrages de la même espèce et de la même nature, lés mêmes prix que ceux qui sont alloués aux ouvriers de la manufacture d'armes de Gharleville.
Art. 3.
« Les gratifications et pensions accordées par le règlement de 1777, et antérieures aux différentes classes des ouvriers des manufactures de l'Empire, ainsi que les prix destinés à exciter le zèle des maîtres et les succès des élèves, seront provisoirement distribués.
Art., 4
« Le ministre de la guerre rendra compte à l'Assemblée nationale, dans le délai de 15 jours, de l'état des pensions et secours accordés ou à accorder aux ouvriers infirmes et hors d'état de continuer leurs utiles travaux dans la manufacture d'armes de Maubeuge, ainsi que de l'état actuel d'approvisionnement en matières premières dans toutes les manufactures d'armes du royaume. »
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre du sieur Guichard, grenadier volontaire du bataillon de Saint-Honoré, qui déclare que lui et M. Boulanger ont dicté à M. Merlin et ont signé la dénonciation qu'il a lue à la tribune (1), contre M. Duport, ex-ministre de la justice ; cette lettre est ainsi conçue : (2)
« Paris, le
« Monsieur le Président,
« Si M. Français, qui présidait l'Assemblée nationale à la séance au soir qui suivit celle où M. Merlin lut à la tribune la déclaration que M. Boulanger et moi lui avions faite contre le sieur Duport, il aurait épargné à M. Guichard Nazareth qui n'est pas moi, de désavouer un fait qu'on ne lui imputait pas. C'est M. Boulanger et moi qui avons signé la déclaration lue par M. Merlin, nous l'avons répétée au département de Paris, nous la confirmions à l'Assemblée nationale dans la lettre qu'on ne lui a pas lue. Nous demandions à être entendus à la barre pour la répéter encore, et nous la répétons et nous l'affirmerons sincèrement jusqu'à la mort, nous vous prions en faveur de la patrie qui a besoin que les vrais patriotes ne soient pas même compromis. Je vous prie de même de croire à la vérité de cette déclaration et à la fraternité respectueuse avec laquelle je suis
« Votre concitoyen.
« Signé : guichard,
« Grenadier du bataillon-Saint-Honoré, rue de Grenelle, n° 42. »
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
(Aisne) demande le renvoi de cette lettre au comité de surveillance afin de faire prononcer contre M. Duport, relativement à cette dénonciation.
Un grand nombre de membres : L'ordre du jour!
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
Un de MM. les secrétaires annonce les dons patriotiques suivants :
2° Les administrateurs du directoire du district de Charleville envoient un extrait d'une délibération qu'ils ont prise pour se soumettre à payer 4 0/0 par an, ou 1 0/0 par trimestre, sur leur traitement, pendant la durée de la guerre.
3° Un Français résidant à Bruxelles envoie 38 livres en or.
Une jeune citoyenne, admise à la barre, donne lecture d'une adresse qui est vivement applaudie et offre au nom de son frère 2 1. 5 s. en espèces.
accorde à cette jeune' fille les honneurs de la séance.
(L'Assemblée accepte toutes ces offrandes avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal dont un extrait sera remis aux donateurs qui se sont( fait connaître.)
, au nom du comité militaire, fait un rapport (1) et présente un projet de décret (1) concernant le sixième régiment de dragons prévenu d'avoir abandonné son poste de bataille à l'affaire de Mons (2); il s'exprime ainsi :
Messieurs,
Vous avez témoigné un juste empressement de rendre au sixième régiment de dragons la même justice qu'au cinquième parce qu'il a, comme lui, satisfait à la loi en dénonçant 15 officiers, sous-officiers, dragons, comme prévenus d'avoir les premiers abandonné le poste de bataille à l'affaire de Mons. Vous avez renvoyé à votre comité militaire le compte que le roi vous a fait rendre, par le ministre de la guerre, de l'état actuel de cette affaire; il en résulte que 11 des prévenus ont été arrêtés et conduits dans les prisons militaires de Douai, par le régiment; c'est après avoir séparé d'eux et mis sous le glaive de la loi les membres de ce corps dont la perfidie a indignement compromis sa réputation, qu'il sollicite avec ardeur les occasions, non pas d'effacer le souvenir de ce crime, qui n'est pa& celui du régiment, mais de montrer à l'armée et aux ennemis qu'on ne peut deux fois abuser la valeur et détourner ses coups (Applaudissements.); que la vigilance des soldats français ne peut tomber deux fois dans le piège grossier des cris de trahison et qu'ils seront préservés à l'avenir par la plus exacte discipline. (Applaudissements.)
Il appartient sans doute au colonel Duval d'être l'interprète de ces sentiments, lui qui,
arrivant à peine à la tête de ce corps, après avoir quitté le grade de maréchal de camp pour
avoir 1 honneur de le commander, a été chargé, avant de le connaître et d'en être connu, de
le mener à l'ennemi. Le colonel Duval donna, dans la malheureuse journée de Mons, un de ces
exemples de fermeté qui sont le véritable appui de la discipline militaire et produisent
toujours de grands effets à la guerre, sinon dans le moment même de l'action, au moins par le
souvenir qui en demeure et la juste confiance qu'ils portent vers
Vous jugerez, Messieurs, si cet officier mérite l'honorable mention qu'en fait ici votre comité militaire par la lettre ci-après, qui lui a été adressée par le lieutenant général Biron :
« Je satisfais avec empressement, Monsieur, au devoir d'attester que, dans la malheureuse démarche faite par une partie des cinquième et sixième régiments de dragons, pendant la nuit du 29 au 30 avril, vous avez employé tous vos efforts pour arrêter les dragons du sixième régiment; que vous avez tenu les propos les plus dignes d'un officier distingué èt que vous m'avez dit nommément : mon général, je ne vous abandonnerai jamais, et je me ferai tuer à côté de vous si je ne puis ramener mon régiment. (.Applaudissementst.)
« Je vous rends cette justice avec plaisir, Monsieur, etc.
« Signé : le lieutenant général blron. »
Votre comité militaire vous propose dans les mêmes termes que ceux que vous avez employés pour le cinquième régiment de dragons, le projet de décret suivant :
Projet de décret.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité militaire ^considérant que le décret du U mai a prévu le cas où se trouve le sixième régiment de dragons, que le général de l'armée du Nord n'a qu'à appliquer les dispositions de la loi pour rendre la plus éclatante justice au zèle de ceux qui s'y sont conformés ; que le sixième régiment de dragons, ayant dénoncé les coupables, est, par la loi même, honorablement acquitté ; renvoie au pouvoir exécutif, et passe à l'ordre du jour ainsi motivé. »
(L'Assemblée adopte le projet de décret.)
, le jeune. Je renouvelle la mention que j'ai faite il y a quelques jours d'ordonner qu'il sera fait mention honorable au procès-verbal de la conduite du colonel Duval et l'envoi d'un extrait à cet officier patriote.
Plusieurs membres demandent, en outre, l'insertion de la lettre du général Biron au procès^-verbal.
(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable au procès-verbal de la conduite tenue par M. Duval à l'affaire de Mons, que la lettre du général Biron à M. Duval y sera insérée et qu'envoi sera fait à ce dernier de l'extrait du procès-verbal.)
Plusieurs membres demandent l'impression du rapport de M. Mathieu Dumas.
(L'Assemblée ordonne l'impression du rapport de M. Mathieu Dumas.)
Le général Witinkhof, commandant les troupes de ligne de la vingt-deuxième division* accompagné de son état-major, est admis à la barre.
Je demande à l'Assemblée, au nom des détachements des régiments de ligne, que je commande à Paris, la permission qu'ils sollicitent de défiler devant elle»
Un grand nombre de membres : Oui! oui!
(L'Assemblée accorde l'autorisation demandée.)
(Alors une musique guerrière seffait entendre; les détachements traversent la salle, précédés de leurs tambours, au milieu des applaudissements de l'Assemblée et des spectateurs. Lors-
qu'ils se trouvent occuper toute la longueur de Tarène, ils s'arrêtent, font face au président, et s'ouvrent par leur centre.),Le général Witinkhof s'exprime ainsi : ' Messieurs, la troupe d,e ligne de Paris, que j'ai l'honneur de commander, vient offrir à l'Assemblée nationale un jour de sa paye en argent, pouf contribuer aux frais de la guerre. (Applaudissements réitérés.) Elle attend l'instant où, portée, comme le reste de l'armée, au pied de guerre, elle pourra vouer ses bras à la défense delà patrie. En attendant ce moment, qui fait l'objet de ses vœux, elle jure de vivre libre ou mourir, elle jure de marcher sur les traces de ses frères d'armes, de la garde nationale parisienne (Applaudissements réitérés.) en se vouant tout entière au maintien de l'ordre et de la Constitution, et d'être fidèles à la nation, à la loi et au roi. (Applaudissements.)
(Il dépose sur le bureau 5,277 1. 18 s. en espèces.)
L'Assemblée nationale applaudit à votre civisme, elle compte sur votre courage, accepte votre offrande et vous accorde les honneurs ae la séance. (Applaudissements.)
Je demande l'insertion du discours du général au procès-verbal avec mention honorable.
(L'Assemblée décrète la mention honorable et l'insertion! au procès-verbal du discours du général Witinkhof.)
Un soldat'du 102e régiment sort des rangs, entre à la barre, obtient la parole, et donne lecture tie l'adresse suivante :
« Messieurs, c'est dans le sein de l'Assemblée nationale que les soldats du 102e régiment viennent déposer leurs craintes : c'est dans son sein paternel qu'ils viennent faire l'aveu sincère des sentiments qui les animent. Des scélérats, soudoyés sans doute par la turbulente et odieuse aristocratie, calomnient nos plus pures intentions. Ils nous insultent, nous menacent même, sur le vain prétexte, disent-ils, que nous portons la livrée du ci-devant comte d'Artois, comme si cette marqué extérieure était celle de nos sentiments. Ils font plus encore. Ils répandent dans tout Paris la fausse alarme que nous sommes prêts à arborer la cocarde blanche, ce signe Odieux de contre-révolution que désavouent et-qu'ont én horreur tous les soldats en général... » Plusieurs membres ::.M®h! non! On ne le croit pas.
L'orateur de là députation continuant sa lecture :
« Notre plus faible objection pour en prouver la fausseté, c'est la publicité qu'ils donnent à ces calomnies atroces, car, si telles étaient nos intentions, que de mesures ces traîtres ne prendraient-ils pas pour les cacher! Ces mêmes sujets de tristesse doivent servir à nous consoler, car il n'est pas de citoyen qui soit à l'abri des tràits empoisonnés de leur malignité ; (Applaudissements.) il n'en est point qui ne se fasse une gloire d'être insulté par eux. (Applaudissements.) Quel est donc Je but qu'ils se proposent, en distillant sur nous le poison de la calomnie? Quelles sont leurs intentions? C'est dé semer la zizanie, de faire naître cfes méfiances, d'armer les citoyens contre nous, afin de nous détruire, et d'avoir, par ce moyen, moins d'ennemis à Combattre. Plût à Dieu que, pour épargner le sang des citoyens, ils n'eussent, comme disait cet
empereur romain, qu'unè seule tête pour pouvoir la trancher d'un seul et même coup; (Ap-plaudisements.) mais n'importe le nombre, nous, combattrons jusqu'à la mort, et la justice de notre cause nous est un sûr garant du succès, persuadés, comme l'a dit un membre de cette auguste Assemblée, que les traîtres d'outre-Rhin disparaîtront à la vue des soldats de la liberté, comme les ombres dé la nuit disparaissent à l'aspect du soleil. Qu'ils apprennent que toutes leur machinations ne sauraient nous diviser, et que tous les bons citoyenssont pleinement convaincus que, sans l'union-et la fraternité, il n'est ni liberté ni Constitution (Brava! bravo! Applaudissements réitérés.), et que c'est de raccord et d'une confiance éclairée que naît la force et la victoire. -Qu'ils apprennent que nous ne sommes armés que par la loi, que pour la loi, et que nous mourrons plutôt que de permettre qu'on y porte atteinte. (Applaudissements.) Pères de la patrie, rendez-nous cette justice qu'on doit à la vérité et à l'innocence opprimée; nous paraissons devant vous sans crainte, parce que nous sommes sans remords. (Applaudissements réitérés.) D'ailleurs, nos sentiments vous sont connus, nous les renouvelons encore aujourd'hui ; nous voulons vivre libres ou mourir, nous protestons de notrê dévouement et de notre obéissance à la loi et à nos supérieurs, si toutefois ils nous commandent pour la loi, et en vertu de la loi (Applaudissements.) et si, par malheur, il se trouvait parmi eux des traîtres, nous ferions avec gloire le rôle de dénonciateurs; mais ils sont animés des mêmes sentiments que nous; ils veulent, comme nous, la Constitution, toute la Constitution, rien que la Constitution. (Applaudissements.) Législateurs, mettez-nous à l'épreuve et vous reconnaîtrez à notre dévouement les soutiens de la Constitution et les amis du peuple. (Applaudissements prolongés.)
, répondant à la députation. La calomnie ne peut atteindre des militaires français qui ont pour eux leur cœur,et leurs serments. (Applaudissements.)
Je demande l'insertion de ce discours au procès-verbal, l'impression et l'envoi à l'armée.
(L'Assemblée décrète que le discours des soldats du 102° régiment sera inséré au procès-verbal, imprimé et envoyé à l'armée.)
(Les détachements continuent alors à défiler dans le meilleur ordre. Le général Witinkhof et son état-major prennent place dans l'Assemblée.)
Voici le résultat du scrutin pour l'élection d'un Président. Sur 321 votants, M. Français (de Nantes) a obtenu 231 suffrages. En conséquence je le proclame Président et je l'invite à prendre place au fauteuil.
(de Nantes) prend place au fauteuil.
PRÉSIDENCE DE M. FRANÇAIS (DE NANTES).
M. Vasselin, en habit de garde national, est admis à la barre avec 5 autres citoyens; il s'exprime ainsi (1) :
Messieurs, vous avez décrété qu'il sera fait incessamment une levée de 20,000 hommes, pris,
par portion égale, dans tous les départements,
Nous ne venons pas vous demander le rapport de Ce décret; ce n'est plus vis-à-vis de vous qu'il faut en examiner les avantages et les inconvénients. (Murmures.) Mais nous pouvons, mais nous devons, car tout ce qui est utile à la patrie est un devoir pour les citoyens, vous dénoncer le ministre de la guerre... (Murmures dans les tribunes.)
Plusieurs membres : Silence !
M. Vasselin... et solliciter contre lui le décret d'accusation, pour avoir violé la Constitution, en vous proposant, il y a quelques jours, de former, au nordaelaoapitale,uncampde 20,000 hommes.
Nous sommes loin de demander qu'il soit condamné sans être entendu (Rires ironiques à gauche.), mais nous allons motiver, en peu de mots, notre dénonciation et nous croyons que, quelques moyens de défense qu'il puisse employer, par quelque raison qu'il essaie de justir fier sa proposition, soit qu'il ait voulu, comme il l'a dit lui-même, suppléer, ou du moins assister la garde nationale parisienne au poste de l'Assemblée nationale et du château des Tuileries, soit qu'il n'ait envisagé dans çe rassemblement qu'une augmentation de la force publique, nous croyons, disons-nous, que dans tous les cas, il lui sera impossible d'échapper à la responsabilité qui doit peser aussi fortement sur sa tête que sur celle de ses prédécesseurs.
Persistera-t-il à calomnier la garde nationale parisienne ?...(Murmures prolongés à gauche.)
Je demande qu'on respecte le droit de pétition. (Bruit.)
Nous devons entendre des pétitions, mais non des calomnies. Or, le prétendu pétitionnaire vient de se déclarer lui-même le plus insigne calomniateur. Je demande donc qu'il ne soit pas entendu. (Applaudissements à gauche et dans les tribunes.)
monte à la tribune et demande la parole. (Bruit.)
Plusieurs membres s'adressant à M. Vergniaud : Vous n'avez pas la parole !
D'autres membres : Monsieur le Président, consultez l'Assemblée pour savoir si Monsieur sera entendu.
Un pétitionnaire a ie droit de dire tout ce qu'il veut d'un ministre; c'est à nous à juger. (Murmures.)
On a demandé d'une part, que je retirasse la parole au pétitionnaire. (Oui ! oui !)
Plusieurs membres à droite : Non, cela ne se peut pas 1
... D'autre part que la parole lui fût maintenue ; je consulte l'Assemblée.
(L'Assemblée décide que la parole sera maintenue au pétitionnaire.)
, s'adressant à M. Vasselin. Monsieur, continuez.
M. Vasselin. Persistera-t-il à calomnier la garde nationale parisienne, c'est-à-dire la masse entière des citoyens de Paris, en parlant'de l'épuisement "de .ses forces et de la nécessité de seconder son zèle, par l'assistance de ses frères d'armes des autres départements? Mais qui donc lui a dit à ce ministre que la garde nationale parisienne a besoin de secours j?oyr remplir ses
devoirs et suffire au service de la capitale? En a-t-elle demandé pour renverser la Bastille.... (Applaudissements réitérés à droite.) et repousser les 30,000 hommes qui assiégeaient Paris au mois de juillet 1789? En a-t-elle demandé aux journées des 5 et 6 octobre de la même année, lorsqu'en retenant les vengeances populaires, elle a fait retomber sur nos ennemis les malheurs dont ils voulaient nous accabler? (Applaudissements à droite.) En a-t-elle demandé lorsqu'elle s'est disséminée dans tous les départements pour les préserver de la famine, pour assurer la libre circulation des subsistances, pour protéger les convois, pour faire la police dans les marchés, pour ramener l'abondance au sein de la capitale? (Applaudissements réitérés.) En a-t-elle demandé pour maintenir au sein des orages d'une grande révolution, au milieu d'une ville peuplée de 600,000 hommes, le respect dû aux personnes, aux propriétés, aux autorités constituées, à la loi? Dans ces derniers temps enfin, en a-t-elle demandé lorsqu'elle a purgé quelques départements des brigands qui les infestaient, et par son courage inflexible éteint les brandons de la guerre civile qui commençaient à s'allumer de toutes parts ? (Applaudissements à gauche.) Mais qu'est-ii besoin ae vous rappeler à vous, des services que le ministre de la guerre a pu seul oublier? Ce n'est pas seulement dans le cœur de tous les Français qu'il faut chercher la condamnation de ce ministre ; elle est écrite dans la Constitution. (Murmures à gauche.) Ce ne sont pas des troupes de ligne, ce sont des gardes nationales qu'il appelait autour de Paris ; or, il doit savoir que les gardes nationales ne forment ni un corps militaire, ni une institution dans l'Etat ; que ce sont les citoyens eux-mêmes appelés au service de la force publique, titre IV, article 3 delà Constitution....(Murmures à gauche.)
Monsieur le Président, envoyez Monsieur à l'école.
Plusieurs membres à droite : A l'ordre I
M. Vasselin. Qu'ainsi, le déplacement de la garde nationale, pour le service de la force publique, ne peut regarder que le ministre de 1 intérieur; qu'en conséquence, lui, ministre de la guerre, n a pas dû prendre l'initiative, sur un décret étranger à son département. (Murmures et rires ironiques à gauche.)
Monsieur le Président, lorsqu'on cite la Constitution, je vous prie de maintenir le silence. (Murmures.)
M. Vasselin. Car la Constitution, titre III, chapitre m, section 4, article 10, n'accorde l'initiative aux ministres que sur les objets relatifs à leur administration. (Murmures à gauche.)
On ne peut pas citer impunément la Constitution ici, c est étonnant.
Plusieurs membres : A l'ordre 1
M. Vasselin. Dira-t-il, en s'appuyant sur votre décret, qu'ici les citoyens armés des départements appelés sous les murs de Paris, ne doivent pas être considérés comme simples gardes nationales, mais comme troupes de ligne volontaires, qu'elles recevront une solde, et seront soumises à la discipline militaire? Mais alors, il faut qu'il dise le mot ; c'est un recrutement pour l'armée, c'est une augmentation de la force publique. (Rires ironiques à gauche.)
Comme vous avez adopté cette proposition par votre décret, nous n'observerons pas au ministre de la guerre que tout récemment le Corps légis-
latif avait, sur la proposition du roi, créé 28 nouveaux bataillons dé gardes nationales, et qu'il paraissait naturel de compléter ces 28 bataillons, avant de former une nouvelle armée. (Murmures à gauche. ~ Quelques applaudissements à droite.) Nous ne lui dirons pas qu'appeler les gardes nationales sous les murs ae Paris, c'est les livrer à la débauche, à la corruption, à l'indiscipline. (Murmures à gauche.) Enfin nous ne lui rappellerons pas que si les bataillons parisiens qui sont aujourd'hui sur nos frontières, eussent campé quelques jours de plus dans la plaine de Grenelle, ils ne se seraient pas immortalisés, en protégeant la retraite de notre armée devant Mons. (Applaudissements à droite.) Mais nous lui dirons que la Constitution (titre III, chapitre iit, article 8), délègue expressément et exclusivement au roi, le pouvoir etla fonction de proposer l'augmentation de la chose publique, et au Corps législatif le pouvoir et la fonction de la décréter : qu'ainsi, la proposition formelle du roi doit nécessairement précéder le décret du Corps législatif, mais qu'un ministre ne peut pas, de sa seule autorité, faire cette proposition ; et que s'il se permet cette initiative, il manque à la confiance du roi, à celle de l'Assemblée nationale ; il viole la Constitution, il trahit la nation. (Murmures .à gauche. — Applaudissements à droite.)
Demandez maintenant au ministre de la guerre qu'il vous représente une lettre du roi qui l'au-* torise à vous proposer lalevée de 20,000 hommes, ou plutôt ouvrez vos procès-verbaux, et voyez si vous y avez consigné cette proposition formelle du roi. (Murmures à gauche.) Nous passons sous silence toutes les réflexions que nous fournit votre décret lui-même, qui ne fait aucune mention de la proposition du roi qui cependant aurait dû constitutionnellement le précéder ; mais au moins sommes-nous obligés de vous observer que cette proposition du roi n'y est aucunement mentionnée, qu'ainsi M. Servan a mérité le décret d'accusation (Rires prolongés à gauche.) en violant aussi ouvertement un des articles les plus essentiels de notre Constitution.
Et qu'on ne pense pas atténuer le délit de ce ministre, en répétant, avec une affectation puérile, qu'il n'est question que de ressentiments particuliers, et que ce serait une victimesacrifiée à la garde nationale parisienne. (Murmures.) Non, non, Messieurs, ce n'est pas pour calomnier la ville qui a le plus constamment, le plus ardemment et le plus efficacement servi la Constitution.
Quelques membres : Nous lé savons.
M. Vasselin. C'est pour avoir mis la liberté en danger; c'est pour avoir porté une atteinte mortelle à la Constitution, c'est pour s'être rendu l'aveugle instrument d'une des factions qui nous déchirent, c'est pour avoir fécondé le germe de nos discussions internes, que nous demandons la punition exemplaire de M. Servan. (Applaudissements à gauche.)
Etablis par la loi, surveillants de tous les par-tis; nous n'avons ni le temps, ni la volonté d'etudier les trames, et nous faisons profession d'ignorer pour détruire, ou plutôt pour servir, les factions; ces troupes sont appelées sous les murs de Paris; ceux-la nous le diraient, qui, préparant de grandes vengeances pour satisfaire de petites passions, ne cessent de calomnier les citoyens qu'ils divisent; qui, parlant encore de corporations lorsque tous les privilèges sont détruits, ont l'atroce perfidie d'opposer les proprié-
taires aux citoyens actifs, les bonnets de travail aux casques militaires ; les piques aux fusils et , les habits de ville aux habits d'uniformes. {Applaudissements à droite. — Murmures prolongés à gauche.)
Plusieurs membres à gauche : AssezI assez! Chassez-le !
M. Vàsselin. Mais, sans entrer dans de pareilles discussions, nous revenons à l'objet de notre pétition. Nous vous dénonçons le ministre de la guerre et nous vous déclarons que dans tous les temps, et contre tous les tyrans, quels qu'ils soient, nous retrouverons notre courage et nos forces du 14 juillet 1789. (Applaudissements à droite. —• Murmures à gauche.) yue nous serons inaccessibles à toute espèce ae séduction ; mais surtout, que rien ne pourra nous séparer de nos camarades les canonniers, qui, le jour même où le maire de Paris vint vous offrir la permanence de leurs canons, n'en étaient pas moins disposés à tenir le serment des canonniers russes, à mourir sur leurs pièces, plutôt que de les céder à qui que ce soit .(Applaudissements à droite.— Murmures à gauche.)
Plusieurs membres à gauche : Les signatures?
D'autres membres : Laissez répondre le président. (Bruit.)
D'autres membres : Les honneurs de la séance!
Un grand nombre de membres : Non! non !
le jeune. Je m'oppose aux honneurs de la séance; nous ne pouvons siéger à côté de ces hommes,-là. (Vifs applaudissements au centre et à gauche
Plusieurs membres demandent la parole pour relever un fait.
Il ést toujours douloureux!...
Plusieurs membres à droite : Laissez répondre le président. (Murmures à gauche.)
Je demande à prouver qu'ils ne doivent pas être admis aux honneurs de la séance, et c'est la question par laquelle doit commencer la discussion.
Il est douleureux, sans doute, que dans une séance où le patriotisme s'est signalé d'une manière bien éclatante, où vous avez vu de braves militaires en donner des preuves non équivoques qui ont excité la plus vive émotion dans le cœur ae tous les bons citoyens, il est douloureux, dis-je, que dans la même séance on ait entendu une pétition qui, si elle suppose du zèle, en suppose du moins tout l'égarement. (Applaudissements à gauche et dans les tribunes.)
, Je recommande aux Citoyens qui sont dans les tribunes de ne donner aucun signe d'approbation ni d'improbation.
Le pétitionnaire a commencé par observer qu'il ne demandait point le rapport du décret que vous avez rendu, et en même temps il vous a dénoncé le ministre de la guerre sur la proposition duquel le décret a été rendu ; c'est-à- dire qu'en d'autres termes il vous a dénoncés vous-mêmes à vous-mêmes. (Applaudissements dans les tribunes.)
On vous a dit qu'on ne demandait point le rapport du décret, et en même temps on vous a demandé un décret d'accusation contre le ministre sur la proposition duquel le décret a été rendu; c'est-à-dire que, en d'autres termes, on vous a demandé un décret d'accusation contre vous-mêmes.
On vous a dit que la proposition du ministre, convertie en motion, était inconstitutionnelle; c'est donc dire, en d'autres termes, la motion ayant été accueillie par décret, que vous avez rendu un décret inconstitutionnel dont cependant on n'ose pas demander formellement le rapport.
Enfin on vous a dit que le ministre de la guerre avait, dans sa proposition, calomnié la garde nationale de Paris, et comme vous avez accueilli cette proposition convertie en motion, on vous a dit, en d'autres termes, que vous aviez calomnié, par votre décret, la garde nationale de Paris. (Applaudissements dans les tribunes.) |
Eh bien, Mèssieurs, puisqu'il faut dénoncer, je dénonce à mon tour à l'Assemblée nationale, à la garde nationale parisienne, à l'indignation de tous les bons citoyens, celui qui, abusant du droit sacré de pétition, venant ici parler au nom de citoyens dont il n'a point mission, calomnie avec une audace inconcevable, et l'Assemblée, et le ministre, et la garde nationale elle-même. (Fï/s applaudissements au centre, à gauche et dans les tribunes.)
Messieurs, vous connaisseï les indignes manœuvres, les abominables et méprisables moyens .que l'on a employés pour persuader à la garde nationale parisienne que le décret que vous avez rendu lui était injurieux. Vous savez comment on a couru de porte en porte pour surprendre des signatures et arracher des suffrages à la crédulité ou à l'ignorance, même à des femmes et à des enfants. On vous a déjà lu ce matin un procès-verbal de section, qui désavoue ces pétitions et vous dénonce les intrigues dont elles sont l'objet. On va vous en lire un autre, dont M. Cambon est porteur, par lequel vous vous convaincrez que les agitateurs, qui veulent réellement semer la division et qui cependant affectent sans cesse de parler de factions; vqus vous convaincrez, dis-je, qu'il n'est pas de bassesses, qu'il n'est pas de manœuvres sourdes... (Murmures à droite. — Applaudissements à gauche et dans les tribunes.) que, sans craindre de se déshonorer, ils n'aient employé pour égarer l'opinion de la garde nationale parisienne.
Vous la calomniez ! Eh ! quelle est donc l'occasion où vous ne lui avez pas donné les témoignages les plus authentiques de votre confiance ? Ne lui avez-vous pas remis la garde du roi lorsque vous avez cru devoir licencier sa garde soldée? Ne vous environnez-vous de cette même garde nationale ? Dans toutes les occasions n'avez-vous pas manifesté combien vous étiez émus de son zèle? N'avez-vous pas rendu justice à ce zèle dont vous n'avez jamais douté un seul instant? (Applaudissements.) Vos procès-verbaux ne l'attestent-ils-pas ? Vous la calomniez, dit-on, parce que vous faites venir des gardes nationales des départements pour l'aider dans son service! Quoi ! veut-on faire entendre ici que la garde nationale parisienne rougirait de voir à côté d'elle ses frères des départements? (Applaudissements à gauche et dans les tribunes.) Ah ! la voilà cette calomnie abominable dont je demande ven-geançe au nom de la loi ! (Applaudissements.)
Il serait bien facile de répondre à ces misérables reproches de violation de la Constitution, qu'on vient de faire entendre avec emphase dans cette enceinte. N'est-il pas évident que le droit de requérir les gardes nationales appartient exclusivement aux corps populaires ; qu'il peut être exercé par un corps administratif, par une simple municipalité, et que pour cette réquisi-
tion, l'initiative du roi serait absolument inconstitutionnelle. Répondrai-je à cette autre objection : « Que la garde nationale de Paris n'a pas besoin de secours. » Quoi! elle demande celui d'une garnison de troupes de ligne, et elle pourrait être offensée de l'assistance généreuse et libre de ses frères des autres départements ! Faut-il être militaire pour sentir la nécessité de placer un corps intermédiaire entre nos armées et la ville de Paris, lorsque l'on sait que le théâtre de la guerre n'est qu'à 40 lieues de la capitale? La garde nationale peut-elle s'offenser de ce qu'on ne la croit pas assez forte pour pouvoir, en même temps, contenir les ennemis intérieurs, et repousser les armées étrangères, dans le cas où, après une défaite de nos troupes de première ligne, elles tenteraient une entreprise contre la capitale ? (Rires à droite. — Applaudissements à gauche.)
Messieurs, vous avez peur !
Notre confiance en elle, toute pleine et entière qu'elle soit, ne doit pas nous rendre imprudents, et la garde nationale elle-même aurait de jpstes reproches à nous faire si nous ne prenions les précautions convenables, celles que commande la sagesse, pour le cas où l'ennemi, enhardi par une première victoire, menacerait la ville où siègent les dépositaires de la Constitution. Il ne nous appartient pas d'exposer aux risques d'une bataille livrée avec des forces trop inégales, le sang des citoyens de Paris; et si ce sang doit couler pour la défense de la liberté, qu'au moins il fructifie en arrosant son berceau et qu'il trouve des défenseurs dans la réunion des citoyens de toutes les parties du royaume. Les Parisiens aspirent-ils à l'honneur exclusif-de défendre le Corps législatif ? Eh ! où donc doit régner l'égalité, si ce n'est dans l'honneur de servir la cause commune de la liberté? {Applaudissements.) La réquisition d'une fédération de 20,000 gardes nationaux était donc la mesure de précaution la plus sage pour nous assurer de la prompte réunion des forces nécessaires pour le salut de l'Empire. Il eût été ridicule, qu'en cas d'insuffisance ae nos armées de première ligne, la garde nationale de Paris volât seule sur les frontières ; que seule elle se répandit par détachements dans les différents départements où la tranquillité publique serait compromise ; il n'eût pas été moins ridicule que seule elle formât ce cêrps de réserve, cette seconde ligne destinée à arrêter les progrès des ennemis extérieurs, en même temps qu'à réprimer les mànœvres de ceux du dedans et mettre à jour leurs complots. (Applaudissements réitérés dans VAssemblée et dans les tribunes.)
Je ne m'étendrai pas davantage pour réfuter les calomnies atroces débitées et contre l'Assemblée nationale, et contre les patriotes des départements, et contre la garde nationale de Paris elle-même, qui sera sans doute indignée de la démarche qu on ose faire en son nom... Voix dans les tribunes : Oui! oui!
Mais comme il importe à sa gloire, comme il importe à la sûreté publique que l'on découvre enfin quels sont les auteurs de ces manœuvres secrètes par lesquelles on tente d'égarer l'opinion, je demande que la pétition qui vous a été lue soit renvoyée aux comités de législation et de surveillance réunis, et je voudrais que le décret fût motivé a peu près ainsi :
L'Assemblée nationale, pleine de confiance
en la garde nationale parisienne, et considérant que ce ne peut être que par l'effet de manœuvres criminelles et d'instigations secrètes, que l'on a tenté d'égarer l'opinion de quelques citoyens qui en font partie; considérant qu'il importe même ;à la gloire de la garde nationale parisienne, que l'on découvre les auteurs de ces instigations, renvoie la pétition qui vient de lui être lue aux comités de législation et de surlance, pour en être fait rapport le plus promp-tement possible. *
Je demande, en outre, que le pétitionnaire ne soit pas admis aux honneurs de la séance. (.Applaudissements à gauche.) Vous ne les avez jamais accordés aux dénonciateurs.
Plusieurs membres : Ni aux calomniateurs !
Un membre : On les a accordés aux Jacobins, qui sont venus hier soir faire la dénonciation.
Je demande à combattre cette étrange proposition. (Murmures à gauche.)
Un membre : Je demande les noms des signataires.
Plusieurs membres : La discussion fermée !
Un membre : Je demande la parole pour un fait relatif à cette pétition.
Je me suis trouvé hier dans une maison au Palais-Royal où 3 ou 4 témoins attesteront le fait suivant, qui peut-être nous fera trouver le mot de l'énigme et qui explique assez bien la perfidie qu'on vient de manifester dans la pétition lue à la barre. (Applaudissements dans les tribunes.) La garde nationale de Paris, dont je n'ai garde d'inculper les intentions et la pureté des sentiments, renferme néanmoins dans son sein un grand nombre de malveillants qui cherchent à l'égarer quand ils peuvent. Hier donc, je me trouvais dans la maison dont j'ai parlé. On tenait conversation sur le décret relatif au rassemblement de 20,000 hommes. Un officier d'un des bataillons de volontaires nationaux qui sont partis ce matin pour la frontière se présente avec un air audacieux et dit en propres termes : « Vous parlez des 20,000 brigands qu'on va rassembler sous les murs de Paris; les gardes nationales connaissent l'intrigue qu'il y a là-dessous; mais nous les attendrons à coups de fusil. » Vous voyez d'après ce propos qu il n'y a pas de machinations infâmes qui n'aient été employées pour égarer la garde nationale et l'indisposer contre les patriotes des départe-ménts. J'atteste le fait sous ma responsabilité.
Un membre : Je demande que le fait énoncé soit renvoyé au comité de surveillance.
Je demande à énoncer un autre fait, c'est que celui des pétitionnaires qui a porté la parole est M. Victor Vasselin, l'un des auteurs du journal de Paris, et secrétaire de M. Duport-Dutertre.
Deux députés suppléants qui ont assisté au propos, dont l'antépréopinant vient de vous rendre compte, viennent de m'assurer qu'il a été tenu par M. Vasselin. Ce fait donne, je crois, le mot de l'énigme,
Il faut d'abord fixer l'attention de l'Assemblée sur le véritable objet de la question qui nous occupe. (Murmures.) Ce n'est pas le mérite intrinsèque de la pétition que vous avez à juger en ce moment. Et moi aussi, Messieurs, j'appelle vos regards sur les manœuvres de toute espèce qui nous environnent, et moi aussi, j'appelle votre vengeance, celle de la loi
sur tous les agitateurs du peuple, sur tous les calomniateurs, sur tous les factieux qui peut-être ne sont pas assez connus. (Applaudissements.) J'appuie donc le renvoi de cette pétition aux comités de législation et de surveillance, et vous voyez que jusqu'à présent je suis d'accord avec les orateurs qui m'ont précédé à la tribune,
Mais on vous propose de refuser aux pétitionnaires les honneurs de la séance...
Plusieurs membres à gauche : Oui! oui! de les chasser 1
L'Assemblée nationale a le droit d'exercer une police correctionnelle sur les personnes qui ont l'audace de venir l'outrager dans le lieu même de ses séances; je demande donc que les pétitionnaires soient, non pas chassés, mais mis en état d'arrestation- (Applaudissements à gauche et dans les tribunes.)
Je m'interroge pour trouver les motifs d'une pareille motion et je n'en vois aucun.
Cette pétition, Messieurs, a-t-elle pour but la révocation de votre décret? Je veux bien le supposer un instant et je demande s'il n'est pas permis à des citoyens libres de demander à l'Assemblée nationale, par forme de pétition, la révocation d'un de ses décrets. Nous devons tous une obéissance absolue à la loi ; la mort, voilà le partage de ceux qui pourraient braver son empire; Mais dans un Etat libre, autant l'obéisr sance aux lois est un devoir sacré pour tous les citoyens, -autant il est libre à chacun de les improuver fortement, et c'est sur cette distinction que j'insiste. Ce n'est donc pas, comme l'a dit M. Vergniaud* parce que les pétitionnaires ont sollicité la révocation d'un décret et surtout d'un décret non encore sanctionné, que vous pourriez leur rèfuser l'admission à la séance. (Bruit à gauche.) La leur refuseriez-vous parce qu'ils ont attaqué le ministre de la guerre? Je suis loin, Messieurs, de douter du patriotisme et du'zèle de M. Servan, et je me plais à lui rendre hommage à cette tribune. Mais, je vous le demande, depuis quand et pour quel motif les ministres sont-ils devenus des arches d'alliance auxquelles on ne puisse toucher sans être frappé de mort ? (Applaudissements à droite. — Murmures à gauche.)
Cette pétition est individuelle et dans les formes prescrites par la Constitution. Vous examinerez, si vous voulèjz, les ressorts qui. ont fait agir les pétitionnaires, et, s'il existé un crime, je serais le premier à demander la punition des coupables. Mais je vous prie d'observer qu'il s'agit uniquement d'accorder les honneurs de la séance aux citoyens qui sont à votre barre et je dois vous rappeler les décisions que vous avez portées jusqu'à ce jour. Vous avez toujours regardé les honneurs de la séance comme un droit consacré par l'usage et que vous ne pouvez refuser à des hommes qui ne sont ni coupables, ni accusés. (Quelques murmures à gauche.) Vous avez respecté le droit de pétition jusque dans les erreurs des pétitionnaires, bien convaincus que chez un peuple libre on peut étouffer la liberté en fermant la bouche aux citoyens. Je termine, Messieurs, par un seul mot, par une seule réflexion. Vous avez accordé les honneurs de la séance aux soldats de Châteauroux. Ne me forcez pas de pousser plus loin ce rapprochement.
, secrétaire. Je vais vous lire un extrait du procès-verbal de la section du Louvre
qui vous annonce que l'assemblée générale de cette section a improuvé et rejeté à l'unanimité le projet de pétition mis à l'ordre par l'état-major de la garde nationale.
Il faut décider auparavant si l'on accordera ou non les honneurs de la séance.
Plusieurs membres : Non 1 non ! La lecture 1
(L'Assemblée ordonne la lecture de cette pièce.)
, secrétaire, lisant :
Extrait (1) du registre des délibérations de rassemblée générale de la section du Louvre du
9 juin 1792.
Un membre a ensuite remis sur le bureau une pétition individuelle à l'Assemblée nationale demandant le rapport du décret rendu le 8 de ce mois, relativement à la formation d'un corps de gardes nationaux de. 20,000 hommes.
« Différentes opinions émises par plusieurs citoyens et lecture faite du décret, ainsi que de l'adresse, l'assemblée arrête à l'unanimité qu'elle passait à l'ordre du jour en improuvant la pétition dont il a été donné lecture et qu'elle serait rendue au citoyen qui. l'avait remise sur le bureau et qu'un exemplaire de cette même pétition serait annexée au procès-verbal.
« Signé : Le Gendre, président, Goust, secrétaire. »
, secrétaire, lisant : Copie de l'extrait du procès-verbal du comité de la section du faubourg Montartre.
Plusieurs membres : On l'a lu ce matin.
Un membre : La pétition qui vient de vous être présentée est d',un homme revêtu de l'habit de garde national, et non pas d'un garde national.
Je demande qu'il soit enjoint au pétitionnaire de sortir à l'instant de l'Assemblée. Il vient de se permettre des gestes menaçants contre plusieurs membres et l'on ne peut tolérer pluB longtemps cet excès d'insolence. (Grand bruit.)
Plusieurs membres à droite : Ce n'est pas vrai.
, montant à la tribune. Cela n'est pas vrai, je l'atteste. (Bruit.) C'est une fausseté contre le pétitionnaire.
monte à la tribune et réclame vivement la parole.
Un membre à droite : Le dépit qde vous cause son sang-froid a seul pu vous dicter cette imputation.
C'ést M. Marbot qui menace l'Assemblée-
Je demande la parole pour un fait. Le pétitionnaire a été insulté, menacé ; je l'ai vu.
Je demande que vous fassiez descendre M. Marbot de la tribune; il insulte l'Assemblée entière. (Bruit.)
Je vais vous citer un fait qui terminera la discussion. Lors de la malheureuse affaire de
M. Dillon, 2 fois des citoyens pétitionnaires se trouvèrent dans le même cas que ceux-ci.
Ils commencèrent à parler ; comme leur lan-
Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix ! La discussion fermée 1
Quelques membres à droite réclament encore en faveur des pétitionnaires et insistent, sans cependant motiver leur demande, pour qu'ils soient admis à la séance.
(L'Assemblée ferme la discussion et décrète que les pétitionnaires ne seront pas admis aux -honneurs de la séance. — Applaudissements dans les tribunes.)
M. Vasselin et les autres pétitionnaires se retirent.
Je demande qu'il soit mis dans le procès-verbal qu'ils ont été chassés. (Cette proposition n'a pas de suite.)
Voici la rédaction que je propose pour ma motion :*
« L'Assemblée nationale, pleine de confiance en la garde nationale; considérant que ce ne peut être que par l'effet de manœuvres coupables et d'intrigues criminelles qu'on est parvenu à égarer l'opinion de quelques citoyens, qu'il importe à la tranquillité publique d'en connaître les auteurs, renvoie la pétition qui a été lue, aux comités de législation et de surveillance réunis, pour être fait, le plus promptement possible, un rapport sur cette affaire. »
Dès que tous renvoyez aux comités, !! ne faut pas faire un considérant qui préjuge les personnes.
Préjuger sans préuvés, c'est tenir le langage du despotisme. r
Je demknde la question préalable sur lé considérant, parce qu'il me paraît attentatoire à l,a liberté des citoyens, destructif du dfoit sde pétition et calomnieux. , Il présuppose des manœuvres et des instigations coupables. À droite ': 6uilKo\ii\ '{Applaudissemènïsl) ", M. Mathieu Dumas. Il tend à' faire croire à des actés repréhénsiblès et même .criminels... lv Voix à droite,.; OuiJ.oui*}"C'ést yrçti 1 "
Il les . suppose! là où tout homme libre, là.o$ tQutci^gyen qui veut le bien de son paysv ite'(p^ùt, voir que l'exercice et non pas Tabus du droïrâacré de' ^tifib^,- Le considérant laisse entendre que le pétitionnaire aurait été animé par d'autres motifs...
Plusieurs membres à gauche : Oui! oui! (Murmures.)
... par d'autres motifs que celui qu'inspire le sentiment généreux de la résistance à l'oppression».. (Murmuresprolongés à gauche.)
Plusieurs membres à gauche ; Nous vous sommons de vous exp iquer I ' '
Je demande que l'Assemblée, §ans supposer, parce-qu'elle ne le peut ni ne le; doit, les, motifs de la pétition, la renvoie purement et simplement à ses comités et qu'elle ne préjuge pas ce qui peut résulter de leur examen» Si elle agissait autrement, elle en- qu'n y
trerait, des ce moment,dans le fond de la ques- tion. Je crois que, quand l'Assembiee abordera cette question, elle se convaincra qu'ii y a une grandu question constitutionnelle a juger et qu'il ne s'agit pas de mettre des passions en mouvement pour obscurcirla verite rnais d'exa- miner les justes reclamations des citoyens.
Plusieurs membres à droite : Appuyé ! appuyé ! La question préalable sur le considérant.
Quoi donclprétendra-t-on que les pétitionnaires n'ont pas insulté les gardes nationaux des départements, lorsqu'ils les ont représentés comme des brigands, dont le rassemblement compromettrait la tranquillité publique et la sûreté de la capitale ; ce sont leurs expressions. (Un mouvement d'indignation presque général se manifeste dans VAssemblée.)
Plusieurs membres : Nos concitoyens des départements ne sont-ils pas aussi patriotes que ceux de Paris?
Un membre : Il n'est pas de département dont les gardes nationales n'aient contribué, par les services les plus signalés, à l'affermissement de la liberté.
Plusieurs membres : Le renvoi pur et simple !
D'autres membres : La question préalable sur le renvoi pur et simple !
(L'Assemblée décrète qu'il y a lieu à délibérer sur le renvoi pur et simple.)
Je demande qu'après ces mots : « l'Assemblée pleine, de confiance en la garde nationale parisienne, « « l'on mette : Et jalouse de venger l'injure qui a été faite aux gardés nationales des 82 autres déparlements. » (Applaudissements.)
Je demande la lecture de l'adresse. Elle ne renferme pas d'injure. Il n'est pas possible d'en imposér aussi impunément que cela. (Bruit.)
Appuyé! appuyé!
Plusieurs membres à gauche : A l'ordre! à l'ordre !
On ne suppose point dans le considérant que l'auteur de la pétition soit l'auteur de ces manœuvres ; car il peut arriver que lui-même soit égaré. C'est une manière générale de s'exprimer. (Bruit.)
parle dans le tumulte.
Je demande que M. Delmas nous prouve en quoi cette pétition a outragé les gardes nationales, des départements et qu'il indique les injures qu'elle contient.
Messieurs, l'injure aux gardes nationales des 83 départements ne peut être niée. Si elle n'est pas dans la pétition^ elle a été proférée à la tribune de l'Assemblée.
Plusieurs membres : La discussion fermée !
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Plusieurs membres ; Là question préalable sur le considérant!
(L'Assemblée décrète qu'il y a lieu à délibérer sur le considérdnt et adopte le projet de
M. Vergniaud, amendé par M. Delmas) (1).
Suit le texte définitif du décret rendu :
» L'Assemblée nationale, pleine de confiance en la garde nationale parisienne, et voulant venger l'injure qui lui a été faite, ainsi qu'aux gardes nationales des 83 départements, qui ne font qu'un avec elle ; considérant que ce ne peut être que par l'effet,de manœuvres coupables et d'intrigues criminelles qu'on est parvenu à égarer l'opinion de quelques citoyens, qu'il importe à la tranquillité publique d'en connaître les. auteurs, renvoie la pétition qui a été lue, aux comités de législation et de surveillance réunis, pour être fait, le plus promptement possible, un rapport sur cette affaire. »
Une députation de citoyens de la section du Théâtre-Français est admise à la barre.
L'orateur de la députation. Voici, messieurs, le contre-poison.
Hier, la section du Théâtre-Français était assemblée, lorsqu'une pétition semblable à celle que vous venez d'entendre nous a été présentée. Fermes, Comme vdusnous connaissez, dans les principes de la liberté; voici ce que nous avons répondu, nous remettons notre arrêté sur le bureau; ce sont des témoignages de satisfaction à votre'ouvrage que nous vous apportons. (Applaudissements à gauche et dans les tribunes.)
L'orateur de la députation donne lecture de l'adresse suivante :
« Législateurs,
« La section du Théâtre-rFrançais, toujours active et ferme dans son patriotisme, nous
députe vers vous pour vous témoigner la vive satisfaction qu'elle éprouve sur la formation
d'un camp de 20,000 hommes près Paris (Applaudissements), que vous avez sagement ordonnée
pour le 14 juillet prochain. On a cherché à jeter des alarmes parmi nous sur les motifs'de ce
rassemblement; nous avons repoussé bien vite .ces soupçons, comme indignes de-vous et comme
injurieux aux citoyens de tous les départements. (Applaudissements à gauche et dans les
tribunes.) Peut-il nous venir de tous >lesi cantons de la France d'autres hommes que des
défenseurs de la liberté? (Vifs applaudissements ) Peut-il exister dans l'Assemblée nationale
un autre esprit que celui d'assurer le salut public? (Applaudissements.) Où Son tceux qui:
osent, quand Paris est entouré d'une nuée de malveillants, empêcher les représentants de la
nation de veiller à la: sûreté commune, et de leur dire de révoquer un décret dicté par la
prudence? Est-il de l,a dignité du Corps législatif de détruire la loi qu'il a faite, et ne
viendrait-on. l'attaquer que pour entretenir plus longtemps dans notre sein des divisions
perfides? On semble nous envier jusqu'au rare et bienfaisant conseil d'un ministre populaire
(Applaudissements réitérés dans les tribunes); on voudrait séparer la garde nationale du
peuple, comme si le peuple tout entier n'était pas la garde nationale : mais tous les moyens
qu'on met en œuvre pour renverser la liberté seront vains. Le peuple de Paris la soutiendra :
« Législateurs, nous vous remercions donc, au nom de la section du Théâtre-Français, d'avoir appelé près de nous une armée de nos frères de tous les cantons, pour protéger la patrie et la Constitution. Qu'ils viennent, nous marierons nos armes avec les leurs, nous triompherons ensemble; nous sommes au milieu des dangers de la guerre et des conspirations intestines, mais rien ne nous étonne : parlez et vous trouverez partout des hommes libres. (Vifs applaudissements.)
« Paris, le 9 juin 1792, l'an IVe de la liberté.
« Signé ; Lebois, Momoro, Anaxa-goras, chaumette, DÉ-chaillon.Helyes, députés de la section. »
, répondant à la députation. (sieurs, l'Assemblée applaudit à l'expression
Messieurs, des sentiments que vous venez de manifester. Elle vous accorde les honneurs de la séance. (Applaudissements.)
Plusieurs membres : La mention- honorable, l'impression et l'envoi aux 83 départements, y:
Pour la; communiquer aux légions nationales de tous les districts.
(L'Assemblée décrète l'impression de l'adresse, la mention honorable et l'insertion au procès-verbal, ainsi que l'envoi aux 83 départements, pour qu'ils lâ fassent passer aux légions des gardes nationales.)
Une députation dè citoyens de la section des Gobelins est admise à là barre.
Ils offrent à la patrie 110 livres en assignats ou billets de confiance;"2 livres 6 sols 6 deniers en espèces ; une cession des lettres de maître brasseUr, estimées 450 livres, 6 jetons d'argent, une paire de* Boii'cles d'argent et un étui d'argent. « Nodk' spnîhies impatients, comme iïos frères dé la section du Théâtre-Français, dit l'orateur, de marier, nos haches avec les armes de nçs frères des départements. (Vifs applaudissements.)' J
accorde à la députation les honneurs de la séance.
(L'Assemblée accepte l'offrande et en décrète la mention honorable au procès-verbal dont un extrait sera remis aux donateurs.)
Un de MM. les secrétaires fait lecture d'une adresse des citoyens-soldats du bataillon de Saint-Mâgloire ; ils attendent avec empressement le jour où ils verront renouveler la fraternité entre les gardes nationales des départements et celle de Paris. Ils applaudissent au patriotisme du ministre de la guerre, qui a proposé cette réunion ; ils improuvent l'adresse qui doit être présentée à l'Assemblée nationale, et par laquelle on demande le rapport du décret relatif a la levée de 20,000 gardes nationales.
(L'Assemblée renvoie l'adresse du bataillon de Saint-Magloire aux comités de législation et de surveillance.)
Une citoyenne est introduite à la barre avec un citoyen; elle se plaint du sieur Mangeot, juge de paix de la section des Tuileries, qui, dit-elle, a lancé contre elle une lettre de cachet à la manière des anciens despotes, l'a interrogée pendant 5 heures, et lui a déclaré que son cas était criminel, parce qu'elle avait fait un drame contre sa famille.
accorde à ce citoyen et à cette citoyenne les honneurs de la séance.
Plusieurs membres : L'ordre du jour 1
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
Un grand, nombre de citoyens, se disant députés par une partie de la garde nationale parisienne, sont introduits à la barre.
M. Bénard, orateur de la députation, s'exprime ainsi :
Messieurs, nous commençons par démentir un fait avancé à l'Assemblée. On a prétendu que notre pétition avait été signée d'après l'ordre de l'état-major; elle est signée individuellement; le temps seul nous a manqué pour avoir un bien plus grand nombre de signatures; nous nous sommes arrêtés à 8,000 pour nous empresser de vous l'apporter.
Nous ne sommes plus en nombre compétent pour délibérer; je demande que les pétitionnaires soient renvoyés à demain, lorsque l'Assemblée sera plus nombreuse, et alors on leur rendra même justice qu'à la pétition signée Vasselin.
Puisque les pétitionnaires sont à la barre, je demande qu'ils énoncent l'objet de leur pétition.
M. Bénard, orateur de la députation, donne lecture de l'adresse suivante (1) : Lagarde nationale parisienne a constamment rempli les devoir de son institution : composée de ces mêmes citoyens qui, les premiers, déployèrent l'étendard de la liberté sous les auspices de l'Assemblée constituante, elle a les mêmes vertus, la même force. Législateurs!... elle est dans la douleur. Le ministre de la guerre vous a dit : « La brave garde nationale, consultant plus son zèle que ses forces, se soumet avec empressement à un service qui l'honore, mais qui est trop fort pour les circonstances. » Sur un point, il a dit vrai. Là garde nationale n'a pas voulu consulter ses forces.... Si elle l'eût fait,.... les malveillants dont il se plaint eussent depuis longtemps disparu devant elle.
Sans doute aussi, nous n'avons fait que notre devoir : mais nous l'avons fait. Nous avions volontairement contractéde grandesobligations..... et nous les avons acquittées...... Nous n'approfondirons par les motifs du ministre; sa proposition enlève à la fois et l'honneur et les droits que la Constitution nous donne. A-t-il pensé que l'idée de la fédération voilerait à nos yeux les idées plus naturelles que son projet a fait naître? mis frères d'armes, tous les Français ont eu confiance en nous; pourquoi le ministre voudrait-il penser que nous l'avons perdue? Avons-nous démérité? et ne savent-ils pas, nos frères d'armes, que notre immense population suffit à nos dangers quels qu'ils soient? ;
On craint des brigands!.....C'est nous qu'ils
craignent. Que l'on nous commande ! la réquisition de la loi fera taire l'épouvante qui
demande du secours. (Murmures.)
M. Bénard. Nos armes... sont à nous ; nos canonniers sont nos frères; leurs armes et les nôtres forment un faisceau indivisible comme qos Cœurs.
Union, force, respect pour la loi, assistance aux autorités constituées, surveillance, maintien de la propriété, guerre aux factieux de tous les genres, nous le jurons. Législateurs, nous demandons le rapport du décret que le ministre de la guerre a seul provoqué.
Je demande le renvoi de cette pétition aux comités de législation et de surveil-> lance réunis, avec les procès-verbaux de section qui prouvent que cette prétendue pétition a été colportée de porte en porte, et que cette masse imposante de signatures n'est, en grande partie, autre chose qu'un recueil de signatures de femmes et d'enfants. (Applaudissements.)
(L'Assemblée ordonne le renvoi de la pétition aux comités de législation et de surveillance réunis.)
, répondant à la députation. Messieurs, l'Assemblée nationale examinera les faits dans sa sagesse. Elle vous permet d'assister à la séance.
Plusieurs membres à gauche : Non l non 1
(Les pétitionnaires se pressent et entrent en foule dans la salle.)
(La séance est levée à quatre heures au milieu du bruit.)
A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE
DU
Observations préliminaires aux 83 départements, par Georges Victor Vasselin, au sujet de la dénonciation qu'il a faite à l'Assemblée du ministre de la guerre sur sa proposition déformer un camp de 20,000 hommes sous les murs de Paris. (S) ,
J'ai dénoncé le ministre de la guerre à l'Assemblée nationale, pour avoir violé la Constitution, en proposant, sans l'agrément formel du roi, de former, au nord de la capitale, un camp de 20,000 hommes. Jalouse de venger l'injure faite à la garde nationale des départements, l'Assemblée nationale, sur la motion de M. Vergniaud, a cru devoir renvoyer ma pétition aux comités réunis de législation et de surveillance, pour lui présenter incessamment leur rapport sur cet objet.
Je dois donc à la garde nationale des départements, c'est-à-dire, à tous les citoyens français, je dois à 9,000 citoyens de Paris qui pénétrés des mêmes principes que moi, puisqu'ils ont demandé le rapport du décret, qui ordonne la levée de 20,000 hommes, pris dans tous les départements, et, leur réunion, à Paris, au 14 juillet de cette année, et dont la pétition a été ren-
voyée, comme la mienne, aux comités de législation et de surveillance, je dois à l'Assemblée nationale, trompée encore cette fois par un député de la Gironde, je me dois à moi-même, à . mes principes connus avant et depuis la Révolution aux combats que j'ai livrés au despotisme, lorsque la Bastille était debout, aux sacrifices de tous les genres que j'ai faits, et que je suis encore prêt a faire pour la liberté, enfin, a la haine que je porte aux factieux de tous les partis, de donner la plus grande publicité à cette pétition.
Je la livre à l'impression telle qiie je l'ai prononcée, telle que je l'ai remise sur le bureau de l'Assemblée nationale. Je ne l'accompagnerai que de quelques détails authentiques sur cette séance qui a dû suggérer de bien tristes réflexions à ceux qui savent et qui veulent rapprocher les temps, les choses et les personnes.
Lorsque le club des Gôrdeliers et Camille Desmoulins vinrent à la barre de l'Assemblée dénoncer les membres du département de Paris qui avaient sollicité le veto contre un décret sur les prêtres; lorsqu'ils insultèrent à la dignité du Corps législatif, par leurs déclamations injurieuses contre le représentant héréditaire de la nation ; lorsqu'ils attaquèrent la Constitution elle-même, en parlant de la sanction royale comme d'une transaction avec le despotisme, ils furent admis aux honneurs de la séance, leur pétition fut insérée dans le procès-verbal avec mention honorable et l'envoi aux 83 départements fut décrété.
Lorsque M. de Lessart fut décrété d'accusation, ce fut malgré l'opposition du comité chargé d'examiner son affaire, mais qui n'avait pas encore eu le temps de préparer son rapport; ce fut sûr la foi de M. Brissot, ce fut sur des preuves morales dont M. Brissot était le seul organe et le seul garant; ce fut sur la lecture faite par M. Brissot, dont on Connaît la manière de lire, de pièces dont la légalité et l'authenticité ne furent attestées que par M. Brissot.
Lorsque le juge-de paix de la section de Henry IV fut envoyé à Orléans, ce fut pour avoir mal interprété un article de la Constitution, qui, de l'avis même de ses accusateurs, â besoin d'explication.
Plusieurs fois, le Corps législatif a donné l'exemple utile d'un retour sur lui-même, en prévenant le refus de la sanction royale, et, s'il faut citer un fait, la séance dont il est question commença par le rapport d'un décret rendu la veille.
La Constitution permet la censure sur les actes des pouvoirs,constitués (tit. III, chap. v, art. 17), garantit aux citoyens la liberté d'adresser aux autorités constituées des pétitions signées individuellement (tit. I),
Examinons, d'après ces principes constitutionnels et ces faits émanés du Corps législatif, ma conduite, celle de mes 9,000 concitoyens de Paris et celle de l'Assemblée nationale à notre égard.
Aveugle instrument d'une faction détestable, M. Servan vint, le 4 de ce mois, sans l'agrément du roi, proposer à l'Assemblée nationale de former, au nord de la capitale, un camp de 20,000 hommes pris dans tous les départements, qui se rendraient sous les murs de Paris au 14 juillet, y feraient une fédération générale, suppléeraient aux postes de l'Assemblée nationale et du château des Tuileries, la garde nationale parisienne, dont les forces ne répondent
pas au zèle, et se serviraient de l'artillerie de ces mêmes Parisiens.
J'aperçus, dans cette proposition, une insulte bien caractérisée à la garde nationale parisienne et deux violations formelles de la Constitution : 1° de l'article 8 du chapitre m du titre III, qui délègue exclusivement au roi le pouvoir et la fonction de proposer l'augmentation de la force publique; 2° de l'article 12, du chapitre ii du titre III, qui ne compose la garde d'honneur du roi que des gardes nationales du lieu de sa résidence. Enfin, j'entrevis les affreuses conséquences de cette proposition, dans les circonstances actuelles: je portai mes regards sur les complots sacrilèges contre la liberté, que M. Ser van pouvait ignorer, mais dont tout homme, ami de son pays, verra des preuves matérielles dans la conduite et dans les projets de décret du ministère et de la députation de; la Gironde, depuis 3 mois.
J'avais déià soulevé un coin du voile dégoûtant qui cacne aux yeux des honnêtea gens les petites scélératesses des Brissot, des Gensonné, des Vergniàud, des Guadet, des Çbndorcet et complices ; j'avais réclamé la Constitution et la Déclaration des droits pour le juge de paix de Larivière, sacrifié à des hommes que, depuis, l'Assemblée nationale a dévoués au mépris qu'ils méritent, à MM. Chabot, Basire et Merlin; j'avais traduit au tribunal de l'opinion publique M. Gensonné, pour avoir proposé la confusion de tous les pouvoirs, l'avilissement des corps judiciaires, la dictature des municipalités et le despotisme du comité de surveillance de l'Assemblée nationale. Mais contre le projet du ministre de la guerre, il ne suffisait pas d'écrire et dfimprimer, il fallait agir; il fallait s'adresser à nos législateurs eux-mêmes; il fallait servir la liberté, même aux dépens de ses jours; il fallait se dévouer sans réserve à la chose publique, c'est-à-dire à la haine, à la persécution, à la vengeance d'un parti aussi lâche que criminel.
Je me préparai donc a dénoncer le ministre de la guerre et je prie que l'on fasse attention que je n'ai rien fait autre chose, que c'est à la seule proposition du ministre que je me suis attaché. Ce n'est pas que je veuille séparer ma cause des 9,000 citoyens de Paris qui ont expressément demandé le rapport du décret qui ordonne la levée des 20,000 hommes et leur réunion sous les murs de Paris, au 14 juillet. Je m'honorerais d'avoir été le premier moteur de cette démarche, comme je me féliciterai, dans tous les cas, de partager le sort des auteurs de cette pétition; je ne craindrai donc pas de me placer dans l'hypothèse des 9,000 pétitionnaires de Paris.
Quelques jours après la proposition de M. Servan, intervint le décret que voici te
« Art. 1er. La force armée, déjà décrétée, sera augmentée
de,20,000 hommes.
« Art. 2. Cette augmentation se fera dans les départements et tous les cantons du royaume seront admis à la com pléter.
« Art. 3. Les 20,000 hommes d'augmentation se réuniront à Paris pour le 14, juillet prochain.
« Art. 4. La répartition des 20,000 hommes se fera dans chaque département, proportionneller ment à la population et suivant l'état annexé au présent décret.
« Art. 5. Les directoires de département répartiront entre les districts, et ceux des districts entre les cantons, le nombre de gardes nationales demandées à chaque département, en raison de sa population.
« Art. 6.11 sera, en conséquence, ouvert dans la municipalité chef-lieu de canton un registre particulier d'inscriptions volontaires, sur lequel se feront inscrire lés citoyens qui désireront servir en qualité de volontaires nationaux dans cette augmentation de la force armée.
« Art. 7. Dans le cas où le nombre des gardes nationaux qui se seront fait inscrire excéderait celui fixé par le canton, ceux inscrits seulement se réuniront pour faire entre eu& le . choix-de ceux qui voudront marchér, en? présence de la municipalité.
« Art. 8. Nul citoyen ne sera adtftls à s'inscrire qu'il n'ait fait un service perSonnel'dans la garde nationale depuis le 14 juillet 1790,ou depuis la formation de la garde nationale du can'tofo de sa commune, ou enfin depUrà qu'il a atteint l'âge de 18 ans, à moins cependant qu'en sortant des troupes dé ligne avec un congé en bonne forme, il ne soit entré de suite dans la garde nationale ; il sera tenu, en outre, en se présentant à l'inscription, de remettre a la municipalité un certificat de civisme signé des officiers, sous-officiers et gardes nationales de la compagnie dans laquelle il sert.
« Art. 9. Le pouvoir exécutif est chargé de pourvoir à l'armement èt équipeirient dés citoyens qui feront partie de la force publique ; il donnera des ordres afin que les objets nécessaires à leur habillement soient remis dans les lieux destinés à leur rassemblement.
« Art. 10. Vu la célérité de là marche, il sera accordé à chaque volontaire 5 sols parlieue, qui leur seront avancés par lé receveur de district.
« Art. 11. La solde sera la même que celle des autres bataillons volontaires nationaux; ils recevront comme eux les gratifications et augmentations d'appointements accordées aux troupes lorsqu'elles sont campées.
« Art. 12, Le pouvoir exécutif donnera des ordres pour l'approvisionnement des effets de campement nécessaires.
« Art. 13. Le comité militaire présentera sous huitaine un projet de règlement sur tous les objets de détail relatifs à cette augmentation de la force publique. »
Ce décret ouvrait les veux à ceux qui jusqu'alors n'avaient pas voulu croire que la France pût être le jouet de quelques scélérats assez vils pour vendre leur patrie, dans le seul espoir de partager entre eux six millions. On osa fixer son attention sur des événements qu'on avait laissés passer avec indifférence. On se rappela cette iête scandaleuse des assassins du frère de Gouvion, et cette parole honteuse du libelliste Cari-tat : que proposer au Corps législatif à honorer de sa présence une fête en l'honneur du maire d'Etampes, c'était vouloir dégrader la représentation nationale; et l'amnistie des brigands d'Avignon; et les honneurs de la séance de l'Assemblée nationale, accordés à Duprat; et le décret d'accusation rendu contre un magistrat du Deuple, pour avoir rempli son devoir, contre 3 députés complices du calomniateur Carra ; et la dénonciation de MM. Duport-Dutertre et Mont-morin, comme principaux agents d'un prétendu comité autrichien, et l'infâme procédé du sieur Brissot, tronquant et dénaturant les lettres d'un homme qu'il accusait^ et les plates horreurs d'un Chabot, lisant à la tribune de l'Assemblée nationale des pièces fabriquées par lui, contre ceux desquels dépend, en ce moment, le destin de la France; et ces tables de proscriptions que le sieur Gensonné propose au Corps législatif
i pour inscrire les généreux noms des ennemis de la députation de la Gironde; et le projet du même députê'd'attribuer aux corps administratifs et notamment au Comité de surveillance de l'Assemblée nationale, le droit dictatoHal de décerner les mandats d'arrêt pour les crimes de haute trahison; et le licenciement des gardes du roi qu'on pouvait réformer sans violer la Constitution; et surtout ces bruits faux ou vrais, qu'on voulait transporter l'Assemblée nationale et le roi dans les départements méridionaux.
On se demande fermement quel pouvait être le motif de ce rassemblement de 20,000 hommes sous les murs de Paris, au 14 juillet. Une fédération générale? Mais des hommes armés ne peuvent pas suffire à la représentation du peuple ; ce serait un acheminement trop prompt au gouvernement militaire; mais nos finances ne permettent pas une prodigalité aussi superflue ; mais, d'ailleurs, en temps de guerre, c'est sur les frontières que doit être faite la fédération des Français. Un recrutement pour l'armée? mais ce n'est pas à Paris qu'il faut convoquer ces troupes : c est une perte inutile de temps et d'argent ; mais il faut auparavant compléter l'armée et surtout les 28 bataillons; de gardes nationales, créés nouvellement,1 mais ce n'est pas à Capoue que des soldats se forment à la discipline (1). Un secours pour la garde nationale parisienne qu'on enverrait préféremment aux frontières? mais c'est insulter à la garde nationale des départements, comme si tous les Français n'avaient pas également le i droit, le devoir et le désir de mourir pour la, patrie.
Pourquoi donc ces 20,000 hommes, pourquoi cet appareil imposant? pourquoi cette mesure extraordinaire ? On crut pouvoir se livrer à des conjectures; on calcula les probabilités; il parut certain que c'était au moins une niaiserie politique ; on vit le; danger de la chose publique; on craignit pour la liberté, enfin on s'avisa de penser que ces hommes qui, depuis quelque temps nous entretiennent de fameuses, conjurations connues d'eux seuls, parce qu'eux seuls en ont combiné les plans, n'ont voulu que préparer l'entrée des cohortes de Svlla.
Oui, je ne crains pas de le répéter, des cohortes de Sylla. Eh ! comment s'est-on flatté de nous persuader que d'ici au 14 juillet, c'est-;à-dire dans le court [espace d'un mois, ces troupes se fussent composées tout entières de propriétaires*, de laboureurs, de marchands, d'artistes, d'artisans, d'hommes de loi, de juges, d'administrateurs? Peut-on d'ailleurs méconnaître assez nos frères d'armes des autres départements, pour penser que, si leurs loisirs et leur patriotisme leur eussent permis d'abandonner leurs affaires et leurs foyers, ils n'eussent préféré de compléter avant tout les 28 nouveaux Bataillons de gardes nationales, dont la destination inmé-diate est de marcher aux frontières, et que, ces bataillons une fois complets, ils n'eussent attendu, pour s'armer, que la patrie les appelât sur le champ de bataille .
Il était donc évident pour les Parisiens, à qui la faction de la Gironde devait supposer le même
sens commun qui déjoua les complots, dont la France faillit être victime en 1789, il était, dis-je, évident que le seul moyen de compléter, dans l'espace d'un mois, une nouvelle armée de 20,000 soldats, serait d'y admettre des hommes sans état, sans propriété, sans famille, et dès lors, sans intérêt au maintien de l'ordre public, et dès lors faciles à se tromper eux-mêmes sur leurs propres intentions ; et dès lors, les aveugles instruments d'un César ou d'un Sylla, et dès lors, enfin, les premières victimes de cette affreuse machination, car, c'est alors, que de tous les départements afflueraient dés vengeurs de la liberté.
Ce "coup, une fois prévu, il s'agissait dé le
Sarer, la loi nous en donnait lés moyens. Laonstitution permet la censure sur les actes des{pouvoirs constitués; et garantit aux citoyens laiberté d'adresser aux autorités constituées des pétitions signées individuellement. Ainsij les citoyens de Paris pouvaient de deux manières égalemènt constitutionnelles s'opposer à ce que le décret dont il s'agit, devînt loi. Ils avaient à choisir entre une pétition au roi, pour qu'il refusât sa sanction, et une pétition au Corps législatif, pour qu'il rapportât son décret.
Ce dernier parti parut mieux séant et plus conforme au respect dû à l'Assemblée nationale. D'ailleurs, il n'était pas possible d'avoir oublié qu'on avait vivemerit reproché à des administrateurs du département de Paris de ne s'être pas adressés au Corps législatif, avant de solliciter le refus de la sanction royale.
Une pétition fut donc rédigée à la hâte. Le désordre des idées y peint le trouble des esprits.
Le ministre.. Nous a calomniés.
Votre décret. Nous a plongés dans la douleur.
Les brigands. Nous craignent.
Nos forces... Suffisent à notre zèle.
Nos armés. Sont à nous.
Voilà cette œuvre de rébellion dont on a tant effrayé les esprits pusillanimes; voilà le puissant motif de l'injure cruelle faite à 9,000 citoyens de Paris, qu'un de nos législateurs journalistes s'est permis d'appeler, par rapport à la masse de la garde nationale parisienne, ce que sont ces vapeurs impures dans une atmosphère paisible et sereine.
Le temps pressait. Un seul jour nous était donné pour revêtir cette pétition d'un grand nombre de signatures. La loi qui défend aux corps armés de délibérer ne permettait pas d'assembler les bataillons ; celle qui ne permet aux sections de communiquer avec le Corps législatif que par l'intermédiaire de la municipalité , et la lenteur des formalités nécessaires pour la convocation des sections, frappaient de nullité ce second moyen. Il ne restait aux amis de la liberté d'autre ressource que d'imprimer cette pétition, de la colporter dans toutes les maisons, et de l'offrir à la lecture de tous les citoyens, en invitant ceux qui ^approuveraient d'y apposer leurs signatures. Ce parti fut adopté.
Dans cet intervalle quelques citoyens du bataillon des petits Augustins vinrent courageusement dénoncer au Corps législatif l'état-major de la garde nationale parisienne pour avoir fait parvenir, par la voie de l'ordre, la pétition dont il s'agit aux 60 bataillons.
Cette ridicule dénonciation de l'exercice légal d'un droit constitutionnel, soutenue par la députation de la Gironde, fut accueillie par l'As-
semblée nationale, et valut à ses auteurs, les honneurs de la séance.
J'étais à cette séance; C'est là que j'entendis M. Delmas appeler le projet de pétition, un acte de rébellion. C'est là que M. Ramond fut hué des tribunes, et même indécemment interrompu par quelques membres de l'Assemblée, lorsqu'il observa judicieusement que le projet de pétition n'avait point été mis à l'ordre;' qu'il s'était trouvé répandu par ceux qui s'étaient rencontrés à l'ordre, mais sans que cette manière de propager la pétition eût aucun caractère officiel; qu'on appelle mettre à Vordre l'acte d'envoyer par le commandant aux différents bataillons, pour être lue à. la tête des bataillons ou des compagnies une chose quelconque ;> mais qu'on ne peut pas appeler mise à Votdte une chose qui a été communiquée individuellement et particulièrement par des personnes qui se sont rencontrées à l'ordre (1) ; c'est là que M. Vergniaud eut l'impudeur d'annoncer que cette pétition était inconstitutionnelle dans là forme, c'est là qu'il eut l'audace d'insulter au Corps législatif et à.la vérité, en en donnant le plus extraordinaire exemple de la violatiàn de la liberté dés opinionsy en' calomniant les intentions des députés qui ont opiné dans la discussion du décret aes 20,000 hommes ; comme si la crainte, conçue par la garde nation'ale, de l'enlèvement de ses canons et de ses armés, n'était pas le résultat de la lettre du ministre, où ce projet était énoncé, comme il l'était, dans le considérant du rapport du comité. C'est là que M. Gensonné respecta son caractère assez peu pour dire que, du moment que la distribution de cette adresse a été faite à tous les'bataillons de la garde nationale de Paris pour le ministère des adjudants, ce n'est plus un vœu individuel; comme si ce n'est,pas une pétition individuelle, toutes les fois que lé vœu de la majorité n'est pas donné pour celui de l'unanimité ; toutes les fois qu'on n'exprime le vœu que des signataires ; c'est là que ce même député ajouta cette proposition inconstitutionnelle qu'il est de fait que les citoyens de Paris, q*uand ils sont tous consultés, ne peuvent l'être que dans leurs sections, comme si une pétition signée de 600,000 Parisiens ne serait pas légale. C'est là que j'entendis un homme, qu'on me pardonnera de citer au nombre des orateurs de l'Assemblée nationale, comme on est obligé de pardonner aù département qui l'a choisi pour représentant de la nation, M. Thuriotv'. glapir bêtement, que l'auteur de cette pétition e&t, à son sens, capable d'un grand plan dé conjuration. C'est là que je vis mander à la barre lé commandant général de la garde nationale parisienne, c'est là que je l'entendis rendre compte, avec une naïveté accablante pour les'factieux, des motifs de cette pétition.
Ceux qui veulent savoir la vérité sur la conduite de la "garde nationale parisienne dans cette affaire et connaître les moyens dont les individus qui la composent se sont servi pour adresser leur vœu au Corps législatif, nie pardonneront de traduire ici le rapport du commandant à l'Assemblée nationale.
Je demande, Monsieur le Président, si vous désirez que je raconté historiquement les faits, Comme ils se sont passés. Je vais le faire.
Le lendemain que s'est faite la démarche du ministre de la guerre, l'inquiétude s'est manifestée dans toute la garde nationale : il y eut
une grande fermentation. Pleine d'amour pour la patrie, pleine de zèle pour la Constitution, pour l'Assemblée nationale, la garde nationale qui avait la confiance des représentants du peuple, qui a toujours servi avec la plus grande chaleur, qui s'est toujours fait honneur de garder les législateurs de la France, et d'être sans cesse à ses ordres, qui est nombreuse et en état de faire le service, a entendu avec chagrin le ministre de la guerre, dire qu'elle ne pouvait y suffire. Elle est en état plus que jamais de remplir son devoir, et, dans les cas extraordinaires où on a eu besoin d'elle, elle s'est toujours trouvée nombreuse. Moyennant cela, elle a vu avec beaucoup d'inquiétude appeler d'autres citoyens pour ajouter à son nombre. Elle a cru qu'on voulait lui enlever ses canons auxquels elle est fort attachée, et qui lui paraissaient ne devoir sortir des bataillons que pour marcher avec elle et avec son drapeau. Voilà ce qui en est. Plusieurs gardes nationaux sont venus me trouver particulièrement. Depuis, ils se sont assemblés plusieurs ; ils sont venus hier à un comité que nous tertons ordinairement entre nos chefs, pour nous rendre compte de ce qui se passe. Ils étaient même en assez grand nombre. Ils sont venus me demander à faire une pétition. Ils m'ont paru désirer que la pétition fût présentée à l'Assemblée nationale. Vous avez vu que cette pétition ne devait pas être présentée au nom de la garde nationale entière. J'ai dit que les individus qui en voulaient faire, étaient les maîtres, qu'il fallait qu'ils s'arrangeassent. L'embarras était d'avoir plusieurs signatures. Il paraissait que toute la garde nationale avait un même vœu. Ils ont cherché des moyens ; et celui qu'ils ont employé, a été de Venir à l'ordre ce matin, parce qu'à l'ordre, il y a un adjudant de chaque légion, qui prend l'ordre à la municipalité, et que c'est un adjudant de bataillon qui reporte l'ordre pour le service de chaque légion. Ils ont pensé que, par ce moyen-là^ chaque adjudant présent à l'ordre emporterait, à sa légion, des exemplaires de la pétition, et en remettrait à chaque bataillon un paquet, pour qu'il fût communiqué à leurs frères d'armes.
Ceux qui seront chargés de dresser la pétition sont donc venus pour nous demander la permission delà présenter et, en même temps, dire le nombré qu'ils sont, et qu'ils s'agissait d'une pétition individuelle de plusieurs particuliers, membres de la garde nationale, de plusieurs membres de section qui sont dans la garde nationale, et citoyens actifs. On n'a proposé à aucun des chefs de la signer. Aucun ne l'a fait ; mais les membres de la garde nationale, qui avaient l'intention de vous la présenter, désiraient vous adresser leurs réclamations, vous faire part de leur craintes et de leurs inquiétudes. (Applaudissements.)
Quelques applaudissemenis que ce discours ait mérités et même reçus, malgré le savant Merlin, MM. Vergniaud et Gensonné persuadèrent à l'Assemblée nationale, qu'il y avait une violation de la Constitution, soit dans le sens que présentait le projet de pétition, soit dans les moyens adoptés pour la faire signer, et s'ils n'obtinrent pas sur-le-champ un décret éontre les auteurs de cet ouvrage abominable, ce fut parce que le délit n'était pas encore commis.
Puisque la faction de la Gironde et ses adjoints, Brissot et Condorcet se permettaient de violer aussi indécemment toutes les formes et tous les principes à l'égard d'une pétition si-
gnée de 9,000 citoyens, et aujourd'hui déplus de 20,000, il m'était facile de présager le sort qui m'attendait, moi qui me présentais seul pour dénoncer le ministre protecteur et protégé de ces messieurs, moi que les Vergniaud, les Condorcet, les Gensonné connaissaient particulièrement comme improuvant leurs opinions, détestant leur conduite, et méprisant leurs personnes, moi qui n'avais d'autre arme que la Constitution contre la coalition des six millions.
Mais j'étais loin de perdre courage, je présentai ma pétition, et j'aurais fait plus si j'eusse su qu'à la même heure le mannequin Roland faisait écrire au roi par Lanthenas, pour lui arracher, par des menaces, la sanction du décret sur les 20,000 hommes, et calommier l'état-major de la garde nationale parisienne (1). Seul, j'aurais dit au roi ; Sire, la proposition de votre ministre de la guerre est un attentat à la Constitution et à la prérogative royale. Montrez-vous le digne roi des Français, ne sanctionnez pas.
A LÀ SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE
DU
Notes instructives ou débats sur la pétition présentée à l'Assemblée par M. vasselin, relevés sur le « Logographe » (3). -
Si l'Assemblée se fCft contentée de me refuser les honneurs de la séance, je me contenterais d'observer que ceux sur la motion desquels ma non-admission a été décrétée, n'avaient cependant reproché à ma pétition aucun caractère d'illégalité, et ne s'étaient appuyés que sur cette seule raison : que je dénonçais un ministre, c'est-à-dire l'Assemblée àl'Assembléeelle-même; et j'ajouterais seulement que cette pétition n'était revêtue que d'un très petit nombre de signatures, et que celle de mes 9,000 concitoyens dans laquelle l'Assemblée avait aperçu la veille une violation de la Constitution, soit dans le sens qu'elle présentait, soit dans les formes adoptées pour la faire signer, valut les honneurs de la séance à tous les signataires présents.
Mais comme l'une et l'autre pétition ont été renvoyées aux comités de législation et de surveillance, comme l'Assemblée a considéré qu'elles étaient injurieuses à la garde nationale des départements et préjugé qu'elle était le fruit de manœuvres criminelles, je vais transcrire, sur le Logographe, les débats qui ont amené ce décret, avec les observations que j'aurais faites à l'Assemblée, si j'eusse eu la parole : Plusieurs voix d'un côté : Les signatures 1 D'autres : Laissez répondre le président {(Bruits.)
M. Garnot-Feuleins (le jeune). Je m'oppose aux honneurs de la séance. (Bruit.)
... Rien de plus naturel. C'est vous qui étiez le rapporteur au projet de décret.
(Plusieurs membres parlent à la fois.)
M. Vergniaud. Il est toujours douloureux...
Plusieurs voix : Laissez répondre le Président. (Murmures d'un côté. )
M. Vergniaud. Je demande la parole sur les honneurs de la séance.
... Quelques journalistes ont dit que M. Vergniaud m'avait accablé de son éloquence ordinaire. Je suis désespéré d'avoir été l'occasion d'un sarcasme aussi violent contre M. Vergniaud ; mais par respect pour la vérité, je dois ajouter, avec ces mêmes journalistes, qu'il aurait dû laisser ce soin à d'autres, car il doit se rappeler que je l'ai dénoncé au procureur général syndic, pour avoir violé la loi, en signant, comme président, un arrêté de la société des Jacobins, relalif aux soldats de Châteauroux.
... Il est douloureux, sans doute que, dans une séanc^ où s'est signalé le patriotisme d'une manière bien éclatante, où vous avez vu de braves militaires en donner des preuves qui ont excité la plus vive émotion dans vos cœurs, il est, dis-je, bien douloureux que, dans la même séance, l'on ait entendu une pétition, qui, si, elle suppose du zèle, en suppose au moins tout l'égarement. (Applaudissements d'une j partie de l'Assemblée et des tribunes.)
M. le Président. Je recommande aux citoyens qui sont dans les tribunes, de ne donner aucun signe d'approbation ni d'improbation.
M. Vergniaud. Le pétitionnaire a commencé par observer qu'il ne demandait point le rapport du décret que vous avez rendu, et, en même temps, il vous a dénoncé le ministre de la guerre, sur la proposition duquel, convertie en motion, vous avez rendu le décret, c'est-à-dire, qu'en d'autres termes, il vous a dénoncé vous-mêmes à vous-mêmes. (Applaudissements des tribunes)...
J'en conviens, mais où est le mal ?
Depuis quand n'est-il plus permis d'appeler d'un juge à lui-même, lorsqu'il a la faculté ae révoquer sa sentence? Qu'auriez-vous dit si j'eusse adressé une pétition au roi, pour lui demander le refus de la sanction, et lui dénoncer le ministre qui avait usurpé un droit qui appartenait au roi seul.
... On vous a dit qu'on ne me demandait pas le rapport du décret, et, en même temps, on vous a demandé un décret d'accusation contre le ministre, sur la proposition duquel, convertie en motion, vous avez rendu le décret, c'est-à-dire, qu'en d'autres termes on vous a demandé un décret d'accusation contre vous-mêmes.
Cela ne vaut pas la peine d'être réfuté. On voit bien que M. Vergniaud ne parlait pas, eh ce moment, pour l'Assemblée. Au surplus, le paquet n'a pas manqué de parvenir à son adresse.
On vous a dit que la proposition du ministre qui a été convertie en motion, était inconstitutionnelle. Je le dis encore.
C'est-à-dire, en d'autres termes, que la motion ayant été accueillie par décret, on vous a dit que vous aviez rendu un décret inconstitutionnel.
... Cela est vrai, puisque dans le décret il n'est pas fait mention de la proposition du roi,
... dont cependant, on ne demandait pas le rapport.
... Je m'en serais bien gardé. L'accueil que l'Assemblée avait fait la veille au projet de pétition des 9,000 citoyens, était une trop forte leçon.
... On vous a dit que le ministre de la guerre avait, dans sa proposition, calomnié la garde nationale de Paris ; et comme vous avez accueilli cette pétition, convertie en motion, on vous a dit, en d'autres termes, que vous aviez calomnié par votre décret, la garde nationale de Paris. (Applaudissements dans les tribunes.)
... Ici, M. Vergniaud, vous mentez avec connaissance de cause, car vous savez bien qu'en ce qui regarde la garde nationale parisienne, le décret, au moins dans les expressions, diffère absolument de la proposition du ministre,
... Eh bien, Messieurs, s'il faut dénoncer, je dénonce, à mon tour à l'Assemblée nationale, à la garde nationale parisienne et à l'indignation de tous les bons citoyens, celui qui, abusant du droit sacré de pétition, venant ici parler au nom de citoyens, dont il n'a pas mission...
Je n'ai pas dit que je fusse envoyé par la garde nationale parisienne. Je connais trop bien ma Constitution pour accepter une pareille mission. J'ai parlé, comme citoyen de Paris, des services que lés citoyens de Paris ont rendu à la Révolution. Je défie à tout autre'qu'un député de la Gironde, si. ce n'est tel ou tél que j'ai désigné dans mes observations, de trouver autre chose, dans ma pétition. .
Calomnie, avec une audace inconcevable et l'Assemblée nationale et le ministre, et la garde nationale elle-même. (Vifs applaudissements dans les tribunes.)
... Je m'en réfère à ma pétition, je prie seulement mes lecteurs d'observer l'extrême soumission des tribunes aux ordres du président.
... Messieurs, vous connaissez les indignes manœuvres, les abominables et méprisables moyens que l'on a employés pour persuader à la garde nationale parisienne, que le décret que vous avez rendu lui était injurieux, vous savez que l'on a couru de porte en porte, pour surprendre les signatures i On vous a lu, ce matin, l'arrêté d'urt comité de section, on va vous en lire encore un, dont M. Cambon est porteur, par lequel vous vous convaincrez davantage que les agitateurs, ceux qui veulent réellement semer la division, et qui cependant affectent sans cesse de parler des factions, vous vous convaincrez, dis-je, qu'il n'est pas de bassesses, qu'il n'est pas de manœuvres sourdes (murmures d'un côté, applaudissements de Vautre et des tribunes), que, sans craindre de se déshonorer, ils n'aient employé pour égarer l'opinion de la garde nationale parisiennes.
... Il y a au moins bién de la présomption de la part de M. Vergniaud, à croire que 9,000 citoyens ne puissent, sans égarement, combattre son opinion.
... Vous la calomniez ! Eh ! quelle est l'occasion où vous ne lui avez pas donné les témoignages les plus grands de votre confiance. Ne lui avez-vous pas remis la garde du roi, lorsque vous avez cru devoir licencier sa garde soldée?
... A qui l'auriez-vous confiée?
... Ne vous environnez-vous pas de cette même garde nationale? Dans toutes les occasions n'avez-vous' pas manifesté combien vous étiez émus de son zèle? Navez-vous pas rendu justice à ce zèle dont vous n'avéz jamais douté un instant? Vos procès-verbaux ne l'attestent-ils pas? Vous la calomniez, dit-on, puisque vous faites venir des gardes nationales des départe-
ments. Quoi! veut-on faire entendre ici que la garde nationale parisienne rougirait de voir à côté d'elle ses frères des départements (Applaudissements dans les tribunes et dans une, partie de VAssemblée.) Ah! voilà la calomnie abominable, dont je demande vengeance.
... Ah! voilà ce que j'appelle une atrocité1.
1° Je n'ai point dit que l'Assemblée eût calomnié la garde nationale parisienne, c'est au ministre seul que j'ai fait ce reproche. Premier mensonge;
2° Si la garde nationale s'est trouvée insultée, c'est de ce que le ministre de la guerre voulait lui enlever ses canons et supposait son! zèle supérieur à ses forces, et non pas de ce qu'elle rougit de servir à côté de ses frères d'armes des autres départements. Second mensonge. ;
Vous pouvez continuer, monsieur Vergniaud, je ne vous répondrai plus. Mes lecteurs doivent vous connaître.
... Eh quoi! ces régiments de lignef qui viennent de défiler, la garde nationale parisienne s'est-ellê trouvée offensée de ce qu'ils venaient faire avec elle le service dans Paris ? Gomment donc se trouve-t-elle blessée de ce qu'il y aura un camp de gardes nationales à telle ou telle distance de Paris? Comment pourrait-elle se trouver offensée de ce qu'on ne. la croie pas assez forte pour repousser, en même temps, et les ennemis intérieurs et les armées étrangères, si nous venions à éprouver quelques revers? (Rires d'un côté, applaudissements de l'autre.)
M. Louis Hébert. Messieurs, vous avez peur.
M. Vergniaud. Notre confiance en elle, toute pleine et entière qu'elle est, ne doit pas nous rendre imprudents ; et la garde nationale elle-même aurait de justes reproches à nous faire, si nous ne prenions les précautions convenables, celles que commande la sagesse,'pour, en cas d'événements, lui fournir les moyens nécessaires, pour repousser avec succès les ennemis extérieurs ; pour que nous ne fissions pas verser le sang inutilement, pour être assurés du moins, que si elle était rédnite ^ la nécessité de le verser pour conserver la liberté, ce sang, en arrosant nôtre sol, le fructifierait et ne tournerait pas seulement à la perte de la patrie. Nous avons donc dû prendre les précautions convenables pour assurer, toutes les forces qui seraient nécessaires pour ne pas compromettre la sûreté de l'Empire; il serait ridicule de vpu-loir que la garde nationale de Paris, seule pût, en cas de besoin, former ce camp de réserve si important, pour tranquilliser les bons citoyens, et, en même temps, pour empêcher les conspirateurs qui sont dans l'intérieur pour manœuvrer, de mettre au jour leurs complots. (Applaudissements dqns les tribunes.)
Je iie m'étendrai pas davantage sur les calomnies atroces, répandues dans la pétition, et contre l'Assemblée nationale, et contre les gardes nationales, et contre celle même de Paris qui sera indignée de la démarche qu'on a osé faire ici en son nom.
...Je le répète ici pour l'Assemblée nationale ; je n'ai point été introduit à la barre et je n'ai point parlé comme député de la garde nationale parisienne.
Plusieurs voix dans les tribunes : Oui! oui!
M. Vergniaud. Mais, éomme il importeà sa gloire, comme il importe à la sûreté publique, que l'on découvre enfin quels sont les auteurs coupables de ces instigations secrètes par les-
quelles on tente d'égarer l'opinion, je demande que la pétition, qui vous a été lue soit envoyée avec les pièces qui "vous ont déjà été envoyées au comité de législation et de surveillance, et je motive ainsi mon décret :
« L'Assemblée nationale, pleine de confiance en la garde nationale parisienne, et considérant que ce ne peut être que par l'effet de manœuvres criminelles et d'instigations secrètes que l'on a tenté d'égarer l'opinion de quelques citoyens qui en font partie; considérant qù'il importe même à la gloire de la garde nationale parisienne que l'on découvre les auteurs de ces instigations* renvoie là pétition, qui vient de lui être lue aux comités de législation et de surveillance, pour en être fait rapport le plus promptement possible. » ,,
Je demande, en outre, que le dénonciateur n'ait pas Jes honneurs de la séance; vous ne les avez jamais accordés à ceux qui ne se présentent que pour accuser et calomnier.
Vous oubliez que la veille et depuis on les a accordés aux dénonciateurs de l'état-majôr de la garde, nationale parisienne.
Un membre ; On les a accordés aux Jacobins qui sont venus hier faire la dénonciation.
Un membre : Je demande la lecture des 6 signatures.
M. Dumolard. Je demande la parole (Murmures).
Un membre : Je demande la parole pour un fait relatif à cet objet; je me suis trouvé hier dans une maison au Palais-Royal, où 3 ou 4 témoins attesteront le fait que je vais énoncer, et qui, peut-être nous conduira à l'énigme; c'en est une que la perfidie qu'on veut manifester dans le sein du Corps législatif. (Applaudissements dans les tribunes.) La garde nationale de Paris dont je n'ai garde d'inculper les intentions et la pureté dés sentiments, a néanmoins dans son sein des machinateurs qui cherchent à l'égarer quand ils peuvent ; hier donc, je me suis trouvé dans une maison; un officier d'un des bataillons qui sont partis ce matin pour la frontière, sur une conversation qu'on tenait relativement aux 20,000 hommes décrétés, se présente avec un air audacieux et dit en propres térmes : « Vous parlez des 20,000 brigands qu'on va faire rassembler sous lés murs de Paris ; les gardes nationales connaissent l'intrigue qu'il v a là dedans, maisons les attendons à coups de fusil. » Je vous demande si, d'après de tels propos, il n'y a pas de machinations infernales qui n'aient !éte employées, j'atteste cela sous ma responsabilité.
Un membre : Je demande que le fait énoncé soit renvoyé au comité de surveillance.
...Un homme que l'Assemblée ne connaît guère plus que moi a eu l'infamie d'avancer que c'est moi qui ai tenu ce propos. 1° Je le défie de signer sa dénonciation; 2° je lui observe que j'ai été véritablement officier volontaire dans la garde nationale de Paris, mais que j'ai ces^é de l'être depuis un an, que j'ai réellement fait partie des détachements, mais que je ne suis pas parti pour les frontières.samedi; que je n'ai pas mis le pied au Palais-Royal ce jour-là ; que je l'ai passé presque entier à l'Assemblée nationale.
M. Dumolard. Je crois qu'il faut fixer d'abord l'état de la question qui occupe l'Assemblée (murmures). Ce n'est pas du mérite intrinsèque
de la pétition que vous avez à juger en cet instant. Et moi aussi, Messieurs, j'appelle votre attention sur les manœuvres de toutes espèces qui nous environnent-, et moi aussi, je veux attacher vos regards et provoquer la vengeance de la loi sur tous les agitateurs du peuple, sur tous les calomniateurs, sur tous les factieux qui peut-être ne sont pas assez connus» (Applaudissements.) J'appuie donc le renvoi de cette pétition aux comités de; législation et de surveillance, et vous voyez que, jusqu'à présent, je suis d'accord avec les orateurs qui m'ont précédé à la tribune. Mais on vous proposé de refuser aux pétitionnaires lés honneurs de la séance, et je m'interroge pour deviner les motifs d'une pareille motion.
Cette pétition, Messieurs, a-t-elle pour but la révocation de votre décret. Je veux bien le supposer un moment, et je demande s'il est défendu a des citoyens de réclamer de l'Assemblée nationale, la révocation d'un décret. Nous devons tous obéissance à la loi ; la mort, voilà le partage de ceux qui pourraient braver son empire; mais dans un Etat libre, des citoyens ne doivent pas leur approbation à toutes les lois, c'est sur cette distinction que j'insiste. Ce n'est donc pas, comme l'a dit M. Vergniaud, parce gué les pétitionnaires solliciteraient la révocation d'un décret que vous pourriez leur refuser les honneurs dé la séance. (Bruit d'un côté.) Les leur refuse-riez-vous parce qu'ils ont dénoncé le ministre de la guerre ? Je suis loin, Messieurs, de douter du patriotisme et du zèle de M. Servan, et je mç'
S lais à lui rendre hommage à cette tribune.
ais, jé vous le-demande, depuis quand les ministres sont-ils devenus des arches d'alliance qu'on ne puisse toucher sans être frappé de mort. (Applaudissements et murmures.) Cette pétition est individuelle, cette pétition est dans les formes constitutionnelles ; vous examinerez, si vous voulez, les ressorts qui ont lait agir les pétitionnaires, et s'il y a un crime, je serai le premier à solliciter la punition des coupables ; mais je vous prie d'observer qu'il s'agit uniquement d'accorder les honneurs de la séance aux citoyens qui sont à votre barre, et je dois vous rappeler les décisions que vous avez portées jusqu'à ce jour. Vous avez toujours regardé les honneurs de là séance comme un droit Consacré par l'usage, et que vous ne pouvez refuser à des hommes qui ne sont ni coupables ni accusés. Vous avez respecté le droit de pétition jusque dans les erreurs des pétitionnaires, bien convaincus que, chez un peuple libre, on, peut étouffer La liberté en fermant la bouche aux citoyens. Je termine, Messieurs, par une seule réflexion. Vous avez admis à la séance les soldats de Chàteauvieux, pouvez-vous refuser cet honneur aux gardes nationales de Paris ? (Applaudissements.)
M. Cambon, secrétaire, lit : Extrait des délibérations de l'Assemblée générale.
M. Boullanger. Il faut décider auparavant si on accordera ou non les honneurs de la séance.
L'Assemblée décrète que M. Cambon continuera.
M. Cambon, reprenant sa lecture. Extrait des registres des délibérations de la section du^ Louvre, du 9 juin 1792, l'an IV de la liberté.
« Un membre a ensuite remis sur le bureau une pétition individuelle à l'Assemblée nationale, demandant le rapport du décret du 8 de ce mois, relativement à la formation d'un corps de garde
de 20,000 hommes. Différentes opinions émises par plusieurs citoyens, et lecture faite du décret, ainsi que de l'adresse, l'Assembléé a arrêté à l'unanimité qu'elle passait à l'ordre du jour, en improuvant la pétition dont il avait été donné lecture, et qu'elle serait rendue au citoyen' qui l'avait remise sur le bureau, et qu'un exemplaire de cette pétition serait annexé au procès-verbal»
Pour expédition conforme au registre, par nous secrétaire greffier soussigné.
Copie de l'extrait du procès-verbal du comité de la section du Faubourg Montmartre.
Plusieurs membres : Ça a été lu ce matin.
Un membre : La pétition qui vient de vous être présentée est d'un homme revêtu de l'habit de garde national et non pas d'un garde national.
..... Vous avez menti, qui que tous soyez, je suis garde national du 13 juillet 1789 ; j'ai peine à croire que vos titres remontent aussi haut.
M. Marbot. Je demande qu'il soit Ordonné à l'instant au pétitionnaire de sortir de l'Assemblée, le pétitionnaire se permet des gestes menaçants contre les membres de 1 Assemblée (grand bruit).
..... Vous avez menti, M. Marbot, c'est vous qui m'insultiez avec, une lâcheté que votre plat mensonge'peut seul faire concevoir.
M. Calvet. Cela n'est pas vrai, je l'atteste (Bruit), c'est une fausseté avancée contre Monsieur.
M. Marbot monte à la tribune et réclame vivement la parole.
M. |Dalmas. C'est M. Marbot qui menace l'Assemblée.
M. Ramond. Je demande la parole pour un fait. Je l'ai vu. Le pétitionnaire a été insulté, menacé.
M. Boullanger. Je demande que vous fassiez descendre M. Marbot de la tribune, il insulte l'Assemblée entière.
Un membre.... Je vais vous citer un fait qui terminera la discussion. Lors de la malheureuse affaire de M. Dillon, deux fois des citoyens pétitionnaires se présentèrent à la barre, ils commencèrent à parler. Leur langage annonçait le langage de la calomnie; les citoyens pétitionnaires furent renvoyés, sans être entendus. Ce pétitionnaire est venu calomnier la garde nationale parisienne,calomnier le ministre, calomnier l'Assemblée nationale. (Bruit.)
Plusieurs membres. Aux voix, la proposition !
L'Assemblée ferme la discussion. Les pétitionnaires se retirent. L'Assemblée décrète qu'ils n'auront pas les honneurs de la séance. (Applaudissements dans les tribunes.)
M. Vergniaud relit la rédaction de sa motion.
M. Boullanger. Dès que vous renvoyez au comité, il ne faut pas faire un considérant qui préjuge les personnes.
M. Froudière. C'est le langage du despotisme, préjuger sans preuves.
M. Mathieu Dumas. Je demande la question préalable sur le considérant. Le considérant qui vous est présenté par M. Vergniaud, suppose des manœuvres, des instigations.
Plusieurs membres : Oui ! oui !
M. Boullanger. Alors, il faut juger et non préjuger. t
M. Mathieu Dumas. Des actes qui séraient ré-
préhensibles et même criminels. Il les suppose là où tout homme libre, où tout citoyen qui veut le bien de son pays, ne peut voir que l'exercice et non pas l'abus du droit sacré de pétition. Le considérant fait supposer que le pétitionnaire aurait été animé par d'autres motifs...
Plusieurs membres, d'un côté ":. Ouil oui! (Murmures.)
M. Mathieu Dumas.....par d'autres motifs que
le sentiment généreux ae résistance à l'oppression. Je demande que l'Assemblée nationale, sans supposer, parce qu'elle ne le peut, ni ne le doit, les motifs ae la pétition, la renvoie purement et simplement à ses comités; et qu'elle ne préjuge pas ce qui peut résulter de leur examen ; car ce serait, des ce moment, entrer dans le fond de la question, et je crois que quand l'Assemblée y entrera, elle se convaincra qu'il y a une grande question constitutionnelle à juger, et qu'il ne s'agit pas de mettré des passions en mouvement pour obscurcir la vérité, mais d'examiner les iustes réclamations des citoyens.
L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur le renvoi pur et simple.
M. Delmas, (de Toulouse). Au lieu de mettre : pleine de confiance en la garde nationale parisienne, je demande que ces mots-ci soient ajoutés : « jaloux de venger l'injure qui a été faite aux gardes nationales des 83 départements. »
M. Boullanger. Je demande la lecture de l'adresse. Elle ne renferme pas d'injure. Il n'est pas possible d'en imposer aussi impunément que cela. (Bruit.)
M. Vergniaud. On ne suppose point, dans le considérant, que l'auteur de la pétition soit l'auteur de ces manœuvres, car il peut arriver que lui-même soit égaré. C'est une manière générale de s'exprimer. (Bruit.)
M. Brival parle dans le tumulte.
M. Reboul. Messieurs, cette supposition injurieuse aux gardes nationales des 83 départements, ne peut être niée, car elle a été faite à la tribune de l'Assemblée nationale, c'est là qu'elle a été proférée.
Plusieurs membres : Fermez la discussion. (Adopté.) D'autres membres : Aux voix, la question préalable !
L'Assemblée décrète qu'il y a lieu à délibérer et adopte le projet de M. Vergniaud, amendé par M. Delmas, de Toulouse.
Vous avez lu, citoyens, prononcez!
Séance du
PRÉSIDENCE DE M. FRANÇAIS (DE NANTES')
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
Un de MM. les secrétaires donne lecture du procès-verbal de la séance du samedi 9 juin 1792, au matin, dont la rédaction est adoptée.
Le directoire du département de l'Yonne, recommandable par son patriotisme éclairé et la rigueur qu'il a montrée contre les perturbateurs de l'ordre public, ayant offert une somme de 2,820 livres pour les frais de la guerre, cette offre a été omise dans le procès-verbal. Je demande qu'elle soit rétablie
avec la mention honorable qui en a été ordonnée dans le temps.
(L'Assemblée ordonne que cette omission sera réparée.) .
Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres suivantes :
1° Lettre du sieur Patriolatre, accompagnant diverses strophes, qu'il prie l'Assemblée de faire remettre, avant le 1er juillet prochain, à l'Académie pour le concours.
2* Lettre du sieur Lacolombe, aide-de-camp du général Lafayette, accompagnant une pétition du sieur Delorin, du Canada, ancien militaire, qui réclame des secours.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité militaire.)
3e Lettre de M. Roland, ministre de l'intérieur, accompagnant copie de la lettre qu'il a reçue du procureur général syndic du département de l'Hérault, pour lui apprendre que la peste s'est manifestée à Tunis ; ces pièces sont ainsi conçues (1) :
« Paris, le 10 juin 1792.
« Monsieur le Président,
e Je reçois à l'instant l'avis par le procureur généraïsyndic du département de l'Hérault, que la peste s'est manifestée à Tunis, je m'empresse de communiquer sa lettre à l'Assemblée nationale et j'écris sur-le-champ à la municipalité de Marseille pour avoir des informations positives sur cet événement si digne d'attention et lui recommander la plus grande surveillance.
» Je suis avec respect, Monsieur le président,
« Signé: ROLAND. »
Copie de la lettre du procureur général syndic du département de l'Hérault au ministre de l'intérieur, en date du 4 juin 1792.
Monsieur,
« Le directoire du département de l'Hérault vient de recevoir de la part de MM. les administrateurs du département des Pyrénées-Orientales, un avis de la plus grande importance et qu'il m'a chargé d'avoir l'honneur de vous transmettre.
« On assure que la peste s'est manifestée à Tunis par la communication avec les bâtiments du pays de deux Algériens de l'escadre d'Alger qui servent sous les ordres de la porte Ottomane, ce fait est constaté par une lettre que M. le commandant de Gironne ou Catalogne a écrite à M. Danselme, commandant à Perpignan. Cet avis a paru assez conséquent pour ne pas négliger les mesures capables ae préserver le royaume d'un fléau aussi déstructeur, les districts de Montpellier et de Béziers et particulièrement les municipalités de Cette et d'Adge ainsi que toutes celles situées sur les Côtes maritimes ont reçu ordre de faire toutes les dispositions de prévoyance et de sûreté vis-à-vis des bâtiments qui pourraient y aborder. »
4° Lettre de M. Duranlhon, ministre de la jus-tics, qui donne la note des décrets sanctionnés par le roi, ou dont sa Majesté a ordonné l'exécution.
Suit la teneur de cette note :
des ^décrets. titre des décrets. des sanctions*
31 mars 1792. Décret portant que la lettre écrite à l'Assemblée nationale, 8 juin 1792. par Mm* Simoneau, veuve du maire d'Etampes, sera inscrite sur la base du monument élevé à la mémoire de son mari.
29 mai 1792. Décret qui accorde un supplément d'appointements aux offi- 8 juin 1792. ciers de santé de la marine, embarqués sur les vaisseaux de l'Etat.
29 mai 1792. Décret portant que les actions concernant la caisse de 8 juin 1792.
l'extraordinaire, seront intentées et poursuivies à la requête de l'agent du Trésor public.
30 mai 1792. Décret relatif aux pensions des invalides de la marine. 8 juin 1792.
30 mai 1792. Décret qui accorde au sieur Millot une somme de 600 livres 8 juin 1792.
en forme d'indemnité.
30 mai 1792. Décret portant qu'il n'y aura qu'une seule paroisse pour la 8 juin 1792. ville de Gommercy.
30 mai 1792. Décret relatif aux déclarations à faire par les capitaines de 8 juin 1792. bâtiments de mer, destinés pour la foire de Beaucaire.
30 mai 1792. Décret relatif au placement, à Lagny, d'un des trois lieutenants 8 juin 1792. de gendarmerie nationale, fixés à Melun, Goulommiers et Rosay.
30 mai 1792. Décret qui ordonne le versement, à la caisse de l'extraordi- 8 juin 1792. naire, des sommes qui existent à la caisse des dépôts militaires.
30 mai 1792 Décret relatif à un projet de construction d'un port national 8 juin 1792. près Saint-Malo et Saint-Servan.
30 mai 1792 Décret qui fixe le tarif des poudres et salpêtres. 8 juin 1792.
30 mai 1792. Décret portant que les officiers de tous grades des ci-devant 8 juin 1792. grenadiers royaux, régiments provinciaux et bataillons des garnisons, jouiront des avantages accordés aux officiers des troupes de ligne, réformés.
i" juin 1792. Décret qui accorde une somme de 600 livres à la dame 8 juin 1792. Marin, épouse du sieur Lavarenne, et renvoie celui-ci devant le ministre de l'intérieur, pour être placé à l'hôtel des Invalides.
i,r juin 1792. Décret qui fixe les fonctions des commissaires de police, et 8 juin 1792. règle la forme de leurs élections.
l" juin 1792. Décret qui supprime l'établissement formé par les sieurs 8 juin 1792. Tran et Leleu, pour le contrôle des assignats.
2 juin 1792. Décret qui unit au département de la Haute-Loire les pa- 8 juin 1792. roisses de Riotord et de Saint-Ferréol.
2 juin 1792, Décret qui autorise la municipalité de Gannat à faire procé- 8 juin 1792. der à l'adjudication au rabais des ouvrages et réparations à faire à la maison commune de cette ville.
2 juin 1792. Décret qui autorise le département de la Dordogne à se 8 juin 1792. rendre adjudicataire de la maison des ci-devant Augustins de Périgueux, pour y établir son administration.
4 juin 1792. Décret qui supprime le numérotage des assignats au-dessous 8 juin 1792. de 5 livres.
6 juin 1792. Décret relatif à la suppression de la franchise des lettres. 8 juin 1792.
6 juin 1792. Décret relatif aux dépenses des bureaux de la caisse de 8 juin 1792. l'xetraordinaire.
8 juin 1792. Décret qui défend l'exportation à l'étranger des denrées et 8 juin 1792. bestiaux, depuis la hauteur de Pontarlier, jusqu'au département des Bouches-du-Rhône.
« Paris, le 9 juin 1792, l'an IVe de la liberté.
« Signé : DURANTHON. »
J'observe, que d'après la Constitution, le décret du 31 mai dernier, qui fixe le tarif des poudres et salpêtres, qui a été sanctionné le 8 juin dernier, n'était pas sujet à la sanction, puisqu'il était relatif à l'augmentation d'une contribution publique. Je demande que l'examen de cette question soit renvoyée aux comités de législation et des décrets réunis, pour en faire le rapport incessamment et voir si le ministre de la justice n'est pas coupable.
Le ministre de la justice n'est pour rien dans cette affaire, attendu que le Corps législatif correspondant directement avec le roi,' ce sont les commissaires de l'Assemblée qui lui ont présenté ce décret à sanctionner.
(L'Assemblée renvoie l'examen de la question soulevée par M. Cambon aux comités de législation et des décrets réunis.)
, secrétaire, donne lecture des lettres suivantes :
" 1? Lettre du sieur Peyrard, citoyen de Paris, qui fait part à l'Assemblée que la pétition (1), qui lui fut présentée, hier, pour demander le rapport du decret qui ordonne le rassemblement de 20,000 gardes nationales, a été portée chez le sieur Gautier, pour la lui faire signer, et qu'en son absence, on l'avait fait signer par sa femme, mais que le sieur Gautier en ayant été instruit, il s'est empressé de faire rayer cette fausse signature.
(L'Assemblée renvoie cette lettre aux comités-de législation et d$ surveillance réunis,.)
2° Lettre du sieur Faypoult, officier de la garde nationale parisienne, qui dénoncée le sieur De-lormé, adjudant du dixième bataillon de la deuxième légion de la garde nationale parisienne, pour lui avoir remis un: projet d'adressé imprime dans laquelle on demande le rapport du décret qui ordonne le rassemblement de 20,000 gardes nationales, en l'engageant de la signer et de la faire signer par les volontaires de sa compagnie. (1) Il envoie une lettre circulaire imprimée, et un pamphlet intitulé : Les complots, qui lui ont été remis par ledit Delorme; cette lettre est ainsi conçue :
« Paris, le
« Messieurs, hier soir, en rentrant chez moi, j'y ai trouvé un projet de pétition à
l'Assemblée nationale, qui demandait le rapport du décret sur la fédération ordonnée pour le
14 juillet. Ce projet, accompagné de deux autres éeriîs cî-loints, avaient été remis à ma
porte par M. De^ lorme, adjudant du . dixième bataillon de la deuxième légion de la garde
nationale, dont j'ai l'honneur d'être capitaine. Ce matin à sept heures, M. l'adjudant s'est
présenté, et a remporté l'adresse quéjelui ai' rendue sàiis l'avoir signée. J'ai gardé les
deux autres écrits que j'ai l'honneur de vous adresser. J'ai témoigné à M. l'ad-iudant mon
étonnement de ce qu'un officier de la garde nationale se rendait ainsi le colporteur d'écrits
destinés évidemment à égarer l'esprit public, et "à** multiplier les causes de désordre et de
désorganisation qui existent entre Tes citoyens dont les intentions et les volontés sont
d'ailleurs droites et pures. Il .m'a répondu que ce n'était pas de son propre 'mouvement
qu'il
« Je n'ai pas besoin, Messieurs, de vous faire observer l'adresse avec laquelle on fait parvenir aux citoyens un projet de pétition, ayant pour titre : Les complots. On veut par là faire croire que le rassemblement de 20,000 hommes est la suite d'un complot d'enlever le roi, et de le livrer dans les départements du Midi, à ce qu'on appelle l'armée marseillaise, c'est-à-dire, aux hommes qui ont conduit l'assassin Jourdan en triomphe dans Avignon.
« Cette dissimulation est une horreur qui n'échappera pas, je l'espère, à la pénétration et au bon esprit de là majorité de més concitoyens. D'ailleurs, Messieurs, je dois vous dénoncer un abus.,L'ordre dans le service militaire est un moyen de répandre les instructions dans les bataillons, mais non des pamphlets. La libre communication des pensées suppose sans doute la plus grande liberté de la presse ; mais les agents publics ne doivent point colporter de pétition ; ils ont d'autres devoirs à remplir, et ce droit sèrait dangereux entre les mains des chefs d'une force armée. Le droit de pétition, d'une autre part, est sacré; mais une pétition doit être le produit d'un mouvement libre, individuel et spontané. Il me paraît, dans ces circonstances, très inconstitutionnel, que MM. les adj udants, s(Mt par l'ordre, soit par la tolérance des adjudants généraux, se rendent colporteurs d'écrits abominables.
« Je suis avec respect, etc.
« Signé Faypoult, capitaine au 10e bataillon. »
Plusieurs membres demandent la lecture du pamphlet intitillé": Les complots.
D'autres membres observent que cette lecture est inutile parce que ce document a été publié et affiché à profusion.
Pour remédier au mal, il faut en connaître là noirceur. Je demande donc qu'on lise l'écrit en question. Après cela, si l'Assemblée, le juge convenable, je lui rendrai compte d'une conversation tenue par une sentinelle placée à une dep portes des Tuileries. (Mû'rmurés). \
Voici le fait: Un factionnaire m'aborde, et me dit : « Je vous connais pour député, et je suis bien aise de Vous donner quelques renseignements. » Il ajouta : « je suis membre de la commune de Paris, les détails que je vais vous donner ne doivent pas, vpus être suspects. J'aime la Constitution,, y oici ce que j'ai a vous dire. Depuis à peu près 36 heures, il y a beaucoup de fermen-tatiori à Paris, par là1 raison que l'on fait entendre à la garde nationale parisienne que l'on veut la désarmer. On lui fait entendre encore qu'on veut ôter à ses canonniers leurs armes, et . cela met beaucoup de ' fermentation dans les esprits. Il serait à propos que l'Assemblée nationale prît le parti, ou par un considérant de décret, ou par une explication, de détruire les doutes qui se sont manifestés à cet égard. » Voilà ce que rçi'a dit la sentinelle; j'en réponds sur ma tête et sur mon honneur.
Plusieurs membres. La lecture !
(L'Assemblée ordonne la lecture de ce document.)
, secrétaire, donne lecture de ce document qui est ainsi conçu :
Les complots.
Avis à la garde nationale, du 7 juin.
« On occupe le public de complots qu'on suppose, quoiqu'ils ne puissent pas exister et cette supposition est elle-même un complot, qui doit se terminer par enlever le roi, et le livrer dans les départements du midi, à ce qu'on appelle l'armée marseillaise, c'est-à-dire aux hommes qui ont conduit Jourdan en triomphe dans Avignon. Voici la trame dé Cette intrigue. ,
« On profitera de ce qu'on a brûlé à Sèvres les mémoires de Mme Lamotté, pour dire que ce n'est pas là ce qu'on a brûlé; et comme on ne peut rien prouver sur des cendres, on assurera que ces cendres proviennent d'une proclamation du roi, par laquelle on assurera qu'il devait justifier le massacre d'un grand nombre de patriotes, après l'avoir fait exécuter par sa garde et par les aristocrates.
« On n'observera pas qu'au milieu de la garde nationale parisienne, dont nul complot ne peut ni ébranler le courage, ni vaincre la puissance, la garde du roi et les aristocrates, s'ils se fussent permis le moindre attentat, auraient été à l'instant écrasés.
« On n'observera point que le comble de l'absurdité, quand le roi ne serait pas l'ami de la Constitution, aurait été de se livrer à des violences qui auraient amené la destruction de tous ceux en faveur de qui on aurait voulu les commettre, et surtout avant qu'ils eussent pu recevoir aucun secours ' étranger. Nulle absurdité n'arrête, quand une fôis on a inspiré de l'inquiétude, et quand on profite des passions et des préventions qu'on a suscitées.
jt On s'est donné la facilité de supposer une correspondance, en s'assurant de la nouvelle administration des postes; car il n'y a rien de plus simple que, de faire mettre à la poste, chez l'étranger, des lettres qu'on a envoyées de Paris, qui paraissent adressées à des personnes intèr-médiaires, ou à celles mêmes qu on veut perdre, et de faire mettre à la poste de Paris, des réponses qui paraissent être ae ces intermédiaires qu'on veut faire croire employés. C'est un art usé. Il y a 18 ans qu'on a perdu M. Turgot, avec une correspondance ainsi supposée, qu'on a prolongée pendant 6 mois. On portait toutes les semaines au roi les lettres dont il n'y en avait pas une seule qui ne fût fabriquée à Paris, et qui n'arrivât très régulièrement par la poste.
On dira que la reine était du complot, qu'elle est en correspondance avec Vienne et Coblentz.
On a fait écrire dans des lettres de cette espèce, venant de Bruxelles et de Coblentz, qu'on est fort content du roi, qu'il fait plus qu'on n'en attendait.
« On osera dire qu'il a fait passer à Coblentz 80 millions, quoique la,forme de comptabilité, suivie depuis 3 ans, rende la chose absolument impossible ; que le roi n'ait pas, à beaucoup près, touché cette somme; qu'il ait été directement chargé de dépenses très considérables pour l'entretien de sa maison, et qu'il en ait fait beaucoup aussi pour donner du travail aux pauvres ouvriers, tellement que les vieux Augustins et d'autres édifices sont pleins de meubles qu'il a fait fabriquer, sang autre motif que d'aider à
subsister les citoyens dont la Révolution avait dérangé le commerce et les affaires.
« On osera dire qu'il a promis de céder aux Allemands l'Alsace et la Lorraine si l'on rétablissait l'ancien régime. On ne présentera aucune preuve ni même aucune vraisemblance de ces grands délits. Mais outre les lettres fabriquées d'une main et interceptées de l'autre, on aura quelques témoins, bien récusables, qui diront avoir vu des mouvements équivoques, avoir entendu de mauvais propos, avoir eu connaissance de la prétendue proclamation brûlée à Sèvres.
« On aura beau répondre qu'on ne fait pas imprimer d'avance une proclamation qui trahirait le crime, et un crime bien dangereux, pour ne pas dire impossible à commettre ; la force des raisons justificatives sera repoussée par les menaces des groupes, par le tumulte qu'on saura faire naître. On osera dire comme on a déjà osé imprimer, que pour accuser il ne faut point de preuves, et l'on tâchera d'obtenir contre la reine un décret d'accùsation.
« On veut mettre le roi dans cette rude alternative, ou de paraître complicev d'un délit dont on tâchera de pèrsuader l'existence, ou de donner lui-même l'ordre de faire arrêter sa compagne et la consolation de sa vie; on voudrait le porter à fuir pour pouvoir le frapper dans sa fuite. On sent que ce dessein peut être trompé par son courage, par son amour pour les tyrns citoyens, par sa confiance dans la garde nationale ; alors on veut pouvoir pousser tout à l'extrême et l'enlever^ on a préparé pour cela l'entrée de l'ennemi dans le royaume, en tenant les armées à la fois dans l'indiscipline et le dénuement.
« On a un général qui a témoigné un attachement inviolable à la Constitution, qui a lié son existence à la Révolution et à l'établissement de la liberté; on veut lui ôter le cofnmandément, on le fait calomnier dans les groupes.
« Si on ne peut le déplacer, du moins on le laisse ftvêc une très faible armée de moins de 25,000 hommes effectifs et manquant de tout : et si par tous ces moyens oh peut parvenir à nous procurer quelque grand revers, on s'en consolera par le plaisir de s'émparer de la personne du roi, et au prix d'une partie du royaume, de pouvoir établir dans l'autre une république.
« On criera que tout est perdu, qu'il faut éloigner le roi et on l'enverra, comme pour sa sûreté, au midi de la France.
« L'emmener hors de Paris, c'est là le point où l'on vise depuis longtemps. On sait que sa personne ne peut courir aucun danger au milieu ae la garde nationale parisienne, (l faut le conduire aune telle distance que cette garde, affectionnée à la Constitution, rie puisse le suivre, et qu'on puisse arriver aux départements où l'on a honoré du nom de gardes nationales les compagnons féroces de Mainvielle et de Jourdan.
« Peut-être suffira-t-il que ces projets soient connus, pour que la sagesse de l'Assemblée nationale les fasse échouer.
« Ce que j'en écris ici m'est très connu. Les renseignements que j'ai sont très authentiques. Je suis à portée de lire jusqu'au fond de l àme impie et scélérate des coupables. J'en connais trop bien la noirceur pour me nommer encore, et je sais trop bien qu'ils n'oseraient me tuer eux-mêmes, mais ils me feraient assassiner ; d'ailleurs, je yeux pouvoir continuer de suivre la marche de leurs complots, et s'ils n'y renoncent
pas, je me dévouerai sans regret à la chose publique.
« Signé : H..., « Citoyen actif. »
Je demande le renvoi dé ces pièces aux comités de législation et de surveillance réunis, parce qu'il faut faire un exemple vraiment effrayant de ces scélérats qui calomnient si impudemment le Corps législatif qui, de tout temps, a eu la plus grande confiance dans la garde nationale parisienne.
(L'Assemblée renvoie les pièces aux comités de législation et de surveillance réunis.) «
Une députation de citoyens de la section de l'Hô-tel-de-Ville est admise à la barre. Ils offrent à la patrie 48 livres en or; 355 liv. 14 s. en espèces; 3,247 livres en assignats. Ils jurent de soutenir la guerre de toute leur fortune et de verser jusqu'à la dernière goutte de leur sang. {Applaudissements.)
accorde à la députation les honneurs de la séance.
Une députation des dames de la Halle de Paris est admise à la barre. Elles offrent à la patrie 128 livres en assignats ou billets de confiance et 2 livres en monnaie. Elles demandent en outre l'examen du bail emphytéotique qui a été concédé au sieur Courvoisier, en vertu duquel il est autorisé à placer exclusivement des parasols sur le marché des Innocents et quartier des Halles.
accorde à la députation les honneurs de la séance.
(L'Assemblée renvoie la pétition au comité des domaines.)
M. Martinet, curé de la paroisse de Bruys, est admis à la barre, accompagné de son épouse, lilarie-Marguerite Gilbert. Il offre à la patrie un cœur et une croix d'or. « Je n'ai d'autre intention, en me mariant, dit-il, que de donner des enfants à Dieu et des citoyens à la patrie. » (Ap-^ plaudissements.)
accorde à M. Martinet et à son épouse les honneurs de la séance.
Des citoyens, gardes nationaux et pétitionnaires de Paris sont admis à la barre et offrent à la patrie 129 h 15 s. en assignats.
accorde à ces citoyens les honneurs de la séance.
annonce que les administrateurs du directoire du département de la Sarthe et employés de l'administration envoient en assignats ou billets de confiance 1,334 1. 12 s. 6 d. (Applaudissements.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre du sieur Poullain, commissaire du roi à Les-neven, qui promet, par sa lettre du 6 juin 1792 de payer 150 livres par an, pendant la durée de la guerre, à prendre sur son traitement. (Applaudissements . )
(L'Assemblée accepte toutes ces offrandes et en décrète la mention honorable au procès-verbal dont un extrait sera remis aux donateurs.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres suivantes :
1° Lettre de M. Salmon, citoyen de la section des Tuileries, qui déclare que c'est inconsidérément qu'il a signé la pétition qui fut présentée
par le sieur Vasselin (1) pour demander un décret d'accUsation contre le ministre de la guerre,
?our avoir proposé le rassemblement autour de aris, de 20,000 gardes nationales. 11 annonce qu'il a été trompé par le témoignage de 5 ou b personnes qui lui ont attesté qu'elle n'avait rien que de très constitutionnel.
(L'Assemblée renvoie cette lettre aux comités de législation et de surveillance réunis.)
2* Lettre de M. Servan, ministre de la guerre, accompagnant copie d'une lettre du sieur Victor Broglie, et une pétition qui a été présentée par tous les officiers du camp d'Hasingen, au sieur Daiguillon, leur commandant, pour que le payement de leur solde et traitement leur soit fait deux tiers en espèces et un tiers en assignats.
(L'Assemblée renvoie cette lettre aux comités de l'ordinaire, de l'extraordinaire des finances et militaire réunis.) ...
Une députation de citoyens de la section du Luxembourg est admise à la barre.
L'orateur de la députation donne lecture de l'adresse suivante (2) :
« Législateurs,
« Les ennemis de la liberté et de la Constitution française s'agitent dans tous les sens ; ils cherchent à troubler l'ordre et la tranquillité publics.
«. Un grand nombre de placards incendiaires sont dirigés depuis longtemps, pour exciter une division entre les çitoyens assez, riches pour avoir des habits uniformes et ceux qui ne sont pas assez fortunés pour en acheter.
« Dans ce moment, les murs de la capitale sont couverts d'une affiche sortie des presses du trop célèbre député de Nemours, dans laquelle un citoyen garde national affecte, au nom de la Constitution qu'il injurie, d'exciter la garde nationale contre l'Assemblée. Nos ennemis le savent, le salut de la capitale et son influence sur l'Empire français est tout entier dans la force et l'harmonie de la garde nationale parisienne, aussi est-ce vers ce citoyen patriote, vers ce pilier de la Constitution française que, sous le masque de l'amour de la tranquillité publique, ils dirigent toutes leurs manœuvres, cherchent à le diviser et par cette division à nous replonger dans l'anarchie.
« N'en doutons point, la garde nationale ouvrira les yeux, elle verra le piège grossier tendu sous ses pas, quelques-uns de nos frères d'armes peuvent être égarés, mais cet égarement momentané n'aura aucune influence sur la totalité et, bientôt, nous pouvons l'assurer, nous les verrons adjurant leur erreur, s'empresser de se réunir à leurs frères d'armes dont ils rougiront d'avoir cessé un moment de partager les sentiments.
« Nous savons que des malintentionnés, nous voulons dire ces hommes qui se rassemblent dans
un des angles du Palais-Royal, ces hommes qui étaiént coalisés avec le juge de paix La
Rivière, et qui sont d'autant plus à craindre crue la Constitution est continuellement sur
leurs lèvres lorsque tous leurs mouvements n'ont d'autre but que l'établissement dès deux
Chambres et
(Suivent les signatures.)
Un citoyen, membre de la députation, demande à lire une pétition qui a pour objet de représenter, les inconvénients résultant de la présence des gardes nationales aux cérémonies publiques du culte catholique.
(L'Assemblée refuse d'entendre la lecture de cette pétition.)
répond à la députation et lui accorde les honneurs ae la séance.
(L'Assemblée renvoie la première pétition aux comités de législation et ae surveillance réunis et passe à l'ordre du jour sur la seconde.)
Un membre propose de charger le comité d'ins-tructiou publique de présenter un projet d'adresse aux citoyens, propre à calmer les esprits qu'on cherche a égarer, en leur expliquant les motifs qui ont fait adopter le décret qui ordonne le rassemblement de 20,000 gardes nationales.
Je suis persuadé que le meilleur moyèn de déjouer les intrigues des malveillants est d'éclairer les citoyens qu'on cherche à égarer^ par des placards et dont plusieurs n'ont signé la pétition qué parce qu'ils avaient été induits en erreur. Je demande que le comité militaire soit chargé de faire une proclamation au nom du Corps législatif.
Plusieurs membres : L'ordre du jourl
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour sur les deux propositions.)
Un membre : Je demande que les comités de législation et de surveillance fassent, sous deux jours, leur rapport sur les diverses pièces qui leur ont été renvoyées et ciui sont relatives à la demande du rapport du décret qui ordonne le rassemblement ae 20,000 gardes nationales.
(L'Assemblée décrète cette motion,)
, au nom des comités militaire et de Vordinaire des finances réunis, fait un rap-
port (1) et présente un projet de décret sur le payement au loyer des casernes de la garde nationale soldée de Paris ; il s'exprime ainsi :
Messieurs, vous avez renvoyé à vos comités militaire et de l'ordinaire des finances une lettre du ministre de l'intérieur, qui sollicite de l'Assemblée nationale un décret pour autoriser le payement, sur le Trésor public, des sommes dues pour le loyer des casernes de la garde parisienne soldée.
Vos comités n'ont pas hésité à reconnaître la légitimité de cette dette ; ils ont vu que l'Assemblée constituante avait constamment regardé la garde parisienne soldée comme une force publique nationale, et, qu'en conséquence, plusieurs décrets avaient été rendus pour faire acquitter par le Trésor public les dépenses de cette garde.
Les commissaires au département de la garde nationale ont présenté, a la municipalité de Paris, l'état par eux arrêté des sommes dues pour les loyers des casernes. Cet état est sous nos yeux ; il a été vérifié par vos comités, après avoir été certifié par la municipalité et par le. ministre de l'intérieur. On avait demandé à la municipalité les titres justificatifs des créances; mais le ministre de l'intérieur observe que ces titres ne peuvent être que des baux, et qu'il y aurait de l'inconvénient à les déplacer. Le principe est donc reconnu et décrété; toutes les formalités ont été remplies ; il est de toute justice de payer cette dette. Voici le projet de décret : « L'Assemblée nationale considérant que |es dépenses de la garde parisienne soldée doivent être, d'après un décret de l'Assemblée nationale constituante du 28 juillet 1791, considérées comme dépenses nationales et acquittées par le Trésor public, décrète cè qui suit :
« Art. 1er. La Trésorerie nationale tiendra à la disposition du
ministre de l'intérieur, sous sa responsabilité, la somme de 170,415 livres pour être
employée au payement des casernes ae la garde soldée parisienne, suivant l'état annexé au
présent décret.
« Art. 2. Le loyer de la caserne, rue Mélée, n° 29, qui, à dater du 1er janvier 1792, est Occupée par la vingt-neuvième division de la gendarmerie nationale, et dont le bail courra jusqu'au temps de soi! expiration, sera acquitté par le département de Paris, conformément à ce qui est prescrit par l'article 7 du titre IV de la loi du 16 février 1791. »
(L'Assemblée ordonne l'impression du rapport et du projet de décret et ajourne la discussion.)
, au nom du comité de Vordinaire des finances, fait un rapport et présente un projet de décret portant établissement d'un payeur général et d'un contrôleur des dépenses pour l'armée du Midi; il s'exprime ainsi :
Messieurs, lorsque j'ai eu l'honneur de vous proposer le projet ae décret que vous avez
adopté, pour autoriser la Trésorerie nationale à nommer des payeurs et des contrôleurs
généraux pour les 3 armées du Nord (2),i' Celle du Midi n'était pas encore rassemblée ; les
circonstances et les mouvements militaires dont vous avez eu connaissance dans les états du
roi de
Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, considérant que l'économie des dépenses et l'ordre de la comptabilité exigent qu'il soit incessamment nommé un payeur général et un contrôleur des dépenses de 1 armée du Midi, décrète qu'il y a urgence ».
Décret définitif.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété
l'urgence, décrète : « 1° Qu'il y aura un payeur général et un contrôleur des dépenses pour l'armée du Midi;
* 2* Que la Trésorerie nationale nommera ce payeur et un contrôleur des dépenses, conformément aux dispositions du décret du 27 avril, relatif aux payeurs généraux et aux contrôleurs des dépenses des armées du Nord.
« 3° Que le payeur général et le contrôleur des dépenses de l'armée du Midi jouiront des mêmes traitements que Ceux des armées du Nord, et se conformeront pour leur service et leur comptabilté aux dispositions du même décret. »
(L'Assemblée adopte le décret d'urgence puis le décret définitif).
, au nom du comité militaire, fait un rapport et présente un projet de décret sur la réclamation de plusiéurs indiyidus du régiment d'artillerie des colonies ; \\ s'exprime ainsi; :
Messieurs, le ministre de la guerre a demandé à l'Assemblée nationale, le 5 de ce mois qu'elle voulût bien l'autoriser à faire procéder au remplacement des emplois vacants dans le régiments d'artillerie des colonies, suspendu par plusieurs circonstances depuis plus de 2 ans.
Cette demandé, Messieurs, a été renvoyée à votre comité militaire, ainsi que l'opinion de plusieurs officiers généraux composant le comité central de la guerre, sur le service de l'artillerie des'colonies. Votre comité, qui l'a examinée, m'a chargé de vous présenter le projet de décret suivant :
Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité militaire, sur les réclamations de plusieurs individus au régiment d'artillerie des colonies, qui lui ont été exposées par le ministre de la guerre, le & de ce mois;
« Considérant que plusieurs circonstances ont empêché que les emplois qui ont vaqué successivement dans le régiment d'artillerie des colonies, depuis plus de 2 ans, aient pu être remplacés jusqu'à ce jour;
« Considérant qu'il est juste que ceux qui, auraient dû être pourvus ae ces emplois aux
différentes époques de leurs vacances, ne souffrent pas plus longtemps de ce retard à leur
« Considérant enfin que plusieurs compagnies de ce régiment sont à la veille de s'embarquer, et qu'il est indispensablement nécessaire pour l'utilité du service que tous les emplois d'un régiment soient remplis; décrète qu'il y a urgence.
Décret définitif. ,
» L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« Le roi donnera tous les ordres nécessaires pour qu'il soit procédé sans délai au remplacement de tous les emplois vacants dans le régiment d'artillerie des colonies.
Art. 2.
« La place d'inspecteur général, vacante par la démission du sieur Moulon, ne sera point remplie jusqu'à l'organisation définitive de l'artillerie des oolonies.
Art. 3.
« Les officiers du régiment d'artillerie des colonies ne rouleront plus pour leur avancement sur la brigade seule à laquelle ils sont attachés, mais sur la totalité du régiment,
Art. 4.
« Les remplacements seront faits conformément au mode prescrit par la loi du 27 avril 1791, relative à 1 avancement du corps de l'artillerie de terre, en observant que les sous-officiers et soldats ne rouleront que sur la: totalité des compagnies qui se trouveront réunies dans les mêmes départements.
Art. 5.
» Les officiers qui monteront à des emplois vacants antérieurement au 1er avril 1791, seront censés en avoir été pourvus à cette époque du 1er avril. Les brevets des autres auront la date de vacance des emplois.
Art. 6.
« Ils seront rappelés de Ces mêmes époques, pour le payement des appointements dont ils auraient dû jouir. .
« Il en sera de même des sous-officiers, caporaux et soldats. >
(L'Assemblée adopte le décret d'urgence, puis le décret définitif.)
, au nom du comité militaire, fait un rapport et présente un projet de décret relatif au rang que doivent occuper les officiers nouvellement promus aux différents grades. Le projet de décret est ainsi conçu :
I Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, considérant que les difficultés qui s'élèvent aujourd'hui dans l'armée au sujet du rang que doivent occuper les officiers nouvellement promus dans les différents
grades, jettent dans les esprits de l'incertitude, et laissent dàns le service une inquiétude qu'il est instant de faire cesser, décrète qu'il y a urgence.
Décret définitif.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
« Art. 1er. Le rang des capitainés ou lieutenants continuera
d'être réglé, ainsi qu'il a été prescrit par les articles 4 et 7 du décret du 1" août 1791.
« Art. 2. Lorsque plusieurs sous-lieutenants auront des brevets de même date, ils prendront rang entre eux dans l'ordre suivant :
« 1° Les sous-lieutenants pris parmi les officiers réformés ou retirés ; ^ « 2° Les sous-lieutenants pris parmi les officiers du corps ;
3° Les sous-lieutenants pris parmi les volontaires nationaux;
« 4° Les sous-lieutenants pris parmi les gardes nationales. »
, rapportèur, donne lecture du décret d'urgence, puis de l'article 1er qui sont adoptés sauf rédaction; : Il donne ensuite lecture de l'articlé 2 qui est ainsi conçu :
« Lorsque plusieurs sous-lieutenants auront des brevets de même date, ils prendront rang entre eux dans l'ordre suivant :
« 1° Les sous-liéutenants pris parmi les officiers réformés ou retirés;
« 2° Les sous-lieutènants pris parmi les officiers du corps ;
« 3° Les sous-lieutenants pris parmi les volontaires nationaux ; ,,« 4° Les sous-lieutenants pris parmi les gardes nationales. »
Je demande que l'Assemblée nationale décrète que les officiers nouvellement promus prendront rang entre eux du jour de leur arrivée au corps. Cela me paraît d'autant plus juste, que je connais des ,officiers qui ont été nommés,; et qui se sont rendus su^-le-champ à leur corps, tandis que d'autres profitaient d'un délai d'un mois que lç^ir accorde ,Ja, [pi, et ! cer pendant prenaient rang sur ceux arrivés ^yant eux.
J'observç à l'Assemblée que, si l'on adoptait la proposition de M. Delacroix, tellé qu'elle a été proposée, on commettrait une injustice., En effet, un, citoyen peut recevoir avis du ministre de la guerre qu'il a été nommé officier à 10 lieues c(e sa résidence, tandis qu'un autre recevrait une même lettre d'avis pour se rendre au même corps, dont il serait éloigné de 2GQ, lieues. Il faudrait donc accorder à ce dernier lé temps nécessaire pour sç rendre à son corps.
, rapporteur. L'Observation1 de M. Hébert est très juste; ainsi je demandé que l'on adopte la proposition de M.' Delacroix éauf rédaction; et demain on vôjisprôposera uiie rédaction qui puisse satisfaire t»utes; les opinions.
(L'Assemblée adopte l'amendement de M. Delacroix, puis l'articlé 2 sauf rédaction.)''
De jeunès citoyens nommés à des gradés de sous-lieutenants sont restés 2, et même 3 mois, sans emploi dans la garnison, parce que les colonels ne voulaient pas les faire
reconnaître à la tête dju régiment sans avoir, léur brevet, et que les brevets n'arrivaient point. Pour cétte raison ;on leur a fait des difficultés sur leur paye. Je propose de décréter que les officiers toucheront leur paye, à compter du jour de leur arrivée à leur régiment. Cela est d'autant plus juste, que la paye que je réclame pour eUx, n'a été touchée par personne, puisque les placés qu'ils allaient remplir étaient vacantes.
Un membre propose qu'il soit accordé aux officiers nouvellement promus une somme dér terminée pour les indemniser des frais de leur voyage.
(L'Assemblée renvoie ces deux propositions au comité militaire pour en faire le rapport dans la séance de demain et présenter l'entière rédaction du décret.) (1)* ,
Un membre expose qu'un grand nombre de militaires en activité de service, qui ont changé de garnison, ne peuvent pas obtenir de la municipalité de leur résidence actuelle les certificats de résidence exigés au Trésor public, pour: recevoir les remboursements qui leur sont dus. 11 demande que le/ comité'; militaire présente incessamment le mode d'après lequel les militaires en activité, de service, seront tenus de justifier de leur résidence en France. (L'Assemblée décrète cette proposition.) '
, au nom du comité militaire, soumet à la discussion lès approvisionnements militaires ffiï cè prèjjet dé décret est ainsi conçu : H '
Décret d'urgence.
«u L'Assemblée nationale, considérant que l'un de ses premiers Revoirs est de déraciner les abus qui existent encore dans les différentes brancheô de radihini'stratiôn militaire èt d'assurer, par une exacte surveillance» Je service dès armées; considérant encore que les lois faites jusqu'à, ce jour étant insuffisantes pour préveUir; répjriméi: ou punircësjabus, il est instant d'y pourvoir, décrète qu'il'y a urgence.
Décret définitif, '
L'Assemblée nationale, après avoir1 entendu lé rapport de son comitéj militaire et décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
« Art. 1er. Les citoyens employés dans l'armée en qualité de
commissairés des guerres, d'offi-ciers, de sous-officiers ou de soldats, ou dans les bureaux
du ministère, en quelque qualité que ce soit, ne i pourront, isous aucun prétexte, prendre,
nii-directement, ni indirectement, aucune part, à la fourniture des approvisionnements
militaires. Celui qui sera convaincu d'avoir quelque intérêt à l'une des régies ou
entreprises desdits approvisionnements sera destitué de son emploi condamné par une cour
martiale à 10 ans de gêne , et déclaré indigne d'être jamais employé dans aucune des parties
de l'administration de l'Empire.
. « Art- 2. Tout commissaire des guerres, officier, sôus-officier ou soldat, ainsi que tout
employé dans les.bureaux du ministère, qui sera convaincu d'avoir reçu des étrennes,
gratifica-
« Art. 3. Tout citoyen chargé par le gouvernement de recevoir des approvisionnements militaires qui sera convaincu d'avoir usé d'une indulgence coupable, soit en ne dénonçant pas la mauvaise qualité des fournitures, soit en n'obligeant point les fournisseurs à faire leurs livraisons aux époques de leurs engagements, sera considéré comme agent infidèle, et comme tel, puni de 12 ans de fers.
« Art. 4. Tout citoyen chargé par le gouvernement de la garde d'un magasin et qui, lors des. demandes qui lui en seront faites, rendra un compte faux des objets qui y sont renfermés, sera puni de 10 ans de fers.
« Art. 5. Tout citoyen chargé par le gouvernement de la garde d'un magasin et qui, par négligence, aura laissé gâter ou dépérir les objets qui y seront renfermés, sera considéré comme dépositaire infidèle, et comme tel, puni de 12 ans ae fers.
« Art. 6. Tout citoyen chargé par le gouvernement de la garde d'un magasin, et qui laissera soustraire quelques-uns des approvisionnements qui y seront renfermés, sera considéré comme sil avait détourné lui-même lésdits effets, et comme tel, puni de 15 ans de fers.
« Art. 7. Les adjudicataires d'approvisionnements militaires, ainsi que les Soumissionnaires pour les mêmes objets seront tenus de déposer entre les mains d'uq notaire public, pour la sûreté du service, des effets dont la valeur sera égale au quart au moins de leur traité. Dans le cas où ils n'exécuteront pas exactement leurs traités, le dépôt qu'ils auront fait appartiendra à l'Etat. Ils seront eh outre criminellement poursuivis s'il apparaît de leur conduite qu'ils ont méchamment négligé de faire les fournitures auxquelles ils s'étaient engagés; et pour la réparation du délit, ils seront condamnés aux fers pour un temps qui ne pourra être moindre de 3 ans et excéder 15.
« Art. 8. Tout sous-traité qni n'aura pas été annoncé ou autorisé lors de l'adjudication primitive rendra le principal traité nul, et l'Etat sera de plein droit substitué au principal traitant.
« Art. 9. Les rachats de rations, tant de vivres que de fourrages* qui n'auront pas été autorisés par une loi ou un règlement, seront punis, tant sur les fournisseurs que sur les militaires ou autre agents, par voie de la police correctionnelle, d';une' détention aux fers qui ne pourra être moindre de 3 ans.
« Art. 10. Tout garde-magasin ou adjudicataire qui sera convaincu d'avoir exigé dés citoyens au delà des termes exprès de leur traité sera considéré comme concussionnaire, et comme tel, puni de 6 ans de fers.
, rapporteur donne lecture du décret d'urgence puis des articles 1 et 2 qui sont adoptés sauf rédaction.
, rapporteur, donne lecture de l'article 3 qui est ainsi conçu :
« Tout citoyen chargé par le gouvernement de recevoir des approvisionnements militaires, qui sera convaincu d'avoir usé d'une indulgence coupable, soit en ne dénonçant pas la mauvaise qualité des fournitures, soit en n'obligeant point les fournisseurs à faire leurs livraisons aux époques de leurs engagements, sera considéré comme agent infidèle, et comme tel, puni de 12 ans de fers. >
Plusieurs membres : La question préalable.
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'article 3).
, rapporteur, donne lecture de l'article 4, qui devient article 3, et qui est ainsi conçu :
Art. 3 (ancien art. 4).
Tout citoyen chargé par lè gouvernement de la garde d'un magasin et qui, lors des demandesui lui en seront faites, rendra un compte fauxes objets qui y sont renfermés, sera puni de 10 ans de fers.
[L'Assemblée adopte l'article 3 (ancien article 4), sauf rédaction]. .
rapporteur, donne lecture de l'article 5, qui devient article 4, et qui est ainsi conçu :
Art. 4 (ancien art. 5).
« Tout citoyen chargé par le gouvernement delà garde d'un magasin et qui, par négligence, aura laissé gâter ou dépérir les objets qui y seront renfermés, sera considéré comme dépositaire infidèle, et comme tel, puni de 12ans de fers. »
Plusieurs membres demandent qUe cet article et les suivants soient renvoyés aux comités militaire et de législation réunis, qui seront chargés de présenter incessamment la rédaction des articles décrétés et un nouveau projet de décret pour les articles qui leur sont renvoyés.
(L'Assemblée décrète cette proposition.)
Voici le résultat du scrutin pour la nomination d'un Vice-Président. Le nombre des votants était de 404. Personne n'ayant obtenu la majorité absolue des suffrages,
11 sera procédé demain au second tour de scrutin.
Une députation de 22 citoyens du bataillon de Saint-Laurent est admise à la barre (1).
, orateur de la députation, s'exprime ainsi :
Messieurs, nous sommes des citoyens de la capitale, domiciliés dans l'étendue du bataillon de Saint-Laurent. Nous venons assurer l'Assemblée nationale de notre profond respect pour ses décrets, désavouer la pétition faite hier au nom de la garde nationale parisienne (1). (Applaudissements.> Accoutumés, Messieurs, à ne prendre d'autre guide dans nos actions que notre patriotisme, aucun de nous n'est tombé dans le piège tendu à la garde nationale, par les ennemis ae laRévolution. (Applaudissements dans les tribunes.) En signant cette infâme adresse, dont le but était, à nos yeux, un moyen abominable pour chercher à avilir le Corps législatif et dégoûter le ministre patriote qui a proposé la sage mesure adoptée par l'Assemblée, pour effrayer les contre-révolutionnaires rassemblés depuis peu dans cette capitale ; la crainte d'être confondus avec les mauvais citoyens qui ont ourdi ou cherché à faire réussir leurs complots, nous a imposé la nécessité de faire connaître promptement au .corps législatif la pureté de notre conduite, et de lui renouveler notre obéissance à toute les autorités constituées : nous avons encore eu en vue dé provoquer la sévérité de l'Assemblée contre les auteurs et fauteurs de cette adresse perfide que nous annonçons avoir été envoyée à notre bataillon, par le sieur Guyon, adjudant général de la troisième légion, et que dans cette manœuvre, notre adjudant a continué de donner des preuves de son vrai patriotisme. Nous,dénonçons donc à l'Assemblée le sieur Guyon, adjudant de la troisième légion, pour avoir samedi 9 juin dernier à une heure après midi à l'occasion de ses fonctions, et en donnant l'ordre, fait passer à tous les capitaines de notre bataillon» et à tous ceux de la légion une de ces adresses avec une lettre circulaire, imprimée sans signatures, portant l'invitation de faire signer cette adresse par le plus de citoyens possible, et de renvoyer le tout le lendemain avant 8 heures au secrétariat de l'état-major, moteur visible de ces nouveaux troubles : nous dénonçons. encore le sieur Guyon pour avoir, à l'oc-casion de ses fonctions et en donnant l'ordre, distribué la semaine dernière, deux jours de suite à notre adjudant, des libellés intitulés : Les complots : Avis à la garde nationale (2), et d'avoir beaucoup engagé notre adjudant à les distribuer dans notre bataillon, Nous prions l'Assemblée nationale de faire un acte éclatant de justice de cet officier pervers et de tous peux de notre état-major qui lui ressemblent. Nous offrons de déposer sur le bureau de l'Assemblée un exemplaire tant de cette adresse, que des libellés ci-dessus. Nous la prions d'être assurée de notre disposition pour combattre les ennemis de la Révolution.
- (L'orateur dépose sur le bureau le pamphlet intitulé Les complots : Avis à la garde nationale, ainsi que la pétition dite des 8,000 et la lettre circulaire qui y était jointe.)
répond à la députation et lui accordé les honneurs de la séance.
(L'Assemblée renvoie les pièces aux comités de législation et de surveillance réunis.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion (1) du projet de décret, du comité féodal concernant la suppression, sans indemnité, de divers droits féodaux déclarés rachetables par le décret du 15 mars 1790.
Avant d'entamer cette discussion, je demande la parole pour un rapport du comité militaire.
(L'Assemblée décrète que M. Mathieu Dumas sera entendu.)
, au nom du comité militaire, fait un rapport (2) et présente un projet de décret (2) concernant la réunion des compagnies de mineurs au corps du génie ; il s'exprime ainsi :
Messieurs, je suis chargé par votre comité militaire de soumettre à votre discussion une question fort importante, déjà plusieurs fois agitée entre les officiers les plus instruits, ceux de l'artillerie et du génie, quëstiôn toujours écartée par la chaleur même et la durée des débats, toujours reproduite par la force des circonstances, et qu il faut enfin résoudre pour complétër et perfectionner l'organisation de nos moyen de défense. La réunion des compagnies de mineurs au corps du génie vous a été proposée par le roi au mois de février dernier, et vous avez chargé votre comité militaire d'en examiner les motifs qui étaient résumés dans la lettre du ministre de la guerre. Votre comité, Messieurs,' n'a pas cru devoir vùus présenter cet objet avant de l'avoir profondément examiné sous tous ses rapports, et dans toutes ses conséquences. En Vous présentant ce résultat{ je me resserrerai dans les limites les plus étroites de cette intéressante question. J'aurai prouvé la nécessité urgente des dispositions qui vous sont proposées et celles de l'augmentation et de la nouvelle organisation des compagnies dé mineurs, ou plutôt la nouvelle création de compagnies attachées au corps du génie, si je prouve à la fois, par les principes et par les faits, les inconvénients de la séparation actuelle des mineurs, et les avantages qui doivent résulter de la réunion de ces deux services.
Passant ensuite de la question particulière de la réunion de cette troupe à l'indispensable nécessité de l'adj onction d'une troupe quelconque au corps du génie, j'aurai surabondamment prouvé la convenance des dispositions qui vous sont proposées par votre comité.
J'appliquerai les principes aux circonstances et à nos nésoins actuels, et j'en conclurai que la formation et l'organisation des compagnies du génie, est un complément indispensable à nos moyens de défense.
Vous trouverez, Messieurs, dans le détail des fonctions et du sèrvice des compagnies de géniè, les motifs de l'économie la plus certaine et la plus profitable, quelques considérations morales se joignent à ces considérations économiques, par elles trouvent nécessairement leur place dans toute institution sage et bien combinée.
L'art des minés est une partie intégrante de l'art des fortifications, et il ne peut en
être séparé, sans qu'il s'ensuive un affaiblissement sensible pour l'un et pour l'autre.
Comment concevoir, en effet, que l'on puisse balancer l'équi-.
Sans doute, l'art des mines, susceptible d'une infinité de cotybinaisonsdans le tracé et l'exé-cdtioii de ses moyens, exige d'autrés connaissances (jué celles de. l'attaque èt de la défense des places'; mais toujours est-il vrai que celles-ci en forment la basé, et qu'il n'y a pbint d'officier du (génie qui n'ait un grand avantage pour se perfectionner par l'expérience dans l'art des mines ; il n'y a point ici de Réciprocité, èt pour l'établir entre les officiels du génie' et çëux dés miilèurs, il faut d'abord rendre leurs connaissances semblables, leur expérience commune'.
Lé'çorps de l'artillerie a toujours considéré l'adjonction des mineurs à celui du génie, comme un démembrement de ses attributions. Par uhe suite de la déférence que méritaiejrttles lumières des ofeciers les,plus Expérimentés de cettéatmé, on a ménagé mêmé leurs préjugés. Toutes les fois qu'ils ont cru pouvoir, retarder l'opération salutaire qUi lés blessait, ils ont proposé lâ. réu-niop ou plutôt la confusion dés deux corps de l'artillerie et du génie. Ce moyen dilatoire sera peut-étré\èncOre employé, niais il est temps de franchir tou? ces obstacles ; il est; temps de reconnaître que les éléments^de Içt 'scienèe de la guerre et l'expérience du éucc'è$ në laissent au-cûndôuté sur l'utilité dè l;à Séparation des corps dé rartillërié et du génie, que c'est à. l'honorable rivalité dè talents qui existe éïitréèiix, que nous devons les, progrès dè fart et la supériorité de leur service. En mit,, il n'est aucunedes opérations' deguèrre dans laquelle les deux corps agissent ensemble, ,dù la distinction de leqrs fdhQtions ne sditiiéçpS'sairë àù sUbcès surtout; dans la ènerre de siégé, c'est dçiasépârâ-.fondes travaux;de.r#rtilleriê' et d,il génie que naît la discqssioli, et ré 'con'èerf tiëcèssaire entre lé tra,çé, et, la direction; jiës ' attaques, et l'emplacement et lés eifèts dé'1 l'làrtïilér!ië, dont' auêun agent, aucun individu, aucune! machiné,'*né sont employéS iffifnédiateinérit; par les1/officiers du géhiè. Les seuls minèurs 'et ^apeurs sont conduis par çès officiers, qui rtè! 'peuvent faire un pas' sans. ée servir'd edx, qui/déterminent, presseht,ralentjs$ent leurs iravanxr suivant les circonstaiiées et;,suivâfyt'lëprogrès,dé^ attaques. Ces vérités résultant si éviaemmëht délatiâ-tiire fier 'fàoaés'et "'fl'ésTè^IèâPdé' l'art'fortifiant. | que je ne ne m'y arrêterai pas plus longtemps; les principales; objections, .qui. ont, ,ét£, iaites, n'atteignent pas les principes queje yiens d'exposer, on s'est principalement appuyé : . . 1 Sur ce que l'agent principal du métier des
mineurs est le même que celui des armes de l'artillerie;
1 Sur ce que lès services que les mineurs peuvent rendre à la guerre, dans les places où il n'existe pas de mines, dans les parcs et dans les travaux de campagne, rendent indispensable leur réunion avec l'artillerie.1
La première de ces objections est trop futile, pour qu'on s'y arrête et la seconde est prévue par la proposition d'attacher des compagnies an corps du génie, afin que les officiers qui ont le plus solidement étudié lés principes dè l'art dè la guerre, ne restent pas isolés, sans action, 'dépOilrvUs de coopérateurs, quand la fécondité de leurs ressources pourrait être si profitable.
En''effet, Messieurs,s si l'on considère cette institution, SOit en état de paix, soit en état de guerre, soit dans 'les opérations de campagne ouverte* soit dans leé sièges, on voit combien il est nécessaire de donner au cOrps du génie les çoopérateurs sans lesquels on est obligé de se servir d'hommes pris au hasard, alternant journellement et qui, la plupart, sont dépoùvus de l'exercice et de l'aptitude nécessaires pour ce genre de travaux, Ou qui, s'ils sont choisis parmi lès plusfintéliigents,affaiblissentla ligne et privent les compagnies des hommes les plus utiles.
L'ôpinion de M. de Vauban devrait nous dispenser dé cette discussioni il avait senti l'utilité ae l'indépendance du èorps du génie, pour tous les moyens d'exécuter les travaux qu'il dirigé, il sollicitait prèssamment la formation d'uÙe troupe de sapeurs-Ouvriers. On sait jusqu'à quel point le génie de ce grand homme alluma l'envie et combien de ministres despotes contrarièrent ses grandes vues. On ne peut encore aujourd'hui produire de nouvelles idées, non seulement sur l'art fortifiant, mais encore sur les grandes communications, sur les moyens généraux de prospérité publique, qui n'aient été développées ou du moins conçues par ce grànd homme. Votre comité, Méssieurs, s'appuie donc avec confiance sur cette autorité, les mêmes inconvénients dont Vauban se plaignait, dès Je temps du siège de Philisbotirg, existent encore aujourd'hui | les officiers dii génie manquent de bras; ils se rendent importuns quand ils obtiennent d'attacher à leurs brigades le nombre dè sergents et de soldats d'élite nécessaire, et au lieu de l'utilité joùrnâlière, dont ils pourraient être dans le Cours de la campagne, en déployant lès moyens dont l'habitude de l'industrie multiplie lés ressources, leurs manœuvres restent négligées ou1 imparfaites.
La réunion des officiers des mineurs à ceux du génie, en même temps qu'elle est' avantageuse'aux premiers, remplit aussi le vide qui se trouve dans le corps du &énie et sur lequel les précédents ministres de la guerre vous ont fait de: justes et pressantes observations; ils vous ont informé que 60 officiers du génie, distribués en plusieurs brigades, ont été particulièrement affectés au service des différentes armées, et qu'indépendamment, du vide occasionné .par la formation, de ces brigades,; un grand nombre, dé retraites au moment de la nouvelle formation dii èorpsi ef depuis, quelques démissions, ont tellement affaibli ses moyens, que l'exécution des travaux des- fortifications des places en éprouve un ralentissement très.préjudiciable.
Les 30 compagnies - de soldats du génie, dont votre comité vous propose la formation, seront utilement employées dans les places aux sôiiis
économiques des constructions et de l'entretien des bâtiments et aux travaux conservateurs.
C'est ici que trouvent leur place les motifs d'économie qui viennent à l'appui des considérations que j'ai déjà fait valoir ; la surveillance des officiers du génie ne pouvant se multiplier1 sur tous les points où elle serait nécessaire ; de ces objets échappés s'ensuivent quelquefois des réparations sérieuses qui n'eussent exigé, dans le principe, que de petits soins journaliers. Des racines accélèrent la ruine des revêtements, des eaux mal détournées imbibent les terres des, remparts, et pourrissent les maçonileries, la bonne tenue des gazonnements contribue, sensiblement à la conservation des masses, et quand il s'agit de mettre les places en état dé défense, les moyens de tenue (nous l'éprouVohs én ce moment) exigent tout à coup des dépenses très considérables. L'intérêt des entrepreneurs des fortifications est de faire naître des motifs de dépenses et de les grossir, et ïe seul moyen de les prévenir est d'y employer une troupe par un service régulier. Aussi, Messieurs, quoique le résultat des calculs faits par votre comité vous présente une augmentation dé 240,000 livres de dépenses de plus, pour 800 hommes d'augmentation nécessaires à la formation dés 30 compagnies sur le pied de paix, il vous présenté en effet, une économie réelle très considérable, que l'on peut évaluer, dès ce moment, sur l'apërçu des tableaux des mêmës réparations de nos places, à une valeur plus que double dé la nouvelle dépense, et qui ne saurait être calculée pour l'avénir.
A toutes ces raisons d'utilité et de bonné administration, Se joint l'avantage delà réunion de l'Ecole des mines à celle du génie; vous remarquerez avec plaisir sans doute que; votre comité y trouve un moyen de répandre l'ihstrûction la plus précieuse et la plus chère à "acquérir, les éléments de mathématique, théoriques'ét pra-de tiques, et de mettre cette instruction à portée de tous les citoyens. En exigeant que les hommes qui se destineront à remplacer les soldats du génie dans les différentes compagnies, passent une année entière au dépôt qui sera formé à l'école de Mézières, on développera un grand nombre de sujets qui deviendront propres à des emplois auxquels la Constitution leur aurait Vainement donné des-droits, si nous ne leur facilitions les moyèns d'acquérir les connaissances, et de remplir les conditions sagement exigées par là loi. Telles sont, Messieurs, les principales raisons qui ont déterminé votre comité à vous proposer le décret suivant ;
Projet de décret.
L'Assemblée nationale, considérant la nécessité de donner à chaque partie de l'armée le complément de moyens qui peut augmentér sa force, et faciliter ses opérations, considérant que la prëvpyancé exige, qu'après avoir organisé les armées et lés avoir pourvues dé tous les moyens d'agir en campagne, les moyens de défense soient aussi assurés et perfectionnés dans nos places fortes, dans les postes, lignes et camps retranchés qui forment la chaîne de nos frontières ; délibérant sur la proposition du roi, contresignée par le ministre de la guerre, relative à la réunion du corps des mineurs à Celui du génie, à l'augmentation et à la mèilleure organisation des compagnies de mineurs, pour remplir les nouvelles fonctions qui leur seront attri-
buées, après avoir entendu le rapport de son comité militaire, décrète qu'il y a urgence.
Décret définitif.
L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète :
« Art. 1er. Les 6 compagnies de mineurs ci-devant attachée^ au1
corps de l'artillerie, sont et demeureront supprimées, pour être' recréées sous la
déhominatidn de compagnies du igénie, conformément à la formation ci-après, et employées au
service des places, dés camps et des travaux de campagne avec ïe corps du génie, auquel elles
demeureront attachées.
« Art. 2. L'école des mineurs établie à Verdun sera réunie squs la seule dénomination d'école du génie, à celle établie à Mézières. Le pouvoir exécutif est chargé de comprendre, dans le règlement relatif à cette institution, stout ce qui pourra concerner le service des mineurs,
« Art. 3. Le dépôt pour le recrutetaént des compagnies de génie sera étâbli à Mézières, et aucun homme ne pourra être attaché à une compagnie, s'il n'a déjà passé un an à l'ééole de Mézières.
« Art. 4. Les officiers attachés au corps des mineurs prendront rang suivant leur grade et leur ancienneté dans le corps du génie et le nômbre total des officiers du corps du génie sera et demeurera fixé à 300 officiers de tous grades, ce qui produira une réduction de 30 places d'officiers sur les deux corps.
« Art. 5. Les 400 souS-officiers et mineurs composant actuellement les 6 compagnies reformées par Vàrticle 1er du présent décret, seront repartis en 30 compagnies de mineurs qui seront formées ainsi qu'il suit : « Art, 6. Formation d'une compagnie de mineurs.
1 capitaine.
1 lieutenant.
1 sous-ingénieur.
1 sergent-major.
4 caporaux.
, 34 mineurs soldats du génie.
Lorsque les compagnies devront être employées en campagne* elles seront portées jusqu'à 100 hommes, ce qui sera à l'avenir le pied, de guerre des compagnies de mineurs.
« Art. 7. Ces compagnies du génie, soit qu'elles demeurent rassemblées dans les grandes places, soit, qu'elles soient détachées à 1 armée ou dans les petits postes, seront commandées par le plus ancien capitaine et le plus ancien sous-lieutenant du corps du génie de la principale résidence; mais le commandement ne sera point fixe, il changera ou cessera par le changement de résidence. Les sous-officiers et soldats du génie, dans toutes les places où ils seront employés, le seront néanmoins sous les ordres dé tous les officiers du génie qui s'y trouveront en résidence^
« Art. 8. Le sous-ingénieur ne quittera jamais la compagnie à laquelle il aura été attaché au moment de la formation, que dans le ca^s où il serait promu au grade d'officier.
« Art. 9. Le nombre .des places d'officiers aii corps du génie étant fixé à 300 par l'article 4 du présent décret, 60 places, à raison de 2 officiers par compagnies du génie, sont attachées aux compagnies.
Les règles et la proportion de l'avancement des sous-officiers des compagnies du génie, au
grade d'officiers seront les mêmes que dans l'infanterie, et le quart du nombre d'officiers attachés aux 30 compagnies est réservé aux sous-ingénieurs.
« Art. 10. Il ne sera formé, pour cette campagne, et immédiatement après la publication au présent décret, que 16 des 30 compagnies de
fénie, lesquelles seront employées, suivant le esoin, dans les 4 armées : les 6 conipagnies de mineurs seront en entier réparties pour la formation de ces 16 compagnies, et les 14 compagnies à former le seront successivement, à mesure que les 16 premières étant complètes, pourront fournir un excédent d'hommes instruits pour en établir le fond.
« Art. U. Le pouvoir exécutif est chargé de déterminer le mode et les degrés d'examen qui seront exigés pour passer au grade de caporal, de sergent, de sous-ingénieur, et enfin d'officier du génie.
« Art, 12. Les compagnies du génie seront employées, soit pendant la paix, soit pendant la guerre, dans les places et en campagne, à tous lés travaux de mine, de sape, de construction, d'entretien, de réparation, et à tous les autres travaux qui seront exécutés sous la direction et le commandement immédiat des officiers du génie.
Ces compagnies feront aussi, comme toutes les troupes, soit dans les places, soit en campagne, un service régulier et qui sera réglé de manière qu'il soit compatible avec les travaux.
« Art. 13. Le pouvoir exécutif est chargé de faire, sur ces bases, le règlement pour la formation des nouvelles compagnies du génie et pour tout ce qui est relatif à leur service, soit dans les places, soit en campagne.
« Art. 14. Le pouvoir exécutif est aussi chargé de proposer, d'après cette nouvelle formation et sur l'avis du comité des fortifications, la suppression possible de tels employés aux fortifications qui pourraient être replacés dans les nouvelles compagnies du génie et y continuer leur service. »
le demande la question préalable sur le projet de décret et à la motiver.
Pour bien juger du mérite du projet de décret, il faut le connaître. Aussi je demande l'impression et l'ajournement de la discussion.
Je demande à combattre le projet du comité.
Un grand nombre de membres : L'impression et l'ajournement !
(L'Assemblée ordonne l'impressionu rapport et du projet de décret et ajourne la discussion).
, au nom des comités des assignats et monnaies, de Vordinaire et de l'extraordinaire des
finances réunis, fait un rapport (1) et présente un projet de décret tendant à déclarer que;
les espèces d'or et d'argent ne sont plus réputées avoir d'autre valeur que celle provenant
de leur titre et de leur poids; {[ s'exprime ainsi : " Messieurs, les 3 comités au nom
desquels je vous ai proposé l'émission d'une monnaie de billon, s'étant de nouveau réunis
pour l'examen d'une question relative aux rapports à établir entre le numéraire métallique
et les assignats,
On a proposé d'autorisèr, par une loi expresse, les citoyens à stipuler dans leurs transactions des payements en or et en argent : cette mesure semble une conséquence nécessaire du décret qui permet la vente de ces métaux, et les range dans la classe des marchandises ordinaires ; mais une loi antérieure, et qui n'a point été révoquée, rend nulles les stipulations de cette espèce. Il ne s'agit pas seulement d'effacer de notre code une contradiction aussi manifeste; il faut lever un des obscacles qui s'opposent le
Elus à la circulation de ces métaux, que la mé-ance a fait enfouir, et dont la stagnation devient en quelque sorte forcée par l'effet de nos lois.
Chacun conçoit aisément que ceux qui, par spéculation ou par crainte, ont resserré et accaparé notre numéraire métallique, ne peuvent se résoudre à le laisser sortir de leurs mains sans prendre des valeurs au moins équivalentes, dans leur opinion, aux métaux dont ils se séparent. Ils se trouvent ainsi réduits à la nécessité de les garder, ou de les vendre soit contre des assignats, soit contre des marchandises, soit contre du papier sur l'étranger : il doit résulter de là que la plus grande partie de notre numéraire métallique actuellement en mouvement, doit passer a l'étranger parce que ces détenteurs des métaux précieux ne veulent pas consentir à les échanger contre des assignats, qui sont l'objet de leurs inquiétudes, et qu'ils sont aussi détournés de l'achat des marchandises par l'exemple de tant de spéculations forcées. Au contraire, si la faculté de prêter leurs capitaux métalliques leur était laissée, on pourrait espérer de voir ces masses d'or et d'argent, devenues aujourd'hui inertes et inutiles, rentrer peu à peu dans la circulation, passer des mains des hommes timides et embarrassés dans celles des hommes actifs et entreprenants, dirigées par les spéculations de ceux-ci contre le discrédit des assignats, qu'elles tendraient à faire disparaître de la circulation, en les remplaçant successivement.
C'est un principe incontestable en économie politique, que tout ce qui est susceptible d'être vendu est susceptible d'être prêté : ces deux termes sont même, sous quelques rapports, synonymes, puisque prêter une chose avec intérêt, c'est vendre l'usage de cette chose ; et il serait certainement absurde de prétendre qu'on peut permettre la vente de l'argent, et défendre la vente de l'usage de l'argent.;
C'est en réduisant la question à ce degré de simplicité que nous avons été conduits à vous proposer de déterminer ce qu'cin doit entendre par ces mots, l'argent est marchandise, et à fixer enfin, d'une manière précise, les rapports qui, doivent exister entre les divers numéraires actuellement en circulation : ces numéraires sont l'assignat, les pièces d'or et d'argent, celles de billon, de cuivre et de bronze : on peut en considérer toutes les espèces comme parties ou fractions d'une même monnaie. La monnaie est la mesure commune de toutes les choses qui s'échangent; elle ne peut déterminer exactement le rapport entre les diverses marchandises, si elle n'est elle-même invariable : toutes ses parties doivent donc conserver entre elles un rapport constant.
Ainsi, lorsqu'on dit que 100 liyres en argent valent 150 livres en assignats, on enlève néces-
sairement à Tune ou à l'autre de ces substances la qualité de monnaie; car il ne peut pas y avoir plus de différence entre 100 livres numéraires et 100 autres livres numéraires, qu'entre une première toise et une seconde toise. C'est donc vainement que l'on continue d'appliquer à l'ar-gent-monnaie des dénominations monétaires; elles ne servent plus qu'à désigner la quantité de métal fin que renferment les espèces; et lorsqu'on dit que 100 livres en argent valent 100 livres en assignats, cela ne signifie autre chose, sinon que la quantité d'argent fin renfermée dans 100 livres numéraires en écus, vaut 150 livres de notre monnaie courante. Ce qui s'est passé à cet égard peut servir à démontrer combien l'emploi de l'or et de l'argent dans les monnaies, quoique consacré par l'usage de toutes les nations, est loin de remplir le but pour lequel la monnaie a été inventée; puisque ces métaux, considérés comme marchandises, sont au nombre de celles qui sont sujettes, dans leur valeur, aux plus grandes variations. Peut-être pourrait-on porter le développement de cette réflexion jusqu'au point de prouver que dans des siècles plus éclairés, et chez une nation où l'opinion ne serait point corrompue par défaussés notions et d'anciens préjugés, l'assignat serait envisagé, sous les rapports monétaires, comme infiniment préférable aux métaux. Mais, de quelque manière que cette question soit envisagée, il est incontestable aujourd'hui que l'or et l'argent, en recevant, comme marchandise, uri accroissement de valeur aussi considérable, ont réellement perdu leurs qualités monétaires. Le législateur, en ordonnant le monnayage de cés métaux, avait ajouté à leur valeur réelle une valeur fictive, qui représentait lés frais de fabrication, et le droit que le gouvernement peut percevoir sur les opérations de cette espèce.
Cette valeur fictive n'était point reconnue par l'étranger, qui ne pouvait voir dans nos pièces de monnaie qu'une marchandise propre a servir, comme les autres, d'aliment à ses spéculations. Chez nous, au contraire, la loi établirait une'différence .réelle de valeur entre le lingot et le métal-monnaie ; et cette différence, toute modique qu'elle était,. offrait un préservatif contre l'exportation de nos métaux.
La révolution qui s'est opérée dans nos changes nous a mis tout à coup, relativement à notre numéraire métallique, dans une position pareille à celle des étrangers. La valeur intrinsèque de ce numéraire s'est élevée de beaucoup au-dessus du supplément de valeur fictive que la loi lui avait attribué, et dès lors nos louis et nos écus n'ont plus été considérés, par nous comme par les étrangers, que comme des morceaux de métal d'un poids et d'un titre déterminés. C'est à cette époque qu'ils auraient dû perdre, avec la valeur monétaire, les dénominations qui leur sont réstées, dénominations qui n'Ont plus de sens, et qui, dans toutes les opérations dé commerce tant intérieur qu'extérieur, ont besoin d'être converties en celles de livres, poids de marcs, d'onces et de grains.
H importe de ne pas perpétuer l'erreur des citoyens à ce sujet, soit afin de rendre une liberté entière au ,commerce de ces métaux, liberté sans laquelle on ne peut espérer de les voir rentrer dans la circulation, soi,t afin de désabuser les esprits sur les idées exagérées que Ton s'est faites touchant leur valeur réelle. Il le faut surtout pour l'intérêt de la vérité, qui
n'est jamais lésée impunément dans un gouvernement libre et simplement organisé, comme le nôtre.
La refonte des monnaies d'or et d'argent est une conséquence immédiate des principes que je viens d'exposer, comme elle est une suite nécessaire de toute grande révolution dans^un Etat. Du moment où la loi aura reconnu ce fait incontestable, que l'or et l'argent n'ont plus de valeur monétaire, la refonte n'est plus qu'une opération simple, facile, point dispendieuse, et exempte de tout inconvénient.
L'atelier national ne reçoit les espèces monnayées que comme de simples lingots; c'est-à-dire, à raison du titre et du poids; et, pour prévenir désormais cette confusion introduite dans le langage monétaire, ce ne sont plus des écus, des livres tournois qu'il rend au public, mais des onces, des gros d'or et d'argent, dont le titre est déterminé. Les moindres conséquences de cette mesure sont l'amélioration du change, et la simplification de cette science des banquiers, qui repose, en grande partie, sur les obscurités de nos lois administratives.
Vos comités ne tarderont pas à vous entretenir de cette importante mesure, au succès de laquelle il importe d'intéresser d'avance tous les bons esprits, fis se bornent, en ce moment, à vous proposer de rompre tous les liens qui peuvent gêner le commerce de l'or et de l'argent en déclarant que leur valeur monétaire n'est plus reconnue par la loi.
Projet de décret.
« Les espèces d'or et d'argent dont la vente a été permise par le décret du ..., ne sont plus réputées avoir d'autre valeur que celle provenant de leur titre et de leur poids : en conséquence, les stipulations de remboursements en matières d'or et d'argent peuvent être insérées dans les contrats d'emprunts, vente et échange desdites matières. »
(L'Assemblée ordonne l'impression du rapport et du projet de décret et ajourne la discussion.)
, au nom des comités des assignats et monnaies, de l'ordinaire et de Vextraordinaire des finances réunis, soumet à la discussion un projet de décret sur la fabrication d'une monnaie de billon : ce projet de décret est ainsi couçu : (1)
Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, considérant que les fabrications de monnaies de cuivre et de bronze ne peuvent suffire aux besoins de la circulation, et que les circonstances réclament la prompte émission d'une monnaie qui serve d'intermédiaire entre les petites coupures d'assignats et les espèces provenant de la fonte des cloches, décrète qu'il y a urgence. »
Décret définitif.
« L'Assemblée: nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
« Art 1er. Il sera procédé sans délai à la fabrication d'une
monnaie de billon en pièces de 5 sous, jusqu'à concurrence de 8 millions, et en
« Art. 2. Les pièices de 5 sous seront à là taille de 45 au marc, et au remède d'une pièce. • * Celles de 30 deniers seront à la taille de 90 au marc, et au remède de 2 pièces.
« Art. 3i Les pièces seront au titré dé'"t denier de fin, :et au remède d'alloi de 2/24® de denier.
« Art. 4. Les unes et les autres porteront d'un côté l'effigie du roi, avec Cette légende Louis XVI, roi des Français.
« Art. 5. Le revers des pièces de 5 sbus représentera une couronne ae laurier rèn fermant 2 mains enlacées, et armées d'une pique surmontée d'un bonnet, il: aura pour légende ces mots : Egalité, liberté.
« Art. 6. Le revers des pièces de 30 deniers représentera seulement une couronne de laurier entourant cette inscription: Egalité, liberté.
« 'Art. 7. Le millésime sera placé sur le coin de la pile, et la daté de l'an de la liberté sur le coin ae la tête.
» Art. 8. 'Cette monnaie sera fabriquée exclusivement dans les ateliers de Paris, de Strasbourg et de Lille.
« Art. 9. Le ministre des contributions publiques est autorisé à préposer pour l'opération du monnayage, un entrepreneur chargé de disposer et préparer les balanciers et en diriger le travail, sans que les droits à percevoir par ledit entrepreneur puissent exceder la somme de 2 sous pour marc, prescrite par les anc.ens édits pour le monnayage du billon.
« A cet effet, 1 s compàgnies des monnayeurs ne pourront réclamer aucuns droits de concourir directement où indirectement au monnayage desdites espèces. »
Messieurs, je viens invoquer ia question préalable Sur ,1e projet de vôtre comité. Je ne suivrai pàs M. le rapporte^ dans ses erreurs, sur lé système monétaire en général ; il serà temps de s'en occuper, si Ije comité les reproduit; lorsqu'il vous rendra compte des vues que le ministre des contributions vous a proposées sur cette partie importante de l'administration.
Je n'examinerai pas, dans ce moment, la prô-position que voUsfait le comité, de confier la fabrication de cette monnaie a un seul particulier, en qualité d'entrepreneur : cette disposition n'étant que secondaire dans le projet de votre comité, il sera facile de. .l'amender sur ce point, si l'Assemblée le décidait à en ordonner la discussion, article par article. :
Econome de vos moments, je fixerai toutè' votre attention sur les principes et sur les bases de lîhnonnaie dont on vous propose la fabrication; et je vous,démontrerai qu'il est impossible de lès adopter, parce* qu'elles sont absolument destructives de vos finances.
Toute fabrication de .monnaies de quelque espèce qu'elles soient, doit être à l'abri de l'accaparement et de la contrefaçon,-.
L'accaparement à lieu toutes les fois que la valeur intrinsèque de la: monnaie se trouvant supérieure à la valeur conventionnelle que là loi lui'donne,'l'avidité du spéculateur y rencontre un intérêt suffisant pour la jeterdans le creuset.
La contrefaçon est provoquée par raison inverse, lorsque la valeur intrinsèque de votre
La monnaie proposée par votre comité est à l'abri de l'accaparement; mais elle laisse une étrange latitude à la contrefaçon.
M. le rapporteur vous a annoncé que la valeur intrinsèque de cette monnaie serait, relativement à la valeur commerciale, commë 75 sOnt à 100. Si cette proportion était exacte, elle présenterait toujours un bénéfice de 33 1/3, et 1/3 0/0 à celui qui Voudrait la contrefaire dans l'intérieur du royaume. Ce bénéfice serait bien suffisant pour fixer l'avidité.
Mais, Messieurs, un calcul bien Simple vous démontrera que la valeur intrinsèque de cette monnaie, relativement à Sa valeur commerciale, ne serait pas dans la proportion dé 75 0/0, mais seulement dans celle de 66 à 100.
La monnaie qu'on vous propose produira par chaque marc de matière :
45 pièces de 5 sous ou 90piècesde 30 deniers, qui donneront une somme de..... 111. 5 s.
On peut y ajouter une pièce de 5 sous ou 2 pièces de 30 deniers pour remède de poids, ci.-------- » 5
Total du produit en numéraire. 11 1. 10 s.
Elle vous coûterait : Savoir :
Argent, 1 denier qui, à 84
coûterait...................
; Sur quoi on peut déduire 2 24e pour remède d'aloi qui, au même prix, donnent.....
Reste par conséquent pour dépense effective en matière
d'argent..... 61. 9 s. 4d.
Cuivre, 7 onces 6 gros, à 40 sous là livre........ » 18 9
Frais de monnayage , suivant le projet de décret* 2 sous par marc....... » 2 »
Total de la dépense...
livres le marc, 7 1. » s. d.
10
10
71. 10s. ld.
19 10
11 1
La valeur conventionnelle de cette monnaie, fabriquée dans l'intérieur du royaume, présente donc un bénéfice de.
Sur une dépense de.-------
Pour fabriquer 15 raillons de monnaie, la nation fournit
l'avance d'une somme de... 9,800.000 livres,
Et elle gagnerait.......... 5,200,000 —
Total................ 15,000,000 livres
Ce qui formé bien 53 1/2 0/0. Quel agioteur : ne serait pas tenté d'en faire autant?
, Ce mal serait encore léger1 s'il se bornait à l'intérieur du royaume; mais les avantages que le projet de votre comité oilre au contrefacteur étranger, est vraiment effrayant pour la fortuné publique.
L'argent ne vaut chez l'étranger que 52 livres le marc. Le denier ne coûterait donc au contre-
facteur que.................. 41. 6 s. 8 d.
Les 2/24es à déduire, pour
remède d'aloi, seraient de..........7 6
La dépense, en matière d'argent, ne serait pour lui que--
de la somme de.............. 31. 9 s. 2 d.
Le cuivre rose ne vaut à Hambourg, où il se paie en numéraire, que 20 sous la livre.
Les 7 onces 6 gros ne coûteraient que................... » 9 5
Les frais de monnayage, comme à nous, 2 sous le marc,
ci........................... » 2 »
Le total de la dépense ne serait pour le contrefacteur--
étranger que de--------....... 41. 10 s. 7 d.
Et pour cette dépense il gagnerait...................— 6 19 5
Puisqu'elle lui produirait en--
numéraire............................11 1. 10 s. » d.
Ce bénéfice est bien certainement de 153 3/4 et plus 0/0 (1).
Ainsi, le contrefacteur étranger, qui ferait une mise de fonds de 10 millions, mettrait en circulation de la monnaie pour une somme de 25,375,000 livres.
Et cette somme ne lui fût-elle payée qu'en assignats, elle lui servirait à acheter 15 millions 660,000 livres de vos écus, quand les assignats perdraient 60 0/0. Le contrefacteur aurait converti la dépense en vos écus, et il emporterait encore 5,600,000 livres, toujours en écus.
Je ne vois donc dans le projet de votre comité qu'une facilité de plus, ouverte aux étrangers, pour accaparer votre haute monnaie.
De là résulterait encore un autre inconvénient non moins important. Vous ne tarderiez pas à
voir votre commerce surchargé de cette monnaie factice. Sa circulation serait bientôt
odieuse, et elle perdrait nécessairement dans les échanges journaliers pourlesquels elle
semble destinée; ou bien le prix des denrées augmenterait en raison de sa non-valeur; ce qui
revient au même pour le peuple; vous seriez obligés de la retirer de la circulation, et par
conséquent de la rembourser. La dépense qu'on vous propose ne servirait donc qu'à préparer
des entraves nouvelles à votre commerce, et à ruiner vos finances pour enrichir l'étranger
(2).
Plusieurs membres demandent l'impression du discours de M. Juéry.
(L'Assemblée ordonne l'impression du discours de M. Juéry.)
La discussion est interrompue.
M. GlLIBERT, major de l'hôtel des Invalides, est admis à la barre avec plusieurs officiers, sous-officiers et soldats invalides accompagnés de quelques-uns de leurs enfants, ;qui sont déjà élèves tambours.
Ces vieux soldats, réduits par les infirmités résultant de leurs blessures à ne plus pouvoir faire que des vœux pour le succès de nos armes, offrent une somme de 860 livres en assignats et de 40 liv. 3 s. en espèces pour aider aux frais de la guerre. L'un d'eux renouvelle, au nom de ses camarades, le serment de vivre libre ou mourir.
Les élèves tambours de l'hôtel des Invalides offrent 4 livres en assignats (Vifs applaudissements)
M. Gilibert. La 10e division a eu le malheur de perdre la somme qu'elle voulait offrir à la patrie ; elle a été enlevée par le sergent-major qui en était dépositaire et qui a disparu depuis 2 jours. Cependant ces braves militaires voulant contribuer à l'offrande avec leurs camarades, ont fait le sacrifice d'une double paye. (Vifs applaudissements.) Je demande en leur nom la permission de défiler dans la salle.
Un membre : Je convertis cette demande en motion.
(L'Assemblée accorde la permission demandée.)
(Environ 900 soldats invalides, précédés de leurs enfants, traversent la salle, au bruit des tambours et des fifres qui les accompagnent et au milieu d'apppiaudissements réitérés. Plusieurs reconnaissent leurs frères d'armes siégeant au sein du Corps législatif et vont les embrasser.)
, ministre de l'intérieur, obtient la parole et présente le compte des dépenses qu'il a ordonnées dans le mois de mai dernier.
(L'Assemblée renvoie ce compte au comité de l'ordinaire des finances.)
, ministre de l'intérieur. Monsieur
Depuis ce moment, j'ai écris deux fois à l'Assemblée en lui exposant les mêmes choses, j'ai porté le décret au conseil du roi en y faisant la même exposition, d'après laquelle le roi ne Crut pas devoir lé sanctionner.
Dans le conseil d'hier, ce même décret, qui m'avait été apporté et qui l'a été 4 à 5 jours après au roi, fut de nouveau présenté à la sanction1; j'y fis le même rapport, la même exposition, et ce décret n'a point été sanctionné. J'ai exposé d'ailleurs, dans une de mes lettres à l'Assemblée nationale, tous les inconvénients qui résulteraient de tenter l'exécution, les fonds •étant employés comme je l'ai démontré. Je lui ai proposé de décréter de nouveaux fonds. Je lui, ai exposé que les demandes se multiplient, que les besoins de calmer les inquiétudes deviennent pressants. Je soumets le tout au nouvel examen qu'elle croira sans doute nécessaire de faire faire par ses comités. J'aurai l'honneur, sous peu de jours, de lui remettre sous les yeux, le tableau des nouvelles demandes, mais je la prie de vouloir bien prendre en considération dans ce moment la demande du département de l'Aisne.
Plusieurs membres : Le renvoi aux comités !
, le jeune. Le renvoi est inutile; l'Assemblée peut sur-le-champ rendre un nouveau décret.
Je propose de décréter qu'il sera rais à la disposition du ministre de 1 intérieur une somme de 100,000 livres pour le département de l'Aisne, et de renvoyer au comité pour la rédaction du décret.
(L'Assemblée adopte la proposition de M. Tarbé.)
Plusieurs membres : Aux voix l'urgence !
(L'Assemblée décrète l'urgence.)
Suit le texte définitif du décret rendu :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu les observations du ministre de l'intérieur sur le décret du 5 de ce mois, relatif aux 100,000 livres qu'il devait fournir au département de l'Aisne, et d'après la motion faite par un de ses membres, voulant subvenir aux besoins pressants dudit département de l'Aisne, décrète qu'il y a urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète que la Trésorerie nationale tiendra à la disposition du ministre de l'intérieur une somme de 100,000 livres, destinée à subvenir aux besoins du département de l'Aisne, de laquelle somme le ministre fera emploi conformément aux dispositions du décret du 5 de ce mois, et en rendra compte, ainsi que des 12 millions mis à sa disposition par la loi du 2 octobre dernier.
« Le présent décret ne sera pas imprimé, et ne sera envoyé qu'au seul département de
l'Aisne. »
Messieurs (2), je crois que l'émission d'une monnaie servant ci'interméaiaire entre les petites coupures d'assignats et les espèces provenant de la fonte des cloches, sera très utile. Je pense, avec M. Reboul, que vous devez décréter la fabrication de 15 millions en pièces de 5 sols et de 30.deniers; mais je ne connais en même temps rien de plus immoral et de plus impolitique que le projet.qu'il vous présente, à cet égard, au nom ae vos trois comités réunis, de l'ordinaire, de l'extraordinaire des finances, et des assignats et monnaies. Les sophismes, les contradictions dont son rapport fourmille, sont une preuve évidente que le talent ne suffit pas pour se garantir de L'erreur, quand on s'écarte des vrais principes.
Le projet est immoral?... N'est-ce pas, en effet, abuser de la confiance de la nation, que de proposer la fabrication d'une, monnaie, qui, sous le cachet-du prince, sous la garantie sacrée de la loi, ne présenterait qu'une valeur fictive au lieu d'une valeur réelle? Les administrateurs de la chose publique, dit Gicéron, ne doivent jamais s'exposer à être soupçonnés d'avarice ou de mauvaise foi. Voudrait-on attacher à un peuple libre et souverain la honte dont le temps a flétri la mémoire des despotes faux-monnayeurs? Ne sait-on pas que le prince le plus puissant ne peut faire que sa monnaie ait plus de valeur que n'en représente le titre et le poids de la matière? Tel serait cependant le résultat du projet de vos comités réunis. Ils vous demandent de décréter la fabrication des pièces de billon d'un denier de fin, c'est-à-dire ae mettre en circulation des pièces d'une valeur supposée de 5 sols et de §0 deniers, qui n'auraient qu'une valeur réelle de 3 sols ou de 6 liards.
Ce projet est non seulement immoral, il est encore impolitique. Quel est, en effet, le but que se proposent vos comités par cette opération? C'est ae présenter des moyens d'échange aux petites coupures d'assignats ; de sauver cette nouvelle monnaie de l'accaparement, en mettant une grande disproportion entre la valeur numéraire et la valeur intrésèque; de faire enfin une monnaie de circonstance, une monnaie obsidio-nale, qui ne fasse point partie du système monétaire; ce sont les propres termes du rapport.
Vous devinerez difficilement, Messieurs, ce que c'est qu'une monnaie qui ne fera pas
partie du système monétaire; c'est une énigme dont le rapporteur s'est réservé le mot. Vous
serez étonnés, sans doute, qu'il propose à la France une monnaie obsidionale, telle que s'en
sont donnés, dans des moments difficiles, les villes d'Ypres, de Vienne, de Perpignan et
autres. Le vice ou le ridicule de cette proposition ne vous échappera pas. Mais, dans
l'hypothèse même la plus favorable, je prouverai au rapporteur que la mesure qu'il propose
n'atteindra pas le but d'utilité qu'il en attend ; car, de deux choses l'une : ou l'opinion
éclairée confondra cette monnaie avec le papier ; et dès lors, assujétie aux mêmes chances
que celui-ci, elle éprouvera le même défaut de con-
L'Assemblée constituante avait déjà rejeté la proposition d'une monnaie de billon d'un titre inférieur au titre légal. M. Reboul, qui ne l'ignore pas, cherche à en déguiser la véritable cause; il l'attribue à ce que l'argent ne gagnait alors que 5 ou 6 0/0 sur les assignats. 11 suffit d'ouvrir le rapport du comité des monnaies pour se convaincre de la fausseté de cette allégation. Cette proposition fut rejetée, parce qu'elle fut envisagée comme une opération fiscale, où l'intérêt dé la chose publique était sacrifié à celui des manipulateurs, parce que la contrefaçon de cette monnaie était trop facile, parce qu'on pouvait aisément la confondre avec les espèces étrangères; ce qui donnait lieu à un billonnage continuel. Les mêmes causes existent. Votre détermination, Messieurs, ne saurait donc êtrè douteuse : mais suivons encore un instant le projet de vos comités.
Le rapporteur vous propose de donner à cette monnaie de billon une valeur numéraire égale au prix des matières métalliques, qu'il suppose, dans ce moment, à 75 0/0 ; mais la hausse ou la baisse du numéraire dépendent de plusieurs causes morales dont on ne peut prévoir ni arrêter l'effet : c'est donc vous proposer de décréter que la fabrication journalière de votre nouveau billon sera assujétie aux mouvements du thermomètre de la rue Vivienne ou de la place des Victoires. Cette idée est, en vérité, trop plaisante pour qu'on la réfute sérieusement.
Je crois en avoir assez dit pour démontrer que le projet de vos 3 comités réunis est immoral et impolitique. Mais comme l'émission d'une petite monnaie de billon, au titre légal, me paraît une opération nécessitée par les circonstances, voyons si les moyens qu'ils proposent pour exécuter avec célérité et perfection, sont admissibles.
Pour obtenir avec célérité 15 millions de billon, le rapporteur nous conseille d'en confier la fabrication aux trois hôtels des monnaies, de Paris, Strasbourg et Lille. On devinera difficilement comment3 ateliers opéreront seuls avec plus d'activité, que réunis aux 14 qu'on veut priver de cette faveur, disons le mot : M. Reboul ne lé croit pas lui-même. En vous présentant celte mesure, dont il ne peut se dissimuler l'insuffisance, il a voulu vous accoutumer insensiblement à la grande et sublime idée qu'il vous prépare de supprimer tous les hôtels des monnaies du royaume, en conservant uniquement celui de Paris. Je combattrai, quand il en sera temps, cette proposition captieuse, dont l'effet serait de nourrir l'agiotage par un aliment continuel, et d'offrir à quelques spéculateurs avides le moyen sûr de disposer avec facilité de la fortune publique. Mais n'anticipons point sur l'avenir : revenons au sujet qui nous occupe.
11 est de fait que les 3 ateliers monétaires de Lille, Strasbourg et Paris, n'auront pas fabriqué dans 6 mois les 15 millions de billon qu'un f>e-goin urgent sollicite. 17 ateliers peuvent terminer cette opération dans 3 mois : il y a donc tout à gagner, du côté de l'activité, à rejeter le moyen proposé par les comités ; l'intérêt général des divers départements l'exige : leurs habitants respectifs obtiendront plus aisément de la monnaie de billon, lorsqu'elle sera fabriquée
dans un atelier voisin, que lorsqu'ils seront forcés d'en demander à 200lieues de leur domicile, de supporter les frais d'un transport onéreux.
11 me reste à démontrer que l'admission des 17 hôtels des monnaies à la fabrication du nouveau billon, ne nuira point à la perfection de l'ouvrage : j'en chercherai la preuve dans le rapport même de vos comités.
On y lit qu'un artiste célèbre offre d'appliquer à notre monnaie de billon tous les avantages qu'on pourrait retirer des ateliers de Birmingham, en ajoutant à nos balanciers les moyens de perfection qui leur manquent. Ces changements utiles, ajoute le rapporteur, n'exigeront que le temps nécessaire pour préparer les coins et les flaons. Je prie l'Assemblée de se fixer sur cette dernière pnrase; et je demanderai ensuite à M. Reboul par quelle singularité il ne veut point appliquer ces moyens de perfection à tous nos ateliers monétaires. Pourquoi ne fournirait-on pas successivement des coins et des flaons aux monnaies de Strasbourg, Lille, Paris, Perpignan, Bayonne, Lyon, Pau, etc., suivant leur utilité reconnue? Cette marche générale serait plus simple, plus utile; elle détruirait les soupçons qu'on pourrait se permettre sur la prédilection accordée à trois ateliers exclusivement; et si l'on m'objectait la surveillance essentielle de l'artiste, je répondrais qu'elle ne peut s'étendre qu'à un seul atelier ; que s'il doit employer des agents secondaires, on ne gagne rien à ce changement, et que le même danger alors existe pour tous ou n'existe pour aucun.
Le rapporteur demande qu'on enlève cette fabri-cationiaux compagnies des monnayéurs, et qu'on la confie à un entrepreneur choisi par le ministre. 11 devra se contenter, dit-il, de deux sols par marc, pour son droit d'inspection : mais le droit accordé aux monnayéurs pour cette fabrication, ne s'est jamais élevé au-dessus : il ne nous propose donc pas une économie; il veut remplacer un privilège exclusif par un autre. Abus pour abus, je préfère le premier; il est consacré par l'usage; il n'a point l'air d'une faveur particulière : et l'Assemblée* en consacrant par gon suffrage cette nouvelle proposition, s'éloignerait des principes, et paraîtrait se prêter à un arrangement ministériel.
Mais cet entrepreneur, choisi par le ministre, désigné d'avance par l'opinion publique, sera, dit-on, un artiste habile dont les talents nous seront infiniment utiles dans la circonstance : il mérite donc la préférence sur des compagnies routinières. Je suis, pour cette fois, de l'avis des comités, quant au fond; nous ne différons que pour la forme.
Il faut récompenser les talents, sans doute; mais la récompense ne doit laisser après elle aucun soupçon de faveur. Qu'il soit ouvert à l'instant un concours pour la perfection dès espèces monétaires; qu'on rendejuges des moyens proposés, ou de tous autres qui pourraient l'être, MM. Dupré, Gatteau et Deros, dont les talens sont généralement avouës. Que l'artiste dont ils désigneront le travail comme le plus parfait, obtienne delà nation une gratification proportionnée à l'utilité de son invention. Mais qu'on n'entende plus parler de privilège exclusif : ce mot doit être à jamais banni du dictionnaire d'un peuplé libre.
D'après ces considérations, Messièurs, je me résume en demandant la question préalable sur les article 3,8 et 9 du projet de vos comités ; et je propose d'y substituer les trois articles suitants :
« 1° Les pièces de billon seront au titre dé deux deniers de fin, et au remède d'alloi de deux vingt-quatrièmes de deniers.
« 2° Tous les hôtels des monnaies du royaume fabriqueront des espèces de billon : il sera fourni à chacun d'eux successivement, et suivant leur degré d'utilité respective, les coins et flaons nécessaires pour être employés parles compagnies des monnayeurs, sous la surveillance des officiers ordinaires, et suivant le mode qui leur sera indiqué.
« 3° Il sera ouvert un concours pour la perfection de monnaie de billon, et successivement de toutes les espèces monétaires : il sera accordé par la nation des récompenses aux artistes qui auront présenté, à cet égard, de nouvelles machines, ou perfectionné celles qui existent; et la commission des monnaies sera autorisée à faire adopter, par tous les hôtels des monnaies du royaume, celles dont l'utilité aura été généralement reconnue. »
PLuseurs membres : L'impression !
(L'Assemblée ordonne l'impression du discours de M. Lucia).
, ministre des contributions publiques, obtient la parole pour rendre le compte qui lui avait été demandé sur l'état de la confection des rôles, et du recouvrement des contributions directes, dans la ville de Paris. Il y a 6,653,000 livrés pour la contribution foncière et 2,750,000 livres pour la contribution mobilière. Il observe qu'aucune mauvaise volonté n'a retardé le travail général des contributions dans la capitale, et que, si la confection des rôles est en retard, les perceptions sont du moins en pleine activité; il remet a l'appui de son mémoire la copie d'une lettre qu'il a reçue du procureur général syndic du département.
Il est bien étonnant, Messieurs, que les difficultés existantes entre le département et la municipalité de Paris, relatives à la confection de ces rôles, aient jusqu'à présent retardé ce travail important. Je demande que les comités de législation, de l'ordinaire des finances et des divisions nous fassent incessamment le rapport dont ils ont été chargés.
J'observe à l'Assemblée que ce rapport est prêt et qu'il lui sera présenté le jour qu'elle voudra bien désigner.
(L'Assemblée renvoie le mémoire du ministre des contributions publiques et la lettre qui y est jointe au Comité de l'ordinaire des finances et décrète que le rapport demandé par M. Robin lui sera fait samedi.)
, ministre des contributions publiques. Messieurs (1), j'ai l'honneur d'informer l'Assemblée nationale que dans le département du Haut-Rhin, il y a eu une sorte de fermentation dans les esprits, à l'occasion d'une lettre par laquelle le directeur de la douane marquait a ses préposés de laisser sortir des sabres, pistolets, poudre à tirer et fusils.
J'observerai à cet égard que les lois prohibitives de l'exportation des armes et munitions, ont été modifiées par celle du 28 septembre dernier. Elle excepte de la prohibition les sabres, les épées, les fusils et la poudre de chasse uniquement destinées au commerce avec l'étranger.
C'est de cette disposition que le préposé des douanes s'est sans doute autorisé pour
écrire sa
La lettre du directoire (1) m'a paru si instante, que j'ai marqué à la régie des douanes de s'opposer provisoirement à la sortie de toute êspèce d'armes et de munitions, et notamment dans les départements voisins du théâtre de la guerre. J'ai cru devoir instruire de ces faits l'Assemblée nationale afin qu'elle détermine dans sa sagesse si la prohibition doit être ou non illimitée et si elle doit être particulière à ces départements.
Le camp de Neuf-Brisach a été ces jours-ci dans une fermentation dangereuse pour la chose
publique. Un officier, M. D'Ar-landes, qui a donné des preuves de son patriotisme depuis le
commencement de la Révolution, a été extrêmement maltraité, lors de l'arrestation de
plusieurs voitures par des soldats, qui croyaient nécessaire, pour la sûreté de l'Etat, ae
connaître la nature de leur chargement. Ces voitures contenaient en effet des caisses de
platines, de canons de fusils et de sabres. A la vue de ce chargement, la fermentation a
augmenté. M. d'Arlandes ayant examiné les lettres de voiture et les avant trouvées en règle,
il paraissait naturel de laisser ces voitures suivre leur marche. Mais, pour calmer les
inquiétudes du camp, il mena le charretier à la municipalité. Le maire trouva tout en règle
et
Je demande que les ministres de la guerre et de l'intérieur rendent compte à l'Assemblée, dans les 24 heures, des renseignements qui leur sont parvenus relativement à cette affaire.
(L'Assemblée décrète la proposition de M. Au-bert-Dubayet).
Un membre: Je propose à l'Assemblée d'approuver les mesures prises par le ministre des contributions publiques.
le jeune. Le comité militaire a un rapport préparé sur la prohibition de la sortie des armes. Je demande que ce rapport soit mis ce soir le premier à l'ordre du
i'our et que les armés arrêtées soient retenues à ïeuf-Bnsach jusqu'à ce que l'Assemblée ait statué :
(L'Assemblée décrète que le rappdrt du comité militaire sur la prohibition dé la sortie des armes sera fait à la séance du soir.)
(La séance est levée à trois heures iin quart.)
Séance du
PRÉSIDENCE DE M. FRANÇAIS. (DE NANTES), président, ET MURAIRE, ex-président.
PRÉSIDENCE DE MM. FRANÇAIS (DE NANTES).
La séance est ouverte à six heures du soir.
, secrétaire, donne lecture des lettres, adresses et pétitions suivantes :
1? Lettre de M. Thanois, capitaine invalider en date du 11 juin, qui se plaint des vexations exercées contre lui.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité militaire.)
2° Lettre de M. Lacoste, ministre de la marine, en date du 8 juin, relative à l'organisation de la marine et à la nomination de contre-amiraux.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de marine.)
3° Lettre des officiers municipaux de la commune de Pau en date du 28 mai qui annoncent qu'ils ont ouvert un registre pour les souscriptions volontaires et demandent qu'on leur indique la caisse où il faut verser les sommes reçues. ;
(L'Assemblée renvoie la pétition des officiers municipaux au comité de l'extraordinaire des finances.)
4° Lettre des employés des messageries, qui firent hommage, le mois dernier, d'une somme de 214 livres et qui envoient pareille somme en assignats pour le mois de juin.
(L'Assemblée accepte l'offrande et. en dpçrète : la mehfioM honorable au prpcè^rverbal dont,un. entrait sera remis aux donateurs.)
5° Lettre de M. Lacoste^ minisire de la marine, en date du 8 de ce mois, relative aux travaux à faire au port de Dunkerque.
(L'Assemblée renvoie cette lettre aux comités de marine et de l'extraordinaire des finances réunis.)
6° Lettre de M. Roland, ministre de Vintèrieur, qui informe l'Assemblée que le colonel et 8officiers du régiment ci-devant Nèustiie ont donné ' leur démission; cette lettre est ainsi conçue (1) ;:
« Paris, le
« J'ai l'honneur d'informer l'Assemblée nationale qu'une lettre dé la muiiicipalité de Lyon m'apprend que le colonel et 8 officiers du régi-; ment, Ci-devant Neustriè, à leur passëge dans j cette ville, ont donné leur démission et sont allés ' à la municipalité derilaridër des passeports, qui ! leur ont été délivrés avec la mention qu'ils quit-, taient leurs drapeaux en-temps* tiè guerre; je I dois vous ajouter, Monsieur le Président, que les soldats de ce régiment attachés à leurs devoirs et à leur patrie ont juré de mourir7pour elle* ce qui a donné-lieu à lài scène la plus attendr.is-sante. (Applaudissements.) -« Je suis avec respect j1 Monsieur lé Président,
« Signé ; roland. «
Plusieurs membres : Mentioh honorable au procès-verbal I
(L'Assemblée décrété qu'il' sera fait mention honorable au procès-verbal de la; conduite, dé cès fidèles soldats.)
, 70 Lettre de M. Amelot, commissaire du \rfii près la caisse de Vextraordinaire^, en daté du ,ÎQ juin» par laquelle il informe .'l'Assemblé? qu'il a été brûlé, le .9 de ce n^ois, x7 m^liionsfd'assignats.
Assemblée renvoie .cette lettre aux comités dé.t'ordinaire et de l'extraordinaire des finances réunis1,)!;
8° Lettre de M. Monnier, quiënvoié àTAssem-blée un mémoire relatifàux moyerife d'augmeiitër lé numéraire et de régénérer le crédit national.
(L'Assemblée décrète qu'il J^èra!' fart mention .honorable de l'hommage au procês-verbal et renvôie le friémoîrèaux'éomités dé çtommercé» dé l'ordinaire èt de rextràdrdihairé dés finances réunis^)1;
fy Lettre de, M. Roland, fninistre, de Vintèrieur, èn dàté ;du 8 de ce mpis, par laquelle 41 instruit l'Assemblée que lç commandant de la 14e division a fait transférer dans les prisons de Gran-ville 3 volontaires du département du Calvados, prévenus d'embauchage.
(L'Assemblée renvôie cette lettre au comité de surveillance.)
10° Lettre de M. Roland, ministre de V intérieur, en date du 8 de ce mois, à laquelle est
jointe une lêttrp du directoire du département d'Eure-et-Loir, relative à luî au 12 février
dér-nier, concernant la production des titres des
« Paris, le
« Monsieur le Président,
« J'ai l'honneur de vous envoyer la copie d'une lettre que je reçois du directoire du département d'Eure-et-Loir relativement à la loi qui a prorogé jusqu'au 1èr de ce mois le délai accordé par celle du 12 février dernier pour la production des titres des créances exigibles sur l'Etat. Cette loi n'ayant pu être suffisamment connue attendu le retard qu'a éprouvé sa réimpression, ce corps administratif sollicite un nouveau délai sans lequel les intérêts de ses concitoyens se trouveraient lésés. Je vous prie, Monsieur le Président, de vouloir bien mettre cette demande sous les yeux de l'Assemblée nationale.
Je suis avec respect, Monsieur le Président, « Signé : Roland. »
Copie de la lettre écrite par le directoire du dé-partement d'Eure-et-Loir, le
« Nous n'avons reçu, Monsieur, que le 18 mai dernier la loi du 1er du même mois qui proroge qu'au 1er juin, présent mois, le délai accordé par celle du 12, février dernier, pour la production des titres des créances exigibles suri Etat, nous en avons sur-le-champ adressé des exemplaires certifiés aux districts, et nous l'avons en même temps livrée à la réimpression. Quelques diligences que nous ayons faites, nous n'avons pu obtenir de l'imprimeur la célérité que nous lui avons demandee et ce n'est qu'aujourd'hui qu'il nous a remis les exemplaires réimprimés de cette loi. Il est certain, Monsieur, que cette loi n'a point été suffisamment connue, aujourd'hui son effet a cessé et- il serait inutile de la promulguer et de la faire afficher, si nous n'avions Fespoir que vous voudrez bien solliciter un nouveau délai de l'Assemblée nationale, nous venons en conséquence d'adresser les exemplaires réimprimés aux districts en les invitant de les faire passer sans délai aux municipalités, et nous vous prions, Monsieur, de vouloir représenter à l'Assemblée nationale les inconvénients qui ont résulté du délai par trop court qu'elle a accordé et solliciter un nouveau délai ; autrement, nous ne craignons pas de vous le dire les intérêts de nos concitoyens sont lésés, d'autant plus qu'il nous paraît que l'opinion publique sur cette loi était qu'elle donnait pour la production de ces titres un mois à partir du jour de sa publication, ainsi que l'avaient annoncé quelques journaux, et que cette erreur n'a pu être détruite à temps, puisque la loi n'a pu être jusqu'à présent promulguée. »
Plusieurs membres : L'ordre du jour 1 (L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
11° Lettre du sieur Bouveyron, citoyen actif de la sèction de Montmorency, qui atteste que
l'on a fait signer la pétition présentée hier (2) à l'As-semblee contre le camp de 20,000
hommes, par
(L'Assemblée renvoie cette lettre aux comités de législation et de surveillance réunis.)
12° Lettre des sieurs Huot et Lacorde qui rétractent leurs signatures à la pétition des 8,000 et envoient, comme don patriotique, un assignat de 25 livres.
(L'Assemblée renvoie la lettre des sieurs Huot ; et Lacorde aux comités de législation et de sur-; veillance réunis. Elle accepte en outre leur offrande et en décrète la mention honorable au procès-verbal dont un extrait leur sera remis.)
13° Lettre des sieurs Chaumont et Doucet qui rétractent léurs signatures à la pétition des 8,000.
(L'Assemblée renvoie cette lettre aux comités de législation et de surveillance réunis;)
140 Lettre des sieurs Desmanges, Lasalle et Bun-gille, citoyens du bataillon des^ Tuileries, qui déclarent avoir été surpris lorsqu'ils ont signé la pétition de M. Vasselin (1) et se rétractent.
Allons, c'est comme les rétractations des prêtres réfractaires.
, secrétaire. Seulement elles sont un peu mieux fondées.
(L'Assemblée renvoie cette lettre aux comités de législation et de surveillance réunis.)
15° Lettrey du colonel commandant le 6e régiment qui annonce que tous les soldats de ce régiment ont juré de maintenir la loi ou de mourir pour elle. (Applaudissements.)
Plusieurs membres : Mention honorable au procès-verbal de la conduite du 6® régiment I
, au nom du comité des secours publics, fait un rapport et présente un projet' de décret sur les secours à accorder aux sieurs Car-teret et Bisson, grièvement blessés en tirant des coups de canon, le 25 avril dernier. U s'exprime ainsi :
Messieurs, vous avez renvoyé à votre comité des secours publics, le rapport qui vous a été fait, au nom du comité militaire, relativement aux sieurs Carteret et Risson (2). Votre coniité des secours a partagé l'opinion du comité militaire; il a vu dans les sieurs Carteret et Bisson deux citoyens animés du désir de servir leur patrie, deux citoyens industrieux et victimes d'une expérience qu'un défaut de précautions a rendue malheureuse.
Votre comité a vu dans le sieur Duvelleray un citoyen vertueux, un ami de l'humanité, qui s'est empressé, lors de leur accident, à leur prodiguer tous les secours qu'il était en son pouvoir de leur faire administrer.
Votre comité a pensé qu'il était de votre justice de faire rembourser toutes les avances faites parle sieur Duvelleray ; qu'il serait injuste de le laisser plus longtemps chargé de ce qui est dû au chirurgien, à l'apothicaire et à la garde-malade. En conséquence, il vous propose le projet de décret suivant :
« L'Assemblée nationale, considérant qu'il est de la justice de faire rembourser au plus
tôt le
« Que le ministre de la guerre est autorisé à prendre sur les fonds destinés aux hôpitaux, pour payer au sieur Duvelleray la somme de 785 livres, savoir : 450 livres pour divers frais déboursés par lui en faveur des sieurs Bisson et Carteret, blessés dans une expérience entreprise pour l'avantage et le service de l'artillerie ; 120 livres pour soins et pansements du chirurgien; 55 livres pour l'apothicaire ; enfin, 160 li-à la dame Carrier, garae-malade. » (L'Assemblée adopte le projet de décret.) Un particulier, se disant député extraordinaire du département du Cantal, est admis à la barre; il s'exprime ainsi :
Législateurs, chargé de vous exprimer le vœu du district d'Aurillac, département du Cantal, de plus de 40,000 habitants de ce même département, d'une foule de commandants et officiers de gardes nationales, je viens remplir ma mission en homme libre qui parle aux représentants d'un peuple libre. L'objet de cette mission est digne de toute votre attention. Tout ne prend-il pas un grand caractère quand il s'agit de la classe des agriculteurs, de cette classe la plus intéressante de la société ? La somme de la félicité publique ne se compose-t-elle pas du bonheur de cette nombreuse portion de la société? Tous vos moments appartiennent à la patrie. Depuis longtemps l'aristocratie, hérissée ae torches, a allumé le volcan de la guerre civile dans tous les cantons, les districts et les départements du Midi. Exposés aux premières explosions, déjà Aurillac, Mertde, et surtout les départements de la Haute-Loire et de la Lozère, voisins de celui du Cantal, ont vu déployer dans leur sein l'étendard de la contre-révolution. Dans le département de la Corrèze, on avait arboré la cocarde et la croix bl anche. L'aristocratie nobiliaire et sacerdotale (car vous verrez toujours ces deux monstres étroitement accou-
Elés, comme on voit dans Milton l'accouplement ideux du Péché et de la Mort), les ex-nobles et les prêtres extrus avaient fait couler le sang des citoyens. Déjà trois patriotes avaient été massacrés. A Boysset, on avait eu l'audace de tirer un coup de fusil sur le curé constitutionnel, dans l'instant même où il célébrait, à l'autel, le sacrifice de la messe. Enfin, l'arboration de la crùix et delà cocarde blanches, une lettre écrite de Clermont, annonçait l'aveu échappé à deux aristocrates, qu'on devait dans peu arborer, à Aurillac et dans les autres départements du Midi, la cocarde et la croix blanches. Déjà on avait désigné toutes les têtes que l'on devait happer; déjà on avait publié une liste de proscription, et j'avais l'honneur d'être le second sur cette liste.
J'avoue que je l'avais bien mérité, j'avoue que j'avais commis un grand crime, puisque depuis 2 ans j'avais Consacré mes veilles à propager dans le département du Cantal et les départements circonvoisins, les lumières et le feu du patriotisme le plus pur. Tous les patriotes après moi devaient périr sous le fer des assassinats, déjà la guerre civile exerçait ses ravages dans nos murs, cependant aucun mandat d'amener, aucun jugement d'accusation n'était prononcé. L'impunité de ces monstres couvrait tous les crimes, la
loi dormait.....Tel était l'état du département
du Cantal, lorsque les citoyens du canton d'Aurillac firent le serment terrible de porter les premiers coups contre ces meurtriers des patriotes. Ils songèrent que la Constitution était finie, mais que la Révolution ne l'était pas, (Murmures prolongés et exclamations.)
Le peuple se vit donc forcé de se saisir du glaive de la loi, dont le sommeil assurait l'impunité des coupables. Un groupe de volontaires du Cantal passait dans la rue en chantant l'air national Ça ira. Tout à coup on voit partir des fenêtres des coups de fusil sur ces citoyens paisibles, on jette sureux des vases,dés chaises. Toutes sortes de meubles, et jusqu'à des meules à repasser. Déjà un nommé Collinet, qu'on avait vu tirer un coup de fusil, est transféré dans les prisons pour y trouver sa sûreté; l'aristocratie protège ouvertement le coupable. Les citoyens s'assemblent à Arpajon, armés de haches, de faux et de fusils et demandent à voter à Aurillac pour y secourir les patriotes qu'on assassine; le rassemblement grossit, on se porte aux prisons, on enfonce les portes et le scélérat, qui la veille avait provoqué le massacre des recrues,
paye de sa tête sa lâche perfidie.....(Murmures
d'indignation.)
Plusieurs membres demandent que le pétitionnaire soit tenu de se retirer sur-le-champ.
Monsieur le Président, imposez silence à cet apologiste des meurtres.
Le pétitionnaire vous trompe, Messieurs, et je puis le prouver en rappelant le rapport qui vous a été fait sur les troubles du Cantal. Il s'est commis des crimes, des pillages dans le district d'Aurillac, et il est étonnant qu'un citoyen, qui se targue d'être bon patriote, vienne — car je vois son intention — réclamer une amnistie pour les auteurs de ces désordres. Vous avez ordonné que le tribunal criminel du Cantal informerait sur tous les excès qui se sont commis dans ce département. Si le pétitionnaire aimait la Constitution, il ne justifierait pas ces excès et ne chercherait pas à arrêter le cours de la justice. Je demande que vous lui refusiez les honneurs de la séance et qu'on passe à l'instant à l'ordre du jour, car il serait odieux gué les pétitionnaires abusassent de la parole jusqu'à venir arrogamment se rendre les apologistes du crime. (Applaudissements.)
(L'Assemblée décide à l'unanimité de passer à l'ordre du jour.)
Plusieurs membres : Chassez le pétitionnaire!
ordonne au pétitionnaire de se retirer.
Le pétitionnaire se retire. (Applaudissements.)
Les volontaires du lre bataillon du département des Basses-Pyrénées, qui, depuis 6 mois, mangent le pain à 5 à 6 sous iâ livre, et la viande plus cher encore, ont néanmoins économisé une somme de 300 livres qu'ils me chargent d'offrir à l'Assemblée nâtiortale pour les frais de la guerre. (Applaudissements.)
(L'Assemblée accepte l'offrande et en décrète la mention honorable au procès-verbal dont un extrait sera remis aux donateurs.
, ex-président, prend place au fauteuil.
Présidence de M. Muraire.
l'aîné. Je demande à l'Assemblée nationale la liberté de lire un court extrait d'une pétition intéressante, mais longue, que je suis chargé de lui présenter pour MUe d'Eon, connue autrefois sous le nom de chevalier d Eon. L'Assemblée y reconnaîtra les sentiments généreux de cette guerrière.
Plusieurs membres. Lisez.
l'aîné, lisant : «.... Quoique depuis plus de 15 ans, je porte constamment l'habit de femme, je songe toujours à ce que j'ai été autrefois à l'armée. Depuis la Révolution, je sens mon amour pour la patrie se réveiller et mon humeur guerrière se révolter contre ma cornette et nies jupons. (Rires et applaudissements.) Mon cœur me redemande à grands cris mon casque, mon sabre, mon cheval, pour aller reprendre à l'armée le rang et le grade que mes services et mes blessures m'ont valus et combattre les ennemis de la France. (Applaudissements.) Jamais je n'ai donne ma démission ni du service militaire, ni du service diplomatique. Or le décret du 5 septembre 1791.dit: .
« Les officiers qui, sans démission voïontaire, auront été ari)itrairement privé de leur état, ou suspendus de leurs fonctions, sèront censes les avoir toujours exercées, et* en conséquence, seront replacés aux rang et grade qui leur appartiendraient s'ils n'avaient pas éprouvé d'injustice. »
« En conséquence, Monsieur le Président, me trouvant daus ce cas, je supplie les honorables membres de l'auguste Assemblée qui représente la majesté de la nation fran aise et du premier peuple du monde, de permettre que je quitte mes habits de femme pour aller combattre cçntre vos ennemis.
« Je demande la permission dé lever une lé^-gion de volontaires, une légion à la romaine, nombreuse et bien disciplinée, parce que le Dieu de la guerre est toujours pour; les gros,bataillons bien armés et bien exercés. Eloignée par caractère de tout parti, je ne suis point; curieuse d aller faire briller moh sabre à la procession dans les rues de Paris. (Applaudissements.) Je n'aime que la bonne guerre, noblement faite et courageusement exécutée.
« Auguste Assemblée nationale, recevez mes hommages. Songez qu'il n'y a présentement en Europe que 3 rois qui régnent constitutionnelle-ment; le roi des Français, le roi des Anglais et celui des Polonais.
« 11 me tarde de jouir du spectacle imposant de ma nation devenue libre. Dans ma vive im--patience, j'ai tout vendu, excepté l'uniforme et le sabre que j'ai déjà portes dans la dernière guerre, et que je désiré porter encore dans la guerre présente. De ma bibliothèque, il ne me reste plus que la cassette qui contient les manuscrits du maréchal Vauban. Je les ai gardés pour les offrir à l'Assemblée nationale pour la gloire de ma nation et l'instruction des braves généraux qui se destinent- à la defendre. (Applaudissements.)
« J'ai été le jouet de la nature, de la fortune, de la guerre et de la paix, des hommes et des femmes, de la malice et de l'intrigue des cours. J'ai passé succesivement de l'état de fille à celui
de garçon, de celui d'homme à celui de femme; J'ai éprouvé toute les bizarreries des événements et de la vie humaine. Aujourdlhui une plus brillante carrière s'ouvre devant moi. Bientôt, les armes à la main, sur les ailes de la liberté et de la victoire, j'irai combattre et mourir pour la nation, la loi et le roi ! » (Vifs applaudissements.)
Je demande la mention honorable au procès-verbal et le renvoi de la pétition au comité militaire.
Plusieurs membres : Mention honorable au procès-verbal!
(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable aux procès-verbal de la pétition de Mlle d'Eon et renvoie cette pétition au comité militaire pour en faire son rapport sous 3 jours.
M. Gruel , admis à la barre avec un autre citoyen, présente une pétition, tant en son nom qu'en celui de 92 officiers, sous-orficiers et soldats du régiment çi-devant La Fère, en garnison au fort SaintrPierre, île de la Martinique. Ils se plaignent d'avoir été arbitrairement exclus de leurs corps pour avoir déféré, en vertu des lois, aux réquisitions d'une municipalité et demandent la revision du jugement.
répond aux pétitionnaires et leur aceorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée renvoie la^ pétition aux comités de marine et colonial réunis pour en faire le rapport sous 3 jours.)
MM. Péquignot et Bazin, jeunes artistes, sont admis à la barre. Ils font hommage à l'Assemblée de figures emblématiques et de projets d'inscriptions propres à orner le frontispice du lieu des séances au Corps législatif. Ils se plaignent de l'inexécution du décret par lequel l'Assemblée constituante a voulu que tous les ouvrages publics décrétés par elle ou par ses successeurs, fussent adjugés au concours. Ils sollicitent une loi qui détermine le mode de ces concours. (Applaudissements.)
répond aux pétitionnaires que les représentants d'un peuple libre mettront toujours au rang de leurs premiers devoirs d'encourager les efforts du génie et d'Honorer les arts. 11 leur accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée renvoie la pétition de MM. Péquignot et Bazin au comité d'instruction publique.)
, au nom du comité militaire, fait un rapport sur la pétition du sieur Bonnay, ci-devant capitaine au .corps d'artillerie, arbitrairement destitué sous le ministère de M. de Ségur, et sur le simple avis non motivé de 3 inspecteurs généraux, sans jugement ni information préalables. Il l'ait lecture des pièces qui attestent ces faits et présente le projet de décret suivant:
« L'Assemblé nationale, après avoir entendu le rapport de son comité militaire sur la pétition . du sieur François Bonnay, capitaine au corps d'artillerie, consi érant qu'au moment où les armées françaises sont en présence de l'ennemi, il est instant que tous les militaires soient à leur poste, décrète qu'il y. a urgence.
« L Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, considérant que le sieur Bonnay, capitaine au corps d'artillerie, a été destitué arbitrairement de son état, et sans qu'aucunes formes légales aient été préalablement observées, dé" crèle que le sieur Bonnay sera réintégre dans son emploi, et qu'il reprendra dans le corps d'artillerie le rang et le grade qu'il aurait oc-
cupéss'il n'eût point éprouvé d'injustice, pourvu toutefois qu'il représente les certificats de civisme exigés par la loi. »
(L'Assemblée adopte le projet de décret.)
, le jeune, au nom du comité militaire, fait un rapport et présente un projet de décret sur les moyens de procurer des armes à tous Les citoyens du royaume, inscrits sur les registres de la garde nationale, et la nécessité de prohiber la sortie d'armes de toute espèce et de munitions de guerre; le projet de décret est ainsi conçu :
Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, connaissant l'empressement des citoyens à voler à la défense des frontières, considérant que le meilleur moyen de les y faire concourir efficacement sans les enlever à leurs utiles travaux est de procurer des armes à tous ceux qui. par leur proximité de l'ennemi, sont le plus à portée de s'opposer à ses entreprises et de veiller à la sûreté de l'Etat en en défendant les barrières, décrète qu'il y a urgencç.
Décret définitif.
« Art. 1er. Dans les trois jours de la publication du présent
décret, les directoires de tous les départements du royaume nommeront des commissaires et 3
armuriers experts jurés, à l'elïet de vérifier, éprouver et recevoir les armes
quij'conséquemment aux articles suivants, pourront leur être présentées.
« Art. 2. Toute personne qui présentera aux commissaires des divers départements un ou plusieurs fusils de guerre neufs, des calibre et ongueur qui seront fixés dans une instruction particulière annexée au présent décret, que les fusils soient d'une fabrique nationale ou étrangère, pourvu d'ailleurs que, d'après les vigiles et épreuves déterminées dans l'instruction, ils soient jugés propres à servir utilement à l'armement d'un citoyen,» recevra comptant, pour chaque fusil garni de sa baïonnette, et celle-ci de son fourreau, une somme de 35 livres.
« Art. 3. Les commissaires pour la vérification et réception des armes seront indemnisés de leurs frais de voyages ainsi que les armuriers; ceux-ci seront, en outre, p*yés du prix de leurs journées, le tout ainsi qu'il sera réglé parles directoires des départements respectifs.
« Art. 4. Les fonds nécessaires pour cette dépense et autres accessoires tels que l'encaissement, le transport, etc., ainsi que pour acquitter le prix des armes, seront pris sur ceux décrétés extraordinairement pour la guerre; en conséquence, le mini-tre donnera les ordres les plus prompts pour qu'il y ait des fonds suffisants versés dans chaque département pour cet objet.
« Art. 5. Les fusils, aussitôt qu'ils seront reçus, seront dépo.-és dans des magasins
destinés à cet usage; le pouvoir exécutif' rendra compie, de huitaine en huitaine, à
l'Assemblée nationale, de l'état où se trouveront ces magasins et lui proposera, d'après les
demandés des directoires, et notamment de ceux des départements fron-
« Art. 6. Les fusils ainsi distribués seroi marqués, sur le canon et à la crosse, des deux lettres AN, signifiant arme nationale; les corps administratifs et municipalités veilleront à ce qu'ils ne soient point dilapidés; en conséquence, il n'en sera délivré aucun qu'à des citoyens inscrits sur les registres de la garde nationale : les noms de ceux à qui les armes auront été confiées seront enregistrés dans chaque municipalité, qui en enverra un double au directoire du district dont elle relève et celui-ci tous les mois au département, chaque municipalité se fera représenter les armes quand elle le jugera à propos et veillera à ce qu'elles soient conservées dans le meilleur état, sans que ceux qui en seront dépositaires puissent y faire aucune espèce de changement.
Tout citoyen qui serait convaincu d'avoir vendu son fusil sera déclaré incapable de porter les armes pendant 3 années; sans que, pour ce, il puisse être dispensé de rembourser le prix de l'arme qui lui aurait été confiée, pour lequel remboursement il sera poursuivi par le procureur-syndic du district, sous sa responsabilité personnelle.
« Art. 7. A la fin de la guerre, les armes qui auront été ainsi délivrées aux citoyens, soit qu'ils aient eu ou non occasion d'en faire usage contre l'ennemi, leur resteront en toute pro-priéié, comme un témoignage de l'honorable engagement qu'ils auront pris envers la nation, de défendre son indépendance et sa liberté.
« Art. 8. Comme il importe essentiellement de savoir quel est le nombre d'armes sur lequel il est possible de compter sur chaque point de la frontière, et même dans l'intérieur du royaume, tous les citoyens qui ont chez eux des fusils de guerre, soit qu'ils leur appartiennent en propriété ou qu'ils leur aient été fournis précédemment des magasins nationaux, feront, dans les huit jours de là publication du présent décret, à la municipalité de leur domicile, la déclaration du nombre qu'ils en auront; ces armes seront marquées, si les citoyens le desirent, des mêmes lettres A N : elles seront alors sujettes, comme les premières, aux mêmes inspections des municipalités et corps administratifs, et elles appartiendront à la fin de ia guerre en toute propriété à ceux qui se seront ainsi engagés à en faire usage contre les ennemis de l'Etat; celles qui auraient été tirées des arsenaux ou magasins nationaux et qui ne seraient point marquées des deux lettres A N ne pourront en aucun temps, même après la guerre, faire partie d'une propriété particulière.
« Art. 9. Les citoyens qui auraient plusieurs fusils de guerre à leur disposition, dont quelques-uns leur seraient inutiles, sont invités à s'en défaire le plus tôt possible et de manière à ce qu'ils passent entre les m ai us d'autres bons citoyens, l'Assemblée nationale déclarant que celui-là aura le mieux mérité de la patrie qui, dans les circonstances actuelles, aura contribué à armer un plus grand nombre do défenseurs de la liberté.
« Art. 10. Aucun citoyen, inscrit sur le registre de la garde nationale, ne pourra être contraint de céder son fusil, même sous prétexte d'en armer plus utilement un autre citoyen; et dans le cas où, pour le besoin de l'Etat, iî consentirait à
s'en dessaisir pendant quelque temps, il en sera tenu note sur les registres de la municipalité, pour son fusil lui être rendu aussitôt qu'il sera possible de le faire et qu'il le demandera.
Art. 11. Pendant tout le temps de la guerre, il sera délivré par an, à chaque municipalité, une somme de 20 sous pour les entretien et réparation de chaque fusil, enregistré et marqué comme il a été dit ci-dessus; les officiers municipaux et corps administratifs veilleront à l'emploi de ces fonds affectés aux réparations dont ils sont spécialement chargés, aucun citoyen n'ayant le droit d'y prétendre en particulier qu'en raison seulement des réparations dont son arme pourrait avoir besoin.
« Art. 12. Toute personne qui se sera permis de marquer une arme des lettres A N ou d'acheter pendant tout le temps de la guerre une arme ainsi marquée sera privée du droit de porter les armes pendant un an et condamnée à 30 livres d'amende pour chaque arme qu'elle aura ainsi achetée ou marquée.
« Art. 13. Le pouvoir exécutif donnera les ordres les plus précis pour faire le plus promp-tement possible, dans tous les arsenaux et magasins nationaux du royaume, la recherche de toutes les armes qui, soit par leur calibre, soit par leur longueur, par leur forme ou par le défaut de baïonnette, etc., ne pourraient être d'aucun usage dans les armées, mais pourraient cependant être d'une grande utilité entre les mains des citoyens habitant les campagnes des départements frontières; ces fusils seront sur-le-champ mis en réparation et il sera fait, s'ils ne sont pas du calibre actuellement en usage, des moules à balles en quantité suffisante pour en envoyer partout où l'on fera passer de ces fusils qui, ainsi que tous autres, ne seront délivrés que sur un décret du Corps législatif et seront marqués des lettres A N.
« Art. 14. Il sera fait, dans la huitaine de la publication du présent décret, un inventaire exact des fusils de toutes espèces qui pourraient se trouver dans les maisons des émigrés et sur lesquelles les scellés seraient ou auraient été précédemment posés : un extrait de cet inventaire, désignant les différentes espèces de fusils, sera envoyé dans la huitaine au directoire du département, qui l'adressera sur-le-champ au pouvoir exécutif; celui-ci dé son côté en donnera connaissance sans délai au Corps législatif.
« Art. 15. Pour accélérer la fabrication des armes de guerre et profiter de toutes les ressources que le royaume peut présenter en ce genre, l'Assemblée nationale décrète que la sortie à l'étranger, de toutes espèces d'armes quelconques est prohibée, sous peine de confiscation, et de 50 livres d'amende pour chaque arme saisie, de quelque nature qu'elle soit. »
Second décret.
« L'Assemblée nationale décrète que le ministre de la guerre présentera, sous 3 jours au plus tard, à son comité militaire, un projet d'instruction sur la qualité que doivent avoir les armes de guerre et sur la manière dont il doit être procédé à leurs vérifications et épreuves par les commissaires des départements : ce comité est chargé de lui en faire le rapport sans délai, pour une instruction détaillée être jointe au décret de ce jour. »
Un membre combat le projet de décret. Il de-
mande l'ajournement des premiers articles et qu'on décrète seulement les articles 13, Met 15.
Vautres membres demandent que la discussion s'ouvre sur la totalité du projet.
(L'Assemblée, consultée, décrète l'ajournement à huitaine, et selon les formes constitutionnelles, de la partie du projet relative à une diminution dans les contributions publiques.)
demande qu'on décrète à l'instant la prohibition de la sortie de toutes sortes d'armes et de munitions ainsi que les articles 13, 14 et 15 du projet.
(L'Assemblée adopte la proposition de M. La-cuée; puis après avoir décrété l'urgence, adopte, sauf rédaction, les articles 13,14 et 15 du projet. Elle renvoie en outre la rédaction au comité militaire pour en faire lecture le lendemain 12, après celle du procès-verbal.
Une députation de la section de la Croix-Rouge est admise à la barre.
Vorateur de la députation donne lecture de l'adresse suivante (1) : •
« Législateurs, vous qui, au milieu de tant de contradictions, déployez cette énergie si digne du peuple libre que vous représentez, cette énergie qui fait, pâlir, trembler, qui consterne et désespère tous les ennemis de la patrie ; vous que tant de calomnies honorent; vous qu'on voudrait en vain avilir, parce qu'on ne peut vous corrompre, c'est toujours avec douleur que les bons citoyens viennent interrompre la discussion utile des grands intérêts qui vous occupent. Mais il est des circonstances qui imposent a ces bons citoyens le devoir impérieux, lé besoin absolu de se précipiter vers votre enceinte.
« Vous avez, sur la proposition d'un ministre patriote, rendu un décret salutaire, dicté
par votre amour imperturbable pour le bonheur du peuple qui vous p. confié ses intérêts ; et
de vils intrigants, toujours tourmentés de l'espoir criminel de nous ramener, par
l'anarchie, à un régime que nous détestons, ont colporté imprudemment une pétition par
laquelle on cherche à nous déshonorer aux ^eux de tous les dépar-ments (Applaudissements) ;
par laquelle on nous conseille, en quelque sorte, la désobéissance à vos lois. Eh, nous
pourrions être tranquilles et indifférents au milieu de ces machinations abominables! Non,
non, sans doute. Nous venons, citoyens de la section de la Croix-Rouge, repousser loin de
nous, publiquement dans votre enceinte, la calomnie dont on veut nous noircir. En dépit de
tous les ennemis de la patrie, nous sommes tous frères, tous patriotes, tous prêts à mourir
pour la défense et le maintien de notre sublime Constitution. Loin de nous l'idée de
repousser nos frères des départements. Il nous tarde de les serrer dans nos bras, de
confondre ensemble nos âmes brûlantes pour la liberté, de jurer avec eux, sur l'autel de ia
patrie, une guerre éternelle à tous les conspirateurs, dans quelque lieu qu'ils soient, et
quelque place qu'ils occupent. (Applaudisse-ments.) Voilà, voilà nos vrais sentiments!
Recevez-en l'assurance, recevez celle de notre obéissance à vos décrets, et de notre
confiance absolue. Marchez, marchez toujours d'un pas ferme et assuré : vous avez des
ennemis, mais partout des défenseurs intrépides qui reconnais-
(Suivent les signatures au nombre de 104.)
répond aux pétitionnaires et leur accorde les honneurs de la séance.
Un membre : Je demande l'impression, l'insertion au procès-verbal et l'envoi aux 83 départements de l'adresse de ces citoyens.
(L'Assemblée décrète cette proposition.)
(La séance est levée à dix heures.)
Séance du
PRÉSIDENCE DE MM. FRANÇAIS (DE NANTES), président, ET LEMONTEY, ex-président.
PRÉSIDENCE DE M. FRANÇAIS (DE NANTES).
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres, adresses et pétitions suivantes :
1° Lettre de M. Lacoste, ministre de la marine, accompagnée d'une dépêche de M. Blanchelande, qui rend compte de la continuation des scènes sanglantes qui désolent Saint-Domingue.
(L'Assemblée renvoie les pièces au comité colonial.)
2° Lettre des administrateurs composant le directoire du district de Moulins, département de VAllier, par laquelle ils demandent que le commissaire du roi, administrateur de la caisse de l'extraordinaire, soit tenu de leur envoyer les fonds nécessaires au payement des frais d'expertise que réclament les citoyens qui ont préparé la vente des domaines nationaux.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de l'extraordinaire des finances.)
3° Lettre des administrateurs composant le directoire du district de Moulins, département de l'Allier, qui exposent les besoins urgents de toutes leurs églises, en objets nécessaires à l'entretien du culte et demandent qu'il y soit incessamment pourvu.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de l'ordinaire des finances.)
4° Lettre des administrateurs composant le directoire [du district de Moulins, département de l'Allier, relative à la démarcation de leur territoire.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de division.)
5° Lettre du directoire du département de l'Allier accompagnée d'un extrait de son procès-verbal, qui annonce que les commis de l'administration ont offert 75 livres en assignats, qu'ils ont remis au receveur du district de Moulins, suivant son récépissé qu'il envoie.
(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable de l'offrande au procès-verbal dont un extrait sera remis aux donateurs.)
6° Lettre des maire et officiers municipaux de la commune de Marnay-sur-Seine, district de No-gent, département de l'Aube, qui annonce que des citoyens de cette commune, qui ne sont ni imposables, ni citoyens actifs, se sont fait imposer sur le rôle de la contribution mobilière à 45 sous^par tête, ce qui forme un total de 72 livres qu'ils offrent à la patrie. (Applaudissements.)
(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable de l'offrande au procès-verbal dont un extrait sera remis aux donateurs.)
7° Lettre de M. Amelot, commissaire du roi près la caisse de l'extraordinaire, qui demande la solution de plusieurs questions que présente le décret du 15 mai dernier sur les remboursements.
(L'Assemblée charge la commission-centrale de mettre incessamment cet objet à l'ordre du jour.)
. Voici une lettre des administrateurs composant le directoire du district de Montivilliers, département de la Seine-Inférieure, qui instruisent l'Assemblée nationale que la presque totalité des contributions publiques, dans leur territoire, est versée dans le Trésor national.
Les deux contributions foncière et mobilière étaient fixées pour 1791 à 1,953,269 1. 14 s. et il ne reste à recouvrer qu'environ 571,273 livres. Le civisme des administrateurs et des citoyens mérite les plus grands éloges. Ils ont tous concouru à accélérer la confection des matrices de rôle. Bientôt le recouvrement pour 1792 sera en pleine activité.
Voici le résultat de la recette faite jusqu'au 31 mai dernier :
DÉPARTEMENT DE LA SEINE-INFÉRIEURE.
District de Montivilliers.
MONTANT des Contributions foncière et mobilière de 1791, en principal et sous pour livre additionnels. SOMMES recouvré es jusqu'au 11 mai 1792. SOMMES à recouvrer. OBSERVATIONS.
1. s. Contribution foncière.... 1,467,207 10 Contribution mobilière... 486,062 4 1. s. d. 1,127,646 8 9 254,349 13 5 1. s. d. 339,561 1 3 231,712 10 7 Il résulte des renseignements pris par le directoire, sur les demandes en réduction qui ont été faites, jusqu'au moins moitié des 571,273 liv. 11 s. 6 d. qui restent à recouvrer, sera absorbée par les décharges qui seront accordées.
Totaux.......... 1,953,269 14 1,381,996 22 4 571,273 11 10
Le présent certifié véritable par nous Administrateurs composant le directoire du district de Montivilliers. A Montivilliers, ce 8 juin 1792, l'an IV* de la liberté.
Signé : Lefèvrb, Fleury, Dubois, Marinier, Lepicard.
Je demande qu'il soit fait mention honorable au procès-verbal de la conduite des administrateurs et des citoyens du district de Montiviiliers. (Applaudissements.)
(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable au procès-verbal du zèle des administrateurs et du patriotisme des citoyens du district de Montiviiliers ; eite décrète en outre que l'état des perceptions joint à la lettre, sera inséré au procès-verbal.)
Un d* MM. les secrétaires donne lecture des lettres suivantes :
1° Lettre du directoire du district de Lyon qui dénonce une proclamation du roi comme inconstitutionnelle et invasive du pouvoir législatif.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de législation.)
Je demande par suite que le comité de législation présente enfin un rapport sur la nature et sur les bornes des proclamations. Il est étonnant qu'on ne voie rien sortir de ce comité.
2° Lettre de M: Merlin, président du tribunal criminel du département du Nord, qui, pénétré de l'imperfection des lois sur l'ordre judiciaire, adresse à l'Assemblée un Ouvrage qu'il a composé sur ce sujet.
(L'Assemblée renvoie l'ouvrage au comité de législation et décrète qu'il en sera fait mention honorable au procès-verbal.)
3° Lettre de M. Lamorlière, commandant l'ar-mèe du Rhin, qui fait passer à 1 Assemblée plusieurs pièces relatives aux troubles qui ont eu lieu à Neuf-Brisach, à l'occasion de plusieurs voitures chargées d'armes (1). Il envoie la relation des événements et croit que le seul moyen de rétablir la discipline est d'user, à l'égard du 1er bataillon des volontaires nationaux de l'Ain et du 6e du Jura, de la mesure qu'on a employée à l'égard des 5e et 6* régiments de dragons, c'est-à-dire de les faire juger par des cours martiales et de les licencier ensuite, s'il y a lieu. 11 fait les plus grands éloges de la conduite de M. Victor Broglie, officier général dans l'armée du Rhin, qui, par son zèle, son courage et son intrépidité, a rétabli l'ordre et ramené l'obéissance à la loi. M. Lamorlière annonce qu'il envoie les mêmes détails au ministre de la guerre.
J'observe que le comité de surveillance a déjà reçu des pièces relatives à cette affaire qui semble avoir été provoquée par une arrestation de malles contenant des uniformes proscrits.
Plusieurs membres : Le renvoi au comité militaire!
(L'Assemblée renvoie les pièces au comité militaire pour lui rendre compte de cette affaire dans le plus bref délai.)
4° Lettre de M. R land, ministre de l'intérieur, qui fait passer à l'Assemblée une lettre
des administrateurs de la caisse patriotique et l'arrêté de la municipalité de Paris
concernant l'état de cette caisse-, ces pièces sont ainsi conçues (lj :
« Monsieur le Président,
« J'ai l'honneur de faire passer à l'Assemblée nationale, copie d'une lettre que je reçois des administrateurs de la caisse patriotique et l'arrêté de la municipalité, concernant l'état de cette c isse. Par cet. état, il résulte d'après l'examen des commissaires nommés par le corps municipal, que l'émission des billets patriotiques a été de 23,760,753 livres 15, qu'elle était réduite à l'ép -que du 3 avril parla rentrée de 6,115,941 livres 10 à 17,660,812 livres 5, laquelle somme n'était couverte que par 5,062,500 livres d'assignats et le surplus en lettres de change et etfets divers, d'où on doit conclure que cette seule caisse a jeté dans la circulation en augmentation de numéraire, au delà de la somme décrétée par l'Assemblée natio aie, celle de 12,598,312 livres 5, ce qui me paraît susceptible de grands inconvénients.
« L'objet des billets patriotiques n'a été et n'a dû être que de fac liter l'échange des assignats, d'une plus forte somme, et les assignats échangés devaient être la mesure et la leprésen ation des billets mis en émission par les administrateurs de cette caisse.
« Je soumets ces observations à l'Assemblée nationale; et c'est à elle de les peser dans sa sagesse.
« Je suis avec respect, monsieur le Président. »
« Signé : ROLAND. »
Copie de la lettre des administrateurs de la caisse patriotique, du
« Monsieur,
« 11 vient d'être question, à l'Assemblée nationale, cie l'inexécution de la loi sur les caisses qui ont émis des billets de confiance. L'Assemblée a désiré des éclaircissements de votre part à ce sujet.
« Nous vous remettons, ci joint, l'arrêté de la municipalité de Paris, du 4 avril dernier, qui constate la vérification qu a été faite de l'état de la caisse patriotique par les officiers nommés ad hoc.
« Avant que cette loi sur les caisses qui ont émis des billets de confiance fut. rendue, nous avions cru devoir cesser l'émission des billets de la caisse patriotique et depuis notre établissement, et à plusieurs reprises nous avons de mandé que les corps administratifs nommassent des commissaires pour examiner ia situation de la caisse patriotique, examen que nous sommes toujours prêts à subir quand on jugera à propos de le faire.
« Nous devons aus^i vous observer que, depuis 7 mois, les remboursements que nous faisons au public sont très considérables, et que nous avons 5 bureaux journellement ouverts à quiconque se présente. »>
(Suivent les signatures.) Arrêté concernant l'état de la caisse patriotique.
« Extrait du registre des délibérations du corps municipal du jeudi 4 avril 1792.
« Le corps municipal ayant entendu le rapport des commissaires nommés dans la séance du
30 mars, relativement à la caisse patriotique, arrête, après avoir entendu le procureur de la commune, que le rapport de ses commissaires sera déposé au secrétariat, imprimé, affiché et envoyé aux comités des 48 sections.
« Signés : pëtion, maire, Dejoly, secrétaire greffier. »
« Suit le procès-verbal :
« L'an mil sept-cent-quatre-ving^douze, de la liberté le quatrième, six heures et den^ie de relevée, le mardi 3 avril, en vèrtu de la demande faite par MM. ,les administrateurs de la caisse patriotique, et d'après un arrêté, du corps municipal. Nous, commissaires soussignés, en présence et du consentement de MM. Riboutté, Germain, Lavit, Rqdier et Rodesse, tous administrateurs de la dite caisse, ayons de suite procédé à la vérification de l'actif et du passif.
« D'où il résulte qu'à l'époque du 3 avril, présente année, nous avons trouvé qu'il y avait en émission une somme de vingt-trois millions sept centsoixante miUesept cent cinquante trois livres ]15 sols en billets
patriotiques,' ci........ 23,760,753 1. 15 s. » d.
« Sur laquelle somme est rentrée celle de ,six millions cent quinze mille neuf cent quarante un,livres dix sols,
ci...................................6,115,941 10 »
« Reste en émission _
dix sept millions six cent soixa' te mille huit cent, douze livres cinq
sols Ci................ 17,660,812 1. 5 s. » d.
« Pour couvrir cette somme, nous avons trtfuvé : 1? en assignats cinq millions, soixante deux mille quatre cents livres, dans laquelle somme est comprise celle d'un million trois cent soixante-un mille cinq cents livre,dansla caisse de la com pagnie déposée
à la ville, ci.......... 5,062,400 1. » s. » d.
« 2°En lettres de change à échoir depuis le 4 présent mois jusqu'au
31 mai prochain, huit millions trois cent quatre-vingt dix mille cent cinquante livres six sols
sept deniers, ci. .................... 8,390,150 6 7
3° En effets publics , déposés à la ville, évalues, d'après le procès-verbal du 19 mars dernier, à quatre millions six cent soixante dix mille six cent quatorze
livres, ci. ........... 4,670,614 » »
4° En effets publics dans les caisses de la compagnie pour sûreté des prêts qu'elle a faits à courte échéance dont la dernière tombe au 11 juin prochain, éva-
lués à quatre millions neuf cent vingt-six mille sept cent quinze livres,
ci.................... 4,926,715 1. » s. » d.
5° En effets commerçâmes, à éch oi r au 31 dé-cembre prochain, mon^ tant à un million deux cent quatre vingt quatorze mille huit cent
livres ci.............. 1,294,800 » »
, 6° Dû, par divers particuliers pour prêts, quatre-vingt-onze mille livres, ci—.,.,......... 91,000 » »
7° En effets publics, pour sûreté d'un prêt, soixante mille livres,ci. jv 60,000 » »
Total........ 24,495,679 1. 6 s. 7 d.
Résultat :
L'actif est de vingt-quatre millions quatre cent quatre vingtquinzé millesix cent soixante-dix neuf livres six sols
sept'deniers.......... 24,495,679 1. 6 s. 7 d.
Le: passif est de dix-sept millions six cent soixante mille huit cent douze livres cinq sols ci.................... 17,660,812 5 »
Excédent en faveur de la caisse : six millions huit cent trente quatre mille huitcentsoixante sept livres un sol 7 deniers ci,g............ 6,834,867 1. 1 s. 7 d.
Nous observons qu'en parcourant les livres et registres de l'Administration, il nous a paru que l'emploi successif des fonds de la caisse a servi à escompter des lettres de change sur Paris, ou en prêts sur des effets publics et que nous n'avons aperçu aucune tracede spéculation, sur quelques marchandises que ce soit.
Lecture faite du présent procès-verbal, approuvé et consenti, tant par MM. lesadministra-teurs, que par "0008 commissaires, avons chacun apposé notre signature icelui, à 11 heures moins un quart du soir et dits jour et an que dessus..
Signé : Germain, Rodesse, La vit, Ri-boutté, J.-B. Rodier, administrateurs de la caisse; Beder-m an, patris, lefebure, guinot
J.-J. Thomas, officiers municipaux nommés commissaires ad hoc.
Je demande l'ordre du jour motivé sur ce que la loi du 30 mars porte que les municipalités feront déposer dans les caisses l'équivalent des assignats que les caisses auront mis en émission.
(L'Assemblée, passe à l'ordre du jour, d'après les dispositions consignées dans son décret du 30 mars dernier.)
5° Lettre du sieur Bournet, capitaine au 28 régiment d!infanterie, qui adresse à l'Assemblée un
mémoire pour se plaindre d'avoir été lésé dans son avancement au grade de lieutenant-colonel.
(L'Assemblée renvoie la lettre et le mémoire au Comité militaire.)
6° Lettre du receveur du district d'Etampes, qui offre un don patriotique de 400 livres à prendre sur son traitement et l'abandon d'une réclamation qu'il aurait à faire sur le Trésor national et
Gour lequel il envoie les titres pour la constater.
1 l'estime 400 livres.
(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable de l'offrande au procès-verbal dont un extrait sera remis au donateur.)
7° Lettre de M. Roland, ministre de Vintérieur, dans laquelle il annonce qu'il existe dans une cave du monastère de Cluny un monument qui devait être élevé à la mémoire de Turenne par le cardinal de Bouillon. Il propose de le faire transporter au Panthéon français et de demander à être autorisé à payer les frais du déplacement.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité d'instruction publique.)
8° Lettre M. de Roland, ministre de Vintérieur, par laquelle il instruit l'Assemblée que les administrateurs du district de Saint-Maixent sont poursuivis par des entrepreneurs qui ont fait des réparations au séminaire de cette ville et qui demandent le payement de ce qui leur est dû.
(L'Assemblée renvoie l'examen de cette affaire au comité de l'ordinaire des finances.)
9° Lettre de M. Roland, ministre de l'intérieur,, relative à la fondation de 6 places gratuites pour 6 filles pauvres dans la ci-devant abbaye de Port-Royal.
(L'Assemblée renvoie cette lettre aux comités de l'ordinaire des finances et d'instruction publique réunis.)
10° Lettre de M. Roland, ministre de Vintérieur. qui annonce n'avoir encore reçu aucune nouvelle officielle de l'événement arrivé au camp de Neuf-Brisach (1). Cette lettre est ainsi conçue : (2)
« Paris, le
. Monsieur le Président,
« L'Assemblée nationale rendit hier un décret qui charge le ministre de l'intérieur de lui rendre compte dans les 24 heures des événements relatifs à une fermentation qui a eu lieu au camp de Neuf-Brisach à l'occasion de quelques voitures chargées d'armes qui allaient à l'étranger.
« J'ai bien entendu parler de cet événement mais d'une manière vague; on dit qu'il y a des lettres particulières qui attestent le fait, mais je n'en ai point reçu d officielle qui y ait rapport.
« Je suis avec respect, Monsieur le Président, etc.
« Signé : ROLAND. »
11° Lettre des administrateurs composant le directoire du département du Calvados, qui
demandent le payement d'une somme de 600 livres pour des gardes nationaux employés à rétablir
la tranquillité publique, troublée par des prêtres factieux dans plusieurs parties de leur
territoire.
12° Lettre du sieur Marigny, sergent du bataillon de $ainl-Éhenne-du~Mont, dans laquelle il annonce à l'Assemblée que lorsqu'il a signé la pétition contre le décret pour la formation d'un camp de 20,000 hommes sous les murs de Paris, il a été induit en erreur. 11 s'empresse de se rétracter.
Une députation de citoyens de la section d'Henri IV est admise à la barre.
L'orateur de la députation s'exprime ainsi (1) :
Législateurs, vous avez décrété que 20,000 de nos frères d'armes des 83 départements se réuniraient à Paris pour le 14 juillet prochain ; cette mesure était dictée par la prudence, vous l'avez pesée dans votre sagesse, et nous venons vous remercier de cette nouvelle preuve de votre sollicitude sur les dangers de la patrie, vous n'avez point douté du zèle de la garde nationale parisienne, comme des scélérats qui sont démasques depuis longtemps, ont voulu l'insinuer. Non, vous ne vous êtes point fait cette injure, un père ne se défie pas de ses enfants. Le patriotisme, le courage et l'intrépidité de la garde nationale vous sont connus ; vous savez qu'elle a commencé la Révolution et qu'elle l'achèvera, vous savez qu'elle a protégé l'établissement de la Constitution et qu'elle ne cessera de la défendre, vous savez qu elle a juré la liberté ou la mort, et personne ne connaît mieux que vous la fidélité inviolable avec laquelle elle garde ses serments ; mais, dans un instant où les passions s'agitent, où l'on fait jouer toute espèce d intrigues pour diviser les Français, dans un moment où l'on cherche à aiguiser les poignards du fanatisme, dans un moment où l'on veut combiner la guerre civile avec la guerre extérieure, dans un moment enfin où tous les despotes réunis sont prêts à fondre sur nous et où 40,000 scélérats sont prêts à les séconder, vous avez voulu déjouer leurs complots et nous mettre en état de leur résister par la réunion imposante de tous les enfants de la liberté. Nous voterons à la rencontre de nos frères, ils retrouveront en nous les hommes du 14 juillet, nos maisons leur seront ouvertes comme nos cœurs ; nous resserrerons plus étroitement avec eux les liens de l'amitié, de la confiance et de la fraternité qui doivent régner entre tous les Français. Nous renouvellerons ensemble à la face de l'univers et en dépit des traîtres et des despotes le serment de vivre libre ou de mourir, de les vaincre et de conserver tout entière la liberté, l'égalité et la Constitution ou de nous ensevelir avec eux sous les ruines de cet empire. Les départements, les districts, les cantons, les villes, les villages, nos armées, tous citoyens soldats et les soldats citoyens, la France entière qu'ils croyent divisée répétera tout d'une voix ce serment, elle ne leur présentera plus qu'une vaste famille et elle sera invincible puisqu'elle sera réunie et n'aura plus qu'une seule volonté, celle d'être libre. (Vifs applaudissements.)
répond à la députation et lui accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable au procès-verbal de l'adresse des citoyens de la section de Henri IV.)
Les ouvriers très patriotes de la verrerie de Dunkerque me chargent de dépo
J'ajoute que le jour où l'on a formé le camp de Dunkerque, le colonel, 2 officiers, 2 adjudants-majors et 2 maréchaux des logis du régiment de dragons ci-devant Bourbon, sont partis, emportant les guidons de ce régiment. Je demande le renvoi de cet objet au Pouvoir exécutif, afin qu'ils puissent être jugés par les cours martiales.
(L'Assemblée accepte l'offrande des ouvriers de la verrerie de Dunkerque et en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis aux donateurs. Elle renvoie, en outre, la dénonciation faite par M. Emmery au Pouvoir exécutif.)
Je suis chargé par la Société des Amis de la Constitution de Lisieux de déposer sur l'autel de la patrie une somme de 2,302 livres, dont 221 liv. 17 s. en 5 lettres de maîtrise; 385liv. 4 s. 6 d. en espèces et 1,735livres en assignats, plus 2 paires de boucles d'argent. (Applaudissements.)
De jeunes citoyens de Paris, accompagnés de leur instituteur, sont admis à la barre et offrent à la patrie 27 liv. 15 s. en espèces; 75 livres en assignats, plus une bague en argent. (Applaudissements.)
accorde à la députation les honneurs de la séance.
Un de MM. les secrétaires annonce que MM. Ri-bes et Bayet, membres du directoire du district d'Issoire, département du Puy-Dôme, le procureur-syndic et le secrétaire-greffier, envoient 400 livres en assignats. (Applaudissements.)
(L'Assemblée accepte toutes ces offrandes et en décrète la mention honorable au procès-verbal dont un extrait sera remis aux donateurs.)
, au nom du comité de l'ordinaire des finances, présente un projet de décret relatif à la vente des sels et tabacs (1) ; ce projet de décret est ainsi conçu :
Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de 1 ordinaire des finances, qui lui a rendu compte des pertes considérables que le Trésor public éprouve sur la vente des sels et tabacs, par l'effet de la coalition de plusieurs citoyens qui se concertent pour ne pas enchérir, voulant faire cesser promptement un semblable desordre, décrète qu il y a urgence.
Décret définitif.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
« Art. 1er. Aussitôt après la publication du présent décret,
les enchères pour la vente des sels et tabacs, ordonnée par la loi du 25 mars dernier, ne
seront reçues qu'au-dessus du minimum du prix qui sera déterminé de la manière prescrite par
les articles suivants :
« Art. 2. Pour parvenir à la fixation de ce minimum, les corps administratifs feront
parvenir sans délai, au ministre des contributions
- Art. 3. Aussitôt que le ministre aura reçu ces renseignements et avis, il fixera le minimum du prix au-dessous duquel ces denrées ne pourront être adjugées, et il en instruira de suite les directoires de départements, qui, de leur côté, en instruiront les directoires de districts. »
(L'Assemblée adopte le décret d'urgence, puis le décret définitif.)
Un membre demande par article additionnel que la suspension de la vente des sels et tabacs soit formellement prononcée.
(L'Assemblée décrète Cette proposition.)
Suit le texte définitif du décret rendu :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de l'ordinaire des finances, qui lui a rendu compte des pertes considérables que le Trésor public éprouve sur la vente des sels et tabacs, par l'effet de la coalitionde plusieurs citoyens qui se concertent pour ne pas enchérir, voulant faire cesser pro npte-ment un semblable désordre, décrète qu'il y a urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« Aussitôt après la publication du présent décret, les enchères pour la vente des sels et tabacs, ordonnée par la loi du 25 mars dernier, ne seront reçues qu'au-dessus du minimUm du prix qui sera déterminé de la manière prescrite parles articles suivants; et jusqu'à ce que ce minimum soit fixé, la vente sera suspendue.
Art. 2.
« Pour parvenir à la fixation de ce minimum, les corps administratifs feront parvenir, sans délai, au ministre des contributions publiques, des renseignements sur le prix commun du commerce des sels et tabacs dans leur département, et ils indiqueront le prix qu'il paraît convenable de délerminer, et au-dessous duquel il ne pourra être reçu d'enchères pour la vente des sels et tabacs nationaux.
Art. 3.
« Aussitôt que le ministre aura reçu ces renseignements et avis, il fixera le minimum du prix au-dessous duquel ces denrées ne pourront être adjugées, et il en instruira de suite les directoires de départements, qui, de leur côté, en instruiront les directoires de districts. »
Un de MM. les secrétaires donne lecture du procès-verbal de la séance du samedi 9 juin 1792, au soir.
Plusieurs membres observent que dans ce procès-verbal, le secrétaire a désigné par son nom
M. Merlin dont on a demandé renvoi à l'Abbaye et que cette désignation ne peut avoir lieu
qu'au cas où la peiùe eût été décrétée (1). Ils demandent que le nom de M. Merlin soit rayé.
Un membre demande que celte partie du procès-verbal soit supprimée.
(L'Assemblée décrète cette proposition.)
Une députation de citoyens du faubourg Saint-Antoine est admise à la barre.
Vorateur de la députation se plaint d'abord, de ce que l'Assemblée, d'après les impulsions d'une l'action dont les membres disent qu'ils veulent la Constitution, toute la Consti ution, rien que la Constitution, a perdu une journée de ses séances pour assister à on simulacre^de fête. Il entre ensuite dans de grands détails sur les circonstances présentes.
Plusieurs membres demandent que le pétitionnaire se contente d'énoncer l'objet de sa pétition et qu'elle soit renvoyée à un comité.
Vorateur de la députation. Messieurs, je parle au nom de mes concitoyens. Tout citoyen a le droit de pétition, et je ne sais pas pourquoi ces Messieurs refusent de m'entendre. (Murmures et interruptions.)
le jeune. Monsieur le Président, je demande qu'en Votre qualité vous fassiez respecter par le pétitionnaire la dignité du gouvernement représentatif. Les citoyens ont sans doute le droit de pétition, mais ils n'ont pas le droit de venir discuter à là barre. Je demande donc que le pétitionnaire énoncé succinctement l'objet de sa pétition et qu'elle soit renvoyée sur-le-champ au comité.
(L'Assemblée adopte la proposition dé M. Carnot-Feuleins le jeune, et renvoie la pétition au comité des pétitions.)
accorde à la députation les honneurs de la séance.
La multiplicité et souvent l'inutilité des pétitions fait pérdre, presque tous les jours, un tem-is considérable qui devrait être employé aux travaux importants qui s'accumulent dans les comités. Je rappelle à l'Assemblée les deux articles du règlement qui portent que les pétitionnaires seront tenus d'envoyer à M. le Président une note sommaire sur l'objet de leur pétition et de l'énoncer de même à la barre. Ces 2 articles ne sont pas exécutés, je demande qn'ils soient remis en vigueur.
Plusieurs membres : L'ordre du jour!
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour, par le motif qu'il existe un décret à ce sujet et qu'il ne s'agit que de le faire exécuter.)
Je demande la parole pour M. Delfau qui désire communiquer des faits q^i intéressent la, "sûreté générale, celles de l'Assemblée nationale et du roi.
(L'Assemblée accorde la parole à M. Delfau.)
Hier soir, à 7 h. 1/2 environ, je passais dans le jardin des Tuileries, J'aperçus un orateur qui, monté sur une chaise, parais-1 sait déclamer avec beaucoup de véhémence. Je m'approchai, me mêlai dans la foule, et j'entendis la lecture à haute voix du libelle que voici où l'on provoque hautement à l'assassinat du roi. Etonné de ce spectacle, croyant à peine mes yeux et mes oreilles, ie me mis à côté de l'orateur lui-même.Ce libelle est ainsi intitulé : La chute de Vidole des Français. Je l'ai acheté. Je ne vous en ferai pas la lecture eu entier,,mais vous me permettrez de vous lire le passage qui
contient le portrait du roi; vous y verrez qu'on y invite à l'assas-inat, qu'on le commande même; le voici :
« C'est ce monstre qui n'emploie le pouvoir qui lui est confié, que pour anéantir la nation. Nouveau Charles IX, il veut vous armer les uns contre les autres, et porter dans la France la désolation, les ravages et la mort. Va, perfide, ton crime envers une nation sénsible *t généreuse, te met dans la classe des plus grands criminels! Damiens fut moins coupable que toi; s'il eût consommé son crime, il n'eût privé ia société que d'un brigand qui, par ses turpitudes ét se§ dissolutions, fit à la France des plaies si profondes, que de longtemps elles ne seront fermées. Cependant tout ce que la cruauté la plus raffinée put imaginer de plus doulour .ux, fut employé pour le faire périr. Et toi, dont l'attentat est 25 millions de rois plus grave, on te laisse impuni; et ce qui est encore plus incroyable, on veut té placer sur le trône avec la même puissance. Mais tremblez, brigands, qui vous jouez dé la volonté du peuple, l'heure de la vengeance approche; il est pirmi nous des Scévola qui sauront braver les tourments et la mort, pour la donner à ceux qui nous oppriment. »
Dans cet endroit, l'orateur fait le portrait deà rois de France. 11 arrive à Louis XVI ; et voici comme il s'exprime :
« Dormirons-nous toujours du sommeil de la mort? resterons-nous toujours avilis? ramperons-nous toujours sous les fers du despotisme? Non, sans doute; et puisque le successeur de tant de tyrans a rompu tous les nœuds qui l'attachaient à nous, foulons aux pieds ce vain simulacre de royauté qui a voulu, qui a prétendu anéantir les lois émanées dé la volonté de 25 millions d'hommes. Ecrasons cette idole des Français, qui en se faisant déclarer inviolable, a avili la majorité nationale. Ployer devant un individu est un crime et une monstruosité dans l'ordre social. Si la liberté a tant de peine à prévaloir, c'est que le pouvoir exécutif héréditaire est unique; c'est qu'on ne voit rouler que son or dans la capitale. Par lui, on voit aes> séductions de tout genre et des attenats de toute espèce. On voit des hommes corrompus attaquer la liberté jusques dans l'aréopage, qui doit être son asile, les crimes les plus exécrables ne les épouvantent pas. Attendons qu'un grand jour éclaire l'abîmé effrayant, réunissons nos forces, et faisons frémir les scélérats de rage et d'épouvante. »
La personne qui lisait hierau soir cet ouvrage, était à l'entrée de l'Assemblée nationale, dans le jardin même du roi. La déclamation était accompagnée de gestes si expressifs, de mouvements si indicatifs en désignant le palais des Tuileries, que je ne pus pas douter qu'il y avait dans la personne qui lisait cet écrit, des intentions criminelles. Je demande à cet égard à l'Assemblée nationale s'il est possible que la municipalité de Paris, que le maire n'ait pas connaissance de ces prédications publiques, de ces déclamations, de ces provocations incendiaires. 11 n'est pas possible que la municipalité de Paris n'en ait pas connaissance; je demande que le maire de Paris (et je ne crois pas demander trop) rende compte des moyens qu'il emploie pbur veiller à là sûreté publique, et pour empêcher que, dans le jardin du roi notamment, on déclame de pareils libelles.
J'ai encore à dénoncer à l'Assemblée un fait
qui me paraît beaucoup plus grave que celui que je viens de citer.
L'Assemblée nationale veut sans doute découvrir toutes les conspirations et punir les conspirateurs sans acception de personnes.....
Plusieurs membres : Oui! oui!
Eh bien, Messieurs, je suis forcé de vous dénoncer le ministre de la justice, comme travaillant très efficacement, soit par malveillance, soit par impéritie (ce que l'aime mieux croire), à avilir le Corps législatif. M. le ministre de la justice est venu, il y a peu de temps,'vous faire part des mesures qu'il avait prises pour arrêter la circulation des feuilles de l'Ami du Peuple et veiller à l'exécution de votre décret.^ L'Assemblée nationale ne fut pas très satisfaite de sa réponse, puisqu'elle lui ordonna de rendre compte de nouveau, par écrit, le lendemain matin (1). Kh bien, Messieurs, depuis cette époque, le ministre de la justice ne vous a pas dit, ne vous a pas écrit un seul mot; et depuis votre décret, l'Ami du Peuple ne cesse de circuler dans le public, dans toutes les sociétés littéraires du Palais-Royal. L'abonnement continue comme ci-devant; il circule dans tout Paris; il se vend à quarante pas de l'Assemblée nationale. Je ne dis pas seulement qu'il se vend, mais il se proclame hautement, et on l'offre à qui veut le recevoir. Il se distribue dans vos armées, il circule partout. Je vous demande, Messieurs, si le ministreapris des mesures pour découvrir ou faire cesser la distribution de cet écrit, s'il a fait arrêter et interroger un seul des colporteurs qui distribuent cet ouvrage. Si l'on en avait interrogé seulement un, peut-être aurait-on découvert, par ce moyen, ou se tient cette caverne de brigands. Je soutiens qu il n'est pas possible que M. le ministre de la justice ait cherché à l'aire des découvertes à cet égard-là.
Messieurs, j'ai dans ce moment-ci quatre ou cinq numéros de 1 Ami du Peuple, je ne voudrais pas lasser votre patience en vous lisant un ouvrage q u'il vous serait impossi ble d'entendre, mais je vous demande la permission d'en lire quatre à cinq phrases, et si votre indignation peut être contenue, j'aurai eu tort de vous faire cette dénonciation.
Plusieurs membresLisez! lisez!
L'auteur de l'Ami du Peuple est décrété d'accusation : il ne s'agit plus de prouver que c'est un incendiaire, il faut se corner simplement à faire exécuter le décret ; il est inutile de lire un ouvrage que l'Assemblée nationale a déjà jugé.
Il me paraît nécessaire que l'Assemblée nationale ait connaissance de quelques phrases qui sont dans l'Ami du Peuple.
Plusieurs membres : Lisez ! lisez !
D'autres membres : Non ! non !
(L'Ass
Voici comment il s'exprimait dans un de ses numéros :
« Il est évident, dit-il, que la trahison de Dillon est manifeste. Laissez faire le comité
militaire, vous verrez le traître blanchi par l'Assemblée. Et comment ne le serait-il pas ?
elle cherche un prétexte plausible, afin d'accorder à
Au sujet de la lettre de la municipalité de Valenciennes, voici comme il s'exprime :
« L'Assemblée nationale, après quelques débats, décrète que cette lettre sera communiquée au ministre, et qu'il y répondra le lendemain, pour lui donner le temps de préparer ses moyens,
« Dites, après cela, que la cour, les ministres et l'Assemblée nationale ne s'entendent pas comme fripons en foire ».
, le jeune. Je demande le renvoi au pouvoir exécutif.
Je demande que l'on passe à l'ordre du jour.
J'appuie l'ordre du jour. Il me semble, Messieurs, que l'Assemblée ne s'élève pas à la hauteur où elle doit être en écoutant des dénonciations de gazettes.....(Murmures.)
parle dans le bruit et demande qu'on passe à 1 ordre du jour.
Quel intérêt ces Messieurs ont-ils donc à soutenir de pareils crimes?
(de Bayeux). Je demande la parole pour la dénonciation d'un écrit encore plus incendiaire que celui qu'on vient de vous lire ; il est intitulé : Têtes à prix, dans lequel ouvrage on met à prix la tête du roi, celle des généraux et de plusieurs membres de l'Assemblée. On a dénoncé ce fait au ministre, il n'a pris aucun parti, et cela est si vrai, qu'hier cet écrit était encore distribué à la porte ae l'Assemblée.
Les faits qu'on vient de vous dénoncer ne sont pas de la compétence de l'Assemblée. Ce sont là des délits de police dont elle ne peut pas connaître. J'en demande le renvoi au pouvoir exécutif en chargeant le ministre de la justice de rendre compte séance tenante des mesures qu'il a été précédemment chargé de prendre relativement à la distribution des écrits séditieux.
(L'Assemblée adopte la proposition de M. Beu-gnot.)
Je demande la parole pour une motion d'ordre. Les effets produits par les libelles, vomis chaque jour par les factieux de tous les genres, doivent vous convaincre que les lois réglementaires contre la licence delà presse ne sont pas suffisantes. Je demande donc que le coniité de législation soit chargé d'examiner quels seraient les moyens les plus propres et les plus compatibles avec la liberté pour réprimer la licence de la presse et de présenter sans délai un projet de décret.
Plusieurs membres : L'ordre du jour!
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
, le jeune, au nom du comité militaire, donne lecture de la rédaction du décret rendu dans la séance d'hier soir (1) sur la prohibition de la sortie d'armes de toute espèce et de munitions de guerre ; elle est ainsi conçue :
« L'Assemblée nationale, considérant que rien n'est plus instant, dans les circonstances
actuelles, que de pourvoir d'une manière certaine à ce que les arsenaux et magasins
nationaux
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu son comité militaire et décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
«Jusqu'à ce qu'il en ait été autrement ordonné, la sortie à l'étranger, de toutes espèces d'armes et munitions de guerre, est et demeure prohibée.
« Sont expressément compris dans cette prohibition les fusils et la poudre de chasse, les pistolets de poches et d'arçons, ainsi que les épées, sabres et couteaux de chasse.
Art. 2.
« En cas de contravention à l'article précédent, les armes et munitions saisies seront confisquées, ainsi que les chevaux, voitures et bateaux qui s'en trouveraient chargés ; il sera en en outre payé une amende de 50 livres pour chaque arme saisie, et, pour les munitions, il en sera payé une qui sera équivalente à trois fois leur valeur réelle : dans l'un et l'autre cas, ces amendes seront exigibles et payables par corps.
Art. 3,
« Le pouvoir exécutif donnera les ordres les plus précis, pour faire le plus promptement possible, dans tous les arsenaux et magasins nationaux du royaume, la recherche de tous les fusils qui, soit par leur calibre, soit par leur longueur, par leur forme, par leur défaut de baïonnette, etc., ne pourraient être d"aucun usage dans les armées, mais pourraient cependant être d'une grande utilité entre les mains des citoyens habitant les campagnes des départe-. ments frontières. Ces fusils seront mis sur-le-champ en réparation, et il sera fait, s'ils ne sont pas du calibre actuellement en usage, des moules à balles en quantité suffisante, pour en envoyer pàrtout.où l'on fera passer de ces fusils, qui ne seront délivrés que sur un décret du Corps législatif; et seront alors marqués des lettres A. N. signifiant arme nationale.
Art. 4.
« 11 sera fait, dans la huitaine de la publication du présent décret, un inventaire exact des armes et munitions de guerre de toutes espèces, qui pourraient se trouver dans les maisons des émigrés, et sur lesquelles les scellés seraient ou auraient été précédemment apposés; un extrait de cet inventaire, désignant les différentes espèces d'armes et de munitions, sera envoyé dans la huitaine au directoire du département, qui l'adressera sur-le-champ au pouvoir exécutif : celui-ci, de son côté, en donnera connaissance, sans délai, au Corps législatif.
Art. 5.
« Les fusils du modèle de 1777, existants dans les magasins nationaux, ne pourront, sous aucun prétexte, être délivrés aux troupes de nouvelle levée, tant qu'il sera possible de leur en
fournir d'autres neufs ou réparés, à moins que ces troupes ne soient employées contre les ennemis extérieurs ; auquel, cas, s'il est jugé nécessaire, leur armement pourra être renouvelé, en tout ou en partie, en armes du modèle de 1777 ».
(L'Assemblée adopte cette rédaction.)
, au nom du comité militaire, soumet à la discussion un projet de décret concernant la création de compagnies de volontaires gardes nationaux, chasseurs à cheval ; ce projet ae décret est ainsi conçu (1) :
« L'Assemblée nationale, considérant qu'il importe de donner aux citoyens, que leur amour pour la patrie appelle à la défense de la liberté, des moyens de servir dans, les troupes à cheval, et même de former des corps de volontaires gardes nationaux à cheval, conformément au désir qu'ils en ont manifesté; et qu'il est instant de déterminer le mode d'organisation et d'enT ploi le plus propre à ces corps de nouvelle levée, décrète qu'il y a urgence.
* L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité militaire, et décrété l'urgence, décrète :
Art. 1er.
« Il sera attaché aux 6 légions créées par le décret du 27 avril dernier, une nouvelle compagnie sous la dénomination de volontaires gardes nationaux, chasseurs à cheval.
Art. 2.
« Chaque compagnie sera de 130 hommes, et composée d'un capitaine, « Deux lieutenants, « Un sous-lieutenant, f Un maréchal des logis en chef, « Quatre maréchaux des logis, « Un brigadier fourrier, « Huit brigadiers, « Huit appointés, « Deux trompettes, « Deux maréchaux ferrants. « Et cent quatre volontaires gardes nationaux.
Art. 3.
. Pour parvenir à la formation de ces compagnies, il sera ouvert, au directoire de chaque district, un registre où s'inscriront les citoyens qui voudront servir dans lesdites compagnies.
Art 4.
« Les directoires de district ne pourront admettre aucun citoyen à s'inscrire, qu'autant qu'il fera actuellement le service (Jans H garde nationale, et qu'il produira un certificat de civisme, signé des officiers municipaux du lieu de sa résidence, des chefs de la garde nationale, et de la compagnie dans laquelle il aura fait le service au moins depuis un an.
Art 5.
« Chaque citoyen, en s'inscrivant, prendra l'engagement de s'équiper et de se monter à
« Cette indication suivra l'envoi du présent décret dans les départements.
Art. 6.
« Le pouvoir exécutif donnera des ordres afin
3u'il soit transporté, dans les lieux qu'il aura ésignés pour dépôts, toutes les parties de l'armement au cavalier et de l'équipement du cheval prescrites pour les chasseurs à cheval.
Art. 7.
« Tout citoyen qui, après avoir rempli les formalités exigées par les articles 4 et 5 du présent décret, se rendra au lieu du rassemblement qui lui aura été indiqué, et s'y présentera monté sur un cheval à tous crins, âgé de 5 ans au moins, et de la taille de 4 pieds 7 pouces à la potence, recevra l'indemnité et le traitement ci-après; savoir :
« 1°. Pour la valeur de son cheval, l'intérêt, à raison de 5 0/0, de la somme de 500 livres. Cet intérêt lui sera payé en supplément de solde, et à l'époque du terme de la durée de son service ou de la réduction de l'armée au pied de paix, et du licenciement des corps de volontaires gardes nationaux à cheval, il sera compté à chacun d'eux ladite somme de 500 livres, à moins que le volontaire ne préfère de remmener son cheval ou celui qu'il aura reçu en remplacement pendant la guerre, dans quelque état qu'il se trouve à cette époque.
« 2° Il recevra de plus, à son arrivée, une indemnité à raison ae 8 francs par lieue qui lui sont accordés, à compter du lieu de son départ à celui de son arrivée.
Art. 8.
« Du jour où l'arrivée des volontaires gardes nationaux à cheval sera constatée par je commissaire des guerres du dépôt, chacun d'eux recevra la même solde que celle qui est attribuée aux volontaires gardes nationaux à pied ; et du jour de la formation de la compagnie, les officiers, sous-officiers recevront la même solde que celle qui est attribuée aux grades correspondants dans les bataillons de volontaires gardes nationaux à pied.
Art. 9.
« Chaque volontaire recevra, à son arrivée au lieu du dépôt, l'armement et l'équipement de son cheval, tel qu'il est prescrit par l'article 6 du présent décret; et,ces 2 objets, ainsi que son cheval, seront entretenus et renouvelés aux frais et dépens de la nation.
Art. 10.
« Lorsqu'il y aura au moins 100 volontaires gardés nationaux à cheval, arrivés dans les lieux fixés pour les dépôts, ils se réuniront sous la surveillance du commandant de la place et d'un officier municipal, qui seront prévenus du lieu, du jour et de l'heure ; et là, après avoir élu parmi eux un président, un secrétaire et 3 scrutateurs, dans les formes prescrites par les articles 10 et 11 du décret du 14 décembre 1789, concernant
la constitution des municipalités, il procéderont ensuite, par le scrutin individuel et à la pluralité absolue des suffrages, à la nomination des officiers de leur compagnie: et dans la même forme du scrutin, et à la pluralité relative, à la nomination des sous-officiers.
Art. 11.
« Du moment où la nomination des officiers et sous-officiers d'une compagnie sera faite, le procès-verbal en sera envoyé au ministre de la guerre, qui sera tenu de faire expédier des ordres à cette compagnie pour qu'elle se réunisse à la légion à laquelle il jugera qu'elle sera le plus utile. Successivement chaque compagnie s'organisera et se réunira à telle légion ou tel corps, d'après le même mode.
Art. 12.
« Les volontaires gardes nationaux à cheval pourront choisir (sôit parmi eux, soit dans la gendarmerie nationale, soit enfin parmi les anciens militaires retirés, pourvu qu'ils remplis sent les conditions prescrites par l'article 4 du présent décret), celui qui leur sera le plus agréable, ou qu'ils trouveront le plus propre à les conduire et à les commander.
Art. 13.
« Dans ce cas où, après la formation des compagnies de volontaires gardes nationaux à cheval attachées aux légions, il se trouvera encore un nombre de volontaires assez considérable pour former une ou plusieurs compagnies, alors ces compagnies s'organiseront conformément à l'article 10 du présent décret, et le pouvoir exécutif, immédiatement après leur formation, les remettra à la disposition des généraux.
Art. 14.
« Le pouvoir exécutif donnera les ordres les plus précis pour que les volontaires gardes nationaux à cheval trouvent à leur arrivée dans les lieux de dépôt le logement et les fournitures dont ils auront besoin pour eux et leurs chevaux. Le pouvoir exécutif prendra également les moyens les plus convenables pour faciliter et accélérer l'instruction des volontaires; il pourra, à cet effet, choisir des officiers ou autres personnes à qui il sera accordé des gratifications proportionnées aux soins et à l'intelligence qu'ils auront mis à l'exécution de cet objet important.
Art. 15.
« Du moment où les compagnies de volontaires seront organisées, elles seront subordonnées à leurs chefs. Jusqu'à cette époque, les volontaires obéiront, en tout ce qui concernera le service et leur instruction militaire, aux officiers préposés pour cet objet par les commandants des places des lieux de dépôt.
Art. 16.
« Dans tous les cas qui n'auront pas été prévus par le présent décret, les lois existantes pour les volontaires gardes nationaux à pied serviront de règle pour ceux qui sont à cheval ;
et supposé qu'il n'existe pas sur ces cas des lois parmi celles qui sont relatives à la garde nationale, alors celles qui sont faites pour les troupes de ligne à cheval serviront provisoire tient de règle, sauf le recours, tel que de droit, au Corps législatif.
Art. 17.
« L'uniforme des volontaires gardes nationaux, chasseurs à cheval, sera le même que celui des gardes nationaux à pied, excepté pour la doublure de l'habit, qui sera rouge, l'agrafe du retroussis bleue, et une aiguillette de laine jaune sur l'épaule.
a Cet uniforme sera désormais celui des compagnies à cheval de la garde nationale, formées aux termes des articles^, 34 et 35 de la section seconde du décret du 29 septembre 1791 ».
(L'Assemblée adopte le projet de décret.)
Un membre, au nom du comité des décrets, donne lecture de la rédaction de L'acte d'accusation contre Jean-Joseph Henry, prêtre, prévenu du crime d'embauchage, à L'effet de porter les armes contre la France, et d'attentat contre La sûreté de l'Etat, la rédaction est ainsi conçue: (1) Acte d'accusation contre Jean-Joseph Henry, prêtre.
« Un procès-verbal de la municipalité d'AUon-drelle et la Malmaison, district de Longwy, département de la Moselle, du 2.} novembre 1791 ; une procédure criminelle instruite au tribunal du même district séant à Longuion, dans les derniers jours du même mois de novembre 1791, contre le sieur Jean-Joseph Henry, prêtre, ci-devant vicaire à Tonnelethil ; une lettre trouvée sur cet ecclésiastique lors de son arrestation, à lui adressée et signée (le chevalier Royer), dans laquelle on le remerciait des services qu'il rendait aux émigrés, ayant été envoyé à 1 Assemblée nationale, et annonçant que le sieur Henry cherchait à embaucher des hommes pour l'armée des Français rebelles, qu'il avait sollicité le sieur Joui, brigadier du 7e régiment de dragons, de deserter avec un détachement de 5 hommes qu'il commandait, lui avait offert, et à chacun d'eux, une somme de 45 livres et promis qu'ils auraient une bonne paye à Coblentz.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu la lecture de ces différentes pièces, et le rapport de son comité de surveillance, a décrété, le l1-8 juin, présent mois, qu'il y avait lieu à accusation contre Jean-Joseph Henry, prêtre; en conséquence elle l'accuse par le présent acte devant la Haute Cour nationale, comme prévenu du crime d'embauchage à l'effet de porter les armes contre la France, et d'avoir ainsi attenté à la sûreté de l'Etat.
(L'Assemblée adopte la rédaction de cet acte d'accusation.)
L'ordre du jour appelle la suite de La discussion (2) du projet de décret du comité
féodal concernant la suppression, sans indemnité, de divers droits féodaux déclarés
rachetables par le décret du 15 mars 1790 : la parole est à M. Deusy.
Messieurs, (1) votre comité de féodalité vous propose de supprimer, sans indemnité, les droits que les ci-devant seigneurs se faisaient payer à chaque mutation des biens dépendant de leurs terres. La gloire et l'intérêt de la nation sont liés à la décision de cette question importante. Je combats la proposition de votre comité; je combats également ceile de M. Mailhe, qui demande que cette suppression s'étende à tous les droits incorporels, quels qu'ils soient. Le stul énoncé de cette assertion doit fixer toute l'attention de l'Assemblee nationale, parce que, dans tous les temps, le but essentiel des associations politiques a été la conservation des propriétés ; notre Constitution a consacré ce principe par un article fondamental.
J'ajoute et je prouverai que la suppression proposée serait nuisible à l'intérêt national et qu'elle ne pourrait être vraiment utile qu'aux grands propriétaires au préjudice des autres citoyens. C'est donc la cause de la classe la plus nombreuse et la plus intéressante du peuple, que je vais plaider aujourd'hui; sans doute qu'à ce titre, je serai favorablement écouté par les représentants de la nation.
Si je voulais faire un livre élémentaire je devrais rechercher scrupuleusement l'origine des fiefs, le mode de leur établissement, les circonstances dans lesquelles ils ont été créés, et les vicissitudes qu'ils ont éprouvés à différentes époques. Je devrais compulser les lois saliques et ripuaires, les chartes antiques, les monuments les plus ignorés de l'histoire, et les compilations indigestes des feudistes les plus renommes, mais le produit de ce travail immense ne donnerait qu'un résultat d'incertitudes, de proba-lités et de conjectures, qui, loin de vous conduire à la vérité, ne ferait que vous en éloigner davantage, en embrouillant les idées au lieu de les éclaircir. Je pourrais, comme tous ceux qui ont traité cette matière, échafauder, sur un amas de citations, un roman féodal plus ou moins intéressant, en raison de l'art que je saurais y répandre; mais ce n'est point par des aperçus systématiques qu'on parvient à résoudre les difficultés de la question qui vous est soumise.
Je vous présenterai, Messieurs, quelques faits principaux assez généralement reconnus; ils vous feront apprécier la véritable essence des fiefs et la nature des droits qu'ils ont engendrés, ils vous feront distinguer ceux que la propriété réclame d'avec ceux qui sont le fruit d'une cause étrangère à la concession en fief. Je négligerai les détails, je ne ferai que jeter les masses pour arriver de suite aux résultats.
11 n'est plus douteux aujourd'hui, que la nation des Francs est la première chez laquelle le droit féodal ait pris naissance, pour se communiquer ensuite et s'étendre à presque tous les peuples de l'Europe.
Dès leurs premières incursions dans la partie septentrionale des Gaules, la fertilité du
territoire leur donna envie de s'en emparer. Après en avoir fait la conquête, ils
s'approprièrent la quantité de lerre nécessaire à leurs besoins, avec les esclaves ou
serf's, employés à les cultiver, ils abandonnèrent le reste aux vaincus, en leur accordant
la faculté de vivre suivant leurs
Les compagnons du prince s'appelaient leudes ou fidèles; ils ne recevaient les bénéfices que pour un temps déterminé, quelquefois pour la vie, sans jamais pouvoir les transmettre à leurs héritiers; ils pouvaient même en être dépouillés, mais il fallait que ce fut en vertu d'un jugement prononcé dans une assemblée de la nation.
Je ne parlerai point ici des dignités des ducs, des comtes et des autres officiers de l'Etat que le roi choisissait presque toujours parmi les leudes. Tout le monde sait qu'ils étaient revêtus tout à la fois des fonctions judiciaires, civiles et militaires. J'observerai seulement que, dès l'origine de la monarchie française, on distinguait différentes classes d'habitants, les leudes, les hommes libres et les e.-claves. J'ai déjà dit ce qu'étaient les leudes; quant à la classe des hommes libres, elle était, en grande partie, composée des peuples vaincus, occupés à la culture des terres que les vainqueurs leur avaient abandonnées. A l'égard des esclaves, il est important de remarquer que la servitude établie dans les Gaules avant la conquête, se conserva quelque temps encore et s'abolit graduellement enfin, sans néanmoins que les effets en fussent totalement détruits; car ils furent remplacés ensuite par des redevances pécuniaires ou par des prestations personnelles, représentatives des services que les maîtres tiraient des esclaves. Telle fut l'origine d'une foule de droits révoltants et vexatoires, qu'on a presque toujours confondus, mal à propos, avec ceux établis par la féodalité.
Le gouvernement bénéficiaire ou féodal, dont je viens, Messieurs, de vous donner une idée, se maintint, du moins dans ses parties essentielles, sous les deux premières races de nos rois. Durant cette période, les bénéfices appartenaient exclusivement aux lois politiques ; ils étaient exactement à l'instar des pensions ou des traitements qu'on accorda depuis et que nous accordons encore aux fonctionnaires publics; mais rien de ce qui concerne les lois civiles n'avait de rapport avec les fiefs puisque les possesseurs ne pouvaient ni les vendre, ni les transmettre à leurs héritiers, puisqu'il n'était pas permis de les faire entrer dans le commerce, ni dans l'ordre des successions. Il est très important de distinguer cette première époque du régime féodal d'avec celle dont je vais vous présenter une esquisse aussi rapide que la précédente.
Vers la fin de la seconde race, la faiblesse et l'imbéciiité de nos rois amenèrent la dissolution presque totale d'un gouvernement dont toutes les bases étaient vicieuses. La puissance des leudes, énormément accrue par les bénéfices accumulés sur leurs têtes, présenta bientôt à leur ambition l'espoir d'enlever au prince et de s'approprier l'autorité qu'ils exerçaient en son nom. L'on vit alors toutes les parties du royaume en proie à la révolte, au brigandage et à l'anarchie. C'est à la faveur de cette désorganisation
générale que les grands vassaux parvinrent à se perpétuer dans la possession des bénéfices et d'îs dignités de l'Etat. Chacun d'eux prétendit même à l'indépendance dans l'étendue des domaines qu'il avait envahis. L'autorité royale n'était plus qu'un fantôme. Les maux étaient au comble et cette foule de tyrans qui désolaient la France en étaient au point de se déchirer eux-mêmes, lorsque le plus puissant d'entre eux, Hugues Capet, fut assez hardi pour s'asseoir sur un trône dont les lois de l'empire lui défendaient l'approche.
Le premier soin de ce prince, pour assurer la couronne sur sa tête, fut de sanctionner du sceau de la loi toutes les usurpations dont les autres vassaux s'etaient rendus coupables. Il déclara, par conséquent, héréditaires et disponibles les bénéfices qui, jusque-là, n'avaient été tout au plus, que des pensions viagères accordées par l'Etat.. 11 fit plus encore : il investit des mêmes caractères de propriété dans la personne des usurpateurs, les pouvoirs politiques, judiciaires et de patronage qu'ils s étaient: arrogés. C'est ainsi que s'opéra dans la main des possesseurs de fiefs, ia cumulation de la puissance seigneuriale et judiciaire, avec tous les droits qui en dérivèrent, comme si ces deux puissances publiques pouvaient jamais devenir la propriété légitime des particuliers.
C'est à cette époque mémorable de l'hérédité des fiefs que les droits fixes et casuels furent imaginés pour la première lois. Depuis l'établissement de la monarchie française, les bénéfices avaient toujours été la propriété de tous; on les avait invariablement considérés comme le domaine de la couronne, dont le souverain d'alors avait le libre emploi pour le service et l'intérêt de la nation. Cette vérité incontestable était trop généralement reconnue pour que les leudes osassent la braver et la heurter de front. Aussi, voulurent-ils donner à leurs usurpations, à cet égard, quelque apparence de légitimité; en conséquence, ils consentirent et il fut convenu entre eux et le prince, qu'ils lui payeraient certaines redevances fixes et casuelles, pour acquérir la propriété incommutable des fiefs. Je sais bien que, dans les circonstances, ce contrat n'a pas été revêtu de tous les caractères de liberté, qui constituent la convention. Mais toujours est-il vrai de dire au'on y voit distinctement la concession du fonds, d'une part, et le prix de cetle même concession de l'autre. Cela suffit, sans doute, pour qu'on soit forcé de reconnaître, dans cet acte, la véritable essence de l'aliénation, quels qu'aient été la cause ou le droit qui l'ont produite.
Telle fut, Messieurs, la première origine des droits incorporels des fiefs, mais elle n'est pas la seule, il en est d'autres infiniment plus pures et qu'il serait difficile à l'esprit le plus prévenu de pouvoir critiquer; je vous les exposerai dans l'instant, et je me bornerai, pour le moment à la première, que M. le rapporteur n'hésite pas de rendre commune à tous les droits incorporels, quels qu'ils soient.
D'après les faits que je viens de présenter et sur lesquels la plupart des historiens sont d'accord, ne serait-il pas absurde de conclure que les droits incorporels ont été usurpés par les seigneurs. N'est-il pas évident au contraire, que ce sont les fonds mêmes des fiefs que les seigneurs se sont appropriés par la force? Et les droits incorporels n'ont été créés et consentis par eux au profit du fisc, légitime propriétaire
des fonds, que pour envelopper leur usurpation de quelque apparence de justice. Si donc, il fallait adopter le principe qui sert de base au projet de décret de M. Mailhe et du comité, s'il fallait dire avec eux que le vice originaire d'un drpit, en commande impérieusement la destruction, lors même que les lois existantes l'ont toujours regardé comme un droit de propriété : si, dis-je, il fallait adopter ce principe inconstitutionnel et destructeur de toute société, il faudrait, pour être conséquent et eii faire une juste application d'après les faits, non pas en conclure uniquement l'anéantissement des droits fixes et casuels, mais il faudrait y joindre, en même temps la destruction du droit de propriété sur les héritages, à moins qu'on ne prouvât que ces héritages ne sont point du nombre de ceux que les seigneurs ont usurpé dans l'origine. Cette double conséquence est nécessairement indivisible, puisque l'un et l'autre dérivent de la même source. Certes, ce serait un étrange oubli dés principes que d'élever une prétention aussi révoltante, et qui mènerait directement à la loi agraire. Je suis Convaincu que personne ne sera jamais assez hardi pour en faire la proposition.
Je me bornerais â ces réflexions, si je me contentais de détruire les raisons sur lesquelles M. le rapporteur a fondé l'opinion du comité; mais mon dessein est de discuter la question sous tous les points de -vue possibles et je m'efforcerai de ne laisser aucun doute dans les esprits.
J'en viens maintenant aux conséquences qui suivent nécessairement de l'ensemble des faits que j'ai mis sous vos yeux en vous présentant les différentes époques du régime féodal. Je vous en ai fait remarquer deux qu'il faut bien distinguer. Pendant la première époque, les fiefs qu'on appelait bénéfices, ne furent jamais réglés par les lois civiles, parce que, comme je l'ai déjà dit, étant amovibles et n'ayant aucun caractère constitutif de propriété, jamais ils ne purent être introduits dans le commerce ni dans l'ordre des successions, ils appartenaient exclusivement aux lois politiques, en ce qu'ils étaient proprement un domaine national que le prince était obligé d'employer pour le bien et l'intérêt de tous en le faisant servir tant à la défense de l'Etat, qu'à l'administration de toutes les parties du gouvernement; mais à la seconde époque, l'hérédité des fiefs détruisit ou changea toutes les règles observées jusqu'alors. Aussitôt que les fiefs purent se donner, se léguer et se vendre, ils appartinrent à la l'ois aux lois politiques et aux lois civiles, ou plutôt ces lois, quoique si différentes par leur nature, furent totalement confondues entre elles. 11 en fut de même des droits de toute espèce, qu'elles auraient dû régler séparément. De cette confusion de lois et ae droits civils et politiques, il est résulté que les possesseurs des fiefs qui en avaient acquis la propriété moyennant certaines redevances annuelles, et de mutations, qu'ils étaient obligés de payer au premier propriétaire, s'imaginèrent et persuadèrent aisément que, par là même, ils avaient également acquis la propriété des droits de seigneurie, de justice, de patronage et de tous autres de même nature, dont ils n'avaient eu jusque-là l'exercice au nom du roi que comme fonctionnaires publics et officiers de l'Etat. C'est ainsi que des droits dérivant immédiatement et exclusivement de la puissance publique furent convertis en propriétés particulières et cela ne doit pas étonner, si l'on consi-
dère que, dans ces temps d'ignorance, personne n'avait les premières notions des principes du contrat social.
C'était à notre Révolution qu'il appartenait de fixer les principes et l'Assemblée constituante les a consacrés par la destruction du régime féodal. J'aime à rendre cet hommage aux régénérateurs de la France, qu'en réformant les abus de ce gouvernement monstrueux, jamais ils ne se sont écartés des règles de la plus étroite justice, et c'est surtout en travaillant à l'anéantissement de la féodalité, qu'ils ont le plus religieusement respecté le droit sacré de la propriété, première base de toute société politique.
L'Assemblée constituante a parfaitemènt saisi le point de distinction que je viens d'établir; elle a recherché la nature des droits de toute espèce, qui se trouvaient confondus dans la main des propriétaires de fiefs; elle a distingué ceux qui dérivaient nécessairement de la puissance publique ou féodale, tels que tous les droits honorifiques et facultatifs de seigneurie, de justice et de patronage, elle a prononcé leur suppression absolue d'après ce principe d'éternelle vérité, que tout ce qui tient à la puissance publique ou nationale est inaliénable, comme la souveraineté même et ne peut jamais devénir la propriété des individus. Elle a distingué encore tous les droits adieux qu'on avait substitués à la servitude personnelle, et elle a fait disparaître du sol de la liberté toutes les traces de l'esclavage. Enfin elle a considéré, d'autre part, les droits qui par leur nature ne dérivaient pas essentiellement de la puissance féodale, mais qui avaient ou devaient avoir pour origine la concession des fonds : elle a reconnu que ceux-là pouvaient être mis dans le commerce et qu'ils avaient pu ainsi devenir la propriété des particuliers, en conséquence, et toujours fidèle à ses principes, elle à décrété qu'ils seraient conservés jusqu'au rachat.
Les droits fixes et càsuels ont été rangés dans cette dernière classe et l'exacte justice le commandait ainsi; je l'ai prouvé, lorsqu'en remontant à la première origine de ces droits, j'ai démontré par les faits historiques qu'elle avait eu pour cause la concession des fonds. Cette première origine n'est pas la seule ni même la plus générale; elle a servi de modèle à la plupart des transactions qui ont eu lieu depuis, entre les grands propriétaires et la classe indigente du peuple, c'est ainsi que se sont introduites une foule de conventions de cette espèce, volontairement souscrites entre le bailleur et le preneur à cens, Conventions d'autant plus précieuses aux yeux de l'homme public, que sans elles notre territoire serait peut-être encore à moitié en friche, et la partie essentielle de la nation plongée dans l'indigence et par suite dans l'ignorance profonde, qui en est inséparable. Il est tellement certain que les droits corporels ont eu pour origine la concession des fonds, que parmi les baux à cens aue recèlent les chartriers qui n'ont pas été ravagés par les guerres, il n'en est pas un qui ne fasse mention expresse de la stipulation des droits qu'on vous propose de supprimer. Mais, Messieurs, pour les fonds mêmes que ces titres concernent, les projets de décret ae M. Mailhe et du comité n'en seront pas moins destructeurs des droits, car la multiplicité des partages et des transmissions qui ont lieu depuis l'époque de la convention, rend inapplicable aux héritages les désignations consignées dans les titres; ou du moins s'il y avâit quelque appa-
rence de parvenir à cette application, ce ne pourrait être qu'au moyen d'une foule de procès tellement incertains et ruineux pour ceux qui les supporteraient, que les propriétaires aimeraient mieux abandonner leurs droits que de rien entreprendre. Si telle est la condition des propriétaires qui sont en possession de leurs titres, quel sera donc, à plus forte raison, le sort de ceux dont les archives ont été ravagées par la guerre, consumées par les incendies, ou dévastées par tous les événements que plusieurs siècles amènent? Faudra-t-il qu'ils renoncent à des droits qu'ils ont légitimement acquis en échange de leurs fonds aliénés? Ne serait-il pas d'une souveraine injustice de les rendre aussi victimes de la force des circonstances, qu'ils n'ont pu ni prévoir, ni empêcher.
Mais, Messieurs, quand tout ce que je viens de dire sur la création des droits fixes et casuels ne serait pas certain, quand il ne serait pas évidemment prouvé qu'ils ont eu la convention pour cause, faudrait-il s'attacher uniquement a leur origine pour prononcer sur leur sort? Pourquoi remonter aux siècles reculés? N'est-on pas frappé du danger d'ébranler de cette manière l'édifice paisible des propriétés? En effet, il en est bien peu qu'on puisse établir par titre au delà de 100 ans. Je maintiens que pas même le quart du patrimoine des citoyens du royaume ne soutiendrait la contestation; cependant la propriété est une, elle ne doit pas être considérée plus avantageusement dans une main que dans une autre ; et si l'on voulait, à l'égard des droits incorporels, supposer l'usurpation des possesseurs, il suivrait de la conséquence de ce prétexte perturbateur, que l'on devrait réunir au domaine national les domaines des grands fiefs, que les leudes ont usurpés, et avec eux tous les domaines qui en ont été démembrés, et qui forment aujourd'hui le patrimoine de la plupart des citoyens du royaume.
Ainsi donc, s'il est physiquement impossible de prouver l'origine particulière des droits incorporels, si l'on peut contester et révoquer en doute l'origine première et générale que je leur ai donnée, si tout, à cet égard n'est qu'incertitude et conjecture, il s'ensuit évidemment que ce n'est point à l'origine de ces droits qu'il faut s'attacher pour décider la question. Il faut étudier leur nature, il faut examiner si elle porte l'empreinte caractéristique de la propriété et l'on aura la solution du problème.
J'observe la nature des droits incorporels ; je consulte les clauses des chartes anciennes qui subsistent encore, je consulte aussi les définitions qui nous sont données par les lois coutu-mières et par les savants qui les ont approfondies et j'aperçois que ces droits proviennent de ce que le censitaire n'a irrévocablement acquis sa propriété que sous la condition d'une redevance fixe et casueile envers le bailleur, en sorte que cette propriété se trouve bornée à la valeur du fond, déduction faite de la charge qui lui est imposée. Certes, on ne trouvera rien dans cet acte, qui soit contraire aux principes des conventions, on n'y trouvera rien qui puisse blesser les bonnes mœurs ou les règles d'un gouvernement quel qu'il soit. On ne prétendra pas, sans doute, que cette espèce de convention soit essentiellement liée aux principes du régime féodal, puisqu'elle aurait pu s'établir et qu'elle pourrait subsister encore indépendamment de ce régime. Cela est si vrai, qu'on en voit un exemple dans le contrat amphytéotique
des Romains. 11 faut ouvrir le code de Justinien, au titre de l'amphytéose et l'on y lira les principes viscéraux ae notre contrat d'inféodation. La loi, troisième de ce titre* ne permet pas le moindre doute à cet égard, puisqu'elle décide textuellement que le preneur en amphytéose ne peut aliéner sans le consentement du bailleur, à moins qu'il ne lui compte le cinquantième de l'objet vendu. Je vais plus loin; si nous étions encore à l'époque où presque toutes les propriétés se trouvaient dans la main d'un petit nombre d'individus, je dirais que, bien loin de proscrire, il faudrait encourager le contrat d'aliénation, à charge de redevances fixes et casuelles envers le bailleur. En effet, dans cet état de choses, rien ne contribuerait davantage à l'amélioration de l'agriculture, puisque ce mode de convention produirait nécessairement une circulation plus rapide et une division plus accélérée des propriétés territoriales. Car, comme dans l'hypothèse, la pauvreté du plus grand nombre serait en raison de l'énorme disproportion des fortunes, la plupart des citoyens seraient privés des ressources pour acquérir une propriété dont il faudrait solder le prix en un seul et même payement. Cet obstacle disparaîtrait au contraire, au moyen de l'aliénation, à charge de redevances fixes et casuelles, parce-qu'alors l'indigent laborieux, en améliorant les terres que l'homme riche ne pourrait pas exploiter utilement, parviendrait aisément, par son travail et son industrie, à se procurer les moyens de payer le prix partiel de son acquisition, et quel est le législateur qui ne sache combien cette facilité de se créer une propriété tournerait au profit de l'agriculture et du commerce, combien, en conséquence, elle contribuerait à la perfection de la morale particulière et publique, et par suite à la prospérité nationale? 11 est donc évident, Messieurs, que l'établissement des droits incorporels ne renferme rien dans sa nature qui puisse être réprouvé par les règles les plus sévères des conventions civiles.
Je vais examiner maintenant si leur institution est revêtue des caractères distinctifs de la propriété. Ce qui constitue essentiellement la propriété, c'est que lés choses auxquelles elle s'applique puissent devenir l'objet des conventions, des pactes de famille et des transactions commerciales, suivant les règles déterminées par les lois. La propriété s'établit, ou par le titre du contrat, ou, à défaut de titre, par la possession pendant le temps suffisant à la prescription. La prescription a été sagement imaginée pour l'utilité générale, pour assurer la stabilité des propriétés et le repos des familles : lorsqu'elle est acquise sur les propriétés particulières, il n'est plus permis de rechercher quelle a été la première origine du droit qu'elle a consacré, elle couvre du manteau de la loi tons les vices dont le contrat originaire aurait pu être souillé. Magnum, scelus, dit énergique-ment Dumoulins, sed publicâ utilitate patratum.
L'application de ces principes se fait d'elle-même aux droits incorporels. La base générale de la propriété de ces droits résulte des lois municipales rédigées librement sous le titre de coutumes par les trois ordres réunis, dans la plupart des provinces du royaume. C'est là que la nation, légalement représentée, autant qu'elle pouvait l'être à celte époque, a consacré le principe de la propriété des droits incorporéls. C'est ainsi que cette nature de propriété a été légiti-
mée; c'est sous l'autorité de ces lois que se sont faites de bonné foi toutes les ventes, les transmissions diverses, lesconventions matrimoniales, ainsi que les partages de famille qui ont eu lieu depuis des siècles. Je vous le demandé, Messieurs, croyez-vous que sous le prétexte de rechercher l'origine du droit, en remontant à une époque reculée et ténébreuse, il vous soit permis de détruire aujourd'hui l'effet de tant de contrats sur lesquels repose la fortune d'une foule considérable de citoyens ? Le résultat funeste d'une telle injustice, serait de porter le trouble et la désolation dans les familles et d'opérer la ruine totale d'un grand nombre, car je pourrais vous citer plusieurs exemples de différents particuliers, dont toute la part héréditaire a été composée de revenus provenant uniquement des droits fixes et casuels. Oui, Messieurs, votre loyauté me persuade que vous vous empresserez de rejeter une mesure aussi révoltante. J'oserai même dire qu'elle excède vos pouvoirs. En effet, dans tous les temps et dans toutes les circonstances, la nation, par elle-même ou par ses représentants spécialement délégués, a sans doute le droit imprescriptible de changer la forme de son gouvernement, et de détruire toutes les lois politiques qui en règlent les diverses parties, mais ce serait renverser les premiers principes du contrat social, que d'étendre ces droits aux lois civiles qui déterminent les propriétés particulières. Car alors, la propriété ne serait qu'illusoire, ' puisqu'elle dépendrait des révolutions périodiques des em-
{lires, et l'on sait que la stabilité, la sûreté et a conservation dés propriétés est une des bases essentielles de toute société politique.
Jé crois avoir évidemment démontré que tous les droits incorporels ont tous les caractères de la propriété, soit qu'on se reporte à leur origine, soit qu'on examine leur nature et leur essence. Je pourrais burner là cette partie de ma discussion, mais je ne dois rien négliger pour faire passer dans tous les esprits la conviction dont je suis pénétré.
Je prétends, Messieurs, et je vais prouver d'une manière que je crois sans réplique que vous n'avez pas même le droit de vous occuper de la question qui vous est soumise.
La Constitution, cet évangile politique dont toutes les dispositions doivent être religieusement observées, la Constitution déclare expressément dans plusieurs articles que les propriétés sont sacrées et inviolables, elle ajoute que le Corps législatif ne pourra faire aucune loi qui porte atteinte aux droits qu'elle garantit. Lorsqu'elle s'exprimait ainsi dans sa rédaction définitive, saiis contredit, elle entendait parler des propriétés reconnues alors et déterminées, soit par les lois anciennes encore existantes, soit par les lois nouvelles. Or, à cette époque, la propriété des droits incorporels était incontestablement réglée par les lois municipales consignées dans les coutumes; il y a même cela de particulier dans l'espèce, c'est que les lois nouvelles étaient venues à l'appui des lois anciennes, lorsque la Constitution s'est expliquée si formellement dans les articles cités. En effet, le décret du 3 mai 1790 a consacré la légitimité de la propriété des droits incorporels, en décidant qu'ils seraient conservés jusqu'au rachat; dès lors la contestation, s'il pouvait y en avoir, a été jugée et l'arrêt irrévocablement
S renoncé par 1a Constitution. J'aurais donc pu essieurs, me renfermer dans cette seule ob-
servation et m'opposer, par une motion d'ordre, à l'examen de la proposition, puisque j'ai prouvé que cette discussion est véritablement un attentat à la Constitution et une violation: du serment que nous avons prêté. Mais j'ai cru devoir traiter la matière dans toutes les hypothèses, pour ne laisser aucun regret à ceux qui se seraient vus avec peine liés par la Constitution, tandis que, d'autre part, ils auraient pensé que la justice et la raison exigeaient d'eux une décision contraire. J'en ai dit assez, sans doute, pour tranquilliser leur conscience et je n'ajouterai plus qu'une réflexion fixe.
Quand l'origine des droits et casuels ne serait pas aussi légitime qu'elle l'est réellement, quand il ne serait pas évident qu'elle a eu pour cause la concession des fonds, il faudrait, considérer que ces droits ne résident plus aujourd'hui dans aes mains qu'on puisse régarder comme usurpatrices, puisqu'il faut remonter à 12 ou 13 siècles pour suspecter cette usurpation. Depuis cette époque tant éloignée, le grand nombre de ventes et de transmissions qui se sont faites de bonne foi, sous l'autorité des lois, aurait légitimé cette nature de propriété, quand elle ne serait pas aussi pure qu'elle l'est en effet; j'ajoute que les propriétaires grévés ne sont pas ceux sur lesquels on puisse croire que l'usurpation s'est consommée; ils sont tous, eux et leurs auteurs, depuis plusieurs siècles, acquéreurs delà charge de ces droits, sans lesquels ils auraient acheté plus cher ; sous aucun rapport, ils n'ont rien à réclamer, et je ne pense pas qu'ils soient assez in-justes pour oser; le prétendre, on ne sait trop qu'elle idée se faire au système spoliateur qu'on veut vous faire adopter, et dont le résultat serait d'enlever à des citoyens une propriété, qu'ils ont héritée de leurs pères ou qu'ils ont légitimement acquise et payée de leurs deniers, pour en enrichir gratuitement d'autres citoyens qui n'y ont aucun droit. Je ne conçois pas comment on peut vous proposer une telle mesure, lorsque je considère qu'elle rendrait nécessairement illusoires et nulles dans leurs effets toutes les acquisitions qui ont eu lieu depuis le 3 mai 1790, et sans doute on n'ira pas jusqu'à soutenir que ce décret n'avait point formellement déclaré que les droits incorporels étaient une propriété comme toutes les autres, qu'on pouvait vendre et acquérir en pleine assurance; Mais on ne s'est point occupé de toutes ces conséquences, on a trouvé qu'il était bien plus simple et plus commode de trancher la question.
D'après les principes que je viens d'établir et les conséquences que j'en ai déduites, il est inu-> tile que je m'arrête à discuter en détail l'opinion de M. Mailhe. Elle n'est, en grande partie, qu'une compilation très bien faite de tout ce qu'ont écrit sur cette matière fioulainvilliers Montesquieu, Dubos et Mably. Il n'est personne de nous qui ne connaisse leurs ouvrages, il n'est personne qui ne sache que ces écrivains,ont bâti sur les mêmes faits des systèmes; qui, quoique opposés et contradictoires entre eux, ont tous une égale apparence de raison et de vérité. Quelque soit celui qu'on veuille embrasser, toujours, il faudra, pour le suivre, se traîner .au milieu des incertitudes et des conjectures, jamais on ne sera certain d'avoir, saisi la réalité. Comment pourrait-il en être autrement, lorsque tous les systèmes sont également fondés sur des monuments historiques, informes et recueillis dans des temps de barbarie et d'ignorance. Ce n'est que d'après les principes qu'on peut traiter la
question, et s'il fallait adopter ceux de M. Mailhe, il ne serait point de propriété qui pût échapper à la proscription, parce qu'il n en serait point qu'on ne pût attaquer avec le même avantage. Mais M. Mailhe a tout confondu dans la féodalité, il n'a pas su discerner ce qui tenait exclusivement au régime féodal proprement dit, d'avec ce qui concernait uniquement les droits respectifs des particuliers entre eux: il n'a pas distingué dans la féodalité ce qui n'appartenait qu'au gouvernement, d'avec le mode spécial qui s'y était introduit pour déterminer le commerce d'une espèce particulière de propriété : de là, il est arrivé, qu il a appliqué les mêmes principes à des choses de nature absolument distinctes. Il n'a point considéré que si l'usurpation des choses purement politiques ne peut jamais être légitimée par les lois, ni par la sanction du temps, il en est autrement de celles qui, mises dans le commerce, ont pu, par leur nature même, devenir la propriété des particuliers. En un mot, il n'a pas observé qu'une société existante, quelque changement qu'elle introduise dans son organisation générale, ne peut jamais porter atteinte aux propriétés, quelle que soitleur origine, lorsqu'une fois elles ont été reconnues et réglées par les lois. Pour s'écarter de ce principe, il faudrait que la société constituée déclarât avant tout sa dissolution totale, et que se réformant de nouveau dans toutes ses parties, elle assignât à chacun une part nouvelle dans la masse de tous les biens et déterminât la manière d'en iouir et d'en disposer. Voilà les principes que M. Mailhe a méconnus, et son système disparaîtrait entièrement devant eux.
J'ai démontré que les droits incorporels étaient véritablement une propriété, qu'en conséquence, il ne vous était pas permis d y porter atteinte; je vous ai fait entrevoir les effets injustes et vexatoires de leur suppression absolue, il ne me reste plus qu'à répondre à un raisonnement, dans lequel les partisans du système que je combats, paraissent mettre toute leur confiance ; c'est le seul aussi qui puisse faire une sorte d'impression sur les bons esprits; j'établirai l'absurdité de ce raisonnfemeiitj et je prouverai que la suppression proposée serait impolitique et nuisible à l'intérêt national. Voici comment raisonnent les; partisans de la suppression : tous les rachats de degré en degré remontent jus-> qu'au domaine de la Gouronne, qui sont eux-mêmes aujourd'hui la propriété de la nation; la nation peut donc, en accordant gratuitement la franchise à tous les redevables ou censitaires immédiats, leur imposer la charge d'affranchir, à leur tour, leurs censitaires jusqu'au dernier échelon de la hiérarchie; féodale.
M. Dorliac, dans son excellente opinion, vous a déjà fait sentir toutes ies injustices que produirait cette opération ; il vous a fait observer que, parmi les terres, il en était beaucoup qui consistaient plus endroits qu'en domaines, tandis que l^s autres consistaient presque uniquement en domaines, avec peu de droits annexés, et il vous a prouvé que les propriétaires seraient également lésés dans; l'un et dans l'autre cas. Je n ajouterai rien à ce qu'il :vous a dit sur ce point, mais je prétends qu'il n'est pas au pouvoir de la nation de remettre ainsi les droits aux grands propriétaires.
Lorsque l'Assemblée constituante a déclaré, au nom de la nation, que la dette de l'Etat était mise sous la sauvegarde de la loyauté française, elle a spécialement affecté les domaines natio-
naux au payement des créanciers ; dès lors, la nation s'est interdit la faculté de disposer de ses domaines autrement que pour l'acquit de ses obligations. Or, les droits incorporels qui lui appartiennent, soit en raison de la directe immédiate, soit à cause des biens du ci-devant clergé qu'elle a remis dans sa main, font incon-testablementpartiedes domaines nationaux. Ainsi donc, les créanciers de l'Etat, et, par conséquent tous porteurs d'assignats, ont un droit acquis sur cette nature de propriété, qu'on ne peut leur enlever. Car, il est de principe, en matière d hypothèque, que les effets s'étendent tellement sur l'intégralité des biens du débiteur, que chaque partie quelle qu'elle soit, y est également soumise ; cela est si vrai que si le, débiteur, au mépris de l'hypothèque, s'avisait d'aliéner la moindre portion du gage, les créanciers auraient non seulement le droit de le faire condamner pour avoir violé ses engagements, mais ils auraient encore celui de suivre la portion de leur gage dans quelque main qu'elle pût se trouver. Si ces principes sont vrais, pour les particuliers, ils doivent être sacrés pour la nation, parla raison même qu'elle aurait le pouvoir de s'y soustraire, parce que là où commence l'injustice là finit aussi la puissance nationale.
Ces réflexions suffisent, sans doute, pour démontrer que la religion des engagements solennellement contractés par la nation ne lui permet pas de remettre à ses censitaires immédiats les droits incorporels qu'ils lui doivent. Mais je veux bien supposer un instant qu'elle en ait véritablement le droit, je demanderai si l'intérêt national ne s'oppose point invinciblement à cette remise absolument gratuite.
Ce serait peut-être ici le cas de me livrer à une recherche exacte du produit des droits dont la ùation est propriétaire, mais j'observerai que nous n'avons encore aucune donnée certaine à cet égard. Les uns prétendent que ce produit ne va pas au delà de, 200' millions, les autres veulent qu'il excède cette valeur de près de moitié, a'atttres enfin soutiennent qu'il ira jusqu'à 5 ou 600 millions. Vos comités des finances vous ont dit qu'eux-mêmes ne pouvaient pas encore vous donner d'aperçu sur ce point.
Quoi qu'il en soit, on ne peut pas du moins révoquer en doute que la suppression des droits nationaux n'entraîne après elle une perte de plusieurs millions pour le Trésor public. Or, je vous le demandé, Messieurs, pouvons-nous renoncer à cette ressource quelle qu'elle soit, dans les circonstances où nous sommes, lorsque nous cherchons tous les moyens d'égaler la recette à la dépense, surtout à l'instant même où nous venons d'entreprendre contre les ennemis de notre Constitution, une guerre dont nous ne pouvons pas prévoir encore le terme. Souvenons-nous qu'il ne nous est pas permis de disposer à notre gré des propriétés nationales, que nous n'en sommes que les administrateurs et les économes. Les droits nationaux appartiennent à tous les membres de la société, nous né pouvons pas les employer pouren gratifier quelques-uns au préjudice des autres. Certes, il est évident que leur suppression serait une véritable libéralité que nous exercerions envers les censitaires, car il est incontestable qu'ils n'ont acquis qu'à la condition des redevances fixes et casuelles, et que leur propriété se borne à la valeur du fonds, déduction faite de la charge. Comment pourriez-vous donc, Messieurs, vous décider à
leur faire cette gratification, si vous considérez que le produit des droits servira d'autant à l'acquit des chargespubliques ou au remboursement de la dette? En supprimant cette ressource, il vous faudra nécessairement la remplacer par des contributions, et quand même vous pourriez faire autrement, il n'en serait pas moins vrai que cette suppression occasionnerait, d'une manière équivalente, une augmentation dans les impositions, par cela même qu'elle empêcherait de les diminuer à concurrence du produit des droits. Or, cette augmentation de contributions, équivalente ou réelle, serait supportée, non seulement par les propriétaires à qui la remise des droits serait utile, mais encore par ceux qui n'en profiteraient point; et parmi ces derniers, il faut comprendre la plupart des négociants, les artisans des villes, la classe la
{dus nombreuse des habitants des campagnes, et es propriétaires qui possèdent dans les coutumes allodiales dont le nombre est assez considérable dans le royaume, et, l'on sait que les biens gouvernés par ces coutumes, n'étaient pas soumis au régime féodal. Il n'est donc pas vrai, comme le prétend M. Mailhe, que les 99 centièmes des citoyens gagneraient à la suppression; il est évident au contraire qu'elle enrichirait gratuitement une petite portion de citoyens de la dépouille du plus grand nombre.
M. le rapporteur a cru détruire à l'avance toute la force de l'objection, en disant que la perte sera compensée par la perception d'un droit d'enregistrement, devenu plus fort, attendu que les biens, vu l'affranchissement des droits, seront vendus plus cher qu'auparavant. A cela, je réponds d'abord que, d'autre part, le droit d'enregistrement sera diminué de ce qu'il ne se fera plus de vente des droits supprimés, c'est donc ici le cas d'offrir une compensation de l'une à l'autre perception, et non pas une indemnité de la perte des droits. J ajoute ensuite que cette augmentation, sur le prix des ventes, qui ne peut guère, dans l'hypothèse la plus favorable, aller au delà du sixième, sera toujours beaucoup au-dessous du bénéfice qu'auraient donné les droits nationaux. Il faut observer en outre qu'avec le temps, la nation profitera de l'un et 1 autre produit; en effet, à mesure que les rachats s effectueront, leur prix entrera dans le Trésor public, qui s'enrichira de plus encore par l'augmentation de l'enregistrement qu'occasionnera l'accroissement du prix de la vente des biens rachetés. J'aperçois donc un double bénéfice là où M. le rapporteur n'avait vu qu'une compensation.
Je pourrais attaquer, tour à tour, avec le même avantage, chaque argument du rapport; mais je pense les avoir tous victorieusement renversés, par ce que j'ai dit dans le cours de cette discussion. Je ne puis cependant pas passer sous silence l'injustice frappante qui résulte de la dernière partie de l'article 2 du projet de décret, qui porte que ce qui aura été payé, ne pourra pas être répété. Je sais bien qu'on me dira que décréter autrement, ce serait donner un effet rétroactif à la loi. Il n'en est pas moins vrai que cette disposition donnera des regrets à ceux qui ont eu confiance dans le nouvel ordre de choses. Ne serait-il pas contradictoire de leur ôter la faculté de se faire restituer ce qu'ils ont payé pour le rachat, tandis qu'on accordera gratuitement la remise des droits à ceux qui n'ont pas voulu se soumettre à la loi. Ainsi donc l'incivisme aurait à s'applaudir d'avoir bravé la peine
encourue par ceux qui ne se sont pas rachetés dans les 2 premières années. Ceci confirme de plus en plus ce que j'ai déjà dit pour établir que rien ne serait aussi dangereux en législation que l'instabilité des lois qui règlent les propriétés.
Enfin, je sais qu'on a dit, et j'ai même entendu dire que la mesure qu'on vous propose serait très avantageuse à la chose publique, en ce qu'elle augmenterait le nombre des partisans de la Révolution ; mais qu'est-ce donc que cette popularité trompeuse et dérisoire qui ferait enrichir quelques citoyens de la dépouille des autres, qui tendrait à élever une aristocratie de richesse sur les ruines de toutes les aristocraties que la Révolution a détruites, car il est évident, et je l'ai démontré, que la suppression des droits incorporels serait tout à l'avantage des riches propriétaires, sans aucun profit pour les autres citoyens, et cependant c est de la partie la plus nombreuse et la plus intéressante de la nation, gu'il convient de s'occuper de préférence. Son intérêt est sans doute qu'on lui conserve le revenu de plusieurs millions que produiront les droits fixes et casuels, parce qu'elle sera préservée, par là, d'un surcroît ae contributions qu'il faudrait établir en remplacement de ce produit. Certes, Messieurs, ce serait imiter l'art odieux des tyrans que de tromper ainsi le peuple sur ses véritables intérêts. Jamais les législateurs de la France n'auront recours à ces moyens perfides, pour faire aimer la Constitution ; elle est fondée sur les bases immuables de la justice et de la vérité. C'est en éclairant le peuple sur ses droits, c'est en lui inspirant l'amour de la justice et de ses devoirs et le respect pour les lois, que vous l'attacherez à cette Constitution bienfaisante de laquelle il a le droit d'attendre son bonheur.
Je me résume. J'ai prouvé que les droits incorporels étaient fondés sur la propriété, soit qu'on remonte à leur origine, soit que l'on consulte leur nature et leur essence. J'ai prouvé de plus que la suppression de ceux dont la nation est propriétaire diminuerait le gage des créanciers de l'Etat, et causerait une perte considérable pour le Trésor public; il est donc évident que la justice, la Constitution et l'intérêt national s'opposent à ce que vous prononciez la suppression absolue des droits fixes et casuels.
Il existe sans doute encore des droits exorbitants que les coutumes n'ont pas consacrés ; c'est sur ceux-là que vous pouvez vous montrer sévères; exigez à leur égard que, pour les conserver, les propriétaires soient tenus de justifier de leur titre originaire ou de deux reconnaissances en bonne forme, accompagnées d'une possession non interrompue. Soyez convaincus que cette mesure anéantira le plus grand nombre de ces droits exorbitants qui pèsent plus que la directe et que les droits ordinaires fixés par les coutumes. Vous verrez s'évanouir également une foule de droits établis par les commentaires, mais la propriété ne. sera pas attaquée directement, les droits publiquement et solennellement reconnus par la nation, lors de la rédaction des coutumes, ne seront pas violés, enfin la propriété légitime demeurera respectée. Vous pouvez encore, sans violer directement la propriété, autoriser, comme on vous l'a déjà proposé, le rachat partiel des redevances fixes, sans être tenu de racheter en même temps les droits casuels et réciproquement, mais toute disposition au delà
de celles de la même nature serait une violation delà propriété garantie parla Constitution.
Je demande donc la question préalable sur les projets de décret de M. Mailhe et du comité, et si, comme je l'espère, la question préalable est adoptée, je demanderai le renvoi au comité féodal du projet de M. Dorliac, ainsi que de toutes les autres propostions concernant le rachat, pour que ce comité fasse le plus tôt possible un rapport sur le tout, et qu'il vous présente une réforme générale sur le taux et le mode du rachat. (Vifs applaudissements.)
Un grand nombre de membres : L'impression !
(L'Assemblée ordonne, presqu'à l'unanimité, l'impression du discours ae M. Deusy.)
(La discussion est interrompue.)
Voici le résultat du deuxième tour de scrutin pour l'élection d'un vice-président. Sur 427 votants, la majorité absolue est de 214 voix. M. Gérardin a obtenu 206 suffrages et M. Delacroix 204. Aucun n'ayant la majorité absolue, il sera procédé demain à un troisième tour de scrutin entre ces deux concurrents seulement.
cède le fauteuil à M. Le-montey, ex-président.
PRÉSIDENCE DE M. LEMONTEY.
Un membre : Je demande la parole au sujet du scrutin qui vient d'être proclamé, pour rendre compte d'un fait. Dans le recensement on a trouvé 50 bulletins écrits de la même main. Je propose que MM. les commissaires rendent compte de ce qui s'est passé au scrutin.
Le nombre des votants excède celui des inscrits sur les listes. J'ai vu de mes yeux que 40 ou 50 bulletins, tous portant le nom M. Gérardin, sont écrits de là même main. Je demande qu'on nomme des commissaires pour aller vérifier ce fait.
Plusieurs membres : Appuyé 1
Je demande l'ordre du jour...
Plusieurs membres : lîon! non! il faut vérifier.
.. parce qu'il suffit que le fait ait été dénoncé pour qu'un pareil abus ne se reproduise pas. (Murmures prolongés.)
Je m'étonne qu'on demande à passer à l'ordre du jour. Si le fait est exact, il faut que l'Assemblée déploie une grande sévérité contre le membre qui s'est permis une pareille chose. Je demande donc qu'il soit nommé des commissaires.
(L'Assemblée décrète qu'il sera nommé des commissaires pour vérifier le fait dénoncé.)
Je demande qu'on nomme les commissaires à l'instant.
(L'Assemblée nationale décrète la motion de M. Basire.)
sont nommés commissaires.
La parole est à M. le ministre de la justice.
,ministre delà justice. Messieurs, j'ai reçu à une heure le décret par lequel l'Assemblée nationale ordonne que le ministre de la justice rendra compte, séance tenante, des mesures qu'il a prises pour prévenir et arrêter l'impression et la publication des écrits incendiaires qui sont journellement proclamés et
vendus dans les diverses places de la capitale (1). Je n'ai eu que le temps de faire la recherche des diverses lettres que je pouvais avoir écrites à ce sujet, pour parvenir à rendre compte à l'Assem-blee pendant la séance même.
Je prie l'Assemblée nationale d'observer d'abord que toutes les mesures que j'aurais pu prendre pour prévenir et arrêter 1 impression ae ces écrits, auraient été de ma part des mesures inconstitutionnelles, et qu'il n'appartient qu'au Corps législatif de prendre, par voie de police, des mesures q.ui puissent nous garantir efficacement de cette licence, qui devient chaque jour, plus audacieuseet plus funeste. A cetégard, je crois que l'Assemblee nationale rendrait le plus grand service à la nation, si elle voulait bien mettre dans les mains des officiers de police des moyens répressifs qui puissent empêcher que des écrits de toutes les manières provoquent le crime, la résistance aux lois, et tendent à un véritable bouleversement de l'ordre social; mais quant à moi il me suffit de lire dans la Constitution ces mots: « La Constitution garantit à tout homme la liberté de parler, d'écrire, d'imprimer et publier ses pensées, sans que ses écrits puissent être soumis a aucune censure avant leur publication il me suffit, dis-je, de connaître cette loi pour que je doive m'in-terdire de prendre aucune espèce de mesure antérieure au délit (Murmures.); je ne dois pas non plus influencer les tribunaux. Le pouvoir judiciaire est un pouvoir absolument indépendant du ministre, et tout ce que je peux faire c'est d'exciter le zèle des tribunaux, c'est de les diriger dans leur cours, et de les éclairer. Mais dans leurs opérations judiciaires, dans leurs jugements, je dois m'interdire absolument, non seulement toute incitation, mais même la manifestation d'opinion que je pourrais avoir, et à cet égard je suis très scrupuleux. En revanche c'est à moi a provoquer le zèle des tribunaux, l'activité des commissaires du roi. A cet égard je crois n'avoir aucun reproche à me faire.
Dès que j'entrai dans mes fonctions, je m'annonçai à tous les tribunaux par une lettre circulaire relative aux troubles religieux, et aux autres objets de discorde qui divisent les diverses parties de l'Empire. Je leur adressai une nouvelle lettre circulaire, le 14 mai; dans cette lettre circulaire, après leur avoir rappelé les divers objets qui devaient exciter leur surveillance et leur zèle, je leur dis : « Réprimez le fanatisme qui met en feu nos villes et nos campagnes, réprimez la licence homicide de ces écrivains vendus à nos ennemis, qui, criant sans cesse à la trahison, à la perfidie, brisent les ressorts du gouvernement, décrient par leurs calomnies les administrateurs et les chefs les plus patriotes et remplissent tous les pays de terreurs paniques ou de fureurs insensées. »
Je ne me contentai pas de cette lettre, et comme je sentais bien que Paris était le centre, le foyer de tous ces écrivains incendiaires, j'écrivis le même jour au commissaire du roi près le tribunal criminel du département. Voici en quels termes je lui écrivis :
« Il semble, Monsieur, que depuis quelque temps la licence des écrits devient chaque jour
plus extrême, plus effrayante; on dirait que le mal que les libelles ont produit déjà est
devenu
« Je vous prie de vous concerter avec l'accusateur public, et d'exciter son zèle pour que lui-même surveille les juges de paix et les officiers de police, et les oblige à répondre à la confiance publique; en procédant avec toute la rigueur des lois, contre les écrivains séditieux qui portent le trouble et la dissolution dans nos villes, la discorde et le découragement dans nos armées. J'ai déjà écrit une lettre circulaire à tous les tribunaux pour.les conjurer.de redoubler de zèle et d'activité dans la circonstance critique où nous nous trouvons. Vous devez l'avoir déjà, mais j e ne crois pas que cet avertissement général soit suffisant pour Paris, qui est en quelque sorte le foyer de toutes les factions, et râtelier où se fabriquent plus particulièrement tous les écrits incendiaires. C'est surtout dans cette ca-itale que les fonctionnaires publics doivent se istinguerpar une sollicitude plus active et une vigilance qu'on ne puisse jamais surprendre. Je sais que votre ministère ne vous permet pas une action immédiate sur les auteurs de ces attentats, mais vous pouvez provoquer le zèle de l'accusateur public; et nous pouvons compter également sur ses lumières, son respect pour les lois et son amour pour l'ordre public. J'ose croire qu'il suffira que vous lui manifestiez vos inquiétudes et les miennes, ou plutôt celles de tous les gens de bien, pour qu'il déploie toute l'aùtorité que la loi lui donne,, sur ceux qui les premiers doivent agir; et j'ose croire aussi qu'il suffira qu'il les avertisse, pour que ceux-ci se montrent dignes des fonctions honorables qui leur sont confiées, et dont l'exercice est devenu si nécessaire. »
Depuis cette lettre j'ai eu occasion de dénoncer moi-même d'autres feuilles; j'ai porté mon ministère plus loin peut-être qu'il ne m'était permis. J'ai chargé le commissaire du roi de prier l'accusateur publie de charger les officiers de police d'arrêter les colporteurs de ces libelles coupables, comme étant des hommes surpris en flagrant délit, et de les conduire devant l'officier de police, pour qu'on pût découvrir par eux quels étaient les auteurs de ces feuilles, et où elles s'imprimaient, afin que la justice, avec tous ces renseignements, pût sévir contre les auteurs, et s'il le fallait enfin, saisir et supprimer les presses comme complices, pour ainsi dire, du crime commis.
Voilà les précautions que j'ai prises, je ne pouvais pas en prendre d'autres. Peut-être même ai-je étendu mon autorité trop loin, en ordonnant cet arrêt pour voie de fait. Cependant, j'ai cru trouver dans les lois cette faculté, de faire interroger les colporteurs, en ce que je les regarde comme des hommes pris en flagrant délit, et qu'on peut arrêter. C'est ce qui m'a enhardi à prendre une mesure que ma circonspection extrême me défendait, mais que mon zèle, l'importance des
circonstances et l'autorisation que j'ai cru trouver dans les lois m'ont définitivement suggérée. '{Applaudissements.) Je ne peux pas surveiller les colporteurs, ie ne peux pas donner immédiatement ordre de les arrêter; c'est aux officiers de police seuls à agir, comme c'est aux tribunaux eeuls à les juger. Vous voyez que j'ai fait tout ce qu'il était en mon pouvoir de faire pour arrêter la publication des écrits calomnieux et incendiaires. A présent je dois me faire renseigner sur le résultat des ordres que j'ai donnés à cet égard. Je ne perdrai pas un moment pour savoir quel a été auprès des différents tribunaux le succès de mes sollicitations et j'en rendrai compte à l'Assemblée nationale. (Vifs applaudissements).
Le rapport que vient de voiis faire le ministre de la justiçe doit fixer l'attention de l'Assemblée nationale sur l'état actuel delà législation relative à la liberté des opinions et dé la presse. Les principes sont à cet égard fixés par la Constitution ; la Constitution déclare que l'on peut être, par l'abus de la presse, criminel aux différents degrés qu'elle a exprimés et même, encourir la peine capitale. Mais, Messieurs, dans votre législation,les moyens d'exécution manquent: la Constitution ne les a point assez développés. Nous n'avons aucune loi précise à ce sujet.
La Constitution porte que les actions civiles ou criminelles, qui peuvent résulter des abus de la presse, ne s exerceront qu'après qu'il aura été déclaré par un juré que l'éclrit est coupable.
Or, Messieurs, je vous le demande, quelqu'un de vous a-t-il l'idée d'une loi qui forme un juré au civil? En matière civile à quel juré s'adressera-t-on? Sera-ce devant le juré d'accusation, ou devant le juré du tribunal criminel? Comment voulez-vous que dans les tribunaux on procède à cet égard? Je vous ferai la même question relativement aux poursuites que l'on peut faire au criminel : Quel sera le juré qui prononcera d'abord qu'il y a une intention coupable de la part des écrivains? Quelques-uns prétendent que ce doit être le juré d'accusation. D'autres réservent cette fonction au juré du tribunal criminel. La liberté de la presse repose sur cette prononciation faite par le juré. Le peuple s'est réservé dans la personne des jurés de s'assurer s'il y a une intention coupable, afin d'éviter tous les abus d'autorité; mais il est indispensable de déterminer comment doit être Composé ce juré, et comment les officiers de police et les tribunaux doivent opérer.
J'irai plus loin encore : vous n'avez point de loi pénale portée, cependant la Constitution déclare que la liberté de la presse peut devenir non seulement un crime capital relativement aux individus, mais encore un crime de lèse-nation; comment se peut-il faire que nous restions un jour de plus sans nous occuper d'une loi aussi essentielle? Je pourrais même dire comment ne nous en sommes-nous pas occupés jusqu'à ce moment ?
J'ai l'honneur de répéter à l'Assemblée que la liberté ne doit pas être alarmée de cette loi. D'un côté, on ne doit pas confondre avec la liberté de la presse cet esprit d'intolérance qui peut porter atteinte à ce droit précieux. D'un autre, on ne peut être insensible au gémissement universel de tous les bons citoyens qui sont exposés à être victimes de la calomnie. Ils
peuvent être dénoncés comme des conspirateurs contre l'Btat, ce qui est pour une âme honnête plus cruel que la mort même et ils n'ont aucun moyen pour en obtenir la réparation.
Je demande que le comité de législation soit chargé, puisque les principes sont fixés et qu'il ne s'agit plus que des moyens d'exécution, ae vous indiquer, sous 3 jours,"le juré auquel on s'àdrès-sera, tant au civil qu'au Criminel, pour déterminer d'après la Constitution quelles seront les peines et pour les graduer relativement à la gravité des crimes de la presse.
Je demande la parole pour un fait.
Plusieurs membres : Monsieur le Président, fermez la discussion I
D'autres membres : Non! non!
(L'Assemblée décrète que M. Basire sera entendu.)
Les lois déjà faites sur les abus qui résultent de la liberté de la presse me paraissent bien suffisantes. (Murmures.) Si on n'en ressent pas aujourd'hui tolis les effets, je crois que c'est aux officiers publics chargés de l'exécution qu'il faut particulièrement et uniquement s'en prendre. Je vais prouver que non seulement ils ne font pas leur devoir à cet égard,*mais même qu'il V en a de très criminels. " '
If s instruit dans ce moment devant M. Légier, juge de paix de la section des Poster, une affaire
aui jettera sur la question un très grand jour.
en résulte que des officiers municipaux et des juges de paix sont les principaux auteurs et distributeurs des écrits qui se répandent journellement et qui tendent à l'avilissement du Corps législatif. Il résulte encore de l'instruction que l'on affiche dans les rues et sur les mure de la ville de Parisydes placards bien plus dangereux, bien plus funestes que les écrits qui se colportent et s'achètent dans la ville. Cette procédure doit être très instructive : elle doit nous conduire à la source de toutes les mahcéuvres. Le comité de surveillance, instruit que ce délit intéressait la sûreté générale, s'autorisant du décret qui permet à vos comités de se procurer des renseignements auprès des autorités constituées, a écrit 3 fois à M. Légier poui: demander copie de la procédure, M. Légier l'a toujours promise et ne l'a pas envoyée. Je demande qu'avant de rien statuer sur ce dont il s'agit, l'Assemblée charge le ministre de la justice de se faire rendre compte, sous le plus court délai, de cette procédure pour en faire son rapport à l'Assemblée nationale. (Murmures.)
Voix diverses : La discussion fermée ! — Aux voix la motion de M. Bigot !
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Un membre : Je demande la question préalable sur la motion de M. Bigot.
(L'Assemblée, à la presque unamité, rejette la question préalable et adopte la proposition de M. Bigot de Préameneu tendant à ce que le comité ae législation présente sous 3 jours un projet de décret concernant les moyens d'exécution des principes établis par la Constitution sur la liberté de la presse.) •
Plusieurs membres demandent l'ordre du jour sur la motion de M. Basire.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour sur la motion de M. Basire.)
L'Assemblée reprend la discussion (1) du projet de décret du comité féodal concefnant la suppression sans indemnité de divers droits féodaux déclarés rachetables par le décret du 15 mars 1790.
Messieurs (2), si l'Assemblée constituante eût pu se tenir toujours dans ses réformes à la hauteur où elle s est si souvent élevée, si elle eût pu ne dévier jamais des grands principes qui ont servi de bases à la majeure partie de ses opérations, vous ne seriez pas, en ce moment, obligés à discuter l'importante question qui vous est soumise.
Après avoir, dans une nuit à jamais célèbre, solennellement proclamé la destruction absolue du régime féodal en France^ elle n'aurait pas, 6 mois après, consacré le maintien des usurpations connues sous le nom de droits casuels, elle n'aurait pas rétabli ces honteux monuments des triomphes obtenus sans intervalle pendant plusieurs siècles, par la force sur la faiblesse, par le despotisme sur l'esclavage, par la duplicité et la ruse sur la simplicité et ta bonne foi ; ou du moins, ce qui revient au même, elle n'aurait pas imposé à cet égard l'obligation d'un rachat devenu impossible par la multiplicité des objets à rembourser sur un même fonds, par la difficulté et l'embarras des formes à remplir, et par la crainte des procès sans nombre auxquels ce rachat tel qu il est combiné, exposerait nécessairement les particuliers vis-à-vis des ci-devant seigneurs, ceux-ci entre eux et la nation vis-à-vis de tous.
Les circonstances, les nombreux intéressés dont l'Assemblée constituante était environnée, les accusations d'injustice et de spoliation, sans cesse dirigées contre elle, hors de son sein, par 2 factions puissantes réunies, pour sauver leurs usurpations réciproques, accusations répéi ées par toutes les bouches et par toutes les plumes vendues à cçs 2 factions; voilà à quoi il faut attribuer les pas rétrogrades que nos prédécesseurs firent tout tout à coup dans une carrière qu'ils avaient promis de parcourir tout entière.
Nous avons sans doute à regretter qu'ils n'aient pas à cet égard complété leur ouvrage.
Mais, nous devons faire plus; la justice, notre devoir, l'intérêt politique de l'Etat, nous commandent d'achever ce qu'ils ont laissé incomplet, de réparer leurs fautes comme nos successeurs devront un jour réparer les nôtres.
J'ai dit l'intérêt politique de l'Etat, car, Messieurs, et j'en appelle à vous tous, nous n'obtiendrons, il ne faut pas nous lé dissimuler, nous n'obtiendrons la consolidation entière de notre Révolution, que le jour où sera réglé entre les citoyens selon le vœu de la justice et de la raison, que le jour où disparaîtraient à jamais les derniers vestiges de la servitude et des usurpations dont le peuple a été si longtemps la victime.
Hâtons-nous donc d'améliorer nos lois sur ce
{oint ; nous avons beaucoup à faire, nous avons
es champarts et autres redevances fixes, dont il conviendra peut-être de faire dépendre la
perception de la preuve de leur établissement: nous avons les baux à domaine congéable qui
désolent encore nos départements du Morbihan, du Finistère et des Côtes-du-Nord ; nous avons
Je sais, Messieurs, que l'intrigue et l'intérêt personnel qui s'agitent continuellement autour ae cette enceinte, n'ont rien négligé pour que cette discussion se présentât d'une manière défavorable à l'opinion que je soutiens : écrits anonymes distribués à plusieurs reprises aux portes de cette salle; observations injurieuses a votre comité ; lettre sur l'état des finances écrite au président du comité des finances ; pétitions même à cette barre, tantôt par de prétendus redevables de droits casuels auxquels on a fait demander la conservation de ces droits, tantôt par de soi-disant créanciers des propriétaires des mêmes droits, tout a été mis en usage pour vous inspirer des préventions défavorables contre le projet de décret du comité; mais je connaissais trop l'Assemblée nationale pour craindre un instant l'effet de pareilles manœuvres, et elle a déjà prouvé qu'on n'en pouvait pas moins devant elle se livrer avec confiance à l'examen de cette question.
Plusieurs des opinants qui m'ont précédé à
casuels en particulier. Ils ont fortifié l'appui qu'ils en ont tiré, par le sentiment, moins imposant, sans doute, mais cependant digne d'attention aussi des jurisconsultes et feudistes, qui malgré la rouille des préjugés de leur état et des temps où ils vivaient, s'accordent néanmoins pour soutenir que les droits casuels ne sont pas et ne peuvent pas être présumés le prix d'une concession originaire de fonds : on a cité entre autres un jurisconsulte du xvi'siècle, Dumoulin, dont le génie libre, dans un siècle esclave, s'indignait souvent avec énergie contre l'absurdité et la barbarie d'un régime dont il traçait cependant les règles.
J'arrive trop tard à la tribune, pour que je me permette d'entrer dans la même discussion, je sens d'ailleurs que je le ferais inutilement, parce que les faits et les vérités que je pourrais en tirer ne sont étrangers à aucun de vous.
Mais j'oserai demander comment l'Assemblée constituante a pu donner pour motif à la conservation et au rachat des droits casuels, qu'on devait les présumer le prix d'une concession originaire ae fonds. Car, Messieurs, n'oubliez pas que c'est sur l'unique fondement de cette présomption nettement énoncée, dans le décret du 3 mai 1790, que ce décret prescrit le payement de ces droits jusqu'au rachat.
Quoi! ces prestations seraient le prix d'une concession originaire, et tous les monuments de notre histoire qui vous ont été rappelés et l'opinion de nos puolicistes, de nos meilleurs écrivains en droit féodal, démentent formellement ce fait, dont nous ne voyons d'ailleurs aucune mention dans les anciens actes d'inféodation et d'accensement que l'on connaît.
Est-il possible, d'un autre côté, de penser que des concédants aussi avides, aussi empressés de jouir que l'étaient ceux dont il s'agit, aient pu stipuler pour prix de leurs concessions, qui elles-mêmes, pour la majeure partie, sont plus qu'incertaines, aient pu stipuler, dis-je, des pres-
tations casuelles dont il pouvait arriver, et cela, en effet, est arrivé souvent, qu'un siècle entier ne fournit pas un seul. U faudrait être bien étranger à tout ce que l'on sait sur l'esprit, le caractère et les besoins de ceux qu'on appelait grands autrefois, pour supposer de pareilles stipulations.
Si quelque chose pouvait être supposé le prix d'une concession originaire, ce ne serait que les redevances fixes, soit en argent, soit en nature, dont l'infinie variété, tantôt en grains, tantôt en vin, tantôt en volailles, tantôt en toute autre espèce de denrées et de comestibles, prouve que les seigneurs avaient cherché, par cette voie, à tirer de leurs vassaux et censitaires tout ce qui était nécessaire à leur subsistance, pour se dispenser à cet égard de tout travail et de tout soin.
Mais, pour les droits casuels, il est évident, par tout ce qui a été dit, qu'en général, lors de la concession, si toutefois, on peut en supposer une, il n'en fut pas question. Vous avez vu, Messieurs, notamment dans le discours de M. Mailhe, comment s'est introduit l'usage.
Je ne reviendrai pas sur les preuves qui, déjà, vous ont été exposées à cet égard, mais qu'il me soit permis d'y ajouter quelques réflexions nouvelles.
Selon l'une des bases fondamentales du gouvernement féodal, les vassaux étaient tenus, comme vous le savez, Messieurs, de suivre leur seigneur à la guerre et de l'assister dans ses cours de justice. De là, ceux qui avaient la force en main et à qui, par cette raison, tout était facile, en firent naturellement découler cette conséquence, que ce qu'on appelait les hommes de fiei devaient toujours être, sinon choisis, du moins approuvés par le propriétaire du fief dominant. Et, cette conséquence une fois établie, la nécessité de l'approbation une fois admise en principe, vous voyez, Messieurs, ce qui en dût résulter. Il en dut résulter que le seigneur put retirer des fiefs mouvant de lui, de la main d un tenancier qu'il n'avait point approuvé, ou que, pour obtenir son approbation, qui était toujours libre, il fallait payer le laudimium, c'est-à-dire le droit d'approbation selon le taux qu'il lui plut de fixer.
Cette conséquence, en effet, si favorable à l'orgueil et à l'avarice des seigneurs, se convertit bientôt en usage pour les fiefs; des fiefs, elle passa aux héritages casuels, qui eux-mêmes étaient une émanation des fiefs, et voilà, Messieurs, la seule et unique cause du retrait féodal comme du retrait censuel, et celle des droits casuels établis pour remplacer ces deux retraits, il n'y en a évidemment pas d'autre.
Ces usages dérivés de la force et consacrés par le fait, vous concevez, Messieurs, qu'il n'y eut pas la moindre difficulté à les faire insérer dans la rédaction des coutumes et ceci répondra aux inductions tirées de l'autorité des cqutumes, car, d'un côté, cette rédaction ne se compose jamais que des pratiques préexistantes, et on s'y occupa, non pas de ce qui devait être, mais seulement de ce qui était; et d'un autre côté, cette rédaction fut toujours sous l'influence prédominante des nobles et du clergé, et si le corps de la nation, c'est-à-dire ce qu'on osait alors appeler le tiers-état, y était représenté,'c'était uniquement pour la forme, c'était en petit nombre, c'était par des hommes, le plus souvent agents eux-mêmes, et profilant des abus dont gémissait le peuple, et toujours incapables de balancer l'as-
cendant de ce qu'on qualifiait les deux premiers ordres.
Me permettez-vous, Messieurs, de démontrer de plus en plus par un exemple, la facilité avec laquelle les droits ont dû s'établir, quoique sans convention préexistante, et par le seul fait du droit de consentir ou d'approuver.
Selon plusieurs de nos coutumes, le vassal ou le censitaire ne pouvait, et cela a existé jusqu'au moment de la Révolution, ne pouvait, dis-je, démolir les bâtiments existants sur un fond pour les transporter sur un autre, ou pour toute disposition, sans le consentement du seigneur. 11 n'était pas dit, dans ces coutumes, que ce consentement devrait ou pourrait être payé à prix d'argent, et cependant, Messieurs, de fait, et par la seule raison qu'il pouvait être refusé, il fallait le payer, ou bien se résoudre à ne toucher jamais à des constructions qu'on pouvait convertir à d'autres usages; et j'ai vu des bâtiments considérables, que les propriétaires avaient cessé d'habiter, tomber en ruines précisément parce que, pour obtenir la permission de les enlever, ces propriétaires ne pouvaient ou refusaient de payer le prix que, par caprice, avarice ou autrement, le seigneur avait jugé à propos de mettre à son consentement.
Voilà, Messieurs, ce qui est toujours résulté et ce qui résultera toujours du droit de consentir ou d'approuver, et les réflexions qu'offre cet exemple s'appliquent elles-mêmes aux droits casuels.
Mais quand le droit de consentir ou d'approuver est irrévocablement anéanti, comme la prérogative féodale qui lui avait donné naissance, quand il n'y a plus ni foi et hommage, ni investiture, ni accensement, peut-il exister, je ne dirai pas une raison plausible, mais un prétexte même pour conserver les droits casuels qui en étaient la suite. Par quelle singularité faudrait-il que, contre les règles les plus communes, l'effet, ici, survécût à la cause?
D'ailleurs, Messieurs, j'oserai dire que, sur ce point, nous n'avons pas même la liberté du choix dans le parti qui est à prendre.
Daignez, considérer, en effet, Messieurs, que les droits casuels n'étaient pas les seules conséquences de la prérogative féodale d'approuver les mutations, que ces droits avaient pour co-effet le retrait féodal et le retrait censut-1, ou plutôt qu'ils n'étaient véritablement que le remplacement de l'exercice de ces deux actions.
Or, Messieurs, le retrait censuel et le retrait féodal sont l'un et l'autre supprimés, et supprimés sans indemnité, comme toute la chaîne des prérogatives féodales qui y avaient donné naissance : et cette suppression, quand elle serait isolée de tous les autres motifs, devrait nécessairement entraîner celle des droits casuels : co-effets et remplacements des retraits, procédant de la même cause, leur conservation, après l'anéantissement des retraits, serait une véritable monstruosité dans notre droit civil, monstruosité d'autant plus odieuse qu'elle frapperait sur le corps, si longtemps opprimé, delà nation.
On a fait, Messieurs, contre tant de raisonnements décisifs, quelques objections, l'examen le plus rapide va suffire pour les faire disparaître.
Et, d abord, Messieurs, vous parlerai-je, ai-je besoin de vous parler de la réclamation des soi* disant créanciers des propriétaires de droits casuels.
Daignez considérer que les droits casuels sortent de la classe ordinaire des autres droits,
qu'étant le prix d'un simple consentement, ils se payaient souvent et pouvaient se payer toujours de la main à la main, sans qu'il en fût fait mention dans l'acte d'investiture ou d'ensaisi-nement; que jamais peut-être, ils n'ont servi à l'acquittement d'aucun créancier; que toujours, il y a eu sur ces droits des remises volontaires de la part des ci-devant seigneurs, remises que les créanciers n'ont jamais essayé ni pu essayer d'empêcher, comme encore aujourd'hui, ils ne pourraient pas empêcher que les propriétaires cédant à l'exemple généreux donné par quel-ques-uns d'entre eux, n'en fissent la remise absolue aux redevables. Enfin, Messieurs, daignez faire attention que le rachat de ces droits ne pourrait même jamais être revendiqué par les créanciers, puisque, comme je l'établirai par la suite, ce rachat ne ferait que passer par les ci-devant seigneurs, pour arriver ensuite, de propriétaire en propriétaire, entre les mains de la nation, à laquelle en définitive, tout doit revenir, et vous reconnaîtrez, Messieurs, que c'est véritablement une chimère, que l'on poursuit ici, en faveur des créanciers, ou plutôt, vous avez sûrement déjà reconnu que le nom des créanciers n'est là qu'un voile adroit, derrière lequel se cachent les ci-devant seigneurs pour mieux influencer votre jugement, et mieux détourner l'effet de votre justice.
Autant il en faut dire des pétitions des soi-disant redevables de droits casuels ; qui pourrait croire en effet, qui croit sérieusement que ces redevables, au moment où l'on agite dans l'Assemblée la question de savoir si l'on supprimera sans indemnité des droits qui les grèvent, viennent cependant solliciter la conservation de ces droits, et se borner à la prorogation du délai pour leur rachat? Il y a ici trop d'invraisemblance, et il est évident que ce sont encore les ci devant seigneurs qui, en cette occasion, par* lent par la bouche des prétendus redevables.
Mais, Messieurs, on a prétendu que la suppression des droits casuels serait une violation ae la propriété, de la propriété à laquelle on soutient, et avec raison, que l'Assemblée nationale n'a ni le droit, ni le pouvoir de porter atteinte.
Personne de vous, Messieurs, n'oublie que c'était aussi avec ce mot de propriété qu'on voulait à chaque pas arrêter nos prédécesseurs dans les utiles réformes qu'ils firent, et comme corps législatif et comme corps constituant. Voyons si on n'abuse pas ici de ce mot, comme on en a si souvent abusé dans l'Assemblée constituante.
De quoi s'agit-il, en effet, est-ce d'anéantir sans rachat les droits casuels dont on pourra prouver l'établissement? Non, mais c'est uniquement de supprimer celles de ces prestations qui sont dénuées de titres justificatifs, et que tout s'accorde, par cette raison, à ranger dans la nombreuse catégorie des usurpations féodales; c'est de faire à l'égard des droits casuels, ce que nos prédécesseur* ont fait à l'égard de la banalité, et de mettre la preuve de l'exception à la charge du réclamant, au lieu de la laisser à la charge du propriétaire, c'est d'anéantir l'ouvrage de la force, qui durant tant de siècles a disposé de tout en France, delà force qui ne fait jamais droit, quelle que soit la durée de ses effets, c'est enfin de nettoyer la propriété d'entraves qui la gênent et la dégradent.
Il n'est donc pas question de détruire une propriété quelconque, ce qui serait au-dessus du pouvoir, non seulement de l'Assemblée, mais
encore d'un corps constituant, car la propriété étant Je fondement de la société, et sa conservation devant être le but principal de toutes les lois, ne peut légitimement être attaquée par aucune.
Et délivrer la propriété d'usurpations qui en sont une violation manifeste, la défendre dans ce qu'elle a de plus précieux, dans la liberté, qui lui est essentielle et nécessaire, ce n'est pas, cerne semble, excéder nos pouvoirs, c'est au contraire remplir notre devoir le plus sacré, et atteindre le but que doit se proposer toute législation sensée.
Quoi! doit-on supprimer des droits sans offrir de dédommagement à leurs possesseurs?
Mais, quand ces droits, quand ceux qui leur servaient de fondement, quand le ridicule amas de prérogatives immorales attachées à la féodalité ont été établies sur la propriété, les propriétaires dépouillés ont-ils reçu quelque dédommagement? Je ne crois pas que personne ici puisse le soutenir, à moins qu'on n'appelle de ce nom peut-être la promesse faite dans certains cas d'une protection qui, loin d'être jamais réelle, fut toujours au contraire dans la main des prétendus protecteurs un nouveau moyen d'oppression.
Et, aujourd'hui, pour faire cesser tfne spoliation, ouvrage de la force et de l'injustice, il faudrait à une jouissance illégitime, dont la durée, pendant plusieurs siècles a ruiné et abattu le peuple, il faudrait, dis-je, ajouter une indemnité considérable prise encore sur ce même peuple. J7ose dire que la proposition est à la fois dérisoire ét immorale.
Mais, d'ailleurs, les droits casuels étaient-ils donc les seuls profits utiles des ci-devant fiefs. N'y avait-il pas les corvées seigneuriales, la taille personnelle, n'y avait-il pas le droit de plantation, le droit de justice, celui exclusif de colombier et de chasse, qui n étaient pas de simples servitudes personnelles, n'y avait-il pas une multitude innombrable d'autres droits, aussi odieux qu'oppressifs, dont la variété et les ramifications sont un témoignage des ressources du génie féodal pour trouver des formes et des moyens d'oppression.
1 Tous ces droits qu'on décorait aussi du nom de propriété ont été supprimés. L'ont-ils été avec indemnité? non sans doute. Ce n'est pas qu'on n'ait beaucoup crié à l'injustice, à la spoliation, qu'on n'ait beaucoup fait valoir la position des ci-devant seigneurs, et surtout celle des nouveaux acquéreurs. Mais la vérité, la justice, l'évidence ont triomphé alors des cris de l'intérêt personnel, elles en triompheront encore aujourdlnui; et dans l'alternative, ou de respecter des prestations usurpées, ou d'affranchir le peuple de droits et d'entraves dont la force et l'avidité de concert étaient parvenues à l'accabler, les représentants de ce même peuple ne sauraient balancer un instant.
Au surplus, une réflexion simple doit ici'tranquilliser tout le monde sur le sort des ci-devant seigneurs :
Tous les fiefs relevaient médiatement ou immédiatement de ce qu'on appelait autrefois le domaine de la couronne, c'est-a-dire le domaine de la nation ; ainsi, en dernière analyse, c?est dans les mains de la nation Jue reviendrait le prix de tous les rachats. Vous connaissez, à cet égard, les dispositions de la loi du 3 mai 1790; ; vous connaissez les précautions qu'elle établit pour que le propriétaire du fief dominant soit
instruit dans le plus bref délai, des rachats faits à celui du fief servant, pour assurer la conservation de ses droits, et pour qu'enfin le rachat ne puisse manquer de lui revenir.
Ainsi la nation, au moyen dé sa suzeraineté générale sur tous les ci-devant fiefs dé l'Empire, serait celle qui, en définitive, profiterait des droits casuels, et les deniers dè ce rachat ne feraient véritablement que passer par les mains des propriétaires, pour arriver dans les siennes.
Maintenant, je le demande, si la nation renonce pour elle, à tous ces droits, quel préjudice leur suppression pourrait-elle donc faire éprouver aux propriétaires de fiefs ?
Mais, Messieurs, et c'est ici la dernière objection, on prétend que supprimer lesA droits casuels, c'est porter aux finances de l'Etat un coup funeste, et leur faire perdre, comme on l'a dit dans quelques feuilles, un revenu annuel de 20 millions.
D'abord, il y a dans ce calcul une exagération évidente.
On parle de 20 millions de revenu, et cependant le capital, non seulement des droits casuels, mais encore de tous les champarts, terrages, rentes et redevances fixes, ne va pas, d'après les calculs de vos comités des finances, à plus de 208 millions; or, comment un pareil capital pourrait-il produire 20 millions de revenu, c'est-a-dire le denier 10, tous frais de régie et de contributions déduits?
D'un autre côté, quels sont les droits incorporels qui devront véritablement produire, et sur le rachat desquels on puisse compter? Ce sont les terrages, c'est la foule immense des champarts, ce sont les revenus fixes, soit en nature, soit en argent, par cela qu'ils pèsent à chaque instant sur les redevables, ils seront nécessairement rachetés, et même, il est plus que probable que les rachats faits depuis 2 ans, s appliquent presque entièrement à ces droits.
Or, ces droits ne seront pas supprimés, du moins ceux dont on pourra prouver l'établissement. Mais les droits casuels non justifiés (car il ne s'agit que de ceux-là, et encore une fois, les autres continueront d'être rachetables) les droits casuels, dis-je, non justifiés, ne sont pas dans le même cas. D'abord, leur poids ne se fera sentir que de loin en loin, ensuite, il y a mille moyens de s'y soustraire ou du moins ne l'affaiblir; ainsi ils ne seraient jamais rachetés, du moins pour la majeure partie, et quand ils le seraient en entier, ce qui ne pourrait arriver qu'après bien des longueurs, bien des frais, bien aes abus, bien des vexations même, leur produit ne fournirait qu'un objet peu important dans le capital attribué à la valeur générale des droits féodaux.
Ainsi, Messieurs, nous sommes loin d'avoir sur ce point, pour nos finances, le grand intérêt dont on n'a tant parlé que pour influencer par là vos opinions.
Mais, Messieurs, le franc-fief aussi offrait une ressource importante pour nos finances, et, Cependant, il a été supprimé : la taille, la corvée, les impôts indirects de toute nature, présentaient aussi de grandes ressources, ils ont été supprimés également.
Pourquoi les considérations qui n'ont pas arrêté nos prédécesseurs, dans ces suppressions, non plus que dans celles de tous les autres droits féodaux abolis sans rachat, nous arrêtaient-elles aujourd'hui nous-mêmes, dans la suppression des droits casuels, de ce fléau de la classe agri-
cole, des nourriciers de l'Etat, de ces fermes et, solides appuis de la Révolution.
Pourquoi, nous arrêtaient-elles, quand il est aisé de suppléer par un impôt d'une perception simple, égale, facile au produit incertain, inégal, difficile de ces droits, et quand surtout leur rachat et leur perception seraient une source de vexations, de fraudes et d'abus, de complications dans la comptabilité, d'embarras et ae travail pour les corps administratifs, en même,temps qu'ils offriraient une immense pâture aux gens ae pratique, qui, dès qu'ils ont vu les combinaisons et les formalités diverses du mode de rachat, se sont flattés et se flattent peut-être encore de gagner plus par là qu'ils n'ont perdu par toutes les réformes faites dans le régime judiciaire.
Et si, Messieurs, si, pour appeler votrè attention sur une considération d'un autre genre, si? dis-je, ces droits qu'on veut conserver et qui sbnt véritablement comme la pierre d'attente de toutes les prérogatives féodales qui en ont-été détachées, ne pouvaient pas être bientôt rachetées, qu'arriverait-il, Messieurs. Ils continueraient de laisser à une classe accoutumée à la domination un ascendant certain sur leurs redevables, et cet ascendant ne tarderait pas à porter la corruption dans notre régime électif, dans notre gouvernement représentatif, et deviendrait l'écUeil infaillible de la Révolution,
Messieurs, de célèbres écrivains en politique ont dit que qui avait les terres, avait bientôt les hommes, que les citoyens ne pouvaient pas être libres, quànd leur propriété était asservie.
Daignez peser ces grandes considérations dans tous leurs rapports, et particulièrement dans leur application à Ja matière que nous traitons.
Loin de moi, sans doute, l'idée que les fortunes puissent jamais être ramenées un instant à l'égalité et s'y maintenir; loin de moi l'idée d'un partage imaginaire dont on parle beaucoup, mais auquel personne ne croit sérieusement, et qu'il ne viendra du moins jamais à la tête d'un nomme sensé de proposer ou de consentir.
Mais je parle ici à des législateurs, je parle à des amis de la liberté et de la Révolution, et; à ce titre, il peut, je crois, m'être permis de vous supplier, Messieurs, de considérer que l'égalité politique et la Constitution n'ont pas d'ennemis plus à craindre que Y excessive inégalité des fortunes, que la première cause peut-être de celle
3ui s'est établie en France tient au régime féo-al et aux extorsions de tout genre qui en ont été ia suite, et que, par conséquent, épargner, les droits casuels, après la suppression du régime féodal, ce serait, non seulement commettre une inconséquence et une injustice, comme je crois l'avoir prouvé, mais encore négliger une occasion bien favorable et bien précieuse d'attaquer le fléau politique dont la destruction par des moyens justes et non convulsifs, doit être l'objet continuel de nos soins, parce qu'elle importe essentiellement au soutien de ia Constitution que nous avons juré de maintenir.
Ainsi, Messieurs, c'est la raison, c'est la justice, c'est l'intérêt public et l'affermissement de la Constitution, ce sont tous les motifs faits pour agir sur des législateurs, qui sollicitent ici, de concert, la suppression des droits casuels, ne la différons donc pas davantage.
Je demande qu'on aille aux voix sur le projet de décret du comité.
Plusieurs membres : L'impression î
(L'Assemblée ordonne l'impression du discours de M. Louvet).
Un officier invalide-, qui n'avait pu se joindre hier à ses camarades, est admis à la barre et offre à la patrie 25 livres pour contribuer aux frais de la guerre. (Applaudissements.)
accorde à cet officier invalide les honneurs de la séance.
(L'As'emblée accepte l'offrande et en décrète la mention honorable au procès-verbal dont un extrait sera remis au donateur.)
(La séance est levée à trois heures et demie).
Séance du
PRÉSIDENCE DE M. FRANÇAIS (DE NANTES).
La séance est ouverte à six heures du soir.
Un de MM. les secrétaires donne lecture du procès-verbal de la séance du dimanche 10; juin,1792, dont la rédaction est adoptée.
Un de MM. les secrétaires donne lecture du procès-verbal de la séance du lundi 11 juin 1792, au matin, dont la rédaction est adoptée.
Un de MM. les secrétaires donne lecture du procès-verbal de la séance du lundi 11 juin 1792, au soir, dont la rédaction est adoptée.
Un membre offre un assignat de 50 livres qui lui a été envoyé par M. Leny, curé de la paroisse de Plouézec.
Un de MM. les secrétaires annonce les dons patriotiques suivants :
1° Le sieur Carra envoie 25 livres en assignats, qu'il a reçues du sieur L. D. Barthélémy Aiguilley. Il envoie aussi 5 livres en assignats qu'il a reçues du sieur Pottier, jeune clerc tonsuré de Mortain, département de la Manche;
2° Des citoyens de Porit-de- Vaux, département deVAin, amis de la Constitution et de la liberté, offrent, en assignats, la somme de 400 livres ;
3° Le sieur Delorier, qui réclame une somme de 24,000 livres qu'il dit lui être due pour service rendu à la nation dans le Canada, offre 4,000 livres sur cette somme, en don patriotique.
(L'Assemblée accepte toutes ces offrandes avec les plus vifs applaudissements et en décrète là mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis aux donateurs.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres, adresses et pétitions suivantes :
1° Lettre de M. Clavière, ministre des contributions publiques, qui envoie différentes pièces relatives à la gestion des forges de la Chaussade ;
(L'Assemblée renvoie cette lettre et les pièces y jointes aux comités de marine et des domaines réunis.)
2° lettre de M. Clavière, ministre des contributions publiques, qui envoie un mémoire sur la dénonciation faite à l'Assemblée nationale, le 6 du mois dernier, par 3 citoyens du départe-mènt du Bas-Rhin, relativement au discrédit des assignats et à la perception des contributions dans ce département (lj;
(L'Assemblée renvoie la lettre et le mémoire aux comités des assignats et monnaies et de l'ordinaire des finances réunis.)
3° Lettre du sieur Curtius, capitaine de chasseurs du bataillon de Nazareth, qui, au nom de sa compagnie, rétracte des signatures à la pétition dite des 8,000, présentée a l'Assemblée nationale le dimanche 10 de ce mois ;
4° Lettre du sieur Benoit, grenadier volontaire du 5e bataillon de la 6e légion, contenant pareille rétractation;
(L'Assemblée renvoie ces deux lettres aux comités de législation et de surveillance réunis.)
5° Lettre de M. Duranthon, ministre de la justice, qui envoie Vétat des jugements rendus par le tribunal criminel du département du Gard, dans ses trois sessions,de mars, avril et mai derniers; ces pièces sont ainsi conçues (1) :
« Paris, le
« Monsieur le Président.
« Je vous prie de mettre sous les yeux de l'Assemblée nationale l'état ci-joint des jugements rendus par le tribunal criminel du département du Gard dans les trois sessions de mars, avril et mai ; je crois devoir ce témoignage de satisfaction et de reconnaissance à l'activité que ce tribunal a mise dans ses opérations et je me flatte que l'Assemblée nationale me saura quelque gré de lui faire connaître le zèle qu'apportent dans l'exercice de leurs fonctions les magistrats sur qui reposent plus particulièrement la tranquillité et la sûreté publiques. L'Assemblée remarquera sans doute avec satisfaction que dans le nombre de 32 audiences tenues par ce tribunal il en est quelques-unes qui ont duré 20 heures. Une des plus douces obligations du ministère qui m'a été confié sera toujours de mettre l'Assembléenationale à portée d'apprécier les avantages que le peuple français recueille des sages institutions de ses législateurs.
« Je suis avec respect...
« Signé : DURANTHON. »
État] des jugements rendus par le tribunal criminel du département du Gard, séant à Nîmes.
« Séance du 15 février 1792. — Audience du jour à 8 heures du matin jusqu'à 9 heures du soir, Suzanne Moinieret Marie Courbet, de Beau-caire, accusés du crime d'empoisonnement, ont été acquittées, d'après la déclaration du juré que le fait n'est pas constant.
« Séance du 15 mars. — Jugement qui acquitte François Ourtoulas et Joseph Hugues d'une accusation de vol, sur la déclaration du juré portant qu'ils ne sont pas convaincus.
« Du 16 mars. Jugement qui condamne Jean Jean dit Routton, déclaré convaincu de fausse monnaie, à 15 années de fers.
« Du 17 mars. — Jugement qui condamne François Lafont, de Nimes, déclaré convaincu de vol avec effraction, pendant la nuit, dans une maison habitée, à 14 années de fers.
« Du 19 mars. —Jugement qui condamne Louis Damun,deNîmes,âgédel5ans, déclaré convaincu de vol avec effraction dans une maison habitée,
à être détenu dans la maison de correction pendant 12 années.
« Du 20 mars. — Jugement qui condamne Martin Chaumetteet GiraudBerjeaud, cordonnier, déclarés convaincus de vol dans une maison où ils étaient occupés et salariés, à 10 années de fers.
« Du 21 mars. — Jugement qui condamne François Creissent et Jean fierthezène, déclarés convaincus de fabrication de fausse monnaie, à 15 années de fers.
« Du 23 mars. — Jugement qui acquitte le sieur Carteira de, maire, et le sieur vedrines, procureur de la commune de Lanuéjols, déclarés convaincus d'avoir signé par ignorance une délibération incendiaire et inconstitutionnelle.
« Du 24 mars. — Jugement qui condamne Antoine Paulin, déclaré convaincu de vol sur un chemin, étant armé d'un fusil, à 18 années de fers.
« Séance du 15 avril. — Jugement qui condamne Antoine Robert, de Nîmes, déclaré convaincu d'avoir fait usage d'un jugement qu'il savait être faux, à 8 années de fers.
« Du 16 avril. — Jugement qui condamne Adrien Giloux, déclaré convaincu du faux d'une lettre de change, à 6 années de fers.
« Du 17 avril. — Jugement qui condamne feoulet fils, déclaré convaincu de vol avec effraction, à 12 années de fers.
« Du 18 avril. — Jugement qui condamne le nommé Pierre, déclaré convaincu de vol de bois exposé sur là voie publique, à 4 années de détention.
« Du 20 avril. — Jugement qui a acquitté Baptiste Gorsois de l'accusation de vol dans une auberge.
« Du 21 avril. — Jugement qui condamne le sieur Giraud, ci-devant curé de Pignan, déclaré convaincu d'avoir baptisé et fait le catéchisme, depuis sa destitution, à 2 années de gêne.
« Du 23 avril. — Jugement qui acquitte Michel Banache d'une accusation de vol avec effraction.
« Du 24 avril. — Jugement en police correctionnelle qui condamne Joseph Roux à être emprisonné, pendant une annee, pour s'être introduit pendant la nuit dans la maison du sieur Attier.
« Du 25 avril. — Jugement qui condamne Viel-saure, déclaré convaincu de vol de moutons, dans la nuit, exposés sur la voie publique, à six années de gêne.
« Du 27 avril. — L'affaire contre Guilh Gha-ronier a été renvoyée à cause de la non-comparution des témoins.
« Du 28 avril. — Celle contre Simon Rou^e a été aussi renvoyée pour la même cause.
« Du 30 avril. — Jugement qui condamne Joseph Pelatan, ancien procureur à Nîmes, déclaré convaincu d'avoir exercé des fonctions publiques au préjudice d'un arrêt qui les lui interdisait, à 2 années de gêne.
«Du 2 mai, à 8 heures du matin jusqu'au lendemain à 5 heures. — Jugement qui condamne Antoine Blanc, déclaré convaincu d'avoir excédé le curé de Lanuéjols sans intention de le tuer, à 1,000 francs d'amende et une année de prison.
« Du 15 mai. — André Serrier, du Masneuf, district du Vigan, accusé du vol d'un registre d'actes de notaire appartenant à M. Combes, notaire au
Vigan, déclaré convaincu, a été condamné à la peine de 4 années de fers, préalablement attaché a un poteau placé sur un échafaud dressé à la place publique du Vigan.
« Du 16 mai. — Séance depuis 7 heures dujna-tin jusqu'à minuit sans désemparer. Le sieur La-brunière, prêtre, grand vicaire au ci-devant évêque d'Uzès, accusé d'en avoir continué les fonctions en accordant des dispenses de bans de mariage, en envoyant des ordres et en donnant des pouvoirs à des curés, déclaré convaincu, a été condamné à 2 années de gêne, préalablement attaché à un poteau placé sur un échafaud dressé sur la place publique d'Uzès, pour y rester exposé pendant 4 heures.
« Du 17 mai. — Séance depuis 8 heures du matin jusqu'à 5 heures du soir. Suzanne Prade, de Sérignat, district de Sommière, accusée d'avoir fait ô enfants et de les avoir fait perdre, a été acquittée, le fait ayant été déclaré non constant.
« Du 18 mai. — Séance commencée à 7 heures du matin, finie à 3 heures après minuit, sans désemparer, a été examinée 1 accusation contre Antoine et Joseph Meyselle frères, le nommé Pro-vin, de Pougnadouresse, et le sieur Roche, officier municipal d'Uzès, élu en 1790, ayant pour'.cause l'incendie des titres des ci-devant seigneurs de Pougnadouresse et la contribution d'une somme de 1,2901. 14,1e tout commis dans la nuit du 11 au 12 avril, par un attroupement d'environ 50 hommes, dont 10 ou 12 armés de fusils et 2 de haches. La déclaration du juré a été que Hoche et Antoine Meyselle sont convaincus, que Joseph Meyselle et Provin sont non convaincus, ces 2 derniers ont été acquittés. Roche et Meyselle ont été condamnés à la peine de 24 années de fers, et à être exposés pendant 6 heures sur un échafaud dressé à la place publique d'Uzès.
« Du 19 mai. — Joseph Roux, de Bagnols, accusé d'avoir volé, dans une auberge où il était couché, 7 assignats de 5 livres, déclaré non convaincu, a été acquitté.
» Du 21 mai. — Guilh Charonier, natif de Ta-rascon, compagnon cordonnier chez le sieur El-din, de Lussan, accusé de vol chez ledit Eldin pendant la nuit, déclaré convaincu, a été condamné à la peine de 10 années de fers, préalablement attaché à un poteau placé sur un échafaud sur la place publique d'Uzès, pour y rester exposé pendant 6 heures.
a Du 22 mai. — Séance depuis 7 heures du matin jusqu'à 10 heures du soir. Coste, dit le milicien, Suzanne Soulier, sa femme, Espérance Coste, sa fille, Moyse Laporte et Antoine Laporte, co-accusés de rébellion à la loi et d'avoir concouru à un attroupement de 20 personnes ayant procuré l'évasion de Louis Goularon, prisonnier, déclaré non convaincus, ont été acquittés.
« Du 23 mai.—Françoise Ribot, de la ville d'Uzès, accusée de vol avec effraction pendant la nuit, dans la maison habitée du sieur Portai, déclarée convaincue, a été condamnée à la peine de 12 années de réclusion, préalablement attachée à un poteau dressé sur un échafaud pour y rester exposée pendant 6 heures.
« Du 24 mai. — Simon Roure, originaire du Pont-Saint-Esprit, prévenu de vol avec effraction dans une maison habitée pendant la nuit, déclaré non convaincu, a été acquitté.
« Du 26 mai. — Nieolas Chenel, commis à la poste aux lettres de Montpellier, accusé d'avoir soustrait à la poste aux lettres une lettre conte-
nant 2,404 1. 10 s. en assignats et de les avoir dérobés, déclaré convaincu, a été condamné à la )eine de 12 années de fers, préalablement attaché ï un poteau placé sur un échafaud qui sera dressé à la place publique de Montpellier pour y rester exposé pendant 6 heures.
« Le présent état, certifié véritable par nous accusateur public du département du Gard, soussigné, ce 30 mai 1792.
« Signé : Blancpascal. »
6° Lettre de M. Lacoste, ministre de la marine, qui adresse à l'Assemblée trois actes qui constatent la prestation du serment civique par M. d'Annoncourt, consul de France à Baltimore; M. Mangouret, consul à Gharlestown, et M. Durand, consul à Christiansand; ces pièces sont ainsi conçues (1) :
« Paris, le
« Monsieur le Président,
« J'ai l'honneur de vous adresser les trois actes ci-joints qui constatent la prestation du serment civique par M. d'Annoncourt, consul de France à Baltimore, M. Màngouret, consul à Gharlestown, et M. Durand, consul à Christiansand. J'ai celui de vous prévenir qu'au moyen de ces serments, les consuls, vice-consuls et autres employés français en pays étrangers ont tous satisfait à l'obligation qui leur avait été imposée par la loi du 17 novembre 1792.
« Je suis avec respect, Monsieur le Président, etc.
« Signé : Lacoste. »
Prestation de serment de M, cPAnnoncourt.
« Je jure d'être fidèle à la nation, à la loi et au roi, de maintenir de tout mon pouvoir la Constitution décrétée par l'Assemblée nationale et acceptée par le roi, et de défendre auprès du congrès des Etats-Unis de l'Amérique, de ses ministres et agents, les Français qui se trouveront dans ses Etats.
t Signé : Charles d'Annoncourt. »
Prestation de serment de M. Durand.
« Section des Champs-Elysées.
« Par le procès-verbal du comité général de la section en date du 30 mars 1792,
« Appert :
« M. Antoine-Louis-Henri Durand, vice-consul de France à Christiansand en Danemark, demeurant chez son père, rue du Faubourg-Saint-Honoré, avoir prêté le serment civique.
« Pour extrait conforme :
« Signé : glllerond. »
7® Lettre du président du tribunal criminel d'Avignon, séant à Montélimart, qui fait part des principaux obstacles qui, en ce moment, arrêtent les opérations du tribunal, et, entre autres, du retard de l'envoi du décret d'amnistie accordée
à ceux qui seraient poursuivis pour faits relatifs à la Révolution.
(L'Assemblée renvoie la pétition au comité de législation, pour en faire le rapport incessamment et charge le pouvoir exécutif de rendre
compte demain du retard apporté dans l'envoi de la loi d'amnistie.)
8° Note des décrets sanctionnés par le roi ou dont il a ordoné Vexécution', elle est ainsi conçue :
« Le ministre de la justice a l'honneur d'adresser à M. le président de l'Assemblée na-la note des décrets sanctionnés par le roi, ou dont Sa Majesté a ordonné l'exécution.
'dates des décrets.
; 7, 14 et 26 mai 1792.
30 mai 1792. 6 juin 1792.
8 juin 1792.
titre des decrets.
Décret définitif à la liquidation de la dette publique.
Décret en faveur des gardes des ports de Paris.
Décret portant qu'il y a lieu à accusation contre le sieur Alexandre Vigier. :
Décret en faveur des sieurs Banet, Basset, etc..., bannis illégalement de Saint-Pierre-de-Miquelon.
dates des sanctions.
10 juin 1792.
10 juin 1792.
Le roi en a ordonné l'exécution le 10 juin 1792.
10 juin 1792.
« A Paris, le
« Signé : DURANTHON. »
Une députation des citoyens de la section du Palais-Roual est admise à la barre. Ils dénoncent l'état-major de la garde nationale de Paris et demandent son licenciement, comme étant aussi corrompu que celui de la garde du roi et pour avoir provoqué la pétition présentée à l'Assemblée hationale dimanche dernier. (Murmures.) Ils donnent lecture à l'Assemblée de la rétraction donnée par l,e çieyr Debuy, volontaire du bataillon de sainfcRoch, de sa signature au bas de la pétition. ,
Plusieurs membres : Les honneurs dë la séance!
Lorsque le droit de pétition dégénère en dénonciation, lés pétitionnaires ne doivent pas avoir la faveur qur leur est due. En demandant le, licenciement de l'état-major de la garde nationale, sans motifs et sans preuves, ils ne font que semer la désorganisation dont nous avons vu les funestes effets à Mons et à Tournay. (Murmures à gauche.)
accorde à la députation les honneurs de la séance.
Plusieurs membres demandent l'ordre du jour sur la pétition.
D'autres membres : Le renvoi aux comités!
(L'Assemblée renvoie la pétition aux comités de législation et de surveillance réunis.)
, l'un des commissaires nommés ce matin (1) pour la vérification du scrutin relatif à
l'élection d'un vice-président. Messieurs, je viens, au nom des commissaires que vous aVez
nommés ce matin, vous rendre compte du résultat de la vérification du scrutin qu'ils ont
faite. Ils ont trouvé; par l'examen du procès-verbal de MM. les commissaires qui les avaient
précédés, qu'il y avait dans la boîte 427 bulletins. A la vérité, dans le calcul que nous
avons fait des noms qui se trouvaient sur les listes, il n'y avait que 421 signatures; mais
MM. les commissaires nous ont affirmé que plusieurs de nos collègues, comme cela
peut..arriver.souvent, étaient venus les pré-
On avait annoncé, en second lieu, que plusieurs des bulletins avaient été écrits de la même main : vos commissaires n'ont rien trouvé de semblable. C'est pourquoi je vous propose, en leur nom, de passer à l'ordre du jour sur la dénonciation faite a la séance de ce matin, et d'ordonner que demain il sera procédé à un nouveau tour ae scrutin entre MM. Gérardin et Delacroix.
(L'Assemblée adopte la proposition de M. Charlier.)
Une députation de citoyens de la section de la Fontaine-de-Grenelle est admise à la barre.
M. Xavier-Audodin, aumônier de la garde nationale et électeur de Paris, orateur de la députation, donne lecture de l'adresse suivante : (1)
, « Législateurs,
« Vous nous avez montré le précipice que l'on creusait sous nos pas- vous avez appelé, pour nous aider à le combler, nos'frères des départements. Déjà, de tous les points de l'Empire, l'on répond à y os cris : pourquoi faut-il que cét accord soit troublé par ceux-là mêmes qui devaient le favèrisér? Les malheureux, spr la foi des serments, ont voulu tromper notre crédulité 1 Ils ont essayé d'étouffer la voix de ceux qui seuls ici ont le droit d'exprimer la volonté nationale : qu'ils soient punis !
« Nos frères dil bataillon dés Pëtïts-Augustins viennent d'instruire les citoyens composant l'assemblée générale de la section de ]a Fontaine-de-Grenéile. ils viennent de les instruire de l'outrage fait à leurs représentants : au récit de cet attentat, tous ont frémi d'horreur, et tous à l'envi se précipitent vers vous, pour vous exprimer l'indignation dont ils sont pénétrés; •
« Législateurs, si vous aviez quelques doutes sur l'utilité de la mesure que vous avez
adoptée,
« Eh! quand les êtres les plus pervers infestent Paris,' pourquoi les meilleurs citoyens ne s'y coaliseraient-ils pas? N'est-il pas temps d'opposer la vertu au vice? et le froid et dangereux égoïsme ne doit-il pas çnfin faire place au plus ardent patriotisme?
« Si nous n'avions à combattre que des ennemis connus, si nous étions assurés de trouver cette loyaqté, cette franchise, qui sied au courage, et fait souvent mêler les larmes du vainqueur au sang des vaincus, nous combattrions avec moins de peine; du moins nous n'aurions pas à ajouter à la haine que nous inspirent les instruments du despotisme; nous n'aurions pas à ajouter le,mépris qui, de tous les sentiments, est le plus pénible aux grandes âmes; et si tel était notre sort, qu'il nous fallût périr sous le fer d'un ennemi ..dirige de nous, la mort alors, la mort serait pour nous un malheur, et non pas une honte.
« Mais quand on porte un cœur déchiré par le tourment de la haine et la soif de la vengeance; quand on souffre pour en étouffer les mouvements; quand on n'en retarde l'explosion que pour la rendre plus désastreuse; quand tous les vœux, tous les sentiments sont ppur la destruction de l'ennemi que l'on flatte, que l'on caresse, et qu'alors oii est encore assez lâche pour ne pas même oser paraître méchant ; cette scélératesse provoque la haine, et appelle la vengeance de tous , les hommes vertueux1; cette monstruosité avilit la nature; elle outrage le ciel : il faut en bannir de la terre jusqu'aux traces; elles souilleraient l'air que nous respirons; elles contrasteraient trop avec nos vertus.
« Qu'ils viennent donc, qu'ils viennent nos frères des départements ! nos cœurs les appellent; la loi leur commande de ne pas résister : qu'ils viennent 1 que dans les douces étreintes qui vont nous réunir, nous puissions nous communiquer tous les senti me uts divers qui embrasent nos âmesl Que nos larmes, du moins, puissent leur dire : « Amis, lorsque l'aurore de la liberté éclaira nos murs, vous vîntes y jurer dé vivre et de mourir avec nous... Eh bien! l'heure de remplir vos serments vient de sonner : nous vous demandons tout le sang que vous promîtes à la patrie,^. Voilà nos femmes, nos pères, nos enfants : comme nous, vous êtes fils, époux et pères : serrez dans vos bras tout ce qui nous attache à la vie. Songez, songez bien que nos succès assureront leur bonheur et notre liberté, comme des revers leur donneraient l'esclavage, et à nous la mort. Allez, amis, allez : que cè souvenir soit présent à vos esprits dans les camps, au combat, partout, et partout vous triompherez. »
« Législateurs, si notre dévouement à la loi n'était le premier sentiment qui nous anime ; si ce sentiment ne remplissait nos âmes tout entières, il nous resterait bien encore un vœu à former i^celui que vous exprimaient hier nos frères «.du faubourg Saint-Antoine : Nos amis des troupes de ligne n'auront-il point de témoins à ce spectacle national? Sans doute, il ne faut pas affaiblir nos forces aux frontières; mais nous aurions pu peut-être, nous aurions pu aller remplacer momentanément ceux que vous auriez appelés dans nos foyers ; et ce mouvement, en portant dans nos murs tout le courage des camps, et dans les camps toutes les vertus des villes,aurait électrisé tous les cœurs français.
« C'est un regret que les citoyens de la section de la Fontaine-de-Grenelle déposent avec confiance dans le sein des pères ae la patrie: néanmoins, soumis à vos décrets, ils font ici le serment de nlavoir jamais d'autre volonté que celle de la loi, et de périr tous, s'il le faut, pour son exécution. »(Vifs applaudissements.)
(Suivent les signatures, au nombre de 125.)
répond à la députation et lui accorde les honneurs ae la séance.
M. Xavier-Audouin, orateur de la députation. Messieurs, comme les citoyens qui nous accompagnent sont trop nombreux pour être admis à la séance, ils vous prient de leur permettre de défiler dans l'Assemblée.
Plusieurs membres ;,11 y a de la place ! (Applaudissements.)
(Un grand nombre de citoyens et de citoyennes sont introduits dans Vintérieur de la salle, aux grands applaudissements des tribunes.)
Plusieurs membres demandent l'impression de l'adresse et son insertion au procès-verbal.
(L'Assemblée ordonne l'impression de l'adresse et son insertion au procès-verbal.)
Un membre, au nom du comité des décrets, donne lecture de la rédaction de l'acte d'accusation contre le sieur. Cossé-Brissac, ci devant commandant la garde soldée du roi ,(1) ; elle est ainsi conçue :
« Sur le rapport et la lecture faite à l'Assemblée nationale, par un de ses membres, de plusieurs pièces qui annoncent : 1° qu'il avait été reçu dans la garde soldée du roi quantité de personnes qui n'y étaient point admissibles, d'après l'article 12 de la section première du chapitre II de l'Acte constitutionnel, entre autrés les sieurs Blet, Borde, Fournel, Duquercy, de Linières, de Comeires, Loisel, Lacaze, Merleval, Pierrot-Remy, Gueniot, Brancas, deux fils du ci-devant comte de Bérenger, deux neveux du sieur Bissac-Leroc et le sieur de Neufchaise.
« 2° Que plusieurs de ces gardes n'avaient pas prêté le serment ordonné par la loi du .15 février dernier, entr'autres le sieur Chavanne.
» 3? Que l'on avait cherché et réussi à faire régner dans la garde du roi un esprit incivique et contre-révoliitionnaire, soit en . expulsant de ce corps, soit en contraignant, à force d'our trages, de l'abandonner, ceux qui manifestaient des sentiments conformes à la Constitution et à ses principes.
« 4° Que le samedi d'après Pâques, on avait fait prêter aux sous-officiers de cette garde le serment d'accompagner le roi partout ou il voudrait aller.
« L'Assemblée nationale a décrété, dans sa séance du 29 mai dernier, qu'il y avait lieu à accusation contre le sieur Cossé-Brissac, commandant de la gardé du roi; et, par le présent acte, elle accuse le sieur Cossé-Brissac, devant la Haute-Cour nationale, comme prévenu d'avoir
ainsi que la loi du 15 février dernier ; d'avoir introduit ou laissé introduire dans cette
garde
(L'Assemblée adopte cette rédaction.)
Un membre se plaint de la lenteur des opérations de la Haute-Cour nationale et demande que les grands-procurateurs soient mandés à la barre pour rendre compte des motifs de ce retard.
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
, au nom des comités de l'ordinaire et de l'extraordinaire des finances réunis, fait un rapport (1) et présente un projet de décret additionnel au décret du 15 mai dernier qui affecte les 300 millions d'assignats de la dernière création, spécialement aux besoins de la guerre et au service de la Trésorerie nationale (2) ; il s'exprime ainsi :
Messieurs, en consacrant spécialement les assignats de la dernière création aux dépenses de la guerre et aux besoins de la Trésorerie nationale, vous avez pris une mesure que l'intérêt de 1 Etat et des circonstances impérieuses semblaient vous dicter : mais, pour que la nation puisse en recueillir les fruits, cette mesure ne doit pas être isolée et le changement que vous avez fait dans l'ordre des remboursements, suivi jusqu'à votre décret du 15 mai dernier, doit nécessairement en amener d'autres.
Le but principal de ce décret a été de conserver le crédit des assignats, en prévenant leur trop grande multiplication, en leur assurant un gage assez étendu et sur la solidité duquel il ne rut possible d'élever aucun doute: mais il serait impossible de conserver ces avantages, si vous laissiez subsister en entier la manière dont on peut acquérir les biens nationaux, d'après les décrets de l'Assemblée constituante. Elle a établi deux manières de payer ces biens. Ils peuvent l'être ou en monnaie ae cours, ou en reconnaissances provisoires ou définitives de liquidation. Ces deux moyens étaient conformes aux principes, lorsqu ils ont été adoptés. Pourquoi les reconnaissances de liquidation n'auraient-elles pas concouru avec les assignats tout le temps qu'on les a remboursées en assignats à bureau ouvert ? Pourquoi tous les titres qui constataient la propriété d une créance susceptible de liquidation, n'auraient-ils pas été reçus en payement de domaines nationaux, lorsque la principale destination de ces domaines était de servir au remboursement des créances de cette nature, et lorsqu'on était généralement persuadé que leur valeur était plus que suffisante pour y parvenir?
L'Assemblée constituante avait senti quepour que la vente des biens nationaux s'effectuât
crune manière avantageuse pour l'Etat, il était nécessaire que les moyens de les acquérir
fussent très multipliés. Elle avait senti en même temps qu'une trop grande multiplication de
papier-monnaie présentait les plus grands dangers. Elle avait établi, en principe, qu'il n'y
aurait jamais plus de 1200 millions d'assignats en circulation ; et comme cette somme était
trop peu considérable pour accélérer la vente d'une
Ces, dispositions, très conformes aux intérêts de l'Etat lorsqu'elles furent adoptées, doivent changer lorsque la situation des choses n'est plus la même.
Au moyen de la dernière création d'assignats, la totalité des biens nationaux dogjfla vente est ordonnée, a été employée, soit aûx dépenses de l'Etat, soit au remboursement de la dette publique. Ces biens n'appartiennent donc aujourd'hui qu'aux porteurs d'assignats, et la nation ne peut plus en disposer pour le remboursement de ses dettes; or, c'est cependant ce qu'elle ferait, si après avoir affecté les biens nationaux comme gage aux assignats, elle donnait à ses créanciers la faculté d'acquérir et de payer ces biens sans se servir d'assignats ; alors la nation vendrait deux fois la même chose, et violerait tous les principes du crédit public.
Mais, dira-t-on, la nation ne possède-t-elle pas d'autres biens? N'en possède-t-elle pas pour une somme plus que suffisante pour faire face à tous ses engagements? Oui, sans doute, mais ces biens seront-ils aliénés, ou ne le seront-ils pas? c'est ce que vos comités des finances ne doivent pas prejuger. Ces biens sont-ils un gage aussi clair, aussi solide, qui obtienne à un aussi haut point la confiance publique que les biens nationaux dont la vente est ordonnée et effectuée presque en totalité? c'est ce que vos comités ne pensent pas. D'après cela, il leur a paru
3ue vous détruiriez l'effet de votre décret du 15 e ce mois, si vous laissiez subsister en entier les dispositions des décrets de l'Assemblée constituante, relatifs à l'admission des reconnaissances de liquidation en payement des biens nationaux. Vous feriez plus, vous parviendriez à un but diamétralement opposé à celui que vous vous êtes proposé d'atteindre.
Quel est en effet le but de votre décret ? de conserver le crédit des assignats, en faisant qu'on ne soit pas forcé d'en créer au delà de la valeur des biens qui leur servent de gage, et de prévenir les dangers qui résulteraient de leur trop grande multiplication. Or, dans l'état actuel des choses, et en supposant deux circonstances, l'une que la liquidation de la dette publique s'effectuera avec rapidité à l'avenir, l'autre que les reconnaissances de liquidation ne s'échangeront pas au pair contre les assignats, il arriverait nécessairement qui si ces reconnaissances étaient une monnaie qui pût servir au payement des biens nationaux, tous les acquéreurs, consultant leurs intérêts, se libéreraient avec la monnaie la plus faible, et alors se reproduiraient les deux inconvénients que vous avez voulu prévenir : 1°. Il existerait des assignats au delà de la valeur des biens qui leur servent de gage; 2°. Le nombre du papier-monnaie en circulation s'accroîtrait avec rapidité; car si les payements étaient faits en reconnaissances de liquidation, on ne pourrait brûler toutes les semaines que des reconnaissances, et les brûlements ne diminuant plus périodiquement la quantité d'assignats en circulation, cette quantité s'accroîtrait chaque mois eu raison des sommes dépensées pour les frais de la guerre ou pour les autres dépenses extraordinaires de l'Etat.
Vous sentez, Messieurs, que, d'après ces observations, vos comités ne pouvaient s'empêcher de vous proposer de changer les disposi-
tions dès décrets de l'Assemblée constituante, relatives à l'admission des reconnaissances de liquidation en payement des biens nationaux.
Il est une seule de ces dispositions à laquelle il n'est possible de faire aucun changement; c'est celle qui accorde aux possesseurs de certaines dettes exigibles la faculté de donner en payement des biens qu'ils ont acquis, leurs reconnaissances provisoires ou définitives de liquidation. Cette faculté fait partie du contrat qu'ils ont passé avec la nation, et lorsque ce contrat a reçu son existence légale, il ne dépend pas de l'une des parties contractantes d'annuler ou de modifier les conditions qu'elle s'est volontairement imposées.
Représentants de la nation, vous ne pourriez exiger que les citoyens remplissent leurs engagements envers elle, tandis qu'elle se permettrait de manquer aux siens à leur égara, parce que les limites de la justice sont aussi celles de votre puissance.
Les-changements que vos comités vous proposent ne portent donc que sur les biens qui ne sont pas encore vendus, et sur les acquéreurs qui ne sont pas possesseurs de créances exigibles. Vous pouvez stipuler, pour l'avenir, les conditions qui sont les plus conformes à l'intérêt de l'Etat; et celui qui, ayant déjà acquis des biens nationaux, n'a déposé aucun titre au bureau de liquidation, ne saurait se plaindre de la non-admission des reconnaissances en payement des biens qu'il a acquis.
Vous trouverez aussi dans les articles du décret que vos comités des finances m'ont chargé de vous proposer, quelques dispositions dont le but est d'assurer l'exécution des principes que je viens de développer, et de simplifier la comptabilité de la caisse de l'extraordinaire relativement à cet objet.
Je vais maintenant vous faire connaître les motifs de quelques autres dispositions dont le but est de faciliter l'ordre dans la comptabilité, l'exactitude dans le service de la caisse de l'extraordinaire, et de prévenir des difficultés dont quelques-unes ont déjà été faites, et dont les autres ne tarderont pas à se présenter.
Jusqu'à ce moment, lorsque les porteurs de . reconnaissances définitives de liquidation n'ont pu justifier de l'acquittement de leur contribution mobilière et de leur contribution patriotique, ils ont été autorisés à retirer les neuf dixièmes de la somme qui leur était due; l'autre dixième a dû rester en dépôt à la caisse jusqu'à l'acquittement entier de ces contributions; la somme totale est portée sur les registres, et il n'est fait mention ae la retenue que par émargement.
Vous sentirez facilement, Messieurs, que, lors même que ce dixième excéderait la somme de %10,000 livres, il ne devrait pas être compris dans la disposition de l'article 1er de votre décret du 15 mai dernier. Vous sentirez encore qu'on ne peut faire éprouver le moindre retard à celui qui ayant rempli les formalités prescrites par la loi, vient réclamer la somme qu'il a donnée en nantissement; c'est un dépôt qui, sous aucun prétexte, ne saurait être dénaturé, et qui doit être rendu dans les mêmes espèces qu'il a été fait.
J'ai maintenant à vous rendre compte des motifs qui ont fait adopter à vos comités deux dispositions relatives au payement des intérêts échus des reconnaissances de liquidation, et aux formalités à remplir pour que les nouveaux in-
térêts commencent à courir au profit des possesseurs de ces reconnaissances.
Il a paru à vos comités que, quel que soit le mode définitif de remboursement que vous adopterez, il ne pourra porter que sur les capitaux'et jamais sur les intérêts; les intérêts sont des fruits qui doivent naturellement être destinés à fournir aux besoins des propriétaires de fonds; par conséquent, l'on ne pourrait, sans injustice, en différer le payement, ou forcer les propriétaires de convertir ces intérêts en capitaux. Cette vérité a déjà été sentie, puisque, d'après le rapport qui vous a été fait sur les dépenses de 1792, les intérêts de toutes les créances font partie des dépenses ordinaires, et que les fonds en sont faits à la trésorerie nationale. Jusqu'ici le payement de ces intérêts a été confondu avec celui des capitaux, parce que le remboursement de ces capitaux a été fait a bureau ouvert. Aujourd'hui que ce mode est changé, les intérêts des reconnaissances de liquidation ne doivent participer en rien à ce changement; ils doivent être acquittés à leur échéance, comme les intérêts de toutes les autres parties de la dette publique ; mais quelle est l'époque de l'échéance des intérêts de la dette liquidée? Naturellement cette époque doit être celle où cette dette est connue, où elle acquiert une date certaine, c'est-à-dire, où un créancier, après avoir rempli toutes les formalités prescrites par la loi, se présente à la caisse de l'extraordinaire. Il importe, d'ailleurs, à l'ordre de la comptabilité que cette époque soit choisie de préférence à toute autre.
Je n'insisterai pas plus longtemps, Messieurs, pour vous faire adopter la conséquence des principes dont vous ne vous êtes jamais écartés; mais ae cela seul que les intérêts doivent être payés à présentation, il s'en suit que les sommes, du reste très peu considérables, qui doivent servir à l'acquittement de ces intérêts, ne doivent
Eas faire partie des 6 millions destinés au rem-oursement des créances au-dessous de 10,000 livres : sans cela il y aurait des cas où on ne pourrait être payé que sur les fonds des mois suivants, et où, par conséquent, le payement d'une partie des intérêts de la dette publique serait suspendu, tandis que le payement des intérêts des autres parties de la dette serait effectué avec la plus grande exactitude.
Après qu'ils ont été fixés sur le mode et l'époque ae payement des intérêts échus, vos comités ont examiné si la seule remise des reconnaissances de liquidation devait suffire pour que les nouveaux intérêts commençassent à courir, et si les formalités exigées pour le remboursement devaient ou ne devaient pas être conservées. Ces formalités sont de prouver qu'on a résidé dans le royaume depuis 6 mois, et qu'on a acquitté ses contributions mobilière et patriotique. Cette dernière preuve ne doit évidemment plus être exigée. Il est conforme aux règles de la justice que lTîtat, en se libérant envers un citoyen, force ce citoyen, ou à faire compensation avec les sommes qu'il doit à 1 Etat, ou bien à prouver qu'il ne doit rien. Mais lorsqu'il ne s'agit que de constater un titre de créance et de fixer l'époque ou les intérêts doivent commencer à courir, comment serait-on en droit d'exiger d'un citoyen l'acquittement de ses contributions?
Vos comités des finances n'ont pas envisagé sous le même point de vue l'obligation de justifier de sa résidence en France depuis 6 mois :
cette justification est imposée comme une peine à ceux qui, dans ces temps de danger, ont aban-. donné leur patrie, ou qui, plus coupables encore, ont fait naître ces dangers. Seraient-ils en droit de se, plaindre d'être lésés dans leurs intérêts privés, lorsqu'ils ont compromis au plus haut degré les intérêts de leur patrie?, Seraient-ils en droit de calculer leurs privations pécuniaires, lorsqu'ils obligent l'Etat à des dépenses et à des pertes, pour ainsi dire, incalculables ? Serait-il juste d'établir des contributions pour fournir des ' ressources à ceux qui, le fer à la main, menacent nos frontières, et veulent porter parmi nous le despotisme etjle carnage? Vos comités sont loin de le penser, et ils ont cru devoir vous proposer de décréter que les intérêts des reconnaissances de liquidation ne courraient que du jour où le possesseur prouverait sa résidence en France depuis 6 mois.
Les derniers articles du projet de décret que vos comités m'ont chargé ae vous proposer sont relatifs à une question qui, au premier coup d'œil, semble présenter quelque difficulté, mais dont la solution est bien aisée, lorsqu'on s'attache aux principes et lorsqu'on considère la différence essentielle qui existe entre les différentes parties de la dette publique.
On a demandé si les emprunts à terme devaient ou ne devaient pas être compris dans la disposition de votre décret du 15 mai dernier? Vos comités n'ont eu qu'à se rappeler les motifs sur lesquels ils ont établi la justice de ce décret, pour juger que ses dispositions n*e pouvaient être relatives aux emprunts à terme. Rappelèz-vous en effet, Messieurs, les différentes observations qui vous furent faites à cette époque, et les preuves sur lesquelles on se fonda pour réfuter ceux qui prétendaient que vos comités vous proposaient une suspension de remboursement. On leur disait que ce n'étaitpas suspendre les remboursements, que de, différer de rembourser une créance dont le terme n'était pas échu ; on leur disait què l'Assemblée constituante avait statué que la dette susceptibte de liquidation, ne serait remboursée à bureau ouvert, que jusqu'à ce qu'il y eût 1,200,000,000 d'assignats en circulation. A cette époque, le remboursement à bureau ouvert devait cesser, et il ne devait être repris dans la suite que par de nouveaux décrets, à concurrence d'une somme déterminée, et de manière surtout à ce que jamais la somme des assignats en circulation ne dépassât le maximum qui avait été fixé. L'Assemblée législative, en continuant de rembourser à bureau ouvert, lorsque le nombre des asssignats a dépassé successivement 12, 13, 14, 15, 1,600,000,000, s'est donc écartée des principes posés par l'Assemblée constituante; elle n'a fait que revenir à ces principes par son décret du 15 mai. Si les reconnaissances définitives de liquidation ne devaient plus avoir d'époque fixe de remboursement, lorsqu'il existerait 1,200,000,000 en circulation, à plus forte raison, elles ne doivent pas An oirAi.tt I nno/tn'il /iîn/iiilX A C\C\ f\{\{\ f\f\t\ *JL — Mi les représentants du peuple, lorsque, pour assurer le service de la guerre, ils diffèrent un remboursement qu'on n'a pas pris l'engagement d'effectuer dans le moment actuel?
On ne saurait contredire la solidité de ces raisonnements; mais ils ne sauraient s'appliquer aux emprunts à terme. Ceux-ci doivent être payés à un jour fixe, la nation en a pris l'engagement,
et on ne saurait différer d'un seul jour le payement de la partie de ces emprunts échue ou sortie en remboursement, sans faire une véritable suspension : de plus, Messieurs, le rapporteur de vos comités des finances, en vous présentant le tableau des dépenses de 1792, a compris au nombre de ces dépenses la partie de la dette à terme qui échoira dans le cours de cette année. Les fonds nécessaires pour cet objet, seront donc faits à la Trésorerie nationale, et ces fonds seraient sans objet si la dette à terme devait être confondue avec la dette liquidée.
Ces observations acquièrent encore bien plus de force, si on les applique aux emprunts faits en pays étrangers. Il est des circonstances où la patrie a le droit d'exiger de ses enfants des sacrifices nécessaires pour le salut de tous ; mais il n'est pas de circonstances où une nation libre doive se permettre la plus légère modification dans les engagements pris avec les nations étrangères. Ni les emprunts à terme, ni ceux des pays étrangers, në peuvent donc être censés compris dans les dispositions de l'article 1er de votre décret du 15 mai.
Après avoir déterminé ces premières bases, vos comités des finances ont examiné si les sommes nécessaires pour rembourser la partie échue des emprunts à terme ou des emprunts en pays étrangers, devaient être imputées sur les 6 millions au delà desquels ne peut s'élever chaque mois ïe remboursement de la dette liquidée. Une seule observation a suffi pour déterminer leur opinion ; il est possible en effet que les 6 millions soient épuisés dans les premiers jours du mois, et alors les effets à terme ne seraient remboursés que le mois suivant, et ils éprouveraient une suspension. De plus, ou ces effets seraient entièrement assimilés aux reconnaissances de liquidation, ce qui ne serait pas conforme aux règles de la justice, ainsi que je l'ai prou vé ; ou bien, s'ils ne suivaient pas l'ordre des numéros, ainsi que les autres créances, ils introduiraient le plus grand désordre dans la comptabilité, et il serait impossible de déterminer le jour de payement de chaque créance.
Frappés de ces vérités, vos comités des finances n'ont donc pas hésité de penser que les fonds nécessaires, pour rembourser la partie échue des emprunts à terme ou emprunts dans les pays étrangers, ne devaient pas faire partie des 6- millions affectés au remboursement de la dette par l'article 1er de votre décret du 15 de ce mois.
Du reste, Messieurs, cette disposition augmentera de bien peu de chose l'emploi des assignats de la dernière création. La partie de la dette à terme, qui viendra à échéance avant l'époque où vous pourrez statuer sur un mode définitif de remboursement, n'est pas considérable; en faisant un acte de justice vous ne dérangerez pas les sages résolutions que vous avez prises pour assurer le payement des dépenses de la guerre, et arrêter le discrédit qui résulterait d'une trop grande quantité d'assignats en circulation:
Vos comités ne comprennent pas d'ailleurs sous le nom d'emprunt à terme, ni la dette du clergé, ni certaines créances qui se liquident à la Trésorerie nationale. Celles-ci doivent être comprises dans la même classe que les reconnaissances délivrées par le commissaire du roi, directeur général de la liquidation.
Je né vous rendrai pas compte de toutes les difficultés d'une moindre importance qui se sont présentées dans l'exécution de votre décret, m
de toutes les questions qui ont été proposées à vos comités. S'il avait fallu tout prévoir et répondre à tout, le décret que je suis chargé de vous présenter aurait été d'une étendue immense, et aurait amené une trop longue discussion, et cela pour un règlement provisoire, dont plusieu rs dispositions ne dureront que quelques semaines.
Et permettez, Messieurs, que vos comités des finances profitent de cet exemple pour vous représenter combien il est nuisible, surtout en finance, de négliger les mesures générales et de remettre au lendemain. Dans les premiers jours de novembre, le rapport sur un nouveau mode de remboursement était à l'ordre du Jour, le rapporteur était prêt; cet objet fut différé, on proposa des difficultés nouvelles. Ce rapport n'est pas encore fait, et il ne saurait l'être avant que vous ayez statué sur plusieurs questions importantes, auxquelles cet objet est aujourd'hui subordonné. Cependant les règlements provisoires que vous avez été obligés de faire depuis le mois de novembre, ont exigé plus de temps et plus de discussions que n'en eût exigé un règlement général. Ces mesures partielles n'ont toujours été qu'imparfaites, et en ont successivement amené de nouvelles.
Je pourrais vous dire la même chose relativement aux dépenses de 1792, qui seront effectuées en grande partie avant d'avoir été déterminées. Je pourrais vous dire la même chose relativement au maximum de la contribution foncière, et relativement à presque toutes les grandes questions de finances, dont la discussion a été entamée, et n'est pas terminée encore.
Sans doute, Messieurs, vous avez à vous occuper en même temps des plus grands intérêts de la patrie; vous avez à déjouer les complots de ses ennemis au dedans et au dehors : mais le délabrement des finances est aussi un danger, et si son effet est moins prompt, soyez persuadés qu'il n'est pas moins funeste. L'ordre est le premier élément d'une bonne administration des finances; et comment l'ordre régnerait-il dans le travail de vos comités, lorsqu'ils sont encombrés de rapports, et lorsque des bases, qui doivent leur servir de guides, ne sont pas encore posées ? Il y a déjà longtemps qu'on a proposé à l'Assemblée des projets utiles pour le rétablissement du crédit ; ces projets auraient pu être mis à exécution avant que la guerre ne fut assurée, et ils auraient fourni les moyens de la soutenir. Aujourd'hui la presque totalité de ces projets est inexécutable, et le travail de ceux qui s'en sont occupés, perdu, au moins pour le moment.
Ne voyez, Messieurs, dans les souvenirs que vous rappellent vos comités des finances, que. l'effet de leur zèle pour la chose publique. Il y a beaucoup à faire dans cette partie, et en faisant tout ce qui est possible, on peut encore rendre de grands services, et obtenir quelques succès ; mais ce n'est pas par une seule mesure qu'on peut réussir, c'est par une attention forte et soutenue; il n'y a pas, pour ainsi dire, un seul jour où l'on ne puisse atténuer quelque dépense, ou améliorer quelque branche du revenu public. Il faut donc s'en occuper tous les jours, et pour ainsi dire à tous les instants. A mesure que vous vpus occuperez de finances, les discussions deviendront moins arides et les améliorations s'opéreront avec plus de promptitude et de facilité.
Voici, Messieurs, le projet de décret que vos comités de l'ordinaire et de l'extraordinaire des finances m'ont chargé de vous proposer :
Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, considérant qu'il importe de prévenir sans délai les difficultés qui pourraient s'élever dans l'exécution du décret au 15 mai dernier, qui affecte spécialement aux besoins de la guerre et au service de la Trésorerie nationale les assignats de la dernière création; ' '\ s„ ^'«Jl
« Considérant encore, que pour maintenir le crédit des assignats, il est nécessaire d'empêcher que les biens qui leur servent de gage ne puissent avoir une autre destination, décrète qu'il y a urgence.
Décret définitif.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités de l'ordinaire et de l'extraordinaire des finances, et après avoir décrété l'urgence, décrète :
« Art. 1er. Les propriétaires des créances susceptibles d'être
données en payement de domaines nationaux, qui auront acquis desdits domaines, antérieurement
au 1er juillet 1792, continueront de jouir de la faculté qui leur a été accordée par les
précédents décrets; mais cette faculté ne sera point transmissible; elle n'existera, à dater
du jour de la sanction du présent décret, que pour ceux en faveur desquels les décrets de
liquidation auront été rendus.
« A l'égard des biens qui seront adjugés pos- , térieurement à ladite époque du 1er juillet, ils ne pourront être payés qu'en assignats ou en numéraire; et aucune classe de créanciers ne pourra donner en payement des reconnaissances provisoires ou définitives de liquidation.
« Art. 2. Celles de ces reconnaissances susceptibles d'être données en payement de domaines nationaux, qui sont actuellement en circulation, continueront d'être reçues en payement de ces domaines, par les receveurs de district et par le trésorier de la caisse de l'extraordinaire, comme par le passé, mais ils ne pourront recevoir, à peine d'en demeurer responsables^ aucune reconnaissance dans la forme usitée jusqu'à ce jour, d'une date postérieure à la publication du présent décret.
« Art. 3. A l'avenir les reconnaissances provisoires ou définitives de liquidation, ne seront plus directement admissibles en payement de domaines nationaux, mais les acquéreurs de ces domaines, antérieurement au 1er juillet 1792,. seront tenus, s'ils veulent donner ces reconnaissances en payement de ces domaines, de les représenter à l'administrateur de la caisse de l'extraordinaire. Cet administrateur vérifiera si le propriétaire est vraiment acquéreur, et quelle est la somme par lui due, à raison de ses acquisitions. Après cette vérification, il fera l'emploi de la totalité ou d'une partie des sommes énoncées dans lesdites reconnaissances, en délivrant à l'acquéreur des mandats sur le trésorier de la caisse de l'extraordinaire, dont le récépissé sera pris pour comptant par les receveurs au district où les biens seront situés.
« Art. 4. Aussitôt qu'il aura été fait emploi de la totalité ou d'une partie des sommes mentionnées dans les reconnaissances de liquidation, l'admiiiistrateur de la caisse de l'extraordinaire adressera au commissaire du roi, directeur général de la liquidation, un bordereau des imputations faites à la caisse de l'extraordinaire, au profit de chaque créancier. Le commissaire du
roi, liquidateur, en tiendra écriture, pour en être fait distraction, lors de l'expédition de la reconnaissance définitive.
« Art. 5. Les retenues à titre de dépôt d'un dixième sur des créances déjà acquittées, faites aux créanciers pour nantissement du non-pavement de leurs impositions, contribution mobilière ou contribution patriotique, lors même
3ue lesdites retenues excéderaient la somme
e 10,000 livres seront remboursées aux créanciers, aussitôt qu'ils justifieront de leur acquittement, et le montant desdits remboursements ne sera pas imputé sur les sommes destinées à rembourser les reconnaissances de liquidation au-dessous de 10,000 livres.
« Art. 6. Aussitôt que, conformément aux dispositions de l'article 2 du décret du 15 de ce mois, les porteurs de reconnaissances définitives de liquidation, excédant en capital la somme de 10,000 livres, se présenteront à la caisse de l'extraordinaire, l'administrateur de cette caisse leur délivrera, après qu'ils auront fait les justifications prescrites par les décrets des 24,27 juin et 29 juillet 1791, un mandat séparé pour le montant des intérêts alors dus et échus aux termes des précédents décrets. Ces mandats seront acquittés par le trésorier de la caisse de l'extraordinaire, et ne le seront pas des fonds destinés au payement des reconnaissances de liquidation au-dessus de 10,000 livres.
« Art. 7. Pour que l'intérêt des reconnaissances de liquidation, excédant la somme de 10,000 livres, commence à courir du jour de leur présentation à la caisse de l'extraordinaire, conformément à l'article 2 du décret du 15 mai dernier, il suffira que les créanciers justifient de leur résidence dans le royaume pendant le temps prescrit par les précédents décrets.
« Art. 8. Dans le cas où la somme de 6 millions de livres, au delà de laquelle le remboursement de la dette liquidée ne peut s'élever chaque mois, serait absorbée avant la fin du mois, les porteurs de créances qui doivent être remboursés au moyen de cette somme, seront inscrits sur un registre tenu à cet effet, dans l'ordre de leur présentation, et seront remboursés dans le même ordre sur les fonds du mois suivant. L'intérêt leur sera bonifié, depuis le jour de leur présentation, jusqu'à celui de leur remboursement, qui sera indiqué dans le bordereau numéroté qu'on délivrerait la caisse de l'extraordinaire.
« Art. 9. Les effets provenant d'emprunts à terme, sortis ou à sortir en remboursement, ainsi que ceux provenant d'emprunts faits en pays étrangers, et les suppléments nécessaires pour solder la différence du change, ne sont pas compris dans la disposition de l'article Ier au décret du 16 de ce mois; ils continueront d'être payés à présentation, provisoirement, par la caisse de 1 extraordinaire, et ils le seront sur les fonds qui séront faits pour cet objet à la trésorerie nationale, sans qu on puisse imputer les sommes nécessaires pour le remboursement de ces effets, sur les 6 millions consacrés au remboursement de la dette exigible.
« Art. 10. Ne seront point considérées comme dettes à terme, diverses créances exigibles à terme fixe, qui se liquident à la trésorerie nationale, telles que les offices de la maison du roi et de celle de la reine, supprimés en 1788, non plus que les remboursements de rentes sur le clergé. »
, rapporteur, donne lecture du
décret d'urgence puis des articles 1 à 8 du décret définitif qui sont successivement adoptés sans discussion.
Il donne ensuite lecture de l'article 9 qui est ainsi conçu :
« Les effets provenant d'emprunts à terme, sortis ou à sortir en remboursement, ainsi que ceux provenant d'emprunts faits en pays étrangers, et les suppléments nécessaires pour solder la différence du change, ne sont pas compris dans la disposition de l'article 1er dir décret du 15 de ce mois, ils continueront d'être payés à présentation, provisoirement, par la caisse de l'extraordinaire, et ils le seront sur les fonds qui seront faits pour cet objet à la trésorerie nationale, sans qu'on puisse imputer les sommes nécessaires, pour le remboursement de ces effets, sur les 6 millions consacrés au remboursement de la dette exigible. »
Je demande la question préalable sur cet article. Nous avons suspendu, par le décret du 15 mai dernier, le remboursement des créances au-dessus de 10,000 livres ou du moins vous ne les avez admises au remboursement que par numéros et par tour. Dans le nombre dé ces créanciers, sont des fournisseurs, des ouvriers, des pères de famille, à qui il est dû depuis 8, 10et 12 ans; ceux-là ont autant de droit à être payés que des créanciers étrangers qui n'ont donné leur argent à la France que parce qu'ils y ont trouvé des avantages. Tous les créanciers de la nation sont égaux à ses yeux, et il ne doit pas y avoir plus de préférence pour les étrangers que pour les régnicolés. Je demande donc la question préalable.
, rapporteur. 11 y a une grande différence entre les créanciers étrangers et les créanciers français. La plupart des créanciers français sont des fournisseurs avec lesquels on n'avait point pris de terme ; les engagements contractés avec les étrangers, étaient, au contraire, à terme fixe, et il n'est pas au pouvoir de la nation de se dégager maintenant des conditions sous lesquelles ces étrangers ont contracté avec elle. Elle peut exiger des sacrifices de ses enfants, lorsqu elle les croit nécessaires au salut de, tous ; mais il n'est pas de circonstances où line nation libre doive se permettre la plus légère modification dans les engagements pris avec les nations étrangères.
D'ailleurs, Messieurs, ce qui met encore plus de différence entre les créanciers régnicolés et les créanciers étrangers, c'est que vous pouvez payer les premiers en assignats, tandis quelles autres ne peuvent l'être qu en numéraire, parce que, lorsqu'ils vous ont prêté, ils vous ont donné au numéraire. Je demande donc que la question préalable soit rejetée.
11 y a une distinction à faire. Si nous devons payer en Hollande, par exemple, je suis - d'aôçord qu'il nous faudra envoyer du numéraire parce que nos assignats n'ont pas cours dans ce pays. Mais si nous devons payer ces étrangers à Paris, nous pouvons les rembourser en assignats, et tous ceux qui jusqu'à présent ont été payés à Paris, n'ont reçu que des assignats. Je demande la question préalable sur l'article 9.
Plusieurs membres : La discussion fermée !
(L'Assemblée ferme la discussion et décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'article 9.)
, rapporteur. J'observe que par
suite du rejet de l'article 9, l'article 10 tombe, et qu'il convient de régler comment se feront les payements des effets provenant d'emprunts à terme et d'emprunts faits à l'étranger. 11 faut établir un ordre de numéros qui écarte toute confusion à la caisse de l'extraordinaire et c'est pourquoi ie demande le renvoi aux comités pour proposer des articles additionnels à cet effet.
(L'Assemblée ordonne le renvoi de la proposition de M. Gailhasson aux comités.)
Un membre : Je propose de décréter, par article additionnel, que tous les créanciers de sommes au-dessus de 10,000 livres , recevront au moins cette somme de 10,000 livres comme acompte du remboursement de leurs créances.
Un autre membre : Je demande que, lorsque les porteurs de reconnaissances définitives de liquidation excédant la somme de 10,000 livres, se présenteront à la Caisse de l'extraordinaire, et après qu'ils auront satisfait aux formalités prescrites par les décrets des 24, 27 juin et 29 juillet 1791, ils reçoivent, sur chacune de ces reconnaissances, un acompte de 10,000 livres, et concourent, pour cet acompte, avec les créances au-dessous de 10,000 livres.
Plusieurs membres demandent la question préalable sur ces deux propositions.
Divers membres sont entendus pour et contre.
(L'Assemblée ferme la discussion et décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur les deux propositions.)
Un membre propose deux articles additionnels.
(L'Assemblée renvoie les deux articles additionnels aux comités de l'ordinaire et de l'extraordinaire des finances réunis.)
Suit le texte définitif du décret rendu :
« L'Assemblée nationale, considérant qu'il importe de prévenir sans délai les difficultés qui pourraient s'élever dans l'exécution du décret du 15 mai dernier, qui affecte spécialement aux besoins de la guerre et au service de la trésorerie nationale les assignats de la dernière création;
« Considérant encore, que pour maintenir le crédit des assignats, il est nécessaire d'empêcher que les biens qui leur servent de gage ne puissent avoir une autre destination, décrète qu'il y a urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités de l'ordinaire et de l'extraordinaire des finances, et après avoir décrété l'urgence, décrète :
Art. 1er.
« Les propriétaires des créances susceptibles d'être données en payement de domaines nationaux, qui auront acquis desdits domaines, antérieurement à la publication du présent décret, continuèront de jouir de la faculté qui leur a été accordée par les précédents décrets ; mais cette faculté ne sera point transmissible; elle n'existera que pour les créanciers directs de la nation.
« A l'égard des biens dont l'aliénation est actuellement décrétée, qui seront adjugés postérieurement à ladite publication, ils ne pourront être payés qu'en assignats ou en numéraire ; et aucune classe de créanciers ne pourra donner en payement, des reconnaissances provisoires ou définitives de liquidation.
Art; 2.
« Les reconnaissances provisoires de liquidation, dont l'emploi n'a pas été fait, et qui sont encore en circulation, continueront d'être admises en payement des biens nationaux comme par le passé, mais aucun receveur de district ne pourra, à peine d'en demeurer responsable, rerevoir aucune reconnaissance d'une date postérieure à la publication du présent décret; et à l'exception des assignats ou du numéraire, ils ne pourront recevoir en payement des biens nationaux que des récépissés du trésorier de la caisse de l'extraordinaire» délivrés conformément aux dispositions de l'article suivant.
Art.. 3.
« A l'avenir, les reconnaissances provisoires ou définitives de liquidation ne seront plus directement admissibles en payement de domaines nationaux; mais ceux qui auront acquis des domaines antérieurement à la publication du présent décret, seront tenus, s'ils veulent donner ces reconnaissances en payement, de les présenter à l'administrateur de la caisse de l'extraordinaire. Cet administrateur vérifiera si le propriétaire est vraiment acquéreur, et quelle est la somme par lui due à raison de ses acquisitions. Après cette vérification, il fera l'emploi de la totalité ou d'une partie des sommes énoncées dans lesdites reconnaissances, en délivrant à l'acquéreur des mandats sur le trésorier de la caisse de l'extraordinaire, dont le récépissé sera pris pour comptant par les receveurs du district où les biens seront situés.
Art. 4,
« Aussitôt qu'il aura été fait emploi de la totalité ou d'une partie des sommes mentionnées dans les reconnaissances de liquidation, l'administrateur de la caisse de l'extraordinaire adressera au commissaire du roi, directeur général de la liquidation, un bordereau des imputations faites à la caisse de l'extraordinaire, au profit de chaque créancier. Le commissaire du roi, liquidateur, en tiendra écriture, pour en être fait distraction lors de l'expédition de la reconnaissance définitive.
Art. 5.
« Les retenues à titre de. dépôt d'un dixième sur des créances déjà acquittées, faites aux créanciers pour nantissement du non-paiement de leurs impositions, contribution mobilière ou contribution patriotique, lors même que lesdites retenues excederaient la somme de 10,000 livres, seront remboursées aux créanciers aussitôt qu'ils justifieront de leur acquittement, et le montant desdits remboursements ne sera pas imputé sur les sommes destinées à rembourser les reconnaissances de liquidation au-dessous de 10,000 livres.
Art. 6.
« Aussitôt que, conformément aux dispositions de l'article 2 du décret du 15 de ce mois, les porteurs de reconnaissances définitives de liqui-datioïl, excédant en capital la somme de 10,000 livres, se présenteront a la caisse de l'extraordinaire,. 1 administrateur de cette caisse leur délivrera, après qu'ils auront fait les justifications prescrites par les décrets des 24, 27 juin
et 29 juillet 1791, un mandat séparé pour le montant des intérêts alors dus et échus aux termes des précédents décrets. Ces mandats seront acquittés par le trésorier de la caisse de l'extraordinaire, et ne le seront pas des fonds destinés au payement des reconnaissances de liquidation au-dessus de 10,000 livres.
Art. 7.
« Pour que l'intérêt des reconnaissances de liquidation, excédant la somme de 10,000 livres, commence à courir du jour de leur présentation à la caisse de l'extraordinaire, conformément à l'article 2 du décret du 15 mai dernier, il suffira que les créanciers justifient de leur résidence dans le royaumç pendant le temps prescrit par les précédents décrets.
Art. 8.
« Dans le cas où la somme de6millions de livres, au delà de laquelle le remboursement de la dette liquidée ne peut s'élever chaque mois, serait absorbée avant la fin du mois, les porteurs de créances qui doivent être remboursés au moyen de cette somme, seront inscrits sur un registre tenu à cet effet, dans l'ordre de leur présentation, et seront remboursés dans le même ordre sur les fonds du mois suivant. L'intérêt leur sera bonifié, depuis le jour de leur présentation, jusqu'à celui de leur remboursement qui sera indiqué dans le bordereau numéroté qu'on délivrera a la caisse de l'extraordinaire. »
Un de MM. les secrétaires donne lecture des pièces suivantes :
1° Mémoire présenté par Vévêque de Sens, pour obtenir un sursis à la décision du département de Laon, portant que le fermier du ci-devant bénéfice du Mont-Saint-Martin payera à la caisse du district le prix des bois dépendant de ce ci-devant bénéfice, exploité depuis le premier octobre 1789,, jusqu'au premier avril 1790.
(L'Assemblée renvoie le mémoire au pouvoir exécutif.)
2° Lettre de M. Huguet, député du département du Cher, qui demande un congé de 15 jours; elle est ainsi conçue (1) :
Paris, le
« Monsieur le Président,
« Je vous prie de vouloir bien m'obtenir de l'Assemblée nationale un congé de 15 jours dont j'ai impérieusement besoin pour des affaires qui exigent absolument ma présence chez moi à la Saint-Jean.
« J'ai l'honneur d'être très fraternellement votre collègue,
« Signé : huguet. »
(L'Assemblée accorde le congé demandé.)
(La séance est levée à dix heures.)
Séance du
PRÉSIDENCE DE M. FRANÇAIS (DE NANTES).
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
Un de MM. les secrétaires donne lecture du procès-verbal de la séance du mardi 12 juin 1792, au matin, dont la rédaction est adoptée.
Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres, adresses et pétitions suivantes :
1° Pétition du sieur Pion, qui demande le remboursement d'un billet égaré de la loterie d'octobre 1783.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de l'extraordinaire des finances.)
2° Lettre de M. Servan, ministre de la guerre, qui adresse à l'Assemblée l'état de la dépense d'habillement et d'équipement des gardes nationaux volontaires qui vont être levés, en vertu de la loi du 6 avril dernier, et qui demande que le montant de cette dépense soit remis à sa disposition. Elle s'élève à 15,560,000 livres..
(L'Assemblée renvoie la lettre et l'état au comité de l'extraordinaire des finances.)
3° Lettre de M. Roland, ministre de l'intérieur, qui fait passer à l'Assemblée la demande renouvelée par les administrateurs du département du Nord, dé la prohibition de la sortie des grains par le port de Dunkerque.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de commerce.)
4° Lettre de M. Lacoste, ministre de la marine, qui adresse à l'Assemblée : 1° un mémoire des marins de Leucate, sur les inconvénients et les préjudices résultant de l'exécution de la loi du 15 avril 1791, qui permet, pendant les mois d'avril, mai et juin, l'usage de la pêche aux bœufs et de celle dite à la traîne ; 2° l'avis du directoire du département de l'Aude sur ce mémoire.
. (L'Assemblée renvoie lès pièces au comité de marine.) ,
5° Lettre ou pétition du sieur Guy Le Guen, exdéputé à VAssemblée constituante, contenant des vues de réforme et d'amélioration sur les contributions publiques.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de l'ordinaire des finances.)
6° Lettre du conseil général de la commune de Lyon qui réclamé contre la lenteur du directoire du département du Rhône-et-Loire à faire droit sur plusieurs de ses arrêtés et qui demande que l'Assemblée fixe le temps qu'un directoire de département peut garder un arrêté du conseil général de la commune, sans y faire droit.
(L'Assemblée renvoie cette lettre aii pouvoir exécutif.)
7° Autre lettre du conseil général de la commune de Lyon qui demande que l'Assemblée examine et approuve un plan d'organisation d'une garde nationale soldée par la ville de Lyon.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité militaire.)
8° Lettre des administrateurs du directoire du département de VAisne, qui consultent l'Assemblée sur plusieurs questions auxquelles donne lieu
l'exécution de la loi sur le séquestre des biens des émigrés, et qui nécessitent une interprétation de cette loi.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de législation.)
9° Lettre des forts des ports et halles de la ville de Pontoise, qui demandent leur admission à la barre; elle est ainsi conçue : (1)
« Ce mercredi, 13 juin 1792.
« Les forts des ports et halles de la ville de Pontoise supplient monsieur le Président de leur procurer la faveur d'être admis à la barre de l'Assemblée pour l'entretenir de l'objet de leurs subsistances et de la tranquillité de cette ville. Ils arrivent à pied de Pontoise, où ils voudraient pouvoir retourner aujourd'hui.
(Suivent les signatures.)
(L'Assemblée décrète que la députation sera admise sur-le-champ.)
La députation des forts des ports et halles de la ville de Pontoise est admise à la barre. Ils exposent à l'Assemblée, que depuis que Paris ne s'approvisionne plus de grains dans cette ville, ils sont depuis plusieurs mois sans travail, sans ressources et sans moyens de s'en procurer. Ils demandent que l'Assemblée prenne des mesures pour rendre à Pontoise son commerce ou qu'elle leur accorde dés secours.
leur promet que l'Assemblée prendra leur demande en considération et les invite à la séance.
(L'Assemblée renvoie la pétition aux comités de commerce et des secours publics réunis.)
M. Pierre Piet est admis à la barre. Il fait un don patriotique d'une somme de 320 livres qu'il a à réclamer du gouvernement et propose un projet d'introduction et d'emploi des chameaux dans nos colonies.
accorde à M. Piet les honneurs de la séance.
(L'Assemblée renvoie le projet de M. Piet au comité colonial ; elle accepte, en outre, l'offrande et en décrète la mention honorable au procès-verbal dont un extrait sera remis au donateur.)
Un membre : J'ai donné lecture à l'Assemblée, le 6 du mois dernier, d'une lettre des juges et commissaire du roi du tribunal du district de Bel-lac, département de la Haute-Vienne, par laquelle us offraient, pour les frais de la guerre, le tiers de leur traitement des mois d'avril, mai et juin, et le procès-verbal n'a pas fait mention de cette offrande patriotique.
(L'Assemblée décrète que cette omission sera réparée.)
Un jeune garde nationale, ci-devant commis dans les bureaux de Vadministration du district de Joigny, département de l'Yonne,est admis à la barre et offre à la patrie un écu de 6 livres et un assignat de 5 livres. Il annonce à l'Assemblée qu'il va se rendre sur les frontières pour combattre les ennemis de la liberté. (Applaudissements.)
accorde à ce citoyen les honneurs de la séance.
. Je suis chargé par les adminis~ trateurs, procureur-syndic et secrétaire du directoire du district de Romans, département de la Drôme, d'offrir à l'Assemblée, pour les frais de la guerre, 1,400 livres en assignats que je dépose sur le bureau avec la lettre d'envoi adressée à M. le Président. (Applaudissements.)
(L'Assemblée décrète la mention honorable de ces offrandes au procès-verbal dont un extrait sera remis aux donateurs.)
, au nom des comités des pétitions et des secours publics, réunis, fait un rapport ( 1) et présente un projet de décret (1) au sujet de la réclamation (2) des sieurs Vincent Gentil et Cheva-lot-Beaugeois, gardes nationaux delà commune de Varennes ; il s'exprime ainsi :
Messieurs, le 18 août 1792, l'Assemblée nationale constituante a rendu un décret par lequel elle déclare être satisfaite du zèle et ae la prudence des directoires, villes et particuliers qui ont concouru à l'arrestation du roi, et leur a accordé des récompenses très généreuses, savoir depuis 20,000 livres à un seul individu, et graduellement depuis 10, 6 et 3,000 livres, jusqu'à 600 livres aux autres.
Dans ce décret, Vincent Gentil et Ghevalot-Beaugeois, gardes nationaux à Varennes, furent omis, sans doute par erreur.
Lesdits Vincent Gentil et Ghevalot-Beaugeois se présentèrent à la barre le 5 février dernier; ils y lurent chacun une pétition contenant le narré des services qu'ils ont rendus à la chose publique depuis la Révolution, et ils exposèrent en même temps que c'était eux qui, le 22 juin 1791, servirent le plus utilement la patrie à Varennes et coururent les plus grands dangers ; et quoique les services civiques qu'ils ont rendus à la patrie leur aient valu des persécutions sans les sauver du besoin, ils ont par surcroît été oubliés dans le décret du 18 août, qui a si généreusement gratifié des individus qui n'avaient pas autant de droit qu'eux à la reconnaissance nà-tionale.
Leur pétition a paru à l'Assemblée nationale mériter d'être prise en considération; mais en même temps il a paru à l'Assemblée qu'avant de statuer sur la réclamation du pétitionnaire, il était un préalable de vérifier la sincérité de leur exposé. ,
Elle a, en conséquence, renvoyé l'examen aux comités des pétitions et des secours, réunis, pour en faire le rapport, par décret du 5 février dernier.
Cette vérification a été faite conformément au décret et il a été reconnu, par les pièces justificatives produites, que ce n'a pu être que par erreur que les sieurs Ghevalot 1 aîné et Vincent Gentil ont été oubliés dans le décret du 18 août.
Ils justifient de cette vérité par différents certificats, tant de la municipalité que de
la garde nationale ; et ce qui donne d'autant plus de poids aux réclamations desdits Ghevalot
et Gentil, est qu'arrivés à Paris, où ils ont accompagné le roi, vérification ayant été faite
du procès-verbal devant la municipalité, il a été reconnu qu'ils avaient été, par erreur,
omis au procès-verbal ; l'attestation de ce fait se trouve inscrite à la fin
Une lettre du maire de Paris, en date du 9 mars dernier, accrédite d'autant plus les certificats produits par les pétitionnaires et la légitimité de leur demande, qu'il était lui-même membre de l'Assemblée nationale constituante, et que ce fait s'est passé sous ses yeux.
Le sieur Chevalot produit en outre différentes lettres des administrateurs et maîtres des postes qui le poursuivent en répétition d'une somme d'environ 1,800 livres pour frais de postes commandés par lui dans cette occasion.
Si donc l'Assemblée constituante a jugé que l'obligation que la nation avait à ceux qui sont déclinés dans son décret du 18 août, devait leur mériter les récompenses considérables qu'ils ont reçues, il résulte par la même raison que lesdits sieurs Gentil-et Chevalot sont dans le cas d'être gratifiés de récompenses mesurées sur celles accordées à leurs collègues.
Cependant vos comités ont pris en considération l'état des finances et les circonstances où nous nous trouvons, ils ont aussi pris en considération que l'Assemblée nationale législative ne peut être autant pénétrée des demandes dont il s agit que l'Assemblée constituante sous les yeux de laquelle cet événement a eu lieu; et comme le sieur Ghevalot-Beaugeois a réduit lui-même, par sa pétition, sa réclamation au remboursement des frais de postes et dépenses qui lui ont été répétés, et a demandé que l'Assemblée nationale veuille bien ordonner que le procès-verbal de ses séances lui soit régulièrement et gratuitement envoyé, pour par lui en donner lecture à ses concitoyens et les instruire;
Vos comités des pétitions et des secours, réunis par les membres qui ont jugé à propos de s'y trouver d'après nombre ae convocations, ont estimé qu'il y avait lieu de proposer à l'Assemblée nationale le projet de décret d'urgence qui suit :
Projet de décret.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de ses-comités des pétitions et des secours;
« Considérant que les sieurs Chevalot-Beaugeois, l'aîné, et Vincent Gentil, ont été omis par erreur dans le décret du 18 août dernier; que le sieur Chevalot-Beaugeois est pressé pour le remboursement des frais de postes mentionnés aux lettres par lui produites, et que les frais de voyages et de dépenses exposés par Vincent Gentil, le constituent dans un cas de besoin très instant, décrète qu'il y a urgence, et, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
« Art. 1er. La mention honorable insérée au décret du, 18 août
dernier, sera et demeurera commune aux sieurs Chevalot-Beaugeois l'aîné et Vincent Gentil.
« Art. 2.11 sera payé par le Trésor public, à chacun desdits sieurs Chevalot-Beaugeois et Vincent Gentil, une somme de 1,000 écus, pour leur tenir lieu de gratification et d'indemnité des frais de postes et autres dépenses.
« Art. 3. Il n'y a pas lieu à délibérer sur le surplus de leur demande. »
(L'Assemblée ordonne l'impression du rapport et du projet de décret et ajourne la discussion à huitaine.)
Je demande la parole pour une motion d'ordre. Il a été décrété depuis longtemps, que le commis distributeur ne pourrait distribuer que des écrits signés, ou portant le nom de leurs auteurs. Cependant il a distribué aujourd'hui un mémoire non signé, qui provoque le veto sur le décret que vous allez porter sur les droits féodaux (1). Il a pour titre : Lettre de M. Ch... au roi, contre le projet de décret proposé à VAssemblée nationale le 12 avril 1792, relativement à la suppression des droits casuels de féodalité et finit par ces mots : « Je suis, etc..., Sire, le très humble et très fidèle serviteur et sujet. » Je demande qu'il soit enjoint au commis de suivre à l'avenir le règlement.
Je pense qu'il faut mander le commis à la barre, et s'occuper, lorsque l'Assemblée sera plus nombreuse, de la punition qu'il convient d'infliger pour avoir distribué un libelle affreux.
Plusieurs membres parlent et font diverses propositions à ce sujet.
propose d'ordonner que les commissaires inspecteurs de la salle rendront compte de ce fait, et déclareront par qui cet écrit leur a été remis.
(L'Assemblée décrète que les commissaires-inspecteurs de la salle donneront des éclaircissements sur cette distribution.)
(Yonne), au nom du comité des secours publics. Messieurs, il y a déjà plusieurs mois que l'Assemblée nationale a décrété que son comité des secours publics lui présenterait, dans un bref délai, le résultat du travail qu'elle lui a confié, relativement à l'organisation nouvelle des secours publics, et à la destruction de la mendicité, deux des objets les plus importants dont elle aura à s'occuper aans le cours de sa session. Le comité, dès ce moment, a redoublé de zèle et d'activité, tellement qu'il y a trois semaines que son travail général a été conduit à la fin. Mais quoique placés, dès le mois dernier, sur le tableau nebao-madaire de vos travaux, l'ordre du jour n'a pas pu encore arriver pour nous : cependant il n'y a pas de jour où l'on ne nous entretienne des besoins des pauvres de tout l'Empire : pas de jour où nous ne recevions des départements les détails les plus affligeants sur la pénurie de leurs hôpitaux, et où on ne sollicite pour eux les plus prompts secours; pas de jour enfin, où plusieurs même d'entre vous ne nous prient de supplier l'Assemblée nationale de ne pas différer de prendre ces objets en considération.
Dans le mois de janvier dernier, vous avez décrété des fonds de secours pour tous les départements, ces fonds sont tout à l'heure épuisés ; les 6 mois auxquels ils appartiennent, sont près d'expirer, et, sous peu ae jours, peut-être, on va vous proposer d'en décréter de nouveaux.
Il est temps pourtant de cesser d'avoir recours à tous ces palliatifs ; il est temps de
traiter le mal en grand, de l'attaquer à la racine et jusque dans le vif; rien n'est aussi
essentiel, rien n'ëst aussi urgent, et vous-mêmes, Messieurs, en avez été convaincus,
lorsque votre sollicitude à cet égard a provoqué, par un décret, le zèle de
Plusieurs membres : Appuyé ! appuyé 1
D'autres membres demandent que, conformément au nouveau règlement, l'impression du rapport en précède la lecture, et que l'Assemblée entende seulement le projet de décret.
met aux voix cette dernière motion, et prononce que le projet de décret seulement sera lu. (Il s'élève de nombreuses réclamations contre cette épreuve.)
(Yonne). Je dois faire observer à l'Assemblée nationale que l'objet dont il s'agit, n'a rien de commun avec ceux auxquels le règlement dont on parle s'applique; je dois vous faire observer qu'il ne s'agit de rien moins ici que de l'un des deux établissements que la Constitution vous a laissés à créer, et dont la création et l'organisation doivent faire époque dans cette législature; ie dois vous faire observer qu'il serait impossible de, saisir les avantages et la liaison intime d'un projet de décret qui contient, en 17 articles, tout le système d'organisation des secours publics, si ce projet vous était présenté isolément ; qu'enfin, la lecture nue qu'on en demande, n'aurait pas d'objet, et ne vous offrirait que le squelette de notre travail. D'ailleurs, vous jugerez, certainement, Messieurs, qu'après avoirtraitéenprésencedu peuple,témoin nécessaire de vos délibérations, tant d'affaires auxquelles le patriotisme seul dont il est animé a pu lui faire prendre part, il est temps de lui en offrir une qui le touche pour lui-même, et qu'il ne doit pas être privé d'entendre la cause ae l'humanité et de tous les cœurs sensibles; vous jugerez qu'il n'importe pas moins que la France entière apprenne très promptement quelle espèce d'intérêt vous attachez à une institution d'où doivent résulter le soulagement des infortunés qui couvrent sa surface, et l'affermissement ae la Constitution. C'est pourquoi je demande, en m'appuyant du vœu du comité qui m'a chargé expressément de vous l'exprimer, je demande que le rapport précède la lecture du projet de décret.
(L'Assemblée décide que le travail de M. Bernard sera lu eh entier.)
(de l'Yonne), au nom du comité des secours publics, fait un rapport (1) et présente iin projet ae décret (1) sur l'organisation générale des secours publics et sur la destruction de la mendicité-, il s'exprime ainsi :
Messieurs, votre comité des secours publics doit aujourd'hui vous entretenir de grands intérêts. Il vient vous exprimer le vœu de l'humanité ; il vient vous parler des besoins de la portion du peuple la plus respectable, parce qu'elle en est la portion infortunée; il vient vous proposer de consacrer ses droits trop longtemps négligés, ses droits qui sont pourtant ceux ae la justice, de l'éternelle justice; et lorsqu'il traite un semblable sujet, il est sûr d'avoir aéjà fixé toute votre attention, et il ne doit pas même se permettre de la réclamer.
Assurer la subsistance du pauvre, et pourvoir à tous ses besoins dans toutes les
circonstances
Chargés de vous présenter un système général d'organisation des secours publics, nous n'avons pas dû entreprendre un pareil ouvrage, sans en avoir mesuré l'importance et l'étendue. Sans doute, avec quelque persévérance de zèle que nous nous y soyons portés, nous ne serions pas encore parvenus a le terminer, si nous n'eussions trouvé des matériaux précieux dans les travaux du comité à qui la même tâche avait été confiée par l'Assemblée constituante. Nous nous sommes livrés à leur examen avec la plus scrupuleuse attention ; et si, en méditant nous-mêmes sur tant de grandes questions d'ordre social que cette matière présente, nous nous sommes souvent cru obligés de nous écarter des vues de ce comité, et d'admettre d'autres résultats, nous avons cru aussi devoir partir du même point que lui, et nous nous sommes laissé guider plus d'une fois au fil des mêmes principes.
Pour procéder avec quelque méthode dans un sujet aussi vaste, nous commencerons par vous exposer les principes élémentaires et fondamentaux d'où dérivent les devoirs de la société envers le pauvre, et ceux du pauvre envers elle. Cette exposition faite, nous vous proposerons les bases de répartition des secours entre tous les départements de l'Empire, et nos vues sur le meilleur mode de distribution; d'où passant au système général de leur organisation, nous parcourrons les deux grandes divisions connues de pauvres valides, et de pauvres non valides ; et les réflexions précisées que nous offrira la série des établissements qui composeront l'ensemble de tout le système, prépareront les divers projets de décrets qui vous seront présentés de suite sur l'organisation particulière de ces mêmes établissements. Persuadés enfin que la destruction de la mendicité est un des plus grands avantages politiques et moraux qui puissent résulter du nouvel ordre de choses, nous vous exposerons les principes qui nous ont dirigés dans la recherche des moyens propres à l'éteindre : l'examen que
nous ferons de ces moyens terminera le rapport'
C'est pour l'homme qui sent et qui pense, un sujet continuel de peines et de réflexions, que le spectacle des diverses conditions de la vie humaine. Quand il voit l'énorme disproportion des fortunes, le tissu brillant qui paré plus encore qu'il ne couvre la richesse, près des haillons de l'indigence ; à vingt pas d'un palais superbe, une cabane qui défend à peine l'individu qui l'habite des injures de l'air et des saisons ; lorsqu'il aperçoit à-côté de l'heureux du monde, entouré de toutes les superfluités de la vie, l'infortuné qui manque du nécessaire, il éprouve un sentiment pénible; il se reporte en imagination vers cet âge d'or, où l'or était inconnu, où le tien et le mien n'existant pas encore, les mots pauvreté et richesse n'étaient pas inventés ; il retrace à sa pensée le souvenir de cette égalité primitive, à laquelle il fut porté atteinte le lendemain du jour où le contrat social fut formé, et où la terre partagée entre tous, cessant d'appartenir tout entière à chacun des individus disséminés sur sa surface, les lois assurèrent à chacun sa nouvelle propriété. On suppose ici que le principe de l'égalité fut la base de ce partage, qu'il fut fait d'un commun accord, et que la fraude et la violence n'y eurent aucune part ; mais déjà l'on aperçoit que, même dans cette hypothèse, l'égalité ne put pas se maintenir; que l'homme oisif par calcul, et paresseux par penchant, mit sa postérité dans lq, dépendance de l'individu laborieux, qui parvint bientôt à joindre à sa part du partage celle de son voisin mactif et imprévoyant. Bientôt encore de nouvelles combinaisons venant à s'établir, le faible se mit sous la protection de l'homme puissant, ou plutôt tendit la main aux fers qui lui furent présentés par le fort; Enfin mille causes secondaires, qu'il est inutile d'énumérer, se joignirent aux premières, pour en augmenter l'effet ; et le genre humain, par succession de temps, offrit tous les degrés de la misère et de l'opulence.
C'est donc une conséquence immédiate du principe de la civilisation, que l'inégalité des fortunes et des moyens de subsistance ; et quand il serait possible de dissoudre et de recréer au même instant le corps social ; quand pour ramener tout à l'égalité, il se pourrait qu'on en vînt à rapporter à une masse commune 1 universalité des propriétés, pour en attribuer une portion semblable à chacun des membres de la réassociation, il est évident qu'un tel état de choses ne pourrait subsister, et que les mêmes causes tendant sans cesse à reproduire les mêmes effets, on se retrouverait bientôt au point d'où Ton serait parti.
Mais s'il aemeure démontré què cette inégalité tient au principe même de la civilisation; si l'existence de la richesse et de la pauvreté extrêmes, et de tous les intermédiaires possibles entre ces deux états, en est la suite déplorable et nécessaire ; il n'est pas moins rigoureusement prouvé qu'en exécution et en vertu de la convention primitive, par laquelle chaque membre de la grande famille est lié à l'Etat, et l'Etat à chacun ae ses membres, le premier doit à tous sûreté et protection, et que la propriété du riche et l'existence du pauvre, qui est sa propriété, doivent être également placées sous la sauvegarde de la foi publique.
De là, Messieurs, cet axiome qui manque à la déclaration des droits de l'homme, cet axiome digne d'être placé en tête du code de l'humanité, que vous allez décréter : tout homme a droit
a sa subsistance, par le travail, s'il est va-
lide ; par des secours gratuits, s'il est hors d'état de travailler.
Ainsi, et par cette nécessité du travail imposée au valide, s'établit entre la société et les individus qui la composent, une réciprocité de devoirs ; ainsi la société qui donne, ne fait que remplir l'obligation de la justice envers celui qui reçoit ; ainsi celui-ci, alors même qu'il est se couru, n'a point à rougir du bienfait, et conserve encore toute la dignité de son être. C'est faute de cette distinction nécessaire, faute d'avoir médité sur cette grande vérité politique, faute d'avoir combiné les rapports qui lient la société et ses membres, qu'on a de tout temps si fort dévié dans cette matière. On s'est toujours figuré que l'assistance du pauvre n'est pas de devoir, tandis qu'elle est le premier peut-être des devoirs imposés par le pacte social ; on l'a régardée, au contraire, comme une grâce ; et, travestissant cette Cruelle erreur en principe, on a abandonné le pauvre à la bienfaisance particulière ; comme si un gouvernement qui a quelque idée de justice et d'humanité, pouvait se reposer sur d'autres que sur lui-même du soin d'acquitter cette dette, et faire dépendre, pour ainsi dire, le sort des citoyens indigents, d'un- sentiment éventuel ! comme s'il pouvait être assuré que partout où il existe un être qui manque du nécessaire, il doit se trouver un autre être humain et compatissant qui regarde son superflu comme la propriété du premier 1 comme si, surtout, ce n'était pas avilir l'espèce humaine, que d'en livrer une partie aux refus et aux mépris de l'autre partie ! Un préjugé semblable ne servira pas de base aux grandes déterminations que vous prendrez bientôt sur cette importante matière ; et les représentants de la nation le repousseront de toute la force de l'opinion, qu'il leur appartient principalement de diriger, et qui devient même dans leurs mains un levier si puissant.
Nous avons posé en principe que l'assistance du pauvre ne doit point être gratuite, et qu'il doit donner à la .société son travail, en échange des secours qu'il en reçoit : mais ce principe que nous n'avons appliqué qu'au pauvre en santé, nous en pouvions faire également l'application au pauvre en maladie, à l'enfant, au vieillard ; et si vous daignez, Messieurs, y réfléchir, vous ne tarderez pas à vous, convaincre que véritablement, loin que les secours accordés au pauvre qui n'est pas susceptible de travail, soient une exception à la règle, ils en sont la confirmation. Vous reconnaîtrez, par exemple, que l'enfait reçoit pour le travail qu'il ne peut pas encore fournir, mais qu'un jour il fournira ; le vieillard, pour celui qu'il n'est plus dans le cas de donner, mais qu'il à longtemps donné ; qu'enfin celui qui est dans un état passager d'infirmité et de souffrance, a droit aux secours pour le travail qu'il a déjà produit, et que, rendu à la société, il pourra encore produire. Nous n'en excepterons pas même l'être disgrâcié de la nature, voué dès sa naissance par un état d'infirmité habituel, ou par l'absence d'un ou de plusieurs de ses sens, au supplice toujours renaissant, d'un besoin perpétuel et d'une perpétuelle inaction. L'assistance à son égard est encore de justice étroite, et seul il ne peut pas avoir été excepté de la convention sociale. La mère d'un pareil être, en le mettant au monde, a pu dire à la société : « Je vous ai donné ou je vous donnerai d'autres citoyens qui vous serviront, comme le père lui-même s'est déjà mis en devoir de le faire. Recevez donc ce nouveau citoyen ; l'assis-
tance, que je vous demande pour lui, n'est que le retour des services que son père, que ses frères vous ont rendus, ou qu'ils pourront un jour vous rendre. » Au reste, Messieurs, quand on prouverait que l'obligation du travail doit être personnelle, la société, bien qu'elle ne pût rien attendre de celui-ci, ne se ferait pas moins un devoir de l'assister, parce qu'elle ne se résoudra jamais à laisser périr sous ses yeux un individu de l'espèce humaine; qu'elle est alors tenue de réparer les torts ou les erreurs de la nature; qu'enfin, il est un sentiment inné supérieur à tous les principes... que sais-je? un retour sur soi-même, qui porte à s'attendrir sur le sort de tout être souffrant, et à le soulager.
Mais la maxime subsiste dans son intégrité, et elle tient essentiellement au caractère de la bienfaisance publique, fort différent en toutes choses de celui de la bienfaisance particulière ; car au lieu que celle-ci peut choisir ceux qu'elle assiste ; au lieu qu'elle est touchée plus particulièrement des maux qu'elle voit, que ce n'est guère que ceux-là qu'elle s'attache a soulager ; au lieu que, par cette raison même, elle peut mettre dans ses dons une sorte de prodigalité ; l'autre, au contraire, embrasse d'un seul regard l'ensemble des besoins et l'universalité des malheureux. Ce n'est pas parce qu'elle les voit qu'elle les assiste, c'est uniquement parce qu'ils ont besoin d'assistance, que l'intérêt de la société exige qu'ils soient assistés, que cette assistance est pour elle un devoir. De plusv elle est inaccessible aux mouvements irréfléchis d'une commisération d'acception ; et, calculant l'influence que peuvent avoir ses actions sur la prospérité publique, elle se préserve également d'une distribution de secours incomplets ou superflus : incomplets, parce que ce serait porter atteinte aux droits de l'humanité et de la justice sociale ; surperflus, parce que ces secours doivent se composer d'une portion du revenu des citoyens, et que la société ne pourrait, sans.se rendre coupable de la violation même des propriétés qu'elle doit protéger, en appliquer la moindre parcelle à des besoins dont la nécessité ne serait pas rigoureusement démontrée.
Et cette sévérité, si nécessaire dans la dispen-sation des revenus publics, est plus impérativement commandée dans l'application de la portion de ces revenus qui a pour objet l'assistance du pauvre. Il faut que le secours soit complet ; mais il faut aussi que celui qui le reçoit ne puisse rien obtenir au delà du nécessaire. S'agit-îl, par exemple, de travail ? l'Etat ne lui en offrira qu'à des époques seulement où l'impossibilité de se le procurer est au moins présumée ; et encore alors il le lui offrira à un taux plus faible que le prix moyen, afin de stimuler en lui le sentiment de la prévoyance. Est-il question du pauvre en état de maladie ou d'infirmité ? nul des secours propres à accélérer son rétablissement ne sera négligé ; mais il ne pourra prétendre à rien de plus : autrement, et si l'homme secouru se trouvait dans un état d'aisance égal à celui de l'individu laborieux, qui a su se ménager les moyens de se passer de secours étrangers, cette générosité inconsidérée étoufferait en lui l'amour du travail auquel il se serait accoutumé, ou le fortifierait dans le goût de l'oisiveté dont il aurait contracté l'habitude. Elle serait très propre à créer des besoijis, là même où il n'aurait jamais existé de besoins. Et en effet, sain et valide, pourquoi le pauvre irait-il chercher ailleurs le travail? l'Etat ne lui en fourni-
rait-il pas en tout temps et au prix le plus avantageux ? Avancé en âge et valétudinaire, que lui reviendrait-il d'avoir économisé à l'avance pour le temps de la vieillesse et des infirmités, lorsque, sans aucune peine, sans aucune inquiétude, il aurait pu se reposer sur la bienfaisance publique du soin de tout prévoir, de tout préparer pour lui, et être assuré d'une latitude de secours au moins équivalente à celle que le fruit de ses épargnes lui eût procurée? Dans un tel ordre de choses, il faudrait s'attendre à voir les indigents se multiplier à proportion qu'on aurait plus fait pour eux, et leur nombre s'accroître a un tel point, que la fortune publique tout entière ne suffirait plus pour alimenter, et que la source en serait tarie avant qu'ils y eussent puisé tous.
Et qu'on ne nous objecte pas que payer au pauvre un moindre prix de son travail que le prix ordinaire, c'est être injuste envers lui ; que c'est toucher à sa propriété : cette objection serait trop facile à résoudre ; car sans compter qu'il ne saurait y avoir pour le pauvre un état de choses plus avantageux que celui qui lui garantit sa subsistance, et lui laisse la liberté d'accepter ou de refuser le travail qui lui est offert par l'assistance publique, lorsqu il lui est refusé partout ailleurs, n'avons-nous pas posé en principe que le pauvre non valide était secouru parce qu'il avait donné ou qu'il promettait le travail? et dès lors, quand la société fournit le travail au valide, la différence du salaire qu'elle lui offre est moins une retenue, qu'une épargne qu'elle lui ménage pour un temps plus utile, ou même le remboursement d'une partie de l'avance qu'elle a déjà eu occasion de lui faire, lorsqu'il n'était pas encore susceptible de travail.
Ainsi, c'est encore un axiome, et d'une telle importance, qu'il n'est pas possible de concevoir un bon système d'organisation de secours qui ne repose sur lui ; c'est un axiome, que tout homme n'a droit qu'a sa subsistance.
Il en est un autre enfin qui n'est que la conséquence des premiers, et que, par cette raison, nous n'aurons besoin que d'énoncer ici : l'assistance du pauvre est une charge nationale.
Tels sont, Messieurs, les principes généraux sur lesquels doit reposer la législation des secours, les uns puisés dans les grandes considérations d'intérêt général et d'ordre public, les autres antérieurs à l'établissement des sociétés, que l'éducation seule ne nous a point inculqués, mais qui sont innés et profondément eravés dans le cœur de l'homme, des mains de la nature elle-même. Ces principes posés, et la nécessité de l'assistance du pauvre démontrée et reconnue, nous allons avoir à examiner de quelle manière cette assistance peut être effectuée, par quels fonds il y sera pourvu, de quels éléments seront formées les bases de répartition, à quelles mains enfin l'application en sera confiée.,.
Et d'abord, la première question qui s& présente à résoudre est celle desavoir si les secours publics seront une charge locale et municipale, ou une charge nationale; question qui peut se traduire par celle-ci : Les pauvres appartiennent-ils à la nation tout entière, ou seulement à quelques individus de la nation ?
Dès lors qu'il est établi en principe qu'à la nation seule appartient le droit de pourvoir intégralement aux nécessités du pauvre, il faut qu'il le soit de même qu'elle seule doit fournir en masse le fonds que cette charge consomme. Toute théorie d'ailleurs qui ne reposerait pas sur cette base, serait impossible à mettre en
pratique ; et en effet, dans le cas où l'on ferait, des secours publics, une charge purement locale, les pauvres ne seraient pas assistés ou le seraient d'une manière incomplète; ou bien la quotité de la contribution applicable étant calculée sur leur nombre, se trouverait hors de toute proportion avec les moyens des contribuables. Ainsi, dans un département dont le sol serait stérile, la population active rare, la taxe serait exorbitante ; tandis que dans un autre département, qui jouirait des avantages d'un sol productif et d'une riche population, elle serait presque nulle. Il arriverait donc de là, comme on l a très judicieusement observé avant nous, ou que l'assistance ne serait pas proportionnée aux besoins des pauvres, ou que la contribution ne le serait pas aux facultés du contribuable ; il arriverait que les pays les plus dénués seraient aussi ceux qui supporteraient une charge plus insupportable ; que cette inégalité de taxe d'un lieu à un autre ne manquerait pas d'en établir une dans la valeur des fonds territoriaux ; que les propriétaires et leurs fermiers, si la taxe pesait aussi sur ces derniers, l'éluderaient par tous les petits moyens de ruse et de subtilité que l'intérêt pourrait leur suggérer ; qu'il faudrait, pour la mettre en recouvrement, user de voies coactives, employer d'odieuses mesures de fiscalité inalliables avec le système d'une Constitution libre, il arriverait enfin qu'on ferait plus de pauvres par cette méthoae, qu'on ne parviendrait à en secourir.
Mais nous n'avons encore exposé à vos regards que les moindres inconvénients de ce système. Nous ne vous en avons pas fait remarquer la profonde immoralité; nous ne Vous avons pas montré l'énorme abus d'une taxe des pauvres toujours croissante, et tournant au profit de la fainéantise, et par suite, de tous les vices ; taxe dont la forme ae notre gouvernement représentatif augmenterait encore les dangers, et qui ne manquerait pas de devenir promptement un moyen de corruption très actif, dans les mains de quelques intrigants empressés de capter les suffrages de la multitude, et habiles à s'envelopper sous ses yeux du manteau d'une hypocrite popularité.
Et c'est ici, Messieurs, que l'expérience, ce guide toujours fidèle et plus sûr que le
raisonnement, vient nous offrir la leçon utile de l'exemple. Les anglais ont commis une
erreur en ce genre, qu'ils expient aujourd'hui d'une manière cruelle. La taxe des pauvres
qui ne s'élevait chez eux au commencement de ce siècle qu'à 15 millions, s'est portée
progressivement du double au quadruple, et ne tardera peut-être pas d'arriver au quintuple
de la première proportion ; et cependant on ne voit pas que cette surabondance de
secours-ait tourné cnez eux au profit de l'humanité, ni qu'elle les ait délivrés de leurs
mendiants. Telle est même la profondeur de la plaie, tels sont les progrès du mal, qu'il est
devenu impossible d'y appliquer le remède; que, par le cours forcé des événements, il doit
s'accroître encore, et qu'on ne saurait prévoir le terme où s'arrêtera son accroissement. De
plus, cette mauvaise institution a, par contre-coup, porté une atteinte funeste à
l'industrie dans plusieurs de leurs provinces. Les paroisses, d'un côté, ont mis en avant
toutes sortes de vains prétextes (1) pour se dispenser
Nous échapperons à une méprise qui a eu chez nos voisins des conséquences si graves, d'abord par une loi claire et précise qui déterminera le lieu où chaque pauvre sera secouru ; loi, non pas telle que celle dont nous venons de parler, qui, aux abus qu'elle veut prévenir, en substitue de plus intolérables, mais loi fondée sur la justice ; loi qui n'arrête pas l'essor de l'industrie, et ne consacre pas une expropriation de la liberté individuelle, mais loi qui ménage et favorise au contraire et l'industrie et la liberté. Cette loi importante a été combinée par votre comité sous tous les rapports qu'elle peut avoir avec des intérêts si précieux, et elle vous sera présentée en même temps que les lois de détail qui sortiront du système général.
Mais jamais l'exécution n'en pourrait être assurée, si vous ne rejetiez loin de vous l'idée d'imposer aux municipalités une charge nouvelle qui pèserait sur toutes avec inégalité, et qui serait d'ailleurs, ainsi que nous l'avons prouvé, inconciliable avec tous les principes.
Il suit, comme conséquence nécessaire de l'impossibilité de faire une charge locale de l'assistance du pauvre, que les londs applicables à cette destination doivent partir d'un point unique, d'un centre commun, pour aller se répandre dans les départements, suivant les proportions qui sont à établir. Mais on conçoit aussi que pour arriver à un mode uniforme ae répartition, il est indispensable de changer le régime de ces établissements fondés et connus sous lé nom d'hôpitaux, maisons de charité et dotations; régime qui ne pourrait trouver raisonnablement de partisans que dans la supposition où la piété et la charité des fondateurs se seraient toujours mesurées sur les besoins réels de la localité qu'elles auraient eu én vue d'assister, et où alors même les révolutions du temps n'auraient point apporté de changements à ce premier état des choses ; tandis que le plus souvent au contraire,
les mieux dotés d'entre ces établissements se I trouvent en plus grand nombre dans les pays qui ne contiennent que peu de pauvres, et que j les contrées où les pauvres abondent le plus, sont aussi le plus dépourvues d'asiles pour les recevoir. Cette raison puissante avait déterminé le comité de] l'Assemblée constituante, auquel nous avons succédé, à lui proposer d'effectuer au même instant la vente de tous les biens appartenant aux hôpitaux, et provenant de fondations. Soit que l'Assemblée constituante ait cru se devoir à d'autres objets encore plus urgents, soit, ce qui est plus vraisemblable, que des raisons politiques lui aient fait regarder comme prématurée une pareille discussion, elle a toujours évité de s'y livrer.
Quoique votre comité se soit formé une opinion relativement à cette question, il n'a pas cru devoir l'attaquer en ce moment, parce qu'elle n'est pas essentiellement liée à son sujet, et que quelle que soit à cet égard la détermination ultérieure que vous prendrez, dans le cas de la conservation de ces biens, comme dans celui de leur aliénation, son plan n'en recevra pas moins son exécution ; à condition toutefois que dans le premier, leurs revenus seront réunis dans une seule masse, et feront partie du fonds de secours qui sera décrété. Cette question d'ailleurs présente un si grand intérêt; elle tient à de si hautes et de si puissantes considérations, que nous avons pensé qu'elle devait être l'objet d'un rapport particulier.
Lorsqu'au reste nous vous proposons de réunir les revenus des biens des hôpitaux, parce que cette mesure se lie à notre système, que les secours doivent se trouver là où sont les besoins, et non ailleurs, qu'enfin toute autre supposition serait, à la fois, une' absurdité et une immoralité; quand, dis-je, nous vous proposons cette réunion, nous sommes loin de croire que ces revenus puissent compléter le fonds de secours nécessaire aux dépenses de tous les établissements compris dans le système d'organisation. Ces dépenses devant être subordonnées aux temps et aux circonstances, et n'étant susceptibles d'aucune fixité, ce sera à chaque législature à en déterminer le montant.
Le nombre des individus qui doivent être assistés dans les 86 grandes divisions de l'Empire prises séparément, n'est pas le même partout. De la disparité qui se trouve entre la somme de leurs besoins particuliers, résulte essentiellement celle qui doit être établie entre la somme de secours qui appartient à chacune. Mais à quels indices, à quels signes certains reconnaître ces différences? Comment se préserver des erreurs qui ne pourraient être commises, à l'avantage de quelques départements, qu'en tournant au préjudice de tous les autres, et jexercer envers tous une justice distributive exacte ? L'examen de cette question jettera quelques détails arides dans notre sujet; mais ils feront bientôt place à d'autres détails susceptibles du plus touchant intérêt ; et d'ailleurs, si vous considérez qu'à ces bases tient peut-être le succès de l'organisation des secours, vous reconnaîtrez que nous n'avons pas pu nous dispenser de vous rendre un compte scrupuleux des motifs que nous avons eus, pour préférer à toutes autres celles que nous allons vous proposer.
L'ancien comité, dans la recherche qu'il a faite de ces bases, avait cru devoir considérer chaque division de l'Empire sous 4 rapports : population individuelle, comparée avec la population active,
territoire, contribution, prix de la journée de travail.
Déterminés à enrichir notre travail de tout ce que celui de nos prédécesseurs nous offrirait de conceptions utiles, et regardant les matériaux qu'ils nous ont laissés, comme une succession que nous avons été appelés à recueillir, ce n'est pas sans un examen préalable long et rigoureux, que nous nous sommes portés, sinon à écarter toutes ces bases, du moins à en supprimer quelques-unes, et à n'adopter les autres qu'avec des modifications. Comme elles forment au reste une partie essentielle des travaux de l'ancien comité, comme les rapports 'qui les établissent ont eu une grande publicité, comme les motifs dont ils les a soutenus peuvent avoir plus frappé quelques esprits que les inconvénients qu'elles présentent, nous vous devons. Messieurs, l'exposé succinct des raisons qui nous ont amenés à la réforme que nous en avons faite.
La première de toutes se fonde en effet sur une considération juste à quelques égards; c'est que plus un département contient ae citoyens actifs, plus il a de citoyens dans l'état d'aisance, et moins aussi il doit renfermer de pauvres. Cependant nous croyons que l'ancien comité s'est beaucoup trop fié à cette proportion, et qu'en y réfléchissant, il eût trouve, comme nous, qu'elle ne représente pas assez bien la richesse d'un pays. Ce serait s'abuser de croire qu'un citoyen actif, imposé à trois journées de travail, est toujours au-dessus du besoin. Il est naturel de penser au contraire que si sa contribution n'excède pas le taux de 3 journées, il y aurait évidemment de l'injustice à le priver de son recours, à l'assistance publique. Ce raisonnement trop clair pour avoir besoin d'être appuyé d'aucune réflexion, nous a conduits à penser que la base de la contribution n'était pas assez solide pour lui faire porter une partie du système de la répartition des secours. Mais nous avons cru aussi qu'elle pouvait elle-même devenir le fondement d'une meilleure base. Nous dirons dans un instant de quelle manière.
Pour qu'on pût tenir compte du territoire dans la répartition des secours, il faudrait de deux choses l'une : ou que la proportion de la population résultât de l'étendue territoriale, ou qu à population égale, cette étendue supposât plus ae besoins dans l'individu à assister. Mais il est impossible de trouver entre ces choses la moindre corrélation. L'exemple viendra ici à l'appui du raisonnement. Il est prouvé que le territoire de la Corse a 24 fois à peu près l'étendue de celui du département de Paris; en in-férera-t-on que la Corse, à population égale, eût droit à un secours 24 fois plus considérable que le département de Paris? Le système de la base du territoire mènerait cependant directement à cette conclusion.
La base de la contribution, au premier aspect, semble plus admissible. Elle est fondée sur la supposition que plus un département paye de contributions, moins il doit avoir de besoins. Mais si l'on daigne y réfléchir, on trouvera encore cette théorie démentie par l'expérience. Ou le département dont il s'agit contribue pour ses richesses industrielles et commerciales, ou pour ses richesses territoriales ; dans le premier cas, il occupe un grand nombre de bras qui deviennent à la charge de l'assistance publique, à mesure qu'usés par le travail, ou invalidés par la maladie, ils cessent d'être à la solde du riche;
et alors une foule de causes faciles à prévoir, concourent à y multiplier les besoins ; dans le second, il faudrait supposer que, dans un département qui jouit d'un sol fertile, les propriétés sont divisées, de manière qu'il en appartienne une portion à chaque citoyen, tandis que le plus souvent elles se trouvent cumulées dans un très petit nombre de mains ; de sorte que dans un tel département, il y a moins d'aisance à proportion qu il y a plus de richesses, et qu'il serait vrai ae dire qu'il y existe réellement plus de besoins à satisfaire, qu'ailleurs où un sol d'une moindre valeur a moins tenté la cupidité d'un petit nombre de capitalistes, toujours pressés d'échanger leurs richesses fugitives contre une richesse permanente.
Prenez garde au reste, Messiéurs, que nous ne prétendons pas inférer de ce qui précède, qu'il faille donner plus ou moins de secours à un dé partement, parce qu'il paye plus ou moins de contributions. Ce serait bien moins consacrer la nécessité d'un fonds de secours, que présenter la possibilité d'un dégrèvement. Loin de nous rien qui puisse faire naître seulement une pareille pensée. Nous n'avons voulu rien autre chose qu'établir l'inadmissibilité de cette base; et nous croyons l'avoir établie.
Nous n'avons pas porté le même jugement de celle de la journée ae travail ; elle nous a au contraire semblé l'un des meilleurs éléments de la répartition. Il est certain, comme celui qui a rédigé le rapport sur ces bases l'a très bien dit, que la même somme ne saurait représenter la même proportion de secours dans deux départements où le prix des subsistances ne serait pas le même; que si, par exemple, il était d'un quart plus fort dans un département que dans l'autre, toutes choses égales d'ailleurs, le premier recevrait moins en effet que le secona, s'il ne recevait que la même somme numérique. Le prix de la journée de travail nous a paru, comme à l'ancien comité, représenter assez exactement cette différence.
Mais outre les motifs que nous avons eus pour rejeter celles de la contribution et du
territoire, et quand nous ne les eussions pas trouvées défectueuses en elles-mêmes, nous y
eussions été encore contraints, à raison de 1 absurdité des conséquences qui en dérivent.
Nous les avons toutes essayées sur 3 départements; et M. Bos-sut, de l'académie des
sciences, à qui le comité a cru devoir confier cette opération, n'a pu obtenir que des
résultats incohérents et tels que, des 3 départements donnés, celui qui présente le moins de
besoins est précisément celui à qui le calcul a assuré une plus forte proportion de secours.
(1)
Forcés donc d'abandonner les bases de l'ancien comité, du moins en partie, nous avons examiné quelles autres nous pourrions y substituer. En y réfléchissant, nous nous sommes convaincus qu'il s'agissait moins d'en poser de nouvelles, que de choisir parmi les anciennes, et de rectifier ensuite celles dont nous aurions fait choix.
Il fallait, pour parvenir à ce but, atteindre dans toutes les parties de l'Empire, la proportion des besoins, sinon rigoureuse (car qui oserait, dans une opération de cette espèce, se flatter de la trouver telle?) du moins la plus juste qu'il soit possible. Or, rien ne pouvait mieux nous représenter cette proportion, que le nombre des individus qui ont besoin d'assistance.
Nous vous avons fait observer, Messieurs, que la base de la population effective, comparée à la population active, manquait de justesse, en ce que le payement d'une contribution de 3 journées de travail ne supposait pas dans celui qui y est soumis l'absence du besoin. Il n'en serait pas de même, si à 3 journées de travail, on substituait un autre nombre, tel que le contribuable pût toujours être supposé dans l'état d'aisance. Celui de 10 journées nous a semblé la mesure assez précise de cet état ; et nous y arrêtant, nous vous proposons, pour première base, la population effective ou individuelle, comparée, dans chaque département, avec le nombre des citoyens imposés à une contribution égale à dix journées de travail.
Les motifs qui nous ont ensuite déterminés à vous offrir pour seconde base le prix du
salaire, sont les mêmes qui avaient engagé l'ancien comité à l'adopter, et dont nous vous
avons parlé il y a un moment. A la vérité cette base aura elle-même besoin d'être rectifiée;
car il est à observer, et cette observation est très importante, que la différence du prix
de la journée de travail a'un département à l'autre, ne représente pas exactement la
différence des secours à porter dans l'un et
Nous devons encore vous prévenir, Messieurs, que l'application de l'une de ces nouvelles bases ne pourra pas se faire jusqu'à ce qu'on ait obtenu les nouveaux renseignements à demander aux départements qui, eux-mêmes, auront besoin de s'adresser, pour sè les procurer, à leurs districts et à leurs municipalités; ce qui doit nécessairement éloigner le temps de l'application, de celui de tous les retards que consommeront les diverses correspondances. Votre comité, lorsqu'il s'agira de réaliser l'organisation que vous aurez décrétée, vous offrira des moyens de remédier, avec le moins d'inconvénients qu'il se pourra, à l'absence de ces renseignements. Mais cette dernière considération même n'a pas dû l'empêcher de mettre la base dont l'application ne peut être faite dans ce moment, au nombre de celles à poser. Il sait trop, et le travail même qu'il vous offre ne peut vous présenter d'intérêt qu'à proportion qu'il s'est pénétré de cette maxime ; il sait trop que l'ouvrage du législateur n'appartient pas seulement au temps présent, mais qu'il est encore la propriété des générations à naître.
Les bases de répartition une fois fixées, vous aurez, Messieurs, à déterminer quels agents particuliers seront chargés de la aispensation des sommes destinées à acquitter dans chaque lieu les besoins des pauvres. Vainement toutes les. parties de votre système, liées entre elles, formeraient un ensemble, un tout homogène ; vainement vous institueriez, pour chaque espèce de besoin, un établissement, et vous lui donneriez la meilleure organisation dont il serait susceptible; vainement encore vous auriez atteint le point de la perfection même dans la répartition des secours : si vous aviez commis une erreur dans le choix des moyens propres à en assurer la dispensation la plus fidèle et la mieux entendue. Vous auriez bientôt alors la douleur de voir échouer toutes les institutions sages, utiles, humaines que vous auriez décrétées, et s'évanouir toutes les espérances que vous auriez eu le droit de fonder sur ces institutions.
L'établissement d'agences ou d'administrations particulières, chargées de la distribution des ronds de secours, paraît le seul moyen de s'assurer qu'elle sera faite partout avec, justice. Mais où ces agences seront-elles placées plus convenablement, et rempliront-elles mieux leur destination ? C'est ce qu il faut examiner.
On a d'abord proposé de les restreindre aux départements et aux districts. Mais comment concevoir alors que leurs membres, quand on supposerait en eux le zèle le plus actif, joint au
pur amour de l'humanité, pussent entrer dans les détails sans nombre que leurs fonctions exigeront ? Car, il ne faut pas s'y tromper, c'est sur la certitude qu'aucun de ces détails ne sera négligé, qu'on peut fonder celle de l'utilité et du succès des agences. On ne prend le plus souvent un véritable intérêt qu'aux besoins qu'on a sous les yeux; ceux qu'on ne voit pas, on se demande s'ils existent; on cherche même à se persuader qu'ils n'existent pas. Et le moyen que les membres de, ces agences placées à des distances considérables, puissent se porter dans tous les lieux où leur présence serait nécessaire ? D'ailleurs, ou les administrateurs de l'agence seront salariés, ou leurs fonctions seront gratuites : dans le premier cas, on aura un excédent de dépense qui, en dernière analyse, retombera sur le pauvre dont l'assistance devènue incomplète, diminuera de la portion de fonds que cette dépense consommera; dans le second, est-on assez sûr de trouver des citoyens amis de l'humanité, que le soin de leur fortune et la nécessité de vaquer à leurs affaires domestiques, ne forceront pas de se soustraire à ces places, et qui porteront le désintéressement jusqu'à s'abstenir d'user de la liberté qu'on aura été obligé de leur accorder, de les accepter ou de les refuser ?
Lorsqu'ensuite on a proposé de charger, de cette distribution de secours, les municipalités, on n'a pas assez songé à l'inconvenance qu'il y aurait a leur confier des fonctions d'où il résulterait pour elles un surcroît de dépense de temps, lorsqu elles ne peuvent pas même suffire à remplir celles qui leur sont propres; comme, en proposant d établir dans chaque paroisse une agence chargée de la distribution des secours qui leur seront échus dans la répartition, on n'a pas considéré que ce serait, pour ainsi dire, établir une seconde municipalité dans chaque municipalité, et doubler le nombre de ces administrations, qu'il faudrait plutôt penser à réduire; on n'a pas considéré surtout, qu'en formant autant de ces nouveaux établissements qu'il y aurait de paroisses, on resserrerait dans les limites d'une petite portion de territoire l'exercice de la bienfaisance, et ou'on risquerait d'amoindrir ainsi un sentiment dont on ne peut assez, au contraire, favoriser l'expansion.
S'il existe un moyen de prévenir, pour les agences, le double inconvénient d'un éloigne-ment trop considérable, et d'un trop grand rapprochement,' il doit se trouver dans rétablissement d'une seule agence par canton. C'est à ces administrations, composées d'un citoyen au moins de chacune des paroisses du canton, que sera confié le soin de secourir ses pauvres, des fonds publics applicables à leur assistance. L'établissement de ces agences pose surtout sur ce fondement : que si l'assistance du pauvre est une charge nationale, son application est une charge purement locale; d'où il résulte évidemment que les fonds de secours une fois sortis du Trésor ae la nation, sa dette se trouve acquittée ; et que si, lorsque ces fonds auront été distribués dans le ressort de l'agence, il restait encore des besoins à acquitter, ce déficit même ne serait pas censé tenir à leur insuffisance, mais plutôt à un vice dans leur application. Ce principe, quelque rigoureux qu'il paraisse au premier aspect, est pourtant le seul qu'il soit possible de reconnaître dans cette matière. Il ne vous servirait de rien de multiplier les agences et les surveillants : vous ne parviendriez par là qu'à multiplier les frais et les abus ; au Iteu que,
confiant les sommes qui reviendront à chaque canton dans la répartition, au canton même, sous la condition expresse d'en entretenir tous ses pauvres, ces sommes fructifieront et s'accroîtront entre les mains à qui elles seront confiées, par l'intelligence et par la sagesse de l'emploi. Nous vous donnons pour caution du succès de cette mesure, l'intérêt personnel, cë puissant mobile- que ceux qui ont l'expérience des hommes et des choses ne manquent jamais d'employer, et n'emploient jamais inutilement.
L application des secours étant une charge locale, il ne doit ni ne peut y avoir de traitement attaché à l'exercice des fonctions de l'agence. Les principes s'accordent de plus ici avec les convenances ; et nous aurions eu quelque regret de supposer, en vous proposant de salarier le culte de l'humanité, qu il ne suffira pas à ceux à qui il sera confié, pour leur récompense, du bonheur même qu'ils auront de la servir.
Que si l'on élevait des doutes sur la possibilité de consolider une institution qui s'éloigne en effet de toutes les idées précédemment reçues, outre que cette manière ae raisonner ne serait pas bonne, qui consisterait à prétendre que le vice d'une chose résulte de la nouveauté même de la conception qui l'a produite, la réponse à ces doutes se trouverait dans la bonne organisation de ces agences ; dans le choix, confié aux élections du peuple, des citoyens chargés d'en remplir les fonctions ; elle se trouverait dans une loi qui fixerait d'une manière précise les conditions de l'inscription sur l'état des pauvres, et qui déterminerait la part que chaque citoyen inscrit pourrait prétendre à l'assistance ; elle se trouverait surtout dans la publicité des opérations de ces administrations, et dans le recours aux autorités constituées, assuré à ceux qui auraient à s'en plaindre. Nous n'entrerons point dans la discussion de ces diverses mesures qui appartiennent aux lois de détail. Qu'il nous suffise de vous faire remarquer ici, Messieurs, que les conditions d'après lesquelles l'indigence devra être assistée étant connues, et la connaissance qui sera donnée de toutes les opérations relatives à cette administration garantissant leur fidélité, nul ne pourra être dégradé par un refus, ou, en tout cas, l'éprouver impunément. Les pauvres d'un canton auront la consolation de recevoir les secours de la bienfaisance publique, des mains mêmes de leurs voisins, de leurs concitoyens. Le lien si doux de l'habitude qui unit les nommes d'un même lieu, sera resserré par les services que les uns rendront, et par les soins dont les autres seront l'objet. Les membres des agences, intéressés à exercer une surveillance non interrompue sur l'indigent qui devra être assisté par le travail, intéressés à ce que les secours qu'il recevra ne soient que le prix de celui qu'il aura fourni, en provoqueront en lui le goût. Pour ménager le fonds de bienfaisance publique dont la distribution leur sera confiée, et pour que l'indigent ne retombe pas à la charge du canton où il sera domicilié, ils mettront en jeu l'intérêt des particuliers; ils les solliciteront d'employer utilement pour eux-mêmes tous les bras qu'ils pourront occuper; ils les feront consentir à s'en servir pour s'enrichir. De nouvelles entreprises seront faites; de nouvelles sources de prospérité s'ouvriront; et tandis que dans ce mouvement universel de l'industrie, dans cette impulsion générale qu'elle recevra, les uns échapperont au besoin par le travail, les autres augmenteront leur aisance du produit de l'activité
des premiers. Il n'y aura pas jusqu'à la morte-saison qui n'offre à l'indigence laborieuse des ressources. Des ouvrages sédentaires dans les villes, de petites occupations agrestes dans l'intérieur des maisons à la campagne, seront réservés pour ces temps. Enfin, tous les bras étant occupés, on verra disparaître les vices qui ont leur source dans ce goût de paresse plus invincible à proportion qu'on néglige davantage de le combattre, et renaître ae toutes parts les mœurs compagnes du travail.
Après avoir posé les principes sur lesquels se fondent les obligations de la société envers les pauvres, et de ceux-ci envers elle, principes invariables et indestructibles comme la raison et la justice dont ils sont l'émanation; après avoir déterminé les bases de la répartition des secours et les moyens qui doivent assurer la bonté et l'exactitude de leur emploi, nous avons à vous entretenir de leur application aux diverses classes d'indigents à qui ils appartiennent. Ici, Messieurs, s'ouvre devant nous une autre carrière; ici commence une nouvelle tâche, non moins importante et plus douce à remplir encore que la première. Passant en revue tous les établissements qui doivent compléter le système d'organisation, nous vous développerons rapidement, et les principes généraux qui détermineront la nature de ces établissements, et la somme de bien qu'ils peuvent substituer aux abus naturalisés dans ceux qui ont existé jusqu'à ce jour. Nous vous exposerons d'une manière succincte les avantages qu'ils doivent produire, et sous le rapport de la prospérité nationale, et soiis le rapport intéressant de tous les besoins, de toutes les misères de l'humanité qu'ils soulageront. Eh! puissions-nous (pardonnez, Messieurs, si le sentiment profond que nous éprouvons fait effort pour s'échapper), puissions-nous donner à notre style les couleurs du sujet touchant que nous traitons ! puissions-nous transmettre à vos âmes les douces émotions que les nôtres ont éprouvées, quand nous nous sommes efforcés de remplir le devoir que vous nous aviez imposé ! Eh ! pourquoi nous serions-nous refusés à une si précieuse jouissance? pourquoi, vous-mêmes, vous y refu-seriez-vous, lorsqu'elle s'accorde si heureusement avec la sévérité des principes dont l'homme public doit faire profession?.
Avant d'entrer dans notre sujet, nous croyons vous devoir une observation qui n'y est point étrangère, et qui même nous en facilitera l'accès. Il est, Messieurs, une vérité bien pénible à retracer, bien faite pour jeter la tristesse dans le cœur de tout homme qui compatit aux maux de l'humanité, et qu'il n'est pourtant pas permis de dissimuler : quoi que fasse le législateur, à quelque hauteur de conception qu'il s'élève, quelques institutions qu'il crée, il ne parviendra pas a faire disparaître la misère ni à extirper l'indigence. C'est une plaie trop profonde, une maladie trop inhérente au corps social ; trop de circonstances concourent à l'entretenir, pour qu'il puisse s'en flatter. Aussi ce n'est pas à la faire disparaître entièrement; c'est à empêcher qu'elle ne se propage, à faire qu'elle soit soulagée, à en diminuer les effets, qu'il s'attachera uniquement; et pour atteindre à ce but avec plus d'efficacité, il commencera par en étudier les causes.
C'est donc sur ces causes que nous devons d'abord fixer vos regards. La première de toutes prend sa source dans la disproportion des besoins et des moyens de subsister, du nombre de
bras à occuper, et de l'occupation que le pays qui doit les employer péut leur offrir. Elle prend sa source surtout dans ce penchant insurmontable qu'a pour l'oisiveté cette classe d'hommes qui, pouvant trouver dans l'amour du travail, qui suffit presque toujours pour se le procurer, une ressource honnête et un remède assuré contre le tourment du besoin, préfèrent de vagabonder, et d'aller sans pudeur, dans la vigueur de l'âge, mendier, de porte en porte, les secours qu'ils ravissent ainsi à l'indigence modeste hors d'état de travailler, et se rendent coupables d'un vol manifeste envers la société, en la privant volontairement du produit de leurs facultés physiques.
Il faut mettre, en second lieu, au rang des causes sans cesse renaissantes et malheureusement nécessaires de l'indigence, les divers cas où l'homme est empêché de se procurer sa subsistance par le travail. De cette espèce sont l'enfance, la vieillesse, les maladies et toutes les sortes d'infirmités qui affligent l'espèce humaine depuis la naissance jusqu'à la décrépitude.
En troisième lieu, rindigence tient à des causes qui, pour n'être qu'accidentelles et locales, n'en ont pas moins des suites aussi fâcheuses que si elles étaient permanentes. Nous compterons au nombre de ces causes la cessation du travail dans les campagnes à certaines époques de l'année, ou dans les villes, par l'inaction momentanée des manufactures. Nous compterons encore les incendies, les grêles, les gelees, les sécheresses, les inondations, et tous ces fléaux dévastateurs qui portent dans des contrées entières la misère et la désolation.
Les secours à appliquer à ces différentes es^ pèces de besoins composent le système géijéral dont l'exposition va suivre : ils comprennent les moyens ae subsistance et les soins à assurer au pauvre en santé et en maladie, et à l'individu qui, réduit à l'indigence par des accidents particuliers, doit recevoir une assistance passagère et de la même nature que le mal.
La première des causes que nous avons assignées à l'indigence, nous l'avons trouvée dans la disproportion du travail et des besoins. C'est cependant une chose difficile à concevoir, que cette disproportion puisse exister parmi nous, et l'on serait peut-être fondé à se demander si, dans un pays tel que la France, ce n'est pas une folie de supposer qu'il doive y avoir des bras à qui l'occupation manque; dans la France qui se trouve dans une situation telle, qu'il dépendra toujours de sa législation d'y accroître tour à tour le travail par la population et la popula-lation par le travail, et de rendre les deux hémisphères tributaires de l'excellence de son sol et de son industrie. Certes, Messieurs, lorsqu'une pareille conquête vous est réservée, vous ne négligerez point d'y marcher; certes on pourra souffrir quelque temps encore des fautes au précédent régime à cet égard, et se plaindre qu'il manque des bras au travail; mais tant qu'il y aura de nouvelles routes à ouvrir vers la richesse, à l'industrie agricole et commerciale, an ne se plaindra pas de leur trop grande multiplication ; on ne sera pas tenté de s'en plaindre tant qu'il y aura des chemins et des canaux à entreprendre et à entretenir, des dessèchements et des replantations à faire, des terres incultes à défricher et à fertiliser.
Telle est en effet la multitude des travaux qui peuvent, en France, être exécutés, qu'il doit demeurer pour reconnu que nous n'avons à
éprouver que la difficulté du choix. Il ne nous appartient pas de déterminer quels sont ceux à qui doit être accordée d'abord la préférence, ni ae les combiner dans tous les rapports qu'ils peuvent avoir avec l'intérêt de l'agriculture, la multiplication des matières premières, et l'accroissement de la prospérité nationale. Ce sera à votre comité d agriculture à prendre ces grandes questions en considération, et à vous en présenter les solutions. Pour nous, Messieurs, nous nous sommes bornés, et nous avons dû nous borner, à regarder ces entreprises comme un moyen précieux de subsistance pour les indigents valides qui demandent le travail. C'est aussi sous ce point de vue que le gouvernement considérait anciennement les travaux connus sous la dénomination d'ateliers de charité, et ouverts uniquement, et sans aucun égard pour leur utilité, afin de donner, à de grandes distances, de l'occupation à ceux qui en manquaient.
Les ateliers publics sont en effet un des moyens qu'on a le plus souveiït employés lorsque le besoin du travail s'est fait sentir; et nous ne pouvons pas douter que leur institution ne daive être reportée à des époques très reculées. L'un des plus anciens peuples policés dont l'histoire noiis ait conservé le souvenir, le plus ancien de ceux de qui le temps ait respecté les monuments, les Egyptiens, lorsqu'ils firent creuser ces canaux qui distribuaient l'abondance dans, toùtes les parties de leur Empire à la fois, et construire ces pyramides dont les sommets élevés attestent encore, après 3,000 ans, la puissance et l'orgueil de leurs rois ; les Egyptiens n'ont pas manqué d'appliquer à ces grands travaux les bras inoccupés (1) dont une population immense surchargeait leurs provinces. Les Grecs, les Romains, les Chinois mêmes qui ont survécu à tous ces peuples, et dont la naissance avait cependant précédé la leur, ont employé le même moyen. Si l'intérêt de l'humanité, qui ne nous est pas moins précieux, nous porte à multiplier comme eux ces grandes entreprises, nous ne les imiterons pas dans l'exécution de ces monuments fastueux, que le sentiment de la bienfaisance publique commanda bien moins que le stupide orgueil de quelques rois, dont les noms mêmes n'ont pu arriver jusqu'à nous, et dorment dans l'oubli. Mais nous dirigerons les travaux que nous exécuterons vers un autre but : nous ferons qu'ils, n'aient pas pour objet le besoin et la fantaisie du moment, mais que l'utilité s'en étende bien au delà ; et loin de chercher à repaître la curiosité vaine des âges qui suivront, nous les préparerons plutôt à en recueillir le fruit. Nous emploierons ce nombre innombrable de bras, jusqu'ici oisifs, à faire fleurir l'agriculture et à accroître l'industrie commerciale, ces deux sources de la prospérité publique ; et nous aimerons mieux offrir des moissons à la reconnaissance de nos neveux, que des pyramides à leur admiration.
11 est à remarquer que ces entreprises, sous le rapport même de l'occupation qu'elles
devaient procurer aux bras inoccupés, avaient une latitude qui ne peut appartenir à celles
dont il s'agit
3ue tous y étaient admis en tout temps, sans
istinctipn d'état, Il n'en sera pas de même des grands travaux qui, par leur nature, ne pourront etre placés qu'à, ae grandes distances. Comme on ne saurait être assuré, en les commençant, qu'il s'offrira un nombre suffisant de pauvres valides pour les conduire à leur fin, et qu'ils s'y livreront sans interruption ; et comme d'un autre côté la réussite de ces travaux est attachée le plus souvent à la célérité de l'exécution, il faut ou y employer tous les bras qui se présentent ; et alors ils ne sont plus appliqués immédiatement à l'assistance du pauvre ; ou, si l'on veut leur conserver cette application, le but d'utilité est manqué.
fin nous déterminant à vous proposer, Messieurs, d'affecter au secours des pauvres valides une portion du fonds annuel que vous décréterez, nous avons dû établir nos calculs sur leurs vrais besoins et sur le meilleur emploi qui pourrait être, fait de ce fonds. Or, nous n'avons pas été longtemps à nous convaincre que nous irions en sens contraire de notre but, si nous suivions lès errements du précédent régime, et si nous nous modelions sur ses établissements. En effet, il nous serait facile de démontrer que les ateliers publics^ ouverts à de grandes distances, ne sont utiles ni sous le rapport de l'intérêt général de la société, ni sous le rapport de celui de l'agriculture, ni même sous le rapport du soulagement de l'indigence qu'ils doivent avoir principalement pour objet. Sous le rapport de l'intérêt général de la société, ils donnent lieu à des rassemblements d'hommes qui peuvent, dans des temps de crise surtout, devenir des instruments de troubles et d'anarchie, très favorables aux projets des ennemis de l'ordre public, et qui nécessitent ainsi l'entretien dispendieux d'une force armée toujours prête |à agir. Sous le rapport de l'intérêt de la nation qui en fait l'avance, dirigés, conduits le plus souvent sans intelligence, ils occasionnent des dilapidations, des dépenses énormes: heureux encore lorsqu'après y avoir employé des sommes considérables, on ne finit point par en reconnaître l'inutilité et l'impraticabilité. Enfin, sous le rapport du soulagement de l'indigence, le pauvre journalier, obligé d'aller s'y établir, voit tout le fruit de ses sueurs passer à sa dépense, qui se trouve doublée; au lieu que s'il avait rencontré le travail à portée de son habitation, il aurait pu venir chaque soir rejoindre sa femme et ses enfants, qui, ainsi que lui, eussent vécu de son salaire ; et de retour chaque soir, se retrouver dans leurs bras, jouir de leurs embrassements, et se livrer, après avoir porté tout le poids du jour, aux douces affections de la nature.
Voulez-vous prévenir les abus inséparables de ces établissements, d'après le cours naturel des choses? Concentrez dans les cantons tous les secours que vous consacrerez à l'assistance du pauvre qui a besoin de travail ; reportez-les, s'il ne se trouve pas d'entreprises utiles à y faire, dans le canton le plus voisin, et que les pauvres de l'un et de l'autre y aient part de préférence. Fiez-vous d'ailleurs à l'intérêt personnel, et ne vous fiez surtout qu'à lui, du soin d'en faire la juste application. Par là vous étendrez uniformément le travail sur toute la surface de la France. Il n'y aura pas une ville, pas un bourg,
pas un hameau dont vous n'assuriez ainsi la prospérité. La réparation et l'entretien des chemins vicinaux, les défrichements, le redresse ment du lit des ruisseaux, mille travaux utiles, et qui s'exécuteront d'autant mieux que l'utilité en sera plus sentie, y seront entrepris sous la direction des citoyens que la confiance et l'estime publiques auront appelés dans chaque canton aux fonctions municipales ou à celles de l'agence. Des hommes oisifs par goût et fainéants par métier, appliqués à ces travaux, seront métamorphosés en des hommes laborieux ; et par eux l'industrie, et surtout l'agriculture, cette mère nourricière des Empires, si l'on peut s'exprimer ainsi, reprendront une nouvelle vie. Ajoutez à ces avantages celui d'attacher ces établissements à l'institution des agences, liées elles-mêmes au succès de l'organisation.
Le fonds applicable en travaux de secours doit faire partie ae Ceux qui resteront à la disposition de la législature, et la répartition en être ordonnée par elle, d'après les différentes demandes qui lui seront adressées par les administrations de départements; pourvu toutefois que ces demandes n'excèdent pas Wjnaximum de la somme qui reviendrait à .chacun d'eux* si la répartition s en faisait d'abord en conformité des bases reçues. Mais en même temps que par là vous préviendrez l'indiscrétion des demandes, vous prendrez d'autres précautions pour qu'elles ne dépassent pas la mesure des besoins de chaque canton- Nous n'avons pas vu de meilleur moyen, pour prévenir les demandes excédantes, que d'imposer l'obligation à tous ceux d'entre les cantons qui voudront participer à cette portion des fonds de secours, d'augmenter la somme qu'ils souhaiteront d'obtenir, d'une contribution particulière qu'ils seront tenus d'imposer sur eux-mêmes. La proportion du quart en sus de cette somme nous a paru celle qui doit être adoptée. Cette condition même ne contrarie pas le principe établi, que l'assistance du pauvre est une charge nationale. Cette espèce de secours, à la différence de celui qui, purement gratuit, a pour objet le soulagement des pauvres non valides, tourne tout entier au profit des cantons qui l'ont obtenu ; et la faible charge qui résulte pour eux de la contribution qu'ils s imposent, est trop au-dessous de l'avantage qui leur en revient, pour qu'ils n'aient pas un grand intérêt de le solliciter.
Il ne suffit pas de se prémunir contre l'incon-sidération des demandes, pour que l'application des sommes destinées aux travaux de secours ne nuise pas à l'emploi des fonds dans les entreprises particulières, et, par une conséquence naturelle, à l'industrie; il n'importe pas moins d'empêcher que l'ouvrier ne puisse fonder un système d'imprévoyance sur la certitude de trouver le travail sous sa main, à des conditions aussi avantageuses que celles qu'il obtiendrait, en l'allant chercher ailleurs.
Indépendamment des mesures partielles que trouveront leur place dans le projet de loi particulière que nous ne tarderons pas de vous soumettre, il en est une générale, très propre à produire l'effet dont nous venons de parler; C'est d'ordonner que les travaux de secours ne s'ouvriront que dans les temps précisément où nulle autre ressource n'existe pour le pauvre valide, et dans les saisons absolument mortes à toutes les occupations de la campagne. Qeci même s'accorde avec les principes que nou6 avons établis; et ce serait en faire une applica-
tion très vicieuse, que de prétendre que la société doive, en tou6 temps et en tous lieux» du travail à toute personne qui se présente pour en obtenir. Car il résulterait de cette application, que le devoir d'assister le pauvre par le travail, s étend pour elle jusqu'à l'obligation d'assister également le besoin réel et le défaut de prévoyance; qu'elle doit descendre continuellement dans des détails minutieux, discuter ieg moyens de chaque individu, et entrer en compte avee lui; qu enfin elle peut être contrainte à tenir sans cesse des ateliers ouverts pour les hommes • inoccupés, sa us que» de leqr côté, l'obligation soit réciproque, et qu'ils soient tenus d'accepter le travail qu'elle leur offre ; et certainement une semblable théorie ne serait praticable ni en morale ni en politique. Il est juste de dire, au contraire, que, quelque latitude que l'on veuille donner aux Revoirs de la société epvers le pauvre valide, elle lés a remplis intégralement, lorsqu'in-dépendamment de ces travaux particuliers de secours, iple tient à sa disposition, presque continuelle raent1 de grands travaux; lorsque sans cesse elje fait ouvrir ou entretenir des routes, creuser^ des canaux, réaliser d'autres grandes entreprises ; jorsqu'ehfin elle encourage, par tous le$ moyens qui sont en son pouvoir, tous les genres de travaux et d'industrie utiles aux particuliers qu'elle engage de cette sorte à faire servir la classe indigente à l'accroissement de leur fortune, et qui de plus ont sur elle le prodigieux avantage qu'ils les font toujours mieux exécuter, et avec plus d'économie et de célérité.
Conséquemment, dans notre système et pour nous résumer, l'art de la législation des secours, dans cette partie, ne consiste pas à multiplier précisément les travaux publics, et à n'envisager que d'une manière secondaire l'utilité dont ils peuvent être en eux-mêmes, mais à faire qu'une grande masse de travail soit toujours en circulation, sans y prendre cependant une part directe, et à tenir toujours 1 intérêt particulier en éveil. Au reste, point de ces établissements mal entendus sous la dénomination d'Ateliers de charité, dont l'entretien exige une dépense énorme par le nombre de surveillants qu'ils emploient, les uns en sous-ordre, d'autres en chef qui auraient eux-mêmes plus besoin d'être surveillés que ceux qu'ils surveillent; mais en récompense, et ce qui est préférable de tout point, une somme de travail qui se répandra partout où les vrais besoins l'appelleront, et dont l'emploi sera d'autant plus sûr, qu'il sera toujours déterminé et suivi dans son application par ceux qui auront un véritable intérêt qu'il soit fait avec justesse. De ce moment idonc moiijs d'entreprises brillantes, mais plus de travaux vraiment utiles; de ce moment toutes les facultés Physiques des individus qui forment la société, unies par Je lien le plus fort qui puisse les attacher les uns aux autres, l'intérêt personnel; de ce moment, en un mot, toutes leurs forces dirigées vers l'utilité générale 4e la société.
$'il est vrai que le travail soit un des moyens les plus sûrs de soulager l'indigence; s'il est vrai qu'une nation soit riphe ou pauvre à proportion que chez elle up plus grand nombre de bras sont employés ou manquent d'emploi; s'il est vrai également, pomme on l'a dit il y g. longtemps, qu'un homme est pauyre, non parce qu'il ne possède rien, mais parce qu'il ne travaille pas ; il suit de là qu'il faut que les lois qui cherchent à encourager l'industrie lèvent aussi tous les obstacles qui font effort pour eu arrêter ou
pour en ralentir les mouvements. Plus de 20 jours sont enlevés dans le royaume, pour la célébration des fêtes, à l'agriculture et au commerce. 11 dépend de vous, Messieurs, en les leur restituant, de délivrer la partie utile du peuple d'un impôt désastreux qui pèse encore sur elle, d'augmenter de 300 millions la masse annuelle des richesses de la France et de faire ainsi à toutes les classes laborieuses de la société, mais surtout à la classe indigente, le plus heau présent qu'elles puissent recevoir.
Nous ne vous proposons pas, et il ne doit pas s'agir ici, pour atteindre à ce but, de supprimer nominativement les fêtes, mais il suffit ae faire que les citoyens ne soient plus détournés par elles de leurs occupations accoutumées. Nous ne vous proposons pas de les enlever au culte, mais ae les rendre au travail» Sous le rapport même du délassement, cette prohibition ne pourrait encore se soutenir. Un seul jour dans la semaine, consacré au repos, suffit pour réparer les fatigues des 6 jours qui ont précédé, et pour disposer le corps au travail qu'il doit fournir pendant les 6 jours qui suivront. On sait, d'ail** leurs, combien peu ces institutions remplissent l'objet de leur établissement ; on sait que, considérées même sous le rapport du culte, elles sont bien moins consacrées à la religion que consumées en excès de toute espèce; on sait enfin qu'elles sont funestes à l'individu qui ne vit que du fruit de sou travail, et parce qu'elles le privent de ce moyen de subsister, et parce qu'elles doublent ses dépenses, alors même que l économie lui est plus commandée, et parce qu'enfiq plies le rendent moins apte au travail, et nourrissent en lui le goût de l'inaction.
Dans des temps de calme, où la malveillance et le fanatisme ne se saisiraient pas des pré^ textes les plus déplorables pour éloigner le règne de la loi, votre comité ne se fût pas étendu sur les avantages d'une mesure dont l'intérêt public ne permet pa3 de reculer l'époque. Mais il est possible que les hommes, d'autant plus à redouter qu'ils marchent dans l'ombre, lâchement armés d'un poignard invisible, que dés agitateurs anonymes, intéressés à éloigner le retour de l'ordre et a proroger les troubles, s'efforcent de persuader au peuple, qui n'est crédule et qu'on ne cherche à égarer que parce quil est bon, essentiellement bon, que vous avez voulu consommer l'anéantissement de la religion, en attaquant ies objets de son culte et de sa vénération- Eh, qui mieux que vous, Messieurs, peut désabuser le peuple? qui mieux que vous peut lui persuader que cette réforme utile ne saurait préjudicier à la religion; qu'une portion de la société ne saurait être condamnée 20 jours de l'année et plus encore, à l'inaction et au tourment de la faim; que si la Divinité avait besoin d'être honorée d'une manière particulière pendant ces jours, elle le sera toujours mieux par le travail auquel ils seront rendus que par la débauche et la paresse, qui seules ont intérêt à leur conservation?
En retirant cette prohibition impolitique, vous obtiendrez le plus précieux de tous les avantages, celui de nâter, dans les villes et dans les campagnes, le retour des bonnes mœurs, qui prennent leur source dans l'amour du travail, comme les mauvaises sont le plus souvent la suite de l'oisiveté, qui conduit à la débauche et au crime.
Si le pauvre, dans tous les temps de sa vie, pouvait se procurer sa subsistance par le tra-
vail; s'il était toujours sain et robuste: si la société pouvait toujours mettre à profit sa vigueur, sa force et ses facultés physiques, alors, Messieurs, l'obligation de la société se bornerait à multiplier pour lui les moyens de faire valoir ces avantages. Mais, hélas ! telle n'est pas toujours sa situation. Le temps de l'enfance, celui de la vieillesse que contribuent à accélérer encore les peines, les fatigues de toute espèce auxquelles il a été contraint de se livrer, retranchés de son existence, en emportent une portion considérable. Dans l'intervalle même qui sépare ces deux extrêmes de la vie, les maladies, les infirmités l'assaillent à tous moments et en mille manières. Alors, il cesse de pouvoir, en travaillant, être utile à la société, mais il ne cesse pas d'avoir des besoins : ses besoins augmentent au contraire.
Il s'agissait d'appliquer à ces différentes circonstances, le système d'organisation que nous avons à vous présenter. Pour y parvenir, nous avons dû prendre l'homme qui ne peut pas exister de ses ressources, à l'instant même qu'il vient au monde, le suivre dans les détails de son enfance, l'accompagner dans la jeunesse, dans l'âge mûr, au milieu des maladies et des accidents qui l'empêchent d'agir; le recueillir enfin, et chercher comment on peut lui assurer plus efficacement, dans sa vieillesse, du pain, des soins et des consolations.
Nous avons déjà eu occasion de vous faire remarquer qu'un des plus grands moyens de prospérité, pour un Empire, résultait de l'étendue de sa population. C'est d'abord en favoriser l'ac-.croissement, que de chercher à prévenir les accidents qui proviennent de l'ignorance de l'art des accouchements. Combien de mères, combien d'enfants, dans les campagnes, périssent victimes de la déplorable impéritie des femmes du peuple qui se donnent à cette profession, sans que les premiers éléments de la pratique leur en soient seulement connus ! Combien de femmes, estropiées pour le reste de leur vie, sont perdues pour la reproduction! Combien d'enfants naissent perclus de plusieurs membres, par l'ignorance et par la maladresse de ces accoucheuses, et n entrent ainsi dans la vie que pour en connaître les douleurs, et pour en essuyer les amertumes et les privations! Vous aurez satisfait, à cet égard, a tout ce que l'humanité attend de vous, en décrétant que des accoucheuses instruites de leur profession, seront placées dans les cantons, et en assurant la gratuité des accouchements aux femmes inscrites sur les états des pauvres. Ainsi vos premiers regards se seront fixés sur le premier moyen de prospérité publique connu; ainsi, et par l'effet de la nouvelle législation, l'homme dans le sein de sa mère, sera déjà l'objet de la sollicitude nationale.
L'enfant venu au monde, il faudra pourvoir à son éducation physique et morale. Il appartenait à votre comité d instruction publique d'envisager son éducation sous ce dernier rapport; et déjà, Messieurs, il a rempli sa tâche. L'éducation physique ne réclame pas une moindre attention.
Les enfants, à la conservation et à l'assistance desquels nous vous proposons de subvenir, peuvent^ être compris sous deux Classes : ceux qui sont nés de parents réduits à l'indigence, et ces enfants plus malheureux encore, tristes productions du libertinage, souvent même d'un moment d'erreur ou de faiblesse. C'est principa-
lement sous ces deux rapports qu'il importait de les considérer, et c'est pour avoir voulu limiter à une de ces deux classes leur assistance, que le précédent gouvernement, malgré les réformes que le progrès des lumières et l'expérience avaient amenées dans cette partie de l'Administration, nous en a encore laissé de si grandes à à effectuer. Il ne faut que jeter un seul regard sur le dernier état des choses, pour en demeurer convaincu. Quoi de plus impolitique en effet et de plus injuste que cette application exclusive des secours publics aux enfants délaissés, pour qui seuls s'ouvraient les hospices, pendant que 1 accès en était interdit aux enfants des pauvres ! quoi de plus immoral, de plus capable ae déterminer les auteurs de leurs jours à s'en séparer pour jamais, et à les jeter dans les bras de l'Assistance publique, pour ne pas les exposer à souffrir avec eux toutes les extrémités du besoin ! C'est véritablement à cet abandon du pauvre qu'il faut attribuer la multiplication excessive des enfants légitimes délaissés; tellement que leur nombre excédait peut-être celui des non-légitimes. C'est ce cruel abandon qui contraignait les parents malheureux des premiers, par excès d'attachement même pour les tristes fruits d'une fécondité qu'ils déploraient, de fermer leurs cœurs au sentiment le plus touchant auquel une âme humaine puisse s'abandonner ; ou plùtôt ce sentiment triomphait du vice même de l'institution. Les mêmes mères, qui avaient délaissé leurs enfants, se mêlantjaux nourrices étrangères, allaient dans les maisons où ces infortunés avaient été recueillis, choisissaient, entre tous, ceux à qui elles avaient donné le jour, et ivres de joie et de tendresse, les emportaient dans leurs chaumières : tant il leur en avait coûté pour s'en séparer! tant l'amour maternel était plus ingénieux que la pitié du gouvernement n'était parcimonieuse et cruelle ! tant agit puissamment sur le cœur d'une mère le doux penchant de la nature !
L'insouciance du gouvernement ne se bornait pas là. Il semblait ne recueillir ces malheureuses victimes qu'afin de les abandonner ensuite pour jamais aux mains de femmes inconnues qu'aucune surveillance ne rappelait à leurs obligations, qui les faisaient périr taute de soins, ou dont la criminelle négligence, en supposant même qu'ils survécussent à la période de l'allaitement, les rendaient la proie de mille infirmités, et propres tout au plus à perpétuer une race débile d'êtres faibles, incapables de rendre aucun service à la société, qu'ils allaient surcharger en pure perte. Heureux encore si ces enfants, quelquefois le fruit de la débauche et du libertinage, remis aux nourrices des campagnes, n'emppisonnaient pas le sein qui les allaitait, et n'apportaient pas dans le séjour de l'innocence et de la vertu, le germe de cette maladie cruelle
3ui attaque l'espece humaine dans le principe e son existence! Ces abus effrayants subsistent encore, et c'est assez sans doute de les avoir exposés, pour vous convaincre de l'urgente nécessité d'organiser cette partie intéressante de l'administration des secours, qui s'applique aux enfants abandonnés et aux eniants de pauvres.
Pour remplir efficacement cet objet, nous vous proposons d'établir des secours à domicile pour les enfants des citoyens inscrits sur les états des pauvres, et dans Chaque département un hospice où seront reçus tous les enfants délaissés. Une des différences essentielles entre ces deux sortes d'assistance, c'est que la dépense de la
première sera prise sur la portion de secours échue à chaque canton dans la répartition particulière, au lieu que la dépense de la seconde sera prélevée par chaque département sur la répartition générale. Vous empêcherez par là des délits qu'il importe d'autant plus de prévenir, qu'il serait plus fâcheux d'être réduit à les punir, et qu'il devient plus difficile et plus dangereux d'en découvrir la trace. Une jeune fille, qui frémit de la seule idée que les suites d'une erreur unique peuvent imprimer une tache ineffaçable sur sa réputation, ne deviendra pas une mère dénaturée, si elle peut cacher sa faute loin du lieu qui en a été le témoin secret. L'idée d'un crime qu'elle espère qu'on ignorera, lui paraît plus facile à supporter, que celle d'une faiblesse qui serait exposée au grand jour.
Ainsi, et suivant les principes qui viennent d'être établis, et dont toutes les dispositions de la loi particulière qui vous sera bientôt présentée sont la conséquence, l'équilibre sera maintenu entre une trop grande facilité à accorder d'un côté, d'où résulterait l'encouragement aux unions illégitimes, qui consommeraient la ruine/des mœurs; et de l'autre entre une économie et une rigueur excessives, qui, dégénérant en un cruel abandon, exposeraient la société aux suites funestes qu'entraînerait l'oubli du premier et du plus saint des devoirs de la nature. Ainsi il y aura moins d'enfants délaissés, lorsque les enfants des pauvres seront secourus aâ domicile même de leurs parents; et leur nombre diminuera de tous ceux que la crainte affreuse de ne pouvoir satisfaire à leurs premiers besoins, faisait abandonner par leurs parents ; ainsi les soins de l'amour maternel, que rien ne peut remplacer, seront conservés à 1 enfant qu'il peut avouer ; ainsi seront institués, pour les autres, des établissements différents en tout des anciens qui semblaient moins un asile poUr l'enfance délaissée, qu'un vaste tombeau où une partie de l'espèce humaine allait s'engloutir; ainsi un plus grand nombre de ces victimes de la honte, conservées à la vie, recevra une éducation qui les préparera à l'amour du travail, principe de tous les sentiments honnêtes; ainsi, et enfin, ces enfants adoptifs de la patrie, sauvés de l'opprobre qui dégrade l'âme, ne seront plus livrés au mépris de la société. 11 suffira qu'ils en remplissent les devoirs, pour qu'elle ne fasse plus de distinction entre eux et les autres citoyens ; et ils n'auront que des vertus et des talents à acquérir, pour jouir de toute la supériorité attachée par notre Constitution aux talents et aux vertus.
Vous aurez encore à voir, Messieurs, si pour consommer en faveur de cette classe intéressante d'infortunés, l'œuvre de la bienfaisance publique, vous ne porterez pas uneloi qui, unissant les hommes du plus fort de tous les liens, répare à leur égard l'abandonnement de la nature, et qui fécondant par une fiction heureuse un mariage stérile, assure des enfants à ceux à qui il n'a p$s été donné d'en obtenir, et des parents aux enfants que la misère et la honte ont privés des leurs. Nous n'oublions point que l'examen approfondi de cette importante question appartient à votre comité de législation, et nous n'anticiperons pas sur l'époque où il vous présentera ses vues. Vous aurez alors à vous pénétrer des avantages et des inconvénients qui peuvent sortir de cette loi. Vous aurez à peser s'il est un moyen plus assuré d'inspirer aux enfants le goût de la vertu, que de faire qu'ils
aient intérêt de devenir vertueux; que de les mettre dans une position telle que, par leur bonne conduite ils puissent espérer de voir cesser le cruel isolement où ils vivent, eux pour qui l'ignorance où ils sont de leur origine a été jusqu'ici un supplice, et le reproche barbare qu'on leur fait ae ne pas-la connaître, un opprobre. Vous jugerez, dans la profondeur de votre sagesse, si l'numanité, si la philosophie ne réclament pas cette loi en faveur des citoyens qui n'ayant point eu d'enfants, ou qui ayant eu le malheur de perdre leurs enfants, cherchent inutilement des objets sur lesquels ils puissent reposer leurs affections et fixer leurs derniers regards en entrant dans la tombe. Vous porterez plus loin l'examen d'une si grande question, et vous vous assurerez s'il peut sortir d'une loi pareille, des inconvénients capables de balancer tant d'avantages qu'elle présente. Vous verrez si d'abord, soit que cette loi s'étende à tous les citoyens sans exception, soit qu'on la restreigne à ceux qui manqueraient d'enfants, elle ne blesserait pas la morale et la justice, devant lesquelles doivent fléchir toutes les autres considérations : si, par exemple, dans le premier cas, ce ne serait pas introduire dans les familles un germe fatal de division, entre des enfants qui auraient la douleur de voir des étrangers partager avec eux la tendresse et la fortune de leurs parents, supposé même que ces nouveaux venus ne leur fussent pas préférés : ou plutôt si cette idée seule ne serait pas un motif d'émulation pour les enfants de familles riches, intéressés à conserver l'estime et l'affection de leurs proches, et en qui la crainte même de la perdre serait propre à éteindre le goût du vice, et à faire naître celui de la vertu. Enfin vous examinerez quelle influence dans l'un et l'autre cas pourrait avoir une loi pareille sur les mœurs publiques, sans lesquelles les Empires peuvent bien briller quelques instants d'un éclat éphémère, semblables à ces météores qui resplendissent une heure dans la nuit, mais sans lesquels nous savons aussi qu'ils ne résisteront jamais à l'épreuve du temps et des révolutions. Enfin, si tant de puissantes considérations qui militent pour cette loi, vous déterminent à la porter, vous en combinerez tellement lés dispositions, que les inconvénients en soient rendus presque nuls, et que les grands avantages qu'elle présente demeurent.
En recueillant le pauvre dans son enfance, en faisant les frais de son éducation morale et physique, en hâtant, par les secours dont elle 1 environne, le développement de ses forces, la société a compté que ces mêmes forces lui seraient un jour consacrées ; en lui assurant des secours ' pour l'âge, où prêt à sortir de la vie, il n'y tient plus que par quelques souvenirs qui s'effacent encore, à mesure qu'il avance vers le terme, elle témoigne qu'elle est satisfaite des services qu'il lui a rendus : elle lui en marque sa reconnaissance. Dans le premier cas, c'est, comme nous l'avons dit, une avance qu'elle lui fait; dans1 le second, une dette qu'elle acquitte. D'ailleurs, si un sentiment naturel de pitié porte à venir à l'aide d'un enfant sans support, on éprouve un sentiment de respect auprès de la vieillesse. Ce sentiment qu'on retrouve encore chez les peuples parmi lesquels la civilisation a fait le moins de progrès? est inné dans le cœur de l'homme, et il faudrait fuir la société qui repousserait un vénérable vieillard implorant son assistance après l'avoir servie.
C'est principalement dans cette partie de la législation des secours que nous avons pènsé que la bienfaisance nationale devait prendre un caractère encore plus touchant, s'il est possible. Ce n'est pas de secours seulement, c'est ae soins, d'attentions surtout, que cette classe de pauvres a besoin. Il faut que le-vieillard, s'il est seul et isolé, et que tels soient ses goûts, ait la liberté d'aller terminer sa vie dans les asiles où l'assistance publique l'attend pour répandre quelques consolations sur ses derniers jours ; ou s il a une femme, des enfants, des amis, et qu'après avoir vécu dans leur société, il veuille mourir au milieu de tant d'objets chéris, et dans ce moment suprême, les presser de ses mains défaillantes contre son cœur; il faut qu'il puisse jouir de cette satisfaction, et que les secours publics aillent le trouver jusques dans leurs bras.
Vous accomplirez ce vœu de l'humanité, en instituant pour cette classe si respectable d'infortunés; d'une part, des retraites sous le nom d'hospices dans les départements; et de l'autre, dans les cantons, des secours à domicile, mesurés sur l'âge et sur l'accroissement des besoins de chaque individu.
S'il pouvait être permis d'oublier l'un des principes les plus importants sur lesquels se ronde notre système, que l'assistance publique doit être réservée, économe, sévère dans Bes dons, c'est sans doute lorsqu'il s'agit d'en faire l'application à l'espèce d'infortunés dont nous Vous proposons dans ce moment de fixer le sort. Mais Fourni de ce principe entraînerait de telles conséquences, il importe tellement que la paresse ne s'en autorise pas, et qu'elle ne prenne pas pour elle la perspective que vous offrez à la vieillesse dans l'indigence, qu'il doit déterminer encore l'organisation de cette partie des secours publics.
Il sera conservé dans toute son intégrité, si les secourB sont dans la proportion des vrais besoins; si les hospices où les vieillards seront reçus peuvent leur fournir l'espèce d'occupation que comportera leur âge et leur état; si leur bien-être s'y trouve amélioré, non seulement.de tout le produit de leur travail actuel, mais de celui encore de leur travail antérieur, qu'ils auront su économiser à l'avance. Il dépend de vous, Messieurs, de seconder, d'exciter même les vues de prévoyance de ces hommes laborieux qui, continuellement occupés, peuvent insensiblement et sans, pour ainsi aire, s'en apercevoir, mettre chaque jour de côté une portion du fruit de leur labeur; et Vous ne pouvez mieux parvenir à ce but désirable, que par l'établissement de caisses d'épargne, non pas telles que celles ' dont le charlatanisme de l'agiotage a plus d'une fois Cherché à séduire la crédulité du peuple; non pas telles encore que ce jeu le plus perfide et le plus immoral de tous les jeux de hasard, sur lequel la philosophie et l'humanité invoquent depuis longtemps le regard sévère de la loi, ce jeu favori de notre ancien gouvernement, qui engouffre la fortune du riche, repompe les sueurs du pauvre, et consomme la ruine de tous ; mais établissement fondé sur la foi publique; mais jeu qui, calculé sur les probabilités de la vie humaine, offrira diverses chances dans lesquelles la classe utile et laborieuse du peuple pourra choisir celles qui lui sembleront plus avantageuses. En réalisant cette idée philanthropique, vOUs aurez assisté un grand nombre de malheureux : nous disons assisté, car la meilleure espèce d'assistance est autant celle qui prévient
la misère, que celle qui la soulage le mieux. Vous aurez satisfait a ce besoin de fierté et d'indépendance qui fait désirer à l'homme, s'il a le sentiment de sa dignité, de ne devoir sa subsistance qû'à lui-même, et vous n'aurez pas acquis moins de droits à sa reconnaissance, en lui assurant les moyens de se passer de secours, qu'en lui en donnant.
Avant de perdre de vue Ce qui touche les vieillards et les infirmes, il est une dernière mesure essentielle que nous aurions souhaité de pouvoir nous dispenser de vous proposer, parce que nous eussions voulu nous persuader que les circonstances qui en solliciteront l'application doivent se présenter trop rarement, il existe, il faut le dire, quelque douloureux qu'il soit d'y être réduit ; il existe des enfants ingrats et dénaturés, capables de porter l'oubli du sentiment de la piété filiale, jusqu'à refuser de fournir, au prix ae leur superflu, à la subsistance des auteurs de leurs jours, courbés sous le poidB des ans, des infirmités et de la misère. Nous eussions désiré trouver une peine proportionnée à ce crime et à l'indignation dont nous a pénétrés la seule pensée que les exemples peuvent s'en renouveler. Mais lorsque la loi se reiuse à lui appliquer un supplice physique, rien du moins n'empêche qu elle ne lui inflige un supplice moral, et, que faute de prise sur la personne, elle ne le frappe dans l'opinion. Tout homme qui, exempt lui-même de besoins, abandonne à l'Assistance publique ses parents vieux et infirmes, est cou^-pable d'un grand attentat envers la société; èt si la loi ne petit pas se résoudre à la purger du monstre qui l'a commis, elle doit du moins en retirer à celui-ci tous les avantages. Votre comité croit, et il ne se fonde pas ici sur la nécessité d'économiser la fortune publique, qu'un tel être doit se voir privé de l'exercice du droit de citoyen actif; supplice trop doux pour un monstre qu'il faudrait encore pouvoir dépouiller du nom d'homme.-
L'indigence ne résulte pas seulement de l'état forcé et permanent d'inaction où se trouve l'individu à secourir dans les deux, époques de la vieillesse et de l'enfance, que nous avons parcourues : des maladies, des accidents imprévus peuvent suspendre l'exercice de ses facultés. Vous aurez aussi, Messieurs, à déterminer un mode d'assistance pour cette espèce de besoin. Celle qui est due à l'individu qui, s'y trouvant exposé, a son recours naturel dans la' bienfaisance publique, doit être entière, efficace et prompte. Elle doit être entière et efficace. Une demi-assistance, des secours mal dirigés rempliraient trop imparfaitement l'objet de la bienfaisance nationale. C'est même trop peu dire ; leur insuffisance souvent n'aurait pas des suites moins funestes qu'un délaissement absolu.» L'assistance doit être prompte. Il n'en est pas de l'état passager de maladie, comme de celui d'infirmité habituelle : le moindre délai, dans la première supposition peut devenir funeste. Si alors l'individu n'a pas été secouru lorsqu'il aurait pu l'être, la société s'est rendue coupable de sa mort; sans compter qu'il importe d'accélérer le moment où il sera rendu à la santé, et, par elle, au travail.
On n'avait connu et administré jusqu'ici aux pauvres malades qu'une seule espèce ae secours qu'ils recevaient danb les asiles publics, dont la dénomination fut empruntée des établissements autrefois consacrés à recueillir les voyageurs et les étrangers, et à exercer l'hospitalité à leur égard.
Il n'est aucun de vous, Messieurs, qui ne soit informé, et qui n'ait gémi des nombreux abus domestiques qui se sont introduits dans l'administration intérieure des hôpitaux; abus tels que l'on dirait que l'indigencé dans plusieurs est reçue moins pour y être l'objet des secours, que du plus outrageux abandon. Nous n'entreprendrons point d'énumërer tous ces abus ; nous nous bornerons à fixer vos regards sur la réduction qu'il est possible, convenable, nécessaire d'opérer dans le nombre de ces établissements actuellement existants, et sur le mode d'assistance qui peut remplacer avec fruit, pour une portion considérable des citoyens de l'Empire, les secours reçus dans la plus grande partie, dont nous vous proposons, dès ce moment, la suppression»
Il n'est plus permis en effet qu'à ceux à qui l'habitude et la routine tiennent lieu de raison et de réflexion, et qui trouvent Une chose bonne et utile, non parce qu'elle est bonne et utile, mais parce qu'elle s'est faite avant eux; il n'est permis qu'à ceux-là de se cacher l'inutilité et le danger de la multiplication des hôpitaux. Il serait pourtant facile de se persuader, pour peu que 1 On voulût consulter l'expérience, que les pays 4ui en sont le mieux pourvus, sont aussi ceux où la misère est plus commune, et, chose singulière ! où elle est moins assistée. Sans doute, ils offrent une grande ressource à l'incurie et à la paresse; mais vous sentez déjà, Messieurs, qu'elles n'ont rien à prétendre dans les secours cme vous voulez assurer aux vrais indigents, les seuls créanciers légitimes de l'humanité ; et vous allez vous hâter de réduire le nombre des hôpitaux, pour réduire le nombre de ceux qui ont besoin d'y être reçus.
La nécessité de cette réforme résulte de leur régime actuel et de l'espèce de pauvres malades qu on y admet. Plus de 2,000 de ces maisons existent en France^ Nous ne parlerons pas du mauvais emploi qui se fait de leurs revenus. Nous observerons particulièrement» qu'au lieu d'appartenir à l'humanité tout entfère, la plupart semblent exclusivement réservées à une seule classe d'infortunés, et qu'en même temps qu'elles s'ouvrent aux habitants des villes où elles existent, elles repoussent les citoyens des campagnes qui y demandent un asile. Et cependant ceux-ci ne pèsent pas moins que les autres dans la balance de la justice et de l'humanité ; et cependant cë sont les habitants des campagnes qui forment la portion la plus considérable de la classe utile du peuple, eux qui nourrissent ceux des villes, eux qui fertilisent dë leurs sueurs le champ où croît le premiër aliment qui soutient la vie de l'homme, eux qui vivent de privations, pour multiplier les jouissances du riche, et qui veillent pendant qu il goûte les douceurs du repos; eux enfin dont le cœur simple, étranger à la corruption des cités, franc, loyal et droit* est l'asile de toutes les vertus domestiques, et l'image de la nature dans sa simplicité et dans sa pureté native.
Un (gouvernement serait bien coupable, qui mériterait qu'on lui adressât le reproche, de n'avoir compté pour rien une telle classe d'hommes. C'est en sa faveur, autant que pour déterminer la réduction dont il s'agit, que nous vous proposons d'adopter un mode de secours qui s'appliquera même à une partie des pauvres malades des villes, et dont la France entière vous demande l'établissement : les secoursà domicile. Ces secours, nous ne craignons pas de le dire, sont peut-être les seuls qu il faudrait employer,
loi
si tous les pauvres malades avaient un domicile et un asile dans lé lieu dé leur domicile; et quand ils n'auraient sur les hôpitaux q;ue cet unique avantage, de soulager une famille entière lors même que l'application n'en semble faite qu'à un seul individu, la préférence par cela seul leur serait due. Mais des raisons plus puissantes et d'un ordre supérieur leur assurent encore cette préférence. Qu on se figure, en effet, un père de ramille enlevé à ses enfants, à ses ptochèSa à tout ce qui peut l'intéresser, et conduit dans un hôpital oû, entouré d'objets inconnus, il est également a plaindre, et parce qu'il ne voit pas ceux sur qui reposent ses plus dodces anections, et parce qu'il voit continuellement des individus de son espèce, réduits comme lui à l'état dë souffrance et de misère* Car, Messieurs» on a beau dire : un être sensible* lorsqu'il a sous les veux le spectacle d'autres êtres affligés des mêmes maux, supporte les siens plus impatiemment ; et celui-là qui prétendit le premiër que ce devait être poiir un malheureux une consolation de rencontrer un autre malheureux, avait le cœur desséché par le plus vil égoïstne. Nous ne vous parlerons pas de l'économie qu'il y aurait à adopter cette sorte de secours, quoiqu'il nous fût facile de vous démontrer qu'elle existe. Les calculs économiques dans Une pareille matière seraient d'un trop faible poids. On dira, à la vérité, que dans le nouveau système le régime des hôpitaux sera amélioré ; que les pauvres qui y seront admis seront l'objet dé soins mieux entendus. Je le crois ; j'en suis même assuré. Je vais plus loin, et je supposé l'assistance portée au delà du besoin, et jusqu'à la rechërcne; je supposé le père de famille dont je Viens de parler, soigné dans ces asiiés comme le riche peut l'être dans sa maison. Mais ces soins qu'il reçoit ne sont pas ceux de sa femme, de ses enfants ; mais l'air qu'il respire n'est pas son air accoutumé; mais il n'a pas la vue de sa chaumière, de tout ce qui lui est cher, de tout ce qui peut lui retracer des souvenirs consolateurs; mais enfin l'idée qu'il profite seul de l'assistance dont il est l'objet, et que sa famille, qui vivait du produit de son travail, éprouve peut-être au même instant le supplice du besoin, le tourmente, accroît son mal, et seule peut le précipiter au tombeau;
Nous n'ignorons pas au reste, Messieurs, qu'on peut citer quelques inconvénients attachés à rétablissement de ces secours, et qu'ils offrent dans l'exécution quelques difficultés dë détail. Mais qu'on réfléchisse sur les dangers du séjour des hôpitaux; et lorsque l'on parvient à peiné» à force de précautions, à préserver d'insalubrité le lieu dans lequel se fait un rassemblement d'hommes en santé, qu'on juge de ce que doit être un foyer pestilentiel où les communications nécessaires qu'ont les malades entre eux ajoutent des maladies, souvent plus graves, à celles dont ils viennent chercher la guérison ; et qu'on dise ensuite si les inconvénients des secours à domicile, fussent-ils réels, pourraient jamais entrer en comparaison avec ceux-là. D'ailleurs, nous osons vous interroger, vous, Messieurs, qui avez médité ën législateurs sur toutes les institutions sociales et politiques : nous vous demandons s'il en est une seule qui n'emporte avec elle l'idée de quelque imperfec» tion ? nous Vous demandons s'il ne suffit pas, pour adopter celle-ci, que, comparaison faite, la somme des avantages l'emporte sur celle des inconvénients, et qu'avec une administration,
des règlements particuliers sagement combinés, on puisse parvenir, sinon à faire disparaître les derniers, du moins à eh rendre l'effet pres-qu'insensible ? De plus, ne serait-ce pas compter trop peu sur l'esprit oublie, de croire qu'il ne fera pas, dans toutes les parties de la France, un devoir aux citoyens de diriger leurs lumières vers le perfectionnement de tout ce qui tient à l'exercice de la bienfaisance? Votre comité n'a pas manqué de se livrer à la recherche de mesures propres à l'accélérer, et il en est une à laquelle il s'est d'autant plus attaché, qu'il lui a semblé qu'elle pouvait mieux faciliter la justesse de l'application du fonds destiné à ces secours. Cette mesure consiste à faire choisir une partie des agents qui en surveilleront la distribution et l'emploi, dans ce sexe même dont la sensibilité exquise, et les qualités aimables ont le plus d'analogie avec ces fonctions intéressantes. Les femmes semblent, en effet, plus susceptibles qne les hommes de les remplir avec succès. Les attentions des hommes ont quelque chose d'austère ; celles des femmes sont plus douces, leurs soins plus empressés, leurs manières plus prévenantes ; elles ont ce qui manque surtout à l'autre sexe, et qui pourtant est, dans ce cas, si précieux : l'esprit et la patience des détails; elles ont cette curiosité aimable qui appelle la confiance, et qui devient une vertu lorsqu'elle prend sa source dans le sentiment de l'humanité; à elles enfin semble appartenir l'empire de la bienfaisance.
Vous verrez, Messieurs, dans les projets de décrets qui se succéderont, comment nous avons .îéalisé cette idée; comment, dans les villes et dans les campagnes, les femmes seront associées aux fonctions ae l'agence, et comment elles en auront la partie la plus touchante à remplir. Ainsi lorsque vous aurez établi le culte de l'humanité, lorsque vous les aurez chargées de la dispensation de ses dons, ministres aussi de ce nouveau culte, elles ne pourront plus s'affliger de n'être comptées pour rien dans nos institutions.
L'établissement des secours à domicile rendra nécessaire dans les cantons celui des officiers de santé, obligés de soigner gratuitement les citoyens inscrits sur les états des pauvres, dans leurs maladies et dans toutes les circonstances où les secours de leur art deviendront nécessaires. L'examen qui précédera leur réception sera le garant de leur capacité ; et la faculté qu'ils auront d'exercer utilement pour eux leur profession dan3 tous les environs du lieu de leur établissement, et d'étendre leurs soins aux citoyens aisés qui pourront leur en fournir lé salaire, diminuera pour le Trésor public les frais de leur traitement.
Outre les secours à domicile, vous serez obligés d'instituer des asiles particuliers pour les indigents malades, qui, dans les campagnes, quoique assez rarement, mais plus souvent dans les villes, n'ont ni habitation où ils puissent se retirer, ni famille qui puisse les soigner. La nécessité d'éviter pour l'espèce d'indigents auxquels ces asiles seront destinés, l'inconvénient de la difficulté du transport, ne permet pas de les réduire à un seul par département. Pour ménager à cet égard l'intérêt de l'humanité, et pour échapper à l'inconvenance de leur multiplication outre mesure, nous vous proposons d'en proportionner J& nombre dans les départements à leur population. :
Enfin, il est des espèces de maladies, des cas extraordinaires qui ne pouvant pas être atteints
par des moyens ordinaires, exigent dans ceux qui doivent leur appliquer.le remède, de plus grands efforts de Fart, des connaissances plus approfondies, et qui soient le fruit d'études plus compliquées. Cette considération rend nécessaire l'établissement, aussi par département, d'un asile différent de celui où seront traitées les maladies communes. On y fera les grandes opérations de chirurgie; on y traitera, entre beaucoup d'autres, la plus déplorable de toutes, puisque l'individu qui en éprouve l'atteinte, privé de l'attribut de la pensée, est dégradé de son caractère d'homme, et que placé au-dessous du niveau de la brute, il ne joùit pas même du simple instinct qui tient à celle-ci lieu de la raison ; d'autant plus malheureux, qu'il est plus loin de soupçonner à quel affreux état il est réduit !
Aux causes générales, et sans cesse renaissantes
3ui appellent en tous temps des secours répan-us avec uniformité, dans des proportions déterminées, il faut joindre en aernier lieu les causes particulières et locales que nous avons précédemment énoncées, et qui sollicitent d'autres secours de même espèce ; comme cessation absolue de travail, à quelque cause qu'il faille l'attribuer, grêles, stérilités, inondations, mortalité des bestiaux, incendies et autres accidents semblables. C'est, sinon pour réparer les pertes qui résultent de ces calamités, du moins pour soulager les malheureux qu'ils réduisent instantanément à l'indigence, ou du moins à la mal-aisance, que vous comprendrez dans le montant de la somme annelle des fonds de secours, un fonds affecté à cette sorte de besoins.
Nous ne devons pas omettre ici une observation essentielle sur le mode de distribution d'une partie de ces fonds. Ce ne serait pas connaître les devoirs et l'objet de la bienfaisance publique, que de croire les avoir remplis lorsqu'on aurait réparti avec égalité entre tous les individus qui auraient souffert d'accidents pareils, la portion de fonds qui doit recevoir cette application, et qu'on aurait suivi exactement la proportion des pertes qu'ils auraient éprouvées, sans égard pour le plus ou le moins de besoins de chacun. 11 est facile de sentir ce qu'il y aurait d'injustice dans un tel partage. Un citoyen dans l'indigence ne possède que sa cabane, qui, chaque soir après le travail pénible de la journée, le sauve à peine des injures de l'air et de la saison rigoureuse. Il ne possède qu'elle au monde, et elle devient la proie des flammes. La portion de secours à laquelle il aura droit, dans le système de cette fausse égalité, loin de lui procurer un étroit refuge, semblable à celui qu'il vient de perdre, suffira à peine pour le nourrir quelques jours lui et sa famille. Et cependant le citoyen aisé, et même opulent, auquel une fortune supérieure à ses besoins, auquel ses propriétés resteront, recevra cent fois davantage, uniquement parce qu'il y aura cette différence entre sa perte et celle de l'infortuné à qui rien n'aura resté. Il est digne de votre prévoyance de prévenir cette mauvaise application des secours consacrés au soulagement de ceux qui auront été réduits par ces accidents à un état passager de détresse et de mal-aisance, et l'effet de cette manière de raisonner, qui, sous le prétexte de favoriser l'égalité, ne favoriserait autre chose que l'inégalité la plus révoltante et la plus absurde. Au reste, la répartition de cette sorte de secours qui porte sur des circonstances absolument éventuelles, ne pouvant être assujettie dans l'application à aucune règle précise, sera confiée à la prudence des corps administra-
tifs. La tâche du législateur est remplie lorsqu'il a établi les principes généraux qui doivent être la base de la conduite de ceux à qui l'exécution de la loi est confiée.
Plusieurs membres interrompent le rapporteur et demandent qu'il lise seulement son projet de décret.
D'autres membres demandent que la lecture du rapport soit continuée.
Depuis trois quarts d'heure que M. le rapporteur parle, je l'écoute attentivement; mais, soit faiblesse dorgane de sa part, soit esprit obtus de mon côté, j'ai de la peine à le comprendre. Je demande donc que la lecture soit discontinuée et que le rapport soit imprimé, afin que l'Assemblée puisse s'occuper de délibérations plus importantes. (Murmures prolongés.)
Un membre : L'objet le plus important et en même temps le plus digne de l'Assemblée est de s'occuper du soulagement des malheureux. (Oui! oui!)
(L'Assemblée décide que M. Bernard continuera la lecture de son rapport.)
(Yonne), rapporteur. Votre comité, Messieurs, vient d'exposer à vos regards le long tableau des misères de la vie humaine. 11 vous a présenté l'homme aux prises avec l'indigence à toutes les heures de la vie; il a cherché quels établissements plus utiles pouvaient être formés, quelle espèce d'assistance convenait à chaque
pas encore l'aperçu qu'il en coûtera pour réaliser cette organisation. Il a dû considérer d'abord les établissements qui y sont compris, sous l'unique rapport de leur utilité, et s'assurer qu'il n'y en a pas un seul dont l'indispensable nécessité ne puisse être démontrée. Mais il vous affirme avec certitude, en attendant qu'il expose sous vos yeux le tableau fidèle de ces dépenses, que dans le temps même où de grands besoins se feront ressentir, elles n'atteindront pas, le revenu des hôpitaux déduit, à la proportion qui, dans l'immense propriété que la nation, remise dans ses droits imprescriptibles, a recouvrée, paraît devoir être appliquée à l'assistance des pauvres, dont elle a solennellement reconnu les titres dans la journée mémorable du 2 novembre 1789. Il est doux de penser, au reste, que si, par la gravité des circonstances, ces dépenses doivent s'élever dans ce moment, elles diminueront sensiblement lorsque nous aurons vu terminer la crise violente, mais nécessaire, que nous avons éprouvée, et qui va rendre au corps politique toute la vigueur de la jeunesse. Il est consolant de voir le remède infaillible à une partie du mal dans la cause même qui l'a augmenté accidentellement. Car, Messieurs, un des caractères principaux de la Révolution, une des choses qui la rendront toujours supérieure à tous les efforts qui seront dirigés contre elle, et qui lui ont déjà assuré la plus belle, la plus glorieuse de toutes les victoires, en la faisant triompher dans la conscience même de ses ennemis, c'est qu'elle a eu pour objet de protéger celui qui a peu, contre celui qui a beaucoup, l'indigent contre le riche; c'est qu'elle a été faite pour le pauvre. Dans l'ancien ordre, il n'y avait, pour ainsi dire, pas une institution qui ne contribuât à accroître l'indigence, à appauvrir, pour ainsi dire, la misère : impôts désastreux sur les objets de première nécessité, visites
domiciliaires, dîmes, prestations féodales ruineuses et absurdes, frais énormes de justice; autant de causes de misère et de découragement pour le peuple. Et quelle perspective de bonheur pour lui, aujourd'hui que la portion de terre qu'il possède lu i reste tout entière, et non plus à ses exacteurs; qu'il ne paye que pour ce qu'il a; que les abus qui pesaient sur lui sont en fuite ; qu'abattu aux pieds de la justice, le monstre de la Chicane, qui le dévorait, a cessé de vivre ; qu'il faut joindre encore à l'effet de tant d'heureux change^ ments celui d'une plus grandé division des propriétés, divisiôn dont l'aliénation des fonds nationaux et le mode de cette aliénation doivent assurer les progrès, et qui, pour ne s'opérer qu'à mesure et par des moyens indirects, ne s'en opérera pas avec moins d'efficacité! On peut prévoir en effet que le nombre des pauvres, toujours dans un état de raison inverse de celui des grands propriétaires, diminuera parmi nous à mesure que le nombre de ceux-ci sera moindre. On peut prévoir encore que les propriétés territoriales seront généralement mieux mises en valeur. L'habitant des campagnes cultive mieux le champ où il recueille seul après avoir semé, qu'il ne fait celui d'un étranger. C'est à l'Assemblée nationale à favoriser cette division par tous les moyens qui peuvent s'accorder avec le droit sacré de propriété. A l'intérêt pressant que nous vous offrons, se joint de plus une grande considération politique. Vous n'avez peut-être pas de plus sûr moyen de fixer votre liberté sur la plus solide dé toutes les bases, sur le retour de l'ordre, et de déjouer les projets contre-révolutionnaires de tous les partisans de l'état de choses que la Constitution a anéanti. Celui qui tient à sa patrie par le lien de la propriété, a un motif de plus pour être un bon citoyen : son intérêt personnel. 11 n'en est pas de même de l'homme qui ne possède rien. S'il est d'ailleurs étranger au sentk ment de l'honneur, de la justice; si celui de la vertu n'a pas jeté de profondes racines dans son âme ; si seuls la faiuéintise et le vagabondage ont pour lui des charmes, peu lui importe que l'ordre public soit troublé; ou plutôt il lui importe beaucoup. 11 ne peut rien perdre ; il a tout à gagner au contraire à voir changer sa position; et ce n'est que sur le bouleversement de la société qu'il fonde l'espoir d'une nouvelle existence, pour laquelle il soupire; ce n'est que sur des ruines, que sur des décombres qu'il peut s'élever.
De là suit donc la nécessité de favoriser efficacement la division des propriétés; mais delà suit aussi celle de s'occuper des moyens qui peuvent préparer la destruction de la mendicité et du vagabondage, et, avec eux, d'une des causes les plus propres à entretenir la misère et l'indigence.
C'est une question neuve encore peut-être, et digne d'être livrée aux méditations du législateur et du philosophe, que celle de savoir jusqu'où peut et doit s'étendre, pour l'homme, la liberté d'adopter le genre de vie qui lui plaît, d'agir ou de nè pas agir; et pour la société le droit de lui interdire telle ou telle manière d'êtrequi ne violepas ouvertement l'ordre public. C'en est uue de savoir si la loi peut imposer à quelque individu que ce soit l'obligation de préférer le travail au repos, et si, dans le cas où le repos lui conviendrait mieux, elle peut arrêter dans la main de son bienfaiteur, l'assistance qu'en l'implorant, il va obtenir.
Mais, lorsqu'on traite une semblable matière,
il lie suffît pas d'en avoir effleuré la superficie. Il faut, pour avoir le droit d'émettre 1 opinion qu'on en a prise, l'avoir Vue dans toutes ses dimensions, considérée sous tous ses aspects ; il faut en avoir sondé la profondeur par la pensée.
Il semble d'abord, qu'à considérer l'action du mendiant en elle-même, elle n'offre rien de ré-préhensible. En effet, la loi assure à tout homme une liberté indéfinie. Rien ne peut enchaîner ses facultés physiques; màis rien aussi ne peut le contraindre à les déployer. Trouve-t-il son compte à agir; il agit. L'inaction lui.offre-telle plus d'attraits; il reste dans l'inaction. Serait-il le seul en effet à qui elle serait imputée à délit; et tandis que mille autres, comblés des faveurs de la fortune, pourront se vouer impunément à l'oisiveté, pourquoi, par une injuste exception, ce qui leur est permis, lui serait-il défendu? Serait-ce parce qu'ils sont riches, et parce qu'il est pauvre ? Dans l'impossibilité, il est vrai, d'exister comme eux de ses proprés ressources, il cherche à s'en faire une des dons de la bienfaisance qu'il sollicite. Mais cela même pourrait encore devenir à son égard la matière d'un reproche? La loi empêcnerait-elle l'homme qui jouit d'un immense superflu, dé procurer le nécessaire à celui qui ést dans un dénuement absolu de toutes choses? Voudrait-elle paralyser la main qui s'ouvre pour secourir l'infortuné, et arrêter avec inhumanité l'action de la plus touchante de toutes les vertus? A la vérité le pauvre pourra ne pas obtenir de la bienfaisance les secours qu'il en attend, ou ne les obtenir qu'incomplets : qu'importe encore ? Dans cette supposition, il aura commis une erreur, mais une erreur qui n'apportera de préjudice qu'à lui seul, et il sera toujours temps d'avoir recours au travail, lorsque l'expérience l'aura bien convaincu qu'il ne peut pourvoir à sa subsistance que par lé travail. Si l'on craignait que l'excès du besoin ne le portât à se la procurer par des moyens qui seraient en opposition avec l'ordre public, et qu'on lui témoignât cette crainte, il pourrait demander, à son tour, si on a le droit de raisonner ainsi sur des crimes possibles, de les tenir pour commis, et d'appliquer une peine à ceùx qui ne l'ont pas été, sous le vain prétexte qu'ils peuvent l'être un jour. Ce n'est pas de cette manière que la justice et la raison procèdent. En deux mots, il doit être permis à tout homme de choisir la route qu'il croit plus propre à le conduire au bonheur : C'est là ce qu'il faut appeler sa philosophie. Celle du pauvre, on l'a dit, est la mendicité.
Nous venons d'examiner la question impor-tahte dont nous cherchons la solution, sous lé jour le plus favorable fau pauvre qui mendie. Il s'agit de voir maintenant si des considérations plus puissantes que celles qui viennent d'être présentées, ne s opposent pâs à la conséquence que l'on pourrait induire de celles-ci.
Sans doute personne ne s'avisera de nier que la loi n'ait de prise que sur les actions qui peuvent intéresser l'ordre établi par elle; mais on doit ajouter aussi qu'elle ne peut voir d'un œil indifférent celles qui, sans Tattaquèr ouvertement, conduisent cependant en dernière analyse, et par une conséquence immédiate, à porter le trouble dans la société. On doit dire que si elle a lé droit de veiller sur la .conduite physique de ses membres, elle n'a pas moins celui d'inspection BUr leur conduite morale; ott doit dire, de plus, que lorsqu'elle ne saurait autrement exister que pari éur travail, et que l'obligation pour
eux de s'entr'aider mutuellement dérive de la nature même de la convention sociale, ce serait recevoir un principe destructif de cette convention, de prétendre que dans un pays qui, plus que tout autre, n'a de moyens de prospérité, et même d'existence, que dans la réunion de son industrie agricole et commerciale, on puisse tolérer une classe d'hommes qui, refusant le travail dont elle est susceptible, consomme sans rien produire, et dévore ainsi la subsistance de l'individu laborieux qui remplit la condition du pacte.
Donc, par cela même que le mendiant préfère le repos à l'action, il est coupable envers la société, qu'il surcharge du poids de son inutilité. Mais Son injuste repos n'est pas même profitable à lui-même; car il peut arriver que l'assistance qu'il a moins obtenue qu'il ne l'a arrachée par l'importunité de ses demandes, vienne à lui manquer tout à coup, et que la bienfaisance fatiguée n'abandonne à ses propres ressources ce fainéant robuste ; et dans [ce cas, trouvera-t-il à point nommé le travail qu'il cherchera; ou quand il le trouverait, serait-il en état de s'y livrer après en avoir perdu le goût et l'habitude? Qui sait si, réduit alors aux extrémités du besoin qui lé presse, il ne tournera pas contre la société la force et la vigueur qu'il avait reçues pour la servir, et si, employant l'ordre et la menace à défaut de succès de la prière ét des supplications, il ne se rendra pas un êtré formidable qui fonde sa subsistance, non plus sur les secours de la bienfaisance, mais sur le Vol, sur le meurtre et sur le brigandage?
L'exemple du riche qui vit dans l'oisiveté n'est pas applicable ici, parce qu'il ne saurait y avoir de similitude entre l'homme qui existe du travail qu'il a précédemment fait, ou de celui de ses auteurs, et l'homme qui met sa subsistance au hasard, et la fait dépendre d'une volonté étrangère. L'un n'existe que de ses propres moyens; l'autre, que des moyens d'autrui. Le premier est{ à la vérité, comptable à la Société de l'emploi qu'il fait de son temps; et si jamais,'parmi nous, une loi faite sur le modèle de celle d'Athènes, Voue à l'infamie quiconque ne pourra pas justifier de cet emploi, il sera dans le cas qu elle lui soit appliquée. L'oisiveté de l'autre est biéû plus reprénensible, lorsqu'il se réduit à solliciter des secours qu'on est libre de né pas lui accorder, et,lorsque, s'il ne les obtient pas, il n'y a pour lui d'autre ressource que d'entrer contre là société en état de révolte.
D'ailleurs, ce valide, qui n'ayant besoin pour subsister que de commander à ses bras de le nourrir, préfère d'être aux gages dè la pitié, ne se rend-il pas, en la mettant chaque joùr â contribution, coupable d'un vol véritable?Car énfin, le secours qu'il repoit, il l'enlève à des infortunés dont les droits, bien mieux établis, sont fondés sur l'impossibilité où ils se trouvent d'exister par les mêmes moyens. Combien de riches, de ceux même nés avec cet heureux penchant à la bienfaisance, qui,; lassés, fatigués des importun ités dés mauvais pauvres, et ne sachant plus reconnaître les bons, refusent à ceux-ci ce qu'ils avaient d'abord prodigué aux premiers ! Si leur cœur demeure sourd aux prières de l'indigence réelle, il faut s'en prendre à ces oisifs dont lè nombre paraît plus grand qu'il n'est réellement, pàr l'art qu'ils ont de se multiplier, et leur apparition soudaine d'un lieuâ un autre; à ces hypocrites qui, attaquant en ihille manières la sensibilité de l'homme qu'ils veulent émouvoir pât
leurs supplicatibns après l'avoir trompé, et avoir fait contribuer sa bonté compatissante, finissent par émousser, par user même entièrement en lui le penchant à la bienfaisance, et le rendent indifférent aux besoins véritables, après lui avoir fait apercevoir que ce n'est pas l'indigence qu'il a secourue, maïs la fainéantise qu'en leur place il a prise à sa solde. Il est certain, Messieurs, qu'une telle immoralité ne peut trouver place dans le nouvel ordre de choses qui Va naître; il est certain qu'elle est subversive de tout esprit social; qu'elle tend à éteindre tous les bons sentiments, et celui dé l'humanité dans l'individu qui donne, èt celui de l'amour du travail dans l'individu qui reçoit; qu'enfin, elle va, èt contre l'intérêt ae l'industrie, qui est essentiellement lié à la multiplication des produits et des bras qu'elle meut, et contre l'intérêt général de la société qui se nuirait à elle-même, si elle laissait â un seul de ses membres le prétexte et l'occasion de lui nuire.
Tels sont les principes d'après lesquels votre comité s'est dirigé; tels furent autrefois cetix qui guidèrent les anciens législateurs, ces hommes sublimes dont les noms rappelleront toujours l'idée de la sagesse et de l'expérience Unies à la connaissance du cœur humain, et qui créèrent les } peuples qui se soumirent à leurs institutions. Une loi d Egypte voulait que toute personne fût tenue dé comparaître devant le juge de police du canton, et de lui déclarer quelle profession elle exerçait; et des peines sévères étaient prononcées contre elle, s'il était
{trouvé qu'elle vécût dans l'oisiveté. C'est dans e même eàprit que Minbs Chez les Orétois, et Solon à Athènes, établirent pour chaque citoyen l'obligation de s'occuper d'une manière proportionnée à ses facultés. A Rome même, lorsque la cénsure, cette belle institution qui renforçait les lois par les mœurs, l'ut établie, une des principales fonctions des magistrats qui en étaient revêtus, était d'exercer une surveillance sévère sur les mendiants et sur les vagabonds, et de s'assurer de l'emploi que faisaient de leur temps les citoyens, tant chez ces différents peuplés, on avait la conviction profondé et intime qu'il importe dans un non gouvernement, pour l'exacte observation des lois et pour le maintien des mœurs, d'encourager le travail, et de réprimer l'oisiveté!
En France, Charlemagne et ses successeurs, jusqu'à nos jours, rendirent plusieurs ordonnances pour détruire la mendicité et le vagabondage. On ne peut mieux les apprécier, qu'en observant que jamais lois ne furent plus souvent renouvelées et plus rarement exécutées.
Il serait facile au reste de trouver dans leur injustice même la cause du peu de succès qu'elles oht eu. Ces lois prononçaient des peines contre ceux qui préféraient la mendicité au travail; èt;' aucune, si l'on en excepte celles de Charlemagne, n'avait songé à lui procurer le travail. Plusieurs même prononçaient la peine du fouet et des galères contre le pauvre surpris à mendier : lois barbares, lois absurbes, qui, lors même qu'il n'existait pas de bienfaisance publique, défendaient à la bienfaisance particulière de s'exercer ! lois dérisoires, qui punissaient un citoyen, non pas du refus qu'il faisait de travailler, puisqu'elles n'avalent pas pourvu à ce que le travail lui fût offert, mais du besoin même qui le contraignait à u&er, en intéressant l'humanité à son existence, de la seule ressource qui lui restait pour y pourvoir sans cïimel
Ce n'est pas sur la fin du dix-huitième siècle ; ce n'est pas sous le règne de la justice et de la liberté; ce n'est pas enfin dans le code de l'humanité que la Constitution vous a laissé à faire, qu'une telle contradiction se retrouvera. Toute société ne peut subsister que par le travail de ses membres. L'oisiveté sera donc sévèrement punie. Mais il faut que le travail y soit tel et en telle abondance, que l'offre de le donner, d'un côté, et le refus de s'y livrer, de l'autre, aient précédé l'application dê la peine. Car il serait injuste, il serait inhumain d'interdire à celui qui n'a pu obtenir sa subsistance par cette voie, de se la procurer par la mendicité.
Nous n'avons jamais cessé d'avoir ce principe devant les veux, dans le cours de notre oUvrage ; et le plan d'organisation que nous avons déve«-loppé, n'en doit être que l'application fidèle. L'homme jouit-il de la santé, ses bras peuvent-ils se mouvoir à son gré; il a droit au travail ; la société le lui offre de toutes parts. N'a-t-il pas encore atteint ou a-t-ii déjà passé l'âge de s'y livrer ; les maladies et les infirmités viennent-elles lui ôter l'usage de ses forces ; des secours gratuits lui sont offerts; tous les asiles de la bienfaisance nationale s'ouvrent à la'jfois pour le recueillir. Ainsi on ne verra plus nos chemins, nos rues, nos temples, nos places publiques couverts d'une troupe de mendiants dans la force et dans la vigueur de l'âge, à qui la fainéantise est plus utile que ne pourrait l'être à l'ouvrier estimable qui s'y-consacre tout entier, le travail le plus pénible et le plus opiniâtre. Nos regards ne seront plus affligés delà vue de toutes les infirmités de la vie humaine, qui s'offrent à nous à chaque pas que nous faisons. Nous n'aurons plus continuellement sous les yeux le spectacle hideUx de Ces corps tout couverts d'ulcères, de Ces fragments d'hommes étendus à nos pieds, de ces troncs défigurés qui appartiennent cependant à des êtres de la même espèce que nous, de qui l'abandon est l'outrage le plus sanglant fait à l'humanité, et dont les cris aigus, soit que la douleur qu'ils expriment soit véritable ou supposée, sont la satire la plus àmère qui puisse être faite de nos anciennes lois. La France entière sera nettoyée de cette race de vagabonds que l'on voit étaler effrontément leur haine du travail, et s'avancer avec audace pour entrer en partage des secours de la bienfaisance ; qui ne se sont pas enfin déclarés encore des brigands et des assassins, mais qui le sont dans le fond du cœur.
Pour délivrer la France de cette horde dangereuse et vorace, nous aurons plusieurs mesures à Vous proposer. La première de toutes sera l'établissement de maisons de répression, où seront conduits ceux qui persisteraient à se refuser au travail; Ces maisons, substituées aux dépôts de mendicité, nè seront pas établies sans doute sur leur modèle. On sait à quel abandon était condamnée l'espèce humaine clans ces établissements, dont la dénomination seule annonçait Un si profond mépris pour elle, et à quel point ils se trouvaient "imprégnés de cette lie d'abus de nos anciennes institutions. Il faudra s'attacher particulièrement à y introduire le travail, seule peine qui puisse être infligée raisonnablement à la paresse. 11 importe d'ailleurs de se ressouvenir qlie ces hommes ne sont pas des criminels destinés à être retranchés de la société, mais des êtres qui lui seront au contraire bientôt rendus, et qui redeviendront des citoyens lorsqu'ils auront été ramenés, par le goût et par
l'habitude du travail, à des inclinations honnêtes. Le temps viendra, où le nombre de ces maisons devenues moins nécessaires, pourra être réduit, à mesure que nos lois nouvelles auront ranimé l'industrie et éteint l'oisiveté.
L'établissement des maisons de répression nous conduit naturellement à vous parler des prisons, dont l'administration et le régime intérieur font aussi partie de l'organisation des secours. C'est là encore que de grands abus sollicitent de grandes réformes ; c'est là que vous vous rappellerez d'avoir vu un malheureux détenu, quelquefois innocent, mais qui, avant son jugement, n'étant qu'accusé et prévenu, ne saurait être traité comme coupable que sous l'empire d'une loi cruelle, jeté dans le coin d'une prison malsaine, y souffrir, pendant des années entières, le double supplice de la faim et de l'ennui. Votre comité s'est attaché à rendre le séjour des prisons, des maisons d'arrêt et de répression sup-
Eortable par un régime plus doux et plus umain. n vous proposera les moyens qu il a crus les plus propres à les rendre salubres. Il examinera s'il ne serait pas possible, à l'égard de celles d'entre ces maisons qui sont à réédifier, de mettre à profit l'idée ingénieuse de cet Anglais philanthrope, auquel la nation française a déjà, par un de vos décrets, payé le juste tribut d'estime et de reconnaissance dû aux amis de l'humanité qui se consacrent à la servir, et dont un ouvrage intéressant sur cette matière a déjà été mis, il y a quelque temps, sous vos yeux. Il vous dira comment il sera possible d'introduire le travail dans ces maisons, ainsi qu'il doit être introduit dans les maisons d'arrêt, aux termes d'une loi de l'Assemblée constituante, et comment, sans refuser d'ailleurs aucun soin aux détenus qui ne seraient pas en état d'y prendre part, on pourra fournir aux autres un moyen de se procurer quelques jouissances particulières. Ce sera avoir fait un pas vers la régénération des mœurs, que d'avoir détourné de l'oisiveté des hommes qui pourront devenir vertueux, s'ils sont rendus à la société, et qui peut-être même ne s'en fussent jamais vu séparés, si cette même oisiveté n'eût ouvert au crime l'accès de leur âme. L'espèce d'occupation qu'on y introduira sera déterminée par les agences de secours des cantons, à qui la surveillance de ces maisons appartiendra.
11 est des hommes que l'on réprime, et que l'on ne corrige pas. Cette vérité d'expérience s'applique surtout à ceux qui ont l'habitude de l'inaction. Un mendiant vagabond renfermé se livre au travail établi dans la maison; il se contraint même jusqu'à avoir l'air de s'y plaire ; mais c'est le plus souvent pour avancer le terme de sa sortie, et s'assurer un prompt retour aux douceurs d'une vie errante et inoccupée. Il est repris et condamné de rechef au travail. Alors, ou il s'y refusera, et il sera gardé plus longtemps, et plus étroitement resserré ; ou il saura encore se contraindre ; et, sorti une seconde fois de sa prison, il comptera sur l'impunité, et reprendra son train de vie accoutumé.
Cependant il faudra mettre un terme à toutes ces rechutes, et, à défaut d'efficacité des autres remèdes, en employer un plus actif. line restera plus qu'à éloigner de la société l'ingrat qui, lorsqu'elle fait tout pour lui, refuse opiniâtrément ae rien faire pour elle; il ne restera qu'à retrancher du tronc politiq ue cette branche gourmande qui attire à elle les sucs nourriciers, faits pour alimenter les branches productives.
Mais ce genre de peine doit être tel qu'abandonné à lui-même, le coupable ne soit pas privé de toutes ressources, et qu'il en rencontre une assurée dans le travail qui s'offrira encore à lui. Cet avantage se trouve dans la peine de déportation. Nous vous proposerons donc, Messieurs, d'y assujettir tous les mauvais pauvres que rien n'aura pu corriger. Cette peine produira cet effet remarquable, que le déporté, arrivé dans un pays inconnu et destiné à être habité par des hommes que les mêmes inclinations vicieuses y auront fait conduire, sera, par cette raison, contraint de se livrer à un travail non interrompu; nul drfailleurs ne voulant consentir à travailler pour fournir aux besoins d'un autre, mais seulement à ses propres besoins. On voit, dans ce nouvel état de choses, se renouveler ce qui a eu lieu à la naissance des sociétés, et se composer tout à coup une agrégation d'individus, dont aucun ne pourra faire partie, qu'il n'ait apporté pour contingent, à la masse commune,, le produit de ses facultés physiques ; on voit s'introduire, parmi des hommes ennemis de tout ordre et de tout travail, l'ordre et le travail, sans lesquels nulle société ne pourra jamais s'établir ni subsister.
Quelque avantage, au reste, qui puisse résulter de ce genre de répression sur les moyens qui ont été mis jusqu'ici en usage, ce n'est qu'avec une extrême prudence qu'il faudra l'employer. Dans l'état où se trouve la France relativemen t à l'agriculture et au commerce, et lorsque, pour exploiter ces deux mines inépuisables qu'elle possède, elle n'attend, elle ne souhaite que des bras, il serait impolitique d'en réduire le nombre déjà trop peu considérable, avant d'avoir épuisé tous les moyens qui peuvent s'offrir pour les conserver utilement à la patrie. Votre comité, dans le projet de décret qu'il vous présentera sur cette partie importante de la législation des secours, ne manquera pas de tenir le compte le plus exact et le plus rigoureux de cette considération. Il n'a pas cru devoir vous indiquer ici le lieu où cette déportation pourrait se faire. 11 a pensé que ce soin devait regarder le pouvoir exécutif, qui est chargé de l'entretien de toutes les relations extérieures, et qui, en vous indiquant le lieu, vous indiquera aussi les moyens de vous en assurer la libre disposition. Ce qui importera surtout, c'est que tous les avantages qui garantiront la prospérité de la nouvelle colonie s'y trouvent réunis; qu'une translation d'hommes puisse s'y effectuer sans danger ; que l'air y soit salubre, le sol productif et disposé à se prêter à tous les genres de cultures propres à assurer la subsistance de ses nouveaux habitants, soit directement, soit par l'échange qu'ils pourront faire des productions du pays contre les denrées de nécessité première, qui leur seront fournies par ceux pour qui ce genre de trafic deviendra une spéculàtion utile ; qu'enfin les rapports et les relations de la colonie avec la métropole soient faciles à établir et à entretenir. C'est ainsi qu'une loi plus juste, plus humaine rappellera aux sentiments honnêtes, par l'attrait d un changement dans leilr état et d'une nouvelle existence, des hommes qu'on ne savait qu'avilir dans l'ancien ordre, et a qui, en les faisant passer par tous les degrés d'humiliation, on semblait interdire tout retour vers le bien. C'est ainsi qu'une race de fainéants et de vagabonds apportera les trésors de l'industrie dans des contrées jusque-là incultes et inhabitées, et" deviendra la tige d'une génération
laborieuse et susceptible de toutes les vertus.
Nous avons restreint à ces deux mesures les moyens de répression qui doivent être employés contre la mendicité et le vagabondage. Mais les mêmes principes qui nous ont guidés dans la recherche de ces moyens, nous ont conduits à penser que la loi devait donner une autre direction à cette sorte de bienfaisance mal entendue, dont l'indigence modeste et timide recueille bien moins le fruit que l'oisiveté insolente et audacieuse, qui s'empare ainsi du salaire du travail, comme si elle-même l'avait produit. Cet abus nécessite la suppression de toutes,les distributions publiques de pain et d'argent. Nous n'avons pas vu de meilleur moyen d'assurer l'effet des deux premières mesures, que d'en adopter une qui coïncide avec elles. La défense d'assister le pauvre qui mendie est une conséquence naturelle de la défense de mendier. L'une et l'autre préviendront l'effet de cette sorte d'assistance mal entendue, qui n'est en soi qu'un mauvais calcul du cœur, et qu'une faiblesse, souvent même une combinaison de l'avarice chez celui qui, plus égoïSte qu'humain, ne voit dans le pauvre qui le sollicite qu'un importun dont il peut aisément se délivrer au prix d'un léger don, ou qui cherche à se persuader que, par cet acte d'une bienfaisance étroite et mesquine, il ayra acquitté sa dette envers l'humanité. C'est, surtout, cette fausse application qui a si prodigieusement accru le nombre des mendiants. Elle seule trop longtemps a donné à la France le spectacle scandaleux ae ces cénobites, auxquels leur règle faisait une vertu et un devoir de la paresse et de la mendicité, et qui, se répandant au sein de nos campagnes, dérobaient, au nom de la religion et de l'humanité, les secours dont ils privaient le pauvre; jusque-là qu'on les a vus pénétrer dans sa chaumière, et entrer en partage avec lui du simple aliment
Sue son travail lui avait procuré à peine. Il faut
ire enfin que c'est elle qui a appris à l'oisiveté l'art hypocrite de se métamorphoser sous mille formes diverses, pour mieux abuser la sensibilité crédule ; qui a persuadé à des barbares de créer des objets de pitié et d'horreur, et qui leur a fait porter la cruauté, je frémis de le dire, jusqu'à mutiler desî nfants, et à faire une affreuse spéculation sur le profit qu'ils pourraient se procurer, en les montrant à la bienfaisance indignement trompée.
Si donc l'action de mendier est dans l'ordre social un délit que la loi doive réprimer, elle ne doit pas moins empêcher que le mendiant soit assisté. On a dit, avec raison, que si l'on pouvait supposer une contrée si heureusement gouvernée, qu'aucun pauvre n'y existât, l'établissement subit d'un secours gratuit y ferait bientôt naître autant d'indigents, qu'il s'y trouverait d'individus à qui ce secours donnerait l'intérêt et le désir de le devenir. Il n'est pas rare d'entendre des hommes dont le nouvel ordre de choses a renversé les projets ou contrarié les préjugés, se plaindre de la suppression des monastères, qui, à les en croire, étaient en tout temps, pour le pauvre, une ressource assurée : comme si ces établissements, qui englobaient un vaste territoire, ne faisaient pas un plus grand nombre de nécessiteux qu'ils n'en assistaient 1 comme si les fonds immenses dont ils étaient détenteurs, devaient fournir, dans le nouvel ordre de choses, du travail à moins d'individus, parce qu'ils ont changé de main ! comme si le nombre des citoyens moins aigtés, qui abon-
daient dans les lieux où existaient ces établissements, ne devait pas diminuer de la quantité tout entière de ceux que la division de ces fonds va appeler à la propriété! comme si quelques distributions faites aux portes d'un couvent des débris d'une table somptueuse, et qui servaient moins à nourrir l'indigence, qu'à engraisser la paresse, pouvaient être mis ici en ligne de compte I En ce cas, il faudrait donc regarder l'Espagne et l'Italie comme les deux pays les mieux gouvernés, comme les deux plus heureuses contrées du monde, parce qu'il s'y trouve un plus grand nombre de monastères ; parce qu'un plus grand nombre d'individus y vivent à fainéanter; parce que là c'est une profession très lucrative que celle de mendiant ; parce que, pour le dire avec Montesquieu, tout le monde y est à son aise, excepté ceux qui travaillent, excepté ceux qui ont de l'industrie, excepté ceux qui ont des terres, excepté ceux qui font le commerce.
Toutefois, en vous engageant à prohiber ce mode d'assistance, loin de nous la pensée de rien Vous proposer qui soit capable d'altérer ce penchant sublime crui porte l'homme à venir au secours de son semblable, de son frère malheureux. S'il était un moyen à employer efficace-1 ment pour donner à ce penchant une plus grande intensité, ce serait celui-là que nous nous empresserions de vous présenter. Quelques soins, quelques précautions que vous preniez pour que nul infortuné n'échappe à l'assistance nationale, il peut arriver, il arrivera des circonstances extraordinaires où elle deviendra insuffisante. Telles sont les bornes de la puissance et de la sagesse humaines, que toutes nos institutions ne sauraient avoir qu'une perfectibilité relative. La loi ne peut pas prévoir tous les cas, tous les malheurs individuels ; elle ne peut qu'établir des règles, et suivre des principes généraux. Quoi qu elle ait donc fait pour le soulagement de 1 humanité, elle ne dispensera pas le riche de l'obligation de secourir le pauvre. Elle fera au contraire que le sentiment qui porte naturellement l'homme à compatir aux maux qu'il peut souffrir lui-même, reçoive une impulsion telle, que la bienfaisance particulière ne soit pas invo-
?[uée avec moins d'efficacité que l'autre ; la bien-aisance particulière, qui seule peut aller au-devant des besoins modestes qui se cachent et les soulager, s'insinuer dans les détails, pénétrer dans le recoin obscur de l'étroit réduit du pauvre qui dérobe sa misère aux regards publics, lui ouvrir sa bourse et son cœur, gagner sa confiance, lui prodiguer enfin les soulagements physiques, et, ce qui est bien préférable encore, les soins affectueux. C'est à vous, Messieurs, qu'il appartient de donner à ce sentiment exquis toute l'énergie dont il est susceptible, et d'en diriger tellement néanmoins l'application que l'importunité tente inutilement de lui arracher ce que le malheur véritable peut réclamer.
C'est pour concilier l'intérêt de toutes les classes d'indigents, que nous vous proposons en dernier lieu d'établir dans tous les départements des souscriptions libres ouvertes à tous lescitoyens qui voudront se. faire inscrire dans le chef-lieu de l'agence; nous pensons de plus qu'il sera nécessaire d'accompagner l'ouverture de ces souscriptions d'un appareil qui contribuera à en assurer le succès, et d'ordonner qu'elles auront lieu dans tout l'Empire aux mêmes jours, et qu'elles entreront dans le plan d'organisation des fêtes nationales, que vous allez bientôt établir. Vus sous cet aspect, les détails de cette
institution, qui a eu des effets si avantageux dans les pays où elle a lieu, intéressent votre comité d'instruction publique, et vous l'avez chargé déjà du loin de vous les présenter- C'est par de telles mesures que tous les bons sentiments dont se compose un cceur compatissant» et qui se nourrit de la satisfaction intérieure du bien qu'il fait, pourront se développer ; que Ja bienfaisance publique» qui ne saurait connaître tous les besoins individuels, sera suppléée par la bienfaisance particulière ; que toutes deux se réuniront dans les "mêmes vues, et concourront, • par un heureux accord, pour accroître la prospérité nationale, qui se forme du bonheur de tous les citoyens, et pour accélérer le montent où il n'y aura pas un être souffrant qu'elles n'at" teignent.
Ici finit, Messieurs, la tâche qui nous avait été imposée. Nous avons établi les principes de la législation des secours, posé les bases sur lesquelles ils seront répartis, développé le système entier de leur organisation; enun, nous vous avons offert, comme le complément de pette organisation, les moyens généraux propres à opérer l'extinction de la mendicité, Il ne nous reste plus qu'à vous conjurer, au nom de plusieurs millions d'indigents sur le sort desquels vous avez à statuer, de vous occuper d'une réforme dont tout ce qu'il y a de bons citoyeqs souhaite d'autant plus ardemment voir arriver l'époque,
Sue le règne des lois et l'affermissement de îa
onstitution qu'ils ont fait serment d'observer et de maintenir, que leur propre sûreté, que le bonheur de leurs enfants y sont attaches. Ej; quelles autres circonstances que celles où nous nous trouvons, pourraient réclamer plus impérieusement cette réforme'? Quand serait-elle devenue plus urgente, qu'au même instant ou les adversaires de la chose publique s'agitent en tous sens pour la renyerser pi pour nous abîmey sous ses ruines; où les moyens les plus vils sont ceux qui leur conviennent davantage et qu'ils emploient de prédilection ; pù ils recrutent leur armée contre-révolutionnaire parmi les êtres parvenus au dernier degré d'avilissement et de dégradation où puisse descendre l'espèce humaine; où des brigands et des vagabonds sont leurs troupes d'élite ; où enfin leur espqjr est d'atteindre, à l'aide de ces dignes auxiliaires, à l'anéantissement des autorités légitimes, et de déployer une force supérieure à, celle de la loi? Sans doute leurs projets échoueront, comme ils ont déjà tant de rois' échoué; sans doute les sol-» dats de la contre-révolution et de la hideuse anarchie ne prévaudront pas sur ceux de la liberté et de la douce égalité ; niais il n'est pas moins instant de hâter cette organisation, et ayee elle le retour de l'harmonie sociale. IJn autre intérêt irrésistible vous le demande. Chaque moment que vous consacriez à ce grand objet, peut conserver à la vie et arracher a la misère des milliers d'infortunés ; et, sous tous les rapports, le temps presse, les mois se passent, les jours s'écoulent, les heures volent-
Projet de décret.
« L'Assemblée nationale, mettant au nombre de ses principaux devoirs le soin que la Constitution lui a laissé d'asseoir sur les bases éternelles et immuables de la justice et de la morale, une nouvelle organisation de secours publics, pi considérant qu'il importe que leur répartition se fasse dans une proportion exacte, et suivant les
règles de l'égalité la plus parfaite qui puisse être atteinte ; considérant que les établissements auxquels le nouvel ordre de choses donpera naissance, doivent être tels qu'il en résulte pour le pauvre une assistance toujours certaine, calculée sur ses besoins, dans tous les âges et à toutes les époques de la vie; considérant enfin , que la société, en assurant constamment le travail à ses membres, est autorisée à leur interdire toute action qui la priverait de celui qu'elle a le droit d'en exiger, et dont les conséquences pourraient intéresser l'ordre public ; après avoir déclaré comme principes; 1° que tout homme a
droit a sa subsistance, par le travail, s'il est valide ; par des secours gratuits, s'il est 1iqrs p'état de travailler ; 2° que le soin de pourvoir a la subsistance du pauvre, est une charge nationale, décrète ce qui suit 1
« Art, 1er. Ij sera attribué par chaque législature» une somme annuelle aux 83 départements, laquelle sera employée en secours en faveur de l'indigence, dans la proportion et de ja manière qui vont être ci-après déterminées.
» Art. Les bases élémentaires 4e répartition de secours seront : 1° la population individuelle des départements comparée avec le nombre de leurs citoyens imposés à une contribution égale à 1Q journées de travail; de telle sorte qu'à parité de population, le département qui contiendra un moindre nombre de çjioyéns de cette dernière classe, aura droit à, une plus forte somme de secours ; le prix commun de la journée de travail dans chaque département-
« Art. 3. La répartition sera faite sur les mêmes bases des départements aux districts, et des districts aux cantons-
« Art, 4. Sur )a somme de secours déterminée par la législature, une portion qui demeure fixée au cinquième du secours total, restera à sa disposition, pour être versée dans les lieux où le besoin du travail, des accidents imprévus et des circonstances appelleront ce versement. L'autre partie sera distribuée entre les départements, en conformité des dispositions de l'article 2, poqç subvenir aux dépenses des établissements qui seront créés et organisés en faveur des pauvres non valides,
» Art, || Au moyen de ce que l'assistance du pauvre est une charge nationale, [es revenus des biens des hôpitaux» ainsi que ceux des fondations et dotations qui remonteront à 50 ans et au delà, seront réunis ep une masse commune, et jerpnt partie du fonds annuel de secours jusqu'à ce qu'U ait été prononcé sur flipurgement de leur aliénation,
t Apj. p. u sera formé dans chaque canton une agence cna%ée, sous ia syrveiUauéi des corps administratifs et du pouvoir exécutif, de la distribution du trayail et 4es .secours, au* pauvres valides et non valides domiciliés qui se seront fait jqsGPire sur ouyeri à cet effet
dans leur canton»
« Art. 7. Les membres des agences 4e secours ne seront pas rétribués. Les comptes de leur administration seront fendus publics, et soumis à l'examen et à la vérification des corps administratifs.
« Art, 8, L'organisation d§s seçpqrs publics sera effectuee, ppur tout le royaume, 4e la manière suivante.
Travaux de secoyrs 4ans les tempÊ morts au travail, ou de calamité, destinés aux pauvres valides, à l'exclusion de tous autres, autant que possible,
Secours à domicile pour les enfants des pauvres et pour les pauvres infirmes, vieillards et malades dans es villes et dans les campagnes, Maladreries dans les départements, en raison de la population, pour les pauvres malades qui ne pourront pas être secourus à domicile.
Hôpital dans chaque département» pour les maladies et pour les cas extraordinaires qui exigeront un traitement particulier-
Hospice dans chaque département pour les enfants abandonnés.
Hospice dans chaque département pour les pauvres vieillards et infirmes. Secours pour -accidents imprévus. « Art, 9. Les travaux seront ouverts tous les jours de chaque semaine, le septième excepté.
« Art. 10. Les fonds.de secours applicables aux travaux, seront accordés aux départements dans les proportions de l'article 2 du présent décret, sur la demande de l'agence aux corps administratifs, et d'après leur avis; aux offres faites par les municipalités du canton, à qui ces travaux profiteront, d'y appliquer le produit d'une contribution imposée sur elles-mêmes, égale au quart en sus ae la somme qu'elles recevront.
« Art. 11. Il sera établi partout où besoin sera des officiers de santé pour les pauvres malades secourus à domicile, pour les enfants abandonnés, et pour les enfants des citoyens inscrits sur les états desjpauvres.
« Art. 12. Les accoucheuses établies dans les villes et dans les campagnes, et dont la capacité sera reconnue, seront chargées des accouchements des femmes inscrites sur les états des pauvres.
« Art. 13. Pour aider aux vues de prévoyance des citoyens qui Voudraient se préparer des ressources, à quelque époque de leur vie que ce soit, il sera rait un établissement public sous le nom de caisse nationale de prévoyance, sur le plan et d'après l'organisatitm qui seront déterminés.
« Art. 14. Toute personne qui, après en avoir été juridiquement requise, aura refusé des aliments à ses père et mère indigents, sera, sur le jugement du tribunal du district, rayée de la liste des citoyens actifs, et son refus sera rendu public dans toute l'étendue du département,
« Art. 15. Tout mendiant sera réprimé. En conséquence il sera établi dans chaque département des maisons de répression où le travail sera introduit, ainsi que dans les prisons et maisons d'arrêt, et où les mendiants et vagabonds seront conduits, dans les cas et pour le temps qui seront fixés. La peine de transporta-tion aura lieu contre eux, en cas de trouble du de tierce récidive.
« Art. 16. Toutes distributions de pain et d'argent, aux portes des maisons publiques ou particulières, ou dans les rues, cesseront d'avoir lieu. Elles seront remplacées par des souscriptions volontaires, dont le produit sera versé, avec le revenu des dotations nouvelles, dans la caisse de secours du canton, pour être le tout réuni aux fonds de secours qui lui seront échus dans la répartition.
« Art. 17. L'ouverture de ces souscriptions se fera annuellement pour chaque canton, chacun des jours consacrés aux fêtes nationales ; et le mode en sera déterminé en même temps que celui de l'organisation de ces fêtes. La liste des souscripteurs qui voudront être connus, et le tableau du produit de la souscription, seront
rendus publics. On sera reçu à souscrire toute l'année (1). {Vifs applaudissements.)
(L'Assemblée ordonne l'impression du rapport et du projet de décret, et ajourne la seconde lecture à huitaine.)
Voici le résultat du troisième tour de scrutin pour Vélection d'un vice-président. Il y avait 451 votants; la majorité absolue était de 226 : M. Gérardin a réuni 235 voix; M. Delacroix 216. En conséquence, M. Gérardin est vice-président.
Je reçois deux lettres du ministre de la guerre, dont je crois devoir donner sur-le-champ connaissance à l'Assemblée.
Un de MM. les secrétaires donne lecture de la première lettre de M. Servan, par laquelle il demande que l'Assemblée fasse faire, ou règle ies fonds sur lesquels doivent se prendre les traitements des ci-devant officiers, en adjonction des places de guerre, d'après l'articlë 14 du titre II de la loi du 10 juillet 1791.
(L'Assemblée renvoie cette lettre aux comités militaire et de l'extraordinaire des finances réunis.)
Le même secrétaire donne lecture de la seconde lettre de M. Servan, dans laquelle il fait part à l'Assemblée de l'ordre qu'il a reçu du roi de remettre le portefeuille ae la guerre au ministre des affaires étrangères; cette lettre est ainsi conçue : (2).
« Paris, le
« L'amour du bien public et de ma patrie me décida à accepter un ministère que je sentais infiniment au-dessus de mes forces, mais dont j'espérais surmonter, en grande partie, les difficultés par ma constante ténacité à faire tout le bien qui dépendrait de moi. Convaincu que je ne pouvais rien seul, à peine eu-je jeté les yeux sur l'immense carrière qui s'ouvrait devant moi que je me pénétrais de cette grande vérité qu'en appelant à mon secours des hommes probes et éclairés, en marchant à découvert, en me prononçant fortement sur mon désir extrême de concourir à faire le bien du peuple, en m'identifiant pour ainsi dire avec lui, je serais soutenu, protégé et qu'on me saurait même quelque gré de mes efforts pour aider à faire triompher les armes françaises. Cependant, au moment où encouragé par mes concitoyens, je commençais à jouir de la flatteuse espérance de pouvoir être utile à ma patrie, je reçus l'ordre du roi de remettre le portefeuille au ministre des affaires étrangères. (Murmures et exclamations à gauche.) Ma conscience me dit que je n'en dois pas moins compter sur les bontés de l'Assemblée pour moi..., (Bravo ! bravo / —- Vifs applaudissements à gauche et dans les tribunes.)
Un grand nombre de membres à gauche : Oui oui! M. Servan emporte nos justes regrets.
M. le secrétaire, continuant la lecture.,. et j'espère qu'elle voudra bien permettre que
« J'ai l'honneur d'être avec un profond respect, Monsieur le Président, etc...
« Signé : JOSEPH ServàN. »
(Applaudissements).
Messieurs, toute la France tressaillit de joie lorsque des patriotes furent appelés au ministère. Hélas 1 on ne nous préparait donc que des regrets 1 Vous venez de l'entendre; nous perdons M. Servan! Quelle est donc la cause de cette disgrâce soudaine ? Je l'ignore : mais je sais, et la France entière sait avec moi, que nul homme n'a, en si peu de temps, fait plus de bien que lui dans le département de la guerre, qui était entravé de toutes parts.
Un membre : C'est vrai ! (Applaudissements réitérés à gauche et dans les tribunes.)
..Et ce qui me consterne, c'est que le bien qu'il a eu le courage de faire, il ne l'a pas fait impunément. Il a purgé ses bureaux des malveillants qui les infestaient ; nos armées manquaient de tout; encore quelques jours, et ses soins y ramenaient l'abondance. Est-ce par une pareille conduite qu'il aurait pu ne pas encourir la haine de nos ennemis? Oui, nous savons par quels services il s'est attiré sa disgrâce, -et pourquoi l'on a arrêté dans son triomphe ce soldat citoyen, qui, depuis qu'il respire, a constamment bien mérité de son pays. (Bravo! bravo! Vifs applaudissements à gauche et dans les tribunes.)
S'il n'avait été renvoyé, Messieurs, qu'à cause de la fermeté de son caractère patriotique ; si le roi avait été surpris par des manœuvres perfides; si... mais pourquoi tant de suppositions, quand personne ne saurait révoquer en doute la vertu, le mérite et l'intégrité de M. Servan ? (Applaudissements réitérés à gauche et dans les tribunes.)
Témoins de son zèle, témoins de ses efforts pour régénérer l'armée et soutenir la Révolution, je crois apercevoir, je suis même sûr que la plupart d'entre vous brûlent de lui donner sur-le-champ une marque authentique...
Un grand nombre de membres à gauche : Oui ! oui! nous tous! (Applaudissements réitérés dans les tribunes.)
Une marque authentique d'estime et de reconnaissance. (Applaudissements réitérés.) J'ose dire que nous la lui devons, tant pour lui-même que pour ceux qui lui succéderont; nous la lui devons, s'il est vrai que nous ayons fait de bonne foi le serment de tout sacrifier pour la liberté. (Applaudissements). Dans une démarche commandée par l'intérêt public, rien ne doit nous arrêter. Je propose donc que l'Assemblée décrète, et sans désemparer, que M. Servan, sortant du ministère, emporte les regrets de la nation. (Oui! oui! Bravo! bravo!— Vifs applaudissements dans une grande partie de VAssemblée et dans les tribunes.)
Je vais consulter l'Assemblée sur la motion de M. Dusaulx.
Quelques membres à droite : L'ajournement !
Je demande la parole.
Vous avez la parole.
Messieurs, ce n'est point pour m'opposer à la proposition qui vient de vous être faite par M. Dusaulx que j'ai demandé la parole. Je voulais seulement observer à l'Assemblée que, dans des circonstances à peu près semblables, le roi ayant retiré le portefeuille à M. de Narbonne (Murmures.), on fit la même proposition. On demanda et l'Assemblée décréta sagement l'ajournement de cette motion jusqu'à ce que M. ae Narbonne eût rendu ses comptes; certainement, Messieurs, si vous adoptiez aujourd'hui la même mesure, les témoignages d'estime que vous donneriez ensuite à M. Servan seraient infiniment plus glorieux et plus flatteurs. (Murmures.) J'ai plus de plaisir à faire l'éloge des ministres patriotes qu'à entendre dénoncer indistinctement tous les ministres. Je demande l'ajournement de la proposition jusqu'après l'entier apurement des comptes de M. Servan .(Applaudissements à droite. — Murmures à gauche).
L'argument tiré d'une comparaison entre M. de Narbonne et M. Servan ne me paraît pas mériter la peine d'être réfuté. (Murmures à droite. — Applaudissements dans les tribunes.) J'appuie la motion de M. Dusaulx et j'y joins 1'amenaement que M. le Président soit chargé par l'Assemblée d'envoyer à M. Servan une expédition du décret. (Applaudissements.)
Lorsque l'Assemblée nationale se détèrmina à ajourner la motion qui tendait à décréter que M. de Narbonne emportait les regrets de la nation, M. de Narbonne était.dénoncé sur plusieurs faits relatifs à son administration ; il était, en outre, dénoncé par plusieurs membres de l'Assemblée nationale, qui avaient déjà remis au comité militaire des pièces au moyen desquelles ils entendaient justifier leurs dénonciations. Contre M. Servan, au contraire, nulle dénonciation n'a été portée, si ce n'est peut-être celle des ennemis de la chose publique (Applaudissements à gauche et dans les tribunes.), dénonciation qni, seule, devrait peut-être lui obtenir l'honoraDle déclaration qu'on vous a demandée. En voilà sans doute assez pour répondre à la proposition d'ajournement de M. Dehaussy ; ainsi la motion doit être rejetée. (Rires et murmures.) J'appuie la motion de M. Dusaulx. Mais vous me permettrez, dussé-je retarder pour quelques moments celui où vous rendrez à M. Servan la justice que M. Dusaulx réclame pour lui; vous me permettrez, dis-je, de faire ici quelques réflexions.
Sans doute, il ne pouvait convenir aux ennemis de la patrie, le ministre patriote qui, j'ose le dire, la porta toujours dans son cœur et la servit avec autant de constance que de fidélité. Il ne pouvait convenir aux ennemis du bien public, celui qui porta dans son administration un zèle infatigable, celui qui vit nos dangers et et qui voulut les prévenir. C'est pourquoi au moment même où les intrigues coupables et le succès de la corruption ont pu faire espérer de détruire le ministère parle ministère lui-même, on a saisi avec empressement cette occasion, et on a disgracié M. Servan. Ainsi que tout l'annonçait, il a été désigné le premier, parce que les premières manœuvres étaient dirigées contre lui.
Messieurs, quand-verrons-nous donc finir ces complots.....
Un membre : Quand vous voudrez.
..qui compromettent à chaque ins-
tant la chose publique? (Applaudissements.) Ils finiront, Messieurs, lorsque les représentants du peuple consentiront à vqir le précipice où l'on pousse la patrie; ils finiront lorsque vous consentirez à garder l'attitude imposante que vous avez prise quelquefois ; ils finiront lorsque vous consentirez à ne pas prendre des apparences pour des réalités; lorsque vous ne souffrirez pas qu'une garde licenciée par un décret sanctionné, conserve de fait son ancienne existence, attende encore les ordres ultérieurs du roi et en reçoive une solde, lorsque vous ne permettrez pas que cette garde, par une proclamation signée d'Her-villy, reçoive des témoignages de satisfaction pour la conduite distinguée qu'elle a tenue auprès de la personne du roi (Applaudissements.) ; ils finiront enfin, Messieurs, lorsque vous consentirez à croire qu'il existe véritablement des conspirateurs, lorsque vous aurez le courage de les punir. Je demande donc que le projet de décret, qui vous a été présenté par M. Gensonné, soit incessamment discuté (1). Du reste, j'appuie la motion de M. Dussaulx, et je demande qu elle soit sur-le-champ mise aux voix. (Applaudissements.)
Je demande la parole.
Je demande que la discussion soit fermée et qu'on aille aux voix sur la proposition de M. Dussaulx. (Murmures.)
Je supplie l'Assemblée de considérer qu'elle ne doit se déterminer que d'après les principes. On vous propose de décréter qu'un ministre, du patriotisme duquel personne ne doute (Applaudissements.), jé dirai même contre lequel aucune plainte n'a été portée à, l'Assemblée nationale, emporte les regrets de la nation ; mais, Messieurs, quand un ministre quitte ses fonctions, le Corps législatif a deux devoirs à remplir ^examiner le compte d'administration et le compte de dépenses. Je ne conçois pas comment le Corps législatif pourrait prendre une détermination à l'égard d'un ministre avant d'avoir rempli lui-même le devoir qui lui est imposé. Or, je prie l'Assemblée nationale de se rendre compte un instant combien est beau, combien est glorieux le décret qu'on lui propose de réndre sur-le-champ et sans examen. Plus un pareil décret a de force et doit produire d'effet,
Elus il doit être le résultat d'un mûr examen, 'enthousiasme qui s'est manifesté dans l'Assemblée et qui s'est mêlé à ses regrets marque d'une manière bien honorable l'instant précis de la retraite de M. Servan. Le décret que l'Assemblée rendra ensuite après un mûr examen, marquera à la fois d'une manière plus glorieuse pour l'Assemblée et plus justificative de sa conduite, cette même retraite de M. Servan. Vous ne pouvez jamais faire fléchir les principes, et il est contraire aux principes de décréter qu'un ministre emporte les regrets de la nation avant d'avoir examiné sa conduite administrative.
L'Assemblée doit se garder tout à la fois de décerner la louange comme le blâme avec trop
de promptitude et d'accorder sans réflexion la plus belle des récompenses. Une belle action
peut très bien être suivie d'un décret spontané, d'un décret inspiré par l'enthousiasme ;
mais ici ce n'est point une seule action, c'est une suite d'actions qui ont marqué une
administration que
Si la cause pour laquelle M. Servan a été renvoyé du ministère n'était pas connue de tout le monde...
Plusieurs membres à droite : Nous ne la connaissons pas.
Si elle n'était pas pour lui un titre de gloire et aux yeux de la nation un titre d'estime, nous pourrions consentir à l'ajournement. Mais cette cause, nul homme de bonne foi ne peut se la dissimuler (Murmures.), et elle est de telle nature que vous devez à la nation entière, à toutes les gardes nationales de l'Empire, autant qu'à M. Servan lui-même, de lui donner un témoignage d'estime.
M. Servan avait proposé un projet qui tendait à en imposer aux ennemis intérieurs en même temps qu'à nous garantir, en cas d'événements, des tentatives des ennemis extérieurs. On a calomnié ce projet, même après que vous l'aviez adopté par un décret; on a prétendu qu'il était injurieux à la garde nationale parisienne. Des libelles répandus avec profusion représentèrent les gardes natiqnaux des départements appelés à former un camp à quelques lieues de la capitale, comme un ramassis de brigands. Vous avez tous lu ces infâmes libelles. On a surpris le roi ; on l'a égaré avec ces écrits perfides. Nous ne pouvons pas douter que cé ne soit la seule cause de la disgrâce de M. Servan, qui en est une pour tous les amis de la chose publique. (Applaudissements.) Que la perfidie s'applaudisse, si elle veut, du succès momentané et honteux qu'elle vient de remporter 1 Mais, puisqu'on ne veut pas prendre les précautions que le salut public semble exiger, puisqu'à force ae calomnies, on est parvenu a égarer l'esprit des citoyens de Paris au point que quelques-uns d'entre eux ont montré de la répugnance à fraterniser avec leurs frères des autres départements.....
Plusieurs membres à droite : C'est faux!
D'autres membres à gauche. Si ! si ! c'est vrai ! (Vifs applaudissements dans les tribunes.)
....puisqu'on a porté la scélératesse jusqu'à employer des moyens aussi infâmes, vous devez récompenser le ministre qui a eu le courage de braver, pour le salut public, les cris de la malveillance; vous devez distinguer la conduite politique de la gestion particulière des affaires et des deniers de son administration ; et vous vous rendriez, j'ose le dire, complices de ces trames odieuses, si vous ne lui témoigniez vos regrets de le voir victime de ces abominables complots. (Applaudissements réitérés à gauche et dans les tribunes.) Vous vous le devez à vous-mêmes et vous le devez à la nation. C'est pour ces divers motifs que j'appuie la proposition de M. Dussaulx. (Aux voix ! aux voix !)
Plusieurs membres : L'ajournement !
D'autres membres : La question préalable sur l'ajournement !
libérer
décrété w , ......... „ t.,
et au bruit des applaudissements de tous les
spectateurs, que M. Servan, sortant du ministère de la guerre, emporte les regrets de la nation.)
Un membre. Je demande que le décret soit envoyé sur-le-champ à M. Servan.
Je demande comme motion d'ordre, que l'Assemblée motive pourquoi et sur quoi M. Servan emporte les regrets de la nation. (Murmures et exclamations à gauçhe et dans les tribunes.) J'insiste sur ma proposition. (Vive agitation.)
Quelques membres à gauche :A l'Abbaye 1 à l'Abbaye !
On peut motiver le décret sur ce que la disgrâce de M. Servan fait la joie des mauvais citoyens.
Le ministre de la justice me transmet une lettre du roi dont on Va vous donner lecture.
Vous venez de décréter que M. Servan emportait les regrets de 1» ~ tioh. Au nombre des motifs qiîi n^'" proposés, il y en a plusieurs votre décret ; mais il y en u cider à l'envoyer ar- e&i
temps que l'Asse^ o son at-
tention sur une v qu'il est es-
sentiel de connaît qu'à mesure que lés
ennemis publia ^ x'èspérànce de résister par la force, - ^vent une autre espérance
non moins 1 , c'est d'amener la cnose in-sensiblemf a point de prouver que la machine po' ^ue ne peut point marcher d'après la Consi atiott. Or, il est temps que vous appreniez à là nation, que si elle ne marche pas, c'est qu'on a voulu des ministres qui ne la fissent pas marcher (Vifs applaudissements à gauche et dans les tribunes*.), et qiie quand le ministère est composé de personnes qui réunissent la bonne volonté à la capacité, on parvient à les faire renvoyer; il faut que la nation connaisse cette grande vérité par l'envoi de votre décret. G'est 1 objet de ma motion. (Applaudissements.)
(L'Assemblée ordonne que le décret sera envoyé aux 83 départements.)
Je rappelle à l'Assemblée que M. Servan demandait dans sa lettre la permission de rendre ses comptes et d'aller à 1 armée ; je convertis cette demande en motion.
(L'Assemblée, après avoir décrété l'urgence, décrète que M. Servan pourra aller s'acquitter dé ses devoirs conlme militaire, dès qu'il aura déposé ses comptes.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture de la lettre du ministre de la justice et de la lettre du roi ; elles sont ainsi conçues : (1)
« Monsieur le Président,
« Le roi m'a chargé de vous envoyer la lettre que vous trouverez incluse dans celle qUe j'ai rhonneur de vous écrire. Vous voudrez bien en faire part à l'Assemblée nationale.
« Je suis avec respect, Monsieur le Président, etc.
« Signé : duranthon. »
« Je vous prie, Monsieur le Président, de pré-
« Je veux là Constitution..... (Murmures prolongé à gauche.)
et quelques membres à gauche : L'ordre du jour ! (Murmures.)
Je demande la parole contre ceux qui demandent l'ordre du jour ; ils déchirent la Constitution.
M. le secrétaire continuant la lecture. « Je veux la Constitution, mais avec la Constitution, je veux l'ordre et l'exécution dans toutes les parties d* 1 nistration, et tous mes soins
V dirigés à la maintenir par sont en mon pouvoir.
« Signé : louis.
« Contresigné ; duranthon. »
Le même secrétaire donne lecture d'une lettre de M. Clavière, qui annonce à l'Assemblée qu'il a reçu ordre du roi de remettre à M. le ministre de la justice le portefeuille des contributions publiques ; elle est ainsi conçue (1) :
« Paris, le
« J'ai l'honneur d'informer l'Assemblée nationale que j'ai reçu ordre du roi de remettre à M. le ministre de la justice, le portefeuille des contributions publiques ; je vais m'occuper du compte qui me reste à rendre à Assemblée.
« Je rentre dans mon état avec la satisfaction de l'honnête homme : celle d'avoir consacré tous les moments de ma courte administration à mériter l'estime des bons citoyens et d'avoir entrevu qu'il n'y a dans le département dont j'étais chargé aucun obstacle dont on ne puisse espérer de triompher avec du zèle, de l'assiduité et le soin de faire parler la raison. (Applaudissements.)
« Je suis avec respect, etc,
« Signé : Clavière. »
Le même secrétaire donne lecture d'une lettre de M. Roland\ qui annonce à l'Assemblée l'ordre que lui a donné le roi de remettre le portefeuille de l'intérieur à M. Mourgues, et qui lhi communique une lettre qu'il a adressée au roi lundi dernier; ces pièces sont ainsi conçues (2) :
« Paris, le
« L'espoir de concourir au bien de l'État avait pu seul déterminer des citoyens patriotes à
accepter le fardeau du ministère dans ces temps orageux. Cet espoir était fondé sur la
conformité
« Dévoué sans réserve au bien public, je me suis efforcé de remplir l'honorable tâche qui m'était imposée. Je reçois en ce moment l'ordre du roi de remettre le portefeuille de l'intérieur à M. Mourgues. Je me retire avec ma conscience et tranquillement appuyé sur elle. Mais je dois à l'Assemblée, à l'opinion publique communication d'une lettre que j'ai eu l'honneur d'adresser au roi lundi dernier; la vérité, dont je m'honore d'imprimer le caractère sur toutes mes actions, me Pavait dictée, c'est elle encore qui m'ordonne d'en faire part à l'Assemblée. (Applaudissements.)
« Je suis avec respect, Monsieur le Président, etc.
« Signé : Roland. »
Plusieurs membres demandent qu'il soit fait lecture de la lettre de M. Roland au roi.
(L'Assemblée ordonne cette lecture.)
M. le secrétaire lisant :
Lettre écrite au roi par le ministre de Vintérieur. le 10 juin 1792, Van IVe de la liberté (1).
« Sire,
« L'état actuel de la France ne peut subsister longtemps ; c'est un état de crise dont la violence atteint le plus haut degré ; il faut qu'il se termine par un éclat qui doit intéresser Votre Majesté autant qu'il importe à tout l'Empire.
« Honoré de votre confiance, et placé dans un poste où je vous dois la vérité, j'oserai la dire tout entière; c'est une obligation qui m'est imposée par vous-même.
« Les Français se sont donné une Constitution ; elle à fait des mécontents et des rebelles : la majorité de la nation la veut maintenir; elle a juré de la défendre au prix de son sang ; et elle a vu, avec joie, la guerre qui lui offrait un grand moyen l'assurer. Cependant la minorité, soutenue par des espérances, a réuni tous ses efforts pour emporter l'avantage. De là, cette lutte intestine contre les lois, cette anarchie dont gémissent les bons citoyens, et- dont les malveillants ont bien soin de se prévaloir pour calomnier le nouveau régime : de là, cette division" partout répandue et partout excitée; car nullejpart il n'existe d'indifférence : on veut ou le triomphe ou le changement de la Constitution ; on agit pour la soutenir ou pour l'altérer. Je m'abstiendrai d'examiner ce qu'elle est en elle-même, pour considérer seulement ce que les circonstances exigent; et, me rendant étranger à la chose, autant qu'il est possible, je chercherai ce que l'ont peut attendre, et ce qu'il Convient de favoriser.
« Votre Majesté jouissait de grandes prérogatives [qu'elle croyait appartenir à la royauté.
Elevée dans l'idée dé les conserver, elle n'a pu se les voir enlever avec plaisir. Le désir
de se les faire rendre était aussi naturel ique le regret de les voir anéantir. Ces
sentiments, qui tiennent à la nature du cœur humain, ont dù entrer dans le calcul des ennemis
de la Révolution. Ils ont donc compté sur une faveur secrète, jusqu'à ce que les
circonstances permissent une
« Votre Majesté a donc été constamment dans l'alternative de céder à ses premières habitudes, à ses affections particulières, ou de faire des sacrifices dictés par la philosophie, exigés par la nécessité; par conséquent d'enhardir les rebelles, en inquiétant la nation, ou d'apaiser celle-ci en vous unissant avec elle. Tout a son temps, et celui de l'incertitude e6t enfin arrivé.
» Votre Majesté peut-elle aujourd'hui s'allier ouvertement avec ceux qui prétendent réformer la Constitution, ou doit-elle généreusement se dévouer sans réserve à la faire triompher? Telle est la véritable question dont l'état actuel des choses rend ia solution inévitable. Quant à celle, très métaphysiqne, de savoir si les Français sont mûrs pour la liberté, sa discussion ne fait rien ici; car il ne s'agit point de juger ce que nous serons devenus dans un siècle, mais de voir ce dont est capable la génération présente.
« Au milieu des agitations dans lesquelles nous vivons depuis 4 ans, qu'est-il arrivé?!... Des privilèges onéreux pour le peuple ont été abolis ; les idées de justice et d'égalité se sont universellement répandues, elles ont pénétré partout; l'opinion des droits du peuple a justifié le sentiment de ces droits; la reconnaissance de ceux-ci, faite solennellement, est devenue une doctrine sacrée ; la haine de la noblesse, inspirée depuis longtemps par la féodalité, s'est invétérée exaspérée par l'opposition manifeste de la plupart des nobles à la Constitution qui la détruit.
« Durant la première année de la Révolution, le peuple Voyait dans ces nobles des hommes odieux par les privilèges oppresseurs dont ils avaient joui, mais qu'ils auraient cessé de haïr après la destruction de ces privilèges, si la conduite de la noblesse, depuis cette époque, n'avait fortifié toutes les raisons possibles ae la redouter et de la combattre comme une irréconciliable ennemie.
« L'attachement pour la Constitution s'est accru dans la même proportion ; non seulement le peuple lui devait des bienfaits sensibles, mais il a jugé qu'elle lui en préparait de plus grands, puisque ceux qui étaient habitués à lui faire portér toutes les charges cherchaient si puissamment à la détruire ou à la modifier.
« La Déclaration des Droits est devenue un évangile politique^ et la Constitution française une religion pour laquelle le peuple est prêt à périr.
« Aussi le zèle a-t-il été déjà quelquefois jusqu'à suppléer à la loi; et lorsque celle-ci n'était pas assez réprimante poar contenir les perturbateurs, les citoyens se sont permis de les punir eux-mêmes.
« C'est ainsi que des propriétés d'émigrés ont été exposées aux ravages qu'inspirait la vengeance ; c'est pourquoi tant de départements se sont cru forcés de sévir contre les prêtres que l'opinion avait proscrits, et dont elle aurait fait des victimes.
t Dans ce choc des intérêts, tous les sentiments ont pris l'accent de la passion. La patrie n'est point un mot que l'imagination se soit complu d'embellir; c'est un être auquel on a fait des sacrifices, à qui l'on s'attache chaque jour davantage par les sollicitudes qu'il cause, qu'on a créé par de grands efforts, qui s'élève au milieu des inquiétudes, et qu'on aime parce qu'il coûte, autant que par ce qu'on en espère. Toutes les
atteintes qu'on lui porte sont des moyens d'enflammer l'enthousiasme pour elle. A quel point cet enthousiasme va-t-il monter, à l'instant où les forces ennemies réunies au dehors, se concertent avec les intrigues intérieures pour porter les coups les plus funestes ?... La fermentation est extrême dans toutes les parties de l'Empire; elle éclatera d'une manière terrible, à moins qu'une confiance raisonnée dans les intentions de Votre Majesté ne puisse enfin la calmer ; mais cette confiance ne s'établira pas sur des protestations; elle ne saurait plus avoir pour base que des faits. (.Applaudissements.)
« 11 est évident pour la nation française que la Constitution peut marcher; que le gouvernement aura toute la force qui lui est nécessaire, du moment où Votre Majesté, voulant absolument le triomphe de cette Constitution, soutiendra le Corps législatif de toute la puissance de l'exécution, ôtera tout prétexte aux inquiétudes du peuple, et tout espoir aux mécontents. (Applaudissements à gauche et dans les tribunes.)
« Par exemple, deux décrets importants ont été rendus; tous deux intéressent essentiellement la tranquillité publique et le salut de l'Etat. Le retard de leur sanction inspire des défiances; s'il est prolongé,'il causera du mécontentement ; et, je dois le dire, dans l'effervescence actuelle des esprits, les mécontentements peuvent mener à tout.
« Il n'est plus temps de reculer, il n'y a même plus moyen de temporiser. La révolution est faite dans les esprits; elle s'achèvera au prix du sang.....
Voix dans tes tribunes: Oui! oui! bravo!
M. le secrétaire, lisant : Elle s'achèvera au prix du sang, et sera cimentée par lui, si la sagesse ne prévient pas les malheurs qu'il est encore possible d'éviter.
« Je sais qu'on peut imaginer tout opérer et tout contenir par des mesures extrêmes ; mais, quand on aurait déployé la force pour contraindre l'Assemblée, quand on aurait répandu l'effroi dans Paris, la division et la stupeur dans ses environs, toute la France se lèverait avec indignation...
Voix dans les tribunes: Oui! oui!(Vifs applaudissements.)
M. le secrétaire, lisant : et se déchirant elle-même dans les horreurs d'une guerre civile, développerait cette sombre énergie, mère des vertus et des crimes, toujours funeste à ceux qui l'Ont provoquée.
« Le salut de l'Etat et le bonheur de Votre Majesté sont intimement liés; aucune puissance n'eét capable de les séparer; de cruelles angoisses et des malheurs certains environneront vôtre trône, s'il n'est appuyé par vous-même sur les bases de la Constitution, et affermi dans la paix que son maintien doit enfin nous procurer. Ainsi, la disposition des esprits, le cours des choses, les raisons de la politique, l'intérêt de Votre Majesté, rendent indispensable l'obligation de s'unir au Corps législatif, et de répondre au vœu de la nation ; ils font une nécessité de ce que les principes présentent comme devoir : mais la sensibilité naturelle à ce peuple affectueux est prête à y trouver un motif de reconnaissance. On vous a cruellement trompé, Sire, quand on vous a inspiré de l'éloignement ou de la méfiance de ce peuple facile à toucher; c'est en vous inquiétant perpétuellement, qu'on vous a porté à une conduite propre à l'alarmer lui-
même. Qu'il voie que vous êtes résolu à faire marcher cette Constitution à laquelle il a attaché sa félicité, et bientôt vous deviendrez le sujet des actions de grâce.
« La conduite des prêtres en beaucoup d'endroits, les prétextes que fournissait le fanatisme aux mécontents, ont fait porter une loi sage contre ces perturbateurs; que Votre Majesté lui donne sa sanction, la tranquillité publique la réclame, et le salut des prêtres la sollicite. Si cette loi n'est nyse en vigueur, les départements seront forcés de lui substituer, comme ils font de toutes parts, des mesures violentes; et le peuple irrité y suppléera par des excès.
« Les tentatives de nos ennemis, les agitations qui se sont manifestées dans la capitale; l'extrême inquiétude qu'avait excitée la conduite de votre garde, et qu'entretiennent encore les témoignages de satisfaction qu'on lui a fait donner par Votre Majesté, par une proclamation vraiment impolitique dans les circonstances (Applaudissements); la situation de Paris, sa proximité des frontières, ont fait sentir le besoin d'un camp dans son voisinage. Cette mesure, dont la sagesse et l'urgence ont frappé tous les bons' esprits, n'attend encore que la sanction de Votre Majesté. Pourquoi faut-il que des retards lui donnent l'air du regret, lorsque la célérité lui mériterait la reconnaissance ? (Bravo ! bravo / Applaudissements réitérés à gauche.)
« Déjà les tentatives de l'état-major de la garde nationale parisienne contre cette mesure ont fait soupçonner qu'il agissait par une inspiration supérieure; déjà les déclamations de quelques aémagogistes outrés réveillent les soupçons de leurs rapports avec les intéressés au renversement de la Constitution; déjà l'opinion publique compromet lés intentions de Votre Majesté: encore quelque délai, et le peuple con-tristé croira apercevoir dans son roi l'ami et le complice des conspirateurs. (Applaudissements réitérés à gauche.).
« Juste ciel ! auriez-vous frappé d'aveuglement les puissances de la terre? et n'auront-elles jamais que des conseils qui les entraîneront à leur ruine?
« Je sais que le langage austère de la vérité est rarement accueilli près du trône; (Vifs applaudissements) je sais aussi que c'est parce qu'il ne s'y fait presque jamais entendre, que les révolutions deviennent nécessaires ; je sais surtout, que je dois le tenir à Votre Majesté, non seulement comme citoyen soumis aux lois, mais comme ministre honoré de sa confiance, ou revêtu de fonctions qui la supposent (Applaudissements) ; et je ne connais rien qui puisse m'en-pêcher de remplir un devoir dont j'ai la conscience.
mes
gation et l'utilité d'exécuter la loi qui d'avoir un secrétaire au conseil, La seule existence de la loi parle si puissamment, que l'exécution semblerait devoir suivre sans retardement; mais il importe d'employer tous les moyens de conserver aux délibérations la gravité, la sagesse, la maturité nécessaires; et pour des ministres responsables.....
, ministre de la guerre, entre dans la salle. (Murmures et huées à gauche et dans les tribunes.)
M. le secrétaire, lisant... il faut un moyen de constater leurs opinions. Si celui-là eût existé,
je ne m'adresserais pas par écrit, en ce moment, à Votre Majesté.
« La vie n'est rien pour l'homme qui estime ses devoirs au-dessus de tout (Applaudissements.), mais, après le bonheur de les avoir remplis, le bien auquel il soit encore sensible, est celui de penser qu'il l'a fait avec fidélité : et cela même est une obligation pour l'homme public.
« Paris, ce 10 juin, l'an IVe de la liberté.
« Pour copie|conforme,
« Signé : Roland. »
(Vifs applaudisements à gauche et dans les tribunes.)
Je demande que la lettre de M. Roland au roi soit imprimée et insérée au procès-verbal.
J'ai deux propositions à faire, et il suffira de les énoncer pour qu'elles soient senties, je ne dis pas généralement, mais par cette imposante majorité.... (Murmures à droite.)
Plusieurs membres à gauche : Oui ! oui ! (Applaudissements.)
...qui applaudit aux vérités fortes et nécessaires à prononcer répandues dans la lettre de M. Roland. Je demande : 1° que vous rendiez commun à MM. Roland et Clavière, ministres patriotes, le décret rendu en faveur de M. Servan (Applaudissements.) ; 2° que vous ordonniez l'impression de la lettre de M. Roland et qu'elle soit envoyée avec le décret aux 83 départements. (Applaudissements.)
(de Paris). Ce sera une pièce célèbre dans l'histoire de la Révolution et des ministres.
Je demande que l'Assemblée consacre la mémoire d'un ministre qui a osé dire au roi toute la vérité.
Plusieurs membres à droite: L'ajournement !
Il est du devoir des représentants du peuple de prendre des renseignements sur l'existence des grands complots qui s'annoncent. Je demande la question préalable sur l'ajournement. (Applaudissements.)
Je m'oppose à l'envoi aux 83 départements et je demande à motiver la question préalable sur cette proposition. (Murmures.)
(L'Assemblée ordonne l'impression, l'insertion au procès-verbal et l'envoi aux 83 départements de la copie de la lettre écrite au roi par M. Roland.)
Je demande que le décret rendu en faveur de M. Servan s'étende à MM. Roland et Clavière.
(L'Assemblée, après avoir décrété l'urgence, décrète que M. Roland sortant du ministère, emporte les regrets de la nation.)
Plusieurs membres : L'ajournement à l'égard de M. Clavière !
Je ne crois pas qu'un citoyen qui a préféré la place de ministre à celle de député, puisse emporter.... (Murmures.)
M. Clavière a donné à la France entière une grande preuve de dévouement à la chose publique eh préférant un poste où l'on est responsable à celui où on ne l'est pas. (Les murmures couvrent la voix de Vorateur.)
M. Clavière a donné deux grands
exemples de patriotisme. Le premier, en acceptant une place périlleuse (Murmures.) ; le second, en partageant la disgrâce des ministres patriotes qui sont dans le même cas que lui. C'est pourquoi, afin que l'exemple d'aujourd'hui soit salu-
le décret rendu en faveur de MM. Servan et Roland soit commun à M. Clavière. (Applaudissements.)
(L'Assemblée, après avoir décrété l'urgence, décrète que M. Clavière, sortant du ministère, emporte les regrets de la nation.)
La parole est à M. le ministre de la guerre.
, ministre de la guerre, ci-devant ministre des affaires étrangères. Je vais donner connaissance à l'Assemblée d'une lettre que je viens de recevoir du général Lafayette.
Rapport de M. Lafayette. Au camp retranché de
Maubeuge, le \\ juin, Van IV® de la liberté. -
« Je vous ai rendu compte, Monsieur, des mouvements sur Maubeuge. Avant-hier, pendant que je reconnaissais le pays entre mon camp et Mons, il s'engagea une escarmouche de nos troupes légères avec celles des ennemis, où ceux-ci perdirent 3 hommes, et où il y eut de part et d'autres quelques blessés. Ce matin, les ennemis ont attaqué mon avant-garde, qu'ils espéraient sans doute surprendre; mais, averti à temps, M. Gouvion a renvoyé ses équipages sur Maubeuge, et a commencé, en se repliant, un combat où son infanterie était continuellement couverte par des haies, et où les colonnes [ennemies ont beaucoup souffert du feu du canon, et particulièrement de 4 pièces d'artillerie à cheval, sous le capitaine Bârrois. Les 3e et 11e régiments de chasseurs et le 2e de hussards ont bien manœuvré ; celui-ci a fort maltraité un détachement de hulans qui Vêtait aventuré. Un ouragan très violent ayant empêché d'entendre les signaux du canon, a retardé pour nous la connaissance de l'attaque. Aussitôt qu'elle est parvenue au camp, une colonne d'infanterie, sous M. Ligneville, et de la cavalerie, sous M. Tracv, ont été conduites par M. Narbonne sur le flanc gauche des ennemis. Tandis que la réserve de M. Maubourg se portait au secours de l'avant-garde, j'ai fait marcher les troupes en avant; et les ennemis, nous abandonnant le terrain, une partie de leurs morts et de leurs blessés, se sont retirés dans leur ancien camp. Nous avons dépassé de plus d'une lieue celui de l'avant-gatde, qui a repris tous ses postes.
« Je n'aurais donc qu'à me féliciter du peu de succès de cette attaque, si, par la plus cruelle fatalité, elle n'avait pas enlevé à la patrie un de ses meilleurs citoyens ; à l'armée, un de ses plus utiles officiers, et à moi tin ami de 15 ans, M. Gouvion...(Un mouvement désordonné et de nombreuses exclamations témoignent de la douleur profonde qu'éprouve l'Assemblée en apprenant cette nouvelle.) Un coup de canon a terminé une vie aussi vertueuse. Il est pleuré par ses soldats, par toute l'armée, et par tous ceux qui sentent le prix d'un civisme pur, d'une loyauté inaltérable, et de la réunion du courage aux talents. Je ne parle pas de mes chagrins personnels, mes amis me plaindront.
« Les deux lieutenants-colonels du départe-
ment de la Côte-d'Or excitent de justes regrets. L'iin, M. Gazotte, âgé de 75 ans, et connu par 50 ans de services distingués dans l'artillerie, avait, dans la dernière affaire, concouru avec M. Gou-vion à l'action vigoureuse qui sauva du milieu des ennemis une pièce démontée. Notre perte d'ailleurs se borne à 25 hommes blessés. Le nombre des morts est peu considérable. Les ennemis en ont laissé beaucoup plus que nous et en ont beaucoup emporté. Nous avons fait quelques prisonniers, et je n'ai aucune connaissance que nous en ayons perdus.
« Telle est, Monsieur, la relation que je m'empresse de vous envoyer en rentrant au camp ; elle est aussi exacte que je le puis avant d'avoir reçu des détails officiels.
« Signé : le général d'armée Lafàyette. »
M. Lafayette vous annonce que M. Gouvion est pleuré par tous les soldats ; il l'est sans doute également par tous les bons citoyens. (Applaudissements.) Il l'est particulièrement par tous ceux qui, depuis le 14 juillet 1789, l'ont vu à Paris détendre constamment la cause de la liberté. (.Applaudissements.) Je demande que le comité d'instruction publique soit chargé de vous présenter demain un moyen de donner à sa mémoire un témoignage de l'estime et de la reconnaissance publiques.
Je demande que l'on comprenne dans la motion de M. Pastoret les deux lieutenants colonels de la Côte-d'Or.
Je demande que les regrets de l'Assemblée seront inscrits d'avance dans son procès-verbal. On fera droit ensuite à la proposition de M. Pastoret.
L'Assemblée trouvera juste sans doute, et tout à fait digne du sentiment qui l'occupe en ce moment, que son président soit chargé de faire connaître à la famille de M. Gouvion, et surtout à son père qui vient de perdre ses deux fils, l'un combattant pour la loi, l'autre contre les ennemis de la patrie, (1) les justes regrets que donne à sa mémoire le Corps législatif.
(L'Assemblée, à l'unanimité, décrète que le comité d'instruction publique sera chargé de présenter à l'Assemblée les moyens de rendre à la mémoire de M. Gouvion et des deux lieutenants colonels du bataillon de la Côte-d'Or, les honneurs qu'ils ont mérités. Elle ordonne en outre qu'il sera fait mention au procès-verbal des justes regrets que l'Assemblée a éprouvés par la perte de ces 3 militaires également recommandables par leur civisme et par leur courage et que M. le Président sera chargé d'adresser, au nom de l'Assemblée, aux familles de ces infortunés défenseurs dë la patrie, la vive expression de sa douleur.)
, ci-devant ministre des affaires étrangères et actuellement ministre de la guerre.
Monsieur le Président, (2) il est instant que l'As-
Les ministres sont citoyens comme vous, ils méritent les mêmes égards que vous. (Murmures à gauche).
Après avoir obtenu le renvoi des ministres patriotes, M. Dumouriez se croit-il déjà autorisé à donner des leçons à l'Assemblée?...
M. Guadet se démasque.
Je demande que l'Assemblée entende en silence les vérités qu'on promet de lui dire, elle prononcera après.
, ministre de la guerre. Ils ont de plus la responsabilité, ainsi vous devez les regarder comme vos frères. La grandeur du danger n'admet plus de soupçons, car c'est à ces soupçons et a l'agitation perpétuelle, qu'ils occasionnent, que nous pouvons imputer l'état désastreux dont notre union nous fera sortir avec gloire.
Mémoire Sur le département de la guerre.
Les généraux se plaignent avec raison de la faiblesse et du délabrement de leurs armées, partout il manque des armes, des habits, des munitions, des chevaux de pelotons, des effets de campement, etc.
Le non-complet des 4 armées, pour les seules troupes de ligne, s'élève à plus de 40,000 hommes, et 8 ou 10,000 chevaux.
La plupart des places sont aussi démantelées qu'en état de paix, dans la plupart il n'y a ni vivres ni munitions suffisantes.
Plusieurs commandants, plusieurs officiers des différentes armes sont, ou suspects ou ennemis. Une partie du corps des commissaires des guerres, de celui des commis et des gardes magasins, surtout d'artillerie, sont, ou vendus ou suspects. Plusieurs municipalités frontières sont dans le même cas ; et si les choses subsistent dans cet état, il sera facile à nos nombreux ennemis d'enlever plusieurs de nos places frontières et de pénétrer dans l'intérieur du royaume.
Les bureaux de la guerre sont au moins re-prochables par la lenteur des expéditions, par le désordre de3 détails, par l'espèce des marchés, dont plusieurs, comme celui des chevaux de pelotons, par exemple, sont frauduleux et dont la plupart restent sans exécution. Rien n'est inspecté par des personnes autorisées à punir des fautes aussi gravés, et à réparer sur-le-champ, sur les lieux, le déficit de cette inexécution-
Cependant le dernier ministre qui s'en est rapporté à ses agents, malgré leur infidélité ou leur incapacité reconnues, puisque ce sont les mêmes agents qui, sous les 3 précédents ministres, ont aidé à tromper la nation, et à ré-
duire la force armée à un point de faiblesse effrayante, malgré une dépense énorme, est demeuré responsable, tant ae la comptabilité que des suites funestes que peut entraîner cette désorganisation de la force armée, et par une espèce de solidarité très injuste, les autres ministres partagent cette responsabilité quoiqu'ils ne puissent apporter aucun remède à ces maux, tant que l'organisation du ministère du département de la guerre restera en cet état.
Le dernier ministre de la guerre a montré des vues très patriotiques, et beaucoup de zèle pour remonter l'état militaire, mais je lui demanderais si les moyens qu'il a employés lui paraissent suffisants. Il a dit, et je le pense tout comme lui, qu'il faut que toute la nation se lève à la fois et prenne les armes, mais cette levée générale, si elle n'est ni bien ordonnée, ni successive, ne peut pas augmenter la force de l'armée, et ne peut opposer aux troupes aguerries des despotes, qu'une tourbe sans ordre et par conséquent sans force, qui rassemblée tumultuaire-ment, aura le sort de ces immenses armées indiennes que quelques hommes aguerris dissipaient facilement.
D'ailleurs, que la nation se lève tout entière présente une grande idée très énergique, mais elle manque de précision, et elle est inexécutable, parce qu'il n'y a ni assez d'armes ni assez de provisions de bouche, ni assez de munitions pour cette immense multitude ; et c'est par un pareil moyen que l'imprudent Van der lïoot a détruit, dans 15 jours, toutes les ressources des Belges, contre une poignée d'Autrichiens; il poussa le même cri de guerre, 80,000 hommes au moins se rassemblèrent à sa voix, avec promptitude, et furent dissipés encore plus prompte-ment par 12 ou 15,000 Autrichiens.
Suivons les opérations qui, depuis 6 semaines, ont été faites et décrétées par l'Assemblée, sur les propositions de MM. de Grave et Servan..
M. de Grave n'ayant aucun état de situation des régiments de ligne, et persuadé sans doute que les 51,000 hommes que M. de Narbonne avait annoncé manquent à l'armée, étaient plus que complétés par le recrutement volontaire, qu'on avait annoncé à l'Assemblée nationale monter à plus de 100,000, ne s'est point occupé du recrutement des régiments de ligne.
Il a proposé une augmentation de 50 bataillons de volontaires nationaux. Cette proposition a été modifiée d'une manière avantageuse par le comité militaire, qui a fait décréter par l'Assemblée que tous les bataillons précédemment levés, soient portés à 800 hommes effectifs, pour être assimilés aux bataillons de guerre des troupes de ligne, et que, de plus, il serait créé 34 nouveaux bataillons de la même force de 800 hommes, ce qui porterait le nombre total des bataillons de gardes nationales volontaires à 214.
Bientôt après, M. Servan a proposé à l'Assemblée nationale la levée de 1,000 hommes par département.
Enfin, il vient de proposer la levée de 5 hommes par canton, dont î à cheval, l'Assemblée a décrété 20,000 hommes de pied.
Il a proposé pareillement de tirer de chaque brigade de la gendarmerie nationale, un homme monté, qui sera remplacé par un autre homme choisi par le département.
Récapitulons la somme totale de toutes ces levées proposées ou décrétées coup sur coup ; et rappelons-nous d'abord que lorsque l'Assemblée
constituante décréta 100,000 auxiliaires, ce qui était une très bonne mesure, pour compléter l'armée de ligne, elle perdit tout le fruit de cette mesure, en décrétant 90,000 hommes formés en bataillons volontaires, parce que ceux-ci absorbèrent les premiers, et qu'on ne put jamais réussir à lever les auxiliaires.
Rappelons-nous aussi que plus de 6 mois ont été employés à cette levée des volontaires, que faute de précautions, leur habillement et leur armement ont été d'une longueur insupportable, et que plusieurs d'entre eux manquent encore des équipements les plus nécessaires et sont à peine organisés.
Revenons à présent à l'état de forces que nous donnent sur le papier les nouvelles levées proposées ou décrétées depuis 6 semaines :
1° Il faut mettre en ligne de compte pour le recrutement de l'armée 50,000 hommes ;
2° Pour le complètement de 180 bataillons existants, 226 hommes par bataillon, pour les porter à 800, 40,680 hommes ;
3° Pour la levée de 34 nouveaux bataillons, 27,200 hommes;
4° Pour la levée de 1,000 hommes par département, 83,000 ;
5° Pour la levée de 5 hommes par canton, à peu près 27,800 hommes, dont 5,000 de cavalerie, réduits à 20,000 ;
6° Pour le tirage d'un homme par brigade de la gendarmerie nationale, 1,600 nommes de cavalerie;
7° Pour la levée de 3 légions, environ 12,000 hommes ;
8° Pour la levée de 54 compagnies franches de 200 hommes, 10,800.
Art. ler............ 50,000 hommes.
— 2.............. 40,680 —
— 3....................27,200 —
— 4.
— 5.
— 6. - 7.
83,000
20,000 —
1,600 —
12,000 —
10,800 —
245,280 hommes
dont, à peu près, 1,600 chevaux.
Procédons actuellement avec méthode sur cette prodigieuse levée.
A-t-on commencé par assigner des fonds pour chaque objet? Sans contredit, le premier de tous est le recrutement de l'armée, ae ligne ou, au moins, le complètement de 180 bataillons de volontaires, qui forment le fonds de nos 4 armées, et qui, par leur bon esprit, sont l'espoir de notre résistance,
C'est ce dont nos généraux ont le besoin le plus pressant, pour renforcer leurs faibles armées, quelque plan qu'ils aient adopté, soit d'attaque, soit de défense.
Si M. Servan s'est contenté d'avoir fait décréter cet objet, s'il s'en est rapporté aux soins des départements distincts et municipalités, qui ne peuvent rien entendre à la partie militaire, il n'a pas diminué sa responsabilité ; mais, au contraire, il l'a surchargée de toutes les lenteurs que ces corps administratifs mettront dans cette levée, qui ne sera pas effectuée de toute l'année, puisque la première levée des volontaires nationaux a duré plus de 6 mois, et qu'alors il y avait dans le royaume des draps bleus, de la buffleterie et des armes, il en est de même pour
le troisième article, c'est-à-dire la levée des 34 bataillons, décrétée par l'Assemblée.
Ces 3 articles marchent ensemble, et il me paraît que, pour les exécuter, il eut fallu : 1° que M. Servan écrivît une circulaire à tous les corps administratifs du royaume, pour leur donner des instructions sur la manière la plus prompte d'exécuter cette levée, qui, pour les 3 articles, monte à 117,880 hommes, pour lesquels il aurait dû d'avance connaître ses ressources sur l'habillement et l'armement.
De ces 118,000 hommes, 50,000 hommes étant destinés pour compléter l'armée de ligne. M. Servan a dû s'occuper de ce qui manque à chaque régiment en habillement et armement, pour le porter au grand complet de guerre, afin que les recrues, en arrivant au dépôt de chaque régiment, y trouvent ce qui leur est nécessaire : en outre, il a dû s'occuper de l'armement et de l'habillement de tous les régiments qui sont distribués dans les 4 armées, et il doit être étonné lui-même, de ce que, non seulement les généraux font continuellement de justes et d'inutiles plaintes sur le dénuement absolu de leurs soldats, mais aussi de ce que tous les rapports de personnes de confiance, que lui et moi avons envoyées sur les frontières, sont parfaitement conformes aux plaintes des généraux et prouvent clairement le désordre et la mauvaise foi des agents et des bureaux.
11 semble que, dès qu'un décret est rendu pour une formation de troupes quelconques, le ministre devrait avoir présenté, en même temps, l'aperçu de la dépense résultant de ce décret, et faire décréter la somme de cet aperçu :
1° Pour être assuré de pouvoir fournir sur-le-champ à cette dépense ;
2°- Pour régler sa comptabilité et ne pas l'embrouiller, en confondant plusieurs objets;
3° Pour pouvoir rendre compte à tout moment, à l'Assemblée si elle l'exige, ae l'état de sa dépense et du progrès de sa formation.
Dans l'aperçu, le compte de chaque objet, l'habillement, l'armement, les frais d'engagement, les frais de route et de rassemblement, la solde, doivent former autant d'états séparés; sans quoi, toutes les parties tombent dans la confusion, aucune n'est mise en règle, et le ministre lui-même, victime du désordre de ses bureaux, ne peut plus se retrouver.
D'après ces principes, comme le premier besoin est de porter au grand pied de guerre, les 4 armées qui sont sur les frontières, la mesure la plus pressante, dont le ministre de la guerre doit s'occuper, est d'engager l'Assemblée nationale, soit par un décret, soit par une invitation pressante aux 83 départements, de remettre en vigueur leur recrutement, qui a cessé tout d'un coup parce qu'on a exagéré sa réalité et qu'on a craint qu'il ne fût trop considérable.
Il faut que le ministre de la guerre présente à l'Assemblée un état de cette dépense et qu'il en fasse sur-le-champ décréter les frais particuliers ; il faut, en même temps qu'il fasse dresser un état exact de ce qui manque à chaque régiment de toute arme, en armement et nabillement, tant pour les hommes existants dans les régiments, que pour les recrues qui doivent y rentrer.
Il faut qu'en combinant l'état des masses de chaque régiment, il dresse un état de la somme qu'il doit y ajouter pour l'habillement et qu'il fasse décréter cette somme. Il faut en outre que, pour la cavalerie, il tienne tout prêts les mar-
chés nécessaires pour l'augmentation de la remonte et le remplacement des chevaux, et qu'il y ajoute un fonds permanent d'au moins o,000 chevaux, pour la consommation indispensable dans les 4 armées.
Quant à l'armement, il faut d'abord qu'il mette assez d'ordre dans les manufactures nationales pour s'assurer d'au moins 50,000 fusils par an, outre le complet des 4 armées. Il ne doit pas négliger de faire des marchés avec l'étranger, il ne doit pas craindre de se trouver surchargé de fusils, parce que effectivement, s'il faut que la nation, un jour se lève tout entière en armes, elle ne peut le faire que lorsque chaque citoyen aura une arme, indépendamment du double armement de la force militaire soldée.
C'est d'après ce principe que, pour faire trouver des armes pour les habitants des frontières, M. Servan avait proposé une très bonne mesure, celle de donner 24 livres à tout citoyen des frontières menacées, qui se présenterait à la défense de sa patrie, pourvu d'une déclaration de sa municipalité, qui prouverait que son arme lui appartient et est un bon fusil de guerre, armé de sa baïonnette. Le ministre de la guerre doit présenter l'état de ces différents marchés avec la précaution seulement de ne pas indiquer nominativement ceux des pays étrangers.
Il doit donner un aperçu de la somme totale et annuelle de l'armement, et il doit demander à l'Assemblée nationale un décret pour l'augmentation de dépense de l'armée.
Il en doit faire autant pour l'artillerie, la poudre, les ustensiles et les munitions de guerre ae toute espèce, et, d'après ces états, il doit demander à 1 Assemblée nationale un décret pour l'augmentation de dépense pour avoir les sommes toutes prêtes, à sa disposition.
11 est à remarquer que, dans toutes les dépenses qui exigent des marchés ou des entreprises, u faut que le ministre puisse faire des avances.
L'article 4, pour la levée de 1,000 hommes par département, n'ayant été que proposé et point décrété, le ministre peut se dispenser d'en présenter les détails à l'Assemblée nationale.
L'article 5, qui concerne le dernier décret rendu pour la levée de 20,000 hommes, pris sur tous les cantons de la France, et destinés à former un ou deux camps intermédiaires entre Paris et les frontières du Nord, exige que le ministre présente un état très circonstancié de l'armement, habillement et objets de campement de ces 20,000 hommes, et avec le même état, l'aperçu de la dépense de leur formation et rassemblement, pour que l'Assemblée nationale décrète et mette tout de suite à sa disposition, les fonds nécessaires pour cette levée.
L'article 6, qui concerné le rassemblement d'un homme par brigade de la gendarmerie nationale, doit être accompagné d'un état de dépense, tant pour le rassemblement de cette cavalerie, que pour le remplacement d'un gendarme monté par brigade. La somme totale de cette dépense doit être pareillement décrétée d'avance, et mise à la disposition du ministre de la guerre.
L'article 7, qui concerne la levée de 3 légions pour les 3 armées du Nord, du centre et du Rhin (on ne voit pas pourquoi on n'en lève pas une quatrième dans l'armée du midi) aurait dû être également accompagnée de l'état de dépense de ces 3 ou 4 légions, pour que, d'après un décret, la somme totale de cette dépense pût être mise tout de suite à la disposition du ministre.
C'est par d'aussi graves négligences que les levées ordonnées ne s'exécutent pas, ou s'exécutent trop lentement. C'est pour parer à cet inconvénient, que le ministre des affaires étrangères, quoique cela ne fût pas de son département, a cru devoir prendre sur lui d'avancer, dans les premiers jours du mois de juin, 700,000 francs pour la formation d'une légion hollandaise, destinée pour l'armée du maréchal Luckner, et pour Tâchât de 6,000 fusils.
Ce n'est qu'avec cet ordre et cette précision, que le ministre de la guerre peut parvenir à faire exécuter les décrets de l'Assemblée nationale, et à donner à la nation une force armée imposante, et capable de repousser les ennemis, en quelque nombre qu'ils soient.
Jamais Un décret, soit pour l'augmentation de l'armée, soit pour celle de la force navale, ne doit être rendu, sur la proposition d'un de ces deux ministres, sans être accompagné d'un état de dépense et d'un décret qui en fixe la somme et la mette à ia disposition de ce ministre. . L'Assemblée nationale aime trop la,Constitution et la liberté, pour ne pas juger que le temps des économies est passé, et qu'il vaudrait mieux vivre libres et ruinés que de rentrer dans l'esclavage et de faire présent aux despotes et à nos rebelles des millions que nous aurions épargnés.
Si nous faisons une grande dépense, tout n'est pas perdu; l'industrie, les manufactures et les arts repomperont, par 1,000 canaux, les sommes qué nous coûtera notre armement, et les rapporteront à la masse. Soyons libres, et bientôt, nous deviendrons riches, non pas de cette richesse mal partagée qui faisait tant de pauvres et de malheureux, mais de cette aisance plus égale, qui distribue sur un plus grand nombre d'individus utiles, le fruit ae l'industrie et du travail.
Tout ce qui sera dépensé avec ordre, le sera utilement il n'y a que le désordre qui puisse passer pour de la dissipation.
Pour arriver à cet ordre, il faut s'assurer du patriotisme, du zèle et des talents des agents administrateurs du département de la guerre.
Je suis obligé de dire avec chagrin, que le corps des commissaires des guerres excite des plaintes générales par son incivisme ou par son défaut de lumières.
On a dégoûté beaucoup d'anciens serviteurs, qu'on a forcés de prendre des retraites qui surchargent l'Etat. On les a remplacés par des jeunes gens sans expérience, qui ne connaissent aucune des parties de leur administration, et ne leur a donné aucune instruction sur leurs importantes fonctions. C'est parmi les quartiers-maîtres qu'il eût fallu choisir les nouveaux commissaires des guerres; c'est aussi dans ce corps qu'il faut choisir les commis du bureau de la guerre, à mesure qu'on se verra obligé de les renouveler. Ces officiers, accoutumés à tous les détails, et choisis par leurs régiments, sont les seuls qui puissent faire marcher l'administration du département de la guerre.
Quant aux subsistances, c'est au ministre à choisir des hommes intègres et éclairés, ainsi que pour toutes les parties en régie, ou en entreprise.
Il doit avoir le courage, non seulement de dénoncer les fautes quand elles sont graves et qu'elles décèlent de la mauvaise foi ; mais il doit sur-le-champ destituer les coupables, et les remplacer pour que le service n'en souffre pas.
Des nommes de confiance doivent continuel-
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lement visiter toutes les armées, toutes les places de guerre, tous les magasins, arsenaux, manufactures, etc...
Chacun de ces inspecteurs, dès qu'il trouve un délit, de quelque nature qu'il soit, doit le faire constater, ou par les généraux, ou par la municipalité, envoyer sur-le-champ un courrier au ministre avec les preuves du délit; et le ministre doit, avec la même promptitude, suspendre ou destituer, et remplacer le coupable.
Tel est le moyen de pouvoir supporter sa grande responsabilité, en la subdivisant.
Quant à l'ordre dans les armées, il n'existera pas, tant que la subordination ne descendra pas de grade en grade, depuis le général, jusqu'au dernier soldat.
Une subordination qui monte de grade en grade, s'arrête toujours à l'échelon où commence l'aristocratie. C'est ainsi que l'impunité des chefs ramasse sur leurs têtes coupables la licence, et quelquefois la vengeance des subordonnés; c'est ainsi que, pendant que le soldat ne peut pas s'éloigner de son drapeau sans être puni, les officiers et surtout les généraux et les supérieurs, consomment impunément à Paris, la solde de la nation.
Comment peut-on compter sur la discipline, lorsque l'exemple de l'indiscipline vient des chefs eux-mêmes?
Que le ministre de la guerre ait le courage, une fois pour toutes, de prescrire un terme fatal à tout officier, pour aller joindre le poste auquel il est nommé, et que, sans s'embarrasser des murmures, il destitue celui qui aura manqué à son devoir; qu'en cas de plainte, il le renvoie à la décision de l'Assemblée nationale; bien peu d'entre les coupables oseront y porter leurs vaines réclamations.
Qu'en traitant les officiers généraux et supérieurs avec cette rigueur, de grade en grade, qu'il se persuade bien, et que l'Assemblée se le persuade pour lui, que la responsabilité d'un ministre consiste plus dans la grandeur des plans qu'il doit produire, que dans les petites erreurs, soit de calcul, soit d'arbitraire, qui tiennent à la faiblesse humaine.
Tout homme qui craint la responsabilité, tout homme que la responsabilité peut empêcher de prendre ae grandes mesures dans une crise aussi forte que celle qui nôus occupe, est incapable d'être le sauveur de l'Etat.
L'Assemblée, de son côté, doit encourager les ministres, lorsque la confiance publique les désigne comme propres à leur place. Les dénonciations, les attaques indiscrètes ne peuvent que dégoûter l'homme d'honneur, si elles ne le découragent pas, et, en même temps, elles compromettent l'Assemblée, qui perd, à les écouter, un temps précieux.
11 est temps que toutes les factions se taisent devant le danger de la patrie.
Ne ressemblons pas aux matelots qui s'enivrent au plus fort de la tempête et qui laissent submerger le vaisseau.
Réunissons-nous tous autour de l'arbre de la liberté ; surtout n'ébranlons pas la Constitution : ce livre sacré doit nous réunir tous.
C'est au Corps législatif à maintenir l'intégrité des pouvoirs constitués, et il doit veiller sur l'exécution des lois; il doit donc soutenir l'autorité du pouvoir exécutif. C'est par la force armée que notre liberté peut fleurir, il faut donc que les représentants ae la nation portent toute leur attention sur cette partie importante du gouver-
nement, et c'est sur elle qu'elle doit porter toute sa vigilance et tous ses soins.
Dès que les soupçons, qui trop souvent ont obscurci les lumières, disparaîtront de ce Sénat auguste, dès que, par un concours salutaire des deux pouvoirs, au lieu de former une lutte continuelle, et, par conséquent, de fournir des prétextes aux factieux, ils se réuniront sincèrement pour le bien, l'espoir du peuple français sera entièrement relevé, et alors, la France pourra résister à tous les ennemis qui l'attaqueront et les vaincre.
Mais nous subirons tous les malheurs possibles et nous les aurons mérités, si, dès ce moment, il n'y a pas en France une législature ferme et uh gouvernement actif. (Quelques applaudissements à droite. — La lecture de ce mémoire est fréquemment interrompue par les murmures du côté gauche,)
Plusieurs membres : L'impression !
(L'Assemblée ordonne l'impression du mémoire de M. Dumouriez.)
Il est bien étonnant que nous entendions le nouveau ministre de la guerre nous tenir ce langage, lui qui a provoqué la guerre, qui l'a précipitée et qui a opiné dans le conseil au roi pour qu'on employât des forces qu'il prétend aujourd'hui ne pas exister. (Applaudissements à gauche et dans les tribunes.) Il n'est aucun de nous qui ne doive être étonné d'entendre retracer 1 état de la France, ainsi que l'a fait le ministre. Pour ma part, j'ai fait un rapport sur les approvisionnements militaires, et ce rapport, fait d'après les pièces remises par M. Servan et déposées aux archives, prouve que le ministre actuel ou son prédécesseur nous a indignement trompés. Il faut enfin que nous sachions quels sont les hommes qiii méritent notre confiance. Je demande que le ministre dépose, séance tenante, son rapport, et qu'il soit nommé une commission chargée de vérifier les faits qu'il contient, ainsi que les états que j'ai déposés aux archives, afin que la tête de quelqu'un nous réponde de nos dangers. (Applaudissements.)
, ministre de la guerre, signe son mémoire qu'il remet à un huissier et quitte la salle des séances.
Il est temps que nous connaissions la vérité. A tous les changements de ministère, on nous présente de nouveaux comptes, et on nous demande des fonds. Nous ne voulons rien négliger pour conserver notre liberté; mais il faut ae l'orare et de l'économie. En appuyant la motion de M. Lacuée, je crois que nous ne ferions que la moitié de notre devoir, si nous nous bornions à visiter les comptes de M. Servan, et les faits du mémoire du ministre de la guerre. 11 faut remonter à tous les comptes qui nous ont été rendus : nous retenons des citoyens dans Paris, il faut que nous leur rendions justice, ou que nous les fassions punir s'ils sont coupables. J entends toujours nos comités flatter l'administration ministérielle sur les approvisionnements de nos places, l'armement et l'équipement de nos troupes; et lorsque nous allons au fait, nous apprenons par nos généraux qu'il n'y a rien ; actuellement même, les ministres qui se succèdent, se dénoncent les uns les autres. Ne nous en rapportons donc plùs à nos comités; ayons des agents responsables. J'appuie la proposition de M. Lacuée, et je demande pour amendement qu'on revoie tous les comptes des ministres de la guerre. 1
Un membre : Je demande que le ministre de la guerre dépose sur le bureau les pièces sur lesquelles son mémoire est appuyé.
Vous avez renvoyé à vos comités l'examen du compte de gestion de M. Narbonne. Je ne sais pas pourquoi vos comités ont retardé jusqu'à ce moment, de vous en entretenir. Ce compte doit donner lieu à de très amples discussions ; ce ne sera pas sans surprise^ que vous y verrez jusqu'à quel point on a abuse ae la nation, soit que M. Narbonne, ministre alors, y ait concouru volontairement, soit qu'il ait été trompé. Il vous prouvera, d'une manière très claire, qu'on a véritablement dilapidé vos fonds ; que l'on a cherché à se procurer chez l'étranger des armes, que l'on savait bien ne pas pouvoir avoir, tandis que l'on refusait d'en prendre dans l'intérieur. Jé demande que les comités fassent leur rapport sur la gestion de M. Narbonne,
Je demande l'impression du mémoire du ministre actuel de la guerre ; il servira à faire connaître lequel, de lui ou de son prédécesseur, a trahi la nation.
Plusieurs membres : Appuyé ! appuyé !
, le jeune. Ce n'est pas sans étonnement que j'ai entendu le ministre de la guerre. J'ai dès faits positifs qui contrarient ceux qu'il a avancés. J en ai un en main, c'est l'extrait d'un compte rendu par M. de Grave, sur l'état de l'armée de ligne au 1er avril 1792. Le voici : II manquait à l'infanterie 21,839 hommes, à l'artillerie 3,004, à la cavalerie 4,547 ; en tout 29,390 hommes. Le recrutement a continué pendant les mois d'avril et de mai; et le ministre de la guerre vient vous dire aujourd'hui, que l'armée a toujours été de 40,000 hommes au-dessous du complet. Je ne crois pas que l'Assemblée puisse jeter un œil trop sévère sur le compte du ministre de la guerre : j'appuie donc la proposition de M. Lacuée et je demande que les commissaires soient autorisés à vérifier les faits aux bureaux de la guerre.
Je ne parlerai point de l'inquiétude que le ministre de la guerre a voulu jeter dans l'âme des membres ae l'Assemblée. L'armée est en bon état, et je ne crois pas, quoiqu'il en dise, que nous soyons près d être entamés sur nos frontières. Je crois, au contraire, que nous sommes en état de nous établir dans le pays étranger, et que nous nè devons rien craindre.
J'ai entendu dire avec surprise, au ministre de la guerre, que nos places fortes étaient démantelees comme en temps de paix et qu'elles n'étaient pas approvisionnées. Sans doute que le ministre, qui n'est nommé que de cette nuit, n'a pas eu le temps de se faire informer de l'état de nos frontières ; mais, Messieurs, votre comité militaire vous a déjà rendu compte de l'état de nos places ; il vous a fait connaître l'état de leurs ouvrages qui, assurément, ne sont pas détériorés et qui se sont au contraire améliorés depuis le mois de décembre, époque à laquelle ce compte vous fut rendu. Il en résulte que les places de première ligne sont certainement en aussi bon état de défense que l'étaient celles des Flandres dans la guerre de 1744, où il y eut des sièges mémorables. J'avance donc, sans crainte d'être démenti, que si nos places de première ligne manquent de quelques approvisionnements, — ce qui peut être à certains égards — on ne peut
pas dire qu'elles soient démantelées ; cette expression est à coup sûr très impropre.
, le jeune. Dites révoltante.
Je demande donc, Messieurs, que pour éclairer l'Assemblée, les commissaires chargés d'examiner le rapport du ministre vous rendent compte aussi de l'état de nos places de première ligne. Cet examen est extrêmement intéressant dans les circonstances et j'osç vous assurer d'avance qu'il sera très satisfaisant pour la nation.
Dans les départements du Haut et du Bas-Rhin les places sont en bon état; elles ne manquent que de défenseurs.
Le ministre de la guerre, alors qu'il était ministre des affaires étrangères, a nâté, autant qu'il a pu, la déclaration de guerre. Il devait savoir si nous étions en état de la soutenir. Si le tableau qu'il nous a fait aujourd'hui est vrai, il a commis une perfidie en la déclarant; si ce tableau n'est pas vrai, c'est un calomniateur. Je demande donc que les commissaires soient chargés d'examiner sa conduite afin que l'Assemblée décrète, s'il y a lieu, que ce ministre a perdu la confiance ae la nation, ou même soit envoyé à Orléans. (Applaudissements.)
Il importe, Messieurs, que vous prouviez à la nation que le rapport du ministre est exagéré ét ne ressemble en rien à la vérité. Je demande qu'il soit tenu de donner connaissance à la commission de la correspondance des généraux et des chefs de division de nos armées.
Je demande que M. Dumouriez rende compte des 6 millions qui lui ont été accordés.
Comme conséquence des dififé-reptes propositions qui ont été faites, je propose le décret suivant :
Art. ler
« Il sera formé et pris, dans le sein de l'Assemblée nationale, une commission particulière composée de 12 membres, laquelle sera chargée de vérifier les comptes des ministres, qui, depuis le sieur Duportail inclusivement, ont été chargés du département de la guerre, d'en rendre compte à l'Assemblée, et notamment de ce qui concerne le recrutement et l'approvisionnement de l'armée, ainsi que de 1 état des ouvrages et des approvisionnements des places fortes en première ligne.
Art. 2.
« Cette commission est autorisée à prendre, dans le département de la guerre, tous les renseignements nécessaires à la vérification dont elle est chargée par l'article précédent et à se faire représenter toutes les pièces justificatives dèsdits comptes.
Art. 3.
« Le ministre actuel de la guerre est tenu de déposer, dans les 24 heures, sur le bureau de l'Assemblée nationale, les pièces justificatives des faits contenus en son rapport de cejourd'hui, notamment les correspondances des généraux et des chefs de division de nos armées. »
(L'Assemblée adopte la rédaction proposée par M. Charlier.)
On a fait également la proposition que M. Dumouriez rende compte de son administration comme ministre des affaires étrangères.
Plusieurs membres demandent l'ordre du jour motivé sur l'obligation déjà existante, en vertu de plusieurs lois, pour chaque ministre, de rendre compte lorsqu'il quitte un département du ministère.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour ainsi motivé.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre de M. Amelot, commissaire du roi à la caisse de Vextraordinaire, avant pour objet le maximum des assignats en circulation, une nouvelle création d'assignats de 5 livres et l'organisation définitive del'administration de la caissç de l'extraordinaire ; elle est ainsi conçue (1) :
« Paris, le
* Monsieur le Président,
« Les circonstances majeures dans lesquelles se trouve maintenant la France exigent que les mesures relatives à, ses finances soient toujours prévues d'avance. La caisse de l'extraordinaire pourvoit en ce moment au déficit des recettes de la trésorerie et, en outre, à toutes les dépenses extraordinaires que la guerre et d'autres motifs peuvent entraîner. L'Assemblée a ordonné, par décret du 30 avril dernier, une création de 300 millions, lesquels, réunis aux créations précédentes, élèvent à 2 milliards 400 millions la masse des assignats qui ont été destinés à entrer dans la circulation. Il restait hier sur cette somme celle de 172,826,781 livres. La caisse de l'extraordinaire doit encore verser à la trésorerie environ 65 millions, conformément aux décrets déjà rendus. Les remboursements et autres dépenses affectées sur la caisse de l'extraordinaire ne peuvent s'élever, dans la fin du mois, à plus de 7 millions. Il restera donc environ 100 millions pour faire face au service du mois de juillet. Mais, Monsieur le Président, il est nécessaire; ainsi que j'ai eu l'honneur de Vous le marquer, que l'Assemblée détermine jusqu'à queUe somme le maximum des assignats en circulation pourra s'élever : les dépenses jusqu'à aujourd'hui s'élèvent à 2,227,173,318 livres ; les hrûlements sont de 640,000,000 livres ; il reste en billets de caisse à échanger 10,375,100 livres. Il n'y a donc plus que 2,451,682 livres pour arriver aux 1,700 millions qui peuvent exister en circulation, aux termes au décret du 30 avril. Le service de la trésorerie pourrait manquer si l'Assemblée ne statuait que dès aujourd'hui sur cet objet. La loi m'ordonne de lui faire verser les fonds décrétés ; la loi me défend d'outrepasser les 1,700 millions qui peuvent être mis dans la circulation.
« J'ai eu l'honneur, Monsieur le Président, de vous écrire sur cet objet, le 31 mai et le
10 de ce mois. Je vous prie d'observer à l'Assemhlée que je ne pourrais garantir la chose
publique qu'en compromettant ma responsabilité; j'invoque sa prudence et sa justice dans
cette circonstance. « Il est un autre objet qui mérite la plus sé-
?u'il faut faire et les difficultés qu'il faut vaincre, lusieurs fois déjà le défaut d'ensemble et d'unité, dans tout ce qui concerne cette fabrication, a nui à son succès et a pu compromettre la chose publique; la nature et l'immensité des détails de cette fabrication exigent la surveillance directe et personnelle des agents responsables qui doivent la diriger; le salut de la patrie réclame la sollicitude de l'Assemblée sur cet objet, elle daignera sans doute excuser mon insistance à cet égard, mais personne n'a vu de plus près que moi les inconvénients d'un régime dont les vices eussent pu entraîner une cala mité publique.
« Trois objets sollicitent donc les soins les plus prompts de la part de l'Assemblée. Le maximum de la circulation, une nouvelle création d'assignats de 5 livres et l'organisation définitive de l'administration sur qui doit reposer le soin de préserver la monnaie nationale des imperfections qui nuisent à son crédit.
« Je suis avec respect, etc.
« Signé : amelot. »
, au nom du comité de l'extraordinaire des finances. Pour remplir un des objets de cette lettre, je demande à l'Assemblée d'adopter le projet de décret suivant :
« L'Assemblée natioiiale, considérant que les versements qui doivent être faits à la trésorerie nationale par la caisse de l'extraordinaire, ne sauraient être différés, sans arrêter l'activité du service du Trésor public, décrète qu'il y a urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète que l'administrateur de la caisse de l'extraordinaire est autorisé à émettre la quantité d'assignats nécessaires pour effectuer les dépenses et les versements décrétés par l'Assemblée nationale, jusqu'à ce que la. somme des assignats en circulation s'élève à 1,800 millions ».
(L'Assemblée adopte le projet de décret.)
(La séance est levée à quatre heures.)
A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE
DU
Lettre de M. Ch... au roi contre le projet de décret proposé à l'Assemblée nationale, le 12 avril 1792, relativement à la suppression des droits casuels de féodalité', projet dont l'Assemblée a ordonné l'impression (2).
Sire, je pense avec confiance que Votre Majesté voudra bien me permettre d'élever la voix contre un décret que le Corps législatif se dispose à rendre, et dont la sanction serait celle d'une violation manifeste de propriété.
Il s'a-rit, Sire, de vous porter à détruire, sans indemnité, les droits casuels appartenant aux ci-devants seigneurs. Cette simple proposition est un crime.
Lorsque l'Assemblée constituante, dans les épaisses ténèbres de la nuit du 4 août, a supprimé sans indemnité, justice, gibier, pigeon, retrait féodal, servitudes personnelles, banalités, etc., etc., elle a fait plus qu'un acte de souveraineté, mais au moins elle a respecté les droits attaqués aujourd'hui ; bientôt après, à la vérité, elle les a jugés et décrétés susceptibles de remboursement, quoiqu'ils ne le fussent point de leur nature, et bientôt, par suite, elle a fixé d'une manière extrêmement injuste, le mode de rachat, mais dans ces nouvelles atteintes dirigées contre les ci-devant seigneurs, on ne voit qu'une attaque sur l'usage de la propriété et non sur la propriété même. Cependant ce sont ces droits, jusqu'alors infiniment atténués, mais au fond respectés, dont l'Assemblée actuelle demande la suppression sans indemnité.
A suivre cette gradation, on doit s'attendre qu'il n'y aura jamais rien de stable ni de fixe, que l'Assemblée suivante demandera, à son tour, la suppression du cens et que celle d'après, si elle est moins possessionnée que les précédentes, demandera le partage des terres.
Le savant auteur des rapport et projet de décret (1), pour prouver la justice de la suppression dont il s agit, ne remonte pas tout à fait au déluge, mais il reprend les choses de fort loin, c'est des Romains, des Gaulois, des Germains, des Goths et des Bourguignons d'où il part, ce sont des vainqueurs et des vaincus dont il parle, et, en partant de cette époque, pour venir à son but; voilà comment il s'exprime.
C'était, dit-il, le fort qui faisait la loi au faible, qui voulait le tenir sous sa dépendance, lui et les fonds qu'il lui délivrait, et auxquels cependant, il devait avoir part, comme le fort, puisqu'il les avait conquis, comme lui, et qu'ils devaient être le prix de la valeur du soldat, comme du chef. La féodalité n'était donc que de la tyrannie; voilà pourquoi l'Assemblée nationale a détruit le régime féodal, et, par une conséquence monstrueuse ; après avoir détruit la cause, elle a laissé subsister un des effets le plus aggravant et le plus inique.
Avec une pareille logique, on pourrait dire à l'auteur du rapport et projet de décret : « Le
bien que vous possédez, est bien à vous, il était bien a M. votre père, à M. votre grand-père, à M. votre arrière grand-père; mais, Monsieur, votre trisaïeul l'avait mal acquis, aujourdhui, il est à moi, sans qu'il vous en soit dû la moindre indemnité. Prouvez, dirait-il, que mon trisaïeul était un usurpateur, un tyran. Prouvez-lui, dirait-on, que les vainqueurs et les vaincus ont quelque rapport à moi, qui suis un étranger nouvellement établi en France, et qui ai acheté, sur la foi des lois établies dans votre pays. »
Après avoir parlé des Gaules et des Romains, des Germains, des Goths et des Bourguignons, des vainqueurs et des vaincus, l'auteur du projet parle de Cujas, Loiseau, Dumoulin, et Carondas.
Je ne le suivrai pas dans sa savante dissertation; npn seulement, je ne suis pas assez instruit, mais même je ne crois pas nécessaire de l'être à ce point. La vérité, simple de sa nature, n'a besoin, pour toucher, d'autre appui que d'elle-même. S'il est vrai que je possède, de temps immémorial, une chose quelconque, j'ai dans ma main un titre sacré, celui de la prescription, loi honorée par tous nos anciens législateurs, comme conservatrice du repos et de la tranquillité des familles, et gardiennes des propriétés.
Ici, ce n'est point la prescription seule, qui assure aux ci-devant seigneurs la propriété des droits qu'on veut abolir aujourd'hui, sans indemnité, ce sont des titres qui se sont accumulés avant les siècles ; ce sont des terriers, des reconnaissances, des aveux, dénombrements, tous titres d'autant plus respectables, qu'ils sont faits contradictoirement avec les parties intéressées, et qu'ils partent assez communément des XIII, XIV, XV et XVIe, siècles. Notre histoire nous offre à peine, en pièces originales, des monuments plus anciens. Néanmoins, l'auteur du rapport et du projet de décret rejette tous ces titres; il veut qu'on lui présente ceux d'inféodation, c'est-à-dire des titres, des IX, X et XIe siècles, prétention bien plus ridièule encore, que si, par suite de mon premier argument, je lui disais : « Vous ne me prouvez votre filiation que par dés contrats de mariage, des actes de partage, des inventaires, je veux l'extrait du baptême de M. votre trisaïeul, sans quoi je vous regarde comme bâtard. »
L'Assemblée constituante a commis une suprême injustice, en éteignant, sans indemnité, une multitude de droits, qui tous étaient patri-monieux, s'achetaient chèrement, et dont la privation, sans indemnité, fait la ruine, oU au moins le dérangement d'un grand nombre de pères de famille, dignes d'un meilleur sort; plusieurs même, par la suppression du retrait féodal et le rachat des cens, se trouveront réduits, en peu de temps, à n'avoir plus que leur château, et à voir le principal de leur fortune se confondre partiellement avec leurs revenus sans pouvoir en tirer aucun parti.
Il s'agit aujourd'hui de savoir, si, de ce qu'on a fait une première injustice, c'est une raison d'en commettre une seconde, ou si, au contraire, c'est une raison de l'éviter.
Les cens, les servitudes réelles, les lods et ventes, le retrait féodal, ne font qu'un, ce n'est autre chose que le prix et la condition du fonds concédé. Ces concessions, critiquées aujourd'hui, ont fait autrefois le bonheur des concessionnaires. Le seigneur qui ne vendait pas des fonds de terre, à titre d'argent, les vendait à titre de charges foncières, Ce moyen doux et facile d'acquérir, appelait à la culture une plus grande
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quantité d'individus; je dis à la culture, car ce n'était point une parfaite propriété, aussi la plupart de nos auteurs lui donnent-ils le nom de bail a cens. De là naissait la retenue féodale en cas de vente, si le seigneur désirait reprendre son fonds, ou bien un payement de lods et ventes, s'il aimait mieux admettre un autre détenteur. Cette sorte d'aliénation était d'autant plus naturelle, qu'elle avait lieu dans un temps où la rareté du numéraire la rendait nécessaire. Il est certain que si les différents propriétaires d'un grand tènement, au lieu de donner des terres à cens, les eussent gardées en leurs mains, elles y seraient encore. Or, dans cette thèse, l'auteur du projet de décret, qui ne pourrait plus faire tomber son système d'Ostrogoth, de vainqueurs\et vaincus, sur les lods et ventes, puisqu'il n'y en aurait point, serait donc obligé de le faire tomber sur le partage des terres. C'est une conséquence qui dérive nécessairement de son principe. .
Il ne se trompe pas moins, Sire, quand il dit que les lods et ventes étaient dûs pour raison de la justice que les seigneurs étaient obligés de rendre à leurs vassaux ; d'où il tire la conséquence que, dès que les justices ont été supprimées, sans indemnité, il faut que les lods et ventes le soient de mêm e. Fief et justice ri ont rien de commun, voilà lejvrai principe. Jamais lods et ventes n'ont été payés à la justice, mais au fief. Les seules choses attachées aux justices se bornaient, pour l'ordinaire, aux servitudes personnelles, à la chasse, la police de la chasse, aux épaves, amendes, confiscations, droits de greffe, etc.,etc., mais jamais les droits casuels n'en ont été la dépendance.
Les autres assertions de l'auteur du rapport et projet de décret, font voir qu'il est tombé dans le délire d'une fausse érudition, et, pour ne pas y tomber moi-même, je ne les relèverai point. J'ai cependant à opposer encore à son système, deux maximes dont il a voulu l'étayer : nulle terre sans seigneur, nul seigneur sans titre. La première de ces maximes, qui s'applique à une partie dû royaume, et qui est un vrai signe de féodalité, prouve une convention presque aussi ancienne que la monarchie, et conséquemment très respectable, eut-elle été faite entre le vainqueur et le vaincu, le fort et le faible. Mais la seconde, nul seigneur sans titre, vrai signe d'allo-dialité, aurait dû l'embarrasser, car, si je n'ai pu être seigneur sans un titre, je n'ai donc jamais pu être un monstre épouvantable de féodalité, si cette maxime, nulle terre sans seigneur, met, dans les coutumes où elle a lieu, la prescription trentenaire contre moi, je ne suis donc pas un monstre de féodalité puisque je n'ai traite pour mes ventes et lods et ventes, que comme on traite pour un contrat de constitution : au lieu de constituer une rente en argent, je l'ai constituée en grains, je me suis réservé le droit de rentrer dans mon héritage, en cas de'vente; comme pour un contrat de constitution, j'ai le droit de me faire rembourser, si je vais changer de main mon hypothèque- Le mot allodial est le contraire du mot féodal-, néanmoins l'auteur du projet de décret a pris le même principe et tiré les mêmes conséquences pour l'un que pour l'autre.
Mais, sans parcourir avec lui les premiers siècles de notre monarchie, et à partir du point où nous sommes, que voit-on dans deux hommes, l'un qui achète une censive, l'autre qui achète dans la censive. On voit deux acquéreurs de bonne foi, l'un qui a acheté ce qu'on lui vendait,
et n'a pas pu acheter moins. 11 faut donc respecter la propriété de l'un et de l'autre. Ce principe est ae raison et d'équité ; la loi seule du non sens lui suffit, mais veut-on une loi écrite, elle existe en ces termes, dans le code, loi 33 de Locat : Nemo enim sibi, jure, possessionem mutare potest : d'où il résulte qu'en fait de propriété, le moindre titre fait cesser la présomption de la loi, cette loi fût-elle foncièrement juste et Contraire au titre de propriété. Et si un logicien, comme l'auteur du rapport et projet ne nie dit pas que Jus-tinien et Trébonien etaient deux aristocrate^ je peux tout aussi bien les citer dans ce qu'ils disent, que Cujas, Loiseau, Dumoulin et Carondas dans ce qu'ils ne disent pas, et assurément ni Cujas, ni Barthole, ni Loiseau, ni Dumoulin, ni Carondas, n'ont jamais prétendu, comme nos législateurs actuèls, qu'on pût dépouiller quelqu'un de sa propriété, sans l'indemniser et agir dans un royaume policé et qui a des lois, comme dans un lieu pris d'assaut. Où est donc la liberté de votre nouveau gouvernement, pourrait-on dire, est-elle dans le mot ou dans la chose. Si ? elle est dans la chose, respectez, par des lois sûres et invariables, tendant au bonheur de tous, la personne et les propriétés, car c'est là la vraie liberté et égalité politiques. Si elle n'est que dans le mot, comme la consolation fait le bonheur des malheureux, permettez-moi d'espérer que vos dispositions arbitraires, vos injustices, vos violences auront un terme.
Le propriétaire de la censive mérite d'autant plus de considération, que toucher à sa propriété, c'est le ruiner sans enrichir personne. En effet, qu'une terre qui comprend 10 à 12 paroisses de sa censive, ce qui ordinairement a lieu dans des pays pauvres et de grande étendue, ait, en droit, 'éventuels, un principal de 50,000 écus, elle aura au moins 2 à 3,000 censitaires, or, c'est ôter 50,000 écus à un seul qui.le possède légitimement, pour le diviser entre 2 ou 3,000 autres, à un titre illégitime.
Qu'on ne dise pas ici que c'est le bien et le bonheur du peuple que l'on a en vue. S'agit-il de cette chaîne de vassalités, qui de fiefs, en arrière-fiefs, unit par la prestation de foi, un seigneur à l'autre ? Ces sortes de propriétés appartiennent à gens riches et puissants. S'agit-il de simples censives, les terres qui en émanent sont, pour l'ordinaire dans les mains de la classe commune et aisée de la société, surtout de celle qui connaît parfaitement la nature et la mesure de sa propriété, et qui ne peut s'empêcher de convenir in petto que la loi proposée est injuste et criminelle.
Déjà la suppression du retrait féodal a ébranlé la fortune de plusieurs propriétaires de censives. Outre l'injustice qui règne dans la fixation du rachat, qu'on a réduit à plus vil prix, les censitaires qui vendent leurs héritages sujets à la censive, n'ayant plus à craindre la retenue féodale, ne manquent pas de déguiser le montant du prix des ventes ; ils en retranchent pour l'ordinaire, la'moitié, le plus souvent encore les trois quarts. Cette loi est donc injuste, envers le propriétaire qu'elle dépouille à son gré, de son propre fonds, et impolitique envers là société, parce que toute loi qui donne ouverture à la fraude est malsaine et immorale. Aussi l'auteur du rapport veut-il que le décret qu'il propose aujourd'hui ait la couleur de la justice, mot sacré, mais profané depuis longtemps. Voici son texte à cet égard; chaque fief, chaque seigneurie, dépendait d'un autre fief et seigneurie ,et cela re-
montait jusqu'au domaine de la Couronne qui est actuellement dans la main de la nation.
Or, si la nation affranchit celui qui relevait d'elle n'est-il pas juste qwà son tour, il affranchisse celui qui relevait de lui. Il ne pouvait vendre sa seigneurie et son domaine sans payer un droit dé mutation, il sera délivré pour toujours de ce droit odieux, et ses ci-devant vassaux, par une juste représaille, en seront aussi délivrés.
Est-ce à des tribunes que s'adresse un pareil discours ? il sera applaudi. Est-ce à des légis-teurs ? il devra être nué.
Les terres qui dépendent les unes des autres, par la vassalité et la prestation de foi, sont celles qui existent communément dans les lieux où est admise la maxime: nulle terre sans seigneur. Dans ces lieux, souvent un fief dominant, dont le seigneur suzerain est le roi a 30 fiefs ou arrière-fiefs qui lui doivent hommage et droit de mutation en cas de vente. A cet égard, quelle compensation peut s'opérer entre un droit auquel moi seigneur dominant, ne donne ouverture que quand je meure, et que mes héritiers vendent, et un droit dont je jouis, tant que je vis. Si je vends, la compensation est de 1 à 30, puisque je ne dois qu'Un droit et qu'il m'en est dû 30; si je ne vends pas, elle est tout-à-fait nulle, mais, ce qui n'est pas nul, et qui, au contraire est très sensible, c'est la privation des produits de ma fortune sur 30 arrière-fiefs, (dont les fréquentes mutations sont inappréciables pour moi, et qu'on veut aujourd'hui me ravir sans indemnité.
Ce qui est encore plus fort contre l'auteur du rapport et projet de décret, c'est la maxime, nul seigneur sans titre. Dans les provinces et les localités où cette maxime a lieu, les terres y sont plutôt des francs-alleux nobles avec justice que ae véritables fiefs ; elles ne doivent que la foi-hommage au roi, ou pour me servir des expressions coutumières, elles ne doivent que là bouche et les mains, elles sont franches et quittes de tout. Les mutations auxquelles elles sont sujettes ne donnent ouverture à aucun droit en faveur du domaine. La nation ne peut donc pas, par l'organe d'un de ses représentants, offrir pour dédommagement de la privation d'un droit qui n'existe pas. Ce serait joindre l'ironie à l'outrage, ce qui ne doit pas être le rôlëd'un représentant. Ces sortes de terres, connues dans les pays de franc-alleu, n'ont ni vassaux ni arrières vassaux ; elles ont des censitaires, des tenanciers. Ces mots seuls, par leur étymologie condamnent l'auteur du projet; car ceux qui tiennent de nous n'ont pas été opprimés par nous ; ils tiennent ce qu ils, ont, a titré ae cens, de servitudes réelles, de retrait féodal, comme un fermier tient ma ferme, à titre d'argent, de blé de charroi, de foin et de paille ; et il n'y a d'o- , dieux dans tout ceci, quel attaque qu'on y a déjà portée et qu'on y veut porter encore.- L'auteur au rapport et projet de décret parle beaucoup de l'oppression, de la tyrannie, desi usurpations commises par les seigneurs, il y a 7 à 800 ans; il en parle comme s'il l'eût vu et comme on parlerait de Morgant le Géant, ou des aventures de Robert le Diable. Je ne crois pas nécessaire de le suivre dans ces contes de fées, mais ce que je rapporterai avec étonnement, c'est l'article 6 de son projet de décret. Au milieu de l'injustice dont il s'enveloppe, il croit nécessaire d'indemniser ceux auxquels la nation avait vendu quelques-uns des droits supprimés par le présent décret, d'après l'estimation faite contradictoirement avec les procureurs généraux des départements et ce, propor-
tiônnellement au prix des ventes à eux faites.
Je demanderais a cet égard àjauteur du projet, si c'est par respect pour l'Eglise qu'il veut que celui qui a acheté d'un seigneur ecclésiastique, soit indemnisé, et que l'autre, qui a acheté le même jour et à la même heure, d'un seigneur laïque ne le soit pas. Si ce n'est pas par respect pour l'Église, je soutiens, aux termes de la Constitution, que l'un et l'autre de ces 2 acquéreurs méritent un égal dédommagement.
Pour me résumer, Sire, que résulte-t-il du décret en question ? Il en résulte que plusieurs des membres du Corps législatif actuel, sont censitaires, et que, peu à peu, sans bourse délier, ils veulent se libérer. Si ceci est dans l'ordre, il ne l'est pas que vous y donniez votre sanction.
Souffrez, Sire, que je termine ma lettre, en vous rappelant ces paroles remarquables d'un de vos augustes et malheureux prédécesseurs : Si la justice et la bonne foi, disait Jean le Bon, étaient bannies du reste dué monde, la bouche et le cœur des rois devraient être leur asile.
Je suis avec une profonde vénération, de votre Majesté, Sire,
Le très humble et très fidèle serviteur et sujet.
Séance du
PRÉSIDENCE DE M. GÉRARDIN, vice-président.
La séance est ouverte à six heures du soir.
Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres, adresses et pétitions suivantes :
1° Lettre des administrateurs du directoire du (département de la Lozère, qui informent l'Assemblée que les circonstances ont exigé de réunir momentanément des brigades de gendarmerie de la ville de Mende à celle de Marvejols, pour faire le Service auprès du tribunal criminel; cette lettre est ainsi concu f (1)
« Marvejols,
n Monsieur le Président,
« D'après la loi relative à l'organisation de la gendarmerie nationale du mois d'avril 1792, nous avons l hônneur de vous informer que nous avons été obligés de requérir une des brigades de la ville de Mende pour être momentanément réunie à celle de Marvejols, et faire en cette dernière un service commun auprès du directoire du département et du tribunal criminel. Nous aurons soin, en conséquence de la même loi, Monsieur, de Vous instruire encore de huitaine eh huitaine de la continuité du déplacement de cette brigade jusqu'à ce qu'elle soit rentrée dans sa résidence.
« Les administrateurs du directoire du département de la Lozère.
« Signé : Pelet, Cayla, Plantier, Pintard. »
Extrait des registres des délibérations du directoire dudépartement de la Lozère du 29 mai 1792.
MM. Pelet, Pintard, Pascal, Cayla, Plantier, Bes, Osty.
« Le directoire du département, le suppléant du procureur général, syndic entendu, considérant que le service actuel de l'administration est des plus pénibles et des plus pressants et que la brigade de cette ville composée, seulement de quatre gendarmes ne saurait y survenir, a arrêté : qu'il y a lieu de requérir comme il requiert d'une manière expresse et particulière le commandant de la gendarmerie nationale de résidence à Mende, de déplacer de cette dernière ville une des brigades qui y sont en séjour et de l'envoyer de suite en cette ville de Marvejols pour être aux ordres et à portée d'exécuter les réquisitions, soit tant du département que du tribunal criminel auquel effet et pour se conformer au présent: Extrait en sera adressé à M. Jaussinet, lieutenant-colonel de ladite gendarmerie, en même temps que copie sommaire de la lettre de M. Nacquard, colonel, en date du 27 de ce mois. »
2° Lettre des administrateurs du département de la Mayenne, qui invitent l'Assemblée à faire publier et à faire parvenir gratuitement à toutes les municipalités du royaume un bulletin officiel des opérations de nos armées; cette lettre est ainsi conçue (1) :
« Laval, le
Législateurs,
« Les ennemis de la Constitution s'appliquent à égarer le peuple par des milliers de fausses nouvelles qu'ils font circuler sur les événements de la guerre ; leur but est d'exciter le découragement, d'inspirer des soupçons, des inquiétudes, de fomenter l'agitation dans les esprits, même les troubles pour en tirer parti, d'empêcher les nouveaux recrutements, de rehausser enfin les espérances de leurs vils partisans, un bulletin officiel de nos armées publié gratuitement par vos ordres, et répandu dans toutes les municipalités du royaume, rendrait nuls les effets du mensonge et de la perfidie et ôterait à ceux qui ne rougissent pas d'y recourir les ressources méprisables qu'ils y trouvent. Le peuple lirait cette feuille avecd'autântplus de confiance qu'il saurait qu'elle sort du centre des vérités politiques qu'il saurait vous devoir ; dans ce moment ou le sort de nos armes va fixer celui de la France et peut-être de l'Europe, il importe que l'on sache ce que l'on doit croire ou ne pas croire. La liberté ne peut périr, elle est dans la nature et dans le cœur de tous les bons Français. Les nations esclaves mêmes commencent à la connaître et la désirent, mais vous savez de combien d'erreurs cherchent à l'envelopper les agents soudoyés de la tyrannie, comme ils exagèrent nos pertes, comme ils déguisent nos succès, comme ils tentent d'égarer l'opinion, comme ils se font des triomphes imaginaires, comme ils se disent forts et courageux, pour tâcher de voiler leur faiblesse et leur lâcheté. Législateurs, parlez vous-mêmes au peuple, il n'écoutera que vous, il ne croira que
vous, et les contre-révolutionnaires, voyant qu'il ne peuvent le tromper, se lasseront peut-être de fabriquer d'inutiles mensongés.
« Les administrateurs du directoire du département de la Mayenne.
« Signé : JoURDAN, Jousse, etc. »
3° Lettre des administrateurs du directoire du département de la Gironde, qui adressent à l'Assemblée une copie de la déclaration que les négociants de Vile de Guernesey leur ont envoyée, et par laquelle ils s'engagent solennellement à ne s'intéresser ni directement, ni indirectement, dans aucunes mesures hostiles contre la France tant que l'Angleterre sera en paix avec elle (1).
4° Lettre des administrateurs du directoire du département du Calvados, qui réclament le remboursement des frais qu'ont occasionnés la levée et l'enrôlement de 3 bataillons de volontaires qui ont été formés dans ce département.
([L'Assemblée renvoie cette demande aux comités militaire et de l'ordinaire des finances réunis.)
.5® Lettre des administrateurs du directoire du département du Bas-Rhin. Ils sollicitent l'Assemblée d'approuver l'autorisation provisoire que le directoire a cru devoir donner au directeur des douanes nationales, pour interdire la libre exportation de toutes les munitions de guerre ; cette lettre est ainsi conçue (2) :
« Strasbourg, le
« Il est de notre devoir de fixer l'attention du Corps législatif sur les dangers qui résulteraient de l'exécution de la loi du 28 septembre dernier qui permet la libre exportation des sabres, épées, poudres, salpêtres, fusils et pierres à fusils.
«1 Les circonstances actuelles paraissent exiger impérieusement la suspension de cette faculté et si vous voulez bien soumettre ces réflexions à l'Assemblée nationale, nous ne doutons pas qu'elle n'approuve l'autorisation que le directoire du département du Haut-Rhin a déjà donnée au directeur des douanes nationales de défendre provisoirement l'exportation de toutes munitions de guerre, et qu'elle ne confirme, par un décret, cette disposition qui paraît devoir être étendue à tout l'Empire français.
« Les administrateurs du département du Bas-Rhin,
« Signé : Doyen, Burger, etc. »
6° Lettre du sieur Lacosne, fondé de pouvoirs du sieur Mathieu, ci-devant religieux capucin et missionnaire en Vile de Candie, qui réclame le traitement que la loi lui accorde, en observant que son éloignement ne lui a pas permis de connaître la loi qui fixait l'époque à laquelle devait être faite sa demande et sa déclaration. : (L'Assemblée renvoie cette demande au comité de l'ordinaire des finances.)
7° Lettre de 4 députés extraordinaires des cam-
pagnes du département du Loiret, qui sollicitent de l'Assemblée une prompte décision sur la question relative aux droits féodaux, champarts et autres dont la solution intéresse particulièrement, dans les circonstances, l'ordre et la tranquillité publique; cette lettre est ainsi conçue (i) :
« Ladon,
« Monsieur le Président,
« En vertu de la «commission à nous déférée par les habitants de plus de 90 paroisses du département du Loiret, nous avons eu l'honneur de paraître le 9 mai dernier à la barre de l'Assemblée nationale et de remettre sur le bureau une pétition relative aux droits féodaux non supprimés.
«L'Assemblée a eu la bonté de nous promettre qu'elle prendrait notre pétition eu considération, et l'a renvoyée au comité féodal. Noué sommes bien persuadés que ce comité a préparé son travail à cet égard et que les grétrMes affaires qui occupent l'Assemblée ont pu seules retarder une décision attendue par tous les cultivateurs de la France. Mais nous ne pouvons vous dissimuler, Monsieur le Président, qu'il est de la plus grande importance que l'Assemblée s'explique prompte-ment à ce sujet, la tranquillité intérieure de la France en dépend. Les approches de la moisson nécessitent l'émission d'un décret clair et précis, qui ôte toute matière de discussion entre les cultivateurs et les propriétaires de champarts et autres droits ci-devant féodaux, et qui éloigne pour toujours les nouveaux malheurs qui pourraient résulter de ces interminables disputes. Nous vous prions donc instamment, Monsieur le Président, ae vouloir bien remettre cette affaire sous les yeux de l'Assemblée dont nous connaissons la justice et le zèle infatigable.
« Nous sommes, etc.
« Les 4 députés extraordinaires du département du Loiret.
« Signé:charrier, Bruey,
Loiseau, Rocher. »
8° Adresse d'un grand nombre de citoyens de la garde nationale de la ville de Moulins, qui demandent que le service de la garde nationale, dans tout 1 Empire, ne puisse être fait que personnellement, et non par remplacement.
9° Adresse des officiers, sous-officiers et canon-niers du corps des canonniers-matelots, qui font parvenir à l'Assemblée le juste tribut de leur reconnaissance, relativement à la nouvelle organisation des troupes de l'artillerie et de l'infanterie de marine. Ils protestent de leur inviolable attachement à leurs devoirs.
déclare être Assemblée nationale (2), intitulé : Les complots et avis de la garde nationale, dans lequel il a donné l'indication de projets criminels ourdis contre le roi et contre la Constitution. Il annonce que la suite des propos tenus dans le public lui en a encore dévoilé la chaîne,; que la persécution que son écrit éprouve lui fait croire plus que jamais à
la réalité des projets et qu'il ne cessera de lutter contre les ennemis qui s'acharnent à troubler l'ordre et à avilir les autorités constituées.
(L'Assemblée renvoie cette lettre aux comités de législation et de surveillance réunis.)
11° Adresse des citoyens de la ville d'Arras qui invitent l'Assemblée à adopter le projet qui lui a été présenté par le ministre de la guerre, pour le rassemblement, à Paris, à l'époque du 14 juillet, de 20,000 gardes nationales tirées des 83 départements; cette adresse est ainsi conçue (1) :
« Arras, le
« Représentants et législateurs,
« Tous les défenseurs de la liberté nationale ne sont pas aux frontières, la France renferme encore beaucoup d'intrépides citoyens.
« Oui, le ministre de la guerre a pressenti le vœu national. Parlez et nous choisirons 5 volontaires par canton» pour aller au 14 juillet renouveler au Ghamp-de-Mars le serment fédé-ratif des Français, tandis que, dans tout l'Empire, nous jurerons d'exterminer tous les ennemis de l'égalité et de la liberté. Hâtez-vous de prononcer ce décret salutaire et mettez-vous a portée de faire des choix exempts de toutes vues cupides et de toutes intentions liberticides.
« Déclarez que tous ceux qui voudront être pour un an les défenseurs exprès de nos lois et de nos représentants dans un camp près de Paris, seront tenus d'adresser leur nom au chef-lieu de district et que la liste des candidats soit renvoyée par les procureurs-syndics au chef-lieu de canton, affichée 8 jours à l'avance dans chaque municipalité et communiquée à chaque assemblée primaire afin de les mettre à portée de porter leurs suffrages sur les plus fidèles amis du bonheur public.
« Représentants,
« Adoptez ce nouveau moyen d'affermir l'unité de l'association française et de consolider la fraternité qui nous unit tous, de partager les travaux et les dangers de nos frères de Paris.
Les amis de la Constitution citoyens d'Arras. »
et les
(Suivent les signatures.)
Plusieurs membres : La mention honorable au procès-verbalt
(L'Assemblée ordonne qu'il sera fait mention honorable de cette adresse au procès-verbal.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture de 11 lettres adressées à l'Assemblée par divers citoyens de la gardé nationale de Paris, qui tous révoquent les signatures et désavouent l'adhésion qu'ils ont donnée à la pétition présentée au Corps législatif pour la révocation au décret qui ordonne le rassemblement à Paris de 20,000 gardes nationales levées dans les 83 départements. Ils ajoutent que leur bonne foi a été surprise par les manœuvres de l'état-major de la garde nationale parisienne.
(L'Assemblée renvoie ces lettres aux comités de législation et de surveillance réunis.)
Une députation de citoyens et de citoyennes de la rue Féron, section du Luxembourg, est admise à la barre et offre à la patrie 60 livres en espèces. (.Applaudissements.)
accorde à la députation les honneurs de la séance.
Un de MM. les secrétaires annonce les dons patriotiques suivants :
1° Les membres patriotes de la municipalité de Saintes envoient 130 livres en assignats et 15 livres en espèces.
2° Le procureur de la commune de Rayonne envoie, pour le compte de la Société des Amis de la Constitution, séante en cette ville, 2,100 livres en assignats et une quittance de 24 livres 8 sols.
3° La société des Amis de la Constitution de Castelnaudary envoie 320 livres en assignats et 234 livres 6 sols en espèces, en un bon de la poste.
4° Le sieur Piet fait don de 320 livres pour prime de deux captifs qu'il a introduits à Cayenne ; cette somme lui est due par la nation.
5° Un inconnu envoie 200 livres en assignats et 102 livres en espèces.
6° Un inconnu envoie 9 livres en espèces et 131 livres en assignats.
dépose sur le bureau, au nom de la société des Amis de la Constitution de Sé-zanne, 24 livres en espèces d'or; 34 livres 4 sols en espèces d'argent et 146 livres 15 sols en assignats.
(L'Assemblée accepté toutes ces offrandes avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal dont un extrait sera remis à ceux des donateurs qui se sont fait connaître.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre de M. Guy on, adjudant-général de la 3® légion de la garde nationale parisienne, qui réclame contre les calomnies que les citoyens du bataillon de Saint-Laurent se sont permis contre lui à la barre de l'Assemblée (1); cette lettre est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« Ce n'est pas sans surprise ni sans indignation, que j'ai lu hier, dans le journal du
soir, que les gardes nationaux du bataillon de Saint-Laurent s'étaient présentés à la barre
de l'Assemblée nationale pour censurer la conduite de l'état-major de la garde nationale, et
me dé-noncer comme leur ayant lu la pétition présentée la veille, au nom dè 8,000 gardes
nationaux, et que, non contents de ce premier acte de fausseté, ils m'avaient encore accusé
d'avoir distribué d'affreux libelles. Si je n'avais l'honneur d'être fonctionnaire public,
je ne ferais aucune attention à cette dénonciation ; mais en cette qualité, je dois une
justification à l'Assemblée où j'ai été calomnié, aux citoyens et à moi-même, afin de ne pas
laisser subsister un seul instant un soupçon injurieux dont les suites doivent
nécessairement nuire à la confiance que ma place exige. Je dois en conséquence vous
instruire, Monsieur le Président, que depuis la création de la garde nationale, la
municipalité,
10 bataillons qui la composent. Chaque adjudant reporte ces pétitions dans son bataillon, et les lui communique. Voilà, Monsieur le Président, la manière dont se fait cette distribution.
11 est du devoir de ma place de la surveiller, et j'ai cela de commun avec les 5 autres adjudants dés 5 autres légions. Telle est ma Conduite, Monsieur le Président. Soldat de 1780/ferme dans mes principes, j'ai juré de maintenir la Constitution, d'être fidèle à la nation, à la loi et au roi; je saisis avec empressement cette occasion de renouveler en vos mains un serment si cher à à tous les bons Français. Je vous prie, Monsieur le Président, d'engager le comité de surveillance, et je l'attends de votre justice, à faire les recherches les plus scrupuleuses sur cette affaire et de la rapporter le plus promptement possible.
« Je suis avec respect, etc.
« Signé : GUYON. »
(L'Assemblée renvoie cette lettre aux comités de législation et de surveillance réunis.)
5» Lettre de M. Chomel qui adresse à l'Assemblée un mémoire dans lequel il indique les moyens qu'il croit propres à rétablir le crédit des assignats.
(L'Assemblée renvoie le mémoire aux comités de l'ordinaire et de l'extraordinaire des finances réunis.)
Un membre propose que la commune de Bayonne soit autorisée, conformément à la demande qu'elle en a déjà faite, à nommer un second juge de paix pour cette ville.
(L'Assemblée renvoie cette proposition au comité de division.)
Messieurs, je dois vous rendre compte d'un fait qui mérite toute votre attention. Un des meilleurs citoyens de la villë de Strasbourg, M. Georges Schertz, père d'une nombreuse famille et fortement attaché à la Constitution, juge de paix et membre du conseil général du département du Bas-Rhin, obligé pour une affairé de commerce, de passer le Rhin, muni d'un excellent passeport de la municipalité, a été arrêté à Urloffen, dans l'Ortenau, par un officier autrichien et conduit à Fribourg. La municipalité, instruite de cette arrestation, a demandé à l'officier autrichien pourquoi on avait arrêté un citoyen passant le Rhin pour affaire de commerce- La reponse qu'elle a reçue portait que ce citoyen, étant inscrit dans la garde nationale, devait être regardé comme militaire, et que, comme tel, il était fait prisonnier de guerre. Je crois que cela doit mériter d'autant plus votre attention que nous sommes tous inscrits dans la garde nationale. Je demande que ce fait soit renvoyé aux comités diplomatique et militaire, pour délibérer sur les mesures à prendre dans ces circonstances et présenter un projet de décret à ce sujet.
J'ajpute que, quoique l'on ait dit ce matin que toutes les places des départements du Haut et ]Bas-Rhin étaient en très bon état, il n'en èstpas
moins vrai que nous avons fort peu de troupes, que les Autrichiens rassemblent presque toutes leurs forces de ce côté, et que l'on nous amuse du côté du Nord, pour nous attaquer après cela par ces départements.
Je demande donc, en outre, que le pouvoir exécutif soit chargé de rendre compte du nombre des troupes que contient chacune de nos places fortes, et je vous prie de ne pas vous laisser endormir.
Lorsque je vous ai annoncé que nos places étaient en état de défense, je n'ai entendu parler que des fortifications; car pour ce qui concerne l'état des troupes, vous sentez que ceux qui résident ici depuis 8 mois ne peuvent le garantir.
Plusieurs membres demandent sur ce dernier point la question préalable.
(L'Assemblée renvoie la première proposition de M. Rulh aux comités diplomatique et militaire réunis, et décrète qui! n'y a pas lieu à délibérer sur sa seconde proposition.)
, au nom de la commission de surveillance pour la fabrication des assignats, fait un rapport (1) et présente un projet de décret sur un concours à ouvrir pour la fabrication des assignats; il s'exprime ainsi :
Messieurs, de nouveaux assignats, de nouvelles coupures vont entrer incessamment en circulation ; mais déjà, Messieurs, vous prévoyez la nécessité de remplacer dans un temps peu éloigné les assignats de 5 livres qu'une circulation rapide a déjà détériorés en partie. Déjà vous sentez la nécessité de substituer à ce papier national, qu'une émission précipitée et l'inexpérience en cé genre ont laissé très imparfait, un assignat plus soigné, plus difficile à imiter et plus convenable. Ce renouvellement, dont quelques circonstances peuvent commander la prompte exécution, est donc inévitable, et dès lors il convient d'adopter, en avance et dès à présent, tous les moyens d'économie et de perfection dont ce renouvellement est susceptible.
Sans cette précaution vous né pouvez, Messieurs, obtenir dans les prix de fabrication les réductions que vous avez droit d'attendre ;
Vous ne pouvez assurer à la nation cette indépendance dans le choix des divers fabricateurs, indépendance sans laquelle on ne peut se flatter d'obtenir aucun avantage dans les assignats et coupures, qu'il faudra substituer à ceux actuellement circulants.
Les lenteurs et les embarras se reproduiront au moment ^)eut-être où le renouvellement exigera la plus grande célérité; et le renchérissement déjà très sensible dans le chiffon, cette matière première, sera porté à un degré alarmant.
On sait que pour obtenir des résultats certains, il 'faut - que les épreuves soient réitérées longtemps avant l'émission; on sait qu'une refonte générale des assignats circulant, préparée en avance et promptement exécutable, peut seule rassurer le peuple Sur les désordres que la contrefaçon peut produire, et déjouer les projets criminels des contrefacteurs.
Ces motifs d'utilité publique n'ont pointéchappé sans doute à votre comité des assignats
et monnaies, et peut-être a-t-il à vous faire quelques
Votre commission de surveillance pour les assignats vous propose donc, Messieurs, d'établir actuellement un concours pour toutes les parties relatives à la fabrication des assignats, et d'ordonner que votre comité des assignats et monnaies recevra, dèt à présent, les diverses soumissions, Soit pour la fourniture du papier ordinaire, ou fabriqué avec toute autre matière plus commune et plus économique, soit pour l'impression, la gravure ou le timbrage, et généralement pour toutes les parties qui entrent dans la composition des assignats et coupures en circulation, ou tels qu'on pourrait les obtenir au moyen des nouveaux procédés que peuvent offrir l'expérience et l'industrie perfectionnées.
Votre choix une fois fait, les formes, le prix de fabrication, les délais accordés pour la fabrication et les genres de responsabilité étant déterminés, l'exécution en sera confiée à des artistes ou entrepreneurs éprouvés, qui s'assureront en avance des ouvriers, d'un local, des machines et des matières premières.
L'exercice de la surveillance deviendra plus facile, l'exécution plus prompte; et la nation, instruite de l'époque où elle pourra jouir de ce renouvellement utile, attendra sans impatience cette mesure salutaire.
Telles sont les principales considérations, Messieurs, qui ont fait adopter à votre commission de surveillance pour les assignats, le projet de décret que j'ai l'honneur de vous soumettre.
Projet de décret.
« L'Assemblée nationale voulant adopter en avance tous les moyens d'économie, de perfection et de célérité dans le renouvellement des assignats ou coupures, que les circonstances peuvent nécessiter; considérant que pour obtenir ces avantages, il est nécessaire d'ouvrir, longtemps avant ce renouvellement, un concours pour les entrepreneurs ou artistes jaloux de mériter là préférence par dès procédés nouveaux, plus prompts, plus économiques et plus ingénieux dans la fabrication du papier, l'impression, le timbrage et autres parties accessoires de l'assignat, décrète :
« Art. 1er. Le comité des assignats et monnaies est dès à présent chargé de
recevoir les diverses propositions des artistes ou entrepreneurs qui voudront concourir à la
fabrication et fourniture du papier actuellement employé poUr les assignats, ou de tel autre
papier jugé plus convenable : on y recevra également les autres propositions relatives à
l'impression, gravure, timbrage, ou autres parties, accessoires servant à compléter ou
perfectionner les assignats.
« Art. 2. Ilsera ouvert à cet effet, au secrétariat du cornité des assignats et monnaies, un registre sur lequel seront inscrits, d'un côté, les noms des soumissionnaires et leur domicile; « Le prix de leUr soumission ; « Lès quantités qu'ils s'obligeront de fournir ; « Le délai par eux demandé pour ces fournitures;
« Et enfin la nature et la valeur du cautionnement par eux offert.
« Et de l'autre côté du registre seront appliqués les échantillons de l'espèce du papier par eux proposé, ainsi que les diverses épreuves en gravure, impression, timbrage ou autres parties accessoires.
« Art. 3. Ce registre sera ouvert à cet eff t jusqu'au 31 décembre prochain, terme fixé pour le concours, et à l'expiration duquel la préférence sera accordée à celui des artistes ou entrepreneurs, qui, sur le rapport du comité des assignats et monnaies, aura présenté les résultats les plus certains et les plus avantageux pour la nation, soit pour la fabrication au papier actuellement employé, soit pour un nouveau papier, soit enfin pour toute autre partie accessoire de l'assignat, comme l'impression, la gravure, le timbrage, ou autre caractère additionnel d'une utilité reconnue.
« Art. 4. Immédiatement après que la préférence aura été accordée, l'Administration spécialement chargée de surveiller le renouvellement des assignats et coupures, s'occupera de la confection des marchés et de leur exécution. »
(L'Assemblée ordonne l'impression du rapport et du projet de décret èt ajourne la discussion.)
, au nom des comités de l'extraordinaire des finances et des assignats et monnaies réunis (1 j, soumet à la discussion un projet de décret sur l'établissement d'une nouvelle Administration pour la confection des assignats ; ce projet de décret est ainsi conçu :
Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, informée que le défaut d'unité qui a eu lieu jusqu'à ce jour dans les différentes parties de l'Administration concernant la confection des assignats, a nui souvent à la célérité comme à la perfection de leur fabrication ; voulant empêcher ces inconvénients de se reproduire, et considérant que les opérations nécessaires pour l'achèvement des petites coupures, décrétées les 17 et 23 décembre 1791, exigent des dispositions qu'il est convenable de confier incessamment à des administrateurs qui, libres de toutès autres fonctions, puissent en suivre les détails dans toute leur étendue ; après avoir entendu le rapport de ses comités de l'extraordinaire des finances et des assignats réunis, décrète qu'il y a urgence.
Décret définitif.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
« Art. ler. Il sera établi, pour la fabrication des assignats,
une Administration particulière, sous le nom de direction pour la fabrication des assignats.
« Art. 2. Cette Administration n'appartiendra à aucun département du ministère.
« Art. 3. Elle sera composée de 3 commissaires nommés par le roi, dont chacun aura un
traitement annuel de 9,000 livres, et fournira un eau-
«Art. 4. L'Administration ainsi formée dirigera les opérations, fera les conventions et passera tous les marchés nécessaires pour la confection des assignats, depuis le moment de leur création, jusqu'à leur remise dans la caisse à trois clefs; mais aucuns desdits marchés ne pourront être exécutés qu'en vertu d'un décret du Corps législatif sanctionné par le roi.
« Art.' 5. La surveillance la plus immédiate des directeurs devant avoir pour objet les travaux de la gravure,1 de l'impression, du timbrage, et les autres opérations nécessaires pour donner aux assignats le caractère de monnaie, ils nommeront et ils auront sous leurs ordres, dans chaque papeterie, des inspecteurs chargés de diriger la fabrication du papier.
« Art. 6. Ils auront également à leur nomination et sous leurs ordres des employés pour la signature, le numérotage, le timbrage et le comptage des assignats. Leur nombre et leur traitement seront réglés, par l'Assemblée nationale, sur les états qui lui seront remis par les-dits commissaires à chaque fabrication.
« Art. 7. Chaque inspecteur aux papeteries recevra 300 livres par mois, pour ses appointements pendant la durée de son service. Les fonctions desdits inspecteurs dans les ateliers seront celles qu'y remplissent aujourd'hui les commissaires du roi.
« Art; 8. L'Assemblée nationale continuera d'envoyer aux papeteries, des commissaires pris dans son sein, pour assister aux délivrances et surveiller les fabrications.
« Art. 9. Le papier fabriqué suivant les formes et dans les quantités prescrites par les décrets, , continuera d être déposé aux archives au fur et à mesure de la fabrication ; à cet effet il sera compté, ficelé et scellé des doubles cachets de la direction et du commissaire de l'Assemblée nationale ; le3 rames ainsi formées seront comptées et pesées ; et le procès verbal qui en sera fait sera signé du fabricant, de l'inspecteur et du commissaire de l'Assemblée nationale.
« Art. 10. Le procès-verbal du dépôt aux archives sera signé par un des directeurs et par l'archiviste; celui de la sortie des archives le sera également des directeurs entre les mains desquels le papier sera remis, et d'un commissaire de l'Assemblée nationale.
« Art. 11. Immédiatement après chaque fabrication seront également déposés aux archives de l'Assemblée nationale, et n'en pourront sortir qu'en vertu d'un décret, les formes, planches, coins, poinçons, matrices et autres ustensiles qui auront servi tant à la fabrication du papier qu'à son impression, èt autres opérations ordonnées pour sa conversion en assignats.
« Art. 12. Les commissaires établis par le présent décret, devant être présents en personne ou par le moyen de leurs agents à tous les mouvements relatifs à la confection des assignats, deviendront responsables de toutes les erreurs de compte qui pourraient avoir lieu, jusqu'au moment de la remise desdits assignats dans la caisse à trois clefs.
« Art. 13. A l'effet de ladite remise, et lorsque les assignats auront acquis tous les caractères qui peuvent leur donner cours de monnaie, ils seront comptés contradictoirement par les directeurs de la fabrication et le trésorier de la caisse de l'extraordinaire, en présence de l'administrateur de ladite caisse et d un commis-
saire de l'Assemblée nationale. Le récépissé donné par le trésorier et visé par le commissaire administrateur de la caisse de l'extraordinaire, opérera la décharge des directeurs.
« Art. 14. Chaque versement à la caisse à trois clefs aura lieu tous les mercredi et samedi de chaque semaine ; il, comprendra les assignats terminés dans l'intervalle des versements.
p Art. 15. Les assignats ainsi comptés seront déposés dans la caisse à^rois clefs. Le trésorier apposera son cachet sur chaque paquet, à l'effet de les reprendre dans cet état à leur sortie de ladite caisse, qui n'aura lieu qu'en vertu* d'un décret de l'Assemblée nationale.
t Art. 16. Les trois clefs de ladite caisse continueront d'être remises, l'une à un commissaire de l'Assemblée nationale, l'autre au commissaire du roi près la caisse de l'extraordinaire, et la troisième au trésorier de ladite caisse de l'extraordinaire.
« Art. 17. Il sera établi un registre en partie double, paraphé par les commissaires de l'Assemblée nationale èt l'administrateur de la caisse, sur lequel seront portées toutes les entrées et sorties de là caisse à trois clefs; il en sera fait procès-verbaux ; les commissaires et l'administrateur signeront chaque article de crédit et de débet, lors des rentrées et sorties de ladite caisse. Ledit registre restera toujours enfermé dans la caisse à trois clefs, et n'en sortira que lorsqu'il sera rempli, pour être déposé aux archives.
« Art. 18. Les directeurs établis par le présent décret, ou, en attendant leur nomination, le ministre des contributions publiques, sous sa responsabilité, est autorisé à faire dans les bâtiments ae la mensé conventuelle de la ci-devant abbaye de Saint-Germain-des-Prés, toutes dispositions nécessaires pour réunir dans le même lieu le plus grand nombre possible des parties relatives a la fabrication des assignats.
« Art. 19. Aucuns propriétaires, locataires ou autres ne pourront être troublés dans la jouissance ou propriété d'aucune dépendance de ladite abbaye, sans que lesdits locataires ou propriétaires aient touché l'indemnité juste et préalable qui pourra être due conformément au titre premier ae la Constitution.
« Art. 20. Les commissaires-directeurs auront letir logement dans le lieu de la fabrication, et ils disposeront de la partie nécessaire pour l'établissement de leurs bureaux.
« Art. 21. Sur l'aperçu qui sera par eux donné pour subvenir aux premières dépenses desdits établissements, il sera versé par la caisse de l'extraordinaire et mis par la trésorerie nationale, à leur disposition, la somme de... dont le montant, ainsi que celui de toutes les autres sommes dont ils pourront disposer à l'avçnir, ne sera par eux touché qu'en vertu d'une ordonnance du roi, contre-signée par le ministre de l'intérieur.
« Art. 22. Les dispositions ordonnées par le présent décret n'auront lieu que pour la fabrication des assignats à décréter, et pour la continuation des opérations relatives aux assignats de 25 livres, 10 livres et au-dessous, décrétés les 17 et 23 décembre 1791. En conséquence, la dernière création de 300 millions décrétée le 30 avril dernier, continuera de se faire suivant les formes et sous les responsabilités qui ont eu lieu jusqu'à ce jour.
« Art. 23. Les commissaires-directeurs remettront tous les 8 jours, à l'Assemblée nationale, un état de situation de la fabrication de chaque
nature d'assignats, afin que dans tous les temps il lui soit facile de comparer le degré d'avancement desdites fabrications avec les besoins du service.
« Art. 24. Ils seront, de plus, chargés de l'examen et vérification de tout ce qui "est relatif à la fabrication des faux assignats.
« Art. 25. Leurs emplois dureront tout le temps de la fabrication des assignats, et ils ne seront destituables qu'en vertu d'un décret du Corps législatif.
« Art. 26. A la fin de chaque fabrication, il sera procédé, en présence d'un commissaire de l'Assemblée nationale, au brùlement de tous les assignats fautés, tantàrimprimeriequ'autimbre, ou pendant les autres opérations nécessaires pour leur donner cours de monnaie. » « Art. 27. Les commissaires-administrateurs
Erésenteront à l'Assemblée nationale, dans la uitaine, à compter du jour de leur nomination, un état de la situation actuelle.de la fabrication des assignats confiée à leur surveillance, avec l'indication des moyens propres pour l'accélérer ; et dans la quinzaine, à compter également du jour de leur nomination, ils fourniront l'état des dépenses à faire pour les frais de l'établissement de leurs bureaux. »
, rapporteur, donne successivement lecture du décret d'urgence et des articles 1 et 2 qui sont adoptés sans discussion; puis de l'article 3 qui est ainsi concu :
« Art. 3. Elle sera composée de 3 commissaires nommés pair le roi, dont chacun aura un traitement annuel de 9,000 livres, et fournira un cautionnement en immeubles, qui ne pourra être moindre de 100,000 livres. »
Plusieurs membres demandent que l'on réduise à 6,000 livres le traitement de 9,000 livres proposé par le commissaire.
Plusieurs membres demandent la question préalable sur l'amendement.
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'amendement et adopte l'article 3.)
, rapporteur, donne successivement lecture des articles 4, 5 et 6 qui sont adoptés sans discussion, puis de l'article 7 qui est ainsi conçu :
« Art.. 7. Chaque inspecteur aux papeteries recevra 300 livres par mois, pour ses appointements, pendant la durée de son service. Les fonctions desdits inspecteurs dans les ateliers seront celles qu'y remplissent aujourd'hui les commissaires du roi. »
Plusieurs membres proposent de porter le traitement des inspecteurs à 'îOO livres par mois, au lieu de 300 livres proposées par les comités.
D'autres membres demandent que ce traitement soit réduit à 200 livres par mois.
D'autres membres demandent la question préalable sur les amendements.
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur les amendements et adopte l'article 7.)
, rapporteur, donne successivement lecture des articles 8, 9, 10, 11, 12 et 13 qui sont adoptés sans discussion; puis de l'article 14 qui est ainsi conçu:
« Art. 14. Chaque versement à la caisse à trois clefs aura lieu tous les mercredi et samedi de chaque semaine ; il comprendra les assignats terminés dans l'intervalle des versements. Un membre demande, par amendement, que
le versement des assignats à la caisse à trois clefs se fasse tous les jours.
(L'Assemblée adopte l'amendement, puis l'article 14.)
, rapporteur, donne successivement lecture des articles 15, 16 et 17 qui sont adoptés sans discussion, puis de l'article 18 qui est ainsi conçu :
« Art. 18. Les directeurs établis par le présent décret, ou, en attendant leur nomination, le ministre des contributions publiques, sous sa responsabilité, est autorisé à faire nans les bâtiments de la mense conventuelle de la ci-devant abbaye de Saiht-Germain-des-Prés, toutes dispositions nécessaires pour réunir dans le même lieu le plus grand nombre possible des parties relatives à la fabrication des assignats. »
Plusieurs membres demandent que l'on fasse connaître l'état de la dépense relative aux établissements proposés.
D'autres membres: La question préalable sur l'article !
, rapporteur. Je propose la rédaction suivante pour l'article 18 :
« Les directeurs établis par le présent décret, continueront, pour le placement du timbre des petits assignats, les dispositions auxquelles le ministre des contributions publiques était,auto* risé par le décret du 9 juin dernier. » (L'Assemblée adopte cette rédaction.) M. Fouquet, rapporteur, donne lecture de l'article 19 ainsi conçu :
« Art. 19. Aucuns propriétaires, locataires ou autres, ne pourront être troublés dans la jouis? sance ou propriété d'aucune dépendance ae ladite abbaye, sans que lesdits locataires ou propriétaires aient touché l'indemnité juste et préalable qui pourra être due conformément au titre premier de la Constitution. Plusieurs membres t La question préalable ! (L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu de délibérer sur l'article 19.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 20, qui devient article 19, et qui est ainsi conçu:
« Art. 20. Les commissaires-directeurs auront leur logement dans le lieu de la fabrication, et ils disposeront de la partie nécessaire pour l'établissement de leurs bureaux. » ct Plusieurs membres : La question préalable ! (L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'article 20.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 21, qui devient article 19, et qui est ainsi concu :
« Art. 21. Sur l'aperçu qui sera par eux donné pour subvenir aux premières dépenses desdits établissements, il sera versé parla caisse de l'extraordinaire et mis par la Trésorerie nationale, à leur disposition, la somme de.....dont le montant, ainsi que celui de toutes les autres sommes dont ils pourront disposer à l'avenir, ne sera par eux touché qu'en vertu d'une ordonnance du roi, contfe-signée par le ministre de l'intérieur. » Plusieurs membres : L'ajournement ! (L'Assemblée ajourne l'article 21.) M. Fouquet, rapporteur, donne successivement lecture des articles 22 et 23, qui deviennent articles 19 et 20, et qui sont adoptés sans discussion, de l'article 24, qui devient article 21, et qui
est adopté sauf rédaction, enfin de l'article 25, 26 et 27, qui deviennent 22, 23 et 24 et qui sont adoptés sans discussion.
Suit le texte définitif du décret rendu :
Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, informée que le défaut d'unité qui a eu lieu jusqu'à ce jour dans les parties de l'administration concernant la confection des assignats, a nui souvent à la célérité comme à la perfection de leur fabrication ; voulant empêcher ces inconvénients de se reproduire, et considérant que les opérations nécessaires pour l'achèvement des petites coupures décrétés les 17 et 23 décembre 1791, exigent des dispositions qu'il est convenable de confier incessamment à des administrateurs, qui, libres de toutes autres fonctions, puissent en suivre les détails dans toute leur étendue; après avoir entendu le rapport de ses comités de l'extraordinaire des finances et des assignats réunis, décrète qu'il y a urgence.
Décret définitif.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
Article 1er.
« Il sera établi, pour la fabrication des assignats, une administration particulière, sous le nom de Direction pour la fabrication des assignats.
Art. 2.
« Cette administration n'appartiendra à aucun département du ministère.
Art. 3.
« Elle sera composée de trois commissaires nommés par le roi, dont chacun aura un traitement annuel de 9,000 livres, et fournira un cautionnement en immeubles, qui ne pourra- être moindre de 100,000 livres.
Art. 4.
« L'administration, ainsi formée, dirigera les opérations, fera les conventions et passera tous les marchés nécessaires pour la confection des assignats, depuis le moment de leur création, jusqu'à leur remise dans la caisse à 3 clefs; mais aucuns desdits marchés ne pourront être exécutés qu'en vertu d'un décret du Corps législatif sanctionné par le roi.
Ar. 5.
« La surveillance la plus immédiate des directeurs devant avoir pour objet les travaux de la gravure, de l'impression, du timbrage et les autres opérations nécessaires pour donner aux assignats le caractère de monnaie, ils nommeront et ils auront sous leurs ordres, dans chaque papeterie, des inspecteurs chargés de diriger la fabrication du papier.
Art. 6.
« Ils auront également à leur nomination et sous leurs ordres des employés pour la signature, le numérotage, le timbrage et le comptage des assignats. Leur nombre et leur traitement seront
réglés par l'Assemblée nationale, sur les états qui sèront remis par lesdits commissaires à chaque fabrication.
Art. 7.
« Chaque inspecteur aux papeteries recevra 300 livres par mois, pour ses appointements, pendant la durée de son service. Les fonctions desdits inspecteurs dans les ateliers seront celles qu'y remplissent les commissaires du roi.
Art. 8.
« L'Assemblée nationale continuera d'envoyer aux papeteries des commissaires pris dans son sein pour assister aux délivrances et surveiller les fabrications.
Art. 9.
« Le papier fabriqué suivant les formes et dans les quantités prescrites par les décrets, continuera d'être déposé aux archives au fur et à mesure de la fabrication : à cet effet, il sera compté, ficelé et scellé des doubles cachets de la direction et du commissaire de l'Assemblée nationale; les rames, ainsi formées, seront comptées et pesées, et le procès-verbal qui en sera dressé, sera signé du fabricant, de l'inspecteur et du commissaire de l'Assemblée nationale.
Art. 10. .
« Le procès-verbal du dépôt aux archives sera signé par un directeur et par l'archiviste; celui de la sortie des archives le sera également des directeurs entre les mains desquels le papier sera remis, et d'un commissaire de l'Assemblée nationale.
Art. 11.
Immédiatement après chaque fabrication, seront également déposés aux archives de l'Assemblée nationale, et n'en pourront sortir qu'en vertu d'un décret, les formes, planches, coins, poinçons, matrices, et autres ustensiles qui auront servi tant à la fabrication du papier qu'à son impression, et autres opérations ordonnées pour sa conversion en assignats.
Art. 12.
« Les commissaires établis par le présent décret devant être présents en personne, ou par le moyen de leurs agents, à tous les mouvements relatifs à la confection des assignats, deviendront responsables de toutes les erreurs de compte qui pourraient avoir lieu, jusqu'au mo-moment de la remise desdits assignats dans la caisse à 3 clefs.
Art. 13.
. « A l'effet de ladite remise, et lorsque les assignats auront acquis tous les caractères qui; peuvent leur donner cours de monnaie, ils seront comptés contradictoirement par les directeurs de la fabrication et le trésorier de la caisse de l'extraordinaire, en présence de l'administrateur de ladite caisse et d'un commissaire de l'Assemblée nationale. Le récépissé donné par le trésorier, et visé par lé commissaire administrateur de la caisse de l'extraordinaire, opérera la décharge des directeurs.
Art. 14.
« Chaque versement à la caisse à 3 clefs aura lieu tous les jours: il comprendra les assignats terminés dans les 24 heures.
Art. 15.
« Les assignats, ansi comptés, et déposés dans la caisse à 3 clefs, n'en pourront sortir que dans les formes prescrites par la loi du 15 décembre 1790, sur l'organisation de la caisse de la caisse de l'extraordinaire.
Art. 16.
« Les 3 clefs de ladite caisse continueront d'être remises, l'une à un commissaire de l'Assemblée nationale, l'autre au commissaire du roi près la caisse de l'extraordinaire, et la troisième au trésorier de ladite caisse de l'extraordinaire.
Art. 17.
« Il sera établi un registre en parties doubles, paraphé par les commissaires de l'Assemblée nationale et l'administrateur de la caisse, sur lequel seront portées toutes les entrées èt sorties de la caisse à 3 clefs, il en sera fait procès-verbaux; les commissaires et l'administrateur signeront chaque article de crédit et de débet, lors des rentrées et sorties de ladite caisse. Ledit registre restera toujours enfermé dans la caisse à 3 clefs, et n'en sortira que lorsqu'il sera rempli, pour être déposé aux archivés.
Art. 18.
« Les directeurs établis par le présent décret, continueront, pour le placement du timbre des petits assignats, les dispositions auxquelles le ministre des contributions publiques était autorisé par le décret du 9 juin dernier.
Art. 19.
« Les dispositions ordonnées par le présent décret, n'auront lieu que pour la fabrication dès assignats à décréter, et pour la continuation des opérations relatives aux assignats de 25 livres, 10 livres et au-dessous, décrétés les 17 et 23 décembre 1791. En conséquence, la dernière création de 300 millions, décrétée le 30 avril dernier, continuera de se faire suivant les formes, et sous les responsabilités qui ont eu lieu jusqu'à ce jour.
Art. 20.
« Les commissaires^directeurs remettront tous les 8 jours, à l'Assemblée nationale, Un état de situation de la fabrication de chaque nature d'assignats, afin que, dans tous les temps, il lui soit facile de comparer le degré d'avancement desdites fabrications avecles besoins du service.
Art. 21.
« Ils seront de plus chargés, relativement à l'examen, et Vérification des faux assignats, des fonctions attribuées au commissaire du roi près la caisse de l'extraordinaire, par la loi du 17 février 1792.
Art. 22.
« Leurs emplois dureront tout le temps de la
fabrication des assignats et ils ne seront destituâmes qu'en vertu d'un décret du Corps législatif.
Art. 23.
« Tous les 15 jours, il sera procédé, en présence des commissaires de l'Assemblée nationale, au brûlement de tous les assignats fautés, tant à l'imprimerie qu'au timbre, ou pendant les autres opérations nécessaires pour leur donner cours de monnaie.
Art. 24.
« Les commissaires-administrateurs présenteront à l'Assemblée nationale, dans la huitaine, à compter du jour de leur nomination, un état de la situation actuelle de la fabrication des assignats confiée à leur surveillance, avec l'indication des moyens propres pour l'accélérer, et dans la quinzaine, à compter également du jour de leur nomination, ils fourniront l'état des dépenses à faire pour les frais de l'établissement de leurs bureaux, »
(La séance est levée à dix heures.); 3
A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE
DU
Mémoire de M. chomel relatif au rétablisse ment du crédit des assignats (2), remis au comité des finances de VAssemblée nationale.
Les besoins du Trésor public exigeant impérieusement une nouvelle émission d'assignats, quèlle que soit la détermination de l'Assemblée nationale sur la proposition de suspendre en tout ou en partie les remboursements, il est de là plus urgente nécessité d'ouvrir en même temps une voie assurée à l'écoulement et à,l'anéantissement de la somme d'assignats qui se trouvera excéder les besoins de la circulation, et qui par Cela même altérerait sensiblement le crédit de ce papier qui ne perd déjà que trop contre espèces. Le moyen qui me paraît le plus assuré, pour parvenir à ce but salutaire et même pour ramener les assignats au pair avec les espèces, dépend absolument de l'Assemblée nationale, qui, sans faire aucun sacrifice, mais en consolidant, au contraire, le grand ouvrage de la Révolution, peut donner l'existence à un établissement de la plus grande utilité à tous égards.
Les moyens que l'Assemblée nationale a à sa disposition, sont :
i° Les annuités ou obligations versées dans les caisses de l'extraordinaire ou de département par les acheteurs de biens nationaux;
2° Des lois nécessaires pour donner de la consistance à l'établissement qui sera créé pour remplir le but qu'on se propose.
L'établissement dont on propose la création, est une société ou caisse particulière, absolument indépendante du gouvernement, quant aux intérêts financiers, qui aura son siège principal à Paris et des bureaux dans les autres principales villes du royaume. Cet établissement devrait avoir le privilège, indispensable pour assurer la solidité de ses opérations, de retirer en tout temps de la caisse de l'extraordinaire ou tel autre dépôt, telle somme d'annuités dont il aurait besoin pour employer ses fonds en payant à la caisse de l'extraordinaire, en assignats seulement, le montant du capital réel des annuités, avec les intérêts échus à l'époque où il retirera les annuités. Il s'entend que, conformément à l'équité, l'Assemblée nationale s'assurera par un décret formel la garantie de la nation pour le payement des annuités, et que, en cas ae retard de payement, l'établissement en question sera en droit de rendre à la caisse de l'extraordinaire, les annuités en souffrance et d'en reprendre d'autres en échange.
Les lois qu'on sollicitera de la part de l'Assemblée nationale pour donner de la consistance à l'établissement et lui assurer la confiance des capitalistes seraient :
1° Une injonction sérieuse et pressante à tous les départements de présenter à l'Assemblée nationale, dans le plus bref délai possible, un état exact des biens nationaux situés dans leur arrondissement, avec la valeur estimative de ceux qui sont déjà vendus, en spécifiant ce qui a été payé et ce qui reste dû ;
2° lin décret qui, en considération de l'utilité réelle de cet établissement pour l'Etat, lui assure la protection spéciale de la nation, et une garantie formelle contre tout danger de pillage ou de violence, tant intérieure qu'extérieure, l'infidélité des commis seule exceptée;
3° Un décret qui convertirait en lois irrévocables les règlements de la société, après qu'ils auraient été approuvés par l'Assemblée nationale, afin que l'observation la plus scrupuleuse en fût complètement assurée;
4° Une loi formelle qui, dérogeant à toute autre loi déjà existante ou qui pourrait être promulguée par la suite, interdit à la société tout remboursement avant le terme de 10 ans, à moins que le remboursement se fasse en espèces au cours de ce jour, et après en avoir prévenu les intéressés 3 mois à l'avance.
La caisse qui se formerait sur ces bases, présenterait aux capitalistes des sûretés plus que suffisantes pour les engager à mettre en activité leurs fonds, actuellement en stagnation, au grand préjudice des propriétaires de ces fonds et de l'Etat en général. Par la clause^de n'être exposés à aucun remboursement qu'en espèces, avant l'expiration de 10 années, époque où les assignats seront nécessairement disparus, les capitalistes sont à l'abri de toute crainte d'être remboursés en mauvaises espèces ou en papier dégradé, tandis que l'institution même de la caisse, offrant un emploi utile au papier superflu, en prévient nécessairement la dégradation et doit infailliblement le ramener au pair de l'argent. Jusqu'à cette époque, la caisse donnera un intérêt plus considérable pour les espèces que pour les assignats, parce que les porteurs de ceux-ci trouvent déjà un avantage très considérable en s'assurant le remboursement en espèces sans aucune réduction sur leur capital. Par rapport aux sûretés, elles sont évidemment supérieures à toutes celles qui aient jamais pu
être offertes aux capitalistes, puisque ceux qui verseront leurs fonas dans la caisse auront :
1° La garantie nationale pour les annuités, à l'acquisition desquelles les fonds de la caisse seront uniquement employés. Garantie qui rend les annuités égales à tout autre effet public;
2° L'hypothèque spéciale sur les biens représentés par les annuités;
3° La garantie personnelle des acquéreurs de ces biens ;
4° Et enfin, la responsabilité de la caisse même, dont l'organisation sera telle qu'il seraabsolument impossible aux administrateurs de s'écarter un instant de leur devoir.
Il est sans doute superflu de s'étendre sur les effets précieux que cet établissement doit produire nécessairement pour la prospérité de l'Etat. Il est évident qu'en offrant aux capitalistes un emploi solide et avantageux de leurs capitaux, leur propre intérêt les portera à favoriser cet établissement, puisqu'en retirant enfin des fruits de leurs capitaux, enfouis depuis 2 ans, ils augmentent leur bien-être, et par suite rendent nécessaire celui de la classe industrieuse qui profitera de l'augmentation de la dépense de la classe aisée. De là une augmentation ae richesses pour l'Etat en général, une circulation plus animée, facilitant la perception et augmentant la masse des impositions. Les possesseurs des capitaux en assignats, préféreront sans doute de les placer avec la certitude du remboursement en espèces, plutôt que de se soumettre au sacrifice qu'ils doivent faire à présent pour convertir les assignats en argent. De là la baisse nécessaire du prix ae l'argent qui ne se soutient que par la concurrence trop animée des acheteurs. -De fortes sommes placées dans l'étranger, faute d'emploi en France, reflueront dans le royaume, les étrangers même y apporteront de nouveaux capitaux. De là la hausse des changes. Un autre avantage bien précieux pour l'Etat, c'est que la caisse prenant la consistance qu'elle méritera par la solidité de son administration, versera à la continue des sommes considérables en assignats dans la caisse de l'extraordinaire, ce qui mettra l'Assemblée nationale en état d'ordonner de nouveaux remboursements qui augmenteront l'activité des ventes des biens nationaux, auxquelles la caisse même pourrait contribuer avantageusement, si l'Assemblée nationale trouvait bon de lui assurer à cet égard des facilités qui la missent à couvert de tout risque d'éprouver quelque perte, car l'ombre même du risque à cet égara porterait atteinte au crédit de la caisse, qui doit être au-dessus de tout soupçon pour pouvoir remplir complètement le but principal de l'institution de la caisse qui est le salut de l'Etat.
Paris, le 7 novembre 1791.
Chomel.
Plan
Pour la formation d'une caisse ou société, propre à offrir un emploi avantageux et solide aux caitaux tant en espèces qu'en assignats, dont les possesseurs ne se trouveraient pas dans la position d'acquérir des biens fonds.
6 janvier 1792.
Rien n'étant sans doute plus propre à consolider la Révolution que la prompte aliénation des biens nationaux le retour de la circulation
des espèces, et l'anéantissement des assignats ; on peut se flatter que l'Assemblée nationale et tous les bons citoyens accueilleront avec plaisir un projet qui, en encourageant les capitalistes, quelles que soient leurs opinions, à concourir à sa réussite, par l'avantage qu'il leur offre, semble présenter à tous égards un moyen assuré pour accélérer l'instant heureux où, par la vente des biens nationaux, les assignats rentreront dans le Trésor public, pour y être anéantis, après avoir sauvé l'Etat dans les temps difficiles.
Cette caisse sera ouverte pour tous ceux qui voudront y porter des espèces ou des assignats, depuis la somme de 500 livres et au-dessus. On leur donnera en échange des reconnaissances ou contrats remboursables à l'expiration de 10 ans. La caisse renonçant très expressément et sans réserve à la faculté que la loi assure à tout débiteur de se libérer quand il le juge à propos, et se réservant seulement la faculté de pouvoir rembourser avant le temps fixe de
10 ans, en prévenant les porteurs de reconnaissances 6 mois à l'avance, et en remboursant, en ce cas, en espèces d'or ou d'argent au cours de ce jour, nonobstant toute loi à ce contraire, déjà existante ou qui pourrait être promulguée par la suite. Les reconnaissances seront pourvues de dix coupons d'intérêts payables annuellement :
A 5 0/0 à ceux qui feront le dépôt en argent;
A 4 0/0 à ceux qui le feront en assignats.
Ceux qui verseront des fonds dans cette caisse ne seront sujets à aucune retenue que celle de 1 0/0, une fois pavé, pour tous frais.
La caisse se réserve de fermer l'emprunt en espèces quand elle le jugera convenable.
Pour faire jouir tout le royaume des avantages de cet établissement, on ouvrira des bureaux dans les principales villes, lesquels seront chargés, sous la direction de l'administration générale, fixée à Paris, de recevoir les fonds que les citoyens éloignés de la capitale, souhaiteront de faire valoir. Ces bureaux donneront des reconnaissances provisoires qui seront échangées,le plus tôt possible, contre les reconnaissances de l'administration générale, et ils seront chargés du payement des intérêts lorsque les porteurs de reconnaissances de la caisse le désireront.
11 dépendra de chaque intéressé, lors du placement, ou même en recevant l'intérêt de l'année échue, d'indiquer le bureau où il souhaite de toucher, par la suite, ses rentes.
Les fonds de cette caisse, seront uniquement destinés à retirer de la caisse extraordinaire les annuités que les acquéreurs des biens nationaux y ont remis ou y remettront pour les termes qui leur sont accordés.
Les porteurs d'assignats, qui ne jugeront pas à propos de placer leurs fonds pour le terme de 10 ans, pourront cependant verser leurs fonds dans cette caisse, et recevront én échange des. reconnaissances remboursables à 3 mois d'avertissement en espèces ou papier ayant cours légal ; mais ils ne retireront que 3 0/0 d'intérêt annuel, sans autre déduction quelconque que les frais du timbre. Les deniers déposés de cette manière à la caisse formeront un fonds séparé, et seront uniquement employés à escompter les billets des manufacturiers et marchands reconnus spl-vablës, et munis de 3 signatures connues, à 5 0/0, ou à faire des avances sur marchandises à 4 0/0.
Les espèces qui seront versées dans la caisse seront délivrées au Trésor public contre les assignats d'après le cours, mais toujours de ma-
nière que le Trésor public y trouve une économie d'un quart du sacrifice auquel il doit se soumettre pour se procurer des espèces. Les reconnaissances seront faites de telle somme que l'on souhaitera, depuis 500 jusqu'à 10,000 livres, mais sans fractions.
Vu l'importance extrême pour le bien public, que cette caisse jouisse d'uné ponfiance sans réserve et inaltérable, les fondateurs de cet établissement proposent les mesures suivantes qui leur paraissent propres à l'établir sur des bases inébranlables.
L'Assemblée nationale sera priée :
1° D'assurer par un décret, sanctionné par le roi, la protection spéciale de la nation au chef-lieu de l'établissement, et une garantie pour tout pillage ou violence, tant intérieure qu'extérieure, pour le bureau où toutes les pièces et titres relatifs à l'emploi des fonds, ainsi que les fonds mêmes qui pourraient se trouver libres, seront déposés ;
2° De sanctionner les règlements de la caisse pour leur donner le caractère d'une loi irrévocable.
11 y aura un directeur, nommé par les fondateurs de l'établissement, pour gérer toutes les affaires, et un sous-directeur pour remplacer le directeur en cas de maladie ou d'absence, mais sous l'inspection des commissaires préposés pour veiller à ce que les règles de l'établissement soient scrupuleusement observeés.
Ces commissaires seront nommés : deux par le roi, deux par le département, deux par les porteurs de reconnaissances, avec 10,000 livres d'appointements chacun, payés par la caisse. Ils pourront être révoqués quand il plaira à ceux qui ont le droit de les nommer.
Il y aura toujours trois commissaires, savoir : un de chaque nomination, présents, et qui, conjointement avec le directeur, signeront les reconnaissances et les actes de chaque jour ; chacun de ces commissaires, qui serviront alternativement, soit par mois, soit par trimestre, comme ils en conviendront entre eux, auront, ainsi que le directeur, une clef différente des quatre serrures qui sont apposées à la caisse des titres de l'établissement, de manière que rien ne puisse se passer qu'au su de ces 4 personnes. Tous les soirs, l'état de la caisse sera vérifié pour s'assurer qu'il n'y a pas erreur ni désordre, et le procès-verbal en sera signé par les 3 commissaires présents et le directeur.
Les reconnaissances de la caisse seront contresignées et enregistrées par deux notaires connus de Paris.
Les annuités appartenant à la caisse seront timbrées d'un fer chaud, à leur sortie de la caisse de l'extraordinaire, pour prévenir que ces annuités ne puissent jamais être payées à d'autres qu'à la caisse et écarter tout risque d'infidélité de la part des employés.
On publiera annuellement, par la voie de l'impression, le bilan général de la caisse, signé des 6 commissaires, du directeur et du sous-directeur, qui contiendra une note détaillée des fonds que la caisse aura reçus, de l'emploi qui en aura été fait et des remboursements, s'il y a lieu. Pour donner aux opérations de la caisse toute la publicité possible, et ne laisser aucun doute par rapport à la solidité et la loyauté de ses opérations, il y aura un bureau toujours ouvert le matin, et accessible à tous ceux qui auront des reconnaissances de la caisse. Les doubles livres de la caisse, signés journellement
par les teneurs des livres, y seront déposés, et tout intéressé, qui justifiera de son intérêt par la représentation de 5,000 livres de reconnaissances de la caisse, pourra examiner les livres.
La caisse sera ouverte tous les jours depuis 10 heures du matin jusqu'à 3 heures de l'après-midi, excepté les fêtes et dimanches. Elle sera fermée 3 semaines à la fin de juin et 15 jours à la Noël.
A la fin de chaque année, les fondateurs de l'établissement pourront retenir à leur usage le quart du bénéfice net, dont ils consacreront la quatrième partie à des objets d'utilité publique, tels que des primes pour l'encouragement de quelque branche d'industrie, le défrichement des terres incultes, etc. Le reste du bénéfice demeurera dans la caisse, pour la plus grande sûreté des intéressés, jusqu'à ce que toutes les reconnaissances soient éteintes ; mais la caisse pourra l'employer à racheter ses propres reconnaissances, s'il s'en présente à vendre, ou à acquérir des annuités qui demeureront déposées avec celles qui constituent le fonds des intéressés.
20 février 1792.
Ceux qui pensent que l'Etat pourrait jouir des profits que donnerait la société proposée pour accélérer la rentrée des assignats, ont des motifs trop louables pour ne pas respecter l'erreur dans laquelle ils tombent. C'est 1 erreur du patriotisme. Leurs vues sont pures, respectables, mais pour cela même on peut entreprendre avec d'autant plus de confiance de combattre leur opinion, dans la ferme attente qu'ils y renonceront avec empressement, dès qu'ils seront convaincus qu'ils se sont laissé éblouir par une idée illusoire, et qu'ils auront bon gré de les avoir préservé d'une mesure qui eut, par ses effets, contrarié leurs vues. D'abord, j'observerai que le souverain, en général, doit s'abstenir, autant qu'il est possible, de diriger le commerce et tout ce qui exige du crédit. L'unique devoir du souverain est. de veiller à la sûreté du corps politique et de tous les individus qui le composent. Dès qu'il sort de cette carrière, que la nature même des choses lui a tracée, les limites de sa puissance paraissent. Le souverain peut, par des exemptions, des gratifications, animer, encourager des branches de commerce et d'industrie, c'est même son devoir, s'il est jaloux de remplir sa destination ; mais jamais il ne doit faire lui-même le commerce ou exploiter quelque branche d'industrie. L'expérience a démontré la vérité de cette maxime. Tout commerce où le souverain prend part devient oppressif pour les sujets et ruineux pour l'Etat en général, parce que les moyens du souverain étant nécessairement supérieurs à ceux de tout particulier, personne n'ose entrer en concurrence avec lui, l'industrie des particuliers est anéantie, et le souverain, seul maître de tel ou tel article, lève un impôt indirect, mais très désastreux, sur ses sujets, en même temps qu'il prive de subsistance ceux qui s'occuperaient de cette branche d'industrie, si la concurrence, ruineuse pour eux, du souverain ne les retenait. Il arrive de plus que le souverain, ne pouvant donner à l'économie toute l'attention qu'elle exige, l'exploitation est toujours plus coûteuse pour lui qu'elle ne le serait pour les particuliers, sans compter les infidélités des employés qui, moins surveillés, sont plus sujets à succomber à la tentation de
s'écarter de leur devoir, et que toutes ces dépenses superflues retombent à la charge des consommateurs.
Dans les opérations de finances surtout, un Etat qui veut rétablir ou même conserver son crédit dans toute sa pureté, doit s'abstenir de toute opération qui aurait une apparence mercantile. Les caisses publiques, les banques et tout établissement de ce genre, pour conserver leur crédit, pour pouvoir servir utilement l'Etat, doivent être absolument indépendantes du gouvernement. Le sort des banques de Venise, de Gênes, prouvent que, dans les Républiques même, des établissements de finances, qui sont sous la dépendance du gouvernement, sont sujets à perdre leur consistance. La banque d'Amsterdam, elle-même, quoiqu'elle dût être à l'abri de toute entreprise de la part du gouvernement, n'a pu échapper à la loi commune.
Celle d'Angleterre ne se soutient avec tant d'éclat, que parce que , c'est un établissement absolument distinct et séparé du gouvernement, qui, pendant toute la durée du privilège accordé à la banque, ne peut s'immiscer en aucune manière dans le régime de la banque. Cette banque eût-elle jamais pu rendre à la nation anglaise des services aussi essentiels qu'elle l'a fait, si elle eût été administrée pour le compte du gouvernement?
Non, sans doute. Les bénéfices qu'elle faisait sur les emprunts du gouvernement soutenaient son crédit et la mettaient en état de fournir au gouvernement les avances nécessaires pour que le Trésor public ne fût jamais embarrassé. Si la banque n'eût pas été totalement séparée du gouvernement, jamais elle n'eût été en état de rendre ces services. Le gouvernement, ayant joui des profits de la banque, eût sans doute gagné quelque chose ; mais dans les instants critiques où les finances |se sont trouvées, dans les diverses guerres que l'Angleterre a soutenues, comment la banque eût-elle offert des secours au gouvernement ? La banque eût été, au contraire, contrainte à cesser ses payements, dès l'instant où le gouvernement se fût vu dans le cas de faire des emprunts, parce que chacun eût réalisé ses billets de banque, dans la crainte que le gouvernement ne mît la main sur les espèces qui se trouvent à la banque.
Aujourd'hui il ne s'agit pas de soutenir le crédit de l'Etat, mais de le recréer en entier. Il serait dangereux de pallier la vérité et de ne pas avouer que le crédit de la France est totalement ruiné. Comment, en effet, pourrait-il exister du crédit dans un Etat, où (qu'on pardonne cette dure vérité que le bien public exige impérieusement), malgré les plus fortes déclarations que les créanciers de l'Etat n'avaient aucune perte ni réduction à essuyer, on rembourse ces créanciers en valeurs qui perdent un tiers? Dans un tel état de choses, il faut être absolument étranger aux notions les plus triviales en matières de finances, pour se persuader que la nation parvint à faire réussir, sans.. intermédiaire et sur son seul crédit, quelqu'opération de finances que ce soit. Le crédit n'est qu'une affaire d'opinion, et souvent cette opinion est mal fondée. Mais la heurter de front, quelque mal fondée qu'elle soit, c'est tenter l'impossible. Il faut la ramener peu à peu, en se pliant à ses caprices et consulter le génie de la nation pour y parvenir. — La nation française est distinguée par son penchant pour la nouveauté, et les lumières, qu'elle a acquises depuis la Révolution, donnent lieu
de penser que ce goût pour la nouveauté sera d'autant plus vif, qu'on lui présentera des nouveautés utiles et fondées en raison. C'est d'après cela que le plan de la société ou caisse a été formé. L'auteur du plan s'est flatté que la nation était mûre pour saisir tout l'avantage d'un plan, qui forçait en quelque manière la confiance générale par des mesures assez bien combinées pour mettre les dépositaires de cette confiance dans l'heureuse impossibilité de l'écarter jamais de leur devoir et de sortir des limites de la plus sévère probité. Si l'Assemblée nationale ouvrait elle-même une caisse sur ce plan, la plupart des mesures proposées pour assurer la confiance
Eublique ne pourraient être mises eu œuvre.
'abord, il est incontestable qu'une assemblée nombreuse, ni même un comité nommé exprès pour cela, ne pourrait apporter à la surveillance ae l'administration la même exactitude et la même vigilance qu'une compagnie particulière dont l'existence est dépendante de sa fidélité à remplir exactement ses devoirs. Quel que soit le patriotisme des représentants de la nation, leurs occupations multipliées, des objets plus importants les empêcheront toujours de suivre, avec toute l'exactitude nécessaire, une administration de finances, qui exige de grands détails et une vigilance stimulée. par l'intérêt propre (toujours plus actif que l'intérêt du public) pour découvrir les fraudes que les employés peuvent se permettre. On conçoit qu'un établissement qui, d'un côté, offre à ceux qui l'entreprennent un état honorable et aisé, s'ils sont fidèles à leurs engagements, et de l'autre côté, les astreint à une rigoureuse responsabilité, à l'ignominie et à un châtiment sévère, s'ils s'écartent de leur devoir, doit inspirer plus de confiance que si cet établissement n'est surveillé que par des personnes qui n'ont aucun intérêt direct au bien-être de la chose, et qui, en tout état de cause, sont inviolables. On dira qu'on peut y nommer un chef responsable ; mais si ce chef n'a pas un intérêt personnel dans la caisse, il ne s'appliquera pas plus qu'il ne sera nécessaire pour éviter de se compromettre, et qui ne sait que la négligence, qui peut si facilement être représentée sous un jour excusable, est souvent plus pernicieuse qu'une infidélité marquée. Par conséquent, point de certitude fondée d'une bonne et ferme administration, si la caisse devait être administrée pour le compte de la nation. — Premier désavantage.
Si l'établissement était national, il deviendrait nécessairement dispendieux; et, à cet égard, on peut en appeler à l'expérience, non seulement en France, mais de tout le monde. Il est de fait qu'un particulier actif et laborieux, plus scrupuleux sur le choix de ses agents, parce que son intérêt l'exige impérieusement, peut faire des opérations plus importantes que le gouvernement, avec infiniment moins de frais. Le particulier consulte nécessairement l'économie et la recherche scrupuleusement. Tout établissement qui tient au gouvernement est entraîné par des dépenses plus considérables. Quatre Commis payés par iè gouvernement ne feront certainement pas la besogne d'un seul bon commis, qui travaille sous les yeux de son chef intéressé à le surveiller et à 1 encourager. Dans le cas. dont il s'agit, les bureaux à établir dans; une ville de province, formeraient seuls un objet majeur de dépense: pour le gouvernement, et n'en occasionneront qu'une très petite pour un établissement particulier, et, en tout cas, cette dépense
ne serait qu'en proportion de la masse d'affaires dont ces bureaux seraient chargés, tandis que la nation devrait entretenir ces Tmreaux, qu ils aient de l'occupation ou qu'ils n'en aient pas, augmentation considérable de dépense. — Second désavantage.
La publicité des opérations de la caisse est un moyen infaillible de mériter la confiance publique, si l'établissement demeure entre les mains des particuliers, parce que toute personne qui, par l'inspection toujours libre des livres, observerait quelque mauvais procédé, serait sûre d'obtenir justice sans délai. La même chose serait-elle assurée si l'établissement était entre les mains de la nation?
Les employés, placés par la faveur d'hommes puissants, auront mille moyens d'échapper à la critique, et de fermer la bouche à ceux qui voudraient attaquer leur conduite.
D'ailleurs les fautes qui pourraient être commises par quelqu'un des nombreux employés d'un établissement national pourraient être rejetées de l'un sur l'autre, et le coupable peut ainsi se soustraire à la responsabilité. 11 n'en serait pas de même si l'établissement demeure entre les mains de particuliers. Les chefs sont responsables, et n'ont aucun moyen d'échapper à la poursuite de ceux qui pourraient avoir à se plaindre. Défaut ou du moins incertitude pour la responsabilité si l'établissement est national. — Troisième désavantage.
Si l'établissement est une propriété particulière on peut s'assurer :
1° Que jamais les fonds ne séront employés à un autre usage qu'à celui statué par le règlement, converti en loi par l'autorité législative ;
2° Que les annuités, formant le fonds de la caisse, seront régulièrement perçues, ou à défaut de payement, échangées sur-le-champ à la caisse de l'extraordinaire ;
3° Que les remboursements de la caisse ne se feront jamais qu'en argent;
4° Que les bénéfices ou gains que la caisse fera, serviront d'un gage précieux aux intéressés pour l'exactitude des opérations, et pour parer aux pertes, qui, quelque peu importante^ qu'elles puissent être, peuvent cependant exister ;
5° Qu'à l'expiration des 10 ans tous les fonds seront remboursés.
Tous ces points deviennent douteux dès que le souverain est propriétaire de l'établissement. La nécessité publique, le besoin impérieux du moment peut porter le, souverain à violer ses engagements. Les exemples cités de Gênes, de Venise, de Hollande, en seraient des preuves non équivoques, quand même nous n'aurions pas vu les représentants de la nation française eux-mêmes dans la douloureuse nécessité d'agir d'une manière absolument contraire à leur vœu et à leur déclaration, dans l'article des remboursements. Qui garantira les personnes timides que l'Etat ne se voie pas dans la nécessité de faire usage des fonds qui se trouveraient dans la caisse; que les annuités qui seraient en souffrance seront régulièrement échangées, que les remboursements ne se feront point en une monnaie différente de celle accordée, et qu'à l'expiration des 10 ans, les remboursements ne seront pas suspendus ? Qui pourra plaider contre la nation si elle juge à propos de manquer à ses engagements? On objectera peut-être que la nation peut également manquer à ses engagements envers la caisse et mettre celle-ci par cela même hors d'état de remplir les siens.
J'avoue que la chose n'est pas absolument et physiquement impossible, mais elle n'a cependant aucun degré de probabilité! Autre chose est de faire usage d'un fonds qu'on trouve sous sa main et qui est confié à la nation, qui en fait usage, ou d'aller puiser, par le simple droit du plus fort, dans une caisse particulière. La nation pourrait, en ce dernier cas, dépouiller également tous les riches et leur arracher leurs biens. L'injustice ne serait pas plus révoltante dans ce dernier cas que dans celui de la spoliation d'une caisse particulière. La caisse d'escompte serait même une ressource plus attrayante pour la nation, si elle était réduite à ce degré de pénurie. L'incertitude de l'accomplissement exact des engagements. — Quatrième désavantage.
Enfin, il est à observer que la seule objection spécieuse qui ait été faite, au projet de la caisse en question, c'est qu'elle ne présentait pas plus de sûreté que les assignats et qu'en cas d'un changement de système en France, les actions de la caisse subiraient le même sort que les assignats, ayant la même origine, puisque la vente des biens nationaux, les annuités et les assignats n'avaient d'autre appui que les décrets de l'Assemblée nationale. Cette objection, quelque faible et superficielle qu'elle soit, paraîtrait fondée, si en effet les actions ou reconnaissances de la caisse étaient au nom de la nation, et les malintentionnés parviendraient aisément à discréditer ces reconnaissances aussi bien que les assignats. Qu'on juge de l'effet que produirait, sur lés reconnaissances de la caisse, le raisonnement suivant qui paraît très simple et sans réplique :
« Les assignats sont un engagement de la nation pour la sûreté duquel tous les biens nationaux en général sont hypothéqués en masse et solidairement. Lés reconnaissances de la caisse sont également un engagement de la nation, mais qui a un gage moindre que les assignats, puisque ce gage n'est autre chose que les annuités, ou proprement une portion seulement des domaines nationaux. L'hypothèque est donc évidemment moins solide pour les reconnaissances que pour les assignats. Or, les assignats perdent 50 0/0, pourquoi les actions ou reconnaissances de la caisse vaudraient-elles davan-
tage ? C'est toujours, en dernière analyse, la nation qui est débitrice, et l'embarras des finances fait craindre que, malgré toute sa bonne volonté, la nation ne soit hors d'état de satisfaire à ses engagements. »
Cet argument ferait sûrement une profonde impression, la presque totalité des hommes n'étant pas en état de juger par eux-mêmes, et se laissant conduire par des mots, étant d'ailleurs toujours plus portés à craindre le mal qu'à espérer le Ibien, lorsqu'il s'agit surtout de remploi de leurs capitaux. C'est pour cela qu'il est absolument nécessaire, pour établir le crédit de la caisse, de marquer avec la plus grande précision, la nature des engagements de la caisse et des sûretés qu'elle offre. Des idées claires, précises, et non sujettes à de fausses interprétations, sont seules capables de fixer les opinions, et de prévenir les faux jugements que la confusion des idées entraîne nécessairement.
D'après le plan présenté pou r une caisse particulière, tout est clair, les engagements respectifs sont tracés avec la plus grande précision ; on voit clairement le gage, solide et au-dessus de tout soupçon, des reconnaissances de la caisse.
L'esprit le plus borné voit d'abord que ces reconnaissances portent :
1° Sur le fonds des annuités, qui sont déposées en nature à la caisse et qui offrent une hypothèque spéciale ^ toujours plus solide qu'une générale) sur des biens dont la valeur est fixée par une vente réelle ;
2° La garantie spéciale de la nation, pour le payement exact des annuités à leur échéance déterminée, tandis que les assignats n'ont au-cune époque fixe pour le remboursement;
3° La responsabilité personnelle des débiteurs qui ont signé les annuités;
4° Et enfin, la responsabilité de la caisse qui garantit à ceux qui y sont intéressés un agent toujours vigilant et intéressé à l'être, pour prévenir les accidents et y pourvoir.
Tout homme doué de raison saisit, du premier coup d'oeil, la solidité de ces arrangements. On ne peut nier que, plus des engagements solennels sont multipliés, moins on a lieu de craindre
3u'ils soient violés. Or, à cet égard, il y a une ifférence immense entre les reconnaissances de la caisse (demeurant un établissement particulier) et les assignats. Les reconnaissances de la caisse comportent : 1° Vente réelle ; 2° Valeur payée effectivement ; 3° Hypothéqué spéciàie et légalement consacrée ;
4° Engagement formel de la caisse, autorisé par les seuls pouvoirs en droit de le consacrer.
Ce sont là assurément des sûretés bien réelles, mais qui disparaissent ou déviennent du moins très douteuses si la nation est propriétaire de la caisse. Sans corps intermédiaire, point de vente réelle, point de valeur payée spécialement pour tel ou tel objet, point d hypothèque spéciale; enfin, point d'engagement particulier qui assure l'exactitude de l'exécution du contrat. On aurait donc raison de dire que la caisse, étant un établissement national, ne mériterait pas plus de confiance et de créait que les assignats, et par conséquent le but essentiel de la caisse, qui est de rétablir le crédit public. serait totalement manqué. — Cinquième désavantage.
D'après ces observations, On serait sans doute en droit de conclure que l'établissement proposé ne peut être utile qu'autant qu'il sera absolument séparé de l'administration des finances nationales et en sera totalement indépendant.
Il s'agit encore d'examiner s'il v a une économie réelle pour la nation à exploiter un établissement pour son propre compte. Or, c'est ce qu'on croit pouvoir nier. Mais en comptant que rétablissement soit porté à son plus haut degré d'activité, il est assuré que d'après le mode indiqué par le plan, il n'y aura pour les entrepreneurs qu'environ 3 millions par an pour subvenir à tous les frais. Cette caisse, quoique fondée pour 10 ans, ne sera en pleine activité qu'environ la moitié de ce terme, parce que la nature même des choses restreindra ses opérations au bout de 4 à 5 ans En supposant donc que dans cet espace de temps la nation économisât, en s'appropriant ia caisse en question,
10 millions, cet objet vaudrait-il la peine de s'exposer au risque de voir échouer l'entreprise, tandis que la situation actuelle des choses coûte des sacrifices immenses à la nation ? Quand le Trésor public ne serait obligé d'acheter dans le courant de l'année que 12 millions en espèces, ce qui est certainement le minimum possible,
11 en coûtera toujours 6 millions d'extraordinaire
par an, qu'on peut espérer d'épargner en imprimant sans délai une grande activité à la caisse particulière.
On ne fait pas entrer en ligne de compte, les suites fatales qu'entraînerait nécessairement la prolongation de l'état actuel des choses, parce que l'effet en est incalculable, et le comité des finances est trop éclairé pour n'en pas apercevoir le danger.
18 mars 1792.
Alléguer, pour écarter le projet de retirer les assignats de la circulation (au moyen d'une caisse d'échange qui retirerait de la caisse de l'extraordinaire les annuitiés) que l'Etat perdrait l'intérêt qu'il perçoit sur les annuités, c'est faire revivre des maximes plus dignes de l'abbé Terray que des représentants d'une nation juste et éclairée.
II faut espérer, pour l'honneur de l'Assemblée nationale, que jamais une objection aussi honteuse ne sera faite dans son sein, ou que, si quelque membre se permettait de la produire, die sera repoussée avec toute l'indignation qu'elle mérite. Aussi n'est-ce pas pour l'Assemblée nationale que j'entreprends de prouver l'absurdité d'une pareilléobjection ; je n'ai dessein que de repousser les fausses idées que des folliculaires tâchent déjà de répandre, contre une mesure trop évidemment avantageuse pour raffermissement de la Constitution, pour ne pas exciter leur fureur.
Pour colorer l'injustice dont on voudrait que les représentants de la nation se rendissent coupables, on dit qu'il y a environ pour 1,800 millions d'annuités, provenant de la vente de biens nationaux ; que ces annuités portent 5 0/0 d'intérêt et produisent 90 millions, en décharge des dépenses publiques.
Qu'en vendant ces annuités, l'Etat se prive d'un revènU considérable, qui tend au soulagement du peuple et qu'il serait nécessaire de remplacer par d'autres impositions. Je ne crois pas avoir affaibli l'argument qu'on oppose à l'établissement d'une caisse d'échange, et je me flatte de l'avoir, au contraire, exposé dans tout son jour.
Cependant j'entreprends de prouver qu'il est faux, illusoire, et porte tous les caractères de la mauvaise foi.
D'abord, qu'est-ce que les assignats? C'est un engagement solennel de la nation de payer le montant ou la valeur de ce papier, dès que, au moyen de la vente des biens nationaux, le Trésor public sera en état de payer. L'auteur de la mesure des assignats les a définis, un papier représentatif de la terre, une fraction des biens nationaux. L'Assemblée constituante a si bien senti cette vérité, que, à la première création d'assignats, elle leur a affecté un intérêt de 3 0/0 égal à peu près au revenu net des terres. Si, dans la suite, on a reconnu ,que, les assignats devenant monnaie courante, 1 intérêt même qui leur était affecté entraînerait des inconvénients, et pourrait tendre à les discréditer]; si, par cette considération, on a supprimé l'intérêt, on ne doit pas perdre de vue qu'en bonne justice les porteurs d'assignats ont des droits sacrés à un dédommagement équivalent aux fruits des domaines, dont les assignats sont la représentation, et dont on leur avait d'abord assuré la jouissance par un intérêt, que d'autres considérations ont fait supprimer
ensuite. Une conséquence nécessaire de ce principe incontestable c'est que, dès que les biens nationaux sont vendjis, le produit de ces biens n'appartient plus à là nation, mais aux porteurs d'assignats. Si l'Assemblée nationale, consultant l'intérêt général de la nation et pour vendre plus avantageusement les biens nationaux, a accordé aux acquéreurs de longs termes, elle ne pouvait en bonne justice accorder ces facilités, aux dépens des porteurs d'assignats, qui ne sont autres que les créanciers de la nation, qui ont été mis, par un décret solennel, sous la sauvegarde de lhonneur et de la loyauté française. Je prie qu'on réfléchisse attentivement sur la réflexion suivante : en accordant aux acquéreurs des termes très prolongés, on a favorisé la nation aux dépens des porteurs d'assignats, puisque, si on eût ordonné les ventes dans les formes usitées, les assignats eussent pu être remboursés dans l'espace de 3 à 4 ans, mais les ventes eussent rapporté infiniment moins parce qu'il y eût eu beaucoup moins de concurrence. En accordant de longs termes, assurément on n'a pas eu en vue l'intérêt des porteurs d'assignats; bien au contraire, on a sacrifié cet intérêt à celui de la nation, qui, à la faveur des longs termes, a vendu les biens nationaux 3 ou 400 millions plus cher qu'ils n'eussent été portés si les ventes se fussent faites au comptant. Personne ne me taxera sans doute d'exageration en n'estimant qu'à 400 millions le bénéfice qui résulte pour la nation de la vente à terme. Et lorsqu'à la faveur de la prolongation du cours des assi-* gnats, la nation a déjà fait un gain aussi considérable, on voudrait encore persuader à l'Assemblée nationale de lever un impôt indirect et arbitraire sur les porteurs d'assignats, en percevant à son profit les intérêts des annuités, et en refusant aux porteurs d'assignats tout moyen de jouir de ces intérêts qui leur sont manilès-tement dus ! Dans l'état actuel des choses, la totalité des assignats en circulation doit exister encore au moins pendant 5 ans sans intérêt. C'est donc 25 0/0 enlevés, par le seul droit du plus fort, aux créanciers de la nation, qu'on a payés en assignats, après leur avoir donné l'assurance solennelle qu'ils ne seraient soumis à aucune retenue ou diminution. La nation française ne se déshonorera pas par une telle injustice, d'autant plus que je crois pouvoir prouver de plus que ce serait a pure perte, et que son intérêt aussi bien que son honneur exigent qu'elle adopte des mesures pour retirer de la circulation les assignats qui excèdent les besoins.
Tant que la masse actuelle d'assignats demeurera dans la circulation, il est impossible que la différence qui existe entre l'argent et les assignats diminue sensiblement. La moindre inquiétude peut même opérer une différence bien plus considérable encore. En ne comptant que ie retard du remboursement, comme je l'ai observé ci-dessus, il est clair que 100 livres en assignats ne peuvent jamais valoir actuellement que 75 livres, ou 133 livres un tiers en assignats, 100 livres en argent. Dès lors l'argent n'est plus monnaie courante, mais marchandise, dont le prix augmente en raison du besoin qui se manifeste. Le Trésor public ne reçoit plus rien en espèces, et cependant il en a toujours un besoin indispensable, tant pour le payement des troupes que pour d'autres emplois. Quand on ne compterait que sur 5 à 6 millions par mois, cela fait un objet considérable dès que l'argent est res-
serré, et les seuls achats d'espèces pour le Trésor public sont suffisants pour porter les assignats au prix actuel de 166 deux tiers 0/0 ou de 33 un tiers au-dessous de la valeur réelle estimée sur un pied de 5 0/0 d'intérêt.
Dans cet état des choses, les achats d'espèces coûtent au Trésor public, annuellement, 48 milr lions de dépense extraordinaire, qui n'existera plus dès que l'on fournira un placement utile aux assignats qui les rendra préférables, en quelque sorte, à l'argent.
J'observe, en second lieu, que les 90 millions levés indirectement sur les porteurs d'assignats, par l'intérêt retenu à leur préjudice par l'Etat, et la défaveur où sont actuellement les assignats, obligent nécessairement tous les citoyens aisés de restreindre leur dépense en conséquence de la diminution de leur fortune. Que, par là, il existe malheureusement une diminution de consommation {en y ajoutant le défaut de rapport des capitaux en espèces qui demeurent enfouis) de 150 à 200 millions annuellement. Ces 150 à ,200 millions jetés de plùs dans la circulation, retomberaient en filets imperceptibles jusque sur la classe indigente qui dans ce moment est augmentée à un point Vraiment alarmant, et qui, si l'on n'y pourvoitpar des mesures promptes, exigera des sacrifices immenses dé la part de l'Etat : sacrifices qui ne feront que pàllierle mal sans le guérir, parce que des secours gratuits, accordés par le gouvernement, ne tendent qu'à favoriser et propager la paresse sans encourager l'industrie. Si 1 on n'y obvie incessamment, les secours indispensables pour prévenir le désespoir de la classe indigente, absorberont, et au delà, les 90 millions qu'on prétend faire gagner à la nation; tandis qu'en demeurant fidèles aux principes de justice, en fournissant aux capitalistes un moyen de faire valoir leurs fonds, ils rejetteront dans la circulation leur superflu, qui se répandra sur. la masse totale des citoyens, ranimera l'industrie, facilitera la perception des impositions et en augmentera considérablement la masse, en faisant rentrer dans la classe des contribuables une grande partie de ceux qui, actuellement, réclament au contraire des secours indispensables, et enfin, exemptera l'Etat de subvenir aux besoins urgents des pauvres. Qu'on ne s'y trompe point; je ne plaide point ici la cause des capitalistes, mais celle des pauvres et de l'Etat. En effet, si un homme qui avait 100,000 livres de rente se voit réduit, par la situation actuelle des choses à 60,000 livres, il est clair qu'il est obligé de réduire sa dépense de 40,000 livres. Ces 40,000 livres ne sont pas une perte réelle pour lui, il peut encore satisfaire à sës besoins raisonnables, et à une grande partie de ses caprices; mais, l'homme qui ne vit que de son industrie et du travail journalier est plongé dans la misère par la réduction de la dépense du riche. 100 familles sont réduites à la mendicité par la privation de 400 livres du fruit de leur travail que ce riche ne peut plus vérser annuellement dans leurs mains. Je ne fais pas entrer en ligne de compte tous les intermédiaires, qui augmentent cependant considérablement ce fâcheux tableau; car ces 40,000 livres, ën passant par une multitude de différentes mains avant de revenir à la classe indigente, produisent des fruits qui en augmentent infiniment la masse. Qu'on juge par Ce seul échantillon des suites funestes que doit nécessairement produire la diminution réelle d'environ 200 millions dans la dépense générale, et l'on ne sera
plus surpris de l'état de détresse dans laquelle se trouve la classe indigente ni dé l'accroissement alarmant de cette classé infortunée.
Enfin, il est clair que les intérêts des-annuités vendues ou transportées aux porteurs d'assignats ne retombent pas à la charge de la nation parce que cette mesure, anéantissant une grande sommé d'assignats, l'Assemblée nationale peut en recréer d'autres sur-le-champ, au moyen desquels elle peut étendre les remboursements, et éteindre; par cela même, une masse équivalente de rentes qui se payent actuellement sur le pied des intérêts des annuités.
Après des arguments aussi forts et aussi fondés sur la raison et la justice, il sera sans doute superflu d'y ajouter des considérations moins importantes, parce qu'elles ne sont que politiques. Je ne puis cependant me .résoudre à passer sous silence le rétablissement du crédit public, des changes, et surtout l'affermissement de la Constitution, résultat nécessaire de la conversion des assignats en un emprunt fondé sur les annuités.
Le crédit public et les Changes ne sont altérés que par le discrédit des assignats. Donnez un écoulement aux assignats surabondants, et à l'instant la confiance renaîtra, la différence entre les espèces et les assignats s'anéantira; les changes se relèveront nécessairement par cela même, et reviendront bientôt à leur taux ordinaire.
En offrant un placement solide aux porteurs d'àssignats, la plus grande partie des gens aisés s'empresseront de convertir ce papier stérile en annuités, surtout lorsqu'ils verront la certitude de ne pouvoir être remboursés qu'en espèces. Dès que leur intérêt propre sera ainsi lié avec le maintien de la Constitution, elle n'aura pas de plus zélés défenseurs, tandis que l'état actuel des choses excite un juste mécontentement et fait encore douter beaucoup de bons esprits des avantages de la Révolution. Rétablissez le crédit et l'esprit public reparaîtra dans toute son énergie. On se plaint avec raison que l'esprit public paraît anéanti. Mais peut-il se manifester, peut-il même exister, lorsque par l'état incertain des finances toutes les fortunes sont ébranlées, et que tous les citoyens, sans exception, sont dans l'angoisse, et craignent de voir le fruit de leurs travaux, leur subsistance même compromise, sous les ruines de la fortune publique?
Je conclus donc à ce que, sans s'arrêtér à une objection dont je crois avoir démontré évidemment la futilité; l'inconvenance et l'injustice, l'Assemblée nationale prenne sans délai les mesures les plus efficaces pour donner un grand mouvement à la réalisation des assignats et à leur échange contre les annuités. Le sacrifice que l'Assemblée fera dans cette occasion, à l'évidente justice, est non seulement ni^l, mais d'une conséquence très avantageuse aux intérêts de l'Etat, en lui assurant un revenu considérable et permanent. Dès que les porteurs d'assignats verront seulement qu'ils ont la faculté de faire cet échange, à tout instant, toute crainte s'évanouira, et on ne verra plus dans les assignats un papier stérile; on ne les considérera plus que comme une monnaie beaucoup plus commode que les espèces, et si à Paris seul, dans les temps où la caisse d'escompte jouissait encore de tout son crédit, il y avait pour 130 à 140 millions de billets de la caisse en circulation, si alors ces billets obtenaient encore la préférence sur l'argent, en raison de leur com-
modité dans les payements, on peut s'attendre que les assignats, ayant cours dans toute la France, il en demeurera toujours environ un milliard dans la circulation ce qui produira un bénéfice net à l'Etat de 50 millions par an sans aucun désavantage pour les citoyens, parce qu'alors ce n'est plus un impôt forcé, mais purement volontaire, et par cela même insensible, balancé par la commodité des payements, qui forme une économie réelle pour tout négociant.
29 mars 1792.
Plus on réfléchit sur l'objection, tirée du préjudice que l'Etat éprouverait de la vente des annuités, qu'on oppose au plan formé pour retirer de la circulation les assignats surabondants, plus on a lieu d'être surpris que cette objection ait exçité la moindre attention. Elle est à tous égards absurde et fausse; elle est contraire à tous les principes d'équité, de loyauté, de bonne foi; elle tend évidemment au détriment de la chose publique, bien loin • de lui être avantageuse. Sans répéter ici les observations déjà présentées dans un précédent mémoire, sur ce sujet intéressant, observations auxquelles on se flatte qu'il est impossible de répondre d'une manière satisfaisante, on se bornera uniquement à quelques réflexions qui paraissent devoir seules décider la question sans réplique.
La vente des biens nationaux s'est faite avec dé grandes facilités pour les acquéreurs, relativement aux termes du payement. L'Assemblée nationale, en accordant de longs termes, a eu évidemment en vue (et elle a même avoué ce motif), d'exciter une plus grande concurrence, pour vendre à de plus hauts prix. Elle a complètement réussi dans cette spéculation* Elle a senti, en même temps, qu'elle ne pouvait, sans injustice, obliger les acquéreurs à se soumettre au payement d'un intérêt de 5 0/0, plus longtemps que cela ne leur conviendrait ; il y a plus, l'intérêt de l'Etat exigeait impérieusement que l'on laissât aux acquéreurs la faculté de se libérer lorsque cela leur conviendrait. Aussi l'Assemblée nationale a-t-elle accordé cette faculté par un décret exprès. Sans cette faculté les biens nationaux se fussent vendus assurément à un plus bas prix, parce que les acquéreurs, calculant sur la perte qui résultait pour eux d'un intérêt de 5 0/0 payé sur des biens qui ne rapportent guère que 3 0/0, l'impôt déduit, devaient nécessairement réduire leurs enchères en conséquence, s'ils ne conservaient l'espoir de se libérer a volonté. Le taux de l'intérêt fixé à, 5 0/0 prouve encore que l'Assemblée nationale, conformément aux lumières dé la raison la plus épurée et aux vrais principes de finances, a eu intention de stimuler les acquéreurs à s'acquitter le plus tôt possible et à se libérer d'un engagement onéreux, afin de hâter ainsi la liquidation générale et l'anéantissement des assignats,
La vente des annuités n'est, dans le fond, autre chose qu'un moyen de plus de parvenir, sans perte pour l'Etat, au but que l'Assemblée nationale s'est proposé, et devait tâcher d'atteindre ; et ce moyen est même plus avantageux à l'Etat que si tous les acquéreurs des biens nationaux s'acquittaient directement, comme ils en ont incontestablement le droit, et comme ils le feront indubitablement si on n'ouvre point un autre déboucné aux assignats surabondants, car qù'on y fasse attention : le Trésor publie aura encore de grands besoins cette année, ce
qui nécessitera une nouvelle émission d'assignats. Les assignats, en se multipliant, se dégraderont de plus en plus. Si la crainte d'une guerre vient s'y joindre, on doit s'attendre à voir ies assignats réduits au quart de leur valeur et peut-être au-dessous. Il en résultera nécessairement une hausse prodigieuse dans la valeur de toutes les propriétés. Les acquéreurs des biens nationaux revendront ces biens, ou d'autres propriétés, au quadruple de leur valeur primitive, et avec une légère portion de leur bénéfice ils retireront leurs annuités. L'Etat se trouvera ainsi payé en monnaie discréditée, il n'y aura plus d'intérêts à percevoir, et pour avoir voulu s'approprier la jouissance entière d'un revenu casuel injuste et contraire aux principes, on perdra tout, tandis que. le Trésor public restera chargé des frais immenses qui résulteront pour lui du cours d'une monnaie dépréciée.
Quand même on admettrait que la caisse d'échange absorbât toutes les annuités, encore serait-il évident, qu'en prévenant par là le discrédit des assignats, l'Etat y gagnerait immensément. Mais un tel établissement engloutira-t-il toutes les annuités? Il faudrait bien peu connaître les hommes et les opérations de finances pour se le persuader. Il suffit quç l'on soit généralement assuré de la faculté de pouvoir employer, à chaque instant, ses fonds avantageusement, pour que tous les esprits se tranquillisent. On ne se hâte point de se défaire d'un effet qu'on est persuadé de pouvoir placer utilement à tout moment. Il ne s'écoulera donc vers la caisse d'échange que les assignats véri-. tablement surabondants, et il paraît très assuré que jamais cette caisse n'aura plus de 3 à 400 millions d'annuités en sa garde, en comptant au plus haut. En admettant cette caisse, l'Etat ne perd donc pas la totalité des- revenus qu'il retire des annuités ; au contraire, en en sacrifiant, en apparence, 15 à 20 millions au plus, il s'assure la jouissance du reste, et en relevant par ce moyen, aussi simple que sage, le crédit des assignats, il épargne les 48 millions que coûtent dès à présent les achats d'espèces ; en même temps qu'on assure par là toutes les fortunes particulières, et qu'on éloigne cette inquiétude générale, qui est le plus grand obstacle au retour de le paix intérieure, et de l'établissement de l'esprit public. On ne parle pas ici des services importants que la caisse d'échange peut rendre au gouvernement, parce qu'il ne s'agit que d'examiner la question sous son point de vue direct.
La déclaration de guerre, décrétée dans la séance d'hier au soir, devant nécessairement entraîner de nouvelles émissions d'assignats, et augmenter la différence déjà trop considérable qui existe entre les espèces et les assignats, il paraît indispensable de réveiller, sur cet objet important, l'attention des représentants de la nation. C'est le but de ces mémoires, qui, ayant été écrits sans prétention et n'étant point destinés à l'impression, eussent été mis dans un meilleur ordre, si le temps eût permis d'y faire les additions- et corrections convenables,
Paris, 21 avril 1792 (1).
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
Une députation de citoyens, marchands d'habits, des sections de Sainte-Geneviève et de la Croix-Rouge, est admise à la harre et offre 206 livres en assignats.
accorde à ces citoyens les honneurs de la séance.
Un de MM. les secrétaires annonce les dons patriotiques suivants :
1° Un anonyme envoie 835 livres 12 sols en assignats ;
2° Le sieur Chevassé, dit Champagne, cocher de M. Lacoste, offre 15 livres en espèces et 5 livres en assignats;
3° Les ouvriers de l'atelier des postes pour les voitures de transport des dépêches envoient 100 livres en assignats.
4° Les administrateurs, procureur général syndic et secrétaire du district de Romans (Drôme) donnent 1400 livres pour les frais de la guerre.
(de Saintes). J'offre, au nom de plusieurs officiers municipaux de la villede Saintes, une somme de 200 livres.
. J'annonce à l'Assemblée que MM. les juges composant le tribunal du district de Beaime el le commissaire du roi par intérim offrent 600 livres à prendre sur leur traitement, par quart, sur chaque trimestre à compter d'avril.
. Je vais lire à l'Assemblée l'état des offrandes laites à la patrie pour le soutien de la guerre, par la garde nationale de la ville de Périgueux, par plusieurs officiers municipaux de la ville de Mussidan (chef-lieu du district du département de la Dordogne) et des communes voisines, et par les citoyens réunis en Société des amis de la Constitution de ladite ville.
La ville de Périgueux : 1° La garde nationale, boucles d'argent, 3 marcs, 6 onces et 5 gros ;
2° Mlle Montauson, un gobelet d'argent, 2 onces, 6 gros; une croix d'or, un gros et demi et 12 grains.
Mussidan: l°Les officiers municipaux de cette ville ét des communes voisines, 167 livres, 8 sols;
2° La Société des amis de la Constitution, 95 livres 1 sol.
Ensemble 262 livres, 9 sols.
(L'Assemblée accepte toutes ces offrandes avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal dont un extrait sera remis à tous les donateurs qui se sont fait connaître.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres et pétitions suivantes :
1° Pétition d'un grand nombre de citoyens des communes de Tiffanges, Labussière, Montfaucon-la-Romagne et autres communes des départements de la Vendée, Loire-Inférieure, Mayenne, Loire, qui instruit l'Assemblée des manœuvres et des attentats commis par des prêtres insermentés, propres à faire éclater dans leur pays la guerre civile. Ils sont parvenus, disent ces citoyens, à semer la division dans les familles; les épouses
fuient leurs époux, les frères s'arment contre leurs frères et la paix est bannie de ces contrées. Ils joignent à leur pétition une série de 12 faits constatés par des procès-verbaux.
. Je demande le renvoi au roi pour qu'il connaisse la vérité. Il a en main le décret qui tend à prévenir les malheurs qui nous menacent et il se convaincra, par la lecture de ces lettres, qu'il faut enfin nous débarrasser de ces monstres qui sèment partout la discorde.
. J'appuie la motion de M. Cambon, mais en même temps je demande que l'on ordonne au ministre ae la justice dp presser les tribunaux et de nous rendre compte des poursuites qui ont été ordonnées contre les prêtres perturbateurs.
. Il y a quelques jours que l'on vous a fait part des troubles survenus dans le département de Mayenne-et-Loire. Il existe, dans ce département, un complot dirigé contre la sûreté générale de l'Etat, dans lequel plusieurs municipalités sont impliquées. Le tribunal criminel du département, sur la dénonciation de l'accusateur public, a décerné des mandats d'arrêt contre divers accusés qui sont détenus dans les maisons d'arrêt. Mais, ne se croyant pas compétent pour connaître de cette affaire jusqu'à jugement définitif, attendu qu'elle intéresse la sûreté générale de l'Etat, il a envoyé à l'Assemblée les pièces de cette procédure, pour attendre sa décision avant d'y donner suite. Vous avez renvoyé les pièces au comité de surveillance, je demande que celle-ci y soit également renvoyée pour vous faire un rapport sur le tout.
. Si l'on renvoie au comité de surveillance, je demande qu'une copie collationnée de la pétition soit envoyée au roi.
. Je demande que cette copie soit portée au roi par des commissaires de l'Assemblée.
(L'Assemblée renvoie la pétition au comité de surveillance. Elle décide en outre qu'une copie collationnée en sera portée au roi par des commissaires pris dans son sein.)
2° Lettre de plusieurs citoyens, négociants à Bordeaux, datée du 26 mai 1792, qui témoigne leurs inquiétudes sur le payement des lettres de change tirées sur Saint-Domingue. Les objets de leurs cargaisons, disent-ils, ont servi aux besoins urgents des malheureux colons, qui ne leur ont donné en payement que du papier sur le Trésor national. Quoique ces retours soient bien moins avantageux pour le commerce, que s'ils étaient faits en denrées coloniales, les négociants de Bordeaux sont bien éloignés de s'en plaindre, et ils s'estiment heureux d'avoir pu contribuer à soutenir les colons; ils prient seulement l'Assemblée de prendre en considération les intérêts du commerce, en ordonnant que les lettres de change qui leur ont été données en payement seront acquittées par le Trésor de la nation.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité colonial.)
donne lecture d'une lettre des officiers municipaux de la commune de Langres, datée du 12 juin 1792, et relative à une émeute qui a eu lieu dans le canton de Neuilly-l'Evêque (Haute-Marne), à l'occasion de l'élection des officiers de la garde nationale. Pendant cette émeute les officiers municipaux et la garde nationale de Langres se sont comportés avec au-
tant de bravoure que de prudence. C'est au zèle de M. César Adnis, commandant de la garde nationale de Langres et aux trois compagnies de grenadiers de la même ville, qu'est dû le rétablissement de l'ordre. «
(L'Assemblée décrète la mention honorable au procès-verbal de la conduite des officiers municipaux, de la garde nationale et de son commandant, M. César Adnis, de Langres, et renvoie cette lettre aux comités militaire et de surveillance réunis.)
Un membre : Voici un arrêté des officiers municipaux de la commune de Perpignan, dont l'objet a été de former une association pour le soulagement des pauvres.
Séance du
« Un membre a demandé que, vu l'urgence d'approvisionner la ville de viande, et attendu le peu de moyens qu'.offrait la caisse de la commune pour cet objet, le corps municipal fit une invitation aux négociants, pour qu'ils se chargent d'approvisionner la commune au prix fixé par la municipalité le 9 du courant.
« Cette proposition ayant été adoptée, il a été fait incessamment des billets d'invitation à divers négociants, aux fins de se rendre à 7 heures à la maison commune, pour concerter les moyens de fournir de la viande aux citoyens de la commune de Perpignan.
« Les négociants invités s'étant rendus à l'heure indiquée, le maire leur ja proposé qu'attendu les probabilités qu'il y avait que la commune de Perpignan manque de viande, les fournisseurs actuels faisant difficulté de continuer cette fourniture, dans l'espoir, sans doute, d'obtenir une augmentation dans le prix des diverses espèces de viande de boucherie, ce qui ne pourrait être qu'au détriment de la classe indigente des citoyens, au secours de laquelle les citoyens aisés doivent se faire un devoir d'accourir, ils voulussent bien former une société, dont l'objet serait d'approvisionner la commune de Perpignan de toute espèce de viande, au prix fixé par la municipalité.
« Cette proposition a été accueillie avec l'enthousiasme du civisme dont sont pénétrés les citoyens invités; et il a été à l'instant convenu et arrêté entre eux qu'ils formeraient la société proposée, renvoyant au lendemain à arrêter les bases d'après lesquelles les membres de la société seraient, au profit de la commune, liés entre eux. »
Séance du
« Les citoyens invités le jour d'hier par le corps municipal, réunis, en vertu de l'arrêté de la veille, pour faire un pacte d'association entre eux; plusieurs autres citoyens se sont joints à eux, voulant concourir, proportionnellement à leur fortune, aux sacrifices que peut exiger, en ce moment, de3 citoyens aisés, 1 intérêt public.
« En conséquence, il a été arrêté et convenu entre eux les points suivants, pour servir de base à leur association :
i 1° L'objet de l'association est l'approvisionnement de la commune de Perpignan, de toute espèce de viande de boucherie;
« 2° La durée de l'association sera de 18 mois, à compter de cejourd'hui;
« 3° S'il résulte quelque profit de cette association ce profit sera employé au soulagement des pauvres; et s'il en résulte une perte, elle sera supportée également, et non au marc la livre, par tous les associés; (Applaudissements.)
« 4° Un bureau, composé de 7 personnes, prises dans le nombre des coassociés, sera chargé de la surveillance et de la direction de la fourniture; Un d'eux fera les fonctions de caissier. Les assemblées de bureau se tiendront chez le caissier, et celui-ci y aura voix délibéra-tive;
« 5° Le bureau aura la faculté de nommer, parmi les coassociés, des suppléants pour remplacer les membres absents;
« 6° Le caissier sera M. Dastros, et les autres 6 membres, composant le bureau, seront MM. Car-cassonne, Sébes aîné, Joseph Mathieu, François Malibran, Frigola cadet, et Gros ;
« 7° Il sera fait un fonds, composé d'une mise libre et volontaire, de la part de chaque associé; et en cas qu'il fût nécessaire de faire un supplément de fonds, la somme de ce supplément sera d'abord arrêtée par le bureau, et puis, répartie, par chaque associé, au marc la livre de sa première mise;
« 8° Les assignats qui seront donnés pour faire ces fonds ne pourront être d'une valeur supérieure à 300 livres.
« Et tout de suite chaque associé ayant fait sa mise particulière, il en est résulté que celle de M. Dastros se monte à la somme de. 2,400 liv.
MM. Laurent Frigola, à............. 300
Farines, à.................... 300
Pancou, à..................... 300
Réalou, à..................... 300
Delmas-Carla, à............... 500
Saisset et Galet, à............. 1,000
Louis Claret, à................ 1,000
Bernard Claret, à.............. 300
Sébes aîné, à.................. 300
Basset, à...................... 300
Bonaure, à.................... 500
Vassal, à...................... 300
Carcassonne, à................ 500
Méric et Sagone, à............. >1,500
Vignier et Chalumeau, à....... 300
Joseph Mathieu, à............. 500
Delanquine, à................. 300
Malègue, à.................... 300
Reynier, imprimeur, à.......U 2,000
Batlle, à...................... 500
Durand, à.................... 1,000
Frigola aîné, à,............... 1,000
Frigola cadet, à............... 600
Louis Delmas, à............... 1,500
François Delmas, à............>. 1,000
Auberges, à.................... 500
Corbières aîné, à.............. 500
Berniolle et Giroune, à......... 2,000
Fabre, à...................... 500
Guichou, à.................... 300
Martin, à..................... 1,000
Pierre Mathieu, à.............. 1,000
Argiot, à...........................500
Mouran, à..................... 5Ô0
Malibran, à...... ............. 1,000
Gros, à....................... 300
Ancessy fils, à................. 300
Delmas et Colar, à.. :.......... 400
Coste du Vernet, à............. 500
Prats, à....................... 300
Belaud aîné, à................ 300
Belaud cadet, à. Astruc frères, à
150 300
Total............ 29,650
« Certifié véritable : Guiter, maire, Espert, secrétaire. »
Plusieurs autres ont souscrit depuis.
Je demande qu'il soit fait mention honorable de la conduite des officiers municipaux et que l'arrêté de la commune soit inséré au procès-verbal.
(L'Assemblée décrète la mention honorable de la conduite des officiers municipaux de la commune de Perpignan et l'insertion dans le procès-verbal de l'arrêté de cette commune.)
Le sieur Amyot, instituteur, est admis à la barre avec ses élèves. 11 s'exprime ainsi :
« Législateurs,
» Nos enfants possèdent dans leurs cœUrs le germe des vertus; ils attendent de vous les moyens de les faire éclore en leur donnant ce code d'éducation si désiré; les plus avancés de mes élèves apprennent les droits de l'homme, les plus jeunes délient leurs langues enfantines en prononçant avec moi les mots sacrés de Constitution, de liberté, de soumission aux lois ; je grave dans leur mémoire les noms des fondateurs de notre liberté; ils entendent souvent lire l'extrait de vos pénibles travaux et ils applaudissent aux noms cités que votre modestie veut que je taise ; le mot de classe primaire excite leur émulation, leur vœu est d'être instruits d'après votre plan ; ils partagent en cela celui de la nation entière. Daignez, sages législateurs, ordonner le rapport définitif de cet objet si nécessaire à l'Etat : il en est temps, car il existe dans cette capitale des êtres de mœurs peut-être plus que suspectes qui instruisent la jeunesse; les couvents de femmes sont les repaires où l'aristocratie, étalant l'appareil de ses so-phismes trompeurs, séduit et gâte le cœur des filles de nos concitoyens. Etablissez les bases de l'éducation nationale, nos enfants apprendront à devenir des hommes plus fermes que nous dans les principes de la liberté, ils en soutiendront avec plus d'énergie les colonnes et feront pâlir et trembler les tyrans qui voudraient renverser votre ouvrage, Leurs âmes élevées au-dessus des préjugés où nous avons vécu aimeront des corps dont les bras guerriers porteront des armes protectrices pour leurs représentants et meurtrières pour ceux qui voudraient s'opposer à leurs décisions utiles.. Prononcez ce décret régénérateur et la France est sauvée, les instituteurs aux gages des traîtres à leur patrie rentreront dans leur néant et nos enfants élevés par deB amis de . la vérité, n'écouteront plus d'autre voix que celle de la raison. »
accorde à M. Amyot et à ses élèves les honneurs de la séance.
. Je rappelle à l'Assemblée la nécessité de s'occuper enfin du travail présenté par M. Condorcet sur l'organisation des établissements de l'instruction publique, et je demande que cette discussion commence demain et qu'à partir de lundi prochain il soit consacré un jour par semaine à cet objet jusqu'à ce qu'il soit entièrement décrété.
Plusieurs membres appuient cette proposition.
(L'Assemblée décrète la proposition de M. Ar-bogast.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre de M. Durant hon, ministre de la justice, à laquelle était jointe la procédure relative aux troubles qui ont eu lieu à Yssingeaux; ces pièces sont ainsi conçues (1) :
« Paris, le
« Monsieur le Président,
« L'Assemblée nationale a été informée des troubles qui ont éclaté à Yssingeaux, dans les fêtes de Pâques, et des mesures qui ont été prises pour en arrêter les effets, en rechercher et eh faire punir les auteurs. L'instruction a été suivie sans relâche jusqu'au 4 de ce mois, jour auquel le directeur du juré a fait son rapport au tribunal. 11 y expose qu'il résulte des déclarations des témoins entendus depuis le 28 avril jusqu'au 3 juin, des actes et pièces de la procédure, qu'il existait un complot tendant à troubler l'Etat par une guerre civile, en armant les citoyens les uns contre les autres et en résistant à la fdrce publique, mise en action pour arrêter l'effet d'un pareil complot, auquel plusieurs officiers municipaux et plusieurs officiers de la garde nationale ont participé.
« Le tribunal, d'après ce rapport et l'examen qu'il a fait de la procédure, a rendu, le 4 juin, un jugement par lequel il a renvoyé devant le Corps législatif, pour statuer s'il y a lieu à accu-
satiojh «
« J'ai l'honneur, Monsieur le Président, de vous transmettre cette procédure que j'ai reçue hier, et de vous prier ae la mettre sous les yeux de l'Assemblée nationale, afin qu'elle décide si les délits commis à Yssingeaux sont de nature à être jugés par la haute cour nationale, ou si les tribunaux ordinaires doivent continuer d'en connaître.
« Je suis avec respect, Monsieur le Président, etc.
« Signé : ûuranthon. »
« Ce jourd'hui,
Le tribunal, assemblé dans la salle du prétoire, M. Faure, directeur du juré, a. exposé
que d'après 2 dénonciations à lui faites, l'une faite parles sieurs Joseph Maurin, Pierre
Besson et Joseph Delasme-Lapra, officiers municipaux, Mathieu Desrofë èt Jean-Claude Délabre,
notables, et Jacques Gagne, aussi notable, substitut du procureur de la commune d'Yssingeaux,
du 23 avril dernier, et l'autre par M. Lafayolle La Bruyère, commissaire du roi, du 5 mai
dernier, contre les auteurs, fauteurs des attroupements séditieux qui ont eu lieu à
Yssingeaux les fêtes de Pâques dernières; qu'il résulte des déclarations des témoins et des
actes et pièces qui lui ont été remis, qu'il existait tin complot tendant à troubler l'Etat
par une guerre civile, en armant les citoyens les uns contre les autres et en résistant à la
force publique, mise en action pour arrêter un pareil complot; que plusieurs officiers
municipaux et officiers de la garde nationale sont prévenus du délit, et comme l'affaire lui
a paru de la -première conséquence, il en a fait le rapport au tribunal et l'a requis de
délibérer si elle devait
« Ouï le commissaire du roi qui a dit : Qu'ayant pris vision de l'entière procédure suivie sur sa demande et celle de la municipalité d'Yssin-geaux, relativement aux troubles séditieux arrivés dans ladite ville, les 9 et 10 avril dernier, il lui paraît que les délits résultant des charges devant être de la compétence de la haute cour nationale, suivant la charte constitutionnelle, il y avait lieu d'en instruire le Corps législatif et, à cet effet, que l'entière procédure lui soit envoyée ;
« Le tribunal, après avoir pris lecture de l'entière procédure suivie par le directeur du juré sur les troubles séditieux arrivés à Yssingeaux les 9 et 10 avril dernier, délibérant sur le référé du directeur du juré, ouï le commissaire du roi;
« Considérant que tous complots et voies de fait tendant à troubler la sûreté intérieure et extérieure de l'Etat, à armer lès citoyens les uns contre les autres, ou à résister à la force également armée pour le maintien ou le rétablissement de l'ordre, sont de ces délits qui intéressent l'ordre général du royaume et de nature à être dénoncés au Corps législatif, suivant l'article 1er, section lre, chapitre 3 et l'article 23 du chapitre 5 de l'Acte constitutionnel ; que les troubles séditieux arrivés à Yssingeaux, suivis de meurtre, sont de cette catégorie ;
« Par ces motifs, a arrêté que l'entière procédure sera, à la diligence des directeur du juré et Commissaire du roi, envoyée à l'Assemblée législative.
« Ainsi arrêté par noué, Jacques Bouchet, Jean Morel, Faure, directeur du juré, Louis-Chrysos-tôme Lafayolle, juges.
« Signé au registre : bouchet, président; faure, directeur du juré; Lafayolle la bruyère, commissaire du roi. »
« Certifié par nous,
« Signé : FaUre. »
(L'Assernblée renvoie la lettre et les pièces au comité des Douze.)
, au nom du comité colonial, fait un rapport sur les; troubles qui pnt agité Vile de Cayenne et la Guyane française ; il s'exprime ainsi :
« Messieurs, fvous avez vu le rapport que le comité colonial vous a fait distribuer (1). Il existait à Cayenne une assemblée, qui, irrégulière dans sa formation, puisque l'on avait exclu des assemblées primaires des citoyens habiles à voter, a ajduté a l'irrégularité de son existence, celle de son opération.
« Vous avez vu cette assemblée s'emparer de l'administration des biens appartenant à la
nation, faire la remise dés droits d'amirauté, supprimer des emplois et priver de leurs
appointements des officiers brevetés par le roi : vous l'avez vue nommer des commissions pour
juger des citoyens ; vous l'avez vue contester au représentant du roi le droit de refuser sa
sanction à ses actes; vous l'avez vue,, enfin, forcer par la
« Le silence de l'Assemblée constituante et le vôtre, sur les premières opérations de cette assemblée coloniale, ont pu faire croire à cette dernière qu'elle était dans la vraie route, et il paraît qu'elle s'en est égarée de bonne foi.
« La nouveauté des circonstances, la difficulté de modérer un premier élan vers la liberté, peut-être aussi les oppositions qu'elle a éprouvées ou craint d'éprouver de la part ae ceux qui étaient ou qu'elle pouvait croire attachés à l'ancien régime, tout tend à excuser les intentions d'une assemblée qui, par la nature de sa colonie, ne peut avoir songé sérieusement à l'indépendance. Mais ses aetes n'en doivent pas moins être frappés de là nullité qui l'attend elle-même, d'après l'esprit de votre décret du 23'mars dernier, ainsi que toutes les institutions àr qui elle a donné l'existence. Votre comité vous a proposé, néanmoins, de maintenir les actes des tribunaux substitués par cette assemblée à ceux précédemment existants. Quand vous n'auriez pas l'exemple d'une pareille mesure dans la loi du 19 octobre, concernant les jugements rendus par le conseil supérieur du Cap, la raison et la justice vous engageraient àl'adopter. Votre comité croit aussi devoir vous proposer, Messieurs, de ratifier les libertés accordées par l'assemblée de la Guyane à quelques nègres, pour services rendus à la colonie ; quelques moyens que l'on pût mettre en avant pour contester le droit que s'est arrogé cette assemblée sur des individus attachés aux établissements nationaux dans la colonie, ou sur les fonds nationaux employés à payer la valeur de ces nègres à leur maître, il n'est certainement pas dans vos principes de faire rentrer dans les fers des hommes que leur bonne conduite en a fait sortir, et de les rendre à un esclavage qu'une liberté éphémère leur ferait paraître plus cruel mille fois que s'ils n'en avaient pas été tirés.
« C'est donc ayec confiance que votre comité vous propose Rajouter l'article suivant à ceux qu'il vous, a présentés. Il trouvera sa place entre le 3e et le 4e :
« Sont aussi confirmés les actes par lesquels « rassemblée coloniale de la Guyane française au-« rait affranchi ou récompensé de leurs services, « des nègres attachés aux établissements natio-« naux de la colonie, ou appartenant à des habi-« tants, en leur remboursant la valeur sur les « fonds publics. »
« L'assemblée coloniale de la Guyane vous a fait passer diverses demandes, dont nous ne vous étitretiendrons que pour en demander le renvoi au pouvoir exécutif, ou pour vous proposer la question préalable.
« Dans la première classe sont : 1° La demande en démolition de la partie des fortifications qui sépare la ville haute de la ville basse de Cayenne ; 2° celle de brevets d'officiers pour les sieurs La-borde-Gosselin, Perret, Martin et Canal, sous-officiers au bataillon de la Guyane ; 3° la demande d'une récompense militaire en faveur du sieur Vidiot; 4° enfin la demande d'une pension de retraite pour le sieur Ducoudray, ancien curé de Cayenne.
« Votre comité vous propose de déclarer qu'il
n'y a pas lieu de délibérer sur la demande que vous fait l'assemblée de la Guyane de lui envoyer une imprimerie.
« Après les demandes de l'assemblée coloniale, votre comité va vous présenter une pétition particulière des habitants des terres basses d'Apro-naque, qui vient de lui parvenir.
a Ces colons laborieux ont essayé de différentes sortes de culture; celle qui leur promet le plus de succès est celle de la canne à sucre, mais ils manquent de moyen pour manufacturer cette denrée que les désastres des autres colonies rendent tous les jours plus précieux pour la métropole elle-même.
« L'établissement de moulins et de fourneaux nécessite une dépense que ne sont pas en état de supporter, dans le moment actuel, des planteurs épuisés par les essais infructueux qu'ils ont faits successivement sur diverses productions. Mais il se présente un moyen simple et aisé de venir à leur secours.
« Le gouvernement avait fait établir à grands frais et sur les meilleurs plans, dans le quartier d'Apronaque, une fort belle habitation-sucrerie, qui, par la mauvaise administration à laquelle elle était livrée, était dans un tel état de nullité, que lorsque l'assemblée coloniale de la Guyane a jugé à propos de s'en emparer, il n'y avait pas une canne à sucre, et qu'elle iie pouvait pas même fournir à la nourriture de l'atelier qui y était attaché.
« Les habitants d'Apronaque demandent à être autorisés à porter leur cannes et à fabriquer leurs sucres dans les usines de cette habitation actuellement inutiles, à la charge de laisser une partie du produit pour les frais de manufacture.
«. Cette proposition a paru fondée en raison à votre comité ; il ne vous proposera cependant pas de l'accueillir directement parce qu'elle pourrait présenter des inconvénients ou des difficultés sur lesquels on ne peut bien se prononcer que dans la colonie même; mais il vous proposera de vous en rapporter à cet égard au commissaire civil et de 1 autoriser à prendre sur cet objet le parti qui lui semblera le plus avantageux aux parties respectives, d'après l'avis de l'assemblée coloniale.
« Comme il peut se présenter d'autres demandes pareilles ou analogues, votre comité vous proposera de généraliser cette autorisation dans les termes suivants :
« D'après l'avis de l'assemblée coloniale, le commissaire civil pourra provisoirement donner aux établissements nationaux dans la colonie de la Guyane, telle destination et en tirer tel parti qu'il croira le plus convenable au bien de la colonie et à l'intérêt de la métropole. »
Un membre : Je demande l'ajournement, car plusieurs députés de l'assemblée coloniale ont des pièces très importantes qui peuvent éclairer l'Assemblée.
(L'Assemblée ajourne la discussion du projet de décret (1) au samedi, 16 juin, pour la séance du soir.)
, au nom du comité de division, fait la seconde lecture d'un projet de décret concernant la
réunion de la paroisse au Temple à celle de Carentoir, dans le département du Mor-
PROJET DE DÉCRET.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport qui lui a été fait par son comité de division, de l'arrêté pris par le directoire du département du Morbihan, le 4 mai dernier, sur la délibération du conseil général de la commune de Carentoir, du 11 décembre 1791, sur l'avis du district de Rochefort, du 3 janvier 1792, sur celui de l'évêque du Morbihan, du 5 mars dernier, concernant la réunion de la paroisse du Temple à celle du Carentoir, décrète ce qui suit : « Les paroisse et municipalité du Temple sont supprimées et réunies à celle de Carentoir. L'église du Temple est conservée comme oratoire et le curé de Carentoir y enverra un prêtre, les dimanches et fêtes, pour y dire la messe et y faire les instructions publiques. »
(L'Assemblée ajourne la troisième lecture à huitaine.)
, au nom du comité de division, fait la troisième lecture d'un projet de décret (2) concernant l'érection d'une paroisse dans la ville de Port-Louis, département du Morbihan. Ce projet de décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport qui lui a été ' fait par son comité de division, de l'arrêté pris par le directoire du département du Morbihan, le 27 septembre dernier, sur la délibération du directoire du district d'Hennebont et l'avis de l'évêque du département, des 8 et 14 du même mois, concernant l'érection d'une paroisse en la ville de Port-Louis, et les 3 lectures faites les 30 mai, 7 juin et ce jour, décrète qu'elle est en état de délibérer définitivement.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété qu'elle est en état de délibérer, décrète définitivement ce qui suit :
« La succursale de la ville de Port-Louis, ainsi que son territoire et celui des villages de Dias-quer et de Locmalo, compris dans l'enceinte de ses fortifications extérieures, sont distraits de la paroisse de Riantec, pour former une paroisse qui sera desservie dans l'église ci-devant succursale de ladite Ville. Cette nouvelle paroisse sera circonscrite ainsi qu'il est expliqué dans l'arrêté du directoire du département, lequel est annexé à la minute du présent décret. »
(L'Assemblée décrète qu'elle est en état de délibérer définitivement, puis adopte le projet de décret.)
, au nom du comité de commerce, fait la troisième lecture d'un projet de décret (3) sur la réclamation des municipalités de Champagny et de Planchebas, pour l'exportation du tan à l'étranger; ce projet de décret est ainsi conçu :
t L'Assemblée nationale décrète que les habitants des municipalités de Champagny et de
Planchebas, et district de Lure, département de
(L'Assemblée décrète qu'elle est en état de délibérer définitivement.)
Je demande, par amendement à l'article du projet de décret, qu'on étende la permission d'exportation du tan par les 3 bureaux ordinaires deBourfeld, d'Elle et Chatinois, en obligeant les propriétaires exportants de déclarer la quantité.
(L'Assemblée adopte l'amendement, puis le projet de décret ainsi modifié.)
Un membre propose, par article additionnel, que les propriétaires de bois des municipalités riveraines de la Meuse, depuis et compris celle de Revin jusqu'à Givet, pourront, dans le même délai de 6 années, exporter annuellement à l'étranger, par le bureau de Givet, du tan ou écorce, moyennant un produit de 10 sols par millier, et ceux du Val de Rofernojet, district de Belfort, département du Haut-Rhin, par les bu^ reaux de Bourfeld, d'Elle et Chatenois, jusqu'à la concurrence de 900 milliers.
Divers membres observent que ces demandes, étant relatives aux contributions, sont sujettes aux 3 lectures prescrites par la Constitution.
(L'Assemblée renvoie ces propositions au comité de commerce pour en faire un rapport plus circonstancié, en considérant néanmoins ces propositions comme ayant été soumises aux formalités de la première lecture.)
Suit le texte définitif du décret rendu :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu les 3 lectures faites les 5 et 26 mai et de ce jour, du projet de décret présenté par son comité de commerce, et déclaré qu'elle était en état de délibérer, décrète que les habitants des municipalités de Champagny et de Planchebas, district de Lure, département de la Hautè-Saône, pourront, pendant 6 années, exporter annuellement à l'étranger, par les bureaux de Bourfeld, d'Elle et Ghatenois, jusqu'à la concurrence de 25,400 quintaux pesant de tan, provenant de leur crû/moyennant un droit de 10 sols par millier, en faisant accompagner ledit tan de certificats délivrés par l'une de ces municipalités, qui constateront la quantité que les particuliers leur auront déclarée, et que le tan provient de leur crû. »
, au nom des comités de commerce et d'agriculture réunis* fait la troisième lecture (1) d'un projet de décret sur les exceptions qu'il convient d'accorder à quelques manufactures contre le décret qui prohibe la sortie des matières premières; ce projet de décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de commerce sur
quelques faveurs à accorder à la main-d'œuvre nationale, dans ses séances des 22 mars, 5
avril
re série, t.
XLI, séance du 5 avril 1792, au matin, page 208, la seconde lecture de ce projet de décret.
M. Caminet était alors rapporteur.
Art. ler.
« Les laines étrangères non filées continueront d'être exportées à l'étranger en franchise de droits, et en justifiant de leur origine.
Art. 2.
« Les fabricants de drap de Sedan, et les manufacturiers de Rethel, de Reims, continueront de jouir de l'exemption de droit sur les laines préparées qu'ils enverront filer à l'étranger, et qu'ils feront rentrer en France.
Art. 3.
« Les entrepreneurs des retordoirsde fils, dans le département du Nord et dans celui de l'Aisne, pourront envoyer ces fils à l'étranger pour y être blanchis, et ensuite réimportés dans le royaume en franchise.
Art. 4.
« Les habitants de la commune du Bois-d'Amont, département du Jura, jouiront de la faculté de réexporter en franchise les bois qu'ils auront importés pour être façonnés.
Art. 5.
* Le Pouvoir exécutif réglera le mode d'exécution des faveurs accordées par les articles précédents, et il prendra toutes les précautions nécessaires pour qu'il n'en soit point abusé.
Art. 6.
« 11 sera tenu de faire connaître au Corps législatif la proclamation qu'il se proposera de faire à cet effet, et sa publication ne pourra avoir lieu que 15 jours après cette communication. »
(L'Assemblée décrète qu'elle est en état de délibérer définitivement, puis adopte le projet de décret.) I;
Je demande la parole pour une motion d'ordre ayant pour objet le rapport du décret qui ordonne l'envoi aux 83 départements de la lettre de M. Roland au roi (1) (Murmures).
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour) (2)..
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion (3) du projet Ae decrét du comité féodal concernant la suppression sans indemnité de divers droits féodaux déclarés rache-tables par le décret du 15 mars 1790.
La parole est à M. Prouveur.
Messieurs (4), j'adopte une grande partie des observations qui vous ont été
Votre comité part de ce point, qu'il faut détruire jusqu'aux dernières racines de la féodalité, de cet arbre funeste qui couvrait tout le sol de la France, et certainement il n'est aucun bon citoyen qui ne désiré d'atteindre ce but. [
Pour y arriver, on a fait deux observations sur les décrets rendus à ce sujet par l'Assemblée constituante; elle a, dit-on, laissé subsister la charge la plus odieuse, en déclarant simplement rachetables les droits casuels, au lieu de les considérer comme des usurpations, et de les abolir sans indemnité ; d'un autre côté, même en admettant le rachat, elle l'a rendu impossible. Ces deux idées sont très distinctes dans le préambule du rapport; on voit ensuite que, soit la discussion, soit le projet de décret, rie porte que sur le premier point : c'est aussi de celui-là seul que je vais parler.
Le comité se fait à lui-même ces deux questions : 1° le décret de l'Assemblée constituante, qui déclaré rachetables tels et tels droits, est-il du nombre des décrets qui peuvent être révoqués? Cette question, comme .l'observe le comité, n'est susceptible d'aucun doute, puisqu'il ne s'agit que d'un simple acte législatif.
La seconde question est posée de cette manière: « N'est-il pas de toute justice d'abolir les droits éventuels sans indemnité, à moins que le ci-devant seigneur ne justifie, par le titre de l'inféodation, que Ces droits sont le prix et la condition d'une concession de fonds?
Le système du comité à cet égard est renfermé tout entier dans son projet de décret : il ést dit dans le premier article que « tous les droits dont il est question sont et demeurent supprimés sans indemnité » ; dans le second article, « que tous les payements consommés doivent cesser » ; enfin, dans le troisième, et je le trouve très remarquable, que « les ci-devant seigneurs pourront cependant exiger lesdits droits, lesquels continueront d'être rachetables lorsqu'ils seront dans le cas de justifier, par le titre primitif d'in-féodation, qu'ils n'ont concédé et inféodé les fonds que sous la condition expresse desdits droits. »
Il est évident, Messieurs, que le système du comité porte tout entier sur ce principe : que les droits éventuels de mutation, et autres de la même nature, doivent être entièrement assimilés aux droits féodaux que l'Assemblée constituante avait abrogés sans indemnité; or, avant d'examiner ce principe, je crois devoir écarter deux objections, qui, selon moi, lui sont entièrement étrangères, et qui ne serviraient qu'à prolongèr la discussion sans l'éclairer.
D'abord, si le principe du comité est fondé, peu importe, qu'en l'adoptant, une des branches du revenu public soit éteinte. Ce n'est point parce que quelques petites vues fiscales seront dérangées qu'on peut trouver faux ce qui est vrai, ni vrai ce qui est faux. Il ne s'agit point ici d'une loi d'administration, mais d'un acte de législation; il s'agit d'un principe. L'Assemblée nationale constituante s'est-elle trompée, ne s'est-elle pas trompée? voilà le seul point qu'on puisse raisonnablement examiner.
Une seconde objection, parmi celles qu'on a cru devoir proposer, mérite encore moins d'être
réfutée: peu importe que la suppression sans indemnité des droits éventuels soit utile sous un certain rapport aux ci-devant seigneurs de fiefs ; qu'elle ne soit pas d'un avantage général; qu'elle soit d'un plus grand intérêt pour les grands propriétaires que pour les autres r qu'elle ne soit utile ni aux négociants, ni aux artisans, ni aux nombreux journaliers, qui sont presque tous sans propriété; toutes ces considérations sont étrangères au fond même de la cause, car il faudra toujours en venir à ce point; est-il vrai ou faux que les droits de mutatioh doivent être assimilés à toutes les autres usurpations féodales?
Avant d'entrer dans l'examen ce cette question, je crois qu'il est nécessaire de bien poser la manière dont l'Assemblée constituante l'a considérée.
On voit d'abord que cette assemblée a divisé les droits féodaux en deux grandes classes. Elle a placé dans la première tous les droits qu'elle a regardé comme une usurpation, et elle les a supprimés sans indemnité. Elle a placé dans la seconde tous les droits qui lui ont paru être le prix d'une concession primitive de Diens fonds, et elle les a déclarés simplement rachetables. Mais d'abord il se présente une observation que je crois être de quelque Importance, c'est que l'Assemblée constituante a définitivement prononcé, sur tous les droits qu'elle a supprimés sans indemnité. Après avoir déclaré ces droits, des usurpations, elle n'a pas fait dépendre leur légitimité de telle preuve ou de telle autre preuve; elle n'a pas admis la double possibilité qu'unè prestation par sa nature pût être déclarée usurpéè, et que cependant elle pût être placée dans certains cas au nombre des propriétés légales. Je reviendrai bientôt sur ce point de vue.
En second lieu, l'Assemblée constituante n'a pas déclaré précisément que tous les droits qu'elle a énoncés comme simplèment rachetables, aient été dans l'origine le prix d'une concession de biens-fonds. Elle a simplement déclaré qu'elle les présumait tels, et d'après ce principe, dont j'examinerai à l'instant la vérité ou la fausseté, l'Assemblée constituante a été forcée, pour agir conséquemment, d'adopter les trois dispositions suivantes :
1° Elle s'est bornée, pour les droits dont il s'agit, à réserver la preuve contraire, aux redevables ;
2° Elle a statué que les contestations sur l'existence de ces mêmes droits seraient décidées, d'après les preuves autorisées par les statuts, coutumes et règles observées jusqu'alors; c'est-à-dire, qu'à cet égard elle a confirmé toute l'ancienne jurisprudence, qu'elle a seulement modifiée en deux points : l'un, que l'enclave ne sert plus de titre, à moins que la coutume ne le regarde comme tel ; l'autre, c'est que la reconnaissance la moins onéreuse doit être suivie sans avoir égard à son ancienneté, sauf le droit de réformation quand elle n'est pas prescrite ;
3° L'Assemblée constituante, prévoyant le Cas où il serait allégué par le ci-devant seigneur que ses archives ont été brûlées ou pillées depuis la Révolution, ne l'a soumis qu'à prouver deux choses : 1° le fait de l'incendie ou du pillage ; 2° la possession pendant 30 ans du droit réclamé.
C'est contre l'ensemble de ces principes que le rapport du comité féodal est dirigé ; or, la première question qu'il faut résoudre, c'est de savoir laquelle de Ces deux présomptions il faut plutôt admettre, que les droits de mutation ont
été usurpés, ou qu'ils sont une propriété légale.
On a cru pouvoir décider cette question par les arguments qu'on a tirés de l'origine des fiefs, des maximes de notre ancienne jurisprudence et des dispositions de nos coutumes; mais il est facile de démontrer que ce n'est point là que l'on peut trouver, ni les véritables objections, ni les véritables lumières.
J'écarte d'abord les arguments qu'on a tirés de l'origine et de l'histoire des fieis, parce que cette histoire a été faite de cent manières différentes, entre lesquelles la critique la plus profonde serait embarrassée de prononcer. Or, si malgré tout ce qu'on a écrit sur cette matière, les faits sont encore incertains, ce n'est donc pas dans cet ancien cahos, cent fois remué et toujours plus obscur, que le législateur puisera ses décisions..
J'écarte encore les arguments tirés des erreurs de notre ancien code féodal. On a dit que, dans plusieurs ci-devant provinces du royaume, on avait admis l'absurde maxime, que nulle terre n'est sans seigneur, d'où l'on a conclu que les droits dé mutation n avaient pas d'autre origine. Mais cette conséquence n'est pas juste; car, dans plusieurs autres provincés, on suivait la maxime contraire, qu'il n'y a point de seigneur sans titre. Or, dans ces dernières provinces, les droits de mutation étaient connus comme dans les autres, Ils n'y étaient donc point considérés comme une dépendance du fief, et dès lors il est presque impossible de savoir si un droit qui est parfaitement le même, quoique perçu dans deux endroits éloignés l'un de l'autre, y a eu une origine différente.
J'écarte encore l'argument tiré de, ce que le retrait féodal a été supprimé sans indemnité, et de la comparaison qu'on a voulu faire de ce droit avec celui des lods et ventes; il arrive tous les jours que, même en respectant un contrat et les droits utiles qu'il renferme, les magistrats en déclarent nulles les causes inutiles ou oppressives ou immorales. Or, c'est d'après ce principe de toute justice que l'Assemblée constituante s'est décidée. D'abord le retrait féodal tenait à l'essence même de la féodalité; il ne donnait pas un droit utile, et ne produisait aucune prestation pécuniaire. Ce droit s'exerçait, non pas sur les biens, mais sur la personne même des vassaux; il tendait à exclure tel acheteur, à donner la préférence à celui-ci sur un,autre. Si le ci-devant seigneur exerçait le retrait pour un autre, rien n'était plus odieux. Si c'était pour lui-même, il avait un moyen presque assuré de chasser de son fief tous les vassaux qui. pouvaient lui déplaire, ou même d'y rester seul avec ses armoiries, ses parchemins et ses créneaux; or, qu'a décidé l'Assemblée constituante? qu'un droit pareil était contraire à l'utilité publique, oppressif, inutile même au seigneur, uniquement propre à vexer les habitants ; contraire à la liberté que doit avoir chaque individu de disposer de son bien comme il lui plaît; et par tous ces motifs essentiellement nuls, on n aurait rien prouvé, en disant que ce droit supposait aussi une concession de fonds, puisqu'on peut conserver dans le même contrat les clauses utiles, et casser les pactes absurdes; or, la clause utile était la conservation des droits casuels.
Enfin, je ne crois pas non plus qu'on puisse tirer des inductions suffisantes des dispositions de nos coutumes. Dans les unes, comme dans celle de Bourgogne, les droits dont il est question n'étaient pas connus ; dans d'autres, ces
droits n'étaient dus qu'autant qu'ils étaient stipulés dans l'acte d'inféodation, et telle est la coutume d'Auvergne. Il en est au contraire, et telle est celle du Hainaut, où ces droits absolument universels, existaient pour les fiefs, par la seule force de la coutume, sans qu'on fût obligé de prouver aucune convention primitive.
On peut réduire toutes les coutumes aux trois cas dont je viens de parler. Mais que peut-on en conclure? Une seule chose, c'est que les droits casuels ne faisaient pas partie de l'essence même du fief, comme la foi et hommage, puisque ces droits n'étaient pas universels, et que, suivant la diversité des lieux, il fallait les prouver d'une manière différente; mais delà on ne peut pas conclure directement que ces droits aient été usurpés. Car, en reconnaissant qu'ils n'étaient pas de l'essence des fiefs, il reste encore ces deux suppositions à faire, ou que ces droits ont été établis sans titre, ou, puisqu'ils ont existé sous des modifications si différentes les unes des autres, qu'ils ont été établis par des titres particuliers.
Je regarde donc, Messieurs, les trois points de vue que je viens de parcourir comme insuffisants pour éclairer la question. Mais il en reste un qui me paraît aussi certain que l'évidence; c'est de considérer le fait en lui-même. Il n'est personne de nous qui ne connaisse des droits ae mutation dont il n'existe point de preuve, et d'autres dont le titre, quoique très reculé, a été conservé, ou en nature, ou par l'histoire, ou par des titres postérieurs. On trouve des actes d'inféodation à la charge dés droits casuels, même dans les provinces de franc-alleu, même dans les paya où la coutume ne Teconnaissait pas ces sortes de droits, tout comme on en trouve dans les pays où la coutume aurait suffi pour les établir ; et les accensements modernes et légitimes sont en assez grande quantité pour faire présumer qu'un très grand nombre de droits pareils, perçus depuis plusieurs siècles, ont pu avoir une origine tout aussi légale.
Que faut-il en conclure, pour ne pas forcer les conséquences? c'ést que plusieurs dé cès droits ont pu être usurpés, que beaucoup d'autres doivent être considérés CQmme dé véritables propriétés; selon moi, tonte aptre conclusion serait injuste ; les partisans dû système contraire l'ont reconnu eux-mêmes, puisqu'après avoir proposé de déclarer que les droits casuels doivent être supprimés sans indemnité, ils déterminent la manière dont les ci-devant seigneurs seront admis à prouver que ces droits sont une propriété légitime,,
Or, de là, Messieurs, je tire plusieurs inductions qui me paraissent renfermer le véritable point de là difficulté.
La première, c'est que Jes droits dont il s'agit, n'étant pas essentiellement usurpés, ou par leur nature, ou par leur opposition avec l'intérêt public, n'ont pas dû être classés par l'Assemblée constituante parmi ceux qu'elle à supprimés sans 'indemnité ; car, à l'égard de ces derniers droits, elle a regardé toute preuve comme Jnutile ; il lui a suffi de considérer l'objet du droit en lui-même, ou son origine universellement -connue, ou la gêne qui en résultait par rapport à la liberté des citoyens.
Une seconde induction, c'est que le plan du comité et celui de M. Mailhe sont contradictoires, lorsque par un article, ils suppriment les droits dont il s'agit, comme usurpés, et que dans un autre article ils supposent que ces mêmes droits
peuvent avoir une origine légitime ; d'où il suit que le système du comité rentre entièrement dans celui de l'Assemblée constituante; il ne fait que déplacer pour ainsi dire la présomption. L'Assemblée constituante l'accordait aux ci-de-vant seigneurs, attendu leur possession : le comité, au contraire, établit contre eux la présomption, et les soumet à la preuve que .l'Assemblée' constituante rejetait sur les redevables.
Enfin une troisième induction c'est que le comité et M. Mailhe ont eux-mêmes considéré les droits de mutation comme pouvant être l'objet d'une propriété légale, comme ayant pu être lé- ' gitimement acquis. Or, par cela seul, même en supposant, et je suis de cet avis, que l'on peut soumettre les ci-devant seigneurs à une preuve positive, il reste encore à examiner cette question très difficile : quel est le genre de preuve à laquelle on peut les soumettre ?
En effet, Messieurs, cette seconde question est entièrement différente de la première. Par cela seul que plusieurs droits de mutation ont pu être usurpés, et que d'autres ont pu être légalement acquis, on peut, sans inconvénient, soumettre le ci-devant seigneur à une preuve, et s'écarter en cela du principe qui établit la présomption du titre en faveur du possesseur. Mais par cela même tout n'est pas décidé ; au Contraire, de ce que les droits dont il s'agit peuvent être une propriété légitime, on ne peut établir, pour un pareil droit, une preuve différente de celles qui sont reçues pour toutes les autres propriétés. Il y aurait, pour ne rien dire de plus, une contradiction évidente à regarder le droit comme possible, et à exiger une preuve impossible de ce droit.
Or, il me parait que ce reproche peut être fait au comité, en ce qu'il exige rigoureusement, et sans que rien puisse y suppléer, la représentation du titre primitif, et c est ce qu'il est facile de démontrer.
D'abord là où la coutume établissait le droit et dispensait de rapporter le titre, on n'a pas dû se croire obligé de le conserver; là cependant les droits dont il s'agit avaient pù être établis par titres. Je demande s'il ne serait pas injuste aujourd'hui de les exiger. Tel est le Hainaut : les chartes générales de cette ci-devant province ne sont que le résultat des chartes particulières d'inféodation pour les fonds, et d'affranchissement pour les personnes. Dès l'instant de cette réunion des titres particuliers en un seul, les propriétaires ont-ils encore dû les conserver ?
Dans un autre côté, tous ceux qui se sont occupés des matières féodales ont vu cent exemples où le titre ne se trouvait plus, et où cependant il était énoncé dans des actes postérieurs, de manière à ne pouvoir douter de son existence ; or, je demande, si dans un cas pareil on admettra la maxime des jurisconsultes : in antiquis enonciata probant, ou bien si on exigera le titre qu'on sait ne pouvoir plus être représenté ?
L'argument que j'ai tiré des coutumes qui dis-é pensaient de rapporter le titre, peut s'appliquer de même à la jurisprudence; car là où 3 reconnaissances suffisaient, la conservation d'un titre devenu inutile a pu être négligée.
Enfin, l'Assemblée constituante a prévu le cas de l'incendie ou du pillage depuis la Révolution, et personne n'a osé dire que cette exception ne soit très juste. Mais comment ne serait-elle pas applicable à un incendie et à un pillage antérieurs à la Révolution, dussent-ils remonter à un siècle et à plusieurs siècles ?
En dernière analyse, je regarde la preuve par titre comme trop rigoureuse, et par cela même comme injuste ; de plus, je la regarde comme impossible, et par cela même contradictoire avec le système du comité et de M. Mailhe, qui admet certains droits de mutation comme légitimes, et conséquemment ne nous permet plus de sortir du cercle des preuves établies pour assurer les autres genres de propriété.
On voit donc, en y réfléchissant, que toute la question se réduit au choix de la preuve .* l'Assemblée constituante l'a déterminé en statuant que les contestations seraient décidées d'après les statuts, coutumes et règles observés jusqu'alors. Trouve-t-on l'ancienne jurisprudence ou trop variable ou trop favorable aux ci-devant seigneurs ? on peut l'aggraver, on pourrait y substituer la preuve d'une possession de cent ans ; on n'a exigé que cette preuve pour les dîmes inféodées, et on n'en connaissait pas autrefois de plus rigoureuse. Mais rejeter toute preuve, ou, ce qui est la même chose, n'en admettre que d'impossible, c'est le comble de l'absurdité.
Il aurait été plus facile d'adopter le système du comité s'il était borné à supprimer, sans autre examen, tous les droits de mutation, sans indemnité ; soit qu'il eût prouvé qu'ils avaient été essentiellement usurpes, soit qu'il eût établi que ce genre de redevance n'a pu, dans aucun temps, devenir l'objet d'une propriété sociale; mais, én admettant le contraire, le comité, par cela seul, nous force, dans certains cas, de conserver ces sortes de propriétés, et par conséquent d'examiner avec soin si la preuve à laquelle il soumet les possesseurs n'est pas une dérision, plutôt qu'un moyen légal et possible de se maintenir dans cette espèce de propriété comme on se maintient dans toutes les autres.
Je ne puis trop le répéter, Messieurs, vous ne pouvez vous écarter ici du cercle des preuves établies pour les propriétés.
Car, si une fois on viole le droit de propriété, je voudrais qu'on me dît où l'opinion publique s'arrêtera. Rousseau a dit : « L'homme qui le premier fit une palissade autour d'un terrain et dit : Ceci est à moi, fut le premier fondateur des sociétés. » Eh bien, je dis aussi : L'homme qui le premier détruirait aujourd'hui ces barrières qui constituent les propriétés civiles, serait le destructeur de toute société. Le mot propriété, je dis plus, l'opinion attachée à ce mot, est la voûte ae ce grand édifice qui réunit 24 millions d'hommes en corps de nation; ébranlez cette voûte, l'édifice s'écroule; il n'y a plus de nation, mais seulement des individus. Je ne pousse pas plus loin cette idée, chacun peut en tirer les consp-
3uences; elle suffit pour répondre à ce qui a été it hier sur l'inégalité des fortunes. Pour moi je sais bien que si j'avais hésité jusqu'ici sur mon opinion, je n'aurais plus eu d'incertitude depuis que l'objection dont je viêns de parler a été faite.
Au reste, on aura sans doute remarqué que le plan du comité n'atteint pas le but de détruire le système féodal dans ses fondements ; car, si les*, droits de mutation, fondés sur des titres, doivent être conservés, la nation conservera la plus grande partie des siens, beaucoup de ci-devant seigneurs les conserveront aussi : il arrivera seulement qu'à travers des milliers de procès, quelques redevables obtiendront des exemptions partielles. Il me semble qu'il aurait été plus facile d'obtenir un succès beaucoup plus
général, en faisant un rapport sur les taux et sur fe mode du rachat, ainsi que sur le moyens, et je* les crois possibles, de l'exercer en même temps sur tous les biens du royaume.
D'après toutes ces observations, je conclus à la question préalable sur le projet du comité et dè M. Mailhe, en demandant au comité un rapport sur un nouveau mode de rachat, et subsidiaire-ment à exiger la preuve positive des ci-devant seigneurs, soit par titres primitifs, soit par une possession centenaire.
: La parole est à M. Gohier.
, Messieurs, tous les droits féodaux, en général, appellent sans cloute l'attention des représentants au peuple, et, ne fût-ce que relativement au mode de leur rachat et à la solidarité qui le grève, les lois qui les concernent, exigent une prompte, une salutaire réformation, mais l'objet est assez important pour mériter un rapport particulier, un travail réfléchi.
Alors, Messieurs, j'aurai, au nom des 5 départements de l'ancienne Bretagne, de grandes vexations à vous dénoncer, [de grandes réparations à vous demander. En ce moment, ç'est sur les droits casuels seuls que doivent se fixer vos regards. Je me renferme dans la question qui vous est proposée et je la traiterai en homme aussi ennemi de l'injustice que de la féodalité.
Lorsque votre comité féodal vous offre le moyen de débarrasser le peuple d'un fardeau qu'il supporte impatiemment, et qui lui rappelle une origine odieuse, on vous arrête par la crainte d'attenter au droit sacré de la propriété, on prétend que le projet qui vous est présenté, est tout à la fois contraire à la justice et à l'intérêt national, qu'il ne tend à rien moins qu'à dépouiller les propriétaires des droits qu'on ne peut légitimement leur^contester, et à priver la nation de 20 millions de revenus. On suppose, enfin, que vous ne devez pas vous permettre une opération si désastreuse, mais que vous n'en avez pas le pouvoir, et qu'au corps constituant, seul était réservée la faculté de faire de pareilles suppressions.
parcourons ces 3 objections dans lesquelles rentrent tous les raisonnements de ceux qui combattent le projet de votre comité féodal.
La première question que présente l'ordre naturel de la discussion est celle qui concerne l'étèndue même de vos pouvoirs,, puisque la décision négative de celle-ci rendrait les deux autres oiseuses, au lieu que, dans le cas même où yous ne trouveriez d'obstacle à la suppression proposée sans indemnité, ni dans les principes conservateurs de lalpropriété, ni dans l'intérêt qu'a la nation de laisser subsister ces droits casuels, il resterait toujours à décider si l'Assemblée nationale a, ou non, le droit de prononcer cette Suppression.
Est-ce bien sérieusement, Messieurs, qu'on peut évoguer en doute le pouvoir de l'Assemblée
nationale. Deux espèces de décrets sont émanés du corps constituant, qui réunissait les deux
pouvoirs ; les uns sont constitutionnels, les autres purement législatifs. Tout ce qu'il a
voulu rendre indépendant de la puissance législative a été placé dans la collection qui
forme l'Acte constitutionnel. Voilà les seuls décrets qu'il ne nous est permis ni de
changer, ni de modifier, mais tous ceux qui ne peuvent être regardés
o 9.
Ce n'est pas sans une extrême surprise que j'ai entendu un des préopinants soutenir qu en vertu de la déclaration des droits, tout décret relatif à la propriété était à jamais irrévocable, et qu'une fois les droits incorporels déclarés rachetables, il ne nous était plus permis de décréter qu'ils ne seraient pas rachetés. Ainsi, l'irrévocabilité, qui est le caractère distinctifde l'Acte constitutionnel, serait communiquée à une sorte de décrets, qui cependant ne ferait pas partie de la Constitution. Ainsi!, il existerait deux espèces de décrets constitutionnels , dont l'une serait hors de la Constitution, et, en érigeant en maximes ces funestes erreurs, on viendra encore nous dire : la Constitution, toute la Constitution, rien que la Constitution. Comment n'a-t-on pas réfléchi aux conséquences d'Un si dangereux système ; comment n'a-t-onpas vu qu'il était subversif de tout principe? Sans doute, la propriété, qui est le fondement de tout établissement social, doit être respectée par l'Assemblée nationale, comme elle a dû l'être par l'Assemblée Constituante, mais c'est parce que celle-ci avait le droit d'abolir, sans indemnité, tous les droits casuels, qui n'ont que la féodalité pour principe, que ce pouvoir à nous-mêmes nous est réservé.
Lorsque la Constitution abolit le régime féodal, nous sommes dans l'heureuse impuissance de le faire revivre, mais lorsqu'un décret consacre une partie des droits qui dérivent de cette féodalité abolie, et qu'il-n'a que force de loi, qui peut douter que nous n'ayons lé pouvoir de réformer ce décret, de lui en substituer un plus* conforme à l'esprit et à la lettre de la Constitution? Ou il faut nous refuser la plénitude du pouvoir législatif, ou il faut convenir que tous les actes législatifs sont indéfiniment soumis à l'exercice de ce pouvoir.
Ce n'est donc pas, Messieurs, par le défaut de puissance qu'il faut chercher à combattre la proposition de votre comité. Cette proposition est-elle juste?Peut-elle se Concilier avec les lois sacrées de la propriété? Telle est la question essentielle, je pourrais dire : telle est la question unique qu il faut discuter et approfondir.
Lès défenseurs des droits casuels n'oublient rien pour présenter sous un jour défavorable, le projet de décret que vous propose votre comité. |
A les entendre, la portion du peuple dont le soulagement doit sans cesse vous occuper, serait la seule qui ne retirerait aucun avantage de la suppression dont il s'agit. Cette suppression ne profiterait qu'aux riches acquéreurs, qu'aux grands propriétaires, et, cependant, par une-contradiction manifeste, ce sont ensuite les titres de ces riches acquéreurs, de ces grands propriétaires, qu'on oppose à la suppression demandée. Pour combattre le projet du comité féodal, on suppose ainsi tout à la fois, et qu'on enrichit et qu'on dépouille les grands propriétaires, suivant qu'on a dessein, ou de faire paraître le projet injuste, ou de le rendre indifférent à ceux mêmes qu'il intéresse.
Si les droits casuels n'étaient payés que par les possesseurs de terres érigées en fiefs, ç est alors qu'on pourrait dire avec une sorte de raison, que la question dont il s'agit, est étrangère à cette portion précieuse du peuple qui a, pendant trop longtemps supporté presque seule le
fardeau des contributions de toute espèce. Mais, dans la hiérarchie tyrannique du gouvernement féodal, tout était aù contraire disposé de manière qu'un seigneur de fief ne payait pas un seul tribut à son supérieur, qu'il ne s'en dédommageât amplement sur ses vassaux; ceux-ci se rejetaient sur les arrière-vassaui, si la terre qu'ils possédaient était elle-même fieffée, en sorte qu'aujourd'hui même, cette chaîne d'oppression ne pèse réellement que sur ceux qui n'en tiennent pas un seul anneau dans leurs mains.
Supposons, par exemple, que les possesseurs des terres de la plus haute importance soient tributaires envers le domaine de sommes considérables pour rachats, lods et ventes et autres droits de cette espèce, ces sommes ne sont, en quelque sorte que de simples avances dont ils se trouvent bientôt remboursés avec usure par les rachats, lods et ventes qu'ils perçoivent à leur tour sur les propriétaires dont les terres étaient anciennement dans leur mouvance. Il en est de même des possesseurs des arrière-fiefs, les ci-dévant seigneurs acquittent moins des droits lorsqu'ils payent des rachats, des lods et ventes, qu'ils n'acquièrent à un prix convenu la faculté de lever eux-mêmes des contributions onéreuses sur- les possessions qui se trouvent dans l'enclave de leurs fiefs.
Ceux-là donc seulement qui n'avaient aucun principe de fief, qui ne possédaient que des terres ..roturières, sont assujettis à ces droits casuels, sans espérance d'aucune reprise, payent et ne reçoivent rien, d'où il résulte que tout le poids des droits casuels retombe, en dernière analysé, sur la-portion du peuple qui a toujours été écrasée par la féodalité. Si le produit des droits casuels, versé dans le Trésor national par les grands propriétaires, s'élève à 20 millions, il faut redescendre dans la chaumière de l'honnête cultivateur pour retrouver ceux par qui seuls1 Ce tribut est définitivement supporté.
Qui peut ne pas reconnaître dans l'établissement de ces droits le principe vicieux de leur origine, qui peut ne pas y voir tous les caractères odieux de la féodalité! L'injustice révoltante qui résulte nécessairement de leur perception, indique seule la source impure qui les a produits. Sur quoi se perçoit le drpit de lods?" sur quoi se paye le rachat? n'a-t-on égard qu'à la valeur primitive du terrain,.qu'on suppose si gratuitement avqir été concédé par le seigneur de fiefs? Non : Ce terrain, il y a à peine quelques années, n'était qu'une terre inculte, qu'une lande aride : un cultivateur laborieux entreprend de rendre cette lande productive, la transforme en un champ précieux qu'il fertilise en l'arrosant de ses sueurs, s'y bâtit à grands frais une maison, y forme de riches établissements; et voilà tout à coup le ci-devant seigneur qui, en vertu d'un contrat qu'il ne montre pas, qu'il soutient n'être pas obligé de montrer; prétend s'associer aux travaux de cet utile laboureur, et en partager les fruits. Si le terrain est vendu, il exige des lods sur la totalité du prix, quoique la principale valeur de cette terre ne provienne que de l'industrie de Ceux qui la cpltivônt, et des dépenses que les bâtiments leur ont coûtées; il en'réclame tout, le produit annuel à titre de rachat, si le propriétaire vient à céder.
Et quel est le fondement de ces prétentions si étranges? un régime qui ne subsiste plus, la féodalité qui a été abolie. On suppose un fèage gratuit ; on imagine que le Ci-devant vassal tient tout ce qu'il possède de la munificence du ci-
devant seigneur, lorsque tout au contraire s'élève pour prouver la vexation qu'a éprouvée l'un, et l'usurpation de l'autre.
Les orateurs qui ont parlé avant moi. Messieurs, vous ont démontre, et personne n'ignore que la féodalité, loin de pouvoir être considérée comme la source de toute propriété, n'en était que le fléau ; que ce monstrueux régime n'a produit que des vexations, qu'il a grevé les propriétés, et ceux qui les possédaient, d'une foule de servitudes de toute espèce, et que c'est à l'établissement de ces servitudes qu il faut reporter la majeure partie des droits féodaux qui se perçoivent encore aujourd'hui, un petit nombre de tyrans usurpent les terres
aui ne leur avaient été concédées qu'à titre e bénéfice et viager, s'érigent en despotes de leurs cantons ; de petits propriétaires qui ne se trouvent dans leur dépendance que, parce que, dans les désordres de l'anarchie, le faible dépend toujours du plus fort, imitent leurs oppresseurs, tyranisent de plus faibles qu'eux, et voilà les fiefs, les arrières-fiefs établis.
Bientôt, comme je l'ai observé avant que le premier cri de la liberté se fut fait entendre, bientôt une coalition redoutable se forme entre cette horde usurpatrice, pour faipe retomber sur la classe laborieuse et désarmée dés habitants des campagnes, tout le poids des guerres ou privées ou publiques, de celles mêmes où les seigneurs se trouvent enrôlés pour le service de leurs fiefs.
L'un deux avait-il une querelle avec un autre seigneur, ou venait-il à la suite du ban, déployer toute sa puissance; les dépenses qu'exigeaient la guerre, ou les dépenses qu'elle Causait, retombaient toujours sur les simples propriétés rurales : on les grevait, on les surchargeait d'impositions nouvelles; c'était avec le sang du peuple que les forteresses étaient réparées ou reconstruites, que les châteaux étaient rebâtis ; que leurs possesseurs étaient indemnisés ; il n'était même que trop . ordinaire aux malheureux vassaux d'être assujettis à plusieurs taxes, et de les supporter au profit de différents maîtres. Les prélats, barons et autres seigneurs se refusaient d'autant moins à celles qu'on voulait asseoir sur le territoire de leurs fiefs, que leur complaisance était payée par la liberté presque indéfinie d'imposer eux-mêmes leurs vassaux.
C'est ainsi qu'en Bretagne, le fouage, cette taxe odieuse dont j'aurai l'occasion de vous entretenir, s'étendit sur toutes les terres roturières du duché, c'est ainsi que s'établirent tous ces droits barbares qui attestent tout à la fois, et l'insolent orgueil de ceux qui les exigeaient, et la faiblesse déplorable de ceux qui se résignaient à les supporter, et comme l'effet naturel de l'esclavage est la dégradation de l'espèce humaine, les hommes accoutumés à se voir traités en vassaux, s'habituèrent à regarder les seigneurs comme les maîtrés de leurs propriétés et de leurs personnels ; à envisager, comme un bienfait la liberté de disposer de leurs propres héritages. On ne trouva donc point étrange qu'à chaque mutation de propriété, tout vassal fut obligé d'obtenir, à prix d'argent, l'investiture du seigneur, de dégager en quelque sorte sa terre, en payant un tribut; tels sont les traits auxquels vous reconnaîtrez la munificence féodale.
On me dira sans doute que ces anciens usurpateurs n'existent plus, et que ceux qui leur ont succédé ont contracté sous le sceau de la foi publique; que les droits casuels sont des
droits utiles; que les droits casuels ont été acquis à prix d'argent par ceux qui les possèdent aujourd'hui, que leur titre vis-à-vis des ci-devant vassaux est le premier des titres qu'on ne peut "refuser de reconnaître sans violer tous les principes sur lesquels repose la propriété.
Je sais, Messieurs, combien'la possession est un titre respectable, et je n'ai garde de vouloir y porter atteinte ; mais pour que ce titre produise tout son effet, il faut que l'objet possédé soit susceptible d'entrer dans le commerce; il faut que la possession ne puisse être regardée que comme une suite du renversement des lois fondamentales "de la société, comme le prix d'un attentat à la liberté individuelle que ces lois doivent assurer et garantir, car alors la possession est un délit contre la société plutôt qu'un titre. Cette possession n'est qu'une prorogation d'usurpation condamnable, et l'usurpation est l'ennemie déclarée de toùte propriété. Loin donc d'attaquer la propriété, c'est la rétablir sur ses vraies bases que de distinguer la possession qui la transmet, de celle qui la détruit ; et peu importe que le possesseur ait ou non acquis a prix d'argent, le droit de posséder, si la possession est infectée d'un vice radiçal que le temps ne peut couvrir; ni l'argent qu'il a déboursé, ni la foi publique sous laquelle il prétend avoir contracté, n'ont purgé dans sa main le vice du titre primordial. Les possesseurs actuels n'étant que subrogés aux premiers usurpateurs, la nature de leurs droits est la même; et tout ce qu'on pourrait, dans le principe, opposer aux uns, peut aujourd'hui efficacement être objecté aux autres.
Si du sein de cette Assemblée pouvait s'élever une Voix contre les principes immuables sur lesquels reposé la propriété, on me verrait jaloux de monter le premier à la tribune pour les défendre, parce que la propriété est non seulement la base de la Constitution, mais celle (de la société même pôur laquelle est faite la Constitution ; et je crois remplir aujourd'hui ce devoir sacré, lorsque je demande, non que les anciens possesseurs des droits féodaux soient dépouillés de ceux qui leur appartiennent à un titre légitime, mais qu'ils soient réduits à la jouissance de ces droits qu'on doit respecter dans quelque main qu'ils se trouvent. Je demande seulement que les propriétés foncières soient dégagées des injustes entreprises de la féodalité; je demande que l'on discerne les titres respectables de la propriété, de ceux qui ne sont propres qu'à rappeler l'usurpation de peur qu'on ne soit tenté de les confondre. C'est là, là seulément qu'est le danger, qu'on ne peut trop tôt prévenir. Les véritables ennemis ae la propriété seraient ceux qui, par leur imprudence, donneraient eux-mêmes lieu à cette confusion ; qui, s'obstinant à vouloir soutenir d'une même main l'usurpateur et le propriétaire, s'exposeraient à rendre l'un et l'autre également odieux aux yeux du peuple.
Mais depuis le décret du 15 mars 1790, des ventes ont été faites, et les acquéreurs ont contracté sur la foi de cette loi. La nation elle-même a vendu des droits casuels. Peut-elle ensuite, en faisant une loi nouvelle, dépouiller les acquéreurs des objets dont, en touchant le prix, elle a garanti la jouissance?
Faire une pareille question, c'est demander, en d'autres termes, si l'exécution d'une loi peut devenir un obstacle à sa réformation; si, en passant un ou plusieurs contrats, la nation se lie
tellement elle-même, qu'elle ôte au Corps législatif, le droit de modifier les lois en vertu des-'quelles elle a contracté. La réponse à cette objection est dans la conduite qu'a tenu l'Assemblée constituante : Les seigneureries de paroisses, les droits de justice, les droits de déshérence, d'aubaine, de bâtardise, d'épave, de varech, de trésor trouvé, celui de s'approprier des terres vaines et vagues contenues dans 1 enclave du fief, les droits de garenne, les droits de colombier, les droits de péage, les banalités, les servitudes personnelles, cent autres droits odieux, enfantés par le régime féodal, n'étaient-ils pas également soutenus de la possession, n'avaient-ils pas été acquis à prix d'argent et sous le sceau de la foi publique parjceux qui les possédaient? Qu'a jugé l'Assemblée constituante? Que l'argent n'est qu'un mode d'acquérir ce qui est susceptible de l'être ; que la possession des acquéreurs ne devait être considérée que comme une suite d'une longue, d'une déplorable usurpation; qu'èlle était d'ailleurs susceptible de recevoir' toutes les modifications qu'il plairait aux lois de lui donner ; et tous ces droits barbares ont été supprimés sans indemnités. L'article 36 du titre II du décret du 15 mars 1790, refuse toute indemnité aux personnes, qui, par vente ou autre titre équipollent à la vente ont acquis de particuliers des droits abolis. Mais considérant qu une nation généreuse ne peut profiter des changements
Qu'elle opère dans sa législation, au préjudice e ceux qui ont traité avec elle, l'Assemblée constituante autorise, par cette même loi, les acquéreurs des domaines nationaux à réclamer la restitution, soit des finances par eux avancées, soit des autres objets ou biens par eux cédés à l'Etat, et votre comité féodal vous proposé la même disposition.
Laissons donc là tous les arguments tirés de la possession et du prix que lesdroitsjcasuels ont coûté à ceux qui les ont acquis. C'est dans la nature même des droits qu'il faut chercher la décision.
Par l'Acte constitutionnel, le régime féodal est aboli, et avec lui tous les droits vexatoires qui en dérivent.
La .loi du 15 mars 1790 prononce la suppression sans indemnité, non seulement de toutes les servitudes personnelles, mais de tous les droits et charges qui ne sont représentatifs que des servitudes de ce genre (article l*r et 5 du titre 2).
L'instruction décrétée par l'Assemblée constituante, le 15 juin 1791, pour être exécutée comme loi, porte également en termes exprès, ( que lorsqu'il paraît qu'un droit seigneurial, n'es t le prix, ni d'une concession de fonds, ni d'une somme d'argent anciennement reçue, mais le fruit de la violence, ou de l'usurpation, ou, ce qui revient au même, le rachat d'une ancienne servitude purement personnelle, il n'y a nul doute qu'il ne doive être aboli purement et simplement. Ainsi, non seulement les servitudes personnelles, mais les prestations pécuniaires, qui en sont représentatives, sont abolies sans indemnité. Peut-on attribuer une autre origine aux droits casuels dont il s'agit. U est démontré que dans les 5 départements qui formaient, l'ancienne Bretagne, le rachat a succédé au bail féodal, et que le bail féodal lui-même n'était qu'une exaction compensatoire d'une servitude personnelle. Aux termes mêmes des lois qui existent, voilà déjà, dans une partie de la France, ce droit aboli purement et simplement ; lui supposera-t-on, dans une autre partie de
l'Empire, un principe plus conforme aux lois?
Les lods et ventes peuvent-ils être envisagés sous un aspect favorable ? On vous a démontré que ces droits étaient de la même nature que le retrait féodal, que le retrait casuel, qu'ils avaient la même origine et le même objet ; que les uns et les autres étaient fondés sûr la maxime insolente, qu'on ne pouvait forcer un seigneur à avoir un vassal qui lui fût désagréable. Le plus sûr moyen de plaire à ces brigands avides, était de leur livrer sa bourse ; en sorte que, sous cet indigne régime, le malheureux propriétaire était réduit a acheter la dégradation de la vassalité. Ce tribut, d'abord volontairement payé, fut bientôt converti en un droit exigible, et se trouva plus ou moins grevant, selon que le seigneur se trouva plus ou moins intéressé. De la, Messieurs, ces lods et ventes d'un douzième^ d'un dixième, d'un huitième, d'un cinquième, d'un quatrième, d'un tiers, de la moitié, des trois quarts, même du prix de l'héritage vendu; de là, ces remises d'une partie des droits que de nos jours encore, des ci-devant seigneurs n'osaient recevoir qu'en couvrant leurs exactions du manteau de la générosité. Et la preuve que les lods et ventes ne peuvent réclamer d'autre origine, la preuve qu'ils sont essentiellement liés au retrait féodal, au retrait casuel et doivent subir le même sort, c'est que l'exercice des retraits était subordonné au payement de ces droits, que le seigneur était libre de ne pas recevoir, c'est que Pexercice des retraits n'était arrêté que par l'acceptation des lods et ventes, que c'était en -les acceptant, que le seigneur était seulement supposé agréer l'acquéreur pour son vassal. Aujourd'hui qu'il ne peut plus être question de vassalité, aujourd'hui qu'il ne dépend plus du seigneur de substituer un autre propriétaire à l'acquéreur, comment peut-on exiger que l'on continue d'acheter son agrément. L'article 1er du titre III du décret du 15 mars 1790 ne place au rang des droits rachetables, et qui continueront d'être payés jusqu'au rachat effectué, que les droits et devoirs féodaux utiles, qui sont le prix et la condition d'une concession primitive de fonds. Qui oserait soutenir que les droits casuels doivent êtrè en général considérés comme ayant été le prix et la condition d'une concession primitive de fonds, lorsque tous les auteurs qui ont écrit sur le rachat et les lods et ventes (Montesquieu lui-même), lorsque tous les monuments ae notre histoire et au gouvernement féodal attestent l'origine vicieuse ae ces droits casuels -, lorsque tout se réunit pour prouver que ces droits n'ont eu pour prinçipeque le rachat d'une vexation odieuse et non une( concession de fonds, qu'ils se sont établis par la force et la violence, comme tous les autres droits supprimés sans indemnité.
Cependant l'article 2 du titre 111 du décret du 15 mars 1790 déclare ces droits présumés, le prix et la condition d'une concession primitive aé fonds, sauf la preuve contraire!... C'est ainsi que, contre toutes les présomptions, toutes les preuves historiques, contre une espèce de notoriété qu'un historien qui se respecte n'aurait osé frauder, l'Assemblée'nationale constituante a établi une présomption légale, qui peut seule détruire la preuve contraire ; .la preuve delà non-existence d'un fait, la preuve d'une négative, qui ne se prouve pas.
Votre comité féodal a jugé, avec raison, que l'établissement de cette présomption révoltante
était contraire à tous les principes, et son projet de décret n'est sans doute combattu que parce qu'on affecte de ne pas l'entendre.
Il ne s'agit pas de savoir si les droits casuels-seront ou non supprimés sans indemnité, cette suppression est formellement décrétée par la disposition qui ne place au rang dès droits rache-tâbles, que ceux qui ont été le prix et la condition d une concession primitive de fonds, et c'est par erreur, sans dpute, qu'on vous propose de déroger à cette loi. Il n'y a de contraire à notre réclamation, il n'y a de révoltant que l'article 2 du titre III du décret- déjà cité, qui établit une présomption injuste, en faveur aes possesseurs des droits casuels, et rejette sur les ci-devants vassaux l'obligation d'une preuve qu'il leur est impossible de faire.
Les plus déterminés partisans des droits casuels, n'oseraient prétendre qu'ils sont tous le prix d'une concession primitive, et l'Assemblée constituante elle-même a jugé le contraire. On ne pourrait sans impudeur contester qu'au moins une grande partie de ces droits n'ont d'autre source que la féodalité et que leur premier titre a été la grande main du seigneur, l'axiome féoda-lement barbare : nulle terre sans seigneur. Pour être conséquent, il faut donc convenir qu'il y a nécessairement une distinction à faire entre ces droits incorporels, et que, s'il en est que l'on doit conserver, il en est un plus grand nombre encore, dont il faut proscrire la perception; or, comment établir cette distinction, si ce n'est par la distinction des titres que présente le ci-aevant seigneur. Gomment s'assurer que ces droits sont le prix d'un terrain concédé, si l'on ne commence par rejetér tous'les titres qui n'offrent qu'une reconnaissance féodale du domaine direct, si l'on n'exige pas impérieusement le titre originaire de la concession ; et tel est le sage parti que l'on vous propose.
Se fondant sur le principe et la notoriété des faits, votre comité féodal a justement pensé que c'était à celui qui exigeait un droit, à en prouver la légitimité, que c'était à celui qui prétendait que ce droit est le prix et la condition, d'une concession primitive de fonds, à constater cette concession et la condition à laquelle elle a été faite.
L'usurpation ne se prouve que par l'existence du droit usurpé. La violence et la force ne laissent après elles d'autres traces que les plaies qu'elles causent, comme la tyrannie féodale ne se constaté que par les actes qu'elle a produits, que par les droits odieux dont elle a établi la perception. L'existence des droits mêmes, le caractère de vexation que ces droits portent avec eux, voilà les seules preuves que les malheureux qui ont été vexés, peuvent offrir.
Les droits casuels sont-ils le prix et la condition d'une concession primitive de fonds? C'est dans les mains de ceux qui ont fait cette concession, que les titres doivent nécessairement se trouver : c'est conséquemment à eux seuls à les fournir. Il ne faut pas confondre ces titres avec de simples aveux arrachés aux vassaux par la crainte de la saisie féodale, et qui caractérisent plutôt l'hommage d'un vassal à son seigneur, qu'une reconnaissance donnée par un ancien concessionnaire de fonds.
Pour obtenir foi entière, les actes doivent énoncer clairement, précisément, non pas seulement comme le porte l'article 29 du titre II du décret du 14 mars 1790, soit la concession, soit la convention, d'après laquelle elle a été faite,
mais référer tout à la fois l'une et l'autre.
Ceux qui réclament le droit commun en faveur des ci-devant seigneurs, ceux qui disent que nous ne devons pas rendre leur condition pire que celle de tout autre propriétaire et que la possession à leur égard "doit produire le même effet que relativement à tous les autres possesseurs, n'ont pas fait une attention sérieuse aux principes qu'ils invoquent. Ils n'ont pas réfléchi à la nature des droits dont il s'agit, ou feignent d'ignorer les vrais caractères de la possession et quels sont les effets qui peuvent être possédés.
Pour que la possession puisse devenir un titre translatif de propriété, il faut qu'elle soit publique, que des actes notoires et sans équivoque constatent le droit d'user et d'abuser, qui démontre le propriétaire ; il faut, en un mot, que la chose soit continuellement et au grand jour en la disposition du possesseur; de là, Messieurs, la distinction qui a toujours été faite entre les droits corporels, susceptibles d'une telle possession, et les droits incorporels, dont la propriété ne peut être constatée que par des preuves écrites.
Qu'une terre ait été possédée par moi et par mes pères, depuis 40 ans, cette possession sera sans doute le plus respectable des titres et peut me tenir lieu de tous les autres. C'est alors que je puis répondre à celui qui me demanderait en vertu de quel titre je possède : possideo quiapossideo, mais la jouissance d'un droit incorporel ne laisse aucune trace certaine. Un pareil droit n'est, à proprement dire, susceptible d'aucune possession, et voilà pourquoi non seulement on exige la preuve écrite de la propriété d'Un droit de cette nature, mais le renouvellement de ce titre dans les 30 ans. Lors donc qu'on vous propose d'autoriser les possesseurs des droits incorporels à représenter les titres primitifs de concession et de déroger ainsi à la prescription dont les obligations personnelles et ^hypothécaires peuvent être frappées, loin de rendre pire la condition du seigneur, c'est faire pour lui peut-être plus que n'exigeait la justice rigoureuse. Admettre, à" quelque date qu'elles remontent, les preuves qu'il doit être en état de fournir, s'il n'est pas un usurpateur, c'est le placer au rang des propriétaires les plus favorables et les plus favorisés. Si ses droits sont véritablement le prix et la condition d'une concession primitive, il a pu, il a dû exiger des reconnaissances qui constatent sa concession, le prix et la condition auxquels elle a été faite. A-t-îl entièrement laissé perdre les traces de cette prétendue concession, il est dans le cas de tout propriétaire légitime qui aurait laissé prescrire son titre. Les droits dont il a joui ne peuvent plus être attribués qu'à l'origine commune des droits seigneuriaux, qu'à la féodalité, et. doivent disparaître avec elle.
Toutes les difficultés qu'éprouve le projet de votre comité féodal ne peuvent être attribuées qu'à la manière dont la question a été posée. Les défenseurs des droits casuels craignent de voir dans ce projet le renversement des principes sur lesquels repose la propriété, tandis que son objet au contraire est de maintenir ces principes sacrés contre ceux qui voudraient substituer au pacte libre qui seul peut former un véritable engagement des actes produits par la force et la violence, obligatoires seulement, tandis qu'on n'est pas en état de résister à l'oppression.
Nous convenons tous, sans doute, avec l'Assemblée constituante, que les seuls droits féodaux qui doivent être rachetables et continuer d'être payés jusqu'au rachat effectué, sont ceux qui sont le prix et la condition d'une concession primitive de fonds.
La seule question que vous ayez à décider est celle de savoir à qui sera imposée l'obligation de vérifier la nature des droits en question. Sera-ce aux vassaux ? Sera-ce aux ci-devant seigneurs? Dans cette alternative, qui pourrait balancer? Qui pourrait exiger que celui qui conteste, que celui qui, d'après tous lés monuments de l'histoire, peut se croire fondé à contester la légitimité d'un droit, fournisse un titre à celui qui prétend être autorisé à le percevoir? S'il existe un titre légitime, n'est-ce donc pas dans les archives de la ci-devant seigneurie qu'il doit se trouver? Et s'il n'existe pas, les seules présomptions qui s'élèvent alors, les seules qu'une législation juste et humaine puisse adopter, se réunissent pour rejeter des droits vexa-*-toires, qui n'ont évidemment pour principe et pour origine que la tyrannie féodale dont un peuple libre doit être entièrement affranchi.
Et qu'on ne dise pas que les archives de quelques propriétaires ae fiefs ont été incendiées : ce cas est prévu par le décret du 15 mars 1790, et la loi offre à ces propriétaires les moyens de réparer les préjudices qu'ils ont soufferts, au lieu que les infortunés habitants des campagnes sont dans un dénuement absolu de tous les titres qui pourraient servir à faire connaître la source impure des droits au payement desquels on voudrait indéfiniment les soumettre. D'ailleurs, si l'on peut, si l'on doit exiger que les anciens propriétaires des fiefs constatent la possession primitive dont ils prétendent que les droits casuels sont la condition et le prix, il n'est pas possible d'assujetir leurs ci-devant vassaux à prouver que ce fait n'existe pas; il n'est pas possible de faire dépendre leur délibération de la preuve d'une négative qui, on ne peut trop le répéter, ne peut jamais tomber en preuves.
L'Assemblée constituante, dans l'heureuse époque de sa gloire, se permit un acte de justice bien plus rigoureux contre les propriétaires des fiefs, lorsqu elle supprima les doubles lods et ventes sur les contrats d'échange, lorsqu'elle les supprima sans indemnité, quoique ce droit si odieusement adapté au régime féodal eût été aliéné par le despote Louis XIV; eût été, à prix d'argent, annexé aux fiefs, et cette suppression n'occasionna aucun murmure, n'excita aucune plainte. De toutes les parties de l'Empire, l'Assemblée constituante ne reçut que des bénédictions : ceux-mêmes sur lesquels frappa plus directement le décret, ne virent dans cet affranchissement que la prospérité générale qui devait être le prix du sacrifice qu'on exigeait d'eux. Le décret qu'aujourd'ui vous propose votre comité féodal ne sera pas reçu avec moins d'applaudissements, et les anciens propriétaires de nefs seront encore moins fondés à s'en plaindre que de celui qui supprima les lods et ventes sur les échanges'; non seulement ils commenceront tous les droits dont la légitimité sera constatée, mais ils partageront avec les autres citoyens le bénéfice de l'affranchissement général, et plus leur propriété sera considérable, plus ils auront ae part à ce bénéfice.
Oui, sans doute, la nation perdra seule,! disent les défenseurs de nos finances, et cette considé-
ration doit suffirepour faire rejeter ce système désastreux. Les droits casuels dont on propose la suppression produisent plus de 20 millions au Trésor national. Est-ce dans un moment où les besoins de l'Etat sont immenses, qu'il faut songer à diminuer ses revenus? C'est par le désordre de nos finances qu'a commencé la Révolution, c'est sur le désordre de nos finances que comptent le plus les contre-révolutionnaires. Gardons-nous donc de toute opération funeste qui tendrait à favoriser ce désordre et à rious priver d'une de nos plus sûres ressources.
Les murmures qu'a excités cette objection nie dispenseraient d'y répondre, si je ne savais qu'il n'est pas moins essentiel de préserver F Assemblée des insinuations particulières que dè combattre les opinions exprimées à la tribune; si je ne savais que les défenseurs de la féodalité n'en persistent pas moins à vouloir lier l'intérêt des ci-devant seigneurs à l'intérêt national, si plusieurs membres de cette Assemblée ne m'avaient dit à moi-même : remplacez donc les 20 millions que procurent annuellement à la nation les droits casuels.
C'est avec de semblables considérations que l'esprit financier préviendrait et empêcherait les réformes les plus salutaires.
Le premier devoir d'une grande nation est d'être iuste, et elle n'est libre que pour être juste. Avant de savoir Si elle doit se ménager la perception de certains droits, il faut donc qu'elle s assure si ces droits peuvent être légitimement perçus ; avant de savoir si les créanciers de l'Etat peuvent réclamer contre l'abolition de ces droits, il faut savoir si elle est vraiment fondée à les, exigér, s'ils lui sont incontestablement dus.
La nation perdrait 20 millions, mais a-t-elle moins perdu lorsqu'elle a supprimé l'impôt sur le tabac, l'impôt sur les cuirs, l'impôt sur lès boissons, lorsqu'elle a proscrit la gabelle et un millier d'impôts qui écrasaient la partie la plus misérable du peuple. Groira-t-ôn que ces restes barbares de la féodalité sont supportés plus patiemment que les impôts vexatoires dont l'Assemblée constituante a délivré la nation, qu'ils seraient moins odieux que la gabelle.
Au reste, les besoins présents dè la nation exigeraient-ils le remplacement du produit des droits casuels versés dans le Trésor national, dégagez cette contribution des formes hideuses de la féodalité, transformez-la dans une imposition légère sur le prix des ventes, et comptez alors sur les généreux efforts des citoyens français. Voyez avec quelle noble émulation chacun, dans les circonstances intéressantes où nous n,9us trouvons, s'empresse de porter son tribut volontaire à la patrie, et jugez par les sacrifices que les plus pauvres sont capames de faire an maintien de la liberté si, pour en obtenir 20 millions, vous êtes réduits à la triste nécessité de présenter la nation sous le difforme aspect d'un seigneur féodal. Voulons-nous la faire chérir, montrons-la sous ses véritables traits, qu'à tous les yeux elle paraisse toujours grande, toujours généreuse, toujours elle-même; dégageons-la de tous ces vils oripeaux qui ne servaient qu'à masquer sa misère, et ne seraient propres qu'a la rappeler; persuadons-nous bien que sa plus sûre ressource est dans l'aisance du peuple, et que, lorsqu'il rentre dans ses droits, elle s'enrichit et ne s appauvrit pas. Loin donc de nous ces considérations intéressées, dignes peut-être de la France féodale, mais |que doit dédaigner la
France libre- Il ne s'agit pas decalculer la valeur des droits casuels que pouvait procurer l'ancien régime, mais de savoir si ces droits peuvent être légitimement exigés sous le nouveau, et je me flatte, Messieurs, de vous avoir démontré que la perception n'en peut être plus longtemps soufferte, à moins que l'on ne constate qu'ils sont le prix et la condition d'une concession primitive, à moins que la légitimité n'en soit vérifiée-
Je suis bien éloigné de penser, avec votre comité féodal, que les ci-devant vassaux doivent acquitter ceux de ces droits auxquels, jusqu'à ce jour, les verftes et mutations auraient donné ouverture. Cette proposition est une inconséquence difficile à justifier, car ou tous les droits casuels sont légitimement dus, et alors il ne faut rien changer à la loi du mois de mars 1790, ou l'on ne doit reconnaître de légitimes que ceux dont les propriétaires feront la preuve exigée, et alors les mouvances de ceux-là seulement sont payables et doivent.être payées. Vous ne pourriez, sans vous contredire d une manière Choquante, confirmer tout à la fois et anéantir le même titre ; dire qu'il aura tout son effet pour les droits échus et qu'il sera vain et caduc pour l'avenir. Une loi ne doit point avpir d'effet rétroactif, j'en conviens, aussi ne vous proposai-je aucune rétroaction. Que les ci-devant seigneurs retiennent toùs les droits qu'ils ont perçus tandis que la validité de leurs titres a été présumée, qu'ils ne puissent être obligés à aucun rapport, voilà tout ce qu'on peut faire en leur faveur, en les supposant même des possesseurs dé bonne foi ; voilà la seule conséquence à laquelle conduise le principe invoqué : mais la présomption dont ils étaient; autorisés à se prévaloir disparaît-elle, avec elle s'évanouit tout principe d'action contre leurs prétendus débiteurs, qui ne peuvent être poursuivis en vertu d'un titre qui ne subsiste plus.
Une seule objection se présente, et cette objection est plus précieuse que solide.
Ceux qui sont demeurés en retard de se faire payer se trouvent ainsi la victime de la facilité même qu'ils auront accordée à leurs ci-devant vassaux qu'ils pouvaient regarder et traiter, comme leurs débiteurs et ne serait-ce pas une sorte d'injustice que ne peuvent autoriser vos décrets.
Ne perdez pas de vue, Messieurs, qu'il s'agit moins de décréter la suppression d'un droit légitimement acquis que de prévenir les .abus de i usurpation ; quevousne pouvez conséquemment jamais courir le risque de grever le sort d'un créancier généreux, mais seulement empêcher que celui qui est présumé tel, sans que cette présomption soit fondéé, ne touche çe qui ne lui appartient pas. Que vous propose-t-on? l'établissement d'un mode propre a discerner le créancier légitime de celui qui ne l'est pas. La considération d'après laquelle s'est déterminé votre comité féodal, porte évidemment sur une pétition de principe. Pour .vous intéresser au sort de ceux qui ont négligé de se prévaloir du décret du 15 mats 1790, relativement aux droits casuels écbus, on les suppose toujours de vérir tables créanciers, et c'est au contraire ce qu'il s'agit de prouver. Si leur créance se trouve légitime, ils ne perdent rien; si elle n'est pas justifiée; ils ne perdent rien encore, car il né leur était rien dû. Votre décret doit donc évidemment s'étendre aux casuels échus, comme aux casuels à échoir. Les défenseurs des titres féo-
daux osent parler des principes éternels de la justice. Ce sont ces principes là même qui condamnent leurs monstrueuses prétentions ; il n'y aura véritablement de justice que lorsqu'il ne restera plus aucune trace de féodalité.
J'adhère donc au projet qui vous est présenté par votre comité féodal ; j'en excepte l'article 4 sur lequel je demande la question préalable; voici l'article que je propose de lui substituer :
Les ventes faites et. mutations survenues jusqu'au jour de la publication du présent décret ne seront censées avoir donné ouverture auxdits droits casuels qu'autant que la preuve imposée par l'article 1er aux possesseurs de ces droits aura été faite, sans néanmoins qu'il puisse y avoir lieu à aucune répétition contre eux pour les payements faits conformément aux lois préexistantes, et sans préjudice des facultés, actions, indemnités réservées aux fermiers, contre -les propriétaires desdits droits, par l'article 37 du titre II du décret du 15 mars 1790, pour raison des droits échus depuis le 4 août 1789 et dont ils n'auraient pas reçu le payement. » (Applaudissements.)
Je demande l'impression du discours de M. Gohier et la clôture de la discussion.
Plusieurs membres demandent la question préalable sur la clôture de la discussion.
Messieurs, l'Assemblée, en ordonnant l'impression des diverses opinions et projets de décrets, avait eu sans doute l'intention de donner à ses membres le temps de les lire et de les mûrir. En conséquence j'appuie la demande d'impression du discours de m. Gohier et je propose ae continuer la discussion.
Plusieurs membres ont demandé la clôture de la discussion...
Il est inutile de décréter des impressions si l'on ne veut pas méditer les discours dans le silence du cabinet.
J'appuie le projet du comité, mais je pense que l'on ne doit fermer la discussion qu'après que M. Henry, qui a l'intention de parler contre, aura été entendu.
On a demandé la question préalable sur la clôture de la discussion, je la mets aux voix.
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la motion de fermer la discussion. (Vifs applaudissements dans les tribunes.)
Je mets aux voix la clôture delà discussion.
(L'Assemblée décide que la discussion n'est pas fermée.)
et quelques membres réclament contre ce décret.
A l'unanimité, le bureau a décidé que la discussion n'était pas fermée.
Je mets aux voix l'impression du discours de M. Gohier.
(L'Assemblée ordonne l'impression du discours de M. Gohier.)
Plusieurs membres. : L'impression du discours dé M. Prouveur.
(L'Assemblée ordonne l'impression du discours de M. Prouveur.)
(La discussion est interrompue.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre de M. Mourgues, par laquelle il informe l'As-
semblée que le roi lui a confié le ministère de l'intérieur, Cette lettre est ainsi conçue (1) : '
« Paris, le
« Monsieur le Président,
« Le roi m'a confié l'important emploi du ministère de l'intérieur. J'ai l'honneur de vous prier de le communiquer à l'Assemblée nationale et de l'assurer que j'espère que mon zèle et la sévérité dê mes principes constitutionnels..... (Murmurés à gauche) mé concilieront sa confiance.
« J'ai l'honneur d'être, avec respect, etc... (Murmurés à gauche.)
« Signé ; mourgues. »
Un de MM. les secrétaires annonce qu'une députation de citoyens 'de la section de Montmartre demande son admission à la barre pour protester contre la pétition des 8,000.
{L'Assemblée ordonne que la députation sera introduite sur-le-champ.)
La députation composée de 4 citoyens, dont la moitié en uniforme national, est introduite à la barre.
M. Pépin, orateur delà députation, s'exprime ainsi :
« Législateurs, les citoyens de Montmartre, indignés de la mauvaise foi, de l'astuce et de la perfidie avec lesquelles les ennemis de la chose publique ont fait élever des réclamations contre le décret de l'augmentation de la force armée, décrètent... (Rires). Plusieurs membres : La discussion fermée 1 D'autres membres : Aux voix le décret! M. Pépin... décret qu'on avait mal entendu, décret qui vaudra aux législateurs les bénédictions des bons citoyens, décret qui a fait pâlir les ennemis de la chose publique, Ont arrêté qu'ils protesteront contre toute réclamation dirigée contre les lois.
L'orateur ajoute que les citoyens de Montmartre regardent la pétition des 8,000 comme très inconstitutionnelle, qu'ils protestent devant l'univers, qu'ils la vouent au mépris qu'elle mérite et qu'ils rie cesseront d'obéir aux lois. ( ipplaudissements.)
Un membre : Je demande le renvoi des pétitionnaires à la Constitution.
Pour mieux remplir leur intention, je propose de les renvoyer à L'univers.
accorde à la députation les honneurs de la séance.
L'Assemblée reprend la discussion (2) du projet de décret du comité féodal concernant la suppression sans indemnité de divers droits féodaux déclarés rachetables par le décret du 15 mars 1790.
(Haute-Marne). Pour parvenir à la destruction sans indemnité de ces droits, on a affirmé
à cette tribune que l'égalité politique excluait l'inégalité, Vexcessivité même des
fortunes. Cette idée déprédatrice qui paraîtrait une étincelle sortie de l'anarchique
système du partage agraire; cette idée alarmante pour tous
Au reste, quant au fond de la question, je crois que la qualification tfaleu ne prouve pas que ces terres n'aient pu être grevées de prestations fixes et casuelles; qu'elle prouve seule-, ment que c'étaient des terres possédées héréditairement; qu'en ' conséquence, rien ne nous oblige de présumer que ces droits sont le résultat de l'usurpation. Au Contraire, l'histoire nous apprend que la plupart des possesseurs de fiefs étaient des gens de guerre, et que s'occupant entièrement de leurs exploits guerriers, ils abandonnèrent des portions de terres à leurs vassaux, à la charge de ces mêmes redevances qu'on vous propose aujourd'hui de supprimer.
donne de longs développements à son système et adopte, en terminant, les conclusions de M. Prouveur.
Je demande que la discussion soit fermée.
J'appuie la proposition de M. Larivière, mais il n est pas inulile de donner à l'Assemblée une explication sur cette maxime consignée dans beaucoup de coutumes, nulle terre sans seigneur. Observez d'abord que la forme de ces coutumes ne remonte qu'au xiii9 siècle; à cette époque les seigneurs et le clergé, exerçant un pouvoir absolu sur ce qu'on appelait les biens de l'Etat, voulurent faire ériger en titre ce qu'ils n'avaient qu'en usurpation. Ces titres furent trouvés déposés dans les différentes coutumes, et voilà pourquoi dans ces coutumes vous trouvez toujours un article sur les droits féodaux. Mais commentparvinrent les seigneurs à obtenir ces titres? Ce fut par le moyen d'enquêtes; on faisait déposer des particuliers parfaitement intéressés à soutenir les droits féodaux, et ces enquêtes étaient appelées enquêtes par turbes: ces enquêtes font aujourd'hui le seul titre des ci-devant seigneurs. 11 est certain que c'est une usurpation ae plus qu'ils ont faite: cela posé, je réponds à M. Deusy, qui argue de la possession, que cette possession est nulle, puisqu'elle remonte à un titre vicieux; rien ne s'oppose à ce principe, consacré par les lois anciennes et par la jurisprudence. (Applaudissements).
Plusieurs membres : La discussion fermée !
(L'Assemblée prononce la clôture de la discussion générale.)
Plusieurs membres demandent la priorité pour le projet de décret de M. Gohier.
D'autres membres demandent à lire de nouveaux projets de décret.
La question qu'il s'agit de résoudre est de savoir si les droits féodaux casuels seront ou non supprimés sans indemnité et il est inutile de présenter maintenant des projets de décret qui proposeraient autre chose. Je de-mande doncqu'on pose ainsi la question et quand l'Assemblee auradecrete le prineipe, elle pourra accorder la priorite a l'un des projets presentes.
Je rappelle que l'Assemblée constituante n'a supprime sans indemnité que les (Jroits purement personnels ou censés être tels; c'est pourquoi je pense que l'Assemblée doit avant tout décréter que les droits casuels sont censés droits personnels.
Je demande que l'Assemblée décrète sur-le-champ le principe et qu'ensuite elle entende les divers projets ae décret pour en régler l'application. Je pose ainsi la question : « Tous les droits féodaux casuels qui ne seront pas justifiés être le prix de la concession du fonds, seront-ils supprimés avec ou sans indemnité? »
veut proposer une autre manière de poser la question. (Le bruit couvre la voix de l'orateur.)
Plusieurs membres demandent que la discussion soit fermée sur la manière de poser la question.
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Plusieurs membres : Aux voix la proposition de M. Delacroix!
La manière de poser la question, telle que l'indique M. Delacroix, est trop insidieuse. 11 est impossible que l'Assemblée l'adopte. Je demande la question préalable sur sa proposition. (Appuyé! appuyé!)
Il me paraît que tout le monde est d'accord sur la suppression dans le cas de non-concession du fonds; mais tout le monde n'est pas d'accord sur la preuve qu'il faut rapporter pour en justifier la possession. Je demande que l'Assemblée détermine d'abord le mode d'après lequel le possesseur de droits sera tenu de justifier de sa propriété.
Le principe doit avant tout, être décrété. On décrétera ensuite, comme une conséquence de ce principe, le mode et la forme de la preuve qui sera exigée des possesseurs de droits.
le jeune. Ce que vous propose M. Delacroix est déjà fait. L'Assemblée constituante a en effet décrété que les droits casuels, qui n'auraient pas pour titre une concession primitive du fonds, seraient supprimés sans indemnité. 11 ne s'agit plus que de savoir maintenant quel genre de preuve on exigera pour constater la concession du fonds.
Ce que vient de dire M. Carnot est inexact. Par les decrets, les ci-devant seigneurs sont dispensés de toutes preuves. (Murmures. L'orateur cite le texte d'une loi à l'appui de ce qu'il avance. —k Nouveaux murmures.) Je propose de mettre aux voix la question ainsi que l'a posée M. Delacroix.
Plusieurs membres : Aux voix! aux voix 1 jS
Je demande à lire le titre III de la loi du 28 mars 1790 (Oui ! oui !) Le voici :
Des droits seigneuriaux rachetables.
Art. 1er.
Seront simplement rachetables et continueront d'être payés jusqu'au rachat tous les droits et devoirs fôodaux ou censuels utiles, qui sont le prix et la condition d'une concession primitive du fonds.
Art. 2.
« Et sont présumés tels, sauf preuve contraire :
« 1° Toutes les redevances seigneuriales annuelles en argent, volailles, cire, denrées ou fruits de la terre, servis sous la dénomination de cens, censivens, sur-cens, capcafal, rentes féodales, seigneuriales et emphythéotiques, champart, tasque, terrage, arrage, agrier, comptant, foëté, dîmes inféodées, ou sous tout autre dénomination quelconque, qui ne se payent et ne sont dues que par le propriétaire au possesseur d'un fonds, tant qu'il est propriétaire ou possesseur, et à raison de la durée de la possession ;
« 2° Tous les droits casuels qui, sous les noms de quint, requint, treizième, lods et traizains, lods et ventes, ventes et issues, mi-lods, rachats, venterolles, reliefs, relevaison, plaids et autres dénominations quelconques, sont dus à cause de mutations survenues dans la propriété ou la possession d'un fonds, par le vendeur, l'acheteur, les donataires, les héritiers et tous autres ayants cause du précédent propriétaire ou possesseur ;
« 3° Les droits d'accapte, arrière-accapte et autres semblables, dus tant à la mutation des ci-devant seigneurs qu'à celle des propriétaires ou possesseurs.
Art. 3.
« Les contestations sur l'existence ou la quotité des droits énoncés dans l'article précédent seront décidées d'après les preuves autorisées par les statuts, coutumes et règles observées jusqu'à présent; sans néanmoins que, hors de coutumes qui en disposent autrement, l'enclave puisse servir de prétexte pour assujettir un héritage à des prestations qui ne sont point énoncées dans les titres directement applicables à cet héritage quoiqu'elles le soient dans les titres relatifs aux héritages dont il est environné et circonscrit.
Art. 4.
« Lorsqu'il y aura pour raison d'un même héritage plusieurs titres ou reconnaissances, le moins onéreux au tenancier sera préféré sans avoir égard au plus ou moins d'ancienneté de leur date, sauf l'action en blâme ou réformation de la part du ci-devant seigneur contre celles desdites reconnaissances qui n'en seront pas encore garanties par la prescription lorsqu'il n'y aura été partie ni en personne, ni par un fondé de procuration. •
Art. 5.
« Aucune municipalité, aucune administration de district ou de département ne pourront, à peine de nullité, de prise à partie de dommages intérêts, prohiber la perception d'aucun des droits seigneuriaux dont le payement sera réclamé, sous prétexte qu'ils se trouveraient implicitement ou explicitement supprimés sans indemnités, sauf aux parties intéressées à se pourvoir par les voies de droit ordinaires devant les juges qui devaient en connaître.
Art. 6.
« Les propriétaires de fiefs dont les archives et les titres auraient été brûlés ou pillés, à l'oc-
casion des troubles survenus depuis le commencement de l'année 1789, pourront, en faisant preuve du fait, tant par titres que par témoins, dans les trois années de la publication des présentes, être admis à établir, soit par acte, soit par la preuve testimoniale d'une possession de 30 ans antérieure à l'incendie ou pillage, la nature et la quotité de ceux des droits non supprimés sans indemnité qui leur appartenaient.
Art. 7.
« La preuve testimoniale dont il vient d'être parlé ne pourra être acquise que par lOtémoins, lorsqu'il s'agira d'un droit général, et par 6 témoins dans les autres cas.
Art. 8.
« Les propriétaires des fiefs qui auraient, depuis l'époque énoncée dans l'article 6, renoncé par contrainte ou violence à la totalité où à une partie de leurs droits non supprimés par les présentes, pourront, en se pourvoyant également dans les 3 années, demander la nullité de leur renonciation, sans qu'il soit besoin de lettres de rescision, et après ce terme, ils n'y seront plus reçus, même en prenant des lettres de rescision..
Art. 9.
« Il sera incessamment pris une détermination relativement au mode et au prix de rachat » des droits conservés, sans préjudice du payement qui sera fait des rentes, redevances et droits échus et à échoir jusqu'au jour du rachat.
Plusieurs membres demandent la priorité pour la rédaction de M. Delacroix.
(L'Assemblée accorde la priorité à la rédaction de M. Delacroix.)
Plusieurs membres : La question préalable sur la rédaction de M. Delacroix !
(L'Assemblée décrète qu'il y a lieu à délibérer sur la rédaction de M. Delacroix.)
, le jeune. Je demande qu'après les mots concession du fonds on ajoute le mot : centenaire.
Admettre l'amendement de M. Garnot, ce serait donner aux ci-devant seigneurs plus de droits qu'ils en avaient; cardans beaucoup d'endroits la possession de 100 ans, de 200 ans même, ne suffisait pas pour exiger le payement des droits casuels, si le ci-devant seigneur n'avait pas encore deux reconnaissances formelles. Ainsi je demande que cet amendement soit rejeté, et que l'on exige le titre primitif.
Voici la rédaction qùe je propose :
« L'Assemblée nationale abolit tous les droits féodaux casuels qui ne seront pas prouvés être la suite d'une concession de fonds par le titre primitif que le ci-devant seigneur sera tenu de représenter. »
, le jeune. Je consens à ajouter à mon amendement les mots : « par possession centenaire, appuyée de reconnaissances. »
Plusieurs membres : La discussion fermée !
(L'Assemblée ferme la discussion sur les amendements.)
Plusieurs membres : La question préalable sur l'amendement de M. Garnot !
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'amendement de M. Carnot-Feuleins le jeune-)
L'amendement de M. Lagrévol fait préjuger la question que la motion de m. Delacroix laissait indécise, et je veux, par un sous-amendement, concilier cette proposition nouvelle avec les principes de justice dont nous ne devons pas nous écarter. Je suis convaincu, comme le comité féodal, que les droits casuels sont, en très grande partie, de véritables exactions seigneuriales ; mais pn ne me contestera pas qu'il en est qui peuvent être le prix d'une concession de fonds. C'est ainsi que, parmi les droits présumés personnels supprimés par l'Assemblée constituante, il en était plusieurs d'une nature réelle et qu'elle se fit un devoir de respecter. Néanmoins, comme la présomption était en faveur du redevable, elle rejeta sur le ci-devant seigneur la preuve de la réalité de ces droits. Je serai plus sévère que nos prédécesseurs; mais je me garderai bien d'attenter à des propriétés légitimes, exigeant dérisoirement un titre primitif qu'il serait moralement impossible de découvrir. N'oublions pas, Messieurs, que le véritable intérêt du peuple est essentiellement dans la justice, et que l'édifice social repose sur la base de la propriété. (Applaudissements à droite. Murmures à gauche.)
Je demande donc que vous adoptiez pour les casualités le principe qu'avait adopté FAssem-blée constituante pour les banalités et je prqpose par sous-amendement à l'amendement de M. Lagrévol: « que le ci-devant seigneur pourra suppléer à la représentation du titre primitif de concession par trois reconnaissances énopciatiyes dudit titre, appuyées d'une possession publique et sans trouble, au moins de 40 ans. »
Si vous adoptiez cette mesure, votre décret serait illusoire; il laisserait subsister toutes les exactions seigneuriales. Il est démontré, par tous les publicistes, que ces droits seigneuriaux étaient tous personnels. (Murmures.) Ils n'acquièrent le titre de propriétés foncières qu'au moyen des coutumes qui étaient les lois arbitraires des seigneurs, et qui devinrent l'unique fondement des reconnaissances. Voilà ce que j'ai démontré dans mon opinion. (Murmures.) Dans les chartes des communes, il n'existe pas un mot, pas un terme de concession primitive. Ces chartes sont cependant les titres primitifs que les reconnaissances doivent relater; car, vous le savez, les coutumes n'étaient autre chose que les lois que les seigneurs avaient arbitrairement établies sur leurs terres. Si vous vous contentiez de reconnaissances énonciatives du titre primitif vous laisseriez subsister toutes les injustices qui ont dévoré le peuple pendant tant de siècles. Je demande que vous décrétiez d'abord que tous les droits casuels, qui ne seront pas justifiés être le prix d'une concession primitive de fonds, soient abolis sans indemnité, et ne seront réputés avoir pour cause primitive de concession de fonds, que ceux des droits casuels qui seront justifiés par l'acte d'inféodation ou d'accensement qui devra être représenté.
L'Assemblée veut extirper, jusque dans ses plus profondes racines, l'usurpation féodale, et l'Assemblée agit avec sagesse; mais si la question est posée, comme le désirent M. Lagrévol et M. Mailhe, alors l'Assemblée est entraînée dans une injustice, et je vais lé prouver. (Murmuras.) Les papiers déposés
à la chambre de Grenoble furent emportés par une inondation de l'Isère en 1,200 (Bruit); tous ces titres de propriété furent perdus.., (Le bruit couvre la voix de l'orateur.)
Lorsque, dans le siècle dernier, le fisc imagina de soumettre les ci-devant nobles à la confirmation de leur noblesse, celui-ci prétendit que soq château avait été incendié, celui-là qu'ils avaient été pillés, un autre qu'ils avaient été déposés et perdus dans la tour de Londres, etc, On crut sagement qu'il ne fallait pas fléchir devant dp§ prétextes de cette nature. Je demande la question préalable sur le sous-ameudement de M. Dumolard.
Plusieurs membres : La discussion fermée sur le sous-amendement !
(L'Assemblée ferme la çHscussion sur le sous-amendement.)
établit l'état de la délibération et met aux vojx la question préalable, sur le sous-amendement de M. Dumolard-
L'épreuve a lieu.
Plusieurs membres à gauche : Il y a doute !
D'autres membres : L'appel nominal!
(L'Assemblée ordonne qu'il sera procédé à l'appel nominal ; quelques débats s'élèvent sur la position de la question.' (Applaudissements unanimes.)
Voici mon amendement : « Le ci-devant seigneur pourra suppléer à la représentation du titre primitif de concession de fonds par 3 reconnaissances énonciatives dudit titre, appuyées d'une possession publique et sans trouble de 40 ans. »
L'appel nominal n'a lieu que sur la question préalable.
Ceux qui seront d'avis qu'il y a lieu à délibérer diront oui; ceqx qui seront d'avis contraire diront non.
, secrétaire, fait l'appel nominal.
Voici le résultat du scrutin par appel nominal. Sur 497 votants, 227 ont voté non et 273 ont voté oui. En conséquence, il y a lieu à délibérer sur le sous-amendement de M. Dumolard.
Plusieurs membres : Monsieur le Président, levez la séance!
et plusieurs membres à gauche s'opposent à la levée de la séance.
(de Paris). Je demande que la dernière des 3 reconnaissances ait au mcuniî 100 ans de date.
Une grande partie des membres qui avaient voté en faveur de l'amendement de M. Dumolard sortent de la salle.
Plusieurs membres à gauche demandent à aile? aux voix sur le sous-amendement. (Murmures prolongés à droite.)
Plusieurs membres à gauche : Aux voix ! aux voix! le sous-amendement.
D'autres membres à droite : La séance levée I
(L'Assemblée décide que la séance ne sera pas levée.)
Plusieurs membres à droite : On veut extorquer les décrets ! (Environ 150 membres du côté droit sortent de la salle. L'extrémité gauche est remplie; le reste de la salle est presque vide.)
Vous vous rappelez que l'As-
semblée constituante a supprimé sans indemnité le droit de retrait.
Or, qu'était le droit de retrait? C'était l'image, la représentation du droit de lods, c'est-à-dire, que le ci-devant seigneur avait la faculté de retraire ou de prendre les lods. Lorsqu'on lui présentait une vente, il examinait s'il était plus utile pour lui de retraire le prix de la vente, ou de prendre le droit de lods. Or, quand l'Assemblée constituante a supprimé ce droit sans indemnité, même en rapportant le titre primordial, ne serait-ce pas une inconséquence, né serait-ce pas enfreindre les principes, même eéux adoptés par l'Assemblée constituante, que d'exiger qu'avec 3 reconnaissances on pourrait conserver les droits casuels qui ne sont que l'image du droit de retrait? Non, Messieurs, vous ne ferez pas cette injure à votre législation, je demande que ce soit le titre primitif qui le constate ; et c'est faire beaucoup de faveur aux seigneurs possesseurs de droits casuels, car ces droits casuels devraient nécessairement être supprimés comme le droit de retrait.
L'Assemblée vient dé décréter, par appel nominal, qu'il y avait lieu à délibérer Sur l'amendement de M. Dumolard. J'observe une chose visible à tous les yeux, c'est que la plupart des opinants à l'appel nominal... (Bruit prolongé à gauche.) Lorsqu'il s'agit de voter au fond, il est présumable que ceux qui ont voté pour qu'il y eût lieu à delibérer, auraient voté pour l'admission de l'amendement. Comment se fait-il que, maintenant qu'ils sont partis, on veuille obtenir ce décret? Je dis que dans ce cas il y aurait une contradiction monstrueuse dans le premier vote et dans la délibération de l'Assemblée . Je demande que la délibération soit continuée à demain 9 Jheures, à la séance du matin.
Je m'oppose à cette proposition. L'Assemblée a fait une loi contre les fonctionnaires publics qui quittent leurs postes. On réclame ici en faveur des rebelles au décret, qui se sont retirés pour ne pas faire leur devoir. (Applaudissements dans les tribunes.) L'assemblée n'a pas voulu lever la séance ; il suffit de 200 membres pour délibérer, et nous sommes plus de 200. Il y a un décret qui prononce qu'il y à lieu à délibérer : eh bien! je demande qu'on délibère maintenant sur le fond de l'amende-ment.
Il n'est pas juste que les pro-
{iriétaires des droits seigneuriaux souffrent de a faiblesse ou de l'imprudence de ceux qui se sont retirés.
Un membre : Je demande que la séajice soit levée et qu'on renvoie à demain.
Je ne veux point parler contre la continuation 4e la séance, .il y a un décret. Je pense, avec plusieurs des préopinants, qu'aucun fonctionnaire public ne doit quitter son poste, et jë ne fais pas à mes collègues l'injure de croire qu'ils aient abandonné le leur (Bruit) quand il s'agit de défendre les propriétés. Comme l'Assemblée doit présumer que ceux de ses membres qui, après avoir répondu à l'appel nominal... (Bruit prolongé à gauche). Je ne crois pas que la majorité de l'Assemblée veuille enlever les propriétés des citoyens avec cette précipitation, (Bruit à gauche.)
Plusieurs membres à gauche : Aux voix! aux voix! La discussion fermée!
(L'Assemblée ferme la discussion, puis rejette le spus-amendement de M. Dumolard.)
Aux voix l'amendement de M. Lagrévol !
La question préalable !
Je mets aux voix la question préalable sur l'amendement de M. Lagrévol, qui consiste à assujettir les propriétaires de droits féodaux casuels à justifier, par titre primitif, qu'ils sont le prix de la concession du fonds.
(L'Assemblée décrète qu'il y a lieu à délibérer sur l'amendement de M. Lagrévol, puis l'adopte.)
Je demande qu'après les mots : droits féodaux casuels on ajoute et censuels.
Et les propriétés foncières; cela est dans vos principes.
Plusieurs membres : Aux voix la rédaction de M. Delacroix.
J'observe à l'Assemblée qu'elle a manqué à une forme absolument essentielle et je fais la motion expresse qu'elle soit consultée pour savoir si elle est en état de délibérer définitivement. •
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'elle est en état de délibérer définitivement.)
La question préalable sur la proposition de M. Delacroix !
(L'Assemblée décrète qu'il y a lieu à délibérer sur la proposition de M. Delacroix, puis l'adopte.) (Applaudissements à gauche.) '
Je demande la parole pour un article additionnel.
Je demande que la séance soit levée.
On ne peut se dis^ simuler que plusieurs propriétés foncières ont été usurpées. Je demande, comme extension du principe décrété, que toutes les propriétés foncières dont les titres primitifs ne pourront pas être reproduits, seront déclarées biens nationaux.
(L'Assemblée ne statue pas.)
Suit le texte définitif du décret rendu :
« L'Assemblée nationale décrète que tous les droits féodaux qui ne seront pas justifiés être le prix de la concession du fonds par titre primitif, sont supprimés sans indèmnité. »
(La séance est levée à six heures.)
A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE
DU
RAPPORT (2) sur l'île de Cayenne et la Guyane française fait à l'Assemblée nationale, au nom du comité colonial, par LÉON LevavasseuR, député de la Seine-Inférieure.
Messieurs, le 11 février 1791, l'Assemblée nationale constituante décréta que le roi serait
prié d'envoyer dans la colonie de Cayenne et la Guyane française, deux commissaires civils, pour y exercer les fonctions et les pouvoirs délégués par le décrét du 29 novembre précédent aux commissaires destinés pour les îles du Vent.
Le 9 avril suivant, elle décréta que, par les commissaires du roi qui devaient se rendre à Cayenne, il serait pris les informations les plus précises, relativement aux événements qui s'étaient passés dans cette colonie les 9 et 10 août 1790, pour, sur le compte qui en serait rendu à l'Assemblée, être pris tel parti qu'il conviendrait.
Le 3 novembre, le ministre de la marine pria l'Assemblée de se faire rendre compte des diverses pétitions qui lui avaient été adressées, en différentes circonstances, par plusieurs habitants de Cayenne, au sujet des troubles qui avaient agité cette colonie, afin que le roi tût plus en état d'indiquer, dans les instructions qu'il se proposait de donner à ses commissaires, la marcne qu'ils devraient tenir, pour y ramener le calme et la paix. Votre comité, Messieurs, a trouvé dans les cartons qui concernent Cayenne une quantité considérable de pièces ; il a vu que 1 on n'avait encore rendu aucun compte des opérations de l'assemblée coloniâle de la Guyane, qui, abandonnée à elle-même, s'est laissé aller à plusieurs écarts. Ces écarts sont pardonnables sans doute, si l'on considère la bonne foi avec laquelle paraissaient agir les membres de cette assemblée, l'exactitude avec laquellé ils faisaient part à la métropole de leurs opérations, en lui demandant son approbation, et en se soumettant à ses décisions. S'ils ont continué de s'égarer, on en peut trouver l'excuse dans le long silence de l'Assemblée constituante, silence forcé par la multiplicité des affaires dont elle avait à s'occuper, mais qui a fait à toutes nos colonies une plaie qui séra longue à guérir. Revenons à celle de la Guyane française. Les arrêtés de son assemblée coloniale peuvent être considérés comme vicieux sôus trois rapports :
Par l'illégalité de 1 assemblée ;
Par le défaut de compétence
Par l'injustice ou l'inconvenance de leurs dispositions.
L'assembléé de la Guyane est-elle régulièrement constituée ? Elle-même a décidé la question ; elle-même s'est jugée irrégulière par son décret du 27 août 1790. Car, c'est de ce nom qu'elle a cru pouvoir décorer ses arrêtés ; ce prétendu décret est conçu en ces termes :
Décret du
L'assemblée coloniale ayant mûrement examiné et approfondi les opérations, l'assemblée paroissiale de Cayenne, d'après plusieurs erreurs, irrégularités et illégalités, comme d'ôter aux citoyens actifs le droit sacré d'élire et d'être élu, a arrêté que ladite paroisse de Cayenne se formera pour élire le nombre de députés qui manquent tant par la démission de deux d'entre eux, que par la condamnation de deux autres jugés comme factieux et conspirateurs, et embarqués par acclamation detf assemblées civiques, tenues à cet égard les 9 et 10 de ce mois.
Observant que les députés et suppléants déjà élus sont reconnus pour avoir eu réellement la confiance de leurs concitôyens, quen conséquence, leur nomination demeurera valide, tout autant que l'article 4 des instructions aurait été observé dans leur nomination, et que quant aux citoyens
exclus, ils sont réintégrés dans la plénitude de leurs droits de citoyens actifs, qu'au surplus," tous officiers militaires, de judicature ou d'administration, seront tenus, en cas d'élection à la députation, d'opter entre l'exercice de leurs fonctions et la qualité de député.
Les irrégularités de l'assemblée primaire consistaient en ce que, par abus du terme immédiatement, employe dans les instructions, elle avait été tenue le jour même où l'on avait lu, au prône, le décret et les instructions des 8 et 28 mars, ce qui avait dû empêcher beaucoup de citoyens, alors absents, de s'y trouver ; en ce que cette assemblée avait décidé, presque à l'unanimité, que l'on n'admettrait pas à voter les officiers de judicature,* quoiqu'ils eussent d'ailleurs les qualités requises.
L'assemblée primaire étant irrégulière et incomplète par l'exclusion arbitraire de ceux qui avaient droit d'y voter, comme l'assemblée coloniale le reconnaît elle-même, par son décretjci-dessus cité, ses actes sont frappés de nullité, et l'assemblée coloniale qui est son ouvrage, doit être, elle-même, regardée comme illégalement formée. Cependant on la voit se maintenir, malgré le vice qui entaché sa formation et déclarer que les députés déjà élus sont reconnus pour avoir eu réellement la confiance de leurs concitoyens, et que leur nomination demeurera valide ; tandis qu'il est constaté que l'on a rejeté le vœu de plusieurs citoyens habiles à voter, et que l'injustice seule aurait pu priver de leur droit. Nous ne vous parlerons pas d'autres irrégularités contre lesquelles réclament beaucoup de citoyens cte Cayenne, telles que menaces, violences, séduction, bulletins faits et distribués d'avance avec tant de profusion que le nombre des voix excédait celui des votants. L'articulation de ces faits n'est et ne peut pas être appuyée de preuves; et l'assemblée .coloniale, au grand nombre de pièces qu'elle a fait passer en Europe, a omis d'en joindre une essentielle, le procès-verbal des assemblées primaires à qui elle devait son existence. Aussi votre comité vous propose-ra-t-il de juger cette assemblée, moins sur les réclamations qui vous sont adressées contre elle, que d'après les faits dont elle-même vous a transmis la connaissance. Cette marche sera d'autant plus juste et plus impartiale, que ceux qui l'attaquent, sont en France, et qu'elle n'a à leur opposer personne qui la défende. C'est d'après son propre aveu consigné dans son décret du 27 août, que nous vous présentons l'assemblée coloniale de Cayenne comme illégalement constituée.
Mais fût-elle aussi légale qu'elle l'est peu, ou voulussiez-vous par indulgence . pour la nouveauté de la position où elles'esttrouvée, fermer les yeux sur cette irrégularité* examinons si, dans ses opérations, elle n'a pas outrepassé les bornes du pouvoir qui lui était confié ; si, dans les objets ue sa compétence, elle a constamment suivi les règles de la convenance et dé la justice.
Observons d'abord qu'en autorisant, par les instructions du 28 mars 1790, les assemblées coloniales à préparer les lois destinées à régir intérieurement les colonies, et à les faire exécuter provisoirement avec la sanction du gouverneur, l'Assemblée constituante aurait dû fixer, d'une manière précise, en quoi consistait le régime intérieuret n'en pas laisser l'interprétation aux assemblées coloniales, qui l'ont toutes plus ou moins étendu, et ont rapporté au
régime intérieur toutes les lois qu'il leur a plu de faire.
Parmi les arrêtés de l'assemblée de Gayenne, votre comité se contentera de vous citer ceux dont le vice est le plus frappant.
14 septembre 1790. L'assemblée coloniale décrète la formation d'une municipalité, mais elle s'écarte de l'esprit et de là lettre de la loi sur les municipalités du royaume, en ordonnant la nomination des officiers municipaux par des assemblées primaires de communes, et en attribuant des appointements au maire.
10 octobre. Décret qui oblige tous les citoyens nommés à des fonctions publiques de lés accepter, sous peine d'être inscrits sur un tableau exposé dans toutes les paroisses. Le 12 janvier suivant, décret qui prive du droit de citoyen actif pendant une législature entière, sans pouvoir prétendre à aucune charge publique, ni voter dans aucune assemblée primaire, tout citoyen dont le nom, par refus d'accepter ou démission aura été inscrit sur le tableau ci-dessus. Cette rigueur fut provoquée par la retraite de beaucoup de citoyens qui, frappés de l'illégalité de l'assemblée coloniale et de l'irrégularité de ses opérations, refusèrent de continuer à partager ses travaux.
. 23 et 27 octobre. Décrets qui ordonnent à la municipalité de s'emparer de tous les biens de la commune, et de tous les fonds que Von disait ci-devant appartenir au roi, pour les administrer.
Ces derniers appartenant à la nation, la colonie n'avait pas le droit de s'emparer même de leur administration, sans le consentement de la nation ; elle ne pouvait que présenter à la métropole ses vues sur le moyen d'en tirer un meilleur parti.
28 octobre. Décret qui supprime 3 missions établies et entretenues par la France, pour des peuplades indiennes.
2, 3 et 4 novembre. Décret qui fixe les limites du pouvoir exécutif.
L'assemblée y conteste au gouverneur le droit de refuser sa sanction, qu elle paraît ne regarder que comme une formule de proclamation.
23 novembre. Décret qui charge la municipalité d'administrer les mens et revenus de la maison de santé, fondée par un ancien gouverneur. Il y a des réclamations des anciens administrateurs de cet établissement.
25 novembre. Décret qui établit un conseil et un directoire d'administration.
L'assemblée supprime toute l'ancienne administration; mais, pour conserver, les moyens de tirer des lettres de change sur la France, elle décrète que par exception et jusqu'à nouvel ordre, l'ordonnateur actuellement existant dans la colonie, sera président de l'assemblée administrative, et qu'il tirera les lettres de change que les besoins de la colonie nécessiteront.
Postérieurement, die supprime des emplois, et les appointements des employés brevetés par le roi.
Le gouverneur, en sanctionnant le décret, avait ajouté à sa sanction, les restrictions suivantes :
« N'entendons, néanmoins, par la présente sanction, gêner en aucune manière la volonté, ni déterminer la conduite de M. l'ordonnateur, notre collègue, tant par rapport à lui, que par rapport aux officiers brevetés par Sa Majesté, qui sont sous ses ordres, et la partie de fonds
dont il est chargé en chef; sur laquelle notre place et les instructions communes du roi, ne nous donnent aucune autorité. »
« L'assemblée coloniale décrète sur-le-champ qu'elle déclare rebelle à la- loi et criminel envers la nation, quiconque profiterait des restrictions et exceptions du gouverneur, pour se soustraire à l'esprit et au prononcé des articles décrétés pour l'organisation du corps administratif, lesquels sortiront leur plein et entier effet. »
Ce décret, que votre comité se dispensera de caractériser, n'eut pas de suite, par la sanction puré et simple donnée par le gouverneur le 5 octobre ; on peut juger ae l'état de liberté dans lequel était le gouverneur qui sanctionnait un pareil acte. Le 26 février 1791, l'Assemblée coloniale est revenue sur ces décrets, concernant,l'assemblée administrative, et a réintégré dans son titre d'ordonnateur le sieur d'Aigre-mont, pour exercer provisoirement les fonctions relatives à la marine, guerre et finances, en ce qui concerne les fonds adressés par la mère patrie, sous la surveillance et l'inspection de l'assemblée coloniale.
Nous ne vous dirons pas que cette résipiscence fut en partie forcée par la démission d'abord partielle et enfin totale des membres qui composaient l'assemblée administrative. Nous aimons mieux l'attribuer à la loyauté de l'assemblée coloniale, qui reconnut son erreur et se hâta de la réparer.
28 novembre. Elle décrète qu'il ne sera fait par les troupes réglées, ni patrouilles, ni détachements, sans l'agrément du maire.
3 décembre. Décret qui supprime les exemptions et privilèges dont jouissaient quelques habitants cultivateurs des terres basses.
Pour encourager cette espèce dje culture, qui promet à la Guyane le plus de prospérité, le gouvernement avait accordé une exemption perpétuelle de capitation aux 10 premiers colons qui s'occuperaient du dessèchement et de la mise en valeur des terres basses, et une exemption, pour 15 ans, aux colons qui suivraient cet exemple. Par une confusion d'idées assez bizarre, l'assemblée coloniale, dans le même décret qui supprime les privilèges de la noblesse, supprime cette exemption, qui devait être considérée plutôt comme une prime d'encouragement que comme un privilège.
10 janvier 1791. L'assemblée de Gayenne décrète que tout auteur de mémoire ou écrit relatif à l'ordre public, tendant à demander l'établissement ou la suppression de quelque objet, sera tenu de le présenter à la municipalité pour être soumis à l'examen avant d'avoir obtenu plus de 10 signatures, sauf, après la permission ae la municipalité, à requérir les signatures qu'il jugera convenables pour le présenter au Corps législatif, comme l'expression du vœu des citoyens, à peine d'être déclaré criminel de lèse-r nation, et poursuivi comme cherchant à exciter des soulèvements dans la colonie. En lisant un pareil décret, on se demande si la verge du despotisme n'a fait que changer de main. Ces mesures de l'assemblée coloniale ne pouvaient avoir pour but que d'intimider les citoyens qui éprouvaient des vexations et de les empêcher de vous faire parvenir leurs plaintes.
7 février. Décret qui taxe à une imposition double la paroisse de Remire, pour n'avoir pas remplacé son député, que les affaires avaient obligé (le partir pour la France.
Pour peu que l'on connaisse la colonie de la
Guyane, l'isolement de ses quartiers, le petit nombre de ses habitants, la modicité de leurs moyens, la difficulté des déplacements et des communications, on ne peut qu'être révolté de la rigueur et de l'injustice de ce décret.
16 mai. Décret qui, contre les lois existantes et que l'assemblée coloniale n'avait pas le droit de changer comme tenant aux rapports avec la métropole, accorde aux survivants des gens mariés sans contrat^ l'usufruit des biens et effets cbmposant la communauté.
16 mai. Décret qui établit une espèce de commission pour juger le sieur Sigoigne : Le seul crime dont était prévenu celui-ci était d'avoir fait signer un certificat qui attestait la bonne conduite d'uil Citoyen expulsé de la colonie par un prétendu jugement d un conseil de guerre, composé de gardes nationales et présidé par le maire.
28 juillet. Décret qui exempte des droits de pilotage et d'amirauté certains bâtiments.
14 septembre. Décret qui suspend de ses fonctions de pilote, le maître de port.
15 septembre. Décret qui ordonne que 6 jours après la proclamation du présent, les prêtres réfractaires qui n'auront pas prêté le serment civique* cesseront leUrs fonctions, en quelque lieu de la colonie que ce s0it, et né pouvant plus remplir les vues de la mère patrie, comme missionnaires dans cette colonie, ils partiront pour la France, parla première occasion, aux frais de l'Etat. Que leur traitement cessera à l'époque de la cessation de leurs fonctions, mais qu il leur sera fourni à chacun d'eux une somme de 600 livres, une fois payée, pour subvenir à leurs besoins* jusqu'au moment de leur embarquement.
16 septembre. Enfin l'Assemblée nationale décrète, le 16 septembre 1791, qu'aucune troupe de ligne ne débarquera dans la colonie qu'il n'ait été statué par l'assemblée coloniale sur son dé-barquementj et que tous paquets ministériels,-seront ouverts par le commandant en chef, en présence du président de l'assemblée ou du co^ mité et de deux députés, et seront de suite communiqués à l'assemblée, sauf à être rendus publics, s'il est jugé nécessaire. On trouvera sans doute plus que ae l'incompétence dans ce dernier décret, mais il faut dire qu'il fut rendu à la suite d'un mouvement qu'avait occasionné à Gayenne l'arrivée de la corvètte la Perdrix, expédiée par M. Béhague, dont les intentions étaient suspectes aux colons, d'après ce qu'on leur avait dit de sa conduite aux îles du Vent. Le commandant en chef de Cayenne garda, vis-à-vis de l'assemblée coloniale, le silence sur l'objet de la mission de ce bâtiment, soit qu'il ne se crut pas obligé de communiquer ses dépêches, soit qu'il crût inutile ou dangereux de le faire.
Quelques propos de soldats, ou de matelots ivres, arrêtés par des patrouilles nationales, donnèrent des inquiétudes aux colons, faciles à s'alarmer.
On répandit le bruit que la corvette la Perdrix était expédiée pour faire un coup d'autorité et rétablir l'ancien ordre à Gayenne.
On exigea du commandant la communication des dépêches, il la donna. Mais la radiation des 20 premières lignes de l'original put faire soupçonner que le véritable but de- l'expédition n'était pas celui que l'on annonçait, de prendre des plans d'épicerie et des madriers, rassemblée coloniale engagea le pouvoir à faire repartir sur-le-champ la corvette.
Ce parti, pris sur de simples soupçons et sur des propos vagues, mériterait peut-être l'impro-bation ae l'Assemblée. Mais il faut se reporter à l'époque où cet événement eut lieu. On venait d'apprendre à Cayenne l'évasion du roi : l'inquiétude agitait tous les cœurs, la liberté est méfiante, elle ne s'endort jamais, dans la crainte de se réveiller enchaînée.
On a inféré de cet acte de l'assemblée coloniale, qu'elle se disposait à s'opposer au débar*-quement dés commissaires qui lui étaient annoncés. Nous lui devons la justice de dire que, dans la léttre qu'elle a adressée au ministre de la marine, elle lui annonce qu'elle recevra dans le port, les coirïmissâires et lés bâtiments expédiés parsesordrés, qu'elle attend leur arrivée avec la plus viveimpatience, mais qu'elle a prié le pouvoir exécutif de faire sortir, sous 24 heures, la corvette la Perdrix, vu qu'elle n'avait aucune mission directe de la part du roi pour cette colonie qui n'était aucunement sous la dépendance du général Béhague, dont elle n'avait pas réclamé les secours.
Vous avéz vu, Messieurs, par les différents actes dont votre comité vient de vous présenter l'extrait, combien l'assemblée coloniale de la Guyane s'est écartée des règles que lui iibpo-. saient et les instructions et la justice elle-même."
On aurait droit sans doute d'être étonné de la complaisance avec laquelle le gouverneur a sanctionné tous ces arrêtés, mais l'àmour de la paix, le désir de la maintenir, la certitude que leur exécution n'était que momentanée, et qu'ils seraient bientôt frappés par l'Assemblée nationale de la nullité qu ils méritaient, ont empêché le représentant du roi d'y opposer un veto dont on lui contestait l'exercice, et dont l'usage pouvait, dans ces circonstances, provoquer une guerre civile qu'il n'avait pas les moyens de prévenir ou d'éteindre.
« Monseigneur, écrit-il au ministre, dans sa lettre n° 154 (les agents du pouvoir exécutif ont été partout fort longtemps à changer le stvle), j'ai l'honneur de vous envoyer un décret de l'assemblée coloniale du 27 novembre (celui sur lés patrouilles et détachements des troupes de ligne dont nous avons parié plus haut) ; il avait été présenté à ma sanction 2 jours avant celui concernant l'administration. Quelque extraordinaire que soit celui-ci, il m'a peu surpris, commençant à m'accôutumer au délire de l'assemblée. Cependant, je crus devoir y refuser moii approbation, ce que je fis, en remettant aux députés les observations ci-jointes. Après les avoir lues, ils me dirent : Mais c'est là précisément ce que l'assemblée demande. Elle s'est mal énoncée dans son décret : on va le corriger et nous vous le rapporterons. Une demi-heure après, un député vint me présenter le projetd'uh nouveau décret, égal à peu près au premier. Je lui renouvelai les observations que j'avais faites à la députation précédente; et il me ait, monsieur vous avez raison, rien d'ausii juste que ce que Vous désirez, mais que faire contre l'opiniâtreté, cependant je vais encore tâcher de le ramener. Le même député rencontra, le soir, mon secré- ' tairé et lui dit : Annoncez au général que l'affaire est arrangée à sa satisfaction. Sur Cès entrefaites arriva le fameux décret de l'administration. J'ai eu l'honneur de vous rendre compte, Monseigneur, de tout le trouble qu'il avait occasionné. Les choses ayant alors changé de face, on rapporta, le 3 décembre, à ma sanctionne premier décret, tel que celui auquel j'avais refusé déjà mon ap-
probation. La députation me dit, en me lë rë- j mettant, rassemblée vous prie dé le sanctionner y elle ri entend pas vous reconnaître le droit dèvëtô non plus que toute la colonie. Je voulus hasarder quelque objection. Alors le président me répondit : Vassemblée nous a prescrit dë n'avait ni pourparler, ni conversation avec vous ; nous nous retirons. J'avais déjà annoncé à l'assemblée coloniale que son décret du 2 décembre, contraignait entièrement ma volonté, et ôtait toute liberté à mes actions. D'ailleurs, j'étais décidé à faire les plus grands sacrifices, pour le maintien de la paix* et la conservation dés hommes. Ne voyant au surplus aucun moyen de ramener des esprits aussi sauvages* qui ne recdnnaissàient plus ni frein* ni pudeur, j annonçai au président que j'allais sanctionner le décret, ainsi que celui sur l'administration, et je lui répétai eh même temps, que j'allais aussi avoir l'honneur de vous prévenir, Monseigneur, de ne plus considérer la sanction, que je serais dans le cas de donner désormais aux décrets de l'assemblée, comme une approbation, mais comme un acte forcé, et n'ayant par conséquent aucune valeur^ en vous priant d'en informer l'Assemblée nationale. »
Le même esprit n'animait pas totis les habitants de Cayenne. Un grand nombre de citoyens a fait passer des réclamations contre les opérations ae l'assemblée coloniale, et ëontre celles de la municipalité» Nous avons eu soiis les yeux un mémoire signé par plus de 40 propriétaires, et beaucoup de citoyens eussent sans doute joint leurs signatures à cellës-ci sans l'arrêté de l'assemblée coloniale, dont nous vous avons donné connaissance, et qui met tant d'entraves à la liberté des réclamations. Votre Comité) Messieurs, a pensé que vous jugeriez de votre sagesse d'an-nuler les actes émanés de l'assemblée coloniale de la Guyane, comme incompétents ou injustes. Mais en vous proposant d'imçrouver ses opéra-tionsi votre comité se gardera d'inculper l'intention de ses membres ; il ne les regarde que comme égarés, que comme emportés au delà du but. Les premiers pas d'un peuple nouvellement lancé dans le Champ de la liberté ne peuvent pas avoir cette mesure, que l'on n'acquiert que par Une marché soutenue. Par l'article 4 de votre décret du 23 mars dernier^ les commissaires nommés par le roi, sont déjà autorisés à prononcer la dissolution de l'assemblée coloniale actuellement existante; mais votre comité a cru qu'il fallait un décret formel pour annuler les actes de cette assemblée, qui ont été mis à exécution avec la sanction provisoire de gouverneur, ainsi que pour redonner aux autorités qui ont été destituées par l'assemblée coloniale, lé droit de reprendre lëurs fonctions, jusqu'à ce que l'as^ semblée nouvelle, qui se formera légalement, les ait remplacées par des institutions constitutionnelles.
Il est cependant un objet que l'on sera obligé de maintenir, si l'on ne veut pas jeter la colonie de Cayenne dans dé nouveaux troubles. Ce sont les jugements prononcés par les tribunaux que l'assemblée coloniale a Gru dévoir substituer à l'ancien conseil supérieur ; c'est ainsi que l'Assemblée constituante a décrété le 12 octobre 1790, que les jugements rendus par le conseil supérieur établi au Gàp, ne pourraient être attaqués, en raison de l'illégalité du tribunal. Votre comité vous proposera d'adopter la même mesure pour la Guyane.
Tous les habitants de cette colonie soupirent après l'arrivée du commissaire* depuis longtemps
et inutilement attéhdu; l'assemblée Coloniale avait même prié, le 16 mars dernier, un des commissaires de la Martinique de visiter Cayenne.
Toutes les adresses expriment lë plus vif désir de connaître le jugement qu'atira porté l'Assem-bléë nationale Sur ses travaux, auxquels elle s'est livrée de bonne fOi, ët avec la plus parfaite soumission à Vos décrets.
Il lui suffira d'être éclairée pour rentrer dans la ligne dont elle s'est écartée. Que le coifimis-sâire së hâte donc dë porter à Cette colonie la lumière qui lili manque, pour jouir des bienfaits de là régénération de l'Empire.
Mais sâ mission de remplirait qu'impàrfaitè-mëttt le but que vous devez vous proposer, s'il Së bornait à cette opération ; il doit encore s'instruire sur les lieux de totis les moyens que la France peut employer pour mettre en Valeur une Colonie que nous ne connaissons presque éhcorè, que par les sommés qu'elle nous a coûtées, et ce quë nous devons regretter le plds, par le nombre d'individus qu'un ministère ignorant y à transportés, pour lës y laisser périr de faim et de misère.
Quelque^ détails sut ce pays ne tous paraîtront peut-être pais déplacés.
La Guyane française, sur à peu près 100 lieûés dë côtes et 10 à 12 liëiies de profondeur, ne compte que 1,000 à 1,100 blancs et 9 à 10,000 noirs, répandus ou plutôt dispersés SUr Un si vaste terrain.
50 hommes dë couleur, libres, âu pltis, pourraient êtrè appelés à ëxercér les droit3 de Citoyens actifs.
Parmi les 1,100 blancs, il'n'y avait en 1790 crue 456 citoyens actifs, aux termes de l'article 11 des instructions du 28 mars, qui n'exigeait vaguement qu'une propriété, Sans ën déterminer l'ëà-pèce et la quotité ; on sëttt combien Cë nombre devra se restreindre, lorsqii'ën fixant lêS conditions d'activité, l'assemblée coloniale connaîtra Combien il est important pour la colonie, dé ne pas donner la plus grande part dans son administration, à dés hommes qui û'V ont qu'tltt intérêt précaire et passager.
De ces 456 citoyens actifs, Cayennè, là seule ville qui existe dans la Guyane française, eh fournit 217, ce qui lui donne sur les campagnes une influence considérable, contraire à la vraie politique. Le peu d'aisânce est tel dans les campagnes, que la majeure partie des habitants ne peut fournir à la dépensé d'un économe, et, par conséquent, abandonner sans danger la surveillance de son habitation.
Les habitations sont d'ailleurs très éloignées les unes des autres, les Communications difficiles, impossibles même dans quelques saisons. Toutes ces circonstances mettent les cultivateurs dans la dépendance des villes où les individus souvent Oisifs se rassemblent sans peine et sans frais.
Malgré la dépensé énorme qu'a faite le gouvernement pour cëtte colonie, elle est toujours dans un tel état de langueur, qu'elle ne fournit par an que pour environ 800,000 livres de denréeà commerciales. Son gouvernement coûte à l'Etat à peu près 700,000 livres par an.
La colonie est taxée à environ 30,000 livres d'impositions. Mais elle n'a jamais pu payer en entier cette contribution quelque faible qu'elle paraisse. La contrainte de la part des administrateurs eût été inutile et impossible. On peut compter d'arriéré sur cet objet, à peu près 240)000 livres;
Les droits d'amirauté peuvent monter à 8,000 livres ; la colonie doit, pour avances faites à différents cultivateurs, 8 à 900,000,livresdontle tiers à peine pourra rentrer. L'Etat possède dans la Guyane quelques établissements en culture, que l'on peut évaluer a 2 millions et dont le produit est à peu près nul.
L'Etat doit encore quelque temps tout faire pour cette colonie, sans en exiger aucun dédommagement.
Mais, ce dédommagement peut-il au moins ès-pérer de le retrouver un jour ? Oui, sans doute, lorsque l'on y aura établi une bonne forme d'administration, lorsque la distribution des secours et encouragements sera faite avec sagesse et intelligence, d'après les vœux présentés par des assemblées coloniales, juges bien plus compétents dans ces sortes ae matières, que des administrations passagères, lorsque les établissements publics, rendus à leur destination primitive, seront vraiment administrés pour l'avantage public, que tous les yeux des intéressés seront ouverts, et sur leur gestion et sur l'amélioration dont ils sont susceptibles.
Par la culture des terres basses, dont la fertilité prodigieuse n'est plus un problème, la Guyane peut rivaliser Un jour, peut surpasser même Surinam, conquête faite par l'industrie hollandaise sur le neapt.
Le coton, le café de Gayenne, ont une qualité supérieure aux productions de même nature que fournissent les autres Antilles. Le tabac égalé celui du Brésil. Cette île fournit presque tout le rocou qu'emploient nos ateliers de teinture.
Les épiceries sont tellement naturalisées à Cayenne que cette colonie pourra, non seulement en fournir un jour à la France, jusqu'ici tributaire des Hollandais, mais en porter concurremment avec eux dans tous les marchés de l'Europe.
Nous jouirions déjà peut-être de cet avantage, sans l'impéritie du ministère, qui, dans le principe, voulut réserver exclusivement aux habitations dites du roi la culture de ces précieux végétaux, et défendit aux colons, sous des amendes très fortes, d'en propager chez eux des rejetons. Ce système absurde a déjà été abjuré, mais il n'existe encore de plantation vraiment importante que celle laite par le gouvernemènt. Le succès qu'elle a eu et la liberté indéfinie promettent Deaucôup de cette culture.
Les dernières lettres reçues de Cayenne annoncent que Varbre à pain, transporté dans cette colonie, a donné pour la première fois des fruits ; les poivriers promettaient aussi une première récolte, des mains barbarès les ont mutilés, des gens mal intentionnés ont détruit des plants qui pouvaient procurer à leur patrie une nouvelle source de richesse et de prospérité. La même méchanceté, disons la même imbécilité, a commis les mêmes dégâts à la Martinique.
La Guyane possède des mines de fer très riches, mais la difficulté et le haut prix de l'exploitation dans un pays où le travail est si pénible et la main-d'œuvre si chère, ne permettront peut-être pas de songer à tirer parti de cette richesse. ' Il serait plus avantageux ae tourner ses vues du côté des forêts qui couvrent une grande partie de cé continent, et où notre marine et nos colonies pourraient s'approvisionner d'une matière dont la disette se tait tous les jours sentir de plus en plus en Europe. Le plus haut prix de ces bois serait amplement compensé par leur qua-
lité. La Guyane serait aussi dans lé cas d'approvisionner nos Antilles de bestiaux vivants de toute espèce, élevés dans les prairies immenses. Elle pourrait aussi fournir des cuirs à la France, comme les Guyanes espagnoles et portugaises en fournissent à leur métropole.
Qui empêcherait encore de destiner à la déportation un quartier du vaste cohtinent delà Guyane, peut-être y renaîtrait-il à la vertu quelques-uns de ces êtres que nos institutions passées semblaient condamner à une vie continuellement vicieuse, lorsque leurs premiers pas dans la société avaient été marqués pàr quelque égarement? Mais on sent] avec quelle circonspection on doit entreprendre un pareil établissement, combien il faut prendre ae précautions, pour ne pas compromettre la tranquillité des anciens habitants par un voisinage dangereux; il faut surtout s'assurer préalablement que les points de communication sont rares ou faciles à garder.
Mais, Messieurs, ce qui distingue plus particulièrement la Guyane des autres colonies, et ce qui méritera sans doute votre sollicitude, c'est la population des indigènes qui habitent l'intérieur des terres et avec lesquels vous pouvez rouvrir un commerce avoué par la philosophie et l'humanité, trop souvent outragée dans- ces climats par les Européens usurpateurs. Il vous appartient, Messieurs, de rappeler sur les côtes les Indiens malheureux, effarouchés par le despotisme, qui ne sait civiliser qu'en asservissant.
Leur population, en effet, éprouve de jour en jour une diminution désolante. On en a conclu mal à propos que ces nations n'étaient pas susceptibles de civilisation ; mais on peut croire que le peu de succès n'est dû qu'au mauvais choix des moyens, il est dû peut-être aussi à 1a fausse idée que l'on a toujours attachée au mot civilisation. L'Européen orgueilleux a trop souvent traité de barbares des usages, par la seule raison qu'ils n'étaient pas les siens. Au lieu de respecter les coutumes antiques consacrées dans le pays où il abordait, il a voulu y naturaliser les siennes, plus bizarres peut-être aux yeux des peuples qu'il forçait de les adopter, que ne l'étaient aux siens celles qu'il voulait détruire. Enfin, il a voulu commander en maître, quand il n'eût dû que traiter en ami.
Nous avons donc bien des fautes à expier. Traitons avec justice et fraternité les Indiens fixés dans le voisinage de nos habitations; procurons-leur toutes les facilités pour former des établissements de culture dont l'avantage journalier les retienne; bientôt ces familles formeront un noyau autour duquel se réuniront les Indiens des terres, attirés par les douceurs dont ils verront jouir leurs compatriotes, et qu'ils voudront partager. Que la plus grande liberté surtout leur soit garantie; pour peu que l'on contraigne l'homme de la nature, il s'éloigne pour toujours. Les mœurs prendront graduellement le ton des nôtres, ou si leur bonheur doit dépendre de les conserver sans altération, qu'ils soient heureux à leur manière, et nous jouirons de leur prospérité.
Oui, Messieurs, tous les avantages que l'on vous a promis des relations que vous pour ri éz former avec les habitants de Madagascar, vous pouvez les trouver dans la Guyane française, mais il faut que la paix règne dans ces contrées. 1,000 Français seulement habitent ce pays et ils se déchirent. Tous, sans doute, veulent le bien, ils sont animés du désir de participer à la régé-
nération française ; qu'ils étouffent donc leurs haines réciproques, c'est le vœu qu'expriment tous les colons qui vous ont fait passer leurs réclamations, ils sont prêts à sacrifier leur ressen^ timent personnel, c'est moins l'esprit de parti et le désir de la vengeance qui a dicté leurs plaintes, que la crainte que les entreprises de leur assemblée coloniale n'aliénassent d'eux la mère-patrie, et ne fissent cesser des .bienfaits encore si nécessaires.
Le commissaire portera dans la Guyane les instructions décrétées par l'Assemblée" constituante pour la guider dans ses travaux. Ces colons s'apercevront aisément que ces instructions, convenables à une grande colonie, qui a de grands moyens, doivent subir des modifications pour être appliquées à la leur dans son état actuel (1).
L'assemblée coloniale de Cayenne vous demande de lui confier l'administration des biens domaniaux situés dans cette colonie ; votre comité a cru qu'avant de rien statuer sur cet objet, vous deviez attendre les renseignements que vous donnera le commissaire sur la nature et l'état de ces biens, sur leur produit, sur les frais de régie, sur les abus qui ont pu avoir lieu dans leur administration passée et dont quelques-uns ont été dénoncés par l'assemblée coloniale, sur l'avantage enfin plus ou moins grand que présenterait leur aliénation comparativement avec leur conservation, il pourra consulter à cet égard, un projet proposé par M. Bourgon, ancien gouverneur de Cayenne, qui présente d'excellentes vues. Ce commissaire doit être aussi chargé de prendre des informations sur la contestation qui s'est élevée à Cayenne sur l'habitation la Gabrielle, où le gouvernement avait fait un établissement en épiceries, quoique le fonds ne lui appartînt pas, et dont l'assemblée coloniale s'est mise provisoirement en possession.
Le commissaire se procurera des lumières sur un établissement de la maison de santé dont l'assemblée de Cayenne s'est pareillement emparé par provision.
Toutes ces administrations devront en général être remises au même état où elles étaient avant l'invasion de l'assemblée coloniale, jusqu'à ce que, d'après les propositions qui vous seront faites, par une nouvelle assemblée légalement constituée, et d'après les observations que vous fera passer le commissaire, vous ayez définitivement statué à cet égard.
Vous ajournerez pareillement les demandes ue vous fait l'assemblée coloniale d'un envoi 'ecclésiastiques, aussi recommandables par leurs
vertus que par leur civisme, pour remplacer ceux qui n'ont pas voulu prêter le serment qu'elle s'est crue obligée d'exiger des ecclésiastiques fonctionnaires publics; vous ajournerez, dis-je, cette demande jusqu'à ce que le commissaire ait rendu compte des réductions qu'il sera possible de faire dans les paroisses de la Guyane. Nos colonies sont exposées à assez de fléaux, sans y ajouter encore ceux que produit le fanatisme.
On serait étonné de voir que dans un pays où il n'y avait ni haut ni bas clergé, ni prébendes, ni bénéfices, ni dîmes, des prêtres qui n'étaient lésés dans aucune partie de leur intérêt, se soient montrés rebelles à la loi, si l'on ne savait que cette classe d'hommes est la même partout, et que l'esprit de domination a toujours été son caractère distinctif.
Il me reste un mot à dire des déportations qui ont eu lieu à Cayenne comme dans les autres colonies. Les premières furent prononcées en août 1790, contre 10 citoyens, par une assemblée qui s'appeila civique, trop souvent, dans le temps de la Révolution surtout, l'odieuse persécution se couvrit du manteau sacré du patriotisme, trop souvent le salut public invoqué servit de prétexte à l'infraction de la loi.
En janvier 1791, le sieur Bertholon est condamné, par un prétendu conseil de guerre composé de gardes nationales et présidé par le maire, à être dégradé à la tête des gardes citoyennes, et remis en prison pour être embarqué sur le premier bâtiment qui partira pour la France, comme auteur ou complice des projets ou démarches tendant à occasionner quelque révolution et de forts grands troubles.
Le crime si sévèrement puni se réduit à la rédaction d'une pétition tendant à faire supprimer la garde personnelle dont plusieurs citoyens se plaignaient, comme inutile ou fatigante, et à celle d'un écrit qui avait pour but de demander qu'il fût informé sur l'insulte qui avait été faite au buste du gouverneur. Le sieur Bertholon a subi ce jugement inique et réclame la justice de l'Assemblée nationale.
Le sieur Sigoigne signe et fait signer un certificat en faveur du sieur Bertholon, cet acte est présenté par l'esprit de parti, comme un attentat à la liberté publique : on nomme une commission pour en informer. Le sieur Sigoigne est banni à perpétuité du royaume et ses biens sont confisqués.
Le sieur Sigoigne avait été membre de l'assemblée civique qui, la première, s'était permis de donner l'exemple des jugements arbitraires : grande leçon pour ceux qui veulent se mettre au-dessus de la loi. Ils finissent presque toujours par être, à leur tour, les victimes des armes qu'ils ont forgées.
L'Assemblée constituante a prononcé, le 9 avril 1791, sur les premiers déportés; elle décréta que « sur les fonds du Trésor public, il leur serait fourni un^ somme suffisante pour les frais de leur séjour en France et de leur retour à Cayenne. »
Le ministre de la marine alloua à ceux qui eurent le bonheur de se présenter les premiers, la somme exorbitante de 500 livres par mois. Un de ceux qui vinrent après le sieur Lhomont, se trouva lésé de ne recevoir que 300 livres, et vous a présenté, dans le mois de janvier dernier, une pétition en réclamation contre ce qu'il appelle l'injustice du ministre.
Le grand nombre des réclamations de ce genre a forcé l'Assemblée nationale de ne plus con-
tinuer à accorder de pareilles indemnités; elle a décrété qu'il n'y avait pas lieu à délibérer sur la demande des sieurs Guis et Bosc, déportés illégalement de l'île de Tabago. Ce décret doit sérvir à l'avenir de règle à votre comité colonial, et l'intérêt particulier qu'il pourrait prendre à la situation malheureuse de quelques individus, devra se taire devant l'intérêt général du peuple, dont vous êtes spécialement chargés de respecter scrupuleusement la fortune et d'économiser les sueurs.
Votre comité vous proposera seulemeut d'avancer aux déportés, sauf le recours dé la nation sur la colonie, les frais de leur retour dans leurs foyers, auxquels la force et l'injustice les ont arrachés, afin de les mettre en état de poursuivre leurs persécuteurs devant les tribunaux.
Voici le projet, de décret que j'ai l'honneur de vous présenter au nom de votre cdmité colonial :
PROJET DE DECRET.
«L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité colonial, considérant combien il importe à la prospérité de l'île de Gayenne et de la Guyane française, de faire cesser au plus tôt les troubles qui agitent cette colonie et d'arrêter les écarts auxquels se livre l'assemblée coloniale de la Guyane, décrète qu'il y a urgence. »
Décret définitif.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
Article premier. Est déclarée illégale l'assemblée coloniale de la Guyane française, ainsi que les nouveaux tribunaux et les autres établissements publics à la formation desquels les circonstances auraient pu donner lieu dans cette colonie.
« Art. 2. Tous les âctës et arrêtés de l'assemblée coloniale et ceux de l'assemblée se disant civique sont nuls. Il ést défendu d'y donner au-. cUn effet.
« Art. 3. Néanmoins les jugements rendus par les tribunaux, que l'assemblée coloniale aurait substitués aux tribunaux précédemment existants, ne pourront être attaqués en raison de l'illégalité dont ils sont émanés selon leur forme et téneur sur les voies de fait.
Art. 4, Tous les citoyens qui auront été exilés ou déportés sans jugement légal, sont libres de retournèr dans la colonie; ils y demeureront sous la sauvegarde de la loi sans préju-dicè de leur recours contre qui il appartiendra.
« Art. 5. Il leur sera avancé par le Trésor public, sauf son recours sur la colonie, les frais de leur passage, et le pouvoir exécutif ést chargé de prendre à cet égard la voie la plus économique. ,
« Art. 6. Le pouvoir exécutif fera partir, sur-le-champ, le commissaire civil, qui a dû être nommé pour la colonie de la Guyane française, conformément à l'article 3 de la loi du 4 avril dernier.
« Art. 7. A son arrivée dans la colonie, le commissaire civil fera publier le présent décret, les assemblées* tribunaux et autres établisse-
ments formés depuis le mois dé mai 1790, seront dissous et cesseront immédiatement leurs fonctions, à peine, pour ceux qui voudraient en continuer l'exercice, d'être poursuivis comme perturbateurs du repos public.
« Art. 8t La juridiction ci-devant royale, l'amirauté, le conseil supérieur et ordonnateur reprendront leurs fonctions jusqu'à ce qu'il ait été statué sur l'organisation des tribunaux et de l'administration dans la colonie de la Guyane, mais ils ne pourront faire aucuns règlements. Les premiers se borneront aux fonctions judiciaires et l'ordonnateur se renfermera dans celles qui lui sont attribuées par la loi du let décembre 1790, concernant les colonies.
« Art. 9. Le commissaire civil prendra lë§ rëfi-seignemènts les plus précis, sUr l'étendde et là nature des possessions ci-devant cultivées âU nom du gouvernement, et së rendra compte de l'àdministration dé ces biens, soit avant l'époque où l'assemblée coloniale dé la Guyartë fc'ëh e§t emparéë, soit depuis cettë époque.
« Art. 10. Le commissairé ciVil prendra de même des renseignements sUr les moyens lès plus efficaces à employer pour opérer la prospérité de la colonie ae la Guyane et rendra cette possession avantageuéë à la métrôpole. »
Supplément au rapport sur l'île dè Gayenne.
Depuis la rédaction du rapport ci-dessus, l'Assemblée nationale a renvoyé au comité colonial des pièces qui prouvent jusqu'à quel point l'assemblée coloniale de Gayenne porte l'égarement et combien il est urgent de l'arrêter.
Vous avez vu, Messieurs, par la lettré de M.Bourgon, citée dans le courant du rapport, que l'assemblée coloniale n'entendait pas lui reconnaître, non plus que toute la colonie, le droit de veto.
Par lé décret du 26 juillet 1791, scëllë le 1er août suivant, l'Assemblée constitUantë déclara « qu'elle n'avait entendu apporter, par ses décrets des 21 et 25 juin et 10 juillet, aucun changement à la nature des fonétions lëgalëihent établies dans la colonie par le pouvoir exécutif, hi suspendre là faculté, âttribuéé au gouverneur, d'accorder ou de refuser l'approbation nécessaire aux arrêtés des assemblées Coloniales, pour être provisoirement exécutés. »
Dès que M. Benoît, commandant par intérirh, l'île de Cayenne, eût reçU cette loi, il én adrëssà un exemplaire à rassemblée coloniale, et Un à la municipalité, pour être publiéè ét ëXécutéè dans la colonie ; mais l'assemblée coloniale requit le commandant de suspendre la proclamation de la loi et lui écrivit qu'elle attendait sans désemparer, sa réponse.
La réponse fut qu'il n'était pas en son pouvoir d adhérer à l'inexécution d'une loi envoyée pour être exécutée dans la colonie; elle fut suivie d'une lettre de l'assemblée coloniale, le style en est trop curieux et peint trop bien l'esprit colonial, pour que nous ne la transcrivions pas eh entier.
Copie d'une lettre de l'assemblée coloniale à M. Benoît, en date du 1er janvier 1792
L'assemblée coloniale déclare à M. le commandant en chef de la colonie, que les motiffc de ses réclamations contre la proclamation de
la loi, n° 1176, ayant pour objet le veto attribué aux gouverneurs, sans responsabilité, sont :
1° Que n'ayant point eu jusqu'ici de députés ou représentants de la colonie à l'Assemblée nationale, les lois promulguées pour les autres colonies y ayant leurs députés ne peuvent la regarder qu'autant qu'elle les acceptera et les croira utiles au bonheur et à la prospérité de ses habitants;
2° Que la Guyane française ne s'étant constituée que conformément et d'après la promulgation du décret des 8 et 28 mars, elle doit en tout reconnaître ces décret et instructions comme base fondamentale de la Constitution qui doit définitivement régler l'organisation de la colonie;
3° Que les instructions de l'Assemblée nationale, qui sont énoncées dans ses séances du mois de février dernier, ne pouvant avoir été faites que d'après les vœux que l'assemblée coloniale a émis, et qui sont consignés dans les travaux qu'elle a fait parvenir à l'Assemblée constituante, elle croit devoir réclamer contre la proclamation de la loi n° 1176;
4* Elle présume que, dans tout ce qui concerné lè régime intérieur de la Colonie, le droit de veto, attribué au gouverneur par la loi n° 1176, hé peut être admis, parce qu'il donnerait à Uh seul homme, n'ayant aucune connaissance locale de la colonie, ét le plus souvent sans pto-priété, le pouvoir dé prononcer contre le Vœu de ses habitants, exprimé par sés représentants;
5è Que le décret du 8 et instructions du 28 mars ayant été envoyés à l'assembléé coloniale, èh parchemin, approuvés et signés par le roi et contre-sighésLaluzerne, avec proclamation, et la loi nd 1176, dont il s'agit, n'étant revêtue d autres formes que d'une griffe, M. L. F. ïkiport, contre-signée ïhévenard, ex-mihistré de la, mariné, ét ae plus sans proclamation, cette diffé-rence frappante est une raison de plus pour suspendre la proclamation de cette loi dans la colonie, puisqu'elle ne paraît point revêtue dés formes décrétées par l'Assemblée nationale, pour la promulgation de la loi, tandis que d'autrès décrets de même date sont revêtus de la proclamation de Sa Majesté;
6° Enfin, Monsieur, nous ne pouvons recevoir ici les lois partielles et isolées, la masse entière de celles qui doivent concourir à nous donner une Constitution, peut seule mériter notre confiance; nous ne pouvons juger du tout par une de ses parties aussi dissemblable que la loi n° 1176. Nous avons lieu de croire que les instructions pour la colonie, qui doivent nous parvenir incessamment, ne tromperont point notre espoir et nous osons nous flatter qu'une organisation sage, protectrice de la liberté, et que la séparation bien caractérisée de tous les pouvoirs, nous mettront à même de jouir, dans toute son étendue, de cette Constitution sublimé, qui fait aujourd'hui le bonheur de tous les Français. Tels sont, Monsieur, les principaux motifs
3ui ont déterminé l'assemblée coloniale à vous emander la suspension de la proclamation de la loi n° 1176 ; elle est depuis prés d'un an dans l'attente de l'arrivée dès commissaires, qui doivent la guider dans la promulgation des lois provisoires Sur le régime intérieur de la colonie, dans les plans qu'elle doit soumettre aux lumières de l'Assemblée nationale.
L'Assemblée nationale peut seule prononcer
si cette organisation est légale ou fautive ; admettre d'autres principes, ce serait s'exposer à détruire l'ouvrage qu'ellé croit boh et utile à la colonie; enfin, elle ne doit point vous dissimuler que les citoyens, instruits aujourd'hui de leurs droits imprescriptibles, ne verront peut-être pas sans indignation la proclamation de cette loi n° 1176, qui enchaîne d'un seul coup la liberté du peuple français de cette colonie, et semble lui préparer des fers d'autant plus odieux qu'ils sont sans réclamation contre le pouvoir qui les aura forgés.
Ceci ne s'adresse point à vous, Monsieur, la modération avec laquelle vous avez usé du pouvoir dont vous êtes revêtu, la parfaite tranquillité dont jouit la colonie, depuis que vous eh tenez les rênes, nous garantissent d'avance què tout doit céder devant vous au honheur dé là paix; c'est dans cette intime persuasion, que nous aVons lieu d'espérer que vous ne ferez pas promulguer, pour le présent, une loi qui pourrait jeter dans un moment l'anarchie et le désordre dans la colonie ; attendre tout du temps, vouloir le bonheur et la tranquillité de tous; voilà les marques qui doivent caractériser un bon citoyen, l'ami d une Constitution élevée sur les riiines du despotishie, par la persuasion et la douceur.
Si cependant, Monsieur, malgré ces représentations de notre pàrt, vous persistiez dans la résolution de faire proclamer cette loi, nous croyons devoir vous prévenir que, dès le moment de sa promulgation, nous suspendions la continuation de nos séances jusqu'à nouvel ordre, en protestant, au nom de la colonie, contre cette promulgation et en vous rendant responsable de la stagnation des affaires et de tous les événements fâcheux qui pourraient en résulter.
Le président de l'assemblée coloniale,
Signé : MéîerAUD, président, ét DucotJDRAY, secrétaire.
Le commandant écrit au ministre de la marine qu'ayant eU plusieurs fois occasion de connaître la disposition et l'effervescence des esprits, il a cru ne pouvoir mieux servir l'Etat qu'en prévenant des troubles d'autant plus dangereux que les noirs pourraient en profiter pour se rendre maîtres de la colonie, dans le cas où le petit nombre de troupes et de blancs qui l'habiteùt, s'affaiblirait encore par la dissension ; qu'en conséquence, il a cru moins dangereux de ne point persévérer à faire faire les proclamations de la loi, que d'exposer la colonie aux événements fâcheux que l'assemblée coloniale^ annonçait, si elles avaient lieu, surtout au moment où les commissaires doivent arriver avec des instructions.,
Je m'abstiens d'ajôuter aucune réflexion à cette relation.1 Vous voyez assez, Messieurs, que toutes les circonstances pressent le départ du commissaire.
A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE
DU
Opinion de M. Gastellier (2), député du département du Loiret, à VAssemblée nationale, sur l'envoi aux 83 départements, de la lettre de M. Roland au roi (3).
Messieurs, je n'examinerai point les motifs gui ont déterminé M. Roland à écrire, deux jours, dit-il, avant sa disgrâce, sa lettre au roi, lettre qui aurait à mes yeux le caractère le plus imposant, le caractère le plus respectable du langage de la philosophie et de la vérité, si M. Roland sè fût borné à transmettre de lui au roi les réflexions qui lui paraissaient dictées par les circonstances qui nous environnent. Mais la publicité que M. Roland a donnée, par une lecture aussi irréfléchie qu'impolitique,dans le sèin de l'Assemblée, à cette lettre dont on veut étendre la connaissance jusque dans les départements, est plus que suspecte : elle fait grièvement soupçonner la pureté de ses intentions. Ne vous y trompez pas Messieurs, en politique comme en physique, on confond souvent la cause avec les effets ; hier, on m'en a fourni la preuve, et la voici :
J'entendais, pendant la lecture de cette lettre, répéter sans cesse à mes oreilles : Il ne faut plus être étonné de ce que le roi renvoie un tel ministre, c'est qu'il n'aime pas à entendre les vérités. Eb bien, Messieurs, je pourrais aujourd'hui rétorquer cet argument à ces habiles dialecticiens, et avec plus de fondement, en les assurant que ce n'a été qu'après la certitude que M. Roland a eue de sa disgrâce, qu'il s'est déterminé à écrire, ou plutôt que sa faction lui a dicté cette lettre. Eh! Messieurs, qui de vous ignore que depuis plus de quinze jours, il y avait une scission dans le ministère et que, quoique tous les membres qui le composent eussent été placés par la même main, tous n'avaient pas également la même dose de probité et de connaissances ; que chacun a voulu être soi, et que le sieur Dumouriez, plus intrigant peut-être que les autres, est parvenu à triompher un instant; mais le triomphateur, aux yeux de ceux qui savent tout apprécier, n'en est pas plus irréprochable. Le temps, et ce temps n'est pas éloigné, vous apprendra si vous n'avez point trop précipité ces témoignages d'estime et d'approbation qui ne peuvent jamais obtenir la même mesure pour tous : garantissons-nous de ces élans d'enthousiasme, ou plutôt de prévention, qui ne conviennent dans aucun cas à des législateurs dont les décisions doivent être mûries par la réflexion ; éloignons-nous toujours, comme nous l'avons fait ou dû faire, de l'esprit de partialité outrée de folliculaires qui prodiguent, qui versent à pleines mains l'éloge et l'injure aux
mêmes individus, suivant là versatilité très versatile de leurs affections.
La lecture de la lettre, couverte d'ailleurs des applaudissements de l'enthousiasme, ne m'a point permis de la suivre très exactement dans toutes ses parties, mais les transitions les plus fortes, transitions qui m'ont soulevé d'indignation, sont celles où M. Roland semble menacer le roi des excès delà fureur du peuple ; celles où il invoque les insurrections; celles où il dit que la nation se lèvera debout ; ce n'est pas la nation, sans doute, dont il entend parler, parce que la nation est saine, juste, bonne et généreuse ; qu'elle est lasse (la nation), qu'elle est fatiguée des troubles de l'anarchie, sans cesse suscités et renouvelés par les factieux de tous les partis qui veulent tout désorganiser; qu'elle désire ardemment de voir le terme de ses maux ; qu'elle veut une paix solide et durable, mais une paix qu'elle sait ne pouvoir obtenir et conserver que par son respect pour la loi et sa soumission au pouvoir qu'elle a constitué, pouvoir que l'on outrage et que l'on cherche à avilir sans cesse. Oui, Messieurs, la nation se lèvera, elle se lèvera tout entière, et l'Assemblée nationale lui en donnera l'exemple; il est temps enfin que nous ouvrions les yeux, et que nous cessions d'être le jouet des passions, et trop souvent l'instrument aveugle des machinateurs de toute espèce, dont nous sommes investis de toutes parts.
D'après ces courtes réflexions, qui mériteraient un .tout autre développement, ie demande l'ajournement de l'envoi de la lettre de M. Roland au roi jusqu'à ce que chaque membre de l'Assemblée se soit convaincu, par une lecture réfléchie, que les principes qu'elle contient méritent d'être adoptés par le Corps législatif; et je demande en outre qu'il nous soit rendu compte très incessamment, sous le plus court délai, de la Conduite du sieur Dumouriez, depuis l'époque de la déclaration de guerre, que lui seul a provoquée au conseil du roi, par un rapport dont les motifs rassurants sont diamétralement opposés à ceux qu'ils nous a énoncés hier, dans un mémoire qui serait fait pour jeter l'alarme et le découragement dans tous les esprits, s'il fallait ajouter foi à toutes les variantes de ce ministre inconséquent.
Je demande donc le rapport du décret concernant l'envoi de la lettre au sieur Roland au roi, aux 83 départements, et son ajournement à un terme qu'il plaira à l'Assemblée nationale de fixer.
Gastellier.
P. S. Jeudi dernier je me suis présenté pour faire cette proposition de l'ajournement, qui n'a point été accueillie. L'Assemblée nationale m'ayant refusé la parole, je suis descendu de la tribune avec résignation et sans murmure, je n'aurai pas même écrit mon opinion, si je n'eusse été indignement calomnié par le sieur Brissot, qui dans sa feuille fort improprement dite Patriote français, se permet, non seulement de jeter des doutes sur mon patriotisme, mais encore d'avancer que ma motion avait été proprement arrangée aux Feuillants. Je ne prendrais pas la peine de m'étendre beaucoup en explications vis-à-vis du sieur Brissot, à qui il me suftira de demander ce qu'il entend par patriotisme : S'il entend par patriotisme un amour pur et sincère pour la justice, pour le roi, pour la monarchie, pour la Constitution ; enfin, un patriotisme qui a pour base la probité la plus délicate et la
plus intacte, je me flatte que le sieur Brissot ne me le disputera pas sur ce point, et qu'il ne peut y avoir ae parallèle à établir entre lui et moi. J'ajouterai de plus, que mon nom n'est pas une épigramme, qu'au nom de Gastellier est attaché l'idée de citoyen probe et vertueux; qu'après avoir été 11 ans consécutifs maire de la ville de Montargis, place que je n'ai quittée que pour venir occuper celle de législateur, j*ai emportéles regrets et conservé l'estime de tous mes concitoyens. Que le sieur Brissot s'informe, et il verra si lui et moi sommes faits pour marcher sur la même ligne. Il porte (le sieur Brissot) l'impudence jusqu'à dire que ma motion a été proprement arrangée aux Feuillants. Le sieur Brissot s'est menti à lui-même, parce qu'il sait, comme tous mes collègues, que je n'ai jamais mis le pied dans aucun club, que je n'appartiens à aucun esprit de parti ; que je suis moi et que je ne suivrai d'autres impulsions que celles de ma conscience ; enfin, que, parlant ou écrivant je m'appartiens à moi seul, que mes erreurs sont les miennes, je dirai plus, que mon cœur n'y prend aucune part. Je somme le sieur Brissot de déclarer la source où il a puisé ce dernier fait, jusqu'à ce qu'il m'en ait donné la preuve, j'ai droit de l'honorer d'un sentiment qui me coûte peu et que j'ai voué depuis longtemps aux vils calomniateurs de son genre.
Une femme célèbre en parlant du bon La Fontaine, disait que ce poète faisait des fables comme un pommier portait des pommes ; elle l'appelait son fablier. Ne pourrait-on pas, en sens inverse et très inverse, appliquer cette comparaison au sieur Brissot, dont la malheureuse organisation le porte naturellement aux dénonciations et à la calomnie 1
16 juin l'an IV de la liberté.
Séance du
PRÉSIDENCE DE M. FRANÇAIS (DE NANTES).
Un de MM. les secrétaires donne lecture du procès-verbal de la séance du mercredi 13 juin 1792, au soir, dont la rédaction est adoptée.
Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres, adresses et pétitions suivantes :
Adresse des administrateurs composant le directoire du département du Tarn, qui, fidèles aux principes constitutionnels, témoignent leur mépris pour les personnes qui travaillent à l'établissement de 2 Chambres ; cette adresse est ainsi conçue : (1)
« Castres, le
« Législateurs,
« La Constitution est menacée, une doctrine destructive des principes sacrés de l'égalité circule dans la capitale et se répand dans tout l'Empire. Le despotisme terrassé fait de nouveaux efforts pour se relever de sa chute, il ralie les morceaux épars de son sceptre brisé pour l'appesantir encore sur un sol devenu libre. Ses vils suppôts agitent le peuple, ils colorent leur
système d'iniquité des ombres de la popularité ; ils veulent rétablir la prééminence d'une caste privilégiée en ramenant avec elle la féodalité, la tyrannie, l'oppression et l'esclavage. Législateurs, la patrie éplorée appelle tout votre courage, toute votre fermeté. Vous êtes entourés par le crime et par les factions, votre ruine ou votre dissolution doivent être les suites de leurs efforts combinés, «t dès lors un crêpe funèbre couvre l'autel de la patrie et de la liberté. Elus par le peuple, revêtus de sa confiance, c'est à vous de le préserver des malheurs qui le menacent, mais si, contre son attente, telle était la fatalité de la France que le système des 2 Chambres vint s'établir sur les ruines de la Constitution, nous nous précipiterions au milieu de nos concitoyens, et en offrant à leurs regards le livre de la loi, nous leur dirions : Citoyens, voilà le dépôt précieux que nous avons tous juré de conserver et de défendre jusqu'à la mort : s'il doit nous être ravi, si la déclaration solennelle des Droits de l'Homme doit être effacée, que notre sang seul en efface les caractères sacrés et que la postérité apprenne que, fidèles à leur serment, les citoyens du département. du Tarn sont morts pour la patrie en prononçant ces mots : la Liberté, l'Egalité, jamais 2 Chambres. » (Applaudissements.)
« Les administrateurs composant le directoire du département du Tarn.
(Suivent les signatures.)
Plusieurs membres : Mention honorable au prO-cès-verbal !
(L'Assemblée ordonne qu'il sera fait mention honorable de cette adresse au procès-verbal.)
2° Lettres des sieurs Jacqueminet, Iïenry Leplatre neveu, Poirier, Cabint et Ducamp qui rétractent la signature qu'on leur a surprise au bas de la pétition qui a été présentée, pour demander le rapport du décret qui ordonne le rassemblement de 20,000 gardes nationales.
{L'Assemblée renvoie ces lettres aux comités de législation et de surveillance réunis.)
3° Lettre des administrateurs composant le directoire du département du Morbihan accompagnant une pétition des sous-officiers du bataillon auxiliaire des colonies, qui sollicitent un décret pour régler leur avancement : ces pièces sont ainsi conçues : (1)
« Vannes, le
« Monsieur le Président,
« Nous avons l'honneur de vous faire passer une pétition des sous-officiers du bataillon auxiliaire des colonies, en garnison au Port-Louis. Nous recommandons cette pétition à l'Assemblée; nous attestons leur civisme, leur bonne conduite, qu'ils ne se sont jamais écarté de la plus sévère discipline. L'exactitude et le zèle qu'ils ont développés pour se rendre à toutes réquisif tions qui ont été faites, tant par nous que par les sous-administrateurs, nous portent à solliciter, avec l'intérêt le plus vif, celui de l'Assemblée en la priant de faire droit à la pétition de ces bons et braves militaires citoyens.
« Nous sommes avec respect, etc...
« Les administrateurs composant le directoire du département du Morbihan. »
(Suivent les signatures.)
Législateurs,
« La France est en état de guerre ; de nouvelles levées sont décrétées pour chaque département. Par quelle fatalité le bataillon auxiliaire des colonies est-il encore réduit, à l'inaction la plus complète 1 Sa conduite, depuis la Révolution, sa résistance à l'anarchie, sa soumission la plus absolue aux lois, une discipline intacte et la subordination la mieux établie, lui ont mérité les éloges des corps administratifs et des généraux aux ordres desquels il s'est trouvé. Ce corps a dû s'attèndré à former le fond d'un des 6 régiments décrétés par l'Assemblée constituante, cependant on lui fait craindre de rester aujourd'hui dans l'état monstrueux qui ne l'assimile à aucun des corps de l'armée, où les officiers de toute arme ont eu l'avancement le plus rapide, tandis que ceux du bataillon n'ont encore que faiblement participé aux bienfaits de la Constitution. Le sort des individus qui le composent est donc dans les mains des représentants de la nation, qui lors de la discussion déjà ouverte à l?égardsamedi des 6 nouveaux régiments, leur feront trouver la récompense d'une fidélité sans bornes à leurs devoirs ou le désespoir de l'avoir vainement mérité. »
(Suivant les signatures.)
A ces pièces étaient joints les 2 certificats suivants :
« Nous, colonel directeur du corps royal d'artillerie, commandant la ville et citadelle du Port-Louis, attestions que le bataillon auxiliaire des colonies depuis qu'il tient garnison dans cette ville, ne s'efet écarté dans aucune occasion des règles de la subordination et de la plus exacte discipline, et que sa manière de servir lui a mérité, 4àns tops les temps les éloges des chefs aux ordres desquels il s est trouvé. »
« Port-Loiiis,Te 6 juin 1792.
Signé : Gamas.
« Nous maire et officiers municipaux de la ville de Port-Louis, district d'Hennebont, département du Morbihan, attestons que depuis l'année 1786 que le bataillon auxiliaire des colonies y tient garnison, il s'y est toujours montré avec la subordination, la discipline et la conduite la plus soutenue ; que depuis la Révolution tous les individus dp ce corps n'ont pessé de bien mériter de la nation, soit daps garde de cette place, soit dans les divers détachements pour lesquels jis ont été requis, et qu'enfin la commune de cette ville reconnaissante de leur civisme, autant éloigné de l'anarchie que soumis aux lois de l'Etat, leur a décerné unanimement le brevet de citoyens. »
« Fait à Port-Louis, le
Signé : Marin, maire ; Le voirier, Besan-cenet, Delpeche, officiers municipaux.
Un décret incorpore ces régiments dans l'armée; c'est au pouvoir exécutif à le faire. Je demande qu'on passe à l'ordre du jour et au'on renvoie au pouvoir exécutif.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour, attendu qu'il a été statué sur cette demande.)
Messieurs, le bataillon de la Cor--rè?e, cantonné dans le pays de Porrentruy, a reçu ordre de se mettre en état d'entrer en campagne, et le payeur de la guerre a refusé de lui payer en numéraire les ordonnances que le commissaire de la guerre leur a délivrées après un mois d'attente pour l'achat d'un chariot et 4 chevaux, sous prétexte que la trésorerie le lui a défendu.
Le conseil d'administration du bataillon observe, dans sa pétition, que si la loi autorise ce refus, il est nécessaire que l'Assemblée prenne en considération que le papier n'a pas de valeur hors de nos frontières, et que les Volontaires du bataillon qui supportent la perte sur leur paye, ne peuvent fournir à ces mêmes dépenses pour les objets nécessaires, afin d'entrer en Campagne.
il est bon de propager les bons principes : en voici qui sont dignes d'être publiés. M. Gustine a été dénoncé par M. Luckner, potir avoir, malgré les ordres, donné le temps aux Autrichiens et aux émigrés de prendre la fuite. Les volontaires du bataillon m'observent que la cqnduite de M. Custine est faite pour diminuer la confiance, et qu'fls attendent son jugement, mais qu'en attendant, leur soumission à ses ordres ne diminuera pn rien jusque-là.
Je demande, Messieurs : 1° le renvoi de la pétition au cqmité militaire popr en faire son rapport très incessamment; 2° que le pouvoir executif rende compte, sous huitaine, de la suite de la dénonciation contre M. Gustine; 3° que l'Assemblée nationale fasse mention honorable de là conduite du bataillon de la Corrèze.
(L'Assemblée décrète ces 3 propositions.)
M. GondicheaU, citoyen de la section de la Fontaine de Grenelle, est admis à la barre et demande que la mémoire des soldats, défenseurs de la patrie, qui ont été tués avec M. Gouvion, partage les mêmes honneurs qui seront décernés a celle dé ce général.
accorde à M. Gondicheau les honneurs de la séance.
(L'Assemblée renvoie la pétition au comité d'instruction publique.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres, adresses et pétitions suivantes :
1° Lettre de M. Dumouriez,, ministre de la querre. qui sollicite une décision sur la demande faite par le directoire du département de la Seine-Inférieure, pour être aqtorisée à lever 4 bataillons de canonniers nationaux volontaires, pour faire le service des batteries des côtes de leur département.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité militaire-)
* 2° Lettre signée individuellement par les Amis de la Constitution de Bouzonville, district deSar relouis, département de la Moselle, pour féliciter l'Assemblée de la contenance fière qu'elle a su prendre; l'inviter à soutenir toujours son caractère, et la prier de purger la terre des restes de la barbarié féodale, de s'occuper de l'instruction publique et des réformes à faire dans l'administration de la justice. (Applaudissements.)
A cette lettre est jointe ia copie d'une adresse qu'ils ont faite au roi.
Plusieurs membres demandent la lecture de l'adresse au roi.
(L'Assemblée ordonne la lecture de l'adresse au roi.
M. le secrétaire donne lecture de cette adresse qui est ainsi conçue :
« A Louis XVÏ, rqi des Français.
« Sire,
« La notoriété publique proclame que le château des Tuileries est la résidence des contre-révolutionnaires; que l'on y médite des crimes; qu'on ourdit des trames coupables; que c'est de ce foyer que s'exhalent des vapeurs infectes qui obscurcissent l'atrposphère delà liberté.... Quelle douleur serait-ce pour nous, Sire, qui sommes les vrais amis de la royauté constitutionnelle, de penser que vous protégez les ennemis de la Révolution !.... Njon, Sire, nous ne pouvons y ajouter foi; il répugne à notre loyauté de croire à la perversité du sang de Henri IV, dont vous descendez, dont vous vous plaisez à descendre... Faites, Sire, tous vos efforts pour conserver l'estime et l'amour des Français; éloignez de vous tous les conseillers perfides qui vous entourent; ils sont les ennemis de la Constitution, ils sont aussi les vôtFes; vous ne pouvez plus négliger ces avis sans compromettre votre couronne. Il faut quitter le trône, Sire,... (Applaudissements des tribunes).
Je demande que les tribunes n'applaudissent pas quand on dit qu'il faut que le roi quitte le trône.
jeune : Il vaut mieux le quitter que de l'avilir (Bruit). Mettez donc un veto sur l'opinion publique, (Bruit).
M. le secrétaire, continue la lecture:... « Il faut quitter le trône, Sire, ou soutenir de tout votre pouvoir, au prix même de votre sang, s'il est nécessaire, i'entière indépendance et la souveraineté de ]a nation, qui vous y a placé (Applau-difsentents réitérés) et maintenir la Çonstity{,ion dan§ ioqte son Intégrité : roqipez; toute espace de iiçns ayeç les aipis 4e l'aqçiei^ régime qui vous opsédept sans cesse* Ils vous eqtourpfit de piégés ;- guidez-voûs par la volonté du peuple, manifestée par ses représentants et par des ministres patriotes qui ont enfin succédé à ceux dont depuis longtemps la voix publique demandait la démission; que votre conseil né soit plus influencé surtout par une personne d'un sexe que la Constitution a sagement éloigné des rênes du gouvernement.... Personne ne doit mieux savoir que vous. Sire, que cette influence est une véritable calamité publique.... Les épouses que veulent bien se donner nos rois ne doivent ppint se mêler des affaires d'Etat, il faut qu'elles se renferment dans les affaires domestiques; elles doivent surtout aux épousas des autres citoyens, l'exemple de la pureté des mœurs et de toutes les vertus civiques. (Applaudissements.)
Plusieurs membres : C'est assez!'
jeune. Oui, je demande l'impression de cette adresse ; nous en avons assez entendu pour en sentir tout le mérite.
Cette adresse est imprimée ; il est inutile d'ordonner qu'elle sera réimprimée, à moins que l'Assemblée ne juge à propos d'en faire une seconde édition.
Je demande qu'elle soit au nom de l'Assemblée. (Murmures à droite. — Applaudissements à gauche.)
Je ne ferai qu'une observation qui, j'espère, convaincra l'Assemblée que cette adresse ne doit point être imprimée; c'est qu'elle n'était pas adressée au Corps législatif. (Murmures à gauche.)
C'est égal.
Cette lettre contient des principes très philosophiques. La lecture à cette tribune est très propre à répandre et à faire parvenir au roi les vérités qu elle contient, et qui, bien qu'elles lui soient envoyées, resteront ensevelies dans son palais. L'Assemblée a' ordonné que cette adresse serait lue; je demande l'exécution du décret et que la lecture soit achevée. On statuera ensuite sur la motion de l'impression.
(L'Assemblée décrète que la lecture de l'adresse sera continuée.)*
M. le secrétaire, continuant la lecture de l'adresse :
« Vainement, Sire, vous avez proclamé votre acceptation libre à la Constitution ; les rois étrangers vous ont insulté, en publiant que toutes vos démarches n'étaient que de vaines parades, et que vous n'avez jamais été libre... Vous devez vqqs mettre loyalement à la tête de la Constitution et repousser ainsi les calomnies que les puissances voisines se plaisent à répandre contre vous... Soyons francs et sincères ; dites-nous, Sire, si, il y a 10 ans, vos frères, vos parents, se fussent élevés contre les lois alors existantes, sans doute vous les auriez punis; eïi bien. Sire, vous avez consenti à régner par la Constitution; vos frères, vos parents sont rebelles à cette Constitution et vous tardez à les punir..., et vous voulez que la France vous accorde sa confiance...
« Repoussez loin de vous, Sire, et de votre épouse, tous ceux qui ne sont pas les amis de l'égalité des droits; ces mesures sont les seuls moyens de faire fuir les bandes de scélérats qui disent agir en votre nom...
« Levez, Sire, la suspension qui vous fut surprise par pu ipauv^is génie, gur je décret du mpjs de npvejnbre 4eiWêr, çqgperqant les prêtres; alors vous aurez anéanti les factieux qui comptaient sur les troubles religieux pour établir un nouvel ordre de choses, alors vous aurez droit à toute la reconnaissance de la nation-. (Applaudissements.)
« Voilà la vérité, Sire; nous vous estimons, nous vous aimops asse^ pour vous la dire. Le temps de la patience est passé ; le peuple fran-r çàis veut l'exercice de son indépendance, de sa souveraineté : justice s'exercera enfin, la nation tout entière se lèvera. Mettez-vous à sa tête, Sire, et vous serez certain de la reconnaissance de tous les Français. » (Applaudissements prolongés.)
Je demande l'impression de cette adresse, et son envoi aux 83 départements
Si l'Assemblée faisait imprime cette adresse remplie, il est vrai, d'excellentes vérités, elle aurait l'air de mendier la sanction et de vouloir influencer la volonté du roi. Cette conduite est indigne d'elle. (Murmures.)
Certainement, on doit applaudir aux sentiments qui ont dicté cette adresse, mais l'Assemblée a dû remarquer qu'on semblait y improuver le veto que le roi a mis sur deux de vos décrets et le choix des ministres qu'il a fait. Je crois que si nous faisions imprimer cette
adresse et si nous en ordonnions l'envoi aux 83 départements, nous aurions l'air de nous laisser guider par un sentiment de mécontentement indigne de législateurs. Je demande la question préalable sur l'impression.
jeune. Il n'y a qu'une question à examiner; c'est de savoir si cette adresse contient de bons principes; or, je soutiens qu'elle est remplie des plus saines maximes et personne n'a de doute à cet égard. Je maintiens donc ma demande d'impressio^ et d'envoi, (Applaudissements des tribunes.)
Cette adresse renferme des faits contredits par vos comités. MM. Gensonné, Brissot, Chabot et tous les grands dénonciateurs du comité autrichien n'ont pu trouver une seule preuve qui tendit à inculper la reine. Et cependant elle est inculpée dans cette adresse. (Murmures.)
Je demande qu'on rappelle à l'ordre M. Champion pour avoir insulté ses collègues. (Applaudissements des tribunes.)
Un-grand nombre de membres : L'ordre du jour!
Je consulte l'Assemblée.
(Après une épreuve douteuse, l'Assemblée décrète qu'elle passe à l'ordre du jour et repousse l'impression ae l'adresse.)
Plusieurs membres : Mais, c'est le contraire, l'ordre du jour est rejeté!
Monsieur le Président, vous ne devez pas juger sur le rapport du bureau, parce qu'il est intéressé à voter contré l'impression. (Murmures.) Je demande l'appel nominal.
Je constate également que depuis plusieurs jours le bureau semble décider les décrets. Je demande qu'on mette aux voix la question de savoir si le bureau a commis une erreur.
J'ai prononcé d'après la majorité du bureau. 3 secrétaires ont pensé qu il n'y avait pas de doute. Un seul a été de 1 avis contraire.
, secrétaire. L'inculpation portée contre le bureau par M. Merlin est une calomnie; car, moi seul des secrétaires, j'ai voté contre l'impression, et moi seul, j'ai cru qu'il y avait du doute dans l'épreuve.
, secrétaires, appuient les observations de M. Merlet. Ils témoignent leur mobilité aux inculpations qui leur sont faites et déclarent que dans toutes les occasions ils ont apporté dans leur conduite l'impartialité qui convient à des législateurs.
Pour éviter tout malentendu, je consulte une troisième fois l'Assemblée.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
M. le secrétaire continuant la lecture des lettres, adresses et pétitions :
3° Projet du sieur Dubois-Dumilac pour l'établissement de divers dépôts, à l'effet de réprimer la mendicité.
(L'Assemblée renvoie ce projet au comité des secours publics.)
4° Lettre de M. Dumouriez, ministre de la guerre, qui demande si, en cas d'un service purement militaire, sur la réquisition légale du commandant de la place, pour suppléer à l'insuffisance des troupes de ligne, il doit être accordé aux citoyens requis, une indemnité, et le mode d'après lequel elle devra être réglée.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité militaire.)
5° Lettre de M. Duranthon, ministre de la justice, qui fait des observations relatives à l'exécution du décret du 1er juin 1792, qui accorde 600 livres à la dame Martin, épouse ail sieur Lavarenne. Cette lettre est ainsi conçue : (1)
Paris, le
« Monsieur le Président,
« Il a été présenté à la sanction du roi un décret du 1er de ce mois qui accorde à la dame Martin, épouse du sieur Lavarenne, une somme de 600 livres. Ce décret a été sanctionné le 8 et le lendemain j'ai adressé une expédition en forme de la loi à M. Amelot, administrateur de la caisse de l'extraordinaire. Ce décret charge la caisse de l'extraordinaire de payer la somme de 600 livres sur le fonds des 2 millions accordés par le décret du 17 février 1791 pour secours et gratifications.
M. Amelot m'observe que ces 2 millions sont à la disposition de MM. les commissaires de la trésorerie nationale et non de la caisse de l'extraordinaire.
Je prie donc l'Assemblée de vouloir bien prononcer sur cette rectification afin de me mettre à portée de faire profiter la dame Martin du bénéfice de la loi dont ses services et ses besoins pressants sollicitent la plus prompte exécution. (1)
« Je suis avec respect etc.
« Signé : duranthon. »
(L'Assemblée décrète de passer à l'ordre du jour, attendu qu'il a été statué sur ces observations.)
6° Lettre du sieur Rovère et adresse de mille citoyens habitants du ci-devant Comtat et d'Avignon, pour dénoncer les assassinats commis, depuis le décret du 10 mai 1792, à Sainte-Cécile, Car-pentras et Muzan, sur des patriotes, et pour demander justice.
(L'Assemblée renvoie cette lettre et cette adresse aux comités de pétition, de surveillance et des Douze réunis.)
7° Délibération du conseil général de la commune de Saint-Ouen-sur-Seine, qui dénonce le journal du sieur Pastel, comme contenant des faits calomnieux et incendiaires, au sujet de prétendues réunions suspectes de M. Nivernais, du roi, de la reine, etc.
(L'Assemblée renvoie cette délibération au comité de surveillance.)
8° Adresse du sieur Chaillot, de Prusse qui offre de faire connaître un moyen de substituer, à l'usage du boulet rouge, un procédé plus simple, plus facile et d'un effet plus sûr.
(L'Assemblée renvoie cette adresse au comité militaire.)
9° Lettre de M. Roland, ministre de Vintérieur, suivie d'un état des 38 lois ou actes du
Corps législatif, qu'il a adressés aux départements depuis le 31 mai jusqu'au 12 juin 1792.
10° Lettre de M. Duranthon, ministre par intérim, des contributions publiques, accompagnant un mémoire de l'administration des ponts et chaussés, qui a pour objet d'être autorisé à acquérir une maison sise a Cherbourg, dont la démolition entre dans les travaux du port.
(L'Assemblée renvoie cette lettre et ce mémoire au comité de la marine.)
Une députation de la section de la Fontaine Montmorency est admise à la barre.
L'orateur de la députation présente 6 de ses concitoyens qui vont à la frontière prendre la place ae ceux de leur section qui sont tombés pour la patrie. (Applaudissements.) Il donne lecture d'une adresse et d'un arrêté de cette section, qui contiennent une protestation contre la pétition présentée à l'Assemblée pour la révocation de son décret relatif au camp de 20,000 hommes. Il demande que l'Assemblée décrète que les citoyens seront tenus de faire leur service de garde national en personne. Il annonce enfin qu'il partage la douleur de tous les bons citoyens sur la mort de M. Gouvion, et s'associe aux regrets que l'Assemblée a donnés aux ministres renvoyés. (Applaudissements.)
, répond à la députation et lui accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée renvoie la pétition aux comités de législation et de surveillance réunis et au comité militaire.)
L'Assemblée a 2 fois renvoyé au comité la motion que j'ai faite que tous les citoyens montassent en personne leur garde. J'insiste sur cette motion, et je prie Monsieur le Président de la mettre sur-le-champ. aux voix.
(L'Assemblée ne statue pas.)
Le sieur Lefebvre, receveur du district de Gournay, département de la Seine-Inférieure, est admis à la barre. Il fait hômmage, pour subvenir aux frais de la guerre, d'une somme de 300 livres, provenant de son traitement actuel, et d'un quart ae son ancien traitement en qualité de percepteur de l'impôt de la gabelle. Il offre cette somme comme une expiation de ces dernières fonctions, et se plaint de ce que le directoire exige, sous peine de déplacement, qu'il présente un cautionnement en immeubles situés dans l'étendue du département.
accorde à M. Lefebvre les honneurs de la séance.
(L'Assemblée accepte -cette offrande avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis au donateur, puis elle renvoie sa pétition au comité de l'ordinaire des finances.
Une députation des amis de la Constitution de Rouen est admise à la barre.
L'orateur de la députation s'exprime ainsi :
« Législateurs,
« Nous déposons sur l'autel de la patrie, au nom des amis de la Constitution réunis à Rouen, le montant d'une souscription ouverte pour subvenir aux dépenses de la guerre. Elle ne s'élève ^encore qu à la somme ae 336 livres en or, 612 livres en argent, 17,705 livres en assignats ; en tout 18,653 livres. Mais nous avons Vespoir de renouveler bientôt nos offrandes.
« Les citoyens qui nous envoient vers vous, Messieurs, savent combien vos moments sont précieux, et sont loin de vouloir les ravir à la patrie. Cependant ils nous ont enjoint de ne point nous retirer de cette auguste enceinte sans vous assurer :
« Qu'ils garderont éternellement le souvenir de vos travaux et de vos vertus;
« Qu'ils n'oublieront jamais que, par de courageux efforts, et en restant nuit et jour à son gouvernail, vous venez de sauver le vaisseau de l'Etat, de la tempête horrible qui le menaçait de toutes parts;
« Qu'ils regardent le décret par lequel vous ordonnez la levée de 20,000 patriotes, pour former un camp à quelque distance de Paris, comme un puissant moyen d'assurer la tranquillité de cette capitale, et d'étouffer les coupables espérances de ceux qui se flattent de voir s'anéantir notre sainte Constitution, au milieu des troubles d'une guerre civile. Loin de pouvoir donner de l'ombrage ou des inquiétudes à cette brave et infatigable garde parisienne, qui, depuis laRévolution, n'a cessé de bien mériter de la patrie, une armée fidèle, sous les murs de Paris, ne doit servir qu'à resserrer de plus en plus les liens avec les gardes nationales de l'Empire.
« Oui, Messieurs, vos sages décrets et nos communs efforts assureront bientôt le triomphe de cette Constitution sublime, pour le maintien de laquelle nous renouvelons tous le serment de vivre libre ou de mourir. » (Applaudissements.)
répond à la députation et lui accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée accepte cette offrande avec les plus vifs applaudissements, et décrète la mention honorable et l'insertion de cette pétition au procès-verbal, dont un extrait sera remis à la députation.)
Une députation de la section de la Bibliothèque et du bataillon des Filles-Saint-Thomas est admise à la barre.
L'orateur de la députation donne lecture de l'adresse suivante (1) :
« Législateurs,
« Le brave Gouvion est mort, la patrie, la liberté, la Constitution, perdent un appui, les malheureux un bienfaitedr; nous lui destinions des lauriers, sa mort les change en Cyprès, nous espérions célébrer ses victoires,' nous sommes réduits à pleurer sa perte.
« Les citoyens de la section de la Bibliothèque et ceux qui composent le bataillon des Filles-Saint-Thomas, ont un motif de plus pour le regretter, il a servi avec eux en qualité de fusilier, depuis qu'il a cessé d'être major général de la garde nationale parisienne jusqu'au moment où il a quitté l'Assemblée législative pour se rendre à l'armée.
« Ces citoyens, pour honorer la mémoire de ce brave général, de ce vertueux camarade, feront célébrer lundi prochain, à 9 heures du matin, un service dans l'église Saint-Augustin.
« Législateurs, permettez que ces citoyens vous supplient dè nommer une députation pour assister à ce douloureux hommage. »
« Signé : G. Tassin, Bevard, Parizot, G. Bosque, Angibault. »
L'Assemblée nationale partage vos sentiments de douleur et vous accorde les honneurs de la séance,
Je convertis en motion la pro-position des pétitionnaires.
Je demande que la députation soit de 24 membres, comme pour les convois.
, Je demande qu'elle soit de 48 ; ce n'est pas là un convoi ordinaire.
Je consulte l'Assemblée.
(L'Assemblée décrète qu'une députation de 24 membres assistera au service célébré en l'église Saint-Augustin pour honorer la mémoire au général Gouvion;)
Les amis de la Constitution de Dunkerque olfrent 605 livres en assignats.
Les amis de la Constitution d'Agde donnent à la patrie 1,101 liv. 10 s., dont liv. 9 s. eu espèces. Ils annoncent à l'Assemblée que, dans leurs séances publiques, ils inspirent à leurs concitoyens le respect pour les propriétés, l'amour de la liberté et de l'égalité, la soumission aux lois et aux autorités constituées èt que, par leurs soins et leurs exemples, les lois sont exécutées dans leur canton, les contributions y sont acquittées et que tous leurs concitoyens sont prêts à voler Où le besoin de la patrie les appellera. Je demande qu'il soit fait meutipn honorable de çette adresse dans le procès-verbal.
(L'Assemblée accepte ces deux offrandes avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis aux deux municipalités- En ee qui concerne les amis de la Constitution d'Agde, elle décrète, èn outre, qu'il sera fait mention honorable de leur adresse dans le procès-verbal.)
Le corps municipal de la ville de Foix, département de l'Ariège, m'a chargé de déposer sur l'autel de la patrie un don de 400 livres en assignats, il envoie également l'état du payement des contributions de l'année 1791, duquel il résulte que, sur 33,351 livres de leur montant, 24,196 livres ont été versées dans la caisse du receveur du district.
(L'Assemblée accepte cette offrande avec les plqs vifs applaudissements, et décrète qu?il en sera fait luention honorable dfips le procès-verbal, ainsi que du civisme de cette munici-r palité. Un extrait en sera remis au corps municipal 4e Foix-
Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres suivantes contenant des dons patriotiques ;
1• Lettre du sieur Jacques Delacroix, apothicaire et soldat-citoyen de Paris, qui proteste contre la signature qu'on lui a surprise contre le décret, et envoie 60 livres en assignats dont 10 au nom du sieur Saint-Léger, son pensionnaire,
?our l'équipement d'un citoyén du çarçp de 0,000 hommes, qu'il s'engage à nourrir et à blanchir.
2° Lettre du sieur Sauveyrain, grenadier du bataillon du petit Saint Antoine, qui offre 36 livres en espèces, et rétracte également la signaturé qu'il a apposée au bas de la pétition faite contre le rassemblement dé ?0,Q0Q nommes.
Je déclare et aucun de ceux qui sont ici et qui ont voté le décret des
2Q,000 hommes ne me démentira pas, que jamais nous n'avons eu l'intention de priver la brave garde nationale parisienne de ses armes et de ses canons. (Murmures.)
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
3° Lettre du sieur Robert, marchand boucher de Rouen, qui fait don de sa lettre de maîtrise, d'un capital de 75 livres.
(L'Assemblée accepte ces offrandes avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal dont un extrait sera remis aux donateurs.)
M. Louvët, député des amis de la Constitution de la ville de Chaumont, est admis à la barre.
Il s'exprime ainsi :
« Législateurs,
« Ceux qui m'ont envoyé vers vous pour protester dans lé temple de la loi de leur dévouement à notre sainte Constitution, m'ont chargé de vous exprimer quels sont leurs sentiments : inspirer le respect aux autorités constituées; démontrer la nécessité d'acquitter exactement les contributions publiques; donner l'exemple de ce de^-voir sacré; préférer à un honteux esclavage la mort la plus cruelle. Voilà ce qu'ils ont juré. Ils tiendront leur serment; leurs bras sont à la patrie et en attendant l'heureux moment de les employer, ils déposent la faible somme de 24 livres en or, 25 livres en espèces et 250 livres en assignats, pour subvenir aux frais de la guerre déclarée aux tyrans, ennemis de l'égalité. »
répond à M, Louvet et lui accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée accepte cette offrande avec les plus vifs applaudissements et décrète la mention honorable et l'insertion de cette adresse au procès^ verbal, dont un extrait sera remis à M- Louvet : pour les amis de la Constitution de la ville de Chaumont.)
Voici, Messieurs, le résultat du scrutinpour la nomination des commissaires chargés d'examiner les comptes des ministres de la guerre (1) ;
Membres : MM. Grublier d'Optère.
Cambon fils aîné.
Delacroix.
Bigot de Préameneu.
Beugnot.
Laton-Ladebat.
Ramond.
Muraire.
Blanehard.
Lae retelle.
Mouysset.
Aubert-Dubayet.
Suppléants : MM- Navier-
GuyqnrMorveau.
Tronçhon.
Jacob Dupont.
Lacuée jeune.
Carnot-Feuleins le jeune.
Cailhasson.
Carnot Çaïné.
Voici maintenant, Messieurs,
MM. Gohier.......... a obtenu 206 voix.
Qui nette........ > 191 »
Delaunay l'ainé. » 191 »
En conséquence, je les proclame secrétaires.
M. Guadet a la parole.
Avant d'énoncer à l'Assemblée le fait sur lequel j'ai demandé la parole, j'offre à l'Assemblée nationale ie don patriotique de 24 Ut vresen or de M. Marquant, Citoyen de Bordeaux.
J'appelle l'attention de r Assemblée nationale sur yn très grave attentat commis contre l'un de ses membres. Depuis longtemps des listes de proscription se répandent dans la ville de Paris; depuis longtemps quelques patriotes sont désignés an fer des assassins ; les représentants du peuple ne devaient pas s'attendre sans doute quç ces assassins se trouveraient parmi eux. Cependant, ç'est ce qui est arrivé hier au soir à 9 heures, M. Grangeneuve a été assassiné par M- Jouneau.
Plusieurs membres : C'est faux !
D'autres membres : Est-il mort?
(M. Calvet monte à la tribune.)
Plusieurs membres ; A bas ! à bai !
Je n'étais monté à la tribune que poyr demander la parole après M. Guadet.
J'atteste à l'Assemblée que M-Calvet ne s'est approchéque pour me dire qu'il demandait la parole après moi. J'ai entendu demander gi M. Grangeneuve était mort. Non, Messieurs, il n'est pas mort, mais ce n'est pas la faute de l'assassin. (Bruit)
J'ai dit qu'hier au soir à 9 heures et demie, M- Grangeneuve a été assassiné par M, Jouneau. Je ne vous dirai point quelles sont les circonstances de cet assassinat. Les témoins que vous entendrez, j'espère,^ cette barre les mettront sous vos yeux. Je me Dornerai seulement à vous dire premièrement que M. Grangeneuve sortait du comité des pétitions où il était réuni avec quelques-uns de ses collègues à l'occasion del'atfaired'Arlesdont il est rapporteur, qu'il sortait du comité sans avoir pu entretenir ses collègues de cette affaire, et qu'il s'en allait chez lui, après avoir pris les papiers sous le bras, par l'une des allées qui conduisent à l'allée couverte des Feuillants. M. Jouneau coupa son chemin et 1e rencontra sur le bord de l'allée. Alors M. Grangeneuve était en compagnie de deux particuliers qui s'étaient réunis à lui.
M. Jouneau, sentant bien qu'il ne pouvait pas «xécuter son projet, tant que M. Grangeneuve serait réuni à deux particuliers, l'attire à lui avec l'Air de l'amitié, en lui disant; « M. Grangeneuve, j'aurais à vqus parler. » Alors, et par discrétion, les deux particuliers qui l'accompagnaient s'éloh gnèrentet prirent un chemin inverse. Mais bien^ tôt après, attirés par les cris de M. Grangeneuve qui criait : à l'assassin, ils revinrent sur lui, le trouvèrent terrassé, faisant quelques efforts pour se relever. Us coururent après celui qui venait de l'assassiner ainsi. Ils le saisirent à l'une des portes qui entrent dans les couloirs de la salle, La gendarmerie nationale et la garde nationale s'emparèrent de M- Jouneau ; mais sur les ofcser* valions de quelques-uns de nos collègues, qui étaient accourus aussi au$ cris de M- Grangeneuve, surces observations, dis-je, que M. Jouneau était mviolable, et qu an ne pouvait pas l'arrêter,
quoiqu'il fût saisi en flagrant délit, la gendarmerie nationale crut faire son devoir en relâchant M. Jounëau.
Voilé, les circonstances qui m'ont'été attestées par les deux témoins qui étaient de la compagnie ae M. Grangeneuve, et par quelques personnes qui purent aussi voir ce qui se passa. Je tous observerai encore que M. Grangeneuve a été souvent provoqué par M. Jouneau, sans qu'il pût y avoir de la part de celui-ci d'autres motifs que Je dissentiment de leurs opinions sur l'affaire d'Arles; c'est-à-dire, parce que M. Grangeneuve regardait comme contre-révolutionnaires ceux des habitants de la ville d'Arles qui avaient mis cette ville en état de rébellion ouverte, et qu'au contraire, M. Jouneau prenait ousem lait prendre un grand intérêt à ceux que M. Grangeneuve regardait comme des rebelles. M. Grangeneuve n'a jamais répondu aux provocations. Connaissant sa dignité, fidèle à ses devoirs, sachant bien que le département qui l'a nommé pour être le représentant du peuple français, ne l'a pas envoyé ici pour s'exercer dans l'art de l'escrime, mais bien pour défendre la Constitution ^t la liberté contre tous les ennemis qui cherchent à lui porter atteinte-
Messieurs, je demande vengeance de eet attentat. non pas au nom de M. Grangeneuy®, mais je le demande au nom du peuple français.
Plusieurs membres : Oui, oui 5 (Applaudissements dans les tribunes.)
Je le demande au nom du peuple français, dont la représentation a été compromise; si le peunie français doit perdre ses représentants, faites au moins que ce ne sçit pas par des assassins; faites surtout une justice d'autant plus éclatante que la représentation du peuple a été violée par celui-là même qui devait le plus la respecter. Je demande que sur-le-champ MM- Barbaroux et Jacquiet, députés extraordinaires de la ville d'Arles, Coudernet, volontaire national, rue Sainte-Croix-la-Breton-rtière, n° 61, M. Oouet, lieutenant du bataillon des Blancs-Manteaux, et M. Saint-Hutuge. (Murmures.) soient entendus à la barre comme témoins.
Je demande qu'avant d'entendre les témoins, on entende M. Jouneau.
Je demande que vous envoyiez un huissier chez M. Jouneau, pour l'inviter à se rendre à son poste.
Plusieurs membres: Mandé, mandé.
Oui, mandé à la barre. (Murmures.)
Je n'aurais jamais pensé qu'on vînt distraire l'Assemblée de ?es importantes fonctions, pour s'occuper d'un fait particulier dont j'ai été témoin,, et que j'ai bien vu. Ce n'était qu'une rixe particulière entre deux députés hors de leurs fonctions. Ils étaient dans la classe et dans la catégorie des autres citoyens. Mais puisque l'on veut en faire une affaire générale et publique, je vais dire ce que j'ai vu.
J'étais nier, à 8 heures du soir, avec deux messieurs et un chevalier de Saint-Louis, qui a n ne affaire au comité militaire. (Murmures.)
Si vous voulez entendre ceux qui n'ont pas vu, et né pas entendre ceux qui ont vu, certainement vqus ne saurez pas la vérité.
A $ heprës. je fus joint par M. Beçquey et Un monsieur de Bordeaux, dont je ne sais pas le nom. Nous causâmes longtemps d'abord sur l'affairé qui concernait l'officier. Tout à coup,
j'entends la voix de M. Grangeneuve, qui criait ': à l'assassin. Par un mouvement spontané, j'accours, j'abandonne les deux personnes avec qui j'étais, et je vole à M. Grangeneuve, dont je ne reconnais que la voix, parce qu'il faisait sombre dans ce moment-là.
J'ai vu M. Grangeneuve qui criait : on m'assassine, avec deux particuliers et un autre que ie ne connaissais pas, parce qu'on lui cachait la figure avec les poings. Je me suis mis entre M. Grangeneuve et le particulier; mon habit même était tout couvert de poudre, parce que je saisissais les deux messieurs par la tête. Le particulier qui avait la figure cachée par les
Eoings de M. Grangeneuve et des deuxacolytes de [. Grangeneuve, ce particulièr, c'était M. Jou-neau qui se débattait, et voulait sortir des mains de 3 personnes qui le tenaient. Je dis à M. Qrangeneuve : qui est-ce qui vous assassine mon cher Grangeneuve? Au même instant on sépara les combattants. Oh ciel ! m'écriai-je, c'est-vous, mon cher Jouneau, que je ne reconnus qu'alors!... Ma position était cruelle ; je me trouvais entre deux de mes collègues, dont l'un disait être assassiné par l'autre.
Alors, quelque chose d'infiniment plus sérieux vint me distraire : j'aperçus cinq ou six particuliers, dont je ne connaisque M. Saint-Huruge,
Sui criaient dans les corridors des Feuillants n assassine les députés patriotes ; ce sont les gueux de Feuillants qui les assassinent. J'ai dit à M. Saint-Huruge : vous me connaissez et je vous connais aussi, pourquoi criez-vous et faites-vous un esclandre, vous savez l'intérêt qu'inspirent les députés, M. Grangeneuve est bien fait pour l'inspirer ; mais je vous en prie, ensevelissons cette affaire-là, qui n'est qu'une affaire particulière. (Murmures à gauche.) En voulant empêcher une guerre civile, si
i"'ai failli, punissez-moi; mais j'ai fait, avec I. Thuriot et plusieurs autres, des efforts impuissants pour empêcher les sept ou huit quidams de crier, d'exciter le feu clans tout Paris ; je leur ai même dit qu'ils étaient de mauvais citoyens; je leur ai dit qu'il n'y avait que des aristocrates qui pouvaient donner de la publicité à une scène scandaleuse entre deux députés ; et je le répète encore, iJ n'y a que Goblentz qui puisse se réjouir de cette affaire. Je suis étonné que M. Guadet, qui, je crois, est patriote, soit venu dénoncer cette affaire-là ici (Murmures violents à gauche.) ; elle aurait dû être ensevelie dans les ténèbres. (Bruit.)
Est-il plus simple dé se laisser assassiner?
Je demande que M. Galvet soit entendu avec autant de silence que l'a été M. Guadet.
J'observe qu'il ne s'agit pas de vengeance, mais de justice, et que la justice s'exerce par les tribunaux. Il est honteux qu'on occupe l'Assemblée nationale de pareilles choses. Ce n'est qu'un moyen d'exalter le peuple. (Bruit.)
J'ai donc fait des efforts impuissants avec M. Cazes et M. Thuriot à qui je dois rendre justice et qui a été de mon avis, qu'il fallait assoupir cette affaire. Nous avons fait des efforts impuissants, et je me suis retiré, Sarce que ie ne pouvais réussir. Voyant que . Belîegarde, qui était venu se joindre à nous, mettait encore plus le feu dans cette affaire, je lui en fis le reproche publiquement, Il ne
s'est pas conduit comme il devait le faire. (Murmures.) "
parle dans le bruit.
Je récuse le témoignage de M. Saint-Huruge, et j'interpelle M. Thuriot. « M. Thuriot, je vous interpelle de dire si M. Saint-Huruge peut avoir vu comme vous et moi. » Quant aux autres citoyens je ne récuse pas leur témoignage, je ne les connais pas.
J'arrive à cette tribune, vivement pénétré de regret, tout à la fois, d'avoir été presque le témoin de cette scène vraiment affligeante qui s'est passée entre deux de nos collègues, et du regret de né pouvoir pas aujourd'hui l'ensevelir dans le plus sombre oubli, du regret peut-être, j'ose le dire, de la voir s'envenimer par des couleurs qui sont étrangères aux vraies circonstances de cette affaire, quelque désolante, quelque affligeante qu'elle puisse être;
Hier je me rendais au comité de pétitions ou trois comités étaient réunis pour 1 examen dé l'affaire d'Arles. Je ne m'approchai pas d'un groupe où je distinguai très bien MM. Grangeneuve et Jouneau, en sorte que je ne sais point ce qui s'y est passé, sinon par ouï-dire, et par les plaintes que j'ai entendu faire à M. Jouneau contre M. Grangeneuve qui, selon que le répétait M. Jouneau, et selon que cela me parait constant d'après tout ce que j'ai entendu, avait injurié M. Jouneau, s'était même servi d'un mot que je ne répéterai pas, mais que M. Jouneau pouvait bien prendre pour une injure grave.
Jusque-là je ne vis pas que l'affaire dût avoir d'autres suites. Je me rendis au comité, ces deux messieurs y étaient; nous ne nous trouvâmes pas en nombre suffisant pour nous occuper dé i'affaire d'Arles. Nous fûmes donc obligés de nous séparer, et je crois qu'il était alors neuf heures ou neuf heures et demie. Je sortais avec un de mes collègues, dont je ne me rappelle pas le nom, tant l'émotion que me causa la suite de cette affaire me troubla. J'étais'éloigné de deux personnes auprès desquelles paraissaient \ être deux autres personnes que je ne connaissais pas. J'entendis M. Grangeneuve crier : On m'assassine, à la garde ! arrêtez ! je criai moi-même, arrêtez! arrêtez ces messieurs! Enfin j'arrivai au groupe et je trouvai M. Jouneau et M. Grangeneuve avec deux messieurs qui étaient à une certaine distance .de ces premiers. L'un est, je crois, M. Barbaroux, qui vient d'être nommé par M. Guadet, et que je connais pour l'avoir vu au comité. Là, je trouvai M. Jouneau aux prises avec M. Grangeneuve, et je me rappelle très bien que pour les séparer, je me saisis de M. Grangeneuve. Il vint beaucoup de monde du café. M. Saint-Huruge et autres, qui, j'ose le dire comme M. Calvet, firent, je crois, trop de bruit; mais enfin ils furent effrayés du danger qU'aVait couru un député, et ce bruit est peut-être pardonnable. On parvint, à l'aide de la gendarmerie» de la garde nationale et de plusieurs députés, à séparer ces messieurs, et je ne sais où ils passèrent. Je me retirais avec un de mes collègues, et nous étions déjà très éloignés du lieu de la scène, lorsqu'on nous dit que le bruit recommençait. Nous revînmes encore pour apporter les holà, et séparer ces messieurs, s'il y avait lieu encore à quelque rixe. Nous ne trouvâmes plus personne, tout était tranquille. Jé n'en sais pas davantage.
Je me trouvai au moment de la rixe; on me dit que M. Gràn-
geneuve, mon ami, avait été assassiné. Il n'y a aucun de nous, Messieurs, qui n'ait été affecté de çà. Je trouvai sur ces entrefaites, M. Jouneau, qui était avec M. CalVet. Il est vrai que je me portai à dire des propos fort durs à M. Jouneau, en ce qu'il était scandaleux qu'un député, qu'un représentant du peuple se portât jamais à l'extrémité de porter les mains sur un de ses collègues. Voilà, Messieurs, à peu près ce que j'ai dit.
; Un membre : Comme membre des comités réunis qui devaient préparer hier au soir le rapy port de l'affaire d'Arles, je me rendis au comité vers les huit heures et demie du soir; je n'y trouvai personne, mais oh me dit que M. le rapporteur était avec plusieurs de ses collègues dans l'allée des Feuillants à attendre une plus grande réunion ; j'y descendis. Je vis un groupe dont je m'approchai, aussitôt j'entendis M. Gran- geneuve tenir un propos de défi à M. Jouneau. paraissait que M. Jouneau lui avait fait auparavant quelque menace, ét à l'instant je vis un mouvement de M. Jouneau, qui marquait qu'il allait tomber sur M. Grangeneuve ; je le saisis aussitôt au bras. Il voulut bien se mettre à l'écart avec moi, et je lui tins le langage le plus propre à le modérer. M. Jouneau parut prendre plaisir qu'on s'employât à les calmer; M. Lacuée et M. Goustard vinrent aussitôt nous rejôindre, et il me parut que M. Jouneau s'apaisait. Cependant il se plaignit que M. Grangeneuve l'avait provoqué par des propos dans plusieurs circonstances, et lorsque nous comptions que l'affaire (était parfaitement arrangée, nous nous séparâmes de MM. Lacuée et Coustard, M. Jouneau et moi, jpour nous rendre au comité. J'ai pourtant, Messieurs, le regret de vous dire qu'au même mo-ïtient où nous nous en allions, M. Jouneau nous laissa comprendre que l'affaire n'était pas finie, et qu'il auraitquelque priseavec M. Grangeneuve. Nous revînmes au comité où nous ne trouvâmes pas un assez grand nombre de membres pour nous occuper du rapport; et après avoir resté quelques instants pour attendre s'il en arriverait d'autres, nous nous ajournâmes à samedi soir. Ce fut sur la proposition de M. Jouneau lui-même. La séance se passa très décemment entre MM. Grangeneuve et Jouneau. Je me retirai par là grande allée des Feuillants; je vis que M. Grangeneuve me suivait, accompagné de 2 Artésiens aUi devaient être présents à la discussion. Je vis J Jouneau les suivre. Quand je fus arrivé près la porte des corridors de l'Assemblée, j'entendis au bout de l'allée des Feuillants un éclat qui me parut être un coup donné à plat de main sur le visage., (Rires et murmures.)
Je ne conçois pas comment on -peut rire d'un récit aussi affligeant.
Le même membre : Je dis, Messieurs, que «comme je rentrais dans le corridor, j'entendis ùn éclat qui me parut être un coup donné à plat ne main sur un visage quelconque. Je m'arrêtai, broyant bien que ce pouvait être l'exécution de la menace que M. Jouneau avait faite à l'égard ~de M. Grangeneuve. Je vis M. Jouneau courir le plus qu'il lui était possible dans l'allée ouverte, l'avançant de mon côté, et j'entendis la voix de M. Grangeneuve qui criait : à la garde! qu'on érrête Get homme! c'est un assassin ! Mais à peine M. Jouneau était-il arrivé à la cour, vis-à-vis le libraire, qu'entendant crier après lui, à l'assassin! à la. garde! il se replie vers M. Grangeneuve, l'accroche de nouveau, le précipite contre la
palissade du jardin des Feuillants. Alors je m'approchai pour m'empresser de les séparer ; mais jé fus prévenu par un groupe qui sortit du café, et qui s'employa à les séparer. J'appelai moi-même la gendarmerie nationale pour les séparer aussi.
Plusieurs membres : L'ordre du jourl
Il est infiniment pénible de voir les représentants du peuple français, dans un moment tel que celui où se trouve l'Etat, perdre en des objets particuliers, un temps qu'ils doivent à la chose publique. Pour ménager vos moments je dois vous rendre compte des faits dont j'ai été le témoin.
Hier, vers les 7 heures et demie ou 8 heures du soir, je me rendais à mon comité : je trouvai dans la grande allée plusieurs députés réunis avec d'autres députés étrangers. Je m'àpprochai d'eux. Nous causâmes fort indifféremment. Ces messieurs allaient à leur comité pour l'affaire d'Arles. Ils n'étaient pas assez nombreux ; l'affaire était ajournée. MM. Jouneau et Grangeneuve étaient d'avis différents. Il s'agissait de savoir si le directoire avait ou non bien fait d'abandonner son poste? L'un prétendait qu'il devait mourir là; l'autre prétendait que lorsque la force vient, un fonctionnaire public qui ne peut l'empêcher pouvait se retirer. Sur cette question les esprits s'échauffèrent : chacun partageait les opinions suivant sa" manière particulière de voir. Les opinions s'échauffèrent. M. Grangeneuve (je dois un hommage à la vérité) tint à M. Jouneau des propos bien violents.
Un membre : Dites-les !
D'autres membres : Non, non !
Alors, dans le moment, je me jetai entre ces 2 messieurs ; j'entraînai M. Grangeneuve d'un côté, pendant que quelques autres personnes entraînaient M. Jouneau. Je tâchai de ramener l'esprit de M. Grangeneuve en lui faisant sentir que je croyais qu'il avait eu tort de tenir de pareils propos.
Quelques instants après on vint dire à"M. Grangeneuve qu'il y avait assez de monde dans le comité. M. Grangeneuve s'y rendit. Je n'en ai pas su davantage. Ainsi qu'on l'a dit, M. Jouneau me parut très aigri, et il dit qu'il voulait de M. Grangeneuve une explication des propos qu'il avait tenus. Voilà les faits. Jè n'entre pas dans l'affaire entre M. Jouneau et M. Grangeneuve, c'est leur affaire particulière; mais il y a des voies de fait ; ces messieurs doivent, pour leur affaire litigieuse, se retirer par devers quel tribunal ils jugeront convenable; mais comme M. Jouneau est coupable de voies de fait, je demande qu'il soit condamné à 3 jours d'Abbaye.
Je ne crois pas que l'Assemblée nationale puisse passer à l'ordre du jour, et nous faire rentrer aussi inutilement dans l'ordre naturel. Je suis bien loin de partager l'opinion de ceux qui ont osé dire à cette tribune qu'il faut être aristocrate pour crier quand on assassine un député. Je suis bien loin de partager l'opinion de ceux qui pensent qu'une assertion d'un njembre qui dit avoir été insulté par M. Grangeneuve suffit dans cette affaire, et encore moins que dans le cas où il aurait été injurié, cette injure eut autorisé des procédés aussi atroces que ceux que M. Jouneau s'est permis. Je suis loin de penser comme ceux qui veulent qu'on traite aussi légèrement une chose, qui tient aussi essentiellement à la liberté pu-
blique et à l'indépendance de la représétàtiôn nationale. Messieurs, quelles que soient lès dé-* ôîâration& qui viennent de vous être faitêâ, je nê Connais point de tédloin& plus irréprochables ét plus dignes de confiance que l'examen même de la déplorable situation où se trouve aujour* d'hui M. Grangeneuve après cet assassinat. Cet examen en dit plus que tout ce que l'op vient de vous annoncer à cette tribune, le suis bien loin de penser que M. Saint-Huruge, pour s'être livré à un mouvement bien naturel, de crier quand on assassinait un député, puisse être ré*-cusé comme témoin. J'appuie la môtiou d'entendre à la barre les témoins.
(M. Jouneau entre dans la salle.)
Plusieurs membres : A la barre !
Quels Sont CéUX qui Vèu" lent mander les représentants à la barre1?
Il né nous appartient pas de mander à la barre un député prévenu d'un délit. Ce serait préjuger la question de savoir s'il en sera convaincu. Ce n'est qu'à la tribune qu'il doit parler sur dette inculpation. (Applaudissements.)
Je demande que M. Jouneau soit entendu avant tout.
Je demande la parole.
M. Jouneau a la parole pour s'expliquer à la tribune.
j'arrive du bureau dés affaires étrangères, où j'étais avéc les 3 COmilés qui s'y réunissent tous les jours; je ne sais donc point ce qui a été dit contre moi avant ce tfiomeht. Je suis entré dans l'instant où l'on taxe d'assassinat la rjxe qui a eu lieu entre M. Grangeneuve et môi.-Jé supplie l'Assemblée de vouloir bien me dispenser aê rendre compte ici de ce qui s'est passé éîitfe M. Grangeneuve et moi ; mais je là supplié aussi, ét je crois que c'est une justice à me rendre, àiiisi qu'à M. Grangeneuve, de nous renvoyer l'un et l'autre devant un comité, où nous nous expliquerons. {Murmures a gauche. —• Non ! non!)
11 est incroyable qu'on interrompe quelqu'un qui se défend.
Je fais èette proposition seulement pour économiser le temps de l'Assemblée» et lui éviter le désagrément d entendre un récit qui serait très affligeant pour elle. Ce récit ne pourrait être fait que dans les mêmes termes que nous avons employés, M, Grangeneuve et moi. Vous Bavez que dans les disputes particulières il se lâche des mots qui ne sont pas faits pour être répétés dans Cette Assemblee. Moi-* même» je l'avoue, je n'aurai pas le courage de les lui répéter, à moins qu'elle ne l'exige par décret, je promets de ne rien cacher; je m'y engage Sur mon honneur*..
Plusieurs membres à gauche : Ah ! ah !
D'autres membres â droite : Ils ne connaissent donc pai l'honneur!
Il est permis à un homme qui n'a jamais manqué à l'honneur, d'invoquer ce mot-là ici, et je n'y ài jamais manqué. (.Appiau-dissements à droite.)
Je demahde donc que cette affaire, qui rte doit point adu tout, selon moi, occuper l'Assemblée, ne lui .soit soumise qu'après qu'un comité lui aura fait son rapport de ce que M. Grangeneuve ét moi aurons pu dire pour notre justification mutuelle. Je demande aussi Que lé comité en-
tende les personnes qui ont élit été témoins dê Hft-suite qu'il m'a faite, et de tôut ce qui s'est passé. Après je me souiàêUrâi àVeé' la pfuà gràhdê fé-signâtiop, edmme je le fërâi dans éé mômènt-ôi à "tout ce que l'Assémblée ôrdôflhnérà éui1 mon sort; mais jé né gônéëia pas comment mes collègues, ett supposant due j'aie bèâudôup dé tort, ont pu qualifier ce tfUi s'èst pâssé entre M. Grangeneuve ét moi, d'un lâche assassinât. (Murmures a gauche.)
PluiieuH membres : C'est une hôrfêUr.
Ils porteront un autre jugement sur mol quand ils me connaîtront; mais quant â présent ils ne me connaissent pas.
Plusieurs membres : Nous demandons la clôture de la discussion et le renvoi au comité des Douze.
Jè consulte l'Assemblée.
(L'Assémblée décrète la Clôture dé là diSCUS* siort et le renvoi âu comité des Douze.)
et quelques autres membres, réclament vivement- (violents murmurés.)
fils. Si on ne fait pas justice d'un pareil crime, je déclare que la résistance à l'oppression étant de droit naturelle brûlerai la cervelle au premier qui m'attaquera.
Je demande la parole pour un fait, (bruiti)
Vous avez la parole.
Je ne réclame pas, et je ne réclamerai jamais contre un décret. Il est de mon devoir de vous avertir qUe dans le moment où je vous parle, il se fait un tumulte qU| peut avoir les suites les plus fâcheuses parmi lè peuple. (Murmures violents à droite. — Appiau dissements dans les tribunes.)
Un membre : Vous avez bonne grâce de nous menacer du peuple de Paris.
Je 'demande que M. Dusauix soit entendu. (Applaudissements.)
Messieurs, vous ne m'avez pas entendu; l'un de ces messieurs tout à l'heuré m'a dit : Vous avez bonne grâce de nous menacer du peuple de Paris. Sans doUte lé peuplé de Paris est boni le peuple dè Paris ést juste, et je ne vous menace point de sa colère, hlàis je vous menace, Messieurs, des grandes injustices qu'on pourrait lui faire commettre, parce qUé le peuple indigné n'est plus peuple, il devient... (Applaudissements des tribunes.)
Je ne suis point monté à Cette tribune pouf exciter des troubles, mais bien pour les prévenir, èt je crois qu'il y a des mesures â prendre et de très promptes.
Je vous ai dit, Messieurs, qu'il y avait du mouvement; Cela est Certain ; si vous renvoyez à votre comité, il est de la plus grande importance que ce comité fasse promptement son rapport, afin que vous sachiez à quoi vous en tenir pour ou contre, et que promptement le public, qui est toujours juste, sache que vous avez rendu justice à l'un et à l'autre. (Applaudissements.)
Une dêhodciâtiort grave Vient d'être faite à cette tribune. L'Assemblée a ren* voyê l'examen de Cette dénonciation à un de ses comités. Plusieurs metfibrés ont prétendu Sue c'était au comité que devaient être enten* us les témoins; ét moi, Messieurs, je Viens
demander la parole pour représenter à l'Assèm-blée nationale que les témoins ne peuvent être régulièrement entendus qu'à là barre. (Applaudissements à gauche.) C'est à la barre qu'il convient aux représentants du peuple d'entendre les témoins, c est donc à la barre qu'ils doivent être entendus. Monsieur le Président, je vous prie de le mettre aux voix. (Applaudissements des tribunes.)
Avant que l'on ait fermé la discussion j'avais la parole, et je ne Pavàià abandonnée qùe parce que l'Assemblée s'était décidée à renvoyer l'affaire devant un de seé bomités, sans doute afin de punir celui de ses membres qui était en faute. Je crois, Messieurs, que strictement cette affaire n'est pas du ressort de l'Assemblée ; il est constant qu'il y a eu une rixe entre 2 de nos collègues, il y a tout lieu de croire qu'il y a eu des voies de fait ; c'est donc un délit, et si. c'est un délit, il faut instruire, il faut entendre des témoins. Vous n'êtes ni jurés* ni juges qui puissent en connaître, il faut porter un jugement; je crois donc que cette afîaire-là est du ressort des tribunaux. Je demande le renvoi devant les tribunaux.
Messieurs, j'ai dénoncé à l'As^ semblée un délit national; (Murmures à droite.)
Plusieurs membres à droite : Est-ce Uû délit national ?
, fils. Je demande si M. Guadet a pouvoir de M. Grangeneuve pour dénoncer le fait?
Jè voug prie, Monsieur le Président, de tne màiutènif la parole. Je suis, Messieurs, bien étonné d'enténdre ici demander si c'est un délit natiônal qu'un attentat commis envers uri représentant du peuple. Si un citoyen avait pôrté des mains Sacrilèges sur le roi dés Français, délibéreriez-vous pour savoir si Ce Serait un délit national, et s'il y aurait lieu à un décret d'accusation Contre celui qui se Serait permis un tel excès? (Bruit à droite.) Ëh bien, Messieurs, si je parle ici, comme je n'en doute pas, à dès nommes qui ont le sentiment de leur dignité, dé là puissance dont le peuple français les a investis, ils doivent Convenir qulls sont les représentants du peuple comme le roi l'ést lui-même par la Constitution. Si donc vous ne délibérez pas dans le premier cas, dont j'ai parlé, comment pourriez-vous délibérer dans le second? Messieurs, toute la question se réduit ici à ce poiqt. Est-ce uji véritable attentat? est-ce un assassinat commis sur la personne d'un député? Je m'attendais bien qu'on descendrait dans des détails capables de faire envisager cette affaire comme une rixe particulière. Je demande que les témoins du fait que j'ai dénoncé, soient entendus, parce qu'il n'y a qu'eux qui puissent vous fixer sur la véritable nature du crime que vous avez à punir.
En ce qui me concerne, je dénonce que M. Grangeneuve sortait du comité de surveil-
qu n mi a aonne aes coups le bâton sur la têté. Voilà, Messieurs, les faits que je dénonce à l'Assemblée nationale, Voilà les faits pour lesquels je demande vengeance, non pas au nom de M. Grangeneuve, mais àu nom do peuple français»
Messiêurs, ceux qui m'ont accusé d'avoir voulu donner à cette affaire une publicité qu'êllê n'au-
rait jamais dû acquérir, ignorent doftc que déjà depuis hier au soir tout Paris était instruit (Bruit à droite.) de l'attentat commis sur la personne d'un de vos membres, et la sollicitude du peuple de Paris annonce asseï, Messieurs* que vous n'avez ici aucun risque ït courir, si, surtout, vous savez punir dans votre propre Sêift ceux qui se portent à des excès aussi coupables. Ils ignorent donc que j'ai eu peut-êtrè moi-même le bonheur de préserver M. Jouneau de quelques excès que, dans le premier mouvement, le peuplé aurait pu se permettre. (Murmures à droite.)
Monsieur le Président, je vous invite, en vertu du décret qui a été rendu, à tèf-miner une déclamation incendiairê, dont î'bbjét ne peut être que de faire assassiner M. Jouneau, et allumer la guérre civile.
Messieurs, jê m'entends aècuser dè Vouloir et de chercher à exciter des troublés.
Un grand nombre de membres à droite : Oui, oui! (Murmures.)
Si ceux-là veulent le trouble qui demandent l'exécution des lois* ceux-là veulent perdre la patrie qui demandent que dés attentats nationaux soient vengés.
Plusieurs membres : Allons donc.
Si c'est là vouloir le troublé, je me félicite d'avoir ces sentiments, et je saurai mourir, s'il le faut, pour les maintenir. Messieurs, je le répété, c'est un délit national que jé Vous dénonce ; c'est un attentat envers la représentation du peuple. Déjà vous l'avez jugé ainsi envers le sieur Lariyière, qui n'avait que momentanément suspendu la liberté de plusieurs de vos collègues. îe^ demande si celui qui à failli priver le peuple français d'un de sès représentants, doit être moius coupable à vos yeux. Ôr, Messieurs, votre marche est tracée parla loi; elle Vous dit que dans tous les cas.où le délit doit être poursuivi par l'Assemblee nationale, elle peut entendre les témoins à sa barre ; et j'ose dire que c'est méconnaître la loi elle-même que dè vouloir renvoyer à un dè vos comités les intèrrogats à faire. (Applaudissements des tribunes et d'une partie de V Assemblée.)
Plusieurs membres : G'est décrété!
Un membre : M. Guadet parle contre un décret; c'est insulter l'Assemblée.
Un membre : Je demande si, lorsque MM. Bàr-nave et Cazalès se sont battus, on est Venu entretenir l'Assemblée de celte querellé : les Laméth se sont battus, et jamais ils n'en ont fiéh dit à l'Assemblée.
descend de la tribune.
Un membre c Je demande que la discussion soit fermée ; cela nous couvre d'infamie*.
M. Guadet vous a dit que M. Grangeneuve, sortant du comité des pétitions, avait été rencontré par moi, qui avais passé par un chemin détourné après que jê l'eus tendontré.
J'observe, Messieurs, que j'étais dans le comité avec M. Grangeneuve ; M. le Président y était aussi, M. Fressenel et 5 ou 6 autrês députés. J'ose attester ici quê M. Grangeneuve sortit lé premier, et quê je ne fus pas pour l'attendre, comme l'on dit. (Murmures à gauche.) Je veux prouver que je n'ai pas été attendre M. Grangeneuve comme M. Guadet l'a dit» C'est cela seulement dont je voulais mê justifier, Jé n'entrerai point dans les explications quê j'ai eues avee M. Gran-
geneuve, parce que ces détails ne peuvent pas être soumis à l'Assemblée. Mais je dois aire dans^ce moment-ci, pour ma justification, que j'avais été insulté par M. Grangeneuve avant d'entrer au comité. Un membre que je nè connais pas, et qui est président au comité, me prit sous le bras tout de suite, et me dit : « Ne donnez point de suite à cela; laissez cela. » J'ai dit : ««Ce n'est pas le moment d'en parler à M. Grangeneuve. Il y a trop de monde. Certainement je ne lui en parlerai pas. » Nous entrâmes au comité. Ne s'y étant trouvé que 6 ou 7 députés, on décida que le rapport serait renvoyé à un autre jour. M. Grangeneuve sortit alors du comité. Je ne tardai pas à le suivre; mais je n'allai pas l'attendre, comme on l'a dit : nous passâmes par le même chemin. J'ose attester que je suivais ses pas. Lorsque nous fûmes arrivés à cette allée qui est en bas des murs, je tirai M. Grangeneuve en particulier. Je lui dis..... (Murmures.)
Je vous dis lés choses que les témoins ne pourraient pas vous dire, parce qu'ils ne peuvent pas l'avoir entendu; mais je m'en rapporte assez à la véracité de M. Grangeneuve, pour croire qu'il ne les démentira pas.
Je dis à M. Grangeneuve : « Monsieur, je voudrais vous dire un mot. » Noua nous mimes près du mur, et je lui dis : « J'espère que cette affaire ne finira pas comme l'autre, que nous avons eue ensemble. Que voulez-vous dire? — Je veux dire que celle-ci ne finira pas par une mauvaise plaisanterie; vous m'avez insulté publiquement; je suis sûr que vous êtes un galant homme. — Oui, Monsieur. -— Que vous êtes un brave homme.— Oui, Monsieur. —- Eh bien, Monsieur, j'espère, dans ce cas-là, que vous voudrez bien vous trouver demain au Bois de Boulogne, avec des pistolets. » (Murmures d'un côté.)
J'ai promis, Messieurs, de vous dire la vérité, de ne rien cacher, et dût cette vérité, me faire paraître encore plus coupable à vos yeux, je ne vous tairai rien. Messieurs, M. Grangeneuve me dit : « A quelle heure ? — A neuf heures, à moins que vous n'ayez une heure plus commode.— Eh bien, Monsieur, soit, à neuf heures. — Au Bois de Boulogne, n'est-ce pas?v-r-0ui, Monsieur. — Avec des pistolets? — Oui, Monsieur. — Eh bien, Monsieur, je ne veux pas m'y trouver. » (Murmures.)
Alors je dis : «Gomment est-il possible que vous me teniez ce langage; vous venez de me dire que vous étiez un galant homme ; vous, ne disconvenez pas que vous m'avez insulté d'une manière outrageante, et que vous l'avez fait publiquement; et actuellement, vous me refusez de me donner la satisfaction que des honnêtes gens |e donnent entre eux? » M. Grangeneuve, en s'ap-prochant très près de moi, rasa ma poitrine avec la sienne, me dit : « Non, Monsieur, je ne m'y trouverai pas, et je ne veux pas m'y trouver. »
Je supplie l'Assemblée de croire que je ne change rien aux expressions de M. Grangeneuve.
« Non, Monsieur, dit-il, je ne veux pas m'y trouver, ni là, ni ailleurs. » Je lui dis : « Cette conduite n'est pas celle d'un galant homme, c'est celle d'un lâche. Car, toutes les fois qu'un homme en insulte un autre, il a mauvaise grâce à lui dire qu'il ne lui rendra pas raison. — Et vous, Monsieur, me dit M. Grangeneuve, vous êtes un... » Je vous demande pardon, il s'est servi d'une expression aussi forte qu'il soit possible d'insulter un homme d'honneur. Je vous demande la permission de ne pas continuer.
Je viens réduire la question à son véritable point. Je ne dirai rien sur cèt aveu, que vient de faire M. Jouneau, ni sur cette morale qui fait consister l'honneur, c'est-à-dire, la vertu, dans l'art du spadassin ; de cette morale, d'après laquelle tout homme qui ne va pas avec des pistolets au Bois de Boulogne, n'est point un brave homme (Quelques applaudissements des tribunes.)', de cette morale d'après laquelle tous les intrigants, tous les scélérats qui vont au Bois de Boulogne avec des pistolets, sont des braves gens. (Applaudissements des tribunes*) Je ne dirai rien de cet honneur, qui est l'honneur de Coblentz. (Applaudissements des tribunes et à gauche.)
C'est l'honneur de la noblesse.
Je crois qu'il est, parmi les citoyens qui refusent les combats des spadassins, des nommes d'un vrai courage, d'une véritable fermeté, qui, Sur le champ du véritable honneur, seraient plus stables et plus fermes que ceux qui parlent de ce faux nonneur, et qui n'en ont présentement pas l'ombre.
Je reviens à la question : puisque l'Assemblée s'occupe de cette affaire, elle ne peut s'en occuper que comme exerçant un acte de discipline sur ses membres, ou comme prononçant comme juré d'accusation. Dans l'un ou dans l'autre cas, chacun des membres de l'Assemblée doit suspendre l'indignation qu'excitent les faits graves, les délits affreux qui ont été dénoncés a cette tribune. Ils doivent prononcer en juré. La dénonciation laisse entière la réputation de l'homme dénoncé. On ne sait point encore s'il est coupable. Nous ne devons point le présumer. Mais, si .l'Assemblée nationale exerce ici un acte de discipline, il est incontestable que cela est étranger aux tribunaux. Tout le monde en convient. Mais, dit-on, c'est un délit; c'est un fait criminel ; et pour les faits criminels, c'est aux tribunaux à en connaître, ce n'est point à l'Assemblée nationale. Ceci est une très grande erreur. Vous l'avez déjà prouvé par le décret rendu au sujet du sieur Larivière. A moins qu'un membre de l'Assemblée nationale ne soit saisi en flagrant délit, il est absolument interdit à tous les tribunaux de connaître de toute plainte qui le concerne. (Murmures à gauche.)
C'est faux; cela n'empêche pas l'instruction.
Voici la Constitution. Les représentants de la nation.
J'entends dire que ce n'est pas seulement pour flagrant délit: mais, Messieurs, si vous décidez qu'un membre de l'Assemblée nationale, même lorsqu'il n'a pas été pris en flagrant délit, et sUr le simple mandat d arrêt, peut être déféré aux tribunaux; ou plutôt, si vous décidez qu'on peut décerner le mandat d'arrêt contre un membre de l'Assemblée nationale, même lorsqu'il n'aura pas été pris en flagrant délit, je vous le demande, que devient l'inviolabilité des membres de l'Assemblée ? (Murmures à droite.)
Je demande la parole pour un fait.
Ici le délita été commis dans l'enceinte de l'Assemblée. Vous avez ordonné, par un premier décret, qu'un de vos comités voîls ferait le rapport de cette affaire; mais sous ce point de vue j'ai l'honneur de vous observer que le comité n'a pas le droit d'entendre les témoins: par conséquent, même en mettant à exécution
le premier décret que vous venez de rendre, il faut de toute nécessité que les témoins soient entendus à la barre.
fils. Si l'Assemblée veut descendre dans les détails scandaleux de cette affaire, je crois qu'il est du devoir de tous ses membres Sui en ont été témoins, de lui en rendre compte. 'est donc, Messieurs, par principe d'honneur et de conscience que je me présente à la tribune pour vous dire qu'hier au soir sortant du comité des pétitions, le premier objet qui frappa notre vue fut un groupe de 6 ou 7personnes, dans lequel étaient MM. Grangeneuve et Jouneau. Il mè parut entendre M. Grangeneuve dire des injures à M. Jouneau; mais ce que je vis bien, Messieurs, ce fut des gestes menaçants et provoquants de la part de M. Grangeneuve; et de la part de M. Jouneau un flegme, uiie tranquillité et une modération dont je ne pus m'empê-cher de témoigner ma surprise à M. Vergniaud qui était avec moi.
le jeune. De quelque côté que j'envisage la question soumise a la délibération de l'Assemblée, je ne peux pas me dissimuler qu'il existe un délit, et un délit très grave. Sans doute, Messieurs, les principes ne doivent pas composer avec les préjugés, et lorsque M. Jouneau à cette tribune (sans doute dans le trouble où l'a jeté l'affaire dont on s'occupe dans ce moment), vous a dit qu'il avait provoqué en duel un de ses collègues; je pense qu'il ne s'est pas même souvenu de la manière dont cette affaire avait été traitée. Je n'envisage dans cette affaire ni la provocation d'un duel, ni un assassinat prémédité : je n'y vois que la provocation d'un citoyen contre un autre, faite par des insultes, et repoussée par des voies de fait. Voilà tout ce qu'il est possible d'y voir, à u.n homme parfaitement impartial. (Applaudisse-ment s.) Mais cette affaire s'est passée dans votre enceinte entre deux députés de l'Assemblée nationale ; mais cette affaire vous est dénoncée par un député à l'Assemblée nationale. Que devez-vous donc faire? Vous devez examiner la question; voir s'il y a provocation au duel ou» assassinat prémédité ; ou au contraire une simple rencontre et des propos insultants repoussés par des voies de fait. C'est de ce fait seul que doit dépendre votre détermination.
L'état de la question se réduit donc à savoir si c'est devant l'Assemblée nationale, ou devant ses comités, ou devant les tribunaux que l'information sera faite.
Je dis d'abord qu'il serait possible que vous la renvoyiez aux tribunaux ordinaires, car la Constitution vous en donne le droit; et la Constitution donne le droit aux tribunaux de décerner des mandats d'arrêt, pourvu qu'ils en instruisent à l'instant le Corps législatif. Ainsi, quand même vous n'auriez pas rendu de décret à cet égard, il serait possible qu'un des tribunaux de la capitale fût saisi de l'affaire ; il ne serait même pas étonnant qu'il y eût déjà des mandats d'arrêt décernés. (Murmures.)
Je ne dis pas que cela soit; mais je dis que cela pourrait être, je dis encore que cela devrait être.
Mais laissant de côté cette question, que les tribunaux ne peuvent pas connaître de cette affaire parce qu'elle s'est passée dans l'enceinte de l'Assemblée nationale, je passe aux deux propositions subséquentes.
Est-ce devant l'Assemblée ou devant ses co-
mités que doit se faire l'information ? je pense que c'est devant l'Assemblée nationale. 11 est urgent de prononcer sur cette affaire. En la renvoyant à un comité, vous ne feriez que prolonger la délibération sans aucun fruit; car, que pourrait faire votre comité ? entendre des témoins que vous serez obligés d'entendre après eux, puisque vos comités n'ont point qualité pour entendre des témoins; l'Assemblée nationale a seule cette qualité. Je penserais donc à cet égard-là que le décret qui renvoie à un .comité doit être rapporté, et qu'on devrait entendre les témoins à la barre.
Mais, Messieurs, dans mon opinion, je ne regarde ni comme provocation au duel, ni comme un assassinat prémédité, mais comme une simple rencontre, ce qui s'est passé hier entre nos deux collègues. (Murmures à gauche.) Tel est mon avis. Ainsi, d'après la persuasion où je suis que l'Assemblée doit être instruite de cette affaire, je demande que l'Assemblée nationale décrète que MM. Grangeneuve et Jouneau seront, l'un et l'autre, conduits à l'Abbaye, et y tiendront prison pendant 3 jours. (Murmures à gauche.) J'ai commis une erreur...
parle dans le bruit.
Je demande que l'on rappelle à l'ordre M. Garnot, parce qu'il veut ici traiter cette affaire comme on l'aurait traitée au tribunal des maréchaux de France.
le jeune. Je reconnais que j'ai commis unè erreur lorsque j'ai proposé que nos deux collègues fussent envoyés à 1 Abbaye, ce n'était pas là mon intention. (Murmures dans les tribunes.)
Ecoutez un membre qui a le courage de se rétracter quand il a dit une sottise.
Il faut instruire l'interlocuteur, que ce sont les tribunes qui ont murmuré.
le jeune. Les opinions exaltées de mes collègues, dans la circonstance, et que je suis bien loin de taxer de malveillance, n'empêcheront pas la liberté de mon opinion à cette tribune. Oui, lorsque j'ai proposé que nos deux collègues fussent envoyés à l'Abbaye, ce n'était point mon intention ; j'ai demandé, où j'ai voulu demander que M. Jouneau,
?ut
voulais demander aussi que celui qui provoqué fut mis pendant 3 jours aux arrêts chez lui. (Bruit à gauche.) / J ! ' ;
Monsieur le Président. Si nous n'avons pas la liberté d'opinions, nous nq sommes pas les représentants du peuple. (Applaudissements.)
On a fait entendre dans cette Assemblée que mon opinion était calquée sur l'ancienne jurisprudence des tribunaux des maréchaux de France; et moi je crois, et j'en appelle à tous cèux qui connaissent le mécanisme de la loi des jurés, si mon opinion n'est pas calquée sur l'instruction des jurés.
Un membre : Ce n'est pas vrai !
le jeune. Lorsqu'un citoyen est provoqué, soit dans sa maison, soit dans une maison étrangère, soit dans les voies publiques par un autre citoyen, la défense légitime ne lui estrelle pas permise? La déclaration des droits ne lui assure-t-elle pas le droit de repousser l'offense? Quel est donc le membre de cette Assemblée, et surtout ceux qui ont
donné le plus d'appui à la liberté qui voulut dans cette provocation répondre d'être, maître de ses premiers mouvements ? Que â'agit-il donc de savoir ici ? Si l'action de M. Jounèau a été faite de sang-froid. Qui doit juger dans le doute, si ce n'est pas un jûré? Or, Bi dans la position où nous sommes, nous pouvons être ët nous sommés le juré, c'est à nous à voir si l'action commise par M. Jourteau est l'effet du premier mouvement, ou si au contraire c'est une àction préméditée. (Brait à gauche.)
Un membre : Je déclare à l'Assemblée que j'ai été provoqué plusieurs fois dans cette salle, et que je ne l'ai pas déclaré à l'Assemblée, que cependant il y a 1Ô0 témoins dans l'Assemblée...
, jeune. M. Grangeneuve n'est point l'agresseur ; que l'on envoie recevoir sa déclaration. 11 est taux qu'il ait iniurié M. Jouneau. (Bruït à droite ) C'est par une longue suite d'injures de M. Jouneau lui-même.;. (Bruit à droite.)
le jeune. Je demandé qu'on entende sur-le-champ les témoins à la barre; mais én attendant que l'Assemblée nationale soit instruite, et pour que cette affaire se termine aussi promptement que l'Assemblée nationale le désire, je demande que M. Jouneau soit envoyé 3 jours à l'Abbave ; (Murmures à gauche.) que M. Grangeneuve soit mis pendant le même temps aux arrêts chez lui.
Il suffit de lire la loi pour déter-miner l'Assemblée nationale. La loi porte expressément : « Le Corps législatif aie droit de police dans {'enceinte de ses séances, et dans l'enceinte extérieure qu'il aura déterminée? * Qu'est-ce que c'est que la police? La loi elle-mêfne l'a définie en disant que c'était l'action du gouvernement appliquée a l'ordre public. Or, la police dans l'Assemblée nationale est l'action de l'Assemblée nationale appliquée à l'ordre qui doit régner dans son sein. L'Assemblée nationale doit donc uniquement s'en tenir à des mesures de police; et quelles sont-elles? C'est d'abord de recevoir la dénonciation faite; c'est ensuite de constater les faits; et vous ne pouvez les constater que par l'audition des témoins, c'est ensuite sur la déposition des témoins, de prendre vis-rà-vis du prévenu telle mesure qu'il paraîtra convenable.
Je pose ces principes pour réfuter M. Carnot; car la mesure qu'il vous a proposée serait une subversion de tous les principes; çe serait une mesure uniquement de .discipline sur vos membres, mais ce ne serait point du tout Une mesure de police; formalités que la Constitution distingue très soigneusement. Il ne s'agit donc, point de prendre cette mesure avant que vous ayez su de quelle nature est l'action qu'on vous a dénoncée; si c'est simplement une faute par laquelle un membre a contrevenu à l'ordre qui devait régner dans l'Assemblée, ou au respect qui lui est dû, alors c'est le cas de la discipline; mais si c'est un fait criminel, mais si c'est un attentat qui doive être frappé du glaive de la loi, alors il ne s'agit plus de prendre une mesure de discipline, mais il s'agit de prendre la mesure de police, qui Consiste dans l'audition dès témoins; ainsi donc vous préjugeriez la question, vous feriez envisager l'attentat de M. Jouneau comme une simple faute d'indiscipline» comme on vient de vous le proposer» !
Or, je vois dans cet attentat un cri me bien caractérisé. (Murmures à droite.) Je ne yeux point considérer la question sous ce dernier rapport; mais après l'exposition des principes constitutionnels,
puisque l'Assemblée ne juge poirtt à propos de juger le fond dans ce moment, je demande que les témoins soient entendus. (ApplauiisïèmeMs.)
On VOUS à dênohcé d'une part Un crime; de l'autre on vous à dit qu'il y avait des voies de fait, et qu'elles présentaient des idées d'un assassinat prémédité. On Vous a dit qu'il y avait provocation; que d'une part une injure très grave avait été faite, et de l'autre on avait passé aux Voies de fait; de là, Messieurs, résultent trois degrés différents de culpabilité. Y a-t-il assassinat? y a-t-il violence criminelle? y a-t-il simple provocation?
J'examinerai d'abord le cas de la provocation. (Murmures à fauche.)
Un membre : Monsieur le président, imposez silence à ceux qui insultent sans cesse les membres de l'Assemblée.
La première qualité de l'Assemblée est de rester dans le calme, de juger avec impartialité et d'entendre tous les membres qui veulent parler.
Messieurs, il n'est pas ici question..... (Murmures.)
Plusieurs membres: Vous n'avez pas la parole. La clôture! (Bruit.)
D'autres membres : Nous demandons, au coû traire, la continuation de la discussion.
(L'Assemblée décrète que M. Bigot continuera soti opinion.)
Plusieurs membres : Vous avez surpris ce décret.
Le décret est rendu et je le maintiendrai.
Un membre : On ne peut pas discuter Sur des faits qui ne sont pas connus.
Je dis qu'il n'est personne qui n'ait été convaincu dans son impartialité, qu'il est un degré d'injures atrocés auquel il est impossible qu'un mouvement de... (Bruit d'un côté.)
Je demande la parole. (Grand bruit.)
Je disais à l'Assemblée que s'il y eût eu» :d'une part, une provocation d'injures atroces, et de l'autre un mouvement qu'on n'eût pu contenir, ce fait serait alors«dans le cas de la police correctionnelle de l'ASsemblée; dans les deux autres hypothèses, ce serait un crime. Je crois, Messieurs, qu'il n'est aucun de nous qui ne préfère que» dans des dénonciations, la vérité soit le moindre délit; il n'y a personne qui, avec impartialité, ne doive être pénétré de ce sentiment-là. Eh bien, si vous entendez dans ce moment des témoins à la barre, vous donnez l'appareil d'une procédure criminelle, et jamais il n'y a eu d'exemple dans aucune assemblée quelconque que, lorsqu'il s'agit d'une correction fraternelle» on ait entendu les témoins à la barre. Commencez par nommer des commissaires. (Murmures à gauche.) Si vos commissaires vous déclarent que le fait est susceptible d'être poursuivi criminellement, c'est alors que la loi vous-indique d'entendre des témoins à la barre. Je crois donc qu'il convient de maintenir le décret qui renvoie au comité, et de lui ordonner de faire le rapport le plus promptement possible.
Puisque toutes les preuves ne sont pas acquises, il s'agit d'examiner seulement
si l'Assemblée doit s'occuper de cette affaire. Or, je soutiens qu'elle peut et qu'elle doit seule s'en occuper, et non pas du tout ses comités.
Si je considère l'affaire comme simple fait de police, l'Assemblée seule en est juge, et un juge ne peut déléguer le droit qui lui a été donné.
L Assemblée doit seule remplir les fonctions de juré et le tribunal d'Orléans devra en connaître. Je demande que l'Assemblée nationale entende, sans délai, les témoins qui lui sont présentés.
Vous né devez considérer cette affaire que sous le simple rapport de délit de police correctionnelle, et je maintiens qu'il n'y a que M. Grangeneuve seul qui puisse, quant à présent, la oonsiderer sous un autre rapport» Je ne suis pas inquiet des sentiments qui sont dans son coeur; M. Jouneau doit être puni. Je demande qu'il soit envoyé pour 3 jours a l'Abbaye, et qu'on passé â l'ordre du jour.
Je viens de recevoir une lettre relative à cette affaire.
Un de MM. les secrétaires en commence la lecture :
« Monsieur le Président,
« Un grand nombre de citoyens réunis en ce moment près de l'Assemblée nationale, instruits par des témoins oculaires, de la manière atroce avec laquelle M. Grangeneuve... (Grand bruit à à droite.)
Plusieurs membres : C'est une abomination I
Un membre '$ d'est un artifice honteux. (Bruit à droite,) Je soutiens qu'un rassemblement de citoyens, sans permission de la municipalité, est Uh attroupement. (Murmures dans les tribunes.)
jeune. Oh ne saurait tfdp S'étOnnér de la fureur de ces messieurs contre des citoyens quand ils ont tant d'indulgence pour M. Jouneau.
Un membre : On vient de faire cette pétition dans un café, et on l'a fait signer par tous ceux qui se sont présentés, on en impose à l'Assemblée nationale, on se joue de la Constitution et de la nation;
Un membre : Je demande que la lettre soif lue, sauf à l'Assemblée â avoir égard ou non à Son contenu. (Applaudissements à gauche.}
Je m'oppose à la lecture de cette lettre. 11 paraîtrait que l'opinion de l'Assemblée nationale aurait pu être influencée. Je ne dis pas, Messieurs, que vous soyez capables ni les uns ni lès autres d'avoir égard à tout ce qu'on peut dire, à tout ce qu'on peut écrire; niais il suffît qu'on puisse le présumer pour que vous deviez vous garantir vous-mêmes de eette prétendue influence. 11 me paraît important que l'Assemblée prononce sur le délit qui lui est dé^ noncé avant que cette lettre soit lue ; et alors, on saura que les opinions des membres sont libres, et que l'Assemblée est juste. (Applaudissements.),
En revenant sur le fait dont il s'agit, il se présente sous trois points de vue, comme vous l'a observé M.;Bigot; mais il faut que l'Assemblée eherche quel est le point de vue juste et convenable qui doit caractériser le délit. Or, qu'elle est la manière de connaître ce délit? C'est celle de la preuve acquise. Devant qui cette preuve dQit-ellè être acquise? Est-ce devant vos comités? Non, Messieurs, c'est devant vous, comme
faisant les fonctions de jurés, et vous devez le faire avant de caractériser le délit.
Je demande donc qu'avant qu'on lise la lettre, avant qUe l'Assemblee passe a une délibération quelconque, l'on appelle les témoins à la barre. (Applaudissements.)
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour Sur la lecture de la lettré, puis ferme la discussion et accorde la priorité à la proposition d'entendre sur-le-champ les témoins.)
Un membre : Avant que cette proposition soit décrétée, je demande par amendement que les témoins soient indiques tant de la part de M. Jouneau, que de celle de M. Grangenéuve. x
(L'Assemblée adopte la proposition, et décrète que les témoins seront appelés à la barre.
Comment est-il possible que les témoins soient là tous prêts? Tout témoin qui se présente pour témoigner est récusable.
Plusieurs membres demandent le rapport du décret oui a ordonné le renvoi de l'affaire au comité des Douze.
, il est inutile de rapporter ce décret parce que les déclarations des témoins devront être renvoyées au comité.
Je demande que l'on nomme 4 commissaires pour aller recevoir la déclaration de M. Grangeneuve, et l'indication des témoins qu'il pourra désigner.
(L'Assemblée adopte la proposition de M. Ba-sire» et désigne, en qualité de commissaires, MM. Grestin, Croichet, Croizé et Crublier d'Optère.)
L'Assemblée doit encore déterminer la forme dans laquelle les témoins seront entendus, et les faits sur lesquels ils seront entendus; on ne peut remplir ce préalable que lorsque les faits dénoncés seront posés par écrit. Je demande donc que M. Guadet, qui s'est porté dénonciateur, soit tenu de déposer par écrit la dénonciation et les faits sur lesquels elle pose.
Un membre : Je demande que les témoins ne soient entendus que sur la déclaration de M. Grangeneuve.
(L'Assemblée adopte cette dernière proposition.)
, au nom, du comité colonial, présente un projet de décret additionnel à là loi relative à l'envoi des commissaires civils à Saint* Domingue (1) ; ce projet de décret est ainsi conçu :
« L'ÂsSemblée nationale, considérant qu'il importe au succès dès différentes expéditions ordonnées pour les colonies* de les accélérer et de déterminer avec précision les pouvoirs donnés aux commissaires civils, chargés d'y ramener la paix, décrète qu'il y a urgence. ; ^ «
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
Art. 1er..
« Les commissaires civils nommés pour la pacification des colonies, en vertu du décret du
28 mars, sont autorisés à suspendre et à dissoudre, non seulement les assemblées cploniales,
mais encore les assemblées.provinciales,des municipalités, ainsi que tous corps
administratifs
Art. 2.
« Les commissaires civils sont également autorisés à suspendre provisoirement, et sauf le recours à l'Assemblée nationale, l'exécution des arrêtés desdites assemblées ou corps qu'ils jugeraient contraires à la souveraineté nationale ou au rétablissement de la paix, et généralement dans tous les conflits des pouvoirs; dans les doutes qui pourraient s'élever sur la nature ou l'étendue de ceux desdits commissaires civils, on sera tenu de déférer provisoirement à leur réquisition, sauf le recours à l'Assemblée nationale.
Art. 3.
« Pourront les commissaires civils, en attendant l'organisation définitive de l'ordre judiciaire dans les colonies, rétablir et remettre provisoirement en activité les anciens tribunaux, tant de première instance, que de dernier ressort ; transférer les séances desdits tribunaux dans tels lieux que les circonstances exigeront. En cas d'absence, mort ou démission des ci-devant titulaires, les commissaires civils présenteront au gouverneur général un nombre de sujets ayant les qualités requises par la loi pour être juges, double de celui des piaces vacantes, et le gouverneur sera tenu de choisir entre les sujets présentés, et de leur donner des commissions provisoires.
Art. 4.
«Dans le cas où les commissaires éprouveraient quelques difficultés pour débarquer dans la colonie, ae la part dés troupes de terre ou de mer qui s'y trouveront, ils requerront, par des avisos qu'ils enverront, tant à terre qu à bord des vaisseaux et frégates stationnés, les çom-mandants généraux et particuliers, administrateurs civils, assemblées coloniales et provinciales, municipalités et autres corps administratifs, ainsi que les commandants desdits vaisseaux et frégates, de faire proclamer et reconnaître dans 1 intérieur des colonies, et à bord desdits vaisseaux et frégates, le caractère et l'autorité, tant desdits commissaires civils que du gouverneur général nouvellement nommé par le roi, sur les copies de leurs commissions qu'ils enverront d'eux certifiées véritables, et d'obéir aux ordres qui leur seront donnés sur la réquisition desdits commissaires.
Art. 5.
« La désobéissance sera regardée comme crime de haute trahison, et ceux qui s'en rendraient coupables seront envoyés en France avec les pièces qui constateront le délit, pour être poursuivis et jugés suivant la rigueur des lois.
Art. 6.
« Lés commissaires civils porteront, dans l'exercice de leurs fonctions, un ruban tricolore passé en sautoir, auquel sera suspendue une médaille d'or, portant d'un côté ces mots : la nation, la loi et le roi; de l'autre ceux-ci :com-missaires civils.
Art. 7.
« Le présent décret sera porté, dans le jour, à la sanction du roi. »
(L'Assemblée décrète l'urgence et adopte le projet de décret).
(La séance est levée à quatre heures.)
Séance du
PRÉSIDENCE DE MM. GÉRARDIN, vice-président, BIGOT DE PRÉAMENEU ET MURAIRE, ex-prési-dents.
PRÉSIDENCE DE M. GÉRARDIN.
La séance est ouverte à six heures du soir.
dépose sur le bureau, au nom des membres de la Société villageoise et philanthropique de Perreux, département de Rhône-et-Loire, district de Roanne, 424 livres en assignats.
, au nom du sieur Fournier, de Sarlat, fait offre à la patrie d'une somme de 200 livres par an jusqu'au remboursement de sa charge, et 400 livres par an, pendant la durée de la guerre, après son remboursement.
, au nom de la Société des amis de la Constitution, à Rayonne, offre 2,124 livres, et et au nom des grenadiers volontaires du 1er bataillon en garnison à Pau, 300 livres.
(L'Assemblée accepte ces offrandes avec les plus vifs applaudissements, et en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis aux donateurs.)
, secrétaire, donne lecture des lettres, adresses et pétitions suivantes :
1° Lettre de M. Duranthon, minis tre de la justice, qui communique à l'Assemblée les mesures qui lui sont indiquées par les grands juges de la Haute-Cour nationale, pour réduire les frais immenses qu'occasionne au Trésor public l'instruction" des procédures relatives aux crimes de lèse-nation.
(L'Assemblée renvoie cette lettre et les pièces y jointes au comité de législation.)
2° Lettre de M. Duranthon, ministre de la jus-lice, demandant que l'Assemblée prononce incessamment sur l'augmentation du nombre des juges des 6 tribunaux d'arrondissement de Paris, attendu qu'il leur est impossible de remplir leurs fonctions, d'après leur organisation actuelle.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de législation.)
3° Lettre de M. Mourgues, ministre de l'intérieur, relative à une disposition de la loi du 8 avril 1792, concernant le séquestre des biens des émigrés, dont il demande l'interprétation.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de législation.) ®
4° Lettre de M. Lacoste, ministre de la marine, à laquelle sont joints plusieurs numéros de la correspondance dé M. Roume, commissaire civil délégué à Saint-Domingue et différentes pièces relatives aux opérations de la commission dont il était membre.
(L'Assemblée renvoie ces pièces au comité colonial.)
5° Adresse de plusieurs citoyens de la commune de Limoux, dans laquelle ils expriment de la manière la plus énergique leur dévouement a a patrie. Cette lettre est ainsi conçue (1) :
« Limoux,
« Législateurs,
« Rome n'accordait la paix à ses ennemis que lorsqu'ils avaient posé les armes et cette maxime qu'elle n'abandonna jamais dans ses plus grands revers, la fit marcher imperturbablement dans ce système de domination qui étonna et asservit Funivers. ; .
« Avec plus de raison et de justice, ce doit être la maxime invariable d'une nation plus magnanime et plus sage qui, dédaignant les conquêtes et respectant la nature, n'a pris les armes que pour venger sa souveraineté outragée et conserver à 1 Europe, les droits de l'homme et du citoyen.
« Législateurs ! déclarez donc aux puissances n'Hernies, que le glaive de la loi est levé irrévocablement sur les conspirateurs et les traîtres, qui ont provoqué leur agression et qu'elles-mêmes tf obtiendront jamais ni paix ni trêve, quels que soient les événements de la guerre, que quand elles auront reconnu la Constitution française, et la souveraineté du peuple.
« Dites à l'Europe que telle est la volonté suprême d'une nation qui a mis ses principes po.-fitiques dans la sainte égalité des droits, et qui veut périr tout entière, plutôt que d'y porter la moindre atteinte.
« Législateurs, cette résolution est digne de la cause de l'humanité que nous défendons ; elle donnera un grand exemple au monde ; elle fera rentrer dans le néant cette poignée de factieux, hypocrites qui veulent les déux Chambres ; elle fera trembler les tyrans sur leur trône d'argile et appellera tous les peuples à leurs droits souverains. »
(Suivent les signatures.)
(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable de cette adresse au procès-verbal.)
Une députation des citoyens volontaires du bataillon des Carmes est admise à la barre.
Vorateur de la députation dénonce les coupables manœuvres qu'on a employées pour séduire les citoyens et les engager à signer une pétition contre le décret relatif à la formation d'un nouveau corps de 20,000 hommes. Il demande que cette affaire soit examinée avec la plus scrupuleuse attention et que les coupables soient punis.
Un membre : Je demande la mention honorable et l'insertion au procès-verbal de cette adresse et propose qu'elle soit renvoyée aux comités de législation et de surveillance, parce qu'élle dénonce des coupables. (Applaudissements dans les tribunes.)
Je rappelle à l'Assemblée Qu'elle s'est interdit tout signe d'approbation et
improbation. (Murmures à droite, applaudissements à gauche et dans les tribunes.)
(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable de cette adresse au procès-verbal et en ordonne le renvoi aux comités de législation et de surveillance réunis, déjà chargés de l'examen de cette affaire.)
répond à la députation et lui accorde les honneurs de la séance.
M. Romuald Bertin, commissaire civil, nommé par le département des Bouches-du-Rhône, pour l'organisation des districts de Louvèze et (Le Vau-cluse, est admis à la barre pour rendre compte de sa conduite en vertu du décret du 11 mai derr nier (1) ; il s'exprime ainsi :
« Législateurs (2), vous avez ordonné que les commissaires nommés par l'administration du département des Bouches-du-Rhône, pour l'organisation des districts de Louvèze et de Vau-cluse, comparaîtraient à la barre de l'Assemblée nationale.
« Déjà M.Rebecqui vous a rendu compte de sa conduite et de la mienne; je respecte trop vos moments pour revenir sur les détails qu'il vous a présentes, mais j'ajouterai quelques preuves à celles qu'il vous a données. Je dirai comment les hommes qui ont servi la liberté, et dans les jours orageux de l'insurrection nationale, et dans les moments non moins critiques où devait éclater la conjuration du midi liée à la conjuration de Coblentz, ont attiré sur eux la haine d'un parti dont ils ont détruit les espérances, et dont ils .s'honorent d'être les victimes.
« L'administration du département des Bouches-du-Rhône m'a nommé le 18 avril dernier, pour organiser, conjointement avec M. Rebecqui, les districts de Vaucluse et de Louvèze, en conformité de la loi du 28 mars.
« J'étais alors à Aix, mais pour détruire l'infâme supposition que ma présence a gêné la liberté des suffrages, je n'ai qu'à produire la lettre de convocation qui m'avait appelé dans Aix, et les procès-verbaux d'élection, desquels il résulte que je n'ai été nommé qu?en remplacement de M. Millot, de Marseille, et sur sa démission.
« J'ai vu que la loi exigeait impérieusement notre réunion dans Avignon, huitaine après notre nomination et je n'ai cru que cette réunion fût possible sans force publique.
« L'aristocratie dominait dans Avignon et le comtat, les ci-devant commissaires-civils l'avaient écrit mille fois ; ils avaient dénoncé à la fin de leur mission, une coalition très réelle entre les municipalités d'Avignon, de Carpentras, et les contre-révolutionnaires d'Arles.
« Ils s'étaient plaints, dans une lettre au direct toire du département de la Drôme, de l'incivisme des troupes qui les entouraient, et des commandants militaires qui refusaient d'obéir à leurs réquisitions.
« Ils nous avaient instruit que le régiment d'Enghien, coupable des plus grands excès dans
la ville d'Apt, était en pleine rébellion à Avignon, puisqu'il y était arrivé sans
réquisition, ni des
re série, t.
XLIII, séance au 11 mai 1792, page 240, le décret mandant MM. Rebecqui et Rertin, à fa barre,
et tome XLIV, séance du 8 juin 1792, page 705 le compte rendu par M. Rebecqui.:
. « Ces circonstances que l'Assemblée nationale n'avait pu prévoir dans son décret, exigeaient certainement quelques mesures ; et q est pour les concerter avec les commissaires du département de la Drôme que nous avions proposé une entrevue à Beaucaire, Nîmes ou Montpellier.
« D'un autre côté, l'extrait du procès-verbal de l'Assemblée nationale, imprime à la suite de la loi du 28 mars, portait expressément que les pouvoirs civils cesseraient au moment où les nouveaux entreraient en fonctions, et ce moment était indiqué par la loi, huitaine après nomination des membres de la commission. Cette huitaine était expirée pour nous; elle l'était également pour les commissaires de la Drôme, nommés le 17; et quoique l'article 9* de la loi parût soumettre les commissaires civils à ne cesser leurs fonctions qu'après notre réunion, eomme cette réunion avait un terme indiqué, nous avions lieu de craindre que les commissaires civils n'abandonnassent, à cette époque précise, leurs fonctions pour montrer que nous n'étions pas à notre poste, et nous accuser d'avoir violé laloi. Le départ du sieur Champion, qui eut lieu le 28 avril, avant notre arrivée, prouve que nos craintes étaient fondées, et les ridicules accusations portées au directoire de la Drôme par les commissaires civils, établissent assuz quel était le caractère de ces hommes, et combien nous avions à craindre leur avidité à nous créer des torts.
* Tel» furent, législateurs, les motifs qui nous déterminèrent à requérir des gardes nationales pour protéger notre entrée dans Avignon, fixée au 29, et maintenir dans cette ville l'ordre public,
» Là nécessité de cette mesure était constatée. Des officiers municipaux d^Avignon, venus en députation à Arles, auprès de nous, l'avaient eux-mêmes provoquée.
« Un assassinat commis à Carpentras, sur un patriote dont le corps sanglant avait été foulé aux
{>ieds par les assassins, démontrait le danger de aisser ce pays sans force publique.
« Nous ne pouvionscroirequ'on regardât comme irrégulières des réquisitions qui, faites sur le territoire d'Avignon, eussent été très légales, en constatant, par leur procès-rverbal, que notre sûreté était compromise, ce qui peut-être n'avait pas besoin d'être prouvé par des proeès-verbaux ; car il n'est douteux pour personne, pas même pour les commissaires civils, qu'Avignon et le comtat étaient devenus le repaire de tous les contre-révolutionnaires du Midi.
« Enfin, nous avions quelque droit de compter sur l'approbation de nos collègues, elle nous a été effectivement donnée, d'abord par le sieur Faure, qui nous l'a délivrée par écrit, et ensuite par le sieur Pinet qui, ayant eu connaissance de toutes nos opérations, a signé avec nous une de nos plus importantes réquisitions, et qui, au moment même de son départ, écrivait au sieur Faure, qu'il ne pensait pas que son absence portât le moindre préjudice à nos opérations et qu'il laissait les affaires entre bonnes mains.
« 11 faut que les agents du pape, par qui cette trame a été ourdie à Paris, ayant bien senti eux-mêmes que la prétendue irrégularité de nos réquisitions n'était pas un motif suftisant pour déterminer l'Assemblée à nous mander à la barre, puisqu'ils ont ajouté à cette accusation, et la calomnie des commissaires civils sur la préten-
due arrestation des bœufs, et les récits les plus horriblement mensongers sur les excès epiïimis à notre arrivée dans Avignon. Ils ont dit à la barpe de l'Assemblée nationale, que le sang coulait dans les rues de cet te ville, que Jourdan triomphait encore sur des cadavres, que nous étions les Complices de ses assassinats, et qu'ils garantissaient sur leurs têtes la vérité de ce tableau, qui n'est pourtant que l'ouvrage perfide d'une imagination italienne. C'est ainsi que déchirant vos cœurs et abusant de votre propre sensibilité, ils ont arraché le décret qui nous mande à la barre, Comment l'Assemblée nationale n'a-t-elle pas vu que le nom de Jourdan était devenu dans la bouche de nos aristocrates une arme de diffamation plus nieurtrière que les baïonnettes des Autrichiens? Les patriotes monaidiers d'Arles, après avoir donné l'exemple d'un véritable martyre civique, sont-ils enhn rentrés dans leurs foyers; ort a dit, pour les rendre suspects, qu'ils y avalent reçu Jourdan, échappé de sa prison. Les Marseillais ont-ils sauvé la liberté dans le Midi, on a publié, pour égarer l'opinion sur ce peuple généreux, que Marseille était l'asile dè Jourdan, et Je commissaire auprès du tribunal d'Avignon a tenté de donner quelque consistance à cette calomnie, en écrivant a la municipalité de Marseille de le faire arrêter. Marseille, Arles, demandent la réparation de ces imputations odieuses, et déjà les tribunaux sont investis de leurs plaintes. Resterons-nous seuls privés des moyens légaux de poursuivre nos calomniateurs?^ lorsqu'il est démontré que les pétitionnaires se disant d'Avignon, ont menti à l'Assemblée nationale, en lui peignant cett^ ville dans la désolation, et le sang coulant dans ses rués, et lorsqu'il est Constaté que l'arrestation des bœufs, dont on nous avait accusés, n'est qu'une mechaute supposition des commissaires civils; lorsque des pièces authentiques attestent
3ue nous n'avons ni réintégré le sieur Raphel ans ses fonctions de juge, ni rétabli dans la gendarmerie des hommes décrétés de prise de corps; lorsqu'entin, il ne peut être contesté par personne, que nous n'avions ni mission ni pouvoir pour ordonner des arrestations, et que nous avons fait tout ce que la loi et l'humanité demandaient de nous, en provoquant les ordres du ministre de l'intérieur, et l'action du commissaire du roi auprès du tribunal d'Avignon, seul coupable de la non-arrestation des prisonniers, faudra-t-il que la calomnie pèse plus longtemps sur nous, que la diffamation se propage dans l'Europe entière, que nous voyions affichés, dans toutes les rues de la capitale, avec une profusion qui indique assez la main qui pourvoit à ces dépenses, des placards injurieux, atroces, et ce coupable arrêté de 1 administration du département des Bouches-du+Rhône, rendu sur le rapport de 2 commissaires qui n'avaient reçu des renseignements sur notre conduite, que de la municipalité d'Avignon, et s'étaient refusés à prendre connaissance de nos pièces justificatives; arrêté dans lequel M- Bebecqui a prouvé qu'il existait non seulement des erreurs de fait, mais encore un faux constaté par les propres actes de l'administration du département; faudra-t-il enfin, lorsque 24 heures ont suffi pour faire prononcer notre mandat à la barre, que nous spyions condamnés à attendre des mois entiers une décision nécessaire à notre honneur et à l'exemple public, soit que l'Assemblée nationale nous frappe, ou qu'elle nous rende à nos fonctions en frappant nos calomniateurs
« Vous ne nous verrez pas, législateurs, tels que les eirdevant commissaires civils à Arles, chercher notre justification dans des disoours tor-tueux et daos le commentaire adroit d'un rapport mensonger ; nous venons vers voua avec la bonne volonté de notre état ; car nous n'avons pas le malheur d'appartenir à la classe des ci" devant privilégiés, ni à celie des ci-devaut avocats. Nous avons fait notre devoir, puisque vos lois ont été exécutées partout dans les districts de Vaucluse et de Louvèze : puisque l'impôt et ses arrérages ont été payés, puisque la paix a constamment régné dans ces contrées pendant le court espace ae notre commission. Les commissaires auxquels nous succédions ne l'avaient pas fait, leur devoir, puisque l'habit national était partout proscrit, puisque les sociétés populaires étaient dissoutes et l'esprit public anéanti; puisqu'enfin la terreur régnait seule dans ce pays, et non la Constitution. Les commissaires qui nous ont remplacés ne font pas davantage leur devoir, car des troubles religieux se manifestent avec une alarmante rapidité dans tout le comtat. A Sainte-rCécile, des patriotes ont été assassinés; à Mozan, pays limitrophe de Caron, un autre patriote a été fusillé; à Carpentras, des juifs ont été massacrés au nom de la vierge du Rosaire, dont les fanatiques ont promené l'image dans les rues; tout annonce que le fanatisme
3ue nous avions étouffé, renaît encore et cherche es victimes.
« Quel est, en dernière analyse, le. prétendu délit qu'on nous impute?
« Nous avons requis, avant notre réunion à Avignon, des gardes nationales tellement nécessaires à sa tranquillité,'qu'il existait alors dans cette ville un régiment en rébellion, et que les nouveaux commissaires, aujourd'hui que ce régiment est éloigné, en ont requis un bien plus grand nombre.
Quels sont les délits de nos accusateurs? Le directoire du département de la Drôme a retardé jusqu'au 17 avril la nomination des commissaires, quoiqu'il eût reçu la loi du 28 mars, depuis le 4 avril. C'est une violation formelle du décret du 5 novembre 1789, qui ordonne aux corps administratifs et aux tribunaux* de faire publier et exécuter les lois dans les 3 jours de leur réception, à peine de forfaiture,
« Ce directoire a arrêté que les 2 commissaires
{>ar lui nommés ne se rerdraient à Avignon que e 3 mai, c'est-àtdire 15 jours après leur nomination; et l'article de la loi du 28 mars ordonnait cette réunion huitaine après. L'infraction de cette loi ne saurait donc être plus caractérisée.
« Ce directoire a suspendu le sieur Faure de ses fonctions de commissaire; et ce pouvoir ne le eempétait pas - carie sieur Faure, quoique nommé
Ï)ar lui, n'avait pas reçu sa mission de lui... Il a tenait, comme nous, de l'Assemblée nationale et du roi. C'est donc une usurpation de pouvoir.
« Qe directoire a nommé, en remplacement du sieur Faure, le sieur Rochas, membre du directoire; et l'article 7 de la loi du 28 mars ordonnait que les commissaires seraient pris dans les conseils des départements.. C'est donc encore une infractien à cette loi.
« Enfin ce directoire méconnaissant que votre dernier décret avait consacré le principe qu'à l'Assemblée nationale seule appartenait le pouvoir de suspepdre les commissaires, et se mettant au-dessus de ce décret, qui n'avait pas suspendu le sieur Faure, lui a intimé définitive-
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ment l'ordre de se retirer; ce qui est encore une usurpation du pouvoir législatif.
« La conduite de l'administration du département des Bouches-du-Rhône n'est pas moins coupable.
« Cette administration a également retardé jusqu'au 17 avril l'exécution ae la loi du 28 mars, qui cependant avait été transcrite sur ses registres, dès le 6 avril.
« Elle a également usurpé le pouvoir législatif en suspendant leg commissaires qui tenaient leur mission de l'Assemblée nationale et du roi.
Elle nous a également diffamés par la publication d'un arrêté dont tous les faits sont démentis par des pièces authentiques que les commissaires de cette administration ont refusé de lire, malgré nos interpellations.
« Mais le plus coupable, sans doute, est le sieur Hulin, commissaire du roi auprès du tribunal criminel d'Avignon, et c'est le plus ardent dénonciateur de notre commission.
« Il a permis la séparation du tribunal criminel, sans qu'il eût été prononcé sur le sort des prisonniers.
« Il a différé pendant 2 mois d'exécuter l'ordre de rassembler ce tribunal pour prononcer sur l'application de l'amnistie.
« II n'a pas fait exécuter la loi portant réintégration dans les prisons d'Avignon, des individus qui en avaient été enlevés, tandis qu'il avait à sa disposition une force publique pien plus considérable que celle dont la réquisition indispensable par la rébellion du régiment dyEn-qhien, nous a été imputée â crime.
« Il a déserté son poste lors de l'arrivée des gardes nationales d'Avignon-
« Il a menti à l'Assemblée nationale sur l'état de cette ville.
«Il a rompu tous les rapports d'impartialité, de confiance, qui doivent exister entre un juge et des accusés, en appelant ceux-ci des brigands, lui qui doit prononcer sur leur port (1).
«Il a refusé de nouveau, depuis notre arrivée, d'exécuter la loi sur la réintégration des prisonniers,
Enfin, il n'a répondu à nos invitations que par cette allégation dérisoire, qu'il avait exécuté ses ordres, et en avait rendu compte au ministre.
« Voilà pourtant les hommes qui nous ont accusés, Je ne dis rien des ci-devant commissaires civils : on pourrait croire qu'en retraçant leur tort, je cherche à faire l'éloge de .notre com* mission. L'examen de notre conduite est indépendant de l'examen de leur mission, on a cherché à réunir ces deux causes pour les compliquer l'une par l'autre et les rendre interminables, mais votre justice réduira la question.
Som mes-nous coupables des délits dont la supposition -a déterminé notre mandat à la barre?
« Si nous en sommes coupables, frappez-nous, hâtez votre décision, hâtez le jugement de la
Haute Gour nationale, car c'est la lenteur de sa justice qui partout multiplie les
conspirations et rend audacieux les conspirateurs. : « Si, au contraire, vous réconnaissez
notre innocence (et lés pièces que nous avons produites rétablissent invinciblement)
prononcez la réparation due à des fonctionnaires publics arrachés de leur poste par la
calomnie, et frappez les ca^ lomniatsurs.
« Signé : J. Romuald Bertin. »
(La lecture de ce mémoire a été souvent interrompue par les applaudissements de la gauche et des tribunes.).
L'Assemblée examinera le compte que vous venez de lui rendre et vous permet ae vous retirer.
Je demande l'impression du discours de M. Bertin, à la suite de celui de M. Rebecqui, son collègue.
(L'Assemblée décrète l'impression de ce mémoire et en ordonne le renvoi aux comités chargés de l'examen de cette affaire.)
M. Camus, garde des archives de la nation, est admis à la barre. (Applaudissements.) Il lit, au nom des citoyens de la section des Tuileries, une adresse dans laquelle ils demandent que chacun soit tenu de monter sa garde en personne. (Vifs applaudissements.)
lui répond, et lui accorde les honneurs de la séance.
M. Camus rentre dans la salle. (Applaudissements unanimes.)
Je demande le renvoi de la pétition au comité militaire et je promets de présenter son travail dans huit jours.
(L'Assemblée ordonne le renvoi de la pétition au comité militaire.)
Une députation de citoyens est admise à la barre.
L'orateur de la députation MX un mémoire relatif aux subsistances et demande une loi contre les accaparements de grains.
répond à la députation et lui accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée ordonne le renvoi de ce mémoire aux comités d'agriculture et de commerce réunis.)
Un citoyen, au nom des officiers, sous-officiers et volontaires du 4° bataillon de Seine-et-Oise, en garnison à Sierck, est admis à la barre.
Le pétitionnaire donne lecture d'une pétition tendant à prohiber toute espèce d'exportation de* marchandises, dont le commerce pourrait diminuer les ressources pour la guerre. Il dénonce des exportations fréquentes de munitions hors des frontières. Le 2 juin, le bataillon de Seine-et-Oise, arrivant à Sierck, fut instruit par les habitants de cette ville, qui lui témoignèrent leurs inquiétudes, qu on envoyait des subsistances à l'ennemi, tandis qu'ils étaient sans pain. Ils les engagèrent à arrêter le bateau. Le commandant était absent; le bateau était prêt d'entrer dans le territoire ennemi. Ils coururent après, l'arrêtèrent et le ramenèrent à Sierck. En ayant fait la visite avec des officiers municipaux, il fut vérifié que les ballots renfermait des uniformes, des boutons et des livres sur l'art de tracer des plans de campagne. Les officiers municipaux expédièrent une ordonnance au maréchal de camp Wimpffen pour prendre ses ordres. Ce dernier ayant donné l'ordre de
laisser partir le bâteau pour Thionville, les volontaires s'y opposèrent d'abord, mais les officiers municipaux ayant commandé au nom de la loi et sur les ordres du directoire du district de Thionville, ils obéirent, mais en se réservant de porter plainte à l'Assemblée nationale. « Les volontaires français, d'ailleurs, ne pillent pas les ennemis, ils les tuent. »
Le pétitionnaire prie l'Assemblée de vouloir bien prendre ces faits en considération et lui demande que les volontaires employés à la défense des frontières soient autorisas à visiter tout ce qui sort du royaume. Il remet la liste des effets trouvés dans le bateau arrêté.
L'Assemblée vous accorde les honneurs de la séance et prendra votre demande en grande considération.
(L'Assemblée ordonne le renvoi de cette pétition aux comités militaire et de commerce réunis.)
Une délégation de 150 citoyens garçons marchands de vins est admise à la barre.
L'orateur de la délégation, au nom de ses camarades, fait don à la patrie de 26 livres en espèces; 445 livres en assignats, et 53 livres 3 sols en billets de confiance.
répond et accorde à la délégation les honneurs ae la séance.
(L'Assemblée accepte cette offrande avec les plus vifs applaudissements, et en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis aux donateurs.)
, au nom des commissaires chargés de se rendre chez M. Grangeneuve pour recevoir sa déposition. Messieurs, les commissaires que vous avez nommés pour prendre la déclaration de M. Grangeneuve, se sont acquittés avec exactitude de cette commission sitôt après que le décret a été remis (1). Nous avons trouvé M. Grangeneuve dans son lit, mais je crois devoir dire à l'Assemblée nationale, pour sa tranquillité, qu'il nous a paru être dans un état très rassurant.
Voici, Messieurs, le procès-verbal de la déclaration qu'il nous a faite, ainsi que des témoins qu'il a indiqués. Je vais avoir l'honneur de vous en faire la lecture : "
« L'an 1792, le 15 juin, environ 4 heures de relevée, nous, députés à l'Assemblée nationale, nommés par elle commissaires par décret de ce présent jour, à l'effet de recevoir la déclaration ae M. Grangeneuve sur l'événement qui a eu lieu hier au soir entre lui et un député à l'Assemblée et prendre l'indication des témoins qu'il désire être entendus sur les circonstance^ de cette affaire; nous sommes transportés au domicile de M. Grangeneuve, sis rue Saint-Thomas-du-Louvre, n° 18, où nous l'avons trouvé dans son lit.
« Après lui avoir donné connaissance de notre mission et lui avoir fait lecture du décret que l'Assemblée nous a chargés d'exécuter, M. Grangeneuve, y déférant, nous a déclaré ce qui suit :
1° Qu'il y a environ 3 mois, sur une opinion qu'il avait énoncée au sein de l'Assemblée
nationale, en réfutation de celle de M. Jouneau, il lui fut tenu, par celui-ci, des propos
injurieux
« 2° Que le déclarant a été chargé du rapport de l'affaire d'Arles, au défaut de M. Delpierre, qui s'en est démis; qu'à l'époque où le déclarant fut chargé de ce rapport, on arrêta pour la première fois, dans les comités réunis, que le rapporteur ne serait point autorisé à présenter un rapport tout dresse, mais qu'Userait tenu de porter sur le bureau toutes les pièces et d'en faire la lecture ; que le déclarant, nepouvantpas se dissimuler qu'il n'obtenait pas la même Confiance que ses collègues, fut le premier à demander que toutes les parties, intéressées au rapport, fussent présentés à l'exposé des faits et qu'elles eussent la liberté de faire leurs observations ; ce qui fut accordé.
) « 3° Qu'entre tous les points de discussion que présenta l'affaire d'Arles — il s'agit de savoir si le directoire du département des Bouches-du-Rhône est ou n'est pas blâmable, pour avoir abandonné le lieu de ses séances, lorsqu'une troupe armée sortie de Marseille fut entrée dans la ville d'Aix ; — que le déclarant ayant, à cet égard, manifesté son opinion dans le comité, elle a paru à M. Jouneau celle d'un homme de mauvaise foi ; que le déclarant a été insulté dans le comité par le sieur Jouneau, qu'il en a pour témoins MM. Basire, Taillefer, Chabot et Maribon-Montaut ; que le jour de la Fête-Dieu, s'étant rendu au comité dans la matinée, comme il en était convenu, il fut encore question du directoire du département des Bouches-du-Rhône, en attendant que le comité fut assez nombreux pour ouvrir la séance ; qu'alors, sur ce qu'on disait, que les administrateurs du département des Bouches-du-Rhône avaient couru le risque de perdre la vie, et qu'ils étaient par conséquent bien excusables ae s'être caches, le déclarant répondit qu'il ne croyait à de pareils risques, que lorsqu'il voyait les craintes réalisées, et c'était en parlant à M. Jouneau qu'il tenait ce langage.
« Que le jour d'hier, vers les 7 heures et demie du soir, attendant que les membres des comités réunis fussent en assez grand nombre pour pouvoir ouvrir leur séance, il se promenait dans l'allée du jardin des Feuillants, sous les murs du comité des pétitions. Qu'après avoir causé quelques moments avec M. Coustaud, il fut abordé par quelques membres du directoire des Bouches-du-Rhône, et encore par M. Lacuée. a Qu'entre eux tous il fut encore question de la conduite du directoire à l'époque ci-dessus rapportée. Qu'on en parlait moins pour fixer son opinion, que pour en faire un sujet d'entretien. Que M. Lacuée, particulièrement, en prit occasion de rapporter, en plaisantant, ses anciennes relations avec M. Villardi, l'un des membres de ce directoire. Que M. Jouneau, se mêlant alors à la conversation, et interpellant M. Lacuée, lui dit : écoutez donc un peu Vopinion de M. Grangeneuve; il nous disait Vautre jour qu'il ne pouvait "pas croire que des administrateurs eussent couru risque de perdre la vie, dans l'exercice de leurs fonctions, à moins qu'il ne les vît morts.
« A cette interpellation, rendue à peu près dans les mêmes termes qu'employa M. Jouneau, M. Lacuée répondit : il a raison. Alors le déclarant, sur le même ton qui régnait dans la conversation, dit à M. Jouneau que : s'il était étonné de cela, il y a apparence qu'il aurait pris le même parti que .lès membres du directoire. M. Jouneau
se portant alors très près du déclarant lui dit : Cent hommes comme vous ne me feraient pas fuir, et j'en ferais fuir cent comme vous. Le déclarant répondit à M. Jouneau : vous ne ferez fuir personne. A cet instant, quelques-unes des personnes présentes se mirent entre eux deux. M. Jouneau dit au déclarant qu'il était un insolent et le déclarant lui répondit par une expression équivalente. On se sépara â l'instant et on demanda de se rendre au comité. Réunis en très petit nombre au comité, les membres présents attendirent que quelques-uns de leurs collègues vinssent se réunir à eux : il était alors 9 neures. On attendit en vain et l'on délibéra de se réunir sans faute samedi. Le déclarant reprit alors les pièces de son rapport; il les mit sous son bras et se retira par le même passage du jardin des Feuillants, qui a été ci-dessus indiqué. Il était entre M. Jacquier et M. Barbaroux, députés extraordinaires de la ville d'Arles. Derrière lui venait M. Jouneau qui; l'ayant atteint, lui dit d'un ton fort modère qu'il avait à l'entretenir en particulier. Le déclarant quitta alors le sieur Barbaroux et le sieur Jacquier, qui continuèrent leur route, et il alla à M. Jouneau, qui lui dit : n'entends pas que cette affaire se passe comme la première (en parlant de la querelle qu'il avait faite au déclarant à propos dé l'opinion énoncée, il y a 3 mois, à l'Assemblée nationale). J'espère, continua M. Jouneau, que vous vous trouverez demain au Bois de Boulogne, à 9heures, avec des pistolets. Le déclarant répondit : Je n'irai point au Bois de Boulogne à 9 heures, mais je serai à 10 heures à l'Assemblée nationale. (Applaudissements). Sur cela, M. Jouneau donna un soufflet au déclarant, le frappa de plusieurs coups de canne, qu'il avait à la main, laquelle canne était pliante et formée de plusieurs ]oncs réunis, et comme le déclarant voulait le saisir, il le terrassa.
« Après la déclaration faite et prête à être sir gnée, j'observe à l'Assemblée que M. Grangeneuve avait oublié de parler des coups de pied qu'il avait reçus de M. Jouneau. Cette mention se trouve par renvoi à la marge et approuvée de lui. « 11 le terrassa, lui donna des coups de pied et prit la fuite. »
« Le déclarant indique pour témoins des faits ci-dessus : Mme Daigremont, tapissière de l'Assemblée nationale, sur le jardin des Feuillants; MM. Barbaroux et Jacquier, députés extraordinaires de la commune d'Arles, logés hôtel de la Bépublique de Gênes, rue Sainte-Anne; MM. Saint-Huruge et Régnier, rue Bourbon-Saint-Germain, n° 690.
« Lecture prise par M. Grangeneuve de la présenté déclaration, il a été par nous, interpellé de la signer à chaque page et à la fin, ce qu'il. a fait et l'avons également signéé. » ;
Messieurs, au moment où je suis entré ce matin dans l'Assemblée nationale, j'étais tellement ému d'entendre taxer d'assassinat une rixe à laquelle j'ai été provoqué par l'insulte la plus forte qu'on puisse faire à un brave homme, j'avais si fort à cœur d'éviter à l'Assemblée nationale les détails de cette affaire, que je me suis contenté de protester contre les intentions criminelles que quelques membres paraissaient me supposer, et de demander à être renvoyé à un comité qui prendrait tous les renseignements nécessaires et vous ferait ensuite son rapport..
Mais puisque l'Assemblée a jugé à propos
d'entendre les témoins à sa barre et de se faire donner lecture de la déclaration de M. Grangeneuve, je la supplie de me permettre de lui faire le récit sincère de ce qui a précédé et suivi la voie de faits que je me suis permise dans un moment où le premier mouvement est si difficile à contenir.
Je. me rendais vers les 8 heures du soir aux comités qui sont chargés de vous faire un rapport sur les affaires d'Arles. Je rencontrai, dans la grande allée du jardin des Feuillants, MM. Lacuée, Delaizire et Grangeneuve, qui causaient avec quelques administrateurs du directoire du département des Bouches-du-Rhône. Je m'approchai d'eux, et la conversation étant tombée, je ne sais comment, sur la manière dont les membres de ce directoire avaient été chassés du lieu de leurs séances, par un attroupement venu de Marseille, je dis à M. Lacuée que j'allais lui raconter la réponse que M. Grangeneuve avait faite à ces Messieurs, le jour où ils lurent les pièces qui constataient les violences qu'on leur avait fait éprouver : que dans une espèce de sainte colère, il leur avait dit, que jamais il ne croirait que les administrateurs eussent couru le moindre danger, tant qu'il ne les verrait pas sur le carreau. M.. Lacuée dit : bravo. M. Grangeneuve, en m'adressant la parole, répliqua : « Vous voyez, Monsieur, que je n'ai pas tort, et si vous avez une autre opinion, c'est que vous fouteriez le camp.
Je demande pardon à l'Assemblée si je me sers des mêmes expressions.
Plusieurs membres : Lisez, lisez !
C'est que vous fouleriez le camp au premier aperçu du danger. Je dis alors à M. Grangeneuve avec infiniment de modération (Murmures à gauche.) que si nous en étions là, il verrait que je ne fouterais pas le Camp; sur quoi M. Lacuée dit qu'il me servirait bien de caution. M. Grangeneuve récidiva encore, et avec un ton qu'il me serait impossible de décrire. Alors je lui dis : Monsieur, je Vous ai dit qu'aucun danger ne pourrait me faire fuir, et j'ajoute que 100 nommes tels que vous ne me feraient pas perdre un pouce de terrain. M. Grangeneuve, a cet instant, sans que j'eusse mis aucune affectation insultante en prononçant cette dernière phrase, médit que j'étais un foutu viedase. (Bruit.) A peine il eut proféré cette révoltante injure, que M... qui préside quelquefois le comité de pétitions (j'ignore son nom) me prit par le bras, en me conjurant de ne pas faire d'esclandre et me tira à l'écart. Il pourra dire si je fis la moindre résistance à suivre son conseil. Un moment après, nous entrâmes au comité et ne nous voyant que cinq ou six membres en comptànt M. Grangeneuve, on proposa, vers 9 heures, de nous ajourner à un autre jour, ce qui fut adopté.
M. Grangeneuve sortit avec une ou deux personnes qui portaient une partie des papiers de son rapport. Je le suivis par le même chemin qu'il avait pris, et lorsque nous fûmes à peu près au même endroit où il m'avait insulté, je lui dis que je voudrais lui parler en particulier. Nous nous éloignâmes de quelques pas des personnes qui étaient avec lui. Là, je lui dis : Monsieur, j espère que cette affairé ne se terminera pas comme la première que nous avons eue ensemble. Il me demanda ce que je voulais dire. Je lui répondis : Vous avez fini l'autre par une mauvaise plaisanterie, il n'en sera pas de même de celle-ci. Vous venez de m'insulter indignement
et publiquement ; êtes-vous un galant homme ? — Oui, Monsieur. — Un brave homme ? — Oui, Monsieur. — Eh bien, j'espère que vous voudrez bien vous rendre demain au bois de Boulogne avec des pistolets.
Plusieurs membres à gauche. Ah! Ah! (Murmures à droite.)
Il me demaqda à quelle heure. Je lui dis que çe serait à 9 heures du matin, à moins qu'il ne m'en indiquât une autre qui lui convînt mieux. Il me répliqua alors, en m interrogeant avec ironie: A neuf heures, Monsieur?
— Oui, Monsieur. — Avec des pistolets ? — Oui, Monsieur. Alors s'approchant de moi, au point que nos poitrines se touchaient, il m'assura qu'il n'irait pas au bois de Boulogne, non plus que dans un autre endroit avec moi. Je lui représentai; sans sortir des bornes de la modération, qu'un homme qui en a insulté un autre ne peut refuser de lui en rendre raison. Il persista dans son refus. Je lui observai que cette conduite serait incroyable et passerait pour celle d'un lâohe. Alors se tenant toujours près de moi, il me dit du ton le plus outrageant, que j'étais un Jean-foutre. (Murmures )
Je l'avoue, Messieurs, à ce propos que je devais d'autant moins attendre, que je n'avais pas perdu un seul instant les égards qu'on se doit mutuellement, je ne fus pas maître de mon premier mouvement, je donnai un souffet à M. Grangeneuve.
Il ramassa incontinent un pavé qui se trouvait près de lui, me le lança et ne m'ayant pas atteint, il courut à moi et me saisit %u collet. Après m'être dégagé de ses mains à l'aide d'une badine que j'avais à la main et dont je lui donnai un seul coup sur le bras pour lui faire lâcher.^prise, j'eus à éviter une seconde fois un pavé qu'il me lança de nouveau en criant : Arrêtez cet assassin!
C'est dans ce moment que je fus enveloppé par des hommes, qui sous prétexte de me séparer de M. Grangeneuve, dont je m'étais déjà éloigné, se portèrent à d'indignes violences. Je courus risque d'être assassiné, nommément par le sieur Saint-HurUge (Murmures.) qui, me surprenant et me saisissant par derrière, me renversa sur la palissade du jardin, dont les extrémités pointues percèrent mes habits et me blessèrent légèrement.
Je ne fus arraché à ce danger que par M. Calvet et quelques autres de mes collègues dont j'ignore le nom; la brave garde nationale, le commandant du poste, à qui j'ai particulièrement à témoigner ma reconnaissance, en imposa aux furieux qui m'entouraient et protégea ma retraite.
La suite de cette rixe vous est connue par les dépositions que vous avez entendues (j'ignore si elles ont été faites) et par les pièces qui sont entre vos mains. Il ne fallait pas moins que mon respect pour la vérité et ma soumission pour l'Assemblée nationale, pour me faire surmonter le dégoût d'une telle narration. L'avei de ma violence et du tort que j'ai eu de ne pas savoir me commander ne me coûte rien, mais le malheur d'avoir été l'objet du scandaleux débat qui afflige l'Assemblée ne sortira jamais de ma mémoire. (Applaudissements.)
Je désire faire observer à l'Assemblée que la déclaration de M. Grangeneuve étant remise^ sur le bureau, la justification de M. Jouneau devrait y être également déposée
après avoir été préalablement signée par lui.
signe sa justification et la dépose aussitôt sur le bureau de l'Assemblée nationale.
Je crois que l'Assemblée nationale doit d'abord commencer par entendre les témoins et ensuite je me charge de lui démontrer qu'elle doit à la Constitution, qu'elle se doit à elle-même de faire un grand exemple de justice et de sévérité. (Vifs applaudissements des tribunes.)
Avant de commencer laldiscussion, je prie Monsieur le Président d'enjoindre aux tribunes de ne point se mêler dans les malheureuses discussions qui peuvent avoir lieu dans l'Assemblée et qui nous affligent tous. (Quelques applaudissements des tribunes.) C'ést d'une indécence qu'il n'est plus possible de supporter. Elle est déplorable. (Silence.)
On demandera un comité général.
Messieurs, j'ai déjà annoncé à l'Assemblée nationale que le règlement défendait à ses membres tout signe d'approbation ou d'improbation. Je crois que l'exemple de l'Assemblée suffira pour en imposer aux citoyens qui sont témoins de cette délibération et qu'ils ne s'écarteront pas du respect qu'ils doivent à la loi.
cède le fauteuil à M. Bigot de Préameneu, ex-président.
présipence de m. bigot de préameneu.
M. Saint-Huruge, l'un des témoins de M. Grangeneuve, est introduit à la barre.
Monsieur, l'Assemblée nationale vous a mandé pour savoir si vous aviez connaissance d'une affaire qui s'est passée hier, entre M. Grangeneuve et M. Jouneau. votre nom?
M. Saint-Huruge. Je me nomme André-Victor Saint-Huruge de La Farge, mais je ne le porte que comme on porte celui de Champagne et de Picard.
Votre âge?
M, Saint-Huruge. 49 ans, bientôt.
Où demeurez-vous ?
M. Saint-Huruge. Rue Montmartre, hôtel d'Angleterre.
Votre profession ?
M. Saint-Huruge. Ancien officier d'infanterie, après cela mousquetaire et ensuite aide de camp.
On va vous lire la déclaration de M. Grangeneuve.
Je demande, Monsieur le Président, que vous interrogiez M. Saint-Huruge sur ce qu'il a vu.
On n'interroge pas des témoins. On doit faire lecture de la déclaration et on doit demander au témoin ce qu'il sait sur la déclaration faite.
. Un membre : Jamais on n'a fait à un témoin lecture de la déclaration d'un accusé; mais on lui demande ce qu'il sait.
Un membre ; C'est la déclaration de M. Guadet dont on doit faire lecture et non là déclaration des déclarants, car ce serait faire le thème aux témoins. Je m'oppose formellement à ce qu'on donne communication aux témoins des déclarations. Je demande, au contraire, qu'on leur
donne communication de la dénonciation de M. Guadet.
Un membre : Tout le monde sait que les témoins ne sont entendus que sur la lecture de la plainte ; or, la déclaration de M. Grangeneuve équivaut à une plainte.
Plusieurs membres : Non ! non !
L'Assemblée nationale a déjà entendu un grand nombre de témoins et je n'ài jamais vu qu'on ait commencé par lire aux témoins, soit des dénonciations, soit des déclarations. J'ai toujours vu que M. le Président, au nom de l'Assemblée, a été chargé de demander aux témoins s'ils avaient quelques connaissances sur les faits successifs qu'il était intéressant d'éclaircir ; jamais il n'a été lu aucune espèce de déclaration. Je demande, Messieurs, si vous vous écarterez des principes. Je demande si, quand vous aurez entendu des témoins, il a été fait lecture de toutes les déclarations. Dans la circonstance présente (Bruit.) ce que je dis est d'autant plus essentiel, que M. Grangeneuve, dans sa déclaration, et M. Jouneau, dans la sienne, ont donné l'indicatidn des dépositions des différents témoins; qu'ainsi vous guideriez pour ainsi dire à l'avancé les réponses. J'ajoute qu'il faut bien éviter de faire connaître à M. Saint-Huruge les déclarations.
(M. Saint-Huruge fait des gestes à M. Becquey.)
Plusieurs membres : A l'ordre !
J'ajoute que M. Jouneau l'accuse ; on ne doit donc pas lire la déclaration.
Les témoins doivent rapporter les faits dont ils ont connaissance, sur ce qui s'est passé entre M. Grangeneuve et M. Jouneau. Il y a une dénonciation faite. Cette dénonciation est signée par M. Grangeneuve; voilà le fait. Voilà ce qui doit servir de base aux dépositions des témoins, je demande qu'on en donne lecture. C'est sur cette déclaration que les témoins doivent êtrë entendus. Je soutiens que, dans la marche ordinaire, il faut que le témoin Sbit entendu sur les faits énoncés dans la déclaration de M. Grangeneuve, sauf à M. Jouneau à lui répliquer ensuite.
(L'Assemblée décrète la clôture de la discussion.)
II est temps de terminer cette trop malheureuse discussion et les ennemis du bien public doivent bien rire de nous voir perdre un temps précieux à nous occuper d'une simple rixe et à dfes discussions oiseuses. Je demande que l'on fasse cette question à la personne qui est à la barre. Que savez-vous sur l'affaire qui s'est passée hier entre MM. Grangeneuve et Jouneau? (Applaudissements.)
(L'Assemblée adopte la proposition de M. Marant.)
Avez-vous connaissance d'une affaire qui s'est passée hier entre M. Grangeneuve et M. Jouneau?
M. Saint-Huruge. Oui, Monsieur le Président, la voici :
J'étais . avec plusieurs bons patriotes comme moi à discuter sur les savantes manœuvres de M, lé maréchal Luckner, au café de l'Assemblée nationale. Nous avons entendu plusieurs per-. sonnes crier: A Vassassin! à l'assassin! A ces mots le café sortit. Je me suis trompé de porte, et j'ai passé par la porte qùi va entre le treillage et le couloir de l'Assemblée rationale. A
peine ai-je été à cette place, que j'ai entendu: Arrêtez Vassassin de M. Grangeneuve, gui vient de lui donner 100 coups de pied dans le ventre, des coups de canne, et qui l'a terrassé. Je n'ai point vu le premier fait: M. Grangeneuve le poursuivait; il n'a pas pu passer. M. Grangeneuve s'est arrêté ; l'autre s est retourné, et lui a donné plusieurs coups de canne, jusqu'au moment où 2 bons patriotes l'ont arrêté ; et moi je le tenais devant moi sur la palissade, comme ça (en rapprochant ses mains de sa poitrine). Voilà, Messieurs, tout ce que je sais, tout ce que j'ai vu. Plusieurs députés de l'Assemblée sont venus; il y en â un qui m'a dit: Mon cher Saint-Huruge, c'est un député de l'Assemblée nationale ; grand dieu! j'ai dit : je croyais que c'était un assassin. Je le lâche bien vite, c'est une personne sacrée. (.Applaudissements.) Sur cela M. Calvet a dit qu'il était son ami, et je n'ai pas eu de peine a le croire. — Voilà tout ce que je sais.
L'Assemblée vous permet de vous retirer.
Mme Daigremont, l'un des témoins de M. Grangeneuve, est
introduite à la barre.
Madame, l'Assemblée nationale vous a mandée pour savoir si vous aviez connaissance d'une affaire qui s'est passée entre M. Grangeneuve et M. Jouneau.
Votre nom?
Mme Daigremont. Je me nomme Daigremont.
Votre âge?
Mme Daigremont. 30 ans.
Où demeurez-vous?
Mme Daigremont. Au garde-meuble de l'Assemblée.
Avez-vous connaissance des faits relatifs à une affaire qui s'est passée hier entre M. Grangeneuve et M. Jouneau?
Mme Daigremont. Oui, Monsieur, cela s'est passé à côté de moi
; c'était hier soir. J'étais assise alors à la porte du garde-meuble de l'Assemblée et j'ai
vu sortir ces messieurs du comité. Ils passèrent près de moi, M. Grangeneuve avait des
papiers sous son bras, ainsi qu'à sa main, dont il m'en est resté, que j'ai ramassés par
terre, et je me suis aperçue que c'était des affaires d'Arles. M. Grangeneuve était avec M.
le député dont je n'ai pas l'honneur de connaître le nom. Alors le député s'est tourné
devant lui, et lui a frappé 2 coups dé canne dans la figure. M. Grangeneuve s'est trouvé
étourdi, et a laissé tomber les papiers, que j'ai remis à un député extraordinaire, nommé M.
Jacquier, d'Arles. Voilà ce que j'ai vu.
L'Assemblée vous permet de vous retirer.
M. Barraroux, l'un des témoins de M. Grangeneuve, est introduit à là barre.
Monsieur, l'Assemblée nationale vous a mandé pour savoir si vous aviez connaissance d'une affaire qui s'est passée hier entre M. Grangeneuve et M. Jouneau. Votre nom ?
M. Barraroux. Charles Barbaroux.
Votre âge?
M. Barbaroux. 25 ans.
Votre état?
M. Barbaroux. Homme de loi.
Votre demeure?
M. Barbaroux. Hôtel de la République de Gênes* rue Sainte-Anne.
Quelle connaissance avez-vous des faits qui se sont passés hier au soir entre MM. Jouneau et Grangeneuve, députés?
M. Barbaroux. Monsieur le Président, je vais vous les dire : hier, à neuf heures du soir, nous sortions du comité ae pétition, où je m'étais rendu fort tard ; les députés et les citoyens qui s'y trouvèrent se divisèrent en deux troupes, l'une passa par le cloître des Feuillants, M. Grangeneuve, M. Jacquier, député extraordinaire de la commune d'Arles, et moi, descendîmes par le jardin. Arrivés dans la grande allée, je ne vis personne, si ce n'est une dame qui était assise a la porte d'un des pavillons. A peine avions-nous fait quelques pas dans la grande allée pour parvenir à l'allée couverte, que M. Jouneau parut; je ne puis pas attester s'il a suivi la même route que nous, 'ou s'il est venu par une porte opposée, mais il s'approcha de nous, et portant la parole à M. Grangeneuve avec beaucoup d'aménité, il lui dit : Grangeneuve, j'ai quelquexhose de particulier à vous dire. M. Grangeneuve se détacha du milieu de nous, et s'approcha de M. Jouneau. . Ensemble ils s'avancèrent du côté de la muraille ; nous n'avons point entendu ce qu'ils disaient, parce que nous détournâmes un peu à gauche. A peine avions-nous fait quelques pas (il ne s'était pas écoulé une demi-minute) que j'entendis frapper un coup ; je me tournai, et je vis M. Jouneau frapper M. Grangeneuve. Il lui donna un coup de poing de la main droite, un coup d'une canne fort peu épaisse de la main gauche, et un coup de pied. Il le terrassa ensuite sur un tas de pierres avec la même main de laquelle il tenait sa canne. M. Grangeneuve poussa un cri, il se releva, et il tenait dans ses mains une pierre. M. Jouneau prit â l'instant la fuite, M. Grangeneuve le poursuivit, et lui jeta la pierre qui ne l'atteignit pas. M. Grangeneuve criait : Arrêtez, il m'a frappé, il m'a frappé; d'autres cris partirent à l'instant, et ils disaient : A l'assassin, à l'assassin; j'accourus, j'atteignis M. Jouneau à quelques pas de la buvette; je l'arrêtai; je lui dis : Monsieur, je vous arrête, quoique je vous connaisse député, parce que je vous ai vu en flagrant délit. M. Jouneau ne fit d'autre défense , contre moi que celle d'un homme qui veut se débarrasser, mais sans frapper; plusieurs personnes sortirent à l'instant au café de la buvette et nous entourèrent.
M. Grangeneuve arriva, toujours poussant des cris lamentables, et prit l'habit de M. Jouneau. Il disait à la garde : il m'a frappé. Dans cet état, M. Jouneau lui lança encore deux coups de la petite canne qu'il tenait à la main. On criait beaucoup: les uns disaient, il est inviolable; d'autres disaient, il a été pris en flagrant délit. Il faut le conduire chez le juge de paix. Cependant la garde arriva, et nous mîmes M. Jouneau dans ses mains.
Je me retournai ensuite pour voir ce qu'était devenu M. Grangeneuve, et pour retrouver mon chapeau que j'avais perdu. Je retrouvai M. Grangeneuve dans une salle où sont étalées les cartes topographiques. Il était dans un état affreux. Je lui offris une voiture pour le conduire chez lui. Il la refusa, mais il accepta mon bras, et je le conduisis, ou pour mieux dire je le portai chez lui, conjointement à M. Jacquier. Arrivé chez lui, M. Grangeneuve eut un mal de cœur qui dura trois quarts d'heure, sans qu'il eût aucune
connaissance. Ayant un peu repris ses sens, il entra dans des convulsions, et il disait que la poitrine lui faisait beaucoup de mal. C'est dans cet état que je l'ai remis à madame son épouse, qui fondait en larmes.
C'est tout cé que vous avez à déclarer?
M. Barbaroux. Oui, Monsieur le Président.
L'Assemblée vous permet de vous retirer.
M. Régnier, l'un des témoins de M. Grangeneuve, est introduit à la barre.
Monsieur, l'Assemblée nationale vous a mandé pour savoir si vous aviez connaissance d'une affaire qui s'est passée hier entre M. Grangeneuve et M. Jouneau.
Votre nom ?
M. Régnier. Je m'appelle Régnier.
Votre âge?
M. Régnier. 60 ans.
Votre état?
M. Régnier. Actuellement employé dans les bureaux de liquidation.
Votre demeure ?
M. Régnier. Rue de Bourbon, faubourg Saint-Germain.
Quelle connaissance avez-vous des faits qui se sont passés entre M. Grangeneuve et M. Jouneau, députés à l'Assemblée nationale?
M. Régnier. Me trouvant vers 9 heures à la buvette de l'Assemblée, avec plusieurs autres personnes, nous entendîmes crier : Arrêtez, arrêtez, à l'assassin. Alors je sortis avec plusieurs autres de la buvette pour- aller à la rencontre d'une personne qui courait. Je ne connaissais pas cette personne, mais la voyant arrêtée, et se débattant, je crus devoir concourir aussi à son arrestation. Je lui portai la main à l'habit pour la contenir, et je demandai à des gendarmes d'envoyer chercher la garde. Lorsque la garde fut arrivée, je lâchai prise et je me retirai ; mais au moment où je me retirai, je vis passer un homme avec des papiers sous le bras qui dit : J'ai vu frapper M. Grangeneuve. Cet homme paraissant s'en aller, je l'arrêtai et je lui dis : Monsieur, du moment que vous avez été témoin, vous êtes nécessaire. Je crus qu'on allait conduire le prévenu au corps de garde. Alors je me trouvai entouré de 5 ou 6 personnes que je ne connais point, qui me pressèrent, qni m'injurièrent fort, et qui me demandaient de quoi je me mêlais. Je tenais le chapeau dans les mains. Je le remis à l'un des soldats de la garde et je me retirai. C'est tout ce que je sais.
L'Assemblée vous permet de vous retirer.
M. Jacquier, l'un des témoins de M. Grangeneuve, est introduit à la barre.
Monsieur, l'Assemblée nationale vous a mandé pour savoir si vous aviez connaissance d'une affaire qui s'est passée entre M. Grangeneuve et M. Jouneau.
Votre nom ?
M. Jacquier : Je m'appelle Jacques Jacquier.
Votre âge?
M. Jacquier : 40 ans.
Votre état ?
M. Jacquier : Négociant.
Votre demeure?
M. Jacquier : Dans la rue Sainte-Anne, butte Saint-Roch, hôtel de la République de Gênes.
Quelle connaissance avez-vous des faits qui se sont passés entre MM. Grangeneuve et Jouneau, députés?
M. Jacquier. J'étais hier au soir au comité des pétitions. A 9 heures environ, il fut question d'en sortir. Messieurs les membres du comité, ainsi que les autres personnes qui s'y trouvaient, passèrent par le cloître des Feuillants. M. Grangeneuve, M. Barbaroux et moi sortîmes par la porte qui donne sur le jardin des Feuillants. Lorsque nous fumes dans la grande allée, je vis venir du côté de l'escalier des Feuillants, vis-à-vis de nous, M. Jouneau qui, en s'approchant de M. Grangeneuve, lui dit : Grangeneuve, j'aurais quelque chose à vous dire. M. Grangeneuve se sépara de nous. Ils furent tous deux se mettre à côte de la porte du tapissier, qui resté là dans l'allée. Nous autres, M. Barbaroux et moi, nbus tînmes à l'écart. A mesure que nous fîmes un petit mouvement,; nous entendîmes un grand coup. Nous voulûmes nous retourner et nous vîmes M. Jouneau qui frappait M. Grangeneuve. Il lui donna un grand coup de poing, un coup d'un bâton qu'il avait à la main, et un coup de pied. Nous le vîmes terrassé sur des pierres qui étaient par terre. Nous avançâmes tout de suite. M. Jouneau, dans cet intervalle, prit la, fuite et courut dans l'allée couverte. M. Grangeneuve, qui avait été terrassé, se releva comme il put, prit une pierre et essaya de l'envoyer après M. Jouneau. M. Jouneau était déjà fort éloigné et M. Barbaroux et moi étions à sa poursuite.
Nous l'atteignîmes devant la buvette qui est près de l'Assemblée. Nous entendîmes, derrière nous, venir M. Grangeneuve qui criait. On m'a battu; arrêtez, arrêtez! M. Barbaroux, des gardes nationales et des gendarmes qui se trouvèrent là, ainsi que des particuliers, se saisirent de M. Jouneau. M. Grangeneuve, tandis qu'on le tenait, disait encore : Arrêtez-le, arrêtez-le, il m'a frappé, il m'a frappé ! Dans cet intervalle, M. Grangeneuve s'approchant de M. Jouneau, avec un bâton qu'il avait à la main, le frappa, voulut encore lui en doniier. Je me rappelle avoir reconnu dans ce moment plusieurs membres du comité de pétitions, qui, au bruit qu'ils avaient entendu, étaient accourus comme beaucoup d'autres. Je reconnus également plusieurs députés qui dirent que M. Jouneau était inviolable, et qu'il ne fallait pas le toucher. Sur l'observation de MM. les députés qui se trouvaient-là et qui disaient que M. Jounèau était inviolable on le làissa, et il s'en fut. 11 s'agissait de trouver M. Grangeneuve, je courus pour le chercher. Avant de le trouver, je me rappelai qu'il avait un paquet de papiers sous le bras, qu'il l'avait laissé tomber à la porte de M. le tapissier. Je courus devant cette porte et madame la tapissière qui se trouvait-là, tenait justement le paquet de papiers à la main. Je le lui demandai et elle me le remit sans me connaître.
De là, je courus dans le cloître des Feuillants pour chercher M. Grangeneuve, je le trouvai à moitié mort. Je trouvai que M. Barbaroux le soutenait de toutes ses forcés, car à peine pouvait-1!! marcher. Nous le prîmes tous les deux comme nous le pûmes et nous le transportâmes tout doucement. Mon intention, lorsque
nous fûmes dans la rue, était d'entrer dans quelque maison, car je voyais que M. Grangeneuve était dans une triste situation. Cependant M. Bar-baroux m'observa qu'il convenait de le ramener chez lui, qu'il y serait beaucoup mieux que dans une maison particulière. Nous le transportâmes tous les deux en le portant et faisant tout ce que nous pouvions pour le rendre chez luinous eûmes bien (le la peine. Quand nous fûmes chez lui, nous le mîmes sur son sopha, et il resta évanoui pendant trois quarts d'heure.
Madame son épouse n'y était pas, il n'y avait que la servante, nous lui demandâmes quelques petits remèdes pour lui administrer ; nous eûmes bien de la peine à le faire revenir un peu, néanmoins il resta évanoui pendant 3 bons quarts d'heure. Madame son épouse arriva, et donna des ordres pour qu'on envoyât chercher un médecin et un chirurgien. On jugea à propos de le coucher, et M. Barbaroux et moi nous nous retirâmes.
Vous n'avez plus rien à déclarer?
Non, Monsieur le Président.
L'Assemblée vous permet dé vous retirer.
, secrétaire, donne lecture de la liste des témoins indiqués par M. Jouneau : MM. Lacuée, Delaizire, le président des Bouches-du-Rhône, M. Coustard, M. Lafon-taine, huissier de l'Assemblée nationale ; M. Sage, l'officier de garde, M. Fressenel, M. Perron, tenant le café, passage des Feuillants ; M. Cazes, M.,Calvet, M. le président du comité des pétitions, M. Barris, M. Thuriot» M. Marant, M. Français.
Ce sont des députés que vous allez entendre; j'imagine què vous devez mettre à côté toutes les formalités que vous avez employées jusqu'ici, et entendre purement et simplement dans leurs déclarations MM. les députés qui témoigneront pour M. Jouneau.
Vous avez décrété ce matin que les déclarations des témoins et les autres pièces seraient renvoyées au comité, vous ne pouvez pas renvoyer des paroles à un comité. Je demande qu'on tienne note des déclarations des députés comme des témoins.
Je n'ai rien à dire concernant l'affaire de M. Jouneau ; je dois seulement dire, puisque M. Grangeneuve, dans sa déclaration, assure que MM. Basire, Maribon-Montaut, moi et quelques autres, pourrions dire Ce qui s'était passe dans le comité, et qu'il en résulterait que M. Grangeneuve n'était pas le premier agresseur, quoiqu'en disent ces Messieurs; que véritablement M. Grangeneuve a eu à se plaindre de M. Jouneau, notamment un soir que nous étions au comité (je ne peux pas dire le quantième du mois, parce que je ne m'en souviens pas) c'était l'avant-dernière fois que nous nous sommes rassemblés ; il.s'agissait de la question de savoir si, les commissaires civils envoyés dans la ville d'Arles, étant arrivés dans cette ville, si, dis-je, à cette époque, le bureau militaire formé extraor-dinairement, inconstitutionnellement dans cette ville, avait cessé ses fonctions tout de suite, selon la déclaration des commissaires civils; ou si, au contraire, ce comité avait continué ses opérations inconstitutionnelles pendant la durée des sessions des commissaires civils. Cette question était à la discussion, parce que de là on
devait en induire que les commissaires étaient ou n'étaient pas coupables. M. Grangeneuve et plusieurs autres membres étaient d'avis que le comité militaire avait continué ses fonctions, et M. Jouneau et d'autres membres étaient d'un avis contraire ; sur ce que M. Grangeneuve opinait là-dessus, M. Jouneau se leva, et prenant cette canne dont on a parlé, et la jetant avec vivacité sur la table, il se fâcha beaucoup de ce que M. Grangeneuve mettait, disait-il, de la passion dans la manière dont il avait opiné ; il me dit même quelques personnalités sur ce que je lui observai qu'il mettait de la passion en réclamant de la modération, mais cela n'alla pas plus loin.
Je n'insisterai pas davantage là-dessus, parce que comme je me trouve impliqué, je ne veux pas déposer contre M. Jouneau. Je dirai seulement que M. Couturier, président du comité, pourra donner à cet égard tous les renseignements que l'Assemblée désire. Seulement j'ajouterai que plusieurs membres du comité ont dit qu'on ne voulait point délibérer dans le comité ; mais que cependant on employerait inutilement des violencès pour nous empêcher de nous y rendre.
Je ne fus pas témoin de l'événement dont on vous a fait le récit le plus lamentable. J'ignore encore les faits qui l'ont immédiatement précédé, J'ai très peu assisté au comité des pétitions pour l'affaire d'Arles, parce que les détails du comité de surveillance dont je suis le secrétaire, m'y retiennent tous les soirs, fort avant dans la nuit; mais pour peu que je m'y sois trouvé lorsqu'on agitait cette grande question, M. Grangeneuve, qui a jeté un grand jour dans cette affairé, était d'une autre opinion que M. Jouneau et plusieurs autres membres du comité des pétitions. La discussion m'y a paru, en général, très chaleureuse, parce qu'elle était très importante, et les expressions peu ménagées par l'intérêt même que l'on y mettait. Je n'en ai pas retenu les termes, et je n'en sais pas davantage.
Je déclare que je ne sais que par ouï-dire la rixe qui est arrivée hier entre M. Jouneau et M. Grangeneuve. J'observe qu'il me paraît, par la déclaration de M. Grangeneuve, lorsqu'il m'a appelé en témoignage, que c'était sur des affaires antérieures à celle qui est arrivée hier soir. Quant à cela, Messieurs, je déclare que presque toutes les fois que les comités des pétitions, [de surveillance et des Douze ont été rassemblés au comité de pétition pour traiter l'affaire d'Arles, j'ai observé qu'il y avait une grande aigreur entre M. Jouneau et M. Grangeneuve; que notamment la dernière fois que j'y ai assisté, M. Jouneau dit à M. Grangeneuve qu'il traitait cette affaire avec beaucoup de passion. Des propos réciproques se sont tenus dans d'autres circonstances dans ces comités, entre M. Grangeneuve et M. Jouneau. Mais comme je n'aperçois pas les personnalités, à moins qu'elles ne me regardent (Rires), je n'ai pas cru digne d'y faire grande attention.
Je déclare que je ne- connais l'affaire d'hier que par ouï-dire. Ce que je sais remonte plus haut. G est que dans 3 ou 4 circonstances où je me suis trouvé au comité avec M. Grangeneuve et M. Jouneau pour l'affaire d'Arles, M. Jouneau a paru insulter M. Grangeneuve en l'accusant d'agir par passion dans cette affaire, de protéger les anarchistes et les
brigands. J'ai entendu cela ; je ne sais pas autre chose.
Hier, vers 7 h. 1/2, je me rendais au comité militaire ; je vis quelques personnes rassemblées dans la grande allée du jardin des Feuillants, j'allai les joindre. C'était M. Grangeneuve et le président de l'administration du département des Bouches-du-Rhône, que j'avais vu suppléant à la première législature, avec lequel je m'étais trouvé fort souvent dans cette tribune, parce que j'avais été appelé ici par l'Assemblée constituante. La conversation futbientôt entamée sur l'affaire d'Arles. M. Jouneau nous y joignit. On parla des opinions qu'on avait sur les devoirs des fonctionnaires publics, au moment où une force quelconque menacerait de les violenter. MM. Grangeneuve et Jouneau me parurent d'une opinion différente. J'ai été de l'opinion deM. Grangeneuve; je pensai, comme lui, qu'un fonctionnaire public ne peut pas ne pas mourir à son poste. Alors la contradiction rendit la conversation un peu plus chaude. M. Grangeneuve dit à M. Jouneau : « Vous en auriez-donc fait autant ? » (quelque chose à peu près, autant que je puis me rappeler.) Je mis la main sur l'épaule de M. Jouneau, et je lui dis : « Je répondrai bien de lui, parce que j'avoue que j'ai vu M. Jouneau montrer toujours une grande fermeté de sentiments. » Il s'éleva alors entre ces deux messieurs uné altercation beaucoup plus vive ; il y eut des espèces de provocation. Je ne peux pas dire dans Ce moment-ci quelles en furent les expressions, mais je me rappelle très parfaitement que les derniers mots que M. Grangeneuve dit à! M. Jouneau furent : vous êtes un viedase. Gomme je n'ai jamais cru que cette affaire fût de nature à faire une déclaration, j'avoue que je n'en ai pas retenu les autres détails. Mais au moment où ce dernier mot fut prononcé, avec un autre que je ne puis pas affirmer dans ce moment, je vis un peu d'exaltation et un peu de vivacité des deux côtés. Je me mis entre ces deux messieurs ; je pris M. Grangeneuve à bras-le-corps , je l'entraînai loin de M. Jouneau. Je crus qu'il était de I mon devoir de lui faire sentir qu'il s'était emporté. On vint l'avertir qu'il devait se rendre à son comité ; il s'y rendit.
J'allai voir M. Coustard qui se promenait dans la même allée. M/Jouneau vint me joindre. Nous causâmes de ce qui venait de se passer; nous cherchâmes à ramener M. Jouneau au calme; il nous quitta en nous disant qu'il demanderait une explication. Voilà tout ce que je sais.
Dans l'état actuel de l'instruction ma déclaration paraîtra sans doute assez peu importante. Je dois dire néanmoins qu'hier soir après 8 heures, sortant du comité des pétitions avec MM. Darlau et Gertoux, j'aperçus un groupe de 4 ou 5 personnes, parmi lesquelles étaient MM. Grangenèuve, et Jouneau. M. Grangeneuve me parut très échauffé, j'entendis qu'il lui échappa les mots que M. Lacuée a prononcés: mais ce que je vis clairement, ce furent des gestes provoquants de M. Grangeneuve. M. Jouneau me parut au contraire conserver beaucoup de tranquilité et de calme.
Ce que j'aurais à vous dire est très antérieur à l'entree des membres du comité. Je n'ajoutèrai rien à ce que vous Ont dit les opinants relativement à M. Jouneau. Je croirais abuser des moments de l'Assemblée que de lui rendre compte des mêmes détails que MM. Jouneau et Lacuée.
Comme membre de la commission des Douze je m'y rendais hier soir vers 7 heures; je rencontrai dans le jardin des Feuillants un groupe, composé en partie de membres de l'Assemblée, et en partie d'individus du département des Bouches-du-Rhône. On v agitait la question de savoir si les membres du département des Bouches-du-Rhône avaient pu quitter leur poste sans mériter l'improbation générale dans les circonstances où ils se sont trouvés. M. Grangeneuve prétendait qu'ils n'auraient pas dû le quitter, et M. Jouneau lui rappela qu'il avait dit au comité, quelques jours auparavant, qu'il ne connaissait de rrayeur pour un membre, que quand il était mort. M. Grangeneuve dit à M. Jouneau qu'il aurait quitté son poste comme avaient fait Messieurs des Bouches-du-Rhône. M. Lacuée dit que M. Jouneau était incapable de quitter son poste, à moins que le danger ne fût imminent. M.Grangeneuve dit, dans cette occasion, des choses dures à M. Jouneau. Je ne me rappelle pas assez, et je ne veux aggraver ni diminuer les torts de l'un ou de l'autre. Plusieurs personnes cherchèrent à séparer ces messieurs. Je montai avec M. Grangeneuve au comité des pétitions. Nous fûmes suivis par les autres, pour délibérer sur les affaires qui devaient être traitées. On crut convenable de se séparer. M. Grangeneuve sortit le premier. M. Jouneau le suivait d assez près; et M. Français et moi nous sortîmes après eux. Rendus dans le j ardins des Feuillants, nous entendîmes crier : on m'assassine ! arrêtez ! Au même instant nous vîmes un individu que nous ne pûmes reconnaître, courir. Je dis à M. Français, que je croyais entendre la voix de M. Grangeneuve, et que c'était une suite de la querelle qu'on avait eue au comité. Je pressai le pas ; je me rendis à un rassemblement qu'il y avait sous la galerie couverte des Feuillants. J'y trouvai MM. Grangeneuveet Jouneau aux prises. Plusieurs membres faisaient des efforts pour les séparer. Je remis ma canne à un membre ae l'Assem blée, dont je ne sais pas le nom, et je les séparai. Une dame qui demeure au bureau topographique, se présenta, et invita M. Grangeneuve, à entrer chez elle pour s'y rafraîchir. Je fis mes efforts pour le déterminer à y aller. Ne réussissant pas à le faire, je le remis aux mains de M. Thuriot qui, je crois, le détermina à s'y rendre.
, qui n'a été témoin d'aucun des faits, rend compte seulement de ce qui è'était passé dans la conversation qui avait eu lieu entre lui, M. Lacuée et M. Jouneau. 11 se renferme à ce sujet dans les mêmes faits énoncés par M. Lacuée. "
(M. le président cède le fauteuil à M. Muraire, ex-président.)
Présidence de M. Muraire.
Me rendant hier au comité des pétitions pour l'affaire d'Arles, je vis dans un groupe, entre autres, M. Jouneau et M. Grangeneuve. Je ne m'approchai pas de ce groupe, et je ne vis rien, si ce n'est que j'ai entendu M. Jouneau se plaindre d'une injure grossière de la part de M. Grangeneuve; il a même caractérisé l'injure, il a dit qu'il l'avait appelé foutu viédase. Je më suis rendu au comité des pétitions. Là : il ne s'est rien passé de particulier entre MM. Jouneau et Grangeneuve. Le comité s'est ajourné à samedi.
Je suis entré dans le jardin des Feuillants, et je me suis promené sous l'allée battue qui est sous le mur du comité des pétitions, et étant à
une assez grande distance, surtout pour l'étendue de ma vue, de deux personnes que j'ai reconnues pour MM. Jouneau et Grangeneuve, je les ai vus dans des mouvements violents, et même l'un d'eux penché comme ramassant quelque chose; presque dans le même instant,j'ai entendu des cris : On m'assassine, arrêtez Vassassin ! Moi-même j'ai crié : arrêtez et j'ai couru aux bruit et mouvement de ces deux personnes à côté desquelles, et à peu de distance, se trouvaient deux autres. Je suis arrivé très près de la buvette, j'ai aperçu un groupe dans lequel j'ai reconnu M. Jouneau, M. Barbaroux et M. Saint-Huruge.
Plusieurs de ces personnes le tenaient au collet ; les uns avaient même le poing sur son visage, et je me suis aperçu qu'on le maltraitait. (Murmures à gauche et dans les tribunes.) Il était même penché à la renverse. (Bruit dans les tribunes.)
Un membre demandé à M. le Président de rappeler les tribunes à l'ordre.
Un autre membre : Ah, le scélérat! (Murmures et exclamations.) .
Un membre : Je demande que le membre qui a appelé M. Fressenel scélérat soit envoyé à rAb-baye.
Avant que les déclarations soient terminées, personne ne sera entendu pour discuter.
Je ne sais pas si c'est de moi qu'il a été question dans cette injure ; je continue ma déclaration; je me suis jeté vivement dans la mêlée. La personne qui est tombée sous ma main, et que j ai reconnue ensuite, était M. Grangeneuve qui faisait des efforts, soit pour arrêter, soit pour frapper M. Jouneau. (Murmures.) J'ai pris M. Grangeneuve à bras-le-corps, et une autre personne que je crois être M. Deusy, m'a aidé à le tirer de la mêlée. Alors sont arrivées f>lusieurs personnes de la garde nationale, et de a gendarmerie qui ont dissipé la mêlée sans que je sache ce qu'aucun est devenu.
Un membre : Pendant la déclaration de M. Fressenel, il s'est fait aux tribunes un certain mouvement. Un membre qui était à côté de moi s'est levé et a prié M. le président de rappeler les tribunes à l'ordre. Dans l'instant un membre qui était fort peu éloigné, dont je ne sais pas le nom (mais je puis désigner le lieu où il est assis), s'est levé et a dit : vous êtes un scélérat ! et l'a dit assez intelligiblement pour qu'on l'entende.
Plusieurs membres se lèvent et crient : A l'Abbaye!
Un membre : Je demande que le membre à qui ce mot est échappé soit envoyé à l'Abbaye.
Il est imprudent, de la part du préopinant, d'être venu se porter à la tribune {tour faire une dénonciation dans un moment où 'on est occupé d'une affaire que nous devrions terminer dans l'instant : il est abominable et je regarde comme ennemis de la nation tous ceux qui veulent l'interrompre. Le préopinant en impose à l'Assemblée.
Plusieurs membres : Nous l'avons entendu !
Ce sont là des moyens de tactique. Je demande qu'on passe à l'ordre du jour.
11 est bien vrai qu'un député que je ne connais point, s'est levé, et a adressé la parole à M. le Président. Dans ce moment il était question de M. Jouneau ; dans ce moment même le député qu'on inculpe a dit : c'est une scélératesse 1 (Murmures.)
Plusieurs membres : Ce n'est pas vrai !
Ce qui s'est passé entre M. Grangeneuve et M. Jouneau est, en effet, une scélératesse. J'étais témoin du fait. Je cite encore M. le maire d'Arles qui était à côté de lui, qui était témoin ainsi que moi : il l'a entendu de ses oreilles comme moi.
Il est affligeant que l'Assemblée se soit occupée tout le jour de personnalités. Je demande, au nom du salut public, que l'Assemblée passe à l'ordre du jour sur le tout. (Applaudissements d'une partie de l'Assemblée.)
Je demande que l'on passe à l'ordre du jour.
(L'Assemblée, consultée, passe à l'ordre du jour sur l'incident.)
Je n'ai aucune connaissance de la première rixe survenue entre M. Jouneau et M. Grangeneuve, dont M. Lacuée vous a rendu compte.
A 9 heures, je me rendis au comité des pétitions; les membres n'étant pas en nombre suffisant, la séance fut ajournée à samedi, et je sortis du côté de l'allée couverte des Feuillants. J'aperçus à 13 pas M. Jouneau et M. Grangeneuve, parlant ensemble. J'entendis un bruit ; je me retournai, et je vis M. Grangeneuve ramasser des pierres et les jeter à M. Jouneau. Il criait en même temps : On m'a frappé, à l'assassin ; arrêtez ! Je courus avec quelques-uns de mes collègues, et étant arrivé près du café du nommé Beaucaire, j'aperçus M. Jouneau, que M. Saint-Huruge tenait par derrière, adossé contre la palissade. Trois autres personnes que je ne connais pas, tenaient M. Jouneau au collet, et Mi Grangeneuve lui tenait la jambe. Nous parvînmes avec quelques-uns de mes collègues, à faire lâcher M. Jouneau : il entra dans le café du nommé Perôn, et comme j'avais entendu le sieur Saint-Huruge parler avec beaucoup d'action de la manière dont il annonçait que M. Jouneau avait agi contre M. Grangeneuve, j'examinai queb était le bâton que M. Jouneau avait dans les mains, et je fus surpris de voir que c'était une de ces badines qu'on vend dans tous les lieux publics. M. Jouneau ayant voulu se retirer dans les Feuillants, personne ne voulut Chercher à prolonger la querelle. Nous les séparâmes, et je me retirai.
Me rendant au comité militaire, vers les 9 heures, j'avais été joint en revenant du comité par deux particuliers, dont l'un avait une affaire. Je passais au bout du corridor qui conduit du comité militaire à cette assemblée. J'ai entendu tout à 'coup une voix que j'ai reconnu être celle de M. Grangeneuve, qui criait: on m'assassine! J'ai couru vers l'endroit d'où partaient ces cris, et j'ai reconnu M. Grangeneuve ; et avec lè ton, j'ose le dire, de l'intérêt, je lui dis : « Qu'avez-vous, Monsieur Grangeneuve? » 11 avait, comme j'ai l'honneur de vous le dire, deux particuliers à ses côtés, et un quatrième personnage, dont le visage était couvert par des mains, et qui m'était inconnu. Je jugeai que c'était l'assassin de M. Grangeneuve.
Placé entre M. Grangeneuve et son assassin, j'ai fait des efforts pour les dégager; et alors, j'ai reconnu M. Jouneau, M. Saint-Huruge et M. Thuriot. J'ai été assez heureux, à l'aide de mes forces, pour séparer ces messieurs. M. Grangeneuve a été entraîné d'un côté, M. Jouneau de l'autre, et M. Saint-Huruge a paru un peu piqué
de ce que je l'empêchais d'étrangler un homme. (Rires.) Il m'a dit quelques injures d'avoir sauvé la vie à M. Jouneau: mais peu sensible aux injures de M. Saint-Huruge, je me suis retiré. (Rires.)
Dans l'affaire de M. Jouneau, je ne puis que vous répéter ce que j'ai eu l'honneur de vous déclarer ce matin. Hier soir, vers les 18 heures un quart, entrant dans l'allée des Feuillants, j'aperçus un groupe où se trouvaient M. Jouneau, M. Grangeneuve et autres. La seule chose dont je m'aperçus, ce fut un propos prononcé avec chaleur par M. Grangeneuve, et je vis qu'il défiait M. Jouneau d'oser le toucher dans la moindre partie de son corps. Un propos l'avait peut-être provoqué ; mais je n'avais pas entendu te propos qui l'avait provoqué. J'aperçus au même instant, M, Jouneau dont le mouvement paraissait annoncer une violence. Je crus devoir l'arrêter par le bras, et je le conduisis un peu loin de ce groupe. Je tâchai de le calmer par toutes les représentations dont je suis capable, et qu'il accueillit avec beaucoup de succès. MM. Lacuée et Goustard vinrent me trouver au comité, et nous vîmes que M. Grangeneuve s'était retiré dans son comité. Après quelques instants de conversation, nous fimes des réflexions sur la modération qui devait être le partage principalement des législateurs. Il fut dit que M. Grangeneuve était un peu vif, mais qu'il méritait des égards à raison de sa vivacité et de la faiblesse de sa complexion. M. Jouneau fut très modéré et raisonnable. J'eus pourtant le regret de voir qu'au moment où il se sépara de nous pour se retirer dans le comité, il dit qu'il aurait une explication avec M. Grangeneuve. J'allai moi-même au comité, où nous nous trouvâmes peu de membres, et les Arlésiens qui devaient être présents à la discussion de leur affaire. Tout se passa très tranquillement, et il ne fut quéstion de rien; mais comme nous ne nous trouvâmes point en nombre pour délibérer sur cette affaire nous nous ajournâmes à samedi soir.
Alors je me retirai un des premiers, par la petite porte sur l'allée des Feuillants. Je m'aperçus que M. Grangeneuve me suivait avec deux particuliers d'Arles, vraisemblablement, qui étaient au comité. J'aperçus aussi que M. Jouneau suivait par la même porte. Quand je fus sur l'allée, je fis réflexion qu'attendu la menace que j'avais entendue de M. Jouneau, qui voulait avoir une explication avec M. Grangeneuve, il pouvait bien le suivre pour avoir cette explication. Cependant je fus tranquille, en ce que M. Grangeneuve avait avec lui deux personnes. Je continuai mon chemin par l'allée couverte qui conduit jusqu'à la porte du corridor de l'assemblée. J'entendis un coup dont l'éclat me fit çdmprendre que c'était un soufflet. Je m'arrêtai sur-le-champ, et je me doutai que c'était peut-être-là l'exécution de la menace que j'avais entendu faire. Effectivement, quelques moments après, je vis arriver en courant, M. Jouneau jusqu'à l'endroit de l'allée où est un libraire. Quand M. Jouneau fut arrivé dans cet endroit, j'entendis crier : Arrêtez, arrêtez cet homme.; à la garde, à la garde ! et je vis arriver, à la course, un autre particulier que je ne pus pas distinguer, mais que je crus être M. Grangeneuve. Au même instant, je vis que M. Jouneau reculait de quel-
?ues pas, et qu il s'accolait avec ce particulier, ous les deux se battirent, se précipitèrent sur
la palissade qui sépare le jardin, et je fus entouré aussitôt par d'autres personnes qui sortirent de la buvette. Moi-même je m'approchai ; et voyant qu'il y avait beaucoup de monde et qu'il n'y avait pas de danger, je me retirai.
J'étais hier, à environ 9 heures, au café près l'Assemblée nationale. J'écoutais attentivement l'explication d'un nouveau plan d'attaque. J'entends crier : A-Vassassin; arrêtez ce coquin-là! Aux cris redoublés, je reconnais la voix de M. Grangeneuve. Je sortis à l'instant, et j'avançai directement à la palissade qui sépare la eour du limonadier. En arrivant à la palissade, je vis un homme qui paraissait désigné pour celui contre lequel M. Grangeneuve criait, et qui tenait à la main une canne, que je pris, dans le moment, pour un sabre. Je saisis ce particulier par-dessus la palissade, par le col, et je le renversai sur la palissade. Lorsqu'il fut renversé sur la palissade, ayant la main sur sa tête, je saisis la canne d'une autre main. Je dis a M. Saint-Huruge, qui paraissait vouloir retenir ce particulier par l'habit à travers la palissade, qu'il fallait qu'il sortit pour que nous fussions plus sûrs de l'arrêter. A cet instant un député me dit : « c'est une querelle de députés. » Alors je crus que c'était une simple querelle qui s'était engagée. Je quittai la cour, passai dans le corridor, et invitai M. Grangeneuve à me suivre. M. Grangeneuve qui paraissait dans la plus grande agitation, résista dans le premier moment; mais me reconnaissant, il consentit à venir avecmoi, et je le conduisis cloître desàFeuil-lants chez une dame qui vend des cartes géographiques. Lorsqu'il fut arrivé, j'invitai la dame à lui faire administrer à l'instant les secours nécessaires; et craignant qu'il ne se passât quelque chose de plus alarmant encore dans le lieu où la scène s'était passée, je m'y suis rendu à l'instant. J'invitai la garde, les gendarmes qui y étaient, à faire séparer les citoyens assemblesj ne connaissant pas les premiers faits, j'invitai tous les citoyens qui étaient là, à garder le plus profond silence, désirant que l'affaire n'eût pas de suite.
, le jeune. On aurait bien fait de suivre votre avis.
L'Assemblée ne pense-t-elle pas qu'il est inutile d'entendre d'autres témoins, puisque tous rapportent les mêmes faits? Je propose de ne plus en entendre.
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il y a lieu de continuer l'audition des témoins.)
déclare avoir entendu donner un soufflet à M. Grangeneuve.
Hier au soir, vers 9 heures, j'étais au comité des pétitions et de division, dans la cour et dans le jardin des Feuillants. J'ai entendu les cris : A Vassassin, on me frappe, arrêtez! Je suis sorti du comité avec beaucoup d'empressement. J'ai vu Un rassemblement de beaucoup de personnes vis-à-vis le café qui est près de la porte de l'Assemblée. Là étaient M. Calvet, député, plusieurs gendarmes de service auprès de l'Assemblée et les huissiers aussi de service. Je me suis approché de ce rassemblement et je me suis informé quel en était l'objet. On m'a dit que c'était une querelle entre deux députés. Je me suis jeté au milieu de la mêlée et j'ai aperçu M. Calvet et M. Saint-Huruge qui se colletaient. Je me suis mis entre eux et j'ai colleté M. Saint-Huruge qui paraissait...
S'agit-il d'une affaire entre M. Calvetet M. Saint-Huruge? (Bruit,)
Plusieurs membres: A l'ordre!
Il ne s'agit pas d'une querelle entre M. Calvetet M. Saint-Huruge, mais il s'agit des faits qui doivent infirmer la déposition de M. Saint-Huruge.
Plusieurs membres à gauche : Ah ! ah !
Je demande qu'il soit inscrit que la déposition du déclarant est pour infirmer la déposition de M. Saint-Huruge.
J'ai dit à M. Saint-Huruge : « Monsieur, ce démêlé vous est étranger. C'est une querelle entre deux collègues, ne vous mêlez point à cette discussion. C'est une affaire entre mes collègues et: nous saurons la démêler.» M. Saint-Huruge provoquait tous les assistants, qui étaient en grand nombre, et les excitait par des propos à une espèce d'insurrection, en criant : on assassine les patriotes ! (Murmures à gauche.)
M. le Président, je fais la motion que vous demandiez à ces messieurs (montrant la gauche), s'ils entendent se récuser dans l'affaire.
Comme on est récusable pour trop protéger, comme pour trop attaquer, je demande que ces messieurs se récusent.
Je demande que l'Assemblée se récuse.
J'ai prié M. Saint-Huruge de se retirer et il se démenait toujours. Il jouait un rôle très actif dans cette scène, au point que j'ai requis la gendarmerie qui était présente avec l'un des huissiers, et je lui ai dit: « Messieurs, faites retirer M. Saint-Huruge et tous ceux qui ne sont pas députés à l'Assemblée nationale. » M. Saint-Huruge m'adit: « Je connais ces messieurs pour députés et je me retire » et il est rentré dans le café. Là, je l'ai suivi et M. Thuriot y est entré avec nous. M. Saint-Huruge n'a cessé de se démener et d'exciter le trouble par des propos très violents. (Murmures à gauche.) >
Imposez donc le silence, Monsieur le Président, à ceux qui ne veulent pas entendre la vérité; moi-même j'ai entendu tenir des propos incendiaires à M. Saint-Huruge. Il est entré dans le café, il a pris uné'plume et du papier et a écrit : Saint-Huruge déposera dans cette affaire. Après la déposition que je viens de faire tendant à infirmer celle de M. Saint-Huruge, je dois à la vérité et à la justice, d'indiquer à M. Grangeneuve un témoin oculaire ^qui a déposé. Ce témoin est un jeune enfant de 10 ans.
Un membre : Il ne peut point servir.
11 a déposé qu'il a vu M. Grangeneuve frappé par M. Jouneau, et que les choses avaient été au point qu'il avait été forcé de se retirer dans le café. C'est un témoin que M. Grangeneuve est forcé de faire entendre.
M. LafontaiNe, huissier de VAssemblée, est introduit à la barre.
Il s'exprime ainsi : J'étais dans un café aux environs de cette salle, lorsque j'entendis dire que deux de MM. les députés avaient une crise ensemble. Je me transportai sur-le-champ et j'arrivai, mais tout était fini. Je me transportai dans divers endroits pour savoir ce qu'on disait, j'entrai dans le café où j'eus l'honneur de voir M. Jouneau, j'entendis dire entre autres paroles qu'il était désespéré que cette affaire eût fini
comme cela, que s'il avait su qu'elle se fût terminée ainsi, il n'aurait pas commencé. J'invitai l'officier à faire retirer tout le monde afin que cette affaire fût anéantie.
M. Vofficier de garde est introduit à la barre.
Il s'exprime ainsi : Attiré par les cris de MM. de la gendarmerie, je sortis à la tête de 5 hommes qui composaient le corps de garde, sans leur donner le temps de prendre les armes ; je me portai sur-le-cnamp vers l'endroit; j'ai trouvé un particulier entre les bras de plusieurs autres ; je reconnus que c'était M. Grangeneuve qui avait l'air très fatigué, très défait, et faisait encore des efforts pour répondre à un autre particulier que je ne connaissais pas encore. J'interpellai ces Messieurs de me déclarer les plaignants. Je fis deux fois, trois fois, quatre fois la même demande, personne ne se présenta ; je conduisis ce Monsieur, que je rie connaissais pas, jusqu'à la porte du café.
M. Grangeneuve se retira dans le café ; la personne que j'appris être M. Jouneau me dit en présence de 7 ou 8 personnes, dans le café, qu'il était vrai quev se croyant gravement insulté par un membre, il avait cru devoir lui donner un soufflet, et que même il lui avait donné un coup de canne. Je n'ai rien pu exécuter quand j'ai su que c'étaient des députés ; tout le monde autour ae moi cria, arrêtez donc ces Messieurs. M. Jouneau me dit i Monsieur c'est une querelle de députés, vo»s n'y avez que faire. Je crus devoir me retirer, mais je crus avant devoir faire une patrouille pour balayer tout l'intérieur. Je fis retirer tout le monde et, M. Grangeneuve retiré, M. Jouneau resta au café. C'est tout ce que je sais.
Tous les témoins présentés par M. Grangeneuve et M. Jouneau ont été entendus. Je donne la parole à M. Lasource.
Messieurs, l'Assemblée nationale a rendu un décret qui renvoyait au comité toutes les pièces de cette affaire pour les examiner. Je demande que vous chargiez vos comités réunis d'examiner la question de savoir si le délit qui vous a été dénoncé est susceptible d'un décret d'accusation. (Murmures prolongés.) Ou c'est un délit grave qui mérite l'attention de l'Assemblée, ou ce n'en est pas un, mais l'Assemblée ne peut pas le déterminer en ce moment. (Murmures.) Je déclare, d'ailleurs, que je n'ai pas la mémoire aussi bonne que certains de mes collègues et que je ne puis voter d'après 20 dépositions sans entendre un rapport. (Nouveaux murmures.) J'ajoute que cette question présente un très grand intérêt. (Les tribunes applaudissent et une grande partie de VAssemblée recommence ses murmures.) Je respecte la majesté de mes commettants et il n'est pas indifférent qu'elle soit insultée dans la personne d'un représentant de la nation. (Murmures.) Je de- ' mande que l'Assemblée ordortne l'impression des pièces et le renvoi de toute» les déclara-rations aux comités de législation et des Douze réunis, pour en faire le rapport dans deux fois 24 heures.
Je demaade la parole pour m'op-poser au renvoi et pour motiver le décret d'accusation. (:Nouveaux murmures de VAssemblée. — Les tribunes applaudissent,à plusieurs reprises et crient bravo !)
Je demande que M. Guadet soit entendu tout à l'heure.
Je demande la parole contre M. Guadet.
veut parler. (Applaudissements réitérés dans les tribunes.)
(Une partie de l'Assemblée se lève et demande le comité général. Beaucoup de membres adroite se précipitent au bureau et signent la demande d'un comité général.)
se couvre.
Le calme se rétablit peu à peu. On continue de signer au bureau.
se découvre.
Un membre : M. le Président est découvert, on peut parler.
Plusieurs membres : Levez la séance !
Je rappelle les membres de l'Assemblée au calme qui doit régner dans ses délibérations et j'espère que ce ne sera pas inutilement que les tribunes auront été rappelées au respect et au silence. J'ordonne à M. l'officier de garde de prendre les moyens qui sont en son pouvoir pour les contenir.
Un grand nombre de membres : Le comité général !
Un membre : Je demande la parole pour un fait.
Plusieurs membres : Il n'y a pas de fait. Monsieur le Président, annoncez le comité général.
Je demande avant tout que l'on prononœ que l'on a le droit d'assommer les membres de l'Assemblée.
Sans doute 50 membres ont le droit de demander le comité général, mais il faut pour cela que cette demande soit légalement faite. Lorsque M. le Président est couvert, tous les membres doivent se tenir à leurs places, et j'observe que c'est pendant que M. le Président a été couvert, que l'on a sigué la demande du comité général. Je demande que les signatures soient déclarées nulles. (Grande agitation dans l'Assemblée.)
Un grand nombre de membres courent au bureau signer de nouveau la demande du comité général.
J'insiste pour avoir la parole. (Bruit prolongé.) Messieurs, ce n'est pas sans étonnement.....
Plusieurs membres : Le comité général !
D'autres membres : Vous aurez la parole quand le comité sera formé.
Je demande que M. Henry-Lari-vière soit entendu avant que l'on statue sur le comité général.
J'observe à l'Assemblée qu'elle fait les fonctions de juré et que les fonctions de juré sont nécessairement publiques.
Plusieurs membres : Nous demandons la lecture de la liste de ceux qui demandaient le comité général.
Un autre membre : Je demande que cette liste soit imprimée.
Il faut connaître ceux qui veulent s'envelopper de l'obscurité. J'insiste pour que la liste soit lue.
Messieurs, ce n'est pas sans un grand étonnement, ce n'est pas sans une douleur profonde, que j'ai entendu demander le renvoi à deux de vos comités réunis, d'une
affaire qui, j'ose le dire, n'a que beaucoup trop sans doute occupé l'Assemblee nationale. Mais puisqu'enfin, Messieurs, Vous avez cru devoir agiter cette question malheureuse, il est de votre dignité et de votre patriotisme de ne pas désemparer sans la traiter à fond, afin que le temps que vous y emploierez, soit pris seulement sur notre repos et non pas sur le travail que nous devons au peuple et dont il a tant besoin dans les circonstances actuelles. (Applaudissements unanimes.)
Si l'Assemblée nationale prend mes observations en quelque considération, je demanderai qu'elle veuille bien me conserver la parole sur 1 objet principal et j'espère lui démontrer alors en moins de 6 minutes que l'affaire dont il s'agit est tout au plus susceptible de sa police correctionnelle. (Murmures à gauche. — Applaudissements à droite.)
Je demande qu'avant la discussion l'Assemblée rapporte son décret de ce matin par lequel elle renvoie au comité cette affaire.
(L'Assemblée, consultée, rapporte le décret portant renvoi et décrète, suivant la motion de M. Larivière, qu'elle terminera cette affaire sans désemparer.)
Avant que d'énoncer mon opinion je crois devoir exposer quelques réflexions préliminaires qui concilieront peut-être tous les esprits.
J'observe d'abord que cette affaire peut être considérée sous 3 points de vue généraux : ou comme un délit contre la sûrete générale de l'Etat, ou comme une atteinte portée à l'inviolabilité des représentants du peuple, ou comme une simple rixe susceptible de la police que l'Assemblée a droit d'exercer sur ses membres, ou même enfin, si l'on veut, comme un délit qui puisse retourner aux tribunaux.
Quant à la sûreté générale de l'Etat, je ne vois rien qui l'intéresse dans les faits qui se sont passés entre MM. Grangeneuve et Jouneau. Le récit qui en a été fait par l'intéressé lui-même, la réponse de M. Jouneau, les déclarations de plusieurs députés et les dépositions uniformes de tous les témoins qui ont été entendus sur ce point, tout s'accorde à démontrer que la rixe élevée entre nos 2 collègues, ne doit naissance qu'à une diversité d'opinions individuelles sur un objet tout à fait particulier, ainsi que je l'établirai tout de suite. ^ ,
J'ajoute, Messieurs, que notre inviolabilité n'a rien dé commun dans l'affaire. Il ne s'agit pas, en effet, d'une insulte faite par un étranger à un représentant du peuple, il ne s'agit pas d'un député poursuivi et attaqué par un citoyen hors du Corps législatif, mais bien d'une querelle entre 2 députés, qui, revêtus de la môme qualité, se confondent envers nous sous ce rapport. (Murmures à gauche.)
Je dis enfin que cette affaire ne peut être considérée comme .un crime, encore moins comme un assassinat, ainsi qujon n'a pas craint de le publier hautement par une dénonciation qui, répétée par les papiers publics, a déjà infesté tout Paris de cette horrible idée. (Applaudissements d'une grande partie de l'Assemblée.) A. quels signes, en effet, pourrait-on regarder M. Jouneau Comme un criminel, comme un assassin? Son intention et l'événement peuvent-ils annoncer un dessein prémédité d'en vouloir aux jours de M. Grangeneuve? Pour se convaincre du con-
traire il suffit de jeter un seul coup d'œil sur la scène scandaleuse qui nous occupe et d'examiner ce qui l'a fait naître. (Murmures à gauche et dans les tribunes.)
Plusieurs membres : Silence aux tribunes !
Ce ne sont pas des tribunes que nous avons à nous plaindre, mais des membres qui les provoquent. (Les murmures continuent.)
J'observe à l'Assemblée que m'étant impossible de tout dire dans une phrase, je serai forcé de terminer là mon opinion, si l'on m'arrête à chaque mot.
Je continue. Il paraît certain, d'après la réponse de M. Jouneau, qu'il n'était pas intimement lié à M. Grangeneuve; que souvent ils n'ont pas été d'accord dans leur manière de voir ; que cette espèce de rivalité d'opinions s'est renouvelée plusieurs fois et surtout, au comité des pétitions, relativement à l'affaire d'Arles. Qu'à cet égard, M. Jouneau ayant demandé à M. Grangeneuve ce qu'il en pensait, ce dernier lui avait tçnu des propos dont ils sont respectivement convenus et sur lesquels tous les témoins sont d'accord, et qu'en résultat de cette conversation, M. Jouneau se croyant offensé par M. Grangeneuve, lui a propose un rendez-vous au Bois de Boulogne. (Murmures à gauche.)
Ici, Messieurs, et au premier coup d'œil, j'avoue que M. Jouneau doit paraître coupable d'avoir conservé dans son cœur une naine contre M. Grangeneuve et le désir de la satisfaire; mais si l'on considère que M. Grangeneuve n?a pas cessé un seul instant, après la rixe, d'être en présence de M. Jouneau au comité ; que le ressentiment du moment était encore dans toute sa force ; alors on ne pourra pas qualifier de dessein prémédité, d'assassinat réfléchi, le coup de poing porté par M. Jouneau à M. Grangeneuve, surtout lorsque celui-ci continuait d'injurier son adversaire après avoir refusé dè se battre avec lui.
Si l'on réfléchit encore sur le lieu, lé temps et les circonstances, on sentira facilement combien est calomnieuse la scélératesse supposée à M. Jouneau. C'était, en effet, sur les 8 heures du soir, c'est-à-dire lorsqu'il fait jour encore; c'était en descendant du comité et dans l'enceinte de l'Assemblée nationale, au milieu de plusieurs députés, et non loin d'un café, où plusieurs personnes étaient réunies, que M. Jouneau s'est promis de provoquer en duel M. Grangeneuve, et de le frapper, n'ayant pour seule arme qu'une légère badine. D'après tous ces faits qui sont avérés, peut-on bien avoir la persuasion intime
Sue M. Jouneau ait réellement voulu assassiner
. Grangeneuve, et que pour exécuter cet horrible dessein, il eût choisi l'enceinte de l'Assemblée nationale? Loin de nous, Messieurs, une idée aussi affreuse qu'injuste.
Mais si M. Jouneau ne peut être considéré comme assassin, sa conduite n'en est pas moins répréhensible. 11 a commis une grande faute, il a fait un grand mal, en autorisant, pour ainsi dire, comme législateur, un préjugé barbare qu'il est dans tous nos cœurs de proscrire et d'anéantir. Il a fait revivre, en provoquant M. Grangeneuve en duel, cette exécrable folie de l'ancien régime, ce préjugé farouche qui, comme le dit Rousseau, met toutes les vertus à la pointe d'une épée. Il a dans cette circonstance violé tous les principes du véritable honneur et porté un coup mortel à la saine morale.
Et que l'on ne dise pas que ces principes su-
blimes en théorie soient impossibles à pratiquer. Tout le monde connaît la réponse d'un des plus braves généraux dont ait à se glorifier l'armée française, du fameux Turenne, qui provoqué en duel la veille d'un combat répondit a son adver-u saire : « Demain nous combattrons pour la patrie, tout notre sang doit être pour elle, nous verrons qui de vous ou de moi le répandra le plus volontiers. » L'histoire ajoute que l'agresseur prit la fuite à l'aspect de l'ennemi et que Turenne remporta la victoire. (Murmures à droite, applaudissements à gauche.)
J'ai cru, Messieurs, qu'il n'était pas indifférent de citer ces exemples à la tribune de l'Assemblée nationale et que c'était rendre service à l'humanité que d'opposer ainsi à la conduite d'un représentant du peuple, celle d'un général qui a mérité si bien de la patrie.
Je reproche donc à M. Jouneau une véritable lâcheté et je me plais à lui dire ici, que si son amour-propre a cru triompher un instant, M. Grangeneuve mérite seul les noms d'homme brave et de vrài citoyen pour avoir préféré se tenir au poste où le peuple l'a placé, plutôt que d'aller en champ clos s'escrimer comme un vil spadassin.
Et ne sommes-nous pas tous soldats de la patrie, ne combattons-nous pas à chaque instant pour ses plus chers intérêts? Mourons tous ici, s'il le faut, voilà le seul trépas qui nous convienne et qui puisse la servir.
J'ajoute que M. Jouneau a commis une autre lâcheté plus basse encore que la première, même en admettant le préjugé dont il paraît l'esclave ; c'est d'avoir bsé frapper M. Grangeneuve, après le refus du défi. Heureusement que cette voie de fait n'a produit aucune suite fâcheuse, et que nous sommes rassurés sur l'état de M. Grangeneuve. A cet égard mon cœur est satisfait. (Murmures à gauche.)
Je me résume et je dis en terminant mon opinion, que si la conduite de M. Jouneau est indigne d'un législateur, d'un représentant du peuple, la peine qu'il mérite doit cependant avoir des bornes.
Je vous ai prouvé, Messieurs, que cette conduite, quelque odieuse qu'elle soit d'ailleurs, repousse toute idée d'assassinat et de crime proprement dit. J'ai démontré pareillement que cette affaire ne blesse en rien l'inviolabilité des membres du Corps législatif. Ce ne peut donc être qu'un objet purement susceptible de votre police correctionnelle.
Je demande donc qu'en vous occupant uniquement dé cette mesure et mettant fin à une discussion qui nous a ravi un temps si précieux à la chose publique, et que nous trahirions en la négligeant^ plus longtemps, M. Jouneau soit envoyé à l'Abbaye pour y garder prison pendant 3 jours et que Fon passe sur tout le reste a l'ordre du jour. (Murmures à gauche et applaudissements à droite).
Je viens, Messieurs, menacé d'une grande défaveur; mais cédant à l'impulsion irrésistible d'une conscience supérieure à toutes les. considérations personnelles, vous parler le langage de la froide raison. Etonné de ce que plusieurs membres de cette Assemblée ont voulu vous faire regarderie fait dénoncé par M. Guadet ce matin, comme un délit ordinaire et non comme un attentat national, afin d'éluder un décret d'accusation que sollicite votre justice et le sentiment de votre dignité, je me suis dit : un
embaucheur qui ne ravit souvent qu'un mauvais citoyen à sa patrie, commet un attentat à la Constitution; un émigré, imperceptible dans la foule de nos ennemis, qui va se ranger sous les enseignes des tyrans, commet un attentat contre la Constitution, un juge v de paix qui lance un décret arbitraire contré un représentant du peuple, commet un attentat contre la Constitution ; celui qui porte atteinte à l'inviolabilité des législateurs, par un simple mandat d'amener, commet un attentat contre la Constitution, et, Messieurs, l'assassin d'un représentant du peuple
pas porté
sentant du peuple, quand on le verra assassiné et à moitié mort?
Certes, Messieurs, il est plus qu'évident, pour tous les nommes de bonne foi, que le plus grand attentat à l'inviolabilité des législateurs, le plus grand attentat contre la Constitution, est l'assassinat des représentants du peuple.
Cette vérité démontrée et sentie, il est question d'examiner si M. Jouneau est prévenu ou non de cet attentat, et s'il y a lieu ou non à accusation contre lui. C'est en suivant l'ordre des faits qui vous ont été présentés, que vous avez acquis la conviction la plus entière de l'assassinat commis par M. Jouneau sur la personne d'un des représentants du peuple. Et d'abord, Messieurs, vous vous rappelez qu'une simple division d'opinion sur l'affaire d'Arles a donné naissance à cette malheureuse affaire. M. Grangeneuve, d'accord avec la loi, ne voyait dans ceux qui avaient hérissé la ville d'Arles de canons et de forteresses que des traîtres à la patrie.
Plusieurs membres : Venez à la question.
A cet égard M. Grangeneuve, d'accord avec les patriotes, avec la loi, avait la douleur de voir M. Jouneau, par erreur sans doute, soutenir une opinion contraire à la sienne. Cette opposition avait occasionné entre ces 2 députés quelques débats dans le comité qui était chargé ae l'examen de tout ce qui est relatif à l'affaire d'Arles. M. Grangeneuve écoutant cette conviction intime qui s'indigne de la résistance de l'erreur comme de la mauvaise foi, s'est permis, peut-être, car cela n'est [pas prouvé (Murmures prolongés.) quelques termes injurieux contre
rendu compte. (Murmures.) D'après la déclaration des témoins, d'après les déclarations des députés, M. Jouneau, les injures de son collègue sur le cœur, a suivi les pas de M. Grangeneuve, qui les papiers sous le bras, aVec la sécurité de 1 innocence, se retirait du comité, M. Jouneau a suivi ses pas avec la même tranquillité qu'il avait entendu les injures dont il avait été blessé; (je dis avec la même tranquillité, car je ne partage pas le sentiment que la modération et le flegme apparent de M. Jouneau ont inspiré à un de nos collègues, comme il nous l'a ait ce matin; ce sang--froid, Messieurs, dans les circonstances où se trouvait M. Jouneau, a rempli mon âme d'horreur). M. Jouneau a suivi les pas de M. Grangeneuve, et l'abordant avec l'air de la fraternité, il lui a dit d'un ton paisible : « Grangeneuve, j'ai quelque chose à vous dire, tirons-nous à l'écart. » (Alors M. Grangeneuve était accompagné de 2 personnes). M. Grangeneuve ainsi invité, se retire à l'écart sans crainte comme sans défiance. M. Jouneau mettant au jour, et dévelop-
pant en peu de mots une détestable morale, au nom d'un honneur, qui, pour me servir des expressions de M. Lamarque, est l'honneur des héros de Coblentz, lui propose le duel, qui n'est jamais qu'un assassinat, et les législateurs de la France doivent proclamer hautement ce principe (Applaudissements des tribunes), et sur l'honorable refus qu'a fait un représentant du peuple, un citoyen honnête, un père de famille, M. Jouneau taxe son collègue de lâche. Là, votre indignation, Messieurs, a interrompu la narration de M. Jouneau, qui inspire les plus tristes. réflexions. Avant d'arriver aux faits subséquents prouvés par les dépositions des témoins, il est donc vrai, Messieurs, que les Français nourrissent encore cet affreux préjugé, cet orgueil sanguinaire, ce sentiment si féroce, qu'ils brûlent de laver dans le sang de leurs frères, de leurs concitoyens, de légères injures. Il est donc vrai qu'un représentant du peuple, oubliant son devoir, oubliant les devoirs de son caractère, a voulu sacrifier le véritable honneur, qui consiste à mourir pour son pays, l'humanité qui à horreur du sang, le peuple qui a besoin de ses intègres représentants. (Applaudissements des tribunes.)
Plusieurs membres : M. le Président, faites exécuter le décret.
Jè déclare que les tribunes n'applaudissent jamais de leur propre mouvement, qu'elles n'ont point de tort, et qu'on leur donne sans cesse le signal d'applaudir. (Applaudissements à gauche.)
Je demande formellement que le règlement que vous' avez fait soit déchiré,' puisque l'on voit les députés eux-mêmes l'enfreindre. (Applaudissements à droite.)
Je rappelle encore les tri- ^ bunes au respect qu'elles doivent à l'Assemblée.
Je déclare à l'Assemblée que je porte dans mon cœur les applaudissements des tribunes, mais applaudi ou hué, je dirai toujours la vérité. Il est donc vrai que le sang-froid affecté de cet homme tranquille et modéré lorsqu'il abordait M. Grangeneuve, était la dissimulation profpnde et la concentration d'une haine et d'une vengeance implacable. Il est donc vrai que les lois qui défendent le duel et détruisent les affreuses provocations au meurtre, ont été foulées aux pieds par M. Jouneau. Il est donc vrai qu'un légistateur en proie aux passions les plus vives, aux préj ugés les plus odieux de l'ancien régime, a dégradé son caractère, a porté une longue affliction dans le sein de l'Assemblée nationale, par un acte aussi destructif de l'ordre social, qu'odieux à la nature et à l'humanité. Je ne vous rappellerai pas, Messieurs, avec quelle sérénité barbare M. Jouneau est venu vous faire part de ce projet.
Plusieurs membres : Allonsdonc! (Bruit.)
Ce que j'ai dû vous dire, Messieurs, c'est que M. Jouneau n'a pu alléguer contre M. Grangeneuve que le reproche dè quel-, ques termes injurieux; c'est que M. Jouneau les a écoutés tranquillement au comité; c'est qu'il a suivi les pas de M. Grangeneuve au sortir du comité ; c'est qu'avant de partir du comité, ainsi qu'il résulte ae la déclaration de deux députés, il avait annoncé l'intention de provoquer au duel M. Grangeneuve; !c'est qu'il a abordé et tiré M. Grangeneuve à l'écart avec l'air dé la fraternité; c'est qu'il l'a traité de lâche, parce que
M. Grangeneuve se refusait à une infâme lâcheté : c'est qu'il a marqué par la perfidie, par un crime plus grand encore, sa disposition à l'assassiner. L'assassinat est prouvé par les deux dépositions uniformes de M. Barbaroux et d'un, autre député extraordinaire d'Arles. Ces deux témoins vous ont déposé que M. Jouneau, après avoir tiré à l'écart M. Grangeneuve une demi-minute, lui avait donné des soufflets, des coups de canne et l'avait terrassé et précipité sur un tas de pierres. Ainsi l'assassinat est prémédité, cet assassinat est un attentat contre la Constitution, puisqu'il a été commis sur un représentant du peuple déclaré inviolable par la Constitution. Et pour quelle cause, grand Dieu ! a-t-oh voulu ravir un honnête homme à la société, un représentant fidèle au peuple français, un père à ses enfants? Pour quelle cause a-t-on voulu couvrir de deuil la nation, l'Assemblée nationale, une famille respectable, tous les patriotes, pour se vengér de quelques légères injures?
Ou je m'abuse étrangement, Messieurs, ou le crime est atroce, ou l'impunité de ce crime serait un outrage sanglant à la philosophie, au peuple, à la Constitution. Ce n'est pas au nom de M. Grangeneuve que je.demande vengeance et justice. M. Grangeneuve a déjà pardonné, son âme grande et belle, comme celle de tous ceux qui aiment ardemment la liberté, son âme toute remplie de l'amour de son pays est inaccessible au sentiment de la haine; mais c'est au nom des lois, c'est au nom de la Constitution, c'est au nom du peuple, c'est en votre nom, Messieurs, que je demande vengeance et justice. Il m'en coûte de frapper ainsi un de mes collègues que je voudrais chérir et estimer ; il m'en coûte d'accuser un représentant de la nation; il m'en coûte, Messieurs, d'étouffer ce sentiment impérieux de la nature et de l'hu? manité qui Crie dans mon cœur : pardonnez ! (Rires à gauche.) Mais impassible comme la loi, je ne suis, je ne puis et ne dois être, ainsi que vous, que législateur.
Un membre : Je demande que la discussion soit fermée après cette belle horreur.
Je demande la parole contre la clôture de la discussion. Je soutiens que la question n'a pas encore ,été envisagée sous son véritable rapport.
Pusieurs membres : Nous connaissons l'affaire.
Il n'est nullement ici question de suivre l'affaire dans ses divers détails; dans toutes les circonstances qui ont accompagné et suivi le délit dont M, Jouneau est prévenu ; il s'agit uniquement de savoir si ce délit est un délit national, et si l'Assemblée nationale n'est pas compétente seule pour se rendre accusatrice. Remarquez bien, Messieurs, qu'il ne s'agit point ici de savoir si M. Grangeneuve doit ou non obtenir réparation devant les tribunaux; sans contredit, je crois qu'il ne reste pas là-dessus le moindre doute dans aucun esprit. Si la procédure avait été instruite par un juge, et qu'elle Vous fût apportée pour délibérer si! y a lieu à accusation contre M. Jouneau, vous ne Vous dispenseriez certainement pas dé déclarer qu'il y a lieu à poursuivre l'accusation. On ne sent pas assez, ce me semble, la diffférence qu'il y a entre l'hypothèse dont je parle, et celle dont l'Assemblée nationale a à s'occuper dans ce moment. L'Assemblée nationale n'a pas à s'occuper de là question de savoir s'il y a lieu ou non à accusation contre M. Jouneau, pour la poursuite en
être faite devant les tribunaux; mais bien si ce n'est pas elle seule qui est compétente pour se rendre accusatrice. Or, je dis que la question n'a point été traitée sous ce point de vue. Je demande donc que la discussion soit continuée, et si, dans le nombre des orateurs inscrits avant moi, il n'y en a aucun qui se soit proposé de présenter la question sous ce point de vue, alors je prendrai la parole.
M Henry-Larivière a répondu à cela.
Plusieurs membres : Nous demandons la clôture de la discussion.
(L'Assemblée, consultée, décrète la clôture de la discussion.)
Un membre : Je demande la priorité pour la motion de M. Henry-Larivière.
Je demande, au contraire, qu'il soit voté des remerciements... (Bruit.)
Je demande que l'Assemblée décrète qu'il est permis à M. Grangeneuve.. . (Bruit.)
(L'Assemblée, consultée, accorde la priorité à la motion de M. Henry-Larivière.)
Plusieurs membres : L'appel nominal l
Un grand nombre de membres réclament. (Bruit.)
Je demande au nom de la patrie, et nous demandons tous l'appel nominal, ou bien je déclare que pour 3 jours d'Abbaye je donnerai des coups de bâton.
Monsieur le Président, maintenez le décret contre une minorité turbulente.
Nous voulons nous décharger de ce décret-là, et nous demandons l'appel nominal.
Un membre: J'observe à l'Assemblée,,d'après son règlement, qu'on ne fait l'appel nominal que lorsqu'il y a du doute ; or, il n'y a pas de doute.
Un membre : Il faut que M. le Président mette aux voix le décret.
L'intention de l'Assemblée n'est pas sans doute [d'interdire à M. Grangeneuve le droit de poursuivre M. Jouneau?
Plusieurs membres : Non! non!
D'autres membres : Cela ne nous regarde pas.
Vous ne l'avez pas voulu ce matin.
Je propose un amendement à la proposition faite d'envoyer M. Jouneau à l'Abbaye, c'est d'ajouter : sans rien préjudicier au droit que peut avoir M. Grangeneuve de poursuivre M. Joûneaupar-deyant les tribunaux. (Murmures à droite.)
Plusieurs membres s'avancent au bureau et parlent confusément à M. le Président.
D'autres membres : Couvrez-vous, Monsieur le Président, pour mettre le calme dans l'Assemblée.
Un membre : Il faut consacrer cette horreur par appel nominal.
Je demande comment la majorité de l'Assemblée ne fait pas la loi lorsque la minorité est là. (Montrant la gauche.)
On demande l'appel nominal : je représenterai à l'Assemblée que, dans la pareille circonstance, d'après un décret rendu à une très grande majorité, M. Guadet lui-même, à cette tribune, vous observa que si on introduisait dans l'Assemblée un pareil abus, ce serait admettre, d'une manière indirecte, les pro-
testations. Je demande donc à M. Guadet lui-même de m'appuyer pour repousser la demande de l'appel nominal.
On veut fatiguer l'Assemblée et enlever le décret.
Il n'e»t aucun membre, dans cette Assemblée, qui ne se rappelle que l'appel nominal est réclamé lorsque l'épreuve est douteuse.
Plusieurs membres : ï n'y a pas dé doute.
Jlfrterpelle la religion de M. le Président de dire si l'on n'a pas demandé l'appel nominal aussitôt l'épreuve faite, et voici le motif : c'est qu'il y * beaucoup de pétitionnaires, et qu'il y a du doute.
Un membre, cultivateur. Je demande que l'Assemblée prenne Se caractère imposant qui lui convient; qu'elle impose silence aux factieux, et qu'elle envoye à 1 Abbaye ceux qui ne voudront pas se soumettre à sa volonté, et faire leur devoir.
On. vous a dit à cette tribune...
et plusieurs membres s'approchent du bureau et demandent à grands cris l'appel nominal.
La preuve qué l'épreuve n'est pas douteuse, est que ces Messieurs ne sont que quarante tout au plus au bureau.
gesticulent avec force en frappant sur la table.
fait de grands gestes eh l'air qu'il accompagne de quelques élans de voix.
(L'Assemblée n'est pas dérangée par le groupe qui va du bureau à î'e«trémité de la salle, retourne de l'extrémité au bureau sans se grossir, et après avoir été raillé deux fois dans cette marche par M. Saladin, revient en criant toujours plus haut à l'appel nominal. (Vifs applaudissements des tribunes.) .
se couvre.
(Peu à peu le calme se rétablit.)
Je sais, que mon devoir est dé faire eri tout la volonté de l'Assemblée. Quand j'ai prononcé la priorité du décret proposé par M. Henry-Larivière, je l'ai fait d'après mon sentiment interne et l'avis unanime de tous les secrétaires et nominal. Je dois dire que l'appel prescrit par le règlement qu'en cas de doute.
Certes, il n'y a point de doute sur la priorité ; mais on réclame rappel nominal sur le fond, et l'Assemblée a bien le droit de voter de cette manière.
Comme la mesure proposée par M. Ducos est inusitée, je vais consulter l'Assemblée.
Plusieurs membres : Non ! non !
J'observe que je connais la vérité. Je vais la dire, j'ai voté contre la priorité, mais je suis juste, il n'y a pas eu de doute.
Il s'agit de savoir si on fera ou si l'on ne fera pas l'appel nominal. Je dis que vous ne voulez pas sans doute faire du temple de la loi une arène de gladiateurs. Vous seriez fâchés que la nation, qui nous a honorés de sa confiance, vit que dans des délibérations aussi importantes, où nous avons besoin d'apporter une aussi grande sagesse, un calme silient interne et i avis unanime ae tous les se-étaires; c'est parce que la majorité leur a paru m'a paru très évidente; l'on réclame l'appel jminal. Je dois dire que l'appel nominal n'est
parfait, nous ne puissions arriver au terme de ses délibérations qu'au milieu du désordre et du tumulte, c'est pour y mettre fin, Messieurs, que je propose une réflexion à l'Assemblée. Ceux qui s'opposent à l'appel nominal,, disent qu'aux termes du règlement l'appel nominal ne doit avoir lieu que dans le seul cas, cas où il y a du doute sur la première épreuvei. Mais à cela on répond que l'appel nominatif n'est pas réclamé parce qu'il a paru du doute à la première épreuve, mais parce que plusieurs personnes assurent souvent qu'il y a des étrangers dans la salle. (Murmures.) G"est votre intention ici, c'est que la majorité prononce le décret. Et quel est le meilleur moyen pour n'avoir aucun doute sur la délibération de l'Assemblée? c'est l'appel nominal.
Avant tout, il faut être de bonne foi. Ce n'est qu'après une demi-heure de tumulte que nous entendons distinctement fonder la réclamation d'un appel nominal sur de prétendus pétitionnaires qui ont pu se lever. La vérité est qu'on vous le demande cet appel comme une forme de protestation. (Murmures à gauche.) La vérité est qu'on vous le demande pour motiver ces listes dont les pervers ont fait un si affreux usage. (Murmures.)
Quel que ce soit le motif sur lequel on demande l'appel nominal, il faut que l'Assemblée le décide.
Je m'oppose à cette innovation. On parle souvent de projets d'avilir l'Assemblée. Eh bien! je demande si rien peut avilir davantage l'Assemblée, que de montrer qu'elle ne peut pas être obéie par 40 de ses membres. (Murmures.) Monsieur le Président, faites votre devoir; que les membres qui n'obéissent pas au président de l'Assemblée..... (Murmures.)
continue de parler dans le tumulte.
Nous ne sommes divisés que parce que nous ne nous entendons pas. Expliquons-nous, et voyons si après nous serons d'accord. A une époque où M. le Président et le bureau pensaient qu'il n'y avait point de doute, on demanda l'appel nommai, et il fut décrété que l'Assemblée serait consultée pour savoir si 1 on ferait ou non l'appel nominal.
Je vais proposer un amendement qui me paraît de toute justice...
Plusieurs membres : La discussion est fermée.
.. et qui je pense accordera l'Assemblée. Un député peut commettre des délits de deux espèces ; il peut commettre un délit particulier, comme il peut commettre un délit national; dans l'un comme dans l'autre cas, ce député ne peut être mis en état d'accusation par le juré ordinaire ; dans le cas du délit ordinaire, il peut être arrêté en vertu d'un mandat d'arrêt décerné par le juge de paix, qui doit alors en donner connaissance au Corps législatif, et c'est au Corps législatif à statuer sur la procédure régulièrement faite, s'il y a lieu ou non à accusation. Voilà les principes.
A présent, Messieurs, je ne considère pas dans ce moment la nature du délit qu'a commis M. Jouneau, il me suffit de penser que la procédure ne ^e trouve pas dans le cas où elle doit être pour être présentée au Corps législatif. Il me suffit de penser que la nature du délit n'est pas assez caractérisée pour que l'Assemblée
puisse prendre une mesure définitive et décisive sur cette affaire-là. (Murmures.)
Plusieurs membres: La discussion est fermée.
D'un côté, Messieurs, il vous a été fait une dénonciation grave; vous devez à votre justice de prendre des mesures gui ne compromettent pas la dignité du Corps législatif. La mesure que j'indique est de ne pas laisser croire au public que 3 jours de prison pourraient effacer le délit de M. Jouneau; et j'ajoute que, dans la circonstance où se trouve l'Assemblée nationale, elle doit se contenter à présent de la mesure de police, c'est-à-dire d'envoyer, pendant 3 jours, M. Jouneau à l'Abbaye; mais elle doit formellement déclarer que c'est sans préjudicier sur toutes les actions qui pourraient être présentées contre lui.
Plusieurs membres : Oui, oui! Aux voix l'amendement !
J'appuie la proposition de M. Lagrévol. Vous ne devez pas perdre de vue que nul juge ne peut connaître de ce délit, à moins que vous n'en donniez le mandat spécial. (Murmures.)
(L'Assemblée, consultée, ferme la discussion sur l'amendement de M. Gohier.)
Je propose la rédaction suivante :
« L'Assemblée nationale décrète que M. Jouneau ira 3 jours à l'Abbaye, et délègue à un tel...., juge ae paix. »
Plusieurs membres : La question préalable !
Je demande à empêcher la violation de la Constitution. (Murmures.)
J'appuie l'amendement, et je demande à y ajouter un mot qui est de toute justice.
J'envisageai deux branches d'actions qui peuvent poursuivre le délit. L'action de M. Grangeneuve etl'action du ministère public. Dès l'instant que vous vous êtes occupés de l'affaire, il pourrait arriver que l'accusateur public crût que l'affaire n'est plus de sa compétence, parce que l'Assemblée s'en serait occupée. Il pourrait croire encore que, le délit ayant été commis dans l'enceinte de l'Assemblée, il ne pourrait pas en connaître. Je propose donc de rédiger l'amendement en ces termes : sans préjudicier aux actions etfïoursuites qui pourront être exercées devant es tribunaux. (Murmures à gauche.)
(L'Assemblée, consultée, décrète la motion de M. Henry-Larivière avec l'amendement de M. Gohier.)
La droite de l'Assemblée ne prend pas part à la délibération.
C'est l'assassinat de M. Jouneau que vous venez de décréter. Suit le texte du décret rendu :
« L'Assemblée nationale décrète que M. Jouneau se rendra à l'Abbaye et y gardera prison pendant 3 jours, sans préjudice des actions et poursuites qui pourront être exercées devant les tribunaux. »
(La séance est levée à deux heures et demie du matin.)
Séance du
PRÉSIDENGE DE M. FRANÇAIS (DE NANTES), président, ET DE M. TARDIVEAU, ex-président.
PRÉSIDENGE DE M. FRANÇAIS (DE NANTES).
La séance est ouverte à neuf heures.
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre de M. Mourgues, ministre de l'Intérieur, qui, en vertu du décret du 8 juin 1792, rend compte des difficultés qu'éprouve l'organisation de la garde nationale ae Langres. Ce ministre annonce que deux compagnies se sont opposées à l'admission du serment des .pfficiers du troisième bataillon, qu'elles accusent d'incivisme, et que 320 citoyens ont demandé que, non seulement la proclamation de ces officiers fût suspendue, mais qu'ils fussent remplacés.
(L'Assemblée renvoie cette lettre aux comités militaire et de surveillance réunis.)
M. Palloy, architecte-entrepreneur, est admis à la barre (1).
Il prie l'Assemblée d'ordonner à son comité d'instruction publique de lui faire le rapport dont il est chargé pour l'érection d'un monument national sur 1 emplacement de la Bastille. Il en présente le plan et le modèle en relief, qui consiste en une colonne surmontée de la statue de la liberté. (Applaudissements.)
accorde à M. Palloy les honneurs de la séance.
(L'Assemblée renvoie ce plan et ce modèle au comité d'instruction publique et en décrète la mention honorable au procès-verbal.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture de plusieurs lettres dans lesquelles M. Suret, capitaine au bataillon de Saint-Jacques, et trois autres citoyens rétractent leurs signatures apposées sur la pétition des huit mille et réclament, avec énergie, contre là surprise qui leur a été faite par la duplicité, l'instigation et la mauvaise foi de quelques membres de l'état-major des gardes nationales de Paris.
Une de ces lettres, émanant d'un citoyen manufacturier de Paris, annonce que l'on a fait signer tous ses ouvriers, qui ne font aucun service dans la garde nationale. (Applaudissements des tribunes à gauche.)
(L'Assemblée renvoie ces lettres aux comités de surveillance et de législation réunis.)
Messieurs, le régime féodal est aboli, et cependant les ci-devant seigneurs s'arrogent
encore quelques-uns des droits qui y tiennent de plus près. Ces usurpations prennent leur
origine dans l'imperfection de votre Code féodal, que vous ne pouvez trop vous hâter de
compléter. Groiriez-vous que, dans plusieurs endroits, ces ci-devant seigneurs usent encore
du droit exclusif de la pêche le long des rivières qui traversent leurs ci-devant
seigneuries, que M. Bourbon-Penthièvre, par exemple, vient d'affermer très récemment le droit
de pêche sur la rivière d'Eure, dans le cours qu'elle
(L'Assemblée décrète que le rapport du comité des domaines, sur cet objet, sera fait à la séance du soir.).
(de Lauterbourg), au nom du comité de L'ordinaire des finances, fait la seconde lecture (1) d'un projet de décret relatif à la taxe des lettres aux armées de France sur le territoire étranger; il s'exprime ainsi :
Messieurs, l'ancien directoire des postes a proposé l'alternative de faire jouir de l'exemption de toute augmentation de taxe les braves soldats combattant hors du royaume ou de les augmenter de 3 sols par lettre en sus de la taxe jusqu'à la dernière ville frontière. Le comité avait pris une taxe moyenne en portant cette augmentation à 2 sois. Le ministre des contributions publiques, par une lettre du 6 juin 1792 au président du comité, a pressé le comité de faire décréter cet objet ; il a mandé que le nouveau directoire des postes était d'avis que la taxe pouvait être modérée à 2 sols, ainsi que l'avait pensé le comité.
Plusieurs membres de l'Assemblée paraissent pencher pour l'exemption de l'augmentation; je suis pleinement dé leur avis, s'ils croient que cela peut se concilier avec les intérêts du Trésor public.
Voici le projet de décret :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu son comité de l'ordinaire des finances sur la taxe à laquelle devront être assujetties les lettres pour l'armée au delà des frontières, décrète ce qui suit :
« Les lettres adressées aux armées seront taxées conformément au tarif de 1791, jusqu'à la dernière ville frontière, et il sera ajouté 2 sous en sus de la taxe pour le transport de la ville frontière aux armées, lorsqu'elles seront sur territoire étranger. »
(L'Assemblée ajourne à huitaine la troisième lecture.)
Dans les premiers moments où l'impôt se place sur les fonds, un événement aussi malheureux
qu'étendu a frappé de stérilité la partie de ces fonds où l'industrie est réunie au produit
territorial : la gelée a anéanti les récoltes dans les départements composés des an-
(L'Assemblée renvoie cette motion au comité des contributions publiques.)
, secrétaire, annonce lês dons patriotiques suivants :
1° Le sieur Racine, visiteur de la douane nationale à Calais, promet de payer 56 livres par an, pendant la guerre, et envoie cette somme en assignats.
2° Le sieur Tirgat, citoyen de Paris, offre, pour don patriotique, la moitié de la somme qu'il réclame de la nation et un billet de la loterie royale de France, tirage du 16 juin, pour 36 sols sur ambe déterminé aux numéros 14, 70, 88, 71, 10. -Ce billet., dit le donateur, pourrait gagner 9,300 livres. (Rires.)
3° Les amis de la Constitution de Cholet envoient un assignat de 203 livres, qui a été fourni par le sieur Héraut.
La société des amis de la Constitution de Rennes m'a chargé de déposer sur le bureau son offrande additionnelle : elle est de 170 livres, en assignats, de 24 livres en or, et de 3 onces 7 gros d'argent.
(L'Assemblée accepte les offrandes avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal dont un extrait sera remis aux donateurs.)
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du 14 juin 1792.
Messieurs, je demande le rapport du décret rendu sur les droits féodaux casuels, qui exigent des preuves par titres primitifs, attendu qu'il a été surpris à l'Assemblée et qu'il est inconstitutionnel. (Murmures à gauche.)
J'observe que ce décret n'a pas été surpris à l'Assemblée. Il est bien vrai que l'Assemblée avait d'abord décidé qu'il y avait lieu à délibérer sur l'amendement ae M. Dumolard, ayant pour objet de faire suppléer le titre primitif par trois reconnaissances énonciatives de ce titre; mais la discussion a été rouverte sur le fond de cet amendement. Il a été démontré que ces reconnaissances ne pouvaient faire foi, puisqu'elles ne sont que l'ou-
vrage des seigneurs ou des officiers de justice payeS par eux ; c'est donc par le résultat d'une discussion nouvelle, que l'opinion de l'Assemblée s'est trouvée changée, et que l'amendement sur lequel on avait d'abord décidé qu'il y avait lieu à délibérer, a été rejeté; d'après cela, le demande éu'il soit fait une mention formelle de cette discussion dans le procès-verbal, et que l'on n'ait aucun égard à la motion de M. Mathieu.
(L'Assemblée ne statue pas.) Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres, adresses, pétitions et délibérations suivantes :
1° Une adresse d'un grand nombre ds citoyens de Blois, qui dénoncent la proclamation du roi, relative à la garde licenciée et demandent un déeret d'accusation contre le sieur d'Hervilly, qui a contresigné cette proclamation. Cette adresse est ainsi conçue (1) :
Blois, le
Législateurs,
« Elle est bien inconcevable pour les amis de la liberté cette proclamation datée du 1er de ce mois et signée d'Hervilly, par laquelle on voudrait faire. croire que le rpi regrette la garde incivique et inconstitutionnelle que la loi su- f>reme du salut de l'Etat vous a commandé de icencierl 11 es^ bien criminel celui qui, n'osant dire ou vertement fruè vous avez commis une injustice, voudrait persuader à lâ France que le roi couvre de son estime ceux que la voix du souverain condamne, et que le premier de nos agents n'a pour amis que des conspirateurs. Nous ne l'accusons point ici, nous ne voyons encore qu'un coupable; c'est celui qui a osé signer une pareille proclamation; lui que la loi doit saisir; le temps et les informations nous apprendrons le reste.
« Quoi, on donne des éloges à ceux que leur conduite vous a forcés de chasser honteusement ; on assure des récompenses à ceux que votre indulgence seule a pu soustraire au châtiment; on donne des congés une troupe de traîtres qu'un décret solennel a dégradés de l'état de soldat ! On assure des logements dans une maison nationale à des ennemis déclarés de notre Constitution jusqu'à ce qu'on ait fait connaître des intentions ultérieures, et, ce qui est le comble de l'infamie, on regrette de ne pouvoir améliorer leur sort, de ne pouvoir leur prouver d'une manière plus éclatante la satisfaction qu'on a de leurs services signalés!
« Eh, pourrait-on dire après la lecture de cette proclamation, quelle nature de services faut-il donc pour mériter les faveurs du château?
« Législateurs, cette pièce étrange dit clairement qu'on attend toujours la
cpntre-révolution, et qu'ij est intéressant de s'attacher plus que {'amais, de se conserver
précieusement ae pareils lommes pour le moment héurqux où elle arrivera. L'indignation nous
suffoque. Défenséurs de nos droits, nous attendons de votre sollicitude et de votre justice
due votys décrétiez d'accusation d'Hervilly qui a signé eette criminelle proclamation. Nous
vous en prions instamment. Ou contrarie vos mesures les plus sages, on voudrait à toute force,
en jetant de la oéiaveur sur les lois que vous dictez, vous déprimer dans
(Suivent les signatures,)
(L'Assemblée renvoie cette adresse aux comités de surveillance et de législation réunis.)
2. Une lettre du directoire du département du Var, qui adresse à l'Assemblée deux pétitions des citoyens de la Seyne et de Toulon, où on annonce que 500 citoyens de ce département se sont inscrits pour venir à Paris concourir à la formation du camp de 20,000 hommes décrété par l'Assem? blée nationale. (Applaudissements.) Suit le texte des deux pétitions :
« A Messieurs les membres du directoire du département du Var.
« A Toulon,"le
« Administrateurs,
« Les citoyens actifs de Toulon, soussignés, légalement assemblés dans l'église des ci-devant Recollets, viennent vous faire part de leurs sollicitudes sur les dangers que court la patrie. Elle est menacée de toutes parts; vous savez que des ennemis considérables l'ont déjà attaquée au dehors, et que des monstres l'attaquent en même temps dans l'intérieur; de perfides Français, ennemis déclarés de la Constitution et de l'égalité, se rassemblent en nombre effrayant dans la capitale, et dans les villes importantes de l'Empire. Paris est menacé d'une explosion très prochaine; on assure qu'un projet destructeur va bientôt s'effectuer dans cette superbe cité, et que l'on forcera l'Assemblée nationale à transiger avec les princes français, ou qu'elle sera dis-Soute.
« Administrateurs, le péril est imminent, le temps pressé, et nous ne voyons, pour parer à cette fatale catastrophe, qu'un seul moyen ; il dépend de vous seuls, vous seuls pouvez le mettre à exécution, et nous espérons que l'amour de la patrie, qui doit vous animer, que l'amour de la liberté, qui doit échauffer vos cœurs, vous feront acquiescer à notre projet, qui seul peut sauver la France et la Constitution : c'est d'envoyer à Paris 500 gardes nationaux bien armés et bien patriotes, en écrivant préalablement à tous les départements de fournir le même contingent, ce ^ui formera une arhiéè redoutable qui volera se rallier autour de l'Assemblée nationale, et la défendra contre toutes les atteintes que l'on projette de lui porter.
« Cette armée citoyenne détruira, dans son voyage, toutes les coalitions contre-révolutionnaires, fera taire tous les factieux, mettra, à la raison tous les intrigants et forcera au silence tout ce qui s'est montré aristocrate depuis la Révolution.
Cette pétition est signée par 232 citoyens. Ensuite est écrit : ;
« Vu la pétition ci-dessus, et ouï M. le proCu-reur-syndic, le directoire du district donnant au Zèledes pétitionnaires lesjustesapplaudissenients qui lui sont dûs, remarquant, avec pltyS Y^vç satisfaction, dans leur demande, des preuves
bien consolantes de l'attachement que les citoyens de Toulon ont voué à la Constitution;
« Estime que ce secours de 500 gardes nationales doit être sans délai proposé à l'Assemblée nationale, et qu à cet effet la pétition ci-dessus doit lui être incessamment adressée par le directoire du département.
« Délibéré au directoire du district de Toulon le 27 mai 1792, l'an IVe de la liberté.
« Signé : MarteLU-CiïANTARD, président ;Marvqier, Lenesle jeune, procureur-syndic.
« Vu l'avis du directoire du district et la pétition y mentionnée;
« Le directoire du département, ouï M,. M procureur général syndic, considérant que* suivant l'article 19 de la loi du 3 aotit 1791, relative à la farce publique, il ne peut être fait de réquisition aux gardes nationales par un département à l'égard çnjn autre département, si çe n'est en vertu d'un décret du Corps législatif, sanctionné par le rot ;
« Arrête qu'en donnant au patriotisme de? pétitionnai rés les éloges dus à leur zèle, et aux sentiments dont ils sont animés pour le maintien de la Constitution, leur pétition sera incessamment adressee à l'Assemblée nationale, qui sera suppliée de la preudre en considération.
« Fait au directoire du département du Var, à Toulon, le 4 juiu 1792, l'an IVe de la liberté-
« Signé : PERRIN, Ruçjl, Ma11^, Gjjizql, Segond, GAZAN, procureur général syndic. »
« La Seyne, le
« Les citoyens de La Seyne aux administrateurs du directoire du département du Var.
« Messieurs,
« Confiant dans vos principes, comme dans l'esprit pur de la liberté qui vous anime, nous venons vous faire part de l'objet important de nos sollicitudes.
« Il est constant qu'un rassemblement tumultueux des partisans du despotisme accroît tous les jours la population de la capitale, et nous croyons, avec la plus grande partie des Français, qu'ils n'y vont que pour tâcher d'ébranler les bases de la Constitution, et pour faire triompher leur cause aussi vile et méprisable qu'injuste.
« Nous estimons, Messieurs, que le département du Var devrait envoyer â Paris 51K) patriotes reconnus, qui feraient à tous égards le plqs ferme appui des droits sacrés de l'homme et de la liberté du citoyen.
Croyez que cet exemple, aussi utile que désiré, ne laisserait pas que d'être suivi par tous lesaqtres départements ue la France, qui pensent, comme nous, que là force des patriotes réside dans celle des amis de la Constitution qui entourent nos législateurs.
Veuillez, Messieurs, prendre en considération la demande que nous avons l'honneur de vous Sâire, et sachefe que dè votre délibération, dépend, pour ainsi dire^ le bonheur de 25 millions d'hommes-
« Lçs citoyens de 14 Seyne légalement assembles. >>
Cette pétition est signée de 134 citoyens.
Ensuite est écrit :
« Vu la pétition des citoyens actifs de La Seyne, tendant à ce que le directoire du département envoie à Paris 500 gardes nationales;
« Le directoire du district, ouï le procureur-syndic, donnant au zèle des pétitionnaires les justes applaudissements qui lui sont dus, remarquant, avec la plus vive satisfaction, dans leur demande, des preuves bien consolantes de l'attachement que les citoyens de La Seyne ont voué à la Constitution;
« Estime que le secours de 500 gardes nationales doit être, sans délai, propose à TAssem-blée nationale, et qu'à cet effet, la pétitfôn çi-dessus doit lui être incessamment adressée par le directoire du département.
« Délibéré au directoire du district de Toulon, le 29 mai 1792, l'an ÎV* de là liberté,-
« Signé: Marvoier, Louis Fauckier, Lautier ; Leneslb jaune, procureur-syndic1«
« Vu l'avis du. directoire du district ci-dessus^ et la pétitçru y mentionnée ;
« Le directoire du département, ouï M. le procureur général syndic, considérant que, suivant l'article 19 de la loi du 3 août 1791, relative à la forcé publique, il ne peut être fait de réquisition aux gardes nationales par un département à l'égard d'un autre département, si çe n'est en vertu d'un décret du Corps législatif, sanctionné par le roi :
« Arrête qu'en donnant e,u patriptisme des pétitionnaires les éloges dûs à, leur zèle, et aux sentiments dont ils sont animés pour, le maintien de la Constitution, leur pétition sera incessamment adressée à l'Assemblée nationale, qui sera suppliée de la prendre en considération.
« Fait au directoire du département du Var, à Toulon, le 4 juin 1792, l'an IVe de la liberté.
« Signé : GUERIN, SEGOND, MAURE, RUEL, GlJlZQL; GaZAN, procureur général. syndic. »
(L'Assemblée décrète la mention honorable et l'insertion de ces deux pétitions au procès-verbal.)
3° Délibération du conseil général de la commune d'Agde, qui annonce que tous les cjtovens de leur ville, se dévouant à la défense de la Constitution et de là liberté, demandent qu'Agde Soit déclaré poste militaire et demandent des armes.
(L'Assemblée décrète la mention honorable et le reuvoi de cette délibération au comité militaire.)
4° Pétition d'un citoyen, qui demande que, par un décret, il soit ordonné d'inscrire, sur des registres publics, déposés dans les archives de 1 Assemblée nationale, les noms, lieux de naissance, numéros, divisions, bataillons et régiments de tous ceux qui seront blessés ét qui pourront perdre la vie, dans les combats, pour la défense de la patrie.
(L'Assemblée renvoie cette pétition âû comité d'instruction publique.)
5° Délibération du département de l'Jiine, pour solliciter un décret sur les mesure? à predare par les corps administratifs, pôur poÛrVOif au remplacement, dans 'les circonstances où les membrés du conseil général du département
refusent de remplir les places vacantes par démission ou autrement.
(L'Assemblée renvoie cette délibération au comité de division, pour en faire incessamment son rapport.)
6° Pétition de 60 citoyens-soldats engagés dans le 32e régiment, qui exposent que plusieurs régiments sont portés au delà du complet et que les 4 compagnies détachées à Blois présentent .un excédent de plus de 200 individus, et demandent à être admis à servir dans lé bataillon de Loir-et-Cher.
Un membre : Je demande que cette pétition soit renvoyée ou au comité chargé de l'examen du rapport de M. Dumouriez, ou au pouvoir exécutif, pour lui montrer jusqu'à quel point ses amis le trompent sur le prétendu non-recrutement de l'armée.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité des Douze, chargé de l'examen du compte des ministres.)
Quatre citoyens du département de la Vendée sont admis à la barre, il viennent protester de leur patriotisme, offrir leurs bras pour la défense de ia liberté et déposer sur le bureau une offrande à la patrie.
leur accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée accepte cette offrande avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal dont un extrait sera remis aux donateurs.)
Plusieurs gardes nationaux, membres de la ci-devant garde du roi, sont admis à la barre. Ils demandent à servir aux frontières.
leur accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée décrète la mention honorable et le renvoi de leur pétition au comité militaire.)
Plusieurs citoyens de Saint-Germain-en-Lyye sont admis à la barre. Ils réclament contre l'exclusion de l'assemb.ëe des citoyens-soldats qui demain doivent nommer leurs officiers.
leur accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée renvoie leur pétition au comité militaire.)
Un membre : Je propose'de surseoir les élections.
D'autres membres : L'ordre du jour ! (L'Assemblée passe à l'ordre du jour.) " Le maire de la ville d'Auxerre et son fils sont admis à la barre. Ils déposent sur le bureau, tant en leur nom qu'en celui des amis de la Constitution, des administrateurs du district et des préposés au droit d'enregistrement, un don patriotique de 2,025 livres en assignats; 391 livres, 7 sols, en espèces; 3 à 4 onces en argent, estimées 24 livres. Ce maire demande, en outre, que l'Assemblée décrète que la Trésorerie nationale payera à la municipalité d'Auxerre, le seizième qui lui est dû dans la vente des domaines nationaux, afin de pourvoir aux besoins de cette commune.
Un membre: Je demande à convertir cette pétition en motion.
(LAssemblée renvoie cette pétition àu comité de l'extraordinaire des] finances, pour faire incessamment son rapport, puis elle accepte avec
les plus vifs applaudissements l'offrande qui lui est faite et en décrète la mention honorable au procès-verbal dont un extrait sera remis aux donateurs.)
Messieurs, je vous propose un article additionnel au décret que vous avez rendu le 14 juin. 1792, sur quelques faveurs à accorder à la main-d'œuvre nationale. (1) Je demande que les cotons filés en Suisse, pour être ensuite travaillés à la manufacture de Tarare, dans la ci-devant province du Lyonnais, puissent être introduits en France, moyennant un certain droit. Mon article additionnel pour^ rait devenir l'article IV du décret. Il est ainsi conçu : « Les fabricants de mousselines à Tarare, département du Rhône-et-Loire, sont autorisés à envoyer en Suisse, pour une fois seulement, une quantité de 20 milliers pesant de coton en laine des colonies françaises d'Amérique, à la charge de donner leur sounçiission, de rapporter le produit dudit coton en fil, qui soit au moins du numéro 50, et de payer 30 livres, par quintal, pour droit de sortie et pareille somme de 30 livres, par quintal, pour droit d'entrée. »
(L'Assemblée décrète l'urgence et adopte l'article additionnel de M. Lemontey.)
Messieurs, le 14 juillet approche, nous touchons à la fête de la Fédération; toutes les sociétés en établissant des fêtes ont aussi établi la manière et le mode légal de les solen-niser. Cependant il y a 3 ans que nous célébrons la fête de la Fédération, et il n'y a encore rien de fixé, rien de statué, rien de déterminé légalement à cet égard. On dit au peuple, vous célébrerez telle fête, tel jour demeurera à jamais consacré pour vous, la loi vous prescrit de le solenniser ; mais le comment, le rite, la liturgique, le cérémonial de cette célébration, de cette solennité, il manque. De sorte que ce même peuple, avec tout son patriotisme, son respect, son dévouement pour la loi, se trouve embarrassé dans la manière d'obéir et ne sait comment s'y prendre et à quoi s'en tenir pour l'exécution. Il est temps, Messieurs, de délivrer de cette incertitude toutes les localités, toutes les municipalités de l'Empire; il est temps, si vous voulez que cette fête, l'anniversaire de notre naissance civique, de notre liberté; que cette fête, la commémoration de la chute de nos fers et l'effroi des despotes, subsiste et se soutienne; il est temps, dis-je, dé lui donner, de lui imprimer un caractère, un caractère auguste et imposant, une physionomie véritablement solennelle et religieuse. Vous y parviendrez si vous en ordonnez, si vous en consacrez par une loi, les rites, la pompe, en un mot tout le cérémonial.
Sans doute, bientôt.aussi, la nation aura des victoires à chanter, des triomphes à
célébrer, des héros à honorer; que la loi. Messieurs, consacre donc, d'une manière identique
et pour tous les lieux de l'Empire et pour tous les âges, toutes ces sortes de pompes et de
solennités; cela tient plus qu'on ne pense à nos mœurs et à l'esprit a union et d'ensemble
qui doit régner chez une grande nation. C'est alors que les fêtes seront vraiment augustes,
vraiment religieuses,
Il est temps, Messieurs, de donner à la nation un culte civique qui soit uniforme et constant, autrement vous verrez bientôt la grande société nationale,la grande famille française divisée en autant de sociétés partielles et vouée à autant de cultes différents qu'il y aura de lieux et de circonstances de rassemblement destinés à célébrer quelque fête Civique/
Je demande donc que votre comité de législation, s'occupe très incessamment : 1° de vous présenter un cérémonial, c'est-à-dire un mode général et perpétuél de célébration, de solenni-sàtion, si je puis parler ainsi, pour la fête de la fédération;
2° Que ce mode de célébration soit envoyé immédiatement dans toutes les municipalités du royaume, afin que la fête de la fédération, cette tête qui veut dire alliance, concorde, ou plutôt pacte d'union et de fraternité, puisse enfin être Célébrée, à commencer dès cette année, d'une manière identique dans toute l'étendue de l'Empiré français.
« .{L'Assemblée renvoie cette proposition au comité de législation.)
Je prie l'Assemblée d'entendre une autre motion a'ordre non moins importante. Le département des affaires étrangères est resté vacant par l'absence de M. Naillâc. Je ne crois pas que dans des circonstances aussi orageuses, il y ait Un ministre assez présomptueux pour vouloir se charger à la fois ae deux départements.
Je ne présume pas que M. Dumouriez ait gardé les affaires étrangères en même temps que remplacé M. Servan. Mais pour qu'il n'y ait pas qe doute à cet égard, je demande que le pouvoir exécutif soit chargé de faire connaître à l'Assemblée nationale celui qui exerce, par intérim, le ministère des affaires étrangères. Je demande si l'Asemblée nationale peut exercer la responsabilité, tandis qu'elle ne connaît pas le titulaire de ce portefeuille.
(L'Assemblée adopte cette proposition.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture des deux lettres suivantes :
1° Lettre de M. Dumouriez, ministre de la guerre, dans laquelle ce ministre rappelle que son prédécesseur, à la date du 20 mai 1792, avait adressé à l'Assemblée l'état, par aperçu, des dépenses dé l'armée du Midi, et demande que l'Assemblée décrète que les sommes nécessaires au service de cette armée, soient incessamment mises à sa disposition.
(L'Assemblée renvoie cette lettre aux comités militaire et dé l'ordinaire des finances, et décrète que le rapport en sera fait incessamment.)
2° Lettre de M. Dumouriez, ministre de la guerre, qui demandé que l'armée du Midi soit payée de ses appointements, solde et masse, conformément à la loi du 29 avtil 1792 relative aux armées du Nord.
Je convertis en motion la demande du ministre et je demande qu'elle soit décrétée sur-le-champ.
Je crois que cette proposition mérite d'être examinée et par le comité des finances et par le comité militaire. Je demande qu'elle leur soit renvoyée.
Il y aurait dé l'injustice à ne point traiter aussi favorablement l'armée du Midi que celle du Nord; elle est exposée aux mêmes besoins. Je demande qu'on mette aux voix la motion de M. Dumas.
J'appuie cette proposition.
(L'Assemblée décrète l'urgence et adopte la proposition de M. Mathieu Dumas.)
Suit le texte du décret rendu :
« L'Assemblée, considérant que les mêmes motifs qui ont déterminé la loi du 29 avril 1792 en faveur des armées du Nord, sollicitent la même justice en faveur de celle du Midi et que cette justice ne doit pas être plus longtemps attendue, décrète qu'il y a urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrété que l'armée du Midi sera payée de ses appointements, solde et masse, conformément aux dispositions de la loi du 29 avril 1792, relativement aux armées du Nord. »
Je demande que l'on fasse incessamment le rapport de l'incorporation des ci-devant gardes françaises dans les bataillons de gardes nationales de Paris.
(L'Assemblée décrète que ce rapport sera fait, le lundi 18 juin 1792, à la séance au matin.)
cède le fauteuil à JM. Tardi-veau, ex-président.
PRÉSIDENCE DE M. TARDIVEAU.
, au nom du comité militaire, présente un projet de décret portant création d'un état-major pour le corps de troupes envoyé à Saint-Domingue; ce projet de décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, sur la proposition du roi et après avoir entendu le rapport de son comité militaire, considérant que le bien du service exige qu'il soit créé un état-major pour le corps de troupes envoyé à Saint-Domingue, décrète qu'il y a urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit : ;
« Art. 1er. L'état-major de l'armée de Saint-Domingue sera
composé de 3 adjudants géné-
raux, dont l'un colonel et les 2 autres lieutenants-colonels et 4 aides de camp.
« Art. 2. A la paix, le nombre des adjudants généraux et des aides de camp sera réduit. »
Je demande à faire un amendement; c'est qu*on adopte la même mesure qui â déjà été adoptée pour les aides de camp; c'est qu'à l'époque de la réduction, quel que puisse être alors le nombre des officiers employés dans les différents états-majors, soit en France, soit dans les colonies, le nombre soit réduit à 37, qui est le maximum de célui des adjudants généraux.
Je demande qu'il eh soit de même pour les àidèS de camp.
(L'Assemblée décrète l'urgence et adopte les deux amendements et les articles 1 et 2.)
Suit le texte définitif du décret rendu :
Art. 1er.
« L'état-major de l'armée de Saint-Domingue sérà composé de 3 adjudants généraux, dont l'un colonel, et les 2 autres lieutenants-colonels, et de 4 aides de camp.
Art. 2.
« A la paix, le nombre des adjudants et des aides de camp sera réduit au nombre fixé par l'Assemblée constituante. »
, au nom du comité militaire, fait un rapport (1) et présente un projet de décret {1) sur Vinsurrection arrivée au camp de Neuf-Brisach, les 6,7 et 8 juin 1792 (2;; il s'exprime ainsi :
Messieurs, pèfidant que la discipline, l'instruction et l'expérience des actions de guerre
font des progrés dans les armées commandées par les généraux Luckner et Lafayette, pendant
que l'ordre règne dans leur camp, et que la confiance des troupes s'atfermitet se dirige
vers lès chefs, dont le dévouement civique fonde les espérances des bons citoyens,
l'Assemblée nationaleêutendra sans doute avec peine les détails de l'insurrection du camp
sous Brisach, à l'armée du Rhin. Vous avez chargé voire comité militaire de Vous en
rapporter les détails, et de vous proposer une mesure digne de votre sagesse, et conforme à
la résolution que vous avez déjà montrée, de conserver le principe de la forme publique pour
l'intégrité de la discipline. La violation de la loi, l'oubli de toute obeiSsance militaire,
les violences exercées contré les chefs des troupes et contre les magistrats du peuple,
appellent votre juste sévérité. La conduite ferme, constitutionnelle et vraiment patriotique
du général Victor Broglie, et des fonctionnaires publics qui se sont réunis à lui dans cette
circonstance, l'inébranlable fermeté des troupes restées fidèles à leurs devoirs,
solliciteront vos suffrages. Je ne chercherai donc point, Messieurs, 4 exciter les
sentiments que vous avez plusieurs fois manifestés ; je me bornerai à mettre sous vos yeux
le récit dés faits. Je lirai d'abord le compte rendu de concert par les généraux et les
admi-
Détails préliminaires sur les événements qui ont eu lieu à Neuf-Brisach, les 4, 6 et 7 juin 1792, Van IV de la liberté.
Les désordres qui viennent d'arriver à Neuf-Brisah ont été précédés èt accompagnés de circonstances dont il est nécessaire d'être informé pour remonter à la source des événements. Voici les faits, tels qu'on les a recueillis à Brisach; les plus essentiels sont connus officiellement.
Le directeur général des douanes nationales à Strasbourg, écrivit le 7 mai une circulaire très détaillée, pour recommander à ses subordonnés la surveillance la plus active, et pour qu'ils missent obstacle au passage des marchandises prohibées, notamment aux munitions de guerre; à cette circulaire en succéda,le 23 mai, une autre qui, en attribuant à une erreur de copiste l'esprit et lesdispositions de la première, recommande, au contraire, aux préposés des douanes, de laisser au commerce la plus grande liberté; et en énonçant plusieurs marchandises dont l'exportation doit être permise, elle y comprend les fusils, sans ajouter la restriction que porte la loi, qui ne laisse la liberté de l'exportation que pour les fusils de chasse.
Ces lettres, que le directeur des douanes.de Strasbourg avait calquées sur celles qu'il avait reçues lui-même de la régie, devinrent publiques : elles répandirent l'alarme et la défiance dans les esprits.
Le 4 juin, des voitures, passant en transit, se présentèrent, venant de Strasbourg, et allant à Bâle. Les faits auxquels leur passage à Brisach a donné lieu, sont consignés dans les dépositions du maire et de M. d'Arlandes, capitaine au 13e régiment, faisant les fonctions d'adjudant au camp sous Brisach.
Le directoire du département du Haut-Rhin, instruit de ces faits et des circonstances qui les avaient précédés, crut qu'il était de son devoir de remonter à leur source, de faire des voitures l'examen le plus complet, pour découvrir s'il n'existait pas un attentat contre la sûreté publique.
Il sentit aussi que les défiances des soldats étaient trop naturelles; les lois sur les divers genres de commerce trop compliquées pour être saisies par eux; enfin que la sûreté d'une place située à peu de distance de l'ennemi, serait trop compromise par des combats d'autorités, pour qu'il ne fût pas nécessaire de faire taire momentanément la loi, et de ramener le calme et la confiance par la vérification la plus exacte. 11 envoya à Neuf-Brisack deux commissaires, leur donna les pouvoirs les plus étendus, pour procéder à
l'examen des voitures, vérifier les faits, et arrê-fl coupables, s'il s'en trôûvait.1
Il hé négligea point ëtt mê ne temps le sort dés personnes détenues illégalement, et autorisa lés commissaires à lès faire sortir de prison; il arrêta, de plus, (Jue lé rapport des faits serait adressé à l'Assemblée nationale, et qu'elle statuerait sur lè tout.
Les èommissaîreS arrivés à Neuf-Brisach crurent devoir commencer par les Opérations les plus propres à calmer les esprits; ils demandèrent que dès soldats dés différents corps les assistassent dans la vérification du Chargement dès voiturés. Cette Vérification commençait, lôrsqdè M. Victor dé Brô'glie, chef de l'état-major dé l'armée du Rhin, envoyé par le général Lamorlière, pour rétablir l'ordre dans la garnison, arriva avec M. Rewbell, procureur général syndic du département du Haut-Rhin, qu'il avait prié de l'accompagner.-
Les chargements pâraiSsenfj jusqu'à présent, côhforhies aux lettres de voitures; elles font mention des armes qu'on a trouvées : et les barils que les soldats avaient cru contenir de l'or, étaient pleins dé vif argent.
Le maréchal de camp, chef de Vétat-major de Varmée du Rhin.
Signé : Victor Broglie.
Relation des événements qui ont eu lieu à Neuf-Brisach, les 6, 7 et 8 juin 1792, l'an IVë de la liberté.
Monsieur de Làmorlière, lieutenant général, commandant l'armée du Rhin, ayant reçu le 5 juin au matin, une lettre de M. d'flerbigny, commandant de la place de Neuf-Brisach, qui lui rendait compte de ce qui; s'y passait, chargea M, Victor de Broglie, chef de l'état-major de de l'armée du Rhin, de se rendre sur-le-champ dans cette place, pour y prendre connaissance des événements qui avaient eu lieu, et procurer le rétablissement dé 1'ordrê. M. Victor Broglie, muni d'un ordre de M. de Lamorlière, partit le même jour pour Colmar, afin de se concerter avec le directoire du département du Haut-Rhin; il apprit des administrateurs que l'origine des troubles qui avaient eu lieu à Neut-Brisach, pouvait être attribuée à l'opposition qui avait été remarquée entre deux circulaires dû directeur général des douanes nationales, dont la première prescrivait la plus active vigilance sur la circulation et l'exportation à l'étranger de toutes marchandises prohibées, et particulièrement des munitions de guerre et des armes dè toute nature, et dont la seconde contenait dés dispositions absolument contraires. M. Viçtor Broglie apprit, én outre, 3ue déjà deux commissaires au directoire du épartement s'étaient rendus à Néuf-Brisach; il engageà M. Rewbell, procureur général syndic, àJ accompagner. En conséquence, ils y arrivèrent tous deux, le 6 juin, à 7 heures du matin.
Ên descendant chez M. d'Herbigny, et. s'y trpuvant. réunis avec MM. lescommissaires du département, les chefs du corps et M. Brunck, commissaire-auditeur de l'armée, MM. Rewbell et Victor Broglie apprirent que M. le maire et M. d'Arlandës, capitaine au i3e régiment d'infanterie, faisant les fonctions (J'àdjudant général ail camp plaçé sur les glacis, etâient encore Tun ét l'autre retenus én prison ; que la visité dès
voitures arrêtées étaient commencée, et qu'il s'y était effectivement trôuvé dés CàhortS dè fusils de n)ùnition, des pistolets, qej plâtinés, éïc. Ils apprirent, en outre, que refférvesééilcè dé la gàrnlson était encore très vive; ét que lè 46 bâ-taillon des volontaires de l'Ain, et le 6e dii Jura, campé sur lejs glacis, étaient les plus échauffés. M. Victor Broglie reçut, danà le même moment, de MM. les commissaires du département, une réquisition par écrit, qui prescrivait d'àssurer, par tous les moyens de la forcé publique, l'élargissement de M. le mairè et du sieur d'Arlandës, illégalement détènos. M. Victor Broglie crut devoir profiter de l'intervalle qui restait jusqu'au moment fixé, par la réquisition, pour parcourir successivement avec MM. Rewbell et Brunck, les quartiers du Ï3b régiment, du 1er bataillon de la Haute-Saône, au 8® régiment de chasseurs à cheval, et dè l'artillerie. Il rappela aux soldats leur devoir, et après leur àvoir fait sentir l'illégalité et lés inconvénients de l'arrestation arbitraire des voitures, il insista principalement sur les Violences commises contre lès personnes du fnâire de la ville, et de M. d'Àrlandéè, officier au 13é régiment, et les SOihmà de dénohèér êux-mêmés ceux d'entré eux qui en étaient lés auteurs. Il les prévint de'l'ordre qu'il avait de faire mettre en liberté les prisonniers, et de l'espérance qu'il conservait, que persônné n'oserait y mettre obstacle. Ces instructions successives furent écoutées avec attention par leâ soldats; plusieurs témbignèrent des regrets sincères sur leurs fautes passées, les chasseurs à cheval, qui s'en étaient préservés, prirent, avec M. Victor Broglié, l'engagement qu'ils ont glorieusement tenu, celui de demeurer fidèles à la discipliné et dans la plus parfaite soumission à la loi.
Déposition de M. d'Arlandës, capitaine au treizième régiment d'infanterie.
L'an 17§2, le sixièihè joùr du mois de iuin, nous, commissaire-auditeur des guerres ae la cinquième division, nous étant transporté eh la ville de,Neuf-Brisach, par ordre de M. de Lamorlière, lieutenant général, commandant l'armée du Rhin, à l'effet d'informer des délits^ commis par des militaires, ou autres personnes à la suite ae l'armée, â l'occasion de l'arrestation faite pàr les troupes campéés sous ladite place., de plusieurs voitures d'effets, destinées pour Bâlè, avons reçu la déposition de Louis-Fràhçoïs-Pierre d'Arlandës, capitaine au treizième régiment d'infanterie, lèquel était chargé de faire les fonctions d'adjudant général au camp, qui, après serment de dire là vérité, nous a, déclaré que le 4 du présent mois de juin, sur les six heures du soir, avant été instruit qu'une voiture de rou-lier était arrêtée à la porte de Bâle et entourée d'un grand nombre de soldats sans armes, il s'y était rendu, et avait demandé la garde, si c'était en conséquence de sa consigne bu d'une réquisition des officiers municipaux, qu'il avait arrêté, cet£e voiture; qiie lé sergent lui répondit qu'il n'avait ni consigne ni réquisitoire à, cette ^fin ; que la sentinelle, qui était; uil soldat du treizième régiment, lui avait dit de la faire arrêter; que lui, sieur d'Arlandës, observa au sergent qu'il n'avait pas d'ordre à recevoir de sà sentinelle, et lui dit qu'il le rendait responsable des effets charges sur cette voiture, qu'il eût a les garder jusqu'à son retour. Sur quoi et au même instante le sieur Bailli, àdjudant-major du trëizièmè régiment,
informa ledit sieur d'Arlandes, qu'il y avait sur la chaussée, hors et près de la ville, d'autres voitures de rouliers entourées d'un grand nombre de soldats qui voulaient les décharger et en visiter la charge. Le sieur d'Arlandes ordonna audit adjudant d'aller à ces voitures, et d'empêcher qu'on ne les déchargeât jusqu'à nouvel ordre; sur quoi, il alla en rendre compte à M. d'Herbigny, commandant de la place, qui lui dit d'en prévenir le maire, chez qui il se rendit sur-le-champ. Le maire, qui avait déjà été informé de l'arrestation par le sergent de la garde, avait envoyé celui-ci au bureau des douanes nationales, pour s'enquérir du receveur, si les lettres de voiture, acquits-à-caution ou passavants, dont le voiturier était porteur, avaient été vérifiés. Le sieur d'Arlandes requit le maire de passer à la douane, où les commis leur assurèrent que tout était en règle; sur quoi ils allèrent à la porte de Râle, dire que le voiturier était en règle, et que rien ne devait s'opposer au passage de la voiture, qui, en effet, sortit de la ville. De là ils allèrent, le maire et lui, sur la chaussée, où une grande foule de soldats entourait un convoi de 3 voitures, criant qu'il fallait les visiter. Il demanda un moment de silence, qu'il obtint avec beaucoup de peine, et leur dit.que M. le maire présent s'était assuré à la douane, que les papiers des voituriers étaient en règle, et que, conformément à la loi, ils devaient laisser passer les voitures. Ils répondirent à grands cris et confusément, qu'ils voulaient voir si elles ne contenaient pas des armes. Après leur avoir répété
Slusieurs fois inutilement ce que la loi exigeait 'eux, il leur promit, pour les satisfaire, qu'il allait demander des ordres pour en faire la visite, et exigea qu'en attendant son retour, ils n'y dérangeassent rien : ils crièrent que la nuit viendrait et qu'on les ferait partir : il ne leur demanda qu'une demi-heure pour être de retour, à quoi ils parurent consentir en battant des mains et criant bravo. Il retourna à la villle, et engagea le maire à se faire accompagner de quelques officiers municipaux revêtus de l'écharpe ainsi que lui, des commis de la douane pour faire la visite; que dans l'intervalle il irait prendre le commandement de la place, pour y assister. Il alla trouver le commandant de la place chez M. de Bizy, où se trouvaient plusieurs chefs de corps; il lui rendit compte de ce qui se passait, et lui dit que comme l'attroupement était fort nombreux et les têtes fort échauffées, il lui paraissait convenable de faire monter à cheval le régiment des chasseurs.
Cette mesure ne fut pas jugée nécessaire. Il sortit avec M. d'Herbigny et les deux lieutenants-colonels du 13e régiment; ils rencontrèrent en allant à la porte, le maire et un officier municipal sans écharpes : au même instant ils virent accourir Vers eux des soldats armés, suivis d'une grande foule de soldats sans armes, conduisant un charretier qu'ils avaient arrêté, et le menaçant de la lanterne. Dans la crainte que cette troupe très animée ne fit périr le cnarretier, le sieur d'Arlandes le prit par le bras; il fut repoussé à plusieurs reprises, et parvint cependant à le conduire en prison, après avoir dit aux soldats, que, s'il était coupable, il devait être puni légalement. A peine le charretier fut-il entré en prison, qu'un boucher, au service de l'entrepreneur des vivres, de la viande de l'armée, dit au Sieur d'Arlandes, d'un air furieux, qu'il n'aurait pas sauvé la vie à cet homme, s'iL; n'était pas son complice* et qu'il lui ferait
sauter la tête, n'étant pas venu de cent lieues pour rien. Le sieur d'Arlandes méprisa ce propos, et retourna avec le commandant, qui ne l'avait pas quitté, du côté des voitures qui étaient encore hors de la ville. A la porte, ils apprirent par plusieurs soldats, qui tenaient des canons de fusils à la main, que les voitures étaient chargées d'armes ; ils en trouvèrent une que les soldats voulaient conduire au camp. M. d'Herbigny ordonna qu'elles fussent toutes conduites en ville, ce à quoi les soldats se refusèrent, et le même boucher dont il a été parlé ci-dessus, dit à M. d'Herbigny, qu'il lui ferait sauter la tête, s'il s'opposait a ce que les soldats voulaient. Le sieur d'Arlandes fut entouré de soldats furieux, ameutés par le boucher qui l'accusèrent de trahison et d'avoir su que ces voitures étaient chargées d'armes ; ils l'entraînèrent au camp en criant qu'il fallait le pendre. Ils prirent un caporal et quatre hommes de volontaires qui se trouvaient sur le glacis pour entourer et garder le sieur d'Arlandes. A mesure qu'on approchait du camp, la foule e^ la fureur augmentaient : en vain le sieur d'Arlandes cherchait à leur faire entendre qu'il ne s'était conduit que d'après la loi; ils ne lui répondaient que par des injures et des menaces. Arrivés au camp, on le fit passer sur un petit pont d'un canal en avant du camp et on le conduisit dans la tente de la garde d'un des deux bataillons de volontaires. Il demanda à être entendu ; il exposa le détail de sa conduite dans toute cette affaire; leur dit que son attachement à la Constitution s'était manifesté dans toutes les occasions et qu'il en appelait au témoignage des soldats du 13e régiment: à quoi plusièurs voix répondirent qu'on l'avait cru jusqu'à ce moment un brave homme, mais qu'il n'en était pas moins un traître. Peu de temps après, M. d'Herbigny parut : il tâcha de calmer les esprits, qui s'enflammèrent encore plus. On n'entendait que les cris de pendre et de lanterne. On enleva la tente, la foule força le peu d'hommes armés qui se trouvaient auprès du sieur d'Arlandes et se jeta sur lui. M. d'Herbigny cria en embrassant M. d'Arlandes qu'il périrait avec lui : la foule le détacha et l'emporta. Le sieur d'Arlandes éprouva alors les traitements les plus atroces; on lui arracha les épaulettes, on déchira son vêtement, on le tirait avec violence par le mouchoir qu'il avait au cou. Les uns voulaient le jeter dans le canal; les autres voulaient l'entraîner sous un arbre à une branche duquel on avait déjà attaché une corde pour le pendre, et un homme était sur l'arbre, il ne peut dire qui c'était.
Pendant qu il était ainsi tiraillé, un officier de son régiment, le tenant à bras-le-corps et disant qu'il périrait avec lui, plusieurs sous-officiers et soldats du même régiment, qui suivaient, tâchaient de le soustraire à la fureur de la troupe. Enfin la générale battit, les furieux se séparèrent pour courir à leurs armes ; le sieur d'Arlandes resta entre les mains de la garde des volontaires et M. Hitan, lieutenant-colonel commandant du camp, envoya un piquet de grenadiers qui s'empara de lui et le conduisit à la tente du capitaine de la compagnie où il fut gardé. M. d'Herbigny y vint, parla aux grenadiers et proposa de conduire le sieur d'Arlandes en prison, ce qui fut accepté : un piquet de grenadiers de son régiment et de volontaires nation naux l'y conduisit par ordre du commandant. Le sieur d'Arlandes ajoute que, pendant qu'il était tiraillé au camp par les soldats, dont les
uns voulaient le noyer et les autres le pendre, il a vu plusieurs fois le boucher dont il a été fait mention ci-dessus, exciter par des cris et des propos la fureur des soldats, et même il l'a vu saisir la poignée du sabre d'un musicien du treizième régiment pour le tirer et en percer le déposant.
Lecture faite audit sieur d'Arlandes de sa présente déposition, il a déclaré y persister et signe avec nous.
Signé : Arlandes, Brunck.
Déposition de M. te maire de Neuf-Brisach.
Et de suite nous avons reçu la déposition de M. Ignace Deschamps, maire ae la Ville de Neuf-Brisach, lequel nous a déclaré, après serment fait de dire la vérité, que lundi 4 du mois de juin vers les quatre heures de l'après-midi, comme il était occupé à dresser un procès-verbal de réception de bœufs pour l'approvisionnement de la place, et Ce, en 1 absence au commissaire des guerres, le sergent de garde de la porte de Bâle vint l'informer que plusieurs voitures de rou-liers se présentaient et qu'on ne voulait pas les laisser passer parce qu'on avait des soupçons sur leur chargement; à quoi il avait répondu que, si les voituriers avaient des passavants en règle, il ne croyait pas qu'on dût les arrêter; qu une demi-heure après, les voituriers sont venus chez lui, maire, lui montrer leurs papiers, que, quoiqu'ils lui aient paru en règle, il leur a dit ae les aller faire vérifier au bureau de la douane; que peu de temps après M. d'Arlandes, adjudant-major du camp, est venu de la part de M. d'Herbignv, commandant de la place, le prier d'aller avec lui à la porte de Bâle, ordonner de laisser passer les voitures qui étaient arrêtées ; qu'il lui avait répondu que préalablement il fallait passer au bureau de la douane pour savoir du- receveur si les passavants étaient en règle, ce qu'ils ont fait; et sur la réponse du receveur que tout était en règle et que rien ne devait s'opposer au passage des voitures, ils se sont rendus sur la chaussée et ont dit aux soldats attroupés, que, conformément à la loi,'tces voitures devaient passer librement : que les soldats ayant crié avec fureur qu'elles ne passe-seraient pas, lui, maire, voyant une grande foule fort échauffée, s'est retiré; que M. d'Arlandes l'est venu joindre et lui a proposé d'aller prendre des officiers municipaux et de revenir avee eux et les préposés de la douane, pour visiter les voitures; afin de satisfaire et de calmer les soldats; que pendant qu'il parcourait la ville pour chercher les officiers municipaux, qu'il n'a pas rencontrés, il a Vu une foule de soldats qui traînaient en ville des voituriers, qu'il a jugé qu'on conduisait en prison; ce qui lui a fait penser que, sans doute, on avait trouvé sur ces voitures des effets prohibés; que peu après un soldat lui a montré un canon de fusil sur l'une de ces voitures ; que lui, maire, dit aux soldats de venir le lendemain déposér à la municipalité ce canon de fusil, pour pièce de conviction : et qu'ensuite il rencontra des officiers municipaux, auxquels il dit de prendre leur écharpe, envoya un huissier de la municipalité avertir les préposés de là douane de se joindre à eux pour faire la visite des voitures et en dresser procès-verbal; 3ué dans l'intervalle, ces voitures ayant été cort-uites au camp, ils s'y sont transportés, et à peine arrivés, un soldat en veste prit le maire au collet,
en lui disant : Vous vouliez faire passer ces voitures; vous avez bien tort puisque nous y avons trouvé des armes; qu'au même instant un officier du treizième régiment vint à lui en courant, qu'il était fort pâle et lui dit : Ne perdez pas de temps à vous sauver; vous êtes menacé; qu'àus-sitôt il entendit battre la générale au camp ; sur quoi il se retira avec les officiers municipaux et les préposés de la douane, et que tous rentrèrent précipitamment en ville ; qu une heure après qu'il fut retiré chez lui, un soldat du treizième régiment, sans armes, entra dans son poêle au rez-de-chaussée, demanda d'un ton menaçant où était le maire, et dès qu'il l'aperçut, lui, maire, il le prit au collet; que ses deux filles et sa servante, voulant le tirer des mains du soldat, le traînèrent dans sa chambre; que sur cela il arriva des soldats en foule, qui l'arrachèrent de force, malgré la résistance de ses filles, de sa servante et du chirurgien-major du huitième régiment de chasseurs; que, dans cette lutte, ses filles furent maltraitées de coups; que lui fut traîné par les rues, injurié par les soldats qui criaient : Il faut Vattacher à la lanterne! qu'ils l'ont fait passer sur la place d'Armes et qu'en passant près des arbres qui la bordent, ils renouvelaient les cris : A la lanterne! que, continuant à l'injurier et à le frapper, ils l'ont conduit à l'hôtel de ville, et que, sans les prières et les exhortations d'un lieutenant de la garde nationale, nommé Frieth, qui demanda aux soldats qu'ils fissent entrer le maire dans l'hôtel de ville et qu'ils le missent en prison pour le faire juger et punir, s'il était trouvé coupable, il croit qu on l'aurait accroché sous la porte; qu'il a été mis en prison et qu'il n'en est sorti qu'aujourd'hui un peu avant midi sur la réquisition de MM. les commissaires du département et par ordre de M. Victor Broglie.
Lecture à lui faite de sa déposition, il a déclaré y persister et qu'elle est véritable. En foi de quoi il a signé avec nous.
Signé : Deschamps, maire, Brunck*
Maintenant que l'Assemblée connaît, par les dépositions de 1 adjudant-major d'Arlandes et du maire de Brisach, les faits qui se sont passés avant l'arrivée du général Victor Broglie et du maire de Brisach, je continue la relation du procureur général syndic du département et du général.
A midi et demi, MM. Rewbell, Victor Broglie et Brunck se rendirent à la maison commune, où le maire et M. d'Arlandes étaient détenus : un piquet de la seconde compagnie de grenadiers au 13e régiment d'infanterie avait été placé en bataille devant la maison commune , le 8° régiment de chasseurs qui était monté à cheval pour recevoir ses étendards qui venaient d'être bénis, avait eu ordre de rester sur la place voisine. Des piquets étaient commandés, dans les différents quartiers. M. Rewbell réitéra de vive voix, en présence des troupes placées devant la maison commune, la réquisition au nom de la loi de fâire sortir les prisonniers ; et aussitôt il monta avec M. Victor Broglie et M. Brunck à la prison et en fit sortir M. le maire et M. d'Arlandes. M. Victor Broglie ordonna aux grenadiers du 13e régiment de le suivre et d'escorter M. le maire et M. d'Arlandes, que le procureur général syndic, le commissaire des guerres et le général voulaient accompagner chez eux. Dans Ce moment de grands cris s'élevèrent de tous
côtés, ils partaient de plusieurs groupes de soldats et de volontaires sâris armes?i qui,«en désignant les prisonniers, disaient : Ils ne sortiront pas, il ne marcheront pas, noué ne voulons pas.
Les grenadiers, ébrànléé par ces cris séditieux; témoignèrent de la résistance à obéir. Leurs officiers, indignés d'une telle conduite, en avertirent M,. Victôr Broglie, qui paria lùi-même avec énergie â Cette troupe, dont les rangs étaient déjà rompus; plusieurs grenadiers avaient osé énoncer à haute voix leur refus dé marcher. M. Victor Broglie ordonna aussitôt de battre la générale et envoya Chercher un piquet de chasseurs â chèvàl, qui, fidèle à son devoir, s'avança avec ja contênançe la plus ferme. Cet exemple décida les grèpadiers à marcher et les prisonniers furent aihsi conduits, à pied et sans trouble, chez M. le riiaire, par MM. Rewbell, Victor Broglie, Brurtck et plusieurs autres officiers. Un piquet de chasseurs à cheval, de 50 hommes du 13e régiment et dé 50 volontài-res nationaux, fut placé à la porte de M. le jnaire. M. Victor Broglie ordonna en même temps à la compagnie de grenadiers, dont une partie s'était livrée à une insubordination si ré-préhensible, de partir pour Strasbourg, où, d'après les plaintes portées par M. Brunck, commissaire-auditeur, les coupables seront jugés d'après la loi. Cet ordre fut exécuté malgré les oppositions que quèlques malveillants .voulaient y mettre ; la compagnie partit et cet exemple parut en imposer. M. Victor Broglie paria ensuite sur la place d'Armes à toute la garnison assémblée, retraça aux soldats leurs devoirs, leur reprôcha avec force les désordres auxquels ils s'étaient livrés; il lit rentrer les troupes dàns leurs quartiers respeçtifs, et se rendit ensuite au camp, accompagné de 25 chasseurs. Le premier bataillon dont il s'approcha, était le premier de l^ih, il était sous les armes. M. Victor Broglie commença à parler à ces volontaires, pour leur faire connaître les fautes qu'ils avaient commises, pour leur rappeler les principes de la discipline. M. Latour, premier lieutenant-colonel de ce corps, demanda la parole à M. Victor Broglie, et commença fort mal à propos à vouloir justifier le fait de l'arrestation des voitures. M. Victor Broglie l'interrompit pour lui faire remarquer combien ses observations étaient mal placees. Cet officier insista. M. Victor Broglie s'a percevant que c'était un ancien officier, qu'il portait la décoration militaire, le pria de nouveau de cesser son discours et de lui épargner la peine de punir un vieux serviteur de la patrie. 11 continua toujours. Alors M. Victor firogliè lui ordonna les arrêts.
A ce moment l'insurrection se manifesta parmi les volontaires. Des cris tumultueux s'élevèrent; on criait que le lieutenant-colonel n'irait pas aux àrrêts; plusieurs volontaires mirent M. Victor Broglie en joue; le plus grand désordre se manifesta; quelques officiers s'y opposèrent, mais leurs efforts furent vains. Le général s'approcha du 6e bataillon du Jura, qui était sous les armes. Il lui parla avec la vigueur et le calme qui convenait dans les circonstances. 11 fut écouté avec assez d'attention ; mais les volontaires de l'Ain étant apçoùrus en foule derrière le front, renouvelèrent leurs cris séditieux, et les volontaires du Jura n'eurent pas la forcé de résister à.ce mauvais exemple. Quoique moins échauffés qiie ceux de l'Ain, ils .partagèrent bientôt leurs torts, et se livrèrent à, des, menaces et à des cris. M. Victor Broglie s'approcha alors
du détachement de 800 .hommes du 13® régiment, campés auprès dés volontaires du Jurâ. Ce dét^chèmént qui était sous lès armes, conserva une bonne contenance; et quoiqu'il fût bientôt entouré des volontaires en état de rébellion, il demeura dans l'ordre et la discipline. Lé général crut devoir parcourir de nouveau lé front du camp, au pas; il n'avait aucdtlè force suffisante pour réprimer la sédition ; il rentra, après avoir témoigné à ces soldats rebellés, en s'arrêtant plusieurs fois vis-à-vis d'eux, combien leur conduite était coupable, mais aussi combien leurs menaces étaient vaines pour l'émouvoir.
En rentrant dans la ville, M. Victor Broglie la trouva tranquille; il ordonna des patrouilles d'infanterie et de cavalerie, pour maintenir l'ordre, prévenir lés attroupements : il y réussit, et le calme fut maintenu malgré l'alfluence des voloiitàirès du camp et l'agitation des esprits. Le générai ayant màndé les lieutenants-colonels et quelques officiers du premier bataillon de l'Ain, pour savoir d'eux la cause de la sédition de ce bataillon, apprit qu'avant son arrivée au camp, on âvait cherché à prévenir les volontaires par des rapports et des écrits calomnieux : ils lui témoignèrent leurs regrets de ce qui s'était passé.
Un boucher de l'armée, qui s'était fait remarquer par des Violences envers M. d'Arlandes, avait été arrêté le matin par ordre de M. Victor Broglie. Le général apprit, dans là soirée, qu'on avait formé le t projet dè venir l'enlevèr; et, pour én prévenir l'exécution, il ordonna qu'un détachement de Chasseurs partirait, à portes ouvrantes, pour mener lé prisonnier à Coimar. Les rebelles,soit qu'ils fussent instruits dê c* tté disposition, soit qu'ils l'eussent prévue, sê portèrent aux portes de grand matin ; et lorsque lê détachement se présenta pour sortir, il fut enveloppé de toutes parts : lé prisonnier lui fut enlevé. Instruit de ce fait, et sans aucun moyen de connaître les coupables, sans force Suffisante pour les faire arrêter, M. Victor Broglie sentit que le seul parti qui lui restait à prendre était de séparer les troupes qui avaient déjà enfreint tous leurs devoirs, et que les malintentionnés pouvaient porter aux extrémités les plus dangereuses pour la sûreté de la placé, en les alarmant sur les suites de leur insubordination. II. ordonna, en. conséquence, que le premier bataillon de l'Ain partît sur-lé-champ pour së rendre à Belfort, le sixième du jura à Amers-chwir, la compagnie d'artillerie à Strasbourg, et que le détachement du 13e régimént rentrât dans la place. Cet ordre n'éprouva aUcUne opposition : les troupes se disposèrent à l'exécuter, et un grand nombre de soldats des bataillons det FAin et du Jurâ vinrent, avant leur départ, témoigner au général leurs regrets dè ce qui s était passé; lui exprimer la douleur et la honte qu'ils ressentaient d'appartenir à des corps dont la majorité tenait une conduite aussi affligeante pour les départements auxquéls ils appartenaient, què pour lé corps entier des volontaires nationaux. Plusieurs d'entre eux paraissaient désirer qu'irieur fût permis, ou dé servir comme simples volontaires dans des bataillons plus dignes de la confiance nationale, ou que leur démission fût acceptée. Le général leur fit sentir que.le moment était venu où tout bon citoyen devait réstèr à son poste, quelque pénible, quelque périlleux qu'il pût de venir j que la patrie serait perdue, si les gens dé biëjft
se décourageaient et abandonnaient leurs places aux lâches ët aux malvèillants : il les exhorta à rçchercher ceux qui, par dès fauî rapports et par des écrits calomnieux, qu'ils avalent répandus la veille dans le camp, comme il venait de l'apprendre d'eux-mèmës, avaient porté les troupes à la rébellion, et les engagea à les dénoncer. Il les àssura que cette conduite présente par l'Assemblée nationale aux corps comr promis dans les affaires de Mons et détournai, était là seule qui pùt rétablir l'honheur de leurs bataillons, èt prévenir les dispositions sévères et générales que sans cëlà l'Assemblée nationale prendrait sahs doute à leur égard; que dès ce ' moment Jls devaient renoncer à l'espérance dé faire partie des troupes destinées à marcher les premières à l'ennemi, et que conformément à l'ordre donné par M. lè maréchal Luckner, ils seraient renvoyés sur les derrières, S'ils ne donnaient pas des preuves éclatantes d'un sincère et Véritable rêpéntïf. Cette exhortation parut faire beauconp d'impression Siïr eux; ils rejoignirent leurs bataillons prêts à partir.
Les volontaires, en qùittant le camp, tirèrent leurs armes pour les décharger; le commandant du poste de là place d'ârme vint rendre compte au général que les balles tombaient dans la ville. M. Victor Brôjïlië fut informé en même temps, que l'un des bataillons avait fait prendre un uniforme dé vôlontàire au boucher de 1'ârmée qui avait été enlevé le matin au détachement qui le conduisait, et qu'à la faveur de ce déguisement les votoutâires l'avaient emmené avec eux dans lés rangs.
Après le départ des troupes campéès, le câlme paraissait rétabli, lorsque deux voitures chargées, vehant de Strasbourg, traversèrent là ville. Les préposés de la douane nationale avaient trouvé leurs connaissements en ordre, et leur permirent de passer outré; mais lorsqu'elles voulurent partir, une foule de volontaires de la Haute-Saône et des soldats du 13e régiment s'y opposèrent» en demandant que ces voitures fussent visitées. Les craintes, les défiances des jours précédents se renouvelèrent, et les esprits parurent précisément dans lé même état où ils étaient auparavant; Lé général averti,, avait commandé une escorte de 25 chasseurs à cheval; il marcha lui-même avec des commissaires du département, et trouva la rue obstruée de soldats, il jugea bientôt que les têtes exaltées par lé vin ne pouvaient être ramenées; que la loi né triompherait pas sans combats, et que les méfiances ne pouvaient être calmées que par des moyens plus doux. Les commissaires du département, les officiers supérieurs et autres furent du même avis, et l'on se décida unanimement à tenter encore une fois l'effet de la persuasion, pour ramener la soumission avec la confiance. Le général, les commissaires, les officiers, les sous-officiers, chasseurs et soldats amis de l'ordre, se mêlèrent dans les différents groupes, raisonnèrent sur les malheurs qui résulteraient pour l'Etat, dè la. perte du commerce de transit, sur le danger des méfiances exàgê-rées et sans fondements, sur la nécessité de s'unir contré les traîtres qui les provoquaient, èt l'obligation tant de fois jurée dé maintenir les lois au prix de tout notre sang; enfin, Un peu avant la nuit, MM. les commissaires et le général vinrent auprès des voitures, et dirent à ceux qui les envirorinàient, que, pour faire cesser uné fois pour toutes les inquiétudes qui pourraient demeurer dans quelques esprits, on
visiterait les deux voitures en présence des soldats qu'ils désignëràiént èt nômméràieftt pàfr compagnies, et qu'on s'assurerait aitiâi dé lâ conformité dé chàrgemeht avec les lettrés de voituré; que cette vérificition commencerait lë lendemain 8, à 6 heures du matin. Pëu dé soldats parurent désirer fortement cette Visité formellement contraire à la loi sur le commerce de transit; et il fut permis de bien âugiirêr des dispositions dé la majorité.
Lé lendemain matin, les chasséUrs à cheval du 8e régiment vinrent dire au général tiue, cort-tents de faire léur devoir dë soldats, ilé në se charmaient point de faire celui dé commis dè la douane, confié à d'àutrës qu'à eux, ët qu'âucuft d'éntre'eUx n'àssistêrait à là Visite dés toitures. Les grenadiers du 13e régiment hé iiommèi'ëht point de députés, èt ceux que lës autres Compagnies avaient désignés vinrent aèstirêr lé général (jue leS sentiments des vrais ëoldatè dtl 13® ré£imént étâiêiit l'àmour dë la discipliné, le respect pour là lOi ; quë les désordres què l'Oil pouvait encore attribuer à lâ totalité du corps, avaient été excités par un petit nombre d4hom-mes pervers, qu'ils dénonceraiënt eux-mêmès, qui avaient abuéé de la jëunéssé et de l'ineipé-rience de quélqùes recrues arrivées depuis peu de mois; qu'ils répondaient au général qùé de pareillès scènes ne se renouvelleraient plus; qu'ils se rendraient dignes dé coiiservèr àu régiment le glorieux surnom de régiment sans tàclïe7 et là placé qui lui avait été désignée dans le «premier rassemblement. Le général leur parla dé manière à les maintenir dâhs ces bonnes intentions; il fit ensuite prendre les àrmés à tous les corps de là gprniSoh, et il parla à fchâciin d'eux d'une manière cohvénable. à la conduite qu'ils avaient tenue.
7 soldats du 13e régiment d'infanterie, dénoncés par leurs camarades pour être chefs d'émeute, ont été arrêtés. Un volontaire de la Haute-Saône a été reconnu pour avoir été |a veillé un des plus acharnés à s'opposer à la sortie des voitures; il a été mis en prison : enfin, à 2 heures, lës Voitures sont partiës sans aVolt* été visitëès, àu milieu d'une foule de sdldàtà qui marquaient un véritablë empressement de tt'avoir plus sous les yeux les témoins de leurs erreurs. Le général et lé procureur général syndic partirent aussitôt après, celui-ci pour Colmar, èt lé premier pour venir rendre compte de sa Conduite à M. dë Làmorlièrë.
Le prtcùreiir général syndic du dépàrté-ment du Haut Rhin,
Signé ; Rewbell.
Le maréchal de camp, chef de Vétat-major de l'Ûrmée du Rhin,
Signé : VICTOR BROGLIE.
Conforme à l'original qui nous a été présenté.
Le lieutenant général, commandant Var-mée du Rhin,
Signé : LamÔRLIÈRÈ.
P. S La seconde compagnie des grenadiérs du 12e régiment, qui, par ordre de M. Victor Broglie, était partie ae Neuf-Brisach pour Strasbourg, y est arrivée lé 8; le lendemain 9, au matin,, par ordre de M. Lamorlière, elle s'est rassemblée
sans armes dans un des ouvrages de la place, où se trouvait un piquet de chacun des régiments de la garnison de Strasbourg, et un piquet à pied et à cheval de la garde nationale citoyenne de la ville. Alors M. Victor Broglie a ordonné au capitaine de la compagnie d'appeler à haute voix tous ceux qui n'étaient point du piquet qui avait donné une preuve si affligeante de son insubordination. Les soldats appelés sont sortis du rang, et ont reçu du général l'ordre d'aller reprendre leurs armes au quartier et de revenir à leur poste. Cependant M. Brunck, commissaire-auditeur, a sommé l'officier qui commandait le piquet à Neuf-Brisach, de dénoncer ceux des soldats qu'il regardait comme les principaux auteurs de la rébellion; il en a nommé 4, et les sous-officiers et grenadiers en ont dénoncé 2 autres. M. Victor Broglie a cru devoir saisir ce moment pour détailler avec force aux piquets rassemblés, les suites funestes d'une insubordination aussi criminelle aux yeux de la loi, que dangereuse pour la patrie; puis, s'adres-sant aux soldats de la compagnie, de grenadiers du 13e régiment, qui venaient de reprendre les armes, il leur a dit, que pour leur faciliter les moyens de prouver combien leur conduite et leurs sentiments étaient éloignés de ceux de leurs camarades coupables, il leur confiait le soin de conduire eux-mêmes à la prison militaire les 6 grenadiers dénoncés. Cette disposition a été exécutée avec zèle : les grenadiers détenus seront traduits demain au juré d'accusation; ceux qui composaient le piquet à Neuf-Brisach, ont été conduits à la citadelle, où ils sont consignés, et le reste de la compagnie, qui n'avait pas participé à leur faute est parti sur-le-champ pour rejoindre le 13e régiment.
Le maréchal de camp, chef de Vétat-major de Varmée du Rhin,.
Signé : victor broglie.
Après les détails que vous venez d'entendre, le compte particulier que rend le lieutenant-général Lamorlière est digne de votre attention. Le voici :
« Je vous supplie, Monsieur le président, de vouloir bien engager l'Assemblée nationale à entendre la lecture des différentes pièces que je vous envoie, à les examiner avec toute l'attention qu'une affaire aussi grave commande impérieusement, et à ne pas perdre de vue que le rétablissement de la discipline dans l'armée que je commande, et par conséquent la sûreté des places frontières dont la défense m'est confiée, sont directement subordonnés à la décision que l'Assemblée nationale portera, et aux moyens qui seront pris pour assurer la punition des coupables.
« Les actes d'insubordination et de révolte auxquels se sont livrés le premier bataillon des volontaires nationaux du département de l'Ain, et le 6® bataillon du Jura, me paraissent provoquer contre eux un décret semblable à celui qui a été rendu contre le 6e régiment de dragons : c'est en fournissant à ces corps les moyens de dénoncer eux-mêmes les vrais coupables, et de se délivrer ainsi d'une partie du poids de l'inculpation collective, que la loi sera vengée, et que la patrie pourra reconnaître la partie des individus qui composent ces bataillons qui est encore digne de la servir. »
Votre comité militaire a trouvé dans- vos
propres décisions, dans les décrets que vous avez rendus sur les 5e et 6e régiments de dragons; le modèle des dispositions qu'il devait vous proposer. Après la lecture des pièces, il est inutile ae vous faire observer que les attentats commis envers les personnes de l'adjudant général d'Arlandes et du maire de Brisach, M. Deschamps, sont de la nature de ceux dont le souvenir vous a fait frémir d'indignation.
Vous l'avez entendu, Messieurs, ces victimes de la fureur d'une soldatesque effrenée n'ont échappé au sort du malheureux Dillon, que par le courage des fonctionnaires publics, et le dévouement touchant de quelques soldats fidèles; que la fraternité d'armes et le respect à la loi ont porté à se jeter entre les assassins et la victime. Etv! quels soldats se sont portés à de telles violences ? Quels soldats ont donné le premier exemple de la violation de là loi? Des enfants de la loi ; des gardes nationales, le premier appui, et la dernière espérance de la patrie. Effrayez, Messieurs, les scélérats audacieux qui portent dans nos camps une frénésie contagieuse, et qui ont tellement profané l'expression aes sentiments civiques, que les soldats de la libérté, au milieu de leurs cris, ne peuvent reconnaître l'accent de la vérité, ni la voix de leurs devoirs. Vous devez aux gardes nationales, non moins jalouses de préserver intact l'honneur national, que les troupes de ligne, la même rigueur, le même acte de justice salutaire que vous avéz fait à l'égard de ces dernières.
Effacez, ou plutôt, prévenez la tache que des gardes nationales, indignes de ce titre civique, auraient imprimée aux couleurs de la liberté.
Votre comité vous propose le projet de décret suivant :
Projet de décret.
« L'Assemblée nationale, considérant qu'elle doit au salut public, à l'honneur national, au maintien des lois et du respect dû aux fonctionnaires publics, de veiller à la punition de ceux qui ont violé la loi, troublé son exécution, attenté à la vie de leurs chefs, excité à l'insubordination, et compromis la sûreté du camp sous Brisach, par les désordres qu'ils y ont produits, soit prompte et éclatante; considérant l'entière obéissance des soldats comme la sauvegarde de la liberté et de la Constitution;
« Voulant, par cet acte de justice, prévenir les vœux de tous les soldats fidèles, et accorder aux fonctionnaires publics qui ont fait leur devoir, en se dévouant pour la défense de la loi; comme une récompense égale à leur zèle, le suf*-trage des représentants du peuple, décrète qu'il y a urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence* décrète :
« Art. 1er, Le pouvoir exécutif donnera des ordres pour qu'il
soit assemblé dans tel lieu de l'armée du Bhin, que le général désignera, une Cour martiale,
devant laquelle seront immédiatement traduits le sieur Latour, lieutenant-co^ lonel du
premier bataillon de volontaires du département de l'Ain, et tous autres officiers,
sous-officiers et volontaires de ce bataillon et du 6e du département du Jura, qui sont
prévenus de s'être livrés à l'insurrection qui a eu lieu au camp sous Brisach, d'avoir violé
la loi, et concouru à l'attentat commis, et aux violences exercées envers les autorité
constituées, désobéi
aux ordres du général Victor Broglie et aux réquisitions des magistrats du peuple.
« Art. 2. Immédiatement après la publication du présent dédret, le général de l'armée du Rhin fera sommer le 1er bataillon de l'Ain et le
du Jura, de déclarer et faire connaître les officiers, sous-officiers et volontaires qui, soit par des instigations antérieures, soit par des cris ou des actes de violence, auraient excité ou produit l'insurrection ou la violation de la loi.
« Art. 3. Dans le cas où les bataillons ne déclareraient pas les coupables dans le délai prescrit par le général, et se trouveraient par là chargés du crime d'insurrection, de violation à la loi, et d'attentat envers les personnes des sieurs d'Arlandës, adjudant général de l'armée, etDesçhamps, maire de la commune de Brisacb; le pouvoir exécutif donnera les ordres nécessaires pour que ces bataillons soient cassés, sans préjudice, toutefois, de l'information et poursuites qui pourront résulter des comptes déjà rendus, et des dénonciations qui sont 90 pourront être faites contre les prévenus coût pables, comme aussi de la justification authentique des officiers, sous-officiers et volontaires qui auraient fait leur devoir.
« Art. 4. Si, en conséquence des articles ci-dessus, il y a lieu à casser les bataillons de l'Ain et du Jura, ci-dessus dénommés, les drapeaux de ces bataillons seront portés avec une escorte aux directoires do leurs départements respectifs, qui les feront brûler, et dresseront procès-verbal du brûlement.
« Art. 5. Le ministre de la justice rendra compte de huitaine en huitaine des poursuites que les accusateurs pu blics ont dû faire, en vertu de l'article 3 du titre III de la loi du 30 septembre 1790, contre toutes personnes suspectes d'avoir provoqué à commettre les crimes qui ont eu lieu au camp de Brisach, soit par des discours prononcés dans les lieux publics, soit par des placards ou bulletins affichés ou répandus, soit par des écrits rendus publics par la voie de l'impression.
« Art. 6. L'Assemblée nationale charge son président d'écrire au général Victor Broglie, pour lui témoigner sa satisfaction de la conduite ferme qu'il a tenue, et de l'exemple utile qu'il a donné en y ajoutant l'honorable commission de faire partager le témoignage au commandant de placed'Herbigny, à l'adjudant général d'Arlandës, au 8e régiment de chasseurs à cheval, qui s'est distingué par son obéissance et sa parfaite discipline, et à tous ceux dont l'honneur et le patriotisme, dans cette circonstance, ont résisté aux suggestions et à l'exemple de la plus lâche indiscipline. »
(L'Assemblée nationale charge aussi son président d'écrire au président du directoire du département du Haut-Rhin, pour lui témoigner sa satisfaction de la manière ferme et généreuse dont les administrateurs et les magistrats du peuple, notamment le procureur général syndic, M. Rewbell, et M. Deschamps, maire de Brisach, ont fait leur devoir, et employé, pour que force demeurât à la loi, tous les moyens qu'elle a mis entre leurs mains.)
(Ce rapport et ce projet de décret ont souvent été interrompus par des applaudissements.)
Plusieurs membres: Nous demandons que la discussion s'ouvre à l'instant.
Le rapport qui vient d'être fait,
mérite toute votre attention. Je demande même, au nom de la chose publique, de ne pas précipiter votre décision dans celte affaire. Je suis loin de dire qu'il ne faut pas punir les coupables. Mais je vous prie de vouloir bien prendre une connaissance plus exacte des faits. Je vous prie, au nom des soldats, de vouloir bien ordonner l'impression et l'ajournement du projet qui vient d'être présenté.
Je ne m'oppose point à la motion de ces Messieurs. C'est un moyen de plus de rendre, particulièrement à ceux des soldats du 13e régiment, auquel j'appartiens, l'hommage qui sera justement dû à leur courage patriotique. Quelques-uns d'eux effectivement dans cette occasion, ont oublié l'adage sacré pour les soldats de Bourbonnais, qu'ils appartiennent à des drapeaux sans tache. Il sera donc juste, pour l'exemple de 1'àrmée, de sévir rigoureusement sur ceux qui ont été coupables.
Comme il sera encore prudent à l'Assemblée nationale de donner des preuves de sa satisfaction au capitaine Louis d'Arlandës, qui voyant la corde de l'homme qui était sur l'arbre prêt à le pendre, se dévoua plus particulièrement encore au service de la patrie, et au maintien de la 'Constitution. (Applaudissements.) C'est un hommage, Messieurs, qu'il m'est infiniment précieux de rendre à mon frère d'armes; comme vous entendrez encore avec une satisfaction égale, que deux volontaires ont couvert de leurs corps, le capitaine Louis Arlandes, qui allait être pendu; je demande donc aussi l'impression et l'ajournement au lendemain de la distribution.
Plusieurs membres : A 3 jours !
Je demande que M. le président écrive à M. Broglie (Murmures) et à 1 administration de district. Cette proposition peut être décrétée toutdesuite. (Murmures.)
(L'Assemblée décrète l'impression du rapport et du projet de décret, et ajourne la discussion à 3 jours, après que la distribution en aura été faite.)
, le jevùne. Je demande que l'Assemblée renvoie au comité de législation la proposition que je fais de défendre les duels. (Applaudissements. )
J'appuie la proposition, et je demande, en outre, que le comité soit chargé de présenter une loi contré ceux qui diront des injures.
(L'Assemblée renvoie ces deux propositions au comité de législation.)
, le jeune, au nom du comité militaire, soumet à la discussion un projet de décret sur les moyens de procurer des armes à tous les citoyens du royaume, inscrits sur' les registres de la garde nationale, et la nécessité de prohiber la sortie d'armes de toute espèce et de munitions de guerre; ce projet de décret est ainsi conçu : (1)
Décret d'urgence.
•L'Assemblée nationale, connaissant l'empressement des citoyens à voler à la défense des
Décret définitif.
« Art. 1er. Dans les trois jours de la publication du présent
décret, les djreçfqjres de tous le§ départements du royaumq nommeront des commissaires et 3
armuriers expert^ jurés, à l'effet de vérifier, éprouver et Recevoir les armes qui,
çon-séquemment aux articles suivants, pourront leur être présentée^.
« Art 2, Toute personne qui présentera aux commissaires des divers départements un ou plusieurs fusils de guerre neufs, des calibre et longueur qui seront fixés dans une instruction particulière apne^ée au présent décret, que les fusils soient d'une fabrique nationale ou étrangère, pourvu d'ailleurs que, d'après les visites et épreuves déterminées dans l'instruction» ils soiepl jugés propres à servir utilement à l'armement d'un citoyen, recevra comptant, pour chaque fusil garni de sa baïonnette et celle-ci de son fourreau, pne somme de 35 livres,
« Art. 3, Les commissaires pour la vérification et réception des armes seront indemnisés de leurs frais de voyages ainsi que les armuriers; ceux-ci seront, en outre, payés du prix de leurs journées, le tout ainsi qu'il sera réglé par les directoires dès départements respectifs.
« Art. 4. Les fonds nécessaires pour cette dépensé et autres accessoires tels que l'encaisse-ment, le transport, etc., ainsi que pouracquitter le prix des armes, seront pris sur ceux décrétés extraordinairement pour la guerre : en conséquence, le ministre donnera les ordres les plus prompts pour qu'il y ait des fonds suffisants versés dans chaque département pour cet objet.
« Art. 5. Les fusils, aussitôt qu'ils seront reçus, seront déposés dans des magasins destinés à cet usage ; |e pouvoir exécutif rendra compte de huiiaiqe en huitaine, à l'Assemblée nationale, de l'état où se trouveront ces magasins et lui proposera, d'après les demandes des directoires, et notamment de ceux des départements frontières, les distributions d'armes qu'il croira convenable de faire aux citoyens; en conséquence, il n'en sera fait aucune que sur un décret du Corps législatif.
« -Arl? 6* Les fusils ainsi distribués seront marques, sur le canon e|à la presse, des deux lettres A N, signifiant arme nationale; les corps administratifs et municipalités veilleront à cç qu'ils rie soient point dilapidés ; ert conséquence, il n'en sera délivré aucun qu'à des citoyens inscrits sur les registres de la garde nationale : les noms de ceux à qui les armes auront été confiées seront, enregistrés dans chaque municipalité, qui en enverra un double au directoire du district dont elle relève et celui-ci tous les mois au département; Chaque municipalité se fera représenter les armes quand elle le jugera à propos et veillera à ce qu-elles soient conservées uaus le meilleur état, sans que ceux qui en seront dépositaires puissent -y faire espèce de changement.
« Tout citoyen qui serait çbnv^jnçti ffayoîr vendu son fusil sera déparé incapable de porter les armes pendant 3 années; saris que, pour ôe, il puisse être dispensé de rembourser le prix de l'arme qui lui aurait été confiée, pour lequel remboursement il seça poursuivi par le procu-reur-syndic du district §ous sa responsabilité personnelle.
« Art- 7. A la fin de la guerre» les armes qui auront été ainsi délivrées aux citoyen^ soit qu'ils, aient eu ou non occasion d'en faire usage contre l'ennemi, leur resteront en toute propriété, comme un témoignage de l'honorable engagement qu'jls auront pris envers, la nation, de défendre son indépendance et sa liberté,
« Art- 8. Çomme il importe essentiellement de savoir quel est le nombre d'armes sur lequel il est possible de compter sur chaque point w là frontière, et même dans l'intérieur du royau me, toup les citoyens qui ont chez eux des fusilç de guerre,» soit qu'ils leur appartiennent en, propriété ou qu'Us leur aient été fourni^ précédemment des magasins nationaux» feront» dans les huit jours de la publication du présç^t décret» à la municipalité de Içur dpmjçim,déclaration du nombre qu'ils; M âUrorit; èes $rmèts seront marquées, si les citoyens le désirent, des mêmes lettres A N : elles seront alors sujettes, comme les premières, aux mêmés inspections des municipalités et 'corps administratifs, et elles appartiendront à la fin de la guerre en toute propriété ^ ceux qui se seront çMnsi engagés | en faire usage contre, leg etyiçmis de l'état; ce les qui auraient été tirées dës arsenaux ou magasins nationaux et qui ne, seraient point marquées des deux lettres A N ne pourront eq aucun temps, même âpres la guçr're, faire partie d'une propriété particulière.
« Arf.9, Les citoyens qui auraient plusieurs fusils de guerre à leur disposition, dont quelques-uns leur seraient futiles, sont invités à s'en défaire le plus tôt possible et de manière à ce qu'ils passent entjre l^s mains d'autres bons citoyens, l'Assemblée nationale déclarant que celui-là aura le mieux mérité dé la patrie qui, dans les circonstances actuelles, aura contribué à armer un plus grand numbre de défenseurs de la liberté,.
« Art. 10. Auc^n eitoyen, inscrit sur le registre de la garde nationale., ne pourra être contraint de céder son fusil, même sous prétexte d'en armer plus utilement un autre citoyen; et dans le cas où, pour le besoin de l'Etat, il consentirait à s'en dessaisir pendant quelque temps, il en sera tenu note sur les registres de la, municipalité, pour son fusil lui être rendu aussitôt qu'il sera possible de le faire et qu'il le demandera.
« Art. 11. Pendant tout le temps de la guerre, il sera délivré par an, ^ chaque municipalité, unè somme de 20 sous pour les entretiens et réparations de chaque fusil, enregistré et marqué comme il a été dit ci-dessus :r les officiérs municipaux et "corps administratifs veilleront à l'emploi de ces fonds affectés aux réparations dont ils sont , spécialement chargés, aucun citoyen n'ayant le droit d'y prétendre en particulier qu'en raison seulement des réparations dotât son arme pourrait avoir besoin.
« Art. 12. Toute personne qui se sera permis de marquer une arme des lettres A N ou d'acheter pendant tout le temps de la guerre un$ arme ainsi marquée, serç privée du droit de porter les armes pendant un an et condamnée à
30 livres d'amende pour chaque arme qu'elle aura ainsi achetée ou marquée. »
Un membre : Je demande; le renvoi du projet de décret au comité de l'ordinaire des finances.
D'autres membres : Nous demandons la question préalable sqr cette proposition.
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur le renvoi, puis décrète l'urgence.)
, le jeune, rapporteur, donne lecture de l'article premier :
« Dans les 3 jours de la publication du présent décret, les directoires de tous les départements du royaume nommeront des commissaires et 3 armuriers experts jurés, à l'effet de vérifier, éprouver et recevoir les armes qui, consé-quemment aux articles suivants, pourront leur être présentées. »
Un membre propose, par amendement, de n'établir que 8 ou 10 commissions, dans l'étendue des départements, indépendamment de celles établies dans les villes de manufactures
(Après quelques débats, l'Assemblée adopte l'amendement, sauf rédaction, et le renvoie au comité militaire pour proposer le nombre des commissions et indiquer le lieu où elles seront établies.) v
Un membre propose, par amendement, que chaque commission soit composée d'un commissaire du département et d'un officier d'artillerie èt qu'à cette commission soient attachés 2 armuriers experts, nommés par le département.
(L'Assemblée adopte cet amendement.)
, le jeune, rapporteur, donne lecture de l'article 2 :
« Toute personne qui présentera aux commis? saires des divers départements un ou plusieurs fusils de guerre neufs, dgs calibre et longueur qui seront fixes dans une Instructioq particulière annexée aq présent deçret, que les fusils soient d'une fabrique nationale pu étrangère, pourvu d'ailleurs que, d'après les visites et épreuves déterminées dans l'instruction, ils soient jugés propres à servir utilement à l'armement d un citoyen, recevra comptant, pour chaque fusil garni de sa baïonnette, et celle-ci de son fourreau, une somme de 3a livres. »
Un membre, propose, par amendement, qu'au lieu de fixer le prix des fusils à 35 livres, le minimum du prix soit déterminé à 24 livres et le maximum à 30 livres.
(L'Assemblée adopte cet amendement, puis dé; crête sans modifications l'article 3). Il est ainsi conçu :
« Les commissaires pour la vérification et réception des armes seront indemnisés de leurs frais de voyages ainsi que les armuriers ; ceux-ci seront, en outre, payés du prix de leurs journées, le tout ainsi qu'il sera réglé par les directoires des départements respectifs. »
, le jeune, rapporteur, donné lecture de l'article 4 :
« Les fonds nécessaires pour cette dépense et autres accessoires tels que l'encaissement, le transport, etc., ainsi que pour acquitter le prix des armes, seront pris sur ceux décrétés extraor-dinairement pour la guerre; en conséquence, le ministre donnera les ordres les plus prompts pour qu'il y ait des fonds suffisants verses dans chaque département pour cet objet. »'"
Un membre propose, par amendement, que le nombre des fusils soit fixe ^'800,000; qu'il soit
à l'instant remis entre les mains du ministre de la guerre, une somme de 3 millions, pour procéder à cet achat et que l'Assemblée décrète qu'il sera successivement fait de nouveaux fonds jusqu'à l'approvisionnement total des 300,000 armes.
(L'Assemblée adopte cet amendement, puis l'article sauf rédaction.)
, le jeune, rapporteur, donne lecture de l'article 5.
Les fusils, ausssitpt qu'ils seront reçus, seront déposés dans des magasins destinés à çet usage; le pouvoir exécutif retira compte de huitaine eu huitaine, à l'Assemblée nationale, de l'état où se trouveront ces magasins, et Iqi proposera, d'après les demandes des directoires, et notamment de ceux des départements (routières, les distributions d'armes qu'il croira convenable de faire aux citoyens; eu conséquence» il n'en sera fait aucune que sut* un décret du Corps législatif. »
Un membre propose, par amendement, qu'au lieu de charger le pouvoir exécutif de rendre compte 4e huitaine en huitaine» il soit enjoint au ministre de la guerre de rendre ce compté de mois en mois.
(L'Assemblée adopte cet amendement, puis décrète, sans modifications, l'article 11 esVilflsi conçu ;
« Les fusils ainsi distribués seront marqués, sur le canon et à la crosse, des deux lettres A N, signifiant arme nationale; les corps administrç-tits et municipalités yeilleront à ce qu ils ne soient point dilapidés; en conséquence, U n'en sera délivré aucun qu'à des citpyens inscrits sur les registres de la garde nationale les npms de ceux a qui les armes auront été confiées seront enregistrés dans chaque municipalité, qqj en enverra un double au directoire du district dont elle relève et celui-ci tous les mois au département, chaque municipalité se fera représenter les armes quand elle le jugera à propos et veillera à ce qu'elles soient conservées dans le meilleur état, sans que ceux qui en seront dépositaires puissent y faire aucune espace de changement.
« Tout citoyen qui serait convaincu d'avoir vendu son fusil sera déclaré incapable de porter les armes pendant 3 années; sans que, pour ce, il puisse être dispensé de rembourser le prix de l'arme qui lui aurait été confiée, pour lequel remboursement il sera poursuivi par le procu-reitr-syndic du district, sous sâ responsabilité personnelle. »
, le jeune, rapporteur, donne lecture de l'article 7.
« A la fin de la guerre, les armes qui auront été ainsi délivrées aux citoyens, soit qu'ils aient eu ou non occasion d'e,n taire usage contre l'ennemi, leur resteront en toute propriété? comme un témoignage de l'honorable engagement qu'ils auront pris envers la nation, de défendre son indépendance et sa liberté. »
Un membre, propose, par amendement, qu'au lieu d'accorder à la fin de la guerre aux citoyens la propriété des armes qui leur auraient ét^ délivrées, on les laisse en dépôt entre leurs mains, à la charge de les entretenir et de les représenter.
(L'Assemblée adopte cet amendement, puis l'article 7, sauf rédaction.) 1
, le jeune, rapporteur^ donne lecture de l'ârticlè 8 qui est ainsi conçu :
« Comme il importe essentiellement de savoir quel est le nombre d'armes sur lequel il est possible de comptef sur chaque point de la frontière, et même dans l'intérieur du royaume, tous les citoyens qui ont chez eux des fusils de guerre, soit qu'ils leur appartiennent en propriété ou qu'ils leur aient été fournis précédemment des magasins nationaux, feront, dans les 8 jours de la publication du présent décret, à la municipalité de leur domicile, la déclaration du nombre qu'ils en auront; ces armes seront marquées, si les citoyens le désirent, des mêmes lettres A N : elles seront alors sujettes, comme les premières, aux mêmes inspections des municipalités et corps administratifs, et elles appartiendront à la fin de la guerre en toute propriété à ceux qui se seront ainsi engagés à en faire usage contre les ennemis de l'Etat; celles qui auraient été tirées des arsenaux ou magasins nationaux et qui ne seraient point marquées des deux lettres A N ne pourront en aucun temps, même après la guerre, faire partie d'une propriété particulière.
(L'Assemblée adopte Partide 8, sauf les changements nécessités par l'amendement adopté avec l'article 7.)
, le jeune, rapporteur, donne lecture des articles 9 et 10 qui sont adoptés, sans discussion, dans les termes suivants :
« Les citoyens qui auraient plusieurs fusils de guerre à leur disposition, dont quelques-uns leur seraient inutiles, sont invités à s'en défaire le plus tôt possible et de manière à ce qu'ils fassent entre les mains d'autres bons citoyens, Assemblée nationale déclarant que celui-là aura le mieux mérité de la patrie qui, dans les circonstances actuelles, aura contribué à armer un plus grand nombre de défenseurs de la liberté.
« Aucun citoyen, inscrit sur le registre de la garde nationale, ne pourra être contraint de céder son fusil, même sous prétexte d'en armer plus utilement un autre citoyen ; et dans le cas où, pour le besoin de l'Etat, il consentirait à s'en dessaisir pendant quelque temps, il en sera tenu note sur les registres de la municipalité, pour son fusil lui être rendu aussitôt qu'il sera possible de le faire. »
, le jeune, rapporteur, donne lecture de l'article 11 :
« Pendant tout le temps de la guerre, il sera délivré par an, à chaque municipalité, une somme de 20 sous pour les entretien et réparation de chaque fusil, enregistré et marqué comme il a été dit ci-dessus; les officiers municipaux et corps administratifs veilleront à l'emploi de ces fonds affectés aux réparations dont ils sont spécialement chargés, aucun citoyen n'ayant le droit d'y prétendre en particulier qu'en raison seulement des réparations dont son arme pourrait avoir besoin. »
Un membre propose la question préalable.
(L'Assemblée décrété qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'article 11.)
, le jeune, rapporteur, donne lecture de l'article 12, qui devient article 11 et qui est adopté, sans discussion, dans les termes suivants :
« Toute personne qui se sera permis de marquer une arme des lettres A N ou d'acheter pendant tout le temps de la guerre une arme ainsi parquée, sera privée du droit de porter les larmes pendant un an et condamnée à 30 livres
d'amende pour chaque arme qu'elle aura ainsi achetée ou marquée. »
, le jeune, au nom du comité militaire, soumet à la discussion un second projet de décret (1), non soumis à la sanction, enjoignant au ministre de la guerre de présenter, sous 3 jours, au comité militaire, un projet d!instruction sur la qualité que doivent avoir les armes de guerre; ce projet de décret est ainsi conçu (2)
• L'Assemblée nationale décrète que le ministre de la guerre présentera, sous 3 jours au plus tard, à son comité militaire, un projet d'instruction sur la qualité que doivent avoir les armes de guerre et sur la manière dont il doit être procédé à leurs vérifications et épreuves par les commissaires des départements : ce comité est chargé de lui en faire le rapport sans délai, pour une instruction détaillée être jointe au décret de ce jour. »
(L'Assemblée adopte le projet de décret.)
(La séance est levée à quatre heures.)
Séance du
PRÉSIDENCE DE MM. PASTORET ET LEMONTEY, ex-président.
PRÉSIDENCE DE M. PASTORET.
La séance est ouverte à six heures du soir.
Un de MM. les secrétaires annoncé que la Société des Amis de la Constitution de Pertuis, envoie 308 1. 10 s. en assignats, et 53 livres pour espèces, en un bon sur la poste.
(L'Assemblée accepte cette offre avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis aux donateurs.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres et pétitions suivantes :
1° Pétition d'un citoyen, qui demande à être autorisé à établir dâns un moulin qui lui appartient, sur la rivière de Sèvre, une fabrique de poudre de guerre, sous la surveillance des corps administratifs et de tel autre commissaire qu il plaira à l'Assemblée nationale de nommer.
(L'Assemblée renvoie la pétition aux coihités militaire et de commerce réunis.)
2° Lettre de M. Duranthon, ministre de la justice, qui fait part à l'Assemblée des abus dont est susceptible la manière actuelle de constater l'état civil des citoyens, les réclamations qu'ils excitent de toutes les parties de. l'Empire et la nécessité de s'occuper, sans délai, du nouveau projet de loi qui lui a été présenté.
Cette lettre est ainsi conçue (3) :
« Paris, le
« Monsieur le Président.
« On des principaux objets qui appellent l'at-
tention de l'Assemblée nationale, c'est l'état civil des citoyens et la fixation du mode d'après lequel il devra être constaté.
« Je Suis informé par le curé de la paroisse de Charce, département de la Mayenne-et-Loire, que certains juges de ce département ont décidé qu'il n'était pas nécessaire de porter les nou-Veau-nés à l'église pour ,y faire constater leur naissance ou leur baptême, qu'il suffisait de les présenter à cet effet, à un juge compétent ou à la municipalité, tandis que, d'un autre côté, le directoire de ce département a arrêté que cette marche était illégale.
« J'ai l'honneur, Monsieur le Président, de vous adresser cet arrêté. Vous verrez qu'un particulier dont l'enfant n'avait été ni baptisé, ni inhumé, dans le lièu ordinaire des sépultures, a été dénoncé au tribunal du district de Vihier, pour y être poursuivi suivant les anciennes ordonnances.
« Cette diversité d'opinions entre les autorités judiciaires et administratives sur une matière aussi délicate, met les curés du département de la Mayenne-et-Loire dans une alternative véritablement pénible r « Si nous nous conformons, disent-ils, aux intentions des administrateur?,notre conduite est blâmée par les juges, si, au contraire, nous obéissons a ceux-ci nous frondons l'arrêté du directoire, c'est dans cette position que le curé de Charce sollicite avec instance, une loi qui dissipe tous les doutes et fixe toutes les incertitudes;
« 11 n'est que trop vrai que plusieurs enfants depuis la Révolution ne jouissent pas d'une existence légalement constatée, et cet abus a lieu principalement dans les paroisses où des citoyens, égarés par les perfides insinuations des non-conformistes, font baptiser secrètement leurs enfants. Le fanatisme, favorisé par de coupables „ manœuvres, a été tel que des municipalités se sont quelquefois vues forcées de faire inhumer, les morts qu'on refusait de porter aux églises.
« Je suis encore informé que la municipalité du \Breuil, district de la Châtaigneraie, département de la Vendée, a cru devoir publier les bans d'un mariage qui ensuite a été célébré par un curé insermenté et déplacé.
« Les administrateurs ae ce district viennent de me dénoncer ce fait qui ajoute à la nécessité de fixer, dans toutes les parties de l'Empire, une manière uniforme et invariable de constater les naissances, mariages et sépultures, pour faire disparaître enfin les inconvénients qui résultent de l'état actuel des choses.
« L'intérêt général et particulier, la paix des familles, l'ordre public, tout vous déterminera, Monsiéur le Président, à inviter le Corps législatif à accélérer le règlemen|jqu'il a projeté sur cet important objet.
« Je suis avec respect, etc.
« Signé : duranthon. »
Arrêté du directoire du département de Maine-et-Loire, duer août 1791
« Le directoire du département, assemblé au lien ordinaire de ses séances, où étaient présents et assistaient : MM. Druillon, vice-prèsiaent, Villier, Goffaux, Hamon, Cresteault, Boullet et Ollivier, administrateurs, P.-M. Delaunay, procureur général syndic.
« M. le procureur général syndic a dit :
« Le fanatisme fait des progrès; l'habitant
des campagnes, victime de fausses opinions que des prêtres refractaires lui inspirent, devient rebelle à la loi. De grands exemples de scandale sont donnés et il est temps que le désordre cesse. '
François-René-Androuin, tanneur, et Jeanne-Josephine Bas tard ont été mariés dans la religion catholique, apostolique et romaine. Un enfant est né de ce mariage, le 9 du mois de juin dernier; il n'a pas été présenté à l'église, mais Androuin a fait déclaration le 15 du même mois, aux officiers municipaux de SainULambert du Lattay, devant 4 témoins, de la naissance de cet enfant : il a demandé qu'elle fût constatée sur les registres de la municipalité qui s'est refusée à un acte aussi illégal.
« Le 8 du mois de juillet; Pierre Jouneau, domestique d'Androuin, a déposé devant la porte dë l'église un enfant mort, a déclaré qu'il appartenait à François-René Androuin, et était l'enfant né le 9 juin; interpellé, s'il avait été baptisé, il a répondu qu'uhè sage femme, à lui inconnue, l'avait baptisé. .
« Le curé et la municipalité de Saint-Lambert, ne voyant aucuns parents attester ni la naissance "de l'enfant, ni son identité avec celui né d'Androuin et Bastard, le 9 juin, n'ont pu l'inhumer avec les autres fidèles. Le corps a été mis en terre profane, et il a été rédigé procès-verbal du tout.
« Cet événement n'est pas isolé, il tient à un système général que des prêtres incendiaires accréditent dans le département. Les nouveau-nés ne sont plus présentés à l'église, ou bien sont baptisés sous la cendre par des prêtres réfractai res et remplacés. Les corps des citoyens qui se sont montrés les vrais amis de la Constitution sont abandonnés à leurs familles, dans les paroisses où les fonctionnaires publics, non assermentés, ne sont pas encore remplacés;! dans celles où les fonctionnaires publips sont remplacés, les parents, égarés par les insinuations perfides aes prêtres réfractaires, ' refusent de faire porter les morts à l'église.
« Les municipalités, à défaut de prêtre et de cérémonies religieuses, sont contraintes de faire faire les inhumations, et d'en dresser des procès-verbaux.
« L'état de tout enfant qui naît d'un mariage fait suivant les rites de la religion catholique, apostolique et romaine, doit être constaté par l'acte de son baptême. Lorsque des parents négligent de présenter leurs enfants au baptême, la puissance civile et l'autorité ecclésiastique doivent les y contraindre ; les rituels, les statuts, synodaux et les arrêts de règlements en font une loi expresse.
« 11 importe, à l'ordre public, que les naissances et les morts soient constatées ; la paix des familles et la stabilité des fortunes en dépendent. Vous apprendrez avec surprise, Messieurs, que la majorité dès enfants nés, depuis les incursions faites dans votre territoire, par les missionnaires de saint Laurent, jouissent d'une existence non constatée légalement. En parcourant les dénonciations qui vous Sont faites, vous connaîtrez que le poison de ces prêtres fanatiques infeste presque tous vos districts.
« Quels motifs donnent les. citoyens, en refusant de présenter lës nouveau-nés à l'église? Ils invoquent la Déclaration des droits de l'homme et la liberté des opinions religieuses. C'est cette même liberté que vous devez leur opposer. L'opi-
nion appartient à celui qui l'a; elle est indépendante de l'opinion d'autrui, En matière dè religion, la conscience guide l'opinion, elle est libre à l'individu qui, par le développement de ses facultés intellectuelles, peut l'asseoir avec discernement.
« Mais l'enfant nouvellement né peut-il donc avoir une opinion individuelle ? Est-il donc libre à des père et mère, mariés suivant les cérémonies d'une religion de s'en écarter ?
Non, Messieurs, et l'édit de 1787, concernant ceux qui ne,font pas profession de la religion catholique, édit cité avec complaisance par les prêtres qui se qualifient de non-conformistes vous trace la conduite que vous avez à suivre :
Art. 1er. « La naissance, le mariage et la mort de ceux qui
professent la religion catholique ne peuvent être constatés que suivant les rites et les
usages de la dite religion, autorisés par les ordonnances.
Art. 25. « La naissance des enfants des non-catholiques, et' qui auront été mariés suivant les formes prescrites pour les mariages des non-catholiques sera constatée, soit par l'acte de leur baptême, s'ils y sont présentés, soit par la déclaration que feront, devant le juge du lieu, le père et 2 témoins domiciliés, ou, en son absence,, 4 témoins aussi domiciliés qu'ils sont chargés par la mère, de déclarer que l'enfant est né, qu'il a été baptisé, et qu'il a reçu un nom.
« Si l'enfant est né de père et mère d'une secte qui ne reconnaît pas la nécessité du baptême, ceux qui lé présenteront, déclareront la naissance ue l'enfant, la secte dans laquelle il est né, et justifieront que le père èt la mère ont été mariés dans la forme prescrite pour les non-catholiques. »
« Androuin a été marié suivant les usages de la religion catholique ; il a du présenter son enfant au baptême et faire constater par cet acte sa naissance. 11 n'a pu s'écarter de la I&L qu'en justifiant avoir été marié suivant lès formes prescrites pour les, non-catholiques. Aucune loi, postérieure à l'édit, en a changé les dispositions.
« J'estime qu'il y a lieu de dénoncer François René Androuin à. l'accusateur public, auprès du tribunal du district de Vihiers.,
« Le direptoire du département, faisant droijt sur le réquisitoire du procureur général syndic, arrête que :
1° François René Androuin sera dénoncé au tribunal du district de Vihiers, pour y être poursuivi aux termes des ordonnances et sous les peines de droit, à l'effet de quoi le procureur général syndic demeure autorisé à faire toutes poursuites et diligences ;
i" Dans les $ jours dé la publication du présent arrêté, lés père et mère mariés suivant les rités et usagés ae la religion catholique, apostolique et romaine, seront tenus de présenter leurs enfants non baptisés à l'église, et par la suite dans les 3 jours après leur naissance ;
3° Les municipalités seront tenues de dénoncer les contrevenants aux procureurs syndics des districts, qui en référeront au procureur syndic ;
4° Tous contrevenants seront dénoncés par le dernier aux accusateurs publics ;
5° Sera, le présent arrêté, imprimé, lu, publié, placardé et envoyé à toutes les municipalités,
qui certifieront les procureurs syndics des districts de la réception de l'envoi.
Fait en directoire, séant à Angers, les jour et an que dessus.
Signés : Druillon, Villier, Goffaux, Hamon, Gresteault, Ollivier, Boullet, Delaunay, Barbot.
(L'Assemblée ajourne au lundi suivant, 18 juin 1792, la discussion de ce projet.)
3e Lettre du lieutenant général Lamorliére, relative aux terres vagues et incultes qui lui furent concédées en 1773, en récompense de ses services. |
(L'Assemblée ordonne le renvoi; de cette lettre au comité des domaines.)
4° Lettre de M. de Grave, ancien ministre de la Guerre, relative à son administration et à la nécessité de maintenir la discipline dans l'armée: cette lettre est ainsi conçue ; (1)
« Monsieur le Président,
« Si les forces des hommes en place pouvaient toujours répondre à leur zèle, si libres de conserver une santé sans altération, il ne dépendait que d'eux de toujours consacrer au service public l'usage de toutes leurs facultés, certes, j'aurais eu grand tort de ne pas répondre à la confiance du roi, en redoublant d'activité dans l'exercice des importantes fonctions qui m'étaient confiées, mais si, accablé d'un travail excessif et de veilles continuelles, j'ai eu la crainte de ne plus suffire à mes devoirs, si je n'ai pu vaincre des impressions de sensibilité, dont l'horrible assassinat d'un officier, mon ami (2) avait dû me pénétrer; si, malgré une opinion trop généralement répandue, je n'ai pas cru qu'il fut possible de nasarder aucune opération importante avant que la discipline, la confiance et la subordination fussent mieux établies qu'elles ne l'étaient le 29 avril dernier, enfin, si toutes les circonstances se sont réunies pour rendre les obstacles fort au-dessus de mes forces, j'ai certainement pu et j'ai dû quitter le ministère.
« L'Assemblée ayant bien voulu décréter que je pourrais m'absenter pour des fonctions militaires, le roi a approuvé que ie parcourusse les différents camps et les principales garnisons, pour l'instruire des objets qui peuvent être en retard et qui excitent les réclamations et les plaintes des généraux : cette mission importante nie mettant à même de suivre les opérations ordonnées pendant mon administration et de servir la chose publique avec une grande utilité, je n'ai pas hésité à l'accepter avec zèle ; mais je la remplirai avec plus de succès, j'obtiendrai plus de confiance, si l'Assemblée veut bien entendre quelques détails sur les principaux objets, de mon administration, que le mauvais état de ma santé ne m'a pas permis de lui présenter plus tôt et que j'ai l'honneur de lui adresser du milieu de l'armée. 1 ' %
« En arrivant au ministère, je me suis occupé d'achever le remplacement des officiers; cet' objet était de la première importance ; un mouvement continuel avait rendu ce travail aussi compliqué qu'incertain, la lenteur des expéditions multipliaitlesplaintes ; les plaintes ontcessé depuis que j'ai fait parvenir aux officiers généraux l'ordre de faire eux-mêmes, provisoirement, les remplacements, conformément aux dispositions prescrites par la loi. C'est sur mes obserr vatiôns que l'Assemblée a substitué le remplacement par régiment au remplacement par rang d'armes : de cette mesure dépendait l'organisation de l'armée.
« La perte sur les assignats avait excité le mécontentement dans quelques garnisons frontières ; c'est sur mes observations que l'Assemblée a décrété que la solde serait payée en numéraire et qu'elle a déterminé une augmentation dans les appointementsdesofficiers. C'est pareillement sur mes observations que l'Assemblée a laissé subsister le nombre actuel des officiers généraux et qu'elle a adopté la mesure des commandants temporaires dans les places. Beaucoup>d'autres dispositions importantes, telles que celles sur le rétablissement de la discipline, ont été l'objet de l'attention de l'Assemblée.
« Quant aux détails uniquement confiés à mon administration j'en rappellerai une partie.
« J'ai augmenté les approvisionnements ; j'ai pressérexpéditiondetousceuxprécédemment ordonnés avec une grande activité par mon prédécesseur; j'ai conclu peu de nouveaux marchés, mais j'ai exigé des dédits et des dépôts, de la part des entrepreneurs, pour les forcer à ne pas se faire unieu des conventions souscrites pour le service de l'Etat ; j'ai ordonné des poursuites juridiques contre les fournisseurs qui avaient pu tromper le gouvernement; j'ai laissé à mon successeur le projetdu moyen qu'il a adopté, pour augmenter nos approvisionnements d'armes, sans accroître la sortie du numéraire. J'avais trouvé la partie de l'habillement dans le plus grand désordre, par l'abandon de celui qui en était chargé en chef, par l'épuisement des magasins, par l'insurrection des ouvriers des manufactures, par le renchérissement porté à près du double sur les draps ; cependant la plus grande partie du remplacement de 1791 à 1792 a dû être effectué; toutes les étoffes pour ses soldes d'augmentation ont été envoyées; j'ai formé un nouveau directoire compose d'hommes dont les lumières et la probité doivent donner des espérances sur l'exactitude de ce service. Dans ce moment, les manufactures sont dans la plus grande activivité et les livraisons doivent se succéder rapidement; elles doivent être augmentées par des secours étrangers.
« Cependant j'observerai que l'indiscipline et la mauvaise tenue des troupes peut double)'cette , partie de la dépense du département de la guerre, et il est bien important que cette considération soit sentie du soldat et que le patriotisme la lui fasse apprécier.
« J'ai avancé le travail de la formation de la gendarmerie nationale et j'y ai mis tout l'intérêt que m'inspirait le maintien de la tranquillité et de la sûreté publique, essentiellement liées à la promptitude de cette formation. J'ai écrit aux corps administratifs du Midi, pour les engager à rappeler à tous les citoyens, l'amour de la loi et le respect des propriétés. Bien loin d'avoir diminué les forces militaires dans cette partie, comme la calomnie m'en a accusé, je lésai augmentées,
pendant mon ministère, de près de 10 bataillons. Je n'avais certainement ni le pouvoir, ni l'intention d'enlever aux corps administratifs et judiciaires le droit que la loi leur donne de requérir les troupes; les corps administratifs, judiciaires et municipaux étant responsables de toute violation de propriété, de toute atteinte à la liberté et à la sûreté individuelle, c'est eux que la loi arme pour faire exécuter la loi.
« J'ai porté le zèle du patriotisme dans toutes les parties de mon administration; et si je n'ai pas fait mieux, c'est que cela ne m'a pas été possible. J'ai travaillé aussi longtemps que mes forces me l'ont permis et je peux dire y avoir été autant encouragé, par la confiance de l'Assemblée nationale, que par la volonté que le roi n'a jamais cessé de me montrer pour le maintien de la Constitution et de la tranquillité publique.
« Maintenant, Monsieur le président, je peux dire à l'Assemblée nationale, sans craindre de nuire à aucun des projets de nos généraux, que j'ai quitté le ministère avec la persuasion, qu'à cette époque, toute mesure offensive n'eût été qu'imprudente. Le premier événement de la guerre n'a dû être regardé que comme une tentative fondée sur les dispositions dans lesquelles on supposait le Brabant, et la proximité de nos places fortes, ne laissaient pas de doutes sur la facilité d'une retraite qui, dans la spéculation, ne présentait aucun danger et dont les malheurs ne peuvent êtreattribués qu'à la défiance excitée et dirigée contre nos meilleurs officiers par des hommes séduits et vendus aux ennemis. Depuis un mois on a rassemblé les troupes, on a cherché à les ramener à l'exécution des lois militaires, de nouvelles lois ont été décrétées; enfin on a fait tout ce qui m'avait paru exigé par la plus indispensable nécessité.
« Tous les hommes raisonnables, et dont aucune passion n'influence les opinions, conviennent que c'est la méfiance qui est la principale cause de tous nos malheurs ; quelques journaux cherchent à l'exciter contre les généraux ; on les accuse de vouloir prolonger la guerre pour prolonger leur autorité, comme si jaloux de leur autorité ils n'en trouvaient pas l'accroissement dans les succès; comme si une seule affaire, un seul engagement, pouvait être la fin de la guerre et nous rendre la paix. Cependant le soldat qui, au lieu de mettre sa confiance dans les chefs, la placerait dans certains papiers publics, se croirait encore trahi.
« L'opinion de l'Assemblée nationale, souvent prononcée, peut seule arrêter les malheurs que la méfiance produirait.
« Je regarde un second remplacement d'officiers comme absolument impossible; on ne trouve pas, dans un jour, des officiers généraux, des officiers d'artillerie, des officiers du génie, des officiers d'état-major, des chefs de corps; il n'y a qu'une ignorance barbare qui peut faire croire tous les hommes également bons à toutes les places; il n'y a qu'une ignorance barbare qui peut supposer l'existence d'une armée possible sans officiers instruits. Partout où la guerre est un art, le talent fait plus que le nombre, partout le talent est une propriété qui se soustrait à toute vexation ; ceux qui disent, ceux qui impriment tant d'injures contre les généraux, contre les officiers, et qui en même temps, flattent les soldats des prochains succès, sont certainement les meilleurs alliés des armées ennemies.
« C'est à l'Assemblée nationale qu'il appartient
d'agir sur l'opinion publique avec toute l'autorité de la confiance; c'est à elle qu'il appartient, de dissiper les erreurs d'une méfiance fanatique et c'est ainsi qu'elle préviendra les dangers qui menaceraient la liberté et la Constitution, si de nouveaux soupçons, semés entre les chefs et les soldats, nous conduisaient en désordre au-devant d'un ennemi instruit et discipliné.
« J'ai l'honneur d'être, avec respect.
« Signé : de Grave.
« Ancien ministre de la guerre: »
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité militaire.)
5° Pétition du citoyen chargé de l'entreprise de toutes les brouettes et chariots nécessaires pour le service des divers travaux ayant eu lieu au Champ-de-Mars en 1791, qui demande, tant en son nom, qu'en celui de ses créanciers, qu'on ne retarde pas plus longtemps le payement des sommes qui lui sont dues.
(L'Assemblée décrète le renvoi de cette pétition au comité de liquidation.)
6° Lettre de 22 signataires de la pétition présentée le 9 juin 1792, qui rétractent leur signature et se plaignent ae la surprise qui leur a été faite.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de surveillance et de législation réunis.)
M. le président cède le fauteuil à M. Lemontey.
PRESIDENCE DE M. LEMONTEY.
Une députation de 20 citoyens de la section des Postes est admise à la barre..
L'orateur de la députation donne lecture de l'adresse suivante :
Législateurs,
« Ce n'est point de notre ferme résolution de mourir pour le maintien de la Constitution et de la loi que nous venons vous occuper ; c'est là un devoir commandé à tous les vrais citoyens, sous peine de perdre la liberté, et nous le rem- fdirons. Malheur à celui qui ne veut pas être ibre ! Il faut le plaindre avec la pitié qu'on accorde à la démence.
« Nous venons vous dire que nous détestons ces malheureux, qui, dans l'excès de leur rage de n'avoir pu diviser le peuple, ont voulu l'égarer. Parmi les mille moyens que les agitateurs ont tenté, celui de la pétition des prétendus 8,000 gardes nationaux, sur votre sage décret qui établit un camp de 20,000 de nos frères, n'est peut-être pas le plus perfide. Vous avez interprété nos sentiments tels qu'ils sont. Ah 1 sans doute, les véritables citoyens n'ont que la même âme. Poursuivez, législateurs; des millions de bras libres vous entourent et vous serrent sur leurs cœurs brûlants de patriotisme. Ordonnez, et le globe s'écroulera plutôt sur ses fondements, avant que nous souffrions la moindre atteinte à l'égalité et à la liberté. C'est par ces sages décrets que le peuple français s'enorgueillit du choix qu'il a fait de ses représentants. C'est en écrasant l'hydre à mille têtes qui ne cessent de se reproduire, pour vomir ses poisons, même dans votre sein, que vous serez les vrais pères delà patrie et les bienfaiteurs de l'humanité. Que les criminels tremblent! nous veillons. Il en est de grands à punir, puisqu'ils ont osé con-
cevoir l'espérance affreuse de compromettre l'honneur, la vertu et le salut du peuple. Nous venons demander que vous vengiez la nation.
« Signé : Renard, desvieux, basty, DidE-lot, Lefèvre, David, Janis, Gambier, Relet fils, Langlois, Moreau, Reignier, Bachelard, Frotté ,Lhéritier fils, Crigy, Corneille, Ibert, Frosté. »
L'orateur de la députation donne ensuite lecture de l'arrêté, conçu en ces termes :
Extrait des registres des délibérations des assem» blées générales de la section des
Postes, du
« L'assemblée générale de la section des Postes, légalement convoquée sur la pétition de 50 citoyens actifs, tendant à délibérer sur la. pétition incivique autant qu'inconstitutionnelle de prétendus 8,000 citoyens gardes nationales,, et aviser aux moyens de faire punir les agitateurs du peuple, qui se sont servi de la voie de l'état-major de la garde nationale parisienne, pour faire passer dans les bataillons cette pétition, ouvrage de ténèbres,l'assemblée, composée de 115 citoyens, après une ample discussion :
« A arrêté : 1° qu'elle improuve formellement,, et voue à l'indignation, au mépris public et du monde entier, cet ouvrage et ses auteurs, comme portant une atteinte coupable à la Constitution;
« 2° Que ce sentiment sera porté à l'Assemblée nationale par une députation de 20 membres, qui seront chargés de présenter l'assurance la. plus ferme et la plus constante de son entier dévouement à la Constitution et à la loi ;
« 3° Que le présent arrêté sera envoyé le plus promptement possible aux 47 autres " sections,, avec invitation de réunir, comme elle va le-faire, toutes les preuves qu'il sera possible de se procurer, de l'existence de l'infâme coalition, formée pour diviser les citoyens par cette pétition, et surprendre perfidement leurs signatures,, à l'effet d'insulter aux travaux de l'Assemblée nationale, à la loi et à l'honneur des citoyens.
« L'assemblée arrête, en outre, que les 47 autres sections seront priées de réunir leurs preuves en corps, afin de les mettre sous les yeux de l'Assemblée nationale, et demander une justice éclatante contre les auteurs, fauteurs et complices de cet attentat.
« Et pour porter le présent arrêté àTAssem-blée nationale, l'Assemblée a nommé pour ses commissaires députés, MM. Renard, Desvieux, Basty, Didelot, Lefèvre, David, Janis, Gambier* Belet fils, Langlois, Moreau? Reignier, Bachelard* Frosté, Lhéritier fils, Gngy, Corneille, Ibert„ Guilliot et Praviel.
« Pour expédition conforme à la minute :
« Signé : FROSTÉ.
« Secrétaire de l'Assemblée» »
répond et accorde à la députation les honneurs de la séance-
(L'Assemblée décrète la mention honorable,, l'insertion au procès-verbal et le renvoi aux. comités de législation et de surveillance réunis, tant de l'adresse que de la délibération.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture de» décrets sanctionnés par le roi, ou dont Sa Majesté a ordonné l'exécution. Cette note est ainsi conçue :
Le ministre de la justice a l'honneur d'adresser à M. le Président de l'Assemblée nationale, la note des décrets sanctionnés par le roi, ou dont Sa Majesté a ordonné l'exécution.
DATES DES DÉCRETS.
"25 mai 1792. M mai 1792.
À juin 1792.
-9 juin 1792.
3 juin 1792.
'-9 juin 1792. -S. juin 1792.
S juin 1792.
11 juin 1792. 14 juin 1792.
12 juin 1792.
titre des decrets.
Décret de liquidation d'offices de judicature.
Décret relatif à l'organisation de l'artillerie et de l'infanterie de la marine.
Décret portant rectification du décret relatif aux 6 millions accordés au ministre des affaires étrangères.
Décret portant établissement d'une compagnie,de guides dans l'armée du Midi.
Décret en faveur de la dame de Saint-Laurent, relativement aux pertes qu'elle a essuyées dans une insurrection à Dunkerque.
Décret en faveur du sieur Borée, renvoyé arbitrairement de Saint-Domingue.
Décret qui charge la Trésorerie nationale du payement des pensions et gratifications annuelles assignées sur d'autres caisses que sur celle du Trésor public.
Décret qui déclare valables les nominations des sieurs Leteneur et Bedi de Lagrange, aux emplois de capitaine et de lieute-nant de la gendarmerie nationale.
Décret qui accorde une somme de 100 livres au département de l'Aisne.
Décret qui autorise le ministre de la guerre à rembourser au sieur Duvelleray les avances qu'il a faites en faveur des sieurs Garteret et Bisson.
Acte d'accusation contre le sieur Cossé-Brissac.
« Paris, le 15 juin 1792, l'an IVe de la liberté.
« Signé : duranthon. »
dates des sanctions.
14 juin 1792.
14 juin ;1792.
*14 juin 1792.
14 juin 1792.
14 juin 1792.
14 juin 1792, 14 juin 1792-
Î14 juin 1792.
14 juin 1792, 14 juin 1792,
Le roi en a ordonné 'l'exécution le 14 juin 1792.
Quatre ouvriers artistes d'une imprimerie sont -admis à la barre. Ils déposent sur le bureau un don patriotique de 367 livres, 3 sols en assignats, >et de 39 livres 8 sols en espèces.
leur accorde les honneurs de la séance.
(UAssemblée accepte cette offrande avec les j)lus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait .sera remis aux donateurs.)
Un vieillard, anciennement employé à la démolition des fortifications de Nancy et rendu aveugle par l'explosion imprévue d'une mine, est admis à la barre. 11 demande un supplément de pension.
lui accorde les honneurs de -la séance.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de liquidation, pour en être incessamment fait le rapport.)
Un ancien militaire est admis à la barre.
Il rappelle à l'Assemblée une pétition qu'il lui a précédemment faite pour obtenir une pension.
lui accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité militaire, pour»en faire incessamment le rapport.)
, au nom du comité d'instruction publique, fait un rapport (1) et présente un pro-
Messieurs, le 11 mars, vous avez renvoyé au comité d'instruction publique une pétition et un plan de Pierre François Palloy, architecte-entrepreneur, pour l'exécution d'un monument consacré à la liberté sur le terrain de la Bastille.
Le zèle et le patriotisme désintéressé de ce citoyen sont connus; il partagea la gloire de renverser cette forteresse redoutable où le despotisme enchaîna si souvent les amis courageux de la philosophie et de la liberté. Chargé de démolir la Bastille, dans un temps orageux, il s'est acquitté autant avec prudence qu'avec probité; il sacrifia ses veilles, sa fortune et son état; sa vie même fut exposée plus d'une fois. Il a mis un zèle constant pour la Révolution. Distingué si éminemment il trouva dans son amour pour les arts, tous les moyens ingénieux et puissants de propager le culte de la liberté, et d'immortaliser la gloire de ces héros. 11 n'exigea rien de ses sacrifices pour ces hommages sans nombre, production d'une fortune bien acquise avant la Révolution.
Les comptes de sa gestion, tant dans ses tra-
Il s'est servi de ces débris mêmes, qu'il a acquis de ce colosse informe (dont il nous a présenté quittance), pour en perpétuer l'effroi dans tous les départements de l'Empire, par différentes allégories, comme gravures, médailles, etc. 11 envoya par un brave (un de ses compatriotes), armé et équipé à ses frais dans chaque chef-lieu de département, l'hommage renfermé dans des caisses, objet très dispendieux, et qui passe l'étonnèment pour un particulier.
Il ne fit cet envoi qu'avec l'approbation du pouvoir exécutif; vous avez été témoins oculaires du nombre infini d'ouvriers qu'il a occupés à ce sujet; toutes les sections de Paris lui ont envoyé des députations, même les départements se'sont empressés d'aller admirer ses travaux, dans ses ateliers, avant qu'ils fussent emballés; que de malheureux, sans ouvrage, n'a-t-il pas alimentés ! il empêcha par là les émeutes populaires, il chargea ses missionnaires qui conduisaient ces palladiums de la liberté (que vous avez qualifiés d'apôtres lorsqu'ils vinrent à votre barre au retour ae leur mission, au nombre de 83), d'annoncer cette insurrection générale ; forcé par la circonstance, il la proclama dans tout l'Empire, par des discours pleins de véhémence, et par cette précaution, il nt et prépara le calme sur tous les points de la France ; il ramena la gaîté, c'était autant de commissaires sans qu'il en coûtât â l'Etat.
Comme Deucalion, avec ce talisman universel il fit en quelque sorte, sortir de terre des défenseurs pour la patrie; à la vue de cet envoi, il sut inspirer et organisa les esprits timorés, timides, égoïstes et insouciants; toutes les classes du peuple en furent instruites; nos ennemis même ont applaudi à son zèle, malgré qu'ils ne respectaient pas son ouvrage. Ces envoyés ont suggéré des fêtes sans nombre; ce n'est pas au seul chefrlieu seulement où se sont bornés ses sacrifices, mais aux districts, aux cantons, aux communes; ces productions furent répandues au même instant et reçues avec le même enthousiasme ; il fit prêcher cette liberté sans licence, il en expliqua les causes en y mettant toujours l'inspiration pour la soumission aux lois, respect aux autorités constituées; il refusa toutes espèces de gratifications quelconques; lesprocés-verbaux des administrations qui vous ont été distribués, le justifie. 11 n'est aucun papier public, aucun homme de lettre qui n'ait écrit à l'avantage de M. Palloy ; il n'est aucun étranger qui n'ait voulu avoir dielui ses hochets civiques, qu'il a eu l'art de métamorphoser sous différentes formes; tout l'univers par lui fut instruit par ces tableaux parlants, des cause3 de la Révolution de France, car les pierres de la Bastille ont été au delà des mers, à Londres, et dans d'autres Etats. Ce modèle très exact et conforme de cette Bastille, ainsi que plusieurs tableaux.
livres et objets destinés à conserver la mémoire de sa prise, de sa destruction, qui fixe la génération française, furent portés en triomphe, comme en France. On ne peut rendre le sentiment et la sensation que cela fit, tant cette forteresse était en horreur dans le monde entier.
Il a purifié, d'ailleurs, tous les éléments qui la composaient, en faisant de ses chaînes des médailles civiques dont vous vous êtes décorés, et dont vous avez décrété la médaille donnée par lui, que porte vos huissiers, en gravant sur ses pierres, l'image des bienfaiteurs de la patrie. Il envoya le portrait du roi, sculpté, à chaque chef lieu, de même que ceux des premiers présidents des Assemblées constituante et législative; voyez votre procès-verbàl du 30 septembre 1791, et la lettre de votre président, chargé par votre arrêté de lui témoigner votre assentiment. L'histoire connaîtra les monuments qu'il fit également ériger à ses frais, par des comparaisons justes et utiles, comme ceux de Mirabeau et Chevert/Désille et Dassas, et tant d'autres; il saisit sans cesse toutes les occasions ppur rendre à nos neveux les faits glorieux de la Révolution, pour en perpétuer la mémoire. Il n'est guère de cabinet ae savant où il n'y ait de ses œuvres ; vos archives, celles de tous les directoires des départements, en ont le témoignage, par les dépôts qui existent, on doit le regarder comme le monumentaire de la Révolution.
Aujourd'hui, il vous propose de purifier le terrain même qui porta ce tombeau vivant, en y formant une place qui s'appellerait Place de la Liberté, et âu milieu de laquelle s'élèverait une colonne simple et majestueuse. La première pierre en serait posée, le 14 juillet, par une députation de l'Assemblée nationale.
Le plan de la colonne, de la place, des rues 'nouvelles qui y aboutiraient, a été mis soup vos yeux par 'M. Palloy, Il pourrait être charge des préparatifs nécessaires pour poser la première pierre le 14 juillet prochain; mais votre comité ne croit devoir se livrer à aucun détail sur la construction en elle-même. Ce sera au pouvoir exécutif à combiner les différents plans, et à les compàrer avec ceux qui ont été présentés ou qui pourraient l'être. Le concours nous a paru le moyen le plus naturel d'exciter les talents et de choisir entre eux. Nous avons pensé qu'il ne devait pas être borne aux artistes de Pans ; toûs ceux de l'Empire ont un droit égal à consacrer leur génie à ce monument triomphal delà liberté. La France entière l'a conquise cette liberté : les citoyens de la France entière seront admis à en éterniser la mémoire.
Vous nous avez encore chargés de vous présenter le moyen de donner à M. Palloy un témoignage (ce sont les propres termes de votre décret) un témoignage de la reconnaissance nationale, dans les vues de récompenser son zèle, le payer en quelque sorte, de ses idées ingénieuses, autant que morales, de son désintéressement, de . son dévouement patriotique, inébranlable; votre comité, en cela, ne remplit que vos intentiohs, et n'émet que le vœu général de la France. Déjà plusieurs départements vous ont fait passer la réception de ces envois avec des pétitions qui recommandaient ce citoyen à votre justice, à votre bienveillance, pour être tout à la fois honoré, applaudi et gratifié par les représentants de la nation. Une concession dans le terrain de la Bastille est la récompense la plus simple et la plus honorable. L'étendue en sera déterminée quand la valeur le senf elle-même ; et vos co-
mités réunis, d'instruction publique et des domaines, vous en proposeront la fixation, dès qu'ils auront reçu au ministre de l'intérieur les éclaircissements nécessaires.
Alors aussi, Messieurs, vous prononcerez sur la vente ou l'emploi du vaste emplacement qui formait l'enceinte de la Bastille ou qui l'environnait. Il produira fj| à 6 millions, si nous en croyons M. Palloy; et selon lui encore, 500,000 livres peuvent suffire pour lui donner une destination nouvelle. Le mémoire qui fait suite de ses plans, le programme et le calcul de son
Srojet qu'il vous a distribués, le démontrent.
. Palloy ajoute même, que plusieurs citoyens offrent d'y concourir, comme ils ont déjà, il y a 3 ans, concouru par leurs efforts civiques, a détruire le séjour de l'esclavage; mais, d'ici à ce moment, vous penserez sans doute qu'il est indispensable de faire démolir, jusqu'en leurs fondements, ces tours, monument honteux de servitude et de vengeance. Il ne faut pas qu'uq seul de ces débris, dans sa forme antique, puisse encore épouvanter les regards et la pensée des citoyens timides, ni flatter, dans les ennemis de la raison et de la justice, une espérance inutile et criminelle.
Voici le projet de décret que je suis chargé de vous présenter :
Décret d'urgence
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité d'instruction publique sur la pétition présentée le 11 mars dernier par le patriote Palloy, architecte-entrepreneur pour l'érection d'un monument consacre à la liberté, et sur la manière de donner à ce citoyen un témoignage de la reconnaissance nationale ; considérant que l'époque du 14 juillet est très prochaine, décrète qu'il y a urgence. »
Décret définitif.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« Il sera formé sur l'ancien terrain de la Bastille une place qui portera le nom dq Place de là Liberté.
Art. 2.
« Il sera élevé au milieu de cette place une colonne surmontée de la statue de la liberté.
Art. 3.
« La première pierre des fondations sera posée, le 14 juillet prochain, par line députation de l'Assemblée nationale, dans le lieu sur lequel la colonne sera élevée. Le pouvoir exécutif donnera à cet égard les ordres nécessaires.
Art. 4.
« Les plans, dessins et devis de Pierre-François Palloy sont renvoyés au pouvoir exécutif, pour les examiner, les çomparer avec tous ceux qui ont été présentés ou qui pourraient l'être, et en rendre compte ensuite à l'Assemblée nationale.
Art. 5.
« Il sera ouvert à cet effet, pendant 4 mois, un
concours auquel seront invités les artistes de tous les départements de l'Empire.
Art. 6.
« L'Assemblée nationale voulant, conformément à son décret du 11 mars dernier, donner à Pierre-François Palloy un témoignage de la reconnaissance publique, lui accorde une portion du terrain qui formait l'emplacement de la Bastille ; cette portion sera déterminée par un décret particulier, sur le rapport des comités réunis dés domaines et d'instruction publique.
Art. 7.
« L'Assemblée nationale se réserve de statuer sur la vente ou l'emploi de tout le reste du terrain, d'après les plans qui lui seront présentés pour la formation de la place.
Art. 8.
« La démolition des tours de la Bastille sera incessamment achevée. »
Plusieurs membres demandent la question préalable.
(L'Assemblée décrète qu'il y a lieu â délibérer.)
Il est donc enfin arrivé le moment où la place de cette Bastille, dont la chute sert d'époque à la régénération de notre Empire, va présenter à l'univers cette colonne, signe de liberté conquise, signe éternel de l'expédition mémorable sans doute, mais diversement envisagée, selon que l'on hait ou que l'on regrette la tyrannie. Les vainqueurs de cette forteresse, nos Parisiens, Secondés de nos- braves gardes françaises, à qui nous devons peut-être tout ce que nous sommes (Applaudissements), ont déjà et plusieurs fois paru dans cette enceinte nationale, au bruit des acclamations. Il s'agit aujourd'hui d'un de leurs dignes camarades, du généreux Palloy. L'amour de la patrie le ravit, le transporta de joie, lorsque le 14 juillet 1789, la ville ae Paris, réveillée de sa trop longue léthargie, osa fixer d'un œil intrépide le fantôme menaçant d'un despotisme insupportable et prêt à s'évanouir. L'honneur de démolir la forteresse qu'il avait assiégée lui était bien dû. Aussi cet honneur lui fut-il décerné d'une voix unanime par les électeurs dont l'histoire parlera. A son exemple, je ne parlerai ni de son zèle, ni de son désintéressement; je ne parlerai pas non plus du sacrifice d'une fortune assez considérable et bien acquise, fortune qu'il a tout entière et sans réserve employée au gré de sa passion dominante, c'est-à-dire à semer d'un bout de la France à l'autre, et dans les pays lointains, les membres de ce colosse infâme qui effrayait jusqu'à l'innocence.
Mais qu'a-t-il donc fait, dira-ton? 11 a déposé dans les 83 départements le simulacre révoltant de la Bastille ; il l'a promenée dans nos hameaux, sur le sol de nos brades cultivateurs, dont la plupart ne se doutaient pas de l'existence inouïe de ce château funeste digne de Cacus. Saisis d'horreur à cet aspect, ils s'écrièrent tous : « Vivre libres ou mourir î »
Palloy a influé sur l'opinion publique, Palloy a donc bien mérité de la patrie. Voilà le plébéien dont s'applaudit la France triomphante, voilà lé rare citoyen que nous avons à couronner. Les Grecs et les Romains, on n'en saurait douter, auraient souri au projet de votre comité. Jè
pense que ces deux nations, fières, mais reconnaissantes, auraient encore doté la fille de Palloy. Je demande donc que les articles du comité soient mis aux voix, et, si je l'osais, je demanderais qu'il fût accordé à la fille de Palloy une gratification nationale.
Je crois qu'il ne convient pas au Corps législatif, qui veut être libre, de décréter une dépense sans savoir ce qu'elle coûtera. Il est temps qu'on s'élève avec courage contre cette dilapidation qui se fait dans la capitale, qui n'apporte aucun secours aux contributions publiques. Je demande donc, au nom de la liberté, que le projet du comité soit imprimé et qu'on nous fasse connaître le montant de cette dépense.
L'Assemblée nationale est pe-, nétrée d'une grande vérité, c'est qu'il est très' important de célébrer l'époque où a été conquise la liberté française. On ne peut donc être divisé que sur un seul point, c'est la dépense; et le système d'économie de M. Cambon, louable dans toutes les circonstances, ne l'est point dans ce moment-ci, d'abord parce qu'il s'agit de conserver un des monuments les plus précieux pour la France, et, en second lieu, parce qu'il ne s'agit point encore dé dépense.
Faites bien attention que votre comité vous propose de charger le pouvoir exécutif de faire comparer les plans afin de choisir celui qui sera le plus simple et lè moins dispendieux. C'est alors seulement, Messieurs, que vous aurez à discuter le plan et le montant de la dépense. Et, dans ce moment, on vous propose seulement de décréter que le jour, où la conquête de la liberté a été faite, doit être célébré, et qu'il faut, pour en rappeler jamais le souvenir, élever une colonne simple à la liberté.
(L'Assemblée décrète l'urgence et adopte le projet de décret.)
Un membre.: Je demande que non seulement on achève de démolir les tours de la Bastille, mais que le patriote Palloy, sous l'inspection de. la municipalité, soit chargé du soin de cette entreprise.
Plusieurs membres: L'ordre du jour!
(L'Assemblée sur cette motion passe à l'ordre du jour.)
Des citoyens gardes nationales du Pont-au-Pecq, près Saint-Germain-en-Laye, sont admis à la narre.
Ils prient l'Assemblée nationale d'ordonner que les fils des citoyens actifs, qui auront fait constamment le service de la garde nationale, depuis le commencement de la Révolution, soient admis à concourir à la nomination de leurs officiers.
leur accorde les honneurs de la séance.
Un membre: L'Assemblée Constituante, dans la loi sur l'organisation de la garde nationale, s'est expliquée à cet égard. Je demande sur cé motif qu'on passe à l'ordre du jour.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
, au nom du comité de législation de Vordinaire des finances et de division réunis, fait un
rapport et présente un projet de décret (1) sur la pétition présentée, le 27 mars 1792, par
le conseil général de la commune de Paris ; il s'exprime ainsi :
Le directoire du département a été admis à présenter à l'Assemblée des observations sur l'adresse de la municipalité; et vous avez entendu, le 3 avril, le mémoire apologétique du directoire (2). Vous avez entendu avec intérêt et la pétition et la réponse; vous avez ordonné l'impression de l'une et de l'autre; et vous avez chargé vos comités de législation, de l'ordinaire des finances et de division, de vous présenter qn rapport à ce sujet. La municipalité a fourni à vos comités des mémoires très détaillés; le directoire leur a fait aussi parvenir les moyens ; et je viens vous présenter, en leur nom, le résultat unanime de l'examen le plus attentif, et de la délibération la plus réfléchie.
Les griefs de la municipalité se réduisent à cinq (3).; .. ' : v-.
Le premier a. pour objet la prétention du comité contentieux du département, qui s'est cru autorisé â donner directement son avis sur les réclamations de la contribution patriotique, qui seraient jugées définitivement par le directoire.
Le second est fondé sur un arrêté du directoire du 17 octobre 1791, qui donne aux commissaires contentieux le droit de vérifier et rendre exécutoires tous les rôles des contributions directes de la ville de Paris. Ce second grief s'étend à la proclamation du roi approbative de cet arrêté.
Le troisième se motive sur un autre arrêté du directoire, du 23 février 1792, qui déclare que les fonctions attribuées, en matière de fonctions directes, aux directoires de district, doivent être exercées dans leur plénitude par les commissaires du contentieux.
La quatrième a trait à la nomination des visiteurs de rôles dans l'étendue de la municipalité de Paris.
Le cinquième enfin, est une prétention motivée à l'administration immédiate des hôpitaux et autres établissements publics de Paris, administration qui, jusqu'à ce moment, est confiée.au département.
Vous voyez, Messieurs, par ces différents chefs de plainte, qu'il n'existe entre deux
corps adminis-nistratifs de Paris qu'un seul et unique point de division. Le département
croit pouvoir conserver ou déléguer les fonctions administratives des districts; la
municipalité prétend que ces fonctions lui doivent être cédées et abandonnées.
Pour être à portée de prononcer en pleine connaissance de cause, il faut d'abord se pé^ nétrer des principes, prendre ensuite une connaissance exacte des faits, et juger enfin les faits et leurs conséquences par les principes.
Je suivrai cette division méthodique, et je me ferai d'abord cette question.
Dans quel corps établi par la Constitution ré -side essentiellement le pouvoir administratif? Ouvrons l'Acte constitutionnel et les lois, et ce problème cessera d'en être un.
L'article 1er de la section 2 du titre IV de la Constitution, est ainsi conçu : « Il y a dans chaque département une administration supérieure* et dans chaque district une administration subordonnée ».
L'article 4 de cette section porte que «les administrateurs sont essentiellement chargés de répartir les contributions directes, et de surveiller les deniers provenant de toutes les contributions et revenus publics dans leur territoire ».
Enfin l'article 6 de cette même section confère aux administrateurs du département le droit d'annuler les actes des sous-administrateurs de district, contraires aux lois ou aux arrêtés des administrateurs, etc.
L'article 28 de la section 2 de la loi du 28 janvier 1790 s'exprime ainsi : « Les administrations et directoires de district seront entièrement subordonnés aux administrations et directoires de département. »
L'article 31 veut que « les directoires de district soient chargés de l'exécution dans les ressorts de leur district et sous l'autorité et la direction du département et de son directoire, et âu'ils ne puissent faire exécuter aucuns arrêtés u conseil de district en matière d'administration générale, s'ils «l'ont été approuvés par l'administration du département. »
Enfin, après avoir réglé dans les deux premiers articles de la section 3 quelles seront les fonctions des assemblées administratives, la même loi porte, article 3 : « Les administrations de district ne participeront à toutes ses fonctions que sous l'autorité interposée des administrations de département ».
Des citations que je viens de faire, il résulte je crois, bien clairement, d'abord que la Constitution ne considère comme administrateurs que les membres des départements, ensuite, que le pouvoir administratif réside essentiellement dans l'administration du département, et que les sous-
admhiistrations de district ne participent à ce pouvoir que par émanation et sous l'autorité interposée du département.
Voyons actuellement quand, comment, et à quelle condition les municipalités peuvent par-ticiperaux fonctions administratives.
Après avoir, réglé, par l'article 50, quelles sont les fonctions propres au pouvoir municipal; la loi "du mois de décembre 1789 désigne ainsi dans l'article 51 lés fonctions propres à l'administration générale, qui peuvent être déléguées aux corps municipaux, pour les exercer sous l'autorité des assemblées administratives.
« La répartition des contributions directes entre les citoyens, dont la commune est composée.
«"La pèrôéption de ces contributions.
« Le versement de ces contributions dans les caisses du district ou du département.
« La direction immédiate des travaux publics dans le ressort de la municipalité.
« La régie immédiate des établissements publics^ destinés à l'utilité générale.
« La surveillance et l'agence nécessaires à la conservation des propriétés publiques.
« L'inspection directe des travaux de réparation ou de reconstitution des églises, presbytères et autres objets relatifs au service du culte religieux. »
11 est évident, d'après l'expression formelle et positive de la loi, qu'outre les fonctions qui leur sont directement et nominativement attribuées, les corps municipaux n'en peuvent exercer ni prétendre aucune, sans une délégation expresse des corps administratifs.
Mais, dira-t.on, il n'y a point à Paris d'administration subordonnée ; donc la municipalité de Paris se trouve dans (une exception particu-lièrej donc elle doit subsister et remplacer dans cette ville l'administration du district.
Ce raisonnement est d'abord réfuté par la loi générale, qui interdit aux municipalités toutes fonctions administratives sans une délégation expresse; mais nous n'aurons pas à raisonner par induction* puisque le corps constituant a réglé par deux lois particulières les fonctions propres au .département et à la municipalité de Pans.
La première de ces lois est du 27 juin 1790.
L'article 51 du titre Iar de cette loi détaille les fonctions propres à la municipalité de Paris ; ces fonctions sont absolument les mêmes que celles attribuées aux municipalités en général, par la loi citée du mois de décembre 1789;
L'article 52 met au nombre des fonctions propres à l'administration générale, que la municipalité de Paris pourra avoir par délégation, et sous l'autorité du département :
1° La direction de tous les travaux publics dans le ressort de la municipalité* qui ne seront pas à la charge de la ville;
2° La direction des établissements publics, qui n'appartiennent pas à la commune, ou qui né sont pas entretenus de ses deniers ;
3° La surveillance et l'agence nécessaires à la conservation des propriétés nationales ;
4° L'inspection directe des travaux de réparation ou reconstruction des églises, presbytères, et autres objets .relatifs au culte.
Il ne sera pas inutile de remarquer ici, que cet article de la loi du 27 juin 1790, pliis circonscrit en cela que l'article 51 de la loi de décembre 1789, né place pas même la répartition, la perception et le versement des contributions
au rang des fonctions, qui pourront, être déléguées à la municipalité de Paris, g
Enfin, l'articte 11 de la section 4Me la même loi du 27 juin 1790, autorise le département à charger les commissaires de section de> te. répartition des impôts dans leurs sections respectives, et cette disposition me semble expliquer l'omission que je viens d'avoir l'honneur de vous faire remarquer,
La municipalité de Paris s'est principalement appuyée dans sa pétition, des dispositions de là loi du 5 novembre 1790; je me crois donc obligé de vous remettre très scrupuleusement cetkë £>i sous les yeux.
Elle porte : « Art. ler.'ll n'y aura point à Paris d'administration de district.
« Art. 2. La municipalité de Paris fera pour Vannée 1791 la répartition des impositions directes de cette ville ; et si l'administration du département delà capitale juge à propos de confier cette répartition aux commissaires de section, conformément à l'article 11 du titre IV du décret sur l'organisation de la municipalité de Paris, cette disposition ne pourra avoir lieu qu'à partir 1792.
« Art. 3. L'administration du département, après avoir nommé son directoirt, Choisira, parmi les 28 membres restants, ^commissaires domiciliés à Paris, lesquels, dans les cas qui vont être déterminés, rempliront les fonctions attribuées aux directoires de districtu }
« Art. 8. L'administration ou le directoire du département, pourra charger exclusivement les 5 commissaires des examens ou vérifications, qui pourront être utiles auserviœ de l'administration générale. »
Après avoir examiné la théorie de ees différentes lois ; après avoir réfléchi sur l'inconvenance et le danger de cumuler les ifonctions'administratives, surtout en matière de contributions dans les mains des corps municipaux, il n'est pas possible de se dissimuler que la loi du 5 novembre 1790, en statuant qu'il n'y aurait pas de district à Paris, a voulu simplement que les fonctions administratives apxquelles, dans l'universalité de l'Empire, les districts ne participent que par émanation, restassent concentrées à Paris dans l'administration du département ; et la preuve la plus frappante de la vérité de cette opinion, c'est la disposition de cette même loi, qui extrait du sein même du département une commission pour remplir les fonctions de district dans plusieurs cas où l'intérêt des administrés exige trois degrés de juridiction. C'est cependant en citant la loi du 5 novembre, que la municipalité de Paris prétend et soutient que les fonctions des administrations de département doivent se borner à la surveillance ; que toutes les fonctions administratives doivent être exercées par les districts ; et qu'à Paris où il n'y a pas de district, les fonctions de ce corps administratif doivent être exclusivement exercées par la municipalité, sauf dans les cas d'éxception prévus par aes lois positives.
Avoir établi les principes et rapproché les lois, c'est avoir réfuté la municipalité de Paris, c'est avoir démontré, combien peu sont fondés, les 3 premiers chefs de sa réclamation. En effet, si le pouvoir administratif réside essentiellement dans les départements, si les districts n'y participent que par émanation et sous l'autorité interposée au département, si les municipalités ne peuvent jamais y participer qu'en vertu d'une délégation spéciale, si le département de Paris a pu charger,
exclusivement, les 5 commissaires contentieux 1 des examens ou vérifications utiles au service de l'administration générale, si ces examens ou vérifications, joints aux opérations relatives aux contributions, forment la totalité des fonctions attribuées aux districts, la municipalité n'a pas eu de raison pour critiquer les opérations_du département de Paris. Ce département n'a rien fait que de très conforme aux principes, à la Constitution et aux lois, en permettant que son comité contentieux donnât directement son avis sur les réclamations de la contribution patriotique, en donnant à ce comité contentieux le droit de vérifier et de rendre exécutoires tous les rôles de contributions directes de Paris, en déclarant, enfin, que les fonctions attribuées en matière de contributions directes aux directoires de district, doivent être exercées dans leur plénitude par les commissaires contentieux.
Le quatrième chef de réclamation n'est pas plus fondé. Quoiqu'il n'y ait point à Paris d'administration de district, ii n en est pas moins vrai que, géométriquement parlant, la ville de Paris forme seule un district. La loi du 9 octobre 179-1 n'exempte point le district ou la ville de Paris, de l'établissement ou de la présence des visiteurs des rôles. Le département, en plaçant à Paris des visiteurs de rôles, en employant ces visiteurs auprès de la municipalité de Paris, dont les rôles étaient notoirement en retard, n'a donc fait que se conformer scrupuleusement aux termes précis de la loi.
La cinquième réclamation de la municipalité est fondée sur une disposition de l'article 50 de la lot du mois de décembre 1789, qui met au rang des fonctions propres, aux corps municipaux, l'administration des établissements qui appartiennent à la commune, qui sont entretenus de ses deniers, ou qui sont particulièrement destinés à l'usage aes citoyens dont elle est composée. Cette disposition est précise ; il ne s'agit que d'examiner si la municipalité en fait une juste application.
Les établissements publics, dont la municipalité prétend avoir l'administration immédiate, sont l'Hôtel-Dieu, l'hôpital Saint-Louis, les Incurables, la Charité, 3 maisons de religieuses hospitalières, l'hospice de Saint-Sulpice et ceux de quelques autres paroisses, la Salpêtrière, la Pitié, Bicêtre, et autres dépendances de l'Hôpital-Général, les Petites-Maisons, l'hôpital de la Trinité, celui des Cent-Filles, et quelques maisons religieuses qui offrent aux passants un asile momentané. Les motifs de cette prétention sont ; 1° que la plupart de ces établissements ont été fondés par des citoyens et pour des citoyens de Paris; 2° qu'ils ont été administrés par les chefs de la commune de Paris ; 3° qu'ils sont alimentés par les bienfaits des citoyens de Paris ; 4° qu'ils sont entretenus par des contributions levees sur la ville de Paris.
De ces 4 motifs, je dois le dire à l'Assemblée nationale, aucun n est appuyé Sur des preuves satisfaisantes, ou plutôt il n'en est aucun qui ne soit contredit et détruit par les faits et par la nature des choses. D'abord, Messieurs, le premier motif ne peut pas en être sérieusement un. Un établissement public n'appartient pas à une municipalité, pour cela seul qu'il a été fondé par un citoyen domicilié dans cette municipalité; mais on tire, du mémoire même de la municipalité, la preuve que cette assertion n'est pas exacte. On y convient que l'Hôtel-Dieu a été fondé par un évêque de Paris, qui n'appartient
pas plus à la ville de Paris, qu'au surplus de son diocèse; l'hôpital Saint-Louis, par un de nos rois; les Enfants-Trouvés, par Louis XIII; l'Hôpi-tal-Général, par Louis XIV; les Incurables, par le cardinal La Rochefoucauld, évêque de Meaux.
Il n'est pas plus évidemment démontré que les hôpitaux, dont l'administration immédiate est réclamée, ayant été, dans l'ancien ordre de choses, administrés parles chefs de la commune de Paris. L'Hôtel-Dieu, d'abord administré par des religieux voués au service des malades, l'a été depuis par le chapitre de la cathédrale, puis enfin, par l'archevêque de Paris, les présidents des cours souveraines, le prévôt des marchands, le lieutenant général de police et les notables. Tous, à l'exception des notables, étaient administrateurs nés à raison de leurs places. L'Hôpital-Général est absolument dans le même cas; l'édit de sa création noipme les 26 premiers administrateurs, parmi lesquels on voit aussi, les magistrats des cours souveraines et des notables. Le même ordre établi pour tous les hôpitaux, démontre qu'ils ont toujours été considérés comme des établissements destinés à l'utilité générale. Je ferai disparaître les troisième et quatrième motifs, en rappelant des faits bien notoires. D'abord, les octrois perçus dans la ville de Paris n'étaient pas du nombre et de la classe de ceux dont quelques villes du royaume étaient en possession, par des privilèges ou des usages locaux, indépendants du gouvernement. Ils lui avaient été concédés par nos rois et n'avaient pas le caractère constitutif des octrois patrimoniaux. En second lieu, la partie des octrois, perçue parles hôpitaux, leur était payée directement, de la même manière que la ville percevait ceux qui tournaient à son profit particulier. L'édit d'avril 1656 et divers édits postérieurs justifient de cette concession directe. Les hôpitaux avaient d'ailleurs des revenus, contre l'assertion positive de la municipalité. Par l'édit de 1656, Louis XIV ajouta, au don des maisons qui composent l'Hôpital-Général, celui du revenu qui leur appartenait, et n'appartenait point à la commune de Paris. L'hôpital des En-tants-Trouvés jouit des biens de la confrérie de la Passion, de ceux de l'hôpital Saint-Jacques, et de plus de 10,000 livres, annuellement payées, par le gouvernement. L'Hôtel-Dieu réunit les revenus de Saint-Julien-le-Pauvre. Enfin tous les hôpitaux, sans exception, ont des propriétés à 20 lieues autour de la capitale, et ces pro-
griétés n'ont jamais appartenu à la commune de aris. Les donations faites aux hôpitaux de Paris sont dues à la bienfaisance des citoyens de tout l'Empire.
Il ne subsiste plus qu'un des motifs employés par la municipalité de Paris, à l'appui de sa prétention, et les faits vont encore -le détruire. Bien loin que les hôpitaux de Paris soient exclusivement destinés aux citoyens de cette capitale, il est, au contraire, bien constant que les citoyens de tout l'Empire, ou au moins de toute la généralité, ont, de tout temps, été reçus aux Enfants-Trouvés, aux Incurables, à l'Hôpital-Général, à rHôjtel-Dieu; que même dans ce dernier établissement on compte, au nombre des ecclésiastiques qui y sont employés, un confesseur allemand, pour les malades de cette nation. La municipalité semble même oublier que les Petites-Maisons, la Trinité, les Cent-Filles et autres établissements, ont une administration particulière autorisée par la loi du 5 novembre 1790, et que, par conséquent, elle ne peut en réclamer
l'administration. De ces détails, il résulte que les hôpitaux de Paris, ne sont pas compris, dans la disposition citée, de la loi du mois ae décembre 1789, et que la municipalité n'a pas droit d'en prétendre l'administration immédiate, spécialement attribuée aux départements.
Je me félicite de n'avoir point à entretenir le Corps législatif, des contestations survenues entre le département et la municipalité de Paris, à l'occasion des rôles définitifs de 1791. Tout ce que je pourrais dire, à cet égard, serait sans objet en ce moment, puisque le rapport du ministre des contributions, et une lettre que j'ai reçue de M. Rœderer, certifient que les rôles sont ou vont être mis en recouvrement.
Je finirai par offrir à l'Assemblée une vérité consolante pour les vrais amis de la patrie, qui font dépendre la félicité publique de l'harmonie qui règne entre les pouvoirs constitués. Dans cette lutte de compétence, l'Assemblée a presque tout à louer, et rien à blâmer. Les fautes mêmes et les erreurs que vous avez eu occasion de remarquer, n'ont pris naissance que dans un excès de zèle, dans un amour ardent de la patrie, dans le désir constant de la servir. Comme d'une source aussi pure il ne peut naître des sentiments bas, d'égoïsme ou d'intolérance, comme il n'y a, entre les 2 corps, que de l'émulation et point de jalousie, tout esprit d'éloigne-ment et d'aigreur s'est promptement évanoui ; les rivaux se sont rapprochés, ont pris des mesures concertées, ont respectivement sacrifiés leurs prétentions pour assurer le bien des administrés, et chacun d'eux attend et recevra, avec respect et sans regret, plutôt comme une règle de conduite, que comme un jugement, la décision que vous allez porter.
Vos comités réunis vous proposent d'adopter le projet de décret suivant :
« L Assemblée nationale, considérant qu'aux termes de la Constitution et des lois, le pouvoir administratif réside essentiellement dans les administrations de département ; que les districts n'y participent que par émanation et sous l'autorité interposée des départements ; que les municipalités n'y peuvent jamais participer qu'en vertu d'une délégation expresse ; qu'en prononçant qu'il n'y aurait point de district à Paris, l'Assemblée nationale a simplement entendu que les fonctions administratives resteraient concentrées dans les mains du département: considérant que le département n'a point excédé le pouvoir que lui a conféré la loi, lorsqu'elle a institué le comité contentieux, réglé ses fonctions et autorisé le département à lui confier exclusivement tous les examens et les vérifications utiles à l'administration générale; considérant enfin, que les hôpitaux de Paris ne peuvent pas, à raison de leur nature, de leurs revenus, et de leurs fondations, être compris dans la disposition de l'article 50 de la loi du mois de décembre 1789 ;
« Déclare qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la pétition qui lui a été présentée, le 27 mars dernier, par le conseil général de la commune de. Paris. »
(L'Assemblée ordonne l'impression du rapport et du projet de décret et ajourne la discussion.)
Un membre (1) propose un plan général et définitif d'organisation des ponts et chaussées.
Un membre demande que toutes les parties d'instruction particulière soient renvoyées au comité d'instruction publique ; qu'avant d'en faire le rapport, on conférera avec les autres comités dont les travaux pourraient y avoir quelque connexité.
(L'Assemblée adopte cette proposition.)
(Meuse), au nom du comité id'agriculture, fait la troisième lecture d'un projet de décret (1) sur le complément provisoire du nombre des élèves à l'Ecole des ponts et chaussées; ce projet de décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité d'agriculture, et la troisième lecture du projet de décret lu à ses séances des 14 avril et 2 mai derniers, et déclaré qu'elle est en état de statuer définitivement; considérant que la disposition de la loi du 19 janvier 1791, portant que les élèves de l'E-cole~gratuite et nationale des ponts et chaussées seront choisis au concours dans les départements, ne peut être actuellement mise à exécution, parce que les règles de ce concours ne sont pas encore fixées, et, que même après qu'elles l'auront été, il s'écoulerait nécessairement encore un espace de plus de 6 mois avant que les places vacantes pussent être remplies par cette voie ;
« Que cependant le nombre des élèves restants de l'ancienne école est insuffisant pour mettre en activité l'instruction dans la nouvelle, et pourvoir en même temps au service, dont les élèves les plus instruits, sont ordinairement chargés dans les départements; et qu'il importe de prévenir toute interruption dans cette partie essentielle de l'instruction et du service public, décrète ce qui suit :
« Art. 1er. Les élèves de l'ancienne Ecole des ponts et
chaussées de Paris, ensemble ceux des anciennes écoles des ci-devant (provinces de Bretagne
et du Languedoc, qui n'ont point obtenu le grade d'ingénieur, et qui justifieront
authentiquement, qu'ils étaient attachés comme élèves auxdites écoles et en suivaient
habituellement les leçons et les exercices, antérieurement à la promulgation de la loi du 19
janvier 1791, sont et demeurent admis, au même titre d'élèves, à la nouvelle Ecole gratuite
et nationale des ponts et chaussées, créée par ladite loi du 19 janvier et jusqu'à la
concurrence du
« Dans le cas où le nombre des élèves qui se présenteront avec les conditions requises, excéderait celui de 60, tous ceux de l'ancienne -école de Paris seront admis et parmi eux, des écoles de Bretagne et du Languedoc, les plus anciens seront préférés. Si* au contraire, le nombre des élèves des différentes écoles se trouve inférieur à celui de 60, les places qui resteront vacantes, après le susdit délai, seront remplies dans le mois en suivant, de la manière qui va être indiquée :
« Art. 2. Les surnuméraires de l'ancienne école de Paris, et subsidiairement les aspirants de la même école, seront admis à remplir lesdites places vacantes, pourvu qu'au jugement de l'assemblée des ponts et chaussées et d'après un examen préalable, ils aient été reconnus avoir les talents et l'aptitude requis pour lesdites places. A mérite égal, les plus anciens seront préférés et l'admission aura lieu, pour cette fois seulement, sans la formalité des concours, et ce, dans le délai de 2 mois, à compter de la publication du présent décret, passé lequel délai, les places qui pourraient alors rester vacantes et celles qui vaqueront par la suite, ne pourront être remplies que par la voie des concours établis par la loi du 19 janvier 1791.
« Art. 3. Tous les élèves qui seront admis en vertu des dispositions précédentes seront, à leur entrée dans l'école, examinés par l'assemblée des ponts et chaussées, qui déterminera les différentes classes dans lesquelles chacun devra être placé suivant son degre d'instruction. Ladite assemblée déterminera aussi, d'après le même examen, le nombre de degrés qui devront être attribués à chacun des élèves, suivant les règles et dans les proportions, observées à cet égard, à l'ancienne école de Paris.
« Art. 4. Les règlements et usages suivis jusqu'à présent, dans l'ancienne école des ponts et chaussées de Paris, pour sa discipline intérieure, continueront dêtre observés dans la nouvelle école, en tout ce qui n'est pas contraire, soit au présent décret, soit à ceux précédemment rendus par l'Assemblée constituante, et ce provisoirement, jusqu'à ce qu'il y ait été autrement pourvu par l'Assemblée nationale. »
(Plusieurs orateurs sont entendus pour et contre le projet de décret. Il s'élève des difficultés sur le premier article. M. Tardiveau en propose un autre.)
(L'Assemblée ne statue rien.)
(La séance est levée à neuf heures et demie.)
A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE DU
Rapport de la commission municipale des impositions en réponse à Varrêté du département de Paris; du 15 mars 1792.
Messieurs,
Nous désirions ardemment connaître l'arrêté du département, en date du 15 mars, qui devait,, disait-on, nous réduire au silence, ou du moins, ralentir considérablement notre zèle et notre courage à défendre les intérêts de la municipalité, contre les entreprises du directoire et de son comité contentieux ; il nous est enfin parvenu par M. le premier substitut du procureur de la commune, et nous nous empressons de remplir l'engagement que, même avant de connaître cet arrêté, nous l'avions prié de prendre en notre nom envers la commune entière, de répondre aux reproches, qu'il pourrait contenir, contre notre conduite et nos opérations.. En vain le directoire a pu se flatter que nous estimant trop heureux de nous mettre à couvert, sous le voile imposant de là municipalité, et d'y trouver un abri contre ses reproches, nous les dévorerions en silence ; quand même le corps municipal et le conseil général de la commune n'auraient pas approuvé notre conduite, par une suite d'arrêtés pris à l'unanimité ; seuls, et forts de notre conscience, nous eussions repoussé, avec toute l'énergie dont nous sommes capables, l'atteinte qu'un pareil arrêté peut nous porter dans l'estime et la confiance de nos concitoyens. Ce n'est pas après des efforts aussi multipliés pour s'en rendre dignes, que des citoyens peuvent, par amour pour la paix, laisser tomber de pareilles inculpations sans y répondre ; ce ne sont pas des hommes qui, depuis plus de 3 ans, ont consacré gratuitement, et même à leurs frais, leur temps,, leur santé et leur état à la chose publique, qui peuvent redouter le grand jour sur les preuves de leur patriotisme et de leur dévouement. Si quelque chose avait pu les décourager, ç'eût été, peut-être, l'affectation marquée du directoire, de séparer d'entre eux des autres membres delà commission des impositions, de séparer ensuite cette commission du reste de la municipalité, et enfin de distinguer l'ancienne municipalité de la nouvelle, comme pour jeter une défaveur sur la précédente.
Nous devons dire au directoire, que les membres de la commission toujours fraternellement unis, ne se sont pas un instant divisés, ni dans leurs opinions, mi dans les actes émanés de leurs bureaux; que le code municipal donnant l'authenticité nécessaire à toutes pièces signées de deux commissaires dans chaque département ou commission, c'est en quelque sorte, avoir abusé les législateurs, que d'avoir isolément dénoncé, à la tribune de la patrie, (feux officiers municipaux comme réfractaires aux arrêtés du directoire, tandis que l'exécution, leur en était formellement interdite ; nous devons dire encore, que c'est la commission tout entière, réunie au sein de la municipalité/ qui a reçu du Corps municipal et du conseil général de la commune, l'approbation formelle de sa conduite ; et enfin, que ce n'est pas l'ancienne municipalité, mais bien la nouvelle,, aussi imbue que la précédente des principes, et aussi pénétrée de respect pour la loi, qui s'est soulevée contre les atteintes multipliées portées à ses droits par le directoire, et qui a unanimement voté de recourir aux législateurs pour les faire cesser.
Mais avant de suivre cet arrêté au 15 mars dans ses développements, nous devons en examiner les principaux motifs; ils peuvent se réduire à ceux-ci, parce que tous les autres en dérivent ou viennent s'y réunir. Il y a eu un retard préjudiciable à la nation, dans les opérations préalables à l'assiette de l'impôt de 1791, et une grande négligence dans la confection des rôles, et conséquem-ment dans les recouvrements de cette même année. On va juger de la légitimité de ces motifs.
Tout le monde sait que l'Assemblée nationale constituante, prévoyant tout le retard que le nouveau mode de contributions et les formalités préalables devaient occasionner dans la confection des rôles définitifs de 1791, se détermina, par un décret du 19 juin de la même année, à faire mettre provisoirement en recouvrement la moitié des impositions directes de 1790. Eh bien, Messieurs, ce fut votre commission municipale, qui, la première, suggéra cette mesure utile à la nation, par sa lettre du 14 décembre 1790 au comité de l'imposition de l'Assemblée constituante.
Après plusieurs observations sur les lenteurs inséparables des formalités prescrites par la loi, surtout dans cette capitale, où toute la prévoyance du législateur et tous les principes généraux sont souvent obligés de céder à des considérations de localités, voici ce que nous ajoutions :
« Nous ne nous dissimulons pas, Messieurs, combien ce retard peut nuire aux besoins du Trésor public, et nous soumettons à votre sagesse et à vos lumières un moyen de remédier à cette souffrance. Trouveriez-vous quelque inconvénient à.faire décréter, pour la ville de Paris, que sans interrompre, un seul instant, les opérations préliminaires de l'assiette de l'impôt foncier (2) et toutes les opérations qui doivent concourir à'ia confection définitive du rôle» les propriétaires payent, provisoirement, à compter du 1er janvier prochain et de la manière décrétée pour le nouvel impôt (3), les taxes de vingtièmes auxquels ils étaient imposés dans le rôle de cette année* sauf, après la confection du rôle qui doit avoir lieu pour 1791, et conformément aux cotes qui en résulteront pour lesdits propriétaires, à compléter, ,lors de la notification desdites cotes, la différence qui pourra exister entre celles des vingtièmes de cette année et celles à asseoir par le nouveau rôle,
de laquelle différence, si elle est en moins, il leur sera fait raison dans le cas où les premiers payements auraient excédé la nouvelle cote.
« Certainement le nouveau rôle sera fait avant que les contribuables, même les plus exacts, aient acquitté la moitié de l'ancienne cote, et nous ferions aisément, d'ici au 1er janvier, un rôle conforme à celui de cette année, sauf les modérations jugées. Vous verrez. Messieurs, si cette mesuré provisoire, propre à gagner le moment de la mise en recouvrement du rôle définitif sans faire souffrir la perception, vous paraît susceptible d'exécution, et nous nous chargerions, par une proclamation, de rassurer nos concitoyens, sur les dommages qu'ils croiraient y trouver contre leurs intérêts. »
On peut vérifier l'original de cette lettre au comité des finances de l'Assemblée nationale. Celui de l'Assemblée constituante, en nous témoignant sa satisfaction de l'ouverture que nous lui donnions, voulut sans doute assurer cette mesure provisoire en se procurant l'assentiment général des départements et districts, et l'Assemblée nationale l'adopta enfra le 19 juin, en l'étendant à tout le royaume, mais pour la moitié seulement des contributions de 1790. Est-ce bien, on le demande, à des citoyens qui indiquaient ce sëcours plus de 6 mois avant qu'il ne fût adopté, et qui mani^ festaient cette sollicitude pour les besoins de l'Etat, que le directoire peut reprocher aujourd'hui une insouciance coupable sur les moyens d'assurer ses ressources? i
Voilà pour le retard ; quant au reproche de négligence, nous allons en faire juge le département lui-même.
Vous savez, Messieurs, que la municipalité, privée de toutes ses propriétés et de ses octrois, fut obligée de recourir à des avances, de la caisse de l'extraordinaire pour suffire à ses besoins.
Vous savez encore que la loi, en Vertu de laquelle les municipalités pouvaient solliciter cette faveur, exigeait la justification* par elles, que l'arriéré des impôts était rentré, que les rôles d'acompte étaient en recouvrement, et que les matrices des rôles définitifs, fonciers et mobiliers, étaient parachevés; qu'enfin, la loi exigeait que le tout fût certifié par le directoire du département.
La municipalité de Parisîavait touché une première somme de 900,000 livres, par une loi spéciale et d'exception; mais forcée de recourir à une pareille avance, au mois de novembre, elle était rentrée dans les obligations prescrites à toutes les municipalités, par la loi générale. Un rapport fait par votre commission justifia que les rôles d'acompte étaient en recouvrement, dès le mois d'août, et le directoire n'en pouvait pas douter, puisqu il les avait rendus exécutoires. La commission justifia ensuite que, non seulement la matrice du rôle définitif foncier, mais le rôle lui-même était parachevé, et le directoire ne pouvait pas hésiter de le certifier, puisqu'il était dans ses bureaux depuis le mois d'octobre précédent; elle justifia encore que la matrice dru rôle mobilier était terminée, et le directoire ne pouvait pas en douter (quoiqu'il le nie aujourd'hui sur le rapport d'un subalterne), puisque 4 commissaires au conseil général du département étaient venus la véri* fier ; enfin la commission justifia, aux termes de la loi, toutes ses diligences, pour la perception de l'arriéré ; et en récapitulant tout cet arriéré sur les 5 dernières années, elle prouva [qu'il y avait au plus le sixième en arrière, dans lequel encore étaient compris tout l'impôt foncier dù par les biens naiionaux, et toutes les taxes mobilères retenues sur les pensions et liquidations.
C'était bien le moment sans doute pour le directoire qui avait à certifier l'accomplissement par la municipalité de toutes ces différentes obligations, à énoncer des reproches contre les opérations de la commission s'il en avait à faire; mais il avait des preuves si convaincantes de son zèle et de son exactitude, qu'il ne songea pas alors à. les contester; il donna son certificat conforme à la vérité; et l'Assemblée nationale, sur le rapport de ses comités, et le vu des pièces, n'hésita pas d'accorder cette dernière avance de 900,000 livres.
Il faut donc que le directoire convienne, ou qu'il a eu une complaisance coupable én attestant mal à propos les diligences de la municipalité, et conséquemment de sa commission des impositions, ou qu'il a des regrets bien tardifs d'avoir été juste envers elle.
Oui, Messieurs, il avait été juste en cette occasion comme en mille autres, où il avait applaudi aux efforts et aux travaux innombrables de votre commission. Aussi ce n'est pas elle qui peut prendre le change sur cet enthousiasme de M. le procureur général syndic, et sur son empressement à confondre les rôles de 1791 et de 1792, non pas pour faire disparaître les erreurs des rôles, mais pour retarder la connaissance et la manifestation de la surcharge qui doit définitivement en résulter pour la capitale; puisqu'il ne voulait pas être vrai dans renonciation des obstacles qui avaient retardé l'émission des rôles définitifs, il devait au moins être juste et ne pas rejeter ce retard sur des officiers municipaux, qu'il savait bien avoir constamment défendu les intérêts du peuple, et dont l'expérience l'avait plus d'une fois assez éclairé pour leur épargner le reproche d'ignorance et d'incapacité.
11 devait avoir le courage d'avouer que la somme à répartir sur les propriétés foncières, comparativement à la matière imposable, s'élevait à une telle hauteur que de concert avec le ministre des contributions publiques, on crut devoir retarder l'émission du rôle dans l'espoir d'un dégrèvement; il devait dire que la commission municipale, même avant la répartition faite entre les 83 départements des 240,000,000 de livres de l'impôt, foncier, n'avait cessé de représenter au directoire combien la somme que l'on paraissait vouloir destiner au département était au-dessus de ses forces, puisque déjà nous lui avions annoncé, ce qui s'est vérifié depuis le rôle, que cet impôt, avec les sols additionnels, monterait au tiers du produit net des immeubles; -il devait dire que la commission municipale avait, en cette occasion, et par un heureux empressement, fait une opération salutaire au Trésor national, en faisant un rôle où elle a tiré l'impôt au sixième comme maximum en principal, et que ce rôle, mis en recouvrement dès le mois d'août, comme rôle d'acompte, au lieu d'offrir la moitié des vingtièmes de 1790, présentait en effet l'impôt définitif de 1791, puisqu'au delà de ce sixième en principal, toutes réclamations seraient admissibles, et qu'elles seraient aussi nombreuses que les propriétés de la capitale ; il devait dire, quant à l'impôt mobilier, que son extrême complication le rend presqu'inexécutable dans celte capitale, parce que chaque
cote, d'après les distinctions établies par la loi, forme autant d'exceptions; qu'il faudrait, pour être parfaitement exact avec chaque contribuable, en faire l'appel individuel, et que cet appel, avec les vérifications nécessaires sur les déclarations devant s'étendre à plus de 200,000 contribuables, l'année entière ne suffirait pas à ce travail, qui doit cependant être renouvelé chaque année et qui, pour être plus utile, devrait même être fait dans l'espace d'un terme, à cause de la mobilité incalculable dans les domiciles et dans les fortunes industrielles; il devait dire encore sur cet impôt, que par les probabilités il doit s'en éteindre plus de la moitié, par les déductions résultant de la contribution foncière, surtout depuis la vente des biens nationaux qui, réunis aux immeubles anciens de Paris, peut avoir cumulé sur des citoyens domiciliés dans cette capitale, plus de 100 millions de revenus, dont l'impôt foncier doit éteindre déjà 5 millions de l'impôt mobilier; qu'ensuite toute la classe des marchands et artisans fait encore tomber cet impôt par la déduction de la majeure partie de leurs loyers, affranchie au moyen des patentés dont ils sont pourvus ; qu'une dernière classe enfin, composée de plus de la moitié des contribuables, qui au lieu des taxes, depuis 30 sous jusqu'à 6 livres, qu'elle supportait autrefois, se trouve dans le cas de paver depuis 20 livres jusqu'à 60 livres, aura bien de la peine, malgré la suppression des impôts indirects, à acquitter ces fortes taxes; dont une partie tombera en non-valeurs : enfin le directoire devait avouer que sans cesse il avait eu à résoudre les difficultés de toute espèce que la commission municipale rencontrait à chaque pas et presque à chaque cote, dans l'exécution dè ce mode d'impôt, et pour être parfaitement vrai, il devait convenir que lui-même s'y était trouvé souvent embarrassé au point de les résoudre, comme nous le prouverons bientôt, d'une manière différente, à différentes époques. 4
Voilà lés vérités que le directoire devait publier, s'il avait besoin d'excuser le retard de l'émission des rôles définitifs; ou s'il voulait éviter ces révélations, du moins devait-il ne pas accuser légèrement des officiers publics qui, comme on va le voir, n'ont rien fait que par son avis, qu'avec son approbation, et dont l'activité n'a été arrêtée que par son inertie. Mais il lui a paru plus commode et plus simple d'en rejeter entièrement la faute sur eux, croyant les écraser du poids de son autorité. C'est sans doute pour cette raison, qu'il ne craint pas d'avancer dans le préambule de son arrêté, page 2, que, « quant à la contribution mobilière, an 7 février dernier, jour où l'inspecteur des rôles a été examiner au bureau de la municipalité, l'état du travail relatif à cette partie, la matrice n'était pas faite à moitié ». Or, il est faux, comme paraît l'avoir annoncé l'inspecteur des rôles, qu'il ait vérifié à cette époque la matrice du rôle de la contribution mobilière. Cet inspecteur (et 100 personnes peuvent l'attester), n'a paru qu'une seule fois et pendant moins d'une heure, au bureau des impositions, dans le mois de février; on demande comment il aurait pu, dans ce court espace de temps, vérifier une matrice, qui seule a près de 3,000 cahiers et plus de 200,000 articles; il a demandé à voir un cahier pour connaître la contexture des cotes; et comme lès vérificateurs, par l'affluence du public, n'avaient pas de temps à perdre, cette visite se réduisit de sa part à quelques questions; il faut croire qu'au lieu de retenir ce qu'on lui a dit en effet, que l'expédition du rôle était plus d'à moitié, il aura retenu que c'était seulement la matrice, ou peut-être n'a-t-il pas su distinguer l'une d'avec l'autre.
Il est encore plus faux que la matrice ne fût à cette époque qu'à moitié. 1° Elle fut vérifiée et parcourue au mois de novembre par quatre commissaires du conseil général du département; 2° elle était alors si bien achevée, que l'on travaillait déjà à l'expédition du rôle; 3° le directoire la trouva si complète, que quoiqu'elle eût déjà été communiquée au public, invité à en venir prendré connaissance par un placard que la municipalité avait fait afficher partout, il exigea qu'elle le fût de nouveau, ce qui fut fait par un nouveau placard dans lequel tous les citoyens furent invités à venir pendant tout le cours du mois de décembre, dans les bureaux municipaux, à l'hôtel Soubise, pour y vérifier et discuter leurs cotes- Assurément on n'aurait pas exposé à cette vérification une matrice qui n'aurait pas existé; 4° enfin le directoire doutait si peu qu'elle fût terminée, que voici ce qu'il écrivait le 25 novembre à votre commission :
« Le directoire a reçu, Messieurs, votre lettre du 20 de ce mois; il avait déjà connaissance des détails qu'elle contient, par les quatre commissaires que le bureau des finances du conseil du département avait chargés de voir votre travail, et il rend, ainsi qu'il a toujours rendu, justice au zèle infatigable avec lequel vous vous êtes livrés à line suite immense d'opérations difficiles et multipliées, etc. • -
t Hâtez-vous, Messieurs, d'annoncer le dépôt de la matrice du rôle dé la contribution mobilière, et l'époque des,délais, et de l'envoyer aussitôt que ces délais seront expirés, à la commission du contentieux, afin qu'elle puisse procéder à vérifier le rôle et à le rendre exécutoire.
: Ainsi s'achèvera l'ensemble de vos immenses travaux, etc. »
On voit donc que des commissaires avaient vérifié cette matrice au mois de novembre; on voit que le département, sur le rapport de ces mêmes commissaires,, pressait la commission municipale d'en annoncer le dépôt,; et de terminer le rôle. Comment est-il possible, après ces preuves émanées du directoire lui-même, de l'existence de cette matrice au 25 novembre dernier, que l'inspecteur des rôles qui ne l'a ni vue, ni vérifiée, se permette de démentir le témoignage des membres du département, en annonçant qu'elle n'était pas à moitié au 7 février suivant; et comment le directoire, contre le rapport de ses commissaires et sa propre conviction, a-t-il pu consacrer une pareille imposture?
Passons maintenant aux défectuosités qu'on reproche aux rôles de 1791 ; on veut bien les réduire à quatre vices principaux . : 1° surimposition considérable en principal et en sols additionnels; 2° omission considérable de la matière imposable; 3° inégalité excessive dans sa répartition; 4° absence des formalités'préalables prescrites par la loi.
Nous allons examiner séparément chacune de ces prétendues défectuosités ; et afin qu'on ne nous soupçonne pas de chercher à les atténuer, nous transcrirons dans une colonne le texte même du réquisitoire, et dans l'autre nous placerons nos réponses.
De la surimposition.
11 y a une première surimposition de 77,902 livres dans le principal du rôle de la contribution foncière. Cette surimposition provient de ce qu'on a voulu éviter les fractions dans les cotes du rôle. C'est du moins ce qu'avance la commission municipale dans une lettre du 24 septembre 1791.11 serait donc possible qu'une surimposition proportionnelle eût lieu dans le rôle de la contribution mobilière ; et cette circonstance oblige à y donner une plus sérieuse attention. Au fond, il suffît d'observer que la commodité des calculs ne saurait autoriser une surcharge ; et que les termes des mandements sont une limite dans laquelle les municipalités sont strictement obligées de se renfermer, autrement, les municipalités auraient la faculté de créerune contribution, ce que la Constitution,.ce que la Déclaration des droits réserve aux seuls représentants du peuple.
Réponse.
Le directoire du département, pour être juste dans ce reproche, aurait dû en détailler les circonstances que nous lui avions soumises par la lettre qu'il cite lui-même, du 24 septembre dernier : voici ce que nous lui mandions :
Vous observez, Messieurs, avec raison « que nous avons excédé la somme du répartement en principal, et que par une suite nécessaire les accessoires se sont trouvés augmentés en proportion. Vous* nous avez, en effet, donné par votre amendement une somme à répartir de 10,783,484 livres et notre répartition offre un total de 10,800,036 1. 5 s. 9 d. Ainsi nous avons excédé de 16,552 1. 5s. 9 d. le montant répartible en principal.
« On voit déjà qu'il y a une grande différence entre cette somme de 16,552 livres et celle de 77,902 livres à laquelle le directoire porte l'excédent en principal. » Nous ajoutions :
« Mais nous avons pensé, Messieurs, que votre intention ne pouvait pas être que nous tombassions dans des fractions de deniers, et il nous aurait été impossible de l'éviter en nous conformant à la somme juste et précise que vous nous aviez assignée.
« La proportion de la somme répartible avec la matière imposable, donne dans la proportion de 5 s. 4 d. pour livre, 10,633, 188 1. 17 s. 5 d.
« En ajoutant 3 quarts de deniers, on obtient de plus 124,615 L 16 s. et les deux sommes réunies font un total de 10,758,497 1. 13 s. 6 d. ce qui offre une insuffisance, sur la somme répartible, de 34,9861. 6 s. 6 d.
« Nous avons donc été forcés de donner un quart de denier de plus, dont on obtient 41,538 1. 12 s., et nous avons trouvé alors le total susdit de 10,800,036 1. 5 s. 6 d. qui en effet excède la somme répartible, de 16,552 1. 5 s. 9 d.
On voit, par ces calculs, qu'il y avait à chercher en fraction de deniers la véritable partie aliquote imposable dans un quart de denièr; car on a pu remarquer que c'est ce dernier quart de denier qu'il fallait tellement subdiviser qu'on y pût trouver 24,986 1. 6 s. 6 d. qui manquaient par les premiers 4 s, 4- d. et 3/4 de denier au complément de la somme, sans excéder la hauteur du département;
Qu'on se figure pour un instant quel travail immense il faudrait faire, non pas pour trouver la fraction de ce quart de denier sur la somme totale répartible, mais pour appliquer cette fraction sur plus de 30,000 cotes que contient le rôle foncier et sur des cotes qui par la répartition au taux de 5 s. 2 den. auquel on s'est fixé, offrent déjà des fractions de deniers malgré l'arrondissement des calculs par ce surhaussement de moins d'un demi-quart de denier.
Mais il y a plus, c'est qu'indépendamment de ce travail inextricable par le nombre immense des cotes, il faudrait, comme l'observait le département lui-même, que les sols additionnels fussent dans une proportion exacte avec le véritable principal répartible; or, ces sols additionnels, y compris les deniers pour la taxation de» receveurs et frais de rôles, forment 5 articles et 5 cotes distincts sur le rôle; ainsi, indépendamment des fractions de deniers déjà incalculables pour le principal, il faudrait les chercher et le» appliquer à 5. fois 30,000 ou 180,000 cotes d'accessoires.
On ne craint point de défier le département de sortir de ce travail; d'ailleurs, indépendamment du temps et du travail qu'il exigerait, il consumerait plus de frais que le montant de cet excédent ; et, en définitive, pour économiser à la commune de Paris 16,552 livres et environ 4,000 livres dont profitent les accessoires qui sont dans là proportion du quart du principal, il en coûterait certainement pour une nouvelle expédition du rôle dans cette rare perfection, plus de 25,000 livres et encore réponarait-on qu'il serait plein d'erreurs.
Enfin le directoire de département peut-il de bonne foi s'appesantir sur ce reproche, quand il doit être bien intimement convaincu que ces fractions de deniers subdivisées ainsi à l'infini ne seraient jamais payées ? car nous n'avons pas de monnaie pour acquitter un quart de aenier, et moins encore des 30 quarantièmes, des 40 soixantièmes de denier ; il faudrait donc, ou que les receveurs exigeassent le fort denier, et alors autant vaut-il le porter, car il n'est pas naturel de les en faire profiter ; ou que le faible aenier fût au profit du contribuable, et alors il est encore inutile de le porter, car le receveur en étant chargé par son rôle, ce serait l'exposer à une perte injuste.
Mais on suppose enfin, que le rôle avec cet exhaussement eût été renau exécutoire et que le recouvrement en fût fait. Eh bien I il en serait résulté un excédent de recette de 16,552 livres. Ce n'est pas sans doute la nation qui aurait dû profiter, mais il était tout simple, et le ministre des contributions en était bien demeuré d'accord, que cet excédent fût réuni au produit du fonds de décharges et de modérations qui n'étant que du sol du principal, c'est-à-dire de 540,001 1. 17 s. 7 d., est évidemment insuffisant pour subvenir à cet article, et on va le prouver.
La loi dit qu'au delà du sixième eu principal toutes réclamations seront admises, et cependant la somme répartible comparée à la matière imposable, s'élève, comme on l'a vu, à plus dù quart en principal : ainsi, il y aurait lieu à réclamation de toute la surcharge qui, en proportion relative, serait de plus de 4 millions.
Or, comme il n'y a en fonds de décharges que 540,000 livres, il y aurait toujours une insuffisance aux réclamations déplus de 3,500,000 liv. ; quand on arriverait, par des discussions sur la matière imposable, à faire céder les propriétaires, et à réduire à moitié, même encore au-dessous, ce fonds nécessaire pour les réclamations, on voit que la somme qui leur est destinée serait toujours de beaucoup insuffisante ; or, on demande si c'est léser les contribuables que de leur faire déjà acquitter par moins d'un demi-quart de denier une insensible portion de la surcharge énorme qu'ils auront inévitablement à supporter par l'insuffisance du fonds de décharge ae 1791 et 1792.
Ainsi, sous tous les aspects, cette prétendue défectuosité, reprochée par le directoire dans le rôle foncier, n'avait rien de répréhensible, et ne faisait aucun tort aux contribuables; elle était presque inévitable, et le directoire, en ordonnant qu'une nouvelle expédition de ce rôle fût divisée par les 16 nouveaux arrondissements de recette, n'a pas lui-même, songé à relever cette différence et à en demander la correction ; il a préféré sans doute la laisser se perpétuer afin de pouvoir la reprocher à la commission municipale.
Il y a une surimposition bien plus forte dans les sols additionnels, destinés aux dépenses municipales, elle est de 1,260,316 liv. 11 s. 5 den. sur la contribution foncière. L'erreur, d'après laquelle la commission municipale a établi cette surcharge, en entraîne une proportionnelle dans le rôle de la contribution mobilière.
Voyons d'abord les lois qui devaient servir de règle ; nous reconnaîtrons ensuite d'où provient l'erreur.
La loi du 28 juillet 1791 porte qu'à compter du 1er de ce même mois, les dépenses municipales cesseront d'être à la chargé du Trésor public; c'est donc du 1er juillet que Paris a dû pourvoir à ses besoins.
Quels moyens la municipalité a-t-elle dû employer à cet effet? Suivant l'article 8 de la loi au 10 août 1791, elle a dû y pourvoir par les 2 sols pour livre au produit du droit de patentes, et par des sols pour livre additionnels au deux contributions foncière et mobilière.
Mais comment la nécessité et le nombre de sols additionnels ont-ils dû être fixés, vérifiés, et comment ces sols ont-ils dû être établis ? Le même article 8 le décide ; c'est suivant les formalités prescrites par les décrets des 29 mars et 11 juin 1791; c'est-à-dire que la ville de Paris a dû constater et exposer ses besoins au directoire du département qui, après vérification, a pu autoriser à percevoir les sommes nécessaires par émargement aux rôles.
Voici ce qui a été fait en conséquence de ces lois. Dans le courant de juillet, sur un aperçu présenté par la municipalité au conseil du département, le conseil a fixé provisoirement les aépenses municipales à une somme de 300,000 livres par mois.
Le 29 août 1791 un arrêté du conseil général de la commune a fixé définitivement les dépenses des 4 derniers mois de 1791, à 1,260,000 livres, dont 60,000 livres seraient fournies par les 2 sols accordés sur la taxe des patentes, et le surplus par le produit de sols additionnels aux contributions foncière et mobilière. Cet arrêté a été approuvé par le directoire.
Ainsi la somme demandée par la municipalité et le conseil général de la commune, et autorisée par le directoire du département, étant de 300,000 livres par mois, à compter du Ie* juillet, il ne pouvait légalement être ajouté par émargement aux rôles des deux contributions, pour les dépenses de la municipalité pendant 1791, que 1,800,000 livres et le principal des deux contributions étant de. 18,518,773 livres, c'était à peu près 2 sols pour livre qu'il fallait ajouter au rôle de chaque contribution, ce qui aurait produit pour la contribution foncière une somme de 1,048,462 1- 4 s. 9 d.
Voilà ce que prescrivait la loi, et ce que voulaient la municipalité, le conseil général de la commune, le directoire du département.
La commission municipale, chargée des contributions, a opéré tout autrement. Laissant de côté tout ce qui devait former sa règle, elle a appliqué aux aépenses municipales de Paris, une loi qui leur était absolument étrangère.
L'article 5 de la loi du 40 avril 1791 porte que les départements et districts fournirent aux frais de perception et aux dépenses particulières mises à leur charge, au moyen de sols et deniers additionnels aux contributions foncière et mobilière, sans que ces accessoires puissent excéder 4 sols pour livre du principal de chacune de ces deux contributions.
Le directoire emploie ici trois pages pour reprocher à la commission le doublement des sols additionnels destinés aux dépenses municipales; nous observerons d'abord qu'il n'était nullement des fonctions de notre commission de faire régler, par. le département, le montant des dépenses municipales pour l'année 1791 et de faire fixer la portion de temps sur laquelle il fallait étendre cet accessoire; notre mission se bornait à savoir du département quelle somme nous avions à répartir pour cet objet, et quoique nous l'ayons demandé pendant six mois par des lettres itératives, attendu la lacune que ce défaut de connaissance occasionnait dans la nouvelle expédition du rôle foncier et dans celui de l'impôt mobilier, ce n'est que le 2 de ce mois d'avril que nous obtînmes, non pas du directoire, mais du secrétaire du département, le billet ci-après transcrit :
« D'après le relevé que je viens de faire, Monsieur, des sols additionnels que la municipalité aura à ajouter au principal des contributions, il paraît que leur montant total est, pour la contribution foncière, de 5 s, 2 d. 38/60, et pour la contribution mobilière, de 6 s. 3 den. 40/61 ; en y comprenant le fonds des décharges et non-valeurs, celui des dépenses d'administration particulière à la ville de Paris, des dépenses et des dettes municipales, à cette somme il faudra ajouter les 3 deniers pour livre du tout pour les frais de perception : vous pouvez tirer d'après cela les sols additionnels de vos contributions.
Signé : BLONDEL. »
Assurément si la commisssion eût connu la détermination du directoire qu'elle réclamait avec tant d'instance, elle n'eût pas attendu à cette extrémité pour s'y conformer dans l'assiette de ses sols additionnels.
S'ils ont été doublés dans la première expédition du rôle foncier, ce n'est pas la faute de la commission, ou bien il faudrait lui reprocher son activité ; car à l'époque où ce rôle était fait, la commune et le directoire du département n'avaient point encore fixé les dépenses municipales ; on ignorait encore si elles porteraient sur l'année entière, ou sur une portion de l'année. ]La municipalité n'avait pas encore obtenu les avances de la caisse de l'extraordinaire, les décrets sur cet article n'étaient pas même rendus ; la municipalité n'avait pas encore fait son bilan et ne connaissait pas ce qui devait entrer dans le passif dont la nation devait se charger, ni çe qui composait véritablement son actif; ce qu'il y a de bien vrai, c'est que dès lors, comme à présent, et èomme le directoire {en convient, il estimait la dépense dè la municipalité à 300,000 livres par mois, c'est-à-dire à 3,600,000 livres par an, qui revenaient à 4 sols pour livre du principal, répartible des deux contributions, et que n'ayant, lors de leur confection, aucun autre guide pour la fixation de cet accessoire, il eût été difficile, à travers tant d'obscurité, et avec le silence du directoire, d'en connaître la juste mesure.
M. le procureur général pouvait s'épargner la peine de nous rappeler la loi du 10 avril 1791, qui s'applique aux seules dépenses de département et de district ; nous la connaissions tout aussi bien que lui. et de ce qu'il y avait une similitudeentreles4 sols que les 300,000 livres par mois destinées à la municipalité exigeaient d'imposer comparativement au principal répartible, et les 4 sols dans lesquels les départements sont
La commissions'appropriant cette loi, l'accommodant à son usage, s'est crue autorisée par elle à porter à 4 sols les accessoires des deux contributions, qui pouvaient servir à ses dépenses, sans faire attention aux états arrêtés par la municipalité et le conseil général de la commune, et sans considérer que quand même elle aurait les pouvoirs attachés aux administrations de département et de district, elle n'aurait pas la faculté de porter tout d'un coup les sols additionnels au maximum déterminé par la loi, sans avoir constaté par un arrêté à quoi se montaient les dépenses mises à sa charge. En conséquence, au lieu d'une somme de 1,880,000 livres qu'elle devait percevoir accessoirement aux deux contributions, elle s'est mise en mesure d'en percevoir une de 3,935,237 l. 3 sols ; et au lieu de 1,048,161 1. 4 s. 9 d. qu'elle devait seulement percevoir par accroissement à la contribution foncière, ellea imposé celle de 2,308,4581.11b. 7d.
A la vérité, la municipalité avait à pourvoira quelques dépenses qui peuvent être considérées comme dépenses de district et qui n'étaient pas comprises dans les dépenses votées par la commune. De ce genre sont les frais de confection des rôles, les dépenses de juges de paix, etc..
Elle avait encore à se former un fonds de non-valeur, pour remplacer les sols additionnels aux cotisations qui seraient modérées, ou dont il serait accordé décharge.
Mais, 1° ces objets, comme on le verra plus bas, sont loin de la somme imposée par la municipalité ; 2° ils devaient être réglés d'une manière légale et précise, et non cumulés, sans mesure et sans distinction, avec le fonds de dépenses municipales proprement dit.
renfermés pour leurs dépenses et celles des districts, nous ne pouvions jamais faire l'erreur grossière qu'il veut bien nous prêter ; car si nous avions appliqué à la municipalité la loi faite pour les départements et districts, comme le mandat du département comportait déjà, en vertu de cette loi, 1 s. 9 d. pour le fonds de décharge et pour ses dépenses, nous aurions peut-être eu l'esprit de nous aperceyoir que ces sols et deniers réunis à 1 sol pour les dettes de la municipalité, à 4 sols pour les dépenses municipales, et à 3 deniers pour les taxations des receveurs et frais de rôles, faisaient bien 7 sols au total, et conséquemment 3 sols de plus que la loi ne permettait aux départements et districts d'imposer. Ainsi il a bien fallu que nous ayons eu la conception de considérer les 21 deniers imposés par le département, comme la portion seulement nécessaire à ses besoins, dans les 4 sols que la loi laissait à sa disposition, et comme indépendante des 5 s. 3 d. qui s'appliquaient à la municipalité,, en vertu d une autre loi quia laissé sans mesure, mais sous le règlement des départements, le montant des sols et deniers additionnels pour ses besoins. S'il nous était permis à notre tour de rendre à M. le procureur général syndic instruction pour instruction, nous lui observerions qu'il se serait épargné toute cette dissertation qui ne répare rien, par un seul mot quiiaurait tout réparé ; le voici: l'erreur, comme on a vu, a été d'avoir porté dans la première expédition du rôle définitif foncier, 4 sols pour livre pour l'année entière 1791 des dépenses municipales, au lieu de 2 sols pour 6 mois seulement de ces mêmes dépenses. Eh bien ! avec une ligne seulement dans, l'arrêt de ce rôle, on aurait rectifié cette erreur; il n'y avait qu'à dire qu'au lieu de4 sols, les receveurs, dans la perception individuelle des 'cotes, porteraient seulement cet article à 2 sols pour livre, et réduire ainsi à moitié dans cet arrêté le montant de la colonne des sols de la municipalité pour en opérer leur décharge.
M. le procureur général aurait pu se rappeler que nous lui avons indiqué ces éléments tous simples de la fabrication des rôles dans une occasion bien plus essentielle ; il se souvient sans doute qu'une des grandes difficultés du rôle mobilier était d'arrêter les cotes mobiles, parce que celles d'habitation devant être promenées du trois-centième au quarantième, et celles de faculté du vingtième au dix-huitième, jusqu'à ce qu'on ait trouvé la hauteur juste de chacune comparativement à la somme répartible, il faudrait sans cesse chercher la. véritable latitude par une recomposition continuelle des cotes; nous lui proposâmes donc de tirer ces deux taxes mobiles au maximum, et après avoir comparé leur montant avec la somme répartible, moins le montant des taxes fixes, de constater par l'arrêté ia véritable échelle de proportion sur laquelle les receveurs percevraient ces deux taxes.
Voici ce que le directoire répondit à la commission le 25 novembre :
« La proposition que vous faites sur la manière d'arrêter les rôles de la contribution mobilière, et de faire reporter sur chaque cote par les receveurs la proportion qui aura été établie par l'arrêté entre le montant du rôle, tel que vous l'aurez calculé, et la somme effective à percevoir d'après le répartement, a été discutée au bureau du conseil, le directoire l'a aussi exa-
Omissions des richesses contribuables.
Tandis qu'une opération irréfléchie aggravait la somme des contributions, les richesses contribuables semblaient s'échapper d'un autre côté ; une partie est entièrement omise dans les rôles ; une autre, qui est rappelée, n'y est pas cotisée,, et est seulement tirée pour mémoire.
Le rôle de la contribution foncière ne porte que pour mémoire un très grand nombre de propriétés publiques, soit municipales, soit nationales, qui toutes, suivant la loi et l'instruction qui la suit, doivent être cotisées. Le Louvre et le château des Tuileries ne sont tirés que pour mémoire, encore bien que l'instruction assujettisse nommément les propriétés possédées par le roi.
Les projets de matrice de la contribution mobilière ne font pas même mention de Ja liste civile ; cependant, Messieurs, la loi de la contribution mobilière n'exceptait pas le roi de la contribution. La prérogative royale ne l'en dispensait pas davantage. Le revenu des fonds dont il a la possession étant positivement assujetti à la contribution foncière par la loi, il était évident que la liste civile devait être assujettie à la contribution mobilière. Tel avait été le principe posé par un membre du comité des contributions publiques à l'Assemblé constituante. Enfin la somme de contribution répartie sur le département de LParis avait été réglée sur la somme de matière imposable que présentait les revenus du roi. En un mot, personne ne pourrait y voir de difficulté raisonnable, et le roi lui-même à qui l'intendant de la liste civile a lu un mémoire que je lui ai adressé peu de temps après ma nomination à la place que j'occupe, a trouvé juste d'être impose. 11 n'y avait donc qu'une misérable superstition qui pût appréhender d'inscrire le roi aux rôles des contribuables; et cette superstition ne convenait guère sans doute à des magistrats du peuple qui ne pouvaient exempter les possessions royales et la liste civile sans surcharger leurs concitoyens.
minée avec soin; elle lui paraît, comme à vous, très propre à accélérer la mise en recouvrement qu'il importe tant au bien public de ne pas différer un instant. »
On doit remarquer ici, en passant, que le département croyait bien à cette époque la matrice de ce rôle faite, et ne se doutait pas que 3 mois après, son inspecteur qui ne l'a pas vue, lui persuaderait qu'elle n'était alors qu'à moitié. On croit avoir répondu sans réplique à ce reproche du directoire, et prouvé qu'il n'y avait pas dans nos opérations l'irréflexion qu il prétend y trouver, ou bien qu'il doit convenir qu'il l'a plus d'une fois avidement partagée.
Le directoire prétend ici qu'il y a lésion pour les contribuables par la non-imposition d'un grand nombre de propriétés publiques, soit municipales, soit nationales, qui devaient être cotisées. Il cite notamment le château des Tuileries et les églises ; puis ailleurs il définit avec plus d'étendue ces propriétés publiques, et se perd dans une dissection métaphysique de l'impôt; nous examinerons dans un instant cette définition, nous nous bornons pour le moment aux deux objets qu'il nous reproche d'avoir omis.
Quant au château des Tuileries, nous appelons M. de la Porte, intendant de la liste civile, en témoignage de nos démarches pour régler la contribution due sur cet immeuble. Nous crûmes devoir appeler le ministre des contributions à ce règlement amiable et de bonne foi que la nature de cet immeuble exigeait, quand la distinction constitutionnelle des occupants ne l'aurait pas déjà commandé; ainsi nous arrivions à l'exécution de la loi par les formes convenables. Si c'est sur ces égards dans les formes que porte le reproche de superstition, nous avouons que nous préférons un patriotisme pur, simple comme la loi, qui agit sans éclat et sans excès, à une ostentation de patriotisme qui tiraille la loi, et en violente l'esprit, et les dispositions au détriment de son exécution.
Qaant aux églises, M. le procureur général syndic a beau alambiquer l'impôt, il faut revenir au premier de tous ses éléments, c'est qu'il n'est du que sur un revenu quelconque ; le fonds ne doit rien par lui-même, 1 impôt n'est pas une portion de l'immeuble, mais une quotité de son produit ; cela est si vrai, que lorsqu'une maison n'est pas louée, on ne peut pas se refuser à donner la décharge de l'impôt; on demande donc à M. le procureur général syndic quel était le produit des églises, au mois de mars 1791 que s'est fait le recensement, elles étaient encore alors toutes employées au culte. Quelques-unes depuis ont été ou louées, ou vendues, et alors seulement elles ont été frappées de l'impôt pour une portion de l'année ; mais comme ces locations ou ventes ont été successives, il fallait bien s'arrêter à une époque pour fermer le rôle, sauf à comprendre dans un rôle de supplément les objets mis en produit depuis la clôture du rôle principal. Comme il tf y avait pas encore d'églises en location, par vente ou autrement, à l'époque de la clôture du rôle, on n'a pu les comprendre comme productibles, et l'on a depuis ouvert un rôle de supplément qui est toujours indispensable à Paris sur les deux impôts, où l'on a porté ceux de ces immeubles mis en valeur, et dans lequel doit l'être aussi le châ-
Des inégalités dans la répartition.
Après l'aggravation de la somme de contributions légalement établie, et ],a distraction d'une grande partie de la richesse contribuable ou matière imposable, il ne manquait plus qu'une circonstance pour rendre l'impôt odieux et improductif; c'était de répartir, avec une inégalité sensible, l'énorme masse de contribution rassemblée sur une partie seulement des personnes qui doivent la supporter. Cette circonstance s est trouvée réunie aux autres dans les rôles et projet de rôle de la commission municipale.
Suivant la loi de la contribution mobilière, les contribuables ne devaient être taxés, dans les cotes d'habitation et de faculté mobilière, qu'à raison de la valeur locative de la partie de leur logement qui sert à l'habitation; celle des chantiers, ateliers, boutiques et magasins doit être déduite du prix du loyer qui sert de base à la cotisation. Le but de la loi est évident. C'est d'atteindre les facultés et de proportionner les contributions aux facultés. Or, les boutiques et ateliers ne sont pas le signe des facultés, mais seulement des moyens d'en acquérir; ce sont les instruments d'une profession; ils se proportionnent à la nature des entreprises, et non aux capitaux des entrepreneurs; au lieu que l'habitation des citoyens se proportionne ordinairement à leurs facultés, à leurs capitaux, à leur propriété mobilière : ainsi, par exemple, un charron a de vastes ateliers et de vastes magasins, et une très petite habitation ; tandis que le joaillier, l'horloger dont l'industrie suppose de plus grands capitaux, n'ont que de petits ateliers et occupent des appartements d'une certaine étendue. Et, dans une même profession, on voit ordinairement, le citoyen le plus riche, avoir une petite boutique et une belle habitation, et le plus pauvre, avoir un magasin très vaste, et loger dans le plus chétif réduit ; et cela doit être ; car un joaillier, un horloger jouissant, comme artiste, d'une réputation, qui suppose déjà, des profits et des épargnes, n'a pas besoin de frapper les yeux, par un étalage brillant, dans les lieux les plus fréquentés, et il a d'autant moins de raison de se refuser un logement commode ; au lieu que l'artiste qui commence, a besoin d'attirer sur lui les regards des consommateurs, et est d'autant plus obligé de sacrifier de ses commodités personnelles à l'éclat de sa boutique. On peut donc dire que la valeur locative des chantiers, ateliers et magasins est assez généralement en raison inverse de la fortune de ceux qui les occupent, et que le loyer d'habitation est, au contraire, en raison directe de leurs
teau des Tuileries d'après son évaluation. Ce qu'on dit ici des églises peut s'appliquer à tous les genres d'édifice que M. le procureur syndic a studieusement relevés dans son rapport ; et s'il est prouvé, en les reprenant tous, qu'aucun ne produit de location ni à la nation, ni à la commune, assurément il n'y a pas lieu à les imposer.
Ce n'est pas le tout d'échafauder un rôle et de grossir fictivement la matière imposable, lors-qu'en définitive, on doit la voir crouler et ses débris retomber sur les véritables contribuables. Nous reviendrons encore sur ce système de M. le procureur général syndic; il nous suffit d'avoir ici prouvé, que ses reproches, sur les articles qu'il a spécialement relevés, ont le sort de tous les autres, c'est-à-dire d'être aussi mal fondés.
M., le procureur général syndic qui n'ose pas faire le procès à l'impôt mobilier, aime mieux le faire à la commission municipale. Mais, c'est au directoire lui-même qu'il devait reprocher ce qu'il appelle le moyen de rendre l'impôt odieux et improductif, en répartissant, avec une inégalité sensible, l'énorme masse de contribution rassembléè sur une partie seulement des personnes qui devaient la supporter. Nous produirons la décision du directoire qui a fixé cette déduction à 2 tiers du loyer, pour les citoyens patentés qui ont des boutiques, ateliers et magasins. Mais nous allons commencer par justifier cette décision du directoire, puisque M. le procureur général syndic a cru devoir la critiquer.
Il est prouvé, par les recensements et par les rôles des citoyens ci-devant en corps et communautés, qu'il y a plus de 60,000 habitants sujets à la patente. Il faudrait donc, pour établir vis-à-vis de chacun d'eux, la juste déduction qui lui serait due à raison des portions de son loyer, destinées à sa profession, faire une ventilation du prix qu'elles représentent dans la totalité de son loyer; or, il est aisé de prouver que cette ventilation non seulement consumerait un temps considérable, mais qu'elle donnerait même ouverture à des erreurs, ou à des injustices sans nombre.
1° Cette ventilation, pour être juste, devrait être contradictoire; or, on conçoit quelle opération ce serait dans cette capitale, que d'aller, de porte en porte, rechercher tous les locataires admissibles à ce genre de déduction, vérifier les baux ou les quittances de leurs loyers, et en estimer la portion déductible aux termes de la loi. • 1
2° A quelles recherches inquisitoriales cette ventilation ne donnerait-elle pas lieu? On voit très fréquemment, dans un même quartier, dans une même rue, et souvent porte à porte, deux marchands; l'un a une boutique obscure et de peu d'apparence, mais qui, bien achalandée, bien connue, et en possession d'une certaine renommée, fait beaucoup au dehors et peu de casuel, ou qui contient dans un petit emplacement des marchandises d'un très grand prix; celle d'à côté, aura beaucoup d'apparence, un grand étalage pour attirer les passants; mais plus nouvelle, moins connue, et roulant sur les hasards d'un casuel, n'ayant que des marchandises de rebut et peut être dues aux manufactures ou débitants en gros, le marchand sera infiniment moins aisé que son voisin; ils ont
capitaux, et de leurs facultés. C'est donc le loyer cependant le même loyer, la même distribution d'habitation seul qui a dû être pris pour base dans les pièces destinées à leur profession, le de répartition de la contribution mobilière. La même prix de patente, et ils ont également droit loi qui l'a réglé ainsi est donc d'une justice à la déduction. Faudra-t-il, d'après le système évidente, et son exécution, d'une nécessité ri- de M. le procureur général syndic, faire faire gaureuee. l'inventaire de ces deux marchands ? Faudra-t-il
Pour cette exécution, il était évidemment né- leur faire représenter leurs registres de com-cessaire que les déductions, déterminées par la merce pour connaître leur situation ? Faudra-t-il loi, fussent réglées pour chaque citoyen indivi- enfin faire prouver à l'un que, par des malheurs duellement, d'après les proportions que ses fa- dans son établissement» il est menacé d'une dé-cultés lui avaient permis de mettre entre son route, et faire dévoiler à l'autre que, par une habitation et ses boutiques et magasins ; c'était sage économie et de longues fatigues, il a pros-encore là le vœu précis de la loi du 28. février péré et assuré le sort de sa famille? Cependant, 4791 ; c'était l'objet spécial de la loi du 6 avril selon M. le procureur général syndic, il ne suivant. faudrait rien moins que cette inquisition pour
Cependant la matrice du rôle de la contribu- varier la déduction, suivant les véritables fa-.tion mobilière offre un système bien différent! cultés.
On y voit que, sans distinction de professions et 3° Il est une infinité de professions qui s'exer-sans distinction de fortune, dans une même pro- cent sans boutiques, et ce n'est même pas, en fession, il est fait, à tous les citoyens exerçant générai, dans les boutiques que se fabriquent et un métier qui exige des boutiques et ateliers, se travaillent les marchandises; elles sont, plus une déduction uniforme 6ur le prix total de leur ordinairement, destinées à leur exposition ; il loyer à raison de ces boutiques et ateliers; et y a donc une foule d'artistes, d'artisans, d'ou-cette déduction uniforme est portée à 2 tiers vriers, dont une partie du logement est consacrée du loyer total ; par là, les personnes les plus à des ateliers qui renferment toutes les ma-riches dans chaque profession, et celles qui tières, et les outils propres à leur profession \ exercent les professions qui supposent le plus ils sont, assurément, dans la faveur de la loi -d'aisance, ont été déchargées d'une forte portion qui admet les ateliers dans les déductions sur de leur contribution légitime; tandis que les l'impôt mobilier; cependant, il y a beaucoup ouvriers les plus pauvres dans chaque profes- de ces ouvriers laborieux, estimables, mais in-sion, et les entrepreneurs de travaux qui exi- digents, qui font un double emploi de ces gent de grands ateliers, sont surchargés de la ateliers; on y trouve, à côté des métiers et des manière la plus criante. Par là, uif bijoutier établis pour le travail, des meubles du ménage. propriétaire d'un capital de 50, de 100,000 écus, Quelle mesure prendre pour la déduction? ce qui n'a rien d'extraordinaire, qui payera un Taxera-t-on la pièce destinée au ménage? Mais loyer de 3,000 livres, et qui n'aura qu'une petite elle est en même temps le laboratoire. Déduira-boutique, ou même, n'en aura j>as du tout, ne ton celle du laboratoire? Mais elle sert en même payera qu'à raison d'une habitation de 1,000 li- temps au ménage. Ne fera-t-on aucune déduc-vres, c'est-à-dire 2 tiers moins qu'il ne doit ; tion? Mais la loi le veut, puisqu'il y a un ate-tandis que le charron, qui n'aura pas 1,000 livres lier. Ne taxera-t-on aucune portion? Mais la loi de capital, qui payera aussi un loyer de 3,000 li- ne veut pas cet affranchissement total, puisqu'il vres, sur le prix de son travail, et qui n'occupera pèserait sur les autres citoyens, avec sa famille qu'un recoin de sa maison, va- 4° Quoique M. le procureur général syndic se lant à peine 2 ou 300 livres de loyer, payera confie excessivement dans la douce compression pareillement la contribution mobilière à raison de l'opinion publique, et dans l'incitation des ae i,000 livres, c'est-à-dire payera environ .3 regaras des citoyens, pour obtenir des déclara-ou 4 cinquièmes de pins qu'il ne" doit. Ainsi, on tions irréprochables, l'expérience n'a que trop a trouvé le moyen de faire dans un même rôle prouvé que l'intérêt et la cupidité cèdent sou-2 rôles fort distincts : celui des privilégiés vent au patriotisme, surtout quand le besoin et celui des spoliés. Ainsi, sous le régime de est oblige de calculer ses ressources ; la loi l'égalité, les uns auront été ruinés pour payer admettant la déduction des boutiques, ateliers, les charges des autres ! Ruinés, oui, et l'expres- magasins et emplacements destinés aux diverses s ion n'a rien d'exagéré. Jetez les yeux sur un professions, un contribuable peut étendre pres-entrepreneur d'hôtelgami ; certainement il n'en que à son gré cette déduction ;. nous n'aurons pas est pas un seul qui occupe le dixième de la la coupable indiscrétion d'en découvrir les maison qu'il loue, cette maison, est pour lui, moyens; nous espérons même que cette ma-l'atelier de son industrie; s'il est taxé à sa nœuvre aura peu de partisans; mais nous en cote mobilière à raison du tiers de cette mai- démontrerons confidemment, la possibilité au son, sa taxe est pour plus des 2 tiers de son directoire, quand il le souhaitera, et nôus Pap-montant, un mandement de spoliation expédié puyerons même de preuves. M. le procureur au nom de la loi, et sans doute le triplement général syndic n'a jamais voulu reconnaître d'une côntribution telle, que la contribution une grande vérité; c est qu'il est impossible de mobilière, absorbe bien près du revenu d'un conduire, par les principes généraux, l'imposition contribuable. Aussi, les réclamations des entre- dans une ville d'un million d'habitants, tous preneurs d'hôtels garnis n'ont-elles pas attendu, presqueamoncelés dans un territoire très resserré, pour éclater, que les rôles fussent en recouvre- et dont les ressources sont si variées et si in-ment. Je vous ai déjà par lé de leurs plaintes, connues, que, dans une même maison, on s'y et vous avez trouvé juste de remédier au mal trouve ignoré, isolé, étranger, au point que des qui les cause. citoyens qui habitent sous le même toit ignorent
Voilà donc un principe d'inégalité excessive réciproquement l'état, les besoins et les res-mis à découvert dans le rôle de la contribution sources de leurs voisins, mobilière; je passe à un autre qui n'est pas 11 n'y a donc que des mesures vastes et gé-moins important. nérales qui puissent donner quelques succès à
l'impôt; mais s'il faut l'asseoir et le répartir par
autant d'exceptions qu'il y a de contribuables, nous ne craignons pas de le dire, l'année ne suffirait pas au travail du rôle de l'année, et l'impôt mobilier serait perdu par l'immensité de changements qui s'opéreraient pendant qu'on travaillerait à l'établir.
Ce sont ces vérités qui nous avaient déterminés à proposer au directoire, une mesure uniforme de déduction sur les loyers, en faveur de tous les citoyens patentés ; et si nous ne craignions de trop prolonger cette réponse, nous prouverions encore, comme nous le prouvâmes alors au directoire, par différents mémoires, qu'à très peu d'exceptions près, cette proportion de 2 tiers est peut être encore la mesure la plus juste que l'on pouvait saisir.
Si elle est arbitraire, comme le prétend M. le procureur général syndie, il faut qu'il en accuse le directoire lui-même; car s'il avait voulu prendre la peine de faire vérifier ses arrêtés et sa correspondance, il y aurait trouvé cette décision formelle qui nous fut envoyée par M. Pas» toret, alors procureur général syndic, le 25 mai
« Le directoire du département de Paris, Messieurs, a reçu, le 19 de ce mois, la lettre par laquelle MM. les officiers municipaux, chargés des contributions et des patentes, afin d'éviter toutes difficultés dans la ventilation des portions de loyers des marchands et artisans de la ville de Paris, applicables à l'imposition mobilière, proposent d'adopter un terme moyen commun pour tous les loyers, provisoirement et jusqu'à ce qu'il ait été statué sur cet objet par une loi précise ; ce terme moyen leur paraît devoir être de diminuer les deux tiers du loyer total, pour n'assujettir à l'impôt que le tiers restant. Le directoire, Messieurs* vous prie de leur faire connaître qu'il approuve cette mesure, qui ne s'éloigna point des dispositions de la loi, et de donner les ordres nécessaires pour accélérer l'appel des déclarations qui doivent déterminer l'imposition mobilière.
« Le procureur général syndic du département,
PASTORET. »
On demande à présent s'il y a de la bonne foi à M. le procureur général syndic, de nous reprocher l'exécution d'un arrêté du directoire, ou si ce n'est pas évidemment le compromettre, que de le faire tomber aujourd'hui dans une telle contradiction avec ses propres arrêtés?
Si M. le procureur général syndic, pour éviter apparemment d'être juste envers nous, n'a pas cru devoir faire compulser les registres du directoire, il n'est pas possible, du moins, qu'il ait oublié les conférences que nous avons eues depuis, avec le directoire et avec lui, sur ce même article ; et il doit se rappeler, qu'après ktti avoir prouvé l'impossibilité d'un appel individuel, pour opérer dans une exacte proportion, la juste réduction à faire à cette classe de contribuables sur l'impôt mobilier, nous lui suggérâmes un mode qui fut goûté par le directoire, et par lui personnellement: ce mode consistait à former jusqu'à 25 classes des différentes professions, qui avaient le plus de conformité l'une avec l'autre, pour les emplacements nécessaires à leur exercice, et de fixer à chaque classe, me diminution relative au plus ou moins de charge résultante desdits emplacements ; nous allons même plus loin, et nous soutenons, que dans ce mode,
" On se plaignait, depuis longtemps, que les propriétaires de fonds territoriaux supportassent une contribution qui n'atteignait jamais le capitaliste. Quelques écrivains avaient beau vanter les contributions iudirectes, en ce que les capitalistes étaient obligés de les payer, comme elles ne les frappaient qu'en frappant dans la même proportion les propriétaires fonciers qui avaient déjà payé la contribution foncière, il n'y avait pas moins inégalité entre la condition des uns et des autres. Supposez deux particuliers riches l'un et l'autre de 10,000 livres de rentes; l'un tirait son revenu d'une terre, l'autre d'un capital placé dans quelque affaire lucrative ; le premier payait le dixième de son revenu, c'est-a-dire 1,000 livres, sous le titre de vingtième; il lui restait 9,000 livres pour ses besoins. Le second ne payait aucune contribution semblable, et ses 10,000 livres lui restaient tout entières à dépenser. A la vérité, il payait la capitation; mais le propriétaire foncier îa payait aussi. Le capitaliste payait la gabelle, les aides, le tabac, les droits d'entrée, etc. Mais le propriétaire foncier payait les mêmes taxes ; la contribution du vingtième était donc une charge particulière au revenu de ce dernier, et rien n'y correspondait dans les contributions du capitaliste. Le nouveau système de contribution mobilière a institué un moyen absolument neuf, d'atteindre le capitaliste, sans frapper en même temps, le propriétaire, et de diminuer, sinon de faire cesser, l'inégalité de leur condition, relativement à la contribution ; ce moyen est l'établissement de la cote appelée de facultés mobilières : en voici une courte théorie.
Les richesses en capitaux mobiliers n'étant pas, comme les propriétés foncières, visibles et mesurables pour l'autorité publique qui répartit les contributions, la foi a d'abord saisi, dans les dépenses des citoyens, un signe et une mesure assez approximative de leurs revenus ; ce signe est le loyer d'habitation; il n'en est pas de plus sûr ou plutôt de moins équivoque.
Mais ce signe est commun à tous les genres de revenus, il n'annonce pas plus les revenus des fonds que celui des capitaux mobiliers : ainsi le problème étant d'atteindre Ces derniers sans toucher les premiers, qui ont payé la contribution foncière, il fallait trouver un moyen de les distinguer; la loi a fourni ce moyen en autorisant les propriétaires fonciers à prouver, dans un délai déterminé, que le revenu indiqué par le loyer provient, en tout ou en partie, de fonds sujets à la contribution foncière, et à faire rayer ou réduire proportionnellement leur taxe mobilière.
Quel devait être l'effet de cette loi dans les rôles de la contribution mobilière de Paris? Entre les contribuables de cette ville on compte plus de 30,000 propriétaires : ainsi il devait y avoir plus de .30,000 déductions de cotes mobilières.
Or il n'y en a pas 2,000 de faites. Ainsi il y a plus de 28,000 contribuables à Paris, qui, après avoir payé la contribution foncière au sixième, pour leur revenu foncier, qui est l'unique revenu de la plupart, payeront en outre dans la contribution mobilière le dix-huitième de ce revenu comme s'il provenait de capitaux mobiliers.
Certainement une surcharge si générale rendrait l'impôt odieux, insupportable; et tant de voix, tant de cris s'élèveraient à la fois que la perception deviendrait sinon impossible, au
il sera impossible de faire dans Paris, un rôle pour cette classe de contribuables.
M. le procureur syndic nous fait encore un crime de n'avoir pas fait aux propriétaires les déductions autorisées par la loi sur l'impôt mobilier; il est pourtant forcé, ensuite, de convenir que ce n'est pas notre faute, puisque, par des avis multipliés, nous les avons invités à se présenter non seulement dans les délais de la loi, qui ne donne que quinzaine, mais pendant plus de 2 mois, pour justifier de ces déductions : il faut pourtant qu'il opte, ou de condamner la loi, puisque nous l'avons exécutée, ou de condamner les propriétaires qui ne s'y sont pas conformés; il croit sortir ae cet embarras en disant que la municipalité, comme il le démontrera bientôt, ne s'est pas mise en état de recevoir ces déclarations ; nous le reprendrons à cette démonstration, et nous lui prouverons que le mode qu'il a fait adopter au directoire, et qu'il regarde comme infiniment plus efficace pour arriver à ce but, non seulement ne l'aura pas mieux rempli, mais qu'il n'a fait, en prenant l'inverse de la marche, qu'un règlement de la commune, sur notre rapport, avait prescrite, que retarder de plus de 6 mois l'émission des rôles de 1792.
En attendant que nous soyons parvenus à cette partie de son réquisitoire, nous répondrons à ce reproche, en transcrivant l'avertissement que la municipalité fit afficher et réafficher plusieurs fois, pendant le cours de mai et juin 1791.
11 commence par la transcription des articles 19, 20 et 3d de la loi sur rimpôt mobilier du 13 janvier 1791, et est Conçu en ces termes :
« La commission municipale des impositions, pour céder au patriotisme de tous les bons citoyens, qui sont impatients de voir répartir et mettre en recouvrement les contributions publiques de la présente année, et jalouse de conserver à la commune de Paris 1 avantage d'être toujours la première à donner l'exemple de sa soumission à la loi, s'est empressée de terminer les opérations préparatoires à l'assiette de l'impôt foncier. Occupée des dispositions préalables à l'assiette de la contribution mobilière, il lui reste à exécuter les articles de la loi sur ce dernier impôt, qui admet, en faveur des citoyens imposés pour leurs propriétés à la contribution foncière, une déduction proportionnelle sur la contribution mobilière ; en conséquence, les citoyens de Paris ayant des propriétés foncières, soit dans Paris, soit ailleurs et en quelque partie du royaume que ce soit, sont avertis qu'il leur sera fait les déductions décrétées sur leurs cotes de faculté mobilière, en faisant leurs déclarations du produit de leurs propriétés, et en justifiant des quittances de vingtièmes payés en 1790. Ils sont donc invités à se présenter au bureau des contributions, à l'hôtel Soubise, où lesdites déclarations et justifications de payements seront reçues jusqu'au 30 juin, passé lequel délai, elles ne seront plus admises.
« Les fonctionnaires publics devant être cotisés dans leurs taxes de faculté mobilière, conformément à leurs traitements, et jouir des décharges qui peuvent en résulter aux termes des articles 23 et 24 de la loi, sont également invités de se présenter dans le même délai pour y justifier ae leurs traitements.
« Tous les citoyens admis aux termes des décrets, à obtenir la déduction des portions de leurs loyers occupées pour des boutiques, magasins, ateliers ou autres emplacements nécessaires à leur commerce, ne pouvant, d'après le
moins très difficile, très vexatoire et très lente.
On dira peut-être que la commission municipale ayant provoqué les déclarations des propriétaires dans les délaisse la loi et la loi voulant qu'après ces délais", les propriétaires ne soient plus admis, c'est à eux-mêmes qu'ils doivent imputer leur surcharge.
Mais il sera bientôt démontré que la commission municipale ne s'est pas mise en état de recevoir ces déclarations, et il est évident d'ailleurs que les propriétaires n'eussent pas omis une formalité si simple et si importante pour leur intérêt, s'ils eussent été instruits et avertis comme ils auraient dû l'être, et si on leur eût donné les facilités qui leur étaient dues pour l'exercice de leurs droits.
Absence de tout caractère légal,
Un des caractères principaux qui distinguent l'ancien système des contributions du nouveau, c'est que les anciens impôts, établis par un pouvoir arbitraire, étaient répartis aussi par un pouvoir arbitraire; au lieu que les nouvelles contributions, votées par les représentants du peuple, doivent être reparties avec la participation des contribuables eux-mêmes et sous l'autorité des magistrats du peuple.
•Dans l'ancien régime, des vérificateurs choisis par un directeur des impositions, dénués comme lui de tout caractère municipal et fiduciaire, s'introduisaient dans les maisons, y prenaient des informations clandestines sur les personnes et les propriétés, rédigeaient des notes quelquefois malveillantes, quelquefois collusoires, et ces notes devenaient les éléments d'une assiette dans laquelle la faveur, la collusion ou la malveillance du chef influaient à leur tour. Suivant les nouvelles lois, les contribuables doivent déclarer eux-mêmes, et sous leur signature, les éléments de leur cotisation, c'est-à-dire leurs propriétés et le signe de leurs facultés, la déclarer les uns en présence des autres, en se soumettant à une censure réciproque et à des rectifications mutuelles; et ce sont des officiers municipaux qui doivent recueillir les déclarations et observations ainsi émises.
Suivant l'ancien système, chacun avait intérêt, et mettait une sorte de gloire à dérober ses facultés à l'autorité qui les frappait de l'impôt.
décret sur les patentes, jouir de cette déduction, qu'autant qu'ils en auront pris pour l'exercice légitime de leurs professions, sont avertis que faute par eux de justifier dans le même délai du mois de juin, de l'obtention desdites patentes, ou de s'en munir dans le même délai, ils seront, aux termes de la loi, déchus du bénéfice de ladite déduction, et imposés à la contribution mobilière, pour la totalité de leurs loyers, sans pour ce être dispensés du prix de la patente, d'après la rechercne autorisée par la loi contre ceux qui exerceraient quelques professions sans s'être munis de ce titre légal qui peut seul les y autoriser. »
On demande s'il était possible de donner plus d'ouvertures, et des ouvertures plus conformes à la loi, à tous les contribuables, pour les mettre à portée de jouir des déductions qu'elle prononçait en leur faveur? N'y a-t-il pas une injustice marquée de la part de M. le procureur général syndic, à nous rendre responsables de Finsou-ciance ou de la mauvaise volonté des contribuables, quand nous avons épuisé tous les moyens prescrits par la loi, et prolongé de plus de 6 semaines les délais qu'elle accorde? Ce qu'il y a d'étrange, c'est que le mode ordonné par le directoire n'a eu l'apparence de succès qu'il a obtenu, et M. le procureur général le sait bien, qu'aux opérations préalables que nous avions fait faire ; que le plus grand nombre des citoyens ne s'y conforme point, malgré les avis et les invitations réitérées du directoire, et qu'en dernier résultat la différence entre l'effet de ce mode et celui qu'on nous reproche d'avoir employé, sera d'avoir considérablement retardé le travail, et d'avoir jeté dans les opérations une discordance et une confusion dont on ne sortira qu'avec beaucoup de peine, ainsi que nous le prouverons dans un moment.
Nous pourrions, Messieurs, nous contenter de répondre aux reproches de M. le procureur général syndic, par la rétractation qu'il en fait lui-même à la page 18, en disant qu'il doit annoncer une vérité de fait qui peutservir d'excuse, à quelques égards, à la commission municipale ; c'est que la loi du 5 novembre 1790, en concentrant dans la municipalité de Paris les opérations de l'assiette de 1791, et en excluant les sections, a semblé condamner la municipalité à la méthode bureaucratique qui a été suivie; en effet, ajoute-t-il, toutes les opérations de la loi devenaient impossibles et illusoires, un seul bureau étant ouvert pour leur accomplissement, etc.
Nous pourrions encore répondre à ce reproche par l'arrêté du directoire du 31 janvier, qui renferme une grande vérité, quand il dit « que la loi du 5 novembre 1790, en attribuant exclusivement et sans réserve à la municipalité la répartition des contributions directes pour 1791, a rendu impossible l'exécution littérale des lois relatives aux contributions foncière et mobilière, à cause de l'immense population de cette capitale ».
Mais nous n'avons pas besoin de cette indulgence de M. le procureur général syndic, et nous allons prouver que la conduite que nous avons tenue a été plus expéditive et plus utile au bien public que celle qu'il a fait ordonner par le directoire.
Suivant le nouveau régime, tout déguisement, tout recelé serait un danger d'infamie.
Dans les anciennes méthodes, un grand nombre de contribuables étaient lésés, et chacun, taxé arbitrairement, croyait ou feignait de croire toujours qu'il était gravement surtaxé. En conséquence, résister a la perception, ou du moins s y prêter péniblement, lentement, chicanière-ment, était l'esprit presque général. Suivant le nouveau régime, tous les contribuables de bonne foi pouvant régler eux-rmêmes leurs taxes à l'amiable, il doit s'élever peu de réclamations; et ceux qui seront dans le cas d'en faire, ayant à s'imputer de ne pas en avoir prévenu la.néces-sité par des déclarations fraaehes et loyales, auront contre eux l'esprit général, qui aidera désormais le percepteur plutôt que les réclamants, et favorisera les revenus publics au lieu de seconder les résistances de l'intérêt privé.
Suivant lequel des deux systèmes les rôles de 1791 ont-ils été formés? Ils l'ont été presqu'abso-lument suivant le système ancien.
D'après les lois relatives à la contribution foncière et à la contribution mobilière, il devait être fait deux états, l'un des propriétés, l'autre des habitants. Le premier devait fournir la matière imposableà là contribution foncière; l'autre les éléments de la contribution mobilière. Ces états devaient être exposés quinze jours à la vue des citoyens, qui pouvaient ainsi suppléer les omissions.
Après la publication des états de propriété et d'habitants, les deux lois prescrivaient d'appeler les contribuables à déclarer la contenance et la valeur de leurs propriétés pour leur cotisation à la contribution foncière ; la valeur locative de leur habitation et autres circonstances indiquées par la loi, pour leur cotisation à la contribution mobilière.
Aucune de ces formalités n'a été remplie; les états de propriétés et ceux d'habitants ont été formés d'après des recensements clandestins faits par des vérificateurs de l'ancien bureau des impositions de Paris, dirigés par l'ancien directeur de ces impositions, et ces états n'ont point été publiés. Les cotisations ont été faites de la même manière ; toutes sont réglées d'office, sans la participation des contribuables, sans déclarations préalables.
A la vérité, la municipalité a fait deux proclamations r l'une, au mois de juillet 1791, pour avertir les propriétaires que leurs déclarations seraient reçues au secrétariat municipal, ou prises à leur domicile par les vérificateurs des impositions; l'autre, au mois de décembre suivant, pour prévenir les contribuables que la matrice du rôle de la contribution mobilière, tenant lieu d'états d'habitants, était déposée dans les bureaux des impositions à l'hôtel de Soubise, et qu'on y recevrait pendant 15 jours les déclarations relatives à cette contribution.
Mais, 1° il n'a été déposé ni état de propriété, ni aucune autre pièce qui pût en tenir lieu;
2° La matrice de rôle dont on annonçait le dépôt au mois de décembre 1791, n'existait pas, puisqu'elle n'était pas même encore faite à moitié le 7 janvier dernier, jour où l'inspecteur des rôles a été en vérifier l'état.
Ainsi il y a eu omission totale en ce qui concernait l'état des propriétés, et supposition de pièce en ce qui conoernait l'état des habitants.
Aussi combien de défiances attendent les rôles dont il s'agit! Combien de réclamations les assaillissent d'avance! Et où sont les contribuables
L'Assemblée nationale, par une loi du 15 décembre, nous avait chargés du travail des impôts directs de la ville de Paris, et même des 2 districts du dehors, en cumulant à la fois sur nous, pour cette partie, les fonctions de département, de district et de municipalité. Ifous divisâmes ces fonctions pour les 2 districts dn dehors, et alors chaque municipalité put suivre particulièrement et rigoureusement les formalités prescrites par la loi. Cependant il n'en est pas une seule du département qui ait encore fait son rôle définitif, ni foncier, ni mobilier ; quant à Paris, l'expérience nous avait appris combien l'exécution littérale de la loi occasionnerait de difficultés, et surtout de retards, nous en conférâmes avec le comité de l'Assemblée constituante, et avec le ministre; ils convinrent avec nous que la capitale commandait véritablement des exceptions, et qu'il était indispensable de concilier le mode général avec des mesures propres aux localités de cette ville.
Ils reconnurent d'abord que les propriétés de .Paris étant d'une seule et même nature, le recensement n'était qu'une simple vérification des immeubles de toutes les maisons de Paris et qu'il était bien inutile de publier et d'afficher des états indicatifs de toutes ces propriétés, puisque leur publication et les délais de leur communication au greffe de la municipalité, en consumant 3 mois de temps, n'eussent rien appris aux contribuables que le nombre et la situation des maisons de Paris.
Le recensement fut donc exécuté sur les calepins qui existaient dans nos bureaux, et par les vérificateurs chargés de ce travail!,
On croirait, à entendre M. le procureur général syndic, que cette première opération a, par ses soins, été exécutée pour l'impôt de 1792 d'une manière bien plus conforme à la loi ; cependant on n'a rien fait de plus. La municipalité ayant nommé des commissaires dans les 16 comités d'arrondissement pour faire ce recensement, ce n'est qu'avec le secours des calepins que nous y avons fait transporter, et à l'aide de nos vérificateurs, distribués dans ces différents comités, que Ton est parvenu à former l'état des propriétés, c'est-à-dire à recopier ce qui existait sur ces mêmes calepins et sur nos rôles ; du reste, on n'a pas jugé plus nécessaire, cette année que l'autre, de faire publier et afficher au greffe de la municipalité l'état de plus de 30,000 immeubles. On n'a pas jugé plus nécessaire, cette année que l'autre, de faire publier et afficher l'état des contribuables à l'impôt mobilier ; et en effet on jugera aisément ce qu'il eût fallu de temps et" de dépenses pour
Sublier un état de plus de 220,000 contribua-les; état aussi inutile que l'eût été celui des propriétés, et qui n'aurait non plus rien appris
?ue le domicile des citoyens contribuables de aris; d'ailleurs, c'est que pendant le délai nécessaire pour l'impression et la publication de ces derniers états, ils fussent devenus absolument méconnaissables par le mouvement incalculable qui s'opère dans Paris d'un terme à l'autre dans les domiciles et les domiciliés.
Il a donc fallu encore, sur cet objet, s'en rapporter à nos rôles et à nos calepins, et renoncer, cette année comme l'autre, à l'observation rigoureuse de la loi relativement à cette première formalité.
Quant aux déclarations, nous avions, pour l'impôt de 1791, dans plusieurs conférences avec le comité de l'imposition de l'Assemblée consti-
qui les défendront? On n'a pas laissé à un seul citoyen le plaisir de former lui-même librement, ostensiblement sa cotisation, d'offrir vertueusement son tribut, de montrer sa loyauté civique. Une taxe faite dans les ténèbres, règle chaque cotisation. Certes, on ne saurait voir dans un tribut ainsi réglé, l'offrande, la contribution que le Corps constituant a votée. C'est l'impôt, l'impôt de l'ancien régime qui frappe les citoyens comme une calamité.
Vous venez de voir le tableau fidèle du rôle de la contribution foncière et des principes sur lesquels est rédigé celui de la contribution mobilière. J'ajouterai, pour confirmer ce que je vous en ai dit, que la commission municipale, sans attendre la censure de son rôle de contribution foncière, en a elle-même ordonné la réformation et qu'en ce moment on le refait à neuf, ce qui fera une dépense considérable.
J'ai dit que l'irrégularité des opérations préliminaires était la cause principale des omissions et des inégalités de la répartition : et qui peut douter, en effet, que si ces opérations, au lieu d'avoir été renfermées dans l'ombre d'un bureau où se réunissaient toutes les habitudes de l'ancien régime, eussent été faites en présence des citoyens et avec leurs concours, elles n'eussent été préservées, non seulement des omissions et défectuosités que je vous ai présentées, mais encore de cent autres que celles-là supposent, et surtout de celles qui proviennent de la pusillanimité quiète, de la misérable courtoisie, de la complaisance collusoire dont sont inévitablement affectées les administrations individuelles et privées.
Ici, Messieurs, je dois placer une vérité de fait, qui peut servir d'excuse, à quelques égards, à la commission municipale : c'est que la loi du 5 novembre 1790, en concentrant dans la municipalité de Paris, les opérations de l'assiette de 1791, et en excluant les sections, a semblé condamner elle-même la municipalité à la méthode bureaucratique qui a été suivie. En effet, toutes les formalités de la loi devenaient impossibles ou illusoires, un seul bureau étant ouvert pour leur accomplissement. 180,000 contribuables auraient-ils pu prendre connaissance, en un seul bureau, des états de propriété et d'habitation ? Comment croire qu'ils seraient venus y faire leurs déclarations, lorsqu'il aurait fallu prendre beaucoup de peine et perdre beaucoup de temps pour se rendre en un bureau où leur affluence même aurait rendu leur démarche inutile ?
11 fallait évidemment, pour le succès delà loi, que les opérations préliminaires de l'assiette fussent divisées et distribuées dans différents quartiers de Paris, comme elles l'ont été par votre arrêté du 31 janvier dernier. Aussi, Messieurs (permettez-moi cette digression), combien n'avez-vous pas à'vous applaudir d'avoir établi les seize comités d'arrondissement, qui sont maintenant en activité; d'avoir appelé à ces comités des commissaires de chaque section; d'avoir appris aux citoyens, par des avis répétés et reproduits sous diverses formes, disséminés par tous les moyens, des institutions qu'on leur avait laissé ignorer et qu'on voulait qu'ils ignorassent encore ; de les avoir invités à prendre possession des avantages qu'elles assurent et de leur en avoir offert tous les moyens î Et comme le zèle des commissaires de section a répondu à. vos vues! Comme, d'un autre côté, les contri--buables sentent leur honneur engagé à faire des déclarations fidèles dès qu'elles seront signées I
tuante, raisonné sur cet article ; il ne fut pas difficile de lui faire reconnaître combien le délai de quinzaine donné par la loi pour les recevoir, rendrait à Paris cette formalité illusoire. Comment, en effet, quelque mesure que l'on put prendre, espérer de faire approcher, dans un si court délai, 30,000 propriétaires et plus de 200,000 contribuables à l'impôt mobilier? Nous avions par devers nous l'expérience de la contribution patriotique, dont le rôle était resté ouvert pendant plus de S mois, dans 6 bureaux d'arrondissement, sans avoir, dans cet espace de temps et malgré des invitations réitérées, obtenu le tiers des contributions que les probabilités semblaient promettre. Il parut donc au comité et à nous plus expédient de doubler les moyens d'obtenir ces déclarations, c'est-à-dire de les rendre en même temps quérables et portables; il n'y avait là rien contre la loi, et nous donnions au contraire un double moyen pour en faciliter l'exécution : la loi était remplie en invitant les citoyens à venir faire ces déclarations devant les officiers municipaux dans un vaste bureau suppléant le greffe de la municipalité, où tous les matériaux étaient recueillis pour l'utilité de cette opération ; et assurément toutes les déclarations pouvaient s'y recevoir de la même manière que nous y avons reçu et expédié plus de 40,000 patentes, qui exigent 3 pièces différentes ' chacune (ce qui consé-quemment équivaut à 120,000 expéditions de pièces) indépendamment de plus de 30,000 taxes d'office de la contribution patriotique, et de plusieurs milliers dé réclamations sur les contributions directes. Ce premier moyen, avec de la bonne volonté de la part des contribuables, était donc suffisant.
Mais en même temps que nous rendîmes ces déclarations portables, et que la loi s'exécutait ainsi dans son entière disposition, nous rendîmes ces déclarations quérables ; 24 vérificateurs accrédités, comme ils le sont aujourd'hui par la municipalité, et dont les comités d'arrondissement ont fait, dans leurs procès^verbaux de clôture, des éloges plus mérités que la critique de M. le procureur général syndic, furent distribués, a raison d'un par deux sections, pour vérifier contradictoiremeht avec les contribuables eux-mêmes leurs loyers et les pièces justificatives ; ils étaient porteurs de déclarations, soit pour les propriétaires, soit pour les locataires, afin de recueillir en présence des parties et sur l'examen des pièces, même au besoin sur des requêtes, la véritable matière imposable; et quoiqu'en dise M. le procureur général syndic, 1 expérience lui prouvera que c'est encore à Paris, le mode le plus salutaire pour l'impôt, et le plus commode pour les contribuables.
M. le procureur syndic prétend que ce mode n'a donné que peu ae déclarations; assurément, s'il n'entend parler que de celles qui sont venues directement aux bureaux, elles n'ont pas été très nombreuses, en comparaison des contribuables, mais il faut bien qu'il compte aussi celles qui ont été prises et reçues par le transport chez les contribuables, et celles-ci en ont embrassé presque la totalité ; elles ont été an-^ notées sur les calepins d'après des vérifications locales et exactes.
L'effet de ce mode a été d'avoir, avant le premier avril 1791, la matrice du rôle foncier complète et tous les matériaux de celle de la contribution mobilière.
Voyons si le mode du directoire a mieux
Combien de gens aussi vont apprendre les lois de la contribution, se formeront à les appliquer, et deviendront capables de remplir à la suite les fonctions de l'assiette, cette partie si importante de la magistrature municipale ? Messieurs, n'eussiez-vous produit d'autre bien que celui d'initier les citoyens dans la connaissance des lois des contributions, ces lois qui touchent si intimement à la liberté, à la propriété, vous auriez rendu un service éminent à la ville de Paris ; car comment faire aimer les bonnes lois si on ne les fait connaître t Gomment préserver des mauvaises, si on élève contre elles une opinion raisonnée? comment rassurer sur l'exécution des lois justes, en Contribution surtout, si on ne met en état d'apprécier les moyens employés pour une juste répartition? Comment taire chérir le magistrat intègre et éclairé, censurer et poursuivre l'ignorant ou le prévaricateur, si on ne donne au peuple des lumières pour les discerner et les juger ? Qu'est-ce que le tribunal de l'opinion, qu'est-ce que cette suprême puissance des citoyens, si elle ne peut percer dans l'obscurité des manipulations administratives, et si toujours une impénétrable barrière sépare les administrateurs des administrés?
Outre les avantages que vous pouvez vous promettre de votre arrêté du 31 janvier pour l'avenir, vous verrez dans un instant, Messieurs, qu'il fournit le moyen dé remédier aux fautes de 1791. Mais ce qu'il importe de remarquer ici, c'est qu'encore une fois, Messieurs, sans cette division du travail préparatoire de l'assiette, la loi ne pouvait s'exécuter. II serait donc trop rigoureux d'accuser la commission municipale de l'inac-complissement des formalités prescrites, lorsque la division était impossible. On pourrait même croire que la méthode suivie a répugné à son civisme éclairé, si elle ne s'était montrée opposée aux changements que vous avez faits par votre arrêté qu 31 janvier, et si elle n'avait vu avec un regret marqué, s'écouler de ces bureaux et Tetourner vers les sections, une puissance qui en venait et que la loi autorisait le directoire à y restituer.
rempli cet objet. Il s'est réduit à une division en seize bureaux du seul bureau que nous avions ouvert en 1791, pour la réception des déclarations, et à multiplier dans une proportion comparée à ces seize bureaux, l'assistance et la représentation des officiers publics qui présidaient en 1791 dans l'unique bureau, alors indiqué; il a du reste renoncé à faire quérir les déclarations. En est-il résulté de plus prompts et de plus heureux effets ? On va en "juger.
A l'expiration du premier délai accordé par le directoire, il y avait dans les seize comités d'arrondissement à peu près 20,000 déclarations de reçues; il a prolongé ce délai jusqu'au 19 de ce mois d'avril, et à l'expiration il y avait de 30 à 36,000 déclarations; il vient de le prolonger encore jusqu'au 27, et nous supposons qu'on en obtienne encore 10,000. Il y aura donc a la clôture des comités d'arrondissement, 45 à 50,000 déclarations de recueillies. Mais, 1° toutes les propriétés dans Paris, et l'on en compte environ 30,000, ont dû en faire trois d'après les modèles, savoir : une de leurs propriétés, une pour l'impôt mobilier, et une pour les déductions auxquelles ils ont droit sur ce dernier impôt; 2° les propriétaires ont dû, pour autant de propriétés différentes, faire autant de déclarations foncières, à cause de la différence des arrondissements, et nous pouvons citer tel citoyen, qui pour les deux années, et à raison seulement de trois propriétés dans Paris, a fait jusqu'à 10 déclarations; 3° tous les citoyens qui ont des propriétés dans le royaume, et qui, à raison de leurs domiciles dans cette capitale, sont admissibles aux déductions, en raison des vingtièmes de 1790, et de la contribution foncière ae 1791, ont dû faire les déclarations desdites déductions ; et cette autre classe de propriétaires est devenue considérable depuis la vente des biens nationaux, et la réalisation de beaucoup de fortunes, par les liquidations et remboursements de l'Etat. Comme nous n'avons pas encore recueilli et dépouillé ces déclarations, il ne nous est pas possible de déterminer au juste le nombre des déclarants qu'elles comportent; mais nous mettons en fait que ces 45 à 50,000 déclarations ne produiront guère plus de 20,000 contribuables pour les deux années 1791 èt 1792. Ainsi en comparant le nombre à celui d'environ 220,000 contribuables tant à l'impôt foncier qu'à l'impôt mobilier, on voit qu'il offre au plus le dixième.
Il reste donc à taxer d'office, dans toutes les classes, environ 200,000 contribuables, indépendamment de la vérification nécessaire de toutes les déclarations qui sont reçues; car elles n'ont d'authenticité que l'espoir de M. le procureur général syndic, dans la douce compression de l'opinion publique et l'incitation des regards des concitoyens, des voisins et des frères des déclarants.
Le directoire, par son arrêté du 31 janvier, veut, art. 14, qu'après la clôture des comités d'arrondissement, les commissaires, dans la huitaine suivante, rédigent les observations nécessaires pour rectifier, compléter, ou suppléer les décla-| . , qu'à l'expira-
tion de la huitaine, tous les commissaires des seize arrondissements se partagent en deux comités; que l'un, par un arrêté particulier sur chaque cote de propriété non déclarée, la taxe d'office et redresse les erreurs sur les déclarations faites, après avoir fait avertir les proprié-
taires, locataires, régisseurs ou fondés de pouvoirs ; l'autre comité doit faire la même chose sur les cotes mobilières déclarées ou non déclarées, et ces opérations, aux termes de l'arrêté, devaient être finies au premier mai. Il est vrai que le directoire faisait partir ce délai du premier avril, et qu'ayant eu besoin de tout ce mois, pour prolonger les déclarations, il ne devra courir que du premier mai; mais toujours ne donne-t-il qu'un mois pour les terminer, à peine par les officiers municipaux, y compris le procureur de la commune, d'être garants et responsables du retard des recouvrements et de décerner contre eux contraintes solidaires, pour le payement du premier quartier de la somme assignée par le mandement.
M. le procureur général syndic nous reproche une absence des formes, mais il y a ici une absence bien complète de toutes notions sur les opérations dont il s'agit.
Gomment le directoire, qui pendant six semaines n'a pu obtenir que 40 ou 50,000 déclarations, veut-il qu'en un mois elles soient vérifiées, quoiqu'il faille bien plus de temps pour cette vérification locale que pour la réception pure et simple de déclarations apportées, pour la plupart, toutes rédigées et signées dans les comités ? comment veut-il ensuite que, dans ce même délai, et cumulativement, on suppléé à plus de 200,000 cotes qui resteront à taxer d'office? comment veut-il que, toujours dans ce même délai d'un mois, on fasse,, comme il le conseille, l'appel individuel de tous les contribuables aux patentes, qui sont admissibles à des déductions pour les ateliers, magasins et emplacements, et tout cela avec des vérifications préalables aux taxes d'office ? enfin, comment, dans ce seul et bref délai, faire faire le toisé, mesu-rage et estimation de tous les édifices nationaux ou communaux, qu'il faut taxer sur la représentation d'un produit de 5 0/0 des deux tiers du prix qu'ils coûteraient à bâtir, puis l'arpente-ment des boulevards, promenades publiques, etc. Mais, on le demande à tout homme impartial, ces vérifications nécessaires, soit sur les déclarations reçues, soit sur les taxes à imposer, n'offrent-elles pas le mode de déclarations quérablës que nous avions employées 1'ànnée dernière, concurremment avec celui des déclarations portables ? il n'y a qu'une différence, c'est qu'à l'époque où nous sommes aujourd'hui, tout était consommé l'année dernière, et que, cette année, après quatre mois écoulés, tout reste à faire.
Nous avions, l'année dernière, avec bien de la peine, terminé, par le double mode, en 4 mois, le recensement, la réception des déclarations et la taxation des articles non déclarés; et nous répondons que 3 mois ne suffiront pas pour les opérations qui restent à faire, puisqu'il ne faut compter de consommé que le recensement des propriétés et des contribuables. Encore ce dernier sera-t-il tout à fait méconnaissable dans le rôle, et en partie suiet à pertes et non-valeur par les changements de domicile. Il ne faut donc pas compter que la matrice des deux rôles de 1792 puisse être arrêtée avant le mois d'août; et nous pouvons encore assurer par l'expérience, qu'il faudra ensuite au moins 2 mois pour la confection des rôles qui doivent être faits par triple expédition; ainsi nous ne hasardons rien en présageant que les rôles de 1792 ne seront pas en recouvrement avant le mois d'octobre de cette année.
Voilà pourtant, en dernière analyse, le résultat
à attendre du nouveau mode, si complaisamment exalté par M. le procureur général syndic. Nous ne répondrons à toutes les grandes phrases dont . ii l'enveloppe pour condamner le nôtre, que par une vérité bien simple : c'est que cette emphase est également inutile, et pour les citoyens patriotes qui n'ont besoin que de leur conscience et de leur délicatesse pour acquitter le tribut décrété par la nation, et pour les citoyens conduits par l'intérêt, la cupidité, ou le besoin, qui, sourds à toutes les exhortations, ne cherchent qu'à se dérober aux recherches et à la surveillance de la loi.
M. le procureur général syndic n'a pas craint d'ajouter à toutes les erreurs qui existent dans ses reproches, une grande infidélité en avançant (pour confirmer ce qu'il a dit) que la commission municipale, sans attendre la censure de son rôle de contribution foncière, en avait elle-même ordonné la réformation, et qu'en ce moment elle le refaisait à neuf, ce qui serait une dépense considérable.
Il ne peut ignorer que ce rôle fait par les 6 anciens arrondissements de recette était déjà remis au directoire, lorsqu'il y fut question d'augmenter le nombre des receveurs, et que de concert avec le département, il fut décidé qu'il en serait crée 16, à ràison d'un par arrondissement de 3 sections. La commune de Paris procéda, en conséquence, à la nomination de ces 16 receveurs ; comme il n'y avait que le rôle d'acompte en recouvrement entre les mains des 6 anciens receveurs, et gué les rôles définitifs, foncier et mobilier, étaient sur le point d'être mis en recouvrement, nous demandâmes au département de déterminer si ces nouveaux rôles seraient remis aux 16 nouveaux receveurs, ou aux 6 anciens, en lui observant que dans le cas où il déciderait que ce fût aux 16 nouveaux, nous devions diviser une expédition du rôle foncier par les 16 nouveaux arrondissements, afin que chacun desdits receveurs fût circonscrit dans les limites de son arrondissement. Nous observâmes en même temps que l'expédition qui était au département ne serait pas pour cela perdue, puisqu'il en fallait toujours une au comité contentieux pour le jugement des modérations et décharges, et qu'il lui était égal, au moyen de la table alphabétique des rues, d'avoir ce rôle en 6 ou en 16 volumes.
Une première lettre que nous écrivîmes à ^ce sujet au directoire, le 11 janvier, avec instance de nous procurer sa décision sur-le-champ, resta sans réponse; nous les réitérâmes par une seconde lettre du 23 janvier, et ce ne fut que le 31 que le directoire prit l'arrêté suivant :
« Le directoire, considérant que la nouvelle forme de perception arrêtée par la délibération du conseil général de la commune, du 10 décembre 1791, approuvée par le directoire le 22 décembre suivant, peut être mise en usagé utilement pour la perception des rôles définitifs de 1791;
« Le procurenr général syndic entendu, arrête que le rôle définitif de la contribution foncière et mobilière de 1791 dans la ville de Paris/sera divisé suivant les 16 arrondissements de recette fixés par la municipalité. »
Quel nom, après cet éclaircissement, faut-il donner à l'abus que fait ici M. le procureur général syndic, dé son ministère en se permettant de convertir en délit de la part de la commission, une mesure de prudence ordonnée par le directoire lui-même? Il faut observer encore
Réformations de la surimposition dans les rôles de, 1791.
Les moyens de rectifier la surimposition sont très simples : renfermer la municipalité : 1° dans les termes du mandement relativement au principal; 2® relativement aux accessoires, dans les sols pour livre nécessaires pour fournir les 1 million 800,000 livres destinées à ses dépenses ; 3° dans le sol pour livre qui lui est donné pour les dettes; 4°danslessols et deniers nécessaires aux dépenses qu'on peut regarder comme relatives aux fonctions de district qui ont pu lui être provisoirement délégueés pour 1791; 5® enfin en lui assignant pour fonds de non-valeur un sol pour livre du montant de la somme destinée aux dépenses municipales et à l'acquittement des dettes, ce qui répond au sol pour livre établi pour tenir lieu des aécàarges et modérations accordées sur le principal de la contribution foncière.
La dernière de ces dispositions a seule besoin d'être motivée. Je mets en principe : 1° qu'il faut un fonds de non-valeur à la municipalité comme il en existe un pour le ^ésor public, puisque les besoins de la municipalité, comme ceux de l'Etat, doivent être couverts par un revenu certain ;, 2° que le produit des sols municipaux suivant le fort du principal du rôle, et devant nécessairement subir une réduction proportionnelle aux décharges et modérations, et le fonds de non-valeur de chaque département ou district étant présumé proportionnel aux charges et modérations du principal, le fonds municipal de non-valeur doit être perçu proportionnellement au fonds de non-valeur destiné à remplacer le déficit du principal Cette manière de suppléer aux sols additionnels des cotes réduites supprimées, est le seul exempt d'arbitraire, le seul indiqué par la loi. On ne peut sans doute laisser les municipalités arbitrer elles-mêmes ce fonds, et ce serait une méthode sujette à des résultats trop bizarres que de former ce même fonds des forts deniers nécessaires pour éviter les fractions dans les cotes des contribuables.
Réformation des omissions, inégalités,, et illégalité des rôles»
Les omissions reconnues dont je vous ai parlé» peuvent être réparées de suite par une disposition de l'arrêté que je vous proposerai de faire.
Mais celles qui sans être reconnues nominativement, sont une suite nécessaire du système qu'on a suivi, les inégalités dont je vous ai parlé et plusieurs autres d'un genre moins considérable, mais pourtant très sensibles, ne peuvent se réparer que par le moyen dont je vous ai
qu'à cette époque du 31 janvier, il ne songeait guère à tous les reproches que contient son réquisitoire, puisque ce fut, comme on Va vu, sur ses conclusions que le directoire ordonna alors à la commission une nouvelle expédition du rôle foncier, sans lui prescrire aucun changement. Ce serait donc bien au directoire, si cette dépense pouvait devenir inutile, qu'il faudrait reprocher, et celle-ci, et toutes celles résultant des opérations de la municipalité, puisqu'il les a constamment approuvées.
Cet article des réformations indiquées pour les rôles de 1791, ne vaut certainement pas la peine d'en refaire un seul cahier, et, comme nous l'avons dit, il ne faut que quelques lignes dans l'arrêté pour redresser les sols additionnels. Le directoire, qui ne voulait d'abord que 4 sols pour l'année entière des dépenses municipales, et à qui l'on n'a cessé de démontrer qu'ils seraient insuffisants, en propose aujourd'hui indépendamment de quelques deniers, sans doute, pour les frais des fonctions de district que la municipalité exerce en vertu de la loi, ou par délégation du département. Cette véritable hauteur des sols et deniers à joindre au principal n'appartient point à nos fonctions, mais nous pourrions bien représenter au directoire : 1° que par ce supplément si tardif d'un cinquième sol, il occasionne lui-même une erreur dans les sols additionnels de la municipalité, portés au rôle fait de la contribution foncière, et que quand son silence n'eût pas occasionné le doublement qu'il nous a reproché, il eût toujours fallu un redressement pour ce cinquième sol qu'il n'a consenti que par l'arrêté du 15 mars, auquel nous répondons. Fallait-il aussi deviner, il y a 6 mois, ce que le directoire prononcerait 6 mois après?
2° Nous pourrions encore lui observer qu'il aurait bien dû hâter le moment de mettre ces accessoires en recouvrement, et ne pas occasionner au Trésor public une diminution sur le principe des rôles d'acompte, par le prélèvement du sixième, qu'il laisse toucher au département ; ou du moins il devrait bien ne toucher que jusqu'à concurrence de la portion qui lui . revient dans ce prélèvement, comparativement aux 9 deniers qui lui appartiennent par le mandement de 1791, en laissant profiter la municipalité d'un
fprélèvement dans ce sixième proportionné à 'intérêt qu'elle a dans les sols additionnels, et surtout en s'abstenant de défendre aux receveurs d'acquitter les dépenses nécessaires aux opérations qu'il a prescrites lui-même sur l'impôt, et dont la fin doit couvrir les différentes avances du Trésor national et fournir au courant des dépenses de toutes les parties prenantes.
Nous ne voyons pas aussi clairement que M. le procureur général syndic, la facilité des réformes qu'il propose dans le rôle de 1791 ; ce qui nous paraît un peu plus évident, c'est qu'il n'y aura pas de rôle de 1791, avant celui de 1792, qui très probablement, comme nous l'avons prouvé, ne sera pas en émission avant la fin de l'année.
En eff«t, en appelant tous les citoyens à
déjà parlé, c'est-à-dire en faisant concourir les opérations préparatoires des rôles de 1792, à là rectification des rôles définitifs de 1791.
Les opérations des 16 comités d'arrondissement sont en pleine activité ; on y achève les états d'habitants et de propriétés. A compter du 18 du présent mois, et jusqu'au 3 du mois d'avril,
conçu iîaee a y les éléments nécessaires pour la rectification des rôles de 1791, en même temps et par les mêmes moyens qu'on emploierait pour rassembler les éléments de l'assiette de 1792. En conséquence, il vous propose de faire imprimer sur la moitié de la feuille qui servira de modèle aux déclarations de 1792, un modèle de déclarations relatives à 1791, d'engager les citoyens à les remplir, et d'arrêter que les déclarations ainsi reçues par les 16 comités d'arrondissement pour 1791 seront séparées de celles de 1792, et seront employées au complètement ou à la rectification des rôles de 1791, en même temps que les autres remises aux coopérateurs des rôles dé 1792, serviront à la matrice des rôles de cette année.
Observez, Messieurs, que les recouvrements ne souffriront pas de cette marche. Au 7 février, le rôle de la contribution mobilière n'était pas encore à moitié : la commission municipale recommence l'autre ; au 3 avril, tous les éléments de rectification seront recueillis ; il n'y a donc aucun retard à craindre en prenant un moyen de rendre réguliers et équitables des rôles qui viendraient toujours trop tôt s'ils devaient produire un soulèvement général. J'ajoute que le rôle provisoire de la contribution foncière étant tiré au sixième, il y aurait peu d'inconvénient à un retard de 15 jours peut-être, s'il était, nécessaire pour bien faire.
A cette vue, il est convenable d'en ajouter une dont l'exécution est facilitée par l'accomplissement des autres, et qui concerne l'accélération du recouvrement de 1 arriéré; et cette vue, Messieurs, je la dois encore à l'avis des commissaires du contentieux. Ils observent avec raison que suivant la loi du 3 février 1790, les impositions de Cette année et autres antérieures doivent être acquittées dans les 6 premiers mois de 1791, que les directoires de départements et de districts sont chargés, par la loi du 1er juin suivant, de veiller à cet acquittement.
Ils trouvent un moyen de remplir le vœu de ces lois, en consultant l'esprit des différents décrets relatifs au recouvrement ; ils rappellent Un décret du 24 juin 1791, qui statue qu'aucun créancier de l'État ne pourra toucher le montant de sa créance avant d'avoir justifié du payement de ses impositions pour 1790 et les années antérieures; un autre décret qui défend la remise dès deniers consignés entre les mains de dépositaires publics, si la partie prenante ne prouve l'acquittement ae sa contribution; les lois relatives aux contributions foncière et mobilière, qui n'admettent les contribuables à réclamer contre leur cotisation qu'après le payement des termes échus. Ils pensent, d'après ces rapprochements, que l'esprit des lois nouvelles est de prévenir, autant qu'il est possible, la nécessité des poursuites contre les redevables, en les pressant par leur propre intérêt au payement de leurs contributions, en faisant dépendre de ce payement la jouissance des faveurs que les lois accordent, et même des droits qu'elles assurent; et qu'ainsi c'est se conformer aux sages inten-refaire des déclarations sur les deux, impôts pour
1791, c'est absolument annuler les rôles qui sont faits, et s'il faut observer pour ces derniers les mêmes formalités que nous avons démontré être encore nécessaires à remplir pour ceux de
1792, il faut bien s'attendre aux mêmes délais, il faut même prévoir qu'ils seront prolongés par le besoin de doubles rôles sur chacune de ces 2 années, et cette vérité est sensible; le rôle foncier qui est fait avec tous les sols additionnels, et celui mobilier qui vient d'être achevé aussi complètement, ne pourront plus servir du moment qu'on changera seulement le principal d'une seule cote, et bien moins encore, s'il y en a des milliers de changées, comme l'espère M. le procureur général syndic.
On conçoit, en effet, que chaque cote réformée augmente ou baisse en proportion la masse répartible, et influe, quoique par une portion infiniment petite, sur toutes les cotes du rôle; cette différence se communique ensuite à toutes les différentes botes d'accessoires.
Il faudrait donc abandonner les rôles pour 1791, et imposer à la fois et mettre en recouvrement 2 années.
En vain le directoire veut, à nos dépens, consoler le Trésor national de la perte qu'il lui prépare. Nous répétons encore ici que le rôle foncier définitif peut être mis en recouvrement dès ce moment, la nouvelle expédition, par les 16 arrondissements, étant faite: et que celle du rôle mobilier actuellement achevée, peut être également donnée aux nouveaux receveurs, malgré la vision du subalterne du département qui n'en avait trouvé la matrice qu'à moitié faite au 7 février.
Tel serait même l'inconvénient de la réfection de ces rôles, et des déclarations demandées par le dépàrtement pour cette année 1791, qu'il peut rendre infructueux le rôle d'acompte foncier qui est actuellement en recouvrement, et qu'un pressentiment, dont nous devons plus que jamais nous applaudir, nous a fait porter au maximum en principal, c'est-à-dire au sixième de la matière imposable.
En effet, la perception dé ce rôle d'acompte ne peut manquer d'être arrêtée par l'ouverture que le directoire a donnée à la réfection du rôle définitif. 1° Ceux qui*'n'ont pas payé et qui ont fait des déclarations sur 1791 pourront objecter qu'il doit résulter de ces déclarations un rôle qui n'est point en émission ni rendu exécutoire;
2° Si on leur oppose le .rôle d'acompte, ils diront que, quoiqu'il puisse être considéré comme définitif par la hauteur décrétée des cotes au sixième en principaL cependant les nouvelles déclarations demanaees pour cette même année doivent faire présumer des erreurs dans ce taux ou dans la répartition ; qu'il n'est donc pas juste de commencer par exiger le maximum, et que tout au plus ce rôle doit être exécutoire pour la moitié des vingtièmes de 1790;
3° Ceux qui ont payé d'après ce rôle d'acompte et d'après la proportion qu'il comporte du sixième en principal seront, aux termes de la loi, admissibles à des réclamations, si le nouveau rôle projeté^xcédait cette proportion, ainsi il est inutile à leur égard; et réciproquement ceux qui n'ont pas payé réclameraient contre la surtaxe du nouveau rôle, en opposant le moindre taux dont v auraient joui ceux qui ont payé au sixième par le rôle d'acompte, ainsi le nouveau rôle ne serait pas plus utile à l'égard de ces derniers ;
tions du regime actuel des contributions, que d'employer tous les moyens qui peuvent preser- ver ies 'redevables des rigueurs des saisies; et, dans cette vue, ils proposent de n'admettre les citoyens aux deductions ou decroissements de cotes assures par la loi de la contribution mo- biliere aux contribuables dans certains cas de- termines, qu'autant qu'ils produiraient la quit- tance de leurs contributions arrierees. J'adhere, Messieurs, a cette proposition] elle fera l'objet de 2 articles particuliers.
4° La seule incertitude pour les contribuables sur la veritable hauteur de l'imp6t, resultant des nouvelles declarations, faisant craindre aux uns de trop payer par le rule d'acompte, et aux autres d'eprouver une surtaxereclamable par le nouveau role, les retiendra tous sur le payement, a moins qu'ils n'en aient iinperieusement besoin pour quelques portions de leurs revenus, et le Tresor national soulfrira d'autant de cet embar- ras dans les rentrees;
5° Le prejudice peut 6tre encore plus conse- quent sur l'iaipot mobilier; il n'y a en recouvre- ment que la moitie de la cote d'habitation imj- posee en 1790, et tous les proprietaires admis- sibles a des deductions foncieres etant autorises a revenir sur leur silence et leur negligence, ne voudront pas, pour peu qu'ils puissent eteindre toute la taxe de faculte, payer provisoirement l'acompte, puisqu'ils seraient dans le cas d'en reclamer la restitution;
6° Le nonibre des citoyeas admissibles a ces deductions sera, par le retour que facilite le directoire, bien plus considerable, puisque tous ceux domicilies daus Paris qui onl acquis des proprietes, mfime a la fin de l'annee dernicre, pouvant, par le seul extrait certilie de la cote a laquelle ces proprietes sont imposees, obtenir les deductions autorisees par la loi, feront de- croitre d'autant la matiere iniposablc de cette contribution mobiliere, et rechargeront d'autant ceux qui, moins negligeuts, s'etaient presentes dans les delais de la loi; c'etait pourtant une occasion d'accoutumer les citoyens a son execu- tion rigoureuse, que d'etre severe a l'egard de quelques-uns, pour etre juste envers tous;
7° Enfin, quelle confusion ne doit-on pas cralndre dans la comptabillt(5 des receveurs quand il faudra a la fois, et pour l'annee 1791, recevoir d'une partie des contribuables un sup- plement de principal et les accessoires, d'une autre partie, le principal tout entier a une hau- teur diflcrente dc celle payee par d'autres; enfin, quand il faudra avoir avec tous une espece de compte ouvert pour les acomptes, les supple- ments, les reductions, les portions echucs, et mille autres details dont ces nouveaux roles seront bien plus sUrement assaillis que ceux qui peuvent Stre mis en recouvrcment, puisqu'au moins ils ont de i'uniformite dans les taxes?
11 est done certain que 1 operation uont M. le procureur general syndic se gloritie avec le co- mite contentieux, d'eviendra prejudiciable au Tresor national; qu'elle ecraseia les coiitribua- blcs en mettant a la fois 2 annees de l'impdt en recouvrement; qu'elle occasionnera un grand dechet sur l'impot mobilier par les deductions si tardivement facilities aux proprietaries, et qu'en definitif il y aura dans les operations et daria la comptabilile une confusion et an desordre inextricables.
Un seul motii semble presenter quelque appa- re uce de justice dans cette refection du role loncier de 1791; e'est l'espoir dont se flatte M. le procureur general syndic, de trouver dans la matiere imposable une augmentation qui alle- ge rait d'autant la part contributive de chaque proprietaire dans la somme repartible sur tous. M. le procureur general syndic confie beaucoup dans ce qu'il appelle nos omissions, et ce que nous appellerons ses erreurs; e'est cette derniere partie de son requisitoire qui nous reste a com- battre, et il ne sera pas difficile de prouver que ce n'est qu'un veritable sophisme dont il est force lui-meme de reconnailre toute l'illusion.
Des évaluations et cotisations de certaines propriétés non productives
Mais, Messieurs, il ne suffit pas d'avoir réparé les omissions reconnues, d'avoir assuré le rétablissement et la cotisation de beaucoup de propriétés notées seulement pour mémoire. Une partie des propriétés omises ou non cotisées, consiste en édifices qui par eux-mêmes ne produisent aucun revenu. À quel taux seront-ils évalués? Par qui seront acquittées leurs contributions? Voilà deux questions qu'il faut éclaircir et dont la solution intéresse non seulement la ville de Paris, mais même toute l'étendue du département.
J'examine d'abord la première question.
A quel taux seront évalués les édifices et lieux publics servant à Un usage public?
Pour résoudre cette question avec quelque sûreté, il faut rassembler les notions que fournit la loi sur là cotisation des maisons; car les édifices publics sont aussi des maisons.
L'article 1er de la loi du 1er décembre porte que la
contribution foncière sera répartie par égalité proportionnelle sur toutes les propriétés
foncières, à raison de leur revenu net.
L'instruction porte que la dénomination de propriétés foncières comprend aussi les maisons ; le revenu net des maisons est donc soumis à la contribution foncière.
Mais qu'est-ce que le revenu des maisons? Et ensuite qu'est-ce que leur revenu net?
Les maisons par elles-mêmes ne produisant rien, on ne peut entendre par revenu des maisons que le loyèr qu'en retirent les propriétaires, quand ils les donnent à bail, ou bien la somme qu'ils sont dispensés de paver pour ce loyer, quand ils les habitent eux-mêmes.
Quand Une maison est louée, le revenu qu'elle produit est facile à connaître. Quand elle est nabitée par le propriétaire, elle doit être estimée d'après sa valeur locativë, c'est-à-dire par comparaison avec d'aùtres maisons d'égale valeur en beauté, en commodité, en solidité, qui sont louées dans le même territoire.
Mais il est hors des villes des maisons sans . valeur locative et qui sont habitées par leurs propriétaires. Comment les taxera-t-on? L'article 11 au titre XI dë la loi du 1er décembre .1790, porte que ee sera à raison du terrain qu'elles occupent, si elles n'ont qu'un rez-de-cnaussée, et du double pour uh étage, ainsi de suite.
Mais il est encore des maisons sans valeur locative et inhabitées. Comment les taxera-t-on? L'article 12 le déeide. Elles seront taxées, quel que soit le nombre de leurs étages, sur le pied des meilleures terres labourables delà communauté, et à raison de l'espace qu'elles occupent. ; Jusqu'ici tout est fort clair, et la loi répond aux questions qui se présentent. Mais voici les difficultés à résoudre.
Les édifices, les bâtiments publics, les maisons mêmes construites pour des usages publics et qui ne peuvent convenir à des besoins domestiques et individuels, n'ayant aucune ressemblance avec les maisons proprement dites, on ne peut les estimer par comparaison avec les mâisons, et n'étant pas ordinairement louées elles-mêmes, d'ailleurs n'existant souvent qu'en petit nombre dans un même canton, ils ne peuvent être estimés par comparaison de l'un à l'autre. Comment les évaluera-t-on?
Une réponse générale se présente d'abord»
M. le procureur général syndic tourne longtemps dans un cercle vicieux et s'environne d'erreurs, sans doute pour le seul plaisir de lës combattre, car il finit par convenir que ses raisonnements ne sont que de pures illusions ; cependant, comme il laisse encore subsister des doutes sur les vrais principes, il faut tâcher de l'y ramener, ou au moins nos lecteurs.
Qu'est-ce que c'est que la nation? C'est bien sûrement la réunion de toutes les Communes qui la composent et de tous les citoyens qu'elles renferment.
Qu'est-ce qui vote l'impôt? Ce sont toutes les communes et tous les citoyens par la voix de leurs représentants.
Qu'est-ce qui paye l'impôt? Ce sont encore toutes les communes par les propriétés et les citoyens contribuables qu'elles renferment.
La nation, sous cë terme figuré, n'est donc qu'un corps moral et politique qui représente tous les individus de la société générale, qui est tout par eux, et qui n'est rien sans eux; la nation^ comme corps moral, n'a ni revenus, ni charges, et comme représentant la société générale, elle n'a que les revenus et les charges de tous les individus qui la composent : ainsi les revenus nécessaires à l'existence de ce corps moral ne sont autre chose qu'une portion des revenus de chaque membre de la nation, dont il se dessaisit librement pour le service commun; et de même les charges de la nation ne sont que celles que tous ses membres se sont imposées par leurs représentants pour lë soutien de la société générale.
Comment, on le demande, vouloir séparer la nation d'avec elle-même pour lui supposer un revenu ét des charges distincts des revenus et des charges communes à tous les individus qui la composent? Comment lui faire un patrimoine séparé du patrimoine général de toute la société ? Mais il faut montrer à M. le procureur général syndic les résultats de cette fiction.
On suppose pour un moment que dans le seul département de Paris il y ait en propriétés nationales pour 6 millions de matière imposable, èt assurément ce n'est pas exagérer d'après la règle qu'il propose pour les estimations ; alors cette matière taxée seulement au cinquième devra 1,200,000 livres d'impôt, foncier. 11 semblerait d'abord que ce secours doit opérer un décroissement proportionnel sur la portion contributive de chacun dans la somme répartible ; mais il y aurait un déeroissement égal dans la somme assignée par la nation au département de Paris, et conséquemment un semblable déficit dans les ressources de la nation; il faut ensuite multiplier ce déficit par la portion du même impôt foncier que la nation aurait à supporter en raison de ses propriétés, dites nationales, dans les 82 autres départements : et s'il était possible d'admettre le mode d'évaluation proposé par M. le procureur général syndic, on ne croit pas s'abuser en calculant à 600 millions de capital, déduction faite du tiers qu'il propose, tous les monuments et édifices publics nationaux non productifs. Ainsi l'intérêt à 5 0/0 est de 30 millions qui, imposables au cinquième, occasionneraient une contribution de la nation à l'impôt foncier, ou plutôt un déchet sur le produit de cet impôt de 6 millions ; cependant la
C'est que, faute de valeur locative, il faut chercher la valeur vénale, c'est-à-dire que, ne pouvant savoir par comparaison ce que se louerait tel édifice particulier, on ne peut prendre pour matière imposable que la rente du capital qu'on retirerait de la vente ; et au fond c'est suivre le principe de la loi, car les acheteurs réglant toujours le prix de leur achat sur le revenu qu'ils attendent de la chose achetée, évaluer la matière imposable sur le prix d'achat, sur la valeur vénale, c'est évaluer sur le revenu même.
Mais ici s'offre encore une difficulté. Gomment trouver la valeur vénale d'un bâtiment dont on ne connaît pas la valeur locative? Se réglera-t-on sur le prix de tant de couvents, de tant d'églises jjjui ont été vendus, pour estimer ceux qui sont a vendre? Je ne le crois pas. Les couventSj les églises vendues sont des maisons devenues inutiles, des églises superflues, et qu'il faut dis- . poser pour des usages nouveaux. Les acquéreurs n'ont dû en payer que l'emplacement, les matériaux et les murs extérieurs et couvertures. Mais les églises ou temples où se célèbre actuellement un culte quelconque, les édifices, les maisons occupées par quelque partie que ce soit de l'administration publique, lés prisons, doivent par cela seul qu'ils sont occupés, être évalués sur le pied du capital qu'il faudrait dépenser pour établir cet édifice tel qu'il est actuellement.
Ce serait une mauvaise objection de dire que si l'Etat vendait ces maisons ou édifices, il n en retirerait que la valeur des matériaux de l'emplacement, et peut-être de la main-d'œuvre des murs extérieurs.
La raison de ce bas prix serait d'abord l'inutilité des dispositions intérieures de semblables bâtiments pOur des usages particuliers, et ensuite la certitude que l'Etat, en les vendant, n'en a pas besoin pour le service public. Mais si l'Etat n'avait ni prisons, ni maisons communes, ni établissement de justice, ni propriété commune, il y aurait des particuliers qui en bâtiraient pour les louer à l'Etat, comme il y a des particuliers qui font des salles de spectacle pour les louer ; comme il y a des particuliers qui logent
fonds: Ainsi les bâtiments qui "appartiennent à l'Etat et sont nécessairement employés à un service publieront réellement une valeur vénale, égale à celle d'une maison propre aux usages particuliers, dont les frais de construction, l'emplacement et la solidité sont égaux.
Tels sont les principes sur lesquels doivent être taxés les maisons et édifices nécessaires et employés effectivement au Service public. Us se réduisent à ce. peu de mots : Tout édifice, ou bâtiment nécessaire et habité, a une valeur en utilité, telle qu'il représente toute la valeur du capital qu'il faudrait dépenser pour l'établir tel qu'il est, s'il n'existait pas. Cela posé, il n'existe plus qu'un point à fixer : c'est ae savoir à quel taux on doit estimer l'intérêt d'un capital placé en bâtiments; or, rien de plus simple; il d'y a qu'à consulter là notoriété sur le taux de l'intérêt de l'argent placé en maisons dans le pays. Ainsi, si l'on a à estimer le revenu d'une prison, on dira, pour l'établir telle qu'elle est, il en coûterait tant ; le même capital placé en maison particulière, produirait tant ; donc le revenu de la prison, si elle était louée à l'Etat, ou si la prison appartient à l'Etat, l'exemption de dépense
totalité de l'impôt a été balancée avec les dépenses; il faudrait donc retrouver ce déficit par un autre impôt, ou par un reversement supplémentaire de cette portion du même impôt; et cet impôt ou ce supplément, par qui doit-il être consenti, par qui doit-il être payé? N'est-ce pas encore par la nation elle-même, c'est-à-dire par toutes les communes et par les contribuables qui les composent?
N'est-ce pas une dérision que de dire aux contribuables : « La nation va supporter en raison de propriétés, dites^ nationales, une portion de l'impôt, mais ce n'est que fictivement; cet allégement ne sera pour vous que simulé, et en définitif, comme vous êtes la nation, comme vous êtes à ce titre propriétaires et usufruitiers de ces propriétés nationales, ce sera toujours à vous à payer la portion dont elle reste chargée en votre nom, ou dont vous êtes véritablement chargés sous le sien.
Ce qu'on dit ici pour les propriétés, dites nationales, doit s'appliquer à toutes les propriétés, soit de départements, sôit de districts, soit de communes ; il faut toujours revenir au premier élément de l'impôt, c'est qu'un immeuble, quel qu'en soit le propriétaire, ou réel ou fictif, n'est frappé de l'impôt que du moment qu'il est productif; et tout ce qui est passif dans les mains du propriétaire en est exempt; une autre vérité dans l'espèce présente, c'est que toutes les propriétés de départements, de districts et de communes, qui sont destinées à leurs administrations, à dès usages publics, et même à l'agrément et commodité des communes, ne sont frappées de l'impôt foncier que de la seule manière dont ils peuvent l'être, c'eSt-à-dire par la répartition de toute la somme imposée sur les propriétés productives de leur territoire. C'est ainsi que cnacun participe à la contribution muette de ces immeubles parasites nationaux, ou communaux, qui ne sont point sujets à des taxes palpables, comme n'ayant d'autre produit que lëur utilité commune à toute la nation, ou leur agrément pour tous les individus qui la composent.
En un mot, en dégrevant par une pure fiction la portion contributive des citoyens dans la masse totale de l'impôt, il faudrait toujours revenir à obtenir la véritable somme imposée et calculée pour les besoins de l'Etat, en rechargeant toutes les cotes de la contribution figurée dans le rôle pour les objets communs ; et en vérité l'impôt a déjà bien assez .de difficultés dans son assiette et sa répartition, sans accumuler les obstacles par cette représentation fantastique, qui peut tromper un moment des yeux peu exercés, mais qui n'offre aux citoyens instruits qu'un pitoyable charlatanisme.
M. le procureur général syndic se perd dans de grands calculs, pour chercher la matière imposable des édifices nationaux et communaux, èt il ne pouvait en sortir par des résultats plus exagérés ; il faut le fixer, suivant lui, dans l'estimation, à une représentation de l'intérêt à 5. 0/0 des 2 tiers de la dépense occasionnée par leur construction, ou bien de celle dont une même construction serait susceptible.
11 a bien fait de donner l'alternative, car il eût été difficile de retrouver des traces de ce qu'ont coûté, par exemple, l'église de Notre-Dame, celle de Saint-Eustache, et 20 autres monuments gothiques de cette capitale.
Mais nous lui demanderons comment il peut
résultant pour l'Etat de la propriété de la prison, est de tant.
Jusqu'ici je n'ai parlé que du revenu brut et annuel ; or, la loi n'impose que le revenu net. Qu'est-ce que le revenu net d'une maison? La loi du 1er décembre 1790, concernant la contribution foncière, répond à cette question, dans l'article 10 du titre II. Le revenu net et imposable d'une maison est les trois quarts du revenu total, l'autre quart représentant les réparations et le dépérissement progressif.
L'article 14 du même titre ne considère que 2 tiers du revenu des usines comme matière imposable, attendu que les bâtiments des fabriques sont plus sujets à dégradation et à dépérissement que les maisons particulières.
Dans laquelle des 2 espèces de maisons place-ra-t-on les édifices et maisons employés à un service public ? Je pense que ce serait se conformer à l'esprit de la loi que de ne les imposer qu'à raison de 2 tiers du revenu. En effet, ces maisons sont des sortes d'ateliers où l'affluence des particuliers est continuelle, où les préposés au service, qui tous disposent plus ou moins de la chose commune, sont très multipliés, et où, de plus, l'œil du maître, l'œil de la propriété manque toujours. Les prisons surtout sont exposées à de continuelles dégradations, par une suite des projets d'évasion qui s'y succèdent sans cesse. Il paraît donc très juste d'assimiler les édifices employés au service public, aux ateliers des manufactures et usines ; il y a parité de raisons entre les uns et les autres pour les traiter de même.
Il reste à examiner comment et par qui la cotisation de ces propriétés doit être acquittée.
Pour résoudre cette question, il faut d'abord les diviser en différentes classes.
La première comprend les propriétés nationales, c'est-à-dire celles dont la jouissance est censée commune à toute la nation, et dont l'entretien est à ses frais. Telles sont les églises, cimetières de paroisses, les églises et habitations de couvent, l'hôtel des Invalides, l'école militaire, l'Arsenal, les casernes des troupes de ligne, l'Observatoire, le Panthéon,, l'hôtel des Monnaies, l'école de chirurgie, la Bibliothèque, le cabinet d'histoire naturelle, les académies, les Gobelins, la Savonnerie, les hôpitaux, l'Université, les écoles de droit, les collèges, l'évêché, le collège royal, le tribunal de cassation, les prisons, les Tuileries, ;le Louvre, les hôtels des ministres, le Trésor national, la caisse de l'extraordinaire, l'hôtel de la régie des enregistrements, l'hôtel des payeurs de rentes, l'hôtel des fermes, le grenier à sel, l'hôtel de la ferme du tabac, le Cnamp-de-Mars, l'esplanàde des Invalides, les boulevards, le Jardin des Plantés, le jardin de l'Arsenal, l'emplacement de la Bastille, etc.
La deuxième comprend les propriétés dont la jouissance est donnée aux départements, telles que les casernes de la gendarmerie, les tribunaux de district, les prisons, les maisons de justice et d'arrêt, etc.
La troisième comprend les propriétés dont la jouissance est à la municipalité, telle que les moulins à eau mouvants et fixes, les maisons de détention près des juges de paix, les maisons de correction, police municipale et correctionnelle, l'Hôtel-de-Ville, les comités de section, les corps de garde, les anciennes halles, la nouvelle halle aux blés, la halle aux veaux, le marché aux chevaux, la halle aux draps, la halle aux
comparer à des usines dont tous les bâtiments sont simples, strictement indispensables pour leur exploitation, la plupart de construction très légère, presque tous en bois, peu solides et encore moins commodes, avec dès monuments destinés à passer à la postérité, où tout est sacrifié à un luxe d'architecture, et à une décoration ruineuse. Le Panthéon, par exemple, passe pour avoir déjà coûté plus de 20 millions; en déduisant le tiers, il resterait plus de 12 millions, dont l'intérêt à 5 0/0 offrirait 600,000 livres de matière imposable, et attirerait au cinquième une contribution de 120,000 livres parla nation.
Le Palais, s'il faut juger de la dépense qu'il a occasionnée pàr la durée des deniers pour livre que l'on avait imposés dans tout le ressort du ci-devant parlement de Paris, a dû coûter plus de 12 millions ; én déduisant le tiers, il resterait 8 millions représentatifs de 400,000 livres de produit imposables au cinquième à 80,000 livres.
Les nouvelles barrières de Paris ont coûté peut-être 30 millions ; en déduisant le tiers, toujours suivant le mode de M. le procureur général syndic, il resterait 20 millions, devant produire, à 5 0/0, un million de matière imposable; et ce million, taxé au cinquième, devrait une contribution de 200,000 livres. Cependant l'on met eh fait qu'elles ne seraient pas louées toutes ensemble 50,000 livres.
Si nous voulions chercher sur cette proportion exagérée la contribution à obtenir pour le cabinet et jardin du roi, l'Observatoire, l'hôtel des Invalides, l'hôtel des Monnaies, l'Arsenal, la Bibliothèque, les Gobelins, le petit Ghâtelet, la halle aux blés, l'hôpital général, et cent autres édifices nationaux ou communaux, nous arriverions à prouver qu'entre la nation et la commune de Paris on trouverait peut-être à atteindre par cette combinaison de M. le procureur général syndic, le tiers de la somme répartible sur l'impôt foncier. Il est vrai que comme la nation aurait à supporter pour sa part peut-être 3 millions, et la commune beaucoup plus que le montant de ses sols additionnels, il faudrait en définitive rendre à la nation son déficit, et à la commune les fonds de ses dépenses, le tout par une réversion bien réelle de cet allégement idéal.
Voilà pourtant en dernière analyse le résultat de tout ce système de M. le procureur général syndic ;_ aussi est-il forcé d'en avouer lui-même la futilité et de convenir que si le Trésor national, les départements, les districts et les municipalités, sont ainsi fictivement taxés pour les immeubles qui leur sont propres, il faudra que toutes ces parties payantes se retrouvent par dès rejets et des réimpositions qui tomberont toujours sur la nation, c'est-à-dire sur les véritables contribuables.
Aussi tout le fruit qu'il en espère, comme il le dit, page 34, c'est d avoir l'état dé ces différentes propriétés, de reconnaître celles qui par vente ou par location, pourront être à l'avenir frappées de l'impôt ; c'est enfin pour que les citoyens puissent connaître ceux de ces immeubles, qui aggravent inutilement leurs contributions, et surtout pour que les sols additionnels aient un principal déterminé qui devienne la base de leur produit; cette dernière considération est si subtile qu'elle passe, nous l'avouons, nptre intelligence, il nous semble que cette addition d'immeubles, neutre pour l'impôt, peut bien augmenter la matière imposable ; mais que
cuirs, les Champs-Elysées, l'intérieur de la place Royale, l'Ile Louvier, l'île des Cygnes, etc.
Cette distinction établie, cherchons la règle de décision.
C'est un principe que la contribution foncière étant une charge du propriétaire, et l'usufruit étant une propriété temporaire, la contribution doit être à la charge de l'usufruitier.
C'est une vérité de fait que la contribution de toute espèce de fonds qui, comme les maisons, ne produit point de fruits annuels et est habitée par son propriétaire, ne peut être payée que sur les revenus annuels tires d'une autre source.
D'après le principe, on peut établir une règle commune à toutes les propriétés publiques et ne rapportant aucun produit, que la contribution de toute propriété publique, possédée en usufruit par quelque corps particulier, sera payée par l'usufruitier. Ainsi, par exemple, la contribution foncière d'une partie des Tuileries, doit être payée par le roi, puisqu'il en est usufruitier.
Par une conséquence de la seconde observation, quand la nation, un département, un district, une municipalité, une fabrique, un collège, jouit d'une propriété qui, par elle-même, ne rapporte pas de fruits sur lesquels la contribution puisse être acquitée, la nation, le département, le district, la municipalité, la fabrique, le couvent, le collège, propriétaire possesseur, ou simplement usufruitier, doit payer la contribution sur les revenus effectifs qu'il peut retirer d'ailleurs. Ainsi, par exemple, la nation possédant' outre ses édifices servant à l'établissement public et ne produisant rien, des domaines productifs, la régie nationale qui les administre doit acquitter la contribution des édifices sur les revenus des domaines territoriaux.
Mais ces règles ne s'étendent pas à un grand nombre de cas. En effet, peu de propriétés publiques sont possédées par des usufruitiers, et toutes ne sont pas réunies dans les mains des administrations qui en jouissent avec des revenus sur lesquels la contribution puisse être acquittée. Par exemple, les départements ni les districts n'ayant aucun revenu foncier à leur disposition, ils ne peuvent acquitter, sur ces revenus qu'ils n'ont pas, la contribution foncière des édifices nationaux dont ils ont la jouissance ; il peut arriver, il doit même arriver, que la nation même n'ait plus de revenus ; les municipalités doivent aussi être avant peu dans le même cas ; comment dans ces circonstances ou même en cas d'insuffisance des revenus fonciers pour payer la contribution, cette contribution sera-t-elle payée?
Elle ne peut l'être que par une contribution répartie sur tous ceux qui participent à la jouissance de la chose imposée ; ainsi dans la supposition dont il s'agit, la contribution des édifices nationaux serait comprise dans les dépenses de la nation et imposée sur la nation; celle des édifices départementaux, comprise dans les dépenses des départements, et imposée en sols additionnels sur les départements.
Le même principe sera suivi pour les édifices servant aux besoins d'un district, pour ceux d'une municipalité: c'est ce principe que je vous propose de fixer par un des articles du projet d'arrêté qui va passer sous vos yeux.
Ici l'on pourrait se proposer une question, on pourrait se demander si ce n'est pas faire une chose illusoire, inutile, même onéreuse, que de cotiser à la contribution foncière les édifices
sans cette addition il y a toujours lieu à un résultat certain ; car, soit qu'on obtienne en comprenant ces immeubles, oO millions de matière imposable, mais que sans eux on n'atteigne que 50 millions, il résulte toujours, de l'une ou de l'autre hauteur, une somme fixe qui devient le régulateur de la somme répartible; et comme c'est seulement ce capital répartible qui devient la mesure du produit des sols additionnels, la matière imposable, à quelque degré qu'elle ,s'é-ïève, n'influe absolument en rien sur les accessoires : il y a plus de cotes soumises à la répartition ; la contribution de chaque cote décroît de cet accroissement de matière ; mais la somme répartible ne pouvant varier* et les sols additionnels étant indivisibles de son montant, ils ne peuvent éprouver aucune variation.
Un calcul que M.; le procureur général syndic a perdu de vue dans ceux auxquels il s'est livré, et qui pourtant valait bien la peine d'être relevé, c'est celui du temps qu'il faut employer à vérifier, toiser, évaluer tous ces édifices nationaux et communaux, et tous les terrains des boule* vards, promenades et jardins publics qu'il veut faire comprendre dans le rôle; si pour chaque édifice il faut faire la recherche de ce qu'il à coûté, ou le devis de ce qu'il coûterait, assurément nous ne croyons pas qu'on «termine ce travail en un an de temps ; et s'il faut attendre sa confection pour la clôture de la matrice des rôles, il ne faut pas espérer d'en avoir cette année-en recouvrement : ce sera peut-être encore notre faute; il n'a pas calculé noù plus toute la dépense de cet immense travail ; il est pourtant aisé de prévoir qu'elle serait considérable ; ce qu'il y a de bien sûr, c'est qu'elle est inutile.
nationaux, puisque leur cotisation doit être payée maintenant sur le revenu du domaine roncier qui est diminué d'autant ; on pourrait dire que c'est faire entrer au Trésor public sous le titre et par voie de contribution, ce qui y serait rentré sous le titre et par la voie du revenu foncier, sans autre différence que la perte des frais d'une perception d'une recette, d'un versement inutile, et de la déperdition inséparable de plusieurs maniements successifs.
Mais les réponses des administrateurs se borneraient à dire : voilà la loi qui assujettit toute propriété foncière à la contribution foncière, et a une contribution proportionnelle et uniforme.
Au fond ils pourraient ajouter que cette loi est sage et nécessaire.
1° Elle a eu, entre autres objets, celui de préparer la formation d'un cadastre ; elle a dû par cette raison exiger que toute propriété fût scrupuleusement inscrite dans les tableaux de la matière imposable ;
2® Toute propriété nationale peut être vendue à la suite ; inscrite dès à présent dans le registre de la contribution, elle ne pourra y être soustraite quand elle sera propriéteparticulière, et dès à présent la matière imposable sera reconnue ;
3° La cotisation est un moyen de remettre chaque année sous les yeux des contribuables la masse des objets non productifs, servant à l'établissement public, et dont ils font les frais ; et de tenir toujours les esprits attentifs aux réductions possibles et aux économies praticables dans ce genre de dépenses très considérables ; la cotisation excitera la régie nationale des domaines nationaux à poursuivre les fausses dépenses d'établissementpublic, et les faire cesser ;
4° Une autre raison pour les cotiser c'est que les sols additionnels des dépenses locales, tant administratives que municipales, étant proportionnés aux propriétés locales, et devant l'être, il faut qu'il existe un principal auquel les sols additionnels puissent être attachés.
Je conclus donc, Messieurs, que les propriétés publiques, quelles qu'elles soient, doivent être cotisées; qu elles doivent l'être, non seulement tarce que la loi existe, mais encore parce que a loi est juste et utile.
Nous ne reprendrons pas, Messieurs, toutes les dispositions de l'arrêté du directoire ; elles ne sont que le résultat des reproches et des principes du réquisitoire de M. le procureur général syndic, et nous croyons avoir détruit les uns et les autres ; nous ne pourrions que répéter sur chaque article de cet arrêté, les contradictions que nous avons relevées et les vérités que nous avons démontrées. D'ailleurs, si les attributions dont le directoire'vous a dépouillés vous sont rendues par l'Assemblée nationale, comme vous devez l'attendre de sa justice, et que la direction de l'impôt continue de vous appartenir, cet arrêté ira se confondre avec oeux que vous avez dénoncés aux législateurs qui prononceront en même temps sur le sort de tous, en fixant par une loi les limites des droits et des pouvoirs du directoire en cette partie. Si, au contraire, l'Assemblée nationale pouvait consacrer les entreprises du comité contentieux, et celle du directoire, ou que trop confiants dans un amour de paix qui depuis 18 mois n'a fait, malgré tous nos efforts, qu'accroître vos sacrifices, vous crussiez devoir composer sur les droits que la loi vous assure, alors du moins dégagés de cette responsabilité dérisoire que le département vous impose de sa seule autorité pour les opérations qu'il a seul ordonnées, dirigées, exécutées et prolongées, de manière à user le premier trimestre de l'impôt dont il vous impose la garantie ; devenus les agents purement .passifs de ses décisions, vous le laisserez consommer ses essais et ses erreurs, et le temps en dévoilera le résultat; heureux, s'il ne découvre pas des entraves bien préjudiciables à l'intérêt national.
f) Quant à nous, Messieurs, qui sommes au moment de quitter cette carrière laborieuse et difficile, qui avons, depuis 2 ans, dirigé par nos seules études cette partie importante de vos fonctions, nous avons laissé dans les registres de la municipalité trop de traces de notre zèle à justifier la confiance qu'elle nous avait accordée, pour craindre un instant qu'elle nous soit ravie par les plaintes tardives et irréfléchies du département ; mais s'il pouvait rester à aucun de vous le moindre doute sur la pureté de notre conduite, nous serons toujours prêts à l'offrir au plus grand jour, et ce sera même la récompense la plus flatteuse que vous puissiez accorder à nos services, que de nous fournir cette
occasion de vous convaincre de l'immensité des travaux dont la commission a été chargée, et du courage avec lequel elle les a terminés. „. '
Quant au département qui a si promptement oublié et rétracté les éloges qu'il nous avait cent fois donnés, nous lui répétons épcore qu'il se flatterait en vain de nous voir gémir en silence de ses oppressions, et rester victimes de la calomnie sans la repousser de toutes nos forces ; quoique prêts à remettre les fonctions de la commission, nous nous engageons individuellement à répliquer à tous nouveaux réquisitoires, par lesquels M. le procureur général syndic se permettrait encore de nous inculper, et nous ne cesserons d'opposer la plus juste défense que quand il cessera de manifester la plus injuste partialité. v
S'il nous est permis de Vous proposer un avis, ce serait, Messieurs, de demander à l'Assemblée nationale, par les comités chargés de votre adresse, que les rôles définitifs foncier et mobilier de 1791 soient mis en recouvrement, pour ne pas faire souffrir plus longtemps et l'intérêt national et l'intérêt particulier de la municipalité : si vous adoptez cette opinion, nous joindrons à ce mémoire quelques observations sur la forme de l'arrêté de ces rôles.
Paris, le
Tiron,
Ex-lieutenant de maire et officier municipal, commissaire des impositions.
charon,
Officier municipal, commissaire des impositions.
Dacier,
Officier municipal, commissaire des impositions.
Lesguillier,
Officier municipal, administrateur-commissaire des impositions.
HOUSSEMAINE,
Ex-officier municipal, commissaire des impositions.
LE VASSEUR,
Officier municipal, administrateur commissaire des imposition»
Nota. Comme il eût été difficile de saisir, par une simple lecture» tous. les détails de cette réponse, nous l'avons, Messieurs, fait imprimer à nos frais pour vous être distribuée, et vous mettre en état d'apprécier avec les reproches du directoire notre justification ; elle devient même un nouveau compte de notre gestion, quoique nous l'ayons déjà rendu par dix rapports différents. Vous ordonnerez si nous devons rester chargés de cette dépense, ou si elle devra être supportée par la commune dont nous n'avons fait ici que défendre les droits.
A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE
DU
Projet d'organisation générale des ponts et chaussées, lu par Devaraigne, au comité
d'agriculture, le
. Messieurs, de toutes les parties qui composent le département du ministre de l'intérieur, la plus importante, sans contredit, est l'administration des ponts et chaussées. Elle se subdivise en trois sections : la première, dite des ponts et chaussées, comprend tous les projets de grandes routes, l'entretien de celles qui sont perfectionnées, et la construction des ponts et pon-ceaux nécessaires au passage des fleuves, rivières et ruisseaux. La seconde section comprend les canaux, les tùrcies et levées, les ponts-aqueducs, les écluse§, les déversoirs et les autres ouvrages d'art que la navigation commande. Enfin la troisième section comprend les ports de commerce dont les Constructions demandent des études particulières. 354 ingénieurs de différents grades, sont dispersés dans les 83 départements, pour la direction de ces travaux. A tant d'occupations, qui exigent des talents et de l'expérience,. se réunissent encore une multitude d'ouvrages publics, que les corps administratifs sont autorisés à mettre sous la surveillance de ces mêmes ingénieurs. On doit donc regarder
l'organisation des ponts et chaussées comme une partie très essentielle de l'administration générale ; et si l'Assemblée nationale n'y donnait toute son attention, elle perdrait bientôt le fruit d'un établissement qui a immortalisé un ministre, et qui honore la vieillesse d'un grand homme.
L'Assemblée constituante paraît cependant n'avoir pas assez soigné 1 organisation des ponts et chaussées, soit qu'elle ait méconnu l'importance de cette partie, soit qu'elle ait puisé dans une mauvaise source les éclaircissements qui ont servi de base à ses décrets des 19 janvier et 18 août 1791.
L'imperfection de la première de cés lois a été reconnue par l'Assemblée constituante elle-même, puisque l'article 4 du dernier décret révoque plusieurs dispositions du décret précédent ; la seconde loi est également imparfaite, puisqu'aucun article n'explique la composition ae l'administration centrale des ponts et chaussées, qui provoquera toutes les dispositions relatives à l'examen des projets, à l'exécution des travaux, à l'emploi des fonds que la nation y destine, à la distribution des ingénieurs, à leur avancement en grade et à l'établissement de l'école qui doit former des successeurs à ces artistes. Tant d'intérêts publics n'ont point été réglés ; la loi du 18 août n'effleure pas même ces grandes questions, L'administration centrale des ponts et chaussées ne paraît être jusqu'à présent qu'un établissement vague et concentré •dans la seule volonté du ministre de l'intérieur, ou d'un délégué que l'Assemblée constituante a déjà rejeté par son décret du 10 avril 1791, et que l'Assemblée nationale n'a point encore avoué. Or, un seul agent ne saurait former une administration centrale, car cette dénomination indique évidemmement un centre où aboutis-
sent des lumières et des connaissances. L'administration centrale des ponts et chaussées ne peut donc être autre chose qu'un comité d'artistes qui, par leur expérience et leurs observations, éclairent la responsabilité du ministre ; si cette administration était composée d'autres éléments, elle ne serait plus dans la main d'un ministre qu'une occasion de faveur, d'intrigue et de dépense inutile.
La loi du 18 août n'a fixé que provisoirement l'emplacement de l'école.
Pour remédier à ces omissions et imperfections, je propose un code général des ponts et chaussées, où les principaux articles des décrets des 19 janvier et 18 mars 1791 sont conservés avec des amendements et additions qui fixeront les rapports des divers agents de cette vaste administration. Je, diviserai mon travail en sept titres : Le premier titre traitera de la composition de l'administration centrale ;
Le deuxième titre fixera les principes de la comptabilité;
Le titre troisième développera les fonctions, le traitement et le mode d'avancement des ingénieurs de tout grade. , Le quatrième titre traitera de l'école des ponts et chaussées, en déterminant l'instruction et l'avancement,des élèves;
Le cinquième titre expliquera l'objet des assemblées des ponts et chaussées ;
Le sixième titre réglera le mode d'exécution des travaux- d'entretien et de nouvelle construction, et des ouvrages d'art de toute espèce ;
Le septième et dernier titre fixera les pensions réservées aux ingénieurs qui ont bien servi la patrie.
De l'administration centrale des ponts et chaussées.
Je Considère l'administration centrale des ponts et chaussées, comme un comité permanent d'artistes parvenus aux premiers grades par leurs talents par une longue expérience, et par le choix du roi. A ce centre de lumières aboutira la responsabilité du ministre, au lieu de reposer sur un agent étranger aux arts.
Je révoque l'emplacement provisoire de l'école, rué Saint-Lazare, hors de la barrière de Clichy, parce que ce local, proscrit par les articles 11 des aeiix décrets que j'ai cités, est onéreux à la nation ; parce qu'il éloigne de l'instruction publique les élèves; parce qu'il est incommode pour les assemblées des ingénieurs, et parce qu'enfin les rapports qui subsistent entre le ministre et les fonctionnaires publics et les bureaux, l'école et l'administration centrale des ponts et chaussées souffrent d'un tel. éloignement.
Je transfère au Louvre ces différents établissements, pour rapprocher les ingénieurs de la galerie destinée aux arts, par décret du 26 mai 1791 ; pour placér l'école à la portée de l'instruction publique; pour mettre l'administration centrale sous la main du ministre, et pour faciliter la correspondance avec les fonctionnaires publics. Le Louvre, consacré à la réunion de tous les genres d'instruction, nécessite le rapprochement ae l'école des ponts et chaussées ; et çe vaste édifice s'achèvera enfin pour remplir une grande destination.
De la comptabilité. La comptabilité,
dont les lois précédentes n'ont
point établi les bases, sera divisée en trois parties correspondantes aux trois sections des travaux publics, les. routes, les canaux et les ports de commerce. L'authenticité des pièces comptables est déterminée par de sages précautions qui écarteront toute incertitude ou ambiguité dans le montant des épreuves.
Des fonctions, de l'avancement, du nombre et des appointements des ingénieurs.
La promotion aux grades, qui, dans la main d'un seul administrateur central, serait presque toujours le prix de l'intrigue, deviendra la récompense des talents, par le choix réfléchi d'une administration éclairée.
En fixant le nombre des ingénieurs en proportion avec l'étendue des travaux de chaque département, j'ai ôté aux corps administratifs la faculté abusive de nommer ici plus d'ingénieurs que réclamait le service, et ailleurs d'en demander moins.
J'ai retiré aux directeurs de départements et de districts le droit injuste de faire changer ou révoquer les ingénieurs. Quel est,en effet, l'artiste qui se soumettra aux caprices de ces autorités amovibles, dont la multiplicité, la rivalité et la méfiance exerceraient contre lui une inquisition perpétuelle et détourneraient au besoin pressant de sa défense les moments qu'il n'aurait consacrés qu'au travail. Un changement de résidence est pour l'ingénieur, père de famille, l'équivalent de la ruine, et pour le service, un échec; car la connaissance des localités assure la bonté des projets et facilite la surveillance des travaux. D'ailleurs, le génie veut un certain effort ; il s'éteint sous le despotisme, il se vivifie par la liberté : la liberté et l'égalité, garanties par la Constitution à tous les Français, ne seraient-elles donc pour l'ingénieur qu'une promesse avortée devant aes juges, la plupart si incompétents en matière d'art 1 Non, l'on n'avilira point des fonctionnaires si utiles à la nation, et leur modestie ne deviendra point un prétexte d'asservissement. Accordons à ces artistes de la considération, mettons-les en rapport décent avèc les corps administratifs, ou bien nous verrions disparaître des grands travaux de l'Empire, ces ingénieurs qui disputeraient à leur tour aux administrations, un pouvoir temporaire dont elles auraient abusé contre eux.
11 n'appartient qu'au Corps législatif de révoquer, après vérification des délits, les ingénieurs qui auraient abusé de leurs fonctions; il ne convient qu'à l'administration centrale d'ordonner le déplacement pour le bien du service.
Je propose aussi d'améliorer raisonnablement le traitement des ingénieurs et de former trois classes d'ingénieurs ordinaires par rang d'ancienneté, car il paraît souverainement injuste de n'accorder à celui qui a 10 et 20 ans de service dans ce grade, que les mêmes appointements d'un débutant, et de traiter le premier ingénieur et les inspecteurs généraux avec plus de parcimonie que le premier commis des ponts et chaussées.
On doit accorder aux ingénieurs en chef des frais de bureaux, puisqu'il leur faut nécessairement à chacun un copiste et un dessinateur à gages, et que cet établissement indispensable leur occasionne des frais de loyer, dè chauffage, de lumière et de fournitures de toute espèce. En laissant cet objet à la disposition des départe-
ments, les uns allouent des frais de bureaux, et d'autres les refusent.
J'ai remarqué un nouvel abus dans ces commissions extraordinaires données par les directoires aux ingénieurs pour vérifier en qualité d'experts, les menues réparations de communauté. Ces opérations, qui sont fdu]ressort des entrepreneurs de bâtiments, arrachent les ingénieurs à un service plus essentiel, et les constituent en frais de voyages sans indemnités.
L'Assemblée constituante n'a rien prononcé sur l'uniforme, c'est conserver par le tait un vête-mènt riche, signe trompeur de l'aisance. Le galon et les broderies sont proscrits par le régime de l'égalité, l'estime publique fera le prix aes talents, et un plus haut degré de considération distinguera assez la supériorité du mérite, et celle du grade. Les administrateurs n'ont pas de costume, cependant le public les reconnaît dans leurs fonctions ; il en sera de même des ingénieurs, et par ce motif, je supprime l'uniforme.
De l'Ecole des ponts et chaussées.
Quelques articles avaient réglé le sort des élèves, mais ces mesures de l'Assemblée constituante ont paru imparfaites à la deuxième législature, puisqu'elle s'occupe maintenant de nouvelles mesures provisoires pour rétablissement de l'Ecole des ponts et chaussées. Mais on ne rectifie point une loi imparfaite, en y ajoutant des dispositions provisoires, il convient (lonc de proposer des mesures complètes et définitives pour parvenir à une bonne organisation. 1
Je remarque d'abord dans la loi du 18 août 1791, l'oubli des surnuméraires, qui dans mon projet de décret serviront à compléter les classes, après la nomination des élèves au grade d'ingénieur ordinaire. Les surnuméraires seront eux-mêmes remplacés par les aspirants des divers départements. Je porte le nombre des élèves à 75, à cause de la réunion des ci-devant pays d'Etats à l'administration générale des ponts et chaussées.
La même loi du 18 août n'accorde que 3 ans de service pour le temps de l'école, mais comme il est démontré que 3 ans ne suffisent point pour former un ingénieur des ponts et chaussées, ne serait-il pas injuste de le priver en partie du fruit de son travail, tandis que les élèves du génie militaire, de l'artillerie et de la marine jouissent de la prérogative complète ?
Le comité d'agriculture a pensé que l'établissement prochain de l'instruction publique devant s'appliquer à l'Ecole des ponts et chaussées, il ne fallait présenter que des mesures provisoires. J'observerai que ce motif n'a pas retardé l'organisation des écoles d'artillerie, du génie militaire et de la marine, qui sous ce point de vue auraient aussi des rapports avec les lycées. Mais de quelque manière que l'on organise l'instruction publique, les élèves d'un établissement quelconque, après avoir puisé dans les différents cours des lycées, les connaissances qui leur sont propres, retourneront à leur école particulière pour s'y perfectionner dans l'art qu'ils auront embrassé.
L'Assemblée constituante n'avait pas prononcé sur le mode d'avancement des élèves, et un règlement prescrivait l'évaluation du mérite par des degrés de connaissances. J'ai éprouvé et reconnu que cette méthode imparfaite d'apprécier les talents multipliait les erreurs. En effet, c'était
une convention arbitraire qui attribuait à cette espèce de connaissances tel nombre de degrés, et ces appréciations partielles renouvelaient pour chaque objet une mesure incertaine, dont le résultat additionnel était aussi faux que le détail. Comment pourrait-on évaluer en chiffres le mérite des vertus morales qui devraient entrer pour beaucoup dans la balance des talents ? Ce système d'appréciation comparative des sujets est aussi absurde qu'impolitique ; il substitue la rivalité à l'émulation, l'envie à la fraternité, et invite les candidats à calculer l'échelle des graduations, plutôt qu'à les perfectionner dans une partie analogue à leurs goûts, si elle est moins favorablement appréciée que toute autre.
A ce système, je substitue une autre mesure plus juste, le suffrage dès élèves; et par un moyen qui rappelle les principes de la Constitution, j'abandonne aux élèves même le choix des ingénieurs ordinaires et le remplacement des classes. Il est vrai que, pour conserver l'influence des chefs, je prescris aux élèves une nomination double des places vacantes, et cette liste de concurrents sera réduite à moitié par le scrutin épuratoire de l'administration centrale. Cette méthode est bien supérieure à l'indication impérieuse d'un tableau mal ordonné.
Des assemblées des ponts et chaussées•
L'Administration centrale discute, en présence du ministre, qui décide, l'exécution des projets examinés dans les assemblées des ponts et chaussées.
L'utilité de cés examens préliminaires est sensible, puisqu'ils fixeront l'opinion des inspecteurs généraux qui "doivent guider le ministre.
Ce paragraphe ne présente que des dispositions fort simples que l'Assemblée constituante a laissées à la détermination de la législature actuelle.
Des travaux en général et des rapports relatifs à leur exécution, entre les administrateurs, les ingénieurs, les entrepreneurs, les receveurs de districts et les employés des ponts et chaussées.
Les dispositions fort étendues de ce chapitre, étaient totalement imprévues par ies décrets des 19 janvier et 18 août 1791. Cependant personne n'ignore, que les principes concernant le mode d'instruction et de confection des routes, la fixation des indemnités; la construction des ouvrages d'art l'emploi des fonds publics, la réception des adjudicataires, la comptabilité des receveurs de districts et la surveillance des corps administratifs, doivent être déterminés. 11 convient de faire une loi générale, qui fixe les rapports de ces divers fonctionnaires ou agents ; car si l'Assemblée nationale abandonnait ces objets intéressants à la décision des administrateurs, 83 [départements contrariés par 544 districts, n'apporteraient que désordre et confusion dans cette partie de l'administration.
Le décret que je propose, règle aussi les indemnités de terrains, d'après une mesure incontestable, le double de l'évaluation qui a servi de base à l'imposition foncière.
Des pensions de retraite.
Après avoir déterminé l'Administration centrale, avoir réglé toutes les fonctions des ingénieurs, le mode de comptabilité, l'organisation
de l'école, l'exécution des travaux de toute espèce et les rapports dés administrateurs avec les divers agents des ponts et chaussées, il ne restait plus qu'à proposer les pensions méritées par les artistes que l'âge ou des infirmités arrachent à leurs fonctions.
Pour mettre dans cette distribution de secours une proportion avec les services rendus, j'ai fixé à 20 ans le droit au minimum de la pension, qui sera du quart des appointements, et à 50 ans pour maximum, la totalité des appointements du dernier grade exercé pendant 2 ans. J'ai évalué à 10 années de service les infirmités ou accidents occasionnés par suite de travail. Je n'ai exigé que 20 ans de service pour avoir le droit à une portion de retraite, parce que les fonctions laborieuses et pénibles d un ingénieur abrègent sa vie ; j'ai établi une juste proportion entre le minimum de la pension de 20 à 50 ans. J'ai proposé 600 livres ae pension alimentaire pour les veuves d'ingénieurs indistinctement, qui seraient restées dans le besoin et 100 livres de secours à chacun de leurs enfants jusqu'à l'âge de 18 ans accomplis, parce qu'alors ces entants pourront se procurer un état.
Telles sont lès dispositions générales du projet de décret que je vous soumets, pour l'organisation définitive des ponts et cnauSsées, en conservant les principaux articles des décrets des 19 janvier et 18 août 1791, auxquels j'ai adapté des amendements et des additions qui m'ont paru indispensables.
PROJET DE DÉCRET,
TITRE Ier.
De Vadministration centrale des ponts et chaussées.
Art. 1er. Il y aura une administration centrale des ponts et
chaussées sous la responsabilité du ministre de l'intérieur. (Articles premiers des deux
décrets des 19 janvier et 18 août 1791.)
Art. 2. Cette administration sera composée du premier ingénieur des ponts et chaussées et des 8 inspecteurs généraux et présidée par le ministre de l'intérieur, ou à son défaut, par le premier ingénieur ou par le plus ancien des inspecteurs généraux. (Article additionnel.) -
Art. 3. Elle tiendra ses séances au Louvre, une fois par mois, sur la convocation du ministre, depuis le 1er décembre jusqu'au 1er août de l'année suivante.
Les séances extraordinaires seront également convoquées par le ministre de l'intérieur.
Faute de convocation, les séances ordinaires auront lieu le dernier jour de chaque mois. (Article additionnel.)
Art. 4. L'administration centrale des ponts et chaussées examinera et arrêtera tous les projets généraux de routes, de canaux, de ports de commerce et d'ouvrages d'art en dépendant;
Fera aux 83 départements la distribution des fonds décrétés pour l'exécution des ouvrages les plus importants ;
Vérifiera et signera, à la fin de chaque année, le compte général et détaillé de toutes les dépenses publiques relatives aux ponts et chaussées ;
Réglera tout ce qui concerne l'Ecole dès ponts et chaussées;
Prononcera sur toutes les contestations relatives aux ingénieurs, aux entrepreneurs et aux autres employés des ponts et chaussées;
Déterminera l'avancement et le déplacement des ingénieurs, demandera leur révocation au Corps législatif et lui proposera la résiliation des adjudications négligées. (Art.A du titre /er de la loi du 19 janvier, ameûdé.)
Art. 5. Toutes les fonctions de l'Administration centrale seront acquittées par des mémoires et avis motivés, signés par le premier ingénieur et par les 8 inspecteurs généraux, et ne prendront le caractère de décisions, que par la signature du ministre de l'intérieur, après ces mots : Bon pour être exécuté. (Article additionnel.)
Art. 6. Il sera tenu registre de toutes ces décisions par le premier commis des ponts et chaussées, assisté d'un commis ordinaire; le ministre enverra aux directoires de départements les décisions qui les concernent. (Article addi* tionnel.) '
Art. 7. Le dépôt des plans, modèles, cartes et projets relatifs aux ponts et chaussées, sera au Louvre, près l'Administration centrale et sous la garde du premier ingénieur.
II sera dressé 2 cartes générales de la France divisée en départements et districts ; sur la première seront tracées les grandes routes distinguées et trois classes selon le degré de leur importance, sur la seconde carte seront tracés les canaux de la navigation intérieure faits ou projetés.
On indiquera sur ces cartes les chef-lieux de départements et de districts, les ports de mer et toutes les villes, bourgs et villages traversés par les routes et canaux.
A ces cartes seront joints 2 états généraux et détaillés par classes et longueur de l'Empire français. (Article additionnel.)
Art. 8. Lorsqu'il sera question de travaux qui intéresseront les routes et les communications sur les frontières, et les ouvrages à faire dans les ports du commerce où la marine militaire est reçue, les projets seront discutés et examinés dans une assemblée mixte, composée de commissaires ingénieurs des ponts et chaussées et de commissaires du corps au génie, nommés en nombre égal par les ministres de l'intérieur et de la guerre. Le résultat de cet examen sera porté aux comités d'agriculture et militaire réunis, et il sera statué ce qu'il appartiendra, sur le rapport de ces deux comités, par le Corps législatif, (Art. 4 du titre Ier de la loi du 19 janvier 1791.) '
Art. 9. Tous les projets quelconques, relatifs aux ponts et chaussées, canaux et ports de commerce qui pourront être proposés par des particuliers seront renvoyés à l'examen de l'Administration centrale pour, sur son avis, et après avoir entendu le rapport du comité d'agriculture, être statué ce qu'il apppartiendra par le Corps législatif. (Article additionnel.)
Art. 10. En conséquence de l'article 11 de la loi du 18 août 1791, relative aux ponts et chaussées, le ministre de l'intérieur se concertera avec l'Administration centrale pour présenter incessamment à l'Assemblée nationale, un projet d'emplacement de l'Ecole des ponts et chaussées, des bureaux de comptabilité, des salles de l'Administration centrale, du dépôt des plans et modèles et du logement du premier ingénieur» du directeur et des directeurs en second de l'école, dans une partie du Louvre, et il sera» en vue des plans, devis et détails des réparations nécessaires audit emplacement et sur le rapport du comité de l'extraordinaire des finances, statué ce qu'il appartiendra par le Corps législatif,
Le même comité proposera incessamment ses vues sur l'indemnité à accorder au sieur Sainte-Croix, pour la résiliation du bail à loyer, de l'emplacement provisoire de l'Ecole des ponts et chaussées, rue Saint-Lazare. (Voyez Varticle 11 de la loi du 18 août 1791, et Varticle 11 du titre III de la loi du 19 janvier 1791.),
TITRE II
De la comptabilité et des bureaux des ponts et chaussées.
Art. 1er. Il y aura, au Louvre, un bureau général pour la
comptabilité de tous les travaux des ponts et chaussées, sans l'inspection de
l'Administration centrale et sous la responsabilité du ministre de l'intérieur. (Article
additionnel.)
Art. 2. Ce bureau sera partagé en trois sections : la première, des ponts pt chaussées ; la seconde, des canaux de navigation ; et la troisième, des ports de commerce, Il sera dirigé par un premier commis, logé au Louvre. (Article additionnel.)
Art. 3. A chacune de ces trois sections sera attaché le nombre de commis nécessaire, dont les appointements seront réglés par un décret de revision de la composition et du traitement de tous les bureaux en général.
Art. 4. Les frais de bureau et appointements des commis seront provisoirement maintenus à 30,000 livres. (Art, 8. du titre Ie1 de la loi du 19 janvier 1791.)
Art, 5. Le ministre de l'intérieur rendra compte à l'Assemblée nationale, dans le courant de janvier, de la situation des travaux des ponts et chaussées j des canaux et des ports ae commerce, et le Corps législatif, sur le rapport de son comité d'agriculture, décrétera les fonds qui seront appliqués, pendant l'année, à chacune des trois sections de ces travaux. (Article additionnel.)
Art. 6. Le ministre de l'intérieur présentera à l'Assemblée nationale, dans le délai d'un mois, l'état de distribution, proposé par l'Administration centrale, des fonds décrétés pour les travaux les plus urgents des divers départements. (Article additionnel.)
Art. 7. Le ministre de l'intérieur rendra compte à l'Assemblée nationale, dans le courant de jan-viér, de l'emploi des fonds décrétés, aux travaux ordonnés pour l'année précédente.
Les éléments de cette comptabilité seront les états de situation des entrepreneurs, les rôles journaliers d'ouvriers, les états d'appointements et de salaires des divers employés, qui auront été certifiés par les ingénieurs ordinaires, visés par les directoires \ des districts, vérifiés par l'ingénieur en chef et approuvés par le directoire de département, qui aura délivré en conséquence les mandats dé payement sur les receveurs de districts. (Article additionnel.)
Art. 8. Toute pièce qui n'aura pas ces caractères d'authenticité sera rejetée de la comptabilité et renvoyée à la vérification des commissaires que nommera l'Administration centrale. (Article additionnel.)
TITRE III.
Des ingénieurs des ponts et chaussées en général.
Art. 1er. Le premier ingénieur sera nommé par le roi et choisi
parmi les inspecteurs généraux.
Il sera chargé de la garde des plans, projets et modèles et de l'inspection générale de 1 école;
11 sera logé au Louvre et aura 15,000 livres d'appointements. (Art. 2, 9 et H du titre Im de la loi du 19 janvier 1791, avec amendement.)
Art. 2. En considération des services importants que Jean-Rodolphe Perronet, premier ingénieur actuel, a renaus à l'Etat, pendant plus de 54 ans d'activité en divers grades, dans les ponts et chaussées, ainsi que par l'établissement et la direction de l'école, le traitement de 22,600 livres, dont il jouit actuellement en appointements ou pensions, lui sera conservé. (Art. 10 de la loi du 18 août 1791.)
Art. 3. Il y aura 8 inspecteurs généraux, en résidence à Paris, et aux appointements de 12,000 livres. ^
Ils seront choisis parmi les ingénieurs en chef et nommés au scrutin par le premier ingénieur et les inspecteurs généraux. (Art. 9, amendé, et 12 du titre Ier de la loi du 19 janvier 1791.)
Art. 4. Chacun des 8 inspecteurs généraux sera attaché à un certain nombre de départements; ils seront tenus tous les ans de visiter | pendant les mois d'août, septembre, octobre et I novembre, les travaux qui s'y feront, de se concerter avec les directoires de départements pour les projets qui les intéressent, et d'en rendre un compte général à l'Administration centrale à la fin de leurs tournées. (Art. 7, amendé, au titre Ier dé la loi du 19 janvier 1791.)
Art. 5. 11 sera sera alloué, chaque année la somme de 40>000 livres, pour les frais de voyagé ; des inspecteurs généraux. (Art. 10 du titre IB* de la loi du 19 janvier 1791.)
Art. 6. Il y aura un ingénieur en chef par département, qui résidera au chef-lieu. (Art. 5 de la loi du 18 août 1791, amendé.)
Un ingénieur en chef, directeur de l'école, qui sera loge au Louvre.
Et 12 ingénieurs en chef, que l'Administration centrale distribuera sur les grands travaux, tels que ponts, canaux et ports de commerce.
Tous ces ingénieurs en chef, au nombre de 96, auront5,0Q0 livres d'appointements, et3,000 livres de frais de bureaux, composés d'un ou plusieurs copistes et dessinateurs. (Art. 3 du titre II de la loi du 19 janvier 1791, amendé.)
Art. 7. Les ingénieurs en chef seront choisis par les ingénieurs ordinaires, et nommés au scrutin par ie premier ingénieur et les inspecteurs généraux^ (Article additionnel.)
Art. 8. Les ingénieurs ordinaires seront au nombre de 227, savoir 202 distribués dans les i 83 départements et hors du chef-lieu, à raison d'un, ingénieur par 2 et 3 districts, conformément au tableau ci-|oint. i
Un ingénieur ordinaire sera employé à l'école, en qualité de directeur en second, et logé au Louvre.
24 autres ingénieurs ordinaires seront disr tribués par l'Administration centrale, et secondairement sur les grands travaux, tels que ponts, canaux et ports. Ils correspondront avec les
12 ingénieurs en chef, directeurs des mêmes sortes de travaux, dans l'étendue de leur arrondissement.
Art. 9. Les ingénieurs ordinaires seront choisis parmi les élèves de l'école de la première classe, au scrutin de liste double des 25 élèves, qui composeront ladite classe.
A cet effet, le directeur de l'école annoncer» aux élèves de la première classe, le nombre d'ingénieurs ordinaires à nommer, et présidera
le scrutin, qui sera dépouillé, en présence des élèves de ladite classe, par le directeur en second de l'école, faisant les fonctions de secrétaire. Le résultat de ce scrutin donnera une liste double du nombre des places vacantes, que l'Administration centrale réduira à moitié par un scrutin épuratoire.
Le directeur de l'école proclamera la promotion. (Article additionnel.)
Art. 10. 11 y aura 3 classes d'ingénieurs ordinaires par rang d'ancienneté.
Ceux qui auront 20 ans révolus de service dans Ce grade, auront 3,600 livrés d'appointements et formeront la lr* classe;
Ceux qui auront 10 ans de service, jusqu'à 20, composeront la 2* classe et auront 3,000 livres d'appointements;
Ceux de la 3e classe, au-dessous de 10 ans de service, auront 2,400 livres d'appointements. . 11 leur sera, en outre, alloué à chacun, 400 livres, pour frais de bureaux et de copistes.
Ils obtiendront des indemnités pour le ser^ vice extraordinaire dont ils pourront être chargés par commission des directoires. (Article additionnel.)
Art. 11. Les appointements des ingénieurs de tout grade, en résidence à Paris, seront payés, par la Trésorerie nationale et par trimestre, sur les fonds décrétés pour les ponts et chaussées.
Les appointements, frais de bureaux et indemnités des ingénieurs de tout grade, distribués dans les différents départements autres que celui de Paris, séront acquittés par les receveurs des districts de leur résidence, sur la distribution des fonds affectés aux travaux qu'ils dirigent. (Article additionnel
Art. 12. L'uniforme des ingénieurs des ponts et chaussées est supprimé. (Article additionnel.)
Art. 13. Il sera donné à chacun desdits ingénieurs un brevet signé du roi et contresigné du ministre de l'intérieur, suivant le modèle annexé au présent décret, et qui exprimera le grade, la résidence et l'arrondissement délégués à chacun de ces ingénieurs. (Article additionnel.)
Art. 14. Nul ingénieur ne pourra être changé, ni révoqué que par décision de l'Administration centrale, à la majorité des 2 tiers des voix. La révocation n'aura son effet qu'après un décret du Corps législatif, sanctionné par lé roi. (Voyez Varticle 6 du titre II de la loi du 19 janvier 1791, amendé.)
Art. 15. Les 22 ingénieurs ordinaires qui, suivant le présent décret, devront être réformés, auront 800 livres de traitement jusqu'à ce qu'ils soient remplacés par rang d'ancienneté.
TITRE IV.
De l'Ecole des ponts et chaussées.
Art. 1er. Il y^aura une école gratuite et nationale des ponts
et chaussées, établie au Louvre. (Art. 1eT du titre III de la loi du 19 janvier 1791,
amendé.)
Art. 2. Cette école sera inspectée par le premier ingénieur. Sous lui seront un ingénieur en chef, directeur de l'école, et un ingénieur ordinaire, directeur en second de l'école ; ils seront logés au Louvre» (Art. 3 du titre lll de la loi du 19 janvier 1791, amendé.)
Art. 3. 75 élèves seront admis dans cette école, savoir: 25 dans la première classe, 25 dans la seconde et 25 dans la troisième. 11 y aura, en
outre, 25 surnuméraires. (Art. 4 du titre III de la loi du 19 janvier 1791, amendé:) • ! :
Art. 4. Chaque élève de la première classe aura la somme annuelle de 500 livres.
Chaque élève de la seconde classe aura la somme annuelle de 400 livres.
Chaque élève de la troisième classe aura la somme annuelle cle 300 livres.
Les surnuméraires n'auront pas de traitement. (Art. 7 du titre III de la loi du 19 janvier 1791, amendé.)!
Art. 5. Il y aura un enseignement permanent, exercé par 6 professeurs, savoir :
Un professeur d'arithmétique et de géométrie, qui enseignera les opérations trigonométriques et la pratique du nivellement ;
Un professeur d'algèbre ;
Un professeur de sections coniques et d'applications de l'algèbre à la géométrie ;
Un profèsseur de calcul différentiel et intégral, de mécanique et d'hydrodynamique ;
Un professeur de stéréotomie et de trait de charpente ;
Enfin, un professeur du dessin de la carte et d'architecture civile; (Art. 3 du titre III de la loi du 19 janvier 1791, amendé.)
Art. 6. Ces places de professeurs seront données aux élèves de la première classe, après un concours et des examens sur chacune desdites parties, au jugement du premier ingénieur, des inspecteurs généraux et du directeur de l'école. (Art. "à du titre III de la loi du 19 janvier 1791, amendé.)
Art. 7. Il sera attaché 1,200 livres d'appointements à la place de professeur de mécanique, 1,000 livres à chacune des 5 autres places de professeurs, y compris le traitement qu'ils auront déjà en qualité d'élèves. (Art. 3 du titre lll de la loi du 19 janvier 1791, amendé.)
Art. 8. Outre les sciences mathématiques, la coupe de pierres, le trait de charpentes, l'architecture et le dessin de la carte, qui seront enseignés à l'école, des cours de physique, d'histoire naturelle, de chimie et autres sciences analogues, seront l'objet de l'instruction externe des élèves. (Article additionnel.)
Art. 9. L'application de là théorie à la pratique des constructions d'ouvrages d'art de différentes sortes achèvera l'instruction des élèves, qui seront envoyés sur les grands travaux, tels que ponts, canaux et ports de commerce, pendant la saison propre à ces constructions. (Article additionnel.)
Art. 10. Ceux des élèves qui seront annuellement détachés à ces ouvrages importants, obtiendront 100 livres d'appointements par mois, indépendamment du traitement ordinaire de l'école, et 20 sols par lieue pour l'aller et le retour à Paris. Ils seconderont de leur travail les ingénieurs auxquels ils seront adressés. (Article 8 de la loi du août 1791.)
Art. 11. Les 83 départements proposeront à l'Administration centrale les sujets nécessaires au renouvellement de l'école, et ceux-ci seront admis surnuméraires, après avoir concouru sur différents objets élémentaires, tels que la géométrie, l'algèbre et le dessin, et après avoir été examinés par l'ingénieur en chef, interrogés sur la Constitution, en présence de 2 commissaires du directoire de département, ét jugés capables par l'Administration centrale, au vu de différents concours. (Art. 5 du titre III de la loi du 19 janvier 1791, amendé.)
Art. 12. Ges surnuméraires, ainsi admis au
nombre de 25, à la suite de l'Ecole des ponts et chaussées, compléteront la troisième classe des élèves et seront nommés au scrutin par le premier ingénieur et par les inspecteurs généraux, après avoir entendu le rapport du directeur de l'école, sur les progrès desdits surnuméraires. (.Article additionnel.)
Art 13. Le service des ingénieurs des ponts et chaussées datera de l'époque où ils auront passé du surnumérariat à la place d'élèves. (Art 9 de la loi du 18 août 1791, amendé.)
Art. 14. Lorsqu'il aura été fait une promotion d'ingénieurs ordinaires, tirés delapremière classe suivant les règles établies par l'article. 10 du titre III, la seconde classe complétera la première et la troisième classe complétera la Seconde.
A cet effet, le directeur de l'école convoquera séparément les élèves des deuxième et troisième classes pour un scrutin de liste double du nombre des ingénieurs ordinaires, sortis de la première classe. Ces scrutins seront présidés par le directeur de l'école, et leur résultat, dépouillé, en présence des élèves, par le directeur en second faisant les fonctions ae secrétaire, sera remis au premier ingénieur, qui, avec les inspecteurs généraux, réduira, par un scrutin épuratoire, ces listes à moitié, après avoir entendu le rapport du directeur de l'école. (Article additionnel.)
Art. 15. Ces différentes promotions, étant définitivement arrêtées par l'Administration centrale des ponts et chaussées, seront proclamées par le directeur de l'école.
L'Administration centrale admettra, en même temps, au rang de surnuméraires, un nombre égal d'aspirants pris tour à tour dans chacun des 83 départements, et qui auront satisfait aux conditions de l'article 2. (Article additionnel.)
Art. 16. Leâ élèves et surnuméraires seront soumis, tous les ans, à un concours et à des examens au jugement du premier ingénieur, des inspecteurs généraux et du directeur de l'école. L'Administration pourra renvoyer les sujets incapables ou qui ne suivraient pas avec application les exercices de l'école. (Art. 8 et 9 du titre III de la loi du 19 janvier 1791.)
Art. 17. Il y aura une distribution annuelle de prix de mathématiques, d'architecture, de dessin, ae coupe de pierres et de trait de charpentes, dans les 3 classes de l'école. Ces prix, au nombre de 3 pour chaque espèce de concours, seront accordés, au jugement du premier ingénieur, des inspecteurs généraux, du directeur de l'école et des ingénieurs en chef, présents à Paris. (Article additionnel.)
Art. 18. Il sera alloué, chaque année, la somme de 8,000 livres, pour les dépenses de l'école et du bureau de l'Administration centrale, dont l'état détaillé sera soumis tous les ans à l'Assemblée nationale par le ministre de l'intérieur. (Art. 10 du titre III de la loi du 19 janvier 1791.)
Art. 19. L'Administration centrale des ponts et chaussées rédigera un règlement de discipline de l'école, pour y être, sur le rapport du comité d'agriculture, statué ce qu'il appartiendra, par le Corps législatif. (Art. 12 de la loi du 18 août 1791.)
Art. 20. Les élèves composant l'école actuelle de Paris, étant au-dessous du nombre fixé par l'article 3 du présent titre, les écoles des ci-devant provinces de Bretagne et de Languedoc seront réunies à l'Ecole des ponts et chaussées de Paris, et les sujets admis aux 2 premières écoles se rendront à Paris, dans le mois de la date du
présent décret, munis d'un certificat des directoires de départements où lesdites écoles sont établies. {Article additionnel.)
Art. 21. A l'expiration de ce délai, le premier ingénieur, les inspecteurs généraux, le directeur de l'école et les ingénieurs en chef, présents à Paris, examineront ces élèves sur les diverses parties qui composent l'instruction nécessaire à l'état d'ingénieur des ponts et chaussées et tiendront note de la manière plus ou moins satisfaisante dont chacun aura répondu. (Article additionnel.) ,
Art. 22. L'examen achevé, le premier ingénieur, les inspecteurs généraux, le directeur de l'école et les ingénieurs en chef, qui auront suivi sans interruption lesdits examens, formeront au scrutin de majorité relative : 1° une liste de 25 élèves pour la première classe; 2° une liste de 25 élèves pour la deuxième classe ; 3° une liste de 25 élèves pour la troisième classe.
Les aspirants, qui ne seront pas admis dans l'une de ces 3 classes, composeront le tableau des surnuméraires, quel que soit leur nombre, et ils ne seront renouvelés qu'après avoir été réduits au nombre de 25. Si, au contraire, le nombre des surnuméraires se trouve inférieur à 25, il sera porté au complet, suivant les dispositions de l'article 11 du présent titre. (Article additionnel.)
TITRE V.
Des assemblées des ponts et chaussées.
Art. 1er. Il y aura toutes les semaines, et à jour fixe, des
assemblées des ponts et chaussées, qui se tiendront au Louvre. (Article additionnel.)
Art. 2. Ces assemblées seront présidées par le premier ingénieur, ou par le plus ancien des inspecteurs généraux, et seront composées des ingénieurs dé tout grade, présents à Paris. Les professeurs de l'école y seront également admis. (Article 3 du titre Ier de la loi du 19 janvier 1791, amendé.)
Art. 3. L'objet de ces assemblées, qui ne seront suspendues que pendant les mois d'août, de septembre, d octobre et de novembre, époque des tournées des inspecteurs généraux, sera l'examen préliminaire de tous les projets quelconques de routes, de navigation, de ports de commerce et de toutes les constructions qui en dépendent. Ces examens prépareront l'opinion des membres de l'Administration centrale, sur les projets qui seront ensuite discutés en présence du ministre de l'intérieur. (Article additionnel.)
Art. 4. Le premier ingénieur, les inspecteurs généraux et les ingénieurs en chef, auront voix aélibérative dans les assemblées des ponts et chaussées; les ingénieurs ordinaires n'auront que voix consultative. ( Article 3 du titre /er de la loi du 19 janvier 1791.)
TITRE VI.
De l'entretien des routes, des constructions de
routes neuves et de Vexécution des ouvrages
d'art.
(Ce titre VI n'est composé que d'articles additionnels.)
Art. 1er. Toutes (les routes à l'entretien seront divisées, à partir du chef-lieu de chaque dépar-
tement, en stations de mille toises de longueur et distinguées par ordre de.numéros.
Art. 2. L'entretien de chaque station, tant en cailloux qu'en gravier, sera mis en adjudication par-devant les directoires des districts respectifs et les marchés seront approuvés, s'il y a lieu, par les directoires de départements.
Art. 3. Les routes du premier ordre seront données à bail d'entretien de 9 ans; l'entretien des routes du second ordre sera adjugé pour 6 ans, et les routes du troisième ordre seront mises à l'entretien pour 3 ans seulement.
Art. 4. L'entretien des parties les plus urgentes sera concerté entre le directoire de district et l'ingénieur ordinaire qui y est attaché. Il en sera de même delà confection des routes neuves.
Art. 5. Il sera fait, préalablement, par l'ingénieur ordinaire, des projets, devis et détails estimatifs des parties de routes neuves, approuvées par l'Administration centrale, et que l'état des tonds permettra d'entreprendre, tous les ans, dans chaque district.
Art. 6. L'état des indemnités de terrains sera réglé avec les propriétaires, au directoire du district, sur l'évaluation, au double, de l'estimation qui aura servi de base à la contribution foncière. Ces indemnités seront vérifiées et approuvées par le directoire du département, qui en ordonnera le payement à la caisse du district, sur le produit de la prestation pour les grandes routes.
Art. 7. Le montant de cette prestation, dans chaque district, y sera totalement employé, tant à l'entretien de ses routes qu'à l'ouverture de celles qui, sur la demande des départements, auront été approuvées par l'Administration centrale et ordonnées par le ministre.
Ï1 ne sera permis, sous aucun prétexte, aux corps administratifs, d'ordonner des revirements de fonds, de district à autre.
Art. 8. Les districts qui ne pourront pas suffire à l'entretien de leurs routes, obtiendront des secours plus abondants, lors de la distribution annuelle des fonds de charité, pour être appliqués à l'entretien des routes de second et de troisième ordre.
Art. 9. L'adjudicataire des stations de route sera chargé de tous les transports, fournitures, façons et emplois de matériaux nécessaires à l'entretien de chaque partie, suivant le profil qui en sera donné, sans être astreint à un cube nxe. L'entretien des terrasses aux accotements, et pour le curage des fossés, ainsi que les labours, échenillages et élagages des plantations, entreront dans les conditions du bail.
Art. 10. Les adjudications se passeront par-devant les directoires de district, dans le courant de janvier, et seront adressées au directoire du département pour être approuvées. La clause impérieuse, pour l'entrepreneur, sera d'avoir, sur chaque station, un cantonnier fixe, indépendamment des manouvriers ordinaires, pour maintenir la route en bon état.
Art. 11. L'adjudicataire sera payé du prix de son bail, tous les ans, et par tiers. La vérification de son entretien se fera dans les mois d'avril, septembre et novembre, par l'ingénieur ordinaire, assisté d'un commissaire choisi dans le directoire de district. Ce procès-verbal de situation de cet entretien sera signé par lesdits ingénieur et commissaire, et envoyé au directoire de département.
Art. 12. Au vu des procès-verbaux de situation d'entretien, et sur l'avis des directoires de districts, le directoire de département délivrera,
sur les receveurs de district, des mandats "de payement aux adjudicataires, pour un tiers du prix de l'entretien annuel, lorsqu'ils auront rempli les conditions de leur bail, ét cependant ces adjudicataires seront toujours en avance dé 4 mois d'entretien, pour sûreté de l'exécution de leur marché.
Art. 13. Lorsque les procès-verbaux de situation d'entretien annonceront quelque négligence de la part des adjudicataires, leur payement demeurera suspendu, et les directoires ae district placeront des ateliers ambulants sur les parties de route négligées, pour y faire les réparations nécessaires, aux frais des adjudicataires, et en déduction du montant de leurs marchés.
Art. 14. Lorsque les stations seront en pavé, il sera fait de même dès baux d'entretien, pour la, quantité de relevés à bout jugés nécessaires, et pour l'entretien ordinaire des pavés. Les terrains d'accotements, les curages des fossés et l'entretien des plantations seront également compris au bail.
Art. 15. Il sera employé pendant 8 mois de l'année, aux appointements de 60 livres par mois, un conducteur pour 20 ou 24 stations, ses fonctions seront de surveiller les ouvriers dès adjudicataires, de conduire les atéliers ambulants, et de rendre compte, tous les mois, à l'ingénieur ordinaire, du résultat de l'entretien.
Art. 16. Il y aura, eii outre, dans chaque district, un conducteur principal, pour seconder l'ingénieur ordinaire, ses appointements seront de 1,000 livres par an.
Art. 17. Les salaires de ces conducteurs seront prélevés sur les fonds de la prestation des routes.
Art.'48. L'emploi, les changements ou suppressions de cés divers employés auront lieu sur la demande motivée de l'ingénieur ordinaire, et approuvée par les directoires de district, et seront ordonnés parle directoire de département, ' après avoir entendu l'ingénieur en chef.
Art. 19. L'état de dépense des entretiens de route sera dressé à la hn de l'année par l'ingénieur ordinaire, certifié par le directoire de département : ce compte détaillé devra correspondre avec le montant des mandats de payement sur le receveur de district, qui auront été délivrés, ou qui restent à délivrer par le directoire de département.
Art. 20. Les travaux qui s'exécuteront sur les fonds de secours publics, par ateliers de charité, seront concertés entre les directoires de districts et l'ingénieur ordinaire, et approuvés par le directoire de département, après que l'ingénièur en chef aura été entendu.
Art. 21. Il sera rendu compte de l'emploi des fonds de secours publics, par des rôles journaliers de conducteurs d'ateliers de charité, certifiés par l'ingénieur ordinaire, visés par les directoires de district, vérifiés par l'ingénieur en chef, et dont les payements seront ordonnés par le directoire de département, sur les receveurs de district.
Les salaires des conducteurs desdits ateliers Beront prélevés sur les fonds de charité.
Art. 22. Tous les ouvrages d'art seront, préalablement à leur exécution, détaillés par des plans, des nivellements, des états d'indemnité, des devis et estimations de l'ingénieur ordinaire, signés par l'ingénieur en chef, approuvés par l'Administration centrale et ordonnés par le ministre de l'intérieur.
Art. 23. Les fonds destinés aux ouvrages d'art
seront faits entre les mains des receveurs de district. Les adjudications d'ouvrages d'art se passeront par devant les directoires de district, et seront approuvées par le directoire de département.
Art. 24. Il y aura un commis attaché à chacune de ces constructions avec appointements de 800 livres par an, payés sur les fonds affectés à ces travaux. Il tiendra les rôles journaliers des ouvrages qui seront faits par économie, tels que les épuisements et autres manœuvres accessoires, dont la dépense ne peut être strictement déterminée.
Ces rôles exigeront les mêmes formalités qu'à l'article 21 ci-dessus, pour devenir pièces Comptables.
Art. 25. Il sera dressé, à la fin de chaque mois, parles ingénieurs des ponts et,chaussées, spécialement attachés aux grands ponts, aux canaux et aux ports de commerce, un état de situation dès ouvrages d'art exécutés par les divers entrepreneurs. Cet état sèra visé par les directoires de district et adressé au directoire de département qui en ordonnera le payement sur les receveurs de districts...
Art. 26. Les entrepreneurs d'ouvrages d'art seront toujours en avance d'un cinquième de leur adjudication. >
Art. 27. La réception finale des adjudications d'ouvrages d'art sera faite par les ingénieurs des ponts et chaussées qui en ont la direction, assistés d'un ou plusieurs commissaires, membres du district d arrondissement, qui signeront le procès-verbal de réception. Cette pièce comptable sera revêtue du visa du directoire du district, et adressée au directoire de département, qui ordonnera le parfait payement des entrepreneurs sur la caisse du district, s'il y a lieu.
Art. 28. Les directoires de département adresseront à la fin de chaque année, au ministre de l'intérieur, l'état général de la comptabilité et à l'appui des copies collationnées de toutes les pièces justificatives, le dépôt des pièces originales demeurera au secrétariat du département.
Art. 29. Il sera rédigé, par l'Administration Centrale des ponts et chaussées, et d'après les bases du présent décret, un projet d'instruction générale et détaillée, concernant lés projets, les adjudications, la surveillance et la comptabilité des travaux de différentes espèces, qui déterminera les fonctions respectives des administrateurs, des ingénieurs, des receveurs de district, et les devoirs des entrepreneurs, des sommis et conducteurs des ponts et chaussées, r Ce projet sera soumis à l'examen du comité d'agriculture pour être, sur son rapport fait à l'Assemblée nationale, statué par elle ce qu'il appartiendra.
TITRE VII.
Des pensions de retraite aux ingénieurs de tout grade.
(Le titre VII n'est composé que d'articles additionnels.)
Art. 1er. Tout ingénieur des ponts et chaussées, qui aura 50 ans de services, à
dater de son admission à l'école, en qualité d'élève, conservera pour pension de retraite la
totalité de ses appointements du dernier grade, s'il l'a exercé pendant 2 ans.
Art. 2. Les ingénieurs, que des infirmités bien constatées, ou des accidents obligeront à quitter leur service, auront droit à une pension qui ne pourra être moindre du quart des appointements ae leur grade actuel.
Art. 3. Les droits à une pension de retraite, hors le cas de l'article précédent, ne s'établiront qu'après 20 ans révolus de services, à dater de l'entrée à l'école, en qualité d'élève.
Art. 4. A 20 ans de service, l'ingénieur obtiendra, pour pension de retraite, le quart, à 25 ans le tiers, à 30 ans la moitié, à 35 ans les deux tiers, à 40 ans, les trois quarts des appointements du dernier grade qu'il aura exercé pendant 2 ans.
Art. 5. Les accidents graves, qui résulteront du service, seront comptés pour 10 ans de service additionnel, et la pension sera fixée dans les proportions établies aux articles 1 et 4 du présent titre.
Art. 6. Les veuves d'ingénieurs des ponts et chaussées obtiendront 600 livres de pension, en iustifiant d'un certificat de pauvreté, délivré par la municipalité de leur résidence, visé par le-directoire du district, et approuvé par le directoire du département.
Art. 7. Cette pension sera augmentée d'un se* cours annuel de 100 livres, pour chaque enfant desdites veuves jusqu'à ce qu'ils soient parvenus à l'âge de 18 ans, que ce secours cesserai
Art. 8. Le présent décret sera porté, dans le jour, à la sanction du roi.
Modèle de brevet d'ingénieur des ponts 'et chaussées de tous grades.
Louis, par la grâce de Dieu et par la loi constitutionnelle de l'Etat, roi des Français, à tous présents et. à venir, salut :
Ce jourd'hui.... l'an.... de la liberté, nous étant fait rendre compte par notre ministre au département de l'intérieur, en notre conseil, tenu au château des Tuileries, de la capacité (si c'est un élève), des bons services (si c'est un ingénieur) du sieur (les noms patronymiques et de famille et la qualité), nous l'avons, par le présent
brevet, nommé èt nommons au grade de.....*
...........des ponts et chaussées, à la résidence de—.... au département dé........ i .
pour en exercer les fonctions, sous l'autorité des pouvoirs constitués et conformément aux décrets de l'Assemblée nationale, qui auront été ou qui seront par Nous, sanctionnés.
Signé : LOUIS.
Contresigné : Le ministre de l'intérieur»
Tableau.
TABLEAU GÉNÉRAL
DES INGENIEURS DES PONTS ET CHAUSSEES, DE TOUS GRADES.
o es •a S s 83
6 1 8 9
10
11
12
13
14
15
16 n 18
19
20
NOMS
DES DÉPARTEMENTS.
CHEFS-LIEUX de départements et résidences des ingénieurs en chef.
NOMBRE de
DISTRICTS.
NOMBRE des
INGÉNIEURS ORDINAIRES.
Nécessaires. Actuels.
LIEUX de résidence des ingénieurs ordinaires.
En résidence à Paris :
1 premier ingénieur des ponts et chaussées..........
8 inspecteurs généraux des ponts et chaussées.......
l ingénieur en chef directeur de l'école..............
1 ingénieur ordinaire, directeur en second de l'école.
En résidence dans les chefs-lieux de départements et de districts :
1 Ain.
Aisne.
Allier.
Alpes (Hautes-).
Alpes (Basses-).
Ardèche........
Ardennes.......
Ariége..........
Aube...........
Aude.
Aveyron..........
Bouches-du-Rhône.
Calvados
Cantal.
Charente.
Charente-Inférieure
Cher... Corrèze.
Corse.
Côte-d'Or.
Bourg-en-Bresse..
Laon,
Moulins,
Gap.....
Digne. .. Privas... Mézières.
Foix.....
Troyes ..
Carcassonne.
Rodez.......
Aix..........
Caen........
Saint-Flour.. Angoulème.. Saintes......
Bourges. Tulle...,
Bastia.
Dijon.
Nantua... Chàtillon. Belley____
Soissons. Guise ...
i
Cusset......
Montmarant. Cerilly......
Embrun. Serre....
Barcelonnette. Forcalquier...
Aubenas.
Rethel. Sedan.
Tarascon.
Li \ La
Limoux.... La Grasse.
Villefranche. Saint-Geniez.
Tarascon. Apt......
Bayeux. Lisieux.
Murât... Aurillac.
Confolens.. Barbezieux
Pons.....
Rochefort.
Sancerre. Vierzon..
( Uz( Bri
Uzerche. Rrive....
Ajaccio...
Corte.....
Cervione.
NOMBRE total des ingénieurs nécessaires de
tous grades
4 compris l'ingénieur en chef.
Arcis-sur-Aube. ... i Bar-sur-Seine....
St-Jean-de-Losne... j Châtillon-sur-Seine. ( Semur-en-Auxois... )
ES
o ec •a S s z
21
22
23
24
25
26
27
28
29
30
31
32
33
34
35
36
37
38
39
40
41
42
43
44
45
NOMS
DES DÉPARTEMENTS.
Gôtes-du-Nord.
Creuse.
Dordogne.
Doubs.
Drôme.
Eure.......
Eure-et-Loir.
Finistère,
Gard.
Gers
Gironde.
Hérault,
IlIe-et-Vilaine.
Indre.
Indre-et-Loire.
Isère.
Jura.
Landes.
Garonne (Haute-)..
Loir-et-Cher .... Loire (Haute-)...
Loire-Inférieure...
Loiret.
Lot.
Lot-et-Garonne.
CHEFS-LIEUX de départements et résidences des ingénieurs en chef.
Saint-Brieuc.
Guéret.
Périgueux.
Besancon.
Valence.
Evreux.. Chartres.
Quimper.
Nîmes.
Toulouse.
Au ch.
Bordeaux.
Montpellier.
Rennes.
Châteauroux
Tours
Grenoble.
Lons-le-Saunier
Mont-de-Marsan.
Blois... Le Puy.
Nantis..
Orléans.
Gahors,
Agen.
nombre
ifrde
DISTRICTS.
Nécessaires.
NOMBRE des
INGÉNIEURS ORDINAIRES.
Actuels.
LIEUX de résidences des ingénieurs ordinaires.
Broons
Rosternen..
Guingamp.
NOMBRE total des ingénieurs nécessaires de
tous grades.
Bourganeuf. Boussac.. Felletin____
Bergerac. Excideuil Sarlat____
j Ornans..............
| Baume-les-Dames.. )
| Romans., | Nyons..,
Louviers Bernay..,
Châteauneuf. | Châteaudun .
Carhaix .... Châteaulin . Landerneau.
Mirande. Condom.
Bazas Libourne. Bourg....
Lodève.-Béziers.
Bain.. Vitré. Dol...
Châtillon. Argenton.
Langeais. Amboise.. Loche.
i Vienne..........
j Saint-Marcellin,
Orgelet. Poligny.
Dax.........
Saint-Sever.
Vendôme... Romorantin.
Brioude.
Paimbeuf......
Blain.....
Châteaubriant.
/ Gien ..... } Pithiviers . ( Beaugency
1 Figeac. ( Monts I
;iuban
Nérac.....
Villeneuve Marmaade.
Uzès..............
Beaucaire____
Saint-Hippolyte...
Bieux.........
Saint-Gaudens. Grenade.......
46
47
48
49
50
51
52
53
54
55 56, 51
58
59
60
61
NOMS
DES DEPARTEMENTS.
Lozère,
Maine-et-Loire.
Manche.
Mayenne
Meurthe.
Meuse.
Morbihan.
Moselle.
Nièvre
Nord.
Oise .
Orne. Paris.
Pas-de-Calais
62 Puy-de-Dôme.
63
64'
65
66
61 68 69
Pyrénées (Hautes-)
Pyrénées (Basses-). Pyrénées-Orientales
CHEFS-LIEUX de départements et résidences des ingénieurs en chef.
Mende.
Angers.
Marne.............
Marne (Haute-)....
Coutances.
Châlons-sur-Marne Chaumont......
Laval.
Nancy.
Bar-le-Duc.
Vannes.
Metz
Nevers,
Douai.
Beau vais.
Alençon. Paris....
Arras ...
Clermont-Ferrand.
Tarbes. Pau....
Rhin (Haut-)..... Rhin (Bas-)......
JRhône-et-Loire. ...
Saône (Haute-)...
70 j Saône-et
i-et-Loîjre
Perpignan. Celmar....
Strasbourg.
Lyon.......
Vesoul.....
Maçon.
NOMBRE de
DISTRICTS.
NOMBRE des
INGÉNIEURS ORDINAIRES.
Nécessaires.! Actuels.
LIEUX de résidence des ingénieurs ordinaires.
NOMBRE total des ingénieurs nécessaires de
tous grades.
Florac......
Marvejols... Saint-Chely.
Saumur......
Châteauneuf., Saint-Florent,
Avranches. Saint-Lô... Valognes..
1 qui rempl. 1 députe.
Reims. Vitry..
Joinville. Langres.
I
Ernée...........
Mayenne........
Château-Gontier,
1
Toul.....
Lunéville Dieuze...
Verdun Commercy. Stenay
Hennebont. Josselin... Rochefort.
Thionville.........
Boullay............
Sarreguemines
Clamecy... Decize La Charité
Lille.........
Valenciennes, Avesnes......
Breteuil.. Clermont. Senlis.,..
Mortagne. Argentan.
Paris.
Saint-Omer. Bapaume... Saint-Pol. ..
Issoire. Thiers.. Riom...
Bagnères... Vic-Bigorre.
Oléron......
Saint-Palais.
Prades , Belfort.
Benfeld..., Haguenau,
I Villefranche. ( Montbrizon..
Gray... Luxeuil
i •
( Châlons...........)
j Charolles..........>
( Autun...... ...... J
2 2
3
3
c« O ce fà S NOMS CHEFS-LIEUX de départements et résidences des ingénieurs en chef. NOMBRE de NOMBRE des INGÉNIEURS ORDINAIRES. LIEUX de résidence des ingénieurs NOMBRE total des ingénieurs nécessaires
s SB DES DÉPARTEMENTS. DISTRICTS. Nécessaires. Actuels. ordinaires. de tous grades.
71 Sarthe............. Le Mans........ g 3 2 ( La Flèche......... La Ferté-Bernard.. 4
[ Fresnay-le-Vicomte.
72 Seine-et-Oise.. . . g 3 3 4
Saint-Germain..... r Neuchâtel......... 1
73 Seine-Inférieure... 7 3 10 ' 4
Cany.............. lfe"7« •"* 88 i»
74 Seine-et-Marne.... s 2 "fii
3
75 Sèvres (Deux-).. . Niort.............. l \ Saint-Maixent...... 1
6 2 3 3
Somme............ r. .,
76 5 2 6 3
77 Tarn.............. Albi............... n fr. - ,i!
5 2 5 „ 3
78 Var............... 9 3 2 Grasse............ m
79 Fontenay-le-Comte. g 2 1 3
3
80 Vienne............ 6 2 1
Mont morillon......
81 Vienne (Haute-).... 6 2 2 Saint-Léonard.....
Bellac.............
82 Vosges............ Épinal............. Neuf château....... 1
9 3 2
Remiremont.......j
83 Yonne............. Auxerré........... 1 i
7 3 5 1
Saint-Fargeau______
En résidence aux grands ateliers de ponts, de canaux et de ports de commerce :
12 ingénieurs en chef.........
24 ingénieurs ordir naires.... .
Total général. 544 202 261 Y compris ceux des ports de commerce. 332
Séance du
PRÉSIDENCE DE M. FRANÇAIS (DE NANTES).
La séance est ouverte à dix heures du matin. Un de MM. les secrétaires annonce les dons patriotiques suivants : 1° Un inconnu envoie 30 livres, en espèces ;
2° Le directoire du département de la Loire-Inférieure envoie l'extrait du procès-verbal de sa séance du 1er juin 1792, qui constate la remise qu'il a faite de diverses sommes qu'il avait reçues, savoir :
Des sieurs Masson, Bellefontaine et Fleuri en assignats, 110 livres; du sieur Vaudeux 10 livres; et une souscription de plusieurs citoyens, sans mentionner son montant;
3° Le premier bataillon des volontaires gardes nationaux des Hautes-Pyrénées offre, par lettre du 27 mai 1792, un jour de leur salaire, tous les mois, pendant la durée de la guerre.
. J'offre, au nom des amis de la Constitution de la Rochelle :
En assignats.................. 1680 1. 6 s.
En espèces.................... 498
Au nom des citoyens de la Rochelle :
En assignats.................. 1216
En espèces................— 115 10
Produit d'une représentation de comédie, jouée par de jeunes citoyens, en assignats........... 264 10
Total... 37731.26s.
Payé, pour port, en argent. 6 » En assignats....... 30 »
Reste... 3737 1.26s.
Ces citoyens régrettent que les malheurs de Saint-Domingue, qui affligent leur ville, aient réduit leur offrande à une somme si peu proportionnée à leur patriotisme ; mais il leur reste leur sang qu'ils sacrifient tout entier à la défense de la liberté.
*. Les amis de la Constitution de Sarrebourg, département de la Meurthe, y compris le curé, deux iugés du tribunal et le secrétaire du district, mont chargé d'offrir à la patrie, pour subvenir aux frais de la guerre, la somme ae 1184 1. lï s. tant èn espèces, en argenterie qu'en assignats réalisés entre les mains au receveur du district, au contenu de son récépissé à valoir pour comptant au bas de l'état nominatif des souscriptions que je dépose sur le bureau.
Cette somme est l'offrande empressée de la classe la moins fortunée des citoyens, dans iftie ville de peu d'étendue. La souscription restera ouverte et les amis de la Constitution m'annoncent des produits plus abondants, par la réunion infaillible des tributs libres et volontaires de la classe aisée et des fonctionnaires salariés par la nation.
Je demande la mention honorable, ainsi que l'envoi de l'extrait du procès-verbal.
(L'Assemblée accepte ces offrandes avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal dont un extrait sera remis à ceux des donateurs qui se sont fait connaître.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres et adresses suivantes :
1° Lettre du directoire du département de la Marne, par laquelle il demande des articles additionnels à la loi du 30 mars 1792, concernant les biens des émigrés.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de l'ordinaire des finances.)
2° Lettre des administrateurs composant le directoire du département du Nord, par laquelle ils annoncent que les armées du Nord ont épuisé les grains nécessaires à la subsistance des citoyens.
(L'Assemblée renvoie cette lettre aux; comités de commerce et de l'extraordinaire des finances réunis.)
observe que les armées qui étaient campées dans le département du Nord étaient suffisamment approvisionnées, mais comme elles attiraient nécessairement un plus grand nombre de consommateurs, que le pays produisait peu de grains et que les magasins militaires avaient
dégarni les marchés publics, qu'il était indispensable que le Pouvoir exécutif rende compte, sans délai, des mesures particulières qu'il doit prendre pour assurer une subsistance suffisante au peuple de ce département et des autres département où se trouvent nos armées. En conséquence, il a demandé que l'Assemblée nationale décrète que le ministre de l'intérieur rendra compte des demandes à lui faites par le directoire du département du Nord, relativement aux subsistances, et qu'elle décrète, en outre, que son comité de commerce lui présentera les moyens d'assurer les subsistances dans les départements frontières où sont situées les armées.
(L'Assemblée décrète ces deux propositions.)
3° Adresse des citoyens et- des amis de la Constitution de la ville de Montbron, département de la Charente; cette adresse est ainsi conçue:
« Législateurs,
« La petite ville de Montbron forme une compagnie de citoyens-soldats ardents à défendre la Constitution ; ils sont dans le 1er bataillon de la Charente pour faire mordre la poussière à nos ennemis... Aujourd'hui ces citoyens vous demandent de daigner accepter en offrande le peu de numéraire qu'ils font déposer sur l'autel de la patrie pour le succès de nos armes; il consiste en une somme de 5001. 13. s. en pièces d'or èt d'argent et 25 livres en assignats.
« Ils n'ont pu faire davantage, parce qu'ils sont pauvres; mais ils sont toujours assez riches de l'amour de la patrie, qu'ils regardent comme leur souverain bien.
« La liberté, l'égalité, point des deux Chambres, voilà leur devise. »
Cette adresse est revêtue de 24 signatures. Il y est joint un récépissé du receveur du district d'Angoulème de 500 !.. 13 s. en argent, et de 25 livres en assignats.
(L'Assemblée accepte cette offrande avec les plus vifs applaudissements et en décrète, ainsi que pour l'adresse, la mention honorable et l'insertion au procès-verbal dont un extrait sera remis aux donateurs.)
4° Lettre de la municipalité de Thionville, qui fait parvenir une adresse envoyée à l'Assemblée par tous les officiers et soldats qui défendent l'extrême frontière des départements de la Moselle, dans laquelle ils remercient l'Assemblée du décret sur les officiers déserteurs et demandent à être payés en argent et sur le pied de guerre.
, au nom du comité militaire, présente un projet de décret (1) tendant à organiser définitivement les deux compagnies de gendarmerie nationale, destinées à faire le service des tribunaux et des prisons de Paris, et dont le complet a été décrété le 7 avril dernier ; ce projet de décret est ainsi conçu :
« L'Assemblé nationale, après avoir entendu le rapport de son comité militaire, considérant
qu'il est de la plus grande nécessité d'organiser définitivement les deuvcompagnies de
gendarmerie nationale faisant 76 service des tribunaux et des prisons, qui ne peuvent plus
suffire au service pénible dont elles sont chargées, décrète qu'il y a urgence.
Art. Ier.
« Le département de Paris demeure autorisé à choisir dans les ci-devant corps de gardes des ports et de la ville, le nombre de 158 hommes, pour porter au complet, décrété le 7 avril dernier, les 2 compagnies de gendarmerie nationale, faisant le service près les tribunaux et les prisons.
Art. 2,
« Pourront être admis, pour compléter les deux susdites compagnies de gendarmerie, tous gardes des ports et de la ville qui étaient en activité avant l'époque de leur suppression, et qui auront la taille de 5 pieds 3 pouces au moins, dérogeant, quant à cela, et pour cette fois seulement, à la loi du 16 février 1791.
Art. 3.
« Nul ne pourra être admis au-dessus de l'âge de 45 ans, ni être choisi qu'il ne sache lire et écrire, et ne se conforme au mode d'habillement et équipement décrété par l'article 5 du titre IV de la loi du 16 février 1791. »
(L'Assemblée adopte le décret d'urgence, puis le décret définitif.)
Un membre, au nom du comité de législation, donne lecture de la rédaction de l'acte d'accusation contre le sieur Alexandre Vigier, ancien garde du corps et habitant la ville de Castres, département au Tarn ; cet acte est ainsi conçu (î) :
Acte d'accusation contre le sieur Alexandre Vigier, ancien garde du corps, et habitant de la ville de Castres, département du Tarn.
« IJne correspondance aussi active que criminelle avec divers Français émigrés et conspirateurs, des recrutements, des complots qui avaient pour objet d'augmenter le nombre des ennemis extérieurs ou intérieurs de notre Constitution, le mépris des lois, et de coupables efiforts-pour faire éclore un germe de contre-révolution dans le département dû Tarn, et notamment dans la ville de Castres et lieux circonvoisins, ont fixé l'attention de l'Assemblée nationale, qui, sur la dénonciation des administrateurs du directoire du département du Tarn, du district et de la municipalité de Castres, réunis, la lecture des pièces énonciatives des faits ci-dessus et le rapport fait par son comité de surveillance, a décrété, le mercredi 6 de ce mois, qu'il y avait lieu à accusation contre Alexandre Vigier, ancien garde du corps et citoyen de la ville dé Castres, comme prévenu d'avoir attenté à la sûreté générale de l'Etat.
« En conséquence, l'Assemblée nationale accuse, par le présent acte, devant la haute cour
nationale, Alexandre Vigier, ancien garde du corps et citoyen delà ville de Castres, comme
prévenu de conspiration et d'attentat contre la Constitution et la sûreté publique. »
(L'Assemblée adopte cette rédaction.) Un membre donne lecture d'une délibération
(L'Assemblée 'renvoie cette délibération au comité militaire.)
(Seine-Inférieure), au nom du comité de fordinaire des finances, fait la seconde lecture (1) d'unprojet de décret sur la cotisation des maisons situées hors des villes, habitées par leurs propriétaires ; ce projet de décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de l'ordinaire des finances, considérant : 1° qu'au terme de l'article lor du titreIer de la loi du 1er décembre 1790, la contribution foncière doit être répartie par égalité proportionnelle sur toutes leurs propriétés foncières à raison de leur revenu net, et qu'il ne peut être établi d'exceptions que celles déterminées pour les intérêts de l'agriculture ; que les dispositions de l'article 11 du titre II de la même loi, relative aux maisons situées hors des villes, lorsqu'elles seront habitées par leurs propriétaires, et sans valeur locative; s'éloignent du principe général, et qu'il n'existe point de motifs suffisants pour admettre l'exception / que cet article établit en faveur de ces habitations ;
« Considérant encore qu'il ne peut y avoir de maisons, qui, lorsqu'elles sont logeables, puissent être réellement réputées sans valeur locative ;
« L'Assemblée nationale décrète qu'il sera procédé, pour l'année 1792, à l'évaluation et cotisation des maisons situées hors des villes, et habitées par leurs propriétaires, ainsi qu'il est statué par les articles 5 et 10 dutitre II de la loi du 1er décembre 1790. En conséquence, l'Assemblée nationale abroge les dispositions contenues en l'article 11 dudit titre, relatives auxdites maisons. »
(L'Assemblée ajourne la troisième lecture à huitaine.)
Une députation des citoyens de la section de la Croix-Rouge est admise à la barre,
L'orateur de la députation donne lecture de l'adresse suivante (2) :
« Messieurs, ,
« Le langage austère de la vérité a pu déplaire à l'oreille susceptible d'un roi. Vous, dépositaires de la souveraineté nationale, vous vous êtes montrés dignes de l'entendre, la vérité, nous allons vous la dire avec courage.
« Depuis 4 ans entiers, le peuple français est dans la lutte la plus pénible, au milieu des trames, des conspirations, chaque jour renaissantes; et depuis 4 ans entiers ces trames, ces conspirations, paraissent dirigées, secondées, enhardies par tous les êtres qui environnent le pouvoir exécutif. Quel est donc le génie malfaisant qui dirige Louis XVI. Le peuple a fait tout pour lui. Oubliant tous ses parjures, il l'a replacé sur le trône, sur le trône le plus glorieux; il lui a prodigué les millions, ne voulant le vaincre que par l'or, la générosité, le pardon, la clémence.
« Cependant, vous rendez des" décrets salu-
« Vous licenciez, naguère, une garde au-dacieusement criminelle, qui, dans son fol orgueil, se flattait déjà d'exterminer bientôt toute la nation ; par une proclamation solennelle, il lui fait des remerciements.
« Des ministres vertueux, patriotes, dirigent avec habileté, au milieu des écueils, dans la mer la plus orageuse, le vaisseau de l'Etat vers le port ; il les renvoie.
« Législateurs, quand sera donc la fin de nos maux? C'est à vous d'y mettre un terme. Elevez-vous, il en est temps, à la hauteur de vos périls; reportez par de grandes mesures, dans l'âme de tous les conspirateurs, la terreur dont ils ont cru les nôtres susceptibles.
« Vous êtes environnés de l'estime, de la force, de l'amour de tous les Français. Bientôt, bientôt de toutes les parties de l'Empire, vous allez entendre résonner sous les voûtes de votre enceinte, la voix terrible de cette masse imposante de tous les Français, qui ont juré la Constitution : ils tiendront leurs serments, eux, n'en doutez pas ; ils vont apprendre à tous ces calculateurs hébétés, qui croient à la possibilité d'une modification, que c'est sur les cadavres de tous les Français libres que l'on peut transiger et que le dernier des Français pourrait encore seul les faire tous reculer.
« Nous, citoyens de la Croix-Rouge, pétitionnaires soussignés, nous demandons que parmi les mesures que la loi suprême du salut de l'Empire va vous dicter, vous décrétiez la permanence active des sections de cette ville.
« Responsables vis-à-vis des autres départements ae votre existence précieuse, mettez-vous donc à même de remplir les devoirs et obligations de cette importante responsabilité! C'est dans ces temples ae la liberté que s'entretiendra sans interruption le feu sacré du patriotisme: c'est là qu'en tout temps, à toute heure, seront prêts, armés, debout, vos défenséurs intrépides, dont l'attitude, le regard seul fait rentrer dans la poussière tous vos vils et méprisables ennemis. r>
(De fréquents applaudissements ont interrompu la lecture de cette adresse.)
félicite les pétitionnaires sur l'énergie de leurs sentiments, et leur accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée ordonne la mention honorable de l'adresse, son impression et le renvoi aux comités de législation et de surveillance réunis.)
. Je convertis en motion cette pétition. Jamais, en aussi peu de mots, on ne vous a dit de plus grandes vérités. Il ne faut pas nous le dissimuler, une grande lutte s'est élevée entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif. Il est temps de savoir s'ils doivent être d'accord, ou si l'un doit étouffer l'autre. Je demande qu'il soit formé un comité chargé d'indiquer les mesures qu'il convient de prendre dans les circonstances critiques où la Francô se trouve, et d'en faire incessamment son rapport.
Un membre : Je propose de décréter sur-le-champ la permanence des sections et je fais également la motion de décréter aussi la permanence des séances de l'Assemblée, (Murmures prolongés.)
. Déjà plusieurs pétitions vous ont été présentées pour demander
la permanence des sections : vous les avez renvoyées au comité de législation. Je crois que celle-ci doit y être renvoyée aussi pour vous présenter un rapport sur le fond. Mais je dois dire que l'on remarque, avec la plus grande peine, l'inaction de ce comité. On lui avait renvoyé les objets les plus importants et il ne fait aucun rapport.
. Nous ne pouvons plus nous dissimuler les dangers qui nous énvironnent. Jamais l'Etat n'eut une marche plus rapide vers sa désorganisation. Jamais la France ne s'est trouvée dans une crise aussi violente et n'a couru autant de dangers. Il est évident que la Constitution n'est pas appliquée, que le pouvoir exécutif se désorganise ae lui-même. Il est temps que ce temps d'inquiétude et d'incertitude çeSse, il faut que l'Assemblée nationale trouve un moyen de sauver la France ou qu'elle périsse avec elle. Je demande qu'on nomme une nouvelle commission, composée de 12 de ses membres, laquelle sera chargée de lui présenter dans 4 jours, après avoir examiné en général la situation actuelle de l'Empire, le tableau des maux qui désolent la patrie, de leur cause, et des mesures propres à dissiper l'orage qui se forme. (Applaudissements.) Dans le cas où l'Assemblée se refuserait à nommer une nouvelle commission, je propose que la commission des Douze soit chargée ae cet objet.
Un membre : Je ne viens pas pour combattre la proposition, mais je dois justifier votre comité de législation. (Murmures à gauche.) Vous avez renvoyé au comité de législation plusieurs demandes de cette nature; hier, avant-hier, aujourd'hui encore, votre comité de législation a envoyé aux procès-verbaux pour avoir les pétitions, sans pouvoir se les procurer. Je demande que l'Assemblée décide comment les pétitions lui seront remises.
. Ce n'est pas l'Assemblée seule qui se plaint du comité de législation, c'est la France entière. Je demande que le comité de législation, qui a intérêt à se justifier, fasse, dans 4 jours, un inventaire des affaires qu'il vous a rapportées, et de celles qu'il a à rapporter. C'est alors que vous verrez, Messieurs, combien les affaires sont reculées dans ce comité.
Plusieurs membres : L'ordre du jour!
. La commission des Douze est déjà surchargée de travail et ne pourrait peut-être pas remplir les intentions de M. Marant. D'ailleurs, Messieurs, d'après la proposition de M. Marant, il ne s'agit pas seulement d'examiner les troubles intérieurs qui ont eu lieu, -mais il s'agit d'examiner en grand la situation de la France, tant par rapport à l'intérieur que par rapport à notre état vis-à-vis des puissances étrangères, que par rapport à notre état vis-à-vis du pouvoir exécutif, qui dans ce moment est désorganisé. • '
Je ne sais pas,Messieurs, s'il n'y a pas quelque tactique pour désorganiser le ministère, afin que n'ayant plus de responsabilité, l'Assemblée nationale, quoique jouée, ne sût plus à qui s'en prendre pour exercer cétte responsabilité. Je ne sais pas dans quel but cette espèce d'abandon général du gouvernement; j'ignore quels sont les motifs qui dirigent ceux qui font et défont les ministres, lôrsqu'ils paraissaient faire l'espoir de la France et parce qu'ils ont manifesté des opinions qui ne convenaient point au conseil et aux membres qui l'influent.
Mais quoi qu'il en soit, nous ne pouvons pas nous dissimuler (JUe, pour le moment, et dans les détails et dans l'ensemble, la France est dans un état où elle ne s'est point trouvée pendant l'Assemblée constituante. Nous ne pouvons pas nous dissimuler qu'il n'y a point de gouvernement. On entend crier chaque jour qu'il faut lui donner de la force : eh bien I c'est ce que nous voulons. Mais on veut nous désorganiser, il semble qu'on ait le dessein de porter l'Assemblée nationale à des mesures extrêmes et à des violences qui ne sont pas dans ses intentions. Il me semble qu'on veuille faire violer la Constitution par ceux que le peuple a principalement appelés a la défendre.
Eh bien! Messieurs, il ne faut cependant pas les prendre, cés mesures violentes, ni violer la Constitution. Mais il faut que la France connaisse l'état où nous sommes, les pièges qu'on nous tend, les embûches où on nous entraîne. Il faut que le peuple français manifeste sa volonté sur le sort de la France. (Applaudissements dans les tribunes.) Gomme nos pouvoirs sont bornés par la Constitution, il faut qu'il connaisse sa situation, qu'il connaisse les mesures qu'il lui convient de prendre, en un mot qu'il prononce. (Murmures prolongés à droite.)
Plusieurs membres : Mais, c'est vouloir faire un appel au peuplé.
. Ainsi, Messieurs, j'appuie de toutes mes forces la proposition qui vous a été faite. Je demandé que la commission que vous Choisirez, soit chargée de présenter une adresse au peuple français sur l'état actuel de la France ét que le peuple voie l'état où il est, l'état où sont ses représentants, qu'il prononce et qu'il manifeste sa volonté. (Applaudissements dans les tribunes). Faut-il donc attendre qu'on vous assassine conStitutionnellement ?
. Je ne dis pas qu'il faut que l'Assemblée nationale porte rappel au peuple, mais je dis qu'il faut que l'Assemblée nationale connaisse l'ensemble de toutes les manoeuvres possibles dont on se sert pour désorganiser lé royaume, et qu'elle voie, par elle-même, s'il est possible d'y remédier ou s il faut qu'elle périsse.
. Sans doute M. Lasource n'a pas dans le cœur les expressions qu'il vient de prononcer, car s'il pèse avec'toute l'attention qu elle mérite la mesure qu'il propose, il verra un renversement prochain de la Constitution...
Plusieurs membres : Ah 1 ah !
D'autres membres: Oui, oui, vous l'ayez juré!
. Quiconque veut réfléchir aux événements qui se passent, doit entrevoir nettement dans les désordres de l'heure actuelle un cataclysme prochain, si l'on ne prenait pas une mesure prompte et vigoureuse. Nous sommes persécutes par beaucoup de factions...
Plusieurs membres: Oui, ce sont les Feuillants.
D'autres membres : 11 y a des factieux aux Jacobins Comme aux Feuillants.
Un certain nombre de membres (à droite et à gauche) : Cela est Vrai.
. Je ne m'oppose point du tout à ce que la pétition soit renvoyée au comité de législation ; je ne m'oppose point à ce qu'une commission quelconque soit chargée de sonder jusqu'à leur dernière profondeur les projets de tous les ennemis de la Constitution; j'espère que ceux qui composeront cette commission
verront quê ceux-là mômes qui se disent ses plus grands amis sont ses ennemis les plus funestes. Je demande donc la commission, mais je m'oppose de toutes mes forces aux autres parties de la motion de M. Lasource qui, j'en suis persuadé, n'ont pas été dans son cœur.
Quelques membres demandent le renvoi au comité des Douze.
représente- que cette commission ne serait pas suffisante et de* mande qu'il en soit nommé une particulière.,,
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il sera nommé, séance tenante, une commission de douze membres, pour examiner, sous tous les points de vue, l'état actuel de la France, en présenter le tableau sous huit jours ét proposer les moyens de sauver la Constitution, la liberté et l'Empire.)
Une députation des citoyens de là section du Théâtre-Français est admise à la barre.
M. Lebois, orateur de la députation, donne lecture de l'adresse suivante (1) :
« Législateurs,
« Le souvenir des libérateurs de la patrie ne doit jamais s'éteindre et la reconnaissance
publique doit honorer la vertu des héros. Pénétrée ? de ce juste sentiment, la section du
Théâtre-Français vient rappeler à votre pensée les premiers conquérants de la liberté, les
braves gardes françaises qui semblent aujourd'hui être ensevelis sous les lauriers qui les
couvrent. Ils furent les acteurs intrépides des beaux jours de la Révolution : à cé titré la
France entière leur devait des témoignages éclatants de la gratitude. La ville de Paris s'est
chargée' d'acquitter envers ces dignes guerriers la dette nationale : elle a adopté comme ses
enfants les gardes françaises, elle a formé avec eux des liens d'une fraternité indissoluble,
elle a voulu qu'ils fussent identifiés avec tous les citoyens soldats qui composent les
bataillons : et cependant ces liens d'une si sainte et si fraternelle union ont été brisés ;
cette phalange citoyenne est détruite ; Paris, cette courageuse cité, ne voitiplus dans son
sein les monuments de sa gloire, les Spartiàtes français qu'elle s'était affilies avec tant
d'allégresse. On dirait qu'ils sont morts au détroit des Thermopyles. Mais ils vivent encore
et leur existence semble accuser la nôtre de légèreté. Ah 1 lorsque des étrangers, attirés
par le bruit de leur renommée, viendront au milieu de nous pour voir les fiers vainqueurs de
la Bastille et nous demanderont, où sont-ils donc ces guerr riers triomphants ? Nous leur
répondrons avec douleur : ils sont devenus semblables à la forteresse qu'ils ont renversée ;
ils ne sont plus comme elle que des débris et des membres épars sur toute la France. Quel
triomphe pour nos ennemis ! Comment se fait-il qu'on laisse dans l'oubli les gardes
françaises, les sauveurs de la patrie ? Etait-ce là le prix réservé à leurs généreux services
? Où sont les promesses solennelles qui leur furent données par leurs concitoyens de ne
jamais les abandonner? Législateurs, nous venons vous les rappeler ces promesses sacrées. Le
vœu de la commune de Paris s'est manifesté assez hautement : elle a demandé d'une voix
« Législateurs, nous vous en prions donc avec insistance, épargnez-nous les reproches de la postérité ; prononcez le rappel de ces hardis soldats du 14 Juillet, dont la présence seule parmi nous sera une nouvelle victoirè.
. « P. ,5.;— En vous demandant la réunion des gaydes françaises avec nous, nous ne prétendons pas les vouer à l'inactivité et les rendre inutiles à la défense de l'Etat : nous espérons bien qu'aussitôt incorporés dans nos bataillons, ils voleront comme une légion formidable sur les frontières pour y faire de nouveaux actes de valeur et qu'ils reviendront après vivre triomphants parmi leurs frères de Paris.
c Signé : lebois, député de la section ; lohier, député de la section ; Fournier, Simon, Perois, Avay, Pillans, Boursin, Jarry. »
répond à la députation et lui accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée ordonne la mention honorable de l'adresse, son impression et le renvoi au comité militaire.)
Une députation des citoyens de la section de Bondy est admise à la barre.
Vorateur de la députation expose que les droits des citoyens sont inséparables de leurs devoirs ; que les premiers ont été reconnus par la Constitution, mais qu'il est temps que l'Assemblée nationale proclame solennellement les derniers. Il demande que nulles personnes ne puissent toucher ni rentes, ni salaires, ni être admises à aucune action en justice, qu'elles ne justifient : 1° du payement de leurs contributions; 2° de la prestation du serment civique; 3° d'une patente, si elles exercent une profession; 4° de l'exercice du service personnel dans la garde nationale; 5° et enfin, de son inscription sur la liste des jurés, si elles sont dans ce cas. Il félicite, en outre, l'Assemblée sur le décret qui ordonne la formation d'un nouveau corps de 20,000 hommes, et demande surtout que chaque citoyen soit tenu, sous des peines déterminées, de faire person-lellement son service de garde national.
répond à la députation et lui accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée décrète la mention honorable de l'adresse et le renvoi au comité militaire.) .
. Je convertis cette pétition en motion, je demande que l'on décrète le principe que les citoyens seront tenus de faire personnellement le service de la garde nationale, sauf les exceptions portées par la loi, et que l'on renvoie aux comités de législation et militaire pour lui présenter les conséquences du principe.
. J'appuie cette proposition, et je propose de décréter, dès à présent, que tous les citoyens, les infirmes et sexagénaires exceptés, seront tenus de faire en personne le service dans là garde nationale.
(L'Assemblée, après avoir décrété l'urgence, décrète, comme principe, que tout citoyen sera tenu de faire personnellement son service de garde national, sauf les exceptions établies par les lois, et décrète, en outre, que son comité militaire lui présentera le lendemain un projet de décret sur cet objet.)
Une députation de la section de la Halle-au-Blé est admise à la barre.
Vorateur de la députation donne lecture de l'adresse suivante (1) :
« Législateurs,
« Quelques individus, munis d'une pétition à laquelle la fraude et l'erreur avaient fait apposer des signatures, ont eu l'imprudence de venir devant vous parler au nom des citoyens de Paris. Ils ont osé s'élever contre votre décret relatif à la formation d'un camp de 20,000 gardes nationaux, pris dans les 83 départements. Déjà une grande partie des sections de la capitale est venue démentir ce vœu prétendu ; la section de la Halle-au-Blé nous envoie vers les représentants de la nation, pour lui apporter le sien. Il .a été recueilli légalement celui-ci, il n'a pas été mendié.
« Nous vous remercions, au nom de nos concitoyens, d'avoir rendu un décret aussi salutaire ; nous vous remercions de veiller à la sûreté de la capitale, et surtout à celle des représentants du peuple. Nous vous rendons grâces d'avoir voulu nous offrir l'occasion de resserrer avec nos frères des autres départements les liens de la fraternité civique. Nous vous remercions de prendre des mesures vigoureuses pour détruire ces reptiles qui se glissent partout et qui enveniment tout. Nous ferons à leur égard ce qu'on fait de la vipère, dont on écrase la tête pour guérir la blessure qu'elle a faite.
« Législateurs, comptez toujours sur l'opinion publique en prenant les grandes mesures qui
auront pour but le bonheur de la nation. L'opinion du peuple a toujours précédé vos décrets
les plus remarquables. L'esprit public, il faut l'avouer, est encore au-dessus de vos
travaux; mais nous connaissons les obstacles qui vous arrêtent dans votre marche ; nous
sommes témoins de la lutte continuelle que vous livrent l'intrigue et la corruption ; nous en
connaissons les auteurs, nous les laissons courir à leur perte, leur mesure se comble.
(Applaudisse-
« C'est lorsque le patriotisme est exilé de la cour qu'il faut donner au patriotisme une nouvelle activité. Des ministres citoyens nous donnaient l'espoir de faire marcher cette Constitution, que l'on veut nous faire regarder comme impraticable, ils ont été renvoyés; vous avez déclaré qu'ils emportaient les regrets de la nation, ils les emportent; nous sommes chargés de leur offrir ceux des citoyens de la section de la Halle-au-Blé, aucun d'eux n'a signé l'insidieuse pétition.
« Législateurs, nous arrêterons vos regards sur l'état-major de la garde nationale parisienne, il a perdu notre confiance; ordonnez son licenciement. Il a été formé par des électeurs, ordonnez qu'il soit nommé directement par les sections; car le peuple ne se laisse point acheter, le peuple n'est pas assez fin pour devenir jamais la dupe des intrigants.
« Représentants, comptez sur la nation comme la nation compte sur vous. » (Applaudissements.)
(Suivent les signatures au nombre de 81.)
répond à la députation et lui accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée décrète la mention honorable de l'adresse, son impression et le renvoi aux comités de législation et de surveillance.)
Un membre, au nom de M. Pallet, fait hommage à l'Assemblée d'un ouvrage intitulé : Eléments d'orthographe, ou Méthode pour apprendre cette science parfaitement en très peu de temps. '
(L'Assemblée décrète la mention honorable et le renvoi au comité de l'instruction pùblique.)
Une députation des citoyens de la section des Lombards est admise à la barre.
L'orateur de la députation dépose sur le bureau, la rétractation de la signature d'un certain nombre des citoyens de sa section au bas de la pétition des 8,000. Il demande le décret d'accusation contre les auteurs, instigateurs, imprimeurs et colporteurs de cette pétition. Il déclare que l'état-major de la garde nationale a perdu la confiance de citoyens de la capitale et prie l'Assemblée d'ordonner qu'il sera licencié.
(L'Assemblée décrète la mention honorable de cette adresse.)
Une députation du bataillon Saint-Honoré est admise à la barre.
L'orateur de la députation demande le licenciement de l'état-major de la garde nationale parisienne et prie l'Assemblée d'ordonner que l'élection qui en à été faite par les électeurs, le soit désormais par les sections elles-mêmes. Il supplie l'Assemblée de permettre que le bataillon défile dans la salle.
Un membre : Je convertis cette pétition en motion.
(L'Assemblée décrète que le détachement de la garde nationale du bataillon Saint-Honoré est admis à traverser la salle de l'Assemblée.)
Il défile à l'instant au bruit des tambours et des applaudissements.
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre de M. Sergent, administrateur du départe-
ment de la police de Paris, qui adresse à l'Assemblée une copie d'une déclaration faite par un citoyen devant le juge de paix de la section des Postes. 'I
Il résulte de cette déclaration que le sieur Nicolas Toppin, marchaud de gâteaux, a été invité à venir à l'Assemblée avec 25 autres citoyens, sous prétexte de présenter un don patriotique du faubourg Saint-Marcel. S'étant présentés le 14 et n'ayant pu être admis, les 25 citoyens conduits par le sieur Gatin, ci-devant ouvrier dans les travaux publics, furent invités à revenir le dimanche. Le sieur Gatin leur paya du vin et donna un assignat de 30 sols au sieur Toppin, déclarant, à qui cette conduite avait inspiré des soupçons.
Le même administrateur expose qu'il y a entre les mains du juge de paix de la section des Postes, plusieurs pièces prouvant que des particuliers sont soudoyés pour aller, à la faveur de huées et d'applaudissements, dans les tribunes de l'Assemblée nationale influencer ses délibérations.
Cette lettre annonce, en outre, qu'un officier public est compromis dans ces déclarations.
. Je demande le renvoi de ces pièces au comité de surveillance. J'ai l'honneur d'observer à l'Assemblée que, dans l'un des comités, j'ai vu l'inspecteur des tribunes faire sa déclaration, qui approche beaucoup de. celle-ci, par laquelle il est constaté que plusieurs personnes des tribunes sont payées pour venir à l'Assemblée nationale à telle heure, à tel iour pour y huer et bafouer ceux qui auraient l'audace ae parler contre l'opinion des Feuillants.
. Je saisis cette l'occasion pour observer qu'une procédure sur des faits semblables s'instruit devant le juge de paix de la section des Postes. Le comité de surveillance avait écrit à ce juge de paix, ^our lui demander une copie de cette procédure-, il y était autorisé par le décret qui porte que vos comités pourront demander aux autorités constituées, toutes les pièces nécessaires à leurs travaux; mais il n'a pu se procurer encore celle qu'il réclame. Je demande qu'il soit enjoint au Pouvoir exécutif de faire délivrer à l'Assemblée nationale une expédition de cette procédure.
. Par un de vos décrets antérieurs vous avez autorisé vos comités à demander les pièces dont vous pourriez avoir besoin relativement aux déclarations qui seraient données dans ce comité. En vertu de ce décret, le comité de surveillance a demandé la procédure à M. Légier, juge de paix de la section des Postes, qui ne l'a pas refusée. Il n'y a de retard que dans l'expédition, et je> suis sûr que M. Légier la remettra aujourd'hui.
. M. Basire a assuré à l'Assemblée qu'il l'avait refusée.
.Le décret dont parle M.Merlin n'existe pas ; seulement il y a un décret qui porte que les Comités pourront demander aux autorités constituées des renseignements et non pas' des procédures. Je demande donc qu'on passe à l'ordre du jour sur la proposition de M. Thuriot.
. D'après ce raisonnement, s'il plaisait aux juges de paix ou des tribunaux, d'ensevelir dans l'oubli une procédure, l'Assemblée ne pourrait paè en avoir connaissance. Je demande que l'Assemblée décrète que le juge de paix de Ja section des Postes sera tenu d envoyer à l'Assemblée copie de l'instruction.
. Je demande la question préalable sur cette proposition. Si le juge de paix n'a pas fait son devoir il aura encouru la forfaiture, mais ce ne peut être qu'après le jugement; jusque-là vous ne pouvez en connaître sans entreprendre sur le pouvoir judiciaire et sans aller contre la Constitution.
met aux voix la question préalable sur la proposition de M. Thuriot. L'épreuve paraît douteuse.
. Je crois que la question n'est pas assez bien entendue. L'Assemblée ne pourrait autoriser son comité à lui représenter une procédure, qu'autant qu'il lui serait démontré qu'il existe un délit intéressant la sûreté générale de l'Etat. Ici on dénonce le fait, que les billets sont distribués à plusieurs citoyens pour se rendre dans les tribunes de l'Assemblée nationale. Or, jamais les applaudissements ni les murmures des tribunes n'influencèrent l'opinion d'aucun des membres de l'Assemblée. Le fait, en lui-même, me paraît d'ailleurs d'autant moins probable, que 1 on sait très bien quels sont ceux qui obtiennent habituellement les applaudissements des tribunes.
Je demande donc qu'on passe à l'ordre du jour. (Murmures à gauche).
Un membre : 11 n'y à ici, j'en conviens, que la prévention d'un délit ; mais cette présomption doit suffire pour vous déterminer à vous faire représenter une expédition de la procédure dont il s'agit : car c'est par cette procédure seule que voùs acquerrez la certitude du délit.
et plusieurs autres membres appuient la proposition de M. Thuriot. ïf (L'Assemblée décrète que le juge de paix de la section des Postes fera passer à l'Assemblée une expédition de la procédure par lui commencée sur la dénonciation à lui faite contre plusieurs officiers publics et autres citoyens relativement à des faits qui intéressent la police de l'Assemblée nationale.)
, secrétaire, donne lecture d'une lettre de M. Lajard, remettant à l'Assemblée la note de la punition infligée aux officiers, grenadiers et soldats du corps des gardes-suisses, pour les troubles qu'ils avaient élevés à Neuilly.
Plusieurs membres : Qu'est M. Lajard?
. Je lis ce qu'il y a.
Un membre observe que la qualité du signataire n'ayant pas été notifiée à l'Assemblée, la signature ne peut donner aucun caractère officiel à ces communications.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
Une députation des citoyens de la section de la nie Poissonnière est admise à la barre.
Vorateur de la députation donne lecture de l'adresse suivante (1) :
« Législateurs,
« Les citoyens de la section de la rue Poisson- j nière, pénétrés des sentiments qui
caractérisent les véritables amis de la patrie dans ces moments de détresse, viennent déposer
sur son autel, un don volontaire de 4,800 livres ; savoir :
« Fidèles aux principes qui les ont toujours guidés depuis le 14 juillet 1789, ils ne négligeront aucune occasion de témoigner leur amour pour la liberté et la Constitution : mais convaincus, en même temps, qu'on le prouve mieux par des actions que par des phrases et que chaque instant dérobé par des déclamations inutiles, aux occupations importantes du Corps législatif, est un vol fait à la patrie, ils bornent là l'expression de leurs vœux et se résignent à un respectueux silence.
« Signé : Devaudichon, président du comité;
Cavé, secrétaire-greffier. »
répond à la députation et lui accorde les honneurs de la séance,
(L'Assemblée accepte cette offrande avec les plus vifs applaudissements, et en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis aux donateurs. Elle décrète ensuite la mention honorable et l'impression de l'adresse.)
Une députation des pétitionnaires de la section de la place Royale est admise à la barre.
L'orateur de la députation applaudit au décret rendu par l'Assemblée nationale sur l'augmentation ae la force publique, annonce la rétractation faite par plusieurs citoyens de leurs signatures apposées, par surprise, à la pétition dite dés 8,000, et demande le remplacement de l'état-major de la garde nationale de Paris.
répond à la députation et lui accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée décrète la mentioft honorable de l'adresse, son impression et le renvoi aux comités de législation et de surveillance réunis.)
Une députation des citoyens de la section de Mauconseil est admise à la barre.
L'orateur de la députation dônne lecture de l'adresse suivante (1) :
« Législateurs,
Si nous ne venons pas improuver hautement la pétition des 8,000, c'est que, respectant en lui-même le droit de pétition, jusque dans l'abus qu'on peut eh faire, nous voyons d'ailleurs, avec plaisir, nos concitoyens revenir de l'erreur funeste dans laquelle des chefs infidèles les avaient entraînés par un ascendant trop dangereux.
« Mais il n'en est pas de même et de la pétition et des motifs qui l'ont dictée : c'est sur ce dernier point que nous venons fixer votre attention.
« Législateurs, nous dénonçons; l'état-major général de la garde nationale, comme anticivique, comme convaincu du crime de lèse-nation au premier chef.
« L'état-major est coupable du crime de lèse-nation en ce point, que la force armée étant essentiellement passive, ne peut jamais délibérer sur l'exécution des lois.
« Or, l'impression et l'envoi de la pétition dans les 60 bataillons par l'ordre exprès de
cet état-
« Quelque soin qu'on ait pris pour couvrir la trace du forfait, du manteau de l'anonyme, il perce, il se montre, aussi bien que les intentions perfides qui l'ont dirigé.
« Non seulement l'état-major a délibéré sur l'exécution de la loi, mais encore en opposition formelle de la loi; non seulement il y a résisté, mais encore il a provoqué la résistance des citoyens dont la direction lui est confiée, donné à la force armée une impulsion directement contraire au but de son institution.
« L'état-major a donc prévariqué au premier chef, en abusant de l'autorité qui lui était confiée par la loi, en n'usant de cette autorité que pour l'anéantir elle-même.
« Législateurs, vous êtes ici forcés de déployer toute la sévérité des principes ; car, si vous négligiez de les appliquer à la conduite anticivique et scandaleuse ae l'état-major de la garde, parisienne, vous laisseriez croire que la force armée ne peut impunément vous demander le rapport a'un décret, et de là, l'induction nécessaire, qu'une armée belliqueuse et triomphante pourrait aussi former le vœu, avec l'espoir d'un succès d'autant plus certain, qu'il serait appuyé d'une jouissance d'autant plus formidable, qu'elle serait encore, à certains égards, soutenue d'une partie de l'opinion publique.
a Vous êtes forcés de vous expliquer ; car Votre silence, à cet égard, serait le décret le plus positif de l'érèction du protectorat et des deux Chambres; votre silence serait la ruine de la Constitution et l'arrêt de mort de la liberté. 4 « Vous avez tout pour vous dans la circonstance actuelle, la puissance et le vœu du peuple, la raison, les principes et la loi ; sévissez donc avec force contre une tentative meurtrière, par laquelle on ne semblerait vouloir attenter aux droits du peuple d'une manière indirecte, que pour se menager le pouvoir d'y revenir plus ai-rectèment et d une manière impérative avec des circonstances plus favorables.
« Ces plaintes qui vous sont parvenues de toutes les parties de la capitale, contre l'état-major, ont dû vous prouver qu'il avait perdu la confiance; le crime affreux qu'il vient de commettre a dû vous prouver qu'il en était indigne; ainsi, après vous avoir déclaré de la manière la plus authentique, que cet état-major, gahgréné de l'aristocratie la plus infecte, a totalement perdu leur confiance, les citoyens de la section de Mauconseil vous demandent, pour l'honneur des principes, la sûreté delà capitale et le maintien dé la liberté, de donner un grand exemple de là sévérité nationale, à l'égard des malveillants. qui composent cet état-major, à Peffet d'effrayer les scélérats ambitieux, qui pourraient être tentés de lés imiter-
« En conséquence, ils demandent, d'abord, que l'état-major soit destitué des fonctions honorables dont il s'est rendu indigne et qu'à l'avenir et pour éviter d'en voir se former de semblables, il soit procédé à l'élection des membres qui doivent le composer, par la totalité des citoyens actifs.
« Ils demandent encore qu'après avoir destitué l'état-major actuel, il soit de suite procédé
à l'élection de celui qui doit le remplacer, suivant le mode qui vient d'être indiqué.
« A l'égard au commandant général, qu'il soit mandé à la barre pour y rendre compte et dénommer ceux qui ont coopéré à cette adressé.
« Quant à la punition des traîtres qui ont essayé de faire fléchir la loi sous l'effort des baïonnettes, ils vous prient de déclarer que tous les fauteurs et adhérents, chefs de l'état-major qui ont connivé dans l'adresse infâme et scandaleuse qui soulève l'indignation de la capitale et l'Empire, seront mis en état d'accusation et comme tels envoyés à Orléans pour y être jugés suivant la rigueur des lois.
« Signé : Dumoulin, président du comité de l'assemblée générale et Doucet, secrétaire. »
répond à la députation et lui accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée ordonne la mention honorable de l'adresse, son impression et son renvoi aux comités de législation et de surveillance réunis.)
De jeunes écoliers de la section Sainte-Geneviève sont admis à la barre.
L'orateur, âgé de 6 ans, et n'atteignant pas la hauteur de la barre, pénètre dans l'enceinte de l'Assemblée. Avec une grande assurance, une prononciation nette et un ton de déclamation vraiment étonnant, il exprime les sentiments civiques que leur instituteur a su leur inspirer. « J'apprends, dit-il, la Déclaration des Droits de l'homme, afin de les mieux défendre quand je serai grand. » (Vifs applaudissements.)
II dépose ensuite sur le bureau un don patriotique de 11. 13 s., en espèces; et de 6 1. 19 s. en assignats.
témoigne à ces jeunes citoyens tout l'intérêt que l'Assemblée a pris à les entendre et leur accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée accepte cette offrande avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis aux donateurs.)
Des apprentis de la section Henri IV sont admis à la barre, et font une offrande à la patrie, de 8 1. 2 s.,!en espèces, et de 6 1. 19 s., en assignats.
leur répond et leur accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée accepte cette offrande avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis aux donateurs.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture des 2 lettres suivantes :
1° Lettre de M. Lacoste, ministre de la marine (1), par laquelle il invite l'Assemblée à s'occuper du mémoire du ministre des contributions publiques, sur l'utilité d'affecter les forges de La ChausSade au département de la mariné.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de la marine.) .,,.
2° Lettre de M. Dumouriez, ministre de la guerre, à laquelle sont joints 3 états des
pensions de retraite demandées avant la promulgation de la loi du 30 mai, qui suspend les
retraites pourtles
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité militaire.)
. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion (1) du projet de décret du comité féodal concernant la suppression sans indemnité de divers droits féodaux déclarés rachetables par le décret du 15 mars 1790.
, rapporteur, fait une nouvelle lecture du projet ae décret qui est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité féodal, considérant que par les lois des 4 et 7 août 1789,1e régime féodal a été aboli ; que néanmoins, par les articles 1er et 2 du titre 111 du décret du 15 mars 1790, les droits casuels connus sous les noms de quint, requint, treizième,lods et tresains, lods et ventes, et issues, mi-lods, rachats, venterolles, reliefs, relevaisons, plaids, acapte, arrière-acapte, et autres qui étaient dus à cause des mutations survenues dans la propriété ou la possession d'un fonds par le vendeur, l'acheteur, les donataires, les héritiers, et tous autres ayants cause du précédent propriétaire ou possesseur; que tous ces différents droits sont déclarés simplement rachetables, et devoir être continués jusqu'au rachat, comme étant présumés être le prix et la condition d'une concession primitive de fonds ;
« Considérant que, loin que cette présomption puisse avoir lieu, tout indique, au contraire, que ces droits, n'ont jamais eu pour cause la concession primitive d'un fonds, mais bien la tyrannie et l'oppression ; que ces droits prennent leur source dans la permission que les seigneurs donnaient à leurs vassaux, de pouvoir vendre les biens qui leur appartenaient, tandis que ces biens étaient libres et francs dans l'origine, soit qu'ils fussent échus aux chefs, soit qu'ensuite ils les eussent subdivisés aux soldats dans le partage et la délivrance qui en fut faite;
« Considérant, en outre, que la nation, comme possédant le ci-devant domaine de la Couronne, venant à affranchir elle-même les ci-devant seigneurs de tous droits de mutation, il est juste qu'à leurtourleurs ci-devant vassaux se trouvent affranchis de ces mêmes droits; qu'enfin, il était contre tout principe de justice de ne point assujettir les ci-devant seigneurs à justifier que les droits de mutation étaient le prix et la condition d'une concession primitive ae fonds, et d'avoir chargé les débiteurs de faire une preuve négative, qui devenait impossible dans tous les pays oû ces droits étaient dus sans convention, et par la force de la féodalité et de la coutume, et qu'il est temps d'effacer jusqu'aux derniers vestiges de la féodalité, décrète ce qui suit ;
« Art. 1er. L'Assemblée nationale, dérogeant aux articles ler et 2 du titre III du décret du 15 mars 1790, et à toutes autres
lois à ce relatives, décrète qu'à partir de la publication du présent décret, tous les droits
casuels connus sous les noms de quint, requint, treizième, lods et tresains, lods et ventes,
et issues; mi-lods, rachats, venterolles, reliefs, relevaisons, plaids acapte,
arrière-acapte, et autres dénominations quelconques, et qui étaient dus à cause des mutations
qui survenaient dans la propriété ou la
« Art. 2.' Tous les rachats desdits droits qui ne sont point encore consommés par le payement, cesseront d'avoir lieu, soit pour la totalité du prix, s'il est dû en intégrité, soit pour ce qu'il en reste dû, encore qu'il y eût eu expertise, offre, accord ou convention ; mais ce qui aura été payé, ne pourra être répété.
o Art. 3. Pourront cependant les ci-devant seigneurs exiger lesdits droits, lesquels continueront d'être rachetables, aux termes du décret du 15 mars 1790, lorsqu'ils séront dans le cas de justifier par le titre primitif d'inféodation, qu'ils n'ont concédé et inféodé les fonds que sous la condition expresse desdits droits de mutation.
« Art. 4. Les ventes faites et les mutations survenues jusqu'au jour de la publication du présent décret seront assujetties aux mêmes droits, et ils seront payés aux ci-devant seigneurs, lesdits droits n'étant abolis que pour l'avenir.
« Art. 5. Les princes allemands possessionnés en France seront indemnisés de la privation desdits droits, conformément aux décrets de l'Assemblée constituante.
Art. 6. Ceux auxquels la nation avait vendu quelques-uns des droits supprimés par le présent décret seront indemnisés d'après estimation faite contradictoirement avec les procureurs généraux des départements, et ce, proportionnellement aux prix des ventes à eux faites. »
, rapporteur. Messieurs, dans la séance de jeudi, vous avez décrété, sur la proposition de M. Delacroix, le principe de l'article premier (1) tendant à déclarer : « que tous les droits féodaux casuels, qui ne seront pas justifiés être le prix de la concession du fonds par titre primitif, sont supprimés sans indemnité. » Avant de passer à l'article 2 je propose d'ajouter au principe déjà décrété la nomenclature qui se trouvait dans l'article premier du projet du comité, afin qu'il n'y ait pas d'équivoque.
(L'Assemblée adopte la proposition de M. Lau -tour-Duchâtel.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 2 qui est ainsi conçu :
« Art. 2. Tous les rachats desdits droits qui ne sont point encore consommés par le payement, cesseront d'avoir lieu, soit pour la totalité du prix, s'il est dû, en intégrité, soit pour ce qu'il en reste dû, encore qu'il y eût eu expertise, offre, accord ou convention ; mais ce qui aura été payé, ne pourra être répété.
. Je demande que l'on passe à l'ordre du jour sur la propositidn de M. Goujon, d'excepter
de la suppression les droits dus aux seigneurs, dont les archives peuvent avoir été violées.
L'Assemblée constituante a fait cette exception par la loi du 15 mars 1790, et si cette
exception recevait la latitude que M. Goujon voudrait lui donner, ne doutez pas que les
ci-devant seigneurs, pour se procurer des droits même qu'ils n'avaient pas pour concession de
fonds, ne fassent faire, dans leurs ci-devant
Cette servitude odieuse a été jugée, par l'Assemblée constituante, n'avoir jamais pu être imposée. Elle a été jugée ne provenir que de l'abus et de l'usurpation de la puissance publique. Dans peu une discussion s'ouvrira pour juger si l'Assemblée constituante a pu se permettre de maintenir les droits qui représentent cette servitude. Quant à présentée soutiens que les lods stipulés dans les actes d'affranchissement doivent être compris dans la suppression, et que le titre d'affranchissement ne peut être réputé titre de concession, parce qu une chose qui n'a jamais dû exister, ne peut produire aucune obligation, et ne doit pas être rachetée. Je demande donc un article additionnel qui supprime nommément les lods constitués pour affranchissement de mainmorte.
. L'Assemblée a décrété par l'article preihier que tous les droits casuels en général étaient supprimés sans indemnité. Il est donc inutile de donner maintenant aucune explication particulière. Je demande l'ordre du jour et qu'on renvoie cette motion à la discussion sur le projet du comité, relatif aux droits représentatifs de mainmorte.
(L'Assemblée renvoie à la discussion sur le projet du comité relatif aux droits représentatifs de mainmorte, la motion de M. Crestin, et passe à l'ordre du jour; puis elle décrète l'article 2.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 3, qui est ainsi conçu :
« Art. 3. Pourront cependant lës ci-devant seigneurs exiger lesdits droits, lesquels continueront d'être rachetables, aux termes du décret du 15 \mars 1790, lorsqu'ils seront dans le cas de justifier, par le titre primitif d'inféodation, qu'ils n'ont concédé et inféodé les fonds que sous la condition expresse desdits droits de mutation.
. Je demande la question préalable sur l'article du comité, et je propose d'y substituer celui-ci : « Les ventes faites et les mutations survenues jusqu'au jour de la publication du présent décret, ne seront censées avoir donné ouverture auxdits droits qu'autant que la preuve imposée aux seigneurs aura été faite, sans néanmoins qu'il puisse y avoir lieu à aucune répétition contre eux pour les payements jusqu'à ce jour, et sans nuire aux indemnités réservées aux fermiers par l'article 37 de la loi du 15 mars 1790. »
(L'Assemblée rejette l'article du comité et adopte celui de M. Gohier, sauf rédactiôn.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 4, qui est ainsi conçu :
« Art. 4. Les ventes faites et les mutations survenues jusqu'au jour de la publication du présent décret seront assujetties aux mêmes droits et ils seront payés aux ci-devant seigneurs, lesdits droits n étant abolis que pour l'avenir. » (L'Assemblée décrète l'article 4, sauf rédaction.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 5, qui est ainsi conçu :
« Art. 5. Les princes allemands possessionnés en France seront indemnisés de la privation desdits droits conformément aux décrets de l'Assemblée constituante. »
. Je demande l'ajournement de cet article. Rien ne ressemble plus à la mauvaise foi que de promettre un remboursement et de ne pas dire comment on remboursera; je pense donc qu'on doit ajourner, jusqu'au moment où le comité nous présentera un tarif d'évaluation des droits supprimés.
(L'Assemblée décrète l'ajournement de l'article 5.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 6, qui est ainsi conçu :
« Art. 6. Ceux auxquels la nation avait vendu quelques-uns des droits supprimés parle présent décret seront indemnisés d'après estimation faite contradictoirement avec les procureurs généraux des départements, et ce, proportionnellement aux prix des ventes à eux faites.- »
. Tout le monde sait que les acquéreurs des biens nationaux n'ont jamais compté sur les droits casuels, et qu'aucun même ne (levaient être compris dans les adjudications; je demande qu'à la place de cet article l'Assemblée décrète que ceux qui auront acquis de la nation quelques-uns des droits supprimés par le présent décret, auront la faculté de faire résilier leurs contrats d'acquisition.
(L'Assemblée adopte la proposition de M. Delacroix, sauf rédaction, puis elle décrète que le rapporteur présentera à la séance du lendemain une rédaction définitive des articles adoptés et que la discussion s'ouvrira de suite sur les ar-: ticles additionnels.) (La séance est levée à quatre heures.)
Séance du
PRÉSIDENCE DE M. GÉRARDIN, vice-prêsidefit.
La séance est ouverte à dix heures du matin.
, secrétaire, donne lecture des deux lettres suivantes :
1° Lettre de M. Mourgues, ministre de Vintérieur, du 16 juin 1792, relative aux dépenses faites, cette année, pour l'exposition des tableaux dans le salon du Louvre.
J • (L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de l'ordinaire des finances.)
2° Lettre de plusieurs citoyens invalides, qui se plaignent de ne pas jouir des bienfaits de la loi du 16 mai 1792.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au Pouvoir exécutif.)
Une députation des citoyens, marchands fariniers de la commune de Pontoise, est admise à la barre.
Vorateur de la députation expose leurs craintes sur les obstacles qu'ils éprouvent pour la libre circulation des grains achetés à Soissons, et réclame contre l'arrêté du directoire du département de l'Aisne, relativement au commerce des grains, dont l'exécution leur porterait un
préjudice considérable. Il demande la levée des défenses et l'exécution des lois.
répond à la députation et lui accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée renvoie cette pétition aux comités du commerce et de l'agriculture réunis.)
, au nom du comité des domaines, fait la seconde lecture (1) d'un projet de décret sur un droit de propriété demandé par les colons de Meisenthal; ce projet de décret est.ainsi conçu:
PROJET DE DÉCRET.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des domaines, considérant que la nation doit une égale justice à tous les citoyens et que les habitants de Me-seinthal ont droit au même traitement que leurs - voisins ; considérant que l'arrêt du conseil du 13 juillet 1762, porte tous les caractères d'un bail à cens perpétuel, et que ce n'est que par erreur ou surprise qu'il est qualifié de bail à terme, décrète :
« Art. ler. Les habitants de Meisenthal, propriétaires des
maisons, verreries, usines, terres, prés et pâtures détaillés en l'arrêt du conseil du 13
juillet 1762, moyennant les cens et redevances déterminés par ledit arrêt, pourront racheter
lesdits droits, conformément au décret du 15 mars 1790, sanctionné le 28 du même mois.
« Art. 2. Il sera chaque année délivré aux habitants verriers de Meisenthal, une quantité suffisante de bois pour le service de leurs verreries, aux prix, charges et conditions qui seront fixés par le directeur du département de la Moselle, sur l'avis des administrateurs des forêts et celui du district de fiitche. »
(L'Assemblée ajourne à huitaine la troisième lecture.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture des deux lettres suivantes :
1° Lettre de M. Amelot, du 17 juin 1792, qui informe l'Assemblée qu'il a été brûlé le 16, à la caisse de l'extraordinaire, 4,000,000 d'assignats;
(L'Assemblée;renvoie cette lettre au comité de l'extraordinaire des finances.)
2° Lettre de M. Sossius, député de l'Aube, du 17 juin 1792, par laquelle il instruit l'Assemblée qu'il a, par acte passé devant un notaire, changé son nom de Sissous en celui de Sossius.
Un de MM. les secrétaires annonce les dons patriotiques suivants :
1° Le sieur Morin, de Dieu-le-Fort, département de la Drôme, envoie en assignats 600 livres et promet d'envoyer pareille somme au 1er janvier prochain et qu'il sera prêt à sacrifier sa fortune et sa vie pour la patrie;
2° Les administrateurs du directoire du district de Beauvais envoient au nom de M. Motte,
prêtre, ci-devant chanoine de Beauvais, 145 livres en assignats et 6 livres en espèces, pour
la guerre. De deux neveux, auxquels cet ecclésiastique a servi de père, l'Un remplit les
fonctions d'accusateur public près le tribunal criminel du département de l'Oise, et l'autre
est lieutenant des volontaires nationaux au bataillon de ce dépar-
3° Une citoyenne de Paris offre un assignat de 300 livres ;
4° Les citoyens de la ville de Nontron envoient 353 livres en assignats et 99 livres en espèces;
5° Les administrateurs du district d'Auch font connaître la délibération qu'ils ont prise de contribuer aux frais de la guerre par le payement de la solde de deux volontaires ;
6° Un jeune patriote envoie 25 livres en assignats;
7° La Société des amis de la Constitution de Saint-SeVer envoie 960 livres en assignats et 372 1. 4 s. en espèces, 2 paires de boucles d'argent, une montre d'argent, une cazanelle, une clef de montre et un anneau d'or.
(L'Assemblée accepte ces offrandes avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis à ceux des donateurs qui se sont fait connaître.)
, au nom du comité de surveillance, fait un rapport et présente un projet de décret sur une récompense à accorder aux sieurs Deglane, Lieutegard et Geunot et autres agents pour avoir dénoncé une fabrication de faux louis et de faux assignats, qui se faisait chez le sieur Coligny, à Romainville; ce projet de décret est ainsi conçu (1) :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu son comité de surveillance, décrète :
« 1° Qu'il est dû une récompensé aux sieurs Deglane, Lieutegard, Geunot, et autres agents employés dans cette affaire, aux termes de l'article 4 du titre Ier du décret du 22 août 1790;
2° Que cette récompense proportionnée à la nature des services que les dénonciateurs ont rendus, attendu que les fabricateurs et complices n'ont point été arrêtés, mais seulement que les instruments de la fabrication ont été saisis, sera, savoir : pour le sieur Deglane, de la somme de 900 livres;pour le sieur Lieutegard, de 600 livres ; pour le sieur Geunot, de 300 livres ; et pour deux préposés au département de la police, employés à la suite de cette affaire, et qui le sont tout journellement par le comité de surveillance, au sujet de toutes les dénonciations importantes qui lui sont faites, à chacun une somme de 200 livres ; enfin, au sieur Champion, autre préposé à la police, chargé de la saisie-exécution qni a eu lieu dans la nuit du 15 au 16 janvier dernier, une somme de 100 livres à titre de gratification ;
« 3° Que toutes les pièces relatives au procès à instruire contre Coligny et consorts, ainsi que les effets saisis, seront renvoyés au tribunal déjà saisi de cette affaire et compétent pour prononcer sur ces sortes de délits ;
* 4° Que mention honorable sera faite du zèle, de l'intelligence et de l'activité que la municipalité de Romainville, les commissaire et secrétaire greffier de police, section de la place Vendôme, MM. Rameaux et Marotte et la gendarmerie nationale ont apportés dans cette affaire. »
J'observe que M. Lecointre, rapporteur, a dit dans son rapport que le comité de
surveillance avait ordonné à la municipalité de faire des visites domiciliaires.
, rapporteur. C'est par erreur que j'ai annoncé que le comité de surveillance avait donné des ordres. Le comité s'est borné à un simple avertissement. Cela dit, je demande l'ajournement et l'impression du projet de décret.
(L'Assemblée ordonne l'impression du projet de décret et ajourne la discussion.)
Je reçois une lettre de M. Duranthon, ministre de la justice, à laquelle est jointe une lettre du roi. Cette lettre est ainsi conçue (1) :
« Paris, le
« Monsieur le Président,
« Le roi m'a chargé de vous transmettre lalettre que vous trouverez incluse dans celle que vouloir bien la communiquer á l'Assemblée nationale.
« Je suis avec respect, etc.
« Signé : duranthon. •>
« Je vous prie, Monsieur le Président, de prévenir l'Assemblée nationale que j'ai nommé M. de Chambonas, maréchal de camp, au département des affaires étrangères, M. de Lajard à celui de la guerre, M. Terrier deMontciel, président le département du Jura, à celui de l'intérieur. Quant à celui des contributions publiques, j'espère sous très peu de temps annoncer à l'Assemblée mon choix. Pour le département de la justice, en attendant, M. Duranthon a le portefeuille.
« Signé : LOUIS.
« Contresigné : Duranthon. »
Le roi aurait dû indiquer en même temps les ministres qui seront en place demain, afin que l'Assemblée pût savoir à qui s'adresser en cas de besoin...
Je dépose sur le bureau la somme de 100 livres en assignats, que M. Schelle, curé de Dunkerque, envoie, au nom d'un officier des troupes de ligne, qui ne veut pas être nommé, pour subvenir aux frais de la guerre.
Un de MM. les secrétaires annonce le don patriotique du conseil métropolitain et de l'évêque du département de la Marne, qui envoient 1,400livres en assignats, pour le même objet.
(L'Assemblée accepte ces deux offrandes avec les plus vifs applaudissements, et en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis à ceux des donateurs qui se sont fait connaître.)
Un membre demande qu'il soit fait un rapport sur les comptabilités et remplacements des
receveurs généraux et particuliers des finances et sur les dettes arriérées des ci-devant
provinces.
, au nom des comités d'agriculture et de commerce réunis, fait un rapport et présente un projet de décret (1) relatif aux mesures à prendre pour ne pas retarder l'approvisionnement des vivres et fourrages de l'armée du centre. Ce projet de décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, considérant que les transports des vivres et fourrages des armées ne peuvent, sans nuire à l'activité du service, éprouver le moindre retard; que quelques citoyens que la loi du 29 avril dernier oblige à ces transports, refusent de se prêter aux réquisitions des administrateurs, sous prétexte que la loi du 29 avril né fait mention que des réquisitions à faire par les commissaires ordonnateurs des vivres, décrète qu'il v a urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, et en interprétant la loi du 29 avril " dérnier, décrète que les administrations de districts, ou des commissaires nommés par les administrations, sont autorisés à faire toutes les réquisitions nécessaires pour le transport des vivres et fourrages des armées, dans tous les cas où les commissaires-ordonnateurs des vivres ne pourraient se transporter sur les lieux, pour faire eux-mêmes ces réquisitions. »
(Après une courte discussion, l'Assemblée adopte le décret d'urgence, puis le décret définitif.)(
Messieurs, il vous reste un article à ajouter à la suite de ceux que vous avez décrété hier sur les droits féodaux. Il ^est urgent, il est indispensable. Ne devons-nous pas tenir le Trésor national dans un état tel, qu en supprimant une de ses recettes, elle soit sur-le-champ et immédiatement remplacée, et en général dans un état tel, que les dépenses au moins ordinaires puissent être couvertes par des recettes ordinaires égales, afin d'éviter un déficit qui, s'accroissant en peu d'années avec une rapidité effrayante, finirait par bouleverser les fortunes et l'Etat?
Dans ces recettes ordinaires se trouvait comprise celle des droits casuels, perçus directement comme droits casuels nationaux ; la recette des droits casuels perçus lors de la vente des biens ci-devant seigneuriaux, qui relevaient de la nation, celle encore du droit d enregistrement, perçu lors de la vente des mêmes biens ; celle du même droit d'enregistrement à percevoir sur la quittance du ci-devant seigneur, en saisinant un contrat de vente ; enfin, la recette qui serait provenue de la contribution foncière à laquelle j'aurais proposé de faire concourir en 1793 ces droits dont le revenu éventuel n'avait pas été atteint par les décrets de l'Assemblée constituante sur les contributions foncières et mobilières.
Voilà bien évidemment le déficit.
Je ne chercherait point à en estimer le montant, parce que lès véritables données qui
devraient se trouver dans des états relevés sur le cadastre, n'existent pas, et qu'il y a
une trop vague et trop grande incertitude dans les principes et les raisonnements de ceux
qui veulent en déduire des calculs, et qui veulent ensuite produire des résultats plus
vagues et plus incertains.
Enfin la tâche devient plus difficile et plus pressante encore, lorsque l'on considère qu'à une masse dp dette exigible de 2 milliards, qui pourrait toutefois être soldée avec 2 milliards de capitaux à la disposition de la nation, on est sur le point d'ajouter une qouvelle dette pour des dépenses extraordinaires annuelles, dont il est difficile de fixer le terme et la somme, puisqu'il est difficile de prévoir jusqu'à quel point la tyrannie des despotes, nos ennemis, peut étendre et prolonger les ravages de la guerre.
Quant aux 4 ou 500 millions de dépenses extraordinaires pour cette année, dont il faudra pourtant bien que nous nous occupions un jour pour en faire les fonds, je ne dois pas plus entrer sur ce^ point en explications, que sur celui des 2 milliards de dette exigible qui reposent sur une pareille somme de capitaux, dès ce moment, à votre disposition; il me suffira seulement d'observer, que dussiez-vous liquider demain cette détte avec ces capitaux, dussiez-vous trouver à couvrir momentanément les 4 à 500 millions de dépenses extraordinaires pour cette année, et pour les années suivantes, ainsi que le déficit sur les recettes ordinaires de ces mêmes années ; il est important de faire attention que dans ce cas-là même, la nation se trouverait en 1795, précisément au même point où elle est aujourd'hui, avec cette différence énorme, que les capitaux qui auraient servi à liquider la dette exigible actuelle, sortis de ses mains, ne pourraient plus servir à liquider la dette de ces trois années.
Telle est donc, en deux mots, la position de la France que vous avez sans doute comme moi, nuit et jour, présente à l'esprit. Elle a une dette exigible de deux milliards qu'elle peut liquider en temps convenable avec ses capitaux. Elle a et elle aura chaque année une dépense ordinaire à peu près de 6 à 700 millions, qu'il faudra bien couvrir chaque année par des contributions directes ou indirectes. Enfin, la France a une dépense extraordinaire de 4 à 500 millions pour cette année, dont il s'agit de trouver la recette, si l'on ne veut pas atténuer le gage actuel des créanciers à payer.
Vous ne parviendrez pas à surmonter les difficultés qui se présentent, à rapprocher la recette ordinaire de la dépense ordinaire, à pourvoir aux fonds de la dépense extraordinaire, si vous ne vous en occupez pas. Il est impossible de sauver la nation d'un désastre qui pourrait la menacer, si vous répugnez constamment à aborder ces grands objets de salut public, et pour lesquels j'oserai vous demander quelques matinées, ou même quelques nuits, s'il n'est pas possible d'en sortir autrement; puisque les comités militaire, de marine, d'instruction, de législation, de secours, des domaines, de l'examen des comptes et des Douze, absorbent à l'avance pour longtemps les séances ordinaires de midi à quatre heures. Voici mes articles additionnels :
« Art. 1er. A dater du jour de la publication du présent
décret, et indépendamment du droit d'enregistrement, fixé dans l'article 1er de la 6°
section du tarif des droits d'enregistrement de première classe perçus sur titres ae
propriétés, de là loi du 19 décembre 1790, les ventes, adjudications, cessions, rétrocédions
de biens immeubles réels, seront sujettes à un second droit, appelé droit de remplacement,
dé 5 livres par 100 livres.
i « Art. 2. A dater du jour de la publication du présènt décret, tout acte privé qui contiendra mutation d'immeubles réels, sera sujet à la formalité pour ce droit, dans les six mois qui suivront le jour de sa date, passé lequel délai, il ne * pourra recevoir la formalité qu'en payant deux fois la somme du droit fixé :dans Parti-clé 11 de ladite loi du 19 décembre 1790. »
Un membre : Je demande l'impression et l'ajourneraeni; du projet de décret, et qu'il soit considéré comme première lecture.
Un autre membre : Je m'oppose à ces propositions : je demande que le comité de l'ordinaire des financés soit tenu de faire un travail général sur les contributions publiques, dans lequel les articles additionnels pourront être compris et qu'on passe à l'ordre au jour.
Un autre membre : Je demande le renvoi pur et simple du projet-.de décretau comité désigné.
(L'Assemblée adopte cette proposition et décrète le renvoi du projet de décret au comité de l'ordinaire des finances.)
, au nom du comité, des domaines, donne lecture de la rédaction des articles, précédemment décrétés (1), du projet de décret concernant la suppression sans indemnité de divers droits féodaux déclarés rachetables par le décret du 15 mars 1790.
Je propose que le rachat des droits féodaux ne se fasse qiie sur la. valeur présumée du fonds, lors de l'accensement ou l'inféodation du fonds. Plusieurs membres : La question préalable ! (L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu de délibérer sur la proposition de M. Crestin.) ; Un membre : Je demande que le rachat ne uisse s'exercer sur les biens provenant de des-érence ou qui seraient le résultat des droits relatifs à la mainmorte. Plusieurs membres : La question préalable! (L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu de délibérer sur cette proposition.)
Un autre membre : Je demande qu'on ajoute le mot censuels dans le premier article.
: (Après une courte discussion,. l'Assemblée adopte cette proposition.) , Suit le texte
définitif du décret rendu (2) : « L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de
son comité féodal et trois lectures du projet de décret, faites aux séances des 11, 28 avril
et 9 juin et de ce jour, et après avoir décrété être en état de délibérer, décrète
définitivement ce qui suit :
Art. 1er.
« L'Assemblée nationale, dérogeant aux articles 1 et 2 du titre III du décret du 15 mars 1790, et à toutes lois à ce relatives, décrète que tous les droits casuels, soit ceusuels, soit féodaux, et tous ceux qui en sont représentatifs, continus sous les noms de quint, requint, treizième, lods et tréfains, lods et ventes et issues, mi-lods, rachats, venterolles, reliefs, relevaisons, plaids, acapte, arrière-acapte, et autres droits casuels, sous quelque dénomination que ce soit, qui se percevaient à cause des mutations qui survenaient dans la propriété ou la possession d'un fonds sur le vendeur, l'acheteur, les donataires, les héritiers, et tous autres ayants cause du précédent propriétaire ou possesseur, sont et demeurent supprimés sans indemnité, à moins que lesdits droits ne soient justifiés par le titre primitif d'inféodation, d'accensement ou de bail à cens, être le prix et la condition d'une concession du fonds pour lequel ils étaient perçus, auquel cas lesdits droits continueront d'être perçus et d'être rachetables.
Art. 2.
« Tous les rachats des droits casuels non justifiés, ainsi qu'il est dit par l'article 1er, qui ne sont point encore consommés par le payement, cesseront d'avoir lieu, soit pour la totalité du prix, s'il est dû, soit pour ce qu'il en reste dû, encore qu'il y eût eu expertise, offre, accord ou convention; mais ce qui aura été payé ne pourra être répété.
Art. 3.
« Les ventes faites et les mutations survenues jusqu'au jour de la publication du présent décret, ne seront censées avoir donné ouverture auxdits droits casuels, qu'autant que la preuve imposée par l'article 1er, aux possesseurs de ces droits, aura été faite, sans néanmoins qu'il puisse y avoir lieu à aucune répétition contre eux, pour tous payements faits conformément aux lois préexistantes, et sans préjudicier aux facultés, actions et, indemnités réservées aux fermiers j contre les propriétaires desdits droits, conformément à l'article 37 du titre II du décret du 15 mars 1790, pour raison seulement des droits échus depuis le 4 août 1789, dont ils n'auraient pas reçu le payement.
Art. 4.
« Ceux qui ont acquis de la nation des droits abolis par le présent décret, sans mélange d'autres biens ou de droits conservés, ne pourront exiger d'autre indemnité que le remboursement des sommes par eux payées ; quant aux intérêts de ces sommes dues aux acquéreurs, il en sera fait compte, ainsi que des droits par eux perçus et dès rachats faits entre leurs mains, devant le directoire du district, contradietoirement avec le procureur syndic, pour être, le tout, compensé jusqu'à due concurrence; et l'excédent des intérêts ou des perceptions sera supporté, ainsi que de droit, soit par la nation, soit par les acquéreurs.
Art. 5.
« Il sera libre à ceux qui ont acquis de la nation quelques-uns des mêmes droits abolis par
le présent décret, conjointement avec d'autres biens ou avec des droits conservés, de renoncer à leurs acqisuitions ; et, dans ce cas, les sommes qu'ils auront payées leur seront aussi remboursées, et la compensation des intérêts sera faite comme il est dit dans l'article précédent; mais ils seront tenus de faire cette renonciation dans le mois qui suivra le jour de la publication du présent décret, au secrétariat du directoire du district de la situation desdits*biens.
Art. 6.
« Ceux qui n'auront pas renoncé à leurs acquisitions dans le délai fîxé Par l'article précédent, ne pourront plus y être admis ; ils ne pourront également prétendre à aucune indemnité, ni diminution de prix, à raison de la suppression des droits casuels compris dans les mêmes acquisitions.
Art. 7.
« Tous procès intentés et non décidés parjuge-menten dernier ressort avant la publication du pré sent décret, relativement auxdits droits casuels supprimés sans indemnité, par l'article 1er, ne pourront être jugés que pour les frais de procédures faites jusqu'à ce jour. » , Un membre : Je demande que l'Assemblée statue incessamment sur la question de savoir si les droits fixes peuvent être rachetés séparément des droits casuels.
(L'Assemblée renvoie cette proposition au comité des domaines.)
Je dépose sur le bureau, au nom du directoire du département de l'Indre, une somme de 2,100 livres, en assignats, pour subvenir aux frais de la guerre.
Un de MM. les secrétaires, annonce que MM. les rédacteurs du « Moniteur » ont envoyé, en don patriotique, la somme de 205 livres en assignats, pour le payement de leur souscription écnue le mois dernier.
(L'Assemblée accepte ces deux offrandes avec les plus vifs applaudissements, et en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis aux donateurs.)
, au'nom des comités militaire et de Vordinaire des finances réunis, fait la seconde lec-. ture (1) d'un projet de décret sur le payement du loyer des casernes de la garde nationale soldée de Paris ; ce projet de décret est ainsi conçu :
L'Assemblée nationale, considérant que les dépenses de la garde parisienne soldée doivent être, d'après un décret de l'Assemblée nationale constituante du 2& juillet 1791, considérées comme dépenses nationales et acquittées par le Trésor public, décrète ce qui suit :
« Art. 1er. La trésorerie nationale tiendra à la disposition
du ministre de l'intérieur, sous sa responsabilité, la somme de 170,415 livres pour être
employée au payement des casernes de la garde soldée parisienne, suivant l'état annexé au
présent décret.
« Art. 2. Le loyer de la caserne, rue Mêlée, n° 29, qui, à dater du 1er janvier 1792, est
oc-
(L'Assemblée ajourne la troisième lecture à huitaine.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre de M. Mourgues, ancien ministre de
l'Intérieur. Cette lettre est ainsi conçue (1) :
« Paris, le
« Monsieur le Président,
« Le roi ayant accepté ma démission de la place de ministre de l'intérieur, ie vous prie de vouloir bien en prévenir l'Assemblée nationale.
« Je n'ai rien signé pendant ma courte administration qui puisse me mettre en responsabilité pécuniaire, ainsi je ne crois pas être dans le cas de rendre aucun compte sur cet objet.
« Quant à ma responsabilité morale et constitutionnelle, je suis prêt à me présenter avec l'assurance d'un homme qui doit s'estimer et qui désire l'estime de ses concitoyens, et sous cet aspect je serai toujours aux ordres de l'Assem-blee nationale.
« Je suis avec respect, etc.«
« Signé : MOURGUES. »
Ce ministre est comme le consul Rubellius, qui ne dormit pas pendant tout son consulat.
Puisque ce ministre n'a rien signé et qu'il n'a disposé d'aucun fonds,, je crois qu'on peut lui permettre de laisser Paris sans rendre coippte. (Rires.) ;,.-,
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.) '
Une députation du bataillon de Saint-André-ies Arts est admise à la barré.
Vorateur de la députation s'exprime ainsi :
« Monsieur le Président,
« Le bataillon àe Saint-André dépose sur l'autel de la patrie, la somme de 1,011 1. 3 s. dont 68 î| 3 S- en espèces et 944 livres en assignats, pour sa contribution aux frais de la guerre. Il renouvelle le serment qu'il a fait de répandre jusqu'à la dernière goutte de son sang pour la défense de la liberté et de la Constitution. Il offre de nouveau, pour le maintien de l'ordre et de la sûreté publique dans la capitale, ses veilles, son zèle, ses bras et ses armes. »
répond à la députation et lui accorde les honneurs ae la séance.
Un membre : Jedemande la mention honorable et l'insertion, dans le procès-verbal* de l'adresse de ces citoyens.
(L'Assemblée décrète ces deux propositions.)
Je viens de recevoir une lettre signée « La Fayette ». On va vous la lire.
Un de MM. les secrétaires en donne lecture :
« Messieurs (1),
« Au moment trop différé peut-être, où j'allais appeler votre attention sur de grands intérêts publics, et désigner, parmi nos dangers, la conduite d'un ministère que" ma correspondance accusait depuis longtemps, j'apprends que, démasqué par ses divisions, il a succombé sous ses propres intrigues:; car, sans doute, ce n'est pas en sacrifiant trois collègues, asservis par leur insignifiance en son pouvoir, que le moins excusable, le plus noté de ces ministres, aura cimenté dans le conseil du roi son équivoque et scandaleuse existence.
« Ce n'est pas assez néanmoins que cette branche du gouvernement soit délivrée d'une funeste influence. La chose publique est en péril, le sort de la France repose principalement sur ses représentants; la nation attend d'eux soq salut, mais en se donnant une Constitution, elle leur a prescrit l'unique route pour laquelle , ils peuvent la sauver.
« Persuadé, Messieurs, qu'ainsi que les Droits de l'homme sont la loi de toute Assemblée constituante, une Constitution devient la loi des législateurs qu'elle a établis, c'est à vous-mêmes que je dois dénoncer les efforts trop puissants que l'on fait pour vous écarter de cette règle, que vous avez promis de suivre.
« Rien ne m'empêchera d'exercer ce droit d'un homme libre, de remplir ce devoir d'un citoyen : ni les égarements momentanés de l'opinion, car, que sont les opinions qui s'écartent des principes ; ni mon respect pour les représentants du peuple, car je respecte encore plus le peuple, dont la Constitution est la volonté suprême ; ni la bienveillance que vous m'avez constamment témoignée, car je veux la conserver comme je l'ai obtenue, par un inflexible amour de la liberté.
« Vos circonstances sont difficiles. La France est menacée au dehors et agitée au dedans. Tandisque des cours étrangères annoncent l'intolérable projet d'attenter à notre souveraineté nationale, et se déclarent ainsi les ennemies de la France, des ennemis intérieurs, ivres dè fanatisme ou d'orgueil, entretiennent un chimérique espoir, et nous fatiguent encore de leur insolente malveillance.
« Vous devez, Messieurs, les réprimer ; et vous n'en aurez la puissance qu'autant que vous serez constitutionnels et justes. Vous le voulez sans doute.... mais portez vos regards sur ce qui se passe dans votre sein, et autour de vous. Pouvez-vous vous dissimuler qu'une faction, et, pour éviter lès dénominations graves, que la faction Jacobite a causé tous les désordres? C'est elle que j'en accuse hautement. Organisée comme un Empire à part dans sa métropole et dans ses affiliations; aveuglément dirigée par quelques chefs ambitieux, cette secte forme une corporation distincte au milieu du peuple français, dont elle usurpe les pouvoirs, en subjuguant ses représentants et ses mandataires-
« C'est là que, dans des séances publiques, l'amour des lois se nomme aristocratie, et
leur infraction patriotisme.Là, les assassins des Dé-silles reçoivent des triomphes, les
crimes de
« Croira-t-on échapper à ces reproches, en se targuant d'un manifeste autrichien, où ses sectaires sont nommés? Sont-ils devenus sacrés, parce que Léopold a prononcé leur nom? Et parce que nous devons combattre les étrangers qui s'immiscent dans nos querelles, sommes-nous dispensés de délivrer notre patrie d'une tyrannie domestique? Qu'importent à ce devoir, et le projet des étrangers et leur connivence avec des contre-révolutionnaires, et leur influence sur des amis tièdes de la liberté? C'est moi qui vous dénonce cette secte; moi qui, sans parler de ma vie passée, puis répondre a ceux qui feindraient de me suspecter: « Approchez dans ce moment dé crise où le caractère de chacun va être connu, et voyons qui de nous, plus inflexible dans ses principes, plus opiniâtre dans sa résistance, bravera mieux ces obstacles et ces dangers que des traîtres dissimulent à leur patrie, et que les vrais citoyens savent calculer et affronter pour elle. » « Et, comment tarderais-je plus longtemps à remplir ce devoir, lorsque chaque jour affaiblit les autorités constituées, substitue l'esprit d'un parti à la volonté du peuple ; lorsque l'audace aes agitateurs impose silence aux citoyens paisibles, écarte les hommes utiles, et lorsque le dévouement sectaire tient lieu des vertus privées et publiques, qui, dans un pays libre, doivent être l'austère et unique moyen de parvenir aux premières fonctions du gouvernement.
« C'est àprès avoir opposé à tous les obstacles, à tous les pièges, le courageux et persévérant patriotisme d'une armée, sacrifiée peut-être à aes combinaisons contre son chef, que je puis aujourd'hui opposer à cette faction la correspondance d'un ministre, digne produit de son club : cette correspondance, dont tous les calculs sont faux, les promesses vaines, les renseignements trompeurs ou frivoles, les conseils perfides ou contradictoires, où après m'avoir pressé de m'avaricer sans précautions, d'attaquer sans moyens, on commençait à me dire que la résistance allait devenir impossible, lorsque mon indignation a repoussé cette lâche assertion.
« Quelle remarquable conformité de langage, Messieurs, entre les factieux que l'aristocratie avoue, et ceux qui usurpent le nom de patriotes ! Tous veulent renverser nos lois, se réjouissent des désordres, s'élèvent contré les autorités que le peuplé a conférées, détestent la garde nationale, prêchent à l'armée l'indiscipline, sèment tantôt la méfiance, et tantôt le découragement.
« Quant à moi, Messieurs, qui épousai la cause américaine au moment même où ses ambassadeurs me déclarèrent qu'elle était perdue, qui dès lors me vouai à une persévérante défense de la liberté, et de la souveraineté des peuples, qui le 11 juillet 1789, en présentant à ma patrie une déclaration des droits, osai lui dire: pour qu'une nation soit libre, il suffit qu'elle veuille Vôtre, je viens aujourd'hui, plein de confiance dans la justice de notre cause, de mépris pour les lâches qui la désertent, et d'indignation contre les traîtres qui voudraient la souiller, je viens déclarer que la nation française, si elle n'est pas la plus vile de l'univers peut et doit résister à la conjuration des rois qu'on a coalisés contre elle.
« Ce n'est pas sans doute au milieu de ma brave armée que les sentiments timides sont permis. Patriotisme, énergie, discipline, patience,
confiance mutuelle, toutes les vertus civiques et militaires, je les trouve ici.( Vifs applaudissements d'une grande partie de l'Assemblée.) Ici les principes de liberté et d'égalité sont chéris, les lois respectées, la propriété sacrée; ici, l'on ne connaît, ni les colomnies, ni les factions.Etlorsque je songe que la France a plusieurs millions d'hommes qui peuvent devenir de pareils soldats, je me demande à quel degré d'avilissement serait donc réduit un peuple immense, plus fort encore par ses ressources naturelles que par les défenses de l'art, opposant à une confédération monstrueuse l'avantage de combinaisons uniques ; pour que la lâche idée de sacrifier sa souveraineté, de transiger sur sa liberté, de mettre en négociation la Déclaration des droits, ait pu paraître une des possibilités de l'avenir qui s'avance avec rapidité sur nous.
« Mais pour que nous, soldats de la liberté, combattions avec efficacité, ou mourions avec fruit pour elle, il faut que le nombre des défenseurs de la patrie soit promptement proportionné à celui ae ses adversaires ; que les approvisionnements de tout genre se multiplient et facilitent nos mouvements ; que le bien-être des troupes, leurs fournitures, leur pavement, les soins relatifs à leur santé ne soient plus soumis à de fatales lenteurs, on a de prétendues épargnes qui tournent en sens inverse de leur but.
« Il faut surtout que les citoyens ralliés autour de la Constitution soient assurés que les droits qu'elle garantit seront respectés avec une fidélité religieuse qui fera le désespoir de ses ennemis cachés ou publics.
« Ne repoussez pas ce vœu, c'est celui des amis sincères de votre autorité légitime. Assurez qu'aucune conséquence injuste ne peut découler d'aucun principe pur ; qu aucune mesure tyran-nique ne peut servir une cause qui doit sa force et sa gloire aux bases sacrées de la liberté et de l'égalité: faites que la justice criminelle reprenne sa marche constitutionnelle ; que l'égalité civile, que la liberté religieuse jouissent de l'entière application des vrais principes.
« Que le pouvoir royal soit intact, car il est garanti par la Constitution ; qu'il soit indépendant, car cette indépendance est un des ressorts de notre liberté ; que le roi soit révéré, car il est investi de la majesté nationale, qu'il puisse choisir un ministère qui ne porte les chaînes d'aucune faction, et s'il existe des conspirateurs, qu'ils périssent, mais seulement sous le glaive de la loi.
« Enfin, que le règne des clubs, anéanti par vous, fasse place au règne de la loi; leurs usurpations à l'exercice ferme et indépendant des autorités constituées ; leurs maximes désorga-nisatrices aux vrais principes de la liberté ; leur fureur délirante au courage calme et constant d'une nation qui connaît ses droits et les défend ; enfin,leurs combinaisons sectaires aux véritables intérêts de la patrie, qui, dans ce moment de danger, doit reunir tous ceux pour qui son asservissement et sa ruine ne sont pas les objets d'une atroce jouissance et d'une infâme spéculation.
a Telles sont, Messieurs, les représentations et les pétitions que soumet à l'Assemblée
nationale, comme il les a soumises au roi (1), un citoyen à qui l'on ne disputera pas de
bonne foi
« Messieurs, j'ai obéi à ma conscience, à nos serments ; je le devais à la patrie, à vous, au roi, et surtout à moi-même, à qui les chances de la guerre ne permettent pas d'ajourner les observations que je crois utiles* et qui aime à penser que l'Assemblée nationale y trouvera un nouvel hommage de mon dévouement à son autorité constitutionnelle, de ma reconnaissance personnelle, et de mon respect pour elle.
« Signé : La Fayette . »
(Sauf les applaudissements qui ont accompagné l'éloge de 1 armée du Centre, cette lettre tout entière est écoutée au milieu d'un silence imposant.)
Plusieurs membres: L'impression et l'envoi à toutes les armées et à tous les départements l (Murmures à gauche.)
Un membre : J'appuie cette motion, et je demande aussi que la lettre soit renvoyée à. la commission nouvellement créée pour proposer des mesures sur la situation actuelle de 1 Empire, à laquelle seront joints deux membres de chaque comité de l'Assemblée.
Monsieur le Président, je vous demande la parole.
(L'Assemblée décrète que la discussion est fermée.)
On a proposé l'impression et l'envoi aux 83 départements, ainsi qu'à l'armée. Plusieurs membres : Oui, oui ! D'autres membres : La division ! j M. le Président. Je consulte l'Assemblée sur l'impression. (Murmures à droite,) ' (L'Assemblée décrète l'impression.) Plusieurs membres (à gauche) : Nous demandons la question préalable sur l'envoi aux 83 départements.
Je mets aux voix...
Je demande la parole. (Murmures.)
Il faut auparavant savoir si^ette lettre-là est de M. de La Fayette.
Je demande à faire une seule observation et je demande à la faire au nom de la Constitution. (Applaudissements des tribunes.);
(L'Assemblée décrète que M. Vergniaud sera entendu.)
Messieurs, je crois qu'il importe à la Constitution si chère à M. La Fayette, et a la liberté qu'il a défendue jusqu'à présent avec succès, de distinguer entre les pétitions ou conseils qui peuvent vous être adressés par de simples citoyens, ou les pétitions et conseils
3ui peuvent vous être adressés par un général 'armée. (Murmures à droite; applaudissements à gauche.) Lorsqu'un simple citoyen vous adresse une pétition, ou vous offre un conseil, vous devez l'entendre, c'est une justice que la Cons-
titution lui assure. Lorsqu'un général d'armée veut vous adresser un conseil, il ne le peut faire que par la voie du ministère. (Nouveaux murmures a droite.)
Plusieurs membres: 11 n'y en a point!
Je demande la parole.
S'il en était autrement, Messieurs, je ne craindrais pas de le dire, c'en serait fait de la liberté. (Murmures adroite; applaudissements à gauche.) Je vous le demande, qu'est-ce que les conseils d'un général d'armée si ce ne sont des lois? (Murmures prolongés à : droite ; applaudissements à gauche et dans les tribunes.) Je n'accuse point ici les intentions de M. La Fayette : je crois ses intentions pures; mais je crois qu'il faut aussi défendre la pureté des principes même contre les généraux dans lesquels on peut avoir le plus de confiance. Je demande donc qu'on passe à l'ordre du jour, et je prie l'Assemblée de déclarer qu'il n'y a pas lieu a délibérer sur la proposition faite d'envoyer la lettre de M. La Fayette aux 83 départements.
'Je demande la parole.
Plusieurs membres : Aux voix! aux voix!
En m'opposant à la proposition de M. Vergniaud, je crois entrer dans les vues de la majorité de l'Assemblée, qui est dans la ferme intention de combattre toutes les factions. Il y a bien longtemps que nous sommes travaillés, il y a longtemps que nous sommes pénétrés des maux, des manœuvres que ces factions nous préparent de toutes parts. Il ne faut pas se dissimuler qu'il eût été à désirer que l'Assemblée nationale eût pris un tempérament, une force, une consistance telle qu'elle doit l'avoir, et mépriser toutes les factions- Il a fallu un homme comme M. La Fayette pour vous annoncer ces vérités. (Applaudissements.) Voilà le moment de nous signaler, voilà le moment de sauver la patrie (Applaudissements.) et de' détruire toutes les factions. Ceux qui les composent ne font que flagorner Te peuple, et ils flagornent le peuple, pourquoi? Pour se faire un parti, pour parvenir à avoir des places, mais non pas pour le bien du peuple. Je demande que l'on mette aux voix la proposition d'envoyer la lettre aux 83 départements. (Applaudissements.)
Plusieurs membres : Aux voix! aux voix ! Fermez la discussion !-
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Je consulte l'Assemblée pour savoir si elle passera à l'ordre du jour sur l'envoi de la lettre aux 83 départements.
(A îa première épreuve, il semble que la majorité est contre le passage à l'ordre du jour.; Il s'élève de violents murmures à gauche. Le tutt multe empêche M. le Président de faire la contre-épreuve.)
et plusieurs autres membres se précipitent à la tribune et demandent la parole.
Je demande la parole pour une motion d'ordre. (Murmures)• m
et plusieurs autres membres parlent dans le bruit.
On a demandé l'ordre du jour.
Je demànde à combattre cette proposition.
Je demande que la discussion soit rouverte. (Murmures.) ;
Je demande la parole sur l'envoi aux 83 départements.
Je consulte l'Assemblée pour savoir si M. Couthon sera entendu.
Monsieur le président, ne consultez que vous pour faire votre devoir. (Murmures.)
J'appuie l'ajournement par un, fait, c'est que la signature de la lettre n'est point garantie. J'ajoute que quand même elle lé serait, nous ne pouvons envoyer une lettre aux 83 départements sans approuver tous les principes qu'elle contient.
Quand même cette lettre ne serait pas signée, il n'y a que M. La Fayette qui ait pu récrire.
C'est inconstitutionnel sous tous les rapports ; je demande à le prouver. (Vive agitation.)
La discussion était; fermée ; l'Assemblée est bien maltresse de la rouvrir ; mais...
Plusieurs membres se lèvent en criant que la signature est fausse.
La prétendue lettre de M. La Fayette est le résultat d'un grand complot contre la liberté. Je demande qu on entende tous les membres qui se présentent à la tribune, mais si l'Assemblée juge à propos de ne pas continuer la discussion, je demande que la proposition d'envoyer cette prétendue lettre à la nouvelle commission, soit mise aux voix la première.
Je demande la parole pour un fait. (Murmures.) Mettez aux voix si nous anéantirons la Constitution ou si nous la maintiendrons. {Nouveaux murmures.) Il est impossible que la lettre qui vient de vous être lue, soit de M. La Fayette.
Je demande qu'on vérifie la signature, il n'y a pas un bon citoyen qui ne la connaisse.
Plusieurs membres .- Vérifiez la signature au bureau !
M. Guadet: en impose; En demandant la parole pour un fait, j'ai cru qu'il allait affirmer que la lettre n'était pas de M. La Fayette. Il ne l'affirme pas, il ne fait que le supposer, il trompe l'Assemblée.
Le signataire de la lettre parle de la démission de M. Dumouriez, et M. Dumouriez n'a donné sa démission que d'avant-hier.
Il en avait donné u ne première. (Murmuresï)Aj%
Je demande que M. Guadet cite un autre fait, car celui qu'il vient de citer est faux.
Je demande une seconde lecture de la lettre.
Il serait donc impossible que M. La Fayette vous eût parlé dans la lettre qui vient d'être lue de, 1| démission d'un,ministre qui ne devait pas lui être connue à l'époque à laquelle la lecture a été écrite.
Plusieurs membres : Il n'en parlé pas f
Il suit de là, que si la lettre était véritablement de M. La Fayette, c'est-à-dire si-
gnée par lui, il faudrait jsupposer que sa signature était ici en blanc... (Murmures à droite.)
Vous devez être accoutumés à entendre M, Guadet, laissez-le dire.
Une fois, laissez-le se confondre.
S'il en était autrement, Messieurs, il faudrait supposer que la signature était ici en blanc, à la disposition de ceux qui attendaient une occasion favorable pour remplir le vide d'une doctrine favorable à leur faction. (Vifs applaudissements à gauche et dans les tribunes.)
11 faut voir où elle est la faction !
D'ailleurs, les sentiments de M. La Fayette indiquent assez qu'il est impossible qu'il soit l'auteur de la lettre qui vient d'être lue. M. Lafayette sait que lorsque Cromwell osait tenir un langage pareil... (Violents murmures à droite; vifs applaudissements dans les tribunes.). ,
Non, vous n'avilirez pas la gloire de Lafayette. Je demande la parole pour répondre. (Murmures.):
Je demande le silence, et je préviens la majorité de l'Assemblée, que je la rappellerai à l'ordre, si elle ne s'y tient pas.
C'est une atroce calomnie.;
Plusieurs membres à droite : C'est abominable, Monsieur !
D'autres membres se lèvent et parlent dans le tumulte. (Vive agitation.)
Je rappelle l'Assemblée entière à l'ordre.
Plusieurs membres réclament.
Je demande que M. le Président soit rappelé lui-même à l'ordre pour s'être permis d'y rappeler l'Assemblée. (Vifs applaudissements à gauche.)
Je demande la parole, Monsieur lé Président, pour relever une erreur qui vient de vous échapper, après une première faute que vous aviez faite. Je soutiens que vous avez beau parcourir le règlement, vous y trouverez que vous êtes l'organe de l'Assemblée, mais que vous n'êtes pas son despote. (Applaudissements et bravos redoublés à gauche et dans les tribunes.) Vous y trouverez que Vous n'avez que le droit de la consulter et de prononcer ses décisions. Mais voussentez vous-mêmes qu'il est impossible qu'elle vous ait accordé le droit de la rappeler à l'ordre ; parce qu'en supposant que quelques membres troublassent l'ordre, c'est eux que vous devez rappeler et nop. l'Assemblée dont la plus grande partie est toujours tranquille. Ainsi je demande qu'au nom de l'Assemblée vous soyez rappelé à l'ordre, ou que vous conveniez que la faute que vous avez commise vous a échappée.
Je demande à lire le règlement : ;
Chap. III, Ordre de la parole, Art. 2 : « Le Président usera avec autant de fermeté que de sagesse, de toute l'étendue du pouvoir qui lui est confié par le règlement et par les articles qui suivent. »
Et je lis la suite de l'article 9, dans ce même chapitre :
« Le Président observera, dans le rappel à l'ordre, la gradation qui va être expliquee.
« Il rappellera à l'ordre tous ceux qui, par inattention (Rires), ou de quelque manière què ce soit, troubleraient la séance. Ce simple rappel à l'ordre ne sera pas regardé comme une peine. »
Ainsi, Messieurs, quand, dans l'Assemblée, il y a un tel tumulte, qu'il faille la rappeler à l'ordre collectivement, le Président en a ie droit. (Vifs murmures à gauche.)
commence à parler.
Plusieurs membres : A la tribune!
Si on veut aller aux voix sur les motions faites contre moi, je cède le fauteuil à Monsieur le Président.
Plusieurs membres : Non I non !
L'Assemblée nationale s'est interdit tout signe d'approbation ou d'improba-tion; lorsqu'ils continuent, je la rappelle à son règlement. Le rappel àl'Ordre, què j'ai cru devoir faire, est un rappel au respect que l'Assemblée se doit à elle-même. Maintenant si on veut mettre aux voix les motions qui sont faites contremoi, je descendrai du fauteuil.
Plusieurs membres : Non ! non !
D'autres membres : L'ordre du jour!
Un membre : Monsieur le Président, parce que vous avez obtenu plus de suffrages que M. Delacroix, ce n'est pas un grief, ni un motifde récrimination.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour sur l'incident.)
se prépare à continuer son opinion.
Un membre (s'adressant à M. Guadet). Vous en étiez à Cromwell.
Monsieur le Président, je demande que vous rappeliez M. Guadet au fait qu'il voulait annoncer à l'Assemblée.
C'est une comparaison.
J'y reviendrai. Je disais qu'il était impossible que la lettre qui vous a été lue soitdeM. La Fayette; j'ai tiré ma première preuve de la nature des faitsénoncés dans la lettre; j'ai tiré la seconde des sentiments de M. La Fayette, et je disais que M. La Fayette n'ignore pas que lorsque Cromwell tenait un pareil langage, la liberté était perdue en Angleterre. Or, je ne me persuaderai jamais que l'ému ie de Washington veuille imiter le protecteur de la Grande-Bretagne. (Applaudissements.) Si cependant telle était la puissance du parti qui veut luer la liberté en France (Murmures), que M. La Fayette eût cru, ce que je ne me persuaderai jamais, pouvoir se permettre cette démarche, je dis qu'alors l'Assemblée ne saurait prendre une telle démarche en trop grande considération.
Plusieurs membres : Au fait! au fait! A l'ordre!
Je demande donc le renvoi de cette lettre à un comité, afin que l'Assemblée puisse venger M. La Fayette du lâche qui a osé prendre son nom, ou bien qu'elle prouve par un nouvel et grand exemple, au peuple français... (Murmures à droite.)
Plusieurs membres à gauche :0ui, oui ! (Applaudissements des tribunes.)
Ou bien qu'elle prouve au peuple français qu'elle n'a pas fait un vain serment lorsqu'elle a juré de maintenir la Constitution...
Plusieurs membres : Il ne demande que cela.
Car il n'y a plus de Constitution, s'il arrivait qu'un général d'armée pût dicter des lois aux représentants de la nation. (Murmures.) Je m'unis donc à M. Guyton-Morveau, pour demander l'ajournement, mais je demande en outre, que la lettre ne soit livrée à l'impression, que lorsqu'il aura été constaté qu'elle est ou n'est pas signée de M. La Fayette. (Applaudissements.)
, le jeune : Le seul moyen de ramener le calme est de renvoyer la lettre à un comité.
Je demande la parole pour un fait et pour lire un article de la lettre.
Plusieurs membres : Non, non ! la discussion fermée ! (Murmures.)
Je demande que M. Daverhoult soit entendu, pour arguer de faux le fait de M. Guadet.
Plusieurs membres : Non ! non ! (Nouveaux murmures.)
11 fautque l'Assemblée entende un fait delà bouche de M. Daverhoult comme de celle de M. Guadet.
Je crois que le silence de la majorité de l'Assemblée prouvera bien plus le profond mépris que méritent les calomnieuses assertions de M. Guadet.
(LTAssemblée décrète que M. Daverhoult sera entendu.)
, lisant : « Au moment trop différé peut-être, où j'allais appeler votre attention sur de grands intérêts publics et désigner parmi nos dangers la conduite d'un ministère que ma correspondance accusait depuis longtemps, j'apprends que, démasqué par ses divisions, il a succombé sous ses propres intrigues; car, sans doute, ce n'est pas en sacrifiant trois collègues, asservis par leur insignifiance à son pouvoir, que le moins excusable et le plus noté ae ses ministres, aura cimenté dans le conseil du roi son équivoque et scandaleuse existence... »
La lettre a été lue, il est inutile de la relire.
Plusieurs membres : Le fait, ie fait !
J'énonce le fait. C'est que M. La Fayette, dans sa lettre, annonce comme un fait apparent que le ministre Dumouriez n'aura pas pu rester plus longtemps que ceux qu'il avait fait renvoyer par ses intrigues: et, Messieurs, il n'est pas extraordinaire que M. La Fayette prévît alors ce qui est arrivé, d'après la défaveur que M. Dumouriez avait éprouvée de la part de ses créateurs. Il devait s'y attendre. (Applaudissements à droite.)
parle dans le bruit.
Un membre: Je voulais donner connaissance à l'Assemblée de plusieurs faits qui pourraient la déterminer; mais je rappellerai seulement la lettre du procureur syndic qui a fait la découverte de 47 millions a'assignats trouvés. C'était, comme M. La Fayette, un fonctionnaire public. La lettre qui a été lue n'a aucune preuve d'authenticité, elle peut être fausse. Je demande l'ajournement jusqu'à la vérification.
J'atteste la signature de M. La Fayette, et tous mes collègues l'attesteront avec moL Je prie M. Brissot, qui était à l'Hôtel-de-Ville le 14 juillet 1789, de l'attester aussi.
Je demande la parole pour un fait ; c'est que M. Dumas commandait le Royal-Allemand en 1789.
(L'Assemblée ferme la discussion.)
rappelle les diverses propositions.
Plusieurs membres : La priorité pour le renvoi !
D'autres membres : La division ï
Il ne peut y avoir de priorité que lorsqu'une motion en exclut un autre.
(L'Assemblée renvoie la lettre de M. La Fayette à la nouvelle commission des Douze, pour en faire le rapport incessamment.)
Plusieurs membres : Maintenant le renvoi aux départements !
D'autres membres : L'ordre du jour! la question préalable!
Je mets aux voix la question préalable sur l'envoi aux 83 départements.
(Après un moment d'agitation, l'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'envoi aux 83 départements.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture des deux lettres suivantes :
1° Lettre de M. Terrier, par laquelle il informe l'Assemblée que le roi l'a nommé ministre de l'intérieur. Cette lettre est ainsi conçue (l) :
«. Paris, le
« Monsieur le Président
« J'ai l'honneur de prévenir l'Assemblée que le roi m'a nommé à la place de ministre de l'intérieur. Je vous prie d*en faire part à l'Assemblée nationale en l'assurant de mon dévouement.
« Je suis avec respect, etc.
« Signé : TERRIER. >>
j 2° Lettre de M. Terrier, ministre de Vintérieur, qui instruit l'Assemblée de nouveaux troubles survenus à Avignon, à l'occasion de l'élection à la place de maire, qui a été déférée au sieur Duprat. Cette lettre est ainsi conçue :
« Paris, le
« J'ai l'honneur d'instruire l'Assemblée nationale qu'il est survenu de nouveaux troubles à Avignon à l'occasion de l'élection à la place de maire qui a été déférée au sieur Duprat, le cadet. (Mouvement d'indignation.) Je vous enverrai, sitôt terminée, copie de la lettre que je viens de recevoir des commissaires des Bouches-du-Rhône et de la Drôme réunis pour l'organisation des districts dè Vaucluse et Louvaise, et du procès-verbal qu'ils ont dressé. On est occupé à cette heure à faire les copies des procès-verbaux.
« Je suis avec respect etc...
« Signé : Terrier. »
Je demande que la commission chargée de vous rendre compte de tout ce qui a rapport à
cet objet, vous fasse prompte-
Plusieurs membres : Nous connaissons cette tactique. Nous demandons l'ordre du jour.
Je m'étonne que l'on puisse demahder l'ordre du jour sur les moyens d'arrêter l'éclat qui se prépare. Au nombre des mesures que pourrait vous proposer la commission, il en est certainement ae provisoires que vous ne pouvez pas retarder de 3 jours sans compromettre le salut public ; et si la commission n'est pas prête, moi je demande la parole après-demain.
Je m'y oppose. (Nouveaux murmures.)'ai
M. Vergniaud dit qu'il a un projet prêt ; je demande que M. Vergniaud, s'il n'est pas de la commission, soit adjoint à cette commission. (Murmures.)
J'observe à l'Assemblée que cette commission n'est pas formée et qu'on ne peut lui imputer aucun retard. J'ajoute que le délai prescrit par M. Vergniaud n'est pas suffisant pour donner à la commission le temps de présenter un bon travail. Je demande donc que la discussion sur cette affaire soit ajournée à vendredi prochain.
(L'Assemblée décrète cet ajournement.)
(La séance est levée à quatre heures.)
À LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE
DU
Opinion non prononcée de M. Chouteau (1), député de Maine-et-Loire, sur le projet de supprimer, sans indemnité, les droits casuels, éventuels, etc.
Messieurs,
Je n'examine point si originairement les droits qu'on propose de supprimer, sans indemnité, ont été justement ou iniquement établis. Quelle que soit leur origine, je ne les puis voir en ce moment que sous le double esprit de l'intérêt national et individuel et sans celui de la justice qui doit toujours être le régulateur de toutes nos délibérations.
L'intérêt national, l'intérêt individuel, exigent-ils ce qu'on propose? la justice le permet-elle?
L'état financier de la nation française, loin de nous permettre d'indiscrets sacrifices pécuniaires, nous impose au contraire l'obligation de n'en faire qu'autant qu'ils sont impérieusement commandés par 1 équité ou l'utilité la mieux constatée.
Le sacrifice qu'on vous propose de faire est-il utile à la nation, à tous les individus ? Non. Ce
sacrifice n'est point profitable à la nation, car lorsque l'Assemblée constituante déclara que les biens dont jouissaient les ecclésiastiques appartenaient à la nation, celle-ci se trouva propriétaire d'une indemnité de revenus casuels, etc.
Je n'ai point été à portée d'en calculer lji valeur capitale; né fût-elle que d'un million, (et ' peut-être est-elle d'un milliard) toujours est-il vrai que ce serait une perte d'un million pour la nation ; et cette abolition sans iiïdem-nité nuirait à une infinité de citoyens qu'elle priverait de leurs possessions. Nous n avons donc pas le droit de la décréter, à moins que la justice ne la commande. Mais elle commande le contraire et la Constitution l'exige. Voici comme elle s'implique au titre Ier de l'article 3 : « La nation garantit l'inviolabilité des propriétés bu une juste et préalable indemnité de celles dont l'utilité publique, légalement constatée, exige le sacrifice. »
Si donc ceux .qui jouissent de ces produits casuels, etc., en sont propriétaires, vous ne les en pouvez dépouiller sans indemnité, sans outrager la justice, les droits de l'homme et blesser cruellement la Constitution. Oh ! je le demande, celui qui de bonne foi a acheté sous l'égide des lois, sops la garantie de la coutume de plusieurs siècles, est-il propriétaire de l'objet acheté? Il faudrait avoir perdu toute idée de justice pour soupçonner la négative. La propriété n'est que le droit exclusif à un objet en vertu de la loi. Je suis donc réellement propriétaire de l'objet que j'ai légalement acquis, et, aux termes de la Constitution je n'en puis ère privé qu'après une préalable indemnité. Ceux donc qui osent proposer l'abolition, sans indemnité, aesvdroits casuels, etc... proposent expressément de Violer la Constitution qu'ils ont juré demain tenir dans toute son intégrité. Qu'ils se parjurent, puisque tel est leur malheureux sort! mais que le prestige de leur fallacieuse éloquence, que l'étalage pompeux de leurs récits scientifiques n'éblouissent pas les âmes honnêtes, les cœurs droits, les vrais amis de la Constitution. Soyons justes.
Eh i qu'on ne nous dise pas, pour autoriser cette violation de la Constitution, que l'Assemblée constituante a aboli sans indemnité les banalités, les droits de chasse, etc... qui étaient aussi des propriétés. Car quel est l'homme de bonne foi qui ne sente pas l'extrême différence entre ces droits qui captivaient la liberté de tous ceux qui y étaient sujets, et ceux dont il est question en ce moment? Quel est l'homme de bonne foi qui, pensant que l'Assemblée constituante aurait fait une injustice, se croirait autorisé à l'imiter en faisant ainsi? Quel est l'hommede bonne foi qui n'aperçoit pas enfin que l'Assemblée constituante ne se parjurait pas en abolissant sans indemnité les droits de banalités et autres, puisque lors de cette abolition, la Constitution n'était pas faite; mais que nous, qui avons juré de la maintenir, de ne rien proposer ni consentir qui la contrariât, nous ne pouvons prononcer cette abolition sans nous couvrir pour jamais de l'opprobre du parjure et de l'injustice la plus révoltante. Ce n'est pas par un aussi perfide abus du pouvoir dont nous avons été investis par nos commettants, que nous parviendrons à rallier irrévocablement les Français à la Constitution. Non, ce n'est point en la sapant dans ses bases que nous l'affermirons. Je laisse à l'écart bien des considérations politiques toutes concluantes contre la
suppression, sans indemnité, parce qu'elles n'ont pas même besoin d'être présentées pour être aperçues.
Mais, Messieurs, par caractère comme par réflexion, ennemi de tout usurpateur, j'en sollicite la punition; qu'on en fasse justice ! Que non seulement on les prive des objets qu'ils ont usurpés, mais qu'on répète encore tous les produits qu'ils en ont perçus ! j'en fais la motion expresse. Mais gardons-nous de confondre les loyaux acquéreurs, les honnêtes propriétaires avec les usurpateurs. Rendons justice aux uns comme aux autres; c'est l'obligation du législateur qui doit savoir s'élever et planer avec assurance au-dessus des nuages que forment les exhalations vénéneuses des embarras, de la prévention, du ressentiment et de la mauvaise foi.
Je dis donc, dansl'intérêt d'un grand nombrede citoyens, celui de la nation, qui a besoin de toute l'étendue de ses ressources, défend l'abolition sans indemnité des droits casuels, etc... La j'us-tice de la Constitution la réprouve ; donc vous ne la devez pas décréter. Mais la justice veut . qu'on prive et punisse les possesseurs de leurs criminelles usurpations ; donc il les en faut tout au moins dépouiller.
J'ajoute, Messieurs, que s'il est juste de^ conserver les droits à leurs légitimes possesseurs, il est également raisonnable d'accorder à chaque redevable la faculté de s'en libérer proportionnellement, chacun pour ce qui le concerne.
En conséquence, je propose le décret suivant :
PROJET DE DÉCRET.
« L'Assemblée nationale, considérant que l'état des finances nationales ne permet jpoint de faire aucun sacrifice pécuniaire, s'il n est impérieusement commandé par l'utilité publique ou par la justice;
« Considérant qu'il est de son devoir de faire jouir tranquillement tout citoyen de ses véritables propriétés ; il est également de sa justice -de faire restituer aux usurpateurs ce qu'ils ont injustement envahi ;
: « Considérant que parmi les propriétaires des droits casuels, tels que lods, ventes, rachats, etc.*. il en est dont la possession est des plus légitimes, et d'autres dont la jouissance, peut n'être qu'une véritable usurpation, soit à raison de la nature desdits droits, soit à raison de leur quotité;
Considérant enfin, que la faculté de racheter lesdits droits, telle qu'elle a été décrétée par les articles..... de la loi du..., est presque illusoire, attendu l'impossibilité pour un grand nombre de redevables de liquider plus que leur quote-part, ou plusieurs à la fois, décrète ce qui suit :
Art. 1er. Tous droits féodaux casuels, éventuels, etc.... à la
réserve de ceux qui sont le résultat d'une concession de fonds ou d'une acquisition faite de
bonne foi et dans les formes légales, sont déclarés supprimés sans indemnité, comme ayant été
usurpés.
Art. 2. Si l'usurpation est prouvée par le possesseur actuel, il sera tenu ae restituer tout ce qu'il aura perçu en conséquence de son usurpation, à ceux de qui il l'aura reçu ou à leurs représentants.
Art. 3. En conséqu ence de l'article 1er, ceux qui se prétendront propriétaires desdits droits, seront tenus d'en communiquer aux redevables les pièces justificatives, soit à raison de la concession de fonds, soit à raison d'une acquisition.
légale : et, en cas de contestation, les tribunaux prononceront sur la légitimité ou l'illégalité dé leurs prétentions.
Art. 4. Lesdits droits, qui auront été déclarés légitimes et dont conséquemment la propriété sera conservée à leurs possesseurs, seront néanmoins divisément rachetables et à raison de la quote-part de chaque redevable.
Nota. Je suis bien aise de dire à ceux qui se complaisent aux suppositions gratuites et aux préventions injurieuses, que l'abolition, sans indemnité, ne me causerait aucune perte, qu'elle me serait, au contraire, d'un avantage assez conséquent.
À LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE
DU
Opinion non prononcée de M. Laboissière, député du Lot (2), sur les droits féodaux cahuels.
Messieurs,
Rien n'èst plus variable que l'origine des liefs, puisqu'ils dérivent de différentes causes. Il n'en est pas de même de leur accroissement, de leurs surcharges. Il n'est presque pas de fiefs qui, par succession dé temps, ne soient devenus une propriété usurpée, sinon en tout, du moins en partie.
Les droits casuels, surtout, portent avec leur étymologiela preuve d'un droit nouveau. Car un prétendu droit qui tient du hasard et qui est supérieur à l'acte d'inféodation, n'est pas une propriété originaire, à moins que le contraire ne soit prouvé par le titre d'inféodation : et vous remarquerez que, dans la jurisprudence même de l'ancien régime, le seigneur qui, après avoir pris un fonds qui lui faisait rente, le vendait ou l'inféodait de nouveau, nè pouvait prétendre les droits casuels, à moins qu'il ne les eut réservés par exprès (3), ce qui prouve évidemment que cette prétention est hors du droit commun et ne peut pas se présenter par une seule reconnaissance des droits et devoirs seigneuriaux, mais seulement par la disposition expresse du titre primordial.
Ainsi, l'Assemblée constituante (sauf le respect qui lui est dû) est tombée en défaut, lorsqu'elle a fait marcher le cens ou la rente du pair avec les lods et Ventes; c'est encore pis lorsqu'elle a émulativement soumis au rachat l'un et l'autre, et jamais l'un Sans l'autre. Cette idée est inconcevable.
Si l'on consulte la jurisprudence des xve et xvi° siècles, il fallait plus de 2 reconnaissances pour établir le droit ae fief (4) et vous observerez, qu'en tout état de cause, tecensitaire était reçu à prouver l'usurpation ou la surcharge contre toute espèce de reconnaissance et d'ad-minicule.
Comment se peut-il donc que les décrets de
l'Assemblée constituante aient attribué aux seigneurs, par deux reconnaissances, un droit positif qu'ils n'avaient jamais osé prétendre? C est à 1 Assemblée législative à réparer cette lacune insupportable.
: Ce n'est pas, Messieurs, que je pense qu'il faille obliger les ci-devant seigneurs à rapporter judaïquement le titre primordial de leur prétendu fief. Une nation libre doit être juste et généreuse ; et il faut cônvenir que, sur la foi de nos lois et de nos usages, ils peuvent avoir négligé ou méprisé leurs titres primordiaux, à la faveur des nouvelles reconnaissances ou autres adminicules, et dès lors, il serait injuste de subordonner leurs propriétés à une négligence qui semblait être permise. Ils ne manqueraient pas de dire que, par un traitement si rigoureux, vous avez voulu venger la nation de ce qu'ils ont pris les armes contre elle.
Il faut donc, Messieurs, réduire cette question à son véritable point de vue et juger nos ennemis comme s'ils étaient à la barre; vous leur diriez que leurs prétendus droits casuels ne se présument, ni ne peuvent se présumer dans la personne du seigneur, ni dans celle du tenancier, qui, n'étant dûs de leur nature ni par leur premier, ni par le dernier possesseur du fonds, ils ne sauraient exister sans une convention expresse, que n'étant ni possessoires ni incorporels, ; ils ne sauraient être acquis par la prescription ; enfin, que le droit de mutation ne tenant point essentiellement à la glèbe, c'est au ci-devant seigneur à prouver qu'il a été dérogé au droit commun.
Il n'en est pas de même du cens ou de la rente; elle tient à la glèbe, elle fait suite à une possession continue; quoique le fonds ait changé de main, c'est toujours le même fonds tenu en ,fief. La rente, le champart, etc... peuvent être exagérés, ils l'ont presque toujours été; mais il existe un droit de seigneurie qui doit être aujourd'hui ce qu'il était lorsque le rachat a été décrété. Il ne s'agit que d'employer un mode de rachat qui, en respectant le droit de propriété, éteigne à jamais un régime inconciliable avec la Constitution du royaume ; des mesures qui ne seraient à cet égard que partielles ou individuelles, ne sauraient atteindre à ce but essentiel.
Il faut que la nation se charge de ses affranchissements ; que la grande famille confonde et réunisse dans ce grand intérêt les divers intérêts particuliers; sans cela, il ne saurait y avoir, parmi nous, de régénération parfaite ; sans cela le régime féodal renaîtra quelque jour de sa cendre.
Observez, Messieurs, que dans notre hypothèse, c'est en général le pauvre qui est le débiteur du riche, que ce riche a le plus grand intérêt de le maintenir dans ce genre d'esclavage, qu'il se complaît déjà, dans les arréragés de 5 années, qui absorbent ' les capitaux de la plus grande partie des malheureux cultivateurs; et vous savez qu'on en vient jusqu'à se flatter que cette grande question devait être subordonnée au sort de nos armées.
Dans cet état de choses, j'ai l'honneur de proposer à l'Assemblée de décréter ces deux principes, sauf les lois de détail :
1° Les droits casuels demeurent supprimés, sans indemnité, à moins que les propriétaires des ci-devant fiefs ou seigneuries ne fournissent des titres primordiaux portant convention expresse du droit de lods ou autres droits équi-pollents.
2° La nation demeurera chargée du remboursement des cens, rentes, champarts, etc... suivant le mode qui sera détermiué, sauf son recours, ainsi qu elle avisera.
A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE DU
Opinion non prononcée de M. Journu-Auber, député de la Gironde (2), sur le projet de supprimer les droits casuels sans indemnité.
Messieurs,
On vous propose de supprimer les droits casuels déclarés rachetables, par le décret de l'Assemblée constituante du lô mars 1790.
Les préopinants ont trop approfondi les questions historiques sur les époques auxquelles les publicistes font remonter l'origine des fiefs, pour que je me permette encore des dévéloppe-ments de ce genre. Ce que ces orateurs m'ont paru le mieux prouver, c'est que l'incertitude des bases permet à chacun d'élever sur le même fond des systèmes totalement opposés.
J'ai donc cru qu'il s'agissait moins de raisonner sur ce qui a dû être, dans tel ou tel siècle, que sur ce qui existe réellement aujourd'hui ; aussi laisserai-je de côté la carrière de l'érudition pour ne traiter la question que sous ses rapports avec la Constitution et avec l'état actuel de nos finances.
Votre comité féodal, avant d'entamer cette discussion, avant de s'engager dans des recherches qui se perdent dans l'obscurité des temps, où l'écriture n'était presque pas en usage, et aurait dû, ce me semble, consultant les circonstances présentes, se faire à lui-même ces questions essentielles : 1° Quelle est l'étendue du sacrifice proposé ? 2° La situation de nos finances peut-elle souffrir, en ce moment, la privation d'une ressource aussi majeure ?
3° La Constitution permet-elle de violer les droits de propriété ? et n'impose-t-elle pas à la nation l'obligation d'indemniser ceux de qui l'intérêt public exige quelque sacrifice ?
Je crois fermement que si votre comité avait discuté la matière sous ces rapports, il aurait, ou ajourné son projet à l'époque de la fin de la guerre, ou dirigé son travail vers un nouveau mode de rachat plus facile et plus déterminant pour les redevables.
Nous savons, par l'expérience de nos prédécesseurs, qu'il est plus aisé de détruire que de recréer; il faut donc mesurer l'étendue de ce sacrifice, et bien connaître quelles autres ressources vous mettrez à la place d'un revenu aussi effectifquenécessaire, avant d'en priver la nation.
Sil'Assemblée constituante, endétruisant toutes les vicieuses formes d'impositions anciennes (dans la persuasion que les nouvelles y suppléeraient), a conservé cependant les droits incorporels; si elle n'a pas cru pouvoir priver l'Etat de cette ressource précieuse, sommes-nous donc
dans une meilleure position ? Avons-nous donc augmenté nos recettes et diminué nos dépenses, pour nous croire en mesure d'être prodigues, quand elle s'est cru forcée d'être économe ?
Le contraire n'est que trop évident. Cette même Assemblée n'a cependant pas cru pouvoir se dispenser de conserver ces droits, parce qu'elle a craint, d'une part, d'affaiblir trop les revenus publics, et que, de l'autre, elle a reconnu la justice et la nécessité d'indemniser les particuliers qui, par cette suppression, seraient dépouillés de leurs propriétés, propriétés peut-être envahies dansdes temps anciens parlespremiers possesseurs, mais nullement usurpées par les titulaires actuels, acquises au contraire légitimement par eux à prix d'argent, ou en partage de succession, comme todtes les autres propriétés particulières, acquises même sous la garantie des lois, en payant à l'Etat tous les droits exigés pour valider les acquisitions les plus authentiques.
Je sais qu'on faisait valoir les mêmes raisons pour conserver les droits de justice, de chasse, de banalité et mille autres plus ridicules encore : mais quelle différence! C'est leur immoralité flétrie depuis longtemps par les lumières de la raison et au bon sens, qui les a fait proscrire par la Constitution; et les auteurs de cette même Constitution, voyant l'impossibilité d'aller plus loin, sans tout renverser, sans tout compromettre, s'attachèrent à tracer la ligne de démarcation entre les droits honorifiques, tenant de la domination ou de la supériorité personnelle, et ceux qui, étant essentiellement des propriétés utiles, pouvaient être dégagés de tous les caractères de la servitude, ils déclarèrent donc les droits incorporels de véritables propriétés ; ils les consacrèrent à ce titre par la loi qui en permet le rachat ; et en même temps, fidèles au principe de l'égalité des droits, ils en séparèrent tout ce que la vassalité avait d'odieux, tout ce que les formes féodales avaient d'humiliant ; tellement qu'aujourd'hui ce ne sont plus des prérogatives de seigneur à vassal : les personnes n'y sont plus rien; ce n'est plus que l'intérêt d'une possession dans une autre ; c est le droit du créancier sur le débiteur; et, grâce au décret du 5 mars 1790, celui-ci peut forcer celui-là à le libérer de toute redevance, par des offres déterminées par la loi.
Les prétentions des ci-devant seigneurs'à accorder ou refuser, à ceux qu'ils qualifiaient de leurs vassaux, la permission de vendre leurs fonds ; l'exercice du droit de retrait et de celui de prélation, tout cela est anéanti; il n'existe plus ni patronage, ni prérogatives personnelles, ni enfin aucun titre, aucun droit honorifique. Ainsi, voir dans les débris de ce colosse renversé des vices et des dangers qui exigent des mesures promptes et des sacrifices précipités, c'est créer des fantômes pour avoir le plaisir de les combattre.
Il serait plus satisfaisant sans doute, pour tous les Français, d'arracher jusqu'aux dernières racines des ronces de la féodalité, d'anéantir jusqu'au souvenir du régime des abus; mais il est sage d'en différer l'époque jusqu'à celle où nos moyens pourront le permettre sans injustice.
Si votre comité se fût borné à vous proposer des moyens sagement combinés de faciliter les j rachats, d'accélérer toutes les libérations, en permettant de les morceler et de les diviser au I gré des débiteurs, rien ne m'eût paru plus juste,
et j'y aurais applaudi avec toute l'Assemblée; ou peut-être mieux encore, si, comme l'orateur qui le premier a parlé ici, après le rapporteur, le comité eût proposé que la nation conservât les droits casuels et censuels qu'elle possède déjà, et qu'elle y réunit aussi ceux dont les divers particuliers jouissent dans tout le royaume (à la charge de les indemniser), il aurait sans doute trouvé un grand nombre de partisans. C'est là, Messieurs, un système que vous ne devez pas négligerd'examiner, c'est peut-être le seul moyen : équitable d'ensevelir les vestiges de l'édifice féodal, sans blesser les propriétés particulières, et sans compromettre une portion importante des revenus publics.
Mais ce plan exige de sages combinaisons et, certes, le moment n'est pas favorable pour son exécution.
Aujourd'hui, affermissons la Constitution par la victoire; et aussitôt que nous aurons triomphé de nos ennemis, que notre crédit aura acquis toute la consistance que nous devons présager, aussitôt gue notre garantie en indemnité, envers les particuliers à priver de leurs droits, ne pourra pas être taxée de problématique par les malveillants, c'est alors que vous pourrez donner carrière à toute la générosité française.
Aujourd'hui, vos comités des finances, en recueillant toutes les ressources effectives et toutes les ressources d'espérance de la nation, vous offrent la perspective consolante de la parité entre l'actif et le passif, mais ils n'ont pas encore fait connaître les moyens de pourvoir au déficit des revenus annuels. Je ne doute pas que l'amour ardent de la patrie, et les dispositions de tous les Français libres, n'opèrent des prodiges toutes les fois que leurs représentants reconnaîtront la nécessité d'imposer de nouvelles contributions. Mais avec quelle réserve ne faut-^il pas recourir à de nouveaux moyens ? Est-il quelque mesure plus importante que celle de conserver les sources qui concourent à vivifier le Trésor public, lorsqu'il s'écoule par torrents pour les dépenses extraordinaires? Et c'est dans ce moment que votre comité féodal vous propose d'abandonner un capital infiniment précieux, dont le produit (de son propre aveu) a rendu 900 et quelque mille livres par mois, depuis l'époque où les rachats forcés ont été décrétés, ce qui dé|à passe 10 millions par an. Mais je suis informé que, depuis quelque temps, la recette s'est fort accrue ; j'en donnerai la preuve dans un moment.
Pourquoi donc votre comité, en vous proposant cette suppression pour les fiefs appartenant à la nation, ne vous présente-t-il pas l'évaluation des sommes énormes qu'exigeraient les indemnités à allouer aux particuliers qui ont des propriétés de la même nature? Il serait plus commode, sans doute, de supprimer tout sans indemnité; mais peut-on le proposer de sang-froid? Quand on doit savoir que plusieurs familles de l'Europe n'ont, pour ainsi dire, pas d'autre patrimoine; que jiour nombre d'autres, c'est la portion la plus essentielle de leur revenu ; que le décret qui opérerait leur ruine en ferait autant d'ennemis implacables de la Constitution ; que ces propriétés ne sont pas exclusivement affectées aux ci-devant nobles: que l'égalité des droits appelle tous les citoyens indistinctement à les posséder, comme toutes les autres richesses; et qu'enfin, par l'effet de l'aliénation des domaines nationaux, il y en a déjà dans le commerce, dont la nation a reçu et dé-
pensé le prix. Remarquez qu'on ne poursuit ici que l'ombre de la féodalité; car il est bien évident, encore une fois, qu'il n'y a plus ni seigneur, ni censitarié : le titulaire n'est plus que le porteur d'un contrat de rente fixe, ou d'une rente éventuelle sur un débiteur ordinaire, sur un débiteur qui peut se libérer malgré son créancier. Or, l'amour de l'égalité (de quelque prestige qu'on puisse l'entourer) ne s'étendra pas, j'espère, jusqu'à proposer la suppression des contrats et des dettes ; et ce n'est cependant, Messieurs, que cette proposition même, en d'autres termes, que celle ae la suppression aes droits casuels et censuels, sans indemnités, qui vous a été faite par un des préopinants. Il est donc impossible de se déguiser que ce fût là une injustice révoltante.
Le comité vous propose seulement, article 6, d'indemniser ceux à qui la nation a vendu quelques-uns des droits qu'il vous invite à supprimer; mais il n'en évalue ni n'en connaît le montant. Je sais qu'il ne s'est pas fait de ces sortes de ventes de droits féodaux isolément, . pour des sommes fort considérables; mais je sais aussi qu'il s'est vendu beaucoup ae grands biens nationaux, avec et y compris en bloc, tous les droits casuels et censuels qui y étaient attachés : et j'en suis très certain, parce que j'ai vu, dans l'administration dont j'étais membre, que le cumul de ces accessoires avec les fonds territoriaux ont fait porter les achats à des prix très supérieurs à ceux qu'on en eût obtenus sans l'adjonction de cette partie essentielle de la propriété. Ce ne fut que pour les ventes postérieures au décret du 9 mars 1791, que les droits incorporels cessèrent d'être compris dans l'aliénation des fonds: mais alors une grande partie des terres rentées, qui avaient les premières fixé l'attention des capitalistes, n'était plus à vendre. Le comité a-t-il donc oublié que, par les décrets des 14 et 25 juin 1790, déclarant que tous les biens nationaux seraient vendus francs et exempts de ces charges, la nation s'est obligée à indemniser elle-même, les propriétaires auxquels ils sont dûs ?
De deux choses l'une, ou votre comité entend que vous devez manquer à cet engagement sacré, ou que vous devez y satisfaire. Dans le premier cas, vous n'accuèillerez certainement pas une proposition qui, foulant aux pieds tous les principes, serait une tache pour cette législature. Dans le second cas, il devait préalablement vous présenter un tableau général et vérifié par vos comités des finances, qui indiquât, au moins par approximation, la masse des remboursements à faire aux nombreux propriétaires, qui, évidemment lésés par une disposition contraire, feraient entendre leurs justes réclamations. Il en est de plusieurs classes, savoir :
1° Ceux à qui la nation a vendu des droits censuels et casuels isolément ; ils ont une valeur connue, c'est celle de l'adjudication;
2° Ceux à qui elle a vendu des possessions territoriales avec tous les droits y attachés, et qui ont été estimés en commun avec le fonds;
3° Ceux qui, depuis le décret du 15 mars 1790, signalant leur confiance dans la stabilité des lois nouvelles, ont acheté à prix d'argent un affranchissement que vous rendriez aujourd'hui général et gratuit ;
4° Ceux en très grand nombre, dans la mouvance de qui étaient les biens nationaux vendus
francs et libres de toute redevance, et dont la nation a garanti le remboursement en indemnité-
Mais si, par l'effet d'une promesse formelle et inviolable, ces derniers sont remboursés de la privation de leurs droits sur lesbiëns nationaux vendus, quelle raison y a-t-il pour ne pas leur rendre la même justice à l'égard des droits semblables sur tous les autres effets situés dans leur mouvance, dont vous les priveriez aussi par le décret?
Or, si ceux-là sont remboursés (comme il est impossible de l'éviter), vous ne pouvez pas vous dispenser de traiter de même généralement tous les propriétaires des ci-devant fiefs, car, s'ils ont les mêmes droits, il est incontestable qu'un même traitement leur est dû, tant qu'il rç'y aura pas deux morales et deux justices en contradiction entre elles.
Or, l'état actuel de vos finances s'opposent décidément à toute tentative de ce genre, il est bien démontré qu'il est impossible, quant à présent, de supprimer les droits incorporels appar-, tenant à des particuliers.
Quant à ceux que possède }a nation, je crois (quoiqu'on ait avancé le contraire), que votre pouvoir s'étend jusqu'à leur suppression, mais que votre devoir, qui est de sauver la patrie, vous prescrit de renvoyer à un autre temps. Songez que le désordre des finances a amené la Révolution, et que nos ennemis fondent sur la même cause leurs espérances de contre-révolution ; songez que, dans le moment présent, loin de rien écarter, vous devez rassembler toutes vos ressources, toutes vos facultés, pour pousser la guerre vigoureusement ; car, que deviendraient tous nos décrets si nous ne triomphions de cette ligue étrangère qui veut nous avilir, et dont tant d'indignes Français attendent les succès au sein même ae la patrie ? Messieurs, on ne fait point la guerre sans argent et sans beaucoup d'argent; si donc vous n'en avez pas de reste, si vous en manquez, pourquoi précipiter un aussi grand sacrifice? Ce revenu ne vous, est pas connu. Je suis assuré que plus d'àctivité ae la part des percepteurs offrira de bien plus grands produits qu'on ne pense. On peut en juger par l'état que l'administration du district de Bordeaux, effrayée de la suppression proposée, m'a adressé, en me chargeant de la mettre sous vos yeux; c'est un tableau de la recette du premier quartier de cette année, qui pour le seul district de Bordeaux, s'élève à plus de 80,000 livres par mois. Chaque mois distinct, et compris avec quelques objets de moindre importance, a donné à la recette du domaine :
Savoir :
Janvier........... . . ..79,043 1. 6 s. 6 d.
Février.....................106,339 16 3
Mars................................108,485 6 1
293,868 1. 9 s. 7 d
Je dois vous faire observer que la progression d'augmentation, qui était jusqu'alors bien marquée de mois en mois, a été rompue tout à coup au moment où l'on a eu connaissance de la proposition faite par votre comité féodal. La recette s'est ralentie, les rachats ont été suspendus : le receveur n'obtient point les recouvrements sur lesquels il avait dû compter; et cet état dé stagnation durera jusqu'à ce que vous ayez rejeté Te projet par la question préa-
lable. Je n'entends pas me prévaloir de cette recette pour supposer qu'elle dût être constamment aussi forte que dans ces 3 mois, ni que les 545 districts puissent donner des produits proportionnés à ceux-là; mais à moitié, au quart ae cette proportion, ce serait toujours un pror duit infiniment plus considérable que personne ne l'a évalué! *
On vous dit avec confiance, comme un fait prouvé, que lorsqu'il n'y aura plus de droits casuels, les mutations devenant plus fréquentes* le produit du droit d'enregistrement augmentera.
C'est ainsi qu'en donnant des conjectures pour des réalités, on cherche à persuader ce qu'on aime à croire soi-même ; mais, en fait de finances, ce n'est pas par des opinions, c'est par des faits ou des calculs qu'on peut convaincre ; aussi ce n'est pas parce que j avance une opinion contraire, que je dois être cru sur parole; mais si je détruis par des faits la supposition avancée, et si je prouve que le droit d'enregistrement, après la suppression des droits de mouvance, sera nécessairement moins productif qu'auparavant, j'aurai écarté la seule apparence de raison dont on appuie le projet que je combats.
Je veux croire que, par la suppression des droits del mutation, les mutations seront un peu plus fréquentes. Mais veuillez me prêter votre > attention pour une observation importante; c'est que le même décret qui anéantirait les droits de mutation changerait en,partie les bases de celui d'enregistrement, car il faut dévoiler ce que les préopinants ont paru ignorer, ce qui n'est que trop connu des administrateurs, c'est que depuis la supprèssion des retraits (suppression qu'il ne faut pas regretter),; les contrats pour ventes d'immeubles, relevant de la nation, n'énoncent plus le véritable prix des acquisitions les contractants s'entendent pour faire des contre-lettres. D'abord, on a diminué Un dixième, puis un huitième; aujourd'hùi, le quart, le tiers; et bientôt on portera l'impudeur jusqu'à ne dé-v clarer qu'environ moitié du véritable prix des acquisitions, parce que l'on ne craint plus l'acte de retrait; ainsi, le produit des droits d'enregistrement doit aller en diminuant sous ce rapport. Or, du moment où tous les droits censuels et casuels seraient supprimés, la même fraude aurait lieu, pour la vente de fonds relevant aujourd'hui des particuliers ; alors, personne n'ayant plus un intérêt direct à éclaircir ces manœuvres, l'abus croissant réduirait bientôt sensiblement le produit, du droit d'enregistrement sur les mutations (quoique vous eussiez fait cependant le sacrifice de la totalité des droits casuels) ; au lieu que, si sur chaque propriété mise en vente(dans la mouvance des particuliers, vous avez un surveillant plus intéressé même, que la nation à prévenir la fraude, crovez-vous qu'on s'y oppose, ou du moins qu'on ose la porter à l'excès? Non, certainement, parce que celui qui devra recevoir les droits de mutation d'un effet à vendre sera attentif à en connaître le prix, il.pourra en faire traiter l'acquisition^ alors, fixé sur sa vraie valeur, il ne pourra pas être trompé; le contrat ne sera pas simulé; ou s'il l'est, celui- ci le dénoncera pour son utilité personnelle et pour l'utilité publique. Consé-quemment la nation recevra un. bien plus fort droit d'enregistrement que si personne n'eût > été directement intéressé à cette surveillance^
Voilà à quoi il est impossible de répondre. J'ajouterai une dernière considération ; c^st que
les nouvelles dépenses que la guerre va occasionner, consommeront tous les assignats hypothéqués. Fidèles à vos principes, ne pouvant en émettre de nouveaux sans avoir des ronds libres à affecter pour en assurer la solidité, il est infiniment précieux de trouver dans le même fonds des droits casuels et censuels, le double avantage d'une recette annuelle de 12 à 15 millions, et d'un capital de 250 qui vous reste pour hypothèque imposante, mais nécessaire au soutien du crédit national.
Si donc nous sommés tous ici convaincus que les recettes sont insuffisantes, qu'il faudra imaginer de nouveaux moyens d'y suppléer, jé demande s'il est sage de se plonger dans de nouveaux embarras, et d'en multiplier les causes, sans indiquer les moyens d'en sortir. Non, Messieurs, vous ne retrancherez pas de l'arbre de nos finances une branche vivifiante qui porte annuellement des fruits aussi assurés .que faciles à recueillir. Vous ne violerez pas la Constitution, qui, en propres mots, titre Ier, garantit l'inviolabilité des propriétés, ou la juste et préalable indemnité de celles dont la nécessité publique exigerait le sacrifice: Or, les droits de mutation sont incontestablement des propriétés ; ils ont même été solennellement déclares tels par le Corps constituant, donc il n'est pas en votre pouvoir deles supprimer sans indemnité.
On ne cesse de répéter que le peuple a assez longtemps gémi sous l'oppression, qu'il est temps qu'il soit dédommagé: oiii, sans doute, et moi aussi je le dis, parce que je suis un des plus zélés partisans du bonheur du peuple et de l'égalité des droits; mais on se tromperait étrangement si, abusant du nohrdu peuple, on croyait lui faire un sacrifice agréable dans la suppression Subite des droits incorporels. On ne saurait trop faire, sans doute, pour la félicité du peuple, puisqu'il est tout, puisqu'il est le souverain et la nation elle-même. Mais si ce n'est pas la seule classé des citoyens, contrariés par la fortune, qui compose le peu pie; si tous les Français placés entre le malaise et l'excessive opulence, ne sont pas étrangers au peuple, pourquoi les prive-t-on d'une qualification qui les honore? D'après quels principes propose-t-on, parmi ces citoyens possesseurs de fonds, de dépouiller les uns pour favoriser les autres? sans aucune égalité dans la répartition, sans que les classes moins fortunées puissent y prendre aucune part, sans que ce peuple enfin, pour qui l'on paraît s'intéresser, mais qui est toujours juste lorsqu'on l'éclairé, ait Sollicité un sacrifice vraiment impossible à concilier avec l'équité.
Messieurs, si noUs sommes vraiment libres, c'est surtout à la liberté des opinions qu'on doit le connaître ; gardons-nous de donner à penser que le peuple puisse être réduit à la malheureuse condition des rois,je veux dire à celle de n'avoir point d'amis, ou de ne savoir point les distinguer. A la vérité, cette Assemblée en réunit un trop grand nombre pour craindre cette imputation; mais si de tout temps l'adulation investissant les trônes en déroba l'excès à la vérité, un peuple souverain,; par une semblable illusion, ne peut-il pas être exposé à méconnaître aussi ses vrais amis? Je le demande donc avec franchise, doit-il les voir dans ceux qui le flattent ou dans ceux qui, plus pénétrés de la dignité de leurs fonctions, ne craignent pas d'être vrais avec lui, au risque de lui déplaire?
Dans cette occasion-ci, quel est le meilleur amwiu peuple? Est-ce celui dont le système tend
à la violation des propriétés, à ruiner les uns, sans utilité pour le plus grand nombre des autres, à priver le crédit public d'une hypothèque considérable, à faire perdre à la nation un revenu dè plus de 12 millions, dont le remplacement nécessiterait de nouvelles impositions générales? 1 ou bien est-ce celui qui, selon le vœu de la Constitution, veut que toutes les propriétés soient inviolablement respectées? Celui qui propose l'ajournement d'une suppression aussi convenable dans un temps d'aisance, que désastreuse aujourd'hui ; celui qui, frappé de la gêne de nos finances, convaincu de la nécessité d'augmenter la recette publique, s'occupe des moyens d'y pourvoir, sans aggraver l'impôt sur l'agricul-turé et l'industrie, sans que les citoyens les moins aisés soient appelés à de nouvelles contributions pour en remplacer une qui leur est étrangère, et qu'ils ne connaissent pas même de nom? C'est aux apologistes de la suppression à répondre.
Au reste, j'affirme avec confiance que le produit des droits incorporels mieux connu, sera d'ime ressource plus grande qu'on ne l'a évalué; et que même (en le portant au plus bas), ne fût-il que de 12 millions, le double sacrifice de perdre un revenu si précieux, et d'arriérer encore la nation par une dépense énorme en indemnités, est absolument inadmissible, impro-
Êosable même dans les circonstances présentes, n conséquence, je demande la question préalable sur le projet du comité, et l'ajournement d'une nouvelle discussion à l'époque où les revenus libres de la nation excéderont ses dépenses annuelles.
A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE
DU
Opinion non prononcée de M. C. F. Oudot, député de la Côte-d'Or (2), Concernant la suppression des droits censuels et casuels.
Messieurs (â),
Soit que les droits féodaux aient pour origine le partage des terres conquises entre les vainqueurs des Gaules, ou la concession des bénéfices militaires, ou l'hérédité des magistratures exercées sous les titres de duc, ae comte et de vicomte, soit qu'ils soient le résultat de ces trois causes à la fois, combinées avec l'anarchie féodale, qui de chaque seigneur avait fait un petit roi et lui avait attribué tous les droits de la souveraineté (4), leur origine est également impure et injuste.
Et comment pourrait-on supposer, sans absurdité, que quelques centaines a individus, appelés seigneurs, eussent pu avoir légitimement le droit de concéder la presque totalité des terres du royaume à ses habitants, de leur faire acheter la faculté de les cultiver, de s'y établir et d'y respirer? La France entière, avant l'établissement du régime féodal, était-elle donc inhabitée et inculte? Quel serait donc le grand événement dans l'histoire qui aurait pu revêtir ces prétendus seigneurs a'un pareil droit? Quelle vertu, quel service aurait pu leur acquérir une telle prérogative?
Dira-t-on que les chefs des Francs cedèrent ces terres à leurs soldats? Comment ces chefs auraient-ils pu les donner à leurs compagnons d'armes, vainqueurs comme eux, sous des conditions aussi dures que celles de la féodalité?
Si les terres concédées proviennent des bénéfices militaires, elles appartiennent à la nation. N'est-ce pas assez pour les possesseurs de fiefs de les avoir usurpés, de s'être dispensés ensuite du service militaire auquel ils étaient assujettis, sans prétendre encore eterniser les droits qu'ils ont imposés injustement sur les habitants qui les possédaient avant eux ?
Si c'est en qualité de propriétaires des duchés, des comtés et vicomtés, c'est-à-dire comme juges, comme magistrats,commefonctionnairespubfics, que les ci-devant seigneurs ont établi ces droits sur les justiciables de leur arrondissement, peuvent-ils se prévaloir de l'usurpation qu'ils ont faite du pouvoir du peuple, pour consacrer les abus qu'ils en ont faits, et pour légitimer les redevances annuelles et casuelles auxquelles ils l'ont assujetti?
Sous quelque point de vue qu'on examine les droits généraux établis par les ci-devant seigneurs, stipulés dans leurs terriers sans cause, autorisés parles coutumes, comme attachés à la mouvance, au fief, à la qualité de seigneur et à leur prétendue souveraineté(l), ceux surtout qui dérivent de cette maxime, nulle terre sans seigneur, on voit que ces droits ne sont que le résultat odieux de l'empire de la force et de l'Oppression; tout concourt à démontrer que ces droits réels n'ont pas une autre origine que la servitude personnelle : nés avec elle, ils en étaient et la suite et l'effet.
L'Assemblée constituante a détruit cette première espèce de servitude : elle devait donc anéantir tous les droits réels qui ont ta même source. Non seulement elle ne l'a pas fait, mais par une contradiction inconcevable, elle a conservé ceux des droits réels qui avaient été établis en remplacement de la servitude personnelle ; et elle a, de plus, conservé par la loi du 15 mai tous les autres droits réels, en supposant qu'ils sont le prix de la concession des fonds.
Mais, Messieurs, du moment qu'il est certain que les droits généraux des possesseurs de fiefs, attachés à la mouvance, inhérents à la qualité de seigneur, et autorisés, comme tels, dans les différentes coutumes, n'ont d'aiitre cause que l'usurpation, d'autre source que l'oppression féodale, vous ne pouvez pas hésiter à les anéantir sans indemnité.
Je suis cependant bien éloigné de confondre avec les droits purement féodaux ceux qui sont le prix de la concession du fonds sur lequel ils sont perçus ; car il est certain qu'il y a eu une assez grande quantité de terrains incultes et de peu de valeur, cédés par des propriétaires à la charge de droits censuels et casuels, semblables à ceux établis par le régime féodal.
Mais, il n'est pas possible d'en douter, toutes les fois que les seigneurs ont concédé quelques portions de terrain sous la condition de percevoir de tels droits, ils n'ont pas manqué d'énoncer, dans les contrats qu'ils ont faits, et dans les reconnaissances qui ont suivi, que ces droits avaient pour cause la concession du fonds. Cette stipulation était trop intéressante pour être omise; et certes les ci-devant seigneurs et leurs agents étaient trop exacts à insérer dans les actes qu'ils faisaient avec leurs vassaux tout ce
3ui leur était avantageux, pour être soupçonnésavoir négligé de faire mention de cette circonstance, lorsqu elle existait.
Tenons donc pour certain que tous ceux qui ont des droits de cette espèce, ont aussi aes titres et des reconnaissances qui énoncent la concession primitive des fonds : ainsi, vous ne ferez injustice à personne, en supprimant sans indemnité tous les droits pour origine de cette concession, ou par la production du titre primitif, ou par trois reconnaissances uniformes, énon-ciatives de ce titre de concession, soutennes d'une possession immémoriale et sans trouble.
Vainement on objecterait que l'ancienne possession des ci-devant seigneurs doit faire présumer que ces droits ont pour première cause l'abandon delà terre qui y est assujetti : non, sans doute, puisqu'il est démontré que tous les droits généraux, n ont d'autre source que celle de la servitude, l'abus de la force, l'usurpation.
Inutilement encore on dira que les possesseurs actuels les ont acquis de honne foi, et que leur possession doit au moins produire l'effet de les maintenir dans la propriété des droits qu'ils ont achetés sous la sauvegarde de la loi.
Ce raisonnement, déjà fait sans succès à l'égard de la servitude personnelle abolie sans indemnité, n'a pas plus de force pour ce qui concerne les droits réels, dès qu'ils ont la même origine.
Pourriez-vous être arrêtés, Messieurs, par la considération de cette injuste et trop aucienne possession? Songez qu'il ne s'agit pas de peser ici les intérêts de quelques individus, mais les destinées de tout un peuple, mais la prospérité de toutes les générations qui doivent couvrir la terre de la liberté.
Si l'usage des abus pouvait justifier les abus, si l'oppression pouvait légitimer l'oppression, le genre humain serait condamné à un éternel asservissement et la révolution serait un crime.
Si la prescription peut légitimer une usurpation contre un individu, elle ne saurait avoir lieu contre les peuples. La caste des nobles, dont nous avons anéanti les prérogatives avec tant de raison, n'a donc jamais pu prescrire le droit de former des établissements nuisibles à la nation entière.
Il n'est pas question ici de prononcer sur une contestation et des intérêts partiels. Hommes d'Etat, nous avons pour devoir de réformer, de détruire toute institution vicieuse; et il n'en est point de plus immorale et de plus nuisible à la prospérité de la nation que les restes du régime féodal, que la loi du 15 mai 1791 a en quelque sorte raffermi.
Et qu'est-ce qu'une révolution, si ce n'est une subversion dans les usages, dans les lois, dans les institutions d'un peuple? Pourrait-elle jamais avoir lieu, sans froisser les intérêts de ceux qui subsistaient par les abus et qui les avaient introduits ?
Mais si ces droits sont une dépendance du régime féodal, comme il n'est pas possible d'en douter : il ne nous est pas permis d'hésiter à les supprimer, puisque la Constitution a prononcé l'anéantissement de ce régime comme un principe essentiel; nous devons au peuple de consacrer au plus tôt toutes les conséquences qui en dérivent.
Je suis donc d'avis de la suppression sans indemnité des droits censuels et casuels qui ne seront pas justifiés avoir pour cause la concession du fonds, par l'exhibition du titre primitif, ou par trois reconnaissances uniformes, énonciatives de la clause de concession de ce même titre, soutenues d'une possession immémoriale et sans trouble.
A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE
DU
lettre de m. de la fayette au roi (2).
« Au camp retranché de Maubeuge, ce
« Sire,
« J'ai l'honneur d'envoyer à Votre Majesté la copie d'une lettre à l'Assemblée nationale, où elle retrouvera l'expression des sentiments qui ont animé ma vie entière. Le roi sait avec quelle ardeur, avec quelle constance j'ai de tout temps été dévoué à la cause de la liberté, aux principes sacrés de l'humanité, de l'égalité, de la justice. Il sait que toujours je fus l'adversaire des factions, fennemi de la licence, et que jamais aucune puissance, que je pensais être illégitime, ne fut reconnue par moi : il connaît mon dévouement à son autorité constitutionnelle, et mon attachement à sa personne. Vodà, Sire, quelles ont été les bases de ma lettre à l'Assemblée nationale; voilà quelles seront celles de ma conduite envers ma patrie et Votre Majesté, au milieu des orages, que tant de combinaisons -hostiles ou factieuses attirent à l'envi sur nous.
« Il ne m'appartient pas, Sire, de donner à mes opinions, à mes démarches, une plus haute importance que ne doivent avoir les actes isolés d'un simple citoyen; mais l'expression de mes pensées fut toujours un droit, et dans cette occasion devient un devoir ; et quoique je l'eusse rempli plus tôt, si ma voix, au lieu de se faire entendre au milieu d'un camp, avait dû partir du fond de la retraite à laquelle les dangers de ma patrie m'ont arraché, jë ne pense point qu'aucune fonction publique, aucune considération personnelle me dispense d'exercer ce devoir d'un citoyen, ce droit d'un homme libre.
« Persistez, Sire; fort de l'autorité que la volonté nationale vous a déléguée, dans la généreuse résolution de défendre Tes principes constitutionnels contre tous leurs ennemis : que cette résolution, soutenue par tous les actes de votre vie privée, comme par un exercice ferme et complet du pouvoir royal, devienne le gage de l'harmonie qui, surtout dans les moments de crise, ne peut manquer de s'établir entre les représentants élus du peuple et son représentant héréditaire. C'est dans cette résolution, Sire, que sont, pour la patrie, pour vous, la gloire et le salut. Là vous trouverez les amis de la liberté, tous les bons Français, rangés autour de votre trône pour le défendre contre les complots des rebelles et les entreprises des factieux. Et moi, Sire, qui, dans leur honorable haine, ai trouvé la récompense de ma persévérante opposition, ie la mériterai toujours par mon zèle a servir la cause à laquelle ma vie entière est dévouée, et par ma fidélité au serment que j'ai prêté à la nation, à la loi et au roi.
« Tels sont, Sire, les sentiments inaltérables dont je joins ici l'hommage à celui de mon respect.
« Signé : La Fayette. »
Séance du
PRÉSIDENCE DE M. LEMONTEY, ex-président.
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du vendredi 15 juin 1792, au matin.
(L'Assemblée adopte le procès-verbal.)
Un de MM. les secrétaires annonce les dons patriotiques suivants :
10 Un anonyme envoie 5 1. 2. s. en espèces, et 60 livres en assignats;
2° La Société des amis de la Constitution de Bê-darieux envoie : 1° en un bon de l'administration des postes, pour espèces, 15 livres, et 300 livres en assignats; 2° une lettre de maîtrise du sieur Huet, maître fabricant d'étoffes, d'un capital de 561. 5 s;
3° Le sieur Juste, grenadier de la 4" division, envoie 25 livres en assignats ;
4° Le sieur Servier, commis chezM. de Gancourt, envoie 24 livres en or ;
5° La Société des amis de la Constitution de Moulins, envoie 177 1., 2 s. en espèces; 535 1., 10 s. en assignats; un galon de manteau en or et une paire de boucles d'argent.
(L'Assemblée accepte toutes ces offrandes avec les plus vifs applaudissements, et en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis à ceux des donateurs qui se sont fait connaître.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre de citoyens compôsant la Société des
amis de la Constitution de Perpignan, qui envoient au frère Pie, grenadier, une médaille
d'or, qu'ils prient M. le Président de faire passer au frère Luckner, afin qu'il l'attache
lui-même au brave grenadier. Cette lettre est ainsi conçue (1) :
« Monsieur le Président de l'Assemblée législative,
« Nous envoyons au frère Pie une médaille d'or. Nous vous prions de la faire passer au frère Luckner pour la lui attacher lui-même, en faisant observer à notre brave grenadier que si nous avons employé l'or pour y graver son action, ce n'est point que nous attachions à ce métal aucune préférence, aucune prédilection, mais nous avons délibéré que l'or ayant presque toujours payé les crimes de la terre, il fallait, pour 1 épurer, qu'il servit au moins une fois à consacrer la vertu. Adieu, nous sommes vos amis et vos frères, pour tout le temps que durera dans notre France le règne de la liberté, c'est-à-dire éternellement.
« Les membres composant la Société des amis de la Constitution.
« Signé : dorfueille, acteur tragique et citoyen actif; Jaubert, président ; Venance Dougadot, secrétaire.
«P. S. Nous vous ferons passer incessamment nos faibles offrandes pour les frais de la guerre; nous sommes pauvres en moyens, mais riches en patriotisme. Souvenez-vous que notre tribut sera le denier de la veuve et ne jugez que l'intention. Mais s'il faut marcher et mourir pour la Constitution, comptez sur des sujets. Quand la patrie est menacée, Perpignan n'est plus qu'une caserhe, nous sommes tous soldats.
(L'Assemblée décrète la mention honorable de cette lettre et son renvoi au Pouvoir exécutif.)
Une députation des citoyens de la section du Luxembourg est admise à la barre.
Vorateur de la députation donne lecture de l'adresse suivante :
« Législateurs,
« Un grand nombre de citoyens de la section du Luxembourg ne peuvent voir, sans effroi, la situation horrible où se trouve l'Empire français.
« L'ennemi est à ses portes.
« Des fanatiques conspirent au-dedans.
« Les factieux, se pliant en tous sens, profitent de toutes les circonstances pour faire réussir les horribles manœuvres qu'ils machinent depuis longtemps.
« Le roi a juré de maintenir la Constitution, et on travaille sous ses yeux à l'avilir, à la dé-' truire.
« Le roi a juré d'être le père, le soutien de tous les Français, et il les expose à être anéantis.
« Au moment où le ministère était en partie confié à des mains pures, il arrache de ces mains les rênes de l'Etat.
« La guerre existe, demande la plus grande activité, et le ministre de la guerre est expulsé.
« Cette guerre nécessite les plus grands moyens de finances, d'autant plus pressants que les malveillants ont fait tous leurs efforts pour empêcher les recouvrements des impôts, et le ministre des finances est congédié.
« Les fanatiques excitent partout la guerre civile, et le ministre de l'intérieur subit le sort des deux autres.
Il est impossible que tout Français ne voie
ces circonstances avec la plus grande inquiétude, et décidés à mourir plutôt que de rentrer sous un régime tyrannique, des citoyens viennent faire part à l'Assemblée nationale des craintes trop fondées qui les tourmentent, et la prient d'aviser aux moyens prochàins de sauver l'Empire, dont la destinée est confiée à son génie bienfaisant. Législateurs, ces citoyens qui protestent, en votre présence, de leur fidélité et de leur dévouement à vos opérations, attendent de votre sagesse des mesures vigoureuses, une énergie, une force dignes des représentants d'un peuple libre, qui demande, par votre organe, que vous sévissiez contré les tyrans, dignes enfin de l'engagement que vos prédécesseurs ont contracté au Jeu de Paume. »
(Suivent les signatures de 63pétitionnaires...)
répond à la députation et lui accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée décrète la mention honorable de cette lettre, son insertion au procès-verbal, puis son renvoi à la nouvelle commission des Douze.)
Une députation des greffiers des bâtiments de la ville de Paris est admise à la barre.
L'orateur de la députation demande, en son nom et au nom de ses collègues, qu'ils soient maintenus, au moins provisoirement, en fonctions, jusqu'au moment où les circonstances permettront aux comités de législation et de liquidation réunis, de présenter à l'Assemblée leurs vues sur la conservation ou la suppression des fonctions des greffiers des bâtiments et, en ce dernier cas, sur le mode de leur liquidation.
répond à la députation et lui accorde les honneurs de la séance.
Puisque ces offices sont supprimés, je demande que l'on passe à l'ordre du jour sur la partie de la pétition qui tend à faire conserver les greffiers des bâtiments et qu'on renvoie au comité de liquidation ce qui concerne la liquidation.
(L'Assemblée adopte ces deux propositions.)
M. Claude Bouvet, sculpteur, employé à la manufacture de porcelaine de Sèvres, est admis à la barre, et présente à l'Assemblée le modèle d'une pyramide qu'il propose d'élever à la mémoire de M. Gouvion.
répond à M. Bouvet et lui accorde les honneurs ae la séance.
(L'Assemblée décrète la mention honorable de ce modèle ét le renvoie au comité d'instruction publique.)
M. Demeria, caporal au 43e régiment d'infanterie, est admis à la barre. Il expose qu'il a été renvoyé arbitrairement par le sieur Sicard, commandant du 43e régiment d'infanterie, dans lequel il servait la patrie en qualité de caporal, pour avoir manifesté son indignation contre les prêtres perturbateurs. Il dit avoir été renvoyé sans armes. Il demande à être réintégré dans son grade.
répond à M. Demeria et lui accorde les honneurs ae la séance.
Je demande le renvoi au Pouvoir exécutif, pour en rendre compte dans 3 jours.
(L'Assemblée décrète cette proposition.)
M. Louis C.vlasi,accompagné d'un défenseur officieux, est admis à ia barre.
Le défenseur s'exprime ainsi :
« Messieurs, le dernier rejeton d'une famille qui a obtenu une honteuse célébrité, se présente devant yous avec la confiance que lui inspire l'intérêt que la nation française a témoigné prendre à ses malheu rs. Réduit par le désespoir à quitter sa patrie, l'Angleterre lui a donné un asile depuis 25 ans; mais Ce qui fui reste de la succession de sa malheureuse mère, loin, de suffire au payement des engagements de son père, considérablement accrus par les intérêts, rie surfit pas même à sa subsistance et à celle de ca famille. Il s'en rapporte à ce que sa situation peut inspirer d'intérêt aux représentants d'un peuple régénéré, etc..... » '
témoigne au pétitionnaire la sensibilité de l'Assemblée envers une des victimes des intrigues sacerdotales et du despotisme paVlementaire, et lui accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité des secours.)
M. Lagu est admis à la barre et demande! que l'Assemblée s'occupe de son affaire qui est très urgente et dont le rapport est prêt depuis longtemps.
répond à M. Lagu et lui accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée décrète l'ajournement au lendemain au soir.)
M. Achille Jean-Baptiste Fournier est admis à la barre, et offre à l'Assemblée 3 volumes, intitulés : Histoire de l'homme, considéré dans ses mœurs et dans sa vie privée. Il expose qu'il est dénué de toute espèce de fortune et âgé de 70 ans. Malgré tout, il fait un don patriotique à la patrie de ÎO livres en assignats.
répond à M. Fournier et lui accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée accepte cette offrande avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis au donateur, puis renvoie sa pétition au comité des secours.)
M. SlMONE'r, sous-lieutenant des chasseurs du ' 4er bataillon de la 4e légion est admis à la barre et rétracté sa signature à la pétition des 8,000. (Applaudissements ;)X\ demande le licenciement de l'etat-major de la garde parisienne.
répond à M. Simonet et lui accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de surveillance et de législation réunis.)
Je demande des éclaircissements relatifs au dernier décret d'amnistie, dont l'exéf cutipn, quant aux formes, paraît éprouver des difficultés auprès du tribunal. Voici, en effet, une lettre des juges du tribunal provisoire séant à Montélimart, chargé de poursuivre les crimes commis à Avignon. Ils annoncent n'avoir reçu que depuis très peu de temps le décret d'amnistie; ils témoignent de leur embarras sur son application et demandent la solution de quelques difficultés qui se sont élevées à cet égard.
^ (L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de législation.)
(de Saintes), au nom du comité
de surveillance, fait un rapport (1) et présente 4 projets de décret sur l'affaire des sieurs Jolivet père et fils, Gedéon Debrie et Saint-Alouarn; il s'exprime ainsi :
Messieurs, au nom de votre comité de surveillance, je vais vous rendre compte d'une procédure envoyée à l'Assemblée nationale par le directeur du juré du tribunal du district de Douai, instruite contre les sieurs Jolivet, Saint-Alouarn et Debrie.
Ces-3 particuliers sont partis ensemble de Paris, au mois d'avril dernier, munis chacun d un passeport de cette ville pour aller à Lille, et daiis l'intérieur du royaume, datés des 17, 19 et 23 du même mois d'avril, et pris dans 3 sections différentes.
Le 27 du même mois, la voiture dans laquelle se,trouvaient les sieurs Jolivet, Saint-Alouarn et Debrie est arrêtée par 3 fusiliers de ia garde, sur les 6 heures du soir, aux portes de la ville de Douai, où la guerre avait été proclamée le matin, et cette voiture est conduite à la municipalité d'Orchies.
Les 3 voyageurs sont visités et il est vérifié, qu'au lieu d'aller à Lille, comme le portaient les passeports qu'ils avaient pris à Paris, ils vont chez l'étranger, puisqu'ils se trouvent porteurs, chacun d'un nouveau passeport qu'ils ont pris à Douai et à Morlaix, le même jour 27, pour aller à Tournai.
On trouve sur le sieur Jolivet, tant dans ses poches, dans un mouchoir placé sur ses reins, que sous ses bras, une somme de 2,5681.18 s.6 d. tant en or qu'en argent.
11 est de plus trouvé nanti de 2 pistolets de poche chargés à balle, d'un bâton dans lequel se trouvent 2 lances, de plusieurs lettres décachetées parmi lesquelles s'en trouve une du sieur son père, dont j'aurai occasion de parler dans la suite, et d'une autre cachetée adressée au sieur Surre, médecin de l'hôpital de Lille.
Le sieur Saint-Alouarn, nanti aussi de 2 pistolets chargés, avait caché dans ses poches et sur ses reins, 864 livres en argent-monnaie;
Le sieur Gedéon Debrie avait dans ses poches, dans la doublure d'un gilet et dans un coin de sa chemise, enfoncée dans sa culotte 6 pièces d'Espagne, de 5 1.10s., 2 écus de6livres, 6louis d'or, un quadruple, une portugaise valant 48 livres, et une petite bourse renfermant 47 louis en or, formant un total de 1,361 livres. II était aussi nanti de 2 pistolets, d'un moule à balle, d'une lettre anonyme et de 2 billets avec plusieurs adresses à des émigrés.
Dans leurs passeports, ces 3 particuliers ont pris la qualité de négociants; et les sieurs Saint-Alouarn et Debrie étaient, peu de temps avant, officiers, le premier, dans le ci-devant régiment de Boulonnais, et le second, dans celui d'Artois, infanterie) d'où ils ont déclaré être sprtis par démission ; savoir : le sieur Saint-Alouarn, depuis environ un an et le sieur Debrie, depuis un mois et demi. f; ..
Il paraît qu'après son procès-verbal de visite la municipalité d'Orchies, dénonce ces 3 particuliers au juge de paix de Douai, qui décerne contre eux un mandat d'amener, le 29 du même mois d'avril.
Le même jour, le juge de paix procède à leur interrogatoire. Les sieurs Saint-Alouarn et
Joli-
Tous les trois conviennent ensuite qu'ils étalent dans l'intention de passer chez l'étranger, lorsqu'ils ont pris leurs passeports à Paris, et que, s ils ne l'ont pas déclaré, c'est, d'un côté, parce-qu'ils ignoraient la lettre de la loi, et de l'autre, parce qu'ils pensaient qu'il leur serait facile d'obtenir d'autres municipalités des passeports pour l'étranger.
11 parait qu'après ces interrogatoires et le mandat d'arrêt, le juge de paix a "renvoyé au directeur du juré, qui, de sou côté, a de nouveau interrogé lés accusés, et que c'est là où se borne la procédure envoyée à l'Assemblée nationale.
Nous séparerons, Messieurs, la cause des sieurs Jolivet et Saint-Alouarn de celle du sieur Debrie, parce qu'elle a paru à votre comité devoir éprouver des résultats différents.
En effet, le sieur Saint-Alouarn est bien convaincu, par son propre aveu, d'avoir pris dans ses passeports, la qualité de négociant, qu'il n'avait pas, et de n'avoir pas fait, à la mutiici palité de Paris, la déclaration qu il voulait passer chez l'étranger, comme l'y obligeait la loi des passeports; on peut même dire que tout annonce qu'il-émigrait.
Mais d'abord, l'émigration est si peu prohibée que vous l'avez prévue et tolérée par votre loi du 28 mars, dans laquelle vous avez seulement Voulu que ceux qui passeraient chez l'étranger le déclarassent à la municipalité de leur domicile; encore u'avez-vous prononcé aucune peine contre ceux qui enfreindraient cette disposition : omission très conséquente, dans les circonstances actuelles, et que vous devez vous hâter de réparer.
Ensuite, la même loi prononce bien une peine contre ceux pui ne prendraient pas leur véritable nom dans les passeports, mais elle est encore muette quant aux fausses qualités, omission qui doit encore attirer votre attention.
Enfin, il n'existe point de loi contre l'intention manifestée d'émigrer, et celle sur les passeports renvoie à la police correctionnelle la punition des délits commis contre cette loi.
ici, le sieur Saint-Alouarn n'a que désobéi à quelques dispositions de la loi des passeports, et il n'a été trouvé nanti d'aucun papier ni effet qui pussent le taireenviBagercommecoupabled'un complot contre la sûreté générale de l'Etat, ou de la Constitution. La somme modique de 864 1K vres qu'il avait à sa disposition ne peut pas plus le faire envisager comme exportant le numéraire national à l'étranger, que comme méditant de grandes entreprises de commerce; et la préeau-tion qu'il a prise de nicher cette somme autour de ses reins annonce seulement qu'elle était précieuse pour lui, et qu'il avait grand besoin de la conserver.
Dans pes circonstances, votre comité n'a pas trouvé matière à accuser le sieur Saint-Alouarn devant la Haute cour nationale; il a pensé, d'après la loi des passeports, qu'il devait être juge par la police correctionnelle.
11 a porté le même jugement sur le sieur Jolivet, quoiqu'il se soit trouvé nanti d'une pièce,
qui vous découvre un grand coupable que vous ne pouvez laisser impuni.
Cette pièce est une lettre que lui écrit le sieur, son père, contrôleur d'une manufacture de tabac à Morlaix, en date du 16 février dernier, dans laquelle, se montrant aussi mauvais père que mauvais citoyen, il emploie tout ce que peuvent l'autorité paternelle et l'amour filial, vis-à-vis d'un jeune homme de 21 ans, pour l'engager à passer chez l'ennemi, et à se lier à sa cause contre sa patrie.
Mais, Messieurs, si je peux déjà invoquer, en faveur du "sieur Jolivet fils, le décret que vou£ avez rendu pour le sieur Delatre, je dois encore ajouter, pour lé sieur Jolivet fils, que son éloi-gnement pour la démarche que sollicitait de lui son père, est, en quelque sorte, démontré par les expressions séduisantes que le père est obligé d'employer dans sa lettre, qui, de l'aveu du fils, a été précédée ou accompagnée de plusieurs sollicitations du même genre et que cet éloigne-ment se trouve encore clairement manifesté dans l'interrogatoire du sieur Jolivet fils, où il déclare renoncer à passer chez l'étranger, et consentir à recevoir ën assignats le montant des sommes qu'il pouvait avoir en numéraire.
Votre comité a donc pensé que vous deviez porter, à l'égard du sieur Jolivet fils, la môme décision que pour le sieur Saint-Alouarn.
Je reviendrai dans un instant à la lettre du sieur Jolivet père, pour demander, contre lui, le décret d'accusation.
Je passe au sieurGedéon Debrie, dont la cause ne parait pas, à beaucoup près, aussi favorable que celle de ses deux compagnons de voyage.
Car, outre que le sieur Debrie, est convaincu, d'après lui-même, d'avoir pris une qualité qu'il n'avait pas dans son passeport, pour l'obtenir, dit-il, plus facilement, d'y avoir dissimulé le dessein qu'il avait de passer chez l'étranger; d'avoir laisser son régiment très peu de temps avant son départ, d'avoir caché une bourse d'ôr dans le coin de sa chemise, de s'être trouvé nanti de pistolets et de moules de balles, c'est qu'à tous ces laits vient se joindre le nantissement de quelques papiers énonciatifs d'une coupable intelligence avec les ennemis du dehors et d'un grand désir de seconder leurs projets.
Ces papiers sont des lettres anonymes, à la vérité, mais responsivesà celles d'un nomme, qui a témoigné le plus grand désir d'aller joindre les émigrés, qui a uni sa cause à la leur, et les adresses de plusieurs émigrés.
Quél est l'homme charge de ces papiers? C'est un jeune militaire qui vient d'abandonner ses drapeaux, fuit la patrie pour passer dans un pays, avec lequel elle est en guerre.
Que disent ces lettres, des 1er, 6 et 14 mars dernier ?
Qu'on a reçu de celui à qui on les adresse ses 2 lettres des 10 janvier et 18 février précédents; qu'on l'invite à persister à tenir ferme où il est; que c'est une vertu dont on lui tiendra compte, ainsi qu'à ceux qui sont dans le mêmé cas; qu'ils restent, qu'ils restent, répète-t-on, où ils sont, ils y seront utiles, ils en trouveront l'occasion, on la leur fournira peut-être; que leur honneur est à couvert; qu'on leur en fera passer l'ordre, pour leur tranquillité; qu'ils s'arment de courage, -de force et de constance : que ce qu'ils feraient aujourd'hui {en parlant sans doute d'émigrer) ils pourront le faire en tout temps d'une manière plus utile pour les amis et plus embarrassante pour les ennemis.
De suite, on ajoute cette phrase « Imaginez, en effet, quel eût été l'embarras des amphitrions, si, le jour de la fête, la plupart des convives s'étaient excusés pour ne pas s'y trouver; vous êtes restés dans cette position, plût à Dieu que tous les autres y fussent. »
Vœu impie et qui doit exciter toute la surveillance au Corps législatif, car cette phrase abominable ne contient qu'une exhortation perfide aux officiers qu'on croit capables de trahir leur patrie, de demeurer à leur poste, quelque chose qu'il leur en coûte, afin de pouvoir plus efficacement exercer leur trahison, et déjà, messieurs, vous avez vu les mêmes exhortations dans les lettres du sieur Vigier que vous avez mis en état d'accusation.
L'auteur des lettres que j'analyse, assure ensuite, que le commerce va bien, que les profits en sont assurés, que celui à qui on écrit, y est pour la mise qu'on lui a demandée, qu'il partagera également et qu'il est bien sûr d'avoir des nouvelles si l'intérêt des associés l'exige.
Dans une autre, on traite les demeurants de malades, mais toujours on leur ordonne, de par le patron, de par le médecin, de demeurer oû ils sont, à moins que leur santé ne courût des dangers et que si, pour leur tranquillité, ils ont besoin d'ordonnances, on leur en fera passer.
Ceslettres n'ont certainement pas besoin d'être commentées,pour convaincre tout esprit impartial, que celui qui les a écrites, entretenait avec celui à qui il les adressait, une correspondance coupable, une intelligence criminelle sur la plus coupable entreprise encore de trahir la patrie, et de rendre complices de cette trahison, ceux qu'elle soldait p~>ur sa défense.
Elles prouvent encore, ces lettres, que tous les ennemis de la France, et surtout les plus dangereux, ne sont point àCoblenlz, qu'il en est beaucoup dans l'intérieur, et que ce serait mal servir la patrie, que de ne pas exercer la plus active vigilance à cet égard.
Mais ce qui doit occu.ter l'attention du Corps législatif dans ee moment, c'est de savoir si le sieur Debrie peut être assez fortement soupçonné d'avoir reçu ceslettres directementà son adresse, pour donner lieu au décret d'aceusation contre lui.
11 est vrai que ces lettres n'ont point été trouvées accompagnées d'enveloppes ou d'adresses qui indiquaient leur destination, il est vrai encore qu'il serait trop rigoureux, même injuste, de regarder comme conspirateur contre sa patrie, un citoyen quelconque, par cela seul qu'il recevait des lettres d'un conspirateur, car, quel est le bon citoyen à l'abri de recevoir de pareilles lettres? Quel est l'homme capable d'empêcher un scélérat de lui écrire? Et à quels dangers ne livrerait-on pas les meilleurs patriotes, si un tel délit pouvait les rendre coupables? Ch serait les mettre à la merci de leurs plus cruels ennemis. Il est vrai enfin, et votre comité ne s'est point dissimulé ce grand principe de justice et d'humanité que, dans le doute, tout s'interprète en faveur de l'accusé.
Mats, plaçant à côté de ce grand principe celui non moins sacré, que l'impunité d'un grand crime est un attentat à la sûreté publique, il a dû examiner, avec le dernier scrupule, les faits qui font charge contre le sieur Debrie, et il n'a pu en méconnaître, ni en éluder toute la force.
1* D'abord ces lettres sont responsives à d'autres, dont elles rapportent les dates, elles n'ont donc
pas été écrites de gaieté de cœur, pour compromettre celui à qui on les adressait.
2° Si tout bon citoyen ne peut empêcher qu'on lui écrive des lettres perfides, il peut au moins, et son devoirle lui commande, les dénoncer aux autorités constituées, ou, si ce rôle ne sied point à son caractère, il doit les anéantir par le feu, ou tout autrement, et le sieur Debrie, loin de prendre l'une ou l'autre de ces précautions, en demeure nanti, les transporte avec lui, comme une propriété chérie, don t il ne peut se séparer.
3® i.es lettres paraissent répondre à quelqu'un qui annonce le dessein et l'envie d'aller joindre les émigrés, et précisément le 6ieur Debrie émigré et exécute, par conséquent, le dessein annoncé par celui à qui l'on répond.
4° A ces lettres sont jointes les adresses de plusieurs émigrés, et c'est encore le sieur Debrie qui se trouve porteur de ces adresses, et qui, par ce nantissement, doit plus naturellement en être supposé le propriétaire, dès qu'il ne l'indique pas.
A ces premières présomptions, si nous joignons, et les contradictions, lu sieur Debriedans les deux interrogatoires qu'il a subis sur le fait de savoir corn ment ces lettres lui sont parvenues, et ses aveux dans l'explication qu'il donne sur les expressions de ces lettres, il faudra alors fermer les yeux à la lumière pour ne pas reconnaître le sieur Debrie, comme le véritable propriétaire des lettres dont il a été trouvé nanti.
Dans le premier interrogatoire pris par le juge de paix, le 29 avril, le sieur Debrie interrogé, s'il reconnaît que cette lettre lui a été adressée;
« Répond que cette lettre ne lui a pas été adressée, qu'il ne la connaît que comme une copie qui lui a été remise par une personne qu'il ne veut pas nommer, pour ne pas la compromettre, que cette copie lui a été envoyée par un jeune homme, à Par s, dont il ignore le nom, parce qu'il en connaît beaucoup. »
Dans le second interrogatoire, pris le lendemain, par le directeur du juré et sur même in-terrogat, le sieur Debrie :
« Répond que le papier dont il a été muni, lui a été remis un jour, au matin, la veille de son départ, par une personne qu'il ne connaît point; qu'après avoir lu ce que conten lit ce papier, il n'y a rien compris, pourquoi il ne saurait indiquer de qui vient ce papier. »
vous aile?, voir, dans un instant, Messieurs, que le sieur Debrie avait déjà expliqué la veille, au juge de paix, tout ce que signifiait ce papier et qu'il le concernait.
vous voyez donc, Messieurs, une contradiction bien frappante sur le même fait, dans les deux déclarations du sieur Debrie, puisque dans la première, il avoue connaître la personne qui lui a remis la lettre, et ne refuse de la nommer, que parce qu'il craint de la compromettre, il ajoute même, que cet envoi lui a été fait par un jeune homme, à Paris, et dans la seconde déclaration faite le lendemain, il affirme que c'est un inconnu qui lui a fait cette remise et qu'il ne saurait indiquer de qui lui vient ce papier.
Rt certes, les lois d'accord avec la raison, ne permettent pas d'interpréter des contradictions aussi monstrueuses en faveur de celui de qui elles partent, elles sont le présage le plus sûr du mensonge : le mensonge c'est de la mauvaise foi, et la mauvaise foi ne peut être que k fille du vice.
Cette première contradiction n'a pas échappé à la clairvoyance du directeur du juré, il ra
observée au sieur Debrie, qui, pour la colorer, a prétendu qu'il fallait imputer la réponse qu'il avait faite devant le juge de paix, au trouble qu'il a éprouvé parce qu'il se trouvait, pour la première fois, traduit devant un juge.
Je crois, sans trop risquer, pouvoir dire à l'Assemblée nationale, que le sieur Debrie a cherché à se disculper d'un mensonge, par un autre :
1° Car, le moment du trouble, si toutefois l'homme qui a combiné de grands projets, peut s'y laisser aller, est sans doute, celui de sa capture et de sa visite; or, c'est le 27, que le sieur Debrie a été arrêté et visité par la municipalité, et ce n'est que 2 jours après, le 29, qu'il a subi son premier interrogatoire devant le juge de paix.
Le sieur Debrie avait donc eu tout le temps de la réflexion, le moment du prétendu trouble d'esprit était donc dissipé;
2° Toutes les fois qu'on a voulu chercher la vérité dans les actes d'une procédure, on a toujours plus consulté le récit des premiers actes, par la raison bien simple que le premier élan doit être celui de la vérité, et que la première narration de l'une ou l'autre des parties est plus censée lui appartenir que ce qui se jette et se grossit dans le cours de la procédure, par l'adresse ou la chicane de ceux dont on invoquait ensuite Içs conseils.
La raison et la justice disent donc d'ajouter
Blus de foi au premier interrogatoire du sieurebrie, qu'au second, dont l'invraisemblance se manifeste à chaque ligne.
3° En effet, à qui le sieur Debrie fera-t-il croire qu'un inconnu, qu'un homme qui n'eût pas été instruit de ses dispositions, eut été le trouver à son domicile, pour lui remettre des papiers qui décélaient, dans celui à qui ils étaient envoyés, une inte.ligence coupable avec les ennemis de la patrie, un complot criminel contre la sûreté générale de l'Etat?
A qui fera-il croire, le sieur Debrie, que, si ces papiers lui eussent été étrangers, que, s'ils eussent été opposés à son opinion, il les eût reçus avec complaisance, il les eût surtout soigneusement conservés, avec l'adresse de plusieurs émigrés, pour lui servir de passeport et de gouverne au delà du Rhin? C est ce qu'il ne persuadera qu'aux tribunaux d'Aix-la-Chapelle.
Je vous ai dit, Messieurs, que, devant le directeur du juré, le sieur Debrie avait déclaré qu'après avoir lu ces papiers, il n'y avait rien compris et que c'était la cause pour laquelle il ne pouvait indiquer de qui ils lui venaient.
Je vais vous prouver actuellement que le sieur Debrie avait déjà expliqué au juge de paix ce que signifiait le narré de ces mêmes papiers, et que, par conséquent, et d'après lui-m^me, il était en état d'indiquer de qui ils venaient.
Interrogé par le juge de paix sur ce qu'il a cru entendre par ces mots : On persiste à vouloir que vous teniez ferme où vous êtes, et par ceux-ci : Il vous servira à prouver que c'est par respect, par dévouement que vous n'avez pas fait comme les autres.
Le sieur Debrie répond affirmativement « qu'il entendait par ces termes, que l'on désirait qu'il restât à son régiment. »
Quoi donc ! le sieur Debrie, confesse qu'une lettre lui donne l'ordre de rester à son régiment, et le lendemain, il ose soutenir qu'elle ne le regarde pas, et qu'il n'y a rien compris.
Ce mensonge, j'ose le dire, a toute l'impudence d'un contre-révolutionnaire.
Plus loin, toujours dans son premier interrogatoire devant le juge de paix, le sieur Debrie, interrogé sur ce qu'il entend par ces mots : « Qu'ils restent tant qu'ils le pourront, c'est servir la chose, ils peuvent nous être utiles où ils sont, ils en trouveront l'occasion, peut-être nous la leur fournirons » :
Répond qu'il croit que ces mots s'adressent aux officiers de son régiment, et les engageaient à y demeurer le plus longtemps qu'ils auraient pu, et que par ces mots : c'est servir la chose, il a entendu qu'on parlait de la tranquillité publique.
Il déclare ensuite que la phrase qui porte : « ce que vous feriez aujourd'hui, vous le pouvez faire en tout temps d'une manière plus utile pour les amis, ou plus embarrassante pour les ennemis », lui a présenté le sens que les amis sont de l'autre côté, et les ennemis de ce côté-ci, et que, par amis ou ennemis, on a entendu parler dé la Constitution française.
En sorte que, d'après la pénétration du sieur Debrie, les amis de notre Constitution, sont au delà du Rhin et c'est, sans doute, pour la défendre, qu'il se hâtait d'aller les joindre.
C'est à la suite de ces premiers aveux, de cette première explication, qui ne se ressent certainement pas d'un état de trouble, que le sieur Debrie vient affirmer que ces lettres ne lui ont pas été adressées, qu'il les tient d'un inconnu, qu'il n'y a rien compris, et qu'il les a conservées, parce qu'il a cru qu'elles ne signifiaient rien.
Certes personne ne blâmera le sieur Debrie d'avoir cherché à se disculper, à l'aide même de l'artifice, dès qu'il a réfléchi au danger qu'il courait, mais il serait souverainement étrange que l'œil vigilant de ses juges se fermât aussi complaisamment que la véracité du sieur Debrie sur les faits constatés dans sa première déclaration.
Votre comité a donc pensé, Messieurs, que le décret d'accusation devait être porté contre le sieur Debrie, l'intérêt Dublic paraît d'autant plus le solliciter, que les lettres dont cet émigrant était porteur annoncent des complots de trahison dont la nation a le plus grand intérêt de découvrir les traces et les auteurs, et qu'une instruction juridique vous en présente légalement les ressources.
Je reviens actuellement au sieur Jolivet père.
Vous le sav^z, Messieurs, l'Assemblée constituante a confié la garde de la Constitution des Français a tous les citoyens de l'Empire, aux pères de famille surtout.
Le sieur Jolivet père, contrôleur d'une manufacture de tabac àMorlaix, salarié par la nation, a dû jurer fidélité à cette Constitution, a dû promettre, sous la religion du serment, delà maintenir, de tout son pouvoir, et de vivre libre ou de mourir.
Le devoir le plus sacré qu'a dû remplir le sieur Jolivet père, a donc été d'inspirer à ses enfants l'amour de leur patrie, qui doit l'emporter sur tout autre, la fidélité aux lois de son pays, qui en sont la source et en assurent la prospérité, la forte inclination vers la liberté, qui seule peut rendre l'homme tout ce qu'il doit être, enfin il a dû travailler à les rendre chers à la société, pour qu'ils trouvassent le bonheur dans son sein.
Voilà, ce me semble, la noble tâche d'un père qui mérite de l'être. Messieurs, ce n'est pas sans
douleur, que je me vois forcé de vous présenter un tableau bien opposé de la conduite du sieur Jolivet, envers son fils, envers sa patrie, envers lui-même, et desavoir que ma malheureuse patrie, en se purgeant ae ce mauvais citoyen, n'aura pas terrassé tous les monstres qu'elle alimente et qui la trahissent.
Selon le sieur Jolivet fils (et ici l'amour filial l'emporte sur la vérité), selon le sieur Jolivet, dis-je, jamais il n'a eu d'autre intention, en passant chez l'étranger, que celle d'y acquérir des connaissances dans Je commerce, et celle encore d'obéir à son père, qui lui avait demandé à différentes reprises de passer dans les Pays-Bas ou en Allemagne, pour ne point être en France, pendant les troubles dont ce pays paraissait menacé, et que c est uniquement dans ce sens qu'on devait entendre les lettres de son père, qui se trouvent parmi les papiers, dont il était muni, au moment de son arrestation.
Nous voulons bien croire tout ce qu'a dit le sieur Jolivet fils, quant à ce qui lui est personnel, mais nous ne pouvons pas plus adopter que blâmer l'interprétation qu'il donne des expressions contenues dans la lettre du sieur son père, elles sont assez énergiques et trop signifiantes par elles-mêmes, pour que nous ayons besoin de recourir à un interprète, et l'éloignement du sieur Jolivet fils, pour un parti au&si extrême, en faisant l'éloge de ses sentiments, ne peut qu'aggraver davantage l'atrocité des instances criminelles de sou père.
Dans cette lettre, dont il est nécessaire que vous entendiez la lecture, lé sieur Jolivet ne craint pas de forcer l'inclination de son fils, par l'ordre impérieux, accompagné de l'astucieuse flagornerie de passer en Allemagne, parmi tous les braves gens qui sont là pour une si bonne cause ; il invoque l'honneur qu'il outrage, il a honte de ce que sa famille n'ait pas imité celle de sa femme, qui est toute passée en Allemagne et qui s'est déshonorée ; il déclare qu'il y serait, il y a longtemps s'il ne s'était sacrifié pour ses entants qu'il dévoue à l'infamie, il se dit retenu par une place qu'il occupe dans la patrie qu'il ose trahir ; il parle, le barbare, du désir qu'il a, de voir revenir le bonheur et le calme dans sa patrie ; il se repaît du plaisir de voir y contribuer son fils qu'il envoie pour y apporter la flamme et le 1er ; il sépare, malgré lui, eè fils de sa mère et de ses sœurs, dont il ne se dissimule pas la tendresse réciproque; il outrage, ce père cruel, la nature, la loi, son pays, tous les devoirs imaginables ; en un mot, il se couvre de toutes les horreurs de la scélératesse et présente à la justice un des plus grands coupables qu'elle ait eu à punir.
Messieurs, je me hâte de terminer un récit aussi fatigant pour vous, que pénible pour moi ; pour vous proposer les projets de décrets suivants :
Premier projet de décret.
L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de surveillance, sur la procédure instruite par le juge de paix et le directeur du juré de la ville de Douai, contre les sieurs Jolivet fils, Saint-Alouarn et Debrie;
Considérant que les sieurs Jolivet et Saint-Alouarn n'ont été trouvés nantis d'aucune pièce , indicative d'un complot contre la sûreté de l'Btat ou la Constitution, que la connaissance de l'infraction à la loi des passeports et du transport
de numéraire à l'étranger, appartient aux tribunaux ordinaires, décrète qu il n'y a pas lieu à délibérer sur le renvoi de la procédure à l'Assemblée nationale, fait par le directeur du juré du tribunal du district de Douai, en ce qui concerne lesdits sieurs Jolivet fils et Saint-Alouarn.
Deuxième décret.
L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de surveillance, décrète qu'il y a lieu à accusation contre Gédéon Debrie, ci-devant sous-lieutenant au 11e régiment ci-devant Artois-infanterie; charge, en conséquence, le Pouvoir exécutif de le faire transférer sous bonne et sûre garde, dans le plus court délai, des prisons de Douai, où il est actuellement détenu, dans celles d'Orléans, et de faire parvenir à la Haute cour nationale les pièces demeurées au greffe du tribunal du district de Douai, concernant ledit sieur Debrie.
Troisième décret.
L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de surveillance, décrète qu'il y a lieu à accusation contre le sieur Jolivet père, contrôleur d'une manufacture de tabac à Morlaix ; charge, en conséquence, le Pouvoir exécutif de donner les ordres les plus prompts pour le faire arrêter et conduire, sous bonne et sûre garde, dans lesprisons d'Orléans, de faire apposer les scellés sur ses papiers et de faire parvenir à la Haute cour nationale les lettres originales du sieur Jolivet père à son fils, ainsi que copie légale de la procédure instruite contre le sieur Jolivet fils.
Quatrième décret.
L'Assemblée nationale charge son comité de législation de lui présenter, dans 3 jours, des articles additionnels à la loi des passeports et à celle qui prohibe l'exportation au numéraire à l'étranger.
Lorsqu'on propose des décrets d'accusation, il est nécessaire ae connaître tous les faits. J'observe que les pièces de ce rapport ne sont que des copies informes, ni collation-nées, ni même signées par le directeur du juré. Je demande que 1 Assemblée charge son comité de se procurer des expéditions en forme de la procédure. Cela fait, je demande l'impression du rapport et l'ajournement.
(L'Assemblée décrète l'impression du rapport et du projet de décret et ajourne la discussion.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture des 3 lettres suivantes :
1° Lettre de M. Duranthon, ministre de la justice\ pour transmettre à l'Assembléë, la lettre dans laquelle le roi lui annonce qu'il a fait choix de M. Beaulieu pour ministre des contributions publiques. Cette lettre est ainsi conçue (1):
« Paris, le
« Monsieur le Président,
« Le roi m'a chargé de vous transmettre la lettre que vous trouverez incluse dans celle que
i j'ai l'honneur de vous écrire. Il vous prie de
« Je suis avec respect,..
« Signé : durantbôn. »
« Je vous prie, Monsieur le Président, de prévenir l'Assemblée nationale, que j'ai nommé M. Beaulieu, l'un des commissaires de la comptabilité, à la place du ministre des contributions publiques*
« Conlre-si
« Signé: louis. Duranthon. »
2° Lettre de M. Lacoste, ministre de la marine, relativement aux arrangements faits avec M. Shorft, ministre des Etats-Unis.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité colonial.)
3° Lettre de M. Duranthon, ministre de la justice, qui adresse différentes pièces relatives aux nouveaux troubles arrivés dans le ci-devant Comtat-venaissin à l'occasion de l'élection du sieur Duprat au poste de maire d'Avignon, et que M. Terrier, ministre de l'intérieur, avait promises le matin même à l'Assemblée.
(L'Assemblée renvoie ces pièces aux comités chargés de l'affaire d'Avignon.)
Voici, Messieurs, le résultat du scrutin pour la nomination des membres qui doivent composer la commission des Douze :
Sont élus membres MM. Bigot de Préameneu.
Lacépède.
Lacuée.
Pastoret.
Muraîre.
Tardiveau.
Viénot-Vaublanc.
Guadet.
Lemontef.
Jean Debry (Aisne).
Guyton-Morveau.
Riihl.
Suppléants : MM. Quinette.
Sédillez.
Lamarque.
Vergniaud.
Thuriot.
Delmas.
Gondorcet*
Charlier.
Navier.
Un membre : Je demande qu'on discute à instant l'affaire de l'Abbaye de Watgasse (1). Plusieurs membres : A demain ! à demain! (L'Assemblée décrête l'ajournement à la séance du lendemain,)
, au nom du comité de l'ordinaire des finances, fait un rapport et présente un projet de
décret sur la suppression des payeurs et contrôleurs des rentes établis à Paris, et sur les
avantages de payer les pensions et les intérêts de
Messieurs, il n'est aucune partie du Trésor national qui exige plus impérieusement votre sollicitude, et la réforme qu il convient d'y porter, que celle qui a pour objet le payement des pensions et des intérêts de la dette publique.
Cette vérité conduit naturellement aux questions de savoir : 1° Si l'on doit, si l'on peut, dans le régime actuel, conserver les payeurs des rentes et pensions établis à Paris ; si, dans un Etat dont la Constitution a proscrit la vénalité des charges, il peut encore exister des fonction* naires revêtus d'otlices ou de titres héréditaires.
Si la suppression des payeurs des rentes peut se concilier avec l'organisation du Trésor national, où toutes les recettes viennent se çon* fondre, et d'où, par conséquent, doivent sortir les sommes destinées aux dépenses, pour se répandre dans toutes les parties de l'Empire où le besoin et l'intérêt public en ordonnent la distribution»
Vous avez chargé, Messieurs, votre comité de l'ordinaire des finances d'examiner ces deux questions. Considérées dans leur rapport avec la comptabilité du Trésor public, elles acquièrent beaucoup d'importance, mais elles présentent bien plus d'intérêt encore lorsqu'on les envisage dans les effets salutaire? et bienfaisants que les pensionnaires et les créanciers de l'Etat peuvent attendre de leur solution.
Votre comité a d'abord examiné la première question dans le rapport qu'elle peut avoir avec le principe constitutionnel; il a pensé qu'une compagnie de payeurs, résidant dans la capitale, revêtus d'offices héréditaires, était un corps monstrueux dans la nouvelle organisation de l'administration publique; il a vu que l'esprit de la Constitution reléguait, parmi les erreurs de l'ancien gouvernement, une institution par laquelle la nation semblerait plutôt appartenir à ses fonctionnaires que les fonctionnaires à la nation, qui ne peut dépendre que d'elle seule, et qui renferme essentiellement en elle-même le droit d'élire ses comptables et ses agents.
La compagnie des contrôleurs et payeurs des rentes ferait-elle une exception?Serait-elle, par privilège, inaccessible à la loi constitutionelle? Lorsque toutes les corporations sont détruites; lorsqu'il n'existe plus que des agents élus par le peuple ou par son représentant nériditaire, ver-riez-vous avec indifférence un corps étranger dans l'Etat, contraster avec notre nouveau régime* entièrement isolé de l'administration intérieure, éloigné de toute espèce de surveillance de la part des corps constitués, exerçant pour ainsi dire, un pouvoir arbitraire dans se* fonctions? Non, Messieurs, car il serait difficile de justifier, même avec l'apparence du raisonne-: ment, la conservation d'un établissement si bizarre, et tout à la fols si contraire à nos institutions. Votre comité a donc pensé que cette compagnie devait disparaître à l'instant où vous aviez formé le dessein de donner une constitution à vos finances, et d'établir un mode uniforme et général de comptabilité.
Après avoir examiné la question sous le rapport qu'elle peut avoir avec le principe constitutionnel, envisageons-la dans ses relations avec la comptabilité et l'organisation du Trésor public.
fîst-il d'abord avantageux à une grande nation de concentrer la comptabilité de tous les intérêts de sa dette dans un seul lieu, même en la
confiant à de» payeurs d'une solvabilité reconnue?
Cette proposition n'aurait jamais été mise en question dans un temps où le Trésor public était placé à côté du trône, où les volontés du prince avaiént, pour instrument, des ministres toujours asservis aux caprices et aux prodigalités de la cour, où enfin il importait aux agents du despotisme de s'emparer de toutes les recettes pouc mieux persuader au monarque que tout était à lui, et qu'il faisait grâce aux créanciers de l'État de ce qu'il voulait bien leur laisser.
Alors le Trésor public était esclave lui-même, les plus épaisses ténèbres cachaient l'intérieur des affaires et de l'administration. Les premières sources de là prospérité de l'Empire étaient aveuglément remises à la disposition du gouvernements L'ancienne indifférence du peuple pour ses plus chers intérêts laissait un libre cours aux erreurs, aux abus de tous genres, et semblait consacrer toutes les dilapidations.
Mais aujourd'hui, que l'esprit et le motif des lois se lient naturellement à des intentions bienfaisantes et pures; qu'il y règne cette franchise et cette simplicité, qui met la nation à portée de suivre la situation des affaires; aujourd'hui, que les idées générales sur le bien de l'Etat, et que les notions sur tout ce qui peut être utile et salutaire, s'épurent et se perfectionnent à mesure que nous nous formons à notre régime constitutionnel, chacun s'associe pour ainsi dire aux opérations de finance; chacun voit et calcule son intérêt particulier dans celui de la chose publique. Par heureux mélange de liberté et de lumières qui trouvent leur source naturelle dans le désir et dans l'espoir de réparer tous les maux qu'a produits l'ancienne administration, chacun s'attache une grande importance aux mesures nouvelles qui peuvent développer et féconder dans les différents départements tous les moyens de force, de richesse et de prospérité.
Aussi, Messieurs, ne devons-nous pas nous étonner si de toutes parts on demande la suppression des payeurs et contrôleurs des rentes établis à Paris, et une loi qui ordonne le payement des intérêts de la dette publique et des pensions dans les chefs-lieux de départements.
Cette mesure est non seulement nécessaire dans la circonstance où vous vous disposez & constituer vos finances d'une manière invariable; et qui fixe l'opinion et le crédit public; mais elle s'applique naturellement au principe constitutionnel, qui, ayant voulu que les justiciables fussent rapprochés de leurs juges, et les administrés des administrateurs, veut encore que les créanciers de l'Etat soient rapprochés de leur débiteur.
C'est ainsi qu'en considérant attentivement les différents rapports qui existent entre les diverses parties du gouvernement, le législateujf.aperçoit l'heureuse influence que doit porter cette justice distributive, qui respecte les droits du citoyen, et proscrit, comme une atteinte à l'ordre public, tout établissement qui, s'éloignant des principes qu'elle a consacrés, affaiblit la confiance et décourage le patriotisme.
Dans quelque administration que ce soit, il faut une organisation simple. Il faut que la comptabilité descende par degrés, et qu'à chaque degré Boit placé un payeur subordonné, à côté duquel se trouve un surveillant qui puisse, d'un coup d'œil, et à chaque instant, embrasser toute la comptabilité qui lui est confiée.
Or, si l'expérience a déjà prouvé que les recettes et les dépenses qui se font dans chaque département ne peuvent, sans un danger réel, être confiées au même agents si la raison démontre aussi que, du moment que leurs opérations sont confondues, celui qui en est chargé trouve, auprès des autorités qui le surveillent, bien plus de facilités pour dissimuler sa situation, pour se réserver des fonds surabondants qu'il fait jouer à son profit; si, pour éviter et prévenir tous les abus de ia comptabilité si justement reprochés à l'ancienne finance, vous reconnaissez, comme principe en comptabilité, que la recette et la dépense, essentiellement distinctes, ne peuvent être confiées au même fonctionnaire; si enfin,' conséquemment à ce principe, vous ne pouvez vous dispenser de conserver les payeurs généraux établis dans les départements par le décret du 24 septembre, vous chargerez alors ces payeurs généraux d'acquitter les intérêts de la dette publique dans leur arrondissement respectif.
Et c'est ainsi que vous trouvez, dans un établissement déjà tout formé, un moyen d'exécution qui se présente de lui-même, et qui, bien loin d'occasionner une nouvelle dépense, procure à l'Etat l'avantage une économie de 600,000 livres, dont le Trésor public se trouve chargé pour le traitement des payeurs et contrôleurs des rentes établis dans la capitale.
Cette réforme, si politique, et si justement commandée par les circonstances, est surtout applicable à la constitution que vous vous proposez de donner aux finances; car il faut, autant qu'il est possible, lier le bien qu'on est capable de faire à des institutions qui le rendent stable et indépendant des événements.
C'est dans cet esprit que votre comité vous propose de décréter qife les intérêts de la dette publique et les pensions ne seront plus désormais acquittés exclusivement dans la capitale, mais que les fonds en seront versés dans la caisse des payeurs généraux établis dans chaque département.
Votre comité a vu, dans ce nouvel établissement, un double avantage, puisqu'en rapprochant les créanciers du débiteur, il se concilie avec l'organisation actuelle du Trésor public, et s'allie à toutes les combinaisons, sans trop compliquer la correspondance ni la comptabilité.
Mais, en fixant l'attention de l'Assemblée nationale sur les payeurs généraux établis dans les départements, comme présentant un moyen d'exécution très facile pour le payement des pensions et des intérêts de la dette publique, votre comité n'a pas entendu préjuger ia question qui est actuellement en discussion, et qui consiste à savoir si les payeurs généraux eux-mêmes seront conservés. 11 a voulu seulement s'arrêter un instant sur le grand caractère d'utilité publique que prendrait cette institution, dans lat supposition où l'Assemblée nationale se déterminerait à décréter là suppression des payeurs et contrôleurs établis à Paris. C'est alors, Messieurs, que l'institution des payeurs généraux des départements présenterait un moyen efficace pour arriver sans effort au but que vous désirez atteindre.
Si, au contraire, l'Assemblée nationale supprimait les payeurs généraux, la difficulté de faire payer les pensions et les intérêts de la dette publique par les receveurs de districts serait insurmontable. Car quelle confusion, quel embarras, quelle complication n'existerai t-il pas
alors dans la comptabilité de 544 receveurs? Quelles entraves une pareille mesure ne mettrait-elle pas à la marche de l'Administration et de la correspondance, par les difficultés en tous genres qui naîtraient de la multiplicité des comptables, abstraction même des risques qu'il y aurait à courir à leur égard?
Vous pouvez en juger, Messieurs, d'après le compte que le commissaire du roi à la caisse de l'extraordinaire vous a rendu du travail de ses bureaux. Vous avez reconnu les obstacles sans nombre qu'il a fallu surmonter pour organiser une comptabilité dont la nature exige une correspondance suivie avec 544 receveurs. En jetant un coup d'oeil sur le tableau qu'il vous a présenté, vous avez aperçu dans son ensemble les détails infinis qu'exige un compte ouvert avec chacun de ces receveurs, soit pour vérifier et contrôler chaque article de recette, soit pour être en état de déterminer à chaque instant, par le résultat de cet immense travail, l'époque et la quotité des recettes sur lesquelles la nation a droit de compter.
La comptabilité présenterait bien d'autres difficultés, et épii seraient absolument insurmontables, si la recette et la dépense se trouvaient réunies sur les mêmes individùs; si la ligne de démarcation entre ces deux parties essentielles de l'administration publique n'existait plus; si enfin, en chargeant les receveurs de districts de la recette et de la dépense, comme on vous l'a déjà proposé, vous ordonniez la suppression des payeurs généraux, qui, par l'intimité de leurs relations avec la trésorerie nationale, comme centre de la comptabilité du royaume, peuvent seuls entretenir, dans les comptes relatifs à la dépense des départements, cette simplicité sans laquelle la comptabilité sera toujours obscure, irrégulière, vicieuse et imparfaite.
Ici se place naturellement une observation générale, qui achève de porter jusqu'à l'évidence la nécessité d'attribuer aux payeurs généraux des départements les fonctions qu'exercent aujourd'hui les payeurs des rentes à Paris; c'est que la séparation établie par décret du 24 septembre, entre les recettes et les dépenses publiques, n'est qu'une conséquence de 1 organisation intérieure de la trésorerie nationale, telle qu'elle a été successivement décrétée les 11 et 18 mars, 30 juin, 11 juillet et 10 août 1791 (1).
D'un autre côté, pour peu qu'on ait une légère idée de la comptabilité, on sait que la recette des deniers publics n'exige, dans l'agent qui en est chargé, qu'une grande exactitude et beaucoup d'ordre dans des opérations qui ne sont au fond que purement mécaniques, parce qu'elles ne sont assujetties qu'à des formes arithmétiques.
La dépense, au contraire, et les payements dont elle est composée ont un régime à part;
elles
Ces considérations sont puissantes, Messieurs; elles ont déterminé votre comité à vous proposer, comme moyen d'exécution pour le payement des pensions et des intérêts ae la dette publique, d'attribuer aux payeurs généraux des départements les fonctions des payeurs des rentes. Ces derniers ne peuvent offrir qu'une corporation vicieuse dans l'organisation nouvelle, qu'un intermédiaire inutile èutre le Trésor national et le public, et par conséquent, qu'une forme étrangère, et une complication nuisible au régime actuel, qui ne saurait avoir trop de promptitude et de simplicité.
Quoique le projet de votre comité ne soit autre chose que l'opinion de l'Assemblée nationale elle-même, qui a déjà plusieurs fois manifesté son vœu, il a cru néanmoins qu'il était nécessaire d'entrer encore dans quelques détails qui pourront éclaircir davantage la discussion, et fixer avec plus d'intérêt votre attention sur un des objets les plus importants qui puissent appeler vos regards et votre sollicitude.
Le payement des intérêts de la dette constituée s'élève à 175,000,000 de livres, dont 100,000,000 de livres en rentes viagères, et 75,000,000 de livres en rentes perpétuelles.
Ce payement de 175,000,000 de livres, réparti égalemententreles40payeurs, donne à chacun un maniement annuel d'environ 4,000,000 de livres à distribuer.
Et pour cette distribution de 4,000,000 de livres, chaque payeur jouit, non compris l'Intérêt de la finance, à 5 0/0 sans retenue, d'un traitement de 12,000 livres. Il pèse en outre sur la masse des rentiers de l'État d'environ quatre autres mille livres par les frais d'immatriculé qu'il est autorisé à percevoir.
Au moyen de cet avantage, il regarde la fonction de payer 4,000,000 de livres des intérêts de la dette nationale non seulement comme un devoir qui lui est imposé, mais comme un droit exclusif dont il a la propriété.
Cette bizarrerie, aussi peu économique -qtre constitutionnelle, frappa quelques bons esprits de l'Assemblée constituante, et particulièrement M. Beaumetz, qui, dans une opinion sur l'organisation du Trésor public, proposa la suppression des payeurs et contrôleurs des rentes après avoir démontré leur inutilité, mais l'Assemblée était alors occupée d'objets d'une autre importance.
La corporation des payeurs était un de ces petits colosses, qui, cachés dans un coin de l'Empire, put d'abord échapper à la faux, salutaire qui nettoya l'aire politique sur laquelle devait reposer la Constitution ; mais il devait périr tôt ou tard, afin qu'il ne restât plus rien sur la surface de la France qui pût laisser le plus léger souvenir de l'ancien système.
Cependant, Messieurs, vous serez peut-être surpris de la division d'opinions qui régna dans le comité des finances lorsque la suppression des payeurs y fut proposée. Leurs partisans avaient cherché à multiplier les craintes pour douner à leur cause le peu de faveur dont elle était susceptible.,
Comme cette forme de payement choquait les idées les plus naturelles par sa complication, par sa cherté, par l'embarras qu'elle jetait dans la comptabilité, il fallait bien lui chercher un prétexte dans la sûreté du serviee. Ceux qui ne pouvaient espérer de convaincre les bons esprits, tâchèrent de les effrayer, en leur annonçant que tout autre système exposerait l'Etat à payer quelquefois indûment, à prendre de faux créanciers pour les vraies parties prenantes, et, par conséquent, à payer deux fois.
Mais cette frayeur si étrange pouvait-elle avoir quelque fondement?
Plusieurs Etats de l'Europe, tels que l'Angleterre et la Hollande, ont aussi une dette publique ; mais ils n'ont pas cru devoir soumettre le payement des intérêts à une multitude de formalités qui, chez nous, compliquent la comptabilité, la rendent très dispendieuse, et qui, fatiguant la patience des créanciers de l'Etat, les forcent à placer chez l'étranger des capitaux que la confiance nous aurait livrés.
Ne serait-il pas convenable d'adopter le mode de payement par émargement, tel qu'il est usité en Angleterre ? Ne pourrait-on pas faire disparaître 3,000 gros sommiers d'immatriculés si pénibles à tenir, par une refonte de toutes les rentes et leur conversion en titres nouveaux ? Cette opération si nécessaire tendrait au moins à simplifier nos formes et à n'admettre que celles qui seraient jugées indispensables pour assurer les droits du vrai propriétaire et garantir au Trésor public la légitimité de ses payements.
Votre comité n'a pas cru devoir entrer, à cet égard, dans une discussion qui, ne touchant qu'indirectement à la suppression des payeurs, n'est relative qu'aux moyens d'éxecution qu'il vous proposera lorsque vous aurez décrété que le payement des intérêts de la dette publique se fera dans les chefs-lieux de départements.
Votre comité se bornera donc, quant à présent, Messieurs, à répondre à quelques objections qui ont été faites par ceux mêmes qui ont beaucoup d'intérêt à les faire valoir ; comme si leur existence ou leur fortune semblaient attachées à la perpétuité des abus.
Les partisans des payeurs argumentent d'abord de l'immensité du travail, et prétendent que rien ne peut être substitué à leur régime actuel.
Cette objection est détruite; par l'effet même de l'attribution aux 83 payeurs généraux établis dans les départements; car dans la supposition que les intérêts de la dette publique pussent se répartir dans une proportion plus ou moins égale dans les départements, il résulterait toujours évidemment que 83 fonctionnaires feraient, avec beaucoup plus de facilité, les opérations de 40 payeurs établis dans la capitale et qui, chacun, n'ont qu'un jour de service par semaine alternativement.
il faut considérer, d'un autre côté, que les seuls créanciers domiciliés en France pourront participer à l'avantage d'être payés dans leurs départements; mais les créanciers étrangers continueront de toucher leurs arrérages dans la capitale, comme centre de la comptabilité du royaume, et suivânl le nouveau mode qui sera déterminé. D'après cette observation on peut estimer que les payements qui se feront dans 82 départements n'excéderont pas 50,000,000 de livres, ce qui fera pour chacun, pris dans le terme moyen, 550,000 livres., dont le payeur
général sera chargé de faire la distribution (1).
L'objection qui parut davantage fixer la majorité du comité des finances de l'Assemblée constituante fut celle que les payeurs tiraient de la sûreté de leur service.
« Le Trésor public, disaient-ils, a reçu 24 millions pour la finance de nos offices; c'est un cautionnement qui répond d'autant mieux des sommes qui nous sont confiées que jamais, entre nous tous, nous n'avons à la fois plus de 5 à 600,000 livres à notre disposition. Ainsi notre situation est constamment connue, et notre service est garanti par une immense responsabilité. »
C'est un bien: faible argument que celui des cautionnements; car, si l'Assemblée législative, dirigée par les mêmes principes qu'a manifestés l'Assemblée constituante, regarde ces énormes avances, dont la nation paye les intérêts aux financiers, bien moins comme un gage qui les attache à son service que comme un lien qui l'asservit elle-même à leur ministère onéreux ; si elle redoute ces prêts faits à l'Etat comme un obstacle invincible à l'abaissement de l'intérêt de l'argent ; si elle les repousse comme autant de fonds soustraits à l'acquisition \des biens nationaux ; si, en un mot, elle continue à proscrire les cautionnements en argent, alors l'objection des payeurs de rentes s'évanouit tout entière. Les cautionnements en immeubles des payeurs généraux offriront au Trésor public une responsabilité non moins réelle. Ainsi, la frivole raison imaginée par les payeurs pour faire en sorte de paraître utiles, lorsqu'il est prouvé qu'ils sont très onéreux, n'offre plus même le plus léger prétexte à invoquer.
Mais comment, lorsque tant de motifs vraiment puissants semblent concourir à faire désirer la suppression d'un établissement à charge à l'Etat, et évidemment inconstitutionnel, comment pourrait-on balancer à prendre une résolution définitive pour détruire cet abus qui nous reste encore de l'ancienne finance?
Cette singulière administration, composée de 40 chefs étrangers les uns aux aûtres, èt indé-» pendants des autorités constituées, est-elle celle qu'indique la raison ? A-t-elle jamais été imaginée pour la sûreté de la dette ou pour. la promptitude du service? N'est-il pas évident au contraire qu'un tel abus est une production de la vénalité? si cette manutention n'existait pas, viendrait-il dans l'esprit de quelqu'un de l'établir, et sur quelle théorie pourrait-on l'appuyer ? Ce dernier raisonnement suffit pour en justifier la suppression.
Si l'on objectait encore qu'une partie des intérêts de la dette publique n'étant pas exigée
à l'époque précise des échéances, il serait à craindre que les départements ne fissent un
usage arbitraire des fonds oisifs; on peut répondre qu'il sera facile à votre comité de vous
proposer, dans le décret d'exécution, des moyens propres à empêcher l'influence des corps
administratifs
Après avoir démontré, Messieurs, que les payeurs de rentes ne peuvent subsister avec le régime actuel, qu'il serait dangereux et injuste de concentrer la comptabilité ie tous les intérêts de la dette publique dans la capitale, Votre comité va jeter un coup d'œil rapide sur les avantages qui résulteront, tant pour la chose publique que pour les pensionnaires et créanciers de l'Etat, de la distribution des payements dans chaque département.
D'abord la perception des rentes et des pensions fera connaître plus facilement cette partie de la fortune des contribuables, et facilitera d'autant plus l'assiette proportionnelle de la contribution mobilière.
D'un autre côté la contribution elle-même sera beaucoup mieux acquittée ; car le rentier ou le pensionnaire, bien plus rapproché de son payeur, et débarrassé des frais, des formalités et des lenteurs qu'entraînaient nécessairement les agents qu'il était obligé de mettre en mouvement pour recevoir de petites sommes à Paris, les touchera directement par ses mains, et s'acquittera sans contrainte, parce qu'il recevra sans peine et sans dépenses.
Aujourd'hui, Messieurs, le citoyen qui possède, quoique avec une très médiocre fortune,. huit ou dix parties de rentes sur l'hôtel de ville, peut avoir affaire à huit ou dix payeurs différents; chaque rente exige de lui l'accomplissement des mêmes formalités. Chacune exige une quittance séparee, l'Oblige au dépôt ae cette quittance, l'expose à la voir rejetée au rebut par l'oubli des plus insignifiantes formalités; elle le contraint à faire des démarches pour s'informer des raisons qui ont motivé le rejet de sa quittance, et enfin à multiplier ses opérations dans la même proportion qu'il possède de contrats différents.
Survient-il une mutation, il faut à chaque payeur une justification séparée, et tous les payeurs n'ont pas la même jurisprudencë : ce qui paraît suffire à l'un ne satisfait pas l'autre, plus circonspect que le premier. Aussi Voit-on qu'aucun citoyen, quelque temps qu'il ait à donner à ses propres affaires, ne peut percevoir ses rentes par lui-même. 11 faut qu'il emploie des intermédiaires, qu'il sacrifie une partie de son revenu à soudoyer un fondé de pouvoir, et nu'il coure encore les risques de son insolvabilité.
Si, au contraire, l'Assemblée nationale adoptait le mode de payement par émargement, la comptabilité, bien moins surchargée de pièces et d'acquits, deviendrait par là d'une vérification plus facile. Chaque payeur pourrait présenter, sous un même point de vue, le résultat des payements effectifs, le montant des débets et celui des extinctions viagères. Un même esprit dirigerait la comptabilitédans toutes ses parties, dans toutes ses divisions.
Enfin, Messieurs, le changement que votre comité vous propose tend évidemment à vous faire prendre par la suite une mesure qui simplifiera la dette constituée, la dégagera d'un mode de payement incommode et dispendieux, en offrant aux créanciers le simple et légitime attrait d'une'forme plus prompte de constater leur propriété.
D'après cet exposé, Messieurs, votre comité de
l'ordinaire des finances 9e borne à vous soumettre le projet de décret suivant:
Projet de décret.
« L'Assemblée nationale, considérant la nécessité d'établir dans le payement des pensions et des intérêts de la dette publique un ordre de comptabilité qui s'accorde avec les principes de la Constitution, et voulant parvenir aux moyens d'exécution qui lui paraîtraient les plus propres à rendre la surveillance facile et la responsabilité impossible à éluder, après avoir entendu lecture du projet de décret dans les séances précédentes et de ce jour, et décrété qu'elle est en état de délibérer définitivement, décrète ce qui suit ;
« Art. 1er. Les offices des 40 payeurs de l'hôtel de ville de
Paris, et ceux de leurs contrôleurs, sont supprimés, pour cesser toutes fonctions à compter
du 1er juillet 1793. Les finances desdits offices seront liquidées et remboursées après
l'apurement des comptes desdits payeurs.
« Art. 2. Les pensionnaires et créanciers de l'Etat domiciliésen France toucheront, à compter du lef janvier 1793, leurs pensions et rentes, tant perpétuelles que viagères, dans le chef-lièu du département où leur domicile !§era établi, suivant le mo le et les formalités qui seront déterminés par l'Assemblée nationale.
« Art. 3. Le comité de l'ordinaire des finances sera tenu de présenter dans deux mois un projet de décret relatif aux moyens d'exécuter l'article précédent.
« Art. 4. Le comité de liquidation présentera incessamment à l'Assemblée les bases d'après lesquelles les offices des contrôleurs et payeurs des rentes doivent être liquidés. »
(L'Assemblée ajourne la seconde lecture à huitaine.)
(La séance est levée à dix heures.)
Séance du
Un de MM. les secrétaires donne lecture dés lettres des sieurs Maguenoz, Caillonne, Regnier. Galtaud, Daubigny, Georgé, Schalter, Jouenné, de Lanchamp, Robin, Giraud, Môcquerlt, Clamaran l'aîné, Leroy, Rouin, Pierre-Charles Loynr, Cordiez, des citoyens du faubourg Swint-Denis, du batailldïi des Filles-Dieu, de la compagnie des chasseurs du bataillon de Saini-Jacques-tà-Boucherié, qui se rétractent de leurs signatures à la pétition qui a été présentée pour demander le rapport du décret relatif au rassemblement de 20,000 gardes nationaux.
(L'Assemblée renvoie ces lettres aux comités de législation et de surveillance réunis.)
Un citoyen est admis à la barre pour déposer un don de 355 livres de la part des citoyens d'une petite ville.
répond à ce citoyen et lui accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée accepte cette offrande avec les plus vifs applaudissements et en décrète la
mention honorable au procès-verbal dont un extrait sera donné aux donateurs.)
, secrétair», donne lecture du procès-verbal de la séance du 15 juin 1792, au soir. (L'Assemblée en adopte la rédaction.) Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres et pétitions suivantes :
lettre du sieur Coutier, sous-lieutenant du bataillon de la Marne, employé dans l'armée commandée par ie général Lafayette, qui écrit, que comme il peut être tué au premier choc, il lait la nation son unique héritière, en envoyant 300 livres en assignats, qu'il a reçus pour son équipement* Cette lettre est ainsi conçue :
« Au camp de Moubeuge, le
« Monsieur le Président,
« Comme je puis perdre la vie au premier choc, et sans qu'il me soit permis de rendre le moindre service à ma patrie, je la déclare ma seule et unique héritière, et c'est vous que je charge de l'exécution de mon testament.
« Mon legs quoique universel, n'est pas bien conséquent; il consiste eu 60 corsets de ma gratification, que je n'ai point employés à mon équipement de guerre.
« Ce n'est là, comme vous voyez, qu'une pure et simple reddition.
« Est-ce ma faute à moi, si je ne puis pas davantage? Cette modique somme suffira toujours, à peu de chose près, à l'entretien d'un volon4-taire pendant un an; si mon patriotisme ne peut durer éternellement, il faut du moins qu'il me survive quelque temps. Que ma patrie sache que mon attachement pour elle égale mon respect et mon estime pour vous, Monsieur, et je meurs le plus heureux des hommes.
« Signé : COUTiER, sous4ieutenant au 1er bataillon de la Marne,
« Armée de Lafayette. »
(L'Assemblée accepte cette offrande avec les
Elus vifs applaudissements et décrète la mention onorable et l'insertion de la lettre au procès-verbal, dont copie collationnée sera envoyée au sieur Coutier.)
2® Pétition du sieur Saunier (1), ci-devant officier-coureur de vin de la maison d'Artois, qui demande une revision du décret relatif à la liquidation des officiers des maisons des frères du roi,
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur cette pétition.)
3° Pétition du sieur Maillard, ex-capucin, aumônier de la marine, qui, ayant présenté une adresse à l'Assemblée pour y dénoncer une injustice commise à son égard, se plaint du renvoi qui lui en a été fait par le comité des pétitions, en l'adressant aux autorités constituées qui sont compétentes. Il demande que l'Assemblée lui rende justice.
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur cette pétition.) Un membre : Je demande que l'Assemblée défi) Voy. Ci-après aux annexes de la séance, page 394, le texte de cette pétition.
crête que les comités seront autorisés à renvoyer aux particuliers les mémoires et pétitions qui ne seront pas de leur compétence, en leur indiquant les autorités constituées auxquelles ils doivent s'adresser.
(L'Assemblée décrète cette proposition.) 4° Pétition de plusieurs citoyens de Montpellier, qui témoignent leur attachement à la Constitution et sollicitent un décret qui mette la garde nationale sédentaire en pleine activité. Cette pétition est ainsi conçue (1) :
« Montpellier, le
« Représentants.
Les citoyens de Montpellier ont vu avec plaisir, mais sans étonnement, l'attitude fière et imposante que l'Assemblée vient de prendre.
« Malgré les efforts des libellistes soudoyés, la grande majorité du peuple, français compte sur le fermeté de ses représentants, comme ses députés peuvent compter sur son courage et sur sa force.
«Nous n'avons jamais entendu que les députés de nos départements envoyés à Paris pour défendre les grands intérêts de la nation pussent devenir le jouet ou la pâture d'un juge de paix. Nous ne voulions pas non plus qu'une cabale affreuse, désignée sous le nom de comité autri« chien, cherchât plus longtemps à remettre le Français sous les fers du despotisme. Enfin nous ne pouvions souffrir plus longtemps qu'on entourât un roi constitutionnel d'une gardé formée d'une manière inconstitutionnelle.
« La patrie a parlé, le glaive de la justice va frapper tant de têtes coupables et l'Assemblée vient de s'élever de toute sa hauteur; non jamais elle ne cessera de réprimer et de punir les infâmes conspirateurs. Représentants, la nation entière est levée, le peuple armé, 6 millions d'hommes vous offrent leur fortune et leur vie pour soutenir notre sainte Constitution. Que nos ennemis bénissent votre clémence et celle des Français, car au premier signal, ils eussent payé de feurs têtes criminelles les maux affreux qU ils ont tenté de faire.
« Hâtez-vous de faire une loi terrible, une loi de fer, qui contienne tous les conspirateurs, qui les retranche de la société qu'ils cherchent à détruire. Quand on ne peut apprivoiser des tigres féroces, on est. forcé de les enchaîner; hâtez-vous de décréter la motio'i de M. Lasource pour mettre la garde nationale sédentaire en pleine activité. Les départements frontières contre les ennemis extérieurs, les autres contre les intérieurs, exigent cette grande mesure. »
(Suivent les signatures.)
(L'Assemblée décrète la mention honorable de cette pétition.)
5° Pétition dè la dame Vicaire, qui demande un local pour l'établissement, à ses Irais, d'un hospice, où elle se propose de guérir plusieurs maladies déclarées incurables, elle offre caution pour le payement du loyer, en cas de non-succès.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de secours publics.) 60 Pétition des sieurs
François Ruyère, Perolet,
(L'Assemblée renvoie cette pétition au Pouvoir exécutif.)
7° Pétition du sieur Manet, lieutenant-colonel du 12e régiment des chasseurs à cheval, qui se plaint d'une injustice qu'il prétend que l'ex-mi-nistre Servan a commise à son égard.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité militaire.)
8° Lettre des commissaires de la Trésorerie nationale, qui demandent à être autorisés à terminer une créance très importante due à la nation par les propriétaires de l'ancien enclos des Quinze-Vingts, et qui envoient le projet d'un acte de transaction.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de l'ordinaire des finances).
9° Lettre du sieur Chavard, citoyen habitant de la section des Innocents, accompagnant une adresse relative au renvordes ministres et au licenciement de l'état-major de la garde nationale parisienne.
(L'Assemblée renvoie cette lettre aux comités de législation et de surveillance réunis.)
10° Lettre du sieur Marette, qui offre de communiquer un moyen qui peut produire, dans un camp, l'effet de 20,000 hommes.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité militaire.)
11° Lettre de l'assemblée coloniale de la Guyane française, accompagnant diverses pièces.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité colonial.)
12° Pétition des invalides habitant l'Hôtel, qui se plaignent que les lois nouvellement décrétées pour leur régime ne sont pas encore exécutées.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au Pouvoir exécutif, pour en rendre compte par écrit dans le plus bref délai.)
Une députation du bataillon de Saint-Andrè-des-Arts, de garde montante auprès de l'Assemblée, est admise à la barre.
L'orateur de la députation demande la permission de planter un arbre, surmonté d'un bonnet de la liberté, à la porte de la salle et de défiler, après la cérémonie, dans l'enceinte de la salle. Il proteste de leur soumission aux lois, renouvelle le serment qu'ils ont fait de verser leur sang pour défendre la Constitution et demande qu'il soit nommé des commissaires pour assister à cette cérémonie civique.
répond aux pétitionnaires et leur accorde les honneurs de la séance.
Je convertis cette pétition en motion. Je demande que l'on accorde aux pétitionnaires cé qu'ils demandent, et je propose, en outre, qu'on nomme quatre membres pour assister à cette cérémonie. Rien ne doit être plus doux que de voir planter l'arbre de la liberté.
(L'Assemblée décrète cette proposition.)
nomme les quatre membres qui doivent former cette députation.
, au nom des comités d'agriculture
et de commerce réunis, fait un rapport (1) et présente un projet de décret (t) sur le canal projeté par le sieur Chevalier, dans le département de l'Ain, pour la continuité de la navigation du Rhône, interceptée entre Seyssel et Genève; il s'exprime ainsi :
Messieurs, au nom de vos comités d'agriculture et de commerce, je viens vous présenter le projet d'un canal sur la rive droite du Rhône, par le moyen duquel la navigation sur l'un de nos principaux fleuves, qui se trouve interceptée par la disparition totale des eaux de ce fleuve, et leur engouffrement sous terre, puisse désormais avoir un libre cours, et procurer à l'agriculture et au commerce tous les avantages que la société est en droit d'attendre d'une navigation aussi importante que celle du Rhône.
Messieurs, a 15 lieues au-dessous de Genève, et à 20 lieues au-dessus de Lyon, entre le département de l'Ain et le duché de Savoie, et depuis la cataracte du pont de Lucey jusqu'au ravin de Kinge, le Rhône coule dans une gorge fort étroite, bordée de rochers très escarpés. Dans cet espace, qui est de 3,600 toises, les eaux tombent de cascades en cascades et se précipitent dans un gouffre souterrain, dont elles ne sortent qu'à 120 toises plus bas. Ces abîmes horribles, ces effrayantes cataractes, en interrompant le cours de la navigation, n'offrent point à leurs côtés des rives sur lesquelles on puisse commodément la rétablir par un zanal ; des rochers coupés presque à pic, dont le pied repose sous les eaux du neuve, et dont la cime s'élève jusqu'à 400 pieds, forment les bords que dans cet endroit sauvage les eaux se sont façonnés elles-mêmes, en creusant dans le roc le berceau où elles roulentavec impétuosité. Telle est, Messieurs, l'image exacte de ces lieux affreux que la nature semble avoir pris plaisir à former exprès, pour opposer d'éternelles barrières à la navigation.
Cependant il n'est point d'obstacles si grands en ce genre, dont aujourd'hui l'art ne triomphe, lorsque l'on aperçoit au delà des avantages pour la société, qui l'emportent sur les frais de l'exécution : et s il faut ici, dans une étendue de 3,600 toises, creuser dans le roc un canal de 36 pieds d'ouverture sur 5 de profondeur, et peut-être encore une galerie souterraine, dans une partie de cette longueur, cette opération n'effraie point le génie, elle ne peut que faire hésiter la prudence, jusqu'à ce que des calculs assez positifs lui aient démontré que les avantages qui en doivent résulter, sont supérieurs à la dépense qu'elle nécessite.
C'est en faisant le calcul des avantages d'une part, et de la dépense de l'autre, et en comparant les résultats de ce calcul, que le sieur Chevalier, à l'aide des opérations qu'il a fait faire par plusieurs ingénieurs, et à diverses reprises, s'est convaincu qu'il y aurait beaucoup à gagner pour l'Etat, dans l'exécution d'un projet de cette importance; et pénétré de cette vérité, depuis 10 ans, Messieurs, il n'a cessé de faire des démarches, soit auprès de l'ancien gouvernement, soitauprès de l'Assemblée nationale constituante, pour consommer une entreprise aussi utile.
Je ne vous rendrai point compte de toutes les démarches qu'il a faites pour décider
l'ancien gouvernement à accueillir son projet, ce récit ne vous mènerait à rien d'utile pour
l'objet
Ce fut au mois de janvier 1790, que le sieur Chevalier présenta sa pétition à l'Assemblée nationale, dans laquelle, au moyen d'une compagnie de bailleurs de fonds, dont il s'est assuré, il proposa de se charger à ses frais, périls et risques, de l'exécution de ce grand ouvrage, moyennant un droit de transit sur toutes les marchandises.
Son mémoire fut renvoyé au comité d'agriculture et de commerce qui, lui-même, le renvoya au directoire du département de l'Ain, pour prendre son avis. Ce directoire demanda l'avis de l'ingénieur en chef du département, et celui des districts de Gex et ae Nantua. Ceux-ci consultèrent toutes les municipalités voisines; ils firent plus encore, ils envoyèrent des commissaires sur les lieux ; et les réponses des municipalités, les procès-verbeaux des commissaires, avec l'avis des 2 districts, et celui du sieur Céard, ingénieur en chef; ayant été rapportés au directoire de département, il donna, à son tour, le 12 octobre 1790, Son avis favorable en tout point au projet du canal.
Après que le directoire de département eut donné son avis, le sieur Chevalier sollicita assez vivement le rapport de sa pétition; mais les grands travaux ae l'Assemblee constituante ne lui ayant pas permis de s'en occuper, cette pétition est échue à vos comités d'agriculture et de commerce, qui, après avoir examiné les pièces, mémoire, plans et nivellement qui l'accompagnent, et après avoir pris l'avis de l'administration centrale des ponts et chaussées, ont arrêté à l'unanimité de proposer à l'Assemblée nationale l'exécution du projet.
Les raisons qui ont déterminé les comités, sont les avantages évidents qui en résulteraient pour le commerce, l'agriculture et l'architecture civile et navale.
En effet, la ville de Genève, une partie de la Suisse et une partie de la Savoie tirent de Lyon et de Marseille, ou de nos autres villes méridionales, presque toutes les matières et marchandises dont elles ont besoin.
Ces pays tirent encore des départements méridionaux nos huiles d'olive, nos savons, nos eaux-de-vie, vos vins des côtes du Rhône et du département de l'Ain, qui sont pour toutes les contrées de la France des productions surabondantes, auxquelles on ne saurait trop favoriser des débouchés chez l'étranger.
Ils tirent aussi des salines de Pecquei, dans le département des Bouches-du-Rhône, tout le sel qu'ils consomment, lequel leur est fourni par la France, ensuite des traités conclus à cet effet. ,
Or, toutes ces marchandises, toutes ces productions, que nous avons le plus grand intérêt à envoyer à l'étranger, rémontent bien par le Rhône jusqu'à Seyssel, situé sur le bord de ce fleuve, à 15 lieues au-dessous de Genève ; mais
arrivées là, le Rhône cessant d'être navigable, par les cataractes et les abîmes dont je vous ai fait le tableau, il faut débarquer les marchandises et les conduire sur des voitures jusqu'à Genève, par des chemins montueux et difficiles; ce qui renchérit considérablement le transport.
Le canal projeté par le sieur Chevalier, en rétablissant le cours intercepté de la navigation du Rhône, permettrait aux voitures d'eau de continuer leur route jusqu'à Genève et dans la Suisse, sur un espace d'environ 35 lieues, tant par le Rhône que par le lac de Genève; et par ce moyen, le transport devenant plus commode et moins cher, les marchandises et les productions qa'il est de notre intérêt de vendre à l'étranger, auraient un débit plus facile et plus avantageux, et le sel que la France fournit à Genève, à une partie delà Suisse et à une partie de la Savoie, nous coûterait beaucoup moins en frais de voiture.
Par le moyen du même canal, les excellents fromages de la Suisse, connus sous le nom de gruyères, et dont on fait une si grande consommation dans toute la France, nous arriveraient avec moins de frais.
Les marbres de Suisse, la chaux maigre de Savoie, qui, pour construire dans l'eau, peut tenir lieu de la pozzolane, coûteraient aussi beaucoup moins à ceux de nos départements qui sont à portéê d'en faire usage.
Enfin, et ceci est un point capital, les immenses forêts en sapins, chênes et hêtres, qui couvrent les, montagnes des départements de l'Ain et du Jura, du Valais, de la Suisse et de la Savoie, et dans lesquelles les plus beaux arbres dépérisent, par la difficulté et la cherté du transport, fourniraient, au moyen du canal, les plus grandes ressources pour les constructions et pour le chauffage dans la ville de Lyon et dans les départements méridionaux, et surtout pour la marine, dans tous nos ports sur la Méditerranée.
Ces avantages, Messieurs, sont d'autant plus certains, et vous devez y croire avec d'autant plus de confiance, que le sieur Chevalier ne peut trouver que dans leur réalité l'indemnité des dépenses énormes de son entreprise; car cet entrepreneur ne demande à la nation aucune avance, aucun prêt, aucun secours; lui et sa compagnie en feront tous les frais, et eux seuls courront tous les risques de l'entreprise, au moyen d'un droit de transit sur les marchandises, qui leur sera accordé par l'Assemblée nationale, durant un nombre d'années déterminé; en sorte qu'il faut nécessairement que le canal soit très fréquenté, et par conséquent d'une grande utilité, pour que les entrepreneurs puis-sentie rembourser de leurs avances.
Ce point étant donc incontestable, que le canal projeté par le sieur Chevalier, qui a pour objet de rétablir le cours intercepté de la navigation sur le Rhône, présente des avantages réels pour l'agriculture et le Commerce; et d'autre part, les offres du sieur Chevalier de l'exécuter à ses frais, périls et risques, mettant la nation à l'abri de toutes pertes et de tous dangers, l'Assemblée nationale ne peut pas hésiter à décréter que le canal sera fait. Il ne reste donc plus qu'à examiner les conditions et les droits de péage arrêtés par le comité avec le sieur Chevalier, avec toute l'attention et toute la circonspection qu'exige l'intérêt public : car, quoiqu'il soit vrai de dire que, quel que fût le
droit de transit que percevrait le sieur Chevalier sur son canal, il y aurait nécessairement à gagner pour le public, puisque, sans cela, les routes actuelles restant toujours ouvertes, on les choisirait de préférence; néanmoins l'Assemblée nationale doit proportionner, autant qu'il est en son pouvoir, le droit de transit avec les dépenses du sieur Chevalier, afin que la société trouve dans l'exécution du projet la plus grande somme d'avantages possibles, et que cependant le sieur Chevalier et sa compagnie y trouvent aussi une indemnité honnête de leurs travaux, de leurs dépenses, et des risques qu'ils peuvent avoir à courir dans le succès de l'entreprise. Pour établir cette proportion avec justesse, il faudrait avoir des données fixes et certaines, et il est malheureusement impossible de s'en procurer de semblables; mais à leur défaut je vais présenter des calculs par approximation, qui donneront à l'Assemblée, sur ce dont il s agit, des notions assez satisfaisantes pour déterminer son jugement.
D'abord, sur ce qui concerne la dépense de construction, j'observe que les ingénieurs employés par le sieur Chevalier l'ont portée, par leurs calculs, à 3 millions et demi, et que l'administration centrale des ponts et chaussées l'a portée au double de cette somme, c'est-à-dire à 7 millions. En voyant une aussi énorme différence, j'ai essayé aussi de calculer cette dé* pense; j'ai trouvé qu'il y avait 54,000 toises cubes d'excavations a faire dans des rochers fort durs, partie en galerie souterraine, partie sur le penchant de la montagne. En n'évaluant la toise cube qu'à 50 livres, cela produit 2,700,000 livres, auxquelles j'ajoute 1,300,000 livres pour les frais de 18 écluses, de la prise d'eau, des terrasses et autres ouvrages ; ce qui produit une somme totale de 4 millions, qui est le plus bas terme, à mon avis, auquel on puisse fixer le montant de la dépense de construction; et c'est de cette somme que je partirai pour arriver aux résultats que j'ai à vous présenter. J'accorde aux entrepreneurs l'intérêt de cette somme au 6 0/0 pendant 80 ans, parce que le capital en est perdu; ce qui donne annuellement 240,000 livres. J'évalue à 15,000 livres les frais annuel de régie et d'entretien du canal; ce qui fait, avec la somme précédente, 255,000 livres. J'y joins ensuite 60,000 livres, pour la contribution foncière à laquelle il sera soumis en vertu du décret du 21 février 1791 ; ce qui me donne pour somme totale 290,000 livres, que doit rendre le canal chaque année pendant 80 ans aux entrepreneurs, pour qu'ils se trouvent au pair de leurs dépenses; et si l'on y joint le bénéfice honnête qu'ils sont en droit d'en attendre, tant pour leurs peines et travaux, que pour les risques de 1 entreprise, ce n'est pas le porter trop haut que de leur passer jusqu'à 350,000 livres annuellement, pour foiré face à tout.
Cela déterminé, j'examine quel peut être le produit de ce canal. Je vois d'abord, par un état qui a été dressé et qui m'a été rends par un homme qui a habité sur les lieux, que les marchandises qui, dans l'état actuel des choses, montent et descendent tant par eau que par terre, pourraient rapporter au prix du tarif environ 100,000 livres; je considère ensuite que c'est porter ies choses bien loin que de supposer qu'il passera par le canal le double des marchandises qui circulent et s'exportent par la route actuelle, ce qui porterait le produit à 200,000 livres; je pense enfin qu'il est presque
impossible que les bois et autres denrées et marchandises qui actuellement ne sont pas en circulation, puissent rapporterau canal 130,000 livres qu'il faudrait encore, pour former le complément des 350,000 livres que les entrepreneurs devraient retirer annuellement du canal pour faire un bénéfice honnête.
D'après ces considérations, vos comités, Messieurs, se sont facilement déterminés à accorder les 5 sols par quintal demandés par le sieur Chevalier pour toute la traversée du c$nal; mais ils ont mis à ce droit une restriction qui favorisera singulièrement le transport des marchandises, qui, sous un poids considérable, ont une petite valeur commerciale; cette restriction consiste à ce que jamais le droit ne puisse excéder le vingtième delà valeur de la chose: ainsi desdemées telles que la paille, qui ne vaut, que 20 sols le quintal, ne payerait qu'un sol par quintal; le foin, qui ne vaut que 40 sois, ne payerait que 2 sols; le charbon de terre, qui ne vaut que 20 sois, ne payerait qu'un sol; la pierre, qui peut valoir 10 sols, ne payerait que 6 deniers; et ainsi de cent autres choses.
Voici, Messieurs, le projet de décret que j'ai l'honneur de vous présenter de la part ae vos comités : •
PROJET DE DÉCRET.
« L'Assemblée nationale^ après avoir entendu le rapport qui lui a été fait au nom de sen comité d'agriculture, de la demande du sieur Joseph Chevalier, citoyen français, résidant â Paris, d'ouvrir et construire à ses frais un canal de navigation sur le territoire du département de l'Ain, qui prendrait sa naissance dans le lkuve du Rhôtie, au-dessus de la cataracte du pont de Lucey, et aurait son embouchure dans le même fleuve, auprès du ravin de Ringe;
« Après avoir également entendu le rapport qui lui a été fait, de l'avis donné sur ce pmjet le 12 octobre 1790, par les administrateurs du directoire du département de l'Ain ;
« Après avoir entendu enfin le rapport de l'avis de l'administration centrale des ponts et chaussées, décrète ce qui suit t
« Art. 1er. Le sieur Chevalier est autorisé à ouvrir et
construire à ses frais, périls et risques, un canal de navigation dans le département de
l'Ain, qui prendra sa naissance dans le fleuve du Rhône, au-dessus de la cataracte du pont de
Lueey, et aura son embouchure dans le même fleuve, auprès du ravin de Ringe.
« Art. 2. La largeur de ce canal sera dé 36 pieds à la sufface de l'eau, et sa profondeur depuis la même surface sera partout de § pieds au moins. Il sera garni d'anses de retraite et d'écluses en nombre suffisant pour la plus grande commodité de la navigation ; le chemin du halage sera, dans toute sa longueur, d'une largeur de 10 pieds au moins.
« Art. 3. Le sieur Chevalier reste chafgé de faire à.ses frais les ponts en pierre sur les chemins que sou canal pourrait traverser, et de faire construire, pareillement 4 ses frais, tous les ouvrages d'art qu'exigeront les rivières, torrents et ravins qui se rencontrent sur le tracé du canal.
* Art. 4. Il est chargé en outre d'extirper et enlever tous les rochers, tous les blocs de pierre qui, au-dessus de la naissance de son canal jusqu'à Genève, peuvent faire obstacle à la navigation.
«Art. 5. Il sera tenu d'indemniser tons les possesseurs auxquels il pourra occasionner des dommages et dégâts pour l'exécution de ses travaux.
« Art. 6. Il est autorisé à acquérir les terrains et propriétés nécessaires à l'exécution du canal et de ses dépendances, suivant l'estimation qui en sera faite de gré à gré, et à ce défaut, par des experts nommés par les directoires de district; et les difficultés, s'il en survient à cette occasion, seront terminées par le directoire de département.
« Le propriétaire d'un héritage divisé par le canal, pourra, lors du contrat de vente, obliger le sieur Chevalier d'àcquérir les parties restantes, pourvu toutefois qu'elles n'excèdent pas en valeur celles acquises pour ledit canal et ses dépendances. Si cependant la partie restante d'un héritage se trouvait réduite à un demi-arpent, ou au-dessous, les entrepreneurs seront obligés à les acquérir, s'ils en sont requis par les propriétaires.
« Art. 7. Le sieur Chevalier ne pourra se mettre en possession d'aucune propriété qu'après le payement réel et effectif à laquelle elle aura été évaluée. En Cas de refus ou d'autres difficultés, la consignation de la somme à payer, faite dans tel dépôt public que le directoire de département ordonnera, sera considérée comme payement, après qu'elle aura été notifiée. Alors toutes oppositions ou autres empêchements à la prise de possession seront sans ètïet.
« Art. 8. Quinzaine après le payement du prix, ou la consignation dûment notifiée, le sieur Chevalier est autorisé à se mettre en possession de tous les terrains qui se trouveront dans remplacement du canal et de ses dépendances; à .l'égard des bâtiments, s'il s'y en trouve, ce délai sera de trois mois.
« Art. 9. Les hypothèques, dont les biens qu'il acquerra pour là construction du canal et de ses dépendances pourraient être chargés, seront purgées en la forme ordinaire; mais il ne lui Sera expédié chaque mois qu'une seule lettre de ratification par tribunal pour tous les biens dont les hypothèques auront été purgées pendant ce mois.
« Art. 10. Ce canal sera soumis aux contributions de la même manière que les autres établissements de ce genre.
« Art. 11. Le sieur Chevalier jouira pendant 80 ans, à compter de l'expiration du délai ci-après fixé pour l'achèvement du canal, du droit de péage qui sera décrété; et après ce temps ie canal et ses dépendances appartiendront à ia nation, sans qu'elle ait rien a lui rembourser; et il lui sera remis en bon état.
« Art. 12. Mais le sieur Chevalier conservera la propriété des terrains morcelés et indépendants du canal, qu'à la forme de la seconde disposition de l'article 4 il aura été forcé d'acquérir.
« Art. 13' Dans le délai de \ mois à compter du jour de la sanction du présent décret, le sieur Chevalier justifiera au directoire du département de l'Ain qu'il peut disposer de 15,000,000 de livres pour commencer l'exécution de ses travaux, sans y comprendre Je prix de l'achat des terrains; et il fera faire par-devant ce directoire des soumissions à concurrence de cette somme, par des personnes d'une solvabilité bien connue et constatée. Dans ce même délai de 4 mois, il mettra fies travaux en activité. Dans le délai de 6 ans, toujours à compter de la sanction du décret, il achèvera ses travaux; et à défaut d'avoir rempli
ce qui lui est prescrit dans lesdits termes, il se trouvera déchu du bénéfice du présent décret, sans pouvoir répéter envers la nation.
Tarif du péage accordé au sieur Chevalier.
« Art. 1er. Il sera payé pour les bateaux chargés de quelque
denrées, marchandises et effets que ce puisse être, pour toute la traversée du canal,5 sols
pour chaque quintal, poids de marc, des objets composant leur charge, dont la valeur
commercialé serade 5 livres et au-dessus dans la villé de Lyon, si c'est en descendant, ou
dans celle de Genève, si c'est en remontant. Pour les objets dont la valeur, dans lesdites
villes, sera moi ndre de 5 livres le quintal, le droit sera perçu sur le pied du vingtième
seulement de ladite valeur.
« Art. 2. Usera payé pour les bateaux vides qui passeront sur ledit canal, 20 sols pour chaque toise de leur longueur, et le même droit sera aussi payé pour ceux qui n'auront pas au moins le tiers de leur charge, sans préjudice au droit sur les marchandises, qui sera perçu en outre comme il a été réglé à l'article 1er.
« Art. 3. Usera perçu pour les trains de bois de toutes les formes et espèces qui passeront sur le canal, autres néanmoins que les planches,6 livres pour chaque toise de leur longueur, sans que ce droit puisse excéder le vingtième de la valeurdësboiâ, comme il est porté par l'article Ier. Les marchandises et effets, même les planches que porteraient lesdits trains de bois, seront en outre soumis au payement des droits portés par l'article l*r.
« Art, 4. Les voyageurs par les coches, diligences et autres voitures publiques, qui passeront sur le canal, payeront 20 sols par personne, sans qu'ils puissent s'en exonérer en descendant à terre avant d'entrer dans le canal et parcourant à pied toute ia longueur de ses bords ; ils payeront en outre les droits fixés par l'article 1** pour leurs efTets ou marchandises en tout ce qui excédera le poids de 15 livres.
« Art. 5. Tous les objets transportés pour le compte de la nation ne seront sujets qu'à la moitié seulement des droits fixés par les articles précédents,
« Il sera fait un règlement pour la police du canal. »
(L'Assemblée ordonne l'impression du rapport et du projet de décret et ajourne la seconde lecture â huitaine.)
, au nom, du comité de l'ordinaire des finances, fait un rapport et présente un projet de décret (1| concernant l'Ile de Noirmoutier j il s'exprime ainsi ;
Messieurs, les habitants de l'île de Noirmou-tier, par leur pétition, lue à l'Assemblée nationale le 4 décembre dernier (2), et renvoyée aux comités de l'ordinaire des finances et de marine, forment plusieurs demandes dont une seule regarde le comité de l'ordinaire des finances.
Ils exposent que jusqu'à présent ils n'ont acquitté aucune contribution, parce que ie
gouvernement, ayani bien calculé ses intérêts, avait mieux aimé ne pas les imposer que de se
char-
Jaloux de partager les charges comme les avantages de la liberté, ils ne refusent pas aujourd'hui de recevoir les contributions d'après le même mode et sur les mêmes bases que le reste de l'Empire : mais ils se plaignent que dans la taxe qui leur a été assignée par le district de Challans, département de la Vendée, on n'a pas eu d'égard à la charge énorme des constructions et entretiens auxquels ils sont obligés; et ils demandent que ces constructions et entre- 1 tiens soient déclarés être à la charge de la nation, ainsi que les dettes communes par eux antérieurement contractées relativement à ces charges.
On voit par cet exposé que l'exemption d'impôt dont jouissaient ces habitants, n'était pas un de ces privilèges odieux que la Constitution a proscrits, ni même une récompense accordée à leur grande industrie, mais qu'elle était le résultat combiné d'un calcul fiscal.
S'il ne s'agissait que de prononcer sur le mérite de leur réclamation contre la quotité de leur cotisation, votre comité vous proposerait de les renvoyer à se pourvoir devant le département, aux termes de la loi du 1er décembre 1790, titre IV, article 2, et dans la forme prescrite par celle du 28 août 1791. Mais il se présente ici des questions que la loi n'a pas prévues, et qui tiennent à la nature et à la situation particulière du sol et des propriétés des habitants, non seulement de l'île de Noirmoutier, mais encore de deux autres îles plus petites, situées comme la première dans la baie de Bourgneuf, je veux aire celle de Bouin et celle de la Cronière, qui ont le même genre de propriété, de commerce, de mœurs et de charges, et qui, à raison de cette identité, ont joui jusqu'à présent de la même exemption d'impôt; et peut-être jugerez-vous aussi, Messieurs, que la solution de ces questions doit devenir commune en tout ou partie à d'autres îles ou territoires maritimes qui participeraient aux mêmes accidents.
Les chaussées, canaux et digues nécessaires à l'exploitation ou à la défense des héritages dans ces îles, doivent-ils continuer à être construits et entretenus par les habitants propriétaires des héritages riverains? Et dans ce cas, n'est-il pas juste de déduire cette charge de la valeur des héritages pour arriver à leur produit net ? Et sur quel pied cette déduction sera-t-elle faite? Ou bien ces constructions et entretiens seront-ilsà la charge, soit de la nation, et payés par le Trésor public, soit du département, qui impose à sa décharge, et payés sur les sols additionnels de ses contributions?
Il est utile, pour prendre un parti sur ces questions, de jeter un coup d'œil sur la situation de ces îles, et sur la nature de leurs propriétés.
Elles font partie du département de la Vendée et du district de Challans.
Il n'est pas exactement vrai de dire que ces îles ne payaient aucun impôt; celle de Noirmou-tier était abonnée à 450 livres pour toute imposition directe, et celle de Bouin à 300 livres; en outre, elles étaient depuis peu d'années assujetties à l'impôt indirect du tabac, et de tout temps à celui du contrôle et auires droits y ,'ioints; et par leur réunion au département de la Vendée, elles ont apporté seulement ces
faibles impôts dans les bases élémentaires qui ont déterminé la part contributive de ce dépar- ; tement aux contributions foncière et mobilière de 1791 : mais l'île deNoirmoutier a payé encore en outre* depuis 1783 jusque et compris 1788, une i m position locale de20,000 li vres pa r an, dont le produit était employé à l'entretien d'une digue principale dont il sera parlé ci-après. Cette charge locale, qui avait été créée pour dix ans, a cessé d'être imposée en 1789 et 1790.
L'île de Noirmoutier, éloignée du continent d'une lieue seulement, y communique par une plage que la mer abandonne à marée basse, et qui, semée de bourbiers et de précipices, serait dangereuse même en plein jour, si des balises, placées de distance en distance, n'indiquaient aux voyageurs la roule exacte qu'ils doivent tenir.
A l'exception de la partie du nord, qui est bordée de rochers, cette île est très basse, et la majeure partie de son territoire est couverte de marais salants qui reçoivent l'eau de la mer par trois canaux pratiqués du côté de la baie ae Bourgneuf.
C'est aussi de ce côté que les habitants ont eux-mêmes, à leurs frais, et successivement, élevé jusqu'à 12,000 toises de digues pour s'eni* parer des at.terrissements que la mer y forme, pour les défendre contre ses élévations périodiques, et contre ses fureurs accidentelles, et pour y faire rouler l'utile charrue.
J'ai dit, pour s'emparer des atterrissements; mais ce n'est pas à titre gratuit qu'ils ont fait ces conquêtes. Si la fiscalité avait dédaigné de les atteindre, le joug de la féodalité pesait d'autant plus sur leurs têtes et avait redoublé ses rigueurs : en vertu du droit d'alluvion, ces atterrissements appartenaient au seigneur haut-justicier; et c'est au titre onéreux de la prestation, tantôt du dixième, tantôt du sixième, et quelquefois mêmedu quart des fruits, que ces industrieux habitants obtinrent, en différents temps, la permission de consumer leurs fortunes, leurs travaux et leur industrie, pour convertir en héritages précieux des terrains que l'indolence du riche eût peut-être toujours abandonnés à la stérilité. Chaque propriétaire entretient la portion de ces digues qu'il a construite, et qui est devant son héritage : il y veille le jour et la nuit; et par des soins ae tous les moments ajoutés aux travaux ordinaires de la culture, il préserve des récoltes dont une grande partie tourne au profit de celui qni n'a ni veillé, ni cultivé, ni même acquis l'héritage, et qui ne doit l'augmentation de son domaine qu'au hasard des éléments.
11 est dans cette île d'autres digues moins fortes et moins coûteuses, construites dans l'intérieur pour le service des marais salants, et entretenues de même aux frais de chaque propriétaire. Une surveillance municipale, établie de tout temps, oblige chaque propriétaire à tenir ses digues en bon état, de peur que la négligence ne nuise aux autres : mais si un accident imprévu met la digue en danger, alors le péril commun rassemble tous les propriétaires, et le dommage est promptement réparé. ;
Enfin, du côté de la grande mer, en un lieu appelé la pointe du Devin, qui, plus avancé que les autres parties de l'île, sputient les premiers elles plus grands efforts de l'Océan, la nécessité du salut commun a forcé les habitants de Noirmoutier à construire, à grands frais, une digue, sans laquelle les eaux de la mer faisant irruption couperaient l'île en deux parties, et anéantiraient
les marais salants ; c'est à l'occasion de cette construction, que les habitants s'étaient obligés à payer pour dix ans une contribution annuelle de 2U,000 livres; et qu'en outre ils ont contracté des dettes communes ; et déjà ils entrevoient avec inquiétude la nécessité d'en contracter de plus considérables, soit pour fortifier, soit pour augmenter cette digue dont l'entretien est abandonné depuis 1789. j
Telle est, Messieurf, la propriété précaire de 6,000 Français qui habitent l'île de Noirmoutier, cultivateurs, commerçants ou marins, à qui leur industrie et leur prétendue exemption d'impôts n'ont pu procurer assez d'aisance pour racheter les redevances féodales dont leurs héritages sout grevés : vendues comme domaines nationaux, elles sont devenues le patrimoine d'un capitaliste.
Telle est aussi la propriété des habitants des îles de Bouin et de la Gronière.
Tous consentent à partager les charges de la grande société dont la politique fiscale, plus que l'Océan, les tenait séparés; tous ont droit à la protection efficace de cette société pour la sûreté, tant de leurs propriétés que de leurs personnes.
C'est pourquoi, Messieurs, il paraît à votre comité que tous les ouvrages qui sout nécessaires à la sûreté et à l'utilité commune «ie ces îles doivent être laits ou réparés aux frais du département de la Vendée, et sur les sols additionnels de ses contributions; tels sont, pour l'île de Noirmoutier, la digue du Devin et les balises de la plage. Ce département, pour qui la contribution de ces îles est presque entièrement un bénéfice, ne serait pas fondé à faire une réclamation à cet égard, si Ce n'est dans le cas où la sûreté de ces îles exigerait des constructions extraordinaires qui seraient jugées être au-dessus de ses forces.
Mais quant aux ouvrages qui ne sont utilesu'à la propriété particulière, tels que les igues de la baie de Bourgneul ou de l'intérieur des marais salants, votre comité estime qu'ils doivent continuer à être à la charge des propriétaires; il pense que la surveillance publique remplacerait mal celle que l'intérêt particulier commande, mais que cette charge, qui grève le produit net, doit en être déduite.
Ce sera d'après ce principe juste et conforme à la loi, que le département de la Vendée aura à juger si la taxe attribuée à chacune de ces iles par le district de Challans, n'est pas excessive : mais sur quel pied sera faite la déduction de cette charge?
La loi du l*r décembre 1790 a ordonné, article 10, la déduction d'un quart sur la valeur locative des maisons à cause des réparations et entretiens; et article 14 du même titre, celle d'un tiers sur les fabriques, forges, moulins et autres usines; mais nulle part elle ne parle des chausséesou digues, pas mêmedecelledes étangs, à l'égard desquels la loi demeure dans un parfait silence.
Quand elle eût prononcé quelques dispositions précises à cet égard, certes, Messieurs, on ne peut comparer la construction et l'entretien des chaussées ou digues destinées à soutenir les eaux paisibles d'un étang à celles que l'industrie humaine ose opposer aux fureurs de l'Océan, pour augmenter à ses dépens les domaines de la terre, et se procurer des récoltes presque sous ses eaux.
Mais il nous a semblé que vous ne pourriez fixer cette réduction à une quotité précise; car cette fixation, pour être équitable, doit être calculée dans une proportion relative : 1° à la difficulté de
contenir les efforts de la mer, qui est plus ou moins grande, suivant les positions accidentelles; 2° et à la portion plus ou moins considérable que cette charge peut consommer dans le produit net de l'héritage, dont la fertilité est aussi une mesure accidentelle.
En effet, il peut arriver qu'une digue très exposée et d'un entretien considérable, défende un héritage de très petite valeur, et alors le propriétaire retirera à peine les frais de son exploitation et de cet entretien; et il peut arriver au contraire que l'entretien d'une digue peu exposée, 11e consomme qu'une très légère portion de l'héritage qu'elle couvre et qui serait d'un grand produit.
Votre comité a donc pensé que vous deviez par une loi consacrer le principe de la déduction de cet entretien, et laisser aux corps administratifs le soin d'en arbitrer la quotité suivant les circonstances.
Votre comité a pensé, en outre, que les culiva-teurs, qui tenteraient par la suite de pareilles entreprises, doivent jouir des avantages prononcés par le titre III de la loi en faveur de ceux qui dessèchent les marais.
Enfin, Messieurs, quant aux dettes communes que les habitants de Noirmoutier disent avoir contractées uniquement pour des constructions nécessaires à leur sûreté commune, elles seront acquittées par les mesures décrétées pour les dettes des toutes les communes; c'est pourquoi il paraît inutile de vous en occuper.
projet de décret.
« L'Assemblée nationale, sur la pétition des habitants de l'île de Noirmoutier, district de Challans, département de la Vendée, après avoir entendu le rapport de son comité de l'ordinairedes finances, après trois lectures, faites les..... et après avoir décrété qu'elle est en état de décréter définitivement, décrète ce qui suit :
« Art. 1er. Les digues et canaux construits tant au dehors qu'à
1 intérieur de l'île de Noirmoutier, pour la défense ou pour l'exploitation des propriétés
particulières, continueront à être entretenus par les propriétaires et à leurs frais, et sous
la surveillance immédiate des municipalités; mais pour l'assiette de la contribution
foncière, il sera fait, à raison de cet entretien, sur le produit net de ces propriétés, les
frais de culture prélevés, une déduction dont le taux proposé par les municipalités, sera
arrêté par le directoire du district, sauf le recours au département.
« Art. 2. L'entretien, la réparation et la reconstruction delà digue de la pointe du Devin et des balises nécessaires pour la sûreté de la communication entre l'île et le continent, seront à la charge du département de la Vendée, et payés sur les sols additionnels de ses impositions; et il en sera de même pour tous les ouvrages nouveaux dont la construction sera jugée nécessaire à la sûreté ou défense commune de l'île, sauf les secours que le département pourra obtenir dans le cas où ces ouvrages seraient au-dessus de ses forces.
« Art. 3. A l'avenir, celui qui construira une digue en mer pour cultiver un atterrissement, jouira pour la contribution foncière des exemptions portées aux articles 2 et 5 du titre 111 de la loi du 1er décembre 1790, pour le dessèchement des marais, et ne pourra être augmenté qu'après les 25 premières années, et toujours néanmoins sous
la déduction ordonnée par l'article 1er ci-dessus.
« Art. 4. Les règles prescrites par le présent décret sont communes à toutes les îles et à tous les territoires maritimes, »
(L'Assemblée ordonne l'impression du rapport et du projet de décret et ajourne la seconde lecture à huitaine.)
, au nom des Comités dè Votdinaire des finances et d'agriculture réunis, fait un rapport (1) et présente un projet de décret (1) sur le canal de Givors à Rive-de-Gier ; il s'exprime ainsi :
Messieurs, un canal a été ouvert depuis peu d'années, de Givors, district de la campagne de Lyon, à Rive-de-Gier, district de Saint-Etienne-en-Forez, par une société d'actionnaires, sous l'autorisation du gouvernement, qui n'a fourni aucun fonds.
L'utilité actuelle de ce canal est l'exportation des charbons de terre des mines de Rive-de-Gier à Lyon, et sur les rives de la Saône et du Rhône, jusqu'à la Méditerranée, et celle des fers qui se travaillent dans les ateliers de Saint-Ëtiènne et de Saint-Chamond. Elle embrasserait un objet plus général, si le gouvernement se déterminait, par une continuation de 6 à 7 lieues, à établir une communication entre le Rhône et la Loire; ce qui en ouvrirait une nouvelle entre la Méditerranée et l'Océan.
La construction de ce canal, dans un vallon étroit, entre un torrent et des rochers, a éprouvé de grandes difficultés et nécessité de grands travaux de tout genre, beaucoup d'écluses, des chaussées en maçonnerie, un percement de montagnes, et autres travaux d'art, qui ont beaucoup excédé les calculs des spéculateurs. Abandonnée plusieurs fois, l'èntreprise n'est parvenue à l'état imparfait encore où elle se trouve, que par les encouragements donnés par le gouvernement,' c'est-à-dire particulièrement par l'exemption de tous impôts ; et récemment, en 1788, les revenus du canal furent affranchis des vingtièmes et de toutes autres impositions représentatives, pendant 50 années, sous la condition, par les propriétaires, de construire une grande réserve d'eau, et d'autres travaux évalués, par un devis, 1,371,000 livres, et d'où dépendent la perfection de l'entreprise, et une navigation facile, constante et régulière. L'Assemblée constituante, reconnaissant la nécessité* de ces travaux, a, par un décret du 4 juin 1791, autorisé les propriétaires du canal à acquérir les terrains nécessaires à leur exécution, ainsi qu'à l'exécution de quelques autres travaux ordonnés par un arrêté du directoire de Rhône-et-Loire, du 3 février 1791. Les propriétaires ont déjà commencé ces travaux, et ils rempliront leurs engagements envers l'Etat : ils demandent, avec raison, que l'Etat remplisse les siens envers eux, et qu'il soit réglé quelles seront la nature et la durée de l'exemption dont ils ont droit de jouir sur la contribution foncière, en remplacement de l'exemption perpétuelle de la taille, et de celle temporaire des vingtièmes que cette contribution a remplacés.
Le directoire du département de Rhône-et-Loire, par son avis du 16 mai 1791, estime que
les propriétaires du canal doivent être imposés à la contribution foncière sur le pied et en
raison des meilleurs fonds des pays que ce canal tra-
On assure que le comité des contributions publiques de l'Asssemblée constituante, dans le rapport qu'il fit pour provoquer cette loi, avait annoncé qu'en autorisant à 1 avenir l'ouverture des canaux, il serait juste que le Corps législatif, d'après l'avis du département, déterminât le nombre d'années pendant lesquels ils resteraient imposés au taux de la valeur antérieure des terrains.
Quoi qu'il en soit, cette opinion et l'avis des administrateurs du département sont analogues à l'esprit de la loi du 1er décembre 1790, sur la contribution foncière, titre lll des exceptions, qui veut « que les terrains qui seront plantés jouissent pendant un certain nombre d'années, d'une exemption de la contribution sur toute la plus-value qui résultera de la plantation, mais qu'ils continuent à être imposés au même taux que les terrains de valeur égale non plantés. »
Ce n'est pas ici, il est vrai, une construction entièrement nouvelle, puisque le canal est déjà en navigation antérieurement aux travaux dout il s'agit : mais c'est une construction très coûteuse, d'où dépendent la solidité, la durée et le plus grand avantage de cet établissement, et qui a été entreprise par un convention synallagma-tique entre les actionnaires et l'ancien gouvernement, sous le mérite d'un privilège à terme; et ce privilège n'est pas du nombre de ceux que notre Constitution répudie; il est au contraire du nombre de ceux que les législateurs s'empresseront d'accorder aux citoyens qui feraient des entreprises utiles à la chose publique.
Le directoire du département a fixé cette exception à 30 années, à compter du 1er jan* vier 1794, parce que c'est à cette époque que les ouvrages nouveaux seront terminés selon les engagements des propriétaires et que ce canal sera parfait et en plein revenu ; mais comme cette exception commencerait au 1er janvier 1791, il en résulterait 33 années d'exemption.
Cependant, Messieurs, vos comités de l'ordinaire des finances et d'agriculture réunis, sont d'avis de la fixer à 30 années seulement, à compter du 1er janvier 1791, et ils vous présentent le projet de décret suivant :
Projet de décret.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités de l'ordinaire des finances et d'agriculture réunis, sur l'avis du directoire du déparlement de Rhône-et-Loire, et en considération des travaux auquels se sont obligés les propriétaires du canal de Givors à Rive-ae-Gier, et de l'exemption des vingtièmes, qui leur avait été accordée pour 50 années, pour raison de ces travaux, par les lettres patentes du mois de décembre 1788, enregistrées |au parlement de Paris, le 5 septembre suivant, après trois lectures faites dans les séances des. .... . . . . . et après avoir décrété qu'elle est en état de décider définitivement, décrété ce qui suit ;
« Art. 1er, Les propriétaires du canal de Givofs à Rive-de-Gier
seront imposés à la contribution
foncière sur tous les fonds occupés par ce canal, ses francs bords compris, sur le pied des fonds du pays que ce canal traverse, et comme les propriétaires riverains qui possèdent les fonds de même qualité, et oe pendant 30 années, à compter du 1er janvier 1791.
« Art. 2. Apres ce terme expiré, ils seront imposés sur le revenu net du canal, aux termes de l'article 2 de la loi du 15 février 1771.
« Art. 3. Le présent décret sera envoyé aU département de Rhône*et-Loire seulement. »
(L'Assemblée ordonne l'impression du rapport et du projet de décret et ajourne la seconde lecture à huitaine.)
Un membre, au nom du comité de liquidation, présente un projet de décret, concernant la liquidation de Voffice de greffier de Vélection d'Angers; ce projet de décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, voulant réformer une erreur de calcul dans la liquidation de l'office de greffier de l'élection d'Angers, dont était pourvu le sieur Allai n, dont le remboursement a été décrété le 7 septembre dernier, décrète qu'il y a urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de liquidation, et décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
« L'article du décret du 7 septembre dernier, Concernant la liquidation de l'office de greffier de l'élection d'Angers, dont était pourvu le sieur Allain, contenant une erreur de calcul de mille livres, sera réformé; en conséquence, la liquidation dudit . office sera portée à la somme de 41,346 p 11 s. 3 d. au lieu de celle de 40,3461.11 s. 3 d. à laquelle elle avait été portée par erreur audit décret. Le commissaire du roi, directeur générai de la liquidation, demeure autorisé à délivrer au sieur AUain, sa reconnaissance de liquidation, conformément au présent décret. »
(L'Assemblée décrète l'urgence et adopte le projet de décret.)
Un membre, au nom du comité de liquidation, présente un projet de décret sur la reconnaissance de liquidation délivrée le 30 avril 1792, cumulativement, pour la somme de 14,850 livres, aux héritiers et représentants du sieur Cravière et aux sieurs Pierrault, dit Perrot, et veuve Bilcard; ce projet de décret est ainsi conçu:
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de liquidation, sur la reconnaissance de liquidation délivrée le 30avril dernier, cumulativement, pour la somme de 14,850 livres, aux héritiers et représentants du sieur Gravière, et aux sieurs Pierrault, dit Perrot, et veuve Bilcard; considérant qu'il s'agit de procurer à ces créanciers de l'Etat le payement des sommes pour lesquelles ils ont été séparément liquidés par le décret général du 11 février dernier, décrète qu'il y a urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, considérant que les veuve, héritiers et représentants Jean Gravière, d'une part, et le sieur Pierrault, dit Perrot, et Marie-Anne Berrier, veuve Bilcard, d'autre part, ayant été liquidés séparément, selou Jours droits respectifs, au-dessous de 10,000 livres, par le décret général du 11 février dernier, ce n'est que par forme d'abréviation que le commissaire du roi, directeur général de la liquidation, a réuni les sommes particulières exigibles, revenant à chacun de ces créanciers, dans une même reconnaissance définitive à eux délivrée collectivement, sur la
remise de leurs titres, pour la somme totale de 14,850 livres, au lieu de leur en délivrer à chacun une de 7,425 livres, décrète ce qui suit :
« Le commissaire du roi près la caisse de l'extraordinaire est autorisé à payer aux veuve, héritiers et représentants Jean Gravière, et au sieur Pierrault, dit Perrot, et veuve Bilcard, la somme de 14,850 livres, portée dans la même reconnaissance de liquidation, du 30 avril dernier, nonobstant le décret du 15 mai dernier, qui suspend provisoirement le mode de remboursement de toute créance excédant 10»000 livres, en remplissant d'ailleurs les formalités requises, & leur égard, par le décret du 11 février dernier. »
(L'Assemblée décrète l'urgence et adopte îft projet de décret.)
La députation du bataillon de Saint-André-dei-Arts, précédée par des tambours et par la musique, et accompagnée de citoyens et citoyennes de tout âge, dénie au milieu de la salle. Vorateur de la députation est admis à la barre et s'exprime ainsi (1):
« Législateurs,
« Le bataillon de Saint-André-des-Arts, faisant partie de la garde de l'Assemblée nationale, vient Vous présenter ses respectueux hommages; il vient, avec ses frères, planter sous le parvis du temple de la Constitution, devant le palais du peuple, l'arbre chéri de la liberté.
« Venez, législateurs, venez et soyez les prêtres du sacrifice innocent que nous faisons à la divinité des Français; venez jouir des bénédictions d'un peuple immense ; venez mêler vos acclamations patriotiques aux nôtres ; venez présider enfin à l'apothéose du bonnet qui efface les couronnes.
« Que de monstres rougissent du sang humain des autels fétides du despotisme I leur abominable'idole eh a soif, c'est l'encens qu'elle respire. Pour nous, législateurs, nous offrons d'autres holocaustes a la liberté, ce sont les productions de la nature; notre hommage est simple comme elle, pur comme nos intentious, et, par conséquent, digne d'être offert à la bienfaitrice du genre humain.
« L'arbre que nous avons choisi pour nos fêtes nous présente un emblème qui nous est bien cher. C'est un peuplier d'Italie. Cet arbre est du pays des Gracques, des Coclès, des Sclpiont des Valérius- Publicola, des Caton.
« Son nom générique et son port imposant nous rappellent la souveraineté du peuple et sa majesté suprême. Il s'élève jusqu'aux nues et brave les tempêtes. Nous, nous ferons taire celles qui nous menacent.
« Oui, le destin de l'arbre de la liberté est d'être planté d'un pôle à l'autre, et d'embrasser
l'univers de ses rameaux bienfaisants.....Tyrans!
tyrans! redoublez d'efforts, vos crimes sont le fumier qui doit féconder cet arbre; vous le provignerez malgré vous.
« Et vous, ô nos neveux, vous, l'espoir de la patrie! nos travaux vous assureront la
jouissance du drapeau sacré qui nous est confié. Nous sommes devant les siècles, et nous
n'oublierons jamais ce dont nous leur sommes comptables. Oh! puissiez-vous un jour, à l'ombre
d'Un de ces arbres autour desquels se rallient aujour-
« Nous ne saurions nous le dissimuler; l'orage se grossit de toute parts, la trahison marche à front découvert. La patrie est eu danger. Les despotes se liguent contre nous ; leurs armées sont au delà de nos frontières, mais leur âme est parmi nous. Législateurs, soyez présents dans l'avenir..... Commandez à notre courage, et lés destins du monde sont remplis. Nous avions offert la paix à tous les rois de l'Europe ils ont voulu la guerre... Eh bien, nous en faisons ici ie serment, ce sera, s'il le faut, sur un tas de cadavres et avec le sang de nos ennemis, que nous écrirons la sentence de mort de la tyrannie. »
(L'Assemblée accueille cette adresse avec les plus vifs applaudissements, et en décrète l'impression et la mention honorable.)
M. Lamorlière, fils et aide de camp de M. Lamorlière, lieutenant général, commandant l'armée du Rhin, est admis à la barre ; il s'exprime ainsi :
« Monsieur le Président, je suis fils et aide de camp de M Lamorlière, général de l'armée du Rhin. Voici une dépêcne qu'il m'a chargé d'avoir l'honneur de vous remettre ; il prie l'Assemolée de vouloir bien en prendre lecture, ainsi que des pièces qui y sont contenues. »
répond à M. Lamorlière fils et lui accorde les honneurs de la séance.
Un de MM. les secrétaires donne lecture de la lettre du général Lamorlière et des pièces qui y sont contenues :
Lettre de M. Lamorlière.
« Strasbourg, le
« Monsieur le Président,
« J'ai l'honneur de vous adresser ci-jointe la copie d'une lettre du minjstre de la guerre et de la réponse que je lui ai faite, ainsi que de toutes les pièces justificatives que j'ai cru nécessaire d'y ajouter. Les inculpations que contient la lettre du ministre m'ont paru trop graves pour qu'il pût être permis à un homme d'honneur, jusqu'ici exempt de reproches, de la laisser s'éteindre dans l'obscurité d'une correspondance particulière. Si l'Assemblée nationale daigne fixer son attention sur les détails que je lui soumets, elle pourra juger de l'activité avec laquelle les malveillants suivent le plan de désorganisation, par lequel ils préparent la ruine de la liberté; elle y appréciera le danger, en reconnaissant que les ministres ne sont pas à 'abri de leur influence. L'intérêt de la patrie exige que cette ait aire soit approiondie, que me? dénonciateurs soient connus, que le ministre soit tenu de déposer sur le bureau des preuves de ses inculpations contre le général de l'armée du Rhin et que les coupables soient punis. Une justice prompte et rigoureuse est la seule demande que je forme auprès de l'Assemblée nationale et la seule récompense que puisse ambitionner un vieux soldat qui, pendant 70 ans, a bien mérité de la patrie et qui lui consacrera ses
derniers moments. M. Victor Broglie, chef de l'état-major de mon armée, qui est indirectement inculpé dans la lettre du ministre de la guerre, m'engage de mettre sous les yeux de l'Assemblée nationale la copie de celle qu il écrit à M. Servan. « Je suis avec respect.....
« Le lieutenant général, commandant en chef Varmée du Rhin,
« Signé : lamorlière. »
copie d'une lettre de M. Servan, ministre de la guerre, à M. le lieutenant général Lamorlière, commandant à Strasbourg.
Paris, le
Monsieur,
« Je ne puis me dispenser de vous faire part que depuis que vous commandez dans Strasbourg, les plaintes que je reçois de cette ville sont si graves et si réitérées, sur la manière dont le service s'y fait, qu'il est impossible de ne pas être à la fois très inquiet, et très étonné, de- ce qui se passe sous votre commandement. Je dois à la vérité de dire qu'on s'accorde à rendre justice à vos bonnes intentions, et même aux ordres que vous donnez; mais on m'assure qu'ils ne sont pas exécutés, que vous êtes très mal entouré, et que ne pouvant suivre par vous-même les objets de détail, il s'ensuit que chacun les dirige à Son gré, et souvent delà manière la plus contraire au bien delà chose. Les nouvelles que je reçois, quoique venant de différents partis, et de gens de tout état, ne laissent pas d'être d'accord sur bien des points, et me prouvent qu'il existe dans Strasbourg une fermentation aes plus grandes, beaucoup d'animosité, et des dispositions très dangereuses, qui exigeraient la vigilance la plus active, pour déjouer les projets des malveillants; je vois, au contraire, par les détails dont je suis informé, la négligence la plus impardonnable dans l'intérieur du service, et je dois vous transmettre quelques détails pour vous mettre à portée de juger vos alentours, à qui je les attribue.
« On m'écrit que votre citadelle est sans canonnière, qu'on fait faire patrouille aux troupes sans leur donner des cartouches, qu'on en a donné de plus fortes aux suisses de Vigier; qu'on a changé les armes de 2 bataillons de volontaires contre d'autres plus mauvaises encore. On me mande que ia porte de secours de la citadelle reste ouverte la huit, tandis qu'elle était constamment fermée avant la guerre, que la ville se remplit d'émigrés et qu'on les dénonce à la police sans pouvoir les faire arrêter, que M. Toulouse-Lautrec, nommément, a été dans Strasbourg vers le 2 ou le 3 de ce mois, qu'on a introduit dans la ville un trompette autrichien sans aucune précaution, tandis que les Autrichiens en prennent de très grandes vis-à-vis des nôtres. Je passe une multitude de faits particuliers qui peuvent tenir à l'esprit de parti qui divise les citoyens de Strasbourg pour ne parlerue des objets purement militaires. On se plaint e la position du camp près de Strasbourg, du dénûment de munitions ôfi on y a laissé les troupes, et de tout ce qui y manque encore. Beaucoup de plaintes me sont parvenues aussi relativement à l'artillerie; la malveillance décidée des chefs, l'incomplet du régiment, la
manière de l'exercer, tout excite avec raison la défiance et le mécontentement des citoyens. On me cite particulièrement M. Dutheil, lieutenant général, commandant en chef l'artillerie de l'armée, qui n'a pas même paru à Strasbourg depuis sa nomination, et qu'on accuse en liaison directe avec les princes émigrés. Il est bien temps de faire cesser les plaintes et de mettre ordre à tout cela. 11 faut en conséquence donner des ordres rigoureux, les faire suivre à la lettre et punir sévèrement ceux qui s'en écartent.
« Vous devez avoir reçu la loi qui met la place en état de guerre, et veiller de près à son exécution, faire sortir de la ville les gens suspects, les émigrés, les officiers qui ont quitté leurs corps, et prendre toutes les précautions de sûreté quel'état actuel des chosesexigeimpérieusement. L'événement arrivé à Neuf-Brisach ajoute beaucoup à la défiance qui règne; vous devez le sentir vous-même, et agir en conséquence, en redoublant d'activité et de soins. Je sens combien cela doit devenir pénible à votre âge, et j'attends avec empressement l'époque où je pourrai vous placer d'une manière plus conforme à vos vœux et à votre état. M. le maréchal Luckner ne cesse de vous demander dans son armée ; vous avez le désir d'y aller, et je n'attends plus que de savoir quand M. Biron, destiné à vous relever, pourra se rendre en Alsace, pour vous en faire partir. J'aurai soin de pourvoir à l'indemnité
3ui vous est due pour vous dédommager de vos éplacements; mais il faut m'envoyer un mémoire motivé de vos dépenses, pourque je puisse vous faire accorder une gratification, que je compte porter à 3,000 livres. J'attends de savoir la suite de l'événement arrivé à Lauterbourg dans le bataillon de la Haute-Saône, dont jé devais avoir des nouvelles par le commissaire auditeur. Le prince de Hesse part demain pour la destination que vous lui avez donnée. J'attends une réponse prompte et détaillée sur tous les objets énoncés dans ma lettre.
« Signé: servan. »
(Applaudissements à gauche.)
Copie de la lettre de M. Lamorlière au ministre de la guerre.
« Strasbourg, le
« Monsieur le ministre,
« J'ai l'honneur de vous envoyer ci-joint, la copie d'une lettre signée de vous que j'ai reçue hier; j'ai pelie à me persuader qu'elle ait été dictée par le ministre d'un peuple libre.1- Il m'a paru impossible qu'un minisire français fît à un général d'armée des reproches aussi graves, sans les appuyer sur des dénonciations précises, signées par des personnes connues, et accompagnées de pièces justificatives.
« Je joins à cette lettre des réponses détaillées que je fais à chacune des inculpations contenues dans la vôtre; vous verrez que mes alentours ne me trompent point. Je les ai reçus de M. le maréchal Luckner; ils avaient son estime, ils méritent toute la mienne; et des hommes connus par les services qu'ils ont rendus à la liberté, appréciés par M. le maréchal Luckner et par moi, leurs chefs immédiats, ne peuvent être atteints par des accusations vagues et anonymes. J'ai conservé jusqu'à 85 ans mon honneur sans
tache, je l'emporterai sans tache au tombeau. Je veux montrer à la nation que je suis sans reproche, je veux lui montrer ae quels ennemis elle doit se méfier... Ainsi, je transmets à l'Assemblée nationale et votre lettre et ma réponse j je lui demande que justice soit faite de moi, si je suistrouvé coupable, ou de mes calomniateurs.
« Je respecte le pouvoir que la Constitution a donné au chef suprême de Vannée, de changer à son gré la destination d'un général; mais quand le ministre de la guerre m'annonce un successeur dans la même lettre où il m'a accablé de reproches vagues et mal fondés, il fait commettre une injustice dont lui seul est responsable. Je la dénonce à l'Assemblée nationale, au roi et à tous les gens de bien. »
« Le lieutenant général, commandant en chef l1 armée du Rhin,
« Signé : lamorlière. »
. (Applaudissements d'une très grande partie de V Assemblée.)
cède le fauteuil à M. Le-montey, ex-président.
PRÉSIDENCE DE M. LEMONTEY, ex-président.
Un de M)l. les secrétaires donne lecture de la copie de la lettre de M. Victor Broglie à M. Servan, ministre de la guerre.
« Strasbourg, le
« Monsieur le ministre,
M. Lamorlière m'a communiqué, Monsieur, la lettre que vous lui avez adressée, en date du 10 juin ; vous y imputez des torts graves aux alentours de ce géuéral. Le chef de l'état-major de l'armée est spécialement chargé de surveiller tous les détails du service et de la discipline. Les alentours de M. Lamorlière ne peuvent y avoir aucune influence étrangère à moi, puisque je suis encore chef de l'état-major : c'est donc sur moi seul que portent les inculpations que vous adressez aux alentours de ce général.
« Monsieur, ma vie passée, le rôle que j'ai joué dans l'établissement de la liberté, ma manière de servir, constatée par la confiance de M. le maréchaL Luckner, celle de M. Lamorlière, par tous vos prédécesseurs et par vous-même, semblaient devoir me garantir d'une inculpation vague quant à son objet, et dénuée de preuves comme de vraisemblance. Votre caractère public seul me force à y répondre. 11 m'importe que personne ne puisse douter que le chef de l état-major de l'armée du Rhin fait son devoir.
11 importe que l'on sache si le ministre qui a pu se laisser surprendre un moment par des calomniateurs, peut être longtemps égaré par eux.
« Je vous demande une explication prompte et catégorique. Telle qu'elle soit, elle ne changera rien à la résolution que j'ai prise, celle de rester opiniâtrement dans le poste que j'occupe. Le dessein trop manifeste de désorganiser tous les pouvoirs, d écarter tous les citoyens fidèles, tous les hommes courageux des places qu'ils remplissent, en les accablant de dégoûts, en les tourmentant de défiances, ajoute au désir que j'ai de remplir mon devoir; et je trouverai dans chaque nouvelle injustice un motif de plus de donner à
ma patrie des preuves de dévouement, de confiance et de fidélité.
« Signé : Victor Broglie, maréchal de camp, chef d'état-major de l'armée du Rhin. »
(Applaudissements d'une très grande partie de l'Assemblée.)
A moins qu'on ne prétende que les signatures sont fausses, je demande la lecture des lettres.
J'appuie la demande que fait M. La-morlière, et je demande que vous ordonniez au ministre de la guerre de déposer sur le bureau les dénonciations qui ont été faites contre ce général, de les lui communiquer avec les pièces justificatives sur lesquelles elles se fondent, afin qu'il puisse faire punir les calomniateurs, s'il a été induit en erreur, (Applaudissements.)
Je demande que toutes les pièces et celles qui seront produites par le ministre, et celles dont on vient de vous donner lecture, soient renvoyées à la commission des Douze. A mon égard je suis persuadé qu'en nous; livrant à cette délibération, nous y trouverons de nouveaux motifs pour appuyer le décret que nous avons rendu,en l'honneur de M, Servan. Je ne vois là qu'une coalition des divers états-majors. Mais nous convaincrons la nation entière et l'armée que l'Assemblée nationale ni le peuple français ne verront pas leur liberté, leur droit, ni leur Constitution soumis au système prétorien et à ceux qui le conseillent. (Applaudissements des tribunes.)
Plusieurs membres : La lecture des pièces.
(L'Assemblée décrète que la lecture des pièces sera continuée.)
Un de MM. les secrétaires en continue la lecture s
Extraits de la lettre écrite par M. Servan à M, ha-morlière, lieutenant général, commandant l'armée du Rhinf et réponse de M. bamorlière.
« Extrait, l . On m'écrit que votre citadelle est sans canonniers.
« Réponse. La ville de Strasbourg et sa citadelle doivent être regardées, quant à leur défense contre les ennemis extérieurs, comme ne formant qu'une seule et même place. Des batteries sont distribuées sur tout le contour de cette j)lace, et des canonniers sont désignés pour s'y porter au premier signal. Pendant quelque temps une compagnie d'artillerie a été logée à la citadelle : cétte isolation nuisait à son instruction, et surchargeait les autres compagnies dont elle ne partageait pas les travaux. M. le maréchal Luckner ordonna en conséquence qu'elle se réunit au reste du régiment, et un. simple détachement fut laissé dans la citadelle pour le service du premier moment en cas d'alarme. Le détachement a été porté depuis quelque temps de l'intérieur de la eitadelle à un poste avancé de cette même citadelle, placé sur les bords du Rhin, et qui est le véritable poste d'alarme. On y a mis pour cette raison quatre pièces en batterie. C'est donc une mesure de surveillance très active qui sert de base à une inculpation de négligence, de trahison et de perfidie. Je joins sous les numéros 1 et 2 les notes du commandant d'artillerie sur cet objet.
« 2. On fait faire des patrouilles aux troupes sans leur donner des cartouches.
« Réponse. Je joins sous le numéro 3 les ordres qui ont été donnés pour que chaque soldat employé au Service intérieur, fût muni de 6 cartouches: chacun de ceux employés au service extérieur, de 30. Les rapports des commandants des postes (n» 4) prouvent que les ordres ont été exécutés, et l'état (n* 5) des cartouches à balle délivrées par le garde magasin de la place, prouve qu'on n'en a pas été avare. On s'est précautionné contre le gaspillage, en ordonnant (n1» 3) que des boîtes fussent placées dans tous les corps de garde, et qu'indépendamment des 6 cartouches dont chaque soldat de service est muni, l'artillerie en fit mettre 200 de réserve à la disposition du commandant de chaque poste ; ces boîtes sont presque entièrement placées.
c 3. On en a donné de calibre plus fort aux suisses de Vigier.
« Réponse. Les ehefs et capitaines de Vigier ont repoussé cette inculpation par la noten" 6. J'ajouterai une observation : on collait autrefois les cartouches ; on a reconnu depuis que l'humidité de la colle nuisait à la conservation de la poudre, et c'est sans doute de l'avis des ministres qu'on a renoncé entièrement à cet usage. Il en résulte, que si le soldat n'a pas soin de ses munitions, les cartouches se déforment, que la poudre se glisse dans les plis; le fusil ne peut être chargé à moins que la cartouohe ne soit déchirée et vidée. Ainsi le soldat est obligé de Veiller à la conservation de ses cartouches, ou de charger avec plus de soin, alternative dans laquelle il est avantageux qu'il soit placé, et dont nos ennemis seuls peuvent se plaindre.
« 4. On a changé les armes de 2 bataillons de volontaires contre d'autres plus mauvaises encqre.
c Réponse. Quels sont ces bataillons? Ce ne sont pas ceux qui sont campés. Les pièces cotées 4, signées par leur conseil d'administration, en font foi, Aucun autre bataillon n'a adressé de réclamations, aucun n'a reçu des armes qu'après une visite faite contradic-toirement avec des armuriers, en présence des officiers du bataillon et de ceux d'artillerie. A la vérité, on ne leur a guère livré que des armes réparées, et ils voudraient tous des armes neuves. Le ministre sait s'il est au pouvoir du générai de l'armée du Rhin d'y satisfaire.
« 5. On me mande que la porte de secours de la citadelle reste toujours ouverte, tandis qu'elle était constamment fermée avant la guerre.
« Réponse. Les pièces jointes (nQ 7) montrent le degré de confiance que méritent les corres» pondants de M- Servan.
« 6. Que la ville 6e remplit d'émigrés, et qu'on les dénonce à la police sans pouvoir les faire arrêter ; que M. Toulouse-Lautrec nommément a été dans Strasbourg vers le 2 ou 4 de ce mois.
« Réponse. Ces reproches doivent être adressés aux magistrats chargés de la police de la ville de Strasbourg, et non au général de l'armée du Rhin. Je ne doute pas que les magistrats n'oublient aucune précaution.
« 7. Qu'on a introduit dans la ville un trompette autrichien sans aucune précaution, tandis que les Autrichiens en prennent de très grandes à l'égard des nôtres.
« Réponse. Il est venu à Strasbourg un trompette autrichien. Le commandant l'envoya au général sous escorte». 11 fut conduit chez lui directement, et fut ramené de même et ne parla à
personne. Le général ordonna immédiatement qu'à l'avenir les trompettes fussent retenus dans le corps de garde de l'officier placé au poste en avant, près du Rhin. Cet ordre (coté 8) a été exécuté à l'égard du second trompette. Les Autrichiens ne prennent pas plus de précautions que nous, et un de nos trompettes a pénétré assez avant dans leurs cantonnements, et a parlé à plusieurs de leurs soldats avant d'être arrêté.
8. Je passe une multitude de faits particuliers qui peuvent .tenir à l'esprit de parti qui divise les citoyens de Strasbourg, pour ne parler que des objets purement militaires.
« Réponse. Je suis fâché que le ministre ne m'ait pas fait connaître les faits qui pourraient jeter un grand jour sur le caractère des dénon* dations qu'a écoutées M. Servan, J'ai commu*-niqué la lettre de ce ministre à la commune de Strasbourg, c'est à elle à s'expliquer sur l'esprit de parti par lequel on la suppose divisée, Je joins sa réponse et celle des corps administratifs sous le numéro 9.
« 9. Ou se plaint de la position d'un camp près de Strasbourg.
« Réponse. £>ur quoi portent ces plaintes. On a voulu former un bataillon de volontaires au service de campagne, et on les a fait camper à portée de la place dans une commune où [rien ne pouvait être dégradé et qui n'obligeait à aucune indemnité. Cette position a été désignée par M. le maréchal Luclîner, depuis qu'il est à l'armée du Nord, et sans qu'aucun des officiers de celle du Rhin lui en ait fait la proposition. Dès qu'il a été question de faire un véritable rassemblement on a cherché une position convenable et on va occuper celle de Lowseck où les troupes se rendent journellement.
« 10. Le dénuement de munitions où on y a laissé les troupes.
« Réponse. Les pièces (numéros 4 et 10) répondent à cette inculpation,
« 11. On sait tout ce qui manque encore.
« Réponse. On ne sait ce qui peut avoir manqué aux troupes, si ce n'est les effets d'habillement de tout genre et des sabres, soit pour les grenadiers, soit pour la cavalerie. M. Servan trouvera dans sa correspondance avec moi et avec les chefs de mon état-major, des preuves multipliées qu'il ne tient pas à nous qu'elles ne soient munies de tout ce qui est nécessaire.
« 12. Beaucoup de plaintes relativement à l'artillerie.
« Réponse. J'ai répondu plus haut à toutes celles qui ont pu être articulées.
« 13. La malveillance décidée des chefs.
« Réponse, £i M- Servan la connaît, c'est à lui à la punir,
? 14. L'incomplet des régiments-
« Réponse. M, Victor B ogli'e mettait, dès le 15 mai, sous les yeux de M, Servan, récemment nommé au ministère de la guerre, le tableau des différents besoins de l'armée du Rhin ; lui indiquait les moyens de compléter les corps. Le 28 du même mois, les commandants des places Ont reçu ordre de faire exercer au service du canon le plus grand nombre d'hommes qu'il serait possible, et cette disposition est déjà plej ne-ment exécutée; ils ont reçu un ordre semblable, celui donné pour se procurer un supplément de mineurs, et on avise aux moyens dé l'exécuter.
« 15. La manière de l'exercer.
« Réponse. Je joins Sous le n° 11 les tableaux des exercices journaliers 4e la partie du 5e régiment qui est à Strasbourg; ils sont, je crois,
conformes à la pratique constante de l'artillerie. MM. d'Arambure et Victor Broglie, qui ont assisté à quelques-uns des exercices, rendent témoignage à l'adresse des canonniers et à leur instruction.
« 16. Tout excite avec raison la défiance et le mécontentement des citoyens.
« Réponse. Les citoyens vont faire connaître leurs sentiments par l'adresse qu'ils présentent à l'Assemblée nationale, après s'être réunis en corps de commune. J'avais senti combien il était important de rallier toutes ces forces et tous ces sentiments pour la défense commune, et dès que là loi sur les commandants amovibles m'en a | donné la faculté, c'est le chef de la garde nationale de Strasbourg que j'ai chargé du commandement de la place, et par conséquent de la surveillance de tous les détails de service qui peu» vent intéresser sa sûreté. Par un hasard Dien singulier, le commandant venait d'être proclamé hier par M. Victor Broglie, à la tête des gardes nationales et des troupes réunies, lorsque j'ai lu la lettre où il m'accuse d'exciter la défiance et le mécontentement des citoyens.
« 17. On a cité particulièrement M. Dutheil, lieutenant général, commandant en chef l'artillerie de l'armée; il n'a pas même paru à Strasbourg depuis sa nomination.
« Réponse. La note n° 12 indique que M. Dutheil a été retenu à Metz par maladie, et qu'il partira le 16 pour Strasbourg- Cet officier général ne peut être soumis à ma surveillance que lorsqu'il sera rendu à sa destination.
« 18. Et qu'on l'assure en liaison directe avec les principes émigrés.
« Réponse. C'est à celui qui connaît un traître à en poursuivre la punition.
« l9 Il est bien temps de faire cesser les plaintes, et de mettre ordre à tout cela. Il faut en conséquence donner des ordres rigoureux, les faire suivre à la lettre, et punir sévèrement ceux qui s'en écartent.
« Réponse. Les principes de discipline de l'armée du Rhin sont consignés dans le règlement dont M, le maréchal Luckner avait confié la rédaction au chef de son état-major, que ce général a approuvé, et que je me suis fait un devoir d'adopter» J'en vais transcrire le premier article :
« Art- 1er. Tout supérieur militaire qui laissera impunie une
faute quelconque de ses subordonnés* en s'arrogeant aussi le droit de faire grâce que la
Constitution française n'accorde à personne, sera pour la première fois mis aux arrêts, s'il
est officier, ou à la garde du camp s'il est sous-ofttcier. En cas de récidive il sera cassé,
comme incapable de commander. »
« 20. Vous devez avoir reçu la loi qui met les places en état de guerre, il faut veiller à son exécution, faire sortir de la ville tous les gens suspects, les émigrés, les officiers qui oiit quitté leurs corps, et prendre toutes les précautions de sûreté que l'état de guerre exige impérieuse* ment.
« Réponse. J'ai reçu la loi qui met les places en état de guerre. Je l'ai notifiée immédiatement et officiellement aux directoires des départements compris dans mon commandement, et M. Victor Broglie s'est concerté, par mon ordre, avec le directoire du département du Bas-Rliin, sur let moyens les plus convenables d'exécuter les mesures de surveillance auxquelles cette loi autorise. ayant même qpe le ministre de l'intérieur en ait fait l'envoi, ue ministre est le seul qui puisse donner aux corps administratifs une coR-
naissance légale des lois nouvelles, et si la crainte de violer la Constitution et d'attenter à la liberté
des citoyens, l'avait fait hésiter un moment, il ne nous resterait à prendre aucune des précautions que l'état de guerre nécessite, et qui sans être nécessaires à la sûreté de Strasbourg, qui certainement n'est point compromise, seront suffisantes pour maintenir la tranquillité. Le conseil général de la commune vient de prendre une délibération qui lève toutes les difficultés, et j'userai immédiatement du droit de réquisition qui m'est donné par la loi.
21. J'attends de savoir la suite de l'événement arrivé à Lauterbourg, dans le bataillon de la Haute-Saône, dont je devrais avoir des nouvelles par le commissaire-auditeur.
« Réponse. Le délit commis à Lauterbourg est purement civil. Les volontaires ont remis le coupable entre les mains du juge civil, et le commissaire-auditeur n'en a pas eu connaissance. Sa déclaration est sous le n° 13.
« 22. J'attends une réponse prompte et des notes instructives sur tous les objets énoncés dans ma lettre.
« Je viens de faire cette réponse. Je l'accompagne de pièces justificatives. M. Servan doit regretter d'avoir écrit sans en avoir exigé de mes calomniateurs.
« A Strasbourg, 15 juin 1792, l'an IV de la liberté.
« Signé : Lamorlière. »
Je réitère la motion que j'ai faite, que l'on dépose sur le bureau les dénonciations qui ont été faites contre le général Lamorlière, et les pièces sur lesquelles les dénonciations portent, pour que le.général puisse se défendre, et pour qu'il puisse faire punir les calomniateurs, si véritablement leur dénonciation est fausse. Il importe à la patrie, il importe à mon département de savoir si nous avons un général coupable de trahir la Constitution.
, le jeune. Jer demande le renvoi de la lettre de M. Victor Broglie au comité militaire, pour qu'il en fasse un rapport à l'Assemblée, parce qu il m'a paru, à la première lecture, qu'elle était très contraire à la discipline et à la subordination militaire.
Et moi je demande le renvoi de toutes les pièces à la commission militaire.
, le jeune. En effet, Messieurs, si lesofficiers généraux de l'armée n'obéissent pas aux ministres, comment voulez-vous que les officiers inférieurs obéissent à ceux qui commandent en chef? comment voulez-vous que les soldats obéissent à leurs officiers? (Applaudissements à l'extrême gauche.) Et cependant, Messieurs, votre intention est qu'il existe une discipline et une subordination dont le ministre doit vous répondre; et comment voulez-vous qu'il vous réponde de l'indiscipline?
J'ai écouté avec beaucoup d'attention la lettre de M. de Broglie, et je n'ai pas trouvé un seul mot qui tendit à l'insubordination, et je trouve qu'il s'est conduit comme il le devait. (Applaudissements.)
, le jeune. Je demande une seconde lecture de la lettre de M. de Broglie.
(L'Assemblée adopte cette proposition.)
Un de MM. les secrétaires fait une seconde lecture de cette lettre.
Copie de la lettre de M. Victor Broglie à M. Servan, ministre de la guerre.
« Strasbourg, le
« Monsieur le ministre,
« M. Lamorlière m'a communiqué la lettre que vous lui avez adressée, en date du 10 juin; vous y imputez des torts graves aux alentours de ce général. Le chef de l'état-major de l'armée est spécialement chargé de surveiller tous les détails du service et de la discipline. Les alentours de M. Lamorlière ne peuvent y avoir aucune influence étrangère à moi, puisque je suis encore chef de l'état-major : c'est donc sur moi seul que portentlesinculpationsquevousadressez aux alentours de ce général.
« Monsieur, ma vie passée, le rôle que j'ai joué dans l'établissement de la liberté, ma manière de servir, constatée par la confiance de M. le maréchal Luckner, celle de M. Lamorlière, par tous vos prédécesseurs et par vous-même, semblaient devoir me garantir d'une inculpation vague quant à son objet, et dénuée de preuves commede vraisemblance. Votre caractère public seul me force à y répondre. Il m'importe que personne ne puisse douter que le chef de l'état-major de l'armée du Rhin fait son devoir. Il importe que l'on sache si le ministre, qui a pu se laisser surprendre un moment par des calomniateurs, peut ^être longtemps égaré par eux?
«Je vous demande une explication prompte et catégorique. Telle qu'elle soit, elle ne changera rien à la résolution que j'ai prise, celle de rester opiniâtrement dans le poste que j'occupe. Le dessein trop manifeste ae désorganiser tous les pouvoirs, d écarter tous les citoyens fidèles, tous les hommes courageux des places qu'ils remplissent, en les accablant de dégoûts, en les tourmentant de défiance, ajoute au désir que j'ai de remplir mon devoir; et je trouverai dans chaque nouvelle injustice un motif de plus de donner à ma patrie des preuves de dévouement, de constance et de fidélité.
« Signé: victor Broglie, maréchal de camp, chef de l'état-major de l'armée du Rhin. »
, le jeune. Je demande qu'on envoie la copie de cette lettre au comité militaire. Je ferai une seule question à l'Assemblée, c'est de savoir comment elle agirait envers un soldat qui écrirait ainsi à son colonel. '
Comme M. Carnot s'est trompé sur le sens de la lettre de M. Victor Broglie, et qu'il s'agit de juger entre un ministre et un général, je demande l'impression de toutes les pièces.
11 n'y a pas d'acte d'insubordination dans cette lettre. Je n'aperçois que l'attachement à la patrie, et nous en avons trop peu qui ne se laissent pas tourner la tête par des suggestions perfides.
Je demande que l'on passe à l'ordre du jour sur la proposition de M. Carnot, et voici sur quoi je me fonde. M. Carnot n'a pas vu que M. Broglie demandait une explication sur une inculpation qui lui était faite, et non pas sur un ordre qui lui était donné/Toutes les
fois qu'un ministre donne un ordre il faut l'exécuter: mais lorsqu'un officier est inculpé, il a le droit de demander une explication. Lorsque l'on calomnie un Français, et qu'on lui fait des reproches qu'il n'a pas mérités, il a le droit de dire, fût-ce même au Corps législatif, pourquoi me calomniez-vous? (Applaudissements.) Si le ministre a calomnié M. Broglie, il lui doit une explication; il doit lui dire qu'il a été trompé, et que c'est mal à propos qu'il lui a fait des reproches qu'il ne méritait pas. Voilà ce que doit faire un bon citoyen qu'on a calomnié. Ce n'est pas seulement une explication que lui doit le ministre, mais en galant homme une réparation.
Certainement, l'honneur et la probité le demandent.
J'insiste pour l'ordre du jour.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
Plusieurs membres : L'impression des pièces !
L'Assemblée ne peut pas ordonner l'impression des lettres sur lesquelles elle ne veut pas délibérer.
(L'Assemblée rejette l'impression et renvoie le tout à la nouvelle commission des Douze.)
Un membre : Je demande que la lettre de M. La Fayette soit rapportée sur le bureau et signée par les secrétaires, pour qu'il n'y soit fait aucun changement!
(L'Assemblée décrète cette proposition.)
Je demande la parole pour annoncer à l'Assemblée quelques idées que je crois importantes dans notre situation actuelle. Lorsque M. Isnard vous demanda que vous fissiez un message au roi, pour l'informer au vrai de l'état exact des choses, vous passâtes, sans l'entendre jusqu'à la fin, à l'ordre du jour. Dussais-je essuyer le même désagrément, cela ne m'empêchera pas de vous dire mon opinion.
Messieurs, voici ma manière de voir et ma profession de foi : ou le roi est de bonne foi ou il ne l'est pas. J'aime à croire qu'il est de bonne foi, que ses intentions sont pures. Mais il a des yeux pour voir ou il n'en a pas. (Rires.) C'est un campagnard qui vous parle avec la franchise qui lui est naturelle. (Applaudissements.) S'il a des yeux pour voir, il doit juger de la scélératesse de la plupart de ceux qui l'entourent. Et cependant, quels sont ceux de ces gens-là qu'il a congédiés? pas un. Au contraire, il avait des ministres patriotes, et il les a renvoyés. (Applaudissements à l'extrême gauche.) S'il ne voit pas ou qu'il ait la vue basse pour apercevoir la vérité, il est temps de lui aire que les représentants du peuple souverain sont mécontents de sa conduite; (Applaudissements des tribunes ) il est temps de lui dire qu'il est,un terme à tout; il est temps enfin de lui dire que les députés ne pouvant opérer seuls toutle bien qu'ils voudraient iaire, sont entravés par celui-là seul qui, par devoir et pour son bonheur, devrait faire jouér tous les ressorts de la grande machine politique ; il est temps de lui dire qu'ils vont informer leurs commettants de l'état actuel des choses. (Murmures d'une partie de l'Assemblée et applaudissements des tribunes.) Il faut lui demander s'il entend les rendre victimes des aristocrates et des hommes corrompus, et les faire retomber dans les fers de l'esclavage? Non, Messieurs, nos commettants ui nous ne le souffrirons jamais, et ils nous donneront des pouvoirs ou à d'autres... (Vifs murmures d'une grande partie de l'Assem-
blée, et applaudissements des tribunes.) et mettront le glaive dans nos mains pour exterminer. (Murmures prolongés.)
Je finis, Messieurs, en demandant que l'Assemblée nationale fasse un message au roi, pour lui exposer la vérité qu'on lui cache. (Applaudissements des tribunes.)
Plusieurs membres : L'ordre du jour!
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu de délibérer sur la motion de M. Duquesnoy.)
J'ai la douleur de faire part à l'Assemblée de la mort de M. Ruet, député de l'Allier. Je donne lecture de la lettre que m'adresse à l'instant notre collègue, M. Jouffret.
« Paris, le
« Monsieur le Président (1),
« C'est avec la douleur qu'est faite pour inspirer la perte d'un excellent citoyen, d'un collègue, d'un ami, que je vous annonce que la mort vient d'enlever à l'Assemblée nationale un de ses membres, M. Ruet, député du département de l'Allier.
« Le convoi se fera demain, entre 8 et 9 heures du matin.
« J'ai l'honneur d'être, etc.
Signé : JOUFFRET. »
(L'Assemblée décrète qu'une députation de 24 membres assistera à son convoi.)
C'estaujourd'hui l'anniversaire de ce jour mémorable où l'Assemblée constituante, en détruisant les hochets de la noblesse dont elle avait anéanti déjà les prérogatives, a mis la dernière main à l'édifice de l'égalité politique. Attentifs à imiter un si bel exemple et à maintenir son ouvrage, vous avez vu dans le dépôt des titres et généalogies, une dernière retraite qu'il était imprudent de laisser à l'incorrigible vanité. C'est aujourd'hui que, dans la capitale, la raison brûle, au pied de la statue de Louis XIV, 600 volumes in-folio qui attestaient la vanité de cette caste dont les titres vont enfin se dissiper en fumée. Vous avez ordonné la destruction des titres que renfermait ce dépôt, mais il n'était pas le seul : la Bibliothèque nationale en renferme un autre; il en existe dans les greffes des Chambres des comptes, dans les archives des chapitres où l'on exigeait des preuves, dans les bureaux dè M. Dozier et de ses successeurs, généalogistes ; et il faut envelopper tous ces dépôts dans une destruction commune. Vous ne ferez point garder aux dépens de la nation ce ridicule espoir qui semble menacer l'égalité. Ne croyez pas cet objet trop peu digne de vous occuper, il s'agit de combattre la plus imbécile, mais la plus incurable des passions, la vanité. En ce moment même elle médite ie projet de 2 Chambres, ou d'une distinction de grands propriétaires, si favorables à ces hommes, qui ne cachent plus combien l'égalité pèse à leur nullité personnelle. Je vous proposerai donc le projèt de décret suivant :
« L'Assemblée nationale, considérant qu'il existe dans différents dépôts publics, comme
dans la Bibliothèque nationale, dans les greffes des Chambres des comptes, dans les archives
des chapitres, des preuves, etc., des titres généa-
L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« Tous les titres et généalogies qui se trouveront dans un dépôt public, quel qu'il soit, seront brûlés.
Art. 2.
« Les directoires de chaque département seront chargés de l'exécution du présent décret, et nommeront des commissaires pour séparer les papiers inutiles des titres de propriété qui pourraient être confondus ayec eux dans quelques-uns de ces déjpôts. »
(L'Assemblée décrète l'urgence et adopte le projet de décret.) {Vifs applaudissements,)
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre de l'esç-ministre Dumouriez} qui annonce avoir envoyé ses comptes au comité diplomatique et que le roi ayant accepté sa démission du ministère de la guerre, lui a permis d'aller servir en qualité de lieutenant général à l'armée du général Luckner. Il supplie J'Assemblée de lui accorder la permission d'aller remplir ce poste.
Cette lettre est ainsi couçue (1) :
« Paris, le
« Monsieur le Président,
« Le roi ayant accepté ma démission du ministère de la guerre, il m'a permis d'aller servir comme lieutenant général à l'armée de M. le maréchal Luckner, je vous prie de vouloir bien l'annoncer à l'Assemblée nationale : je la supplie de m'accorder la permission d'aller le plus tôt possible remplir mon poste à l'armée du Nord.
« J'envoie au comité diplomatique ma comptabilité comme ministre des affaires étrangères; il en rendra compte à l'Assemblée nationale et j'espère qu'elle rendra justice à ma probité et à mon économie.
v Quant au ministère de la guerre, comme je ne l'ai exercé que 2 jours, comme je n'ai passé dans ce court intervalle aucun marché ni donné aucune signature qui ne fut un résultat nécessaire et pressant des opérations de mon prédécesseur, je ne peux être soumis à aucune comptabilité pour cette courte gestion.
« Quant à ma conduite publique, j'ai toujours suivi un principe sacré pour moi, c'est de m'at-tacher uniquement à la Constitution et de regarder comme un crime contre la patrie tout ce qui pourrait tendre à la violer ou à l'affaiblir,
« 11 reste un point de difficultés pour mon départ, que je crois très facile à lever dans le mo-ment où la patrie a besoin d'officiers généraux. L'Assemblée a nommé 12 commissaires pour l'examen du mémoire que j'ai eu le courage de lire la dernière fois que j'ai paru, si dans le moment de cette lecture les passions avaient pu se taire, on aurait reconnu que ce mémoire ne contenait aucune personnalité, qu'il annonçait les maux et les remèdes et que j'étais bien
loin de désespérer delà chose publique, puisque j'avais le courage de prendre le ministère de la guerre au milieu des orages qui me menaçaient de tous les côtés; je remettrai à ce comité toutes les pièces d'après lesquelles j'ai composé le tableau de notre situation militaire i il trouvera le surplus dans la correspondance des généraux et dans celle des corps administratifs de nos frontières, il vous rendra compte des résultats et quelque part que je sois je me présenterai devant vous, Messieurs, avec confiance, pour me soumettre à vos décisions.
« Je ne vous renouvellerai pas les protestations de mon dévouement à ma patrie : 36 ans sans interruption de services militaires et publics et 22 blessures reçues à la guerre en sont les garants; j'envie le sort du vertueux Gouvion et je me regarderais comme très heureux si un coup de canon pouvait réunir toutes les opinions sur mon compte et faire taire l'injustice qui s'est acharnée contre moj depuis le premier jusqu'au dernier jour de ma carrière ministérielle.
« Je suis, avec respect.....
« Signé : PUMOURIEI, « Lieutenant général des armées françaises. »
L'Assemblée a accordé aux ex-ministres Narbonne et Grave la faveur d'aller rejoindre l'armée que sollicite l'ex-ministre Dumouriez : elle ne peut lui être refusée. Je convertis sa demande en motion et je demande qu'il lui soit permis d'aller rejoindre l'armée de Luckner.
(L'Assembléej ne voulant pas priver l'ex^mi-nistre Dumouriez de servir la patrie, décrète l'urgence, et décide que l'ex-ministre DumouriéP peut quitter la capitale pour aller servir à l'armée commandée par le maréchal Luckner.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre de M. ëcipioh Chambonas, qui annonce sa nomination au ministère des affaires étrangères et assure l'Assemblée de son dévouement à la cause de la liberté et de son attachement à la Constitution-
Cette lettre est ainsi conçue (1) :
« Paris, le
c Monsieur le Président,
» J'ai l'honneur d'annoncer à l'Assemblée nationale que le roi vient de m'appeler au ministère des affaires étrangères* Je vous prie de l'assurer de mon dévouement à la Constitution. Je n'interromprai pas plus longtemps les travaux du Corps législatif, C'est par des faits et non par des discours que je dois justifier le choix du roi et obtenir la confiance des représentants de la nation.
« Je suis, avec respect.,.
« Signé ; Sqîpiqn Crambonas, »
, ministre de la marine, Du-rantSion, minisire de la justice, L-ajard, ministre de la guerre, Terrier, ministre de l'intérieur et fSeaulieu, ministre dès contributions publiques, rentrent dans Ja s&lle.
, ministre de la guerre. Messieurs, le ministre de l'intérieur, le ministre des contributions publiques et le ministre de la guerre viennent offrir à l'Assemblée nationale leur respectueux hommage et l'assurer de leur dévouement à la chose publique. Le roi m'a chargé de communiquer à l'Assemblée nationale deux lettres qui sont arrivées, la nuit passée,de l'armée, par deux courriers successifs.
J'en donne lecture à l'Assemblée :
« Extrait de la lettre de M. le maréchal Luckner au ministre de la guerre (1).
« Menin, le
(Vifs applaudissements.)
« Je m'empresse, Monsieur, d'avoir l'honneur de vous faire part de mon entrée dans Menin. Ce matin, vers midi, la ville était occupée par une cinquantaine d'hommes autrichiens, qui, à l'approche de mon avant-garde et du corps de réserve, ont évacué la ville. Nos éclaireurs en ont joint quelques-uns dans leur retraite et ils assurent en avoir tué.
« Je fais occuper Menin par mon avant-garde et le gros de l'armée sera campé près de War-wick. Les rapports qui m'ont été faits sur la position des ennemis sont variants, à raison qu'ils ne tiennent pas longtemps dans un même endroit.
« Pardon, Monsieur, si j'écris aussi laconique; mais le temps ne me permet point de m'étendre plus longtemps sur cette marche.
« M. de Grave, maréchal de camp, qui veut bien se charger de ma lettre, était présent à tout ce que j'ai l'honneur de vous écrire, il pourra vous donner verbalement des détails plus circonstanciés qui ne sont point assez intéressants sous le rapport militaire pour être transcrits.
i Signé : le maréchal de France, général d'armée Luckner.
« Certifié con forme à l'original,
« Contresigné : LàJARD. »
Extrait d'une autre lettre de M. le maréchal Luckner, du quartier général, à Menin.
« Le
J'ai laissé hier. Monsieur, mon avant-garde et une réserve à Menin et aux environs; ils ont éclairé le pays. Ce matin, je suis parti de Warwick avec ie reste de mon armée, qui a été renforcée en route par la jonction du camp de Dunkerque, de 5,000 hommes. L'armée campe tout près de Menin et je viens de pousser mon avant-garde sur Courtrav. Je compte demain faire une grande manœuvre sur ce point; j'aurai soin de vous informer, sur-le-champ, du résultat de ma démarche. L'ennemi y est en force dans un retranchèment muni de canons.
« Mon armée commence à s'organiser sous le rapport de ses besoins, mais un objet bien
essentiel m'afflige qui est la lenteur avec laquelle la discipline est maintenue dans les
régiments,
« Signé ; le maréchal de France, général d'armée : Luckner. »
« Pour copie : Lajard. »
Les détails que m'a donnés M. de Grave sont conformes à ceux contenus dans la lettre de M. le maréchal et entièrement relatifs à cette première marche de nos troupes dans le pays ennemi, qui s'est effectuée sur plusieurs colonnes.
L'Assemblée jugera qu'on doit être rassuré sur les approvisionnements de l'armée. Je continuerai à surveiller avec la plus grande vigilance cette partie importante de l'administration qui m'est confiée.
Quant à l'objet qui afflige M. Luckner, j'espère que ses soins amélioreront chaque jour cette discipline, si nécessaire au succès de nos armes. Le roi s'occupe dans ce moment des moyens de l'affermir dans nos armées, et compte sur ie bon effet des sages dispositions de 1 Assemblée nationale et de son inflexible sévérité sur ce point, d'où dépendent le salut de l'Etat et l'honneur national. (Applaudissements.) Je dépose ces lettres sur le bureau de l'Assemblée.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion (1) du projet de décret du comité de législation, sur le mode par lequel les naissances, mariages et décès seront constatés.
La parole est à M. Adam.
Messieurs (2), nous reconnaissons tous ; 1° que l'acte qui constate l'état civil des citoyens est indépendant des religions, de leurs rites ou cérémonies; 2° que dans un gouverne^ ment où la Constitution garantit à tout homme d'exercer le culte auquel il est attaché, il ne peut y avoir différentes manières de constater les naissances, mariages et décès; 3° que l'exercice de tous les cultes étant libre, il serait impolitique de confier ce droit aux ministres d'une religion de préférence à ceux d'une autre', 4° que ce droit purement civil appartient au corps social, comme ne faisant qu'un avec celui qu'il a toujours eu de connaître de la validité ou invalidité des actes qui le caractérisent; 5° que toutes les religions sont au respect de la société, sans autorité comme sans juridiction, puisque la société dont elles émanent peut tout sans elles, et qu'elles ne peuvent rien sans la société.
Donc, nous convenons de la nécessité d'une loi uniforme pour constater l'état civil des ci--toyens, et qu'il appartient au corps social seul d'en régler le mode et l'attribution.
Ces principes sont certains, les conséquences qui en dérivent sont positives. Ainsi, il deviendrait superflu de les mettre en question, et d'ouvrir, à cet égard, une discussion qui ne servirait qu'à faire perdre un temps précieux et utile à l'Etat.
Tout doit donc se réduire à entendre les observations d'un chacun sur l'attribution et le
mode les plus convenables et nécessaires pour remplir
La nécessité d'une loi se fait plutôt sentir que l'exécution, parce que nous pouvons prévoir l'une dans les temps, les circonstances, la forme du gouvernement; et que nous ne pouvons prévoir l'autre, qui est la volonté générale, son adhésion.
Ën législation, celui qui ne voit qu'en masse les objets, s'abuse, comme celui qui cherche trop à les particulariser, s'égare. La loi n'étant
3ué pour l'homme et l'ouvrage de l'homme, elle
oit être de nature à réprimer ses passions, sans gêner sa liberté; elle doit l'attacher à la société sans lui en faire un fardeau; elle doit être claire, précise, et ne laisser à l'esprit aucune ambiguïté.
On n'atteint pas le but sans difficultés; et plus une loi en présente, telle que celle pour constater l'état civil des citoyens, et plus un législateur doit se méfier de ses forces, mais sans perdré courage. Toujours l'esprit préoccupé de la vérité, il doit écarter toute prévention, tout esprit de parti, entendre les opinions d'un chacun, et être persuadé qu'il y trouvera de nouvelles lumières qu'il n'aurait jamais pu se procurer chez lui.
Autrement, vaudrait mieux perdre toute idée de loi, que d'agir sans prudence, précipitamment et avec passion, et par là exposer l'état des citoyens à l'incertitude des événements, ou le Corps législatif à l'humiliante situation de voir ses lois rester sans exécution, et le despotisme le plus tyrannique succéder à l'anarchie la plus déplorable.
Si on ne voit, pour l'attribution de ce droit aux municipalités, que le rapprochement, les liaisons, les rapports entre les officiers et les citoyens, il n'y a pas de doute sur leur compétence. Mais si, après s'être pénétré de l'importance des fonctions qu'on leur délègue, on considère l'inexpérience de la majeure partie des municipalités de campagne, le défaut de maisons-communes, à plus forte raison d'archives, leur dénuement, l'impossibilité même de s'en procurer, que devient cette attribution fondée sur les convenances de localités?... Quels avantages peuvent-elles produire aux citoyens, qui ne soient détruits par un seul de ces inconvénients?... Je vous demande maintenant où est le citoyen qui osera se confier à de telles municipalités ., s'il en est? Quelle est celle de ces municipalités qui n'aura pas recours à un tiers qu'elle jugera instruit, ou ne se confiera pas à celui qui aura besoin de son ministère, s il sait rédiger un acte?... N'est-il pas à craindre que ces hommes aient des opinions ou des mœurs antisociales ou dépravées, et qu'ils saisissent l'occasion pour tromper la crédulité des uns ou favoriser leur intérêt au détriment de celui des autres?
Il ne s'agit pas d'examiner si cela arrivera ou non, il suffit de savoir que c'est dans les cas possibles, pour'vous prémunir contre le danger auquel vous exposeriez l'état et la fortune des citoyens.
D'ailleurs, comment pourrait-on prétendre que ces municipalités exécuteraient cette loi, puisqu'il n'entre point dans l'intention de les salarier ni de leur faire des avances pour acheter des maisons-communes et se former des archives. Or, sans salaire, il est impossible qu'un cultivateur infortuné puisse remplir avec assiduité les fonctions que la loi lui prescrira en sa qualité d'officier municipal. S'il y est obligé, il s'imaginera concilier ses devoirs avec la nécessité de travailler, en reportant tous les actes à des jours
fériés; et d'une loi impérative, il s'en fera une de convenance, qui insensiblement perdra de sa force, et occasionnera autant d'abus qu'elle aurait dû procurer de bien.
Si cela n'arrive pas, il est certain que, dans ces temps précieux à la culture et aux récoltes, on en distraira difficilement l'officier municipal cultivateur. On se lassera d'attendre, on s en retournera et on choisira son temps pourrevenir : s'il y a de l'humeur, on fera une sommation, on se plaindra; dans l'intervalle, l'officier municipal pourra remercier ou il pourra arriver des changements dans l'état du citoyen, qui rendront l'acte impossible, et la loi restera sans exécution.
Enfin, sans maison-commune ni archives, où portjera-t-on, dans les 24 heures, le nouveau-né? où jfera-t-on les publications ? où contractera-t-on les actes de décès?et où déposera-t-on les registres?... Je le demande... Tant qu'il n'existera pas dans une municipalité une maison-commune ni archives, la loi ne peut, dans aucune de çes dispositions, être exécutée. Et si cette municipalité avait la témérité de passer outre à ces actes, ce serait autant d'infractions qu'elle commettrait à la loi, ce serait autant d'armes qu'elle mettrait dans la main d'avides collatéraux pour arguer de faux, de nullité, ces actes, et contester l'état d'un enfant ou la validité d'un mariage. Enfin, cette loi qui ne devait servir qu'à assurer aux citoyens un état certain et authentique, ne servirait qu'à diviser les familles, à déchaîner le vautour de la chicane, et à rendre l'état des citoyens le jouet du caprice d'Injustes entreprenants.
Il est, en outre, une observation très importante ; c'est qu'en rendant les municipalités seules compétentes de constater l'état civil des citoyens, vous les rendez arbitres des questions qui y ont rapport. Or, je vous demande comment vous voulez qu'elles décident les questions relatives à la puissance paternelle, aux élections de domicile, dont à peine votre comité donne une idée, à la légitimation sur laquelle le projet de loi ne contient aucune disposition? Enhn, par quelle voie elles sauront distinguer la vérité ou la fausseté des actes qui leur seront présentés, puisque des §ens, même consommés dans les affaires, sont surpris, ou ne décident qu'après un long et mûr examen.
Tout concourt donc à démontrer la nécessité de retarder l'attribution de ce droit aux municipalités jusqu'après leur vraie organisation, et la formation des municipalités centrales, aussi indispensables que désirées, et jusqu'à ce, de la confier provisoirement à des citoyens qui seront choisis par les conseils généraux des communes, parmi tous les citoyens actifs, fonctionnaires et officiers publics.
Votre intention, en faisant une telle loi, a été, avec raison, de séparer le civil de la religion; de rendre constant ce principe : que l'acte qui constate une naissance, un mariage, un décès, est indépendant des cérémonies religieuses. L'un est une obligation envers la société ; et l'autre est de conscience, dont chacun est libre de suivre les mouvements. Mais je désirerais savoir pourquoi votre comité rappelle toutes ces expressions mystiques, qui, dans le mariage, tiennent au sacrement?
Un contrat n'est que la déclaration, l'authenticité, la lecture publique, et la signature de toutes les parties intéressées : et il n'est pas besoin de faire dire : Je déclare prendre N..... légitime mariage, et lui promets fidélité, et de
prononcer, au nom de la loi. « Je vous unis en légitime mariage. »
Il me semble voir deux contractants au pied de l'autel, et l'officier civil tenir la place du ministre... Il ne manque plus à ce ridicule que l'expression et la bénédiction.
Ce n'est pas ainsi qu'on parvient à déraciner les anciens préjugés. Et quoique votre comité vous ait dit, avec assurance : N'appréhendez, à cet égard, ni les efforts du fanatisme, ni les doutes de la crédulité ; néanmoins, je pourrais dire; avec plus de confiance, que la religion n'a pas perdu tout son pouvoir sur l'esprit des citoyens. L'expérience, jointe à ce qu'ont écrit nos philosophes modernes, nous a appris et nous apprendra encore que ce n'est que chez un peuple assez sage et assez éclairé pour savoir qu'il doit être permis à tout le monde d honorer Dieu selon les lumières de sa conscience, que la diversité du culte et des opinions religieuses ne causera aucun trouble. Partout ailleurs elle excitera des querelles, dont l'ambition, le fanatisme se serviront pour allumer des dissensions funestes, et ébranler les principes du gouvernement.
On me dira, sans doute, que le projet de décret ne préjuge rien contre la faculté que les citoyens auront de se conformer aux rites adoptés en chaque religion pour les naissances, mariages et décès.
Mais les rites ou cérémonies religieuses que des siècles ont fait considérer comme une espèce de droit positif, ne peuvent, chez un peuple qui, en majeure partie, se laisse plutôt guider par l'habitude que par la raison, dégénérer en simple faculté; voir un autre que le ministre lui faire prononcer les mots sacramentels, sans qu'il s'imagine qu'on veuille attaquer sa croyance, le priver de la religion de ses pères, qu'il ne conçoit malheureusement que par l'appareil mystérieux et les prestigesqui lui cachent ce qu'elle devrait être réellement à ses sens.
Le flambleau de la vérité viendrait-il à éclairer son âme, le fanatisme, jaloux d'une autorité qu'il n'aura plus, cherchera à l'éteindre, alarmera sa conscience, jettera son esprit dans l'égarement, et insensiblement le portera a tous les actes de mépris pour la loi et de violence contre les pouvoirs constitués. Alors s'opéreront les scissions, le déchirement des familles, l oubli des devoirs des citoyens, et la désorganisation entière du corps social.
Le peuple veut toujours le bien; mais, de lui-même, il ne le voit pas toujours. Instruisez-le, éclairez-le sur ses véritables droits, et en même temps sur l'usage juste et raisonnable qu'il doit en faire. N'affranchissez son corps qu'après avoir affranchi son âme, s'écrie Rousseau. On ne viole point impunément les lois de la nature, dit Mablv ; la terre veut être cultivée par des mains libres ; la servitude frappe les nommes et les terres de stérilité...
11 eût donc été à désirer que votre comité d'instruction publique eût d'avance préparé les esprits par un plan d'instruction publique, dont, sinon l'exécution, au moins la discussion, eût précédé celle sur la loi qui vous occupe aujourd'hui.
Néanmoins, si vous voulez parer aux inconvénients dont je vous ai fait en partie l'analyse, et remplir l'objet que vous désirez, et que je n'ambitionne pas moins que vous, faites une loi simple, courte et précise ; imposez l'obligation à tous les citoyens de faire constater la naissance de leurs enfants, leur mariage et le dé-
cès de leurs proches, sans leur prescrire d'autre règle que celle de la peine résultant de la loi, qui, à l'avenir, ne connaîtra et ne jugera de la validité de l'état d'un citoyen que sur le rapport d'une expédition en forme de cet acte civil.
Il n'y aura plus de difficulté à déférer provisoirement, à un ou plusieurs citoyens (en raison de la population) élus librement et de confiance, ceite attribution ; votre loi aura le caractère naturel qui lui convient, et il ne sera pas un individu qui ne se fasse un devoir de l'exécuter.
Que toutes vos expressions, dans cette loi, se ressentent du respect qu'on doit avoir pour toutes les cérémonies religieuses d'un peuple dont nous ne devons pas plus heurter les opinions que ménager les caprices ; vous y ajouterez un degré de confiance, vous anéantirez le fanatisme et ajterrerez tous les ennemis du bien public.
Le citoyen libre, dans ses opinions comme dans ses actions, ne verra plus, dans ce que vous exigez de lui, qu'un bienfait de la loi et une sage prévoyance sur ses propres intérêts.
Renvoyez à votre comité à traiter dans le Code de législation, sous des titres particuliers, tout ce qui a rapport aux élections de domicile, oppositions, âges de contracter, empêchements, puissance paternelle, légitimation. Tolérez encore toutes les lois anciennes qui ont rapport à ces matières. Laissez agir les tribunaux, et attendez que le peuple, dégagé de tous ses anciens préjugés (ce qui ne tardera pas), sollicite de vous une réforme absolue; alors vous jouirez du fruit de votre travail, et acquerez des droits à la reconnaissance.
PROJET DE DÉCRET.
L'Assemblée nationale, considérant que les actes dont l'objet est d'assurer l'état civil des citoyens (tels que ceux de naissance, mariage et décès); sont indépendants de toutes religions et isolés de leurs cérémonies, que chacun est libre ensuite d'y ajouter :
Que dans un gouvernement où la Constitution garantit atout nomme le libre exercice du culte auquel il est attaché, il ne peut y avoir différentes manières de constater les naissances, mariages et décès;
Que l'exercice de tous les cultes étant libre, il serait impolitique, et même contraire au bon ordre, de confier ce droit aux ministres d'une religion de préférence à ceux d'une autre ;
Qu'il importe au corps social de reprendre l'exercice ae ce droit imprescriptible, et qui n'a pu qu'être suspendu, puisqu'à lui seul appartient de connaître de la validité ou invalidité des actes qui le constitue, et de statuer, non seulement sur l'état, mais même sur l'existence physique de chaque membre qui le compose;
Voulant enfin faire jouir indistinctement tous les citoyens du bienfait de la loi, et assurer légalement ieurs états civils, décrète :
Art. 1er. Dans la huitaine qui suivra la publication du présent
décret, les conseils généraux des communes nommeront provisoirement, à la pluralité absolue
des suffrages, un citoyen pris, soit dans leur sein, soit parmi les citoyens qui, sous
l'autorité des municipalités et la surveillance des directoires des districts, recevront et
rédigeront les actes destinés à constater les naissances, mariages et décès.
Art. 2. Seront fournis, aux frais des districts, à chacun des officiers civils, dans la huitaine
qui suivra lêur élection, et à l'avenir dans les 15 premiers jours du mois de décembre de chaque année, 2 registres en papier libre, paraphés par le président de district. Un de ces registres sera, dans les 15 premiers jours du mois ae janvier de chaque année, remis au directoire du district, qui, après vérification, le fera passer au directoire de département.
Art. 3. LeB actes de naissances, mariages et décès, seront inscrits en double sur les 2 registres de suite, sans aucun bland, Interligne ni abréviation. Les renvois et ratures seront approuvés et signés de la même manière que l'acte.
Art.4. Les actes de naissances, et décès he seront reçus par l'officier civil qu'après s'être assuré de la réalité, sur la déclaration du plus proche parent de l'enfant ou du décédé, et de deux témoins connus, lesquels donneront un nom distinctif de celui de famille à l'enfant; ensuite signeront avec l'officier civil, l'acte, s'ils le savent, sinon en sera fait mention.
Art. 6. Les citoyens qui voudront contracter mariage se transporteront en personne à la maison commune, où l'officier civil (après avoir requis l'assistance d'un officier municipal, et s'être assuré que toutes les formalités préliminaires et d'usage ont été observées) recevra et rédigera l'acte de leur déclaration, du consentement de leurs pères et m.ères, tuteurs ou curateurs, et en présence de dêux témoins connus, et lecture faite publiquement, les con-, tractants, parents et témoins signeront l'acte avec l'officier civil, s'ils le savent, sinon en sera fait mention.
Art. 6. Où il existerait quelque opposition, ou que quelques-unes des formalités auraient été omises, l'officier civil suspendra, ou renverra, s'il y a lieu, devant les tribunaux, qui provisoirement connaîtront de toutes les questions y relatives, commettront pour faire les publications en cas de refus sans cause valable, prononceront sur toutes espèces d'empêchements, la loi n'exceptant formellement que celui de la consanguinité au troisième degré, qui emporte prohibition de contracter, et statueront définitivement dans les 3 jours de celui où la connaissance léur en aura été dévolue.
Art. 7. Aussitôt la publication du présent décret, chaque municipalité se fera remettre tous les registres de naissances, mariages et décès, en quelque lieu qu'ils soient déposés, dont êlle dressera procès-verbal circonstancié et détaillé. Ensuite elle remettra un des doubles de ces registres au directoire du district, qui certifiera au bas du procès-verbal la remise et le fera passer au directoire du département, qui lui en assurera la réception. L'autre double sera remis à l'officier civil, qui en donnera sa reconnaissance, et sera tenu de s'en charger au bas du procès-verbal, lequel sera et demeurera déposé à la municipalité du lieu.
Art. 8. L'officier civil délivrera expédition de ces actes aux parties intéressées, sur papier timbré. 11 lui sera, non compris le timbre, payé pour chacun des actes qu'il aura reçu 6 sols, et les deux tiers pour celui des actes inscrits sur les registres, dont il ne sera que dépositaire.
Art. 9. Les tribunaux ne jugeront les questions qui pourraient à l'avenir s élever sur la validité des naissances, mariages et décès, que comme ils jugeraient des autres contrats civils. Ils n'auront d'égard aux actes de naissances, mariages, et décès d'une date postérieure à l'entrée en exercice de l'officier civil, qu'autant qu'ils au-
ront été reçus êt rédigés par l'ôffiêler civil, nommé dans la forme ci-dessUs prescrite.
Art. 10. Charge ses comités réunis de législation et d'instruction publique de lui présenter un projet de loi sur l'âge de contracter, la puissance paternelle, le domicile, les oppositions, empêchements, la légitimation, généralement sur tout ce qui a rapport au mariage, les difficultés qui peuvent en résulter, l'attribution, la forme de se pourvoir et de les régler; de sorte que les droits respectifs soient entièrement conservés, et que la justice ait un libre cours.
Ptusieurs membres : Nous demandons l'impression I
(L'Assemblée décrète l'impression de l'opinion et du projet de décret de M. Adam.)
La parole est à M. Pastoret.
(1) Messieurs, une opinion générait proclame la nécessité d'éloigner la religion des actes civils. Il n'y a rien de commun entre elle et la loi; car les lois doivent être le résultat de la raison humaine, et on sait bien que la religion est au-dessus d'elle.
Comment la loi n'aurait-elle pas seule le droit d'assurer notre état civil? Le Citoyen lui appartient nécessairement; et il peut n'appartenir à aucune des religions du pays qu'il habite. OCt en seraient les législateurs s'ils étaient obligés de façonner sans cesse leurs pensées et leurs
Erincipes à toutes les; idées religieuses des ommes!
11 ne peut donc s'élever aucun doute sérieux, et je suis étonné que quelques orateurs aient voulu en faire naître. Je ne les suivrai pas dans le développement de leurs pieuses erreurs ; mon respect pour l'Assemblée nationale, ma confiance en ses lumières m'avertissent que je n'ai pas besoin de descendre à une pareille réfutation.
Je m'attacherai principalement à examiner, à comparer le système du comité de législation et celui de M. Jollivet (2). Sans m'abandonnêr à une discussion qui serait infinie, si j'en parcourais successivement tous les détails, je remonterai aux principes sur lesquels doit reposer notre opinion; et après les avoir établis, je n'aurai besoin de m'appesantir ni à en tirer les conséquences, ni a en faire les applications; elles se présenteront toutes d'elles-mêmes.
Et pour fixer d'avance les idées sur ma propre opinion, je dirai qu'en général, selon moi, le travail du comité de législation mérite toujours la préférence. Ce travail qui a obtenu de justes témoignages de votre estime n'embrasse pas seulement le sujet dans toute son étendue: il en lie tellement* les différentes parties qu'elles sont presque inséparables. Le plan de M. Jollivet a aussi cet avantage; mais il est assis sur des bases que nous ne pouvons adopter ; il crée des fonctionnaires nouveaux dont l'existence est inutile; il coûte, chaque année, 3 millions au Trésor public.
M. Jollivet appelle tabellions ces fonctionnaires nouveaux. 11 ne les place pas dans
chaque commune, mais seulement dans des chefs-lieux municipaux qui seront indiqués par les
directoires des districts aux directoires des départements, et par ceux-ci au ministre de
l'intérieur et à
Une évidente nécessité justifierait seule tant de dépenses, tant de changements. Kxiste-t-elle?J'en appelle à M. Jolllvet lui-même, et c'est avec ses propres calculs que je vais le combattre.
Dans les bourgs de 500 personnes, il y â environ chaque année, 18 naissances, 18 morts et mariages; ces 40 actes répartis également sur 365 jours, n'en donnent guère plus de 3 par mois; où est la nécessité d'un fonctionnaire particulier. La trouverez-vous dans ceux de 1,000 habitants, où il ne se fait que 90 actes par an, c'est-à-dire, à peu près un tous les 5 jours?
Mais, les villes de 3,000 âmes ? Eh bien I les naissances y sont annuellement de 107, les morts de 107, les mariages de 24; total 238: c'est 2 actes tous les 3 jours; mais la loi constitutive des municipalités donné aux villes qui ont cette population et au delà jusqu'à 10,000, 9 officiers municipaux et 18 notables; pense-t-on que sur 27 magistrats choisis par le peuple, on n'en trouvera pas un seul qui ait le temps et l'instruction nécessaires pour les recevoir?
Voulez-vous suivre encore un moment cette progression? Les villes de 6,000 habitants donnent, chaque année, 214 naissances, 214 décès, 48 mariages; celles de 9,000, 321 naissances, 321.décès, 72 mariages; dans le premier cas, c'est 476 actes par an; dans le second, 714, et par conséquent, dans celui-ci même, à peine en trouve-t-on deux par jour. Au-dessusde 10,000 habitants et jusqu'à 25,000, on a 12 officiers municipaux et 24 notables ; et en prenant le terme moyen 17,500, on a 1,250 naissances ou morts, et 140 mariages, c'est 3 ou 4 actes par jour; et le choix, pouf le dépositaire des registres, peut s'étendre sur 36 citovens investis de la confiance du peuple; il feut aller à 50,000 âmes, ce qui suppose une municipalité de 45 personnes, pour trouver dans une journée 10 à 11 de ces actes à faire, et il n'en est aucun qui ne suffise à les recevoir. Rien n'empêche d'ailleurs d'en nommer plusieurs, si la ville est trop considérable : mais les exceptions seront peu nombreuses. L'Empire entier ne renferme que 20 cités au-dessus de 30,000 habitants; et M. Jollivet convient lui-même qu'au-dessous, on n'a besoin que d'un seul fonctionnaire.
J'entends lés objections, on me dira : ce n'est pas le nombre des actes qui nous détermine; c'est la capacité nécessaire ae ceux qui tiendront les registres» On me dira encore : vous faites une mauvaise application de vos calculs en réduisant la masse entière à des portions égaies pour chaque jour de l'année.
Je fais 2 réponses à la seconde objection : 1° elle est inapplicable aux naissances et aux décès, qui ne dépendent pas de la volonté des lois. Or, leur nombre réuni, contient 9 fois le nombre des mariages, et ceux-ci ne montent ias à plus de 80 dans les villes même de 0,000 habitants; 2° supposerait-on que nous
voulons conserver une seule dés prohibitions ecclésiastiques ? la religion elle-même s'y opposerait. Les anciennes interdictions en dénaturaient tous les principes, puisque l'union, défen-due à telle où telle époque pieuse, était, disait-on un sacrement. Elles outrageaient Dieu, au nom duquel, cependant, on prétendait les faire; comme si la nature eût alors suspendu ses tra-* vaux, qu'elle eût fermé la porte du jour, et que la mort se fût arrêtée.
Quant à la première objection, elle trouvera sa réponse dans l'examen d'une autrè proposition ; celle de substituer les juges de paix aux municipalités.
On aime toujours à reposer sa pensée sur les juges de paix. Véritables ministres de la religion sociale, ils ne se présentent au peuple que pour lui épargner des douleurs, pour lui offrir des consolations ou des bienfaits ; et il serait doux de les associer aux actes les plus importants de la vie : mais il n'y en a qu'un par canton, c'est-à-dire par 7 à 8 communes. Il faudrait venir les chercher; 11 faudrait quelquefois qu'ils se transportassent eux-mêmês jusqu'à 2 lieues, dans tous les chemins comme dans toutes les saisons. Ils consumeraient ainsi une partie du temps qu'ils mettent â assurer l'ordre et le bonheur domestique. On n'est déjà que trop parvenu à les distraire.
D'ailleurs, outre qu'il ne faut pas considérer comme permanent l'état aotuel des municipalités, il me semble du'on exagère beaucoup la difficulté de l'exécution de la loi. Des modèles imprimés pourront et devront leur être envoyés ; ces modèles seront faits de manière qu'il n'y ait à placer que la date et les noms, ils suffiront sMl ne s'élève aucune réclamation ; et sur 100 actes on n'en verra pas naître uneseulé; s'il s'en élève, le juge de paix interviendra pour la décider; mais tant qu'il ne s'agira que de fixer sur un registre un jour et un nom, ou dé savoir par exemple, si le citoyen qui se présente est réellement le père légal de l'enfant dont on vient constater la naissance, où est l'inconvénient, où n'est pas l'obligation de choisir les municipalités !
Mais en préférant le système du comité de législation, je n'approuve pas sa distinction, quand il laisse aux corps municipaux, dans les villes au-dessus de 30,000 âmes, la faculté d'une délégation aux autres citoyens; cette idée, si j'ose le dire, est en sens contraire de l'équité : que la délégation soit permise dans les lieux dont la population est très bornée, où l'instruction est plus rare, où les magistrats du peuple sont en petit nombre, et pris dans une classe de citoyens voués à des occupations journalières, essentielles à son existence et aux besoins de sa famille, j'y consens, pourvu qu'elle ne puisse être faite qu'à un citoyen déjà fonctionnaire public, comme l'instituteur de l'école primaire, le secrétaire-greffier de la municipalité, le notaire, l'assesseur du juge de paix, le juge de paix lui-même, s'il réside dans la ville ; mais dans les lieux où la population est considérable, où les lumières sont répandues, où la plupart des hommes appelés à l'administration commune ont des loisirs qu'ils sont trop heureux d'honorer en les rendant utiles à la patrie, je ne vois plus l'objet d'un pareille délégation.
Le comité fait élire par les seuls corps municipaux les dépositaires des registres publics. Pourquoi ne seraient-ils pas élus par tous ceux que le peuple a choisis pour concourir à l'admi-
nistration générale de la cité? les corps municipaux n'expriment pas toujours, aussi purement, le vœu populaire, que les conseils des communes. A mesure que le nombre des hommes se resserre, je parle des hommes qui ont l'exercice d'un pouvoir, leurs idées, malgré eux-mêmes, s'aris-tocratisent toujours. L'esprit de corps est incurable ; il déshonore la liberté même.
Le système du comité a un autre inconvénient; il fait "du maire ou des officiers municipaux, suivant l'ordre de la liste, les suppléants des fonctionnaires conservateurs des actes publics. J'ignore s'il est convenable de donner une pareille suppléance aux chefs de l'administration de la cité; mais assurément, il est plus convenable et plus justé de n'en charger qu'un citoyen élu pour cette fonction même, comme le premier, et comme lui à la pluralité absolue des suffrages.
Voilà mes observations sur le premier titre; j'en ai plusieurs à faire sur le second.
L'article G, inflige une peine sans proportion avec le délit, pour l'officier civil qui écrirait l'acte sur des feuilles volantes. L'amende et la destitution le puniraient assez, sans y joindre la privation, pendant 10 années, des droits de citoyen actif. 11 faudrait, du moins, borner cette privation à 3 ans.
Quant au nombre des registres, je crois, et j'ai retrouvé mon opinion dans la loi que M. Jol-livet vous présente; je crois impossible de laisser subsister 1 article qui, dans les villes dont la population n'excède pas 6,000 âmes, permet de tenir un seul registre pour les naissances, les mariages et les morts. Une table alphabétique, mise à la fin et divisée en trois parties, ne réparerait pas une confusion facile à éviter. Souvent la table serait mal faite; plus souvent, peut-être, elle ne le serait pas. Ne perdons point de vue .que les registres publics doivent joindre à Tavantage civil de constater l'état des citoyens, l'avantage politique de faire aisément connaître les progrès de la population, et par là ceux du bonheur et de l'aisance du peuple, de ses mœurs et de sa liberté.
Je pense enfin que tous les surnoms, toutes ces qualifications, restes déguisés de l'aristocratie, doivent être sévèrement proscrits des actes civils; ils ne doivent conserver d'autre désignation que celle de la profession particulière ou de la fonction publique. Je ne proscris pas moins sévèrement toutes les observations, toutes les déclarations qui tiennent aux idées particulières d'un culte. Cnaque citoyen est le maître, sans doute, de faire publier, célébrer ou transcrire, dans tel ou tel temple, avec telle ou telle cérémonie, et son mariage, et la naissance de son fils : mais son action, purement volontaire, ne saurait avoir aucune influence sur la validité de l'acte civil. L'acte civil ne peut être que l'ouvrage du magistrat de tous, de l'homme de la loi, et non du ministre particulier d'une erreur ou d'un système.
Le danger de l'opinion contraire éclatait, surtout à l'égard des naissances; l'acte de baptême étant devenu le seul titre légal de l'existence d'un citoyen, l'homme, qui n'adoptait point nos dogmes religieux, était condamné ou à soumettre ses enfants à un engagement dont il se promettait bien de faire un parjure, ou à laisser leur vie entière sous les anathèmes de la loi. La loi le flétrissait de la bâtardise; car, dans ce régime heureux, que de charitables ennemis voudraient faire renaître, çlle punissait le fils innocènt, et
s'arrêtait, avec respect, devant ce père coupable.
Le moment n'est point venu de faire une loi sur cette déchéance innée de l'existence civile ; elle tient à tous les rameaux du système général de la législation, et je ne doute pas que votre comité ne vous propose de venger la raison si longtemps outragée. Des législateurs philosophes sentiront aisément qu'on ne peut être né sans avoir acquis tous les droits des hommes; que la société ne peut méconnaître comme fils ceux qu'elle admet comme citoyens, et qu'il est d'autant plus absurde d'empêcher l'enfant de la nature d'être celui des lois, que s'il est un être dont le sort commande leur protection, c'est le bâtard lui-même.
Ce n'est pas la seule grande question qui touche à la manière de constater l'état des citoyens. Le premier article du titre sur le mariage en présente une moins importante: sa durée et sa dissolubi-11 té. Je m'abstiens encore de vous offrir mes idées à cet égard. En nous abandonnant à toutes les discussions voisines de celle qui nous occupe, nous parcourions successivement toutes les parties de la législation civile, quand on ne nous dèmande à présent qu'une loi particulière.
Je ne puis me taire, cependant, sur les expressions du premier article : « Le mariage, dit-il, est un contrat civil dont la condition essentielle est dans le consentement des deux époux, de s'unir pour la vie ». Ces derniers mots seraient inutiles, quand même ils ne préjugeraient pas défavorablement une question importante. Ceux-ci : Le mariage est un contrat civil, donnent pareillement lieu à quelques observations. Vous pensez bien, Messieurs, que je ne veux pas reprocher au comité d'abolir la dépendance où on plaçait le mariage, d'une cérémonie religieuse, qui en est une qualité accidentelle et volontaire; j'avoue même que mon intelligence ne va pas jusqu'à comprendre cette phrase si familière à nos lois canoniques :éleve> le mariage à la dignité d'un sacrement; mais la signification ordinaire au mot contrat peut présenter ici ou une équivoque, Ou une idée fausse. L'acte écrit qui porte ce nom n'est pas plus que la bénédiction nuptiale de l'essence du mariage. La société est satisfaite quand l'engagement mutuel a été pris devant elle ; et si l'intervention de la loi est exigée, c'est qu'il y a, pour assurer l'état des enfants, des effets civils qu'elle doit reconnaître.
Quant à la définition donnée par M. Jollivet, il me semble qu'à force d'être prévoyante, elle devient sinon obscure, du moins pénible et embarrassée. « Le mariage, dit-il, est l'état de deux personnes qui, réunissant les conditions prescrites par la loi, ont, suivant les formes qu'elle a déterminées, volontairement, librement, en personne, et non par aucun fondé de pouvoir, contracté l'engagement de vivre ensemble, et d'élever les enfants qui naîtront de leur union, dans l'amour de la patrie et le respect des lois. » On voit combien de mots inutiles elle renferme. N'aurait-il pas suffi de dire, au lieu de: réunissant les-conditions prescrites par la loi, suivant les formes qu'elle a déterminées, volontairement, librement, et en personne, et non par aucun fondé de pouvoir, n'aurait-il pas suffi de dire ces mots: conformément aux lois, sans chercher à en développer les caractères dans une définition qui ne peut jamais les présenter tous>
La mienne est plus simple, plus courte, et plus conforme à celle du comité de législation. La voici : « Le mariage est un engagement civil,
dont la seule condition est dans le consentement de deux époux. »
Le même titre offre à l'examen trois questions principales, l'âge auquel le mariage sera permis, l'influence que les parents auront dans sa contrac-tation, les causes qui en empêcheront l'existence.
De toutes les idées religieuses, la plus destructive de l'ordre social est la^perfection attachée au célibat ; heureusement, on n'a pas beaucoup ambitionné cette perfection chimérique. elle aurait bientôt dépeuplé l'Europe. Les grands législateurs de l'antiquité connaissaient mieux les vérités naturelles et les intérêts politiques. Ils se réunirent tous pour flétrir le célibat absolu ; ils le déclarèrent une sorte d'infanticide ; à Athènes, à Lacédémone, dans toute la Grèce, il fut un objet d'accusation. A Rome, le célibataire ne pouvait être témoin ; il ne pouvait recevoir un legs ou un héritage d'un homme étranger à sa famille. La loi de Sparte, même, le condamnait à être fustigé publiquement par des femmes, près du temple des dieux.
Deux Considérations importantes doivent se combiner pour fixer l'âge auquel le mariage commencera d'être permis. Dans les pays où il est retardé par la loi, les hommes sont en général plus robustes; et d'un autre côté les mœurs y sont souvent immolées à l'effervescence d'un désir corrupteur. Les exemples de ces immoralités ne sont que trop nombreux dans ces terres méridionales où le sang bouillonne avec plus de vitesse, où les passions sont tout à la fois plus précoces et plus ardentes. Il est donc bien naturel que les différents peuples aient fixé cet âge diversement, suivant la différence du climat qu'ils habitaient. L'homme n'appartient pas moins à la société par la reproduction que par ses autres facultés ; une législation sage attendra, pour autoriser le mariage, le temps où sont achevés tous les développements de la nature. Les Gaulois ne le permettaient qu'à 20 ans, le droit romain le permettait à 12 pour les filles, pour les.hommes à 14; et cette jurisprudence était devenue la nôtre. Le comité de législation exige une année de plus pour chacun des deux sexes. M. Jollivet va plus loin encore, et je voudrais au moins adopter son avis ; j'exigerais même 18 ans pour les uns et 15 pour les autres. Quand l'opulence dictait les mariages, quand des mœurs corrompues en séparaient la tendresse, quand on ne vendait son nom à une femme que pour avoir de quoi acheter l'amour d'une autre, l'âge était indifférent; mais il ne saurait l'être chez une natiôn à laquelle des institutions libres promettent et ordonnent dès mœurs pures. Il existe une relation trop peu connue entre la liberté des peuples et la population des Empires. Des calculs certains nous apprennent qu'en Hollande, où les formes politiques étaient républicaines, il y avait, chaque année, un mariage sur 64 personnes; il y en a un sur 100 en Angleterre, où la monarchie est mixte ; et il n'y en avait qu'un sur 125 personnes en France, où le gouvernement était voisin du despotisme.
Mon opinion diffère aussi, à quelques égards, de celle du comité de législation, sur le consentement paternel. Le droit romain a posé de bien étranges principes sur la puissance des pères ; il a fait, des sentiments les plus doux, un moyen perpétuel de servitude ou de tyrannie. Pourrions-nous cependant méconnaître une autorité tutélaire, un pouvoir qui consiste, presque en entier, à répandre des bienfaits ? Chez
tous les peuples dontles mœurs se sont épurées, la puissance paternelle a pris un grand caractère; les vertus domestiques y furent toujours les garantes, et pour ainsi dire le dépôt des vertus publiques. Je neveux pas que cette puissance forme ou supplée la loi; mais je veux que la loi elle-même concoure à lui assurer le respect qui est, pour les enfants, une dette de la reconnaissance et de la nature.
D'après cela, je ne me contenterais point d'exiger le consentement des pères j usqu'à 21 ans ; je le laisserais, comme il l'a toujours été, indispensable jusqu'à 25. Rien de plus conforme à nos idées publiques, puisque c'est l'âge auquel nous avons fixé la majorité constitutionnelle.
A défaut des pères, je ne m'adresserais point aux tuteurs ou aux curateurs ; un conseil de famille me parait préférable. Rien n'est plus analogue à nos idées politiques, puisqu'une des meilleures institutions créées parmi nous est celle d'un tribunal conservateur et garant de la paix domestique.
L'ordonnance de Blois soumettait les fils au-dessus de 30 ans, les filles au-dessus de 25, à requérir, par écrit, le consentement de leur père, sous peine d'exhédération. On voit, dans le projet du comité, des traces de cet usage. Une réquisition légale, faite par des enfants à des parents qui ne peuvent s'y refuser, est aussi vaine pour les uns, qu'Offensante pour les autres. Exhédérer un citoyen pour avpir choisi lui-même, dans la maturité de l'âge, celle qu'il doit aimer, est une des plus absurdes cruautés que nous ait transmis la jurisprudence romaine.
On avait mis au mariage plusieurs autres empêchements, et nos idées religieuses étaient venues les accroître. J'aurais voulu que le comité exprimât nominativement leur suppression ; j'aurais voulu aussi qu'en laissant subsister des prohibitions tirées de la parenté, il les bornât aux ascendants et aux descendants, aux frères et aux sœurs.
Dans la section suivante, le comité demande que le mariage soit précédé de deux publications, faites le dimanche, devant la principale porte de la maison commune, et qu'il ne soit contracté que 8 jours après la seconde. Une seule suffirait et j'adopterais alors l'intervalle hebdomadaire ; mais si on en décrète deux, pourquoi demander plus de 3 jours après la seconde publication ?
Cette observation n'est pas très importante; en voici une qui l'est davantage. Pourquoi dans les villes dont la population excède 10,000 âmes, placer aux portes des églises le tableau contenant la publication du mariage? Ne souffrons pas, même dans les circonstances légères, que les idées religieuses se mêlent aux fonctions civiles.
Quant aux prohibitions eccliésiastiques, les détruire toutes est si évidemment l'esprit de la loi, qu'elle n'a pas besoin, sans doute, de l'exprimer. Il faut qu'on puisse, à son gré, choisir une épouse, dans les différentes sectes du christianisme, parmi les disciples de Moïse ou de Mahomet, comme on peut, à son gré, faire donner à ses enfants la circoncision où le baptême.
La religion ne s'était pas seulement emparée de l'homme vers le milieu de la vie et dans le berceau de l'enfance; il n'était plus, et elle étendait encore sur lui son empire ; elle seule avait le droit de lui donner, que disTje, de lui donner! de lui vendre un tombeau; la terre, même qui devait l'enfermer, la poussière qui devait le couvrir, prenait un caractère religieux.
On nous parlait de terre sainte et de terre profane ; ah ! si la terre sainte eût exprimé celle
Sue la patrie réservait aux mânes de la vertu !
ais pour y être enseveli, il suffisait d'avoir paru adopter pendant sa vie les opinions du prêtre catholique; et pour en être exclu, d'avoir paru leur préférer les dogmes de Calvin ou d'un autre sectaire. Vous aurez encore la gloire d'avoir fait disparaître cette pieuse inhumanité. Les moyens que le comité propose pour y suppléer sont tous dignes de votre approbation, et je pense de même des dispositions générales renfermées dans le dernier titre de son projet. Hâtez-vous donc, hâtez-vous de publier une loi qui aura tant d'influence sur le bonheur public. Rendez aux hommes timides une paix dont a besoin leur conscience égarée. Détruisez à jamais le germe d'une fermentation dangereuse, germe soigneusement fécondé par l'aristocratie, un peu surprise, sans doute, d'être devenue tout à coup si pieuse et si crédule. Que la religion continue à avoir le ciel pour domaine et pour récompense, mais que sur la terre la loi seule enchaîne les hommes, et qu'elle règle leur état, comme elle assure leurs droits et fixe leurs devoirs.
Voici, Messieurs, les titres ou articles que le propose de substituer ou d'ajouter à ceux du comité de légistation.
TITRE Ier.
Des officiers publics par qui seront tenus les registres des naissances, mariages et décès.
« Art. 1er. Les municipalités recevront et conserveront à
l'avenir les actes destinés à constater l'état civil des citoyens.
« Art. 2. Les conseils généraux des communes nommeront, à cet effet, un des membres pris indistinctement parmi les officiers municipaux ou parmi les notables.
« Art. 3. Pourront néanmoins lesdits conseils généraux, dans les lieux dont la population est au-dessous de 3,000 âmes, la déléguer à un autre citoyen, pourvu qu'il soit déjà fonctionnaire public, comme juge de paix, un des assesseurs, l'instituteur de l'école primaire, le notaire, le secrétaire-greffier de la municipalité.
Art. 4. Danslesvillesdontla population est de 50,000 âmes et au-dessus, il sera nommé deux dépositaires des registres publics; il en sera nommé trois dans les villes dont la population excède 100,000 âmes.
« Art. 5. 11 sera fait un règlement particulier pour la ville de Paris.
« Art. 6. La nomination se fera au scrutin et à la pluralité absolue des suffrages; elle sera publiée et affichée.
« Art. 7. En cas d'absence ou empêchement légitime du magistrat chargé de recevoir les actes de naissance, mariage et décès, il sera remplacé par un citoyen, qui, dans les villes au-dessus de 3,000 âmes, sera nécessairement pris parmi les membres du corps municipal ou du conseil général de la commune.
« Art. 8. Dans les villes ou bourgs au-dessous de 3,000 âmes, il pourra pareillement être pris parmi les autres citoyens, pourvu qu'ils remplissent déjà une fonction publique.
c Art. 9. Ce suppléant sera pareillement élu par la voie du scrutin et à la pluralité absolue des suffrages.
« Art. 10. Il sera élu immédiatement après la
nomination de l'officier public qu'il doit remplacer.
« Art. 11. S'il s'élève devant le magistrat chargé de recevoir ces différents actes, des réclamations sur la qualité de ceux qui y concourent, ou sur tout autre objet, la décision en sera renvoyée au juge cle paix du canton ; sauf les oppositions àu mariage, dont la forme sera déterminée dans les titres suivants.
TITRE II.
. Tenue et dépôt des registres.
« Art. 5.11 est expressément défendu d'écrire et de signer, en aucun câs, les actes sur des feuilles volantes, à peine de 100 livres d'amende* de destitution et de privation, pendant 3 ans, de la qualité et des droits de citoyen actif.
« Art. 24. Les registres courants seront tenus dans la maison commune, même dans les villes qui auront deux ou trois fonctionnaires pour constater l'état des citoyens. »
« Art. 25À Toute observation ou déclaration qui tient aux idées particulières d'un culte quelconque, est expressément défendue sous peine de 100 livres d'amende et de destitution de l'officier public.
« Art. 26. Il est expressément défendu, sous les mêmes peines de donner aux parties intéressées et aux témoins, aucune autre désignation ou qualité, que celle de leur profession civile ou de leur fonction publique.
Je demande la question préalable sur le vingt-septième article.
Il est indispensable d'avoir, dans toutes les municipalités, sans exception, trois registres, pour constater : l'un les naissances ; l'autre les mariages; l'autre les décès.
TITRE III Mariages.
SECTION PREMIÈRE.
Qualités et conditions requises pour pouvoir contracter mariage.
« Art. 1er. Le mariage est un consentement civil, dont la
condition essentielle est dans le consentement des époux.
« Art. 2. L'engagement doit être pris et ne peut être dissous que conformément aux lois.
« Art. 3. L'âge requis pour les mariages est 18 ans pour les hommes et 15 ans pour les Mes.
« Art. 4. Les mineurs de 25 ans accomplis ne pourront se marier sans le consentement de leurs père et mère.
" Art. 5; A défaut du père et de la mère, le consentement sèra donné, par la majorité des voix, dans un conseil de famille.
v Art. 6. Ce conseil sera formé des cinq parents majeurs les plus proches, ou du côte paternel ou du côté maternel. En cas d'égalité de rang, le parent du père sera préféré.
« Art. 7. Pour le cnoix de ces cinq parents, ori préférera les ascendants aux collatéraux et tës collatéraux aux déscéndants.
« Art. 8. A défaut de parents, il y sera suppléé par des amis ou voisins majeurs, nommés par le juge de paix du canton.
« Art. 9. Les veuves ou vetifs mineurs qui se
remarieront n'auront plus besoin du consentement de leurs père et mère, pour ce second mariage. ,
« Art. 10. L'usagé des réquisitions du consentement, après l'âge où la loi a déterminé qu'il n'était plus indispensable pour se marier, est abrogé. '
« Art. 11. Lés peines prononcées contre les eïifants qui, après cet âge, s'étaient mariés sans le consentement paternel, sont également abrogées.
« Art. 12. Le mariage n'est défendu qu'entre les ascendants et les descendants, sans distinction et à l'infini, et entre les frères et le? sœurs.
(L'article 2, rend inutile l'article 6 du projet du comité.)
SECTION II.
« Art. 3. Le mariage sera précédé de deux publications faites, pendant deux dimanches Consécutifs, à l'heure de midi, paf* l'officier public, devant la porte extérieure et principale ae la maison commune.
« Art. 4.11 ne pourra être contracté que trois joùfs après la seconde publication.
« Art. 5. Une nouvelle publication sera nécessaire, si le mariage n'a pas été contracté dans l'année qui suivra le jour où les deux premières auront été faites.
SECTION ÏV
« Après cette lecture, le mariage sera contracté par la déclaration que fera chacune des parties à haute voix : « Je déclare prendre pour mâri
(pour femme) N..... fils (ou fillé) de N..... et ae N...... »
Plusieurs membres : Nous demandons l'impression.
(L'Assemblée décrète l'impression de l'opinion et du projet de décret de M. Pastoret.)
La parole est à M. Gohier.
Messieurs, l'état civil des citoyens doit être aussi indépendant des différents cultes religieux, que les opinions religieuses, lorsque leur manifestation ne trouble point l'ordre public, doivent l'être elles-mêmes des établissements humains. C'est â la société seule qu'il appartient de fixer l'état de ceux qui la composent, de régler la forme des contrats qui les lieht, de choisir les magistrats qui doivent les recevoir; et si le mariage est lé plus important de tous les contrats, c'est celui dont la rédaction, dont la formation^ dont la conservation ^ doit surtout être réservée aux dépositaires civils de la fbrcé publiqué. Les cris des hypocrites malveillants s'élèveront en Vâin contre la loi salutaire que sollicitent tous les citoyens éclairés ; il ùè s'agit ni du baptême ùi du mariage, envisagé par l'église catholique comme sacrement, ni de la sépulture, considérée comme cérémonie religieuse, mais dn lien civil du mariage, des actes destinés à constater civilement la naissance et le décès dès citoyéns; en un mot d'actes purement civils.
Loin que le projet de loi depuis si longtemps désiré de toùté la Francé tende a favoriser nne usurpation dés fonction'^ ecclésiastiques, son objet, au Contraire, est d'isoler ces fonctions des
fonctions purement séculières, de les séparer de celles qui ne sont pas essentiellement religieuses, de Gelles qui, tenant uniquement à l'ordre civil, ne peuvent jusqu'à présent avoir été exercées par les prêtres qu'à titre de fonctionnaires publics de la société* et non en vertu des pouvoirs que leur confère le sacerdocè. L'objet de la loi est non de dégrader les mi-nist rendes autels, mais de les restituer à leur destination première ; de les rendre tout entiers à leurs occupations saintes ; de les débarrasser de celles qui leur sont étrangères, et qui ne peuvent que les distraire au préjudice de la société et de la religion ; on ne veut pas leur ravir le droit précieux de prier pour les citoyens, ni celui plus doux encore de les bénir. Mais s'agit-il de conférer un droit civil, ce n'est plus à une main sacerdotale que cette faculté doit être déléguée; cette main pieuse ne doit avoir que des grâces spirituelles à répandre.
Veut-on acquérir un droit dans la Société; veut-on former un contrat qui oblige l'une et l'autre des parties sous l'autorité et la protection de la loi, c'est au magistrat civil à interposer son pouvoir, à présider à la formation de ce lien ; ce n'est plus le rite ecclésiastique qu'il faut consulter, mais la forme établie par le législateur qu'il faut suivre ; dès lors, il ne doit plus être question dé prêtre, encore moins de l'évêque de Rome, qui ne peut lier et délier que spirituellement et non pas civilement, les citoyens mêmes qui veulent demeurer unis à sa communion. S'il est Un scandale pour la société et pour la religion, c'est celui qu'a trop longtemps donné la domination d'un prêtre étranger, qui, trafiquant de la simplicité des fidèles, ne parlait au nom du ciel que pour s'emparer des biens de la terre * n'établissait des empêchements de mariage que pour se créer le droit d'en dispenser à prix d argent; que pour apprendre aux riches qu'il n'est point de lois pour celui qui peut acheter le droit de les enfreindre. S'il est un scandale pour la société et la religion, c'est celui de voir un prêtre de Rome former ou dissoudre à son gré, dans divers Etats de l'Europe, le premier contrat de l'homme en société; d'interdire despotiquement à celui-ci ce qu'il permet à celui-là, et d'établir ainsi chez différents peuples une magistrature civile au nom d'une religion qui lui interdit toute entreprise sur les autorités séculières.
Tout homme sage conviendra sans douté que la société seule a le pouvoir d'établir les règles civiles du mariage.
Sans contredit vous avez le droit de faire la loi, vous devez la faire; le mode qu'on vous propose est-il admissible? Voilà seulement tout ce que vous avez à examiner.
J'ai applaudi avec toute l'Assemblée nationale à l'intéressant rapport que vous a fait M. Mu-raire (1), mais soit que je fixe l'ensemble du projet qui est présenté, soit que j'en suive les détails, je ne puis en voir l'exécution possible, ni penser qu'il remplisse le grand objet que nous devons proposer.
N'est-ce qu'un mode de constater les naissances, mariages et décès, qu'on vient vous
offrir, ou est-ce un code sur cet objet qu'on vous présente? Sous le premier aspect, le
projet
Le titre premier traite des officiers publics par qui seront tenus les registres des naissances, mariages et décès.
En sorte que le premier article de cette loi importante serait celui qui attribuerait aux officiers municipaux le droit de recevoir et de conserver à l'avenir les actes destinés à constater l'état civil des citoyens; Mais avant de choisir les officiers qui doivent être chargés de ces sortes d'actes, il faut commencer par en régler les formes ; avant de nommer une classe d'officiers publies, il faut savoir ce que ces officiers seront obligés de faire ; il faut déterminer quelles seront leurs fonctions : autrement, ou vous courez le risque d'imposer à des hommes estimables d'ailleurs, des devoirs au-dessus de leurs forces, ou vous vous trouverez obligés de
Erendre leurs capacités pour règle de leurs attri-utions ; de rappetisser ainsi toutes vos idées, et de transformer le contrat qui doit être le plus solennel dans un acte digne à peine des stipulations les plus ordinaires, dans la souscription d'une simple formule que trop souvent l'officier public lui-même saurait à peine lire. C'est ainsi, Messieurs, que votre comité de législation, après avoir, dans le premier titre de son projet, déclaré que l'officier chargé de recevoir ces sortes d'actes serait, excepté dans les villes dont la population excède 30,000 âmes, nécessairement chosi parmi les officiers municipaux ou les membres des conseils généraux des communes, s'est vu, dans le quatrième titre, forcé de tout ramener à cette première décision ; d'en réduire les fonctions à la souscription de petites formules, pour les mettre à la portée des fonctionnaires, et malgré cela, il n'est personne dans l'Assemblée qui n'ait jugé impraticable le nouvel ordre qu'il vous propose. Convaincus de l'impossibilité de trouver dans toutes les communes un officier municipal ou un membre de la commune qui puisse et qui veuille se charger gratuitement de fonctions si importantes, ae fonctions qui exigent une résidence constante, qui appellent nécessairement une si grande responsabilité, tous les orateurs n'ont monté dans cette tribune que pour substituer aux officiers désignés par le projet de Votre comité, ou des fonctionnaires déjà salariés par l'Etat, ou des hommes publics auxquels serait attribué un salaire.
Les uns vous ont proposé de charger de cette commission intéressante, les juges de paix; d'autres, de l'attribuer aux notaires. Il n'est pas jusqu'aux prêtres auxquels on n'ait imaginé que vous seriez obligés de recourir dans lè moment où vous vous occupiez de séparer les fonctions civiles des fonctions religieuses.
D'abord, préservons soigneusement tous les actes relatifs à l'état civil des citoyens, de l'intervention de tout ministre de culte, et ne donnons pas lieu nous-mêmes à la déplorable confusion qui atteste la barbarie des siècles où elle a pris naissance, et qui doit finir où commence le règne de la philosophie et de la raison.
L'établissement dès juges de paix est un de ceux qui honorent le plus l'Assemblée constituante; mais, distribués par canton, et déjà chargés de fonctions qui les obligent à un dé-
placement trop fréquent, ils ne seraient ni assez à portée des citoyens, ni n'auraient assez de temps à employer à la nouvelle magistrature dont on voudrait les décorer.
Si l'on veut que ces magistrats soient vraiment utiles à leurs concitoyens, ne les détournons point de leur destination unique, ne les troublons point dans l'honorable mission qu'ils ont reçue; améliorons, s'il est possible, leur sort, trop au-dessous des soins pénibles qu'exigent les fonctions trop multipliées peut-être qu'ils ont déjà à remplir, et ne les surchargeons point d'une attribution nouvelle qui, en multipliant leurs devoirs sans accroître leurs forces, ne servirait qu'à compromettre infailliblement et en Vain la plus salutaire des institutions.
Les notaires, aussi peu à la commodité des citoyens par la manière dont ils se trouveront distribués, appelés sans cesse de toutes les parties de l'arrondissement quf leur sera désigné, continuellement distraits par les conventions particulières qu'ils seront chargés de rédiger, conviennent encore moins que les juges de paix; ne recevant d'ailleurs aucun émolument de la nation, il faudrait ou qu'elle leur fît un traitement particulier, ou qu'elle les autorisât à exiger un salaire ^ raison des fonctions nouvelles qu'elle leur attribuerait. Dans le premier cas, ce serait accroître les charges de l'État d'une dette immense. Dans le deuxième, ce serait en quelque ^orte établir un impôt sur le mariage, la naissance et la mort.
Lorsqu'on demande quel doit être le mode de constater l'état civil des citoyens, pénétrons-nous bien, Messieurs, de la grande question qui nous est proposée. Songeons qu'il ne s'agit pas seulement, comme sous l'ancien régime, de faciliter à un despote les moyens de se procurer le dénombrement de ses sujets. Les esclaves n'ont point d'état civil. L'homme libre seul a une cité, une patrie; lui seul naît, vit et meurt en citoyen. Tous les actes relatifs à sa naissance, à son mariage et à son décès doivent donc annoncer ce grand caractère.
Ce ne sont point de simples formalités judiciaires qu'il faut introduire, de petits procès-verbaux qu'il faut ordonner, mais des formes vraiment civiques qu'il faut créer ; et le projet de votre comité, bien insuffisant sousce rapport, n'est pas même susceptible d'exécution.
Dans le titre qui concerne les naissances, votre comité veut que l'enfant soit porté à la maison commune, et présenté à l'officier public. 11 établit, dans celui qui est relatif aux mariages, que les publications seront faites devant la porte extérieure et principale de la maison commune, et que l'acte de mariage sera reçu dans la maison commune du lieu du domicile de l'une des parties.
Votre comité suppose ainsi que, dans toutes les municipalités de l'Empire, il existe des maisons communes, tandis que le contraire est malheureusement trop certain. Ce n'est pas cependant pour les villes seules que la loi sera faite, et dans la plupart des campagnes, il n'y a, ni maisons communes, ni édifices propres a s en servir. Tous les citoyens, les membres des communes eux-mêmes, se réunissent dans les églises lorsqu'ils sont obligés de s'assembler; vous ne choisirez pas les temples pour l'exécution d'un décret destiné principalement à séparer les fonctions civiles des fonctions religieuses. Je ne vous dirai pas, Messieurs, qu'il faut craindre de réveiller le fanatisme par l'aspect
d'un lieu où il a trop souvent pris la place d'une religion douce et consolante. Je sais que le fanatisme n'est plus à craindre; que tous ses efforts désormais ne peuvent exciter qu'un rire de pitié, et ne méritent que le mépris. Mais je connais aussi le caractère dominant du prêtre, sa tendance perpétuelle à l'usurpation, son habileté à faire servir les moindres événements à ses vues ambitieuses, le danger conséquemmènt de laisser exposé à son influence l'exercice des fonctions que l'imbécilité lui avait laissé envahir, et dont il ne se verra dépouiller qu'à regret. Je sais que de bieft. moindre circonstance ont été trop souvent le principe de la grandeur sarcer-dotale. Je sais par quels "miracles la bure a triomphé de la pourpre romaine, et comment la ligne d'un pêcheur s'est métàmorphosée en un scèptre. En un mot, je sais que l'homme prudent ne laisse pas sa bourse, quand il l'a recouvrée, sous la main de celui qui déjà s'en était emparé,
D'un autre côté, Messieurs, on ne prétendra pas que l'habitation du maire ou celle d'un des officiers municipaux, doive, en pareil cas, servir de maison commune. Outre que leè maires et officiers municipaux des campagnes ne résident pas toujours dans le lieu où se rassemblent les habitants de la commune et où doivent se faire toutes les publications qui les intéresse, il ne serait ni convenable, ni décent de transformer en un établissement municipal, la demeure d'un simple particulier, variable à soh gré suivant ses caprices ou ses besoins. Fandra-t-il donc, Messieurs, que, pour exécuter le plan de votre comité de législation, toutes les municipalités qui n'ont pas de maisons communes en fassent Bâtir, ou que les actes qui doivent être les plus solennels, n'aient pas même un lieu fixe qui leur soit consacré?Mais sans construire à grands frais des maisons communes, on peut offrir aux citoyens un centre commun de réunion bien autrement digne d'attacher leurs regards.
Il n'est point de bourg, il n'est point de village qui n'ait une place publique dont il puisse disposer. Eh bien, que dans toutes les communes ae l'Empire un monument simple, mais respectable pour tous lès amis de la liberté, plus grand par l'objet qu'il offrira à nos regards que par le luxe ae son architecture; qu'un autel, formé d'une pierre sur laquelle sera gravée la Déclaration des Droits de 1 homme, soit élevé à la patrie. Que devant cet autel, à jamais l'objet de notre vénération, de notre culte civique, se fassent toutes les publications, tous les actes qui intéressent l'état civil et politique des citoyens : que la loi elle-même y soit lue, y soit notifiée au peuple : et puissent les législateurs n'oublier jamais que la promulgation s'en fera en présence de la Déclaration des Droits !
Que devant Cet autel, le citoyen soit traduit à chaque époque intéressante de sa vie. Qu'en naissant ce soit en quelque sorte son premier berceau, qu'il ne puisse faire un pas dans la carrière civile et politique sans embrasser ce monument tout à la fois si respectable et si cher. Qu'aux pieds de cet autel il soit à 18 ans armé pour le maintien de la liberté, admis garde national; qu'à 21 ans il y reçoive l'honneur de l'inscription civique; que parvenu à l'âge viril il y contracte le doux lien qui doit l'unir encore plus étroitement à la société ; qu'il y obtienne le nom d'époux et l'espoir d'acquérir celui de père. Qu'à sa mort même il y soit apporté et lui rende un dernier hommage ; que tout rappelle
au citoyen qu'il naît pour sa patrie, qu'il doit vivre, qu'il doit mourir pour elle.
Chez un peuple esclave, dans un gouvernement corrompu on donne tout au luxe et à la fausse grandeur, et rien à la dignité nationale. Cette majesté de la puissance publique, qui doit frapper tous les regards dans toutes les parties de l'Empire, semble absorbée tout entière par le despote qui toujours la dégrade et l'avilit. Chaque individu dans cet état de dégradation, dédaigne tout ce qu'il partage avec le reste de la société, et veut être distingué des autres parce qu'il sent que confondu avec les autres il n'est rien. Les membres de cette société malheureuse ressemblent aux enfants qui montent sur des échassés pour se grandir, et ne prouvent que mieux aux hommes raisonnables qu'ils ne sont que des enfants.
C'est ainsi qu'on a vu les Français de l'ancien régime se disputer le fol honneur de se distinguer les uns des autres et paraître plutôt placer leur grandeur dans l'humiliation de leurs semblables que dans leur élévation personnelle. C'est ainsi qu à chaque naissance, qu'à chaque mariage se faisait un nouveau sacrifice à l'imbécile orgueil, et que la mort même semblait le dernier tribut plutôt payé à la vanité qu'à la nature. Dans tous les actes ostensibles, dans toutes les cérémonies publiques on remarquait le financier, l'homme de robe, l'officier militaire, le magistrat, l'homme riche, l'homme de qualité, et nulle part le citoyen.
Aujourd'hui que la dignité de l'homme brille dans tout son éclat, tous les misérables hochets, inventés pour consoler de la dégradation humaine, doivent disparaître. Un mode simple et uniforme doit succéder à toutes les caricatures aristocratiques destinées moins à constater l'état civil des citoyens qu'à propager, qu'à faire revivre entre eux des distinctions proscrites. Il faut que tous les actes relatifs à leur naissance, à leur mariage, à leur décès soient autant d'hommages rendus aux principes sacrés que consacre la Constitution. Il faut qu'ils soient autant de leçons de patriotisme; il faut qu'ils rappellent à tous les membres du corps politique quels sont et les devoirs et les droits de l'homme en société ; en un mot, Messieurs, unissons tellement l'ordre naturel à l'ordre social, qu'ils ne fassent plus qu'un. Faisons servir le doux sentiment de la nature à exciter, à entretenir un sentiment non moins doux et plus sublime encore; fondons en quelque sorte toutes les passions dans celle du bien public qui doit toutes les dominer.
Le spectacle d'un enfant intéresse l'âme la moins sensible; celui qu'offre l'union de deux époux qui se jurent mutuellement amour et fidélité, n'inspire pas moins d'intérêt; et le plus barbare s'attendrit à la vue d'un ennemi même qui expire. La cérémonie lugubre d'un convoi, en rappelant à l'homme sa fin dernière, l'associe pour ainsi dire au deuil de la famille du décédé : ennoblissons toutes les sensations que le cœur éprouve dans ces positions diverses ; imprei-gnons-les, s'il est permis de s'exprimer ainsi, d'une teinte civique ; profitons de l'instant oïi l'âme est ainsi agitée, pour la pénétrer des vertus qui doivent l'agrandir, qui doivent l'élever au-dessus d'elle-même.
Naissances.
Les cérémonies civiques doivent parler au cœur encore plus qu'aux yeux.
S'agit-il de constater la naissance d'un citoyen français ? que l'enfant soit porté sur l'autel de la patrie et présenté aux magistrats du peuple ; que dans ce premier acte relatif à la vie humaine, soit consigne le principe sacré que tous les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Qu'en inscrivant le nom du nouveau-né sur le registre des enfants de la patrie, les magistrats du peuple lui garantissent, au nom de la nation, liberté, justice, égalité ; qu'ils lui' annoncent que la nation, sa seconde mère, ne veut pas même qu'il soit esclave de l'erreur; qu'elle s'engage à lui procurer une instruction digne d'un citoyen libre. Qu'à son tour le père, le parent ou le citoyen qui le remplace dans cette cérémonie touchante, promètte, au nom de l'enfant, fidélité à la nation, soumission à la loi et respect aux autorités constituées, et que cette espèce d'inauguration civique soit terminée par le cri de : Vive libre ou mourir.
Que désormais enfin l'acte de naissance d'un Français ne se borne pas à énoncer que l'enfant est le fils de tel ou tel citoyen ; mais qu'il contienne l'engagement synallagmatique qui lie le citoyen à la patrie, et la patrie au citoyen : et voila le titre vraiment digne de passer à la postérité; voilà le titre dont pourra s'énorgueillir l'homme qui connaît le prix de la liberté et de l'égalité.
L'obiet que se propose l'Assemblée nationale étant de constater l'état civil des citoyens, il mé semble, Messieurs, qu'on ne doit pas oublier ici les deux formalités établies comme base essentielle de l'existence sociale, comme principe fondamental de l'activité : l'inscription sur le rôle des gardes nationales et l'inscription civique. Les décrets de l'Assemblée coustituante ordonnent bien ces inscriptions ; mais en vous laissant le soin d'en régler la solennité, ils vous ont réservé la partie la plus intéressante de la loi.
Inscription sur le rôle de la garde nationale.
Suivant le décret du 12 juin 1790, c'est par l'inscription sur le rôle des gardes nationales que les enfants des citoyens actifs, âgés de 18 ans, acquièrent le droit de porter les armes. Laisser faire cette inscription obscurément dans l'intérieur d'un greffe, c'est perdre tout l'effet qu'elle produirait infailliblement, si elle était accompagnée des formes extérieures que semble exiger son importance. Il ne s'agit pas ici, comme-dans ces temps consacrés à l'extravagance et à la folie, d'armer un noble chevalier, de l'instituer le redresseur des torts ; mais si cette extravagante chevalerie a pu quelquefois agir si puissamment sur celui qui s'en croyait honoré, quel enthousiasme n'inspire pas à un jeune homme de 18 ans, à un Français libre, l'honneur d'être armé citoyen, si cet armement se fait l'appareil dont il est susceptible.
Pour le rendre plus solennel, fixez d'abord une époque mémorable; qu'au jour consacré au renouvellement du pacte fédératif, que le 14 juillet les jeunes citoyens âgés de 18 ans soient conduits par les vétérans à l'autel de la patrie sans armes ; qu'en trouvant l'autel entouré de celles qui leur sont destinées, ils apprennent que la force armée n'est établie qu'en aide de la loi, qu'ils ne reçoivent des armes que pour la défendre, et que ce n'est qu'en se ralliant autour d'elle qu'un peuple peut demeurer libre.
Qu'alors^ l'officier qui présidera à cette cérémonie civique rappelle aux jeunes citoyens la protection dont a joui leur enfance, celle qu'ils i
doivent à leur tour à la faiblesse de l'âge, et le respéct qu'a droit d'exiger le vieillard infirme qui a glorieusement fourni sa carrière. Qu'à l'instant où ils sont inscrits sur le rôle des gardiens de la liberté, ils sachent tout ce qu'on a droit d'attendre de leur zèle et de leur patriotisme, et qu'au moment où ils reçoivent leurs armes se fasse partout entendre le cri de ; Vivre libre ou mourir.
Inscription civique.
L'inscription des jeunes gens de 21 ans sur le tableau des citoyens actifs, doit, suivant le décret du 22 décembre 1789, avoir lieu lors des assemblées primaires; mais est-ce dans l'appartement où se tiennent ces assemblées que cette inscription devait être faite 1 Combien ne sera-t-elle pas plus importante, si, aux pieds de l'autel de la patrie, les citoyens reçoivent les premiers serments des jeunes candidats 1 C'est la, là seulement, c'est en entendant la lecture de la Déclaration des Droits, qu'ils connaîtront â quelles fonctions importantes ils sont appelés; les devoirs qu'ils auront à remplir lorsqu'à 25 ans ils jouiront de la pleine activité, qu'il se pénétreront de la nécessité de s'en rendre dignes.
Mariages.
La société ne peut considérer le mariage que comme un contrat civil, mais qui mérite cependant d'être distingué de tous les autres contrats. Ce n'est pas seulement l'acte privé des deux individus qui s'associent pour leur intérêt particulier. Le mariage intéresse la société tout entière,
Son objet principal est de faire servir au main* tien des mœurs le principe même qui sert à les corrompre ; et de perpétuer la société en épurant les plus doux sentiments de la nature ; aussi la société intervient-elle dans ce contrat sacré. Si les deux époux se promettent fidélité et amour mutuel, la société s'engage à reconnaître pour enfants légitimes des deux contractants les fruitsde leurs chastes amours. Avant même qu'ils soient nés, leur berceau est entouré de toute protection, de toute la force de la loi. Voilà pourquoi ce contrat exige autant de publicité que de liberté ; voilà pourquoi des publications doivent précéder sa dernière solemnité ; et c'est devant l'autel de la patrie que ces publications doivent être faites, que l'engagement des deux époux doit être contracté pour annoncer que Je mariage est un des premiers devoirs du citoyen.
Que la définition du mariage soit puisée dans l'Acte constitutionnel, et won dans le droit romain, et que la formule dans laquelle doit consister l'engagement caractérise lTièureuse union de deux êtres libres ; que les deux époux, dans ce moment intéressant, annoncent eux-mêmes que les plus doux sentiments de la nature ne leur font point oublier qu'avant d'être l'un à l'autre ils appartenaient à la patrie, et que le vœu matrimonial soit scellé du cri de : Vivre libre ou mourir.
Décès.
Sous l'ancien régime, oh avait grand soin de dire, pour consoler des esclaves, que la mort rendait tous les hommes égaux, et les tyrans étaient de toutes les manières intéressés à ensevelir la précieuse égalité dans la tombe. Impunément vexateurs pendant leur vie, ils descen-
dent encore dans le tombeau avec la flatteuse espérance de s'y trouver les égaux de l'bomme de bien.
Chez un peuple libre, la maxime contraire doit être gravée en lettres d'or sur l'autel de la patrie. Tant qu'ils vivent, les citoyens sont égaux en droit devant la Constitution et la loi : mais ont-ils vécu, c'est alors qu'il ne peut pas plus y avoir d'égalité entre eux, qu'il en existe entre l'utilité et l'inutilité, le vice et la vertu. Alors chacun occupe le rang que lui désignent les services qu'il a rendus à son pays, ou les maux qu'il lui a causés. Le grand homme est placé dans le Panthéon, tandis que le traître est traîné dans la fange, et livré à l'exécration publique. Et ces distinctions précieuses, les seules qu'un peuple libre puisse reconnaître, sont lîeffroi des méchants, et l'espérance de l'homme de bien.
Quand M. Lemontey vous a proposé de laisser à chaque famille le soin de disposer, comme elle le jugerait à propos, des tristes restes de ceux qui lui ont appartenu par les liens du sang, il n'a pas réfléchi aux conséquences de cette proposition. Que fût devenu le corps de Mirabeau, s'il avait été livré à son indigne frère, comme une propriété de famille ? Le corps du grand homme appartient à la nation qu'il a servie, et ceux des autres citoyens doivent avoir une sépulture commune. Décrétez la motion de M. Lemontey, et bientôt vous verrez encore de superbes mausolées insulter aux cendres de l'homme modeste et vertueux; de superbes mausolées s'élever pour renfermer celles de l'homme vicieux ou inutile. N'oublions jamais que la patrie reconnaissante a seule le droit de décerner des honneurs à la mémoire des morts, et que nou6 n'appartenons plus à personne, des que nous cessons de lui appartenir. Qu'après son décès, tout citoyen soit donc présenté à l'autel de la patrie ; que tout annonce le cortège funèbre d'un homme qui est mort libre, et au nom duquel on vient rendre un dernier hommage à la loi protectrice de sa liberté- Que l'on rappelle les droits que les services qu'il peut avoir rendus à son pays lui donnent a la reconnaissance publique, et le prix flatteur dont la patrie s'est engagée à les payer. Si cette annonce n'est pas souvent un grand sujet d'espoir pour les parents du mort, elle sera toujours du moins un principe d'émulation, une leçon d'encouragement.
Comme tous les hommes sont frères, les étrangers partageront ces honneurs funèbres • qu'après leur mort on vienne donc en leur nom rendre un dernier hommage à la Déclaration des Droits, qui est le patrimoine de toutes les nations.
Enfin, Messieurs, que la Liberté, la Justice, l'Egalité, placées sur l'autel de la patrie, soient continuellement exposées à la vénération de tous les hommes, de quelque pays, de quelque secte qu'ils puissent être.
Craindrait-on que les ennemis de tout ce qui; peut concourir à entretenir l'esprit public, ne cherchassent à empoisonner les intentions pures dans lesquelles ce projet vous est présenté, qu'ils n'entreprissent de persuader aux gens faciles à séduire, qu'on se propose d'élever un culte profane sur les débris du culte catholique ? D'un mot il sera facile de rassurer les esprits timides que ces craintes pourraient alarmer, et ce mot est dans la Constitution qui, en consacrant la liberté des cultes, garantit à tous les hommes le libre exercice de celui qu'ils professent.
M. Lemontey|a pensé qu'il devrait y avoir un mode particulier pour constater l'état civil des
membres de la dynastie régnante. Ce que la nation fait pour cette femillè privilégiée, le rang auquel elle l'a élévé, la dignité qu'elle y perpétue comme un héritage, peuvent sans doute exiger des formalités particulières qui rappellent aux princes français la grande magistrature à laquelle ils sont héréditairement appelés, et ce qu'ils doivent faire pour s'en rendre dignes. , M. Lemontey ne parle que des actes relatifs à la naissance. U ne faut pas imiter ces courtisans qui n'auraient osé prononcer le nom de mort devant leurs maîtres. C'est surtout quand la personne du roi a été déclarée inviolable, qu'il faut lui apprendre que cette inviolabilité ne passe pas à sa mémoire ; qu'il sera arrêté sur le bord ae la tombe, qu'il n'y descendra qu'après avoir été jugé par la nation dont il a été le premier magistrat.
Chez les anciens Tartares la personne du roi était aussi, pendant sa vie, regardée comme inviolable ; mais était-il mort, on embaumait le corps, on le plaçait sur un char ; le cadavre royal était ainsi transporté, non seulement dans toutes les provinces de l'Empire, mais chez toutes les nations qu'il avait subjuguées, et il était permis aux peuples de chaque province de lui faire quelques outrages pour se venger des injures qu'ils croyaient en avoir reçues. Ce n'était qu'après que chacun s'était cruellement satisfait, que, ramené au lieu où il était mort, le cadavre mutilé recevait les honneurs funèbres.
Quelle leçon pour son successeur 1 Je ne vous proposerai pas, Messieurs, d'adopter cette coutume barbare, plus digne d'esclaves que d'un peuple l|bre ; mais se livrer sur un cadavre aux outrages d'une populace effrénée, une grande nation peut adopter les Bublimes institutions d'un peuple chez lequel les sages mêmes de la Grèce allaient s'instruire; elle peut, à l'instar des Egyptiens, rendre une éclatante justice à la mémoire de ses rois. A l'instant où l'inviolabilité de la personne cesse, la responsabilité morale commence, et tous les peuples ont lé droit de l'exercer; qu'alors tous les citoyens de l'Empire manifestent leur opinion sur la conduite du prince décédé? que la place qu'il doit occuper dans l'histoire soit marquée, et qu'un jugement solennel acquitte ou venge la nation.
Les cérémonies civiques étant réglées, le mode de constater les naissances, mariages et sépultures, une fois déterminé, c'est actuellement l'instant de savoir à quels magistrats vous con-r fierez ces actes importants.
Quand votre comité vous a proposé d'en charger les officiers municipaux, il y a été déterminé, vous a-t-il dit, par une considération vraiment digne de l'attention nationale. Lè citoyen naît dans le sein de sa municipalité;, c'est là qu'il Croît et qu'il s'élève. Tout ce qui tend à fixer, à constater, à établir son état politique, est du, ressort de la municipalité à laquelle il est attaché. Il est conséquent que ce ressort s'étende aussi au droit de constater son état civil.
Loin d'attaquer cés principes, je ne veux, Messieurs, jue vous offrir les moyens de lës mettre à exécution. Si le mode de constater l'état civil dès citoyens était réduit à la rédaction de simples procès-verbaux, comme le propose votre comité, vous n'auriez besoin que d'un scribe et vous le trouveriez difficilement parmi les officiers municipaux.
Mais dans le plan que j'ai l'honneur de vous présenter, vous emploierez ces magistrats avec succès, non comme.rédacteurs d'actes ijm portants,
qu'ils seraient trop souvent horsd'étatde rédiger, mais pour présider aux cérémonies civiques qui en doivent précéder la rédaction. Alors il n'est point de municipalité qui ne soit flattée de l'honneur que vous lui déférerez et qui ne soit en état de répondre à votre confiance. Il ne s'agira plus que ae trouver un fonctionnaire capable de tenir les registres et auquel on puisse confier un si précieux dépôt.
Et quel homme en est plus digne que celui à qui vous confierez un dépôt bien plus précieux encore : l'éducation des jeunes citoyens; que celui qui sera revêtu de la magistrature la plus recommandable ? Car le premier magistrat du peuple est celui qui l'instruit, le forme, lui apprend à connaître ses droits, à remplir ses devoirs.
Votre comité d'instruction publique a reconnu la nécessité d'établir une école primaire et un instituteur dans tous les villages qui ont depuis 400 jusqu'à 1500 habitants. Ce ne sera certainement pas, Messieurs, sur cette partie du projet qu'il pourra s'élever des difficultés sérieuses : nous reconnaissons tous la nécessité d'instruire le peuple; et, pour y parvenir, ce n'est pas seulement les adresses qu'il faut lui envoyer; ce sont des instituteurs patriotes qu'il faut établir dans tous les bourgs et municipalités de l'Empire. Eh ! Messieurs, si dès le principe ce moyen avait été employé il n'y aurait plus dé fanatisme en France et nous n'aurions pas été obligés de faire une loi répressive contre des hommes dont tout le pouvoir est -fondé sur l'ignorance des infortunés qu'ils abusent. Mais ce qu'on aurait dû faire depuis longtemps, empressons-nous du moins de le faire aujourd'hui. Décrétez l'établissement des écoles primaires ; chargez vos comités d'instruction publique, de division et de législation de vous proposer, sous ce nouveau point^de vue, un projet sur le nombre des instituteurs à établir, leur emplacement, le mode de leur élection et le traitement qu'on leur fera.
Ce point une fois réglé, vous aurez alors des greffiers pour toutes les municipalités de vos campagnes ; vous avez des officiers civils, capables de rédiger les actes relatifs aux naissances, mariages et décès des citoyens ; des officiers civils sujets à la résidence, comme les ministres du culte catholique et que la nature de leurs fonctions obligera encore d'être plus sédentaires qu'eux ; des officiers civils dont les connaissances ne seront pas bornées à quelques misérables principes de théologie ou ae philosophie scho-fastique, plus propres à obscurcir l'esprit qu'à l'éclairer; des officiers civils, en un mot, dont le cœur comme le sort sera attaché à la Constitution. Combien de citoyens estimables, combien de pères de famille, que la Révolution a laissés sans état, brigueront l'honneur d'être choisis pour les instituteurs de leurs concitoyens ! C'est ainsi et ainsi seulement, que vous pourrez rompre la dernière chaîne du gouvernement théocratique, éteindre les dernières torches du fanatisme, sans éprouver aucune secousse; c'est en faisant briller le flambeau de la raison devant les yeux du peuple, que vous le préserverez de tous les pièges que le mensonge et la perfidie tendent à son ingénue simplicité, à sa bonne foi. . i, ' . ,
Si ce plan n'est pas indigne de fixer l'attention de l'Assemblée nationale; si vous jugez, Messieurs, qu'il soit propre à ranimer de plus çn plus l'esprit public, à exciter, à entretenir le dévouement à la patrie, l'amour de la Constitu-
tion et de la liberté, je demande que la rédaction du projet de décret soit renvoyée à votre comité de législation ; aujourd'hui je me bornerai à vous en offrir seulement les bases. L'expérience vous a appris que lorsqu'il s'agit d'une loi importante et susceptible de grands développements, cette marche est en même temps la plus expédi-tive et la plus sûre; cette marche est celle qui préserve le mieux du vague des discussions, celle conséquemment qui convient surtout à une Assemblée dont tous les instants précieux appartiennent à la chose publique.
Voici, Messieurs, les bases que j'ai l'honneur de vous proposer :
PROJET DE DÉCRET
« Art. 1er. Dans toutes les communes de l'Empire, il sera élevé
un autel de la patrie, formé d'une pierre sur laquelle sera gravée la déclaration des
"Droits, avec cette épigraphe : Le citoyen naît, vit et meurt pour la patrie.
« Art. 2. Devant ce monument se fera la promulgation des lois.
« Art. 3. Il en sera de même des publications de mariages, et de toutes celles qui intéressent l'ordre public, comme aussi de l'inscription des jeunes citoyens à 18 ans, sur le rôle des gardes nationales, et,.à 21 ans sur le tableau des citoyens actifs.
« Art. 4. Devant l'autel de la patrie seront également constatés les mariages, naissances et décès.
« Art. 5. Tous les actes se feront avec les solennités les plus propres à rappeler la dignité de l'homme, les droits et les devoirs d'un citoyen libre.
« Art. 6. Les préposés à l'instruction publique seront chargés des registres des naissances, mariages et décès.
« Art. 7. Pourront néanmoins, dès lé jour de la publication du présent décret, les officiers municipaux et membres du conseil des communes, en attendant que les écoles primaires soient établies, provisoirement charger l'un d'eux des registres, ou nommer tel autre citoyen qu'ils jugeront capable de les tenir.
« Art. 8. Les comités d'instruction publique, de division et de législation réunis proposeront dans la huitaine un projet de décret sur le nombre des instituteurs a établir, leur emplacement, le mode de leurs élections et le traitement qu'il convient de leur faire.
« Art. 9. Les comités de législation et d'instruction publique réunis détermineront, dans les mêmes délais, quelles cérémonies civiques doivent accompagner l'inscription des jeunes citoyens, tant sur le rôle des gardes nationales, que sur le tableau des citoyens actifs et avec quelles solennités seront reçus les actes relatifs aux naissances, mariages et décès.
« Art. 10. L'Assemblée nationale déclare qu'en établissant des cérémonies civiques, elle n'entend nullement les substituer aux cérémonies religieuses, dont le libre exercice est une conséquence de la liberté des cultes, garantie à tous les citoyens par l'Acte constitutionnel. » (Applaudissements prolongés.)
Plusieurs membres: Nous demandons l'impression.
(L'Assemblée décrète l'impression de l'opinion et du projet de décret de M. Gohier.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une
lettre de M. Duranthon, minisire de la justice, ainsi conçue :
* Monsieur le Président,
« J'ai l'honneur de prévenir l'Assemblée que lé roi vient d'apposer la formule constitutionnelle : le roi examinera : 1° sur le décret du 27 mai 1792, qui détermine le cas et les formes de la déportation des ecclésiastiques insermentés; 2° sur le décret du 7 de ce mois, portant que la force armée sera augmentée de 20,000 hommes qui se réuniront près de Paris au 14 juillet.
« Je suis avec respect.....
« Signé : DuraNthon. »
Plusieurs voix : L'ordre du jour !
Je crois que le ministre doit renvoyer les expéditions des lois, au bas desquelles est la formule : le roi examinera; c'est-à-dire que les expéditions qui ont été portées soient envoyées au Corps législatif, et qui constatent que le roi a apposé la formule constitutionnelle. J'examinerai.
Je demande que le ministre de la justice fasse passer ces expéditions à l'Assemblée.,
Il n'y a pas un mot dans' la Constitution de la dernière motion de M. Delacroix.
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur cette dernière proposition)
Je demande si, lorsque le roi a apposé son premier veto, le ministre de la justice ne l'a pas déposé sur le bureau. On lui fit une grande querelle de ce qu'il ayait voulu le motiver, de sorte que, dans les deux hypothèses, on lui fait une querelle.
La motion de M. Delacroix est dans la Constitution.
(L'Assemblée décrète que le ministre de la justice enverra les expéditions des lois au bas desquelles le roi a apposé la formule constitutionnelle : le roi examinera.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture des dons patriotiques suivants :
1° Un inconnu envoie 6 JL. 10 s. en billets patriotiques et en assignats ;
2° La société des amis de la Constitution de Tournus, département de Saône-et-Loire, envoie 441 1. 5 s. en assignats ; 7 1. 3 s. en espèces et une montre d'argent;
3° Le tribunal du district de Domfront se soumet à laisser sou traitement, 200 livres par quartier, à compter du 1er juillet 1792, pendant la durée de la guerre.
(L'Assemblée accueille ces offrandes avec les p»lus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal dont un extrait sera remis à ceux des donateurs qui se sont fait connaître.)
Je demande la parole pour une motion d'ordre. Elle n'est pas relative à la discussion, mais elle est relative à l'intérêt de la nation. C'est avec douleur que je me vois obligé de répéter la motion que j'ai déjà faite et qui a déjà été adoptée par l'Assemblée. Je défie aucun militaire, soit dans cette Assemblée, soit même en France, qui puisse me prouver que les forces que nous avons contre 1 ennemi pour faire la guerre offensive soit suffisantes. Je dirai à tous ceux qui m'entendent que, lors des dernières
guerres, ayant affaire au même ennemi, nous avions sous les ordres du maréchal de Saxe, 150,000 hommes, et nous avions une armée de 50,000 hommes contre les Savoyards. Malgré toutes ces forces supérieures, nous restions des années entières sans prendre des places. On ne fait pas la guerre offensive avec des forces comme les nôtres.
Lorsque le roi exerça son initiative pour demander à l'Assemblée une armée de 15,000 hommes, nous crûmes tous que ces 15,0000 hommes seraient envoyés effectivement contre l'ennemi. Le ministre a demandé qu'on arrêtât les progrès du recrutement, qui était si fort qu'il dépassait déjà de beaucoup les 5,000 hommes que l'on avait demandés pour compléter l'arméè. Cependant il est constant que nos armées ne sont point complètes, que vous n'êtes pas en état de faire une guerre offensive, que vous ne pourriez pas même faire une guerre défensive honorablement.
Le Dieu des armées est toujours du côté des gros bataillons. Je ne cesserai de le, répéter. J'avais demandé que le comité militaire fît un rapport sur l'état effectif des troupes, qui sont dans les différentes garnisons du royaume, le nombre des régiments et le nombre de l'armée du Midi. Que cet état soit imprimé et distribué à chaque membre de l'Assemblée, afin qu'on puisse être à même de juger par le nombre, si la distribution a été bien ou mal faite et de savoir quel est le ministre qui a fait ces bonnes ou mauvaises distributions. Vous serez encore dans le cas, d'après cet exposé du comité militaire, et la connaissance que vous aurez par ces états, de juger si vous ne devez pas ordonner un recrutement de 30 ou de 50,000 hommes.
Un membre : Le roi n'en a pas besoin. (1Murmures.)
, Si je ne connaissais pas l'état de l'armée et si je ne voyais le péril menaçant dans lequel nous sommes, si l'Assemblée nationale ne prend pas des mesures vigoureuses pour y parer {Applaudissements à gauche. — Murmures à droite.)... nous ne sommes pas dans le cas de conti-nuer la guerre, et je le soutiens, et je défie qui que ce soit d'établir le contraire par une preuve suffisante. Quand je dis que vous serez dans le cas d'ordonner un recrutement de troupes, je n'entends pas, par là, ôter le veto, parce que cela ne nous regarde pas. Mais j'entends qu'une fois que le roi a exercé son initiative,soit pour la déclaration de guerre, soit pour le Complément des troupes, vous devez déclarer par un décret que vous entendez porter le nombre des hommes à tel taux. Je crois que lorsque vous aurez fixé ce nombre, le décret qui lé fixera ne sera sûrement pas vetoté, parce que le veto serait contre les formes constitutionnelles.
Je demande que le comité militaire soit tenu, samedi, de vous faire un rapport, à défaut de quoi j'offre moi-même de détailler à l'Assemblée les états qui ne sont peut-être pas exacts ; et je proposerai à l'Assemblée le nombre suffisant ae troupes qu'il faut décréter. (.Applaudissements des tribunes.)
Messieurs, l'Assemblée, dans sa sollicitude, décréta dernièrement qu'elle aurait une commission de douze de ses membres. Eh bien, Messieurs, cette commission s'est divisée en deux sections. L'une de ces sections est spécialement chargée de vous présenter demain ou après-demain, d'abord l'état du recrutement
actuel et du défleit de l'armée au 1er juin. 11 est impossible d'aller plus loin d'une manière authentique, parce que c'est là où sont les procès-verbaux des différentes recrues passées, qui constatent le déficit des hommes. Ensuite, Messieurs, on vous présentera l'état des emraagasinements pour les places de guerre et des subsistances pour l'armée. Dans cette semaine, votre commission vous fera connaître l'état des troupes de vos armées; et, si vous ne trouvez pas ces forces suffisantes, vous pourrez prendre des mesures pour les augmenter, mais daignez attendre le moment où votre commission vous rendra compte.
Je suis parfaitement de l'avis du préopinant, puisque je n'avais demandé le rapport que pour samedi.
(L'Assemblée décrète la proposition de M. Aubert-Dubayet.)
(La séance est levée à quatre heures.)
A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE
DU
pétition du sieur Saunier (2), ci-devant officier coureur de vin de la maison d'Artois, qui demande une revision du décret relatif à la liquidation des officiers des maisons des frères du roi.
Messieurs,
Je viens présenter à l'auguste Assemblée une juste réclamation sur un décret qu'elle vient de rendre tout récemment contre les officiers titulaires des frères du roi, sans qu'ils aient été entendus, et elle est sûrement le vœu de tous parce que les intérêts de tous sont grièvement blessés par ce décret. Par l'une de ses dispositions (art. 3 et 4) il est dit : « Que le commissaire du roi pour la, liquidation 'tdes dettes de l'Etat liquidera ce qui devra être payé annuellement à chacun de çes officiers, d'après le montant de leurs finances, à raison de 7 0/0 de 25 à 40 ans, de 8 0/0 de 40 à 50 ans, de 9 0/0 de 50 à 60 ans et de 10 0/0 au-dessus de 60 ans. »
Ce qui a déterminé l'Assemblée à adopter ce mode est, sans doute, l'observation que lui a fait son comité, que ces officiers avaient acquis leurs charges à un double titre viager, qu'ils risquaient de les perdre par la mort du prince comme par la leur, mais, ce qui aurait du prémunir ce comité contre cette observation, ce sont les réflexions que je vais mettre sous vos yeux et qui lui sont échappées.
Si les officiers des princes ont acquis leurs offices viagèrement, c'est parce qu'ilsen retiraient plus de 30 0/0 en activité et au moins 20 sans exercice: que cela leur formait un état qu'ils avaient l'espoir certain de conserver sous les descendants immédiats des princes en cas de mort de ceux-ci ; autrement ils n'auraient jamais voulu courir le risque de deux chances si on ne leur eût offert que 10 0/0 de leur argent.
Les princes ont reconnu eux-mêmes, dans un temps non suspect, qu'ils n'avaient pas le droit de faire la foi a cet égard à leurs officiers. C'est en 1780, l'une des époques du dérangement de leurs officiers, alors ils firent proposer, à ceux de leurs officiers qui voudraient conserver leurs' charges, sans faire'de fonctions, de leur donner, comme dédommagement, 10 0/0 de leurs finances mais aucun d'eux ne voulut accepter parce que cet intérêt n'était pas proportionné aux risques des deux chances à courir, et les princes ont fini par transiger avec ces officiers, et à leur assurer au moins 20 0/0. C'est un fait qu'on ne peut pas révoquer en doute, et dont j'ai déjà fourni la preuve, pour ce qui me regarde, en produisant mes titres au bureau de liquidation, avant le décret contre lequel je réclame.
Sans doute, cet arrangement ne lie pas la nation, qui n'y a contribué en rien, mais il prouve que jamais les officiers des princes n'ont entendu, ni voulu, que lafinance de leurs offices fût aliénée pour un simple intérêt viager, même de 10 0/0. On risque volontiers une partie de sa fortune, et, quelquefois leitout, lorsqu'elle est modique, pour se procurer un état honnête et lucratif, mais rarement on hasarde tout pour jouir d'un simple viager. Les pères , de famille surtout seraient très blâmables de le faire et il en existe beaucoup dans le nombre des officiers des princes.
Que les représentants de la nation aient jugé à propos de proscrire en général la vénalité des offices pour tendre à la liberté et à l'égalité, rien de mieux; c'est un acte auquel tout bon citoyen se soumet ; mais?en même temps, ils ont senti qu'il était de la justice de la nation de rendre aux officiers le prix ou la finance de leurs charges,,et, pour cela, ils ont adopté différents modes avant de les rembourser sur le pied des derniers contrats d'acquisition, ou du centième denier, ou des quittances de finances.
Dans l'espèce, il y a une double nécessité d'user de l'une et de l'autre manière à l'égard des officiers des princes : la première résulte de l'engagement qui était déjà pris, au nom de la nation, par le décret du 9 juin 1790, qui veut que le remboursement des charges de la maison du roi et de celles de ses frères, soit compris dans la liquidation des dettes de l'Etat par suite de la proscription de leur vénalité ; et la seconde est puisée dans l'exacte justice qui ne permet pas ae traiter un officier qui a acquis un office dans le commerce, pour une somme supérieure à sa finance, comme celui qui n'a payé que cette seule finance sur le pied de la fixation, lors de la création.
Les officiers de la maison du roi sont des officiers à vie comme ceux des maisons des princes ; s'est-on permis et aurait-on pu se permettre de leur assigner une rente viagère pour remboursement? Non, sans doute, parce que cela aurait été contrevenir à l'engagement pris, au nom de la nation, par le décret de 1790, et par la même raison on ne le peut pas davantage par rapport aux offices des maisons des princes, d'autant que ce serait faire retomber le crime de ceux-ci sur d'honnêtes citoyens, qui sont restés attachés à leur patrie et les punir d'un fait qui leur est absolument étranger.
La nation, comme souveraine, peut bien abolir tous les offices, tous les droits qu'elle croit nuisibles à la société, à la liberté, à l'égalité, au bonheur de tous ; mais elle doit justice a ceux qu'elle prive par là de leur bien et ae leur état, et
la moindre qu'elle puisse leur rendre, c'est de leur rembourser le prix de leur acquisition, comme elle l'a fait jusqu'ici en général, et c'est cette justice que je réclameen ce moment, comme tous les autres officiers des princes,
Quand la nation ne serait pas engagée par le décret de 1790, elle ne pourrait pas, avec justice, forcer des citoyens à recevoir une rente viagère, pour tenir lieu de remboursement ; il faut, pour cela, le consentement des parties intéressées, auxquelles on peut seulement laisser le choix d'être remboursées, ou de se faire constituer une rente viagère u'après un mode déterminé, et, certainement, aucun des officiers des princes n'opterait pour ce dernier parti, surtout d'après la gradation défavorable adoptée par l'Assemblée.
Quoi, parce que je n'ai encore que 40 ans, on ne me donnera que 7 0/0 de ma finance (taux ; insuffisant en tout temps) lorsque je pourrais la faire valoir autant, et même davantage, dans le commerce, en conservant mon capital ? Quoi, j'aurai un 0/0 de moins que mon confrère parce que j'ai un mois ou deux de moins que lui en âge? Quoi, un officier qui a acheté son office dans le commerce à un prix double de la finance, comme cela était autorisé par l'Administration, ne recevra que la même somme que celui qui n'a compté que la finance originaire ? Tout cela est trop contraire à la justice pour pouvoir exister.
En un mot, un officier, qui perd son état, ne peut pas vivre avec une modique rente viagère ; il faut qu'il cherche à s'en' procurer un autre, à commercer, à faire valoir son industrie et ses talents, et ce n'est qu'avec les fonds qu'il avait mis pour acquérir celui dont il se trouve privé qu'il peut y parvehir, il faut donc les lui rembourser, cela est de toute équité. Je vais, Messieurs, mettre sous vos yeux un fait qui m'est personnel et qui servira d'exemple et de preuve à ce que je viens d'avancer : avec 1,000 écus, je puis rentrer dans une rente de 900 francs que j'ai été forcé d'aliéner à vil prix pour faire honneur à mes engagements, et je ne le pourrai pas, si, au lieu de me rembourser, on me constitue une rente viagère contre mon vœu et celui de la justice et la nation sera cause que je verrai! cette perte ajoutée à celle de mon état.
D'après ces réflexions, j'ai lieu d'espérer, ainsi que tous les autres officiers des princes, que l auguste Assemblée se portera à revoir son décret et à ordonner le remboursement de leurs charges d'après le mode qu'elle croira devoir prescrire, eu égard aux différences qui existent dans les acquisitions des titulaires.
Il me reste deux observations à faire sur les articles 5 et 6 du même décret qui me semblent aussi devoir en déterminer la réforme ou au moins l'explication.
Première observation.!!Assemblée constituante avait ordonné, par un décret du 29 juillet 1791, que le million de traitement, attribué à chacun des frères du roi, serait employé au payëment de leurs officiers èt domestiques étant dans le royaume, tant que leurs charges ne seraient pas liquidées : cependant et quoiqu'elles ne le soient pas encore, le nouveau décret fait cesser ce payement dès le 12 février dernier, époque à compter de laquelle il supprime le million de traitement et fait courir les rentes viagères, dont il ordonne la création pour tenir lieu de remboursement de finances.
D'abord, il y a une contradiction évidente
entre ce nouveau décret et celui dè 1791, puisque celui-ci assurait aux officiers le payement de leurs gagés et traitement tant que leurs charges ne seraient pas liquidées, et que l'autre en fixe la cessation au 12 février dernier en ordonnant seulement la liquidation, ce qui, d'ailleurs, est donner un effet rétroactif à la loi dont l'exécution ne devrait cependant jamais avoir lieu que du moment qu'elle est prononcée.
D'un autre côté, en prononçant contre les princes, la suppression du traitement que la nation leur accordait, à compter du 12 février dernier, ce n'est point eux que l'on punit, mais leurs officiers ou domestiques au payement desquels ce traitement avait été affecté par le décret de 1791, pour avoir lieu tant que leurs charges ne seraient pas liquidées, ce qui ne peUt pas être dans l'intention de l'Assemblée, dont la justice exige, au contraire, de les faire payer par la nation de leurs gages et traitement jusqu'au jour de leur remboursement ou, au moins, jusqu'à celui du nouveau décret qui les supprimera en leur accordant l'intérêt de leurs finances à partir de cette dernière époque.
Deuxième observation. Le nouveau décret, en déclarant la rente apanagère saisissable par les autres créanciers des princes, semble accorder à ces créanciers un privilège et l'exclusion des officiers et domestiques des princes, tandis que ceux-ci sont leurs vrais créanciers privilégiés pour tout ce qui leur est et sera dû d'arrérages de )eprs gages et traitement à l'époque où la natipn se cnargerâ de leur payer l'intérêt de leurs finances et de les rembourser, privilège qu'ils ont droit d'exercer sur tous leurs biens, de quelque nature qu'ils soient, au nombre desquels est nécessairement la rente apapagère.
Le séquestre de tous les biens des princes émigrés étant ordonné, cette rente apanagère doit en faire partie et c'est, avec les administrateurs des biens séquestrés, que chacun des créanciers en particulier doit faire reconnaître ses titres et sa créance et c'est par eux que le payement doit être fait, en commençant toutefois par les officiers et domestiques^ comme privilégiés, et d'après les états certifiés par le ministre de l'intérieur que l'Assémblée a ordonné qu'ils lui fussent remis par les ci-devant trésoriers des princës, des gages, émoluments et attributions des charges dont les officiers étaient titulaires avant le 1er juin 1789. Les renvoyer à se pourvoir dans les formes déterminées pàr les lois, c'est éloigner leur payement, c'est les exposer, sans nécessité, à des frais immenses qu'ils sont hors d'état de faire ; enfin, c'est les réduire à la mendicité, les faire périr de misère.
En conséquence, ces officiers ont lieu d'espérer que lorsque l'auguste Assemblée aura pesé, dans sa sagesse, toutes leurs respectueuses représentations, elle voudra bien pourvoir suivant sa justice sur les différents points qu'elles embrassent.
Signé : saunier, officier coureur de vin de la, maison d'Artois, demeurant à Paris, rue Vieille-du- Temple, n° 180.
Séance du
La séance est ouverte à six heures du soir.
Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres et adresses suivantes :
1° Lettre de M. Duranthon, ministre de la justice, qui annonce à l'Assemblée une procédure commencée par le tribunal du district de Nîmes, contre les nommés Pierre Borelly et Josepk Baume, prévenus du crime d'embauchage.
(L'Assemblée renvoie la lettre et la procédure au comité de surveillance,}
2° Lettre de M. Duranthon, ministre de la justice, qui transmet à l'Assemblée diverses pièces relatives aux troubles arrivés dans la ville d'Yssin-geaux: cette lettre est ainsi conçue (1) :
« Paris, le
« Monsieur le Président,
« J'ai eu l'honneur de vous adresser, le 13 de ce mois une copie de la procédure instruite contre les auteurs des troubles arrivés dans la ville d'Yssingeaux. J'ai joint à ces pièces le jugement du tribunal, qui, sur le rapport du directeur du juré, a renvoyé devant le Corps législatif pour statuer s'il y a lieu à accusation. Je viens de recevoir trois pièces relatives à cette affaire et je m'empresse aevous les transmettre (2). J'ai l'honneur, Monsieur le Président, de vous prier d'engager F Assemblée nationale à presser le rapport qui doit lui être fait de cette affaire, à raison de laquelle plusieurs citoyens sont détenus depuis longtemps. S'il importe à l'ordre public, à la sûreté de l'Etat, que les factieux, qui Ont chérché à les troubler, soient sévèrement punis, il n'est pas moins essentiel que les peines qu'ils ont encourues soient promptement infligées.
« Je suis avec respect, etc.
« Signé : Duranthon. »
(L'Assemblée renvoie la lettre et les pièces au comité des pétitions.)
3° Lettre de M. Duranthon, ministre de la justice, par laquelle il demande l'interprétation d'un article du titre VI, première partie du Code pénal.
(L'Assemblée renvoie la lettre au comité de législation.)
4° Lettre de M. Duranthon, ministre de la justice, qui transmet à l'Assemblée la copie d'une procédure instruite contre un huissier de Lan-gres, prévenu d'intelligence avec les ennemis de l'Etat.
(L'Assemblée renvoie la lettre et la procédure au comité de législation.)
5° Lettre de M. Terrier, ministre de l'intérieur, relative à une proclamation du roi, qui casse et annule un arrêté du conseil général au département du Morbihan, par lequel cette administration a accordé une indemnité aux corps électoraux et aux membres du conseil d'administration de ce département.
Je demande que le comité de division soit chargé d'examiner la question de savoir s'il ne serait pas utile d'accorder une indemnité aux électeurs, afin d'empêcher l'aristocratie des richesses de s'élever sur les débris de celle de la noblesse.
Plusieurs membres : Nous demandons le renvoi au comité de l'ordinaire des finances.
(L'Assemblée renvoie l'examen de cette affaire au comité de l'ordinaire des finances.)
Un de MM. les secrétaires continue la lecture des lettres et adresses envoyées à l'Assemblée :
Lettre de M. Lajard, ministre de la guerre, relative à la demande du sieur Collot, maréchal de camp et gouverneur de Sainte-Lucie, qui sollicite un aide de camp du grade de lieutenant-colonel, à l'instar des généraux commandants d'armée ; cette lettre est ainsi conçue (1) :
« Paris, le
« M. Collot, maréchal de camp, qui va passer à l'île de Sainte-Lucie, dont il est nommé gouverneur, est dans le cas, suivant la loi, d'avoir un aide de camp du grade de capitaine seulement. Il .en demande un de lieutenant-colonel ; c'est un" avantage que les décrets n'accordent qu'aux commandants généraux d'armée. Cet offieier général, à qui l'observation en a été faite, insiste, prétendant que la qualité de gouverneur de cette île le met dans cette classe. Les officiers généraux, adjudants généraux et les aides de camp qui passent aux îles du Vent et Sous-le-Vent, se regardant dès lors dans l'état de guerre, pensent qu'ils sont fondés à demander les gratifications qui ont été accordées, pour la formation des équipages, aux officiers des armées de terre. Je vous supplie, Monsieur le Président, de mettre ces demandes sous les yeux de l'Assemblée nationale. Si cette faveur leur est accordée, je regarde comme une conséquence nécessaire que les officiers des bataillons de troupes de ligne, ainsi que ceux des volontaires nationaux* qui passent à Saint-Domingue, l'obtiennent aussi. C'est à l'Assemblée nstionale de décider; ce qui devient d'autant plus instant, que les officiers, qui doivent se rendre dans ces deux colonies, n'attendent pour leur départ que cette décision que je vous prie de vouloir bien me faire connaître le plus tôt possible.
« Je suis avec respect, etc.
« Signé : Lajard. »
7° Lettre du président du tribunal criminel du département du Nord, qui transmet à l'Assemblée la copie d'une procédure instruite contre la femme de Louis-Joseph Bonnetier, prévenue d'avoir tenté de débaucher des officiers français et de les avoir engagés à passer à Co-blentz.
(L'Assemblée renvoie la lettre et la procédure au comité de législation.)
8° Lettre du président du tribunal criminel du département du Nord, qui transmet à l'Assemblée la copie d'une procédure instruite contre Alexandre Régnier, prévenu d'avoir sollicité dés soldats français à déserter en pays étranger.
(L'Assemblée renvoie la lettre et la procédure au comité de législation.)
9° Lettre du président du tribunal criminel du département du Nord, qui transmet à l'Assemblée la copie d'une procédure instruite contre Louis-Joseph Berger, prévenu d'avoir sollicité les soldats français à déserter en pays étranger.
(L'Assemblée renvoie la lettre et la procédure au comité de législation.)
10° Lettre des officiers municipaux de Saint-Jean-Pied-de-Port, qui dénoncent à l'Assemblée un passeport dans lequel, au mépris des lois, le sieur Hardouin-Châlon, ambassadeur de France en Portugal, prend des titres et qualités proscrits et anéantis, et lui transmettent ce passeport dont la suscription est ainsi conçue : « M. le comte de Châlon, chevalier de l'ordre royal et militaire de Saint-Louis, ambassadeur de S. M. T. G. auprès de S. M. très fidèle. »
On brûle dans ce moment, sur la place Vendôme, les titres de noblesse qui étaient dans les dépôts publics. Je demande le renvoi de ce passeport a la place Vendôme. (Rires et applaudissements.)
Je demande le renvoi de cette lettre au Pouvoir exécutif, afin que l'ambassadeur en Portugal, qui s'est permis cette violation de la loi, soit renvoyé.
(L'Assemblée renvoie cette dénonciation au Pouvoir exécutif, à l'effet d'examiner la conduite de cet ambassadeur et de le poursuivre pour ne s'être pas conformé à la loi.)
Un de MM. les secrétaires continue la lecture des lettres et adresses envoyées à l'Assemblée :
11° Lettre des juges du tribunal du district de Joigny, au département de V Yonne, qui demandent une addition à la loi du 20 avril 1791, relative aux droits de propriété et d'usage des communes sur les terres vaines et vagues.
(L'Assemblée renvoie la lettre au comité de législation.)
12° Adresse d'un grand nombre de citoyens de la ville d'Orléans, qui, instruits que la patrie est en danger, offrent à leurs représentants de voler à leur secours ; cette adresse est ai nsi conçue (1) :
« Orléans,17 juin, 10 heures du soir.
« Législateurs,
« Nous apprenons que la patrie est en danger,
« Les citoyens d'Orléans. »
(Suivent les signatures.)
(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable de cette lettre au procès-verbal.)
, secrétaire, donne lecture d'une adresse dé plusieurs citoyens de la ville de Mar-seille, qui offrent, dans les termes les plus énergiques et avec l'expression du plus ardent patriotisme, de voler aux frontières et à la défense de la ville de Paris ; cette adresse est ainsi conçue (1):
« Législateurs,
« La liberté française est en péril : les hommes libres du Midi sont tous levés pour la défendre.
« Le jour de la colère du peuple est arrivé. (Vifs applaudissements à gauche et dans les tribunes.) Ce peuple, qu'on a toujours voulu égorger ou enchaîner, las de parer des coups, à son tour, est près d'en porter; las de dejouer des conspirations, il a jeté un regard terrible sur les conspirateurs. Ce lion généreux, mais aujourd'hui trop courroucé, va sortir de son repos pour s'élancer contre la meute de ses ennemis.
« Favorisez ce mouvement belliqueux, Vous qui êtes les conducteurs, comme les représentants du peuple ; vous qui avez à vous sauver ou à périr avec lui. La force populaire fait toute votre force; vous l'avez en main, employez-la. Une trop longue contrainte pourrait l'affaiblir ou l'égarer. Plus de quartier, puisque nous n'en avons plus aucun à attendre. Une lutte, entre le despotisme et la liberté, ne peut être qu'un combat à mort ; car, si la liberté est généreuse, le despotisme sera tôt ou tard son assassin. Qui pense autrement est un insensé, qui ne connaît ni l'histoire, ni le cœur humain, ni l'infernal machiavélisme de la tyrannie.
« Représentants, le patriotisme français forme un vœu, celui de secourir la patrie. Il vous demande un décret qui l'autorise à marcher, avec des forces plus imposantes que celles que vous venez de créer, vers la capitale et les frontières. (Applaudissements à gauche et dans les tribunes.) Le peuple veut absolument finir une Révolution qui est son salut et sa gloire, qui est l'honneur de l'esprit humain. Il veut se sauver et vous sauver; devez-vous empêcher ce mouvement sublime? Le pouvez-:vous ? Législateurs, vous ne refuserez pas l'autorisation de la loi à ceux qui veulent aller mourir pour la défendre. » ( Vifs applaudissements à gauche et dans les tribunes.)
Plusieurs membres : Quelles sont les signatures?
Il y a 105 signatures (2), puis
Je demande l'impression de cette adresse, l'insertion avec mention honorable au procès-verbal et l'envoi aux 83 départements. (Applaudissements des tribunes. — Murmures à droite.)
Plusieurs membres : L'ordre du jour 1
Je m'opposê à l'envoi d'une adresse incendiaire et inconstitutionnelle. Ce n'est pas avec des discours de factieux qu'il faut instruire le peuple des départements. (Applaudissements.) 11 semble que la France soit dans un état de crise...
Plusieurs membres: Oui! ouil
Qu'il n'y ait absolument aucun remède pour la sauver. Or, je dis que nous ne pouvons être
dans cet état, que quand nous aurons la faiblesse de le croire. Mais, quand nous aurons le
courage de penser que la Constitution ne peut périr (Applaudissements.), que ses ennemis
feront de vaines tentatives pour cela ; quand nous prendrons cette attitude imposante qui
nous convient, nous aurons la force d'en imposer aux factieux, à ceux qui né cherchent à
attaquer la Constitution d'une part et, de l'autre, à nous plonger dans l'anarchie ; quand
nous aurons le sublime courage de dire au peuplé : « Soyez tranquille jusqu'à ce que là loi
parle, et vous ne devez pas la provoquer. Vous avez le droit, en vôtre qualité de citoyen,
de manifester votre Opinion, mais vous ne devez point nous menacer dé votre colère, ni
provoquer aucun de nos décrets. Quand nous jugeons que la chose publique n'est point en
danger, votls ne devez point croire qu'elle y eët. Nous saurons vous avertir, Vous donner le
signal du combat, s'il le faut. Mais, quand nous sommes tranquilles, vous de-
Je rends justice aux intentions du préopinant* comme il a rendu justice aux intentions des Marseillais. Mais, j'avancerai ingénument que je n'ai pas saisi, comme lui, le sens de la lettre dont oh vous a donné lecture. Non, Messieurs, les Marseillais ne nous menacent point de leur colère, comme on le dit; ils disent seulement que le jour de la colère du peuple est arrivé, et c'est une grande vérité.
Des tribunes : Oui ! oui I (Vifs applaudissements.)
Et gardons-Uous d'empoisonner ce dessein ; rien n'est plus facile, à l'aide des déclarations où l'on mettra^ comme > sans dessein, les mots de factieux ét perturbateurs ; qu'on me donne une phrase quelconque et, avec des déclamations, t'y trouverai deë crimes, Il est bien aisé de qualifier d'incendiaire et d'in* constitutionnelle une adresse qui respire l'amour de la liberté. Mais des grands mots sont souvent de faibles raisons. Est-il donc étonnant que des hommes nés sous un ciel brûlant, aient une imagination plus ardente et un patriotisme plus énergique fN'est-il pas permis, à des citoyens qui veulent goûter les douceurs de la liberté, de demander à combattre ceux qui voudraient les replonger dans le despotisme ? Nous ne devons voir, dans les expressions des Marseillais, que ce sentiment intime, qui se trouve dans le cœur de tous les Français, de dire : « Nous avons des ennemis qui semblent nous attaquer avec des forces supérieures (et le préopinant ne me nïèra pas cette vérité, puisque ce matin il a dit avec tant de force que nous n'avions pas de troupes pour opposer aux ennemis). (Bravos ! — Vifs applaudissements des tribunes.) Eh bie'fi, ces bravés patriotes du Midi offrent leurs personnes, leurs bras et leur sang pour secourir la patrie en danger. Le mot frontières se trouve dans l'adresse; et faites bien attention que, lorsqu'ils ont dit Vers la capitale ou les frontières, ils ignoraient le destin qu'aurait votre décret sur le rassemblement de 20,000 hommes. Non, Messieurs, jamais l'homme de bonne foi, qui voudra un peu réfléchir, méditer sur le sens naturel que présente cette adresse^ ne pourra s'empêcher de connaître la soumission à la loi et, en Un mot, toutes les vertus qui caractérisent de vrais Français. J'appuie dé tout mon pouvoir l'impression, l'Insertion avec mention hdnorâble au procès-verbal et l'envoi aux 83 départements.
J'appuie la motion de M. Rouyer et je combats celle de M. Leeointe-Puyraveau. J'entrevois, dans cette opinion, le sentiment d'un patriotisme agité ; mais j'y vois aussi une exagération dans les idées, qui est contraire à la Constitution. (Murmures à gauche.) Quand vous envoyez Uhe adresse aux départements, c'ést qu'elle contient des principes utiles à propager. Or, il y â dans celle-ci deux principes, diamétralement opposés à l'opinion de ceux qui aiment la Constitution. (Murmures à gauche.) Il est temps, disent-ils, que le peuple se lève.....
Plusieurs membres à gauche : Oui ! Oui!"
Oh y lit aussi que le moment d la colère Au peuple est arrivé.
les mêmes membres : Oui ! oui I
Veut-on, Messieurs, la Constitution?
Un membre d droite : La Constitution les irrite.
Non, Messieurs, on ne doit pas dire que le jour de lâ colère du peuple est arrivé que quand ses représentants ne sont plus dignes de lui ; et consacrer dans ce moment cette maxime, c'est vous avilir aux yeux de la nation entière. (Applaudissements à droite. — Murmures à gauche.) Oui, Messieurs, le sentiment de ma conscience me dit que je Suis digne encore d'être représentant du peuple. D'ailleurs, les législateurs ne proclament jamais la vengeance du peuple.....
La vengeance du peuple c'est la vengeance des lois.
.... parce que la vengeance du
peuple sera toujours la vengeance des lois, èt jamais une vengeance arbitraire. (Applaudissements à droite.)
Plusieurs membres : Fermez la discussion !
Un ,1membre : On calomnie les Marseillais, je demande une seconde lecture de l'adresse.
Plusieurs membres : Oui ! oui !
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Plusieurs membres : Une seconde lecture 1
Un membre : Les Marseillais sont amis de la Constitution, on a voulu empoisonner leurs sentiments. (Murmures prolongés.)
(Plusieurs orateurs parlent dans le bruit.)
Je demande la parole pour un fait. Ce fait est que la minorité de l'Assemblée réclame la fermeture de la discussion, et qu'elle n'est pas fixée sur l'objet soumis à la discussion. Monsieur le président, vous n'avez pu mettre aux voix si l'on ferait une seconde lecture : Je demande donc que cette seconde lecture soit faite.
Plusieurs membres : Monsieur le président, rappelez l'orateur à l'ordre ; la discussion est fermée.
Je demande la parole pour un fait : c'est que ce matin on était divisé sur la lettre de M. Broglie, et qu'on a été d'accord à la seconde lecture. Je dis qu'on ne peut pas refuser une seconde lecture.
(L'Assemblée décrète qu'il sera fait une seconde lecture.)
, secrétaire, fait cette seconde lecture :
« Législateurs,
« La liberté française est en péril ; les hommes libres du Midi sont levés pour la défendre.
« Le jour de la colère du peuple est arrivé. Ce peuple qu'on a toujours voulu égorger ou enchaîner, las de parer des coups, à son tour, est près d'en porter; las de déjouer des conspirations, il a jeté un regard terrible sur les conspirateurs. Ce lion généreux, mais aujourd'hui trop courroucé, va sortir de son repos pour s'élancer contre la meute de ses ennemis.
« Favorisez ce mouvement belliqueux, vous qui êtes les conducteurs, comme les représentants du peuple ; yOus qui avez à vous sauver ou â périr avec lui. La force populaire fait toute votre force; vous l'avez én main, employez-la. Une trop longue contrainte pourrait l'affaiblir oti l'égarer. Plus de quartier, puisque nous n'en avons plus aucun à attendre. Une lutte entre le
despotisme et la liberté ne peut être qu'un combat à mort; car si la liberté est généreuse, le despotisme sera tôt ou tard son assassin. Qui pense autrement est un insensé qui ne connaît ni l'histoire, ni le cœur humain, ni l'infernal machiavélisme de la tyrannie. .
« Représentants, le patriotisme français forme un vœu, celui de secourir la patrie. Il vous demande un décret qui l'autorise à marcher avec des forces plus imposantes que celles que vous venez de créer, vers4a capitale et les frontières. Le peuple veut absolumént finir une Révolution qui est son salut et sa gloire, qui est l'honneur ae l'esprit humain. Il veut se sauver et vous sauver, devez-vous empêcher ce mouvement sublime? Le pouvez-vous? Législateurs, vous ne refuserez pas l'autorisation de la loi à ceux qui veulent aller mourir pour la défendre. »
(Des applaudissements plus nourris que la première fou accueillent cette seconde lecture.)
Je demande l'impression ét la mention honorable. Il n'appartient pas aux représentants de maîtriser le vœu de ceux qui leur ont donné des mandats.
Plusieurs membres : Montrez le vôtre ou lisez la Constitution.
Nous sommes ici sur le lieu dé la scène, nous faisons partie des combattants. Ceux qui sont placés, au contraire, à l'extrémité du royaume, voient mieux que nous les événements, et peut-être cette adresse énonce-t-elle des vérités éprouvées sur les lieux.
Je vais consulter l'Assemblée sur la question de savoir si cette adresse sera imprimée, insérée avec mention honorable au procès-verbal et envoyée au 83 départements.
Plusieurs membres : Nous demandons la division.
La division est de droit.
(L'Assemblée, consultée, décrète successivement l'impression et l'insertion au procès-verbal avec mention honorable.)
Un membre : Je demande la question préalablé sur l'envoi aux 83 départements.
(Par une première épreuve, l'Assemblée rejette l'envoi aux 83 départements.)
Plusieurs membres : L'appel nominal ; l'épreuve est douteuse.
D'autres membres : L'ordre du jour!
(L'Assemblée décrète de ne pas passer â l'ordre du jour.)
Plusieurs membres ont demandé l'appel nominal.
Plusieurs membres : Oui, oui!
Plusieurs membres avaient demandé l'appel nominâl, parce que l'épreuve leur avait paru douteuse, quoiqu'elle n'ait pas paru telle à M. le président et au bureau. Mais, actuellement, je soutiens qu'on ne peut pas faire l'appel nominal sans faire une seconde épreuve et je vais le prouver. M. le président a consulté l'Assemblée pour savoir si on passerait à l'ordre du jour. (Murmures)...
Monsieur le président, vous devriez bien imposer silence à ces Messieurs dont la tactique est ae troubler l'Assemblée. (Applaudissements des tribunes.) Je dis que, dès que 1 Assemblée n'a pas passé à l'ordre au jour, il faut nécessairement uné séconde épreuve pour savoir s'il y a doute, ou non.
(L'Assemblée décrète la proposition de M. Delacroix.)
Je consulte une seconde fois l'Assemblée sur l'envoi de l'adresse aux 83 départements.
Plusieurs membres :'.Il y a des étrangers dans la salle !
(Il s'élève de violents murmures; un grand nombre de membres se lèvent et parlent à la fois. L'Assemblée est dans la plus vive agitation.)
se couvre.
(Le calme se rétablit.)
se découvre.
(L'Assemblée décrète l'envoi de l'adresse aux 83 départements.) (Vifs applaudissements des tribunes.)
Un membre (à droite) : Je demande la parole pour un fait. Me trouvant tout à l'heure à l'extrémité gauche de l'Assemblée, pour m'être plaint de ce qu'il y avait des étrangers délibérant, je me suis vu rudement repoussé. Je demande réparation, non pour moi, mais pour la chose publique.
Plusieurs membres (à gauche) : Le fait n'est pas exact, il n'y a pas dans l'Assemblée d'étrangers délibérant.
D'autres membres : L'ordre du jour !
(L'Assemblée décrète de passer à l'ordre du jour.)
Un de MM. les secrétairescontinue la lecture des lettres et adresses envoyées à l'Assemblée.
13° Lettre du sieur Savin, inspecteur sédentaire des douanes nationales, par laquelle il dénonce un abus d'autorité commis par le ministre des contributions publiques.
(L'Assemblée renvoie la lettre au comité du commerce).
14° Lettres contenant les rétractations de plusieurs citoyens de Paris, qui disent avoir été surpris lorsqu'on les a induits à signer une pétition contre la formation d'un nouveau corps de »20,Q00 hommes, destiné à former un camp auprès de Paris.
(L'Assemblée renvoié ces lettres aux comités de législation et de surveillance réunis.)
Des députés extraordinaires de la Guyane française sont admis à la barre. Ils présentent un mémoire sur les événements révolutionnaires dont cette colonie a été le théâtre, et se plaignent d'un rapport et projet de décret du comité colonial qu ils se proposent de discuter.
leur répond et leur accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée renvoie le, mémoire, sans être lu, à cause de sa longueur, au comité colonial.)
Un de MM. les secrétaires annonce les dons patriotiques suivants :
1° Un inconnu envoie 50 livres en assignats.
Les sieurs Jacques Boigeat et Jean Assenave, citoyens peu aisés du district de Gex, du département de l'Ain, offrent 10 livres en assignats.
. 3° La société des amis de la Constitution, séant au collège national d'Aix, département des Bouches-du-Rhône., envoie 123 livres en espèces et 4801 livres, 5 sols en assignats. C'est le résultat d'une souscription libre, ouverte dans la société et à laquelle se sont empressés de contribuer plusieurs citoyens qui n'en étaient pas membres.
(L'Assemblée accepte ces offrandes avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont tin extrait sera remis à ceux des donateurs qui se sont fait connaître.)
, au nom du comité des domaines, donne lecture d'un projet de décret relatif à une demande du tribunal du district d'Uzès, au sujet de difficultés survenues entre le grand-prieur de Saint-Gilles et le fermier de ce grand-prieuré, en interprétation de la loi sur la suppression de la gabelle; çç projet de décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des domaines, sur la demande du tribunal du district d'Uzès, en interprétation de la loi sur la suppression de la gabelle, relativement à la difficulté survenue entre le grand-prieur de Saint-Gilles et le feemier de ce grand-prieuré.
« Considérant que la loi sur la suppression de la gabelle n'a point dérogé à celle de propriété des fermiers sur les récoltes qui leur sont affermées, ni infirmé les baux à ferme actuellement existants; que c'est aux tribunaux à appliquer les lois en vigueur aux contestations qui surviennent entre particuliers sur l'exécution des baux, décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la demande du tribunal du district d'Uzès, par les motifs ci-dessus énoncés. »
(L'Assemblée adopte la rédaction de ce projet de décret.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre de M. Terrier, ministre de l'intérieur, qui annonce l'envoi d'un arrêté du directoire du département de Paris, relatif aux mesures que cette administration a cru devoir prendre pour assurer, dans la journée du lendemain, la tranquillité à Paris ; cette lettre est ainsi conçue (1) :
« Paris, le
» Monsieur le Président,
« J'ai l'honneur de vous adresser un arrêté du département de Paris, relatif à la tranquillité publique. Je vous prie de vouloir bien le faire connaître à 1'Assemblée»-nationale.
« Je suis avec respect, etc.
« Signé : Terrier. »
Plusieurs membres : La lecture, la lecture!
Je demande qu'on ne lise pas cet arrêté, car si tous les départements vous envoient les arrêtés qu'ils prennent, vous perdrez tout votré temps.
Plusieurs membres : Appuyé, appuyé}!
Je demande la lecture de l'arrêté du département; personne n'ignore que le jour de demain est indiqué par les ennemis de l'ordre. Je demande la lecture; car si les mesures, qui ont été.prises, ne sont pas suffisantes pour prévenir les désordres qu'on nous prépare, l'Assemblée pourra en prendre d'autres.
Je ne conçois pas comment M. Becquey qui est toujours si constitutionnel... (Rires et applaudissements à gauche. — Murmures à droite.)
Il n'appartenait peut-être qu'à M. Vergniaud de faire un reproche ae l'amour de la Constitution.
, s"adressant à M. Vergniaud. Je vous souhaiterais de l'être.
Je disais : Gomment M. Becquey, qui est si constitutionnel (et il ne doit pas se fâcher de ce que je lui ai donné ce titre), n'a pas senti que ce serait accorder à l'Assemblée le droit d'exercer une police, une espèce de sanction qui tendrait évidemment au renversement de l'ordre. D'ailleurs, Messieurs, la lecture de cet arrêté, si vous ne preniez aucune mesure après l'avoir entendu, ne produirait d'autre etfet que de supposer une sanction de votre part, que de mettre à couvert la responsabilité du département, dans le cas où les mesures seraient insuffisantes, et même la responsabilité du ministre.
Je soutiens, au contraire, qu'il est inconstitutionnel de ne pas entendre l'arrêté du département. Tous les ministres ont le droit de Venir demander la parole à l'Assemblée pour ce qui concerne leur département ou de l'informer de ce qui s'y passe. Vous leur en avez donné Pexemple, Messieurs ; quand vous avez cru que la sûreté de la ville de Paris était compromise, Vous avez ordonné vous-mêmes que le maire de Paris viendrait tous les jours à votre barré; et dans ce moment-ci, Messieurs, où le département, où le ministre de l'intérieur peuvent penser que cette sûreté pourrait être compromise, ils préviennent votre sollicitude paternelle, et pouvez-vous refuser, Messieurs, de les entendre ? Je demande que la lecture soit faite.
(L'Assemblée décrète cette proposition.)
Un de MM. les secrétaires donné lecture de l'arrêté ; il est ainsi conçu (1) :
« Du
« Le directoire, instruit par un arrêté du conseil général de la commune du 16 de ce mois que des pétitionnaires au nom des citoyens des faubourgs Saint-Antoine et Saint-Marcel avaient demandé la permission de s'assembler vêtus des habits qu'ils portaient en 1789 et avec leurs armes, demain 20 juin, pour présenter à l'Assemblée nationale et au roi des pétitions.
« Que le conseil général, considérant l'illégalité de tout rassemblement armé sans une réquisition de l'autorité publique, a arrêté de passer à l'ordre du jour sur ladite pétition.
« Instruit par des rapports multipliés que nonobstant l'arrêté du conseil général de la commune et ses précautions ultérieures prises par la municipalité il y a lieu de craindre que aes malveillants ne veuillent former des rassemblements armés sous prétexte de présenter des pétitions.
« Considérant que non seulement la loi rappelée par le conseil général de la commune
interdit les réunions de citoyens armés sous réquisition préalable, mais encore que le code
municipal de Paris en permettant aux citoyens de se réunir paisiblement et sans armes pour
rédiger des adresses et pétitions y met la condition de ne pouvoir députer que 20 citoyens
pour apporter et présenter ces adresses et pétitions que les lois ont été rappelées dans
l'ar-
« Que le pouvoir municipal serait méconnu et outragé si malgré le refus motivé du conseil général d'acquiescer à la pétition qui lui a été présentée, il se réalisait des rassemblements illégaux et propres à troubler la tranquillité publique.
« Que des pétitionnaires offenseraient la majesté des représentants du peuple en se présentant armés devant eux.
« Le procureur général syndic entendu :
« Arrête que Monsieur le maire, la municipalité et le commandant général seront prévenus de prendre, sans délai, toutes les mesures qui sont a leurs dispositions, pour empêcher tout rassemblement qui pourraient blesser la loi, de faire toutes les dispositions de force publique nécessaire pour contenir et réprimer les perturbateurs du repos public, recommande spécialement aux citoyens gardes nationaux et a toutes personnes composant la force armée de se tenir prête à y donner assistance, s'il y a lieu de les requérir.
« Arrête, en outre, que le présent arrêté sera imprimé et affiché dans les lieux accoutumés.
« Fait, en directoire le 19 juin 1792, l'an IVe de la liberté.
Signé : La Rochefoucaut, président.
Signé : blondel, secrétaire.
(Applaudissements à droite.)
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
, le jeune, au nom du comité militaire, donne lecture de la rédaction du décret adopté dans la séance du 16 juin 1792, au matin, (i ) sur les moyens de procurer des armes à tous les citoyens du royaume inscrits sur les registres de la garde nationale; ce projet de décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, connaissant l'empressement des citoyens à voler à la défense des frontières, considérant que le meilleur moyen de les y faire concourir efficacement sans les enlever à leurs utiles travaux, est de procurer des armes à tous ceux qui, par leur proximité de l'ennemi, sont le plus à portée de s'opposer à ses entreprises, et de veiller à la sûreté de l'Etat eu en défendant les barrières, décrète qu'il y a urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité militaire, et décrété l'urgence, décrète définitivement ce qui suit :
Art.1er
« Aussitôt la publication du présent décret, il sera établi, dans chacun des départements
du Bas-Rhin, du Doubs, de-la Dr âme, des Bouches-du-Rhône, de la Gironde, de la
Loire-Inférieure, du Pas-de-Calais, de la Moselle et de Paris, et indépendamment de celles
qui le seront dans les lieux ordinaires d'épreuves des manufactures nationales, une
commission composée d'un commissaire du département et d'un officier d'artillerie, à laquelle
il sera attaché 2 armuriers experts jurés, nommés par le directoire, à l'effet de vérifier,
éprouver et recevoir les
Art. 2.
« Les commissaires et officiers d'artillerie, nommés pour la vérification et réception des armes, seront indemnisés de leurs frais de voyage, ainsi que les armuriers ; ceux-ci seront en outre payés du prix de leurs journées, le tout ainsi qu il sera réglé par les directoires des départements respectifs.
Art. 3.
Tous ceux qui présenteront à l'une ou à /'autre de ces commissions des fusils de guerre neufs, des calibres et longueur qui seront fixés dans une instruction particulière, qui sera annexée au présent décret, que ces fusils soient d'une fabrique nationale ou étrangère, pourvu d'ailleurs que, d'après les visites et épreuves déterminées dans l'instruction, ils soient jugés propres à servir à l'armement d'un citoyen, recevront comptant, pour chaque fusil garni de. sa baïonnette et de son fourreau, une somme qui ne sera pas au-dessous de 24 livres, mais qui ne pourra s'élever au-dessus de 30 livres.
Art. 4.
c La Trésorerie nationale tiendra à la disposition du ministre de la guerre une somme de 3 millions, pour subvenir aux frais d achat de ces armes et autres dépenses accessoires, telles que celles dépreuves, encaissement, transport , etc. L'Assemblée nationale décrétera en Outre, mais successivement, de nouveaux fonds, jusqu'à la concurrence de ceu^ nécessaires pour subvenir à un approvisionnement de 300,000 armes.
Art. 5.
« Ces fusils, aussitôt qu'ils seront reçus, seront déposés dans des magasins destinés à cet usage, et qui seront indiques par le ministre de la guerre; il rendra compte, de mois en mois, à l'Assemblée nationale, de l'état où se trouveront ces magasins, et lui proposera, d'après les demandes des directoires, et notamment de ceux des départements frontières, les distributions d'armes qu'il croira convenable de faire aux citoyens; en conséquence, il n'en sera fait aucune que sur un décret du Corps législatif.
Art. 6.
« Les fusils ainsi distribués seront marqués sur le canon et à la crosse des deux lettres A. N. signifiant Arme nationale: les corps administratifs et municipalités veilleront a ce qu'ils ne soient point dilapidés; en conséquence, il n'en sera délivré aucun qu'à des. citoyens inscrits sur les registres de la garde nationale, tes noms de ceux à qui les armes auront été confiées, seront enregistrés dans chaque municipalité, qui en enverra un double au directoire du district dont elle relève; et celui-ci, tous les mois, au département : chaque municipalité se fera représenter les armes quand elle lè jugera à propos, et veillera à ce qu'elles soient conservées dans le meilleur état, sans que ceux qui en seront dépositaires puissent y faire aucune espèce de changement.
« Tout citoyen qui serait convaincu d'avoir vendu son fusil, sera déclaré incapable de porter les armes pendant trois années, sans que, pour ce, il puisse être dispensé de rembourser le prix de l'arme qui lui aurait été confiée, pour lequel remboursement il sera poursuivi par le procureur-syndic du district, soua sa responsabilité personnelle.
Art. 7.
« A la fin de la guerre, les armes qui auront été ainsi délivrées aux citoyens, seront laissées en dépôt entre leurs mains, à la charge de les entretenir et de les représenter toutes les fois qu'ils en seront requispar les corps administratifs et les municipalités.
Art. 8.
« Comme il importe essentiellement de connaître quel est le nombre d'armes sur lesquelles il est possible de compter sur chaque point de la frontière, et même dans l'intérieur du royaume, tous les citoyens qui ont chez eux des fusils de guerre, soit qu'ils leur appartiennent, en propriété, ou qu'ils leur aient été fournis précédemment des magasins nationaux, feront, dans les huit jours de la publication du présent décret, à la municipalité de leur domicile, la déclaration du nombre qu'ils en auront : si ces armes ont été tirées des magasins nationaux, elles seront marquées des lettres A. N.; elles seront soumises, ainsi que les premières, aux inspections des municipalités et corps administratifs, et, comme elles, elles resteront en dépôt, à la fin de ia guerre, entre les mains de ceux qui se seront ainsi engagés d'en faire usage contre les ennemis de l'Etat. Celles qui auraient été tirées des arsenaux ou magasins nationaux, et qui ne seront point marquées ni enregistrées, y seront rétablies, sans qu'elles puissent rester plus longtemps entre les mains des particuliers qui se seraient refusés, ou qui auraient négligé ae les faire marquer et enregistrer.
Art. 9.
« Les citoyens qui auraient plusieurs fusils de guerre à leur disposition, et dont quelques-uns leur seraient inutiles, sont invités de s'en défaire le plus tôt possible, et de manière à ce qu'ils passent entre les mains d'autres bons citoyens : 1 Assemblée nationale déclarant que celui-là aura mieux mérité de la patrie, qui, dans les circonstances actuelles, aura contribué à armer un. plus grand nombre 4e défenseurs de la liberté.
Art. 10.
« Aucun citoyen inscrit sur le registre de la garde nationale ne pourra être contraint de céder son fusil, même sous prétexte d'en armer plus utilement un autre citoyen; et dans le cas où, pour le besoin de l'Etat, il consentirait à s'en dessaisir pendant quelque temps, il en sera tenu note sur les registres de la municipalité, pour son fusil lui être rendu aussitôt qu'il sera possible de le faire et qu'il le demandera.
Art. 11.
« Toute personne qui se sera permis de marquer une arme des lettres a. N., ou d'acheter
pendant tout le temps de la guerre une arme ainsi marquée, sera privée du droit de porter les armes pendant unanetcondamnée en trente livres d'amendes pour chaque arme qu'il aura ainsi achetée ou marquée.
(L'Assemblée adopte cette rédaction).
, le jeune, au nom du comité militaire, fait une nouvelle lecture du décret, non soumis à la sanction, adopté le 16 juin 1792, au matin (1), et enjoignant au ministre de la guerre de présenter sous trois jours au comité militaire un projet d'instruction sur les qualités que doivent avoir les armes de guerre; ce projet ae décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale décrète que le ministre de la guerre lui présentera, sous trois jours au plus tard, un projet d'instruction sur leiS qualités que doivent avoir les armes de guerre,et sur la manière dont il doit être procédé à leur vérification et épreuve. Le comité militaire est chargé de lui en raire le rapport sans délai, pour une instruction détaillée être jointe au décret de ce jour, »
(L'Assemblée en ordonne le renvoi aux comités diplomatique et de législation réunis et les charge de lui en Caire le rapport demain soir.)
Un membre: Je demande que le rapport relatif à un administrateur du district de Nantes soit mis incessamment à l'ordre du jour.
(L'Assemblée renvoie cette proposition à la commission centrale.)
Un membre, au nom du comité de division, donne, lecture d'un projet de décret sur lu réclamation du sieur Le turc, élu juge suppléant du district de Gonesse et empêché dans son installation par un arrêté du directoire du département de Seine-et-Oise. Ce projet de décret est ainsi CQnçu:
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de division fur la réclamation du sieur Leturc, élu un des juges suppléants du tribunal du district tie ûonesse, séant à Montmorency, département de Seine-et-Oise, et empêché dans son installation par un arrêté du directoire de ce département, du 1er avril 1791; considérant: l°que la contestation élevée contre l'élection du sieur Leturc à la place dont il s'agit, n'était pas susceptible d'être soumise à la décision des corps administratifs; 2° que l'installation de cet qlficier ne peut, sous ce prétexte, être, retardée, et qu'aux termes de Particlé 9 de la seconde section de la toi du 27 mars 1791, il doit demeurer dans l'exercice provisoire de ses fonctions; et enfin, que le seul droit des opposants (s'il en existe): n'est, aux termes de la loi, que de se pourvoir devant l'ordre judiciaire, s'agissant d'un prétendu défaut de qualité, décrète qu'il v a urgence,
« L'Assemblée nationale, après avoir préalablement décrété qu'il y a urgence, décrète
définitivement que l'arrêté du département de Seine-et-Oise, du ter avril 1791, est nul et
illégal; ordonne en conséquence que, sans délai, le conseil général de la commune de
Montmorency procédera à l'installation du sieur Leturç, comme juge suppléantau tribunal du
district de Oonesse, séant à Montmorency, sauf aux opposants à se
« Le présent décret sera seulement envoyé au département de Seine et-Qise. »
(L'Assemblée décrète l'urgence, puis adopte le projet de décret.)
(Meuse), au nom du comité d'agriculture, fait la troisième lecture d'un projet de décret sur le complément provisoire du nombre des élèves à l'Ecole des ponts et chaussées: ce projet de décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité d'agriculture, et la troisième lecture du projet de décret lu à ses séances des 14 avril et 2 mai derniers, et déclaré qu'elle est en état de statuer définitivement ; considérant que la disposition de la loi du 19 janvier 1791, portant que les élèves de l'Ecole gratuite et nationale des ponts et chaussées seront choisis au concours dans les départements, ne peut être actuellement mise à exécution, parce que les règles de ce concours ne sont pas encore fixées, et que même après qu'elles l'auront été, il s'écoulerait nécessairement encore un espace de plus de 6 mois avant que les places vacantes pussent être remplies par cette voie;
« Que cependant le nombre des élèves restant de l'ancien ne école, est suffisant pour mettre ea activité l'instruction dansla nouvelle, et pourvoir en même temps au service dont les élèves les plus instruits sont ordinairement chargés dans les départements, et qu'il importe de prévenir toute interruption dans cette partie essentielle de l'instruction et du service public, décrète, ce qui suit :
Art. 1er.
« Les élèves de l'ancienne école des ponts et chaussées de Paris, ensemble ceux des anciennes écoles des ci-devant provinces de Bretagne et de Languedoc, qui n'ont point obtenu le grade d'ingénieur, et qui justifieront authentiquement qu'ils étaient attachés comme élèves auxdites écoles, et en suivaient habituellement les leçons et les exercices antérieurement à la promulgation de la loi du 17 janvier 1791 ^ sont et demeurent admis au même titre d'élèves à la nouvelle Ecole gratuite et nationale des ponts et chaussées, créée par ladite loi du 19 janvier et jusqu'à laconcurrencedu nombre de 60élèves, fixé par la même loi, à la charge néanmoins par ceux des écoles de Bretagne et de Languedoc qui voudront profiter de ces avantages, de le déclarer aux directoires des départements où lesdites écoles étaient situées, dans la quinzaine
3ui suivra la publication du présent décret, et e se présenter dans la quinzaine suivante au ministre de l'intérieur, munis de l'attestation desdits directoires, justifiant qu'ils ont rempli les conditions ci-dessus prescrites* pour être de suite admis et inscrits à ladite école de Paris,
« Dans le cas où le nombre des élèves qui se présenteront avec les conditions requises,
excéderait celui de 60, tous ceux de l'ancienne école de Paris seront admis; et parmi ceux
des écoles de Bretagne et de -Languedoc, les plus anciens seront préférés. Si, au contraire,
le nombre des
Art. 2.
« Les surnuméraires de l'ancienne école de Paris, et subsidiairement les aspirants de la même école, seront admis à remplir lesdites places vacantes, pourvu qu'au jugement de rassemblée des ponts et chaussées, et d'après un examen préalable, ils aient été reconnus avoir les talents et l'aptitude requis pour lesdites places. A mérite égal, les plus anciens seront préférés, et l'admission aura lieu pour cette fois seulement, sans la formalité des concours, et ce, dans le délai de 2 mois, à compter de la publication du présent décret, passé lequel délai les places qui pourraient alors rester vacantes, et celles qui vaqueront par la suite, ne pourront être remplies que par la voie du concours établis par la loi du 19 janvier 1791.
Art. 3.
« Tous les élèves qui seront admis en vertu des dispositions précédentes seront à leur entrée dans l'école examinés par l'assemblée des ponts et chaussées, qui déterminera les différentes classes dans lesquelles chacun devra être placé, suivantson degré d'instruction. Ladite Assemblée déterminera aussi, d'après le même examen, le nombre de degrés qui devront être attribués à chacun des élevés, suivant les règles et dans les propositions observées à cet égard à l'ancienne école de Paris.
Art. 4.
« Les règlements et usages suivis jusqu'à présent dans i ancienne Ecole de ponts et chaussées de Paris, pour su discipline intérieure, continueront d'être observés dans la nouvelle école, en tout ce qui n'est pas contraire, soit au présent décret, soit à ceux précédemment rendus par l'Assemblée constituante et ce provisoirement et jusqu'à ce qu'il y ait été autrement pourvu par l'Assemblée nationale. »
Un membre : Je propose l'article additionnel suivant ; c'est que, lorsque tous les élèves des écoles de Paris, de Bretagne et de Languedoc auront été placés conformément aux articles précédents, les places vacantes soient accordées, ae préférence et à mérite égal, aux citoyens des départements qui n'avaient pas d'élèves aux écoles de Paris, de Bretagne et Languedoc, jusqu'à ce que tous les départements aient fait admettre des sujets, en conformité de la loi qui a réglé le concours.
(L'Assemblée décrète l'ajournement de cette proposition jusqu'à l'organisation définitive de l'Ecole des ponts et chaussées, puis adopte la rédaction du projet de décret présenté par M. Moreau.)
(La séance est levée à dix heures.)
a la séance de l'assemblée nationale législative du
Pièces (2) adressées à l'Assemblée nationale par M. Duranthon, ministre de la justice, et relatives aux troubles d'Yssingeaux, dans le département de la Haute-Loire.
I
Extrait de la lettre écrite par la municipalité de la ville d'Yssingeaux à la municipalité de la ville du Puy.
« Yssingeaux, le
Messieurs,
« Sur quelque remuement qu'il y a eu ici aujourd'hui d'après le bruit qui s'était répandu qu'une troupe de gens armés s'étaient répandus dans les paroisses de Bessamoret et de Glavenas. voisines de la nôtre, on vient de nous annoncer dans le moment qu'un particulier de cette ville s'est rendu dans la vôtre, assisté de la gendarmerie nationale, pour faire le rapport et grossir sans doute les détails de ce qui s'est passé pour obtenir de vous un détachement de votre garde nationale : comme nous jouissons heureusement en ce moment du calme et de la tranquillité et que nous craignons que les gardes nationaux qui pourraient nous venir de chez vous pourraient la troubler, nous ne pouvons pas nous flatter que quelque malintentionné ne se portât à quelque excès et ne fût l'auteur de quelque événement fâcheux dont nous serions désespérés, nous vous prions de retenir chez vous votre garde nationale jusqu'au moment où nous vous prierons de nous en donner.
« Nous avons l'honneur d'être, etc.
Signé : Faure, maire, Delatouche, Mallet, Perrot, officiers municipaux.
II
« Gejourd'hui, 21 mai 1792, à 5 heures après-midi, par devant nous, Jean Sauvit, juge de paix et officier de police du canton d'Yssingeaux.
Est comparu Jacques Nezeis, cultivateur et maire, habitant du lieu de Perinhad, paroisse de Glavenas, âgé d'environ de 40 ans et a mis la main sur les saints Evangiles et a promis nous dire la vérité, lequel interrogé sur les faits de notre procès-verbal aussi d'aujourd'hui, sur les inculpations des témoins aussi par nous entendus, a ait que le jour de l'an, sur les 9 heures du matin, étant dans l'église de Glavenas, au moment que le prêtre constitutionnel allait célébrer la sainte messe, Jacques Nezeis, maire de Glavenas, a dit à haute voix à ses enfants : mes enfants, sortons, on nous mènerait en enfer; et au même instant la majeure partie des personnes qui étaient dans l'église sont sorties avec Nezeis
et sont allées au culte de Glavenas, qui était nouvellement établi, et entendirent la messe du ci-devant curé de Glavenas, de plus nous a dit qu'étant à boire chez Lamarve, aubergiste à Yssingeaux, accompagné de Pierre Grand et de deux autres particuliers, il vint à parler du mariage. Nezeis, après avoir reçu l'assurance de sa compagne que tout ce qui se dirait audit lieu ne se dirait point de part ni d'autre, Nezeis sous cette confiance a dit que le mariage fait par les prêtres constitutionnels ne valait rien, interrogé pourquoi il avait une opinion pareille, nous a répondu que c'étaient les bulles du pape, les ouvrages de M. Degalard, de M. Blondet, curé à Bonne ville-la-Cam pagne, un autre ouvrage d'un docteur de Sorbonne intitulé, Aniidvtecantre le schisme, et le Catéchisme du schisme, et nous a déclaré n'y avoir vu point d'approbation et a déclaré n'avoir plus rien dit contre la Constitution et a signé.
« Copie certifiée conforme à la minute à nous remise par le juge de paix.
« Signé : Faure, directeur du juré. »
III
« Cejourd'hui, 21 mai 1792, sur l'heure de 5 de relevée, par devant nous, Jean Sauvit, juge de paix et officier de police du canton d'Yssiu-geaux, est comparu Antoine Derailh, laboureur au lieu Depouti, âgé d'environ 37 ans, a mis la main sur les saints Evangiles et a promis de dire la vérité, a dit n'être parent, allié ni domestique de ladite partie ; interrogé a dit que le 1er de l'an de ladite année, étant dans l'église de Glavenas, a entendu dire au nommé Nezeis, maire de Glavenas : sortons mes amis, c'est la maison du diable et le ministre de Satan qui vient pour célébrer; qu'aussitôt tout le peuple le suivit, et se rendirènt dans la maison de leur culte, et le déposant a servi la messe du curé constitutionnel, de plus a dit avoir entendu dire à différentes personnes qu'il dit ne pas connaître que l'accusé disait publiquement que la messe des prêtres constitutionnels ne valait rièn et a dit ne rien plus savoir et a signé. Derailh.
« Est comparu devant nous, juge de paix et officier de police du canton d'Yssingeaux, Marianne Charbonier, âgée d'environ 57 ans, a dit n'être parent, ni servante et domestique des-dites parties, dépose que Nezeis avait dit au nommé Charentus, Jean-Etienne Derailh et Pierre Pouviane, que la messe des prêtres constitutionnels ne valait rien et qu'il n'irait jamais et qu'ils étaient des damnés et a déclaré ne savoir signer.
• « Est comparu Jean-Pierre Gibaut, maire de Saint-Julien-du-Pinet, âgé d'environ 50 ans, a dit n'être parent, allié, serviteur ni domestique des parties, après avoir mis la main sur les Evangiles, a promis de dire la vérité sur les faits mentionnés dans la plainte, a dit que les nommés Etienne Rioufreid et Antoine Roiron lui avaient dit que l'accusé leur avait dit que le curé de Saint-Julien-du-Pinet était un damné, un cochon, etc., de plus a dit ne rien savoir et a signé. Gibaut, maire.
« Est comparu Jean-Antoine Roiron, laboureur du lieu des Rulières, a dit n'être parent, allié, serviteur ni domestique desdites parties, a promis de dire la vérité sur les faits dont il sera interrogé, a dit que dans le courant du mois de février de ladite année, étant à boire chez la
nommée Lamarve, aubergiste à Yssingeaux, l'accusé lui a dit que les messes des prêtres constitutionnels ne valaient rien, qu'il faisait plus de mal d'y aller que de la manquer et qu'il valait mieux que le nommé Dumas, de Morte-raigne, couchât avec sa femme sans épouser, que d'épouser du cochon et intrus de curé de Saint-Julien, de faire venir ledit curé pour disputer et qu'il l'aurait bientôt confondu, comme il avait fait avec le curé de Glavenas, et a dit ne plus rien savoir et a déclaré ne savoir signer et l'avons taxé à 20 sols.
« Est comparu Etienne Rioufrid, maréchal, de Saint-Julien-du-Pinet, a dit n'être parent, allié, serviteur ni domestique desdites parties, a promis de dire la vérité, interrogé a dit qu'étant à boire avec le nommé Roiron chez la nommée Lamarve, à Yssingeaux, qu'il valait mieux ne pas aller à la messe, qu'il s'était fait un mariage, qu'il valait mieux qu'ils se fassent pris ensemble que d'épouser l'intrus de curé ae Saint-Julien-du-Pinet, et a dit ne rien plus savoir, et a signé Rioufrid, et l'avons taxé 20 sols.
« Cejourd'hui, 22 mai 1792, 8 heures du matin, par-devant nous, Jean Sanoit,juge de paix et officier de police du canton d'Yssingeaux, Françoise Badiou, âgée d'environ 22 ans, a promis de dire la vérité sur les faits dont il s agit, a déclaré n'être parente ni alliée, servante ni domestique de l'accusé, a dit que dans le courant du mois de janvier , étant à Glavenas, Nezeis, se tenant à la porte du . culte pour empêcher les habitants d'aller à la messe paroissiale, lui dit si elle allait manger la soupe du grand chaudron et que la déposante lui répondit qu'elle était aussi bonne qu'auparavant, de plus que ledit Nezeis dit, étant dans la cour du nommé Mijola, que les prêtres ne disaiént que des foutres et des bougres, qu'ils disaient bien l'Evangile mais qu'ils ne le croyaient point, et a signé Badiou.
« Cejourd'hui, 24 mai, est comparu Claude Badiou, laboureur, habitant au lieu de la Blache, paroisse de Glavenas, âgé de 49 ans, a dit n'être parent, ni allié, serviteur ni domestique de la partie poursuivante, dépose que le premier jour de l'année courante au moment que le curé constitutionnel de la paroisse de Glavenas allait commencer sa messe, le nommé Jacques Nezeis, maire de la paroisse de Glavenas, ait à haute voix : Sortons, mes enfants, voici le prêtre du diable et le ministre de Satan, dont une majeure partie des habitants sortirent de l'église pour aller au culte, le déposant étant dans la basse-cour dudit Miiola, que les prêtres constitutionnels ne disaient leurs messes que des diables, des foutres, qu'ils lisaient l'Evangile, mais qu'ils ne le croyaient pas.
« Déclarant n'avoir rien entendu dire du curé de Saint-Julien, lecture à lui faite de sa déposition, a dit contenir vérité, n'y vouloir n'y diminuer, mais y persister, et a signé avec nous.
« S'est encore présenté Jean Charentus, habitant au lieu de la Blache, paroisse de Glavenas, âgé d'environ 35 ans, a dit n'être parent, serviteur, ni domestique d'aucune des parties, dépose que le 10 du mois d'avril dernier, vers les 2 heures de l'après-midi, le nommé Jacques Nezeis se transporta devant la maison du déposant avec un attroupement d'environ 28 ou 30 personnes ar mées de fusils, sabres, baïonnettes et autres instruments et entrant promptement dans ladite maison, au moment que son épouse était dangereusement malade, et avec violences et menaces contre Charentus de la part de Nezeis
et de sa troùpe, en lui disant : Viens avec nous. Charentus leur répondit : Où voulez-vous me mener je ne puis pas m'en aller, je payerai l'amende,je n'ai pas d'argent, mais attendez, ma mère qui est à Glavenas vous donnera de l'argent ou je porterai du grain à vendre et je vous donnerai de l'argent. Nezeis et sa troupe lui ont répondu d'un ton violent en le menaçant de l'attacher et de l'amener en prison à Yssin-geaux ; au même instant ledit Charentus les suivit, et étant arrivés à YssingeauX, cet attroupement n'a trouvé personne qui ait donné des ordres pour mettre ledit Charentus en prison, mais ils lui ont dit qu'ils trouverait bien un cachot où l'on met les cochons s'il ne leur eût donné 6 livres. Se voyant forcé, il eut recours à un particulier de sa ville pour lui demander les 6 livres, et cette même personne lui prêta un assignat et leur fit reste ae 20 sols, sous condition qu'il leur donnerait le restant le lendemain, au moyen de ce Nezeis et sa troupe laissèrent aller Charentus.
« Interrogé encore si Nezeis, la première fois que le cure constitutionnel allait dire sa messe à Glavenas, Nezeis dit à tous ceux qui étaient dans l'église de sortir et de ne pas entendre la messe, que c'était la messe du diable, à çe que lui a dit Jean Dugrailh en sortant de l'église.
« Lecture a lui faite de sa déposition, a dit contenir vérité, n'y vouloir ajouter n'y diminuer mais y persister.
C * Copie certifiée conforme à la minute à nous délivrée par le juge de paix.
Signé : FaurÊ, directeur du juré. »
Séante du
PRÉSIDENCE DÉ M. FRANÇAIS (DE NANTEâ).
La séance est ouverte à dix heures.
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du lundi 1S juin 1792, au matin.
(L'Assemblée en adopte la rédaction.)
Un de MM. les secrétaires annonce les dons patriotiques suivants :
l6 Le tribunal du district de Salnt-Mthiél, département de la Meuse, offre le tiers de Son traitement du trimestre courant, pour subvenir aux frais de la guerre ;
2° tin citoyen de Reims, gui veut rester inconnu, envoie 50 livres en assignats ;
3° Les préposés des douanes nationales de la capitainerie d'Aiguës-Mortes, envoient 100 livres en assignats;
4° La société des Amis de la Constitution, séante à Cozes, envoie un bon de l'administration des postes pour espèces, 600 livres ;
5" Le sieur Dufignon, habitant du faubourg Saint-Martin, offre 6 livrés en espèces.
(L'Assemblée accepte toutes ces offrandes avec lès plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-Verbal, dont un extrait sera remis à ceux des donateurs qui se sont fait connaître.)
Un de MM. les secrétaires donné lecture des lettres, adresses et pétitions suivantes ».
1° Lettre de M. Lajard, ministre de la guerre. qui annonce à l'Assemblée que le maréchal Luckner lui mande que les officiers, sous-officiers et dragons du 6e régiment, ci-devant la Reine, n'attendent que l'occasion de se signaler et d'effacer par quelques belles actions la nonte d'avoir suivi l'impulsion qui leur a été donnée par des traîtres à l'affaire de Mons.
(L'Assemblée renvoie la lettre au comité militaire.)
2° Lettre de M. terrier, ministre de l'intérieur, qui ertVoië à l'Assemblée copie de deux lettres que le directoire du département des Basses-Alpes lui a adressées au sujet d'un événement arrivé le 3 juin au Puget-Théniers, ville du comté de Nice. Ces lettres portent que quelques volontaires nationaux, en garnison dans cette ville, étant allés dernièrement au Puget, ville du comté de Nice, et ayant une querelle dans un cabaret de cette ville, ont été forcés d'en sortir sur-lé-champ; que des Piémontais et quelques Français se sont armés çontreeuxet les ont poursuivis jusque sur les montagnes et sur le territoire français ; que plus de 200 coups de fusil ont été tires contre eux, dont un caporal a été tué, un sergent et uu lieutenant grièvement blessés; que sur-le-champ le bataillon voulut prendre les armes pour se Venger des Piémontais; mais qu'on parvint à le calmer après beaucoup d'efforts. La municipalité prie l'Assemblée de lui indiquer la marche qu'elle doit suivre.
Le même directoire ajoute que déjà ia disette des subsistances se fait sentir.
(L'Assemblée renvoie les trois lettres aux comités diplomatique et de commerce réunis.)
3° Pétition du sieur Parmentier, relative à une demande d'indemnité pour un logement.
(L'Assemblée renvoie la pétition au comité de liquidation.)
Deux citoyens corses, ci-devant employés dans les traites, sont admis à la barre, et demandent que l'Assemblée s'Occupe de leur situation et de plusieurs réclamations qu'ils lui ont adressées.
leur répond et leur accorde les honneurs de la séance.
Je demande que l'Assemblée s'en occupe demain soir.
(L'Assemblée renvoie la pétition au comité de commerce.)
(d'Angers), secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du lundi 18 juin 1792, au soir.
(L'Assemblée en adopte la rédaction.)
Une députation de citoyens et citoyennes, hommes et enfants de Saint-Denis, près Paris, est admise 4 la barre.
L'orateur de la députation offre, pour les frais dé la guerre, une somme de 981 1. 8 s. en assignats, et 213 17 2 s. en espèces, une poignée d'épée en argent et un hochet également en argent. La poignée d'épée et le hochet ont été donnés par de jeunes époux le jour de leur mariage. « Jé donne, a dit le mari, la poignée de ihcm épée pour les frais de la guerre, ie garde le fer pour combattre les ennemis de la patrie. Je dépose le hochet, a dit la fenlmé,
parce que c'est la Constitution qu'il faut désormais à nos enfants dès le berceau. »
(L'Assemblée accepte cette offrande avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable et l'insertion'au procès-verbal, dont un extrait sera remis aux donatèurs.)
, au nom du comité de législation, fait un rapport sur la proposition faite par les grands procurateurs de la nation d'autoriser les quatre grands juges à commettre, dans le voisinage des témoins, des jugés pour recevoir les auditions énoncées dam l'article 9 de la loi sur l'organisation de la haute cour nationale. 11 observe que cette proposition est contraire à la loi fondamentale sur l'organisation de la haute cour nationale, qui, pour donner plus d'authenticité à des procédures liéès à l'intérêt de l'Etat, veut que l'audition des témoins soit faite devant quatre grands juges.
En conséquence, et bien qu'il fût préférable pour la célérité dans l'expédition des affaires, d'autoriser les juges des tribunaux criminels des départements à entendre des témoins, il propose à l'Assemblée de déclarer qu'il n'y a pas lieu à délibérer,
(L'Assemblée adopte l'avis du comité de législation.) Suit le texte du décret rendu : « L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de législation, sur la proposition faite par les grands procurateurs, d'autoriser les quatre grands juges à commettre, dans le voisinage des témoins, des juges pour recevoir les auditions énoncées dans l'article 9 de la loi sur l'organisation de la haute cour nationale, décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérée »
Un membre, au nom du comité de Vextraordinaire des finances, présente un projet de décret (1 ) sur l'emplacemènt définitif de la haute cour nationale dans la maison des Vrsulines à Orléans; ce projet de décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport dé son comité de 1 extraordinaire des finances, considérant qu'il est instant que la haute cour nationale établie à Orléans, ait un emplacement convenable à l'exercice de ses fonctions, décrète qu'il y a urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, sur le rapport du sieur Paris, architecte, et ses plans et devis du 11 mai dernier, l'avis de la municipalité èt du district d'Orléans et du département du Loiret, ensemble celui du ministre de l'intérieur des 12 et 14 du même mois, décrété ce^qui Suit :
« Les prisons et le tribunal dé la haute cour nationale, séante à Orléans, Seront établis dans les maisons et église des Ursulines de cette Ville. Le pouvoir exécutif est chargé, en conséquence, de faire procéder, sans délai, aux réparations et Constructions nécessaires pour cet établissement et il sera mis pour cet effet à sa disposition, par lâ trésorerie nationale, jusqu'à concurrence de la somme de 83,000 livres, à laquelle lesdites dépenses ont été évaluées par je devis du sieur Paris, architecte, en date du 11 mai dernier. » (L'Assemblée décrète l'urgence, puis adopte le projet de décret.)
, au nom du comité des secours publics, fait un rapport et présente un projet de décret sur la pétition du sieur Pèrret, détenu à la Bastille oil à Charenton pendant les années 1787, 1788, 1789, 1790 et 1791; ce projet de décret est ainsi Conçu :
Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, considérant que l'attentat commis contre la liberté du sieur Perret détenu à là Bastille ou à Charenton pendant les années 1787, 1788, 1789, 1790 et 1791, présente une violation révoltante du droit des gens et qu'il importe que cet infortuné père de famille obtienne lé plus tôt possible, de la justice de la nation, le dédommagement que lui assure la perte totale de ses effets, décrète qu'il y a urgence.
Décret définitif.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des séèours publics, sur la pétition du sieur Perret, et décrété l'urgence, décrète définitivement que le ministre de l'intérieur sera tenu de fairë délivrer par là caisse de l'extraordinaire la somme de 7,039 1. 14 s. pour lui tenir lieu de toute indemnité relative à la perte de ses effets. »
Suivent les extraits des procès-verbaux :
« L'an mil sept cent quatre-vingt-huit, le mardi 8 juillet au matin, nous, Pierre Chenon, avocat en Parlement, conseiller du roi, commissaire au Châtelet de Paris, nous sommes transporté au château de la Bastille, en la chambre du conseil, où étant, est survenu le sieur Surbais, conseiller du roi, inspecteur de policé, lequel, en présence du sieur Perret, pour ce fait venir de sa prison, et en présence de M. le gouverneur, nous a représenté le surplus des effets dudit Perret;
« Savoir :
« Une montre à répétition, d'or uni. au nom de Radant, avec la chaîne d'or, une clef d'or, un cachet non gravé et deux breloques, le tout én or, décrits dans îè procès-verbal de Ttirih, du 17 avril 1787, à laquelle le sieur Surbais a mis le n° 6. .
« Une autre montre en ôr, avec sa chaîne d'or, 2 clefs, un cachet non gravé, et une breloque d'or sous le n° 7.
« Une auire montre d'or unie, portant le nom de Furet, à Paris, clef d'or ordinaire, sans chaîné,
n° i5. \ 3$ ? mm 1 IIS
« Une autre montre d'or guillochée, au nom de Radant, sans chaîne, n616.
« Une autre montre d'or guillochée, au nom de Radant, le dessous à queue dë paon, sans chaîne, à clef de cuivre, n° 17.
« Une autre montre d'or guillochée, au nom de Vauchet, sans chaîne, n° 18.
« Une tabatière d'or ovale, à mouches, n819.
« 9 chaînes d'or de montres, de différents modèles, dont une à 2 branchés, à laquelle sont attachées une clef et une breloque, n* 21.
« 13 paires de pendants d'breilles, appelés Mirza, en or, de différents modèles, sous le n°
« Une autre paire de Mirza, à parures en or, n° 23.
Une montre, au nom de Debelle, à répétition, dans sa boite d'or, entourée de brillants, le dessous à queue de paon entourée de perles fines, un brillant au repoussoir, sous le n° 5, avec une clef torse, entourée de brillants.
« Une bague à 8 pans d'un gros brillant, montée sur une composition violette, n° 8.
« Une autre bague à 8 pans en brillants, montée sur une composition bleue, n° 10.
« Une autre bague d'un gros brillant montée à jour, n° 11.
t Un bouton de col d'un seul brillant, n° 12.
« Une bague à 8 pans, entourée de brillants, un brillant au milieu, composition bleue, parsemée d'étoiles en brillants, n° 13.
« Une bague en navette, entourée de brillants, un gros brillant dans le milieu, composition violette, n° 9.
« Une bague en cadrille, de 4 gros brillants, un peu jaunes, n° 14.
Objets saisis sur Perret.
« 25, doubles louis compris sur le procès-verbal de Turin, sous le n° 1.
« 77 louis de 24 livres, compris sous le n° 2. 2 pistoies romaines, même numéro.
« Un écu de 6 livres de France et une pièce de 30 sols de Piémont, compris sous le n° 3.
« 162 pièces de monnaie de Piémont, en billon, compris sans le n° 4.
« Une paire de boucles de jarretières en pierres fausses, comprises sous le n° 20.
« Un petit flacon de cristal, compris sous le n° 25.
« Un portefeuille de maroquin rouge, ne contenant que des lettres indifférentes.
« Une paire de pistolets d'arçon, à 2 coups, garnis en cuivre.
« Une épée à garde et poignée d'acier.
« Avons représenté les bijoux, diamants et effets décrits en notre procès-verbal du 29 juin dernier et dont nous nous étions chargés, et ré-colement fait d'iceux, le tout s'est trouvé en nature.
« Le sieur Perret a reconnu la totalité des bijoux, deniers comptants et effets sur lui saisis, et lui avons annoncé que le tout va être renfermé sous notre scellé, et demeurer au château en la garde de M. le gouverneur, qui s'en chargera pour les représenter quand et à qui il appartiendra et a signé en cet endroit la minute des présentes.
« Et de fait avons renfermé, dans une boîte de layeterie, les objets concernant Perret, les avons ficelés d'une corde neuve en croix, sur les bouts réunis de laquelle avons apposé notre, scellé et cachet en cire d'Espagne rouge ; laquelle boîte, ainsi scellée, est demeurée au château en la garde de M. le gouverneur, ainsi que la paire de pistolets et l'épée appartenant à Perret, lesquels 2 objets n'ont pas pu tenir dans la boîte. M. le gouverneur s'est chargé de tout pour le représenter quand et à qui il appartiendra; et a, M. le gouverneur, signé; au moyen de quoi le sieur Surbais et nous, commissaire, chacun à notre égard, demeurons déchargés des objets dont chacun de nous était chargé et a ledit sieur Surbais signé avec nous, en fin de la minute des présentés, demeurée en notre possession.
« Extrait et collationné sur la minute étant
en notre possession, et délivré au sieur Perret, requérant, le 27 janvier 1792.
ce
« Signé : Chenon. »
« Extraits des registres de rassemblée de la section de V Oratoire.
« Du jeudi 10 septembre 1789, 5 heures de relevée, en comité particulier, où présidaient MM. Desetang et de Vauvert, présidents, assistés de MM. Desgambert et Chenaux, secrétaires.
« Dans ledit verbal se trouve un passage où il est dit :
• Sur la motion faite, relativement aux diamants trouvés à la Bastille, il a été nommé M. Lartier, pour expert et estimer les diamants déposés ès mains de M. Maillot. »
« Signé : Desgambert, Chenaux, de Vauvert. »
« Du lundi 14 septembre, 5 heures du soir, le comité permanent, présidé par MM. Boursier et Chasot, MM. Payen et Aubriet, secrétaires.
« Dans le présent verbal se trouve un passage où il est dit :
« Sur l'extrait du procès-verbal de description, fourni gratuitement par M. Cbenon père, commissaire, de diamants et bijoux déposés à la Bastille, pour les confronter avec ceux déposés au district, lors de la prise de la Bastille, il a été arrêté d'adresser une lettre de rejpaer-ciements à M. Chenon père, des soinsqu'U-a bien voulu se donner, et M. Boursier, membre du district, est prié de vouloir bien se charger de la présenter. »
« Et ledit jour du mardi 15 septembre 1789, à 5 heures après-midi, en l'assemblée générale, convoquée en la manière accoutumée, présidée par MM. Le Blond de Saint-Martin et Monnet, et en qualité de secrétaires MM. Amelin et Nayer. M. le président a annoncé de nouveau à l'Assemblée que le district se trouvait en possession de plusieurs diamants trouvés à la Bastille, lors de la prise qui en a été faite, et a exposé à l'Assemblée qu'il croyait nécessaire de prendre un parti sur la disposition de leur valeur.
« Il a été proposé trois questions:
« La première, le district peut-il s'en regarder propriétaire ?
« La seconde, en fera-t-on la vente au profit du district, qui en a le plus grand besoin ? 11 a été arrêté que la vente s'en ferait au profit du district.
« Le troisième, les déposera-t-on à l'Assemblée de la commune, avec prière d'en remettre le montant au district ?
« Il a été arrêté que non, attendu que ce serait causer de l'embarras à MM. de la commune.
« La seconde de ces questions ayant eu la pluralité, il a été arrêté que l'on ferait la vente samedi prochain, et qu'il y aurait 100 affiches dans les quartiers où on les jugerait convenables.
« Arrêté pareillement, à une très grande pluralité, que le président dudit jour, énoncé ci-dessus, se trouvera autorisé à adjuger, le district le garantissant, à cet égard, de toute espèce de répétition, lui déférant en conséquence tout pouvoir à cet égard. »
« Du samedi 19 septembre 1789, 10 heures de relevée, le comité permanent du district de l'Oratoire a ouvert la séance sous la présidence de
MM. Boursier etChabat ; le dernier, en l'absence des secrétaires, a ouvert la séance, etc...
« Et ledit jour, samedi 19 septembre, 6 heures de relevée, MM. Boursier et Chabat, présidents, etAubriet, secrétaire, en conséquence de l'arrêté pris à l'assemblée générale du mardi 15 septembre présent mois, par lequel le président au jour a été autorisé à procéder à la vente des diamants et bijoux énoncés au procès-verbal dudit jour, il a été décidé qu'attendu le respect dû à l'église, lieu habituel ae l'assemblé?, l'adjudication desdits diamants et bijoux serait faite dans la salle servant de eorps de garde de ce district, maison de MM. les religieux de l'Oratoire. En conséquence, le paquet de diamants et bijoux ayant été ouvert, ont été proposés au premier offrant et dernier enchérisseur, les effets dont la teneur suit, savoir :
« 1° Une bague navette, composition prune, entourée de brillants, avec un enfantement d'un brillant seul au milieu, laquelle bague ayant été proposée à 400 livres, elle a été poussée à la somme de 600 livres par M. Deschamps, marchand bijoutier, rue Saint-Honoré, dernier enchérisseur. Elle a été adjugée à mon dit sieur Deschamps, qui en a remis la valeur es-mains de Chasot.
« 2° Un bouton de col d'un seul brillant, lequel ayant été proposé à 900 livres a été porté par la criée aux enchères à la somme de 1,653 livres par M. Barrière, marchand bijoutier, demeurant rue du Goq-Saint-Honoré, dernière enchère. Il a été adjugé à mon dit sieur Barrière pour la somme de 1,653 livres.
« 3° Une bague solitaire, en enfantement, composition prune, proposée à 1,800 livres, a été portée à ia somme ae 3,705 livres par mon dit sieur Barrière, dernier enchérisseur de cet objet et du précédent, montant lesdites sommes, l'une de 1,653 livres, et celle dite de 3,705 livres, à celle totale de 5,351 livres, laquelle a été payée comptant et déposée es-mains de M. Chasot, président.
« 4° Sept paires de boucles d'oreilles d'or et breloques de peu de valeur; lesquels objets ayant été proposés à 36 livres, ont été portés, par la criée des enchères, à la somme ae 130 livres, par M. Godiche, commissaire au bureau des patrouilles, l'un des enchérisseurs, qui a déposé cette somme es-mains de M. Chasot.
« 5° Une chaîne d'or à trois branches et à la mode, proposée à 60 livres, a été portée, par la criée des enchères, à celle de 102 livres par M. Gerderet, commandant du district, qui a payé comptant ledit objet es-mains de M. Chasot.
« 6° Deux pièces d'or romaines, portées à 18 livres et adjugées à M. Cautier, l'un des enchérisseurs, a la somme de 24 livrés, payée comptant es-mains de M. Chasot.
« 7° 2 boucles d'argent dépareillées,-portées à 15 livres, ont été adjugées à 19 livres à M. Avice, l'un des enchérisseurs, qui a payé comptant en mains de M. Chasot.
« 8° Plusieurs pièces de cuivre portées à 12 sols et adjugées à 1 1. 14 s. à M. Chasot, qui en fera compte.
« Les 8 articles, montant ensemble àla somme de 6,234 1. 14 s., qui sera remise par mon dit sieur Chasot, président de ce jour,,es-mains de M. Christian Maillot, trésorier du district.
« La vente desdits objets ayant été terminée, nous, officiers en avons signé le procès-verbal et nous sommes transportés aussitôt en l'église de l'Oratoire, lieu habituel de l'assemblée, pour
continuer la séance. Fait et passé au corps de garde de l'Oratoire, ledit jour et an que dessus. Approuvé 8 mots rayés nuls. »
« Signé : Chasot, président;
Aubriet, secrétaire. >»
« Ce samedi 12 septembre 1789, le comité assemblé en la manière accoutumée, présidé par M. Houssemaine, vice-président, et Chasot misant fonctions de secrétaire.
« A l'ouverture de la séance, M. Bidot, citoyen du district, s'est présenté devant nous pour remettre une bague à brillant, montée sur fonds violet, avec entourage de petits diamants, dont le fonds est parsemé de 14 petites pierres, non compris le gros brillant qui est au milieu, en nous déclarant que cette bague faisait partie des bijoux trouvés à la Bastille et qu'il nous a précédemment remis ; déclarant, en outre, qu'il a remis tout ce qu'il a eu le bonheur de trouver à cette prise, et qu'il a fait et fait ainsi, avec zèle, abandon de la totalité de ces objets à la commune du district, auprès de laquelle il réclame un reçu que nous lui avons accordé et il a signé avec nous.
« Signé : BlDOT. »
« Le comité, en reconnaissance du patriotisme et du zèle que le sieur Bidot a montré, tant pendant la Révolution que par son désintéressement et la continuité des services au district, a arrêté qu'il lui serait délivré un certificat, à l'effet de lui obtenir des marques d'honneur qu'il a si justement méritées, etc...
« Signé : monnot, président; housse-maine, vice-président ; cila-sot, secrétaire-honoraire. »
« Le mardi 11 mai 1790, l'assemblée générale du district, convoquée à la manière ordinaire et présidée par M. Combe, président, etc...
« Dans le présent verbal, il est dit : Sur la demande faite- de procéder, mardi prochain à la vente d'un diamant appartenant au district et dont il est fait mention dans les procès-verbaux antérieurs, il a été arrêté que la vente en serait faite au jour de mardi, indiquée par affiches et à l'enchère et que les fonds en seraient affectés au payement des dettes les plus urgentes. »
« Signé: de combe, président; chasot, secrétaire-honoraire. »
« Le 1er juin 1790, l'assemblée du district, généralement convoquée én la manière ordinaire, présidée par M. Combe, président, écrivant le secrétaire-greffier. Lecture faite des4emiers procès-verbaux jusqu'à ce jour, un des citoyens a réclamé qu'on s'occupât de la vente du diamant. L'Assemblée a arrêté à la majorité que le diamant et la montre dont a été fait mention, et qui sont dans les mains du trésorier seraient vendus mardi prochain, 8 du mois, et que la vente en serait annoncée par des affiches qui seraient apposées dans les lieux les plus apparents, 3 ou 4 jours à l'avance, etc.,. etc...
« Signé: de combe, président; de lavau, secrétaire-greffier ;
Etienne Leroux. »
« Lé 8 juin 1790, rassemblée générale, convoquée aux formes ordinaires, présidée par M. Leroux président, écrivant le secrétaire-greffier, M. le Président a observé que l'ordre du jour était de procéder à la vente a'un diamant, indiquée par les affiches; mais qu il serait convenable de commencer par la lecture des procès-verbaux, alin de donner le temps aux citoyens de se rendre en plus grand nombre.
« Et plus bas, il est dit :
« Il a été ensuite procédé, conformément à l'ordre du jour, à 1a vente du diamant, indiquée par les affiches. Après diverses enchères et surenchères, successivement Couvertes depuis 15 louis jusqu'à 360 livres, personne ne surenchérissant, l'assemblée a adjugé la bague au sieur Ghauillon, l'un des citoyens du district, moyennant cette somme, qu'il s'est soumis de remettre, dès le ioir, en argent à M. le président. M. Ghauillon a signé. »
« Signé : ghauillon. »
« Il a ensuite été procédé à la vente d'une montre d'or à répétition, après diverses enchères et surenchères, depuis la somme de 125 livres jusqu'à celle de 175 livres; et personne n'enchérissant, la montre a été adjugée à M. Baptiste, citoyen du district, qui a déposé sur-le-champ cette somme entre les mains de M. le Président.
« Et pluS bas il est dit :
« Ayant vaqué à tout ce que dessus, jusqu'à 10 heures, l'assemblée s'est séparée, et nous avons clos le présent verbal. »
« Signé : Etienne Leroux, président;
de LavauX, secrétaire-greffier.
« Délivré les présents extraits conformes à l'original par nous secrétaire-greffier de police, ce 13 mars 1792, l'an IVe de la liberté.
« Signé : VaRanGUE, secrétaire-greffier. »
Je demande l'impression et l'ajournement.
(L'Assemblée décrète l'impression et l'ajournement du projet de décret.)
Je dépose sur le bureau, au nom des citoyens habitant la commune d'Ecully-les-Lyon, district de la Campagne, département de Rhône-et-Loire, 37 1. 8 s. en espèces et 145 livres ën assignats, pour les frais de la guerre.
Le sieur Hercule d'Aguensi-Giro y a joint le capital d'une lettre de maîtrise d'écrivain de la valeur de 75 livres.
Je dépose également sur le bureau, pour subvenir aux frais de la guerre, au nom du sieur Lelièvre, sous-lieutenant du 10è bataillon de la 6° légion de Paris, 50 livres éh assignats.
(L'Assemblée accepte ces offrandes avëc les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis aux donateurs.)
Un membre, au nom du comité de l'extraordinaire des finances, présente un projet de décret
(1), sur
Décret d'urgence.
L'Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait par son comité de l'extraordinaire des finances, considérant qu'il importe à l'accroissement du commerce, à la multiplication des manufactures, à leur prospérité, et à celle des arts, à la subsistance, à la santé même d'une partie des citoyens, et à la tranquillité publique dans la ville de Valenciennes, que sa commune fasse l'acquisition des terrains et bâtiments de la ci-devant abbaye de Saint-Jean de cette ville, ainsi que des échoppes qui en dépendent, et de 6 maisons voisines, appartenantes à des particuliers, pour donner à la place Saint-Jeân une assez grande étendue pour recevoir un marché qui se tient actuellement dans une place également incommode et dangereuse, et pour, en ouvrant plusieurs nouvelles rues, procurer de l'air et de la salubrité à un quartier extrêmement serré et malsain; aux citoyens qui font le commerce, les moyens de former des établissements utiles en ce genre ; et aux habitants dont le travail est l'unique ressource, ceux de s'occuper et de pourvoir à leur subsistance; considérant, en outre, qu'il est Instant de profiter de la belle saison pour faire les ouvrages projetés et décrits dans le plan arrêté par le directoire du département du Nord, sur l'avis du directoire du district de Valenciennes, ensuite de la délibération du conseil général de la commune, du 17 février 1792. Vu le procès-verbal d'estimation des terrains et bâtiments de la ci-devant abbaye de Saint-Jean, dressé par ordre du directoire du district, par lequel leur valeur, en y comprenant celle des échoppes qui en dépendent, est portée à 59,700 livres ; l'état de l'actif et du passif de la municipalité, suivi de l'attestation des corps administratifs, et d'ailleurs appuyé de pièces justificatives, qui présente un excédent évidemment supérieur à la dépense possible des acquisitions et des travaux dont il s'agit ; ensemble les observations des corps administratifs et du ministre de l'iniérieur, sur la convenance d'accueillir promptement la demande de ladite municipalité, décrète qu'il y a urgence.
Décret définitif.
L'Assemblée nationale, après avoir déclaré l'urgence, décrète définitivement ce qui suit :
Art. 1er.
La municipalité de Valenciennes est autorisée à faire, sous la surveillance respective des directoires du département du Nord et du district de ladite ville, en observant toutes les côndi^ tiohs, toutes les règles et lès formalités prescrites en pareil cas par les lois, l'acquisition des terrains, bâtiments et échoppes dépendants de la ci-devant abbaye de Saint Jean, ainsi que dê 6 maisons voisines appartenantes à des particuliers, tant pour agrandir la place Saint-Jean, que pour ouvrir différentes rues nouvelles, lè tont suivant le plan annexé à la minuté du pré-
sent décret, qui sera aussi, sbùs la surveillance des corps administratifs, exécuté selon sa forme et teneur.
Art. 2.
Le prix de toutes les acquisitions énoncées en l'article précédent, et la dépense des travaux nécessaires pour l'exécution dudit plan, seront pris entièrement sur les propriétés de la commune, sans qu'il puisse, pour y subvenir, être imposé aucuns sols additionnels aux contributions mobilière et foncière, sinon en cas d'insuffisance, qui demeureront préalablement affec* tés au pavement de ses dettes, conformément à la loi du 10 août 1791.
Art. 3.
L'indemnité due aux propriétaires et locataires de 6 maisons appartenantes à des particuliers, sera reglée avant leur dépossession, de gré à gré, ou à dire d'experts, choisis par les parties, ou nommés d'office par le directoire du district de Valenciennes, et leur sera payée dans les termes dont ils conviendront.
Art. 4.
Tous les travaux qu'entraînera l'exécution du plan, de la part de la municipalité, seront donnés par adjudication au rabais; et les matériaux provenant des démolitions, ainsi que les terrains qui resteront vacants après la formation de la place Saint-Jean, et l'ouverture des nouvelles rues, seront vendus publiquement en la manière accoutumée, au plus offrant et dernier enchérisseur, le tout sous la surveillance des corps administratifs, qui tiendront la main en exécution pleine et entière du présent décret, sans qu'en aucun cas, il puisse être retenu par les communes, auèUue portion productive audit terrain.
Art. 5.
Le présent décret ne sera envoyé qu'au seul département du Nord.
(L'Assemblée décrète l'urgence, puis adopte le projet de décret.)
, au nom du comité des décrets, chargé de la correspondance avec les grands procurateurs nationaux. Depuis le rapport que je vous ai fait dans la séance au 28 mai dernier, de l'état des procès qui s'instruisent par devant la Haute Cour nationale, le comité a reçu plusieurs lettres des grands procurateurs, dont il vous a fait part toutes les t'ois qu'il l'a cru nécessaire. Bn voici une qui contient des détails intéressants sur quelques-u nés des affaires soumises à la décision de ce tribunal:
Extrait de la lettre de MM. les grands procurateurs de la nation, du
Nous avons reçu les différents décrets et autres pièces que vous nous avez envoyés pour l'affaire de M. Deléssart, et par M. Dutilloy celles de M. Cossé-Brissac et de M. Henry„ prêtre; ce dernier n'étant pas encore arrivé, on n'a pas pu procéder à son interrogatoire. Quant à M. Gossé-Rrissac, il à été entendu le lendemain del'arrivée des pièces. M. le Commissaire du roi n'avait pas reçu l'acte d'accusation du ministre de la justice. Il a prétendu, en conséquence, qu'on ne pouvait pas procéder à l'interrogatoire. Nous avons sou-
tenu le contraire, et que le caractère judiciaire des actes d'accusation n'exigeait, pour leur exé» cution, que le déOôl fait au greffe par les grands procurateurs de la hation. Nous avons conclu à ce que... l'accusé fût interrogé dans les 24 heures de la remise des pièces. Les.juges l'ont ainsi ordonné. La semaine précédente, après avoir eu la preuve de l'accomplissement des formalités, nous avons fait rendre l'ordonnance qui prive da titre de citoyens français, Louis-Stanislas Xavier et ses coaccusés, les princes émigrés, ét leur interdit toute action en justice pendant tout le temps de leUr contumace, et ordonne qu'il sera procédé contre eux, malgré leur absence. Nous attendons les pièces du département des affaires étrangères, pour nous assurer s'il y a, oui où non, dés témoins à entendre dans cette affaire. Une nouvelle ordonnance rendue sur la réplique de M. Delessart a ordonné l'apport de ces pièces au greffe. On a chargé M. Jalbert, greffier de la Haute Cour nationale, de les apporter. Il est allé à Paris.
Malgré les décrets, rti lui, ni les commis, ni les greffiers, ni les garçons de bureau ne touchent rien; ils nous tourmentent toujours pour Cela.
M. Detunck, dernier témoin entendu darts l'affaire Varnier, avant-hier, en a encore indiqué quatre autres que nous venons d'envoyer assigner. Quelque fâcheux que soienl les retards, il est de notre devoir de ne rien négliger pour l'éclaircissement de cette affaire vraiment extraordinaire.
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une pétition des ouvriers de la manufacturé dès tapisseries de Beauvais, département de l'Oise, qui sollicite une prompte décision de l'Assemblée nationale, sur les secours et les encouragements à donner aux Ouvriers de cette manufacture.
(L'Assemblée renvoie la pétition au comité du commerce.)
Le directoire du départe ment de Paris demande à être admis à la barre pour un objet pressant et qui intéresse la sûreté de la capitale.
(L'Assemblée décide qu'il sera admis à l'instant.)
M. Rqederer, procureur général syndic ; « Messieurs (1), un rassemblement extraordinaire de citoyens armés a lieu en ce moment malgré la loi, malgré deux arrêtés, l'un du conseil général de la commune, l'autre du département qui rappellent la loi.
« 11 paraît que ce rassemblement, composé de personnes très diverses par leurs intentions, a aussi plusieurs objets différents.
» Planter un arbre en 1 honneur de la liberté, faire une fête civique, apporter à l'Assemblée nationale un nouveau tribut d'hommages et de nouveaux témoignages de zèle pour la liberté, tel est certainement le but de la grande partie de ce rassemblement. Mais nous avons lieu.de craindre (Murmures dans les tribunes.), Messieurs, que ce rassemblement nesérve,àson insu peutêtre, à appuyer par l'appareil delà force une adresse au roi, à qui il ne doit en parvenir que sous la forme paisible d'une pétition. Les rapports qui nous ont été faits cette nuit, et qui l'ont occupée tout entière, ont autorisé nos craintes à cet égard.
« Une lettre du ministre de l'intérieur, qui
« Vous connaissez, Messieurs, l'arrêté que le directoire a cru devoir prendre hier pour fortifier celui que le conseil général de la commune a pris le 16 du courant. Aujourd'hui, nous n'avons eu qu'à en recommander de nouveau l'exécution à la municipalité, et à lui faire connaître l'ordre qui nous a été transmis par le ministère de l'intérieur. Nous avons rempli ce devoir, mais responsables à l'Assemblée de la tranquillité de Paris, et à la nation de la tranquillité de l'Assemblée nationale, nous nous empressons de lui faire connaître aussi l'état actuel de cette capitale, et de lui communiquer les avertissements qui nous sont parvenus.
« Nous devons offrir aussi à sa sagesse une observation importante qui la concerne particulièrement. La loi interdit toute réunion de citoyens armés, sans une réquisition préalable, et même tout rassemblement non armé, sans une permission de la municipalité. La loi municipale de Paris défend aussi de députer plus de 2 citoyens pour apporter des pétitions.
« Ces lois, Messieurs, sont nécessaires pour la sûreté du Corps législatif, elles le sont aussi que pour la responsabilité des corps administratifs et des municipalités chargés de maintenir la tranquillité générale, elles le sont aussi pour que cette responsabilité ne soit pas tout à la fois inutile pour la chose publique et accablante pour ceux qui en sont chargés.
« Aujourd'hui, Messieurs, un grand nombre de citoyens armés accompagnent des pétitionnaires ; ils se portent vers l'Assemblée nationale par un mouvement civique: mais demain il peut se rassembler une foule de malintentionnés, d'ennemis secrets de la révolution et de l'Assemblée nationale elle-même. (Murmures à gauche).
Plusieurs membres (à droite) ; Oui, oui I
> Qu'aurions-nous à leur dire ? quel obstacle pourrions-nous mettre à leurs funestes rassemblements ? En un mot, Messieurs, comment pour-rions-nous répondre de votre sûreté si la loi ne nous en donnait le moyen... (Murmures à gauche.) et si ce moyen était affaibli dans nos mains par la condescendance de l'Assemblée nationale à recevoir des multitudes armées dans son sein?
« Nous demandons, Messieurs, de rester chargés de tous nos devoirs, de toute notre responsabilité, et que rien ne diminue l'obligation oû nous sommes de mourir pour maintenir l'ordre public et le respect dû aux pouvoirs qui forment les bases de la Constitution. (Murmures prolongés dans les tribunes; applaudissements à droite et au centre.)
Plusieurs membres : Monsieur le président, envoyez de la force aux tribunes pour les faire taire.
L'Assemblée nationale prendra en considération le. compte rendu que vous venez de lui faire. Elle vous invite d'assister à la séance, si l'importance de vos fonctions ne vous oblige pas dé concourir, autant qu'il est en vous, à la sûreté publique.
(Les membres du directoire du département de Paris entrent dans la salle.)
(Applaudissements d'une grande partie de l'Assemblée; murmures prolongés dans les tribunes).
Plusieurs membres (à droite) : C'est indécent, nous protestons contre ces mesures.
Je crois, et nous avons entendu avec plaisir M. Rœderer nous le confirmer, que le civisme seul anime les citoyens qui ont formé le rassemblement dont vous venez d'être instruits. Je crois aussi que vous devez prendre des précautions que la prudence commande, pour empêcher qu'aucun événement provoqué par la malveillance n'ait lieu. 11 serait plus régulier sans doute, et l'Assemblée Constituante elle-même et nous, aurions mieux fait de nous conformer aux principes qui défendent d'introduire dans le Corps législatif la force armée : car comme l'a observé M. Rœderer, si aujourd'hui lecivisjpe y conduit de bons citoyens, demain la malveillance peut y conduire des janissaires ; le sanctuaire de la loi ne doit être ouvert qu'aux législateurs et aux gens paisibles, jamais 1 appareil de la'force ne doit s'y déployer. Ainsi je pense que nous nous sommes écartés de l'austérité des principes, en suivant l'exemple de l'Assemblée constituante. Mais en nous écartant de ces principes, nous-mêmes avons contribué à l'erreur des citoyens. Nous ne devons donc pas être étonnés qu'ils viennent nous demander à défiler dans le sein du Corps législatif, puisque déjà nous avons accordé cette permission à d'autres rassemblements armés et que pas plus tard qu'hier, nous l'avons encore permis à un bataillon. J'observerai même que la position critique dans laquelle nous nous trouvons maintenant, résulte d'une circonstance bien extraordinaire. Les rassemblements armés, qui jusqu'à présent ont défilé dans ia salle du Corps législatif, se sont, formés sans avoir eu recours aux corps administratifs pour en demander la permission. Celui qui va se présenter aujourd'hui paraît l'avoir demandée. (Murmures.) Cependant la loi est menacée d'être violée, puisque l'on assure que le rassemblement s'avance. Dans cette Circonstance que ferez-vous ? Je crois qu'il y aurait une extrême rigueur à calculer avec une faute, dont le principe est dans Vos décrets ; je crois que ce serait faire injure au peuple, que de lui supposer de mauvaises intentions. Je ne crois pas que la prudence permette de lui en supposer d'autres que de bonnes. Ainsi vous devez suivre la marche que vous avez suivie jusqu'à présent ; et si des citoyens sans armes viennent ici à votre barre vous demander le défilement du rassemblement armé, comme vous avez déjà accordé le défilement à d'autres rassemblements, vous ne pouvez pas le refuser. (Murmures.) Vous le pouvez, mais vous ne le devez pas. Si ce rassemblement armé veut adresser une pétition au roi, je n'imagine pas que ce soit des hommes armés qui se présenteront chez le roi pour lui présenter cette pétition. J'imagine qu'ils se conformeront, à cet égard, à la loi, et que de même qu'ils enverront des citoyens sans armes à la barre, pour vous demander la permission de défiler, ils enverront aussi des citoyens sans armes pour porter leur pétition. Cependant, Messièurs, comme je ne crois pas qu'il y ait de danger, mais qu'à supposer qu'il y en ait, vous devez le partager, je demande qu'il soit nommé 60 commissaires pour se rendre chez le roi jusqu'à ce que ce rassemblement soit dissipé. (Applaudissements à gauche et dans les tribunes.)
Je demande la parole pour un ] fait : Vous savez toute l'influence que M. Pétion a sur l'esprit du peuple, et que j'aime à croire qu'il a bien méritée ; eb bien, Messieurs, on vient de me rapporter qu'il avait fait les plus grands efforts pour les engager à se retirer ; il n'est pas douteux que parmi ces citoyens la majeure partie est très-bien intentionnée (Tous! crie-t-on dans les tribunes.) mais ce qui prouve indubitablement qu'il y a quelques mauvais citoyens payés par l'aristocratie, c'est qu'ils n'ont point obéi a la voix de M. Pétion, parlant au nom de la loi. J'appuie la motion de M. Vergniaud.
J'ai su qu'il se faisait un rassemblement dans le faubourg Saint-Marcel, section des Gobelins, dont je suis le juge de paix, mais sans exercice, comme vous le savez ; j'ai été chez le commissaire de police, chez le commandant de bataillon, et enfin au comité ; j'ai trouvé tous ces messieurs, qui m'ont rendu compte qu'effectivement il se faisait un rassemblement sur le boulevard de l'Hôpital, et que ce rassemblement venait de partir il y a un instant, au nombre de 200, nonobstant les représentations d'un des officiers municipaux, qui était Venu leur observer que le rassemblement armé était non seulement contraire à la loi, mais était une désobéissance formelle à l'arrêté du directoire du départément. Cependant ils ont voulu partir; et pendant que le commandant de bataillon était allé rejoindre les autres officiers au comité, on s'est emparé des canons. On a jugé à propos de les laisser partir, dans la crainte de donner lieu à quelque soulèvement, n'étant pas alors en force; mais, depuis, le comité, com-
Elètement rassemblé et désespéré de cette déso-
éissance, m'a chargé de supplier l'Assemblée nationale de maintenir, comme elle le doit, l'exécution des lois. (Applaudissements à droite.)
Je déclare d'abord que je rends justice à la pnreté des sentiments qui animent les citoyens de Paris, et je suis loin de croire que la majorité de ceux qui composent le rassemblement dont il s'agit puisse avoir des intentions criminelles. Mais je rappelle à l'Assemblée que, dans les circonstances critiques où nous sommes, les meilleurs citoyens peuvent devenir les instruments des intrigues et des manœuvres dont on nous assiège tous les jours. Le temps est venu où nous devons asseoir la Constitution sur des bases inébranlables et assurer enlin la tranquillité et le bonheur de l'Empire par le respect des lois. Le temps est venu où nous devons exécuter les lois, pour les faire exécuter nous-mêmes aux autorités qui nous sont subordonnées. (Murmures.) Je conçois que l'Assemblée nationale, entraînée par l'exemple de ses prédécesseurs, ait pu jusqu'ici.recevoir dans son sein des députations d'hommes armés. Elle est excusable sans doute; mais la loi qui les prohibe n'existe pas moins, et des infractions passées n'autorisent pas des infractions futures. Vous avez senti vous-mêmes au commencement de votre session combien il serait dangereux d'admettre dans le sein du Corps législatif, non seulement des députations armées mais même des députations trop nombreuses ; et vous rendîtes un décret réglementaire qui en réduisait le nombre à 10 personnes au plus.
C'est vous qui l'avez fait.
Ce décret tutélaire doit être observé à la rigueur, et ce serait en éluder per-
fidement les dispositions que d'appuyer le vœu des pétitionnaires qui paraîtront à votre barre, par un rassemblement de 7 ou 8,000 hommes armés qui investiraient votre salle et finiraient par la traverser en triomphe.
Je vous prie d'observer que la France entière a les yeuxj sur vous. (Murmures.) Je vous prie d'observer que les malveillants peuvent abuser de votre conduite; je vous prie d'observer enlin, que si malgré les arrêtés du département et de la municipalité de Paris, malgré la prohibition des lois les plus formelles et les plus saintes, malgré l'agitation et le désordre qui paraissent régner dans une multitude égarée, elle pénètre dans cette enceinte, et se porte ensuite au château, on en pourra conclure que l'Assemblée nationale et le roi, instruments et victimes d'une faction coupable, ne jouissent pas de la liberté et du respect dont il est nécessaire qu'ils soient investis. Cette imputation, je le sais, serait injurieuse à tous les bons citoyens de la capitale. Mais il est important de montrer à nos compatriotes que les intrigues et les manœuvres des aristocrates et des anarchistes sont également impuissantes ; que la Constitution ne périra pas sous leurs eflorts, et qu'elle triomphera de tous ses ennemis. (Applaudissements d'une grande partie de l'Assemblée.)
Je suis loin de repousser la motion de M. Vergniaud : elle me paraît au contraire bien essentielle, puisqu'elle peut étouffer des espérances criminelles, en favorisant l'union qui doit exister entre les deux pouvoirs pour le bonheur de la patrie. Elle est plus essentielle encore pour faire Voir à l'Europe attentive que l'Assemblée nationale nest pas l'organe servile d'une faction dont le but est d'anéantir en France la Constitution et la royauté. (Applaudissements.)
Mais vous vous devez à vous-mêmes, vous devez à vos commettants d'en imposer à cette faction qui nous déchire, en développant un caractère digne d'eux et de vous. Il faut enfin que la loi triomphe, ou que nous nous ensevelissions avec elle.
Je demande : 1°, que la motion de M. Vergniaud soit décrétée.
Je demande : 2°, que le département et la municipalité de Paris vous rendent compte, à la séance de ce soir, des mesures qu'ils auront prises pour dissiper les rassemblements d'hommes armés, qui seraient contraires aux lois. (Applaudissements à droite et au centre. — Murmures violents à gauche.)
(Un grand nombre de membres se pressent autour de la tribune pour demander la parole.)
Je demande à faire part à l'Assemblée d'une lettre de M. Santerre, commandant du bataillon du faubourg Saint-Antoine (Applaudissements dans les tribunes.), datée du 20 juin.
« Monsieur le Président,
« Les habitants du faubourg Saint-Antoine célèbrent aujourd'hui l'anniversaire du serment du Jeu-de-Paume. Ils veulent présenter leurs hommages à l'Assemblée nationale. On a calomnié leurs intentions ; il demandent l'honneur d'être admis aujourd'hui à la barre pour confondre une seconde fois leurs lâches détracteurs, prouver qu'ils sont les amis de la liberté et les hommes au 14 Juillet.
« Je suis avec respect, etc...
« Signé : SANTERRE. »
(Une grande partie de l'Assemblée applaudit et se lève, par un mouvement simultané, pour demander que les citoyens pétitionnaires soient introduits. La droite manifeste, par des murmures et par des cris, spn improbation à la proposition de M. Vergniaud. Les tribunes applaudissent.)
parle dans le bruit.
Je demande la parole.
J'ai demandé à rendre compte d'un fait qui, ie crois, va dissiper les inquiétudes et ramènera le calme dans la délibération. L'orateur des pétitionnaires, qui demandent à se présenter à la barre, était, il y a un instant, dans un des bureaux de l'Assemblée. Il m'a fait appeler, et m'a chargé de dire à l'Assemblée que ces citoyens n'ont d'autre but que de présenter à l'Assemblée leurs respectueux hommages; qu'ils demandent uniquement à être admis à sa barre, et à défiler devant elle; qu'à la vérité, ils ont une adresse à présenter au roi, mais que leur intention n'est pas du tout de se présenter au château; que seulement ils demandent la permission de déposer cette adresse au roi dans le sein de l'Assemblée nationale, qui en fera, dans sa sagese, l'usage qu'elle jugera convenable. Il paraît donc constant que les citoyens pétitionnaires n'ont point dessein de se présenter au château; ils prennent l'engagement formel de ne pas même approcher du domicile du roi.
Je partage .l'opinion de M. Dumolard; je pense comme lui que la Constitution doit être assise sur des bases inébranlables, et que la loi doit être exécutée ; mais aussi je pense que sj le peuple se trouve dans ce moment-ci un pet* écarté de la loi, c'est parce que l'Assemblée constituante et l'Assemblée législative actuelle ont favorisé cet écart en soutirant les rassemblements, et en tolérant que les citoyens présentent leurs hommages au Corps législatif en défilant dans le lieu de ses séances. Ainsi, Messieurs, si dans ce moment vous ordonniez au département et à la municipalité de faire exécuter la loi à la rigueur, ce qui en d'autres termes veut dire que le département et la municipalité renouvelassent la scène sanglante du Champ-de-Mars (Murmures à droite; applaudissements des tribunes.) ; si, dis-je, vous preniez ce parti qui n'est pas dans vos cœurs, l'Assemblée, j'ose le dire, aurait à s'imputer à elle-même ce malheur extrême, et ce serait dans son histoire une tache ineffaçable. (Applaudissements des tribunes.)
On m'observe qu'il y a des citoyens rassemblés, une désobéissance, mais j'ai l'honneur d'observer que cette désobéissance est une suite de l'erreur qans laquelle la conduite de l'Assemblée nationale a jeté des citoyens. Us n'ont pas pu croire que lorsque nous avons déjà reçu beaucoup de citoyens armés, on voudrait aujourd'hui les empêcher d'entrer sans un décret de l'Assemblée nationale, et non par une simple prohibition du corps municipal. Ainsi donc, Messieurs, puisque vous l'avez permis, puisque vous êtes assurés de la pureté des intentions de ceux qui se présentent, vous rie pouvez pas vous y refuser; car, et ceci est une observation bien importante, le peuple a été justement inquiet, et vous ne pouvez pas douter que, dans ce moment, il veut vous prouver que quelque intrigue, quelque manœuvre que l'on emploie, quelques trames qu'on ourdisse
Eour vous effrayer aur le sort de la liberté, les abitants du faubourg Saint-Antoine en seront toujours les plus fermes défenseurs. De tels sentiments ne peuvent mériter aucune improbation,
mais peut-être de la bienveillance et de la reeen-naisance. Décrétez une loi pour l'avenir, d'après laquelle aucun rassemblement armé né pourra approcher du lieu de vos séances, mais que les citoyens qui sont déjà rétinis, à i'effet d'oblénir l'honneur de défiler devant vous, soient admis à l'instant. Je demande que l'on mette aux voix ma proposition. (Applaudissements à> gauche et dans les tribunes.)
monte à la tribune.
Plusieurs membres Aux voix, aux voix 1
D'autres membres: La clôture ! nous demandons la clôture de la discussion \ (Murmures à droite.]
J'entends demander la clôture, je vais consulter l'Assemblée.
Plusieurs membres : Mais c'est infâme ce que vous faites là, Monsieur 1e Président.
Je demande que M. Ramond, qui veut répliquer, soit entendu.
Plusieurs membres : Hon, nottl (Murmures à droite.)
Il y a une injustice dans cette conduite-là. Vous avez entendu deux fois M. Vergniaud ; vous devez entendre M. Ramond.
Je demande la parole pour répondre à M. Ramond.
(L'Assemblée, consultée, se prononce contre la clôture et décrète que M. Ramond sera entendu.)
M. Vergniaud a allégué avec beaucoup de justice qu'avant jusqu'à présent admis dans votre sein dés hommes armés qui, en défilant devant vous, vous ont présenté un simulacre de la force de l'tèmpire contre toute espèce d'ennemis de la liberté, il n'y aurait point de raison pour refuser ceux qui se présenteraient actuellement à votre barre; mais il a négligé dans sa comparaison un point essentiel de différence, un point qui distingue de tous les cas qu'il a cités, celui sur lequel vous délibérez. Jusqu'à présent la force armée, qui s'est présentée dans votre sein, n'avait été avertie par personne de la contravention à la loi. Aucune autorité constituée et intermédiaire ne lui avait dénoncé son erreur; elle était par conséquent dans le cas de l'ignorer; et la faute que vous faisiez en l'admettant, n'autorisait nullement chez les çitoyens la violation d'une loi du royaume, Qo ne violait qu'un des articles de votre règlement. Je pèse sur cette différence, parce que c'est cette différence qui doit vous guider. lt moi, Messieurs, je pense encore mieux que M. Vergniaud {Murmures à gaucheje pense encore mieux que M, Vergniaud des dispositions des citoyens de Paris : car depuis les premiers instants de la Révolution, sans çesse mêlé avec eux, j'ai quelque droit d'attester iqi les. intentions qui les ont animés dans tous les temps. J'observe à l'Assemblée que lorsque M. Vergniaud a craint que l'inflexibilité de la loi fût suivie de l'effusion dii sang, il ne connaît point jusqu'^ quel point le respect de la loi est gravé dans le cœur de tous les citoyens de Paris.
Je suis obligé d'interrompre la discussion pour faire part à l'Assemblée, que le commandant de la garde nationale vient de m'avertir que les pétitionnaires sont aux portes de cette salle, au nombre de 8.000, et demandent à être, admis- (Applaudissements à. gauche; — murmures prolongé* à droite.).
Plusieurs membres : Après l'opinion 4e M* Ra~ mond.
D'autres membres : Délibérons tranquillement.
Puisqu'ils sont 8,000 et que nous ne sommes que 745, je propose que nous levions la séance et que nous nous en allions.
(IJn murmure général d'improbation s'élève contre cette proposition.)
Monsieur le Président, maintenez la parole à M. Ramond.
Si l'Assemblée refusait à ces citoyens l'honneur de défiler dans la salle, elle paraîtrait avoir été retenue par un sentiment de crainte. Non, Messieurs, je m'oppose à la levée de la séance, je demande que M. Ramond soit entendu, et que l'Assemblée continue paisiblement sa discussion sans s'arrêter à la proposition injurieuse de M. Calvet.
Pour prouver que qe n'est pas le sentiment qui anime l'Assemblée, je demande qu'on rappelle à l'ordre M. Calvet.
J'appuie cette proposition.
Plusieurs membres : Appuyé, appuyé!
Monsieur le Président, je demande la parole.
Monsieur Calvet, je vous rappelle à l'ordre.
Plusieurs membres parlent dans le bruit (Grande agitation.)
monte à, la trihune pour s'expliquer.
lui demandent de céder la parole.
descend de la tribune. Le calme se rétablit.
Que l'Assemblée prenne le caractère qui lui convient, que l'orateur soit entendu ; je réclame la dignité de l'Assemblée, du peuple tout entier, et que son représentant soit entendu.
Si 8,000 hommes amendent à votre barre votre décision, millions d'hommes ne l'attendent pas moins; je. continue donç mon opinion.
. Je crois, dis-je, Messieurs, plus que personne, au respect que les citoyens de Paris ont pour la loi ; je crois que le Corps législatif manquerait à la plus belle, à la plus, sainte de ses missions, si elle ne les avertissait pas du respect qu'ils doivent aux autorités constituées; je crois que le Corps législatif, non seulement est destiné à douner des lois au peuple, mais encore à l'éclairer; que le Corps législatif est non seulement le législateur de l'Empire, mais s,on instituteur ; que le Corps législatif doit non seulement surveiller les autorités constituées, mais surveiller les citoyens qui les ont constituées ;
Sue le Çorps législatif, enfin, doit à ces citoyens, oit 4 lui-même, doit à la loi, qui èst la divinité d'un peuple libre, doit à tout ce qu'il y a de plus sacré, de les avertir qu'ils transgressent une loi qui leur a été promulguée, et qui leur est connue.
Certes, je ne craindrai jamais de voir les citoyens de Paris parmi nous; je ne craindrai jamais de voir le peuple entier autour de nous. Je suis certain que plus le nombre des citoyens qui nous environnent serait considérable, plus les opinions y seraient éclairées,, plus la volonté générale se manifestait, plus l'intérêt général
aurait d'empire. Nul ne désire plus que moi de les voir avec nous, parmi nous, dénier devant nous: nul ne voit, avee plus de plaisir, l'appareil des armes, qui sont l'effroi de tous les ennemis de la liberté; mais, Messieurs, la loi et les autorités légales ont parié... Que les pétitionnaires déposent, à la porte de çe sanctuaire, les armes qu'il leur est défendu d'y porter. Vous devez l'exiger, ils doivent obéir; Te dépôt de la loi n'est pas entre vos mains pour être violé, et votre délibération, si elle ne faisait pas plier des volontés tumultueuses, porterait le caractère de la crainte ou de l'inconsidération. (Applaudissements à droite; murmures à gauche.) Plusieurs membres; : Concluez !
J'applaudis au généreux sentiment qui a dicté à M. Vergniaud la motion d'envoyer une députation de 60 membres au château; mais convaincu qu'il ne peut y avoir de crainte pour personne au milieu des citoyens de Paris, je demande la question préalable sur cette partie de la motion, comme injurieuse à ses citoyens; et je propose, en outre, que le Corps législatif, fidèle à ses fonctions, fidèle à sa dignité, comme à son intérêt, maintenant la Soumission due aux autorités légales, présente à l'Empire, à l'Europe attentive, le spectacle de sa fermeté, au milieu d'une multitude que cette fermeté rappellera au respect de la loi. Je demande que les eitoyens prêts à se présenter à la barre, déposent, à la porte, leurs armes. (Murmures à gauche; applaudissements à droite*)
Quand les sections de Paris se sont présentées à la barre, elles s'y sont présentées en armes ; elles ont demandé l'honneur de défiler dans la salle, et cette faveur leur a été accordée chaque fois. Aujourd'hui les citoyens du faubourg Saint-Antoine se présentent pour faire, une pétition; ils sont armés, dit-on, ils demandent la même faveur que déjà l'Assemblée a accordée-....
Un membre : La municipalité et le département ne l'avaient pas défendu.
Tout à coup on se souvient que cette demande est une violation de la loi, et 1 on demande que ce rassemblement séditieux soit repoussé avec toute la rigueur de la loi. (Murmures à droite')
Plusieurs membres : Ce n'est pas vrai ; on n'a pas dit cela !
D'autres membres : 0h ! le perfide, il cherche à tout empoisonner!
11 paraît que, dans l'esprit de ces messieurs, l'opinion de M. Dumolard ne mérite pas d'être relevée ; mais moi qui attache plus de prix à l'opinion de M. Dumolard, je dis qu'en passant je pouvais la réfuter.
Plusieurs membres: Qui, mais ne la change? pasl
Au reste, je vais examiner eelle de M. Ramond.
M. Ramond se borne à demander que ces ci» toyens déposent leurs armes à la porte. Ce moyen est absolument impraticable. Mais sur quoi en fonde-t-il la nécessité? Sur ce que les citoyens qui se présentent en armes sont rebelles à^in arrêté du directoire du département de Paris, Je né concevrai jamais comment pour constituer des citovens en contravention à la loi, on peut parler de l'arrêté du directoire* lorsqu'on est forcé de convenir qu'une loi précédente défea-
dait de défiler en armes dans le sein du Corps législatif, et que l'Assemblée l'a déjà permis à plusieurs sections de Paris... (Applaudissements dus tribunes.) On ne peut plus parler de désobéissance à la loi, puisque l'Assemblée elle-même a dérogé à celle qu'on allègue ici.
11 y aurait une sorte d'injustice révoltante à refuser aux citoyens qui se présentent, la faveur qu'on a accordée à ceux qui se sont présentés avant eux. Cette mesure me paraîtrait ressembler parfaitement à celle d'un empereur de Rome, qui faisait écrire des lois en caractère tellement menu, que les citoyens ne pouvaient lire, afin de trouver beaucoup de citoyens en contravention et beaucoup d occasion de punir. (Applaudissements à l'extrême gauche et dans les tribunes; — murmures prolongés à droite et au centre.) Plusieurs membres : A l'ordre! à l'ordre!
Ces citoyens connaissaient si bien la loi, qu'il y a 3 jours ils ont demandé la permission de s'assembler en armes au conseil général de la commune, qui la leur a refusée.
Je demande que M. Guadet soit rappelé à l'ordre pour avoir manqué à l'Assemblée.
Quelqu'interprétation que l'on donne à ce que je viens de dire, je soutiens que vous auriez - vous-mêmes induit en erreur et trompé les citoyens, si vous donniez un effet rétroactif au décret par lequel vous interdirez à l'avenir l'introduction de tout rassemblement armé dans le lieu de vos séances. {Applaudissements à gauche et dans les tribunes.)
Eh bien, on les avertit à présent.(Murmures.)
Je finis en demandant l'admission des pétitionnaires.
C'est évident, ceux qui les ont fait venir, ne peuvent pas les renvoyer.
Comment, nous donnerons l'exemple de ia violation de la loi!
Je demande qu'on mette aux voix la motion de M. Ramond; voilà l'heure suprême où il faut faire son devoir. Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix!
réclament la parole.
(L'Assemblée ferme la discussion.) (Applaudissements des tribunes.)
Plusieurs membres : La question préalable sur l'admission.
consulte l'Assemblée sur l'admission. Une épreuve de délibération est faite, et un huissier, croyant le décret rendu, ouvre la barre aux pétitionnaires.
Ils paraissent: Tumulte dans l'Assemblée. Toute ia droite se lève. MM. Raoïond, Jaucourt, Mathieu Dumas, Becquey, Geuty et quelques autres membres se récrient et protestent, en demandant que les pétitionnaires se retirent et attendent la décision de l'Assemblée.
Je demapde, Monsieur le président, que vous soyez rappelé à l'ordre. (Murmures.) M. le Président se couvre. Plusieurs membres s'approchent des pétitionnaires qui, après une courte explication, se retirent. — Le calme se rétablit.
se découvre.
C'était une erreur, les pétitionnaires ont cru que le décret était rendu.
J'avertis l'Assemblée que c'est par erreur que les pétitionnaires ont été admis si précipitamment ; l'huissier n'avait reçu aucun ordre. L'Assemblée nationale peut excuser cette erreur au moment d'une extrême agitation; mais je vais mettre aux voix s'ils seront admis dans le moment actuel. (Murmures))
Il faut que l'Assemblée saehe que les pétitionnaires n'ont point entré d'eux-mêmes dans l'Assemblée. Ils ont été appelés par un huissier qui en avait reçu l'ordre de M. le président, et aussitôt qu'ils ont reconnu qu'il n'y avait point de décret, ils se sont retirés. Voila leur justification, (Applaudissements.)
11 est nécessaire de faire remarquer à l'Assemblée combien les citoyens de Paris sont disposés à la soumission aux lois, puisque, sur une simple réclamation, ils se sont retires. (Applaudissements.)
Je demande, à présent, que M. le président mette aux voix si les pétitionnaires seront admis à la barre, et ensuite l'Assemblée délibérera, après les avoir entendus, si les citoyens des sections défileront devant elle. (Applaudissements.)
(L'Assemblée décrète que lés pétitionnaires seront admis (Applaudissements à gauche et dans les tribunes.)
Les pétitionnaires sont introduits à la barre. (Applaudissements réitérés à gauche et dans les tribunes.)
Vorateur de la députation s'exprime ainsi :
« Législateurs (1)
« Le peuple français vient aujourd'hui (Murmures à droite) vousexprimer ses craintes et ses inquiétudes. C'est dans votre sein, Messieurs, qu il dépose ses alarmes, et qu'il espère trouver enfin le remède à ses maux. Ce jour lui rappelle l'époque mémorable du 20 juin au Jeu de paume, où les représentants du peuple affligé se sont réunis et ont juré, à la face du ciel, de ne point abandonner notre cause, de mourir pour la défendre. Rappelez-vous, Messieurs, ce serment sacré et souffrez que ce même peuple, affligé à son tour, vous demande si vous l'abandonnez.
Au nom de la nation qui a les yeux fixés sur cette ville, nous venons vous assurer que le peuple est debout, à la hauteur des circonstances, et prêt à se servir des grands moyens pour venger la majesté nationale outragée. Ces moyens de rigueursont justifiés par l'article 2 des Droits de l'homme :... « résistance à l'oppression. » Quel malheur cependant pour des hommes libres qui vous ont transmis'tous leurs pouvoirs de se voir réduits à treqjper leurs mains dans le sang des conspirateurs! Il n'est plus temps de se le dissimuler, la trame est découverte, et le grand jour est arrivé. Le sang coulera, ou l'arbre de la liberté que nous allons planter fleurira en paix. (Applaudissements à gauche et dans les tribunes.)
Plusieurs membres : Silence! Vorateur : Législateurs, que ce début ne vous étonne pas, nous
ne sommes d'aucun parti. Nous n'en voulons adopter d'autre que celui qui sera
11 est temps, Messieurs, de mettre à exécution cel article 2 des Droits de l'homme. Imitez les Cicérons, les Démosthènes, et dévoilez en plein Sénat les perfides machinations des Catilina. Vous avez des hommes animés du feu sacré du patriotisme, qu'ils parlent et nous agirons.
« C'est en vous, Messieurs, que réside en ce moment le salut de la patrie. Nous avons toujours cru que notre union, faisant notre force, cette union, ce concert général devait régner plus essentiellement chez vous. Nous avons toujours cru que lorsqu'on discutait les intérêts de l'Etat, on ne devait envisager que lui et le législateur devait avoir un cœur inaccessible à tout intérêt particulier. (Applaudissements à gauche et dans les tribunes.) L'image de la patrie étant la seule divinité qu'il lui suit permis d'adorer, cette divinité si chère à tous les français, trouverait-elle jusque dans son temple des réfractai res à son culte? En existerait-il ? Qu'ils se nomment les amis du pouvoir arbitraire, qu'ils se fassent connaître, le peuple, le véritable souverain est là pour les juger. Leur place n'est point ici, qu'ils purgent la terre de la liberté,
?u'ils aillent à Coblentz rejoindre les émigrés! rès' d'eux, leurs cœurs s épanouiront; là, ils distilleront tout leur venin, ils machineront sans crainte, conspireront contre leur patrie, qui ne tremblera jamais.
« C'est ainsi que parlait Cicéron dans le sénat de Rome, lorsqu'il pressait le traître Catilina d'aller rejoindre le camp des traîtres à sa patrie.
« Faites donc exécuter la volonté du peuple (la Constitution) qui vous soutient, qui périra pour vous défendre; réunissez-vous, agissez, il est temps. Oui, il est temps, législateurs, que le peuple français se montre digne du caractère qu il a pris. Il a abattu ses préjugés, il entend rester libre et le sera en dépit des tyrans conjurés. Ces tyrans, vous les connaissez, ne mollissez point devant eux. Trembleriez-vOus, tandis qu'un simple parlement foudroyait souvent la volonté des despotes. Le pouvoir exécutif n'est point d'accord avec vous, nous n'en voulons d'autres preuves que le renvoi des ministres patriotes. CVt donc ainsi que le bonheur d'une nation dépendra du caprice d'un roi, mais ce roi doit-ii avoir d'autre volonté que celle de la loi. Le peuple le veut ainsi et sa tête vaut bien celle des despotes couronnés. Cette tête est l'arbre généalogique de la nation, et devant ce chêne robuste, le faible roseau doit plier.
Nous nous plaignons, Messieurs, de l'inaction de nos armées; nous demandons que vous en pénétriez la cause. Si elle dérive du pouvoir exécutif, qu'il soit anéanti. Le sang des patriotes ne doit pas couler pour satisfaire l'orgueil et l'ambition du château des Tuileries. (Applaudissements des tribunes.) Qui peut donc nous arrêter dans notre marche? Verrons-nous nos armées se détruire partiellement? La cause étant commune, l'action doit être, générale, et si les premiers défenseurs de notre liberté eussent ainsi temporisés, siègeriez-vous aujourd'hui
dans c**t auguste aréopage? (Applaudissements).
« Réfléchissez-y bien, Messieurs, rien ne doit vous arrêter. La liberté ne peut être suspendue. Si le pouvoir exécutif n'agit point, il ne peut y avoir d'alternative : c'est lui qui doit l'être. Un seul homme ne doit pas inlluencer la volonté d'une nation de 2ô millions d'âmes. Si par un souvenir, nous le maintenons dans son poste, c'est à la condition qu'il le remplira noblement. S'il s'en écarte, il n'est plus rien pour le peuple français.
« Nous nous plaignons, enfin, de la lenteur de la haute cour nationale. Vous leur avez remis le glaive de la loi, qu'attend-elle pour l'appesantir sur la tête des coupables? La liste civile aurait-elle encore ici quelqu'influence? Aurait-elle des criminels privilégiés, des criminels qu'elle puisse impunément soustraire à la vengeance des lois? Forcera-t-on le peuple à se reporter à l'époque du 13 juillet, à reprendre lui-même ce glaive et à venger d'un seul coup la loi outragée, à punir les coupables et les dépositaires pusillanimes de cette même loi? Non, Messieurs, non, vous voyez nos craintes, nos alarmes, et vous les dissiperez.
« Nous avons déposé dans votre sein une grande douleur. Nous avons soulagé nos cœurs ulcérés depuis longtemps. Nous espérons que le dernier cri que nous vous adressons se fera sentir au vôtre. Le peuple est debout, il attend dans le silence une réponse digne, enfin, de sa souveraineté. (Murmures ) Législateurs, nous vous demandons la permanence de nos armes jusqu'à ce que la Constitution soit exécutée. « Cette pétition n'est pas seulement des habitants du faubourg Saint-Antoine, mais de toutes les sections de la capitale et des environs de Paris. (Applaudissements à gauche et dans les tribunes.)
Les pétitionnaires de cette adresse demandent à avoir l'honneur de défiler devant vous. « (Applaudissements des tribunes).
« Suivent les signatures : Bourbant, Var-let, etc... etc.....»
Monsieur le Président, je demande la parole, j'ai une proposition à faire.
Plusieurs membres : Après la réponse.
Je la demande avant.
Personne n'a le droit de parler avant que j'aie répondu.
Citoyens, l'Assemblée nationale et le peuple ne font qu'un; nous voulons votre intérêt, votre bonheur, votre liberté, mais nous voulons aussi la loi et la Constitution. Les représentants de 24 millions d'hommes vous assurent, par mon organe, que nous déjouerons les trames des conspirateurs, que nous les livrerons au glaive des lois, parce que les lois seules ont le droit de venger la nation, et que ce n'est que dans elles et par elles que vous trouverez cette Constitution et cette liberté que vous cherchez. L'As-semblee nationale vous invite.....
Plusieurs membres : Point d'invitation !
L'Assemblée nationale vous invite au respect pour les lois et pour les autorités constituées; elle vous y invite au nom de la patrie et de la liberté que nous chérissons et que nous sommes résolus à défendre au péril de notre vie, et en mourant, s'il le faut, glorieusement au poste où le peuple nous a placés, et où nous ne respirons que pour sa félicité et pour le maintien de nos saintes lois. L'Assemblée
nationale verra toujours avec plaisir autour d'elle les citoyens de Paris, parce qu'elle est assurée de leurs sentiments patriotiques et qu'elle sait qu'il n'y a que les dangers de la
Eatrie qui puissent exciter leurs inquiétudes.
Ile prendra en considération la pétition que vous venez de lui l'aire; elle vous invite à assister à sa séance. (Vifs applaudissements des tribunes et de plusieurs pétitionnaires.)
[La réponse de M. le Président est fort applaudie par ïAssemblée.)
(Les pétitionnaires entrent dans la salle au milieu des plus vifs applaudissements de la gauche et des tribunes.)
Je vais mettre aux voix la proposition de permettre aux citoyens des faubourgs Saint-Marcel et Saint-Antoine de défiler dans l'Assemblée.
Plusieurs membres : Monsieur Aubert-Dubayet a la parole.
D'autres membres : Non, non! (Murmures.)
Je demande à faire une motion d'ordre.
Maintenez-moi la parole! (Murmures.)
Il n'y a pas de décret rendu. Je consulte l'Assemblée pour savoir si MM. Aubert-Dubayet et Lecointre seroni entendus.
(L'Assemblée décrète que MM. Aubert-Dubayet et Lecointre ne seront pas entendus.)
II reste à mettre aux voix la permission à accorder aux pétitionnaires de défiler au milieu de l'Assemblée.
Je demande, par amendement, qu'aucun citoyen ne pourra se présenter en armes devant le Corps législatif.
Je ne sais pas transiger avec la loi. Il y a une loi qui détend, pour Tes citoyens et pour les membres de l'Assemblee nationale, l'introduction des armes dans le sein du Corps législatif. Eh bien! je demande que Monsieur le Piesident instruise les citoyens,• sans doute égarés, que la loi existe.
Un membre (à gauche) : Ils ne sont pas égarés.
Et je demande, en conséquence, non pour l'avenir, mais pour aujourd'hui, la question préalable sur l'admission d'ho mues armes au milieu du Corps législatif. (Murmures à gauche.)
Pour l'acquit de notre serment, pour l'honneur del'Assemblée nationale et pour la surete de l'Empire, je demande. Monsieur le Président, que vous mettiez aux voix la question préalable sur une violation aussi manifeste de la loi.
Je consulte l'Assemblée sur la question préalable.
(L'Assemblee rejette la question préalable.)
Je mts aux voix la permission à accorder aux pétitionnaires de defiler au milieu de l'Assemblée.
(L'Assemblée décrète que les citoyens des faubourgs Saint-Marcel et Saint-Antoine défileront dans son sein.)
Plusieurs membres : Nous demandons la question préalable sur tous les amendements.
(L'Assemblée, consultée, rejette tous les amendements.)
D'après cela, je demande la question préalable sur toutes les lois du royaume.
Je demande l'impression de la pétition, afin que la violation de la loi soit constatée dans tous les départements. (.Murmures.)
Une députation des premier et deuxième bataillons de la Gironde est admise à la barre.
M. Ducarpe, capitaine au premier bataillon et orateur de la députation, donne lecture de l'adresse suivante :
« Législateurs, (l)
« Le premier et le second bataillon du département de la Gironde, qui marchent sur la frontière à la voix de la patrie menacée, viennent, par un mouvement unanime, vous porter l'hommage de leur respect et de leur fidélité.
« 11 tardait à i>otre impatieiice le moment de nous mesurer avec les ennemis de la nation souveraine que nous sommes appelés à défendre. Nous touchons enfin à cet instant désiré; on verra si nous sommes dignes de nos grandes destinées; on verra si le poste occupé par la Gironde sera défendu avec counge La mort n'est pas pour les hommes libres le plus grand des sacrifices. (Applaudissements.) Quel lâche Français pourrait balancer entre le trépas et son existence asservie ! Législaieurs, n> s serments nous sont plus chers que la vie; ils sont fondés sur les plus nobles sentiments qui puissent enflammer le cœur humain, l'amour de la patrie et des lois. (Applaudissements.)
« Une de ces lois surtout, sera toujours présente à notre mémoire et à nos armes : la force armée est essentiellement obéissante (Applaudissements), voilà le code du soldat de la liberté. Nous n'oublierons jamais que, quel que soit notre grade, nul de nous n'a le droit d'examiner l'ordre qu'il reçoit, avant d'y avoir obéi (Applaudissements) ; que dans un pays libre, tout citoyen viole la loi, quand il la discute sous les armes, et que depuis le soldat jusqu'au général, tous doivent marcher droit à l'ennemi, sans retourner la tête en arrière. (Applaudissements.)
« Continuez, Législateurs, à cimenter la féli-cité publique, par des lois sages et fermes; accablez de toute la puissance nationale les ennemis du dedans, nous allons voir de près les autres; laites qu'en défendant votre ouvrage, nous coopérions au bonheur des Français. * (Applaudissements prolongés.)
Plusieurs membres : L'impression!
D'autres membres : Apiès la réponse!
L'Assemblée nationale a entendu avec satisfaction les assurances de zèle et de patriotisme que donnent les soldats citoyens gardes nationaux du département de la Gironde. Elle y a surtout remarqué cette maxime sacrée qui est inscriie dans le code de tous les peuples libres, qui est que la force armée est toujours obéissante. Elle vous témoigne la satisfaction qu'elle a éprouvée en entendant ces saintes paroles. Elle vous invite à assister à sa séance. (Applaudissements.)
Un membre : Je demande l'impression de l'adresse, la mention honorable et l'envoi aux 83
départements.
J'appuie les trois propositions faites par le préopinant, l'impression de 1 adresse, la mention honorable et l'envoi aux 83 départements.
Plusieurs membres : A l'armée! à l'armée!
Lessentimentsciviques etdignes d'hommes libres exprimés par ces citoyens volontaires, doivent èlre connus de leurs frères d'armes et de toute l'armée. Ils sont garants de leurs suicès, ils ï-ont les garants que la lib rté triomphera en France de l'anarchie et des tyrans.
pplaudisseme nts.)
Je demande, par amendement, qu'il en soit envoyé copie à M. La Fayette.
(L'Assemblée décrète les trois propositions de M. Gérardin.)
L'ordre du jour appelait M. Lafon-Ladebat à la tribune, pour la lecture d'un rapport sur les finances, quand les citoyens et citoyennes des faubourgs Saint-Marcel et Saint-Antoine et de toutes les sections de Paris se présentent La discussion est interrompue par l'admission de la multitude armée. Ils entrent, précédés des tambours et d'un petit corps de musique. La marche est ouverte par MM. Saint-Huruge et Santerre, vêtus d'un uniforme national. Ils paraissent commander, ca ' M. Santerre se donne beaucoup de mouvement pour toutordonnancer et M. Saint-Huruge tient le sabre au clair et levé.
Plusieurs détachements de la garde nationale armée sout confondus dans la fouie, composée d'hommes, de femmes et d'enfants, la plupart sans armes.
Les citoyens armés, le sont, les uns de fusils et de piques, les autres de besaiguës, de tran-chets, de couteaux, de faux, de fourches et de bâtons. Quelques femmes portent des sabres, des pointes de fer, de bonnets de laine.
Tous traversent la salle en dausant à diverses intervalles au son du « Ça ira » ou au bruit des tambours qui marquent alternativement la mesure et la marche. Ils crient : « Vivent les patriotes! vivent les sans-culot les ! vive la nation! vivent nos représentants ! vive la liberté! vive la loi! à bas le veto! » Les tribunes de temps en temps applaudissent.
Dans les emblèmes portés par le cortège se trouvaient un fac-simiie de la table de la Déclaration des Droits, entourée d'un nombre respectable d'invalides; un tableau, sur lequel on lit cette iuscriptiou « Tyrans, tremblez, les Français sont armés » ; des couronnes civiques ; des drapeaux ; une culotte noire déchirée portée sur une pique et environnée de cocardes; un é«*ri-teau,où sont écrits c^s mots : « Avis à Louis AT/; le peuple est las de souffrir, la liberté ou mourir. » Un homme enfin, porte au bout d'une lance un cœur de veau, avec 1e placard suivant: « Çœur d'aristocrate ».
Divers membres de VAssemblêe engagent le pétitionnaire, qui porte ce dernier trophée, à sortir de la salle ; il se retire.
Au milieu de la marche un citoyen s'arrête et dit :
« Législateurs, ce n'est pas 2,000 hommes, c'est 20 millions d'hommes que nous venons offrir, c'est une nation entière qui doit s'armer pour combattre les tyrans, ses ennemis et les vôtres. » (Applaudissemettts.)
Le cortège continue.
Vu officier de la garde nationàle se présente à la barre.
« Je demande, Monsieur le Président, dit-il, si je puis faire une déclaration. »
M. Santerre. Quand on aura défilé. En avant, marche !
(Le défilé, commencé à 1 h. 1/2, ne se termine qu'à 3 h. 1/4.)
M. Santerke à la barre. Les citoyens du faubourg Saint-Antoine sont venus présenter leurs vœux ardents pour le salut de la patrie, et vous offrir leur vie pour défendre vos décrets. Ils vous prient d'agréer ce drapeau en reconnaissance de l'amitié que vous avez bien voulu leur témoigner.
L'Assemblée nationale accepte l'offrande du faubourg Saint-Antoine. Elle vous invite à continuer de marcher sous l'égide de la loi, sauvegarde de la patrie. (Applaudissements.)
Avant de lever la séance, je dois annoncer une nouvelle, qui n'est pas officielle, mais que vient de m'apprendre une personne, sur la sincérité de laquelle je ne p^ux élever aucun doute. Elle porte que Courtrai a été pris, qu'un très grand nombre de prisonniers a été fait, et qu'en rentrant dans la ville, on a crié : Vive ta nation française !
Je m'empresse de communiquer cette nouvelle à l'Assemblee et au peuple, afin que ce jour, qui inspirait de la défiance et des alarmes, se change eu un jour de confiance et d'allégresse. (Vifs applaudi sstmenls.)
Je demande l'impression de l'adresse des citoyens du faubourg Saint-Antoine.
Je déclare que la séance estlevee.
(La séance est levée à trois heures et demie.)
Séance du
PRÉSIDENCE DE MM. GUYTON-MORVEAU, er-pré-sident, GÉRARDIN, vice-président, ET LEMONTEY, ex-président.
présidence dem. guyton-morveau, ex-président.
Le bruit répandu dans la ville, que le peuple s'est porté vers le château des Tuileries, a attiré plusieurs membres à la salle des séances de l'Assemblée. Vers 4 h. 1/2 environ, ces membres, n'étant pas en nombre suffisant, restent pendant quelque temps, portes closes, sans prendre aucune délibération.
Vers 5 heures, se trouvant en nombre suffisant, l'Assemblée fait ouvrir les portes, et M. Guyton-Morveau, ex-président, ouvre la séance.
J'apprends que les jours du roi sont en danger et que la foule armée est, à celte heure, dans les appartements des Tuileries ; je demande que 1 Assemblée nationale s'y transporte en corps pour sauver la famille royale.
La chose presse, il n'y a pas à délibérer. Je fais la motion que l'Assemblée nationale nomme une députation de 24 membres pour se rendre, sur-le-champ, chez le roi. S'il
arrivait quelque événement, Messieurs, nous en serions responsables. (Murmures.)
Plusieurs membres : Ah bah !
Je suis bien éloigné de croire que le roi soit en danger au milieu du peuple; mais cependant, puisque les membres de l'Assemblée désirent qu'il y ait une députation chez le roi, je consens très volontiers à la nomination dè la députation.
11 y a un membre de cette Assemblée qui vient de chez le roi : je demande qu'il soit entendu, afin qu'il vous dise ce qui s'y passe. (Murmures.)
Je penserai comme M. Thuriot, si le roi était au milieu du peuple; mais ce n'est pas le peuple qui est chez le roi, ce sont des brigands. (Murmures à gauche.)
Plusieurs membres : Oui ! oui !
Si les membres de l'Assemblée qui se permettent de semblables qualifications voulaient bien réfléchir un seul instant (Mur-mures)... Je demande à être entendu; ce n'est pas avec des calomnies, que l'on sauve la République. (Nouveaux murmures.)
Plusieurs membres : La clôture !
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Je consulte l'Assemblée sur le point de savoir si une députation sera envoyée chez le roi.
(L'Assemblée décrète l'envoi d'une députation chez le roi.)
Un membre : Je demande que la députation soitcomposée de 60 membres. (Applaudissements.)
Nous ne sommes pas assez nombreux, il suffira d'y envoyer 24 membres.
Dans une circonstance pareille à celle où nous trouvons, je crois qu'il est nécessaire que l'Assemblée soit toujours séante. Si nous envoyons au roi une députation de 60 membres, l'As.-emblée ne serait plus en assez grand nombre pour délibér r. J'appuie la proposition de M. Leramboure et je demande que la députation ne soit que de 24 membres.
Je demande que le premier membre qui se permettra une expression irritante contre le peuple, soit rappelé à l'ordre.
Plusieurs membres : Vous êtes un factieux !
C'est la motion d'un factieux, celle qui voit le peuple dans des brigands !
Je consulte l'Assemblée sur la quantum des membres dont se compose la députation.
(L'Assemblée décrète que la députation sera de 24 membres.)
Je demande que M. le Président nomme les membres de la députation afin qu'ils puissent partir sur-le-champ.
(L'Assemblée adopte cette proposition.)
cède le fauteuil à M. Gé-rardin, vice-président.
présidence de M. GérardIN, vice-président.
nomme les membres qui doivent composer la députation. Ils sortent de la salle pour se rendre auprès du roi.
, au nom du comité de Vextraordinaire des finances, soumet à la discussion un
projet de décret sur remplacement du directoire du département de l'Indre et du directoire du district de Châteauroux ; ce projet de décret est ainsi conçu (1) :
Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, considérant qu'il est instant, pour la plus prompte expédition des affaires et pour l'avantage des administrés du département de l'Indre et du district de Château-roux, de mettre leurs administrations respectives à même de déterminer incessamment les travaux nécessaires à l'étab issement des deux directoires du département de l'Indre et du district de Châteauroux, décrète qu'il y a urgence. »
Décret définitif.
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité de l'extraordinaire des finances et sur l'avis du ministre de l'intérieur, après avoir décrété l'urgence, autorise les administrateurs du département de l'Indre à acquérir, aux frais des administrés de ce département et suivant les formes prescrites, le château de la ville de Châteauroux, pour y tixer l'établissement de leur administration, autorise également les administrateurs du district de Châteauroux à prendre du directoire de département, à titre ae location et aux frais des administrés de ce district, 3 pièces portées au plan sous les nos 4, 5 et 6; décrète, au surplus, que le directoire du département de l'Indre et celui du district de Châteauroux suivront les formes accoutumées pour l'adjudication des ouvrages et réparations nécessaires, se montant, suivant le devis qui en a été dressé par le sieur Fricalet, à la somme de 4,919 livres, dont la dépense sera supportée par les administrés. »
(L'Assemblée adopte le projet de décret.)
, au nom du comité de l'extraordinaire des finances, soumet à la discussion un projet de décret sur un emprunt à faire par la municipalité de Saint-Amand pour l'acquisition de la maison des ci-devant carmes de ladite ville; le projet de décret est ainsi conçu (2) :
Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, sur la demande à elle faite par la municipalité de la ville de Saint-Amand, de l'autorisation nécessaire à l'effet d'emprunter la somme de 8,000 livres pour l'ar-quisiiion de la maison des ci-devant carmes, destinée en partie à l'établissement du directoire et du tribunal du district de Saint-Amand; considérant qu'un plus long retard pourrait compromettre l'accélération des travaux et la régularité des délibérations des corps administratif et judiciaire dudit district, décrète qu'il y a urgence.
Décret définitif.
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son
Plusieurs membres invoquent la question préalable sur le projet de décret et proposent d'autres projets de décret.
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur le projet de décret du comité et adopte une autre rédaction.)
Suit le texte définitif du décret rendu :
« L'Assemblée nationale, sur la demande à elle faite par la municipalité de la ville de Saint-Amand, ae l'autorisation nécessaire à l'effet d'emprunter la somme de 8,000 livres, pour l'acquisition d'un emplacement nécessaire à rétablissement du directoire et du tribunal du district de Saint-Amand, décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer; et cependant, considérant qu'il est instant, pour le prompte expédition des affaires et pour l'avantage des administrés du district de Saint-Amand, ae mettre le directoire dudit district à même de faire à l'emplacement qu'il occupe dans la maison des çi-devant carmes de ladite ville, les réparations nécessaires à l'établissement de ses bureaux, décrète qu'il y a urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète que les administrateurs composant le directoire du district de Saint-Amand sont autorisés à faire à l'emplacement qu'ils occupent dans la maison des ci-devant carmes, les réparations nécessaires pour l'établissement de leurs bureaux, l'adjudication en sera faite suivant les formes prescrites et ne pourront excéder la somme de 14*000 livres, dont le montant sera supporté par les administrés-»
, secrétaire, donne lecture du pro-
cès-verbal de la séance du 19 juin 1792, àu matin,
J'interromps la lecture du procès-verbal; des soins plus instants nous pressent. Je demande la parole sur un objet qui concerne la tranquillité publique, l'honneur de l'Assemblée nationale et la sûreté du représentant héréditaire du peuple français.
Vous venez d'envoyer chez le roi une députation de 24 membres; je crois qu'il est nécessaire de prendre immédiatement des mesures qui puissent vous assurer que'vos députés chez le roi pourront faire exécutertoui ce qu'ils croiront utile pour procurer la liberté et la sûreté de sa personne. Messieurs, peu de temps après la levée de la séance de l'Assemblée, ayant ap-> pris qu'un grand nombre d'hommes armés remplissaient les appartements du roi, après avoir forcé sa garde, je me suis réuni à quelques-uns de mes collègues pour entrer au château. Nous avons vu le roi dans un imminent danger..... (Murmures à gauche et dans les tribunes.)
Le roi est au milieu du peuple français, il ne peut courir aucun danger. (Murmures à droite.)
Un membre : Le peuple de Paris n'est pas le peuple français. (Murmures prolongés à gauche.)
et plusieurs membres demandent la parole.
D'autres membres : Nous demandons que M. Mathieu Dumas soit entendu.
Je demande le silence, l'pbjet est assez important pour en obtenir. Il est question, je le répète, de la sûreté du roi. (Murmuns à gauche.) Je demande à être entendu en silence (Nouveaux murmures.), le moment presse, j'ai la parole, je veux être entendu.
Il calomnie le peuple! (Murmurés prolongés.)
Plusieurs membres parlent en même temps.
J'attendrai que le calme soit rétabli pour permettre à l'orateur de continuer.
(Le calme se rétablit peu à peu.)
Si j'avais vu le roi entre les mains du peuple, je n'aurais aucune inquiétude; je l'y ai vu souvent pendant la Révolution, et je n'en ai jamais conçu. Mais ce n'est pas le peuple qui est auprès du roi dans ce moment, ce sont des furieux, des hommes égarés; j'en atteste MM. Isnard, Vergniaud et plusieurs autres membres de l'Assemblée qui ont parlé à ces séditieux pour les ramener au respect dû aux autorités constituées. Ces faits sont suffisants pour motiver la proposition que je fais .dans ce moment, de mander le commandant général de la garde nationale, pour qu'il soit donné au château les ordres nécessaires pour y rétablir l'ordre et procurer la sûreté de la personne du roi. (Murmures à gauche.)
Quoi! j'entends des murmures? L'Assemblée nationale voudrait-elle se charger d'une telle responsabilité aux yeux de la postérité? Quoi ! elle entendrait ces détails, et ne prendrait aucune précaution suffisante? 11 était manifeste au moment où j'ai parcouru le château et non pas seulement à mes yeux, mais à ceux de^ous les membres qui étaient avec inoi, et plusieurs sont ici présents; il était, dis-je, manifeste qu'aucune consigne n'était plus respectée ; que le roi n'était point dans un état de liberté, tel qu'il pût donner aucun ordre. IL était entouré, assailli, menacé, avili par le signe d'une faction, il avait
un bonnet ronge sur la tête. (Applaudissements à gauche et dans les tribunes, d'où l'on entend quelques voix crier : « A bas ! à bas l) »
Plusieurs membres (à gauche ): Le bonnet de la liberté n'est pas avilissant. A l'ordre 1 à l'Abbaye [(Murmures prolongés à droite; applaudissements à gauche et dans les tribunes.)
et d'autres membres : Monsieur le Président, nous demandons justice. Nous dénonçons ces attentats à la France entière, nous voulons la Constitution et il n'y a plus de doute qu'on cherche à la détruire.
D'autres membres : C'est une infamie; que diront les départements, quand ils verront le chef, celui qui est investi de la majesté nationale, ainsi avili?
Je demande que l'Assemblée nationale prenne les précautions nécessaires pour s'assurer que les mesures, qu'auraient à prendre ses députés au château, soient rendues efficaces par une force suffisante. Le compte que l'Assemblée se fera rendre ne justifiera que trop cette proposition et celui que l'Assemblée constituante a chargé de répondre à la nation delà sûreté de la famille royale, au 21 juin 1791, paraîtra sans doute excusable de se montrer si affecté de ses dangers, au mois de juin 1792.
Un membre : Je fais la motion qu'on mande le commandant de la garde nationale et qu'on lui fasse donner des ordres.
Je demande la parole contre la proposition.
Je demande la parole.
Je demande à l'Assemblée la parole pour lui rendre compte de ce qui se passe chez le roi. J'étais du nombre des membres qui étaient aux Tuileries, lorsqu'on nous a annoncé
3u'un danger le menaçait, lorsque deux juges e paix sont venus nous prévenir que le roi était en danger, qu'on avait déjà fait monter le canon dans les appartements. (Murmures.) Nous n'en avons cependant pas trouvé.
Plusieurs membres : Il y en avait.
Je dois, au contraire, assurer l'Assémblée que le peuple, les citoyens ont reçu les députés avec le respect qui leur était dû. ( Vifs applaudissements à gauche et dans les tribunes.) Je dois ajouter que nous avons trouvé le roi dans une embrasure de croisée, gardé par quelques grenadiers de la garde nationale, mais sans armes. Je dois ajouter qu'effectivement le roi avait le bonnet de la liberté sur la tête. (Applaudissements à gauche et dans les tribunes.) Je dois annoncer que lorsque les citoyens ont vu les députés auprès du roi, auprès duquel nous avons trouvé un officier municipal haranguant les citoyens, je dois, dis-je, ajouter que le peuple, lorsqu'il a entendu la voix de MM. Isnard et Vergniaud, les a écoutés avec un grand plaisir; qu'en vain quelques tumultes se sont efforcés ae couvrir leurs voix, mais que les bous citoyens réunis auprès du roi ont néanmoins attiré l'attention qu'ils méritaient, puisqu'ils parlaient au nom de la nation et de la loi. Je dois ajouter que quelques voix semblaient demander au roi la Banction des deux décrets qu'il a annoncé qu'il examinerait, et qu'on lui demandait encore la sanction du décret contre les émigrés et le rappel des 3 ministres patriotes. C'est tout ce que j'ai entendu.
Au moment où nous étions à parler aux ci-
toyens, une nouvelle affluence est entrée dans les appartements du roi, nous nous sommes trouvés séparés. J'ai trouvé un officier de la gendarmerie de l'Assemblée. Nous avons cru devoir nous transporter dans les appartements qui précèdent celui du roi. Là, j'ai ait aux ci-toyensqu'ils couraient le danger devoir."«'écrouler le plancher et de se trouver victimes de leur imprudence. Dès que j'ai montré mon caractère de député, et après que j'ai eu, au nom de la loi et au nom de l'Assemblée nationale, invité le peuple à se retirer, 30,000 citoyens sont descendus. (Vifs applaudissements des tribunes.)
Un membre : Peste! ces appartements sont bien vastes.
Cependant je suis loin de m'op-poserà ce que l'Assemblée prenne des mesures, mais il faut qu'elles soient sages. Je demande que l'Assemhlee ordonne que la députation qui est auprès du roi s'efforce de faire entendre raison au peuple. Je ne doute pas qu'il ne l'écoute; mais je demande que l'Asseniblée ne désempare pas avant que le roi ne jouisse de la liberté qu'il aie droit d'attendre sous ta protection de la loi, et que la députation rende compte à chaque instant de la situation où peut être le roi.
Je demande qu'on mande le commandant de la garde nationale et qu'on procure la liberté et la sûreté du roi,
Je demande que la députation soit augmentée de 24 membres et que 24 successivement viennent rendre compte de l'état du roi.
Je demande l'ajournement de la délibération jusqu'au retour de la députation.
Je demande la parole pour un fait. On vient d'annoncer que la députation revient dans le moment de chez le roi. Je crois que l'Assemblée nationale ne doit rien décider qu'elle ne soit arrivée et qu'on ait entendu son rapport.
Plusieurs membres : Qui vous a dit cela? (Murmures prolongés.)
(de Toulon), membre de la députation envoyée chez le roi. Je supplie l'Assemblée de vouloir bien m'accorder un instant de silence pour lui rendre compte des faits. La députation de l'Assemblée nationale s'est rendue au château des Tuileries, avec la plus grande facilité; partout elle a trouvé dans le peuple les marques du plus profond respect pour la loi et ses représentants. (Applaudissements.)Arrivés au château, nous avons trouvé une foule île citoyens armés, qui nous ont ouvert le passaee; la garde nationale nous a accompagnés. Sa Majesté était assise devant une croisée, elle était déjà entourée d'une foule de députés qui s'y étaient rendus. M. Brunck, au nom de la députation, lui a expliqué l'objet de notre mission. Le roi a témoigné qu'il ne ressentait aucune crainte et il a hautement déclaré qu'il se trouvait tranquille au milieu du peuple français. Je dois môme ajouter qu'il a pris la main d'un garde national, et qu'il l'a placée sur son cœur en disant : « Voyez s'il palpite et si j'ai la moindre frayeur. »
M. le maire de Paris a informé les citoyens de notre mission auprès du roi et leur a enjoint de se retirer. Comme ils commençaient à défiler, ayant trouvé que le moment était favorable, nous avons ramené le roi dans son appartement. Sa Majesté y est rentrée avec une grande
f^artie des représentants du peuple, qui formaient a députation. Nous étions au nombre de 4 ou 5. Comme la foule se pressait dans cet instant, nous en avons été sépares, et nous venons dire à rAssemblée que le roi est dans son appartement, au milieu de la députation. Voilà le seul compte que nous ayons à lui rendre. A notre retour nous avons trouvé les mêmes marques de respsct.
Un membre : Je demande qu'on passe à l'ordre du jour.
J'appuie la proposition de M. Charlier que la députation de 24 membres soit à l'instant renouvelée, Pt que, de demi-heure en demi-heure, la députation soit encore renouvelée, parce que l'autre revenant rendra compte de son mandat.
(L'Assemblée adopte celte proposition.)
Monsieur le Président, je demande à faire une motion d'ordre. Je propose que vous nommiez vous-même les membres de la députation.
Plusieurs membres : Oui! oui!
Vautres membres : Suivez la liste. (Murmures prolongés.)
Oui, oui, suivez la liste, Monsieur le Président. On veut vous compromettre; on vous tend un piège, pour pouvoir vous accuser ensuite de nommer des privilégiés.
Je demande, Monsieur le Président, que vous nommiez vous-même les membres, et que vous vous occupiez à nommer ceux qui réunissent le plus la confiance du peuple.
Plusieurs membres : La question préalable! (Murmures prolongés.)
D'autres membres parlent dans le bruit.
Quoi qu'en puisse dire M. Delacroix, je crois avoir autant que lui la confiance de mou département.
Un membre: Tous les représentants du peuple ont également sa confiance.
Je vais suivre la liste.
Plusieurs membres : Oui! oui!
Un de MM. les secrétaires fait l'appel de 24 membres. Ce sont: MM. Gaston, Gaiihert, Gandin (Jacques), Gandin (Joseph), Gatilmin, Gaus-serand , Gajr-de-Vernon , Gélin , Gelot, Genstmné, Gentil, Genty, Gérardin, Ger-mignac, Gertonx, Gilter^ues, Gilbert, Girard, Giraud (Etienne), Giraudy, Girod, Gi-roult, Giroust et Glai*-Rizin.
(Cette seconde députation quiite sur-le-champ la salle pour se rendre chez le roi.)
Je demande que la séance ne soit pas levée avant que le calme ne soit rétabli au château et dans la capitale.
(L'Assemblée adopte cette proposition.)
Messieurs, je suis entré dans les Tuileries immédiatement après que l'Assemblée nationale fut levée; il y avait avec moi MM. Isnard, Vergniaud et plusieurs autres députés. Nous étions à peu près au nombre de 12; nous avons trouvé le roi dans un premier appartement, placé dans une embrasure de fenêtre. Je n'ajouterai rien aux détails qui vous ont été présentés;-mais dans une chambre voisine, il y avait, sur une table, le prince royal, entouré de toutes les dames de la cour. Il tenait dans sa main une cocarde nationale. Le peuple, après
avoir passé par la chambre où était le roi, en-trait ensuite dans celle où était le prince royal» et de là il défilait pour sortir. Il semble qu'il n'est pas suffisant d'envoyer une députation de 24 membres auprès du roi ; je demanderais qu'on envoyât une députation de 12 membres pour rester dans l'appartement où se trouve le prince royal et toutes les dames de la cour. (Murmures à gauche.)
Un membre : J'appuie la motion, non pas pour les dames de la cour, mais pour le prince royal.
Un autre membre : Je demande qu'on passe à l'ordre du jour.
Un membre : Nous sommes comptables à la nation entière et à toute l'Europe,de la vie du roi et du prince royal. Nous ne pouvons être indifférents sur tous les soins qui tendent à la conserver. Je dis eu conséquence que, dussions-nous prendre des soins exagérés, nous serons toujours louables de les avoir pris. Ainsi je demande qu'on mette la proposition de M. Arbogast aux voix.
Par toutes les motions qui sont faites, il semblerait, Messieurs, que nous avons des craintes pour la sûreté de la personne du roi.
Un membre : J'en ai, moi, d'après ce que je viens de voir.
Plusieurs membres : Oui ! oui!
D'autres membres : Non! non! (Murmures à droite.)
J'observe à l'Assemblée que ceux qui ont parlé de ces craintes, se sont appuyés sur des faits qui ne sont pas justes. Comment peut-on faire entendre que le peuple en voulait à la personne du roi? (Nouveaux murmures à droite.) Comment peut-on faire croire qu'il veuille attenter à la sûreté du prince royal? N'est-ce pas lui faire injure? (Applaudissements des tribunes et à gaur.he. — Murmures à droite.) Quant à ceux qui se plaisent à inquiéter sur les mouvements du peuple, je leur observe que le peuple- a été dans les appartements, qu'il a été en pleine possession de la personne du roi et de celle du prince royal.
Un membre : Oui, pour les outrager. (Murmures à gauche.)
On dira que le roi ne court de dangers que lorsqu'il aura été assassiné. Mais la nation a été avilie dans la personne de son représentant héréditaire.
Je dis donc que le peuple qui avait à sa disposition la personne du roi et celle du prince royal, n'a cependant commis aucune violence personnelle. Ainsi adoptons les précautions nécessaires pour que le calme renaisse; mais ne nous laissons pas entraîner par les craintes d'un attentat sanguinaire de la part du peuple, pour témoigner l'intérêt que nous prenons à la prsonne du roi. Je demande donc, Messieurs, que l'Assemblée nationale continue d'envoyer des députations chez le roi, pour lui témoigner et à toute la France, l'intérêt qui nous anime pour lui; et que l'on rejette la proposition de M. Arbogast. D'ailleurs, j'observe qu'il est beaucoup plus aisé de ramener le calme par les voies de la modération et de la douceur.
Plusieurs membres: L'ordre du jour!
Je mets aux voix l'ordre du jour.
(L'Assemblée décrète de passer à l'ordre du
jour et rejette la motion de M. Arbogast.) (Vifs applaudissements des tribunes qui ont hué ceux qui se sont levés à la contre-épreuve.)
Plusieurs membres : Nous demandons, Monsieur le Président, qu'on fasse respecter en nous les représentants electifs de la nation.
, secrétaire, reprend la lecture du procès-verbal delà séance du mardi 19 juin 1792, au matin.
(L'Assemblée en adopte la rédaction.)
Une députation des citoyens de Saint-Germain-en-Laye est admise à la barre.
L'orateur de la députation donne lecture d'une pétition relative à l'élection des officiers de la garde nationale et sur le mode de nomination des commandants de bataillon.
répond à la députation et lui
ccorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée renvoie la pétition au comité militaire pour en faire incessamment son rapport.)
Une députation venant du château rentre dans la salle.
Témoin oculaire de tout ce qui s'est passé au château des Tuileries, avant que la députation que vous avez envoyée n'arrivât, je vais vous en rendre compte : Après que vous avez eu levé la séance, un peuple immense s'est porté au château pour y faire une pétition; le nombre était infiniment plus considérable que celui qui a défilé dans cette salle. Il s'est présenté aux portes du château, qui lui ont été ouvertes; le roi s'est présenté lui-mêmeau-devant du peuple; le peuple a manifesté le vœu de lui faire une pétition. Le roi est monté sur une chaise, dans les deux embrasures d'une grande fenêtre, entouré de plusieurs gardes nationales; et là un peuple immense, entré dans ses appartements, a paru manifester le vœu qu'il donnât sa sanction à 2 décrets, et qu'il rappelât les ministres patriotes. Le roi a manifesté que son amour pour la Constitution était inviolable.
Pendant que cela se passait, plusieurs députés qui voyaient une foule immense autour du château, ont tenté de s'y porter afin d'y mettre le calme; j'ai été de ce nombre, et je me félicite d'avoir concouru à le rétablir. Lorsque nous sommes arrivés dans la salle où était le roi, nous avons trouvé un peuple immense; on nous a dit : Le roi est de ce côté. En effet, nous l'avons vu dans le lieu que je vous ai désigné. Il avait arboré lui-même, et de sa propre volonté, le bonnet de la liberté, et il disait : Vive la nation ! (Applaudissements des tribunes.)
Le peuple qui l'entourait demandait obstinément les objets dont j'ai parlé; alors j'ai cru qu'il était nécessaire de parler au peuple au nom de la loi. Quelques citoyens, qui m'entouraient, m ayant élevé, j'ai dit à ces citoyens, que si ce qu'ils demandaient était accordé à l'instant, il paraîtrait être enlevé par la force; qu'en conséquence je leur ordonnais, au nom de la loi, au nom de l'Assemblée nationale, au nom des représentants de tout le peuple français, de rester dans le calme, de respecter les autorités constituées. Je leur ai dit que l'Assemblée nationale, sans leur intervention, ferait justice, que c'était à elle seule que le peuple devait s'en rapporter; j'ai dit que, quant a moi, j'y concourrais de toute ma puissance; alors le peuple s'est montré plus tranquille.
M. Vergniaud a fait un discours au peuple,
propre à le calmer, et successivement les députés ont parlé et ont maintenu le plus grand calme. Tout ce qu'il demandait était la pétition dont j'ai parlé, mais on leur a sans cesse représenté que ce n'était pas par la violence, que c'était par l'effet de la loi qu'il fallait tout obtenir. Ensuite, Messieurs, est venu M. Pétion, qui a également harangué le peuple dans le même sens. Le peuple a été également plus tranquille. Après plusieurs harangues, le roi lui-même a dit au peuple de défiler devant lui dans ses appartements, afin qu'il eût le plaisir de les voir. Alors le peuple s'est soumis à cela; il a défilé dans les appartements du roi pendant un très long temps. C'est dans le moment où le défilé se faisait, qu'est arrivée votre députation, qui vous rendra compte de la suite. (Applaudissements.)
, au nom de la première députation envoyée chez le roi. Messieurs, la députation que vous avez envoyée vers le roi, l'a trouvé dans la situation dont on vient de vous rendre compte. La députation ayant vud'affluence des citoyens qui étaient dans les appartements du roi, a pénétré avec peine dans la salle où était le roi. Je suis monté sur un fauteuil dont est descendu M. Pétion, pour être plus élevé et à portée de parler au roi, qui était élevé aussi. Je lui ai dit a peu près en ces termes ; Sire, l'Assemblée nationale a député vers vous 24 de ses membres pour s'assurer de l'état dans lequel est votre personne, pour protéger votre liberté constitutionnelle, et courir avec vous tous les périls qu'il pourrait y avoir. (Murmures à gauche.) '
Plusieurs membres: Oui, oui; c'est pour cela que la députation a été envoyée.
Je rappelle à peu près ce que j'ai dit au nom de la députation. Si l'Assemblée le trouve mauvais, elle me blâmera. Le roi a répondu qu'il était sensible et reconnaissant de la sollicitude de l'Assemblée ; qu'il était au milieu de son peuple.
Plusieurs membres: Son peu pie I
M. Brunck s'est trompé ; le roi n'a pas dit : Je suis au milieu de mon peuple, mais bien : Je suis au milieu des Français.
En ce moment-là votre seconde députation est arrivée.
J'étais de la députation, et je-de-mande à relever quelques expressions. Nous nous sommes rendus chez le roi ; il n'est pas inutile de vous dire que le peuple, dans notre passage, a donné les témoignages les plus éclatants du respect dù à l'Assemblée nationale. Il se trouvait, en effet, chez le roi une grande affluence de citoyens. Le roi paraissait être dans la plus grande sérénité, et ne paraissait point avoir d'inquiétude pour sa liberté constitutionnelle. (Apulaudissements.) Le roi a dit, et c'est une justice qu'il faut lui rendre, qu'il se trouvait tranquille au milieu du peuple français. (Applaudissements.) La députation a invité ie roi pour sa propre santé, à cause du grand nombre de citoyens, à se retirer dans un appartement prochain. Le peuple a fait place; le roi, accompagné des députés, s'est retiré dans un appartement. Quelques membres de la députation sont revenus dans l'appartement et ont invité le peuple à se retirer : le peuple s'est retiré. (Applaudissements des tribunes.)
Plusieurs membres : Aux voix, l'ordre du jour I (Vifs murmures à droite.)
Plusieurs membres parlent dans le tumulte.
(L'Assemblée, consultée, passe à l'ordre du jour.)
Je demande la parole pour un fait qui prouvera que le peuple a eu un très grand respect pour les représentants de la nation; c'est que plusieurs députés montrant leur carie pour entrer, ils n'ont reçu que des marques de respect, ils se sont approchés du roi qui était resté constamment dans l'embrasure d'une croisée. Quelques personnes voulaient rassurer Sa Majesté sur les craintes que l'on supposait qu'elle pouvait avoir. Je lui ai entendu répondre que l'homme de bien, qui avait sa conscience pure, ne pouvait concevoir aucune crainte, et je l'ai vue prendre la main d'un garde national, la porter sur son cœur, et lui dire: Tenez, voyez, s'il palpite, et si j'ai la moindre frayeur. ( Vifs applaudissements.)
(Une troisième députation est envoyée en attendant que la seconde vienne faire son rapport à l'Assemblée.)
Un de MM. les secrétaires annonce que le sieur Besançon fait don à la patrie de & livres en assignats.
Au nom de la Société dés amis de la Constitution de Toulon, je dépose sur le bureau 1,180 livres en assignats.
(L'Assemblée accepte ces deux offrandes avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis aux donateurs.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres, adresses et pétitions suivantes :
1° Lettre des sieurs Corçon, de la section Beaubourg; Deldungen, canonnier du second bataillon ; et Buzont, caporal des grenadiers des Petits-Pères-de-Nazareth,, signataires de la pétition des 8,000, qui rétractent leurs signatures.
(L'Assemblée renvoie ces lettres aux comités de législation et de surveillance réunis.)
2° Pétition du sieur Bosque, ancien secrétaire du commissaire général ordonnateur de Taiago. 11 représente que les dettes qu'il a été obligé de contracter depuis son séjour à Paris, ne lui permettent pas de repasser aux colonies pour y poursuivre ses persécuteurs, et demande que la somme, que le ministre de la marine a trouvé juste de lui allouer pour son passage, lui soit allouée en nature d'indemnité.
Un membre : Je convertis en motion la demande du pétitionnaire.
L'Assemblée rend le décret qui suit:
« L'Assemblée nationale, attendu le besoin pressant du sipur Bosque, décrète l'urgence ; et après avoir décrété l'urgence, l'Assemblée décrète définitivement que le ministre de la marine est autorisé à compter en espèces au sieur Bosque une somme égale à celle qu'aurait coûté le passage du sieur Bosque pour Tabago ; au moyen de quoi le sieur Bosque ne pourra plus répéter son renvoi dans cette colonie, aux frais du gouvernement. »
3° Lettre du conseil générai de la commune de Rennes, qui annonce que le 16® régiment de
dra-
Cette lettre est ainsi conçue :
« Rennes, le 5 juin, l'an IV de la liberté.
« Monsieur le Président,
« Le 16e régiment de dragons, en garnison dans cette ville, après avoir procédé, en notre présence, à l'exécution de la loi du mois de mai dernier, sur le brûlement de ses anciens guidons, en a remis le produit dans nos mains, déclarant qu'il le consacrait aux frais de la guerre et ne demandait pour prix de son dévouement à la chose publique, que la grâce de voler sur les frontières à la victoire ou à la mort.
« Flattés de cette confiance parce qu'elle prouve l'intime union qui a toujours régneentre nos militaires citoyens et nos citoyens militaires, nous offrons à l'Assemblée nationale ce précieux dépôt de l'honneur et du patriotisme, consistant en 4 marcs, 4 onces, 4 gros d'argent doré. Nous osons assurer l'Assemblee nationale qu'elle reconnaîtra toujours dans la conduite du 16° régiment le grand caractère qui distinguera désormais l'armée française, c'est-à-dire le sentiment profond de la liberté, sans laquelle des Français ne peuvent plus vivre, et l'obéissance la plus entière à la loi, sans laquelle les Français ne connaîtraient ni le prix, ni les bienfaits de la liberté. ,
« Nous joignons une copie du procès-verbal du brûlement des guidons et drapeaux.
« Signé : tathouet, maire, joseph-marie Thamans, Gilbert, Veillan, Du-faux, lanjuinais, gohmé, ma-lézieux, parchem1nier, La-graverend, procureur de la commune ; foult, laneau, Coumé, Bamel, Bigot, Bonnet père; Lemarchand, greffier. »
(L'Assemblée, après avoir accepté cette offrande avec les plus vifs applaudissements, ordonne la mention honorable de la conduite du 16e régiment et décrète que la lettre du conseil général de la commune ae Rennes sera insérée au procès-verbal, dont un extrait sera envoyé au régiment.)
Un de MM. les secrétaires continue la lecture des lettres, adresses et pétitions envoyées à l'Assemblée.
4° Lettre de M. Terrier, ministre de Vintérieur, qui fait part à l'Assemblée d'une lettre du département de la Somme, relativement à la loi qui a prorogé jusqu'au 1er juin le délai accordé par celle du 14 février 1792, relativement à la production des titres de créances exigibles sur l'Etat. Le ministre observe que cette loi n'a pu être suffisamment connue, attendu le retard qu'a éprouvé la réimpression, et que les corps administratifs sollicitent un nouveau délai.
Un membre : J'appuie cette réclamation, et je demande à citer à cet égard un fait personnel. Ayant été malade pendant plusieurs mois, je
n'ai pu ouvrir les paquets, qui m'étaient adressés de mon département, qu'après le 1er juin. J'y ai trouvé plusieurs lettres de notaires, qui, si la loi était appliquée et par le fait que j'ai été malade, perdraient le prix de leur créance. Cela ne pouvant être, je demande que ma réclamation soit renvoyée, avec la lettre du ministre, au comité de l'extraordinaire des finances.
(L'Assemblée décrète le renvoi.)
5° Lettre de M. Terrier, ministre de Vintérieur, qui envoie à l'Assemblée un rapport du département de Saône-et-Loire, relatif au remboursement des frais occasionnés par les assemblées et les services des gardes nationales.
(L'Assemblée renvoie ces pièces au comité de l'ordiuaire des finances.)
6° Lettre d» M. Terrier, ministre de Vintérieur, qui adresse à l'Assemblée le procès-verbal et devis estimatif des réparations à faire à la maison épiscopale de l'évêque du département de la Haute-Marne.
(L'Assemblée renvoie ces pièces au comité de l'extraordinaire des finances.
7S Lettre de M. Terrier, ministre de Vintérieur, qui envoie à l'Assemblée un rapport du département de l'Aisne, relatif à une indemnité demandée par les vicaires, supérieur et directeur du séminaire de ce département.
(L'Assemblée renvoie ces pièces au comité de l'ordinaire des finances.)
8° Lettre de M. Terrier, ministre de Vintérieur, qui adresse à l'Assemblée une réclamation de la municipalité de Molrnoiron, en remboursement des étapes qu'elle a fournies à un détachement de gardes nationales requis par les commissaires Bertin et Rebe;;qui, et une demande de la municipalité de Carpenlras, en indemnité des dégâts commis aux casernes de Carpentras par les troupes nationales qui y ont été eu garnison.
(L'Assemblée renvoie ^es demandes au comité de l'ordinaire des finances.)
9e Lettre de M. Terrier, ministre de Vintérieur,
3uienvoie à l'Assemblée la pétition du directoire
u district de Castres, à l'effet de l'autoriser à acquérir une masure, pour y établir la maison d'arrêt et de correction.
(L'Assemblée renvoie cette demande au comité des domaines.)
10® Lettre de W. Terrier, ministre de Vintérieur, qui transmet à l'Assemblée un rapport accompagné d'une délibération du département de l'Aube, relativement à une indemnité qu'il propose d'accorder aux ecclésiastiques chargés momentanément du service de deux paroisses.
(L'Assemblée renvoie ces pièces au comité de division.)
Un de MM. les secrétaires continue la lecture des lettres, adressés et pétitions suivantes : f; 11e Lettre de V. Terrier, ministre de Vintérieur, qui adresse à l'Assemblée un rapport du département de la Haute-Garonne, sur la question de savoir, si le sieur Vincent, pourvu, par le roi, le 20 juillet 1786, de la chapelle ou aumônerie des prisons de Toulouse et démissionnaire, pour refus de serment, a droit à un traitement comme bénéficier.
Plusieurs membres : Nous demandons l'ordre du jour.
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur cette question.)
12° Adresse des administrateurs du district de Dieuze, département de la Meurthe, qui offrent un mois d'appointements du traitement qu'ils reçoivent, et qui annoncent que les chefs de leurs bureaux ont imité leur exemple. Il y est fait mention que la rentrée des contributions, au 12 juin 1792, était de 268,721 1 14 s.3 d. sur 302,567 1. 19 s. 9 d. ; qu'il ne reste conséquem-ment plus à percevoir que 33,8751. 5 s.
(L'Assemblée accepte cette offrande avec les plus vifs applaudissements, et décrète qu'il sera fait mention honorable du zèle des administrateurs et des administrés au procès-verbal, dont un extrait sera envoyé au district.)
13e Pétition des or fèvres de la ville d'Auch, département du Gers, qui demandent d'être déchargés du prix de l'abonnement des droits de marque et de contrôle, depuis le let avril 1790.
(L'Assemblée renvoie la pétition ai; comité de l'extraordinaire des finances.)
14e Pétition des habitants de Poigny, qui se plaignent des vexations auxquelles les expose l'ordonnance des eaux et forêts et en demandeut la prompte réformation.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au comité de législation.)
, au nom du comité de l'ordinaire des finances, présente un projet de décret, relatif à Vachat du numéraire par les commissaires de la trésorerie nationale. Ce projet de décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, considérant qu'il importe, pour l'économie des dépenses publiques quelle doit sans cesse surveiller, d'évner, dans toutes les opérations relatives au numéraire, une concurrence d'achats, qui, en favorisant l'agiotage, augmente les dépenses de la nation et le prix de l'argent, décrète qu'il y a urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit:
Art. 1er.
« Les commissaires de la trésorerie nationale continueront, sous la surveillance du comité de l'ordinaire des finances, de diriger les opérations relatives à l'achat du numéraire ; ils seront seuls chargés de pourvoir à l'approvisionnement des espèces nécessaires pour les différentes parties du service public.
Art. 2.
« A compter de la date du présent décret, aucun agent des départements des ministres et des administrations et régies qui en dépendent, ne pourra faire à Paris des achats de numéraire ou de matières d'or et d'argent pour le compte des dits départements ou administrations. 11 ne pourra, en conséquence, être employé en dépense, dans les comptes des ditesadministrations ou régies, aucunes sommes pour frais d'achats d'espèces qui auçaient eu lieu à Paris postérieurement à la date du présent décret.
Art. 3.
« Dans le cas où les agents des ministères et des administrations et régies qui en dépendent, auraient donné des ordres pour acheter du nu-
méraire dans les autres départements de l'Empire, ces ordres seront aussitôt révoqués et la dépense des dits achats ne pourra être employée dans les comptes des dites administrations ou régies, qu'autant qu'elles justifieront, par des procès-verbaux authentiques, que ces achats ont été faits avant ie jour où la révocation de leur ordres aura pu parvenir aux agents qu'elles emploient.
Art. 4.
« Les ministre énonceront, sous leur repon-sabilité, dans les ordres de payement qu'ils délivreront sur la Trésorerie nationale, la portion qui devra être payée en numéraire.
Art. 5.
« Le présent décret sera porté, dans le jour, à la sanction du roi. »
(L'Assemblée décrète l'urgence, puis adopte le projet de décret.)
, au nom du comité des secours publics, présente un projet de décnt (1) relatif à certaines indemnités à accorder aux familles des ciloyens du département du Gad, qui ont péri dans le Rhône, au moment où il marchaient contre les factieux réunis dans lu ville d'Arles. Ce projet de décret est ainsi conçu :
« L'Assemblé nationale, considérant qu'il est dans les principes de la nation française de reconnaître les services qui lui ont été rendus et de venir au secours des citoyens qui, pour sa défense, ont éprouvé des domages et des malheurs ;
« Considérant que les sieurs Bonnet, capitaine de la 7e compagne du 2e babaillon des volontaires nationaux du département du Gard; Mer II, Landurié, caporaux, Juvin, Soubeyran et Lombard, fusiliers dans la dite compagnie, Jean Courmerat, tusi;ier dans la 5° compagnie; et Jacques Mauran, tambour-maître du dit bataillon, ayant péri dans le Rhône, au moment où ifs marchaient contre les factieux réunis dans la ville d'Arles, leurs familles sout fondées à réclamer de la patrie de justes indemnités, décrète ce qui suit :
« Il sera mis à la disposition du ministre de l'intérieur une somme de 2,700 livres, pour être distribuée aux familles des citoyens ci-dessus dénommes, à raison de 300 livres pour chacune.
Art. 2.
« La dite somme de 300 livres ne sera payée à chacune des familles ci-dessus désignées, que sur un certificat signé des officiers municipaux des lieu où avait son domicile le garde volontaire national représenté par elle et visé par les corps administratifs et portant le nom de celui qui a le droit de recevoir. »
(L'Assemblée décrète l'urgence, puis adopte le projet de décret.)
La seconde députation, envoyée chez le roi, rentre dans la salle.
Eh Messieurs, ce n'est pas le moment de disputer sur les mots.
Un autre membre : Sans doute, on dit bien mon ami• et, d'ailleurs, c'est une preuve de confiance et d amitié.
Cela signifie, Messieurs, le peuple qui l'aime, et ie désirerais que Mvl. les censeurs fussent capables de sentir tout le prix de cette expression.
J'étais de la députation, et je crois devoir faire à cet égard une réparation au roi, qui a dit : Le peuple français.
M. le Président de la députation. Tout est parfaitement calme dans le château. Il n'y a plus que de la force armée, et nous n'avons vu, en nous retirant, aucun attroupement qui pùt inspirer aucune crainte. Notre devoir est pourtant de ne pas dissimuler à l'Assemblée qu'il a été commis des violences dans l'intérieur du château. Nous avons vu trois portes fracassées, les serrures enlevées.
Voilà, Messieurs, le compte que nous avons à vous rendre ; voilà, Messieurs, les seuls excès qui ont été commis.
(M. le Président cède le fauteuil à M. Lemontey, ex-président.)
PRÉSIDENCE DE M- LEMONTEY, ex-président.
La municipalité de Paris est admise à la barre. {Vifs applaudissements à gauche et dans les tribunes ; murmures à droite.)
M. PÉTION, maire de Paris. Messieurs, je vous demande un moment d'indulgence; je n'ai pas eu le temps de mettre en ordre mes idées.
On a eu, Messieurs, quelques inquiétudes sur une toute assez considérable de citoyens qui s'est portée dans les appartements du roi. Le roi, Messieurs, n'en a pas eu, parce qu'il connaît mieux lesFrançais. 11 sait combien, depuis trois années entières, sa personne a été respectée, il sait que les magistrats du peuple veilleront toujours à ce qu'on ait pour le roi de la Constitution le respect qui lui appartient. Les m igistrats, Messieurs, ont lait leur devoir? j'ose dire qu'il t'ont fait avec ie plus grand zèle et j'avoue qu'il m'a été sensible et douloureux de voir des membres qui aient pu un instant en douter.
Plusieurs membres : Et qui en doutent encore. (Les tribunes applaudissent M. Pétion.)
D'autres membres : A l'ordre ! à l'ordre!
S'il y a un bon citoyen de ce côté, je deman te qu il dénonce celui qui ose manquer à un pétitionnaire, à un fonctionnaire public, au magistrat du peuple qui vient rendre compte de sa conduite. (Applaudissements des tribunes.)
Je n'ai rien dit; mais je déclare que je le pense.
On n'a pas dénoncé ceux qui ont manqué au roi, et ceux qui sont les auteurs du complot- {Murmures à gauche )
Je demande que M. Boullanger dénonce le complot, ou bien ]e lis sur son front le nom de calomniateur. (Vifs applaudissements à gauche et dans les tribunes.)
Je demande la parole.
(M. Boullanger monte à la tribune.) (Murmures à gauche.)
Un membre : Il n'est pas possible qu'il n'y ait pas de complots, quand la personne au roi a été violée I (Murmures prolongés à gauche.)
Un autre membre : Je demande que la municipalité soit entendue.
(L'Assemblée décrète que la parole sera continuée au maire de Paris.)
M. Pétion. Il paraît que quelques personnes ne savent pas assez tout ce que la municipalité osait. Je rie dois pas donner d'éloges à sa conduite; mais je puas pourtant dire qu'elle a rempli, dans celte circonstance, ses devoirs d'une manière qui ne méritait pas d'improbation. En effet, .Messieurs, la municipalité a été instruite cette nuit même, que l'on se disposait à se présenter en très grand nombre, tant à i'Asssemblée nationale que chez le roi. Une pétition avait été présentée le 16. Cette pétition n'avait pas été présentée sous la forme où elle devait I être, et cela est peut-être ce qui a été une cause première de ce qui est arrivé. Les citoyens avaient demandé à se présenter en armes, sans avoir spécifié qu'ils appartenaient à la garde nationale, qu'ils étaient d'un bataillon, sans avoir réquisition. De là, Messieurs, il est arrivé que les magistrats du peuple ne se sont pas cru permis, et n'ont pas cru pouvoir autoriser un rassemblement armé. Mais, Messieurs, la chose a changé de face, et les citoyens qui se sont présentés tant à l'Assemblée nationale que chez le roi, étaient des citoyens autorisés par une autorité constituée pour le faire, et ils pouvaient, non pas se présenter en armes, et ils ne l'ont pas fait, mais les bataillons étaient autorisés à se présenter en armes. Ces bataillons, ou du moins leurs chefs, se sont présentés, non pas à la municipalité, mais à la mairie. Les chefs de bataillons nouspnt dit : «Les intentions des citoyens sont bonnes, on peut être, tranquille. » Mais les citoyens désirent marcher en armes; ils regarderaient comme un déshonneur de ne pas marcher en armes. Plusieurs ont déjà marché de cette manière. Les autorités constituées les ont autorisés de marcher ainsi. Ils ont été reçus dans le sein de l'Assemblée nationale; ils ont été bien accueillis alors. Quelle différence voulez-vous mettre entre eux et les autres citoyens? Il nous dit et répété : « Nous ne serons pas les maîtres d'empêcher ces citoyens de marcher en armes. » Alors une mesure très simple, très légale, qui était en même temps très prudente, a été saisie. On a dit : on peut autoriser les bataillons à marcher en armes, et alors tout rentrera dans l'ordre. Les autres seront tenus de se ranger sous les bannières nationales, et seront sous la direction de, chefs reconnus par la loi. Ainsi, de cette manière, tout se trouve concilié. Les citoyens marchent légalement, et ne peu vent pas s'écarter, parce qu'ils sont sous des chefs avoués. Voilàce qui a été fait; et je dis que cela est parfaitement conforme aux principes.
On a fait part de cette mesure au département
3ui ne l'a pas adoptée. A l'instant les officiers au. épartement de police, avec le maire, ont pris toutes les précautions possibles, se sont conformés
à la lettre qu'avait écrite le directoire, et sur cette mesure, il n'était pas besoin de lui en déférer, parce que la municipalité a l'action directe sur la force publique; et quand la force publique fait une pétition, demande à la muni-çipalé de marcher en armes, la munipalité a le droit de l'autoriser; pour mieux dire, la force publique ne peut faire de mouvements sans être autorisé par les magistrats. Plusieurs officiers municipaux se sont tous portés dans les faubourgs. Là, ils ont harangué les citoyens. Les citoyens ont dit : « Nous ne formons pas un attroupement. Vous savez quel est le but qui nous rassemble. Les commandants de bataillon demandent qu'on les requière et nous marcherons sous leurs drapeaux. »
Déjà depuis 4 à 5 heures les citoyens étaient réunis en grand nombre. Les commandants avaient disposé tout pour la marche, la municipalité a été assemblée, on a fait part des circonstances dans lesquelles on se trouvait. Je demande, Messieurs, s'il y eut eu la moindre prudence à laisser mettre en marche 30 à 40,000 hommes, sans avoir ni guMe, ni directeur. Or, qu'est-ce qu'a fait la municipalité ? La municipalité a senti qu'il fallait de toute nécessité légaliser la mesure, et faire en sorte que les citoyens ne manquassent jamais à la loi. Aussi voilà ce que la municipalité a fait ; elle a requis les commandants de bataillons qui les mettaient en marche, qui avaient écrit qu'ils ne pouvaient pas se dispenser de se mettre en marche, parce que tous les citoyens de leurs bataillous voulaient marcher. Alors, Messieurs, les commandants de bataillons, qui se trouvaient dans la nécessité de marcher, ont été requis de marcher légalement et de se mettre à la tête des bataillons; et en même temps tous les citoyens, quelques armes qu'ils eussent, ont été tenus ae se ranger sous les drapeaux de là garde nationale et d'obéir à la garde nationale- C'est donc dans cette position que l'on est venu présenter une pétition à l'Assemblée, et que l'on a été ensuite en présenter une également chez le roi.
Tout annonçait le plus grand calme, le meilleur ordre. Personne dans la marche n'a eu à se plaindre, les propriétés avaient été respectées, nul événement, nul accident. Qu'est-il arrivé, Messieurs? on a défilé et on a passé par la grille qui conduit des Tuileries dans le château; c'est là que plusieurs citoyens et ensuite un très grand nombre se sont précipités dans les appartements. Messieurs, ces citoyens pourtant 'n'ont insulté personne. Les citoyens ne se sont point conduits en hommes qui veulent commettre aucun excès, car assurément le nombre était si immense que toute la force publique n'aurait pas pu prévenir tous les délits que les citoyens auraient voulu commettre. Mais ils n'en ont nullement commis et cela prouve bien qu'il n'était pas dans leur intention d'en commettre.
Aussitôt, Messieurs, que j'ai été prévenu, je m'y suis transporté, j'ai fait là tout ce qui dépendait de moi pour ramener le calme et la tranquillité, pour faire évacuer le plus promptement possible les différents appartements du roi. Le roi lui-même n'a en aucune manière eu à se plaindre de ces citoyens. Le roi, au surplus, a dù s'exprimer dè Cette manière aux différentes députations que l'Assemblée nationale lui a envoyées ; il s'en est exprimé ainsi avec les magistrats. Dans le moment actuel, Messieurs, il n'existe plus personne dans l'intérieur du château des Tuileries, si ce n'est la force armée
ordinaire et suffisante. Tout est rentré dans le calme, et j'espère, Messieurs, que tout y restera, et les magistrats ne négligeront aucune des mesures qui pourront maintenir la tranquillité et la sûreté publiques. (;Applaudissements réitérés.)
Je viens d'entendre, et cela se répète très souvent, qu'il y a des complots. 11 serait bien nécessaire pour la tranquillité publique que les complots fussent connus, et je ne crois pas qu'aucun bon citoyen puisse se dispenser de aire à cet égard ce qu'il sait, car pourtant il faut que les magistrats du peuple soient à portée de surveiller ces conspirateurs, et de déjouer et les intrigues et les complots. (Applaudissements.) Je vous supplie instamment de vouloir bien engager tout membre de l'Assemblée qui pourrait avoir à cet égard les indices les plus légers, de vouloir bien en faire part, car assurément ils doivent être convaincus que les magistrats du peuple feront toujours leur devoir.
(Applaudissements dans les tribunes qui crient : Bravo ! avec enthousiasme.)
L'Assemblée nationale a entendu avec satisfaction le compte que vous venez de lui rendre ; elle compte toujours sur la fidélité des magistrats du peuple ; elle vous accorde les honneurs de la séance.
(La municipalité est introduite dans la salle aux applaudissements de la gauche et des tribunes.)
Je demande mention honorable du zèle et de la conduite de la municipalité.
Plusieurs membres : Non, non !
Monsieur le président, je demande la parole pour m'opposer à la proposition ; je demande la question préalable.
Je demande que ceux qui ont à dire du mal de la municipalité s'expliquent.
Oui, qu'ils se lèvent, s'ils osent I
monte à la tribune et demande la parole.
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la proposition de M. Charlier.)
, ministre de la guerre. J'ai reçu, ce matin, un courrier de M. Luckner. J'eusse dé^ sirévous apporter beaucoup plus tôt les nouvelles
3ue ce courrier m'a données, mais j'en ai été
étourné par des occupations multipliées et je prie l'Assemblée d'excuser ce retard.
« Au quartier général, à Menin, le
« J'ai l'honneur de vous rendre compte, Monsieur, que j'arrive dans l'instant de l'expédition de Courtrai, avec un petit corps d'avant-garde. Je vous ai annoncé, ce matin, une grande manœuvre sur cette ville pour la journée de demain. Ën conséquence, j avais disposé mon avant-garde de manière à m'assurer des environs et éclairer le pays. C'est M. de Valence et Jarrv
gui ont conduit ce petit corps avançant vers
ourtrai ; ils ont remarqué qu'ils pouvaient s'en approcher. Quelque temps après leur départ de Menin, j'ai été pour aller voir les dispositions qu'ils pouvaient avoir faites. Les ayant trouves assez près ùe la ville, et jugeant que nous pou-
Ci) Archives nationales, Carton 151, dossier, n* 267.
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vions entreprendre l'attaque, j'ai voulu tout de suite battre le fer pendant qu'il était chaud. Les ennemis, au nombre de 8 à 900 hommes, étaient dans un triple retranchement assez bien muni de canons. J'ai confié à M. de Valence l'attaque de la tête du retranchement, et à M. de Jarry le flanc ; l'un et l'autre ont secondé mes vues d'une manière distinguée; ils ont chassé successivement les ennemis de leur triple retranchement. La canonadea été vive de part et d'autre, et l'attaque a duré plus de 8 heures. Les Autrichiens se sont défendus avec acharnement, mais je dois dire avec vérité et sans flatterie que nos troupes ont combattu avec le meilleur ordre et ia contenance de soldats aguerris. (Applaudissements.)
« Les deux généraux de Valence et Jarry méritent les éloges les plus complets ; ils ont réellement, indépendamment du courage, déployé de l'énergie et des connaissances vraiment militaires : ils ont pris une pièce de canon, tué 2 chevaux d'artillerie, ils en ont pris 3, et fait 3 prisonniers. Sans la nuit, qui nous a surpris, la majeure partie des ennemis auraient été pris. L'on ne sait pas encore le nombre des morts. Jusqu'à présent nous n'en avons trouvé qu'un des nôtres. L'obscurité nous les a dérobés. Les blessés de notre côté sont environ d'une douzaine, et ceux de l'ennemi sont plus nombreux. Je pourrai vous rendre un compte plus détaillé sur ce dernier article, d'après la recherche qui en sera faite demain.
« Lorsque la troupe est entrée en ville, elle a été reçue avec toutes les démonstrations de joie et d'allégresse imaginables. (Applaudissements.) J'augure parfaitement de la disposition des esprits des habitants de cette ville.
« Le maréchal de France, général d'armée, « Signé : LUCKNER. »
Monsieur le président, je supplie l'Assemblée de mepermettre que je ne lui remette pas au-jourd'huila lettre originale, j'aurai l'honneur de lui en adresser copie certifiée.
Je demande l'insertion de cette lettre au procès-verbal, avec mention honorable. (Rires.)
J'ai été traité de calomniateur, je demande à me justifier.
Plusieurs membres : L'ordre du jour I
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la demande de M. Boullanger.)
M.Pétion sort. ( Vifs applaudissements des tribunes.)
Il est fort étonnant que nous n'ayons pas vu le ministre de l'intérieur dans celte journée. Je demande que ce ministre soit mandé pour nous rendre compte, séance tenante, de tout ce qui s'est passé.
Non, non, demain matin.
Je demande l'ordre du jour. Les détails sont inutiles, nous avons tout vu, tout s'est passé sous nos yeux; l'ordre du jour.
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la motion de M. Léopold.)
, au nom du comité de marine, fait un rapport (1) et présente un projet de décret (i)
Messieurs, vous avez renvoyé à votre comité de la marine la lettre par laquelle le ministre de la marine observe que la lui du 10 août 1791, en ce qui concerne les pilotes-lamaneurs, ne s'est expliquée que sur le mode d'examen à faire subir aux marins qui aspirent à ces places, sans indiquer les principales dispositions nécessaires pour pouvoir remplir c«*s postes importants et que le silence de la loi à cet égard a donné lieu à des interprétations arbitraires, à des prétentions exagérées de la part des marins et à une confusion dans cette partie du service, qui ne pourrait que compromettre l'intérêt du commerce et la sûreté de la navigation, s'il n'était suffisamment pris des mesures pour rétablir provisoirement l'ordre qui existait précédemment. Vous avez également renvoyé, Messieurs, à votre comité de la marine, la pétition présentée par M. Mangeoit, défenseur officieux, au nom des pilotes aspirants de la Gironde, qui demandent que la corporation des anciens pilotes-lamaneurs de cette rivière, ainsi que leurs privilèges soient supprimés.
Votre comité de la marine, Messieurs, après avoir examiné la loi du 10 août 1791, a jugé qu'elle était insuffisante, en ce qu'elle ne détermine ni le nombre des marins qui peuvent être employés au pilotage des bâtiments, ni aucune des dispositions d'ordre et de police qui doivent assurer un service d'autant plus important, que c'est de lui que dépend la conservation des vaisseaux destines à la défense de 1 Etat, ainsi que des bâtimonts qui portent ces riches cargaisons ôui mettent tant de bras en activité et qui vivifient toutes les branches du commerce,
Votre comité est bien convaincu que le nombre des pilotes-lamaneurs, qui ne forment pas, quoi-qu'en dise le pétitionnaire, une corporation, puisqu'ils travaillent presque partout individuellement et chacun pour soi, et que c'est Je premier qui monte à bord du bâtiment qui gagne le pilotage, puisse être indéfini, parce que s'il excédait à celui qui peut être employe pur entrer et sortir les bâtiments des portsî hâvres et rivières et les conduired'une station àl'autre, leur subsistance ne se trouvant pas assurée, ils seraient obligés de s'adonner à d autres genres d'industrie et de négliger un service auquel ils se doivent dans tous les moments, surtout à l'entrée des principales rivières; il en résulterait, en outre, que comme ces pilotes ne peuvent pas être commandés pour le service de l'Etat, parce qu'ils ne doivent pas perdre de vue leurs stations, pour reconnaître chaque jour les changements qui y surviennent dans les fonds et dans les courants, presque tous les marins se feraient recevoir pilotes-lamaneurs, pour être * dispensés du service.
Votre comité n'a pas cru cependant devoir, quant à present, vous proposer de loi définitive à cet égard, parce que les localités doivent y influer pour beaucoup; il a pense qu'il était p us à propos que les bases, tant générales que locales, du règlement qu'il conviendra que vous rendiez sur le pilotage, soient proposées par ceux qui y ont le plus d'intérêt et qui réunissent le (dus de reconnaissance sur cvt objet; en conséquence, il m'a chargé de vovs proposer le décret suivant :
Projet de décret.
t L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité de marine, considérant que la sûreté j
et la conservation des vaisseaux de PEfat et du commerce exigent qu'il soit pris des dispositions d'ordre et de police,qui seules doivent garantir les avantages résultant de l'établissement du pilotage pour l'entrée et la sortie des ports, rades et rivières; considérant qu'il est important, avant de rien statuer définitivement à cet égard, de bien connaître les bases, tant générales que locales, qui doivent déterminer le service des pilotes-lamaneurs, décrète qu'il y a ur ence.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
Art. 1er
v Aussitôt après la publication du présent décret, les juges des tribunaux de commerce, dans tous les ports, hâvres et rivières où il y a actuellement des pilotes lauianeurs, où dans lesquels il paraîtrait convenable d'en établir, se reuniront aux officiers municipaux du lieu et après avoir appelé le chef des classes, deux des principaux armateurs, dt ux des plus anciens enseignes commandant actuellement des bâtiments de commerce et un pilote au moins de chaque station dans les endroits où il y eu aura plusieurs, ils examineront conjontement a>ec les personnes qu'ils auront appelées si, dans le port où la rivière qu'ils habiien^, il est avantageux ou non de fixer le nombre des pilotes; et dans le premier cas, la quantité qu'il devrait y en avoir : si, dans les endroits où il v a plusieurs stations, le nombre de celles actuellement existant, s est trop ou trop peu considérable et si le prix lixépourle pilotage, à raison de leur tirant d'eau ou de leur port en tonneaux, pour leur entrée ou sortie du port ou d'une station à l'autre est suffisant, où s'il doit être augmenté. Ils examineront également quels articles, tant généraux que locaux, d'ordre et de police, il serait convenable d'adopter pour assurer le service, et de tout ce qui sera arrêté à ce sujet, il sera dressé un procès verbal qui sera envoyé sans aucun délai au ministre de la marine, par le tribunal du commerce dans les ports, hâvres et riviè es où il y en aura et par les municipalités qu'ils remplissent, relativement au présent décret, les fonctio s des juges de commerce dans les endroits où il n'y aura pas de tribunal de commerce.
Art. 2.
« Le ministre de la marine adressera à l'Assemblée nationale tous ces procès-verbaux avec ses observations sur les différents objets qu'ils contiendront et ses vues particulières sur les pilotes-lamaneurs, pour être pris par l'Assemblée tel parti qu'elle jugera convenable.
Art. 3.
r En attendant que l'Assemblée nationale ait décrété un règlement sur les pilotes lamaneurs, le nombre des lits pilotes demeurera dans chaque port, hâvre et rivière, provisoirement fixé à celui qui a été précédemment réglé et quant aux places qui sont vacantes ou qui viendront à vaquer, le pouvoir exécutif ne pourra délivrer les lettres a'admission prescrites par la loi du 17 août 1791, qu'aux plus anciens des aspirants qui auront subi l'examen ordonné par ladité loi, qui auront navigué pendant 6 ans et qui seront âgés de 30 an* accomplis.
Art. 4.
« Los fonctions des pilotes-lamaneurs exigeant un service continuel ei qu'il serait très dangereux d'interrompre, ils seront comme par le passé exempts d'être levés, commandés pour le service des vaisseaux de l'Etat et pour tout autre service personnel,
(L'Assemblée adopte le projet de décret.)
, au nom du comité de l'ordinaire des finances, fait un rapport (1) et présente un projet de décret (1) sur la distribution de la monnaie de cuivre et de métal de cloche, entre le Trésor public et lus départements ; ii s'exprime ainsi :
Messieurs, un décret de l'Assemblée constituante, du 3 août 1791, a determiné la distribution, entre les 83 départements, des espèces de cuivre et de métal de cloche, qui ont été fabriquées dans les divers hôtels des monnaies.
Cetie distribution semblait devoir assurer plus dp facilite dans l'échange des assignats de 5 livres; mais cette nouvelle monnaie a été resserrée, parce que l'émission desordonnée et imprudente des petits billets patriotiques n'a pas rendu sa circulation indispensable.
Celte fabrication n'a donc été de presqu'au-cune utilité pour le service public.
Votre comité de l'ordinaire des finances, occupé sans ce^se de tout ce qui peut économiser la dépense publique, a reconnu que si cette monnaie de cuivre et de métal de cloche avait été destinée aux différentes parties du service public, et particulièrement aux dépenses de la guerre et de la marine, elle aurait épargné la dépense de l'achat de quelques millions d'espèces d'or et d'argent; et cette monnaie de cuivre ou de métal, employée sur les frontières, n'aurait pas été exportée aussi rapidement que des monnaies plus précieuses.
Votre comité a cependant reconnu qu'il était nécessaire, pour le service intérieur des départements, et particulièrement pour les hôpitaux, de leur conserver une partie de la distribution ordonnée par le décret du 3 août; mais il a p. nsé que cette distribution pouvait être réduite à la moitié des espèces fabriquées et à fabriquer dans les divers hôte.s des monnaies. Voici le projet de décret qu'il m'a chargé de vous présenter :
« L'Assemblée nationale, considérant qu'elle doit employer les espèces ae cuivre et de métal de cloche, fabriquées ou à fabriquer dans les divers hôtels des monnaies, de la manière la plus avantageuse au service public, décrète qu'il y a urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète :
Que les directeurs de chaque hôtel des monnaies tiendront, à compter de la réception du présent décret, à la disposition du ministre des contributions publiques, la moitié des espèces de cuivre ou de métal de cloche à fabriquer, ou qui, étant déjà fabriquées, ne sont pas encore distribuées.
• 2°. Le ministre des contributions publiques fera verser, d'après les états qui lui seront fournis par la Trésorerie nationale, les espèces de cuivre ou de métal de cloche mises à sa dispo-
sition par le précédent article, dans la caisse des divers payeurs de la Trésorerie nationale, suivant l'exigence du service public.
« 3°. 11 ne sera fait aucune livraison de ces espèces, par les directeurs des monnaies, aux divers payeurs de la Trésorerie nationale, que la valeur ne leur en soit remise en assignats.
« 4°. L'autre moitié des espèces de cuivre oïl de métal de Cloche, fabriquées ou à fabriquer, sera distribuée entre les départements, conformément aux dispositions de la loi du 6 août. »
(L'Assemblée ordonne l'impression du rapport et du projet de décret et ajourne la discussion à huitaine.)
La troisième députation, envoyée chez, le roi, rentre dans la salle,
, au nom de la députation. Nous venons du château des Tuileries ; en quittant le roi, nous n'avons rien aperçu qui put donner de l'inquiétude. On a invité à plusieurs reprises le roi de prendre quelque repos. Nous lui avons demandé s'il jugeait à propos de se retirer et qu'alors nous reviendrions rendre compte à l'Assemblée. Le roi a chargé un officier de la garde nationale de visiter les postes, de voir si tout était en repos, s'il n'y avait pas encore de rassemblement quelque part. L'officier de garde est venu lui rendre compte qu'il n'y avait plus personne dans le château, et qu'il n'y avait plus dans les Tuileries que deux ou trois petits groupes, comme à l'ordinaire, mais que l'on pouvait dire que le calme était rétabli. Alors Sa Majesté nous a témoigné qu'elle désirait, ea effet, rester seule. Nous avons cru devoir nous retirer, vous en rendre compte et vous prévenir que tout était calme. Quelques membres de la députation se sont aussi présentés auprès du prince royal ; il est aussi pariaitement tranquille et bien portant. (Applaudissements.) (La séance est levee à 10 heures.)
Séance du
présidence de m. français (de nantes), président, et de lemqntey, ex-président.
présidence de m. français (de nantes)'
La séance est ouverte à dix heures.
Un de MM. les secrétaires donne lecture du procès-verbal de la séance du dimanche 17 juin 1792.
(L'Assemblée en adopte la rédaction,)
Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres, adresses et pétitions suivantes :
1° Adresse d'un très grand nombre de citoyens de laville de Sézanneiqui remercient l'Assemblee du décret qui déclaré que MM. Roland, Senan et Clavière ont emporté les regrets de la nation; de c» lui qui ordonnait la formation d'un camp de 20,000 gardes nationaux près de Paris ; enfin, de l'extirpation des derniers restes de la léoda* li té. Cette lettre est ainsi conçue (1) ;
« Législateurs français,
« Il est difficile de rendre les divers sentiments qui nous ont agité en apprenant le changement qui vient d'être fait dans le ministère. Vous avez décrété que MM. Servan, Clavière et Roland emportent les regrets de la nation, nous applaudissons à ce décret.
« Vous avez décrété qu'une armée de 20,000 citoyens des départements se joindraient à leurs frères d'armes de Paris, nous applaudissons également à ce décret. Il satisfait le vœu que nous avons formé de marcher au besoin au secours de ce berceau de notre liberté.
• Enfin vous avez rempli le désir du peuple en extirpant les restes de la féodalité ; cet acte de justice honorera votre législature.
« Législateurs, souvenez-vous et souvent, que le destin de l'Empire est dans vos mains ; qu'il touche au moment de sa gloire ou de son avilissement, que la patrie ne peut être sauvée que par des moyeus vigoureux, et qu'il est temps d'écraser nos ennemis de toutes nos forces.
« Les citoyens soussignés de la ville de Sézanne prêts à mourir pour la défense de la liberté.
« Suivent les signatures. »
Plusieurs membres: Nous demandons la mention honorable.
(L'Assemblée décrète la mention honorable de l'adresse au procès-verbal.)
2° Lettre du tribunal du district de Reims, qui demande l'interprétation de la loi du 18 janvier 1792, relative aux tribunaux criminels.
Je demande que le comité de législation soit chargé de présenter ses vues sur la question de savoir si l'Assemblée nationale ne doit pas à l'humanité de faire suivre l'ancien Code pénal dans les cas où les peines portées par le nouveau y seraient plus fortes ; en d'autres termes, je propose que la loi du 18 janvier 1792 n'ait d'application que lorsque la peine portée par le Code pénal sera moips grave que celle portée par les lois antérieures. Ce sont ces contradictions seules qui provoquent les hésitations du tribunal criminel de Reims et l'arrêtent dans sa marche.
(L'Assemblée renvoie la lettre et la proposition de M. Thuriot au comité de législation.)
3° Lettre du sieur Louis-Stanislas Rebois, prêtre, ci-devant religieux Picpus,du ci-devant couvent de Roquemont-les-Luzarches, à Bn de payement de sa pension ecclésiastique, à raison de 800 livres par an, à compter du jour qu'il a atteint l'âge ae 50 ans. Cette lettre est ainsi conçue (1) :
« Monsieur le Président,
« Louis-Stanislas Rebois, prêtre, ci-devant religieux Picpus, du ci-devant couvent de
Roque-mont-les-Luzarches, représente respectueusement à l'Assemblée nationale que
conformément aux décrets de l'Assemblée constituante, il a prêté le serment prescrit; qu'il a
payé au district deGonessesacontribution patriotique, qu'il réside à Luzarches; que le
ci-devant couvent et les biens qui en dépendaient ont été adjugés à la demoiselle
« Signé: RebÔÏS. »
Unmembre: Je demande l'ordre du jour, motivé sur ce que la loi du 19 février 1790 veut que les religieux mendiants qui ontatteint râsrede50ans, soient payés de leurs pensions, à raison de8001. et de 1,000 livres après 70 ans.
(L'Assemblée adopte cette proposition.)
Un membre: Je demande l'ajournement à demain matin, après la lecture du procès-verbal, de la discussion sur les lettres de grâce.
(L'Assemblée décrète l'ajournement de cette discussion ail lendemain matin.)
Je donne connaissance à l'Assemblée de l'offre que font 40 citoyens de la ville de Saint-Etienne (1), de fournir dans l'espace d'un an 80,000 fusils d'une excellente qualité.
Plusieurs membres : Nous demandons la mention honorable et le renvoi au pouvoir exécutif.
(L'Assemblée décrète la mention honorable et le renvoi au pouvoir exécutif.)
Unmembre : Je demande que la commission militaire des Douze rende compte de l'exécution des marchés de fusils faits pendant le ministère de M. de Narbonne.
(L'Assemblée décrète cette proposition.)
Un membre, au nom du comité de l'extraordinaire des finances, présente un article
additionnel au décret sur l'emplacement définitif delà haute cour nationale dans la maison
des Ursulines, à
« Il sera procédé aux travaux dont il s'agit, sans qu'il soit besoin de recourir aux formes de l'adjudication; mais tous les prix et conventions seront faits sous la surveillance immédiate du directoire du département du Loiret. »
(L'Assemblée en adopte la rédaction.)
Suit le texte définitif du décret rendu:
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de 1 extraordinaire des finances, considérant qu'il est instant que la haute cour nationale, établie à Orléans, ait un emplacement convenable à l'exercice de ses fonctions, décrète qu'il y a urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, vu le rapport du sieur Paris, architecte, et ses plans et devis du 11 mai dernier, l'avis des municipalité et district d'Orléans et du département du Loiret, ensemble celui du ministre de l'intérieur, des 12 et 14 du même mois, décrète ce qui suit :
« Les prisons et le tribunal de la haute cour nationale séant à Orléans, séront établis dans les maison et église des Ursulines, de la même ville ; le pouvoir exécutif est chargé, en conséquence, de faire procéder sans délai aux réparations et constructions nécessaires pour cet établissement ; et il sera mis pour cet effet à sa disposition, par la Trésorerie nationale, jusqu'à la concurrence de la somme de 83,000 livres, à laquelle les dites dépenses ont été évaluées par le devis du sieur Paris, architecte, en date du 11 mai dernier.
« Il sera procédé aux travaux dont il s'agit, sans qu'il soit besoin de recourir aux formes de l'adjudication; mais tousles prix et conventions seront faits sous la surveillance immédiate du directoire du département du Loiret. »
Je demande la parole pour une motion d'ordre. Messieurs, un grand attentat a été commis...
Plusieurs membres à gauche : Ah ! ah !
On a porté atteinte à la liberté et à la dignité du roi. (Murmures à gauche.)
Plusieurs membres à droite : Oui 1 oui !
D'autres membres à gauche: Vous calomniez le peuple.
Je demande à faire une motion d'ordre. (Murmures à droite.) Je demande que pour entendre M. Daverhoult, on attende que l'Assemblée soit plus" nombreuse.
Plusieurs membres à droite : Monsieur le Président, maintenez la parole à M. Daverhoult.
Je demande que M. Daverhoult soit entendu, il vous annonce qu'un grand attentat a été commis. Le fait est malheureusement trop certain, trop bien prouvé ; il faut en être complice pour oser le contester et s'opposer à ce qu'il soit pris incessamment des mesures pour prévenir à l'avenir de pareils excès. (Murmures à gauche.)
, Je demande seulement à énoncer ma proposition.
Un membre à gauche : Vous n'avez pas le droit, Monsieur, d'énoncer des calomnies : j'étais
hier d'une des députations que l'Assemblée a envoyées au roi, et le roi m'a ait formellement
qu'il ai-
Plusieurs membres : L'ordre du jour ! (Murmures prolongés à drqite.)
D'autres membres parlent dans le bruit.
(L'Assemblée, consultée, décrète que M. Daverhoult sera entendu à l'heure de midi.)
Je demande la parole pour une proposition qui, je l'espère, n'éprouvera aucune opposition à l'Assemblée, je vais l'énoncer sans aucun préambule. Je demande que l'on décrète, sauf rédaction, le principe qu'il ne pourra désormais se former, sous prétexte de pétitions, aucun rassemblement d'hommes armés sans la réquisition et sans les formes de la loi. (Applaudissements à droite. — Murmures à gauche.)
Plusieurs membres : Mais la loi existe !
D'autres membres : Oui, mais elle est nulle, puisque l'Assemblée en autorise l'inexécution. \
D'autres membres : L'ordre du jour I
Je demande la parole.
Plusieurs membres : Monsieur le Président,, mettez aux voix le principe.
demandent la parole.
Une foule de membres demandent de tous côtés la parole pour ou contre la proposition de M. Bigot de Préameneu. Je ne la leur accorderai que dans l'ordre dans lequel ils vont se faire inscrire.
J'envisage la proposition qui vous est faite sous le rapport d'une proposition dangereuse (Murmures à droite), je veux dire inutile, car rien, n'est plus dangereux en législation que ce dont l'inutilité est démontrée. Hier, on vous a prouvé, par des principes incontestables gravés dans la Constitution par la main de la liberté, que nul citoyen n'avait le droit de se rassembler en armes et "de défiler dans l'Assemblée. Il est bien essentiel de définir ici ce qu'on voudra entendre ou ce qu'on entend par rassemblement armé; car rién n'est plus susceptible d'entraîner dans de mauvaises décisions, que le défaut de définition et d'exactitude dans les idées.
Appellera-t-on rassemblement armé, je suppose, trois ou quatre cents hommes qui auront des cannes à épée?
Plusieurs membres : Oui, sans doiite !
Je crois que des interprétations arbitraires de ce principe donneraient lieu à une foule de vexations et d'attentats à la liberté individuelle des citoyens. (Murmures à droite.)
Je suis ami, comme un autre, des principes de liberté; comme un autre, je suis disposé à défendre les maximes avancées par la Constitution; mais je pense qu'il n'est pas besoin d'une nouvelle loi : ce ne pourrait être qu'une conséquence, et aux yeux du citoyen qui réfléchit, le principe est aussi sacré que la conséquence.
La Constitution trace la manière dont les citoyens doivent faire les pétitions. Quel parti avez-vous à prendre ? Vous n'enavez qu'un seul; celui de déclarer que les autorités constituées sont chargées de taire exécuter la loi..,. (Murmures à droite.),et Cette loi, si elle a été violée... (Nouveaux murmures à droite.)
Plusieurs membres : Hier, le département de Paris est "venu vous demander cela et vous l'avez renvoyé.
Si cette loi a été violée hier sous quelque rapport, il faut dire cependant que la municipalité s'est conduite avec beaucoup de sagesse. Vous avez vu des gardes nationaux réunis avec ceux auxquels on conteste les droits de citoyen actif, vous avez vu les baïonnettes réunies aux piques. Quel est celui qui, réfléchissant de bonne foi, n'a pas vu dans cette réunion un acte de prudence et de sagesse, s'il en fût jamais (Murmures à droite. — Applaudissements à gauche et dans les tribunes.) Et qui n'est pas convaincu que cette mesure a assuré le calme qu'une multitude armée, rassemblée .sans ordre et sans chefs, aurait peut-être, même involontairement, pu troubler? Je fais cette observation, parce qu'en effet il est bon de remarquer que toutes les manœuvres des eunemis de la Constitution ne prévaudront pas sur les efforts des amis sincères et ardents de la liberté. (Applaudissements des tribunes.) Quant à la motion de M. Bigot, je demande que l'on passe à l'ordre du jour, motivé sur ce que la loi existe, et qu'il serait dangereux de substituer aux principes que la Constitution a posés des conséquences accidentelles et arbitraires. (Applaudissements à gauche et dans les tribunes.)
Je demande la parole. (Murmures à gauche.) '
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
D'autres membres : Nous demandons que la discussion soit continuée.
Consultez l'Assemblée, Monsieur le Président, pour savoir si je serai entendu.
Plusieurs membres à droite : Il est injuste qu'on ne veuille pas accorder la parole à M. Dumolard pour répondre à M. Leeointe-Puyraveau.
Auriez-vous peur des piques?
Je vais consulter l'Assemblée pour savoir si elle accordera la parole aux trois membres qui l'ont demandée.
(L'Assemblée décrète que la discussion n'est pas fermée.) (Murmureset réclamations à gauche.)
Un membre à gauche : Mais cette discussion consume inutilement le temps de l'Assemblée, puisqu'elle porte sur une loi.
D'autres membres à gauche : L'ordre du jourl
Plusieurs membres à droite : Nous démandons que ceux qui réclament soient rappelés à l'ordre.
Je dois fairè observer que la discussion n'étant pas fermée, ils ne m'est pas permis de consulter l'Assemblée sur l'ordre du jour.
Nous n'avons pas, dans les moments difficiles, d'autre point de ralliement que la loi, nous devons tous mourir pour elle, nous devons nous sacrifier pour lui maintenir le respect qui lui est dû. (.Applaudissements à droite.)
Plusieurs membres à gauche : Ah ! ah !
D'autres membres à. droite : Oui, oui, nous mourrons pour elle !
cède le fauteuil à M. Lemon-tey, ex-président.
Présidence de M. Lemontey.
M. Leeointe-Puyraveau n'a pu nier mon principe, et il ne lui a même pas été possible de l'éluder. Il est défendu à la force armée de paraître sans réquisition; voilà le principe dans toute sa rigueur, et il fait la base de la loi que je vous propose de porter. Mais vos décrets jusqu'ici ont semblé autoriser l'oubli de cette loi; vous avez reçu à votre barre, vous avez admis à défiler devant vous des citoyens armés, vous les avez donc par là-même autorisés à se rassembler. C'est cette circonstance particulière qui vous a engagés hier à recevoir les citoyens qui s'étaient rassemblés sur la loi de l'usage que vous aviez vous-mêmes introduit ; mais vous devez, pour l'avenir, rappeler aux citoyens, par une loi, les principes constitutionnels, et je vous observe que l'ordre du jour motivé n'est pas une loi; c est un décret qui, n'étant pas promulgué, n'est pas censé connu hors de l'Assemblée; c'est un régime que vous vous faites pour ne pas admettre à l'avenir des citoyens armés ; mais toujours est-il vrai que vous ne pourriez pas condamner les citoyens qui cohtinueraient de se rassembler en armes pour obtenir l'honneur de défiler devant vous, puisqu'ils pourraient vous objecter, avec raison,.qu'ils n'ont pas eu connaissance de votre ordre au jour motivé. Je dis donc qu'en prenant cette mesure, vous vous exposeriez aux mêmes risques que ceux d'hier.
Plusieurs membres à gauche : Nous n'en avons jamais couru. En avez-vous éprouvé?
Je vais plus loin, et je dis qu'il ne doit point exister, et qu'il n'y a point véritablement de force armée que celle qui est établie par la loi, c'est-à-dire la garde nationale : et c'est une des plus grandes erreurs que de croire légitimer un rassemblement armé en le mêlant à des gardes nationales. Ces citoyens étaient armés en contravention à la loi ; ils n'avaient pas rempli les conditions qu'elle prescrit. (Murmures à gauche.)
Plusieurs membres à gauche : Qui vous l'a dit, Monsieur? (Murmures à droite.)
Je vais répondre à l'interpellation. Ce qui me l'a dit, c'est la loi sur l'organisation des gardes nationales et sur la force publique. Ces lois, confirmées par plusieurs autres, portent expressément que pour être garde national, il faut être citoyen actif et inscrit sur les rôles des gardes nationales. (Murmures à gauche.) NoUs ne reconnaissons pour citoyens armés que ceux qui le sont légitimement. Or, je soutiens que le rassemblement d'hier n'a pu être légitimé par la réunion des gardes nationales, puisqu'il était illégal dans son principe. Je dis donc que dans les circonstances actuelles, il faut faire revivre le principe dans toute sa vigueur et l'étayer d'une loi formelle. Je demande donc que le décret que j'ai proposé, soit adopté et porté sur-le-champ à la sanction du roi.
Je vois dans la Constitution et dans les lois des raisons péremptoires qui ne nous permettent pas de décréter la motion faite par M. Bigot de Préameneu .Comme plusieu rs membres de cette Assemblée, qui discutent bien moins froidement que lui, ont déjà exposé, et ce n'est pas la première fois, avec beaucoup de chaleur, que ceux qui s'opposaient à ce genre
de motion étaient des factieux, étaient des hommes qui n'aimaient pas la loi, qui ne voulaient plus de la Constitution, je dis, Messieurs, qu'il, est essentiel que l'Assemblée nationale soit fixée une fois pour toutes, sur cette détestable opinion. Il est bien facile de nous fixer à cet égard.
Sur la surface entière du royaume, qui comprend à peu près 27 millions d'ames, vous voyez surnager un petit nombre de citoyens qui annoncent une opinion particulière à eux. Cette opinion se rapproche infiniment de celle des ennemis reconnus et ouvertement déclarés de la Révolution française, de celle des Français de Coblentz. Ces hommes-là, infiniment plus adroits et rapprochés d'un autre côté des patriotes, tâchent de saisir les circonstances les plus favorables. Ce qu'ils ont trouvé de plus avantageux, c'est de dire que les patriotes ardents sont des factieux ; et je dis, Messieurs, qu'il n'y a de vrais patriotes que les patriotes ardents. (Applaudissements à gauche et dans les tribunes.)
Un membre : Ala Jourdan.
Comme on prétend que ces patriotes ardents sont des factieux, j'ai dit à quelques-uns de ces Messieurs, je le dis à l'Assemblée nationale, je le dis à toute la France, je m'honore d'être l'un de ces factieux. (.Applaudissements à gauche et dans les tribunes.)
Plusieurs membres à droite : Il y â longtemps que nous le savons.
Je dis, Mèssieurs, que ces prétendus factieux ont constamment pour eux la majorité de l'Assemblée nationale, je dis qu'ils ont les suffrages de tous les départements du royaume. (Applaudissements à gauche et dans les tribunes.)
Plusieurs membres à droite: Ce n'est pas vrai !
D'autres membres : Dites plutôt des clubs et des sociétés fraternelles!
Et que, par conséquent, ce ne sont pas des factieux. Je dis que les véritables factieux, s'il en est , ce sont ceux qui sont constamment la minorité, ce sont ceux qui s'opposent constamment au véritable vœd du peuple qui n'est point douteux d'après l'expression qui arrive de toutes les parties de l'Empire. (Applaudissements à gauche et' dàns les tribunes. — Murmures prolongés à droite.)
Est-ce de l'impression des piques que vous voulez parler, Monsieur?
Les factieux sont ceux qui comme vous, Monsieur Becquey,calomnient le peuple.
Plusieurs membres : A l'ordre !
Je prie les membres de cette Assemblée de s'interdire toute personnalité?
On me demande si je parle de la pétition des piques : non, Messieurs, je parle des décrets de l'Assemblée nationale, je parle de la loi, jé parle de ce nombre infini de pétitions que vous entendez chaque jour à la barre et qui vous annoncent d'une manière non équivoque le vœu de la nation. Quant aux piques qui paraissent effrayer un petit nombre de citoyens...
Un membre : Elles effrayent tous les amis de l'ordre, tous les propriétaires, tous les gens véritablement attachés à leur patrie:
Je demande, Mon-
sieur le Président, que vous rappeliez à l'ordre le préopinant, qui cherche à établir des distinctions entre; les propriétaires et ceux qui ne le sont pas.
Où sont les droits de l'homme? Les propriétaires y sont-ils distingués?
Les piques ont été forgées par les véritables amis de la liberté, armés par la loi ; elles n'effrayeront plus que les tyrans et leurs satellites. M. Bigot de Préameneu demande qu'il soit décrété en principe que, sous prétexte de pétition, les citoyens ne pourront plus faire de rassemblements armés, mais il paraît évident que la motion que M. Bigot a voulu faire sans motif et sans préambule, est précisément la motion que M. Duverhoult voulait faire avec motif et préambule.
Non, Monsieur, ce n'est pas la même chose.
Quoi qu'il en soit, M. Bigot de Préameneu convient que la loi existe, qu'elle est dans la Constitution, qu'elle est dans plusieurs lois réglementaires; que veut donc M. Bigot? Il veut que l'on décrète un principe qui est dans la loi. Est-ce que, Messieurs, vous avez besoin de décréter que telle loi sera exécutée?
Plusieurs membres (à droite). Oui quand elle est violée !
Il est donc évident ou que la loi existe ou qu'elle n'existe pas. Si elle existe, il est absurde de vouloir décréter un principe qui est textuellement dans la loi existante. Jamais une assemblée comme le Corps législatif n'a décrété une loi, pour rendre une autre loi exécutoire, à moins, qu'il n'ait voulu la rendre plus claire. Mais M. Bigot de Préameneu est convenu que cette loi existait très clairement. 11 a voulu laisser entendre seulement qu'elle avait été violée indirectement, et par qui? par le Corps législatif lui-même. (Murmures.)
On m'a dit tout à l'heure que la loi a été violée. Ce n'est pas parce qu'une loi est violée que vous ferez une loi qui portera exactement la mêmè disposition que la loi violée-Or, vous n'avez pas besoin d'une seconde loi qui pourrait être violée comme la première. Si la loi existe, comme cela est évident, vous n'avez pas besoin de décréter aucune sorte de principe à cet égard. Ce serait pour les conséquences seulement, si* elles étaient obscures, qu'il faudrait faire une loi ; mais quant au principe il est dans la loi. D'après cette hypothèse première, il est clair que ron doit passer à l'ordre du jour.
S'il ii'y a pas de loi, comment M. Bigot de Préameneu peut-il proposer que sur une matière aussi importante, sur un objet susceptible d'une discussion aussi mûre, aussi réfléchie, sur un intérêt aussi majeur, on décrète sans motif et sans préambule, sans discussion, avant même que l'Assemblée nationale soit entièrement formée? Je dis que« dans cette hypothèse, il faudrait de toute nécessité renvoyer la motion de M. Bigot au comté de législation, avec d'autant plus de raison que M. Bigot fait entrer dàns sa motion les principes relatifs aux pétitions, et que déjà, par deux décrets antérieurs, vous aVez chargé votre comité de législation de vous faire un rapport relatif à ce principe. Il ne peut donc,y avoir aucune difficulté sur la motion qui a été faite, de passer à l'ordre du jour motivé.
Voici ma rédaction :
L'Assemblée nationale décrète que, sous prétexte de faire des pétitions aux autorités constituées, les citoyens ne pourront se rassembler en armes et seront tenus de se conformer aux lois prescrites pour la force armée. »
Je demande à être entendu. (Murmures à gauche.)
Un membre : Monsieur le Président, mettez aux voix si on renverra au comité, ou si on discutera sur-le-champ.
Je demande le renvoi au comité de législation, cela épargnera du temps à l'Assemblée.
(L'Assemblée, après deux épreuves successives, dont la première a paru douteuse, décide de continuer la discussion.)
(de Nantes), président, reprend le fauteuil.
présidence de m. français (de Nantes).
Je profiterai des leçons de sagesse que nous a données le préopinant, et j'en profiterai mieux que lui, car je me renfermerai dans la question. M. Bigot de Préameneu vous a proposé de décréter que des rassemblements armés ne pourront se former à l'avenir, sous prétexte de présenter des pétitions aux autorités constituées. On a objecté que cette loi a été portée par l'Assemblée constituante ; et que, quand il ne s'agit que de la faire exécuter, nous avilirions nous-mêmes les lois, si nous en faisions de nouvelles sur cet objet. M. Bigot avait senti la force de cette objection; mais il s'est rappelé que l'Assemblée, entraînée par l'exemple ae ses prédécesseurs, avait laissé dormir en quelque soyte ces lois tutélaires de l'ordre public, et avait consacré son inexécution en admettant plusieurs fois des rassemblements armés. Les orateurs qui parlaient hier à cette tribune, et particulièrement M. Vergniaud, convinrent de la nécessité de faire observer à l'avenir des lois qui défendent aux citoyens de s'assembler en armes, sans réquisition légale : mais ils tâchèrent d'excuser les rassemblements qui s'étaient formés hier matin, par là condescendance qu'avait eu jusqu'alors l'Assemblée nationale. M. Vergniaud et ces mêmes orateurs convinrent tous de la nécessité de faire à l'avenir observer la loi. Ils rentrèrent entièrement dans te sens de M. Bigot. Si quelque chose m'étonne aujourd'hui, c'est que les mêmes hommes qui sentaient hier la nécessité d'épargner au peuple des excès qu'il est facile de prévenir en l'instruisant, s'opposent aujourd'hui à ce que le Corps législatif dise au peuple de Paris qu'il entend que la loi soit exécutée, et qu'il fasse connaître par un considérant les motifs de ce décret. (Murmures à gavxhe.)
Je ne m'oppose point à la déclaration que propose M. Dumolard.
On a cru suppléer à une loi par un ordre du jour motivé, et je rends à cet égard justice à M. Lecointe ; mais je vous prie d'observer que l'ordre du jour motivé n'est consigné que dans votre procès-verbal, et que votre procès-verbal n'est pas une loi. Je vous prie d'observer enfin que c'est la loi seule qui doit, dans un Etat libre, commander au peuple
Plusieurs membres : La loi existe !
Je prie ceux qui m'interrompent de réfléchir que si je voulais tirer de ces principes toutes les conséquences qu'ils peuvent
avoir, je dirais que les lois qui défendent les rassemblements armés existaient hier comme aujourd'hui ; je dirais que le Corps législatif ne pouvait les détruire que par une loi nouvelle, et qu'une expression particulière de sa volonté ne pouvait, et ne peut excuser jamais, les magistrats du peuple de l'inexécution des lois. Je crois cependant que dans des circonstances critiques, comme l'est la situation actuelle, on peut quelquefois adoucir la rigueur des principes ; que cela importe pour le salut de l'Empire, pour le maintien du respect dû aux autorités constituées, et surtout pour prévenir l'effusion du sang (Murmures à gauche), que je redoute autant que qui que ce soit dans cette Assemblée ; mais je sais aussi qu'il est toujours essentiel que les représentants du peuple, que les pères du peuple lui rappellent ses devoirs. (Nouveaux murmures à gauche.)?Je ne vois donc aucun motif plausible de repousser la motion de M. Bigot.
Je qois répondre aussi à l'objection de M. La-marque, tirée des principes qu'il suppose diriger les personnes qui se sont réunies à M. Bigot pour demander une loi contreles rassemblements armés. Il s'honore d'être du nombre des patriotes ardents et je l'en félicite (Rires), mais moi aussi je veux être un patriote ardent.
Plusieurs membres (à gauche) : Ah! Ahl
D'autres membres (à droite) : Oui ! oui !
Oui, mais je veux être un partriote éclairé, je suis prêt à me sacrifier pour ma patrie, à mourir s'il le faut pour la défense de la liberté et de l'égalité constitutionnelles (Murmures à gauche.) ; voilà mon devoir, voilà le désir de mon cosur (Rires ironiques à gauche.) ; mais on ne me verra jamais, instrument vil des agitateurs de la France, capter, par de basses adulations, les éloges infamants de quelques folliculaires et la bienveillance des tribunes. (Applaudissements.) Ceux qui flattent le peuple le trahissent, moi je veux le servir. J'appuie la motion de M. Bigot. (Applaudissements à droite et au centre.)
Je suis du même avis que M. Dumolard, et voici quel est le véritable état de la question. Il y a eu de votre part une dérogation tacite à la loi. Des 'hommes animés par l'enthousiasme de la liberté, et qui venaient de s'armer à sa voix, sont venus vous faire hommage de leurs armes et de leurs sentiments ; ils ont défilé devant vous avec des piques- et des baïonnettes, avec l'autorisation formelle de l'> s-semblée. Cette autorisation a paru aux citoyens être l'anéantissement de vos aécrets antérieurs, il faut donc aujourd'hui que, par une loi nouvelle, vous remettiez en vigueur celle qui était tombée en désuétude.
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Je mets aux voix l'urgence. (Murmures à gauche.)
in membre : Je demande la parole pour un fait.
Et moi pour un amendement (Nouveaux murmures.), et je vous prie de me préserver de la tyrannie de ceux qui m'entourent. Mon amendement est que l'Assemblée nationale décrète que désormais aucun corps armé ne sera admis soit à la barre, soit à défiler dans son sein. (Applaudissements.)
J'insiste pour le renvoi au comité de législation.
(L'Assemblée décrète l'urgence.)
En adoptant ma proposition, je crois que le but de M. Bigot et celui de l'Assemblée doivent être remplis, car dès que vous aurez décrété qu'aucun corps armé ne sera admis à défiler au milieu de vous, alors la proposition de M. Bigot devient illusoire. (Murmures adroite.)
J'ai dit, je le répète, s'il s'est formé des rassemblements armés pour former des pétitions, c'est parce que l'Assemblée nationale, par une indulgence poussée peut-être un peu loin, je dirai même par une déviation des principes, a permis que des Citoyens armés défilassent dans son sein. Si l'Assemblée nationale n'avait jamais autorisé cette démarche, je soutiens qu'il ne se serait jamais formé de rassemblements armés pour lui présenter des pétitions; mais pour ne donner jamais de motifs ou prétextes à de pareils rassem-Dlements, décrétez qu'il n'en sera jamais admis dans votre sein, et alors s'il vient à s'en former, c'est aux autorités constituées pour l'exécution de la loi qu'il appartient de prendre des mesures que la loi met en leurs mains pour dissiper ces rassemblements.
Je me résume en demandant purement et simplement que l'Assemblée nationale décrète qu'à l'avenir aucune espèce de corps ou rassemblement armé quelconque ne sera admis, sous prétexte de pétition pu autre, soit à se présenter à la barre, soit à défiler dans son sein ; et sur le reste je demande l'ordre du jour.
Je demande par sous-amendement qu'aucune pétition, qu'aucune adrèsse de citoyens armés ne sera reçue tant par le Corps législatif que par aucune autorité constituée.
(L'Assemblée adopte l'amendement de M. La-source et le sous-amendement de M. Bigot de Préameneu.)
Cette proposition a deux parties très distinctes, l'une sujette à la sanction, et l'autre qui ne l'est pas; je demande qu'elle soit divisée en deux décrets, dont l'un sera porté à la sanction et dont l'autre demeurera comme une addition au règlement de police du Corps législatif.
(L'Assemblée adopte cette proposition) (1).
Je donne connaissance à l'Assemblée d'une lettre que vient de m'adresser, M. Perrot, commandant de la garde nationale de Versailles.
« Versailles, le
« Monsieur le Président, (2)
« J'ai l'honneur de vous demander au nom de la garde nationale de Versailles la permission de déposer sur l'autel de la patrie un don patriotique pour soutenir la guerre et la liberté.
« Elle vous prie de lui permettre de lire une adresse préparée par une députation de citoyens de la ville. »
« Le commandant de la garde nationale de Versailles,
« Signé : Perrot. »
Une députation de la garde nationale de Versailles, sans armes, est admise à la barre.
L'orateur de la députation s'exprime ainsi (1) :
« Législateurs,
« Et nous aussi, nous applaudissons aux justes mesures que vous avez prises, en décrétant dans votre sagesse la formation d'un camp de 20,000 hommes, placé aux environs de la capitale; le despotisme en a frémi, et les bons citoyens en ont ressenti la satisfaction la plus complète.
« La garde nationale de Versaiîlès vient vous en témoigner sa reconnaissance ; èlle verra avec plaisir, réunis à ses frères de l'armée parisienne, des citoyens, des patriotes, venus de toutes les parties ae l'Empire français pour défendre les mêmes intérêts; elle se fera toujours un devoir d'être la sentinelle du poste avancé de ce camp; et vous pouvez compter, qu'au besoin, et au même moment, il se trouverait renforcé de plus de 12,000 bras levés pour le soutien de la Constitution et la défense des représentants du peuple.
« Suivez donc imperturbablement la route qui vous est tracée; marchez-y d'un pas ferme et assuré; restez élevés à la hauteur où vous venez de vous placer, et, forts de votre conscience, soutenus deTopinion publique, environnés de nos piques et ae nos baïonnettes, vous n'avez rien à redouter de la fureur des tyrans ; il faudra qu'ils passent sur le corps du dernier des nôtres, avant d'arriver jusqu'à vous.
« Nous venons aussi, législateurs, attacher une fleur à la couronne que vous avez décernée aux 3 ministres disgraciés ; ils portent avec eux plus de gloire qu'ils n'en eussent jamais acquis dans des siècles, en servant des despotes et en flattant leurs caprices. »
Un autre pétitionnaire, M. Tissot, donne lecture au nom des Amis de la Constitution de Versailles, de l'adresse suivante (2) :
« Législateurs,
« Tout semble tramer ouvertement notre ruine, tout nous semble nous préparer de nouveaux fers, nous n'avons plus que vous : vous seuls pouvez nous sauver. Connaissez donc nos résolutions et nos vœux, faites des lois sages et conformes à la Déclaration des droits; nous leur obéirons, car si l'on a résolu de nous perdre, nous avons résolu de nous sauver. Nulle autorité sur la terre ne peut contraindre les hommes à vouloir leur propre ruine, et le salut du peuple est plus sacré que les prérogatives des rois.
« Vous avez décrété la formation d'un camp de 20,000 hommes aux environs de la capitale; la
cour effrayée a frappé de son veto ce décret salutaire, ce n'est pas» un malheur. Les 83
départements vont former dans leur sein de nouvelles phalanges, prêtes à voler sous les murs
de Pans au premier danger de la patrie. Jugez par cette disposition des cœurs, commune à tout
l'Empire, quelle nombreuse milice vous pouvez rassembler en un moment près de vous sous les
drapeaux tle la liberté. Oh ! qu'elle se-
« Vous comprenez, législateurs, quel est l'homme dont nous parlons ici ; nous doutons encore qu'il soit l'auteur du criminel écrit, qui vous a été adressé sous son nom. L'idée de tant de perfidie ne saurait entrer dans notre âme, mais si ce général est convaincu d'avoir fait et envoyé cette lettre de dictateur/ cet ouvrage de discorde et de rébellion, nous appelons toute votre sévérité sur sa tête, toutefois pour n'attacher tant d'importance à un individu, que nous croyions que la liberté puisse périr par sa puissance, nous avons plus de confiance dans tout un peuple armé pour elle; mais pour éviter des malheurs et des crimes, il importe à la chose publique que notre fermeté apprenne à tous que nous ne souffrirons jamais qu'un homme soit au-dessus des lois, ainsi que nulle crainte, nulle considération ne vous arrêtent. Si le général est coupable, votre prudence serait une faiblesse, elle ferait injure à vous, au peuple français, à une armée citoyenne capable de servir les projets d'un ambitieux qui voudrait s'élever sur lés ruines de sa patrie. Luckner, le brave Luckner, ne se concérte, pas avec des intrigants pour avilir l'Assemblée nationale; il prend des villes, et bat les ennemis de son pays: voilà la conduite d'un général citoyen.
« Législateurs, nous avons encore urt Vœu à former, mais il est moins pénible à nos âmes ; les gardes françaises, vous le savez, ont créé la Révolution, sans eux, peut-être, nous n'aurions encore ni Assemblée nationale, ni patrie, ni liberté. Ce sont eux qui ont instruit et guidé notre inexpérience; rendez-nous ces braves amis, nos soutiens et nos maîtres dans le métier des armes, rendez-leur avec leur place dans la capitale, leur habit guerrier, cet habit respectable et cher à leur cœur et au nôtre. Honorer en eux les premiers défenseurs de la liberté, c'est une justice que vous leur devez, et que tout l'Empire demande avec nous. Souvenez-vous que la reconnaissance du peuple créa des héros dans tous les pays libres.
« Législateurs, voilà ce que nous attendons de vous, courage, justice et grandeur; voilà ce que les Français vous commandent. Marchez et nous vous soutiendrons; guidez-nous dans le chemin de la liberté, et nous vous suivrons. Surtout, quoi qu'il arrive, soyez inaccessibles à la terreur, car voici notre inébranlable résolution: nous vous défendrons jusqu'à la mort contre tous les méchants et tous les conspirateurs. Et, enfin, si la cour persiste dans ses projets destructeurs, si elle persiste à paralyser votre ouvrage, à chasser les ministres patriotes, à soutenir et protéger nos ennemis, nous nous souviendrons que la résistance à l'oppression est un des droits les plus sacrés de l'homme, et nue Dieu n'a pas fait les peuples pour être dévorés par les rois.
« Membres du peuple souverain, nous vous tenons le langage qu'il vous tiendrait lui-même s'il était rassemblé; respectez notre vœù, il n'est pas mendié comme cette pétition que l'on vous présente contre vos décrets, il est le vœu de
tous les Français, car les Français n'ont pljis qu'un esprit et qu'une âme, comme voùs rapprendrez bientôt.
« Signé : TissOT aîné. »
Le premier orateur dépose alors sur l'autel de la patrie la somme de 525 livres en assignats; 55 livres, un sol, en billets de confiance ; 30 livres en espèces et une cession d'un contrat dû par la nation produisant un intérêt annuel de 40 livres, au principal de 800 livres. (Total 1,410 1. 1 s.) 11 y joint le don d'un jeune élève de la patrie qui envoie un hausse-col qui a servi à un de ses parents combattant pour la liberté. Il ajoute :
« Messieurs, la garde nationale de Versailles, sans armes, aux termes delà loi, est aux portes de la salle et demande à défiler devant vous, comme vous 1 avez permis à nos concitoyens de Paris. »
répond à la députation et lui accorde les honneurs de la séance. Il autorise ensuite, au nom de l'Assemblée, le détachement de la garde nationale de Versailles à traverser la salle des séances.
Je dois annoncer à l'Assemblée que ces citoyens ont déjà vçrsé à la caisse du receveur de leur district", pour le droit de patentes et leur contribution mobilière, une somme de 415,000 livres.
(La garde nationale de Versailles, précédée d'une musique et de tambours, et accompagnée de femmes ét d'enfants, défile, sans armes, dans l'Assemblée, au milieu des applaudissements.)
Je demande que l'Assemblée nationale décrète la mention honorable et l'impression des deux adresses.
(L'Assemblée, après avoir accueilli avec les plus vifs applaudissements les deux offrandes des citoyens de Versailles, décrète la mention honorable et l'insertion des deux adresses au procès-verbal, dont un extrait sera remis aux donateurs.)
Vous venez d'entendre les citoyens de Versailles vous demander des mesures de rigueur pour prévenir les suites de l'exemple funeste qu'a donné M. La Fayette, par sa lettre au Corps législatif. Peu avant, vous veniez de décréter qu'il ne pourrait à l'avenir se faire aucune pétition armée. Je demande que, partant de ce principe, et considérant qu'un général, à la tête d'une armée est une puissance dans l'État, vous décrétiez qu'un général d'armée en fonction ne pourra présenter ni pétition ni observations au Corps législatif.
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur cette proposition.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture de la lettre suivante, du département de Paris :
« Monsieur le Président,
« Nous avons l'honneur de vous informer que le conseil du département de Paris s'est rassemblé ce matin, sur la convocation de M. le Président, conformément à l'article 18 de la loi du 28 mars 1791. Nous vous prions de vouloir bien en faire part à l'Assemblée nationale.
« Nous sommes, etc.
(Suivent les signatures.)
Monsieur le Président, l'Assemblée a décidé, par décret, de m'accorder la parole à l'heure de midi; je demande la parole.
Un membre : Je demande que l'Assemblée s'occupe enfin de faire des lois, les départements ne nous ônt pas envoyés ici pour jouer des farces et des parades!
J'insiste pour avoir la parole.
On n'a pas décrété qu'on entendrait M. Daverhoult. L'Assemblée a renvoyé à midi pour savoir si M. Daverhoult serait entendu.
Je demande qu'on lise le texte du décret.
Un de MM. les secrétaires en fait la lecture. Il porte que M. Daverhoult aura la parole à l'heure de midi.
Plusieurs membres : L'ordre du jour! (Vifs murmures à droite.)
Ces Messieurs demandent l'ordre du jour sur le crime. Gela peut être leur intérêt; ce n'est pas le nôtre.
Je demande le rapport du décret et l'ordre du jour.
L'Assemblée commettrait la plus grande lâcheté si elle n'entendait pas M. Daverhoult.
(On fait une première épreuve. Elle est douteuse.)
Il y a un décret. Dans le cas de doute, il doit être entendu.
(On fait une seconde épreuve.)
Les secrétaires sont partagés. Dans le cas de doute, M. Daverhoult a la parole.
Un grand attentat a été commis...
Plusieurs membres : Ce n'est pas vrai!
D'autres membres : C'est vrai !
, L'Assemblée ayant décrété d'entendre M. Daverhoult, je prie tous les mem-'} bres d'écouter en silence.
On a porté atteinte à la liberté et à la dignité du roi.(Murmures à gauche.) La garde du roi a été forcéè.
Le fait est faux !
Les portes, des appartements ouvertes à coups de haches. Le tumulte a été au point qu'un de nos collègues, en haranguant la multitude, lui a adressé ces paroles : Vous n'approcherez du roi qu'en passant sur mon cadavre.
Plusieurs membres : Ah bah! bah!
Je demande que l'Assemblée nationale déploie toute la grandeur de son caractère; qu'elle ordonne au ministre de la justice de faire informer contre les auteurs de cet attentat.
Plusieurs membres ; Ditès plutôt contre les instigateurs!
Qu'elle mande le ministre de l'intérieur, le directoire de département (Murmures des tribunes.) et le commandant de la garde nationale parisienne... (Nouveaux murmures.)
Je demandé à faire une motion d'ordre; L'opinant parlé contre le roi lui-même.
Afin de savoir si les ordres pour repousser cette agression ont été donnés, ou bien si c'est à la désobéissance de ceux à qui
la garde du roi était confiée, qu'il faut attribuer ces malheurs (Murmures prolongés à gauche.) et enfin que, après ces renseignements, l'Assemblée nationale prenne un parti qui n'expose plus la patrie à de pareils désordres.
Plusieurs membres à droite: Appuyé !
On cherche à calomnier le peuple. (Vifs murmurés à droite.) Je demande à i'Assemblée nationale s'il est de sa dignité de souffrir que quelques-uns de ses membres soient insultés dans son sein ; j'ai été traité de scélérat par Monsieur. (Montrant, un député.)
Je demande l'ordre du jour sur l'incident.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
Je sais bien que lorsqu'un très grand nombre de citoyens sont réunis pour venir, d'après un usage consacré par l'Assemblée nationale, demander la permission de lui donner Un témoignage, et .à la nation entière, dé leur dé-vouement, de leur amour pour la liberté, de leur disposition à la défendre jusqu'à la dernière goutte de leur sang; je sais, Messieurs, que lorsque quelques mauvais citoyens ont connu cette réunion, ils ont profité de cette circonstance pour occasionner des désordres : Je sais bien que ces mauvais citoyens, connus pour ennemis delà Révolution, pour ennemis..au peuple, et par conséquent de la nation Sfrançaise et de la liberté, ont fait tout ce qui dépendait d'eux pour occasionner ces désordres. C'est un fait universellement cqnnu.(Murmures), et j'ai aperçu moi-même dans les opinions de plusieurs membres, non daps les intentions, mg,is vdâhSt J',9piniôn même, une tendancé à favoriser, lorsque sans consulter aucune prudence...,
Les vrais ennemis delapatrie sont ceux qui cherchent à faire perdre le temps de l'Assemblée, je demande qu'on passe à l'ordre du jour.
Ces Messieurs demandent l'ordre du jour, parce qu'ils sentent combien l'apologie entreprise par M. Lamarque, de l'attentat commis hier est embarrassante. Je demande de l'indulgence pour lui.
Plusieurs membres : Le renvoi à la commission des Douze !
D'autres membres : L'ordre du jour! (Murmures à droite.)
J'ai demandé la parole pour des faits qui motivent l'ordre du jour/'Hier, Messieurs, vous avez envoyé 3 députations successives chez le roi.
C'est ce que je voulais dire, (Rires ironiques à gauche).
Les rapports que ces députations vous ont faits ont été uniformes ; tous ont dit que le calme régnait aux Tuileries.
Plusieurs membres (adroite) .' Oui, à dix heures du soir !
D'autres membres ; C'est abomi nable !
Il faut avoir perdu toute pudeur pour avancer un fait pareil.
On vous a rapporté que le roi avait dit qu'il ne craignait rien au milieu du peuple. M. Daverhoult, dit qu'un député de l'Assemblée nationale, interprétant mal les mouvements et les sentiments du peuple, a dit qu'il faudrait passer sur lui avant de parvenir à la personne du roi. Mais cette fausse interprétation,
démentie par les faits, cette interprétation ne peut donner au peuple un crime qu'il n'a pas eu envie de commettre. (Applaudissements des tribunes.)
Un membre : Ce n'est pas le peuple. Le peuple ne peut pas avoir de mauvaises intentions, mais ce Sont les brigands et les factieux que nous craignons.
Un fait, Messieurs. Sans doute le peuple n'avait pas de mauvaise intention. Mais fa vérité est que la porte des appartements a été brisée; il y avait donc parmi le peuple des brigands qu'il est juste de punir.
Je demande qu'on passe à l'ordre du jour. (Murmures prolongés.)
Je demande à l'Assemblée s'il n'est pas évident pour elle que l'asile du représentant héréditaire a été violé, que les portes du roi ont été brisées. Je lui demande si ce n'est pas là un attentat, et je demande si l'on peut passer à l'ordre du jour sur un pareil attentat. (Nouveaux murmures à gauche.)
Plusieurs membres des deux côtés parlent ensemble et s'interpellent.
J'ai entendu crier dans les appartements : A bas le veto!
Je demande que les témoins des faits soient entendus. Je demande qu'on entende M. Vergniaud et tous les députés qui étaient, avec lui. Il faut que la France sache qu'après avoir licencié la garde du roi... (Murmures à gauche.)
Je demande la parole pour une motion d'ordre. (Murmures prolongés.)
Je demande l'ordre du jour.
J'appuie l'ordre du jour à condition qu'il sera motivé.
Les ministres entrent dans la salle.
M. le ministre de la justice demande la parole.
, ministre de la justice. Je dépose sur le bureau de l'Assemblée une lettre du roi.
(L'Assemblée décrète que la lettre du roi sera lue sur-le-champ,)
Un de MM. les secrétaires en donne lecture :
« Monsieur le Président,
L'Assemblée nationale a déjà connaissance des événements de la journée d'nier. Paris est sans doute dans la consternation ; la France les apprendra avec un étonnement mêlé de douleur. J'ai été.très sensible au zèle que l'Assemblée m'a témoigné dans cette circonstance. Je laisse à sa prudence de rechercher les causes de cet événement, le soin d'en peser lés circonstances, et de prendre les mesures nécessaires pour maintenir la Constitution, assurer l'inviolabilité et la liberté constitutionnelle du représentant héréditaire de la nation.
« Pour moi, rien ne peut m'empêcher de faire, en tout temps et dans toutes Jes circonstances, ce qu'exigeront les devoirs que m'imposent la Constitution que j'ai acceptée, et les vrais intérêts de la nation française.
Signé : louis.
Contresigné : duranthon.
(Applaudissements d'une grande partie de l'Assemblée et dune partie des tribunes.)
Unmembre : Je demande le renvoi de toute cette affaire à la commission des Douze.
Je demande que M. le maire de Paris remette par écrit sur le bureau de l'Assemblée le récit des faits qu'il a fait hier soir à la barre.
Appuyé ! (Vifs murmures.)
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
(L'Assemblée adopte la proposion de M. Dehaussy-Robecourt.)
Je demande la parole pour prouver que tout ce qui a été dit est contraire aux principes. (Murmures.) 11 ne serait pas difficile de prouver que les principes ont été violés et que M. le ministre de la justice ne sait pas son métier.
Plusieurs membres: L'ordre du jodr!
Vautres membres : Nous insistons pour le renvoi à la nouvelle commission des Douze]!
(L'Assemblée décrète le renvoi de toutes les pièces à la commission extraordinaire des Douze.)
La parole est à M. le ministre de l'intérieur, qui l'a demandée pour donner la lecture d'un rapport sur les précautions par lui prises relativement aux événements du 20 juin.
M. Terrier, ministre de l'intérieur. Messieurs, en ma qualité de ministre de l'intérieur, je dois compte à l'Assemblée nationale, à la nation, des mesures que j'avais prises pour prévenir les événements de la journée d'hier. Mon rapport ne consiste qu'en aes faits; c'est une correspondance avec le directoire de département. (Murmures à gauche.)
Plusieurs membres : A l'ordre !
Je rappelle à l'ordre tous ceux qui ont troublé l'Assemblée et je les rappellerais nominativement si je connaissais leur nom.
Monsieur le président, appelez-les Jacobins, c'est là leur véritable noin.
M. le ministre. Le 19 juin, instruit, par différents rapports, qu'il se préparait dans plusieurs faubourgs de la ville des rassemblements pour les jours suivants, j'ai écrit au directoire du département, pour lui demander quelles étaient les mesures qu'il avait prises pour prévenir les rassemblements.
Voici d'ailleurs le texte de ma lettre ;
« On répand en cé moment, Messieurs, des bruits alarmants pour la tranquillité de Paris. Ils seront sans doute parvenus jusqu'à vous et j'augure trop bien de votre zèle pour le maintien du bon ordre, pour ne pas penser que vous n'ayez pris les mesures les plus capables de prévenir tout événement qui pourrait le troubler. Veuillez néanmoins m'en faire part, et me mettre à portée d'en rendre compte incessamment au roi, dont la sollicitude est toujours active, dès qu'il s'agit de là tranquillité publique. »
Si l'Assemblée l'exige, je vais lui lire la réponse du département.
Un membre : Le renvoi à la commission !
D'autres membres : Non, non !
Le ministre lit :
« A l'instant, Monsieur, où nous avons reçu votre lettre, nous étions occupés à prendre les mesures nécessaires pour assurer la tranauillité publique, de concert avec M. le maire et Mm. les administrateurs de la police, que nous avons appelés au directoire. Nous avons pris l'arrêté dont nous joignons ici copie. Nous l'envoyons
sur-le-champ à la municipalité et au commandant général. Nous veillerons à ce qu'il soit promptement connu du public. Nous vous prions de vouloir bien en informer le roi, et nous pensons qu'il serait bon que vous le fissiez connaître à l'Assemblée nationale. »
Messieurs, j'ai eu l'honneur d'en envoyer un double à l'Assemblée nationale le 19 au soir.
Plusieurs mempres : On l'a lu ! (Murmures à l'extrême gauche.)
Un membre à gauche : Allez donc, Messieurs !
Je demande que vous rappeliez à l'ordre, Monsieur le Président, tous ceux qui interrompront par des murmures aussi indécents.
Plusieurs membres : C'est M. Galon 1
M. le ministre. Cet arrêté contenait en substance la défense de tout rassemblement armé. En voici d'ailleurs le texte :
département de paris.
Extrait des registres des délibérations du directoire.
Du
« Le directoire, instruit par un arrêté du conseil général de la commune, du 16 de ce mois, que des pétitionnaires, au1 nom des citoyens des faubourgs Saint-Antoine et Saint-Marcel, avaient demandé la permission de s'assembler vêtus des habits qu'ils portaient en 1789, et avec leurs armes, demain 20 juin, pour présenter à l'Assemblée nationale et au roi des pétitions ;
« Que le conseil général, considérant l'illégalité de tout rassemblement armé, sans une réquisition de l'autorité publique, a arrêté depasser à l'ordre du jour sur ladite pétition; ... m Instruit par des rapports multipliés, que nonobstant l'arrêté du Conseil général de la commune, et les précautions ultérieures prises par la municipalité, il y a lieu de craindre que des malveillants ne veulent former des rassemblements armés, sous prétexte de présenter des pétitions :
« Considérant que non seulement la loi rappelée par le conseil général de la commune interdit les réunions de citoyens armés sans réquisition préalable; mais encore que le code municipal ae Paris, en permettant aux citoyens de se réunir paisiblement et sans armes pour rédiger des adresses et pétitions, y met la condition de ne pouvoir députer que 20 citoyens pour apporter et présenter ces adresses et pétitions; que ces lois ont été rappelées dans l'arrêté de la municipalité du 11 février dernier;
« Que le pouvoir municipal serait méconnu et outragé, si, malgré le refus motivé du conseil général d'acquiescer à la pétition qui lui a été présentée, il se réalisait des rassemblements illégaux et propres à troubler la tranquillité publique ;
« Que des pétitionnaires offenseraient la majesté des représentants du peuple, en se présentant armés devant lui ;
« Le procureur général syndic entendu, arrête que M. le maire, la municipalité et le commandant général seront prévenus de prendre sans délai toutes les mesures qui sont à leur disposition, pour empêcher tout rassemblement qui pourrait blesser la loi; de faire toutes les dispositions de force publique nécessaires pour con-
tenir et réprimer les perturbateurs du repos public. Recommande spécialement aux citoyens, gardes nationales et à toutes personnes composant la force armée, de se tenir prêts à y donner assistance s'il y a lieu de les requérir. Arrête en outre que le présent arrêté sera imprimé et affiché dans les lieux accoutumés. Fait en directoire, le 19 juin 1792, l'an IVe de la liberté.
« Signé : La Rochefoucault, président;
« Blondel, secrétaire. »
Je répondis au département de Paris : « J'ai mis sous les yeux du roi, Messieurs, l'arrêté que voUs avez pris relativement à la tranquillité publique. Sa Majesté m'a chargé de vous témoigner sa satisfaction des mesuresqu'il renferme et de vous faire connaître qu'Elle verra toujours avec plaisir les citoyens célébrer des fêtes dont la liberté sera l'objet ; mais que des gens mal intentionnés pouvant profiter de ces circonstances pour commettre quelque désordre, Elle avait cru devoir ordonner à la garde du château, de s'opposer à tout attroupement dans son enceinte. »
La suite de cette correspondance, dont la lecture est essentielle, vous fera connaître, Messieurs, combien, de moment en moment, les circonstances devenant plus alarmantes, de quelle sollicitude nous étions animés pour parer aux événements dont on était menacé.
A 6 heures du matin j'ai reçu une autre lettre du directoire du département. Je vais vous en donner également lecture :
« Nous avons reçu, Monsieur, cette nuit, de M. le maire et de MM. les administrateurs de la police, la lettre que nous joignons ici, n° 1. Nous n'avons point cru devoir adopter les mesures qu'ils nous proposent; nous leur avons répondu par la lettre dont la copie est ci-jointe n° 2. Nous avons en même temps écrit au commandant général pour recommander de nouveau à sa vigilance toutes les mesures qu'il jugerait nécessaires pour le maintien de la tranquillité publique. Nous n'avons pas, dans ce moment-ci, d'autres détails sur les rassemblements. Nous nous empresserons de vous informer successivement de tous ceux que nous recevrons. »
Voici, Messieurs, la lettre écrite au département, le 20 juin à minuit, par MM. le maire et administrateurs de police.
« Le département de la police ayant été instruit, par différents rapports, que des citoyens des faubourgs Saint-Marcel et Saint-Antoine marchaient en armes; ayant été instruit que des sections ont pris .des délibérations à ce sujet, pour autoriser les commandants de bataillons à les conduire, les juges de paix et les commissaires de police à les accompagner; ayant été instruit,jenfin, que les habitants des environs de Paris menaçaient de se réunir au cortège, a cru devoir réunir les commandants de bataillons pour avoir d'eux des explications claires et précises.
« Ils s'accordent à dire que les citoyens leur paraissent dans les intentions les plus pacifiques, mais qu'ils tiennent avec la plus grande opiniâtreté à aller en armes. Us s'appuient sur ce qu'ils y ont été jusqu'ici, et que l'Assemblée nationale les a bien reçus. Ils témoignent des méfiances, des craintes ae marcher sans armes. Nous avons fortement insisté, particulièrement auprès du commandant du faubourg Saint-Marcel et d'un commandant du faubourg Saint-An-
toine. Ils nous ont répondu qu'il leur paraissait impossible de vaincre l'opiniâtreté des esprits à cet égard.
« Cette position, ainsi que vous le voyéz, Messieurs^ est très délicate ; 'il ne s'agit plus de quelques individus, mais d'un nombre.cônsidé-rable. Ne pourrait-on pas prendre un parti tout à la fois prudent, et qui se côrtcilie avec la loi? Toutes les armes doivent se ranger autour de la garde, nationale, et sous l'autorité des chefs. Si les magistrats autorisaientlégalement les commandants dé bataillon à marcher en armes, alors tout rentrerait dans l'ordre, et les armes fraterniseraient ensemble. Nous n'entendons pas que les pétitionnaires puissent se présenter en armes à la barre de l'Assemblée et chez le roi. Ils paraissent convaincus, dès ce moment, qu'ils ne le doivent pas.
« Nous soumettons ces réflexions à votre prudence ; nous vous prions de nous faire connaître promptement votre avis. » Voici la réponse du directoire : « Nous avons reçu, Messieurs, votre lettre du 20. Nous ne croyons pas pouvoir, en aucune circonstance, composer avec la loi. Nous avons fait le serment de la faire exécuter. Elle nous trace nos devoirs d'une manière impérieuse. Nous croyons devoir nous en tenir a ce que nous avons arrêté hier. »
« P. S. Nous recevons, à l'instant votre lettre de 5 heures, nous ne jugeons pas qu'elle doive nous faire changer les dispositions déjà prises. » A 6 heures du matin, le directoire m'a écrit une autre lettre. La voici :
« D'après les rapports qui nous ont été faits par les officiers municipaux et par l'administration de la police, nous devons présumer gu'un des objets du rassemblement qui se projette par plusieurs citoyens des faubourgs Saint-Antoine, Saint-Jacques, Saint-Marcelt est de présenter au roi une pétition dont on ignore le sujet. On dit qu'elle est rédigée en termes peu modérés. On ajoute que les pétitionnaires étaient d'accord de ne pas se1 présenter en armes, pou*" la remise de cette pétition. Nous avons cru [ne pas devoir perdre un moment pour vous transmettre ces renseignements aussitôt qu'ils nous sont parvenus. »
A 8 heures du matin, j'accusai réception au département par la lettre suivante :
« J'ai reçu successivement, Messieurs, les deux lettres que vous m'avez adressées ce matin et les copies que la première renfermait de la lettre de M. le maire et de la réponse que vous lui avez faite. Je ne puis qu'y applaudir et vous recommander le maintien de la loi dans toute sort intégrité. Je viens de communiquer au roi ces détails et vous prie de m'instruire, dans la journée, de tous ceux qui pourraient intéresser sa tranquillité. »
Vers 9 heures, je reçus des avis particuliers très pressants, qui annonçaient que ces différents faubourgs, réunis en armes, marchaient du côté de l'Assemblée nationale, et qu'ils disaient tous que leur intention était de se porter en armes au château. J'ai cru de mon devoir d'en avertir le directoire de département par urtè lettre fort courte, et qui lui indiquait les mesures qu'il devait prendre pour assurer la tranquillité du château et de la ville. Voici cette lettre :
« Sans perdre un moment, Messieurs, donnez des ordres pour faire marcher des troupes pour défendre le château ; les nouvelles que je reçois
à l'instant m'apprennent qu'il y a le danger le plus instant. »
Le directoire me répondit :
« A l'instant où nous recevons votre lettre, Monsieur, nous én faisons passer copie au maire de Paris, aU corps municipal et au commandant, en les priant de faire exécuter sur-le-champ l'ordre qu'elle contient. »
Un membre : Quel est l'ordre ?
Un autre membre : Un membre ne peut pas interroger le ministre, il n'y a que M. le président qui ait ce droit.
M. le rriinislre. Sans pèrdre un moment, Messieurs, j'ai donné des ordres pour faire marcher des troupes pour la défense du château.
Vers 9 heures 3/4 environ, je me suis rendu au château. Tout y a paru assez tranquille jusqu'à 3 heures 1/2. A ce moment les portes ont été forcées. Nous nous sommes rendus auprès du roi, qui était presque seul dans ses appartements. Il s'est avancé à l'avant-dernière pièce qui précède la salle des gardes. Dans cet instant, nous avons entendu un. bruit considérable annonçant un grand rassemblement du peuple. On a attaqué la porte : des haches renfonçaient. Le roi a donné l'ordre qu'on l'ouvrît. A l'instant où elle a été ouverte, une, foule immense de peuple s'est répandue dans le château. Le roi s'est placé dans une embrasure de croisée, où il a été entouré de plusieurs personnes. Sa vie a été mise en sûreté contre les dangers sur lesquels on ne pouvait pas être assurés ; car dans un grand rassemblement, quel est celui qui peut répondre qu'un citoyen perfide ou un malheureux ne veuille faire porter un deuil éternel à la France. (Murmures à gauche. — Applaudissements à droite et au centre et d'une partie des tribunes.) Messieurs, je respecte trop mon pays et mes concitoyens, pour ne pas croire quHls prendraient tous le deuil, s'il se commettait un crime. (Applaudissements à droite et au centre.)y
Un très grand nombre de membres de cette Assemblée ont vérifié par leurs yeux les effractions qui avaient été faites aux portes, tant dans l'appartement du roi, que dans celui du prince royal. Le juge de paix a dressé son procès-Verbal. C'est à l'Assemblée nationale à prendre les mesures que sa prudence lui dictera ; à remonter aux causes de cet événement qui nous sont inconnues. J'ai été témoin des événements dont je vous ai rendu compte. M. Pétion y est arrivé à 6 heures. D'autres rapports vous apprendront le reste quand vous le jugerez à propos, d'après les informations des juges, lesquelles vous seront communiquées si vous désirez qu'on vous les présenté. Sans doute l'Assemblée, dans cette circonstance, montrera sa volonté pour le maintien de la Constitution. ( Vifs applaudissements à gauche et au centre.)
Un grand nombre de membres : Oui, oui !
Un membre : Je demande le renvoi des pièces qui auront été lues à la nouvelle commission des Douze.
(L'Assemblée renvoie ce mémoire au comité extraordinaire des Douze.)
Voici Une lettre du directoire du département de Paris.
Un de MM. les secrétaires en donne lecture :
* Le département de Paris, extraordinaire-ment assemblé, apprend que l'Assemblée nationale vient de rendre un décret très propre à
assurer la tranquillité publique. Il la supplie d'agréer ses remerciements ; il prend la liberté de lui représenter que la publication immédiate de ce décret revêtu de la sanction aurait un heureux effet.
/ « Nous sommes avec respect, etc. (Applaudissements à droite.)
« Signé : La rochefoucault, président. »
Plusieurs membres .; Nous demandons que le décret soit porté sur-le-champ à la sanction.
(L'Assemblée nomme les commissaires à la sanction.)
, secrétaire, en donne lecture :
« L'Assemblée nationale, considérant que tout ce qui a l'appareil de la force, sans réquisition légale, doit être écarté des autorités constituées et qu'il est instant de rappeler ce principe essentiellement lié aux bases ae la Constitution et de l'ordre social, décrète qu'il y a urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète que désormais, sous aucun prétexte que ce puisse être, aucune réunion de citoyens armés ne pourra être admise à sa barre, défiler dans la salle des séances, ni se présenter à aucune autorité constituée» sans réquisition légale. »
(L'Assemblée décrète l'urgence, puis adopte • le projet de décret.)
Une députation de la commune de Bercy, district de Bourg-la-Reine, est admise à la barre.
L'orateur de la députation donne lecture de l'adresse Suivante (1) *:
« Messieurs, simples habitants de la campagne, nous ne savons pas, comme les gens des villes, par quels degrés il faut que le patriotisme passe pour être épuré ; mais nous sentons comme eux que nous aimons notre patrie. Nous apprenons que la guerre lui cause un surcroît de besoins, et nous vous apportons ce qu'il est en notre pouvoir de vous offrir pour la soulager un instant. Acceptez donc en son nom, Messieurs, les citoyens de Bercy vous en conjurent, cette somme de 600 livres ; ellè est modique, mais elle est le surperllu de nos impôts. Oui, Messieurs, nous croyons tous qu'avant qu'un citoyen cherche à s'honorer en paraissant faire un don à sa patrie, il faut qu'il commence par acquitter sa dette principale envers elle ; et le bonheur de la France èerait bientôt à son comble, si ses administratéurs pouvaient compter plutôt sur le paiement total et exact des impôts, que sur le revenu presque toujours éventuel de dons qui ne les égalisent jamais; aussi chacun de nous* pénétré de ces deux vérités, a-t-il su mettre à part l'argent qui peut revenir au percepteur des impôts du canton;
Nous ne vous ferons pas perdre de temps en vous parlant de nous davantage ; car nous ne
savons pas faire de ces phrases régulières et sonores, dont la seconde n'est souvent que
l'écho de la première, pour vous attester notre patriotisme et notre amour pour la
Constitution : mais, Messieurs, rentrés dans nos foyers, nous continuerons de vous prouver
que ces sentiments nous sont communs avec le ! teste des habitants de cet Empire, en
obéissant aveuglément aux lois que vous nous dicterez, et en ne
Signé : Provenchër, volontaire ; Renat, adjudant en chef-, coulon, commandant en chef; binet, lieutenant; Potel, capitaine de grenadiers ; Morel, citoyen; Bergeret ; Le Grand ; Cuvil-lier, etc.
accorde à la députation les honneurs de la séance.
(L'Assemblée ordonne la mention honorable de l'adresse, son impression et l'envoi aux 83 départements.) •
M. Chambonas, ministre des affaires étrangères. J'ai l'honneur, Monsieur le Président, de rendre compte à l'Assemblée nationale que le roi m'a fait celui de me nommer pour son ministre des af • laires étrangères. J'ose croire et espérer que la manière dont je me suis prononcé depuis la Révolution, assurera l'Assemblée que le patriotisme le plus vrai a toujours existé dans mon cœur et qu'il brûle du feu de la liberté. J'atteste à l'As-semblée que la Constitution sera le bouclier que j'opposerai toujours aux méchants et la loi la seule arme dont je me servirai. C'est dans l'Assemblée que je renouvelle mon serment de vivre libre ou de mourir, de ne connaître que l'égalité parfaite, de soutenir de tout mon pouvoir la liberté ; et, à ce titre, je renouvelle mon serment d'être fidèle à la nation, à la loi et au roi. (Vifs applaudissements.) 11 est bien flatteur pour moi que la première chose dont j'ai à rendre compte à l'Assemblée soit de l'instruire que la République de Gênes s'est décidée à observer, pendant la guerre actuelle, la neutralité la plus exacte. La déclaration qui annonce ce fait est datée du premier de ce mois ; elle a été adressée le 4 de ce mois; il en a été donné connaissance au ministre de la marine. Ge que je trouve de flatteur dans cette mission, c'est de voir un souverain qui n'est plus déjà l'ennemi du peuple français. J'espère que par mes soins j'en pourrai ramener beaucoup d'autres au désir général. (Applaudissements.)
Le roi ne veut pas sans doute que le calme et la paix soient rétablis dans Paris seulement, il doit le vôuloir aussi pour le royaume. Par conséquent, conformément à la Constitution qui permet au Corps législatif de représenter à la sanction un décret d'urgence, je demande que le décret relatif aux troubles religieux et à la déportation des prêtres lui soit rapporté une seconde fois. (Murmures prolongés à droite et au centre.)
Je demande que M. Merlin soit rappelé à l'ordre et à son serment.
(L'Assemblée décrète qu'il, n'y a pas lieu de délibérer sur cette proposition.)
Un de MM. les secrétaires, annonce le don patriotique de la Société des amis de la Constitution ae Baignes, qui envoie :
1° 170 livres en assignats; 89 1. 8 s., en espèces, à déduire pour le port 6 1. 15 s., reste 252 1. 13 s.
2° Deux paires de grandes boucles, une paire de petites boucles, un pied de ceinturon et deux grandelettes, le tout en argent.
(L'Assemblée accepte cette offrande avec les plus vifs applaudissements, et en décrète la
mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis aux donateurs.)
, au nom des comités de marine et de l'extraordinaire des finances réunis, soumet à la discussion un projet de décret sur la proposition du roi, portée dans sa lettre du 4 de ce mois, contresignée par le vr\inistre de la marine, de mettre à la disposition de ce ministre la somme de 6,443,252 livres pour un armement extraordinaire: ce projet de décret est ainsi conçu (1) :
« L'Assemblée nationale, délibérant sur la proposition du roi, contresignée par le ministre du département de la marine, après avoir entendu le rapport de ses comités de marine et de l'extraordinaire des finances; considérant que dans une guerre entreprise pour le maintien ae la liberté lrançaise, il est de la dignité nationale de faire concourir toutes les parties de la force publique à la défense d'une si belle cause; considérant que les circonstances commandent impérieusement qu'une partie de l'armée navale soit incessamment mise en activité, pour faire respecter le pavillon et assurer la liberté du commerce national, décrète qu'il y a urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« Il sera versé par la caisse de l'extraordinaire dans celle de la Trésorerie nationale la somme de 6,443,252 livres pour subvenir aux frais de l'armement proposé par le roi.
« Art. 2.
« Il sera mis, dès ce momènt, à la disposition du ministre de la marine la somme de 3,507,170 livres, dont 1,482,917 livres en numéraire et 2,024,260 livres en assignats.
Art. 3.
« Le Trésor public fournira le surplus, sur la demande du ministre, à raison de 489,347 livres par mois.
Art. 4. ,
« Le pouvoir exécutif rendra compte, chaque mois, à l'Assemblée nationale du progrès de cet armement, ainsi que de l'emploi des fonds qui y sont destinés. »
(L'Assemblée adopte le décret d'urgence, puis le décret définitif.)
, au nom de comité de la Marine, présente un projet de décret sur le commandement des divisions navales et des escadres. Ce projet de décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de la marine,
considérant qu'il importe à la gloire du pavillon national de ne confier le commandement des
divisions et escadres qu'aux officiers dont les services présentent une garantie suffisante
de leurs talents et de leur expérience; considérant qu'il est instant de nommer les généraux
qui doivent établir et faire régner l'ordre et la discipline
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
« Le choix du roi, pour la nomination des contre-amiraux, pourra s'exercer, pour cette fois seulement, sur ceux des capitaines de vaisseau qui auront près de 4 ans de commandement dans les grades de major et de lieutenant de vaisseau -, près de 15 ans de navigation . sur les vaisseaux de l'Etat et au moins trois années de service pendant la guerre. »
(L'Assemblée décrète l'urgence, puis le projet de décret.)
Je demande à faire une motion d'ordre.
Messieurs, le roi qui vous a dit qu'il chérissait le peuple, qu'il voulait son honneur : le roi qui vous a dit qu'il travaillait de tout son pouvoir, de toutes ses forces, de toute son âme, à faire marcher la Constitution et à la faire aimer et respecter partout, le roi vient précisément d'apposer son veto sur deux décrets de circonstance ; et c'est par là que le roi a prouvé son attachement au peuple et qu'il voulait sincèrement son bonheur ; mais ce n'est pas ce dont je veux occuper l'Assemblée.
Plusieurs membres: Eh! pourquoi en parlez-vous?
C'est qu'il est temps, c'est qu'il est pressant que l'Assemblée aborde avec fermeté et qu'elle décide promptement si les décrets de circonstance sont sujets ou non à la sanction. (Vifs murmures à droite.)
Un membre : Il n'y a que les décrets que propose M. Couthon qui sont de circonstance.
Vous avez juré, Messieurs, que vous le décideriez. 11 est des cas où le veto serait absolu, il est des cas où le roi peut non seulement suspendre mais anéantir la loi, il est des cas où il peut l'anéantir, où le sort de l'Empire peut être absolument entre ses mains : car; en effet, Messieurs, je suppose que la guerre civile soit sur le point ae se déclarer, que l'Assemblée prenne les mesures les plus sages, les plus promptes, les plus urgentes pour en éteindre le feu, si le roi a le droit d'apposer son veto, il est évident que la guerre civile dépend de lui.
Je ne propose point à l'Assemblée de décider sur-le-champ la question, mais je demande qu'on en ajourne à un jour fixe et très prochain la discussion. (Murmures d droite.) On peut examiner ainsi cette question ; la question est facile à poser : les décrets de circonstance sont-ils sujets ou non à la sanction? Je soutiens que non. Chacun de nous peut se préparer à cet égard, sans attendre les longueurs et peut-être les dangers d'un rapport. En ce qui me concerne, je retiens la parole pour prouver, la Constitution à la main, que mon opinion y est érrite. (Applaudissements à gauche et dans les tribunes; violents murmures à droite.)
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
Je demande la censure de M. Couthon.
Rappelez à M. Couthon son serment.
Je dénonce M. Couthon, comme la cause des attentats qui se sont commis hier dans l'appartement du roi.
Voilà la solution des événements d'hier.
(imontrant l'extrême gauche). Voilà le but du mouvement d'hier et voilà ses auteurs.
Plusieurs membres : Nous insistons pour l'ordre du jour!
consulte l'Assemblée : l'épreuve est douteuse.
Plusieurs membres : L'appel nominal ; il s'agit de la Constitution !
Quelle que soit l'ardeur de ces Messieurs, je veux faire connaître à toute la France.....
Ces messieurs veulent se rendre constituants ; voilà le mot.
Si on fait l'appel nominal, je demande à poser la question.
Plusieurs membres : Nous insistons pour l'appel nominal.
Une épreuve a déjà été faite, il ne faut pas changer la question.
Je demande à motiver Tordre du jour sur une simple réflexion. (Grande et longue agitation.)
Je demande à poser la question.
Il n'y a point de question à poser quand on a fait une épreuve.
Monsieur le Président, maintenez-moi la parole.
Plusieurs membres : Vous ne l'avez pas encore !
On ne peut pas refuser la parole pour poser la question.
Un membre : On ne peut pas avoir la parole sur la manière de poser la question quand il y a eu une épreuve douteuse. Il faut, d'ailleurs, que l'appel nominal désigne à jamais le nom des parjures.
M. Couthon vient de proposer à l'Assemblée nationale d'examiner la question de savoir si les décrets de circonstance doivent être sujets à la sanction. Je ne pense pas que les décrets de circonstance ne doivent pas être soumis à la sanction ; mais je pense, dans ma conscience, que les décrets qui intéressent la sûreté générale de l'Empire peuvent être momentanément non sujets à la sanction. ( Vifs murmures.)
Plusieurs membres : A l'ordre, à l'ordre ! vous vous parjurez !
Monsieur le Président, vous violez la Constitution quand vous ne rappelez pas M. Delmas à l'ordre.
Je pose ainsi la question : Les décrets qui intéressent la sûreté générale de l'Empire peuvent-ils être sujets ou non à la sanction ?
Plusieurs membres : On demande l'appel nominal sur la violation de la Constitution !
Monsieur le Président, vous ne pouvez pas vous dispenser d'ordonner l'appel nominal.
Je demande la parole pour répondre.
Je demande l'appel nominal et l'impression de la liste.
Il est certain qu'il y a différents décrets qui ne sont pas soumis à la sanction. (Murmures à droite.)
Cette motion vient de Coblentz. Plusieurs membres : L'appel nominal !
L'appel nominal doit porter sur la question de savoir si l'on passera à l'ordre du jour.
Je ne suis pas étonné de cette diversité d'opinions parce qu'elle est naturelle; mais voici ce que jai proposé. J'ai proposé que l'Assemblée ajournât à jour fixe la discussion de cette question: : c'est sur cela seulement que je demande qu'on aille aux voix.
Je demande à poser la question : Que ceux qui sont parjures, se lèvent!
C'est ainsi, en effet, qu'il faut la poser : Violera-t-on son serment ou sera-t-il maintenu? (Vifs applaudissements à droite et au centre.)
Plusieurs membres : L'appel nominal ! Un de MM. les secrétaires monte à la tri bu né pour faire l'appel nominal.
Je demande la parole contre l'appel nominal. (Murmures.)
Monsieur le Président, consultez l'Assemblée pour savoir si M. Pastoret sera entendu.
(L'Assemblée décrète que M. Pastoret sera entendu.)
Je fais la motion qu'x>n aille chercher aux Archives l'original de la Constitution ; qu'on le dépose sur la tribune et que chaque député dans l'appel nominal aille à la tribune voter sur cet évangile politique de la France.
Je fais la motion qu'on renouvelle le serment d'être fidèle à la Constitution. (Murmures.)
Il n'est aucun de nous, sans doute, qui ne soit pénétré de la nécessité où nous sommes tous, et plus que jamais dans les circonstances actuelles, de nous attacher à la Constitution d'une manière forte et inébranlable. (Applaudissements à droite et au centre.) Nous le et devons d'autant plus que des hommes séditieux parjures, des écrivains incendiaires, osent dire, osent répéter que le temps est venu de revoir la Constitution, de la changer. (Murmuresprolongés.)
On le dit dans la chronique de M. Condorcet.
Un membre : On le dit dans le Patriote français de Brissot.
C'est au Corps législatif à faire rentrer dans la poussière ces opinions coupables ; C'est à lui à couvrir de tout le mépris, de toute l'indignation de la nation, les hommes qui osent les professer.
Qu'ils aillent à Coblentz !
parle dans le bruit.
On vous l'a dit souvent, et on ne saurait trop le répéter; c'est dans la Constitution, c'est dans la division des pouvoirs, que réside la liberté. Le roi exerce deux autorités ; il est déclaré le chef suprême du pouvoir exécutif, et comme tel il a des agents responsables. Il a ensuite ce qu'on peut appeler plus particu-| lièrement le pouvoir royal, et comme tel il a de
l'influence sur la formation des lois. Toute la représentation du peuple n'est pas dans nous seuls. Le peuple a des représentants temporaires, et un représentant héréditaire. Ces deux pouvoirs sont également nécessaires. Tous deux expriment la volonté présumée de la nation. Quand la nation, en qui tous les pouvoirs résident, les a délégués, elle a dit aux représentants temporaires '.ce sera vous qui exprimerez ma volonté, mais sous une condition; c'est que mon représentant héréditaire exprimera en mon nom si l'opinion que vous avez exprimée est véritablement l'opinion nationale. (Applaudissements à droite et au centre.)
Tels sont, tels seront les véritables principes constitutionnels; et d'après cela, je demande comment l'Assemblée nationale pourrait se permettre une délibération sur l'objet qui a été soumis à sa décision, et sur lequel l'appel nominal allait commencer. Je dis que l'appel nominal est un outrage à la Constitution. Je demande la question préalable sur l'appel nominal, et sur toute délibération ultérieure.
Plusieurs membres : La discussion fermée !
(L'Assemblée ferme la discussion.)
(M. Lecointe-Puyraveauv qui avait demandé la parole, se lève seul contre.)
Je demande la parole.
Plusieurs membres : Non, non! La discussion est fermée! (Murmures.)
L'appel nominal a été demandé, il doit être fait. (Nouveaux murmures.)
On demande la question préalable sur l'appel nominal.
Un membre : On ne peut pas demander la question préalable sur l'appel nominal, je la demande sur la proposition principale.
Plusieurs membres : Oui, oui ! sur le tout! (Murmures prolongés.)
Je demande l'appel nominal, parce qu'alors on pourra connaître les vrais amis de la Constitution.
On va faire l'appel nominal.
L'appel nominal serait injurieux à l'Assemblée nationale. Il n'appartient pas au président d'ordonner un appel nominal de sa seule autorité. L'appel ne peut avoir lieu, aux termes du règlement, que dans le seul cas de doute manifeste. Nous ne sommes pas dans ce cas. La question préalable n'a pas été délibérée. Je demande, Monsieur le président, que vous consultiez l'Assemblée par assis et levé. (Murmures prolongés.)
Aux voix, Monsieur le président, on croirait que nous avons hésité à tenir notre serment.
Je demande à être entendu. Le doute élevé dans l'Assemblée nationale vient de ce qu'on ne s'est pas entendu : sur la proposition de M. Gouthon on a réclamé l'ordre du jour ; l'épreuve a paru douteuse. On a demandé l'appel nominal. Mais ceux qui avaient demandé l'orare du jour semblent renoncer à cette proposition, pour demander ensuite la question préalablè : voilà l'état de la délibération. L'Assemblée doit regarder comme écartée la première proposition de passer à l'ordre du jour. Il est question maintenant de mettre aux voix s'il y a lieu ou non à délibérer sur la proposition de M. Gouthon. Ainsi jè demande que l'on mette
aux voix la question préalable, parce qu'on a renoncé à passer à l'ordre du jour. (Applaudissement à droite et au centre.) ,
Une grande partie des membres de l'Assemblée : Aux voix, aux voix !
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la motion de M, Gouthon.) (Vifs applaudissements à droite et au centre et d'une grande partie des tribunes.) (L'extrême gauche presque entière s'est levée contre.) (La séance est levée à trois heures.1»
a la séance de l'assemblée nationale législative du
Correspondance de Laurent Lecointre, (2) député à VAssemblée nationale, avec le ministre de la guerre, relativement aux fabrications d'armes proposées, tant par MM. Bouillet, Le Page et Delpire, arquebusiers à Paris, que par la municipalité de Saint-Etienne et 50*1 fabricants de la même ville.
« Paris, le
« J'ai l'honneur de vous envoyer, Messieurs, ma correspondance imprimée avec le riiinistre de la guerre, relativement à des fabrications d'armes, que des arquebusiers de Paris, et plusieurs fabricants de votre ville; ainsi que vous, Messieurs, avez demandées. Vous verrez, pâr toutes les pièces ci-jointes qu'il ne vous reste plus qu'à exécuter le désir, que vous avez si fortement exprimé, de donner des armes à la France ; que vous devez tout attendre de la franchise et du zèle d'un ministre ami de la Révolution.
« Je suis, avec fraternité, Messieurs, votre concitoyen.
« L. Lecointre. »
MM. les maires, officiers municipaux, fabricants d'armes de la ville de Saint-Etienne; et arquebusiers de Paris, Bouillet, Le Page et Dpï-pire.
Lettre de Laurent Lecointre, député du département de Seine-et-Oise, à Joseph Servan, ministre de la guerre.
« Paris, le
« Monsieur,
« Le 4 de ce mois, j'ai adressé à M. Graves, votre prédécesseur, 3 arquebusiers de cette ville, MM. Bouillet, Le Page et Delpire, avec un projet de marché par lequel ils s'engagent à fournir, dans l'espace d'une année, 6,000 fusils, modèle de 1777, à quelques différences près ; même un bien plus grand nombre illimité, pour le prix de 36,livres, en assignats, sans indemnité
ni avances. Je joins ici une copie de ce marché, pour que vous jugiez que ces arquebusiers étaient plutôt animés par le désir d'être utiles à la patrie, qu'excités par leur intérêt particulier.
« M. Graves après avoir lu ceprojet de marché, accueillit favorablement les soumissionnaires, et les présenta au comité central militaire.
« Le comité fit appeler M. Vauchel, chef du bureau d'artillerie, en présence de qui les conditions du marché furent discutées, approfondies, enfin réciproquement consenties, et M. Vauchel fut chargé de la rédaction définitive de ce marché.
« Les soumissionnaires se sont, en conséquence, rendus auprès de MM. Vauchel et Gau, pour hâter la confection de ce marché. Le 7 du même mois, M. Gau demanda par écrit, aux arquebusiers qu'ils déposassent 6,000 livres pour caution de l'exécution de leur marché; le le dépôt a été effectué, et M. Vauchel a présenté une copie du prétendu marché ; mais qu'elle a été leur surprise lorsqu'ils ont vu des conditions autres que celles qu'ils avaient consenties, èt qui avaient été arrêtées par le comité central. Ils n'ont pu s'empêcher de témoigner leur éton-nement de cette infidélité, et M. Vâuchel répondit qu'il serait envoyé une instruction particulière aux inspecteurs d'artillerie, pour modifier les épreuves suivant les conventions.
« Les soumissionnaires ont demandé une copie de cette instruction : elle a d'abord été promise ; mais, comme ils désiraient qu'elle fût signée du ministre, afin de leur servir de contre-lettre authentique, pour la convention du marché: M. Vauchel l'a refusé, en donnant pour raison,
2ue les fusils, au prix oû ils étaient payés,
evaient être exactement conformes au moaèle de 1777.
« Les soumissionnaires croient apercevoir un piègè dans la conduite de M. Vauchel, qui, leur ayant proposé d'abord de signer ces conditions, et ensuite d'adresser une instruction particulière modificative du marché, instruction qu'il promet aux soumissionnaires, afin de leur faire signer ce marché, refuse de la donner lorsqu'ils annoncent qu'ils ne signeront pas qu'elle ne leur ait été remise et finit ensuite par déclarer que, pour lè prix de 36 livres accordé, il l'aut que ces fusils soient entièrement conformes au modèle 1777 ; alors, fatigués, rebutés de traiter avec un agent aussi versatile, ils lui ont écrit le 10 mai, pour savoir à quoi ils devaient s'en tenir définitivement, et sur l'état dé leur engagement et sur celui de leur dépôt, le marché n'ayant pas eu lieu.
« Le 15 est expiré, sans qu'ils aient reçu aucune réponse dé la part de cet agent; ils m'ont fait part de leur situation.
«Je n'ai voulu, monsieur, me permettre aucune réponse, et j'ai préféré voué dénoncer leurs plaintes, en y joignant quelques observations relativèsi jà M. Vauchel, au despotisme que les,chefs de vos;bureaux exercent sur tous les citoyens qui veulent se rendre utiles à la chose publique et empêcher les déprédations inouïes des créatures affidées de tous ces chefs, qui n'ont de zcle et d'activité que pour le malheur public.
« Votre département, monsieur, est celui d'où dépend le sort de la France, et ses enfants, comme ses ennemis, attendent de vos Opérations le succès de leurs vœux.
« Jusqu'à vous, les ministres qui vous ont précédé ont été soit volontairement, sOit passivement, les ennemis de la Révolution. (J'en excepte
M. Graves, auquel sa santé trop chancelante n'a pas permis un plus long exercice de son pouvoir). Vos principes, monsieur, annoncent que nous ne devons pas craindre le premier danger, mais je dois essayer de vous prémunir contre le secopd, en vous exposant quelques vérités, et en démasquant ceux qui peuvent abuser de votre confiance.
« En renouvelant la machine politique, il fallait renouveler toutes les parties agissantes de ce grand corps, il fallait changer tous les agènts ministériels. Cette vérité àvait fait d'abord une impression profonde, mais elle a été bientôt étouffée par de vives réclamations, toutes particulières, décriée par des témoignages isolés de patriotisme, enfin écartéè par le prétexte toujours plausible et toujours entraînant de l'intérêt public^
« Si la conduite des agents ministériels est justifiée, ce que je ne crains pas d'appeler indulgence, sans doute qu'on ne reviendrait pas à établir aujourd'hui 1 indispensable nécessité dé régénérer l'administration : mais vieillis dans des habitudes lucratives, dans des principes désastreux, ils n'ont pu se modeler sur les règles austères et pures, qui guident le vrai citoyen ; aussi n'ont-ils adopté que ce plan qu'ils ont constamment suivi.
« Entraver toute la marche de l'administration par des difficultés inextricables, arrêter tout ce qui peut hâter le développement de la Révolution, éloigner, rebuter ceux dont, les idées ou les travaux promettent son affermissement, voilà l'unique objet des recherches et des méditations des bureaux.
_ « Je descends à l'application particulière de ce que je viens d'éta"blir.
« Le 4 de ce mois 3 arquebusiers se présentent au ministre, pour demander une fabrication d'armes ; ils font leur soumission pour 6,000 fusils; mais ils annoncent qu'il est possible; que leu r livraison excède de beaucoup ce noipbre ; ils se soumettent à ne point employer d'ouvriers des manufactures ci-devant royales; ils demandent à être payés en assignats, sans indemnité ; enfin ils ne sollicitent point d1 avancés. Voilà, Monsieur, l'extrait du marché proposé par MM. Bouillet, Lepage et Delpire/l).
« M. Graves accueille ces soumissionnaires; il les présente au comité central : le comité discute quelques conditions de ce marché; elles sont respectivement consenties ; M. Vauchel, chef de bureau d'artillerie, est mandé et chargé de la rédaction du marché: M. Gau, que les soumissionnaires sont obligés de voir, exige, avant de rien conclure, ou un cautionnement, ou un dépôt de 6,000 livres; ils font cé dépôt, et ensuite on les amuse? on les trompe, et on finit par leur présenter à signer d'autres conditions que celles auxquelles ils avaient acquiescé, et que le comité central avait approuvées.
« Est-ce là, Monsieur, cette franchise et cette loyauté dont protestent toujours les agents du ministère et qu'ils n'écoutent jamais. Quoi! ils demandent un cautionnement ae 6,000 livres, à
qui? à des citoyens domiciliés, établis, faisant fabriquer par eux-mêmes, à des citoyens, dont ils ont plus d'une fois, reconnu, par écrit, l'étendue des ressources et la solvabilité, à des citoyens qui ne demandaient pas d'avances.
« Que M. Vauchel et M. Gau aient demandé un cautionnement aux fabricants anglais qui n'avaient pas même la permission de leur gouvernement pour traiter, avec lesquels on a souscrit un engagement que le ministère anglais peut arrêter au moment où il sera exécuté, sans que la nation française puisse s'en plaindre ou répéter aucune indemnité, que ces chefs de bureaux aient exigé un dépôt de ces fabricants auxquels ils ont envoyé des officiers-d'artillerie, et depuis, un grand nombre d'ouvriers de nos manufactures pour faire approcher ces fabricants de la perfection de nos armes, qu'ils aient exigé un dépôt, en nantissement de deux millions, quatre cent mille livres d'avances qu'ils ont faites, pour faciliter, pour presser cette fabrication de fusils, dont aucun, pas même le modèle, n'est encore arrivé, depuis plus de 8 mois qu'ils sont commandés : ce serait là ce qu'on pourrait appeler de la prévoyance, de la justice.
« Mais j'appelle une perfidie, une trahison, d'accorder à des manufacturiers étrangers tous les avantages, et de les refuser à des manufacturiers français, d'accorder deux millions quatre cent mille livres d'avances à des étrangers et d'exiger de fabricants français, domiciliés et d'une solvabilité reconnue, par écrit, des agents du ministère, la caution ou le dépôt de 6,000 livres pour la sûreté de l'exécution de leur marché.
« On paraît accepter le marché de ces soumissionnaires et on en change les conditions quand elles ont été arrêtées, restreintes et consenties : on leur parle d'une instruction envoyée aux directeurs de l'artillerie qui rétablit les clauses supprimées du marché et on refuse de leur donner copie authentique de cette instruction, quoiqu'elle fût promise, et on veut leur faire un crime de ne pas croire à la parole de celui qui les trompe.
« Quel est l'homme qui a demandé aux soumissionnaires le cautionnement ou le dépôt de 6,000 livres? c'est M. Gau. En avait-il l'ordre du ministre? non, il ne l'a fait que pour fatiguer, tourmenter ces estimables ouvriers, en les assujettissant aux formes les plus humiliantes (1).
« Ils n'ont pas voulu s'abaisser jusqu'à solliciter
une caution, ils ont déposé, et alors quel est cet homme qui ne veut pas exécuter les ordresqu'il a reçus du ministre et les conventions prêtées avec le comité central ?
« C'est celui qui a paralysé pendant 6 mois la manufacture de Maubeuge, en portant le ministre à refuser aux ouvriers une augmentation de deux sols par fusil, c'est celui, qui a détourné à force de ruse et d'intrigue, l'intortuné Bresol de s'associer avec Menget et Pezé, qui avaient une commande de 10,000 fusils, pour mettre ces 2 négociants dans l'impossibilité de l'effectuer. C'est celui qui ayant promis un marché à Bresol, l'a engagé à travailler safis que le marché lût signé par le ministre, après avoir cependant affirmé qu'ils le serait.
v C'est celui qui n'ayant cherché qu'à faire manquer la commande de Mengot et Pezé, et irrité de ce qu'elle Aurait lieu, après avoir trompé et le ministrevet Mengot et Bresol, a voulu exposer ce dernier à toutes les tracasseries des officiers d'artillerie, sur la foi d'un marché qui n'a jamais réellement existé par la signature du ministre, mais qui liait les parties par cette force de convention, dont la bonne foi ne se dégage jamais, car Bresol croyait le marché conclu, quoique non signé, et le chef de bureau se jouant de la crédulité'des malheureux négociants, savait bien, de son côté, que le marché ne serait jamais signé.
« C'est celui enfin qui, indigné des plaintes que Bresol avait portées à l'Assemblée nationale, a osé lui reprocher, d'avoir cherché dans l'autorité suprême, une justice qu'ils avaient vainement réclamée dans les bureaux, et cet homme, c'est M. Vauchel.
« Voilà, Monsieur, les ennemis, je dis les ennemis, car ceux de la Révolution sont nécessairement les vôtres, si vous avez la ferme résolution d'opérer le bien dans un département qui n'a jamais jusqu'à présent préparé que des désastres.
« Mais ce ne sera que quand vous aurez écarté de vous ces hommes faux qui trompent tous ceux qui les approchent; ces ailapidateurs qui parmi les conditions qu'on leur propose, préfèrent celles qui peuvent le plus promptement épuiser nos finances, anéantir nos manufactures, paralyser nos ouvriers; ces prévaricateurs qui foulent aux pieds les lois de leur administration, toutes les fois que cette violation peut blesser l'intérêt de la nation, ou la livrer à de nouveaux besoins.
« Ce sont ces hommes-là qu'il faut éloigner de vous, Monsieur, ils vous perdront comme ils ont perdu les ministres trop faibles pour leur accorder une entière confiance, comme ils ont perdu M. Narbonne; M. Narbonne, nourri dans les délices d'une cour dont il était l'idole, a dû composer ses principes des éléments vicieux dont il était entouré, mais qui, avec des talents et de l'activité, aurait été arrêté dans les projets désastreux que sa prodigalité lui dictait, si ses bureaux avaient su maîtriser ses affections dilapidatrices, en se renfermant dans l'exercice austère et scrupuleux de leurs devoirs.
« Et vous, Monsieur, entraîné par l'étendue de votre ministère à une confiance qu'il vous est impossible de refuser, connaissez les hommes auxquels vous êtes forcé de remettre le sort de l'Empire et le soin de votre gloire : en vain vos volontés se tourneraient constamment vers le bonheur public, en vain vos travaux se dirigeraient vers la défense de la liberté ; vos volontés
seraient trompées, vos travaux seraient détournés par des hommes qui, reportant sur votre tête tout le fardeau de leurs prévarications, vous déroberaient à la reconnaissance publique, en faisant servir au malheur de votre patrie, vos vues les plus sages, vos plus judicieuses opérations.
« C'est à ces mains perfides qu'est confié le salut de la France; jusqu'ici ils l'ont précipitée d'abîmes en abîmes, jusqu'ici ils ont servi la cause du despotisme contre celle de la liberté et leur âme vénale frémit à l'idée d'nn succès.
« Vous vous êtes annoncé, Monsieur, avec un grand caractère, je vous ai parlé avec énergie, seul langage qui convienne aux amis de la liberté : armez, armez la France, c'est ce que je n'ai cessé dé crier à votre prédécesseur sans pouvoir être entendu: je vous adresse aujourd'hui avec plus de confiance,' cette utile mais tardive vérité. Ne vous laissez pas effrayer par les obstacles sans nombre qu'on vous fera naître, veillez et vous aurez des armes, les ouvriers français se lèveront de toutes parts pour vous solliciter de leur en commander, car je l'ai dit, et je le répète encore, nous n'en aurons jamais à beaucoup près, la quantité promise par les fabricants anglais.
« Dans Une autre circonstance que celle où nous sommes,, je vous dirais : arrêtez cette manœuvre funeste, derhier effort des ennemis de l'Etat; défendez aux entrepreneurs des manufactures ci-devant royales ae payer en écus la plus grande partie des sommes dues aux ouvriers. Cette ruse exécrable n'a d'autre but que d'empêcher les ouvriers de travailler pour le prix ordinaire qu'on leur accordait et de faire manquer les commandes qu'ont obtenues ét que pourraient obtenir les fabricants particuliers français, par l'impossibilité de fournir aux prix arrêtés dans leurs marchés, à raison de cette augmentation de main-d'œuvre.
« Je sens bien que, peut-être, il est trop tard pour suspendre cette mesure, mais au moins, en conciliant dans les marchés à faire, ce qu'on doit à la nécessité du Crédit national, et aux égards qu'exigent les ouvriers, vous pouvez vous défendre de cette stipulation ruineuse, seule cause de la cupidité insatiable des paysans, c'est à vous, Monsieur, qu'il appartiendra d'apprendre aux Français qu'ils doivent consentir à des sacrifices et qu'un ministère juste sait les reconnaître et les faire oublier.
« Mais on a voulu, par ce nouvel appât, enlever aux fabricants particuliers leurs ouvriers, et il faudra que les Mengot, les Pezé, les Vernier, les Verrières, manquent à leurs engagements : c'est ce que veulent les agents du ministère; ne point accorder de fournitures, ou les faire manquer, quand elles sont accordées, voilà le mot de leur conduite.
« Ces éclaircissements, je les devais à un ministre qui veut fortement le bien; si je n'avais pensé, Monsieur, que vos actions répondront à vos discours, j'aurais attendu que quelques circonstances m'eussent donné le droit de vous adresser mes observations, mais, entrant dans un dédale obscur, dont on s'empressera, plus d'une fois, de vous dérober le fil, j'ai cru qu'il me fallait vous indiquer un des moyens de le saisir. Je n'ai pas la prétention de vouloir vous donner de conseils, c'est à votre cœur et à vos principes que je vous renvoie pour n'en recevoir que de salutaires à la patrie ; ces renseignements, je les crois utiles à mon pays, et je vous
les offre avec franchise, parce que je suis persuadé que vous les recevrez avec intérêt.
« L'usage dans lequel je suis de faire imprimer toutes les lettres que j'adresse aux ministres, relativement aux armes, me fait vous prévenir, Monsieur, que je rendrai cette lettre publique, par la voie de l'impression et des journaux.
« Je suis avec fraternité, Monsieur, votre concitoyen.
« Signé : lecointre, député à l'Assemblée nationale. »
Projet de marché proposé\à M. Graves, le 4 mai 1792,
par MM. Bouillet, Lepage et Delpire, arquebusiers à Paris.
Les soussignés, animés du zèle d'être utiles à la patrie et convaincus de la nécessité de compléter l'armement des troupes tant nationales que de ligne, et de garnir les arsenaux vides d'armes, lorsqu'il devrait y en avoir au moins 800,000 en réserve.
Convaincus que les fabriques d'armes nationales et particulières réunies, sont dans le cas de remplir les vues et les besoins de la nation, lorsqu'une entière concurrence aura lieu entre tous les fabricants d'armes français de toutes les villes ou endroits du royaume, qui voudront fabriquer des fusils sur le modèle de 1777, dont la bonté et la solidité sont généralement reconnues.
Convaincus que les moyens dont on a usé pour dégoûter les fabricants particuliers français de s'attacher à la fabrication de fusils de munition de ce modèle, afin de doiiner une préférence exclusive aux manufactures dites royales, sont la rigueur des précisions minutieuses que les officiers d'artillerie ont exigée d'eux, la rigueur des épreuves, dans la partie qui a lieu à la chambre d'humidité, pendant un mois; épreuve qu'il est démontré n'être pas d'une indispensable nécessité, mais qui n'avait été inventée que pour dégoûter absolument l'ouvrier, le fabricant et laisser tout à l'arbitraire des officiers d'artillerie pour leurs protégés, en faveur desquels ces épreuves de rigueur s'adoucissent.
Convaincus que, pourvu que les fusils qu'ils proposent sur les dimensions du modèle 1777, soient d'un calibre parfaitement conforme au modèle, que les canons et autres pièces composant le fusil soient solides et assujetties aux différentes épreuves dont il sera fait mention ci-après, cela est suffisant.
Convaincus enfin que, pour satisfaire aux besoins de l'Etat, il faut dégager les ouvriers, fabricants et entrepreneurs, des entraves minutieuses que l'ancien régime n'employait que pour favoriser ses créatures et paralyser l'industrie particulière.
Dans 'ces circonstances, les soussignés proposent aux représentants de la nation française et au pouvoir exécutif, et se soumettent de fournir la quantité de 6,000 fusils, livrables de mois en mois par douzième, dont la première livraison au 15 juillet prochain, et continuer de mois en mois, jusqu'à fin de livraison, la quantité susdite, et aux conditions suivantes, qui sont à peu près les mêmes que celles contractées avec les fabricants anglais, pour les épreuves seulement; les autres avantages qui ont été accordés aux anglais étant contre toutes les règles et tous les principes.
Art. 1er. 11 sera livré dans le courant d'une
année à compter du 15 juillet prochain, par les soussignés, aux personnes préposées par le pouvoir exécutif, dans les lieux où seront fabriquées les armes, la quantité de 6,000 fusils, sur le modèle de 1777, aux différences près qui vont être expliquées.
Art 2. La livraison aura lieu de mois en mois, et la première livraison écherra et se fera le 1er juillet de la présente année, pour 500 fusils, et continuera ainsi de mois en mois, jusqu'à parfaite livraison.
Art. 3. Si la quantité de 500 fusils exprimée ci-dessus, livrable par chaque mois, ne se trouvait pas remplie par la faute ou la négligence des soumissionnaires, et que, le mois suivant, le déficit ne fut sans diminution de la quantité, qui devait avoir lieu dans le courant dudit mois, il sera diminué sur le nombre manquant, une somme de trois livres assignats pour chaque fusil.
Art 4. La différence qui existera entre les fusils des soumissionnaires et ceux du modèle 1777 sera que, la sous-garde du fusil, au lieu d'être de deux pièces, pourra n'être que d'une, vu que ce changement simplifie, sans rien ôter de la solidité de l'arme.
Art. 5. L'anneau tournant à la douille de la baïonnette, ne sera point supprimé, comme au marché fait avec les fabricants anglais; cette pièce étant essentielle, pour empêcher qu'en aucun cas, elle ne puisse s'ôter ou être arrachée du fusil. La lame de la baïonnette ne pourra pas être pleine, telles que celles dont on s'est contenté dans les marchés avec les Anglais, mais sera évidée en dedans suivant le modèle 1777. Ces articles seront exécutés, vu leur utilité reconnue indispensable.
Art. 6. L'épreuve et la visite des armes se fera par deux officiers d'artillerie, choisis par le ministre, en présence des parties contractantes, ou de leur fondé de pouvoir, assisté par deux personnes, experts dans l'art, choisies par lesdits soumissionnaires. Procès-verbal sera dressé de la réception ou du rejet des armes et des causes qui y auront donné lieu. Ces procès-verbaux seront-signés par les officiers d'artillerie et par les deux experts, afin qu'en cas de difficultés les juges arbitres ou de rigueur puissent prononcer en connaissance de cause.
Art. 7. Les frais d'épreuve et de visite seront à la charge de l'Etat, si les armes sont reçues, et à celle des soumissionnaires, si elles sont refusées, et enfin si partie était reçue et partie rejetée, le sol la livre des frais sera supporté en proportion des armes reçues ou rejetées.
Art. 8. Les conditions d'épreuve et de visite seront absolument les mêmes que celles accordées aux fabricants anglais, et à cet effet, l'instruction qui a été envoyée par M. Narbonne à M. Gi-vry, pour régler les conditions d'épreuve et de visite, sera annexée au présent marché, pour avoir son exécution ; bien entendu que l'épreuve des chambres d'humidité n'aura pas lieu.
Art. 9. Il ne sera fait aucune avance par la nation, aux soumissionnaires, quoiqu'on en ait accordé de considérables aux fabricants anglais, qui vont jusqu'à 2 millions 400,000 livres ; mais chaque mois, il leur sera payé la valeur à laquelle se trouvera s'élever le montant des fusils qui auront été remis. Ce payement sera fait en assignats de 5 livres par le receveur-trésorier de la ville où la livraison aura lieu, et lorsque les petits assignats auront cours, il leur sera paye un tiers en ces petits assignats, et les deux autres tiers, en assignats de 5 livres. »
Art. 10. Si ces soumissionnaires fournissent à l'Etat une quantité de fusils plus considérable que celle de 6,000 portée au présent marché, il leur sera accordé: pour le premier mille, une prime de 10 sols, pour le second mille, de 20 sols, pour le troisième mille, de 30 sols, pour le quatrième mille, et pour toute autre plus grande quantité qui serait fournie, 40 sols pour chaque fusil, ce qui porterait ces derniers à 38 livres, et si cette quantité passait celle de 15,000, alors chaque fusil excédant ce nombre serait payé quatre francs en sus du prix de 36 livres, ce qui porterait le prix à 40 livres chaque fusil, toujours dans le terme de l'année, à compter du 15 juillet prochain.
Art. 11. Le prix de chaque fusil est et demeure fixé à 36 livres, ce qui fera pour les 6,000, une somme de 216,000 livres, payable en assignats, sans indemnité, aux termes et aux conditions ci-dessus stipulées, au fur et à mesure de la livraison.
Art. 12. Si les soumissionnaires, au bout de trois mois, n'étaient point entrés en livraison, ils auront eucouru la peine de 6,000 livres de dommages et intérêts, de 12,000 livres, si dans le courant de l'année, ils n'ont pas livré au moins la quantité de 4,000 fusils faisant les deux tiers de leur soumission.
Art. 13. Si les agents du pouvoir exécutif ont négligé de remplir, de leur côté, les conditions du présent marché, ils seront contraints personnellement à 6,000 livres de dommages-intérêts pour chaque mois de retard qu'ils feraient éprouver aux soumissionnaires, soit pour cause de refus de payement, soit pour cause de refus de recevoir des armes qui seront jugées bonnes, sans être pour cela dispensés de la responsabilité nationale.
Art. 14. Les soussignés ne voulant rien laisser à désirer aux agents du pouvoir exécutif, déclarent et s'engagent à n'employer aucun des ouvriers attachés aux entrepreneurs des manufactures ci-devant royales, parce que ceux-ci, de leur côté ne pourront augmenter le nombre d'ouvriers qu'ils ont, en ce moment, tout leur désir étant de contribuer à la perfection d'un plus grand nombre d'ouvriers.
Art. 15. Il sera fabriqué, pour servir de modèle, deux fusils conformes aux conditions arrêtées dans le présent marché : chacun d'eux sera revêtu du cachet du ministre et de celui des soumissionnaires; l'un sera déposé au bureau de l'artillerie, et l'autre restera entre les mains des soumissionnaires.
Observations.
Comme il est reconnu que grand nombre de fusils de munition, tant des manufactures dites royales, que des fabriques particulières, passent à Fétranger, à l'ennemi et aux émigrés, il serait nécessaire que l'Assemblée nationale décrétât qu'aucune arme à feu de munition, ou autrement, ne pourra sortir des villes de fabrique que sur un passeport de la municipalité et un acquit à caution, afin que l'endroit pour lequel ces armes seront destinées, puisse rendre la municipalité de fabrique certaine que e.es armes sont entrées, pour le commerce, ou pour le service de la ville où elles ont été adressées.
En conséquence, les soumissionnaires invitent le ministre de la guerre de demander à l'Assemblée nationale un décret qui prohibe toute sortie
d'armes à feu des villes de fabrique, sans cette formalité.
Gomme l'impression de ma première lettre allait se terminer, je reçus celle du maire de Saint-Etienne, dont je joins ici copie, et qui certifie ce que je vous ai dit dans ma lettre ; veillez et vous aurez des armes.
« Vivre libre ou mourir !
« A Saint-Etienne, département de Rhône-et-Loire,
« Monsieur, votre zèle pourra chose publique aiguillonne celui de tous les patriotes, l'on s'occupe d'un plan général pour effectuer les soumissions que notre ville a faites pour fournir le nombre d'armes qu'elle est impatienté de fournir à la nation. Les modèles et le plan d'exécution vous parviendront dans la quinzaine, et nous aurons l'honneur de voUs prier, Monsieur, de continuer votre soutien pour la chose publique. Je vous prie de me croire, avec des sentiments de vénération pour vous et de fraternité.
Le maire de Saint-Etienne,
« Signé : Desverneys, l'ainé. »
« Avec un ministère qui veut faire marcher la Constitution (expression chérie mais stérile de M. Narbonne) avec un tel ministère, il n'est pas d'efforts que les Français ne tentent, point de sacrifices qu'ils ne consentent, point de dangers qu'ils ne bravent.
« Il faut donc animer, il faut accueillir toutes les demandes, les encourager, les solliciter même.
« Nous sommes assez forts pour fabriquer dans notre enceinte, si l'on veut lever tous les obstacles, dissiper toutes les entraves. Je le répète encore, Monsieur, un mot, un seul mot de vous, mais qu'il soit public, que vos agents soient tenus de l'exécuter avec franchise et probité, qu'ils soient punis s'ils trompent, et des milliers de fusils vont armer les bras des défenseurs dé la patrie.
« Qu'on ne craigne pas de donner à cette fabrication, si nécessaire maintenant, toute l'étendue possible, qu'on se garde bien de la suspendre, nous ne pouvons avoir trop d'armes, et quand toutes nos troupes en seront fournies, ce sera auxijabitants de la frontière qu'il faudra les distribue!"; déjà même, il serait utile de leur donner ces armes anciennes dont les réparations ont achevées, ceux qui gardent leur pays doivent au moins pouvoir se défendre.
« Cette dernière proposition éprouvera, je le sait, bien des difficultés, et vous entendrez s'élever de vos bureaux des réclamations sans nombre sur l'impossibilité et sur le danger de cette dernière mesure aussi salutaire qu'elle est indispensable.
« Mais je vous l'ai déjà dit, Monsieur, vous seul vouiez le bien, et dans les nombreux agents de votre administration, vous trouverez peu de coopérateurs vigilants et sincères.
« Cette vérité qu'on ne peut plus se dissimuler, doit vous démontrer l'importance d?une prompte réforme dans toutes les parties de cette administration, puisque c'est à elle que vous êtes forcé, Monsieur, de confier le salut de la
France, le soin de votre réputation et le terrible dépôt de votre responsabilité.
« Je suis, avec fraternité, Monsieur, votre concitoyen.
« Signé : Lecointre. »
« Paris, ce
« Je vous envoie, Monsieur, l'extrait de la lettre que M. le maire de Saint-Etienne m'a envoyée, avec la délibération de 50 fabricants 4e cette ville. On peut compter sur leur patrior tisme, et, sans doute, la France aura enfin des armes.
« Signé : Lecointre. »
« Saint-Etienne, ce
« Je vous envoie, Monsieur, la délibération des fabricants d'armes, sous peu, vous recevrez les modèles des fusils et les prix. L'aristocratie, mercantile, riche égoïste, s'est efforcée de contrecarrer nos vues patriotiques et notre zèle pour armer la nation, mais nous avons tout déjoué avec l'aide des fabricants d'armes, médiocres en fortune, qui sont ici les seuls et vrais patriotes.
« Je suis, Monsieur, avec vénération, votre frère et concitoyen.
« Le maire de Saint-Etienne,
« Signé : desverneys, l'aîné.
Extrait de la délibération.
Aujourd'hui,
En la maison commune de la ville de Saint-Etienne, sont comparus MM. Charles Casoin, François Jovin, Claude-François Coignet, Jean Allain, Christophe Brunon, Friconnet, Chapon, Cadet, Coignet, Monier, Joseph Penel, Raboy, Etienne, Chapon, Hugues Vigniat, Laurent Gi-raud, Joseph Dumant, fils aîné, Dumant-Paillon, Antoine Regnier, cadet, Jean-Louis et Gabriel Royet, Antoine Rougier, Rouillon, Coignet, Pupel, Dumorant, Pierre Peyret et fils, Antoine. Camier, Granger-Veyron; Eustache Ghamballet, Lazier, Gervotet, J.-B. Jovin, J.-P. Verrier, Pierre Bizalion, J.-B. Thomas, Pierre Faint, Benjamin Soviche, Berthon, Bourlier, Jérôme Blanchon, Claude-Joseph Peyret, Roman Peurrière, Louis Jurit, Bruno Penel, Louis Morier, J.-B. Senchet, Marie Monet, J.-B. Flachat, François Chovet, J.-B. Giraudet, Jérôme Bizallion, J.-P. Gauvre.
Tous fabricants d'armes de cette ville de Saint-Etienne, assemblés pour délibérer sur le contenu de deux lettres écrites à M. le maire de la municipalité de cette ville, par M. Lecointre, député à l'Assemblée nationale, pour la fourniture nécessaire pour le service des armées françaises.
Lesdits comparants , après avoir longtemps délibéré ensemble, considérant qu'ils ne peur vent décider combien ils peuvent fournir de fusils annuellement à la nation, ni fixer le prix d'iceux, qu'auparavant ils ne sachent sur quel modèle lesdits fusils seront faits, il a été convenu qu'il serait fabriqué 6 fusils pour servir de modèles, par 6 fabricants d'armes différents, qui joindront à leurs modèles le prix d'iceux, et lesquels seraient ensuite envoyés à l'Assemblée nationale, pour être, par elle, fait choix d'un
desdits modèles, et être ensuite dudit choix, fait par les susdits comparants, telles offres qu'ils croiraient 'convenables pour le bien et 1 avantage de la nation.
Et de suite, étant venus au scrutin, pour choisir ceux des comparants qui fabriqueraient lesdits modèles, ledit scrutin ouvert par M. Des-verneys, maire, il est résulté que P. J.-B. Thomas, Jean Allary, Bizallion, Rivière, Peyret, Dumarest, Hugua, Vigniat et Royet frères, ont eu la pluralité des suffrages, et ont été choisis pour faire les susdits modèles, et fixer le prix d'un chacun ; lesquels sus-nommés, ici présents, ont promis de les faire le plus promptement qu'il leur sera possible, et ont lesdits sieurs comparants signé ainsi l'original :
Signé: Desverneys l'aîné, maire, Gabriel Royet, officier municipal ; Brunou, Soviche, Blanchon, père et fils, J.-B. Thomas, Peyret, Dumarest, Allary, Jérôme Bizallion, Hugua, Vigniat, Jean-Louis Royet, Joseph Dumarest, fils aîné, Luzier, Grivola, J.-B. Jovin, Granger, Veyron, Mourier, Regnier cadet, Coi-gnet, Monier, François Jovin, Charles Carrier, Chamballet, Claude Ghavart, R. Laurière, Etienne Chapon, l'aîné, Soviche, Guerie fils, Baptiste Rouillon, Compat, Monet, Dumarest, Paillon, Pierre Peyret, fils, Verrier, Meunier fils, Cadet, Fréconnet, Claude-Joseph Peyret, Pierre Faure, Giraudet aîné, J.-P. Gauve pour Pierre Bizallion, Louis Bizallion, Pierre Chapon, cadet, Joseph Penel, Claude-François Coignet, Bertnon, Bourlier, Antoine Rougier.
Dans la crise actuelle, il serait avantageux, Monsieur, que l'Assemblée nationale interdise, par un décret, la sortie, hors de France, d'aucuns fusils, pistolets, armes blanches, et toutes autres armes offensives ou défensives, sous quelque dénomination qu'elles soient, sans excepter celles de chasse.
C'est à vous, Monsieur, qu'il appartient de proposer à l'Assemblée de rendre ce décret, en lui exposant que le salut de l'Etat exige cette mesure indispensable à laquelle applaudiront tous les vrais amis de la patrie. Votre proposition ne manquera pas d'être convertie en motion, et l'Assemblée nationale, en la décrétant, continuera de se tenir à la hauteur où elle s'est élevée et de mériter la confiance et l'estime de la nation.
Réponse de Laurent Lecointre, député à l'Assemblée nationale à la lettre de M. le maire de Saint-Etienne.
« Paris, ce 30 mai 1792, l'an IVe de la liberté. « Les fabricants d'armes de Saint-Etienne, dirigés par votre patriotisme, Monsieur, viennent de donner une nouvelle preuve de leur civisme, par leur offre de concourir à accélérer l'armement des gardes et troupes nationales, ce motif qui les a déterminés à s'assembler est au-dessus de tout éloge.
« Pour vous, il est infiniment glorieux d'exercer les honorables et importantes fonctions de premier magistrat du peuple, parce que c'est la vertu seule qui vous y a élevé. Heureux d'être votre interprète auprès d'un ministre qui ne le cède en rien à votre patriotisme et à celui des
signataires de la délibération que vous m'avez adressée, je lui ai remis ce matin votre lettre et la délibération. Je rendrai l'une et l'autre publiques par la voie de l'impression, et y ajouterai la réponse par écrit que doit me faire le ministre. Je vous en ferai parvenir plusieurs exemplaires. Aussitôt la réception et l'examen des 6 modèles de fusils annoncés, je m'emploierai de tout mon pouvoir, auprès de l'Assemblée nationale, afin d'obtenir un décret honorable en faveur des fabricants, et, auprès du ministre, pour qu'ils n'éprouvent aucune disgrâce dans leurs livraisons, persuadé que relativement à la qualité des armes et à leur prix, ils développeront tout le désintéressement qui caractérise les bons patriotes.
« Signé : Laurent Lecointre, député à l'Assemblée nationale. »
Réponse de M. Servan. ministre de la guerre, à la lettre de Laurent Lecointre, député du département de Seine-et-Oise.
« Paris, le
« Le ministre de la guerre, « Signé : Servan. »
Séance du
La séance est ouverte à six heures.
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du 19 juin 1792, au matin.
(L'Assemblée en adopte la rédaction.)
. L'Assemblée apprendra, sans doute, avec satisfaction que l'esprit public fait des progrès sensibles dans les départements. Jusqu'ici la seule capitale de l'Empire, en consacrant des fêtes publiques à célébrer des actes vertueux, nous avait donné l'heureux exemple de ces essais politiques. Cet exemple s'est renouvelé dans un département très éloigné de Paris. Ce département est celui de Lot-et-Garonne. Informé par une délibération du tribunal criminel que Jean Himounet, charretier, aidé de
MM. Berrou, horloger; Gauthier, couvreur; Di-ché, cadet; et Desbarrats, fils, avait, au péril de ses jours, sauvé la vie à un citoyen dans une émeute populaire, le directoire, sur la demande du tribunal, a indiqué une fête civique, dans laquelle Jean Himounet a reçu, au nom de la patrie] une couronne de] chêne, et ses 4 coopé-rateurs des témoignages solennels de la reconnaissance publique. Je demande qu'il en soit fait mention honorable au procès-verbal. (Applaudissements.)
. Sans doute, il faut faire mention honorable de la conduite des citoyens généreux qui exposent leurs jours pour sauver un citoyen. Mais votre respect pour la loi doit vous empêcher de l'accorder au département, qui a outrepassé ses pouvoirs, et qui n'a d'excuse que la Déclaration des droits, qui permet tout ce que la loi n'a pas défendu. Je demande que le mémoire expositif des faits qui ont déterminé cette récompense, soit renvoyé au comité d'instruction publique, qui doit présenter à l'Assemblée un travail sur le moyen d'encourager et de récompenser ces actes de courage et de civisme, et que l'Assemblée se borne à faire mention honorable de la conduite de Jean Himounet et des citoyens qui l'ont aidé.
(L'Assemblée renvoie le mémoire expositif des faits au comité d'instruction publique et décrète la mention honorable au procès-verbal de la conduite de Jean Himounet et de ses compagnons.)
. Un officier municipal, un magistrat du peuple, revêtu de son écharpe, a été insulté et maltraité à coups de poing aux Tuileries. Comme j'ignore ceux qui ont donné de pareils ordres, je demande que le ministre de la justice soit tenu de rendre compte de ce qui s'est passé à cet égard.
Un membre : Je demande qu'on passe à l'ordre du jour!
M. de Bonnefoy, ex-député de VAssemblée Constituante, est admis à la barre.
Au nom de la commune de Thiers, département du Puy-de-Dôme, il informe l'Assemblée du civisme pur qui anime les habitants de cette commune et dépose sur l'autel de la patrie un don patriotique de 192 livres en or, 158 livres en argent et 2,650 livres en assignats.
répond à M. de Bonnefoy et lui accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée accepte cette offrande avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis aux donateurs.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres et pétitions suivantes :
1° Lettre du commissaire administrateur de la caisse de Vextraordinaire, qui prévient l'Assemblée qu'il est nécessaire d'ordonner une nouvelle création d'assignats de 5 livres et demande qu'on s'occupe incessamment de cet objet.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de l'extraordinaire des finances.)
2° Lettre des commissaires de la Trésorerie nationale, qui envoient l'état des recettes et dépenses faites pendant la première quinzaine de ce mois.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de l'ordinaire des finances.)
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3° Lettre de l'ex-ministre de la guerre Servan, qui envoie les comptes de son administration.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité de l'examen des comptes.)
4° Lettre de l'ex-ministre de la guerre Servan (1), qui annonce que toutes les pièces à l'appui de sa correspondance avec le général Lamorlière, que l'Assemblée lui avait demandées, se trouvent dans les cartons du ministère de la guerre et transmet quelques détails sur cette affaire.
Cette lettre est ainsi conçue :
« Paris, le 21 juin, l'an IVe de la liberté, « Monsieur le Président,
« J'ai lu dans le Logographe que, sur la demande de M. Rulh, l'Assemblée a décrété que je remettrais les pièces qui m'avaient autorisé à écrire à M. Lamorlière. J'ai laissé dans les cartons du ministre de la guerre, ou dans ceux de ses bureaux, tous les papiers qui sont relatifs à cet objet. Mais je dois ajouter que quelques jours avant que je reçusse ces dernières nouvelles de Strasbourg, MM. Arbogast, Rulh, Wil-hem et de Laporte, députés, s étaient donné la peine de venir à l'hôtel de la guerre pour me communiquer une lettre écrite à M. Arbogast par M. Saudmam, officier municipal, dans laquelle il se plaint de la manière dont on s'était conduit à Strasbourg. Ces messieurs m'avaient écrit, quelques jours après, pour me presser d'en faire part à M. Lamorlière, sur le compte duquel, d'ailleurs, je n'ai reçu aucune plainte particulière, ainsi que je m empresse de lui écrire aujourd'hui à ce sujet. »
Signé : Servan, ancien ministre de la guerre.
(L'Assemblée renvoie la lettre au comité extraordinaire des Douze.)
J'offre de communiquer la lettre que j'ai reçue et que j'ai fait voir à plusieurs ae mes collègues.
Un de MM. les secrétaires continue la lecture des lettres et pétitions adressées à l'Assemblée :
5° Lettre de M. Lajard, ministre de la guerre, qui envoie l'état des payements qui avaient été ordonnés jusqu'au 17jufn sur-les fonds assignés pour les dépenses extraordinaires de la guerre.
(L'Assemblée renvoie la lettre au comité militaire.)
6° Lettre du maréchal de Beauveau, accompagnant une pétition relative à la liquidation de la dîme inféodée de la terre de Morley.
(L'Assemblée renvoie la pétition au comité de liquidation,)
7° Lettre de M. Terrier, ministre de l'intérieur, accompagnant diverses pièces, qui lui ont été adressées par les administrateurs de l'hôpital de Chartres, pour obtenir la permission de vendre les bâtiments de l'ancien hôpital.
.(L'Assemblée renvoie la lettre aux comités de l'extraordinaire des finances et des secours publics réunis.)
8° Lettres des sieurs Jean-L. Gendrin, Canon frères, J.-B. Pajot, qui prient l'Assemblée
de bien
(L'Assemblée renvoie ces lettres aux comités de législation et de surveillance réunis.)
9° Procès-verbal du commissaire de police de la section de l'Isle, par lequel les sieurs Jean Esca-basse et François Bonnet rétractent leurs signatures à la même pétition.
(L'Assemblée renvoie le procès-verbal aux comités de législation et de surveillance réunis.)
10° Lettre des administrateurs composant le directoire du département de la Haute-Marne, qui expriment leur regret sur la perte du général Gouvion et demandent que l'Assemblée décrète des honneurs à sa mémoire.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité d'instruction publique.)
Un membre : On annonce que le faubourg Saint-Antoine arrive. Il paraît que le roi a des inquiétudes, puisqu'il a fait demander si l'Assemblée tenait ses séances. Je demande qu'on envoie une députation.
Un autre membre : Je demande que l'Assemblée nomme des commissaires pour aller au-devant de ce rassemblement, et lui annoncer qu'il ne sera point admis.
Un membre : Je demande que les députés qui sont dans les comités soient avertis de se rendre à la séance.
Un autre membre : J'étais dans la grande cour des Tuileries, quand j'ai vu les officiers de la garde nationale se rassembler autour de leurs commandants. Je me suis approché, j'ai entendu le comm andant dire aux officiers que M. le procureur général syndic avait été prévenu qu'un rassemblement considérable de peuple se trouvait actuellement dans la rue de l'Arbre-Sec ; qu'en conséquence, il fallait battre le rappel, afin que toutes les divisions des gardes nationales se trouvassent à leurs postes. Au même instant, on a fait le rappel, et tous les gardes nationaux se sont à l'instant portés à leurs postes respectifs.
Plusieurs membres : [1 faut toujours envoyer la députation ! .
Messieurs, la loi a été, violée. Un magistrat du peuple a été insulté. Des membres de la force armée se sont portés sur un fonctionnaire public revêtu de son écharpe. (Murmures à gauche.)
Plusieurs membres parlent ensemble.
Si l'Assemblée était informée officiellement que fa liberté, la vie du roi soïit menacées, elle devrait prendre des mesures efficaces. Mais sur le récit d'un fait particulier, qui Me présente aucun danger pour le roi, sans que le roi vous en fasse .jprévenir, vous ne devez pas..... (Murmures à droite et au centre. Applaudissements des tribunes.) Le roi a, dit-on, fait demander si l'Assemblée tenait ses séances. Il faut attendre la démarche que le roi paraît dans l'intention de faire. L'Assemblée doit rester à sa séance; c'est ici son poste. Je demande donc l'ordre du jour.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
, au nom du comité
de législation, fait un rapport (1) et présente un projet de décret sur Vinterprétation de l'article 6 de la loi du 11 novembre 1790, sur l'organisation judiciaire, relativement à l'incompatibilité des fonctions judiciaires avec \le ministère ecclésiastique : i\ s'exprime Ainsi :
Messieurs, la loi du 11 novembre 1790, sur l'organisation judiciaire, s'explique ainsi, article 6 : »
« Les ecclésiastiques ne peuvent être élus aux places de juges, dont les fonctions sont déclarées incompatibles avec celles de leur ministère. »
C'est d'après cette disposition que le tribunal de cassation a refusé d'admettre aux fonctions de substitut du commissaire du roi M. Bertbolio, que l'on dit avoir été prêtre du culte catholique.
M. Louis Rotrou* curé dans le département de l'Eure, n'a pas pu être reçu juge de paix, place où le vœu de ses concitoyens l'avait appelé, quoiqu'il se soit démis de la cure dont il était pourvu. Plusieurs autres personnes ont éprouvé les mêmes difficultés. Et il devient absolument nécessaire de fixer d'une manière précise en quoi consiste l'incompatibilité prononcée contre les ecclésiastiques, par l'article 6 de la loi du 11 novembre 1790. Tout prêtre du culte catholique, sera-t-il pour jamais exclu des places judiciaires? ou l'exclusion doit-elle, au contraire, sé borner à ceux qui, pourvus de titres, ont des fonctions actives à remplir dans l'église salariée par la nation? Voila, Messieurs, les quéstjons à résoudre, et quoique la solution en soit facile, votre comité a cru nécessaire de vous présenter quelques développements qui justifieront l'opinion qu'il m'a chargé de vous soumettre.
C'est en recherchant les principes des lois, en découvrant le but qu'elles doivent atteindre, qu'on parvient à en justifier, à en expliquer les dispositions, et qu'on peut (lorsque l'intérêt public l'exige) se permettre des modifications, des améliorations, sans en dénaturer l'esprit.
Lorsque, d'une main hardie, l'Assemblée constituante brisa les ressorts gothiques de
l'ancien gouvernement, pour rétablir le système social, sur les bases éternelles de
l'égalité, de la liberté et de la raison; lorsqu'elle détruisit ces ordres bizarres, ces
corporations distinctes qui, au milieu du peuple français, formaient 10 peuples différents
et rivaux, pour remettre entre les mains de la nation elle-même les éléments de la volonté
publique, la législation, elle dut sans doute se rappeler tous les attentats des prêtres
contre l'ordre social; et afin d'anéantir ce clergé ancien, qui, toujours indépendant dans
l'Etat, n'avait cessé d'y dominer et de le troubler, se déterminant à créer, par une
politique nouvelle, un autre clergé, dont elle régla tous les rapports extérieurs dans la
société, elle dut, avec raison, interdire aux ecclésiastiques la faculté d'exercer des
fonctions civiles ; car ce fut toujours par le cumul des fonctions civiles et religieuses
que, partout, se formèrent, s'agrandirent et s'enrichirent ces collèges de prêtres, toujours
plus avides, à proportion qu'ils devinrent plus riches ; toujours plus ambitieux, lorsqu'ils
purent devenir puissants ; toujours dangereux et corrompus, lorsqu'ils eurent des richesses
et de la puissance : tandis qu'au contraire on les verra vertueux,
Ainsi, Messieurs, nul doute que des ecclésiastiques salariés par la nation, investis de la confiance des citoyens qui fréquentent leur église, directeurs de la moralité des actions de leurs prosélytes, ne doivent pas en même temps être revêtus de fonctions publiques, d'une magistrature quelconque. Lofficier public ne doit appartenir à aucune secte particulière; il est l'homme de la nation, et tout son temps, tous ses moyens, doivent être consacrés à son service. Mais il n'est pas moins nécessaire alors de fixer le sens du mot ecclésiastique, de déterminer ceux auxquels on peut encore appliquer cette dénomination, et d'examiner, enfin, si ce titre est tellement indélébile, qu'on ne puisse y renoncer.
Lorsqu'il existait des ordres, des privilèges en France, on rangeait dans la classe du clergé, on appelait ecclésiastiques, tous ces hommes qui, misant profession au célibat, portaient une robe longue, vivaient du produit des autels, soit qu'ils priassent eux-mêmes ou fissent prier
Êar des gagistes, tandis qu'ils dépensaient agréa-
lement les dons de la piété de nos pères. Mais aujourd'hui que ces dons, arrachés par l'astuce à la superstition, ont servi à assurer la Révolution, et sont devenus la dot de notre Constitution; maintenant que le nouveau clergé a été ramené à ses véritables devoirs, que les prêtres reçoivent des salaires en proportion de leur travail, pour lequel tout homme est né, et auquel il doit se livrer, à peine de devenir le rebut et le mépris de la société, pouvons-nous donner le nom $ ecclésiastiques à d'autres que ceux qui ont des fonctions actives à remplir dans l'église ? Ceux-là seuls sont salariés par la nation et ont contracté l'obligation d'exercer leur ministère.
Les seuls ecclésiastiques parmi nous sont donc les évêques, les curés et leurs vicaires, institués par l'Etat et payés par lui. Tout autre prêtre n'a pas de caractère extérieur, et rien n'annonce en lui une qualité différente des autres citoyens. Penser autrement, ce serait s'exposer à faire renaître le clergé ancien. Et ce n'est pas lorsque toutes les règles de la bonne police s'accordent pour conseiller de rejeter absolument les prêtres hors de l'ordre civil, que l'Assemblée nationale voudra perpétuer la caste des prêtres catholiques, en les rangeant tous, à cause de leur profession, dans une corporation distincte.
Tant que subsistera dans le code de nos lois celle d'abord appelée constitution civile du clergé, sans doute il faudra justifier qu'on est prêtre du culte catholique, pour être élu aux évêchés, aux cures ; mais cette qualité n'est autre chose qu'un grade qui donne 1 aptitude à des places ecclésiastiques, de même que la qualité d'homme de loi est nécessaire pour être promu aux fonctions judiciaires; et comme rien n'empêche un licencié en droit de renoncer à l'expectative que lui donne son grade, et de préférer la profession militaire ou de postuler tout autre emploi dans la société, de même l'homme qui est prêtre peut, renonçant à la carrière que lui assure son titre singulier, se présenter pour remplir les emplois civils auxquels il est propre.
Messieurs, on n'objectera pas, sans doute ici, que le caractère du sacerdoce est ineffaçable; qu'aux yeux du chrétien, suivant les préceptes
de sa doctrine, le titre de prêtre soit sacré et indélébile ; c'est chose convenue ! Mais, devant l'homme d'Etat, aux yeux du législateur, un prêtre ne doit jamais être aperçu. Aujourd'hui même, et d'après la loi positive, ce titre ne peut être considéré que comme un simple grade exigé pour des fonctions conférées par la société. Et celui-ci, comme d'autres, ne peut donner, au citoyen qui en est revêtu, aucun caractère contre sa volonté et son intention.
Aussi votre comité, Messieurs, vous proposera, non seulement de borner l'exclusion prononcée entre les ecclésiastiques aux seuls évêques, curés et vicaires en fonctions, mais encore il vous demandera d'accorder à ceux-ci l'option entre les fonctions publiques et celles de leur ministère.
Cette disposition est fondée sur la justice, sur l'égalité des droits, sur des lois déjà existantes.
Les lois relatives aux municipalités et administrations prohibent aux évêques, curés et vicaires, les fonctions municipales et des directoires, à moins qu'ils n'optent pour celles-ci. La loi alors est juste, elle n'éloigne pas certains citoyens des emplois publics, mais elle prononce l'incompatibilité de ces emplois avec un ministère qui les rend déjà très puissants. Elle empêche le cumul de fonctions qui doivent demeurer distinctes et séparées. Elle veillé à ce qu'un homme ne puisse en même temps recevoir de la nation un. double salaire, qui aoit être le partage de deux citoyens.
Pourquoi mettrait-on quelque différence entre les fonctions judiciaires et les fonctions administratives? Les unes sont-elles moins importantes que les autres? La Constitution a-t-elle moins prononcé pour celles-ci que pour celle-là, l'égalité des droits entre les citoyens, qui d'ailleurs ont le degré d'aptitude fixé par les lois? Non, Messieurs, non, c est une erreur que cette prohibition échappée aux premiers législateurs, et c'est à vous de la réparer.
La politique vous dicte cette mesure; les
Èrêtres veulent toujours former une corporation.
n les confondant avec les autres citoyens, en ne voyant jamais dans eux un caractère dis-tinctif, vous détruirez leurs prétentions.
Si, au contraire, vous remarquiez les prêtres catholiques, en leur affectant un titre commun; si vous reconnaissiez en eux quelque différence avec les ministres des autres cultes, avec les autres citoyens; alors vous vous exposeriez à voir renaître les prétentions et les privilèges de la cléricature, si sagement abolis.
il faut, enfin, que devant la loi, il n'y ait plus de prêtres. Qu'on sache, que si vous conservez encore le terme ecclésiastique, c'est pour désigner les^employés à la desserte des temples du culte catholique, salarié par la nation, il faut que le peuple apprenne à ne voir en eux, que des citoyens, n'ayant ni plus ni moins de prérogatives qu'eux.
Peut-être qu'à l'aide de ces principes, nous avancerons l'heureuse époque où, absolument rejetés hors de l'ordre civil, les ministres de tous les cultes, sans distinction, soumis à la seule surveillance des magistrats de la police dans leurs actes intérieurs, n'occuperont plus l'attention des législateurs. Alors s'établira sans difficulté la tolérance, ce culte universel des âmes justes et sensibles: alors la religion servira à consoler les hommes, sans en tourmenter quelques-uns.
Voici, Messieurs, le projet de décret de votre comité de législation :
Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu son comité de législation, considérant qu'il est utile pour l'ordre public de fixer l'incertitude qui resuite des dispositions de l'article 6 de la loi du 11 novembre 1790, sur l'ordre judiciaire relativement à l'exclusion des ecclésiastiques aux places de juges ; que des magistratures se trouvent vacantes à raison des doutes qui se sont élevés sur le sens de cette loi : décrète qu'il y a urgence. »
Décret définitif.
v L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de législation et décrété l'urgence, décrète que l'exclusion des ecclésiastiques aux places de juges, portée en l'article 6 de la loi du 11 novembre 1790, sur l'ordre judiciaire, se borne aux évêques, curés et leurs vicaires, dont le ministère est incompatible aveo, les fonctions civiles, pour lesquelles néanmoins, en cas de nomination, ils seront libres d'opter. »
(L'Assemblée décrète l'impression du rapport et du projet de décret, et ajourne la discussion à trois jours.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre de M. Rœderer, procureur général syndic du département de Paris, qui prévient l'Assemblée qu'un rassemblement armé se porte au château des Tuileries.
Cette lettre est ainsi conçue (1) :
« Messieurs,
« J'ai l'honneur de prévenir l'Assemblée qu'il se porte en ce moment vers le château un rassemblement armé.
« Le procureur général syndic du- département.
« Signé : Rcederer. »
Je demande qu'une députation de 24 membres se rende auprès du roi.
Plusieurs membres : De 60.
Je viens de traverser avec plusieurs de mes collègues les cours et le jardin des
Tuileries ; on fait des préparatifs de défense, et il paraît qu'on est très alarmé.
Messieurs, àl'heure actuelle, au moment où la nuit va arriver, un rassemblement armé, des
préparatifs de défense doivent exciter les plus vives craintes de la part de l'Assemblée
nationale. Vous avez rendu ce matin un décret qui défend de venir en armes sous prétexte de
présenter une pétition. Ce ne sont pas des pétitions qu'on vient vous présenter, et
cependant des rassemblements s'avancent ici. C'est donc une attaque. Il est impossible de ne
pas voir dans un rassemblement qui se porte au château, le plus grand danger, un danger qui
doit faire frémir tous les bons citoyens. Je demande que l'Assemblée nationale entière se
transporte chez le roi. (Murmures à gauche. — Vive agitation dans l'Assemblée.) Si la
proposition que j'ai faite n'était pas convenable, du moins les motifs qui la dirigent sont
les plus purs. (Applaudissements.)
Plusieurs membres : C'est faux ! c'est faux I
Un membre : D'après cela j'ai pensé que le poste de l'Assemblée était ici.
Je pensais que quand tous les représentants du peuple seraient réunis dans cette enceinte sacrée, la force même ne serait pas nécessaire pour la défendre. Voilà mon motif. Du reste, si vous croyez que l'Assemblée doivent veiller continuellement pour le salut public, je me bornerai à demander une nombreuse députation.
On prétend que la mesure est précoce, et moi je dirai, si le moment n'était pas pressant, si le danger n'était pas imprévu, le procureur général syndic vous aurait-il écrit sans vous détailler les mesures qu'il a prises? (Murmures à gauche) Le style même de sa lettre n'annonce-t-il pas le danger? Or, pouvez-vous différer davantage? Je ne le crois pas, et je suis persuadé qu'aucun membre de cette Assemblée ne le croit. Je borne ma demande à une députation de 60 membres. (Applaudissements à droite. — Nouveaux murmures à gauche.)
Plusieurs membres : Fermez la discussion !
Il n'y a pas de temps à perdre.
Eh bien! si là patrie est en danger, si j'étais citoyen, je serais lé premier aux portes du château pour m'opposer à tout rassemblement ; mais nous sommes ici représentants du peuple pour faire les lois, nous sommes une autorité constituée, nous avons notre pouvoir, et plus la patrie est en danger, plus ce pouvoir est respecte ; c'est la Constitution qu'il faut suivre par dessus tout. La loi a voulu que quand il y aurait des rassemblements ce fût aux municipalités à déployer la force armée, s'il était nécessaire. Si les municipalités ne font pas leur devoir, c'est au procureur général syndic à déployer le drapeau rouge. Les lois sont faites, et cependant le procureur général syndic, le directoire, la municipalité, viennent toujours dans le sein du Corps législatif, nous dire de prendre le pouvoir exécutif qui est entre leurs mains. Ne Voyez-vous pas le piège ? (Applaudissements à gauche et dans les tribunes.) Messieurs, nous sommes ici pour faire [des lois, (Murmures à droite.) il y a un rassemblement; si le rassemblement venait attaquer le Corps législatif, quel serait le membre qui ne voudrait pas partager tous ses dangers? 11 faut que nous soyons ici, que nous périssions ici. (Vifs applau dissements a gauche et dans les tribunes.) La destinée de la France est liée à cèt évéhemènt-ci.
Plusieurs membres : Résumez-vous !
Vous n'avez pas de temps à perdre ; la destinée de la France tient peut-être à cet événement-ci. Il existe deux grands pouvoirs.
Plusieurs membres : Finissez donc !
Le pouvoir exécutif pour faire exécuter les lois; le pouvoir législatif pour les faire. Si tous les deux étaient livrés au hasard du coup de canon, quel serait le sort de la France? quel serait le sort de nos commettants? A la veille d'être attaqués par nos ennemis, rallions-nous; que jamais aucun des pouvoirs ne soit attaqué. Si le pouvoir exécutif, ou si le domicile du pouvoir exécutif est attaqué, qu'il vienne avec
les représentants du peuple ; nous les recevrons, et il sera toujours ici dans le sanctuaire des lois. (.Applaudissements.) 11 faut que le ministre de l'intérieur veille à ce que les autorités fassent leur devoir. Faites que le directoire du département, que le procureur général syndic et la municipalité exécutent les lois qui sont déjà décrétées; manifestons notre opinion, vous verrez que tous les bons citoyens s'y rallieront. Je demande qu'il soit ordonné au ministre de l'intérieur de prendre les mesures nécessaires pour faire exécuter les lois.
Je demande la parole pour un fait. Messieurs, des officiers de paix se sont présentés à l'instant, ils sont venus de la part du roi pour dire à l'Assemblée nationale que tout était tranquille dans Paris.
Plusieurs membres : Ce n'est pas vrai, nous n'en savons rien 1
M. Lasource nous avait hier, comme M. Galon le fait aujourd'hui assuré, qu'il n'y avait aucun danger et que le rassemblement était paisible.
Un membre : Je demande que la déposition de M. Calon soit écrite au procès-verbal.
Monsieur le Président, des juges de paix se sont présentés pour être admis à la barre pour rendre compte de ce fait, vous l'avez laissé ignorer à l'Assemblée. (Murmures.) Je fais la motion qu'avant la discussion l'Assemblée décrète que le maire et un officier municipal de Paris viendront lui rendre compte de la véritable situation de la ville, et vous apprendrez que le procureur-syndic du département est trompé ou vous a trompés. (Applaudissements des tribunes.)
Les officiers de paix m'ont demandé à être admis de la part du roi pour rendre compte du fait. Je n'ai pas cru que des officiers de paix, sans lettre et sans pouvoirs, pussent être annoncés à l'Assemblée.
Il fallait leur demander leurs pouvoirs.
et plusieurs autres membres : Vous nous trompez, à l'abbaye le Président!
M. le procureur-syndic a écrit une lettre signée de lui; je l'ai fait lire. Voilà ma conduite. (Murmures.)
C'est sur cela, Messieurs, que je demande la parole.(Murmures.)
Mettez aux voix ma proposition de mander le maire.
11 est important que l'Assemblée connaisse le degré de confiance qu'elle doit avoir dans la lettre de M. Rœderer. C'est l'avis de M. Rœderer et non cèlui du procureur général syndic, il n'est point à son poste. Le directoire est sans président, sans procureur-syndic; ils sont dans le château des Tuileries, et sans doute M. Rœderer, comme particulier, a été trompé par les bruits que les malintentionnés ont répandus; car la tactique des insurrections est de répandre de tels bruits, parce qu'en disant qu'il y a des rassemblements, on les fomente. Je sors au directoire, et M. le procureur général syndic avec deux membres du directoire siègent au château et non à leur poste. (Murmures.)
Je sors du carrousel dans l'instant. J y ai été attiré par la curiosité, parce
que j'ai entendu battre le tambour et que j'ai vu des compagnies de gens armés se diriger vers cet endroit. Je dis gens armés de la garde nationale. Je m'y suis porté, j'y ai vu quelques douzaines de personnes, mais qui étaient attirées comme moi par la curiosité.
Plusieurs membres : Aux voix la proposition de M. Delacroix!
(L'Assemblée décrète que le maire de Paris, ou un officier municipal, se rendra à l'instant à la barre pour faire connaître la situation de la capitale et s'il existe réellement un rassemblement. (Applaudissements des tribunes.)
Je demande qu'on entende les juges de paix qui sont là.
On a demandé que les juges de paix fussent admis à la barre; mais j'annonce qu'ils ne sont pas ici.
Le procureur-syndic du département a annoncé des craintes à l'Assemblée sur la situation actuelle de Paris. Il m'est impossible de savoir si dans toutes les sections de la capitale la tranquillité y règne également. Mais la sollicitude de l'Assemblée paraît se porter particulièrement aUx environs du château. Je crois devoir, pour sa satisfaction, avoir l'honneur de l'informer qu'il y a environ une heure un quart ou une heure et demie, il y avait effectivement aux environs du château quelques citoyens rassemblés. (Murmures.) M. le maire s'y est trouvé. Le peuple a marqué le plus grand respect à tout ce que les magistrats du peuple lui ont dit, et à marqué son consentement à ce que tout se fît au nom de la loi. Je suis rentré il y a un quart d'heure par la porte où j'étais sorti, et je n'ai trouvé exactement personne.
(de Paris). Le mouvement n'existe que dans l'âme de ceux qui veulent exciter des troubles.
Messieurs, un citoyen député du faubourg Saint-Antoine (Murmures.) vient de me faire appeler en présence de quatre ou cinq de mes collègues. M. Goupilleau et d'autres peuvent attester ce fait. Voici ce qu'il m'a dit. 11 m'a dit qu'une quarantaine de personnes du faubourg Saint-Antoine partaient par pelotons de cinq, sans armes, pour aller à la municipalité. Je ne sais ce qu'ils vont y faire. Vous pouvez mander M. le maire, il vous dira ce qu ils lui ont dit. Voilà tous les rassemblements qu'il y a. (Murmures.)
Puisque ces messieurs vous disent qu'il n'y a rien à craindre, vous pouvez les croire, car ils doivent être bien informés.
, au nom du comité de législation, fait un rapport (1) et présente un projet de décret sur les lettres de relief de laps de temps en matière civile et les demandes en revision en matière criminelle; il s'exprime ainsi :
Messieurs/la loi du 27 novembre 1790, qui a organisé le tribunal de cassation et supprimé le conseil des parties, a omis deux objets essentiels dans l'énumération de ceux dont elle lui a donné la connaissance ; ce sont les lettres de relief de laps de temps en matière civile, et celles de revision en matière criminellè.
De là il est arrivé que, dans le doute si cette double forme de ce pouvoir était ou
n'était pas
f)étitions vous ont été présentées à ce sujet. C'est a matière du rapport que j'ai à vous faire au nom de votre comité de législation. Il faut d'abord distinguer les lettres de relief de laps de temps, de celles de revision.
Vous savez, Messieurs, que l'effet des lettres de relief de laps de temps consistait à faire admettre les requêtes en cassation après les délais tixés par la loi. La demande en entérinement de ces lettres est rapportée avec les requêtes en cassation, et admise si elle était fondée sur de graves et importantes considérations.
Quoique réprouvé par plusieurs ordonnances, l'usage de ces lettres s'était toujours maintenu au conseil; il y était même autorisé par l'article 15 du titre IV du règlement de 1738, portant qu'il ne sera accordé des lettres de relief que pour grandes et importantes considérations. Il est évident que l'usage de ces lettres, qui n'étaient que de véritables dispenses d'exécuter la loi, ne pourrait subsister dans le nouvel ordre des choses. Il a été proscrit par l'article 14 de la loi du 27 novembre 1790, qui, en fixant à trois mois le délai pour se pourvoir en cassation, veut expressément que, sous aucun prétexte, il ne puisse être donné des lettres de relief de laps de temps.
Mais cette disposition doit-elle s'étendre aux lettres antérieurement obtenues? Votre comité ne le croit pas ; vous pensez sans doute avec lui, Messieurs, que ce serait donner à la loi un effet rétroactif. Ces lettres, il est vrai, étaient un abus, mais un abus accrédité, qui avait même acquis force de loi puisqu'il était autorisé par le règlement de 1738. Les parties étaient donc en droit de profiter de ce bénéfice. Celles qui, sur la foi de ce règlement, se sont pourvues après l'expiration des délais, en obtenant des lettres de relief fondées sur de justes causes, ne peuvent pas en être jugées suivant les règles observées a l'époque où elles ont été formées, et non d'après les dispositions d'une loi postérieure, qui n'est obligatoire que pour l'avenir. Il est donc juste de faire cesser les doutes à cet égard, en autorisant le tribunal de cassation à statuer sur les lettres de relief de laps de temps antérieures à la publication de la loi du 27 novembre 1790, sauf à n'admettre que celles qui, aux termes du règlement du conseil, se trouveront appuyées sur de graves et importantes considérations,
Quelques pétitionnaires ont demandé que l'usage des lettres de relief soit conservé pour les affaires jugées avant la loi du 27 novembre 1790, sous le prétexte que cette loi ne peut avoir une application rétroactive aux jugements qui l'ont précédée.
Mais c'est une veritable erreur. La loi est expresse à cet égard. L'article 15 fixe à 3 mois le délai pour se pourvoir en cassation, et abolit les lettres de relief.
L'article 15 porte « que ce délai ne commencera à courir que du jour de l'installation du tribunal de cassation pour tous les jugements antérieurs à la publication du décret, et à l'égard desquels les délais pour se pourvoir d'après les anciennes ordonnances, ne seraient pas actuellement expirés. •
L'intention du législateur est évidente ! il a voulu que les parties qui, au moment de la publication de la loi du 27 novembre, étaient encore
dans les délais accordés par les anciennes ordonnances, eussent la même faculté pendant les 3 mois qui ont suivi l'installation du tribunal de cassation, mais, pour mettre un terme aux procès il a refusé, et il a dû refuser, ce bénéfice aux parties qui n'étaient plus dans les délais, même sans leur laisser l'espoir des lettres de relief. La proscription prononcée contre ces lettres est commune, comme on voit d'après ces deux articles, à toutes nouvelles demandes en cassation de jugements, soit antérieurs, soit postérieurs à cette loi. L'exception réclamée en serait donc une violation formelle qui n'aurait d'autre objet que défavoriser l'esprit de chicane en éternisant les contestations.
D'autres pétitionnaires demandent qu'au moins les lettres ae relief soient accordées ou suppléées en faveur de ceux qui s'étaient pourvus en cassation avant la loi du 27 novembre 1790, mais après l'expiration des délais, et sans avoir préalablement obtenu des lettres de relief; ils se fondent sur ce qu'ils avaient droit d'espérer qu'ils les obtiendraient, et qu'on ne peut leur refuser aujourd'hui ce qu'on n'aurait pu s'empêcher de leur accorder alors.
Ce raisonnement n'est qu'un sophisme. La faveur du relief de laps de temps était subordonnée aux lettres qu'il fallait obtenir, et à la demande en entérinement. Ceux qui n'avaient point rempli ces formalités ne pouvaient être reçus à se pourvoir en cassation ; à plus forte raison en sont-ils exclus, aujourd'hui que la loi du 27 novembre ne permet plus d'accorder des lettres de relief de laps de temps, et ferme pour jamais la voie de la cassation aux parties qui, à l'époque de la publication, avaient laissé expirer les délais portés par les anciennes ordonnances.
D'ailleurs, Messieurs, le relief de laps de temps n'ayant jamais été qu'un privilège de transgresser la loi, il doit être rigoureusement restreint dans ses limites, alors même qu'il est toléré; la plus légère extension en amènerait d'autres ; et bientôt la loi, défigurée par les exceptions, n'obligerait plus personne. Gardons-nous d'introduire dans la législation d'un peuple libre ces interprétations destructives, cette odieuse versatilité qui, sous l'ancien régime, accommodaient les lois aux caprices et aux intérêts de quelques hommes.
N'oublions jamais que la loi doit être une, comme la justice, et que l'égalité constitutionnelle sera violée le jour qu'il n'y aura plus pour tous les citoyens une seule et même loi, une seule et même manière de l'exécuter.
Votre comité a donc pensé qu'il n'y avait pas lieu à délibérer sur les réclamations des ces pétitionnaires.
Je passe maintenant aux lettres de revision.
La révision en matière criminelle était un nouvel examen du procès en vertu de lettres obtenues à cet effet. Ce moyen de recours autorisé par d'anciennes ordonnances, et consacré par plusieurs articles de celle de 1670, différait de la cassation, en ce que celle-ci prenait son fondement dans les vices de forme, et dans les nullités déterminées par les lois, au lieu que les moyens du fond et l'injustice du jugement donnaient ouverture à la revision : c'était un adoucissement que notre ancien code criminel avait emprunté de la jurisprudence romaine; c'était un dernier asile qu'il réservait à l'innocence comme pour la consoler de tant de dispositions barbares, qui trop longtemps ont fait gémir la raison et l'humanité.
La révision a été abolie avec les abus dont elles étaient le remède. La bienfaisante institution du juré assure à l'innocence tant de moyens de justification et de défense, qu'il était inutile de conserver une voie aussi extraordinaire. L'article 27 du titre VIII de la loi du 29 septembre, en laissant aux juges la faculté d'augmenter le nombre des jurés, lorsqu'ils croiront que leur première déclaration est évidemment erronée, porte, en termes formels, qu'elle ne sera pas soumise à l'appel ; la cassation est le seul moyen de recours permis par l'article 15, contre le jugement intervenu sur cette déclaration : ainsi, dans le nouvel ordre, soit au criminel soit au civil, le tribunal de cassation est le dernier degré du pouvoir judiciaire. Mais la revision est-elle pareillement abolie l'égard des jugements criminels rendus jus-, 'à l'époque où le juré a été mis en activité, ou qui le seront encore par les tribunaux de district, sur les procédures dont ils ont conservé l'instruction?
Quel doit être le sort des demandes en revision portées au conseil, jusqu'au moment de sa suppression ?
Pour résoudre ces questions, il faut distinguer entre les jugements rendus postérieurement au décret des 8 et 9 octobre 1789, portant réformation provisoire de la jurisprudence criminelle, et ceux qui sont antérieures à la publication de ce décret.
L'articie 28 du décret des 8 et 9 octobre 1789 porte que l'ordonnance de 1670 et les anciens règlements continueront d'être observés en tout ce qui n'est pas contraire à ce décret ; et comme cette ordonnance autorise la revision, il semble qu'elle peut avoir lieu pour les jugements criminels, rendus suivant les formes prescrites par le décret du'mois d'octobre 1789.
Mais la loi du 27 novembre, exprimant avec soin tous les objets soumis à la compétence du tribunal de cassation, .ne parle pas des demandes en revision ; et ce silence d'une loi définitive doit nécessairement être regardé comme une abrogation réfléchie.
En effet, l'Assemblée constituante, par la loi provisoire du mois d'octobre 1789, a fait tout ce qu'elle pouvait en faveur des accusés. L'introduction des adjoints à l'information, la publicité de l'instruction, celle des rapports et des jugements, le conseil donné à l'accusé, la plus grande latitude laissée à sa défense, tout, sous ce régime provisoire, a mis l'innocence à l'abri des erreurs qu'elle avait à redouter sous l'empire des formes de l'ancien code. L'accusé, d'ailleurs, a le droit d'appel, qui n'est autre chose qu'une revision, et la seule vraiment légale : il a enfin la voie de la cassation : avec tant de moyens pour faire triompher l'innocence, on a pu, sans diminuer la. faveur qui est due, supprimer la revision devenue inutile pour les jugements rendus depuis la réformation provisoire de la procédure criminelle.
Il n'en est pas de même à l'égard de ceux qui sont antérieurs à cette réformation. Aucune loi existante n'a formellement ôté aux parties lésées par ces jugements, le droit de se pourvoir en revision; et pour leur appliquer l'abrogation résultant du silence de la loi du 27 novembre 1790, l'on ne trouve pas les mêmes motifs qu'à l'égard des jugements postérieurs au décret du mois d'octobre 1789, car si les formes introduites par celui-ci ont pour objet de trouver des innocents, l'ancien code semblait n'être établi
que pour trouver des coupables. Je ne vous rappellerai pas combien le secret de l'instruction et l'arbitraire de la jurisprudence fournissaient de moyens d'oppression aux hommes puissants et aux juges prévaricateurs; je vous dirai seulement que, sans la revision, l'on douterait peut-être encore de l'innocence de Calas, et de tant d'autres victimes sacrifiées par l'erreur, le fanatisme ou de criminelles intrigues. Gela suffit pour vous déterminer à conserver la revision pour les jugements rendus suivant les anciennes formes, et à ne pas supprimer le remède, puisque le mal se fait encore sentir.
Cependant, comme ce moyen est extraordinaire dans notre législation actuelle, comme il est prudent de détruire au plus tôt tous les vestiges de l'ancien régime, et surtout de ne pas laisser perpétuer dans les nouveaux tribunaux des formes et des maximes qu'ils doivent entièrement oublier, il est à propos de déterminer un délai d'après lequel la revision ne pourra plus être admise ; cette disposition est d'autant plus nécessaire que la jurisprudence ancienne n'avait fixé aucun terme précis pour cette action, dont certains auteurs prolongeaient la durée au-delà de 30 années. Si, d'une part, il est dans la justice et dans l'humanité de l'Assemblée nationale de fournir aux accusés qui ont pu être injustement condamnés les moyens d'obtenir les réparations qui leurs sont dues, de 1 autre, il est dans sa prudence de ne pas exposer le tribunal de cassation à reviser pendant 30 ans au moins, tous les jugements criminels rendus par les anciens tribunaux, et de ne pas le détourner si longtemps de la surveillance qu'il doit continuellement exercer sur le nouvel ordre judiciaire. Comme les demandes en revision tendent à faire rétracter les jugements, c'est la section de cassation qui doit en connaître ; mais à quel tribunal renverra-t-elle la revision, lorsque la demande aura été admise? Votre comité a pensé que la revision pouvant être assimilée à l'appel, la connaissance en doit être déférée aux mêmes tribunaux que les appels ordinaires ; c'est-à-dire que les parties seront renvoyées devant le tribunal de district remplaçant le siège qui a instruit la procédure criminelle pour y procéder au choix de l'un des 7 tribunaux d'appel. Ce mode a l'avantage de rapprocher les juges du lieu du délit et au domicile de l'accusé, en même temps qu'il offre au dernier une grande latitude dans le choix du tribunal qui doit définitivement prononcer sur son sort.
Voici le projet de décret :
Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, considérant que la loi du 27 novembre 1790, relative à l'établissement du tribunal de cassation, en abrogeant pour l'avenir les lettres de relief de laps de temps fpour se pourvoir en cassation, n'a rien prononcé à l'égard de celles qui ont été précédemment obtenues ;
« Qu'aucune loi n'a encore formellement désigné le tribunal qui doit connaître des demandes en revision portées au ci-devant conseil, jusqu'au moment de sa suppression, et de celles qui pourront être formées à l'égard des jugements criminels antérieurs à la publication au décret du mois d'octobre 1789;
« Enfin, qu'il importe à l'ordre public que le cours de la justice, pour ces sortes d'affaires, ne soit point suspendu plus longtemps, décrète qu'il y a urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de législation et décrété l'urgence, décrète :
Art. 1er. « Les demandes en entérinement de lettres de relief
de laps de temps, obtenues avant la publication de la loi du 27 novembre 1790, seront jugées
par le tribunal de cassation. Elles seront portées au bureau des requêtes, lequel, en
procédant à l'examen des requêtes en cassation, pourra avoir égard aux lettres de relief, si
elles sont fondées sur de graves et importantes considérations.
Art. 2. « Le même tribunal connaîtra aussi des demandes en revision formées au ci-devant conseil jusqu'au moment de sa suppression, et de celles qui, dans le délai de trois mois à compter de la publication du présent décret, pourront être formées par devant lui pour jugements criminels en dernier ressort, rendus avant la publication du décret des 8 et 9 octobre 1789; ces demandes seront portées à la section de cassation, pour y être jugées dans les formes prescrites par la loi du 27 novembre 1790.
Art. 3. « En ordonnant la révision, le tribunal renverra les parties à se pourvoir par devant le tribunal de district remplaçant le siège qui avait fait l'instruction, pour y procéder au choix de l'un des sept tribunaux* d'appel, conformément aux dispositions du titre V de la loi du 24 août 1790, sur l'organisation judiciaire.
Art. 4. « Le tribunal saisi de la revision se conformera, pour le rapport et le jugement du procès, à ce qui est prescrit par le décret des 8 et 9 octobre 1789, et par l'article 11 de la loi du 19 octobre 1790, portant fixation du nombre des juges requis pour juger les affaires criminelles.
Art. 5. « Le jugement qui interviendra sur la revision ne pourra être attaqué que par la voie de la cassation.
Art. 6. « Les actes des procédures sur les demandes en revision seront faits et expédiés sur papier libre; et l'enregistrement, dans le cas où il y aura lieu à la formalité, en sera fait sans frais, conformément à l'article 1er de la loi du 15 avril dernier.
« L'Assemblée nationale décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur les pétitions tendant à ce que l'usage des lettres de relief de laps de temps soit conservé pour tous les jugements rendus avant la publication de la loi du 27 novembre 1790 ou au moins pour ceux contre lesquels les parties s'étaient pourvues en cassation, sans avoir préalablement obtenu des lettres de relief. »
(L'Assemblée décrète l'impression du rapport et du projet de'décret et ajourne la discussion à trois jours.)
Je viens de recevoir une lettre d'une députation de vétérans de la garde parisienne qui demande à être admise à la barre.
Un de MM. les secrétaires en donne lecture ; cette lettre est ainsi conçue ( 1) :
« Paris, le
« Monsieur le Président.
« Une députation de vétérans de la garde parisienne et de tout l'Empire, vous.prie de lui ob-
tenir la permission de paraître un instant devant l'auguste Assemblée.
« Signé : CallièreS de l'EsTANG, commandant en chef du \n bataillon des vétérans, Guellard, secrétaire général du bataillon. »
(L'Assemblée décrète que la députation des vétérans de la garde parisienne sera admise à la barre.)
On introduit les pétitionnaires.
M. Callières de VEstang, orateur de la députation, donne lecture de l'adresse suivante (2) :
« Législateurs,
« Les vétérans de la garde nationale parisienne et de tout l'Empire vous présentent par notre organe leurs respectueux nommages ; ils viennent applaudir à vos travaux et vous offrir tout ce qui leur reste de force pour le soutien de la liberté et le triomphe des principes constitutionnels.
« Plus heureux que nous, notre postérité a d'une main puissante écarté le nuage de l'erreur et fait luire aux yeux de l'univers étonné le soleil des nations : la liberté ! Nous avons assisté à l'aurore d'un si beau jour, nos contemporains, J.-J. Rousseau et Voltaire, nous en avaient fait voir le crépuscule; mais grâces immortelles en soient rendues ô nature ! ô notre mère ; nous avons assisté au réveil du peuple et notre faible voix s'est mêlée aux chants de victoire qu'il a poussés vers le ciel.
« Législateurs, qu'il nous soit permis de vous entretenir un moment de notre douleur. Nous avons trop vécu. Une partie égarée de l'armée parisienne s'est révoltée, sous prétexte d'une pétition contre un de vos décrets, auquel tous les bons citoyens avaient applaudi. La marche de ces prétendus signataires combinée avec l'insulte que vient de faire une cour ennemie à la nation en renvoyant des ministres qui jouissaient de la confiance publique, nous a profondément affligés : Hélas, nous sommes-nous écrié, est-ce donc là l'exemple que nous leur donnons.
« Législateurs, terrassez les traîtres, anéantissez cet esprit de corps que l'on cherche à introduire dans la garde nationale, chassez loin d'elle tous les intrigants qui veulent la déshonorer et la perdre ; ils veulent la guerre civile, déjà plusieurs fois elle eût éclaté sans la prudence et le zèle du vertueux maire de Paris. (Double salve d'applaudissements). Ils veulent opposer peuple à peuple, mais, les traîtres, ils nous verront au milieu, il faudra que le plomb meurtrier pénètre à travers nos corps avant d'aller frapper l'une ou l'autre portion de nos frères. (Vifs applaudissements.)
« Législateurs, tout récemment encore, il a failli sonner le tocsin terrible du 14 juillet.
On est venu vous demander la permission de proclamer une loi, qui n'est faite que pour des
camps révoltés, une loi qui peut occasionner la guerre civile et faire naître des haines et
des vengeances éternelles. Prenez-y garde, ô nos chers représentants. Le drapeau martial est
le signal du deuil de la patrie, il fait couler le sang des citoyens, il arme le père contre
le fils, lç fils contre le père, il révolte la nature. Puissions-
Un autre vétéran, le sieur Latournelle, prie l'Assemblée de se faire rendre compte de la lettre qu'elle a reçue du général La Fayette et de la vérification de sa signature.
Il s'exprime ainsi (1) :
« Législateurs,
« Vous avez reçu et fait lire dans votre Assemblée ces jours-ci, une lettre de mon parent le général La Fayette. Cette lettre, dans les circonstances actuelles, est importante au salut et à la gloire de la France.
Ce n'est point en cousin de La Fayette que je parle de lui, c'est comme patriote. Ma seule mère est ma patrie, mes frères sont bons Français ; comme il nous est utilè de le connaître, je vous supplie, législateurs, de vérifier le plus tôt possible si la lettre signée La Fayette est arrivée au nom de ce*général. Si elle en est avouée, je le renie pour mon parent, étant plus attaché à la Constitution et aux clubs patriotiques qu'elle autorise, qu'à ceux qui veulent les détruire. Mais si cette lettre est désavouée par le général La Fayette, je le reconnais non seulement pour mon parent le plus vertueux, mais encore pour la liberté française. Alors au nom de cette liberté, en votre nom, législateurs, je veux être comme parent et ami sincère du général vertueux, le premier citoyen à vous demander la punition exemplaire de ses calomniateurs, nos ennemis et les siens.
Signé : Jean-Baptiste Louis Latournelle, citoyen actif, capitaine des vétérans. »
(Applaudissements.)
répond à la députation et lui accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée décrète la mention honorable de l'adresse au procès-verbal.)
M. Pètion, accompagné d'un officier municipal, se présente à la barre. (Vifs applaudissements à gauche et dans les tribunes,)
Monsieur, l'Assemblée vous mande pour rendre compte de l'état de Paris.
M. Pétion, maire de Paris. Messieurs, je me rends aux ordres de l'Assemblée nationale. Une
lettre qui lui a été écrite a pu lui causer quelques inquiétudes. Heureusement les alarmes
ne
L'Assemblée nationale examinera le compte que vous venez de lui rendre; elle vous invite à la séance.
M. Pétion rentre dans la salle. (Nouveaux applaudissements à gauche et dans les tribunes.)
Messieurs, le procureur général syndic nous a annoncé une nouvelle très alarmante ; la municipalité vient de calmer vos inquiétudes; il faut maintenant savoir qui trompe, ou de la municipalité ou du procureur syndic. (Applaudissements des tribunes.) Je demande que le procureur général syndic soit mandé à la barre.
Ce n'est point assez de mander le procureur général syndic du département ; ce procureur général syndic peut avoir été trompé. Il s'est transporté sur-lerchamp au château, il peut avoir été entretenu longtemps dans l'erreur ; mais il y a ici une combinaison très criminelle. (Applaudissements des tribunes.) Plusieurs membres : Oui, oui!
Il faut que l'Assemblée nationale connaisse les personnes qui, sur des causes secrètes qu'ils ont seuls provoquées, ont pu se déterminer à faire sonner l'alarme dans la capitale, afin d'appeler les canons, et les faire bra-
3uer de manière à effrayer le peuple, et sans oute à déterminer le peuple à venir, par curiosité, peut-être, et le faire cannonner. (Murmures à droite; applaudissements des tribunes.)
Je demande que l'Assemblée nationale décrète que, dans le plus bref délai, le département, la municipalité et le chef de la garde nationale qui commande au château, rendront compte des motifs qui ont déterminé à croire aux alarmes répandues dans Paris ; il est démontré que ,c'est une conjuration. (Murmures prolongés.) Je demande le décret d'accusation contre ceux qui ont excité ce mouvement. (Rires ironiques et nouveaux murmures.)
Ce n'est pas seulement dans l'Assemblée nationale qu'on est venu jeter l'alarme ; tout à l'heure nous étions dans nos comités on y est venu sonner le tocsin; il faut le dire, c'est M. Ramond.
Plusieurs membres : Ah ! ah !
On se figurerait difficilement à quel excès peut se porter le délire de quelques imaginations, lorsque je rendrai compte à 1 Assemblée nationale de ce dont j'ai été témoin dans le comité de liquidation. Le billet de M. Rœderer est arrivé. 11 a été mis en discussion si l'Assemblée se transporterait entière ou en partie. (Murmures.) Cela a été proposé par un membre. A cette proposition, d'autres ont succédé. Dans cet instant, où une partie de l'Assemblée nationale est dans ses comités, il est du devoir de chacun de ses membres de chercher à la rendre complète autant qu'il est possible.
Un membre : Ajoutez qu'on en a fait la motion.
Je demande que M. Ramond soit entendu paisiblement, s'il est permis après de lui répondre.
Il est arrivé à plusieurs d'entre nous, se trouvant dans leurs comités, de recevoir
un huissier de l'Assemblée, envoyé par le président lorsqu'elle n'était pas assez complète. Or, plusieurs membres venant réclamer 1 attention des membres de l'Assemblée sur une discussion très importante, moi-même passant près du
occupait l'Assemblée nationale, et d'inviter les membres qui le composent à prendre part à une délibération importante dans un moment qui paraissait être urgent. (Murmures.) Voilà, Messieurs, ce qu'on appelle sonner le tocsin. Je confesse qu il ne faudrait pas moins qu'un décret de l'Assemblée qui défendît à chacun de ses membres d'appeler aucun de ses collègues des comités, dans quelque occasion que ce pût être, pour me faire obéir à la manière de penser de la majorité. Je crois que dans toutes les occasions où il se présentera à l'Assemblée une délibération importante, il sera du devoir de chacun de nous d'avertir ceux qui se trouveront dans les comités. (Applaudissements à droite; murmures à gauche).
Il est difficile de ne pas rester convaincu que les ennemis du peuple ont cherché à renouveler âujourd'hui la fatale et malheureuse scène du Ghamp-de-Mars. Il faut avouer cependant qu'ils ne pouvaient pas avoir choisi un moment moins favorable, un jour moins heureux pour eux; car on n'a pas oublié que jamais le peuple français et notamment le peuple de Paris ne fût plus grand, plus majestueux que le 21 juin 1791. (Applaudissements des tribunes.)
Un fait que j'ai à vous annoncer vous éclairera peut-être sur ces manœuvres secrètes. Plusieurs nommes, aux gages des malveillants, se sont répandus dans la capitale pour assurer au peuple de Paris que M. le maire de Paris était, par un décret de l'Assemblée nationale, en état d'arrestation. (Murmures.)
Plusieurs membres : Pas encore 1
J'observe aux incrédules que j'ai été moi-même témoin du fait; que je me suis permis de qualifier de scélérats ceux qui répandaient parmi le peuple des bruitsaussi alarmants, Ainsi, Messieurs, vous voyez qu'en même temps qu'on avait préparé les canons pour repousser le peuple, on cnerchait à le mettre en mouvement ; et de là suit la conséquence que je tirais tout à l'heure, c'est qu'on avait évidemment en ce jour l'intention de renouveler la scène du Champ-de-Mars.
Je demande des preuves. Il n'est pas permis de faire un usage aussi dangereux au droit de parler. (Murmures à gauche.)
Je passe maintenant à l'avis qui vous a été donné par M. le procureur général syndic : si les intentions de M. Rœderer ne m'étaient pas connues, j'aurais droit de soupçonner que son billet en renfermait de très perfides. Au reste il serait extrêmement dangereux que le Corps législatif accoutumât un fonctionnaire public à lui faire ainsi passer des avis très alarmants. Je sens que M. Rœderer peut avoir été trompé; et, encore une fois, je demande cependant que M. Rœderer soit entendu à la barre.
Plusieurs membres : Il y a au bureau une lettre de M. Rœderer, il faut en faire lecture.
Un de MM. les secrétaires donne lecture de cette lettre; elle est ainsi conçue (1) :
r Paris, le
« Monsieur le président,
« Je m'empresse d'annoncer à l'Assemblée nationale, d'après des renseignements très sûrs, que le rassemblement qui a été rencontré vers la rue de l'Arbre-Sec, n a point porté sa marche vers le château et est maintenant dispersé (2). Les nouvelles qu'on en avait données et que j'ai cru devoir communiquer à l'Assemblée ont été si répétées et uniformes, qu'elles ont mis la garde sous les armes. Obligé, par ma place, de me rendre dans tous les rassemblements et d'y veiller, j'ai cru ne pouvoir différer d'instruire l'Assemblée du fait dont tout annonçait la réalité.
« Je prie l'Assemblée de pardonner ce qui aurait pu être précipité dans cet acte de mon zèle,
« Je suis avec respect, etc...
« Le procureur général syndic du département de Paris,
Signé : Rcederer.
(L'Assemblée passe à l'ordre jour.)
Je demande que le commandant de la garde nationale soit mandé sur-le-champ à la barre pour rendre compte des ordres qu'il a donnés. (Applaudissements.)
M. Pétion (de la barre). Monsieur le Président, si l'Assemblée nationale désire être instruite de l'objet dont on vient de parler, je la prie de vouloir bien m'accorder la parole un instant.
Vous avez la parole.
M. Pétion. Messieurs, j'ai fait passer des ordres à M. le commandant général, pour qu'il doublât les postes, qu'il y eût une force imposante au château. J'ai cru que c'était là une mesure d'une extrême prudence. Ainsi la force s'y trouve remise par l'autorité constituée. Quant à la générale, j'ignore si elle a été battue.
Plusieurs membres : Non, non, elle ne l'a pas été!
M. Pétion. J'ignore si elle a été battue; mais ce qui me porte à croire qu'elle ne l'a pas été., c'est que je n'avais pas donné d'ordre à ce sujet à M. le commandant général. Voilà, Messieurs, les faits.
M. le maire vient de répondre à M. Guadet.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour,)
(La séance est levée à dix heures.)
Séance du
PRÉSIDENCE DE M. FRANÇAIS.
La séance est ouverte à dix heures. ,l/n de MM. les secrétaires annonce les dons patriotiques suivants :
1° Les employés au bureau de liquidation envoient 116 assignats de 5 livres, donnant un total de 580 livres, et 2 coupons de caisse de 3 livres.
2° Le sieur Lebroc, sergent-major de la 1*® compagnie du 1er bataillon de VYonne, offre 20 livres en assignats et 10 livres par jour sur sa paye.
3® Les juges, commissaire du roi et greffier du tribunal du district de Saint-Lô, département de la Manche, s'obligent, par leur délibération du 15 juin, de payer, dans le mois, 650 livres.
4° Les sieurs Gumiot, Digey, Ligoret, Guy an.et Florent Guyan, juges au tribunal du district de Semur-èn-Auxois,]et Simon, suppléant, s'obligent, conjointement avec le sieur Belin, greffier, de payer, savoir : les juges, le neuvième de leur traitement et le greffier, le sixième de son traitement.
5° La demoiselle Roussel- Vangen offre 40 livres en assignats.
6° Les citoyens volontaires nationaux des Hautes-Pyrénées, cantonnés dans le district du Gard, offrent un jour de leur paye en argent, pendant la durée de la guerre, suivant la lettre du sieur Medrano, lieutenant-colonel, écrite le 26 mai 1792,
(L'Assemblée accepte ces offrandes avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis aux donateurs.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture des 2 lettres suivantes :
1° Lettre des administrateurs du directoire du département de Rhône-et-Loire du 16 juin 1792, relative à une proclamation du roi, qui a cassé un arrêté dont l'objet était de sequestrer une somme de 300 livres au profit de la commune de Lyon ou de la Nation.
(L'Assemblée renvoie la lettre aux cohiités de législation et de l'extraordinaire des finances réunis.)
2° Lettre de M. Gaspard Toustaint, qui se plaint de la violation qu'on a faite de son domicile et de ce qu'il est menacé d'être arrêté.
(L'Assemblée renvoie la lettre au Pouvoir exécutif,)
. Nous n'avons que 8,000 hommes dans le département du Bas-Rhin, tandis qu'il y plus de 30,000 Autrichiens aux environs. Vous pouvez être assurés que de ce côté vous serez attaqués en très peu de temps. On tâche de fixer vos regards sur le JNord, tandis que vous devriez les fixer sur le Rhin. Je vous préviens, Messieurs, que l'on peut passer le Rhin très promptement malgré les garnisons qui sont là. Je vous prie donc de charger le Pouvoir exécutif de renforcer les garnisons de ce côté.
. Je demande que le ministre de la guerre soit tenu de rendre compte, séance
tenante, de la situation du département du^ Haut-Rhin.. {Applaudissements des tribunes.) Je propose que ces troupes soient augmentées des troupes soldées qui sont à Paris (Bravo ! Applaudissements des tribunes), et je demande l'ajournement de ma dernière proposition à l'heure de midi.
. Je renouvelle la proposition que j'ai déjà faite pour la recomposition des gardes françaises.
. J'appuie la motion de M. Delacroix, avec une addition néanmoins, c'est que ce compte rendu du ministre de la guerre soit fait par écrit.
. Les généraux se plaignent de ce
3ue leurs armées ne sont pas assez nombreuses ;
u côté de Strasbourg il n'y a pas de troupes suffisantes. Les troupes de ligne, qui sont à Paris, ne peuvent être déplacées sans un décret du Corps législatif : il faut donc rendre au Pouvoir exécutif la liberté que nous lui avons ôtée et il faut l'autoriser à disposer des régiments, qui sont à Paris, pour les envoyer aux frontières.
. Je crois que le Corps législatif doit se borner à donner au Pouvoir exécutif la faculté de disposer des régiments qui sont à Paris, sans se mêler d'en fixer la destination ; je crois qu'il faut laisser, à ce sujet, au Pouvoir exécutif toute la latitude de pouvoir qui lui est assurée par la Constitution. Je demande, enfin, que le ministre de la guerre soit tenu de rendre compte, séance tenante et par écrit, de l'état de nos forces dans les départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin, en distinguant celles qui sont en garnison et celles qui sont campées.
Plusieurs membres : L'Assemblée n'est pas assez nombreuse encore pour prendre une détermination, nous demandons que la discussion soit renvoyée à un autre moment.
(L'Assemblée décrète qu'elle est en état de délibérer et renvoie l'observation de M. Rtïhl au Pouvoir exécutif, en le chargeant d'en rendre compte dans la journée) (1).
(d'Angers), secrétaire, donne lecture des décrets sanctionnés le 19 juin 1792 :
Décret du 19 juin 1792, portant établissement d'une direction pour la fabrication des assignats;;
Décret du 28 septembre 1791, portant que la désertion, depuis le commencement de la Révolution, est comprise dans l'amnistie ;
Décret du 28 septembre 1791, qui charge l'administration forestière de la régie des forêts affectées aux salines.
. Je demande que le comité des décrets soit chargé de vérifier la date à laquelle ce décret du 28 septembre 1791 a été présenté à lajsanction et de voir si le Pouvoir exécutif, violant la Constitution, a voulu étendre l'amnistie à tous les officiers déserteurs, qui sont rentrés en France, en ne sanctionnant ce décret que le 19 juin.
(d'Angers), secrétaire. Le ministre de la justice observe, en note, que ce décret n'a été présenté à la sanction que le 18 de ce mois.
. Dans ce cas, je demande que le comité rende compte, séance tenante, des motifs qui ont
retardé la présentation du décret à la sanction.
. Je demande que le comité vérifie aussi la date de présentation de tous les décrets et de leur sanction ou du refus. Il faut que le Pouvoir exécutif fasse son devoir comme nous.
Un membre : Il y a au comité dès décrets un registre très en règle sur lequel on peut vérifier où l'on est à cet égard.
(L'Assemblée adopte la motion de M. Delacroix) (1).
Un membre demande que le comité de législation fasse son rapport, dans 3 jours, sur la cumulation des fonctions publiques exercées par le même citoyen.
(L'Assemblée décrète cette proposition.)
Une députation des citoyens de la section de l'Oratoire est admise à la barre.
L'orateur de la députation donne lecture de l'adresse suivante (2) :
Législateurs,
« La section de l'Oratoire vient déposer sur l'autel de la patrie le don des citoyens qui la composent. Elle a recueilli 9,495 1. 2 s. dont 121 1. 1 s. en argent, pour être employé aux frais de la guerre.
« Vous entendrez, sans doute, avec intérêt,
?u'une citoyenne nommée Petit, logée au 8 étage, découvrant une serviette, qui cachait un reste de pain desséché, dit à nos commis-missaires : « J'en ai encore assez pour aujourd'hui, voici un billet de 15 sols : oui, c'est le seul que je possède, je le donne à la patrie, recevez-le ; sans quoi, je ne serais pas satisfaite. »
« Une autre, donnant un billet de 40 livres, leur dit : « Je vous attendais, yoici tout ce que je possède, mais si vous avez encore besoin, je vendrai mon grabat, et je saurai coucher sur la paille. »
« Si la section de; l'Oratoire trouve au milieu d'elle de si bons citoyens, que ne devez-vous )as attendre de 24 millions de Français, dont es fortunes et l'existence sont à la patrie ?
« Législateurs, vous jouissez de notre confiance, de notre amour, parlez; s'il faut combattre, le dernier d'entre nous volera à la défense de la patrie, et s'il faut mourir, nous saurons mourir. »
« Signé : Delaplanche, Bonhomme, Vachette, Martin, Payen, Hubert, Vabois, etc.....»
répond à la députation et lui accorde les honneurs de la séance.
Un membre : Je demande l'impression de l'adresse, la mention honorable au procès-verbal et l'envoi aux 83 départements I
(L'Assemblée, après avoir accepté cette offrande avec les plus vifs applaudissements, en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis aux donateurs, puis décrète l'impression de l'adresse et son envoi aux 83 départements.)
donne lecture d'une adresse de plusieurs citoyens de Vauvert, district de Nîmes,
département au Gard, qui, voyant que la ville de
(L'Assemblée décrète la mention honorable de l'adresse.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une adresse de plusieurs citoyens de Metz, qui dénoncent l'incivisme du directeur de l'arsenal de cette ville et le danger de lui confier plus longtemps un poste aussi important. Cette adresse est ainsi conçue :
« Législateurs,
« Dans les circonstances où la France se trouve, rien n'est plus essentiel que la fidélité et le patriotisme des fonctionnaires publics ; c'est surtout dans une ville frontière au sort de laquelle tient peut-être le salut de l'Empire, qu'il faut être assuré des principes des chefs militaires. Il n'en est aucun dont le genre de commandement influe autant sur la conservation de la place, que le directeur de l'arsenal. Si donc un directeur de l'arsenal avait hautement manifesté des principes contraires à la Constitution ; s'il avait toujours été suspect aux citoyens et aux soldats; s'il avait été dénoncé avec fondement par cette partie de la force publique qui est plus immédiatement sous ses ordres; s'il avait négligé. avec affectation ou à dessein, les ouvrages les plus essentiels aux fortifications ; s'il avait employé les ouvriers à des ouvragés moins utiles et peut-être frivoles et étrangers à sa direction; s'il retardait le départ des courriers d'artillerie pour l'armée, sous prétexte que le nombre des chevaux destinés a son transport était insuffisant, et que néanmoins il en emploie à chaque pièce un nombre plus considérable que celui usité jusqu'à ce jour; s'il avait un fils dans le camp des émigrés, sans avoir lui-même le civisme de Brutus ; si, au contraire, ses sentiments inconstitutionnels, qu'il ne prendrait jamais la peine de dissimuler, avaient éveillé la crainte la plus vive dans l'âme de tous ceux qui aiment la liberté et qui connaissent les plans que les ennemis ont formés sur cette ville, il serait du devoir des bons citoyens de déclarer qu'un tel homme n'a jamais eu et ne mérite pas la confiance, et de demander son changement et son remplacement par un directeur plus disposé à remplir ses serments, et à garder les postes qui lui sont confiés, et il serait du devoir de. l'Assemblée nationale de leur accorder promptement l'objet de leur demande.
« Cet homme, Messieurs, est M; Derissan. Nous ne croyons pas la place et l'arsenal en sûreté, tant qu'il y aura quelque commandement. Si la Révolution est faite ailleurs que dans les choses, les preuves de patriotisme doivent seules donner des titres aux places, et nous ne connaissons M. Derissan que par son incivisme. Si nous avions dénoncé le lâche et traître Bouillé avant son évasion, nous aurions rendu un grand service à la patrie. Nous le pouvions, car il nous était suspect comme lé sieur Derissan. Si les officiers du sixième régiment d'artillerie et ceux de Royal-Allemand, qui ont déserté honteusement les drapeaux de la nation et volé son argent, étaient encore dans nos murs, nous demanderions leur renvoi, et nous rendrions encore
un grand service à la patrie, car ils seraient plus dangereux à Metz qu'à Côblentz.
« Législateurs, avec un peu de réflexion, on sent qu'il faut se défier de la bonne foi de tous les patriciens, et surtout ne jamais confier la défense des places à ceux qui, depuis la Révolution, ont signalé leur amour pour l'ancien régime. Songez qu'il n'est plus temps d'apporter des preuves et de provoquer les jugements contre les traîtres, lorsque les places sont livrées et les Empires détruits.
« Nous demandons formellement que M. Deris-san, directeur de l'arsenal, soit remplacé par un officier patriote. Si ce dernier n'est point mal intentionné, ainsi que nous le pensons, qu'il fasse le sacrifice de sa place à la tranquillité des citoyens de Metz, et qu'il ne s'obstine pas à répandre ici des terreurs que l'utilité de ses services ne saurait jamais balancer.
« A Metz, le 13, juin, l'an IVe de la liberté.
(Suit un grand nombre de signatures.)
. J'ai l'honneur de prévenir l'Assemblée qu'il s'est élevé des plaintes contre un chirurgien-major employé à Strasbourg. Le directeur des hôpitaux met toute la lenteur possible dans la préparation dés remèdes dont nos frères ont besoin. Je demande que le ministre soit directement responsable de tous les agents subalternes qu'il est obligé de faire marcher droit. Tous les jours un ministre vient vous dire : j'ai donné des ordres ; et lorsqu'un ministre patriote écrit à un général pour lui dénoncer les fautes des subalternes, on dénonce le ministre patriote. Je demande que le ministre de la guerre soit tenu de rendre compte de tous les détails qui se passent dans l'armée.
Un membre : Je demande qu'on ne s'écarte pas de la question, et qu'on renvoie la lettre dont il s'agit au pouvoir exécutif.
(L'Assemblée renvoie cette adresse au pouvoir exécutif, pour en rendre compte dans le plus bref délai.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une adresse de plusieurs citoyens dArras, par laquelle ils témoignent leurs regrets de ne plus voir au ministère les 3 ministres, Clavière, Servan et Roland, que le roi a remerciés au moment où l'on commençait à sentir les bons effets de l'harmonie qui existait entre le pouvoir exécutif et l'Assemblée nationale. ( Vifs applaudissements des tribunes.) Ils émettent le vœu que l'Assemblée adopte les mesures qui lui ont été proposées il y a quelques mois par M. Isnard, et annoncent que, dès que les législateurs le voudront, la nation se lèvera tout entière et prendra l'attitude imposante qui convient à un peuple libre. (Vifs applaudissements.)
Plusieurs membres : La mention honorable !
D'autres membres : L'ordre du jour !
(L'Assemblée décrète la mention honorable de l'adressé.)
, au nom du comité de marine,- soumet à la discussion un projet de décret sur les découvertes de M. Demàndresy curé de Donneley ; ce projet de décret est ainsi conçu (1) :
« L'Assemblée nationale, considérant les bons
« Art. 1er. Pour indemnité des travaux et des voyages que le
sieur Demàndres a faits en diverses circonstances par ordre du gouvernement, il recevra une
pension viagère de 3,000 livres sur les fonds destinés à l'èncouragement des arts.
« Art. 2. La proposition faite par ce mécanicien de se rendre entrepreneur des travaux publics, où il établira le mécanisme qu'il a imaginé, est renvoyée au pouvoir éxécutif, pour être acceptée s'il y a lieu, et servir au sieur Demàndres de dédommagement pour les frais et les expériences qu'il a faits sans réquisition, et pour l'abandon par lui fait à la nation du privilège exclusif qui lui avait été donné par ie roi le 30 septembre 1791. »
Un membre : Je demande la question préalable sur le projet de décret du comité de la marine : ce n'est point à l'Assemblée à statuer sur de pareilles indemnités.
. Aux termes de la Constitution, c'est au pouvoir exécutif à faire dresser la liste des pensions et à statuer sur les indemnités réclamées. Ce serait violer la Constitution que d'accorder nous-mêmes ce que sollicité M. Demàndres, sans avoir un garant responsable. Si ce prêtre, par ses travaux, mérite une pension, il doit se retirer auprès du pouvoir exécutif, pour être classé au nombre de ceux que le roi doit désigner chaque année au Corps législatif devoir en mériter. Je damande le renvoi au pouvoir exécutif.
Un membre : L'Assemblée ne saurait oublier tous les travaux et services utiles rendus à la patrie par M. Demàndres et l'état de dénuement dans lequel il se trouve pour avoir fait tous ces travaux à ses frais et sous la foi qu'ils lui seraient payés par le gouvernement. J'appuie le projet de décret du comité de la marine.
Un autre membre ; Sans méconnaître la vérité et tout en rendant justice à la réalité des travaux et du génie de M. Demàndres, je demande que la pension soit réduite à 2,000 livres.
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Plusieurs membres : La question préalable I
(L'Assemblée, consultée, repousse la question préalable.)
D'autres membres : Nous demandons la priorité pour le renvoi au pouvoir exécutif !
(L'Assemblée accorde la priorité à la motion de renvoyer au pouvoir exécutif, puis l'adopte.)
Suit le texte définitif du décret rendu :
« L'Assemblée nationale renvoie au pouvoir exécutif la demande du sieur Demàndres, pour
y faire constater l'indemnité des travaux et voyages qu'il prétend avoir faits et pour y réclamer une pension, s'il y a lieu; renvoie également la proposition faite par ce mécanicien d'entreprendre, avec ses machines, les travaux publics, à la charge par le pouvoir exécutif d'en rendre compte, dans la quinzaine, au Corps législatif. »
Une députation des citoyens du district de Beauvais est admise à la barre.
L'orateur de La députation donne lecture de l'adresse suivante (1) :
« Représentants de la nation,
« Nous n'avons pu résister au désir de vous offrir notre hommage.
* La municipalité de Beauvais nous envoie, pour ramener, sous notre escorte, 4 pièces de canon, que la commune destine à repousser les ennemis de la patrie.
« Un négociant de Bulles, M. Caron, a donné 1,20(1 livres pour en fabriquer un cinquième; les citoyens et citoyennes de Beauvais se sont empressés de fournir le surplus, car nous voulons tous la liberté.
« Nous avons nommé celui-ci, l'Ami de la Constitution.
« Soyez sûrs qu'avec eux et nos piques, nous rendrons bon compte des amateurs des deux Chambres, et de tous ceux qui voudraient porter atteinte à cette Constitution que nous avons juré de maintenir.
«Législateurs!
« Soyez calmes au milieu des orages. C'est à nous à vous en garantir.
« Dictez ces lois qui doivent assurer notre bonheur, et nous vous répondons de leur entière exécution.
« Le district de Beauvais présente des administrateurs et des municipalités patriotes; 12,500 hommes forment la garde nationale.
« Faut-il aider nos frères de Paris? Dites un mot, nous volons à vos ordres. »
(Suivent les signatures, au nombre de 133).
répond à la députation et lui accorde les honneurs de la séance.
. Je demande l'impression de l'adresse et l'insertion au procès-verbal avec mention honorable.
(L'Assemblée, après avoir accepté ces offrandes avec les plus vifs applaudissements, décrète l'impression de l'adresse et l'insertion, avec mention honorable au procès-verbal.)
Une députation des citoyens de la section des Enfants-Rouges est admise à la barre.
, L'orateur de la députation donne lecture de l'adresse suivante (2) :
.«Législateurs,
« Deux orages menacent la France ; l'un éclate déjà sur nos frontières, l'autre se forme
sourdement au milieu de nous.
«'A cette première offrande de leurs bras, et surtout de leurs cœurs à la patrie, les citoyens de la section des Enfants-Rouges joignent celle d'une somme bien modique sans doute; elle eût été plus considérable si le riche eût donné son or avec autant de générosité .que la veuve a mis d'empressement à nous apporter son denier.
« Que nous importe cependant ? N'avons-nous pas du fer à vous offrir pour de l'or? ^ « Un étranger disait à Agésilas : « Où fixez-« vous les bornes de la Laconie? » Au bout de nos piques, répondit le Lacédémonien. Et le peuple français aussi, puisque les despotes l'y forcent, ne fixera pas d'autres bornes à l'empire de la liberté.
« Nous déposons sur le bureau la somme de 1,1151. 17 s. ( Vifs applaudissements. — L'orateur dépose sur le bureau 41 l. 12 s. en espèces et 1,074 l. 5 s. en assignats.)
répond à la députation et lui accorde les honneurs de la séance.
Un membre Je demande la mention honorable et l'insertion de l'adressé au procès-verbal.
(L'Assemblée décrète la mention honorable de l'adresse et son insertion au procès-verbal.)
Un db MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre de M. deChambonas, ministre des affaires étrangères, datée du 22 juin 1792, relative à l'admission dans nos armées d'officiers étrangers.
(L'Assemblée renvoie la lettre au comité militaire, avec ordre d'en faire le rapport sous trois jours.)
. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion (1) du projet de décret du comité de législation sur le mode par lequel les naissances, mariages et décès seront constatés.
déclare qu'il attendra pour présenter ses vues que l'Assemblée ait accordé la priorité à un des projets de décret présentés.
. Je fais une motion d'ordre : c'est d'accorder la priorité à l'un des projets de décret présentés et de le discuter ensuite article par article.
. Comme vous avez entendu des discours étendus sur cette matière et que les opinions de
l'Assemblée me paraissent fixées sur les principes, je demande d'abord que la discussion soit
fermée. En second lieu, je propose de substituer à la motion de M. Delacroix la motion
suivante. La Constitution vous a chargés également de désigner les officiers qui recevraient
et conserveraient les actes relatifs à l'état civil des citoyens. Quel sera ce mode,? quels
seront ces officiers? Voilà, Messieurs, les deux questions; mais la première dépend de la
seconde. Il faut nécessairement que vous déterminiez quels seront les officiers; il faut que
la discussion se bornç à ce premier point : car il est impossible de vous présenter un mode
que l'on ne parle de la supposition qu'il y a tels ou tels officiers. J'ai étudié cette
matière, et je crois que ceux qui l'auront étudiée également sont d'accord qu'il est
impossible que vous
(L'Assemblée adopte la proposition de M. Du-castel.) ;
(1) combattent le projet du comité de législation, en ce qu'il attribue la fonction de tenir les- registres des naissances, mariages et baptêmes aux municipalités. Le premier demande que le soin de constater l'état civil des citoyens soit confié aux juges de paix, le second aux notaires.
. La question qu'il s'agit de discuter est celle-ci : A qui accorderons-nous les fonctions de constater l'état civil des citoyens? On a proposé d'accorder ces droits aux juges de paix : cette mesure ne me paraît point adoptable en ce que les juges de paix, surchargés de fonctions indispensables et pressantes, se trouveront souvent empêchés dans l'exercice des fonctions qu'il est question de leur attribuer, et dans le nombre desquelles il en est qu'il est indispensable de remplir à l'heure même. Sous ce rapport je crois donc qu'il serait inconvenant de charger les juges de paix de constater les naissances, mariages et décès des citoyens.
Sera-ce aux notaires que vous les déléguerez? L'établissement des notaires n'est pas encore assez certain. D'ailleurs, il est des cantons où la position des notaires ferait courir aux citoyens les mêmes inconvénients que les juges de paix par leur éloignement. Je crois donc que les notaires ne valent pas mieux que les juges de paix.
Venons aux instituteurs. Si l'Assemblée eût décrété les bases relatives aux instituteurs, cette mesure peut-être alors pourrait convenir ; mais décréter que les instituteurs seront chargés de ces fonctions avant que les instituteurs soient établis, c'est arriver ae la conséquence au principe. Maintenant, pour constater 1 état civil, il ne vous reste plus que les municipalités qui, sous tous les rapports, paraissent les seules à qui vous puissiez confier ce soin.
D'abord elles sont élues par le peuple; elles le représentent et font fonction de corps
administratif. En second lien, les municipalités sont sur les lieux et sont plus à portée de
faire les actes qui exigent la plus grande célérité, 11 n'y aurait, Messieurs, qu'un
inconvénient à prévoir, c'est que beaucoup de municipalités ne sont pas capables de constater
l'état civil. Eh bien, si l'inconvénient peut être levé, alors les municipalités peuvent et
doivent être chargées de cette fonction. Je dis que l'inconvénient peut être levé en laissant
aux municipalités le droit de choisir celui qui devra recevoir ces actes. Le principe posé,
on demande qui le payera. Par qui doit-il être payé? Il faut qu'il le soit par la nation. Sur
quoi doit être prise cette somme? Moi, je crois qu'elle doit être prise en diminution du
traitement des curés. (Murmures à droite.) Sous l'ancien régime les curés avaient un double
traitement; l'un légitime, l'autre usurpé. Le légitime était la portion congrue qui était de
700 livres et qui leur était payée par les ci-devant privilégiés; l'usurpé qui était le
casuel. L'Assemblée constituante a cru devoir ne plus laisser subsister cette espèce de
bénéfice que Messieurs les curés prenaient sur les naissances, mariages et décès. En
conséquence, l'Assemblée constituante a augmenté la
. Messieurs, on demande la priorité pour le projet de faire constater les naissances, mariages et décès par les officiers municipaux, ou par les préposés des officiers municipaux. C'est cette proposition que je vais combattre,
Quels sont les avantages que vous devez chercher dans le mode que vous choisirez pour constater les naissances, mariages et décès? 1° Que les naissances, mariages et décès soient constatés d'une manière telle qu'il ne puisse s'introduire d'erreurs propres à rendre inutile la mesure que vous auriez prise; que les hommes chargés des registres soient capables d'en tirer avantage pour la société ; qu'ils soient suffisamment instruits. Il est assez généralement connu qu'il y avait un grand nombre de municipalités qui ne sont point instruites d'une manière suffisante pour pouvoir exercer les fonctions qu'on veut leur attribuer. Mi Lagrévol vous proposait qu'elles pussent, dans ce cas, se faire suppléer par un individu. 11 est très difficile, dans les campagnes, de trouver un individu qui puisse faire ce travail. Il est indubitable qu'il pourrait très bien se faire que les officiers municipaux voulussent en gratifier leurs amis au préjudice des personnes capables de le faire, et leur donnassent la préférence sur ceux qui en seront le plus capables, puisqu'il y aura maintenant des émoluments attachés à ces fonctions. D'ailleurs c'est un double emploi, c'est un nouvel ordre de fonctionnaires publics que vous créez; or il faut économiser les fonds publics et ne pas multiplier les êtres sans nécessité.
Je n'examinerai pas la proposition de M, Lagrévol, et je pense que l'Assemblée ne doute pas qu'il est impossible d'interpréter jusqu'à ce point l'article de la Constitution relatif aux titulaires ecclésiatiques actuels; l'Assemblée les ayant privés de leurs biens, les a déclarés chacun créanciers, les curés d'une pension de 1,200 livres et les évêques d'une de 12,OOCf livres.
Je reviens au rapport de M. Gohier, qui me paraît réunir tous les avantages; et je pense avec lui que les instituteurs des écoles primaires seront les hommes qui pourront exercer ces fonctions avec le plus d'exactitqde et de régularité, et cela sans augmentation de salaire. On me dit que l'institut national n'existe pas encore ; mais n'est-il pas certain que vous ne pouvez vous dispenser de rétablir, puisque cela vous est formellement prescrit par la Constitution? D'après le projet qui vous a été proposé par votre comité d'instruction publique, il y aura au moins un instituteur à raison de 500 habitants, en sorte qu'il n'aura au plus que 4 ou 5 opérations par mois. J'y trouve enfin, outre l'avantage de l'économie et de l'exactitude, celui de procurer aux instituteurs publics, très essentiels dans la législation, un caractère de magistrature ; et à
cet égard je rappellerai à l'Assemblée qu'elle a accueilli avec transport la proposition qui lui a été faite de décréter que ces instituteurs publics seraient considérés comme fonctionnaires publics. Or, y a-t-il un moyen plus propre de les faire jouir de ce caractère tde magistrature que de leur confier la fonction essentielle, la commission vraiment civile, de constater les naissances, mariages et décès?
. Ondoit convenir et on convient de ce premier point j c'est que ces officiers municipaux seront préférables, si en tous lieux ils sont capables d'exécuter la loi. On doit encore convenir d'un autre point, c'est que, si le mode est simple, les officiers municipaux en seront capables ; et que, si le mode est compliqué, ils n'en seront pas capables, surtout dans les municipalités rurales. Il s'agit donc de voir si le mode que l'on vous propose sera assez simple. Mais, enfin, si vous ne nommiez pas ces officiers municipaux, il faudrait nécessairement prendre un autre individu. Or, en prenant un individu, il y a cet inconvénient considérable à craindre : c'est qu'il peut s'absenter, c'est qu'il peut être malade ; c'est qu'il faut le suppléer, et par les officiers municipaux. Or, si dans ce cas les officiers municipaux peuvent le suppléer, ils peuvent donc en être capables.
f D'ailleurs, une réflexion me paraît tranchante. On donnera des modèles à la municipalité, des extraits tout rédigés. L'officier municipal n'aura que sa signature à mettre.
Les instituteurs encore seront une ressource ; ils se trouveront dans les paroisses ; ils deviendront alors scribes ; ils le sont déjà dans leurs paroisses. Les officiers municipaux s'en servent : les maîtres d'école même pourront aussi les suppléer ; et quoiqu'on puisse prétendre que dans des paroisses il y a des officiers municipaux absolument ignares, cependant ils sont chargés de fonctions très importantes, de lois difficiles à entendre. 11 est possible véritablement qu'ils fassent des fautes ; mais il sera possible d'y suppléer, et bientôt on apprendra, au moyen des modèles, à constater les naissances, mariages et décès.
. L'opinion est généralement fixée. On ne peut pas s'empêcher de reconnaître que, suivant tous les principes, le droit de constater l'état des citoyens doit appar-ténir aux officiers municipaux. On a observé que dans quelques communes les officiers municipaux ne devaient pas pouvoir déléguer : on a levé parfaitement cette objection, en disant qu'alors ils pourraient avoir le droit de déléguer. Je demande, Messieurs, que pour ménager les moments de l'Assemblée, elle se borne à décréter aujourd'hui la proposition que les officiers municipaux constateront l'état civil des citoyens, soit par eux-mêmes, soit avec le pouvoir de déléguer (Murmurés.) et qu'elle renvoie les dispositions au comité de législation, pour en rapporter sous 3 jours la rédaction.
. Il faut d'aborçl charger les fonctionnaires qui reçoivent les actes de constater l'état civil des citoyens. Je demande que l'Assemblée décrète comme principe, à compter du jour de la publication du présent décret, que l'état civil des citoyens sera constaté par des actes reçus par des officiers civils. Voilà le premier principe à décréter
. Voici ma rédaction : « Les municipalités recevront et conserveront à l'avenir
les actes de naissances, mariages et décès. »
Plusieurs membres : Aux voix !
(L'Assemblée décrète qu'elle est en état de délibérer définitivement, puis adopte la rédaction de M. Ducastel qu'elle renvoie au comité de législation pour les détails.)
. Je demande que la discussion du projet de décret pour constater l'état civil des citoyens soit quotidiennement mis à l'ordre du jour jusqu'à ce qu'il soit terminé. £
(L'Assemblée adopte cette proposition.)
, au nom du comité des décrets, donne lecture d'un rapport sur les causes qui ont retardé l'envoi à la sanction des deux décrets relatifs à l'amnistie des déserteurs rentrés en France depuis le commencement de la Révolution, et à l'administration forestière, rendus par l'Assemblée constituante le 28 septembre 1791; il s'exprime ainsi:
Messieurs, les deux décrets dont le ministre de la justice a envoyé la note à l'Assemblée, portent tous les deux la date du 28 septembre 1791 ; les expéditions de ces 2 décrets n'ont été irésentés à la sanction que le 18 de ce mois, e crois pouvoir distinguer cet objet en deux époques : A la fin de la session de l'Assemblée nationale constituante, il a été impossible de suivre l'ordre qu'on aurait voulu établir. L'Assemblée nationale se rappelle, sans doute, que l'Assemblée constituante, désirant de mettre ces objets à jour, avait nommé particulièrement MM. Camus, Gaultier de Biauzat et Bouche pour signer ces décrets ; ils avaient été envoyés au ministre de la justice, qui, remarquant que plusieurs d'entre eux n'étaient point revêtus de ces signatures, les envoya à l'un de ces commissaires ; les reprenant ensuite pour les porter lui-même à la sanction, et sans l'intermeoiaire des commissaires établis à cet effet, ordre qui a été suivi depuis l'installation de l'Assemblée nationale législative; dès lors, Messieurs, l'Assemblée nationale concevra aisément que son comité des décrets actuel ne peut être responsable de ce genre d'omission.
Vient la seconde époque. Vous avez chargé, depuis environ trois semaines, votre comité des décrets de la surveillance particulière et de la rédaction des procès-verbaux ; déjà, messieurs, votre comité s'est occupé des moyens de rétablir l'ordre dans cette partie. Il existe des registres ; j'en ai fait déposer un sur le bureau, qui attestera que cet ordre s'est suivi avec constance ; j'ajouterai, Messieurs, qu'à l'inspection de ce registre on pourrait remarquer que les derniers décrets enregistrés portent la date du 30 avril. Mais, Messieurs, je dois observer à cet égard que le comité des décrets est obligé d'attendre l'impression et l'envoi des procès-verbaux, afin de pouvoir opérer cet enregistrement avec la régularité et l'exactitude qui^st nécessaire. J'ajouterai encore une réflexion, c'est que votre comité des décrets n'a pu cependant encore mettre au
? lacement de ces décrets l'ordre qu'il désire, atteste à l'Assemblée nationale, qu'au moyen de quelques secours extraordinaires que les circonstances autorisent, on pourrait facilement combler l'arriéré qui existe ; ce secours extraordinaire et momentané peut se borner à 3 ou 4 commis expéditionnaires, car il serait impossible de faire la besogne courante et extraordinaire avec le même nombre de commis qui existe, et d'expédier les décrets qui sont rendus.
J'atteste à l'Assemblée nationale qu'avant 15 jours tout sera au courant. Je lui propose donc d'adopter le projet de décret suivant :
« L Assemblée nationale autorise son comité des décrets à employer le nombre qu'il jugera convenable de commis expéditionnaires, extraordinaires, pour combler au plus tôt l'arriéré de l'expédition des décrets. »
. J'observe à l'Assemblée qu'il y a dans ses comités beaucoup de commis qui ne font rien, et il n'en coûtera pas plus à la nation de prendre ces messieurs pour faire ces expéditions. Il suffît que MM. les insecteurs de la salle fournissent au comité des écrets le nombre de commis qui lui sera nécessaire.
. L'Assemblée est satisfaite des explications qu'elle a entendues. (L'Assemblée, consultée, adopte les deux pro-ositions de M. Brémontier et de M. Voysin de artempe.)
Un de MM. les secrétaires annonce le don patriotique des président, administrateurs et procureur-syndic du district de Nantes, qui envoient 600 livres en assignats.
(L'Assemblée accepté cette offrande avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis aux donateurs.)
, au nom du comité de législation, soumet à la discussion un projet de décret sur les lettres de grâce, de commutation de peines et sur Vexécution des jugements criminels ; ce projet de décret est ainsi conçu (1) :
Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, considérant que l'usage des lettres de grâce n'est aboli que pour les crimes poursuivis par voie de jurés, qu'il doit être encore suivi pour toutes les procédures dont les formes moins prévoyantes ont pu compromettre l'innocence et égarer la justice, qu'il est important que ceux qui sont dans le cas de les obtenir ne languissent pas plus longtemps dans l'attente d'un secours que l'humanité leur réserve;
• Considérant aussi que ceux des condamnés qui ont mérité la peine de mort et dont les jugements sont antérieurs à la promulgation des nouvelles lois, ne doivent pourtant la subir que par le mode d'exécution qui rend la punition aussi exemplaire pour la société, mais moins rigoureuse pour les individus, décrète qu'il y a urgence.
Décret définitif.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète :
« Art. 1er. Le pouvoir exécutif continuera de délivrer des
lettres de grâce, de commutation de peines, de réunion, d'abolition de procédures, jde rappel
des galères ou de prison perpétuelle, dans tous les cas où il les jugera nécessaires, et
seulement, dans les procès instruits par les formes antérieures à l'établissement du juré.
« Art. 2. Ceux qui ne seront pas dans le cas de les obtenir et qui auront été condamnés par
des
« Art. 3. Le présent décret sera porté, dans le jour, à la sanction du roi. »
Messieurs (1), je combats le projet du comité de législation, et propose, pour arriver au même but, un mode qui vous paraîtra peut-être plus d'accord avec les principes de la Constitution.
On connaissait, sous l'ancien régime, quatre espèces de grâce; abolition, rémission, commutation et rappel. Votre comité les confond ; moi, je les distingue. Quelques développements vont vous prouver combien cette distinction est ici nécessaire.
Les lettres d'abolition ne s'accordaient que lorsqu'il y avait peine de mort, et pour crimes irrémissibles. C'étaient de véritables lettres de grâce. L'abus de l'autorité en avait introduit l'usage, l'abus le dirigeait; et, par un étrange renversement de toutes les idées, il était reçu comme règle en grande chancellerie où ces lettres s'expédiaient, qu'il fallait moins, pour les accorder, prendre en considération les circonstances du délit que la qualité de la personne. Ainsi un homme dit de naissance, parvenait à faire effacer, par une fiction que l'aveugle préjugé soutenait, jusqu'à la mémoire de son crime, tandis que pareil crime conduisait, le même jour, celui qui n'était qu'un homme à l'échafaud ou au gibet. Ce n'est pas sans éton-nement que j'ai vu reproduit dans le projet du comité l'usage des lettres d'abolition, comme encore possible. Il ne saurait l'être, sans doute, dans un gouvernement libre. La loi peut quelquefois, pour des causes importantes à l'ordre social, accorder un pardon commun à une universalité d'individus, que des circonstances d'une force en quelque sorte majeure ont précipitamment entraînés au crime, C'est le cas de l'amnistie. Mais la loi ne pourrait, sans blesser son essence, accorder le pardon à tel ou tel coupable, et le dérober ainsi, par une exception spéciale, à la peine qu'il aurait encourue. La peine doit être égale pour tous ; c'est à la loi a la prononcer; c'est aux juges institués par le peuple, et à eux seuls, qu'il appartient d'en faire l'application. Je demande donc la question préalable sur le projet en tant qu'il frappe sur les lettres d'abolition.
Mais il est des délits matériels qui n'ont que l'apparence du délit, sans en avoir le
caractère. Tel est l'homicide involontaire, l'homicide commis par nécessité d'une légitime
défense. La loi ne distinguait pas; elle prononçait peine de mort. Les lettres de rémission
remédiaient à ce défaut, qu'on aimait sans doute à voir exister pour entretenir dans les
esprits l'idée de la toute-puissance de celui qui s'élevait, en les accordant, au-dessus de
la loi. Mais depuis que la loi a repris son empire exclusif, depuis que les jurés ont à
déclarer, non seulement si l'homicide a été commis, si l'accusé en est l'auteur, mais à
déclarer, en outre, lès circonstances qui l'ont pu rendre nécessaire ou légitime et qu'enfin
dans le cas où des lettres du prince faisaient autrefois remise de la peine, le tribunal
déclare aujourd'hui, au nom de la lbi, le prévenu acquitté; la juste prévoyance de la
législation a
11 en est de même des lettres de commutation.
Un code barbare exigeait cet adoucissement; puisque le despotisme se croyait intéressé à ne point réformer l'intolérable "disproportion qui subsistait entre les délits et les peines. Mais aujourd'hui que la peine est graduée à raison des circonstances qui rendent le délit plus ou moins excusable, l'usage de pareilles lettres ne peut plus subsister, la loi a tout prévu, a satisfait à tout; il ne s'agit que de l'appliquer.
Cependant le nouveau code du 29 septembre 1791, ne devait, suivant son propre texte, concerner que les procès à instruire, en conséquence de ses dispositions, par voie de jurés; et par une suite indispensable, le remède qu'apportait à l'abus des anciennes formes et à la rigueur des lois anciennes les lettres de grâce dont je viens de parler, est demeuré nécessaire.
Mais il a dû cesser d'être réclamé du jour où les tribunaux de district purent appliquer, même aux délits poursuivis suivant les anciennes formes, les dispositions de la loi nouvelle. Les peines ainsi rendues proportionnées aux délits, plus de rémission, plus ae commutation, en un mot plus de grâce. Je propose, en conséquence, par un premier article, de décréter l'usage de ces lettres aboli, à dater de la publication de la loi du mois de janvier dernier, par laquelle vous avez enjoint aux juges de districts d'appliquer les dispositions du Gode pénal nouveau aux procès instruits autrement que par jurés.
Et néanmoins, comme il peut se faire qu'il y ait des jugements antérieurs à cette époque, qui réclament pour les condamnés le juste bénéfice de la rémission ou d'un adoucissement, il est juste d'examiner par qui ce secours doit être accordé.
Ou c'est un acte de la puissance souveraine, ou c'est un acte de justice. Dans l'un comme dans l'autre cas, il répugne d'en référer au pouvoir exécutif la dispensation arbitraire, je ne puis donc adhérer à l'avis de votre comité.
Remettre une peine, lorsqu'elle n'a pas été encourue, en modérer par la commutation l'excessive sévérité, c'est sans contredit une justice rigoureuse. A la loi seule appartient de déterminer le caractère auquel on reconnaîtra le crime, ainsi que la mesure de la peine à y appliquer. Un tribunal quelconque doit faire cette application.
J'ai cru que la loi actuelle n'ayant fait, sous ce double rapport, que déclarer des principes d'une éternelle justice, il convenait d'en faire la base des lettres de rémission ou de commutation que l'on pourrait avoir à accorder à l?é-gard des jugements antérieurs au décret du mois de janvier ; j'ai cru qu'un tribunal unique et supérieur convenait pour l'application; j'ai cru enfin que la délivrance des lettres, d'après l'acte déclaratoire de la loi, rendu par le tribunal, était le seul qui fût du ressort du pouvoir exécutif. — En conséquence, je propose pour les cas de rémission et de commutation, je propose, dis-je, le décret suivant :
premier projet de décret
Sur les lettres de grâce ou rémission et de commutation de peine.
Art. 1er.
«La loi du... janvier 1792 enjoignant aux
juges de district d'appliquer, dans les procès instruits autrement que par voie de jurés, les peines portées par le Code pénal, l'usage des lettres de grâce, de commutation, de rémission, d'abolition, de rappel et de tous actes quelconques tendant à empêcner ou à suspendre l'exercice de la justice criminelle, est et demeure abrogé pour tous crimes indistinctement à compter du jour de la publication de ladite loi du... janvier dernier.
Art. 2.
« A l'égard des jugements rendus en dernier ressort avant l'époque ci-dessus désignée, les condamnés pourront se pourvoir, soit en rémission, soit en commutation de peines, pour les causes et de la manière ci-après.
Art. 3.
« Il y aura lieu à rémission pour les cas où, d'après" les lois pénales actuellement en vigueur, il n'y aurait eu lieu, eu égard aux circonstances de l'action, de prononcer aucune peine.
Art. 4.
« 11 y aura lieu de commuer la peine, et de la réduire aux proportions déterminées par les lois pénales actuelles, dans les cas où, à raison des circonstances atténuantes du délit, celle portée par le jugement de condamnation se trouverait excéder lesdites proportions.
Art. 5.
« Les cas de rémission ou de commutation de peines seront vérifiés et déclarés par le tribunal de cassation, sur le vu du jugement, même des procédures, si le cas l'exige.
Art. 6.
« Lorsque le tribunal, en vertu de l'attribution ci-dessus, aura déclaré qu'il y a lieu, soit à rémission, soit à commutation, il en sera délivré lettres conformes par le pouvoir exécutif,, qui les adressera sans délai au tribunal de district chargé de faire exécuter le jugement de condamnation.
Art. 7.
« Si, au contraire, le tribunal de cassation déclare qu'il n'y a lieu, soit à rémission,
soit à commutation, le jugement de condamnation sera exécuté dans les 24 heures qui suivront
la notification du rejet de la requête au condamné (1) ».
Cette espèce de grâce s'accordait, sous l'ancien régime, avec une facilité que justifiait, que commandait même en quelque sorte la rigueur d'une peine que sa durée infinie rendait souvent plus insupportable que le dernier supplice.
L'humanité et la philosophie ont rendu ce remède inutile pour l'avenir; le mal n'existe plus. Il n'existe plus de peine perpétuelle. Les fers, la gêne, la réclusion, auront un terme. Je pense que les motifs qui ont fait consacrer ce principe dans'le nouveau Code pénal, doivent déterminer en faveur des malheureux condamnés avant sa promulgation aux galères ou à la prison pour toute leur vie.
Mais aussi l'intérêt de la société réclame, en permettant cet acte tout à la fois de bienfaisance et de justice, qu'il soit appliqué de manière que la sûreté générale n'en soit pas compromise.
La justice elle-même veut une gradation dans la mesure de grâce correspondante à la gradation des délits dont elle doit avoir pour objet de modérer la punition. Je n'ai pas cru, Messieurs, que ce fût ici le moment des détails dont cette mesure peut être susceptible. Il suffira du principe; si vous l'adoptez, vous en renverrez le soin à votre comité de législation. Je me contenterai donc de vous proposer, sur le rappel, l'arrêté suivant.
Second projet de décret Non sujet à sanction,
Sur les lettres de rappel de galères ou de prison perpétuelle.
« L'Assemblée nationale, désirant faire participer tous les Français au bienfait des lois nouvelles, et considérant que lorsque la perpétuité des peines afflictives est généralement abolie, la justice et l'humanité réclament un terme à celles de galères et de prisons prononcées d'après les lois précédemment en vigueur;
« Charge son comité de législation de lui proposer incessamment une loi qui concilie
l'application du principe de la non-perpétuité des peines afflictives aux condamnés par
jugements antérieurs au nouveau régime pénal, avec les mesures indispensables à la sûreté
publique. » ( Vifs applaudissements.)
(L'Assemblée décrète l'impression du discours et du projet de décret de M. Goujon et prononce l'ajournement de la discussion.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre de M. Lajard, ministre de la guerre, par laquelle il rend compte des troupes et forces effectives qui se trouvent actuellement dans les départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin, Elles sont de 46,195 hommes.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité militaire.)
M. Guyton-Morveau, rapporteur de la commission "extraordinaire des Douze, demande la parole pour un décret urgent.
(L'Assemblée décide qu'il sera entendu à l'instant.)
, au nom delà commission extraordinaire des Douze, fait un rapport et présente deux projets de décret tendant à mander les ministres pour leur faire rendre compte des mesures que le roi a dû prendre, sous leur responsabilité individuelle, pour la sûreté de l'Empire; il s'exprime ainsi :
Messieurs, votrecommission extraordinaire des Douze n'a pas perdu un moment à s'occuper des objets importants que vous avez renvoyés à son examen. Son travail n'est pas assez avancé pour qu'elle puisse vous présenter le rapport qu'elle doit faire, relativement aux diverses mesures que les circonstances présentes exigent ; mais il est une mesure en quelque sorte préparatoire, que votre commission croit devoir vous proposer sur-le-champ, et qui produira le double effet, et de donner à la commission des bases pour diriger son travail, et de donner à la France entière des preuves de la confiance et de la fermeté avec laquelle elle va s'occuper des moyens de rétablir l'ordre et de raffermir la liberté. Il s'agit d'appeler les ministres, et de leur ordonner à tous, en présence de tous, comme formant le censeil du roi, de vous rendre compte des mesures que le roi a dû prendre, sous la responsabilité individuelle de chacun d'eux, pour la sûreté de l'Empire. Voici les deux décrets qu'elle vous propose :
Premier décret.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de la commission extraordinaire, dé-Crète que les ministres du roi se rendront demain à midi à l'Assemblée, et que le présent dé-cretsera sur-le-champ envoyé a chacun d'eux. »
Second décret.
« L'Assemblée nationale décrète que lorsque les ministres du roi se seront rendus à sa séance en exécution du précédent décret, le Président leur fera connaître en ces termes, les intentions de l'Assemblée.
« Deux objets urgents de la plus haute importance excitent en ce moment la sollicitude du Corps législatif.
« Le premier est la nécessité d'arrêter les troubles excités par le fanatisme; le second est l'intérêt pressant de placer une armée de réserve entre les frontières et Paris.
« Le roi est chargé, par la Constitution, de veiller à la sûreté générale de l'Etat : l'Assemblée nationale vous ordonne de lui rendre compte par écrit, à sa séance de demain, des mesures qui ont été prises pour y pourvoir.
(L'Assemblée adopte successivement ces deux projets de décret.)
, au nom du comité de Vordinaire des finances propose, en conséquence des observations soumises à l'Assemblée par le ministre de l'intérieur (1), de rapporter le décret qui fixe le traitement des premiers commis des bureaux des ministères à 8,000 livres (2), et de porter ce traitement à la somme de 10,000 livres.
Vous avez, par un premier décret, réduit le traitement des ministres à 50,000 livres, et c'est à l'époqué où la France voyait pour la première fois, depuis la Révolution, des ministres patriotes, que vous avez prononcé ce décret. Ainsi, Messieurs, ce ne sont pas les intérêts individuels, mais la chose publique que vous avez considérée. Tels doivent être et; tels seront toujours les motifs et la marche invariable des vrais représentants de la nation.
Cependant, quelque sage que soit cette réduction, qui, à mes yeux, n'est pas encore assez forte, quelques personnes, de celles-là même dont l'opinion n'est nullement suspecte, ont paru S'en alarmer. Je demanderai, par quels signes,
{>ar quels caractères de représentation extérieure es fonctionnaires publics, et notamment les ministres, doivent s'annoncer? Est-ce par la somptuosité de leur table, où une foule de parasites viendraient chaque jour se corrompre et s'avilir? Est-ce parla magnificence de leur mobilier ou par la richesse de leurs équipages? Non, Messieurs... Que les ministres se fassent connaître par la fermeté de leur administration, par la loyauté de leur conduite, par la pureté de leurs mœurs; qu'ils gardent constamment ces caractères sacrés,, et sans s'enquérir quel est leur traitement, quel est le nombre de leurs valets, l'Europe entière s'apercevra qu'ils représentent dignement la nation française.
Ceci s'applique parfaitement aux chefs de bureau et à tous les ! citoyen s salariés des deniers publics.
Le ministre de l'intérieur et votre comité des finances, d'accord avec lui, demandent le rapport du décret qui a fixé à 8,000 livres le maximum du traitement des premiers commis. L'un et l'autre désirent que Ce traitement soit porté à une Somme beaucoup plus forte.
Je demanderai pourquoi chez un peuple libre qui a donné pour base à la Constitution,
l'égalité des droits, égalité qui ne peut se soutenir que par une tendance continuelle vers
le rapprochement des fortunes, je demanderai pourquoi l'on veutxpie tel agent ait le
traitement du riche, pendant que tel autre, qui souvent aura à remplir de plus importantes
ou de plus pénibles fonctions, sera réduit à un modique salaire? Ne craint-on pas de voir
renaître et con-
Arrêtons-nous un moment sur ces bases essentielles de l'administration publique, et partons du principe sur lequel elles reposent, pour traiter la question qui se présente en ce moment. 8,000 livres, a-t-on dit, ne suffisent pas pour le traitement des premiers commis des ministres : voilà ce qu'il faut examiner.
On objecte, en premier lieu, qu'un père de famille qui remplirait cette place, subsisterait très difficilement avec cette somme, dans une ville aussi considérable que Paris, et que, pour qu'il remplisse dignement ses devoirs, il faut qu'il soit au-dessus des besoins.
Cette objection, pure sans doute, dans les motifs de ceux qui la présentent, offre en elle-même un caractère bien frappant,d'injustice et de partialité. En effet, nous savons tous qu'un très grand nombre de fonctionnaires publics, attachés au département et à la ville de Paris, sont aussi des pères de famille, et que la loi ne leur accorde que des traitements ae beaucoup inférieurs à celui de 8,000 livres.
Cependant oh a voulu que les fonctionnaires ne fussent pas avilis; on a donc pensé qu'un citoyen honnête pouvait vivre dans l'indépendance avec une somme moins forte que ce maximum de 8,000 livres que votre comité des finances ne trouve pas assez fort. Et ici se présente une alternative qui, selon moi, suffirait seule pour lever toutes les difficultés.
Les agents dont il est question seront pris dans la classe des citoyens riches, ou bien on les choisira parmi les citoyens peu fortunés.
Dans le premier cas, quel est l'homme qui, vivant déjà dans l'aisance, et trouvant l'occasion de servir son pays, oserait dire ou penser que le traitement de 8,000 livres, qui lui est offert pour l'indemnité de son travail, n'est pas assez fort ?
Je n'hésite pas à prononcer hautement, et sans doute vous penserez tous comme moi, que celui qui se conduirait ainsi, serait indigne de la confiance des ministres, bien plus encore de la confiance publique. Quant à moi, je ne voudrais d'un tel homme ni pour mon voisin ni pour mon ami.
Dans le second cas, je veux dire si les premiers commis sont élus dans une classe moins favorisée de la fortune, il est incontestable qu'il se trouvera une foule de citoyens instruits qui, livrés à l'étude depuis leur enfance, accoutumés à une vie sage et laborieuse, se croiront riches avec ce traitement et serviront utilement la chose publique, parce qu'ils n'auront été corrompus ni par l'orgueil des titres, ni par l'insolence des richesses.
Voyez, ed effet, voyez comment chaque jour la défense de la liberté est lâchement abandonnée par les riches, par les ci-devant nobles, qui n'avaient pris le masque du patriotisme que pour nous tromper, et soyez, d'après cela, bien convaincus que ce n'est pas dans cette classe, mais seulement parmi les citoyens qu'on ose appeler dédaigneusement le peuple, c'est parmi ceux qui ne se croient que leurs égaux, qu'on trouvera dés âmes pures, des âmes ardentes, véritablement dignes de la liberté.
Mais vous oubliez, me dira-t-on, que les pre-
miers commis ou chefs de bureaux doivent être des hommes rares par leurs connaissances et par leurs talents, et que conséquemment il leur faut un traitement plus qu'ordinaire. Vous oubliez, répondrai-je, que le temps où ces premiers commis faisaient les fonctions de législateurs est passé ; vous oubliez qu'ils ne sont et ne doivent être aujourd'hui que les exécuteurs, en quelque sorte mécaniques, de nos lois nationales; vous oubliez enfin que de leur part, ou de la part d'un ministre, tout système qui n'aurait pas été pris dans le texte de la loi serait un délit.
D'ailleurs, quelle est cette politique étroite qui ferait ainsi peser, à un écu près, la valeur de tel ou tel talent ! Je ne daignerai pas en démontrer les inconséquences, mais je vous observerai seulement que si vous donniez cette base à l'administration publique, vous seriez bientôt obligés à un renversement général, et je ne doute pas que, dans cette hypothèse, les plus forts traitements ne vous paraissent les moins mérités.
Dois'-je parler, Messieurs, de cette autre erreur également fondamentale; mais bien plus immorale que la première, bien plus indigne encore du siècle où nous vivons, erreur qui a fait dire à quelques personnes que le fonctionnaire public, élu par le peuple, doit être moins payé que l'agent d'un bureau, parce que, dit-on, "la place du premier est plus honorable.
Je demande aux partisans de ce système, s'ils véulent que, dans la Constitution française, on place d'un côté l'honneur, de l'autre Vargent, et qu'on décide que l'argent pourra suppléer à l'honneur et tenir lieu de vertu.
Enfin, je demande s'il n'est pas, au contraire, de toute évidence que celui qui refuserait de servir sa patrie pour 6 ou 8,000 livres par exemple, et qui offrirait de la servir pour quelques 1,000 livres de plus, est Un mauvais citoyen, qui doit à l'instant même être chassé des bureaux.
Je demande donc la question préalable sur le rapport du décret qui a fixé à 8,000 livres le maximum du traitement des premiers commis des ministres.
J'ai applaudi comme le préopinant au décret qui a réduit le traitement des ministres, et je suis loin de vouloir prodiguer les sueurs et le sang du peuple, pour donner à des commis de bureau des traitements trop considérables ; mais je crois que la question doit se résoudre par un point de fait : il faut savoir si les premiers commis employés dans les bureaux des ministres, qui sont censés être des gens à talents, ne trouveraient pas dans des maisons de banque des appointements beaucoup plus forts que 6,000 livres ; et il en résulte que si vous ne leur donnez des émoluments plus considérables, vous verrez difficilement des gens à talents se présenter pour de pareilles places. S'il est essentiel pour la nation d'avoir à la tête de l'administration des hommes intelligents et honnêtes, qui soient capables de faire marcher le gouvernement, elle ne doit pas regretter quelques 1,000 fr, de plus, employés à attacher ces personnes à leur travail. Je soupire, comme M. Lamarque, après ce moment heureux où nous pouvons espérer de trouver des hommes assez amis de la patrie pour la servir sans intérêt. Nous devons par des lois sages accélérer cette époque; mais, en attendant, nous devons faire marcher la Constitution, et pour cela, prendre les hommes tels qu'ils sont, et non pas tels qu'ils devraient être.
Si vous augmentiez les traitements que vous avez fixés pour les premiers commis des bureaux du ministère, vous n'auriez nulle raison pour ne pas augmenter aussi le traitement des commis de toutes les administrations du royaume. Pourquoi d'ailleurs donner à ces premiers commis de forts traitements, sous le prétexte de les récompenser, puisqu'on peut, sans augmenter les dépenses publiques, feur donner pour retraite des places plus lucratives, telles que celles de commissaires du roi? M. l'abbé Maury disait qu'un régime populaire ne pouvait que nous conduire à la banqueroute : prouvons à l'Europe que ce régime n'est pas incompatible avec l'economie, et qu'il coûtera moins au peuple que le régime des despotes.
Plusieurs membres : La question préalable !
Je mets aux voix la question préalable sur le projet de décret tendant à rapporter le décret qui avait fixé à 8,000 livres le maximum du traitement des premiers commis de ministère.
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à rapporter le décret qui fixe à 8,000 livres le maximum du traitement des premiers commis de ministère.)
(La séance est levée à trois heures et demie.)
A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE DU
A quels officiers publics la loi doit-elle confier l'autorité nécessaire pour constater l'état civil des citoyens? par G. L. masuyer, député de Saône-el-Loire (2).
Le comité de législation propose les municipalités.
MM. Granet et Navier (3), les juges de paix.
M. Hérault, les curés dans les campagnes, en les circonscrivant dans des fonctions purement civiles à cet égard (4).
Aucun de ces modes ne me paraît convenable.
Eloignons d'abord toute idée de prêtres et de ministres, de quelque culte que ce soit.
Le gouvernement doit enfin reprendre toute son indépendance.
Les actes purement civils ne doivent plus avoir rien de commun avec les actes religieux.
La loi doit être commune aux villes et aux campagnes.
La loi proposée ne serait praticable que dans les villes seulement.
Quant aux municipalités, il est de fait avoué qu'un très grand nombre de municipalités de campagne sont actuellement, et seront encore longtemps, à peu près illettrées.
On ne pourrait attendre de ces municipalités une bonne tenue de registres.
Ces registres n'auraient aucun dépôt.
Que deviendraient ces registres entre les mains de magistrats temporaires qui se succèdent rapidement, et dont la plupart ne sont pas à même de tenir et conserver leurs papiers domestiques.
Quelle multitude de registres à fournir à plus de 45,000 municipalités.
Qu'est-ce que le comité entend par la maison commune des municipalités de campagne?
N'oubliôns pas que les villes ne contiennent que le cinquième environ de notre population.
N'oublions pas que la force, les richesses de la nation, que la nation elle-même est plus encore que dans les villes, et que nos lois doivent être praticables surtout pour les campagnes.
Il y a donc impossibilité à confier aux municipalités seules le soin de constater l'état civil des citoyens.
Quant aux juges de paix, on ne peut dissimuler qu'ils conviennent mieux, à tous égards, que les municipalités.
Comme les officiers municipaux, ils sont magistrats du peuple.
S'ils ne peuvent être présents dans toutes les parties du canton, et si quelquefois ils peuvent être empêchés momentanément de se rendre où le besoin les appelle, ils peuvent être remplacés facilement, dans chaque commune, par leurs assesseurs.
Mais un juge de paix ne peut tout faire.
Dans un canton composé de 6, 7,8 communes et plus, plus ou moins considérables, comment pourra-t-il rendre la justice, et dresser tous les actes civils?
Dans un très grand nombre de cantons, les actes de naissances, publications, mariages et décès, s'élèveront à plus de mille, année commune.
11 y aura un nombre plus considérable encore de contestations à vider, des audiences à tenir régulièrement dans chaque commune.
Il y a plus encore :
Combien de juges de paix illettrés! et certes, ce ne sont pas les moins utiles dans les campagnes.
Tous les jours on peut nommer des juges de paix illettrés.
La loi deviendrait inexécutable d'un moment à l'autre.
Ce sont des magistrats temporaires.
On ne pourrait leur ajouter un tel surcroît de travail sans les payer complètement.
Par le Trésor public?
Quelle augmentation de déperisesl
"Par les particuliers?
Ah! que jamais l'argent du particulier, sous quelque prétexte que ce soit, ne souille la main du juge de paix.
Son ministère est si saint!
C'est lui qui régénérera les mœurs; c'est lui qui fera sentir au peuple fatigué les premiers bienfaits de la Révolution : laissons-le tout entier à ses fonctions sublimes, et n'en faisons pas un simple actuaire.
Si les ministres, de quelque culte que ce soit, si les municipalités, si les juges de paix ne peuvent être chargés du soin de Constater 1 état civil des citoyens, essayons si les notaires publics conviendraient mieux.
Il y aura toujours dans tous les cantons des notaires publics en nombre proportionné à l'étendue et à la population.
Ils sont les dépositaires nés des titres qui cons-
tatent, et l'état des familles, et les propriétés des citoyens.
Ils sont à vie.
S'ils ne sont pas immédiatement choisis par le peuple, la forme rigoureuse de leur institution assure davantage leur capacité.
Ils sont nommés, institués par les élus du peuple.
Point d'inquiétude, point d'embarras sur la rédaction des actes.
Les registres seront religieusement tenus et conservés.
Le dépôt en est parfaitement assuré.
La loi peut leur imposer cette obligation en vertu de leur titre, et sans rétribution de la part du Trésor national.
La loi peut leur fixer une rétribution très modique ae la part des particuliers.
On peut les faire assister dans chaque commune par l'officier municipal.
La forme extérieure et cérémonielle de l'acte peut être remplie par l'officier municipal dont le notaire public ne serait plus que le greffier, si l'on veut.
En combinant ainsi ses fonctions avec celles de la municipalité ; en les subordonnant l'un à l'autre, toutes les difficultés s'aplanissent, toutes les inconvenances morales disparaissent : c'est un officier public, habitué à être salarié par le particulier.
Je ne prévois qu'une seule objection, le cas où la maladie, l'intempérie des saisons, etc..., empêcheraient le notaire public de se transporter à la première réquisition.
Cette difficulté est la même pour le juge de paix; elle ne se présente que dans les cas de naissances et décès.
Qui empêche alors que l'assesseur du juge de paix, l'ofncier municipal, ne constate provisoirement le fait, pour le rapporter ensuite sur le registre.
En supposant 3 notaires publics par canton, il n'y aurait que 15 à 20,000 registres à fournir.
Dans ce système, je vois tout à gagner, et aucun inconvénient à courir.
En conséquence, je propose de substituer au projet du comité les articles suivants :
TITRE Ier. — Des officiers publics qui constateront les naissances, mariages et décès.
1° Les notaires publics dans chaque canton recevront et conserveront, à l'avenir, les actes destinés à constater dans l'Empire les naissances, mariages et décès;
2° Us seront assistés, dans chacun de ces actes, par le premier officier municipal du lieu, suivant l'ordre du tableau ;
3° Ils sèront tenus de se transporter à la première réquisition, dans la commune et sur le lieu où il y aura des naissances, mariages ou décès à constater ;
4° Lorsqu'ils seront arrivés sur le lieu, ils feront appeler le premier officier municipal dans l'ordre au tableau, ou dans les cas d'absence et maladie de l'officier municipal, [l'assesseur du juge de paix, pour dresser l'acte en sa présence;
5° Tout notaire public qui, sans causes légitimes, refuserait de se transporter sur la réquisition légale d'un citoyen, encourra la peine de forfaiture, et sera destitué de ses fonctions, et déchu du droit de citoyen actif pendant 4 ans ;
6° La peine sera prononcée sur les conclusions
du commissaire du roi, et sur la dénonciation prouvée du procureur syndic du district ;
7° En cas d'absence ou empêchement légitime des notaires publics du canton, les actes des naissances, mariages ou décès, seront provisoirement constatés par le premier officier municipal, ou à son défaut, par l'assesseur du juge de paix; et ensuite il sera reporté sur les registres publics, lorsque l'empêchement, des notaires publics aura cessé;
8° Dans le cas où les notaires publics demeureraient plusieurs dans lé même lieu, le premier d'entre eux légalement requis sera tenu de se transporter.
TITRE II. — De la tenue et dépôt des registres.
1° L'administration enverra à chaque notaire du département, 3 registres pour constater les naissances, mariages et décès.
« Art. 2, 3, etc..., du comité.
Art. 11. Dans la première huitaine du mois de janvier, tous les notaires du canton déposeront chez le doyen d'entre eux, les registres de l'année précédente.
Art. 12. Il sera dressé acte du dépôt en présence des officiers municipaux.
Art. 13. Tous les différents registres de chacun des notaires seront réunis en 3 volumes, des naissances, mariages et décès.
Art. 14. Dans la seconde huitaine, il sera fait, à la fin de chacun de ces volumes, une table alphabétique des actes qui y seront contenus.
Art. 15. Dans la dernière quinzaine de janvier, le doyen des notaires, dépositaire des registres, enverra au directoire du district les registres écrits.
Art 21, etc... Projet du comité.
a la séance de l'assemblée nationale législative du vendredi 22 juin 1792, au matin.
Opinion de Cl.-B. Navier (2), député par le département de la Côte-d'Or, sur le mode de constater Vétat civil des citoyens.
Des officiers publics qui doivent être chargés des registres de naissances, mariages et décès.
Le projet de loi présenté par le comité de législation, sur le mode de constater l'état civil des citoyens, remplit l'attente de l'Assemblée nationale à bien des égards, mais il paraît devoir donner lieu, dans plusieurs points, à une discussion très réfléchie ; telles sont, par exemple, les dispositions relatives au contrat de mariage, que le comité, d'après léfc lois romaines, a considéré comme indissoluble de sa nature, et les
dispositions relatives aux empêchements, auxquels le comité semble avoir aonné une extension contraire aux droits naturels de l'homme, et aux principes de la liberté.
Mais renvoyant à un autre moment à exposer mes idées sur ce double objet; je me bornerai aujourd'hui à discuter cette partie du projet, qui est relative au ehoix des officiers publics, auxquels il convient de confier la rédaction des actes de naissances, de mariages et de décès. Ce choix est de la plus haute importance, puisque c'est de lui que dépend tout le succès de la nouvelle loi.
Quels que soient les progrès que la raison ait fait parmi le peuple, on ne peut dissimuler qu'il fléchit encore servilement sous le joug des habitudes. Celle de recourir à son curé, toutes les fois qu'il arrive dans une famille une naissance, un décès ou un mariage, est une des plus anciennes : consacrée par le temps, revêtue d'un caractère religieux, on se tromperait si l'on pensait qu'il est très facile d'engager le peuple à y renoncer.
Il faut qu'il y renonce néanmoins, et sans retour. Mais pour l'amener à ce but, sans exciter son mécontentement, la nouvelle loi doit lui présenter les mêmes facilités que l'ancienne, avec les mêmes sûretés pour l'état des citoyens autrement, on courra le risque dé voir la loi demeurer sans exécution, et l'état des personnes rester compromis.
Cela posé, quels officiers publics convient-il de charger de la confection des actes de naissances, de mariages et de décès?
Les plus grands avantagés semblent indiquer d'abord les officiers municipaux, et je ne suis point surpris que le comité ait fixé sur eux son choix. Mais par quelle foule d'inconvénients ces avantages ne sont-ils balancés? 11 semble que le comité se soit abstenu de les rechercher dans la crainte de ne pas réussir à les vaincre.
Cependant, j'en appelle au témoignage des députés qui habitent la campagne ; j'en appelle surtout au témoignage de ceux qui ont été attachés aux directoires de département et de district : combien n'est-il pas de communes dont les officiers municipaux sont entièrement dans l'impuissance dè remplir les fonctions qu'on propose de leur confier? Combien n'en est-ilpas même où l'on ne trouverait pas trois habitants en état de signer? Et que sera-ce lorsqu'il s'agira de rédiger des actes importants? Il faut l'avouer, le peuple des campagnes, éclairé sur ses intérêts privés, commence à l'être chaque jour davantage sur les droits. Mais il est loin encore d'avoir acquis le genre de connaissances nécessaires à l'exercice des fonctions publiques; aussi nous avons vu avec quelles peines les municipalités sont parvenues à se former; nous avons vu avec quelles difficultés il leur a été possible de s'acquitter des opérations les plus simples; nous avons vu que, dans un très grand nombre d'entre elles, il ne s'est rien fait qu'à l'aide de commissaires envoyés par les corps administratifs. La Révolution a répandu des lumières utiles jusque dans les lieux les plus reculés; mais elle n'a pu donner aux habitants des campagnes des connaissances et une capacité qui ne s'acquièrent que par l'éducation et l'expérience, et que le zèle ne supplée point. Lorsque nous aurons des écoles publiques, lorsque l'instruction, ce grand bienfait des gouvernements libres, sera disséminée sur toute la surface de l'Empire, et non plus concentrée dans les grandes villes/ pour
être plus facilement corrompue par le despotisme, lorsqu'enfin,la Révolution étant achevée, et nos mœurs ayant subi cette réforme salutaire qu'elle doit nécessairement opérer, l'intérêt, l'amour de la paix et du repos, le sentiment de l'égalité auront fait refluer dans les campagnes cette foule immense de propriétaires, que les abus, l'intrigue et le luxe enchaînaient dans les capitales, nous verrons nos municipalités bourgeoises composées d'hommes véritablement capables, et rien de ce qu'on pourra leur confier ne sera au-dessus de leurs moyens. Mais nous sommes loin encore de cet état de choses: le temps seul, et un laps de temps considérable doit l'amener. Jusque-là, ce serait compromettre le sort des familles, et l'exécution d'une loi essentielle, que de donner aux municipalités une mission que la plupart d'entre elles sont dans l'impuissance de remplir.
Qu'on ne dise pas que j'exagère les difficultés; qu'on ne dise pas qu'elles seront foutes levées par la clarté de la loi, par l'instruction, les formules dont elle sera accompagnée. Je conviens que les actes de naissances et de décès présenteront rarement des difficultés bien grandes dans leur rédaction ; et avec de bonnes formules, il ne sera pas impossible à beaucoup d'habitants de la campagne de s'en acquitter ; mais on doit avouer aussi qu'il se trouve plus d'une fois dés cas qui sortent de la règle ordinaire, et où les formules ne peuvent pas suppléer à l'inexpérience du rédacteur/C'est précisément parce que les officiers municipaux seraient habitués à la routine des formules, que leur embarras s'accroîtrait lorsque ces mêmes formules ne pourraient plus leur servir. Par exemple, vous donnerez le modèle de l'acte à dresser pour la naissance d'un enfant né hors d'un légitime mariage. Mais je suppose que lorsque cet enfant sera présenté à l'officier municipal, il s'approche un homme qui s'en prétende le père, et qui demande à en faire la déclaration ; que la mère ou ceux qui se trouvent à la rédaction de l'acte, veuillent contredire cette déclaration, l'officier municipal se trouvera bien loin de sa formule. Mais saura-t-il dresser le procès-verbal de tous les dires respectifs, et ne devez-vous pas craindre que son incapacité ou sa négligence ne compromettent les intérêts de l'enfant, ceux des parents et la vérité due à la société sur l'état du nouveau-né ?
Et qu'on y prenne garde : si les actes de naissance et de décès, bornés à l'énonciation d'un fait attesté par le nombre de témoins prescrit par la loi, ne présenteront d'ordinaire que des noms différents à placer dans le même cadre ; les actes de mariage n'offrent pas à beaucoup près la même simplicité. Souvent il arrivera que l'un des époux ne sera pasdomicilié dans la commune, et que l'autre n'y sera domicilié que depuis peu de temps; leurs pères et mères ou leurs tuteurs habiteront des communes étrangères; il faudra donc des publications de bans dans 2, dans 3 et quelquefois dans 5 municipalités différentes; et il faudra apporter les actes de ces publications à l'officier municipal devant lequel les époux se présenteront pour faire la déclaration au mariage. Dès lors, voilà l'officier municipal juge de la légalité de ces publications; il est juge aussi de la légalité des consentements donnés par les pères et mères ou tuteurs; et ce n'est qu'après avoir reconnu la régularité et l'authenticité de tous ces actes, qu'il pourra seulement dresser le contrat d'union. Or, connaît-on dans les campagnes beaucoup d'officiers municipaux en état
de porter un pareil jugement? Est-il quelqu'un qui voudra nous garantir qu'il ne leur sera jamais fait de surprise, qu'ils ne commettront jamais d'erreurs? Et peut-on calculer tous les inconvénients de ces erreurs, de ces surprises?
Mais ce n'est pas seulement l'incapacité évidente de la plupart des municipalités, qui doit faire rejeter le projet du comité ; c'est encore la répugnance qu'elles auraient à se charger des nouveaux devoirs qu'on propose de leur imposer.
Il faut en faire l'aveu quelque pénible qu'il soit : on se tromperait beaucoup si l'on pensait que tous les citoyens sont également animés de cet esprit public, qui fait courir au-devant des charges dès qu'elles doivent tourner au profit de la patrie. L'amour de la liberté n'a pas éteint l'égoïsme dans toutes les âmes; et le nombre de ceux qui mettent leur bonheur à faire beaucoup pour le bien commun sera toujours le plus petit : si dans nos villes, on voit tant d'hommes aisés et oisifs, non seulement se refuser aux fonctions publiques, mais dédaigner même d'acquérir jusqu'au titre et aux droits de citoyens, parce qu'ils imposent quelques devoirs, pense-t-on que des officiers municipaux de campagne, dont tous les moments sont nécessaires à lenrs travaux, et qui ne leur dérobent qu'avec impatience et regret, les heures indispensables pour s'acquitter des fonctions municipales, pense^t-on, dis-je, que les officiers municipaux se verront bien volontiers chargés d'une nouvelle mission également pénible et difficile ?
C'est en vain qu'on dirait que dans la plupart des municipalités de la campagne, les actes de naissances, de mariages et de décès, Seront si rares, qu'il ne pourra pas en résulter une grande surcharge pour les officiers municipaux. A quiconque se plaint déjà d'avoir trop à faire, le moindre surcroît devient un fardeau insupportable. Et ne savons-nous pas que s'il est quelques officiers municipaux qui s'acquittent avec joie de leurs fonctions, pour une multitude d'autres elles sont un sujet ae gêne et d'ennui ? Ne sa-Vons-nous pas que dans un grand nombre de communes, les municipalités n'ont été renouvelées qu'avec de très grandes difficultés, précisément parce que les citoyens redoutaient les obligations aux places municipales?
C'est en vain encore qu'on prétendrait que les officiers municipaux, loin de se plaindre des nouveaux devoirs qui leur seront imposés, attacheront un grand prix, au contraire, à se voir revêtus d'une mission aussi honorable que celle de constater l'état des citoyens. Sans doute, le nombre de ceux qui sont capables de ce sentiment est très considérable. Cependant un nombre non moins grand, peut-être, sentirait davantage la peine, que l'honneur. Je me rappelle, non sans un vit dépit, que lorsque j'étais attaché à l'administrayon de mon département, j'ai vu des membres de plusieurs municipalités, s'enquérir s'ils ne pouvaient pas prendre sur les revenus de la commune quelque petite somme pour les indemniser de leurs peines. Quand nous Sommes si. loin d'avoir acquis l'esprit public, est-ce bien le temps d'ajouter à des fonctions gratuites, supportées péniblement, d'autres fonctions gratuites encore?
J'en suis bien convaincu : le comité de législation a commis une grande erreur en proposant de confier aux municipalités le soin de recevoir les actes de naissances, de mariages et de décès. Les seules observations que je viens de présenter suffisent, ce rne semble, pour démontrer l'évi-
dence de cette erreur; et que sera-ce, si l'on y ajoute mille autres inconvénients qui naîtront de la nature même des choses?
En effet, on conçoit que la tenue des registres destinés à recevoir les actes de naissances, de mariages et de décès, exige la plus sévère exactitude et la plus grande surveillance. Cette exactitude et cette surveillance ne peuvent s'attendre que d'un seul individu, intéressé à la bonne tenue de ces registres, et responsable, non seulement de leur conservation, mais encore des falsifications qu'on pourrait y commettre.
Or, je demande à tous les hommes de bonne foi ; les municipalités donneront-elles toutes ces sûretés? On sait que dans les campagnes, la plupart n'ont ni maisons communes, ni archives, ni dépôt particulier pour les papiers. Tantôt Ces papiers restent entre les mains du procureur^ la commune, plus souvent entre celles du greffier, quelquefois enfin entre celles du curé qui, bien qu'il n'occupe aucune place dans l'administration municipale, ne s'arroge pas moins le droit d'en diriger toutes les opérations, en profitant de l'ascendant que lui donnent ses connaissances et son ministère sur l'ignorance et la faiblesse de ses paroissiens. Au milieu de ce désordre, que deviendront les registres de naissances, de mariages et de décès? Qui les garantira contre les altérations, les faux ou même la suppression totale que des intérêts puissants pourront commander à des hommes pervers? Dans l'ordre des choses actuel, tous ces inconvénients ne sont point à craindre, parce que les registres ne sortent pas des mains des curés, qu'eux seuls transcrivent les actes, et qu'ils n'ignorent pas que des peines sévères sont prononcées par la loi contre leurs moindres négligences. Mais il ne pourrait pas en être de même dans les municipalités; car nécessairement les registres passeront en différentes mains, tous les officiers municipaux étant appelés à se suppléer les uns aux autres, en cas d'absence. Voudrait-on établir entre eux une solidarité pour la conservation et la bonne tenue des registres? elle serait tyrannique; elle serait injuste.
Les partisans du système du comité ne manqueront pas de dire que j'exagère les inconvénients; et ils m'accuseront de déprécier en général les municipalités. Non, je n'exagère rien et je ne veux pas déprécier les municipalités. Je sais que beaucoup d'entre elles ont rendu des services essentiels à la chose publique; je reconnais que toutes ont fait ce qui était en leur pouvoir pour s'acquitter dignement de leurs fonctions. Mais j'en appelle à l'expérience, surtout à celle des membres de l'Assemblée nationale qui ont été à portée d'apprécier avec exactitude ce dont elles étaient capables. S'il n'était question que des municipalités des villes, sans doute le plan du comité mériterait d'être accueilli. Mais il ne faut pas perdre de vue qu'il s'adapte aussi aux municipalités des campagnes, et que celles-ci forment le plus grand nombre. Cela posé, en calculant toutes les difficultés que j'ai fait entrevoir, convient-il de compromettre ainsi l'exécution d'une des plus importantes lois que nous ayons à rendre? Que l'Assemblée nationale ne s'y trompe pas, cette loi est déjà le prétexte d'une foule de calomnies de la part des prêtres rebelles. Déjà ils répandent que le Corps législatif veut abolir le baptême et la bénédiction du mariage ; déjà ils disposent les peuples à repousser cette loi véritablement salutaire et bienfaisante, puisque l'un des plus grands bienfaits
que la législation puisse faire à un peuple, c'est d'affranchir tous ses actes civils et politiques de l'influence sacerdotale. Mais ces insinuations perfides, jointes aux difficultés réelles qui naîtraient de la loi même, ne doivent-elles pas ouvrir les yeux sur les moyens d'exécution ? 11 ne s'agit pas ici d'une de ces lois qui peuvent rester inexécutées sans qu'il en résulte des inconvénients bien graves. Il faut que celle-ci reçoive instantanément sa pleine et entière exécution; il faut qu'elle la reçoive à la fois dans toutes les parties de l'Empire, autrement l'état des citoyens et des familles est compromis. Cependant, est-on bien sûr que la crainte des embarras et des difficultés, que la superstition surtout ne feront naître d'obstacles dans aucunes municipalités? Et si plusieurs d'entre elles, comme il n est malheureusement que trop probable, refusent formellement d'exécuter la loi, quelles ne seront pas les conséquences d'un pareil refus? Combien ne sera-t-il pas difficile d'y remédier?
Le plus grand des maux qui puissent affliger un état, c'est le mépris et l'inexécution des lois; et le péril qui y est attaché, redouble dans les premiers temps qui suivent une révolution, parce que le peuple encore agité des convulsions politiques, s'il n'est pas retenu par le respect et l'autorité de la loi, devient lui-même le principe destructeur du nouveau gouvernement. 11 est donc essentiel que les législateurs s'attachent à calculer, non seulement si la loi proposée est bonne et utile en soi, mais encore si elle est d'une exécution sûre, facile et si les formes de l'exécution ne la feront pas haïr.
Ici, nul douté que la loi qui ôte aux prêtres le droit de constater l'état des citoyens, pour le confier à des officiers civils ne soit bonne ; nul doute qu'elle ne soit utile ; mais nul doute aussi que les moyens d'exécution proposés par le comité ne soient vicieux et n'exposent au danger de laisser la loi inexécutée ou de la faire haïr. Dès lors il est indispensable de recourir à des moyens plus assortis aux circonstances et à l'esprit du peuple.
Quels seront donc les officiers auxquels nous attribuerons le droit de recevoir les actes de naissances, de mariages et de décès?
Je réponds que les juges de paix seuls peuvent et doivent en être chargés (1).
Je me hâte de faire disparaître l'objection la plus sérieuse que le comité ait proposée pour les écarter. Il a dit que les convenances politiques, plaçant au rang des fonctions administratives le soin de constater l'état civil des citoyens, et les juges de paix participant au pouvoir judiciaire et l'exerçant, la Constitution a marqué une sorte d'incompatibilité entre leurs fonctions et la nouvelle fonction dont il s'agit (2).
Sans doute, il faut respecter la division des pouvoirs, et l'on m'en verra toujours le plus religieux défenseur parce que je suis convaincu qu'elle est le palladium de la Constitution. Mais est-il bien vrai qu'elle serait blessée dans mon système?
C'est une chose, pour le moins douteuse, que la réception des actes destinés à constater l'état
des citoyens doive être considérée comme une fonction purement administrative-Ce n'est tout au plus qu'une fonction de police, dont les actes sont même entièrement du ressort du pouvoir judiciaire, puisqu'ils ne peuvent être appréciés, validés que par lui; il est donc vrai que-cette fonction peut être attribuée à quelque officier de police que ce soit; pt lors même qu'on la considérerait comme une dépendance du pouvoir judiciaire, je ne pense pas qu'il pût en résulter aucune atteinte aux principes.
Ainsi, les juges de paix, comme officiers de police, ne sont point incompétents pour exercer la fonction que je propose de leur attribuer. Les officiers municipaux exercent aussi, en quelque partie, le pouvoir judiciaire; si l'on n'a pas cru que leur qualité d'administrateurs pût faire obstacle à ce qu'une portion de ce pouvoir leur fût attribué, pourquoi, lorsque d'ailleurs mille convenances-le prescrivent, craindrait-on d'attribuer aux juges de paix, comme officiers de police, le soin de recevoir des actes qui tiennent réellement bien plus à la police judiciaire qu'à la police administrative !
Cette difficulté détruite, il ne reste plus qu'à faire voir combien, en prenant ce parti, l'exécution de la nouvelle loi deviendrait assurée.
La nature des fonctions des juges de paix est. telle, que l'on a, dans l'acceptation de ceux qui ont été élevés à ces places, une garantie incontestable qu'ils sont tous en état de recevoir les actes de naissances, de mariages et de décès. En effet, personne n'a pu être nommé, personne n'a pu se faire installer juge de paix, qui ne fût capable d'en remplir les importants et pénibles devoirs, ainsi toutes ies craintes fondées sur l'inexperience des officiers municipaux de campagne, et leur inhabitude des affaires, disparaissent, et l'on n'a plus d'inquiétudes à concevoir, ni pour la bonne tenue et la conservation des registres ; ni pour la confection des actes les plus difficiles. Ajoutons que si nous avons craint que les officiers municipaux, remplissant gratuitement leurs fonctions, ne se trouvassent blessés d'un nouveau surcroit de travail, également gratuit, cet inconvénient n'est point à redouter de la part des juges de paix, puisqu'ils reçoivent un traitement de l'Etat, et que très certainement la nouvelle attribution que nous proposons de leur faire ne sera point pour eux un motif d'en demander l'augmentation. Ajoutons, enfin, que le respect et la confiance, que les juges de paix ont inspiré partout, et qu'ils doivent à la bienfaisance de leur institution, sont, peut-être, seuls capables de faire taire les clameurs sûperstitieuses que la nouvelle loi poun-a produire dans beaucoup de campagnes, et qu'il ne faut pas moins que l'autorité de ces officiers, bien supérieure à celle des officiers municipaux, pour en imposer aux entreprises des prêtres, qui ne verront pas briser dans leurs mains le dernier anneau de la chaîne avec laquelle ils conduisaient les peuples, sans se livrer à de violents excès.
Mais il faut répondre à l'objection la plus forte, et, disons-le, la seule plausible que l'on
suisse faire contre le plan que nous présentons, n dira que n'ayant qu'un juge de paix par canton, il sera à une trop grande distance des citoyens qui auront besoin de s'adresser à lui ; que les habitants de la campagne, habitués à trouver, pour ainsi dire, à leur porte le prêtre chargé de recevoir les actes de naissances, de mariages et de décès, murmureront si on les
oblige d'aller au loin faire dresser ces actes; que ces justes mécontentements pourront nuire à l'exécution de la loi; que même on doit craindre que dans certaines localités, dans certaines saisons de l'année, les communications entre les juges de paix et les habitants des cantons ne soient tellement interceptées, qu'il n"en résulte des obstacles physiques contre cette exécution.
Nous sommes loin de nous dissimuler tout ce que ces objections ont de force ; toutefois, elles ne nous paraissent point insolubles.
On doit observer d'abord qu'il n'est rien de ce qu'on peut dire contre les juges de paix, à raison de l'éloignement de leur résidence, qu'on ne soit bientôt dans le cas de le dire, des municipalités. En effet, les convenances, l'utilité publique, mille raisons qu'il est inutile de détailler ici, commandent la réunion des municipalités, et l'Assemblée nationale attend avéc impatience le moment où les circonstances lui permettront d'opérer leur réduction. Cependant, la loi sur le mode de constater l'état civil des citoyens, n'est pas une de ces lois de fcirconstances qui né doivent avoir qu'une durée éphémère, il faut en calculer les moyens d'exécution, non seulement dans le présent, mais encore dans l'avenir. Si donc, le comité ne s'est déterminé dans son choix, pour les officiers municipaux, que parce qu'ils existaient aujourd'hui dans chaque viillage, il a marqué une grande imprévoyance, car il a dû penser que bientôt chaque village ne formerait plus une municipalité particulière. Mais puisque les municipalités doivent être incessamment réduites, et sans doute à une seule par canton; puisque, dans cette hypothèse, tous les avantages que présente, pour le moment, le plan, du comité disparaissent, pourquoi donc, par l'appât de ces avantages précaires et très équivoques, confier l'exécution de la loi à des mains inhabiles, et risquer ainsi de la faire manquer? Pourquoi ne pas se mettre tout de suite dans la position où l'on doit se trouver un jour, et régler d'après elle les formes d'exécution ?
S'il n'existait, dès à présent, qu'une municipalité par canton, probablement le comité n'aurait pas proposé d'en créer de nouvelles pour constater l'état des citoyens, il aurait été forcé de recourir à des moyens subsidiaires, pour concilier l'éloignement des distances avec les besoins. Or, il n'est aucun de ces moyens qui ne puissent s'appliquer aux juges de paix.
Je n'entrerai point ici dans le détail de tous ceux qu'on pourrait proposer. Mais après avoir fait remarquer que l'on aurait tort de regarder l'éloignement du juge de paix, qui, dans la plus grande distance, ne peut être que de deux à trois lieues, comme un obstacle bieh redoutable, après avoir observé que les circonstances où chaque famille sera exposée à ce déplacement, n'étant pas dans lé cas de se répéter très sOuvënt, cet obstacle deviendra presque insensible,' j'indiquerai quelques vues pour le dissiper tout à fait.
Premièrement, la loi donnant des assesseurs aux juges de paix, ils trouvent naturellement en eux des suppléants, pour recevoir les déclarations de naissances ou décès. Ainsi, dans le cas où des circonstances impérieuses s'opposeraient à ce que ces déclarations fussent faites au juge de paix lui-même, dans les 24 heures prescrites par la loi, l'assesseur le plus voisin pourrait être autorisé à les recevoir, à en tenir note sur un carnet, qu'il serait tenu de représenter tous les
mois au juge de paix, et à en donner expédition aux parties, qui, de leur côté, seraient obligées de la représenter à ce" juge, dans l'espace de 8 jours, a peine d'une forte amende, et le juge alors porterait la déclaration sur le registre,
Secondement, je borne aux actes de naissances et de tdécès la faculté d'user de l'intermédiaire des assesseurs, parce que ces actes sont les seuls qui exigent qu'ils soient faits dans un délai prescrit ; au lieu que les déclarations de mariages entraînent avec elles des formalités trop délicates, trop importantes pour qu'il me paraisse convenable de confier le„soin ae les recevoir à d'autres qu'au juge de paix.
Troisièmement, les publications des promesses de mariage doivent être faites au lieu du domicile des parties intéressées, et dès lors je conçois que le juge de paix ne pourra pas les faire, ni par lui-même, ni par son greffier; mais l'assesseur le plus voisin pourra en être chargé, et la publication devra être fyite, non pas comme le propose le comité (1), devant la porte de la maison commune, ét à midi, car le plus grand nombre des villages n'ont point de maison commune, et les habitants n'y sont pas réunis à cette heure; mais sur la place publique, au moment où les habitants sortent de l'église; et la publication devra être certifiée, non seulement par l'assesseur qui l'aura faite, mais par deux témoins, sans néanmoins qu'il soit tenu registre de ces publications, ce qui me semble très superflu.
Quatrièmement, l'acte de mariage sera reçu publiquement, dans la salle et à 1 heure où le juge de paix tient son audience; et cette publicité équivaudra bien sans doute à celle qu'il pourrait avoir dans la maison commune; je voudrais même, pour éviter toute clandestinité, et je m'étonne que, dans son projet de décret, le comité ait négligé d'en faire une disposition expresse, je voudrais que la publication des promesses de mariage annonçât le jour et le lieu où l'acte doit se passer. 11 me semble que cet acte, reçu par le juge de paix, aura un caractère de gravité et de solennité plus remarquable, que s'il était reçu par les officiers municipaux ; car, bien que je ne pense point que les fonctions municipales soient en rien inférieures à celles du juge de paix, cependant il est très vrai que les citoyens en général (je parle surtout de ceux de la campagne), ont plus déconsidération et de respect pour leur juge de paix, que pour leurs officiers municipaux.
Cinquièmement, si la disposition que propose le comité (2) d'obliger l'officier public chargé de la réception des actes d'assister à l'inhumation des personnes décédées était admise, je conçois qu'il y aurait impossibilité qu'elle fût exécutée par le juge de paix, dans toute l'étendue du canton; mais je crois cette disposition, superflue. Sans doute, la police doit veiller à ce que les corps des personnes ne restent pas sans sépulture, sous ce point de vue qu'il en peut résulter des accidents physiques très graves. Ainsi, dans le cas où un individu meurt dans une auberge ou dans tout autre lieu de ce genre, sans que ni parents, ni amis, ni voisins, prennent soin de son inhumation, un officier de police doit être averti pour qu'il fasse lui-même
(lï Voyez le projet de décret du comité, titre IV, section n, article 3. (2) Voyez le projet de décret, titre V.
les dispositions nécessaires à cet égard, et ceci regardé évidemment les officiers municipaux. Mais dans tout autre cas, et jusqu'à ce que des plaintes en soient portées, je ne pense pas que la police eût à s'en occuper. Les restes des défunts appartiennent à leurs héritiers ; c'est une propriété sacrée : la liberté des cultes a affranchi cette propriété de l'impôt de la superstition. Il doit être permis à chacun d'en disposer librement, pourvu que là société n'en souffre aucun dommage. Enfin, il est arrivé ce jour où un fils pourra conserver dans une urne les cendres de son père, où un époux sera libre d'aller pleurer dans son jardin sur la tombe de son épouse* Gardons-nous d'empoisonner les plus saintes douleurs, par la présence inquisitoriale d'un officier de police; c'est surtout dans le malheur que la liberté doit être respectée.
Tels sont, à peu près, les changements dont je croirais le projet du comité susceptible, en substituant les juges de paix aux officiers municipaux, pour la réception des actes de naissances, de mariages et de décès. Je crois avoir prouvé que cette mesure principale était indispensable, et que si on ne l'adoptait pas, la loi serait mal exécutée en beaucoup de municipalités, et pourrait ne pas l'être du tout en beaucoup d'autrès- En proposant les juges de paix, j'ai été loin de penser qu'ils ne présentassent aucun inconvénient. Mais j ai indiqué les moyens d'y parer, et j'ai fait voir que du moins avec eux la loi serait sûrement et facilement exécutée, ce que je regarde comme un point déterminant.
Je conclus donc à ce que l'Assemblée nationale décrète pour principe que les juges de paix seront chargés de recevoir et conserver les actes destinés à constater les naissances, les mariages et les décès, et renvoie au comité de législation pour présenter un mode d'exécution conforme à ce principe.
Séance du
La séance est ouverte à six heures.
(d'Angers), secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du mercredi 20 juin 1792, au matin.
(L'Assemblée en adopte la rédaction.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres, adresses et pétitions suivantes :
1° Lettre de M. Lajard, ministre de la guerre, par laquelle il annonce que plusieurs administrations de département forment des réclamations sur le placement des brigades et la rési-(j^nce des officiers de gendarmerie nationale.
(L'Assemblée renvoie la lettre au comité militaire.)
2° Lettre de M. Duranthon, ministre de la justice, qui engage l'Assemblée à statuer, sans délai, sur une procédure qui lui a été adressée par le tribunal criminel d Angers, à l'occasion de plusieurs prévenus d'attentats et de conspiration contre la Constitution et la sûreté générale de l'Etat.
(L'Assemblée décrète que le comité de sur-
veillance lui présentera, le lendemain au soir, un rapport sur cette affaire.)
3Q Lettre des administrateurs composant le di' rectoire du département des Basses-Pyrénées, dans Jaquelle ils exposent que, sur les produits de la loterie royale, il leur était distribué annuellement une somme de 10,000 livres pour l'achèvement de la construction de l'église Saint-Louis. Ce secours ayant été suspendu, ils demandent que le Trésor public fournisse les fonds nécessaires à l'entière édification de leur paroisse.
Un membre : Je demande la question préalable 1
Un autre membre : Je demande le renvoi au comité de division !
(L'Assemblée décrète le renvoi de la lettre au comité de division.)
4° Lettre du directoire du département du Cantal, qui annonce que la tranquillité paraissant se rétablir dans son territoire, il a renvoyé à leurs postes respectifs les brigadiers de gendarmerie nationale que les circonstances l'avaient déterminé à requérir.
Cette lettre est ainsi conçue (1) :
« Aurillac,
« Monsieur le Président,
« Conformément à ce que noùs avons eu l'honneur de vous marquer par notre lettre du 7 courant, nous avons celui de vous prévenir que la tranquillité paraissant se rétablir dans ce département, et le bataillon du 67e régiment d'infanterie qui vient d'arriver étant suffisant pour maintenir l'ordre pendant les instructions judiciaires contre les auteurs des troubles, nous avons renvoyé, le 11 du courant, à leur poste respectif, les brigades de Nice, Saint-Mamet, La Roquebron et Saint-Martin, que les circonstances nous avaient déterminés à réunir près des autorités constituées à Aurillac, pour y favoriser l'obéissance et l'exécution de la loi.
« Les administrateurs du directoire du département du Cantal.
« Signé : Marmontel, etc.... »»
5° Lettre de M. Deliens, président de la section des Gobelins, qui justifie les citoyens de la section qui se sont rendus armés pour présenter une pétition à l'Assemblée. Cette lettre est ainsi conçue (2) :
« Paris, le
« Monsieur le Président,
« J'ai l'honneur de vous prier de prévenir l'Assemblée nationale, si vous le croyez nécessaire, que je crois qu'il est de mon devoir de lui rendre compte de la situation des esprits des habitants de la section des Gobelins que j'ai l'honneur de présider dans des circonstances difficiles.
« La section des Gobelins, jusqu'à ces derniers moments, est restée tranquille dans ses
foyers, parce qu'elle aime la loi et qu'elle sait que ses représentants veillent pour le
salut de tous. Mais à peine l'Assemblée nationale a-t-elle dé-
« Les citoyens ont cru que le département, qui s'était déjà montré l'ennemi de la loi, n'avait d'autres raisons que d'empêcher qu'ils ne vinssent vous faire connaître que vous pouviez compter sur leur dévouement, et ils sont partis sur-le-champ.
« Des preuves non équivoques de leur soumission aux lois, c'est qu'ils sont venus vous soumettre leur démarche, que vous ne vous y êtes pas opposés, que vous leur avez permis de défiler devant vous : C'est qu'étant dans la cour royale et ayant le dessein de ne point quitter le roi qu'il n eût consenti à ce que les citoyens-désiraient de lui, Monsieur le maire a parlé, et, à sa voix, les citoyens de la section des Gobelins, qui n'avaient pas quitté leur drapeau depuis leur départ, s'en sont retournés sur-le-champ dans le même ordre qu'ils étaient venus.
« Maintenant, les citoyens de la section des Gobelins voient, avec la plus grande douleur, que l'Assemblée nationale, trompée par les manœuvres des ennemis du bien public, favorise leurs projets sans s'en douter; les esprits s'échauffent et la division va bientôt régner, si la sagesse des législateurs n'ouvre les yeux sur les. dangers incalculables qui se préparent. La division que l'état-major de l'armée parisienne a cherché à introduire parmi nous, notamment par la pétition des 10,000, est sur le point d'éclater. Les citoyens habillés de bleu vont être séparés de ceux qui n'ont pas d'uniforme; les citoyens actifs de ceux qui ne le sont pas, et les Parisiens des autres départements.
« A quoi sert de commander la force armée pour nous obliger d'exécuter vos décrets, quand le but de notre armement est de vous faire obéir? Faites-nous parvenir vos ordres par notre respectable maire, et je prends sur moi la responsabilité de l'exécution. (Applaudissements des tribunes.)
« J'ai l'honneur, etc.
« Signé : Deliens, « Président de la section des Gobelins. »
Suit la note suivante rectificative de la lettre ci-dessus ; elle est ainsi conçue (1) :
« Le comité de la section des'Gobelins a décidé que n'ayant communiqué à personne la lettre que j'avais écrite à l'Assemblée nationale, je n'aurais pas dû la signer comme président de la section ; que je devais aller au comité des Douze de l'Assemblée nationale pour demander à effacer le nom de président, après ma signature, et y substituer celui de citoyen. J'ai|reconnu cette décision juste et je viens pour l'effectuer. J'ajouterai seulement qu'à l'instant ou on a lu ma lettre à l'Assemblée nalienale, l'assemblée générale de la section des Gobelins étant con; voquée, j'y ai lu copie de cette même lettre qui a été fort applaudie. Par la suite, l'assemblée étant devenue plus nombreuse, on en demanda Une seconde lecture qui ne trouva pas un seul contradicteur.
« Signé : deliens, « Citoyen de la section des Gobelins. »
Je demande la parole pour une motion d'ordre. (Murmures.) Il est fâcheux pour, les bons citoyens d'entendre dire à une section de Paris que le département a perdu sa confiance; c'est peut-être la faute de l'Assemblée nationale. Je demande que le comité de législation fasse un nouveau rapport sur la conduite du département qui a provoqué le veto sur_ le premier décret des prêtres (1). Plusieurs membres : L'ordre du jour ! (L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la motion ae M. Charlier, et renvoie la lettre du président de la section des Gobelins à la commission extraordinaire des Douze.) ;
Un de MM. les secrétaires continue la lecture des lettres, adresses et pétitions envoyées à l'Assemblée :
5° Lettre des commissaires de la Trésorerie nationale, qui demandent que le délai porté par l'article II de la loi du 29 avril 1792, relative aux officiers de l'armée, soit prorogé.
(L'Assemblée renvoie la lettre au comité de l'ordinaire des finances.)
, 6° Lettre des commissaires de la Trésorerie nationale, relative aux réclamations multipliées, et souvent renouvelées, des receveurs de district, sur la fixation de leur traitement.
(L'Assemblée renvoie la lettre au comité de l'ordinaire des finances.)
7° Lettre des commissaires de la Trésorerie nationale, qui se plaignent de ce que l'ordre de leur comptabilité est interverti par plusieurs décrets, qui chargent la caisse de l'extraordinaire de payer immédiatement plusieurs dépenses qui auraient dû l'être par la Trésorerie nationale.
(L'Assemblée renvoie la lettre au comité de l'ordinaire des finances.)
8° Lettre de M. Paris-Delasalle, directeur des postes aux lettres de Châtellerault, qui
annonce un vol d'une somme de 5,000 livres,,fait dans son bureau, quelques jours auparavant
: Cette lettre est ainsi conçue : (2)
« Je suis directeur des postes aux lettres de Châtellerault, un vol fut fait dans mon bureau, dimanche dernier. La dame Creuzé y chargea un paquet qu'elle dit contenir 5,000 livres en 10 assignats de 500 livres, l'adresse était à M. R. Haquelon, négociant à Nantes.
« Ce paquet a été soustrait de mon bureau. Je n'accuse personne; ma candeur et ma droiture m'ont fait la loi de rejeter loin de moi le titre de dénonciateur. Mais ce paquet est volé, en suis-je responsable? sur-quel pied doit se tendre ma responsabilité? Voici les 2 questions qui se présentent.
« 1° Suis-je responsable? Je ne puis croire que pour un port modique on acquerrait contre un préposé une responsabilité indéterminée. Non, assurément, et votre justice m'est d'avance un sûr garant, que vous n'admettrez pas de système révoltant, pour obtenir une garantie. Si lè paquet eût été mis à découvert, elle eût payé 250 livres, elle n'a payé que 2 livres, 2 sols ; donc la responsabilité entière n'est pas acquise.
«2° Sur quelpied suis-je responsable ?L'article21 du décret du 22 août 1791 dit en termes formels : « Lorsqu'une lettre ou paquet chargé à la poste ne sera pas parvenu à sa destination en France, dans la quinzaine, au plus lard, du jour du chargement, l'envoyeur, ou celui à qui ils auront été adressés, pourront en faire la réclamation, et, faute de remise de la lettre ou paquet dans le mois de la réclamation, l'administration dés postes sera tenue de payer au réclamateur 300 livres. »
« D'après cet article, que peut-on exiger de moi, si ce n'est la responsabilité portée par cet article?
« Législateurs vous êtes justes, la France vous a établis pour consolider notre Révolution et achever le code de nos lois. Daignez peser dans votre sagesse ma triste situation, et considérant qu'un fonctionnaire incorruptible et reconnu par sa candeur et ses mœurs est incapable d'avoir détourné le paquet à son profit; et que la loi qui assujettirait un directeur des postes à une responsabilité indéterminée serait vexatoire, et ordonner que la perte de ce paquet ne pourra être à mon compte.
« Signé : paris-delasalle, Directeur des postes aux lettres de Châtellerault. »
Suit un certificat de probité et d'honnêteté délivré à M. Paris-Delasalle par la municipalité de Châtellerault et les administrateurs du district, qui est ainsi conçu (1) :
« Nous maire et officiers municipaux de la ville de Châtellerault, district du même nom, de
département de la Vienne, certifions à tous qu'il appartiendra, que M. Paris-Delasalle,
directeur de la poste aux lettres de cette ville, y a exercé depuis environ 10 ans cette
fonction ainsi que celle de premier contrôleur de cette ville, avec une honnêteté, probité et
exactitude à l'abri de tous reproches fondés. En foi de quoi
* Delavau la Massonne, maire, Martinaud, officier municipal. »
« Vu pour les administrateurs composant le directoire du district à Châtellerault, le 13 juin 1792.
«Signé : Hérault, etc. »
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu de délibérer sur cette demande.)
9° Lettre de M. Deleurtre, député extraodinaire d'Avignon, qui annonce qu'il a reçu des pièces sur les nouveaux troubles d'Avignon et demande à être admis à la barre pour donner connaissance de ces faits à l'Assemblée.
Je demande l'ordre du jour. M. Deleurtre ne peut pas être député extraordinaire d'Avignon. Il tfa pas quitté Paris depuis un an.
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
Si M. Deleurtre a reçu de nouvelles pièces, il peut les communiquer au comité; d'ailleurs il a entretenu l'Assemblée de plusieurs faits...
Le préopinant a confondu les faits qui se sont passés avant les décrets qu'ont mandé les Sieurs Bertin et Rebecquey, et les faits qui se sont passés depuis cette époque et qui sont infiniment plus graves. On soumettra à rAssemblée nationale des pièces qui démontreront que les excès commis à Avignon ont été renouvelés, que les citoyens ont été violentés dans les assemblées primaires. (Murmures à droite.)
Je demande la parole. (Nouveaux murmures.)' "
Il est important que l'Assemblée soit éclairée. Si les pièces que produira M. Deleurtre sont fausses, il faut qu'il soit sévèrement puni. Mais si ces pièces annoncent des faits vrais, je réclame la justice de l'Assemblée
pour un malheureux pays dans lequel il est temps enfin de faire régner la justice et les lois. Je demande que l'on fixe une séance où M. Deleurtre sera entendu.
Plusieurs membres : L'ordre du jour!
Je demande le renvoi des pièces de M. Deleurtre au comité des Douze, et qu'on passe à l'ordre du jour sur sa demande d'être admis à la barre.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour sur la demande de M. Deleurtre d'être admis à la barre et renvoie sa lettre au comité des Douze.)
Un de MM. les secrétaires continue la lecture des lettres, adresses et pétitions envoyées à l'Assemblée :
10° Lettre de M. Marcelin, volontaire du bataillon des Innocents, qui rétracte sa signature, ap-
Fosée au bas de la pétition tendant à empêcher exécution du décret quiaugmente la force armée d'un corps de 20,000 hommes. Cette lettre est ainsi conçue (1) :
« Paris, ce
.« Monsieur le Président,
« Il m'a été présenté le 9 de ce mois une pétition signée de 8,000 citoyens à peu près, à l'effet de ne pas recevoir les 20,000 hommes de troupes demandés par l'Assemblée nationale. Mon patriotisme et mon zèle pour le bien public m'ont fait y apposer ma signature ; mais ne pouvant pas douter que c'est une erreur que mes concitoyens m'ont fait commettre inconsidéremment, puisque leur bonne foi a été trompée, je vous prie, Monsieur le Président, de vouloir bien recevoir ma rétractation et d'être bien assuré de mon dévouement et de mon respect.
« Je suis, etc.
a Signé : Marcelin, orfèvre, rue Saint-Honoré et soldat volontaire au bataillon du marché des Innocents. »
1° Lettre de M. Duranthon, ministre de lajus-; qui adresse à l'Assemblée nationale la note des décrets sanctionnés par le roi le 21 juin 1792. Cette note est ainsi conçue :
11 tice
« Le ministre de la justice a l'honneur d'adresser à M. le président de l'Assemblée nationale la note des décrets sanctionnés par le roi, ou dont Sa Majesté a ordonné l'exécution.
dates des décrets.
11 juin 1792.
11 juin 1792.
14 juin 1792. 21 juin 1792.
titre des décrets. dates des sam> tions.
Décret qui réintègre dans son emploi le sieur Bonnay, capitaine au corps d'artillerie, destitué arbitrairement. 21 juin 1792.
Décret qui établi un payeur général et un contrôleur des dépenses, pour l'armée du Midi. 21 juin 1792.
Décret relatif à l'exportation des laines, fils et bois façonnés. 21 juin 1792.
Décret portant qu'aucune réunion de citoyens armés ne pourra se présenter à aucune autoritéconstituée, sans réquisition légale. 21 juin 1792.
« A Paris, le 22 juin 1792, J'an IVe de la liberté.
« Signé : Duranthon. »
Je viens de recevoir une lettre de Douai, qui m'annonce que, malgré que Douai ne soit éloigné des frontières que de 2 lieues, et par suite entièrement situé sur le théâtre de la guerre, un bien estimé 29,568 livres a été vendu 112,700 livres ; qu'un autre estimé 6,545 livres a été vendu 28,310 livres. La confiance des acquéreurs dans le succès de nos armes est entière : les corps administratifs et les généraux veillent nuit et jour pour assurer les propriétés contre les brigandages de l'ennemi. Je demande mention honorable du zèle de ce district, qui met beaucoup d'activité dans ces ventes. (Applaudissements.)
(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable au procès-verbal du zèle des administrateurs du district de Douai.)
, au nom des comités des pétitions et des secours publics réunis, fait la seconde lecture (1) d'un projet de décret au sujet de la réclamation des sieurs Vincent Gentil et Chevalot-Beaugeois, gardes nationaux de la commune de Varennes; ce projet de décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités des pétitions et des-secours ;
« Considérant quelessieurs Ghevalot-Beaugeois l'aîné et Vincent Gentil, ont été omis par erreur dans le décret du 18 août dernier ; que le sieur Ghevalot-Beaugeois est pressé pour le remboursement des frais de postes mentionnés aux lettres par lui produites, et que les frais de voyages et ae dépenses exposés par Vincent Gentil, le constituent dans un cas de besoin très instant, décrète qu'il y a urgence, et, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
« Art. ler. La mention honorable insérée au décret du 18 août
dernier sera et demeurera commune aux sieurs Chevalot-Beaugeois l'aîné et Vincent Gentil.
« Art. 2. 11 sera payé par le Trésor public, à chacun desdits sieurs Ghevalot-Beaugeois et Vincent Gentil, une somme de 1,000 écus, pour leur tenir lieu; de gratification et d'indemnité de postes et autres dépenses.
« Art. 3. Il n'y a pas lieu à délibérer sur le surplus de leur demande. »
(L'Assemblée ajourne à huitaine la troisième lecture.)
, au nom du comité colonial, donne lecture de seconde partie du rapport sur les troubles de la Martinique (2) et présente un projet de décret relatif à, cet objet (3) ; ils sont ainsi conçus (4) :
Cinquième époque.
Messieurs, la tâche que vous avez imposée à votre comité était immense. La multitude des
M. Gonyn, qui m'a précédé dans cette tribune, vous a présenté des tableaux affreux. Il a fixé vos regards sur les horreurs qui désolèrent la colonie de la Martinique, pendant la guerre civile dont elle fût le théâtre.
Pour mettre l'Assemblée nationale a portée de statuer sainement sur le parti qu'elle doit prendre aujourd'hui, il ne reste plus à votre comité que deux objets à remplir :
1° De vous exposer le récit le plus exact et le plus vrai qu'il a pu obtenir, des faits et évé- * nements qui ont eu lieu postérieurement à l'époque où s'est terminé le rapport de M. Gonyn, c'est-à-dire, dans le cours de la commission de MM. Lacoste, Magnetot, Linger et Mondenoix.
2° D'examiner impartialement jusqu'à quel point sont fondées les nombreuses réclamations, demandes en indemnité et autres pétitions que vous avez renvôyées à l'examen de votre comité, et qui sont la suite des événements arrivés à la Martinique, tant avant que durant la commission de MM. Lacoste, Magnetot, Moudenoix et Linger. Tel est le double objet sur lequel j'appelle en ce moment l'attention de l'Assemblée nationale.
La loi du 8 décembre 1790 avait prononcé que le rpi enverrait à la Martinique quatre commissaires civils, pour prendre des informations sur les troubles, leurs circonstances, leurs causes et pour y rétablir la tranquillité.
La même loi prononçait qu'ils seraient accompagnés de 6,000 hommes de troupes et de 4 vaisseaux de ligne, indépendamment de ceux votés par les précédents décrets.
Cette escadrè mit à la voile de la rade de Brest le 5 février 1791, sous les ordres de M. Girardin; elle portait, avec quatre commissaires civils, M. Béhague, qui allait remplacer M. Damas, dans le gouvernement des Iles-du-Vent.
A peine elle avait quitté les terres de France, que le nouveau général, de concert avec les Cbmmissaires civils et les officiers dé l'armée, tinrent sur l'Eole une conférence.
Dans cette assemblée, on délibéra sur la marche à tenir dans le cas oû les forts de la Martinique ne seraient pas, à l'arrivée de l'èscadre, remis au représentant du roi.
M. Constant, adjudant général de l'armée, fut dépêché sur le brick le Cerf, avec ordre de la devancer et de revenir rendre compte de l'état dans lequel se trouverait la colonie.
Après une traversée assez heureuse, l'escadre parut , le 12 mars devant la Martinique, et la frégate l'Embuscade ramena M. Constant, porteur d'une lettre de M. Damas.
Elle annonçait que le général, à la tête d'une armée, tenait les forts bloqués parterre, peridànt que le vaisseau la Ferme et la frégate ïEmbuscade empêchaient toute communication par mer.
Elle apprenait encore que l'assemblée coloniale continuait les fonctions, que les hostilités se répétaient chaque jour avec plus de fureur.
Enhn, M. Damas invitait M. Béhague à venir le joindre et à mouiller à la Case-Navire. Ce dernier suivit cette marche : il descendit à terre, en ordonnant à l'escadre de louvoyer en dehors de la baie, et défendant toute espèce de Communication âvec l'île.
Le pavillon national flottait sur les ports, et tout semblait annoncer dans les deux factions
la joie de voir arriver des forces destinées à rétablir je calme et la paix.
L'assemblée coloniale ne tarda pas à envoyer des députés au général et aux commissaires, avec un arrêté qui exprimait la soumission à la volonté nationale.
Les villes du Fort-Royal et de Saint-Pierre manifestèrent les mêmes dispositions, les mêmes sentiments, et leurs députés furent accueillis avec transport.
C'était la seconde fois que les envoyés de Saint-Pierre paraissaient : d'abord les commissaires civils avaient refusé de les entendre, parce que, leur commission n'étant pas encore enregistrée, ils n'avaient aucun caractère public : leurs instructions leur imposaient impérieusement cette marche.
Cependant M. Béhague était descendu à terre ; il s'abouchait avec M. Damas; il fallait publier une proclamation, pour engager les soldats de la Martinique à lui rendre les forts.
Gomme cètte proclamation a servi de fondement aux reproches que l'on fait à ce général, votre comité a cru devoir vous la mettre sous les yeux.
Proclamation.
« Jean-Pierre-Antoine de Béhàgue, lieutenant général des armées du roi ; gouverneur général des îles du Vent et commandant en chef les armées de terre et de mer, envoyées pour l'exécution de la loi du 8 décembre dernier, promulguée sur le décret de l'Assemblée nationale du 29 novembre précédent. V « Soldats du régiment de la Martinique, êtes-vous Français? Est-ce bien vous qui,à la vue des forces formidables que la nation envoie pour tout pacifier, pour tout faire rentrer dans l'ordre, osez bombarder vos frères du haut de ces murs, que l'Empire des Français n'a élevés que contre les véritables ennemis? Qu'attendez-vous pour m'en apporter les clefs? Est-ce la loi qui m'envoie pour les reprendre? Je vous la notifie.
« Descendez dans vos cœurs. Si jamais vous fûtes Français, vous reconnaîtrez que vos esprits ne sont égarés que par des conseillers perfides, qui tendent à vous faire déclarer rebelles et traîtres à la patrie.
« Sont-ils parmi ces habitants dont vous désolez les campagnes? cela ne se peut pas : vous les avez forcés à prendre les armes contre vous. Sont-ils parmi les habitants de la ville Saint-Pierre dont vous détruisez le commerce? Cela se peut encore moins; vous les avez forcés à consigner dans leurs mémoires imprimés, la demande du rappel de votre régiment en France. Qui sont-ils donc ces hommes dangereux? Ne balancez pas à dénoncer des traîtres à la mère patrie, plutôt que de l'obliger à croire que c'est vous qui l'êtes ; et loin de m'appirêter l'éternel regret de répandre le sang de mes frères, mettez-, moi â même de vous mériter votre pardon, en commençant par obéir à ses décrets. « Fait à bord de ÏEoLe, le 13 mars 1791.
« Pour copie conforme à Voriginal,
« Signé : BÉHAGUE, A. MoÈNAU ».
Le lendemain de cette proclamation. les sieurs Laronde et Legrand se rendirent auprès de M. Béhague; et prenant la qualité de députés des 10 paroisses, ils protestèrent de leur sou- "
mission, de leur dévouement à la France, et se plaignirent, au nom de leurs commettants, des termes dans lesquels la proclamation de la veille était conçue.
Le général répondit que ce n'était point aux 14 îles qu'il avait ordonné de lui apporter les clefs des forts, que c'était aux chefs du parti qui se qualifiaient de commandants de ces forteresses, et leur remit en conséquence l'ordre de les évacuer, et de faire dresser par un officier d'artillerie un état des armes et des munitions qui devaient y rester. Il envoya en même temps MM. Constant et Fressinot, à la tête d'un détachement, pour prendre possession du Fort-Bourbon.
Ces deux officiers remplirent la mission qui leur était confiée, sans rencontrer d'obstacle; car l'on ne peut pas qualifier de ce nom le léger débat qui s'éléva alors et qui prenait sa source dans de fausses alarmes.
Pendant que le général s'occupait de cette partie, lès commissaires civils faisaient enregistrer leur commission au conseil supérieur; ils faisaient notifier la loi du 8 décembre à l'assemblée coloniale, aux municipalités; ils requéraient les officiers de la sénéchaussée, les commandants de quartier, de reprendre leurs fonctions.
Ici, Messieurs, votre comité doit vous rappeler un fait digne de votre attention : c'est qu'à cette époque la loi du 8 décembre n'était pas encore arrivée dans la colonie. Cependant le Ballon avait été armé à Brest à la destination à la fin de janvier, et le capitaine, ouvrant les paquets, n'y avait pas trouve cette loi.
Concevez-vous bien, Messieurs, cette conduite du ministre? Et faut-il, après un trait de cette espèce, être étonné de la lenteur avec laquelle marche la machine politique? En vain l'on fera des lois, si les agents du pouvoir exécutif ne les fout pas promulguer.
Ce fut cependant, Messieurs, le défaut d'envoi de ce décret qui perpétua pendant près de deux mois la plus désastreuse, la plus cruelle des guerres civiles. Je reprends le fil des événements.
Le général et les commissaires civils, de concert, mettaient tout en usage pour rétablir l'ordre et la tranquillité ; ils faisaient cantonner les troupes; ils enjoignaient aux citoyens de mettre bas les armes: ils faisaient défendre aux imprimeurs d'imprimer aucun ouvrage sans la signature d'un citoyen connu; ils ordonnaient aux volontaires confédérés de rentrer dans leurs îles respectives; ils défendaient toute communication sans passeport, entre Saint-Pierre et le Fort-Royal, enfin, ils enjoignaient aux soldats de ne pas franchir les limites qui leur étaient indiquées.
Ce fut après avoir pris toutes ces précautions, que pour remplir la seconde partie de leur mission, ils appelèrent par une proclamation tous ceux qui avaient connaissance des troubles qui avaient désolé la colonie, pour en recevoir des renseignements, ils invitaient en même temps les deux parties à nommer des commissaires conciliateurs.
L'assemblée coloniale avait cessé les fonctions, au désir de la loi du 8 décembre; elle avait nommé un comité de 12 membres pour conférer avec les commissaires civils, sur les intérêts de la colonie, et leur transmettre toutes les connaissances nécessaires à la mission dont ils étaient chargés.
Tant dé précautions auraient dû ramener la paix: mais les hommes qui ne vivent que de désordres, dont l'élément est la licence, ne se tenaient pas vaincus ; ils faisaient remuer tous les ressorts, formaient toutes les machinations que la perversité peut mettre en usage. On allait au-devant des soldats pour les séduire -, on ouvrait des souscriptions pour récompenser ceux du régiment de la Martinique ; on répandait une multitude d'écrits où l'on distillait la haine et le poison; on cherchait à les l'aire circuler parmi les soldats et les équipages des vaisseaux venant d'Europe. Le bruit se répandait que l'on voulâit incendier la ville du Fort-Royal et faire sauter l'arsenal; On travaillait sourdement les troupes à bord de l'escadre, et un sieur Allary, fourrier du régiment de la Martinique, échappant à la vigilance des çhefs, était redescendu de l'escadre et répandait à Saint-Pierre, dit M. Béhague, tout ce que le mensonge a de plus propre S. soulever les esprits. Les précautions prises par le général et les commissaires civils firent avorter ces projets.
Pendant qùé ces événements se succédaient à la Martinique, que l'on faisait embarquer pour France les anciennes garnisons des forts, la malheureuse colonie de Saint-Domingue était en proie aux troubles et à la guerre civile. Elle venait de voir un colonel massacré par ses propres soldats au sein d'une de ses villes; le désordre qui s'y perpétuait fit craindre à M. Blanchelande un soulèvement général; il envoya demander des secours à la Martinique; ion lui dépêcha plusieurs vaisseaux, et on lui .fit passer des troupes de terre dont la réduction des Fort-Bourbon et Fort-Royal rendait inutile le séjour à la Martinique.
MM. les commissaires civils revinrent alors au plan de conciliation qu'ils se proposaient. Ils invitèrent les citoyens de Saint-Pierre à nommer des commissaires conciliateurs en nombre égal à peux que l'assemblée coloniale avait choisis, en cessant ses* fonctions ; mais comme ils hâtaient avec ardeur cette opération, il leur parvint une lettre des commissaires du commerce à Saint-Paul qui se plaignaient tout à la fois de la forme proposée pour l'élection, et des expressions dans lesquelles la proclamation était conçue. Il leur fut fait une réponse datée du 4 avril au Fort-Royal, et il paraît qu'ils furent satisfaits de la manière dont MM. les commissaires civils S'y étaient expliqués ; ils y annonçaient une entière impartialité !
Cependant une quantité considérable deùègres avaient quitté leurs ateliers pendant la guerre civile; ils étaient attroupés sans chefs, sans asile ; ils se répandaient en armes sur les habitations et s'y livraient au pillage. Il était à craindre que le nombre ne vînt à ^'accroître et ne replongeât la colonie dans les horreurs d'une nouvelle guerre. On fit, en conséquence, une proclamation par laquelle, en leur annonçant un pardon général, on les invitait à reprendre leurs travaux.
Cette marche eut l'effet qu'on en attendait. Beaucoup de nègres rentrèrent chez leurs maîtres, et déposèrent leurs armes dans les arsenaux. Il était à croire que cette soumission calmerait la passion et ferait taire la haine : il en fut autrement. Plusieurs habitants de la ville de Saint-Pierre se portèrent à des actes de violence envers les esclaves que la promesse du pardoû ramenait chez eux.
Ce procédé brutal et impolitique éveilla la
sollicitude des commissaires du roi, et ils requirent le sénéchal de veiller plus attentivement que jamais à l'exécution des lois, et de les instruire des. contraventions qui viendraient à sa connaissance.
Les esclaves n'étaient pas les seuls en butte à la fureur de la vengeance: elle poursuivait aussi les hommes de couleur. Plusieurs d'entre eux parurent à Saint-Pierre portant la cocarde nationale. Ce signe auguste, qui ne devait faire naître dans le cœur des Français que. la haine des tyrans et le respect pour les lois, rallume tout à coup la rage de quelques citoyens ; ils se jettent avec fureur sur les mulâtres, leur arrachent les couleurs nationales, et se portent aux derniers excès. Cet événement manqua encore d'embraser cette malheureuse ville.
Le général, instruit de ce qui se passait, fit sur-le-champ publier une proclamation par laquelle il défendait à qui que ce fût de provoquer ceux qui porteraient les couleurs nationales, sous peine d'être regardés comme perturbateurs du repos public, et punis comme tels. Cette proclamation sembla en imposer momentanément aux malveillants, mais elle ne rétablit pas l'union; elle sembla même prêter un nouvel aliment à la discorde. On vit des Jeunes gens dans Saint-Pierre quitter la cocarde et refuser de la porter, sans doute parceque l'homme de couleur libre en était décoré. Au reste, ce cri de l'orgueil et de la vanité n'eut pas de suite, et un autre objet vint bientôt fixer l'attention des com missai res civils.
Les planteurs avaient juré de rompre foute communication avec Saint-Pierre; ils tenaient à leur serment, et n'y portaient plus leurs denrées; ils n'y venaient plus faire d'achats; et les recouvrements des négociants français, la vente de leurs marchandises, le retour de leurs vaisseaux étaient devenus impossibles.
Les commissaires du commerce de Saint-Pierre-en portèrent leurs plaintes aux commissaires civils^et lés prièrent d'apporter un prompt remède à tant de maux ; ils en reçurent une réponse le 22 avril, dont il est nécessaire de présenter ici l'extrait :
« Nous ne perdrons jamais de vue, y disent-ils, lès intérêts du commerce de France; mais les lois prohibitriees ont repris toutes leurs forcés, de l'instant où les troubles ont cessé. La surveillance établie par ces lois a été mise en activité; èt il ne tiendra pas à noUs qu'elle ne devienne efficace. Quant à yos recouvrements, nous ne pouvons que provoquer les tribunaux, toute notre influence vous est assurée.
« Les règlements relatifs à ceux qui veulent quitter la colonie seront rigoureusement exécutés ; quant à la libre circulation dans les divers points de l'île, si les circonstances- nous ont forcés pendant quelque temps de l'interrompre pour les individus inconnus, cette interruption n'a jamais eu lieu pour les agents du •commerce. Pour la direction des denrées de Saint-Pierre, les propriétaires ont la faculté de les vendre partout où ils ie jugent à propos, et aucun lieu n'est exclusivement désigné. •>
Cette réponse était la seule que pussent faire les commissaires civils. S'occuper à extirper les germes de la division, mettre tout en usage pour réunir les citoyens, faire veiller pour anéantir le commerce interlope, c'était tout ce qu'ils pouvaient faire. Ces difficultés qué le commerce rencontrait, prenaient leur source danse le malheur des temps ; C'était une suite de la
guerre civile qui venait de désoler la colonie. Les commissaires du commerce sentirent sans doute cette vérité, car ils semblèrent se soumettre aux événements, en attendant un ordre de choses plus favorable à leurs intérêts..
MM. les commissaires civils, en s'oceupant des intérêts généraux de la colonie, né perdirent pas de vue la situation douloureuse dans laquelle se trouvait en particulier un certain nombre d'individus. Une multitude de propriétaires absolument ruinés, hors d'état d'entretenir leur famille, de nourrir leurs nègres, leur adressaient des plaintes, des réclamations. 11 était à craindre que l'excès de la détresse n'excitât le désespoir. Ils n'ont pas craint, disent-ils, de se montrer humains au nom d'une nation généreuse et sensible; ils sont venus au secours de ces infortunés.
Votre comité a cru devoir vous proposer d'approuver ce procédé, parce que les commissaires rendront compte, sous leur responsabilité, des sommes employées à ces secours.
Cependant la Martinique était loin de jouir de cet état tranquille dont a besoin le colon : tout à la fois cultivateur et négociant, ce n'est qu'au sein de la plus parfaite paix qu'il peut voir prospérer le sol qu'il habite.
Des distributions secrètes de tafia, des propos méchamment supposés, enfantèrent bientôt des
Suerelles entre les grenadiers des divers corps.
n eut la plus grande peine à en arrêter l'effet.
Cette opération était à peine terminée qu'une insurrection générale se manifesta parmi les esclaves de deux des principales habitations voisines de Saint-Pierre. Le nègre, encore plein du sentiment qu'avait fait naître chez lui la liberté dont il avait joui pendant les troubles, entraîné par l'amour de la licence dont il avait contracté l'habitude dans les camps, avait peine à reprendre la chaîne : un atelier voulait avoir un commandeur de son choix, un autre prétendait faire renvoyer l'économe qui ne lui convenait pas; et ces diverses prétentions étaient sur le point de renouveler les scènes sanglantes, trop souvent répétées sur cé sol infortuné, lorsque les commissaires, instruits de ce nouvel incendie, se transportèrent sur les habitations qu'il menaçait d'embraser et vinrent à bout de l'éteindre.
Il ne faut cependant pas, Messieurs, jeter tout l'odieux de ces événements sur les infortunés Africains que notre sordide avarice arracha aux climats qui les virent naître.
La plupart étaient rentrés dans leurs ateliers, avec l'espoir d'un pardon qu'on leur avait promis; et la barbarie les y attendait; on conduisait l'un au bagne, l'autre au cabrouet public.
Cet excès de perfidie excita parmi ces êtres malheureux une grande fermentation ; elle fut suivie d'un attroupement de citoyens de couleur, et il ne fallut rien moins que la présence des agents de l'autorité, et l'appareil d'une force puissante, pour en imposer à cette multitude.
11 est facile de se persuader que cette conduite provoqua quantité de désertions. Pour les prévenir, le général s'était déterminé, dit-il,. à établir aux environs de Saint-Pierre un poste de citoyens de couleur. Dans tout autre temps, il n'eût" paru entretenu que par précaution, et il donna tle l'ombrage aux esprits inquiets; pour le dissiper, M. Béhague ordonna la démolition des retranchements, et l'enlèvement de l'artillerie. Ces dispositions semblèrent apaiser les hommes turbulents; mais les haines n'étaient
pas éteintes. Le souvenir des assassinats commis le 3 juin au centre de Saint-Pierre, des horreurs qui avaient accompagné l'atroce guerre de sept mois, était profondément gravé dans tous les esprits; le mulâtre soupirait encore après la vengeance,
Le général, les commissaires du roi avaient bien pu dissiper des armées; mais il n'avait pas été en leur pouvoir d'étouffer le sentiment cruel qui fait désirer la perte d'un ennemi.
Le mulâtre, excité par des hommes passionnés, se répandait dans les bourgs, dans les campagnes; insultait les citoyens du parti de Saint-Pierre, leur intimait l'ordre de sortir de la colonie dans un court délai, sous peine d'être fusillés; des menaces, il passait aux coups, et même aux assassinats; ces crimes faisaient gémir les bons citoyens. Ils voyaient la difficulté d'en arrêter les progrès. Tantôt le défaut de preuves empêchait la justice d'atteindre les coupables, tantôt le magistrat, sourd à la voix du devoir, fermait l'œil sur ces scènes sanglantes.
En vain le général recommandait la plus exacte surveillance; en vain les commissaires requéraient le ministère public; toutes ces précautions n'empêchaient pas que chaque jour ne vît immoler de nombreuses victimes.
Ces diverses circonstances augmentaient {les embarras des commissaires, et multipliaient sous leurs pas les difficultés qu'ils avaient à vaincre ; elles ne ralentissaient pas leur courage. Saint-Pierre venait, enfin de nommer des commissaires conciliateurs, mais outre qu'à cette époque, le marronnage était devenu plus fréquent que jamais, l'insubordination d'une partie des troupes, qui obligea M. Béhague d'en ordonner rembarquement pour la France, retarda encore l'instant si désiré de la réunion. Un nouvel événement vint tout à coup distraire de ces idées le général et les commissaires civils et fixa sur eux toute l'attention dés citoyens.
Le navire la Jenny, commandé par le capitaine Lagarde, du port de Bordeaux, arriva à la Martinique; il portait à Saint-Domingue une riche cargaison, et ne devait relâcher que l'espace de 24 heures.
Parmi les passagers qui étaient à son bord, se trouvait un sieur Narbonne-Larra, capitaine au régiment ci-devant Bassigni, qui venait rejoindre son corps au Fort-Royal.
A son arrivée, cet officier porta des plaintes très vives à son corps et au général ; il allégua des mauvais traitements, des violences qu'il disait avoir été exercées contre lui pendant la traversée ; bientôt ces plaintes parvinrent aux commissaires civils, auxquels on fit aussitôt entendre que le navire portait un chargement suspect en armes et munitions de guerre.
On les pressa par tous les moyens imaginables d'interposer leur autorité pour faire punir ce capitaine. Il fallait, leur disait-on, sévir d'une manière exemplaire. Mais ces magistrats, imbus des vrais principes, pensèrent avec raison que cet objet n'était pas de leur compétence; que c'était au pouvoir judiciaire à prononcer; en conséquence, ils renvoyèrent au juge de l'amirauté.
Cette marche sembla ne pas satisfaire le gé néral et les officiers de l'armée. Ils représenté rent que, si le bâtiment partait dans les 24 heures pour Saint-Domingue, les moyens d'information allaient échapper. L'arrestation du navire fut donc résolue et ordonnée. L'on prit toutes les
précautions nécessaires pour empêcher les mouvements que cette opération pouvait occasionner sur la rade de Saint-Pierre.
La frégate la Calypso, fut dépêchée à cet effet, et mit à terre un sieur Lassas, jeune officier de la marine, pour prévenir le commandant de la ville qu'il avait ordre d'arrêter et de conduire à bord de la frégate le capitaine Lagarde ; il apprit alors que ce particulier était à terre, il fut à sa recherche, et l'ayant rencontré, il lui intima l'ordre qu'il portait. Le sieur Lagarde ne fit aucune résistance : il demanda seulement, pour toute grâce, la permission d'entrer dans un magasin, pour y terminer une affaire pressante ; l'officier de la marine consentit à cette demande.
Ce fut dans ce magasin que s'éleva une grande querelle, selon M. Lassas : il prétend y avpir été insulté, il prétend y avoir essuyé des violences, des Outrages, y avoir couru aes dangers, avoir été contraint de se retirer sans pouvoir remplir sa mission.
Un fait certain, c'est qu'il revint, sans être accompagné du sieur Lagarde, rendre compte au sieur Malvost, capitaine de la frégate, du. peu de succès de sa mission.
Celui-ci, croisant devant la rade de Saint-Pierre, arbora aussitôt la flamme d'ordre : ce fut sans succès : ni le commaudant des navires marchands, ni aucun des capitaines ne se rendirent à son bord. Il leur envoya injonction par écrit, mais ce fut aussi inutilement.
Ce silence, qui avait pour cause le prochain départ pourlaFrancedu commandant des navires marchands, l'abandon qu'il avait fait du commandement, et la subite nomination de son successeur, qui n'avait point encore accepté, fut regardé par M. Malvost, comme un acte d'insubordination marquée.
Indigné, d'ailleurs, des excès auxquels on s'était porté, disait-il, envers l'officier qu'il avait envoyé, il dépêcha un courrier au Fort-Royal, pour informer le général de cette désobéissance, et lui annoncer qu'il allait faire usage de toutes les forces remises en son pouvoir, s'il ne recevait d'autres ordres.
Le courrier arriva à 2 heures du matin, et les dépêches furent sur-le-champ communiquées aux commissaires civils.
On leur représenta cette affaire comme de la plus haute importance; on leur annonça que la ville de Saint-Pierre était en proie aux mouvements les plus tumultueux.
Vous pouvez juger, Messieurs, combien était affreux le tableau qui fut présenté aux commissaires civils, puisqu'il fut aussitôt décidé que l'Eote et l'Embuscade appareilleraient du Fort-Royal et se rendraiént à Saint-Pierre, portant à leur bord 200 hommes de débarquement, et que les commissaires civils s'y rendraient èux-mêmes.
Cette expédition eut en effet lieu ; mais quelle fut leur surprise, lorsqu'après avoir entendu les officiers delà marine, les capitaines marchands, le sieur Narbonne, le sieur Lagarde, ils virent clairement qu'il n'y avait eu à Saint-Pierre aucun trouble public; qué la tranquillité de cette ville,n'avait en rien été altérée; que la connaissance de cet événement, si bruyant selon les officiers de la marine, n'était pas même parvenue dans les rues voisines du magasin qui avait dù en être le théâtre; enfin qu'il n'y avait eu ni attroupement, ni révolte, qui dût être réprimée par la force publique.
Quel sera, Messieurs, votre étonnement à vous-
mêmes, lorsque, à la suite de ce récit, votre co" mité vous apprendra que les vexations-prétendues commises en la personne du sieur Narbonne, les insultes supposées faites au sieur Lassas dénoncées aux tribunaux, les informations faites se sont bornées à prouver :
1° Que la fatigue de la mer, l'agitation du vaisseau et la violence du vent avaient dérangé les organes de M. Narbonne; que le capitaine Lagarde n'avait eu personnellement que des égards pour lui;
2° Que le sieur Lagarde s'était borné à demander au sieur Lassas la permission d'aller à son bord chercher une pièce utile à sa justification, et que le prétendu trouble, excité dans cette circonstance, se réduisait à quelques propos de la part des personnes, présentes.
Tel est cependant le résultat de deux informations faites, d'après les ordres des commissaires civils, devant le juge de l'amirauté, seul compétent de, la matière. . ,
Cette marché-légale avait été vivement combattue par M. Béhague : toutes ces formes l'embarrassaient; si on l'eut cru, il fallait laisser une garnison à bord de la Jenny, et mettre le sieur Lagarde en prison : « 11 ne s'agissait, dit-il dans la lettre du 29 mai aux commissaires civils, que de dire à cet homme : Vous avez manqué, allez-vous-en en « prison »>, et tout eût été dit ».
Heureusement ces magistrats se refusèrent à cet acte arbitraire; mais le lieutenant au gouvernement général céda avec peine. Son amour-propre fut grandement offensé ; et, depuis cette époque, votre comité a vu, avec peine, disparaître l'harmonie qui devait régner entre ie général et les commissaires civils. Vous verrez, dans la suite, se développer avec plus de clarté encore, cette fâcheuse vérité : ne devançons pas l'ordre des événements.
Il semble que tout conspirait pour suspendre les pourparlers conciliatoires, projetés par les commissaires, entre les deux partis qui avaient déchiré la colonie.
Le 28 mai, les chefs n'osaient plus, il est vrai, se montrer à découvert, mais ils n en étaient que plus dangereux ; il était plus difficile de prévoir leurs machinations et de prendre des précautions propres à en arrêter l'effet.
On continuait de travailler les soldats, on semait parmi eux la méfiance et l'esprit d'indiscipline, ils arrachaient les piquets de correction placés à la porte des casernes.
On continuait a répandre, parmi les équipages des vaisseaux venant de France, des lettres incendiaires; on les mettait aux prises avec ceux de la Ferme et de l'Embuscade.
On leur écrivait que les derniers étaient régalés comme des traîtres et des aristocrates, que la même honte les attendait s'ils suivaient la même marche.
On se plaisait à annoncer la mort du général, la révolte totale du régiment de Turenne. -
Tant de moyens mis en usage devaient nécessairement occasionner un trouble violent : en effet, l'on vitune populace effrénée se porter aux plus grands excès, elle parcourait les rues des villes, enfonçait les portes, brisait les meubles des citoyens qui avaient tenu au parti de Saint-Pierre, et les forçait d'abandonner leur domicile.
Un sieur Grandmaison vit sa maison attaquée et tut forcé de prendre la fuite pour se soustraire à la mort qui le menaçait.
Le matelot, le soldat des vaisseaux la Ferme et l'Embuscade regrettaient leurs travaux et an-
nonçaient hautement qu'ils forceraient les capitaines à appareiller pour la France.
Ces désordres furent enfin arrêtés : l'on distribua des gardes de sûreté dans différents lieux, et MM. Mondenoix et Linger pu rent haranguer leurs épuipages et les garnisons des Vaisseaux ; mais si l'on cessa les proscriptions publiques, la persécution n'en suivit pas moins les absents dans leur fuite. Elle devint même d'autant plus à craindre qu'elle sut se parer des dehors de la justice.
L'on fit assigner le sieur Grandmaison par divers citoyens, comme ayant été muni des clefs de la ville qu'il habitait. On prétendit qu'en cette qualité il était civilement garant des dommages que les citoyens avaient essuyés pendant la guerre civile : ce système fut avec chaleur accueilli par les tribunaux. Le sieur Grandmaison fut condamné ; et malgré les ordres des commissaires civils, on conduisit sur ses biens des oppositions, des saisies-arrêts, en, sorte que, propriétaire d'une fortune assez considérable, il languit en France sans pouvoir toucher ses revenus, ni disposer de ses propriétés.
Les discours prononcés à bord des vaisseaux avaient apaisé les soldats et les matelots ; mais le soin que prit M. Béhague de les rendre publics, manqua de détruire tout ce que les commissaires civils avaient fait pour rapprocher le parti des planteurs du parti de Saint-Pierre : les citoyens ae cette dernière ville se plaignirent avec amer-tumè du style dans lequel ils étaient conçus; ils prétendirent qu'ils présentaient une partialité marquée, et qu'ils ne pouvaient plus connaître pour arbitres des hommes qui avaient développé leur opinion d'une manière aussi fortement prononcée. Pour vous mettre à portée d'apprécier cette opinion, il est essentiel que vous entendiez la lecture de la pièce :
« Braves gens qui composez l'équipage du vaisseau la Ferme et de la frégate Y Embuscade, nous avons appris avec indignation que des gens mal intentionnés ont cherché à décrier la conduite que vous avez tenue pendant les troubles de cette colonie dans la première époque de la station de la Ferme et de l'Embuscade à la Martinique.
« Nous nous sommes rendus ici pour vous témoigner que votre conduite est bonne, qu'elle est sage, légale, conforme aux principes et aux intentions de l'Assemblée nationale.
«Ce que vous avez fait avant l'arrivée-de l'escadre a préparé le succès des opérations pour lesquelles elle a été envoyée, a assuré l'exécution de la loi qui ordonnait de remettre les forts, de dissiper l'insurrection des troupes, et de faire cesser les désordres auxquels la colonie était livrée.
« Soyez contents de vous-mêmes, vous en avez acquis le droit ; les gens d'honneur^ tels que vous, ont rempli la mesure de leurs devoirs, lorsqu'ils ont obéi ponctuellement aux ordres des officiers qui les commandent; c'est alors qu'ils se sont élevés au-dessus des reproches; c'est alors qu'ils obtiennent l'estime des citoyens honnêtes; nous nous rendons garants envers vous de cette estime pour le présent et pour l'avenir.
« Braves militaires du régiment d'Agénois, c'est à vous que nous adressons la parole; vous avez couru la même carrière que les gens de mer de la frégate l'Embuscade; vous avez partagé leurs travaux, leurs périls, leurs succès ; des reproches, qui n'auraient jamais dû avoir ; lieu, se sont étendus jusqu'à vous; nous avons eu connaissance de la sensibilité, si bien placée, si digne de vous, parce qu'elle appartient à des
âmes délicates; soyez sûrs que votre honneur nous est infiniment cher, que nous en connaissons tout le prix; nous en serons les plus zélés défenseurs dans toutes les circonstances, dans tous les temps, à toutes les distances.
« Si quelqu'un était assez téméraire pour oser encore vous blâmer et vous provoquer, par des propos injurieux, nous le déclarons^ coupable, nous requerrons contre lui l'autorité de vos chefs, pour que justice vous soit faite par une punition prompte et exemplaire.
« Braves amis, que désormais vos inquiétudes cessentque vos alarmes se dissipent, vivez dans la paix, dans l'union avec tous vos frères embarqués sur les bâtiments de l'escadre; ils seront empressés à y concourir, lorsqu'ils connaîtront les sentiments que nous venons de vous exprimer, au nom de la nation, de la loi et du roi, auxquels vous avez toujours été fidèles. »
Votre comité ne se permettra aucunes réflexions ; il me charge de continuer simplement le récit des faits.
Au milieu du calme apparent, la colonie était toujours intérieurement agitée, exposée conséquemment à de nouveaux orages. Les partis n'attendaient qu'une occasion favorable : ils crurent la rencontrer le 3 juin.
Quelques négrillons faisaient à Saint-Pierre, sur la place publique, le simulacre d'une petite guerre; quelques citoyens présents s'amusaient ae ces jeux, une pierre lancée par un de ces enfants atteint un blanc; la colère transporte ce dernier, il tombe à bras raccourcis sur le jeune nègre; un mulâtre lui fait des représentations, il s'en offense, il le frappe ; la querelle s'engage, le nombre des combattants augmente, des mulâtres armés sortent en troupe de diverses maisons, les blancs prennent la fuite, leurs adversaires les poursuivent; l'alarme se répand; le trouble est général, et une aussi légère étincelle menace la ville d'un embrasement total.
Cependant la force armée arrive, les agents de l'autorité paraissent et sauvent encore la ville de Saint-Pierre d'un massacre général ; ce moment de tranquillité ne fut pas de longue durée : la paix est rétablie à une extrémité de la colonie ; mais la guerre se manifeste à la même minute à l'autre extrémité.
Déjà on recommence les menaces, les proscriptions et les efforts de la commission ne peuvent arrêter les émigrations qui en sont une suite. Une foule de citoyens effrayés sortent de la colonie, et passent les uns en France, les autres dans les îles voisines.
Les commissaires civils donnèrent en vain des ordres aux tribunaux d'informer contre les auteurs de ces désordres; les coupables échappaient à la peine ; on refusait force à justice.
Un mulâtre, nommé Debeuze, fut, ainsi que son frère, décrété de prise de corps, pour avoir menacé les habitants blancs delà paroisse de Vauclin, qui avaient pris le parti de Saint-Pierre, et leur avaient signifié l'ordre de sortir de la colonie, mais ils échappèrent à la peine; on refusa de les arrêter. Vous sentez, Messieurs, combien cette désobéissance formelle favorisait les projets des malveillants; quel que fût leur crime, il pouvaient compter sur l'impunité.
Une Circonstance a fait regretter à votre comité que cette procédure n'ait pas été poussée à la perfection : elle eût jeté un grand jour sur les troubles de la colonie. 5 des principaux planteurs étaient compris dans les plaintes des nabi-
tants menacés; et il paraît qu'ils s'étaient prévalus du nom même du général, pour exciter les mulâtres. Vous regretterez, sans doute, aussi bien que votre comité, de voir ainsi à chaque pas échapper de vos mains un fil qu'il était si intéressant de suivre.
Cependant les commissaires civils et le général parcouraient l'île; ils se rendaient dans les divers quartiers ; à chaque pas, ils éprouvaient le sentiment de la surprise et de l'indignation; ils ne pouvaient contempler sans frémir les barbaries auxquelles s'étaient livrés les deux partis, pendant l'affreuse guerre dont votre comité vous a déjà présenté la sanglante histoire. De quelle horreur durent-ils être pénétrés, lorsqu'ils virent au bourg de la Rivière Salée un enfant de 8 ans que des monstres avaient mutilé, et mutilé si l'on en croit les rapports, avec les dents : voilà, Messieurs, un de ces crimes, dont les guerres civiles même les plus acharnées offrent peu d'exemples. Ce n'est pourtant, si l'on en croit un sieur Dur-nellè, chargé de la distribution des vivres de l'hôpital au Fort-Bourbon, ce n'est qu'une légère esquisse des atrocités commises sur cette terre infortunée.
Il 'semblait que la paix en fût pour jamais bannie ; à peine un léger trouble est-il apaisé, qu'un autre lui succède. Un mot, un geste, un regard suffisent pour faire prendre'les armes aux deux partis et servent de prétexte à une insurrection.
Au milieu d'une fermentation aussi générale, il eût été imprudent de ne pas prendre des précautions pour le 23 juin; c'était l'anniversaire de cette journée fatale qui offrit à Saint-Pierre les scènes atroces dont votre comité vous a déjà présenté le tableau. II eût été à craindre qu'une cérémonie religieuse ne rappelât chez les mulâtres le désir dé la vengeance. Les commissaires civils et le commandant général donnèrent des ordres pour que cette cérémonie n'eût pas lieu. ' Chacun des partis avait, comme nous l'avons précédemment dit, nommé des commissaires ; mais les événements successivement arrivés, avaient empêché jusqu'alors d'ouvrir ces conférences. On se préparait à les entamer, lorsque les commissaires conciliateurs du parti de Saint-Pierre reçoivent, de quelques-uns des habitants de cette ville, une lettre qui annonce leur mécontentement et les rappelle.
Ils en firent bientôt part aux ^commissaires Civils, et leur déclarèrent qu'ils se séparaient. En vain, ceux-ci leur exposèrent « qu'une corporation, une commune n'ont droit d'émettre un vœu qu'après mûre délibération dans une assemblée légalement convoquée; que leurs commettants ne pouvaient les révoquer, que de la même manière qu'ils les avaient institués; qu'en cédant inconsidérément à ce mandat illégal, ils partageaient l'infraction à la loi; qu'ils devaient s'en reprocher une plus grave encore en envoyant en France des mémoires et autres pièces relatives aux troubles ; qu'en cela ils violent un dépôt, et rendent l'exécution de la loi impossible. »
Aucune de ces considérations ne frappa les commissaires du parti de Saint-Pierre; ils se retirèrent après avoir nommé des députés auprès de l'Assemblée nationale, pour justifier la con>-duite tenue par leur ville, et donner des renseignements sur les désordres qui ont si longtemps affligé la colonie. Pendant que cette discussion avait lieu, le bruit se répandait à la Martinique, dans les îles voisines, qu'on n'attendait que la
réunion de la station au Fort-Royal, pendant l'hivernage, pour incendier l'escadre ; on le mandait de la manière la plus précise de la Grenade. Cette nouvelle parut, au général et aux commissaires du roi, mériter la plus grande attention; ils prirent de concert toutes les précautions qu'ils crurent nécessaires pour éviter un pareil accident. On forma le projet d'établir à Saint-Pierre, une compagnie d'archers, pour y maintenir la police ; et l'on détermina le nombre des forces navales que l'on conserverait dans la colonie pour la rigoureuse saison.
Ce plan se discutait, s'arrêtait, lorsque les gre^ nadiers deBassigny, sans doute trompés par des malintentionnés, appelèrent en cartel les grenadiers de la Martinique ; et leur fureur était telle, qu'on eut peine à étouffer cette dissension, dont les suites auraient été désastreuses ; mais à peine un obstacle était-il vaincu, qu'un autre lui succédait.
L'affaire du 3 juillet 1791 avait été dénoncée aux tribunaux, cette dénonciation avait été suivie de divers décrets ; mais les huissiers refusaient de mettre les jugements à exécution^ ils se plaignaient des menaces qu'on leur faisait dans les campagnes, des dangers auxquels ils étaient exposés, et la justice restait sans activité.
Les commissaires- civils s'en plaignirent au général, ét requirent que force fût donnée à justice. « Les circonstances (disent les commissaires civils, dans leur lettre du 8 juillet) dans lesquelles nous nous sommes trouvés en arrivant dans cétte colonie, n'étaient pâs plus critiques ni plus fâcheuses que celles où nous nous trouvons aujourd'hui. Responsables envers le roi, envers l'Assemblée nationale, envers la France entière, du sort de la tranquillité de cette île, nous devons |la vérité tout entière. Il existe évidemment dans la ville et dans tous les quartiers, des gens qui, s'ils ne sont pas malintentionnés, se laissent au moins entraîner par leur animosité et le désir de la vengeance; leur impulsion se propage sourdemerft, et contrarie de toutes parts nos efforts pour le rétablissement de l'ordre et de la paix. C'est à l'inertie de la justice, à l'inaction de ses ministres, à la négligence du Commandant de quartier, et consé-quemnient à l'espoir de l'impunité, qu'il faut attribuer ces agitations continuelles et cette guerre intestine. »
Cette peinture n'était guère faite pour rassurer lès membres de la commission. Ils requirent, en conséquence, le général, de fournir une garnison à Saint-Pierre; ils donnèrent ordre au sénéchal d'informer sans délai, sur l'émeute du 3 juillet; ils firent publier une proclamation par laquelle il fut défendu à toute personne de se permettre aucun acte qui pût altérer l'ordre et la paix, de crier aux armes, de paraître attroupé et armé, sous peine d'être puni de mort. Ils ne bornèrent pas là leur précaution. Instruits de la conduite illégale tenue par les divers postes de mulâtres répandus dans la campagne, ils prirent sur ces faits des informations, et, convaincus de la vérité de l'accusation,- ils demandèrent la suppression de ces mêmes postes. ; ;
Ces précautions n'étaient pas du goût de M. Béhague; il fit des représentations aux commissaires civils, pour se dispeiiserietde fournir une garnison à Saint-Pierre, et de licencier les postes composés d'hommes de couleur et dispersés dansla colonie ; il usa;de tous les moyens pour les détourner de ce projet. Ils insistèrent
et leur plan fut suivi; mais ce ne fut pas sans de •violents débats. Cette opposition donna lieu à une correspondance qui prouve, jusqu'à l'évidence, le peu d'harmonie qui a régné entre le commandant général et les membres de la commission; l'opposition qu'ils rencontraient presque à chaque pas de la part de cet officier. Cependant cette discussion prit fin, et tous, parurent s'occuper, de concert, à empêcher qu'il ne survînt de nouveaux troubles dans la colonie. Cette tâche était difficile et ne pouvait réussir que par un parfait accord entre les agents de l'autorité et par une force puissante pour l'exécution de leurs projets.
Cette réunion de volonté et de force a même souvent échoué. La fureur des partis n'avait point de bornes ; et si la haine semblait quelques instants se ralentir, c'était pour déployer ensuite, avec plus d'énergie que" jamais, la rage qui l'enflammait.
Tantôt c'était un citoyen du parti de Saint-Pierre qui était insulté, vexé, accablé de coups, inhumainement massacré par des mulâtres tenant au parti des planteurs, par des planteurs eux-mêmes; tantôt c'étaient Ces mêmes mulâtres qui étaient les victimes dè l'acharnement qui agitait les factieux.
Des agents secrets et cachés semblaient s'occuper à fomenter ces désordres. L'on a vu à la Case-Naviré 2 nègres, nommés Casimir et Bontus, qui tenaient cabaret, donner à boire sans payement à tout nègre qui se présentait chez eux, et les invitaient même à revenir en disant: « C'est la nation qui vous traite. »
Quel champ de pareilles circonstances n'offrent-elles pas aux réflexions? Quelles inquiétudes ne devaient-elles pas donner aux commissaires civils? Un nouvel événement vint encore les augmenter.
L'on signala, le lep août sur le midi, 23 voiles. On répandit que c'étaient des bâtiments de Bordeaux, qui venaient en imposer aux patriotes. 11 n'en fallut pas davantage pour ranimer la fureur des partis, et bientôt le feu caché sous la cendre allait se développer, s'enflammer avec plus d'autorité que jamais. Heureusement l'on vint à bout de se convaincre que c'était une flotte de bâtiments anglais, qui partaient de leurs ports pour gagner la prime a l'approche de l'hivernage; et les têtes reprirent pour un instant leur assiette.
Les travaux de la commission ne s'étendaient pas seulement sur la Martinique; toutes les îles du Vent étaient confiées à leur soin; et si elles n'étaient pas en proie comme la Martinique aux horreurs ae la guerre civile, elles étaient toutes plus ou moins agitées. Les canonniers détachés à Sainte-Lucie s'étaient insurgés et le brick le Cerf avait été détaché pour les ramener à la Martinique : il fit son retour le 14 août.
A peine ces soldats eurentrils mis pied à terre, qu'ils communiquèrent avec la garnison du fort Saint-Louis, et que l'on fut contraint de les transporter dans un bateau stationnant sur -la rade et destiné à les porter en France.
Si l'on en croit le général, il fut informé, le 18 août, que des malintentionnés de Saint-Pierre faisaient circuler, parmi les esclaves de l'intérieur de la ville, des" imprimés incendiaires, tels, entre autres, dit-il, qu'une lettre attribuée à l'abbé Grégoire, et qui ne tendait, contiuue-t-il, à rien moins qu'à faire égorger tous les propriétaires d'habitations.
Cette assertion n'est étayée d'aucunes preuves.
On ne voit d'ailleurs nulle part, en la supposant vraie, qu'il en soit uésulté le moindre inconvénient. Au surplus, les commissaires du roi ayant reçu, à cette époque, de la Guadeloupe, divers procès-verbaux dressés par les officiers municipaux de la ville de Basse-Terre, ils en écrivirent au général, et ils eurent ensemble une conférence. En conséquence, le gouvernement général fit, lui-même, part des pièces qu'il avait reçues; après quoi ils se séparèrent et MM. Magnetot, Linger, Mondenoix et Lacoste s'embarquèrent pour la Guadeloupe.
Tel est, Messieurs, le récit exact et fidèle des événements arrivés durant la mission des commissaires civils. Ne voulant nous permettre sur ces faits aucunes réflexions, autres que celles sur lesquelles nous avons arrêté Votre attention dans le cours de ces récits, nous allons maintenant passer à l'examen des diverses pétitions que vous avez renvoyées à votre comité. Bientôt, il vous rendra compte de la mission que les mêmes commissaires ont eue à remplir à la Guadeloupe, et des effets que la Révolution a produits dans cette autre colonie : il est indispensable que vous en soyez instruits. Ce sera alors que vous serez à portée de juger la conduite de M. Béhague, et de prononcer d'une manière plus certaine sur son compte. Je reviens aux pétitionnaires de la Martinique, dont plusieurs se plaignent, avec juste raison, d'avoir été victimes de la fureur des partis, et réclament des secours et des indemnités.
Je diviserai ces pétitionnaires en quatre classes.
Je rangerai dans la première les citoyens arrachés à leur famille, à leurs affaires, emprisonnés sans décret, et déportés en France, ou forcés de fuir pour éviter la mort.
Vous verrez dans la seconde, des soldats égarés, sans doute, et séparés de leurs corps depuis près de deux années.
La troisième sera composée de quelques habitants de l'île, qui, pendant la guerre, ont prêté diverses sommes à la ville de Saint-Pierre, et en demandent aujourd'hui le remboursement.
Dans la quatrième classe, je fixerai votre attention sur deux officiers du régiment de la Martinique, qui se plaignent d'avoir perdu leurs meubles dans l'île, pendant qu'ils étaient en France pour leur service.
Cette division a paru nécessaire à votre comité, pour éclairer l'Assemblée : elle se déterminera, sans doute, par des principes différents, sur chacune de ces classes.
Celle qui se présente d'abord, est composée, comme je l'ai dit, d'un grand nombre de citoyens embarqués sans aucunes formes, et amenés en France, ou forcés de fuir pour éviter la mort. Ils réclament tous des indemnités plus ou moins considérables en protestant de leur innocence, en alléguant que, victimes de leur patriotisme, ils ont succombé sous les efforts de l'aristocratie qui les poursuivait; plusieurs ajoutent qu'ils ont été détenus en France, en état d'arrestation, par le décret du 21 avril dernier. Tous concluent à ce que l'Etat les indemnise et les fasse repasser à ses frais.
Si l'amnistie prononcée le 28 septembre dernier n'existait pas, vous seriez aujourd'hui obligés de prononcer en conséquence de la loi du 21 avril précédent, dont je dois ici vous rappeler les dispositions. Les voici : a Les particuliers.....conduits de la Martinique dans les prisons du château de Saint-Malo, seront mis seulement en état d'arrestation, jusqu'à ce que, sur le rap-
port qui sera fait par les commissaires qui ont été envoyés aux îles du Vent, il ait été ultérieurement statué par l'Assemblée.»
11 faudrait donc, d'après cette loi, examiner si ces particuliers sont ou ne sont pas coupables ; et, dans le premier cas, de quelle nature serait le crime par eux commis : mais quand il existerait un délit, ce que votre comité n'a pas cru devoir examiner, la peine serait éteinte. .
Vous devez donc vous borner à apprécier uniquement la demande en indemnité ; or, une seule réflexion a déterminé votre comité à penser que la nation ne pouvait, sous aucun point de vue, être tenue de faire face à cette dépense.
Une guerre civile a désolé la Martinique ; le parti victorieux s'est fait un jeu de la liberté des vaincus : les uns, emprisonnés d'abord, vexés de la manière la plus atroce, ont été ensuite embarqués et transportés en France, au mépris de toutes les lois ; les autres, sans cesse inquiétés, menacés, ont été forcés de s'arracher par la fuite à la vexation, peut-être à la mort, et ont vu périr leur fortune entière.
Sans doute, il est dû à ces citoyens une réparation, une indemnité ; ils doivent rentrer dans la colonie, et y vivre sous la protection des lois; mais est-ce le Trésor public de la métropole qui doit fournir à cette dépense ? Sera-ce dans la situation de gêne où se trouvent vos finances, lorsque les ennemis du dehors et du dedans vous forcent à des dépenses énormes, que vous ferez ;ces sacrifices ? Déjà vos colonies ont absorbé et vous absorbent encore de grandes sommes pour y ramener le règne de la raison et celui des lois; augmenterez -vous ce fardeau en prodiguant le Trésor de l'Etat pour réparer dés desordres particuliers auxquels la métropole n'a eu aucune part ? Ce, serait enfreindre toutes les règles de la justice ; mais il est une autre considération qui doit de plus en plus vous fortifier dans votre opinion.
Les malheurs arrivés à Saint-Domingue ont fait augmenter du double les denrées coloniales.
Les habitants des îles du Vent vont profiter de cette catastrophe, et chacun d'eux va voir doubler sa fortune. Bourraient-ils, dans ces circonstances, se plaindre de voir répartir sur la colonie le prix des indemnités qui sont dues à quelques-uns d'entr'eux. Non, sans doute, ils sont Français, et à ce titre, ils s'empresseront à soulager l'infortune. Je passe aux soldats des divers régiments des colonies qui ont été transportés en France. Votre comité n'a pas cru devoir examiner leur conduite ; il n'a pas pensé qu'il dût vous présenter le détail des délits qu'on leur impute, ni des moyens de justification qu'ils opposent. L'amnistie a encore étendu son voile sur ces objets; il faut donc se borner à prononcer sur le sort des officiers, sous-officiers et soldats de ces régiments, et déjà votre comité militaire vous a proposé les vues à ce sujet : je ne m'y arrêterai» donc pas davantage.
Je vais fixer vos regards sur les divers particuliers, qui pendant les troubles de la colonie ont prêté aux deux parties qui l'ont déchirée, des sommes considérables pour fournir aux frais de la guerre. Ces citoyens réclament leurs capitaux et vous ont adressé leur pétition.
Sans doute, leur remboursement est incontestable!; mais, fidèle aux principes d'économie publique, qui doivent nous servir de guide, votre comité n'a pas pensé que le Trésor de la métropole pût en être passible. Il ne suffirait
pas et nous verrions bientôt s'écouler par mille portes ies finances qu'il contient.
Dans les .dernières dépêches de M. Béhague, ce général vous proposait, Messieurs, d'affecter à ce remboursement, a ces indemnités, l'arriéré des impositions de 1788, 1789, 1790 et 1791; votre comité ne yous proposera pas d'adopter ce parti, il le croit contraire aux intérêts de la métropole.
La destination de ces fonds est fixé par la loi, et > nous ne devons pas les en détourner ; mais il est un autre moyen que votre comité va vous offrir. C'est de liquider la masse des indemnités et des emprunts, de fixer les dépenses que vont entraîner les frais de passage, et de faire du tout une répartition sur la colonie en sols additionnels des impositions de 1792 et 1793.
Je terminerai ces détails, déjà trop longs, en appelant votre attention sur la pétition, de MM. Labaume et Picard, officiers au régiment de la Martinique.
Ils réclament le prix d'effets qu'ils disent leur avoir été volés pendant leur absence de la colonie, absence nécessitée par leur service ; ils avaient été chargés de conduire en France l'un, un détachement du régiment; l'autre, deux officiers du même corps.
Votre comité a examiné avec toute l'attention qui est due à des citoyens pétitionnaires, la réclamation de ces deux officiers. Il doit vous dire que rien ne prouve les pertes qu'ils allèguent. Ils représentent l'un et l'autre un certificat de M. Ghabrot, duquel il résulte seulement qu'ils n'ont pas été compris dans les états d'effets pillés, dressés par les commissaires civils, qu'à ce moyen ils n ont pas participé aux indemnités qui ont dû être accordées aux autres officiers; mais regarderez-vous ces pièces comme probantes? Votre comité ne les a pas vues du même œil. Sans doute, si leur perte était démontrée, ce serait au Trésor public à les indemniser, sauf recours sur la colonie.
Si la métropole ne doit pas être la victime des délits commis par les ennemis du bien public, lorsque les tribunaux offrent au simple citoyen lésé le moyen de récupérer les pertes, l'homme public, l'agent du gouvernement doit trouver dans le Trésor national l'indemnité des pertes qu'il éprouve en servant la patrie.
Telle est, Messieurs, l'opinion de votre comité ; je vais vous lire le projet de décret qu'il vous proposé d'adopter :
Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu son comité colonial, considérant combien il importe à la tranquillité des îles du Vent que le décret du28 mars dernier soit mis à exécution;
« Considérant que le retard des commissaires civils, des officiers généraux et des troupes qui doivent les accompagner, augmente les dépenses du Trésor public, décrète qu'il y a urgence.
Décret définitif.
L'Assemblée nationale, considérant que le décret du 28 septembre, qui étend aux colonies le bienfait de l'amnistie prononcée par celui du 14 dû; même mois, pour tous les délits relatifs à la Révolution, s'applique aux faits imputés aux citoyens, mis en état d'arrestation par la loi du 21 avril précédent;
Considérant qu'il importe de prononcer défi-
nitivement sur la réclamation de ces citoyens et de les mettre à portée de poursuivre le recouvrement de leurs droits et propriétés ;
Considérant que, s'il est juste qu'ils obtiennent l'indemnité des charges qu'ils ont essuyées, l'équité veut que cette indemnité leur soit fournie par la colonie même, et qu'elle rembourse les particuliers qui ont fait des prêts à l'un X)ii l'autre des partis;
Considérant qu'il est du plus grand intérêt pour la métropole, qu'il lui soit rendu compte des sommes par elles envoyées, à la colonie, pendant les troubles qui l'ont agitée, et qui ont été interceptées; et que l'arriéré des impositions de 1788, 1789,1790 et 1791 soit versé à la caisse publique, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
Art. 1er. Les sieurs Le Breton, Pierre Gombaut, Jean-Baptiste Echard, Jacques Martin de Latour, Chevrier, Etienne Glais, François Léonard ; les sieurs Tanais, Fredin, Berdun et autres citoyens, exilés et renvoyés en France, sans jugement légal, ou forcés de sortir des colonies, seront libres d'y retourner, et y demeureront sous la sauvegarde de la loi.
Art. 2. Les frais de leur passage» seront avancés par le Trésor public, sauf son recours sur la colonie, ainsi qu'il va être dit ci-après; en conséquence, le ministre de la marine est chargé de prendre, pour parvenir à ce but, le moyen le plus économique.
Art. 3. Ces citoyens pourront se pourvoir par voie civile, devant les tribunaux à qui la connaissance en appartient, soit pour se faire réintégrer dans leurs biens, soit pour obtenir le paiement de leurs créances.
Art. 4. L'on ne pourra leur opposer la prescription; elle ne commencera à courir contre eux que du jour de leur rentrée dans la colonie, à laquelle fin, ils seront tenus de se présenter à la municipalité du lieu de leur département et d'en prendre certificat.
Art. 5. Les sieurs Joseph Lafargue, Jean La-vaux et autres citoyens ayant prêté des sommes, soit au parti de Saint-Pierre, soit au parti du Gros-Morné, feront, par-devant les commissaires civils, reconnaître et apurer les créances qu'ils réclament.
Art. 6. Les sieurs Labaume et Picard, officiers au régiment de la Martinique, seront, aux dépens du Trésor public, indemnisés des pertes qu'ils auront essuyées, en justifiant de ces mêmes pertes, sauf le recours sur la colonie, ainsi qu'il va être dit.
Art. 7. Les citoyens qui, pendant le cours de la guerre, auront essuyé des dégâts et les auront légalement fait constater, recevront l'indemnité qui leur est due, de la même manière et par la même voie.
Art. 8. Les jugements qu'ils auraient pu obtenir contre les administrateurs ou officiers municipaux, comme garants civilement de leurs pertes, ne pourront être mis à exécution contre ces derniers ; toutes les diligences, qui en auraient été la suite, sont déclarées nulles. Mainlevée, pleine et entière est accordée, par le présent décret, de tous arrêts Ou oppositions faits en conséquence.
Art. 9.11 sera fait par les commissaires civils, des frais de passage mentionnés en l'article 3, dés remboursements et indemnités indiqués, dans les articles 6, 7 et 8, une masse et répartition sur la colonie, en sous additionnels aux impositions de 1792 et 1793.
Art. 10. Les mêmes commissaires civils se feront rendre compte des sommes interceptées, soit par le parti du Gros-Morne, soit par le parti de Saint-Pierre, pour mettre l'Assemblée nationale à portée de statuer sur ce point.
Art. 11. Ils emploieront les moyens les plus efficaces, pour faire rentrer au Trésor public l'arriéré des impositions de 1788, 1789, 1790 et 1791.
Art. 12. Les commissaires civils seront tenus de rendre comptedes sommes qu'ils ont employées à secourir les habitants de la colonie.
Art. 13. L'Assemblée nationale charge le pouvoir exécutif de faire rentrer au Trésor national la somme qui est due au gouvernement par le sieur Dubuc et de l'instruire des précautions qu'il aura prises pour en hâter le recouvrement.
(L'Assemblée adopte le projet de décret.)
Un membre propose, par article additionnel, qu'une somme de 200 livres soit donnée à chacune des personnes dénommées dans le décret, afin de les mettre à portée de gagner la ville d'embarquement.
(L'Assemblée adopte l'article additionnel) (1).
Suit le texte définitif du décret rendu :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu son comité colonial; considérant combien il importe à la tranquillité des lles-du-Vent que le décret du 28 mars 1792 soit mis à exécution;
« Considérant que le retard des commissaires civils, des officiers généraux et des troupes qui doivent les accompagner, augmente les dépenses du Trésor public, décrète qu'il y a urgence.
« L'Assemblée nationale, considérant que le décret du 28 septembre, qui étend aux colonies le bienfait de l'amnistie prononcée par celui du 14 du même mois, pour tous les délits relatifs à la Révolution, s'applique aux faits imputés aux Citoyens mis en état d'arrestation par la loi du 21 avril précédent;
« Considérant qu'il importe de prononcer définitivement sur la réclamation de ces citoyens et de les mettre à portée de poursuivre le recouvrement de leurs droits et propriétés;
« Considérant que, S'il est juste qu'ils obtiennent l'indemnité des pertes qu'ils ont essuyées, l'équité veut que cette indemnité leur soit fournie par la colonie même, et qu'elle rembourse les particuliers qui ont fait des prêts à l'un ou l'autre des partis ;
« Considérant qu'il est du plus grand intérêt de la métropole qu il lui soit rendu compte des sommes par elle envoyées à la colonie, pendant les troubles qui l'ont agitée, et qui ont été interceptées, et que l'arriéré des impositions de 1788, 1789,1790 et 1791 soit versé à la caisse publique; après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« Les sieurs Le Breton, Pierre Gombaut, Jean-Baptiste Echard, Jacques-Martin de Latour|,
Mathurin Chevrier, Etienne Clais, François Léonard, Tanais, Fredin, Berdun et autres citoyens
renvoyés en France, sans jugement légal, dénommés dans le procès-verbal de débarquement qui a
déterminé le décret du 21 avril 1791,
Art. 2.
« Les frais de leur passage seront avancés par le Trésor public sur les fonds de la marine, ainsi qu'une somme de 200 livres pour chacun d'eux, afin de les mettre à portée de gagner la ville d'embarquement, sauf le recours sur la colonie, ainsi qu'il va être dit ci-après. En conséquence, le ministre de la marine est chargé de prendre, pour ce passage, le moyen le plus économique.
Art. 3.
« Ces citoyens pourront se pourvoir, par voie civile, devant les tribunaux à qui la connaissance en appartient, soit pour se faire réintégrer dan's leurs biens, soit pour obtenir le paiement de leurs créances.
Art. 4.
« L'on ne pourra leur opposer la prescription. Elle ne commencera à courir contre eux que du jour de leur rentrée dans la colonie, à laquelle fin ils seront tenus de se présenter à la municipalité du lieu de leur débarquement, et d'en prendre le certificat.
Art. 5.
« Les sieurs Joseph Lafargue, Jean Lavaux et autres citoyens ayant prêté des sommes, soit au parti de Saint-Pierre, soit aij parti du Gros-Morne, feront, par-devant les commissaires civils reconnaître et apurer les créances qu'ils réclament.
Art. 6.
« Les sieurs Labaume et Picard, officiers au re^iment de la Martinique, seront, aux dépens du Trésor public, indemnisés des pertes qu'ils auront essuyées, en justifiant de ces mêmes pertes, sauf le recours de la colonie, ainsi qu'il va être dit.
Art. 7.
« Les citoyens qui, pendant le cours de la guerre, auront essuyé des dégâts et les auront légalement fait constater, recevront l'indemnité qui leur est due par la voie indiquée dans l'article 9.
Art. 8.
« Les jugements qu'ils auraient pu obtenir contre les administrateurs ou officiers municipaux, comme personnellement garants de leur perte, ne pourront être mis à exécution contre cês derniers. Toutes les diligences qui en auraient été ia suite sont déclarées nulles, et mainlevée pleine et entière est accordée par le présent décret de tous arrêts ou oppositions faits en conséquence.
Art. 9.
« Il sera formé, par les commissaires civils, des frais de passage mentionnés en l'article 3, des remboursements et indemnités indiqués dans les articles 5, 6, 7 et 8, une masse; et répartition s'en fera sur la colonie en sols additionnels aux impositions de 1792 et 1793.
Art. 10.
« Les mêmes commissaires civils se feront rendre compte des sommes interceptées, soit par le parti du Gros-Morne, soit par le parti de Saint-Pierre, pour mettre l'Assemblée nationale à portée de statuer sur l'emploi qui en a été fait.
Art. il.
« Ils employeront les moyens les plus efficaces pour faire rentrer au Trésor public l'arriéré des impositions de 1788, 1789, 1790 et 1791.
Art. 12.
« Les commissaires civils seronttenus de rendre compte des sommes qu'ils ont employées à secourir les habitants de la colonie.
Art. 13.
« L'Assemblée nationale charge le pouvoir exécutif de faire rentrer au Trésor national la somme qui est due au gouvernement par le sieur Dubuc, et de l'instruire des précautions qu'il, aura prises pour en hâter le recouvrement. Les pièces relatives à cette créance lui sont, à cet effet, renvoyées. »
Un membre : J'observe à l'Assemblée qu'il serait peut-être urgent de prononcer promptement sur les troublés qui ont eu lieu à la Guadeloupe.
(L'Assemblée décrète que la discussion s'ouvrira le jeudi, 28 juin, au soir, sur cet objet.)
Un autre membre : J'observe que l'Assemblée nationale ayant décrété le principe du service personnel dans la garde nationale, il était instant que le comité militaire présentât, dans le plus court délai, la rédaction des articles qui lui ont été renvoyés.
(L'Assemblée en fixe le rapport à la séance du jeudi, 28 juin, au soir.)
Un de MM. les secrétaires annonce les dons patriotiques suivants :
1° Le sieur Capelles, médecin à Bordeaux, envoie :
1° En assignats, le produit d'un prix qui lui à été décerné par l'académie de Bordeaux et qui vaut 600 livres.
2° En or, le produit d'une médaille qu'il reçut de la ville, comme premier prix, dans la classe de rhétorique et qui vaut 48 livres.
2° La compagnie n° 15 du ci-devant régiment patriotique de Saint-Michel de Bordeaux, envoie 255 livres en assignats et 1 livre 12 sols en espèces.
(L'Assemblée accepte ces offrandes avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera offert aux donateurs.)
, au nom du comité militaire, présente un projet de décret (1) sur la pétition ae la
municipalité de Paris relative aux ci-devant gardes françaises (2) et sur la formation de
compagnies franches. Il s'exprime ainsi :
Décret- d'urgence.
« L'Assemblée nationale, délibérant sur la proposition du roi, contresignée par le ministre de la guerre, relative à l'augmentation de l'armée de ligne en légions et en compagnies franches ; considérant ce qu'exige la sûreté générale de l'Empire; considérant que la déclaration de guerre au roi de Bohême et de Hongrie n'a été faite que pour repousser une agression attentatoire à la souveraineté du peuple français; qu'il importe d'appeler à la défense de la liberté, les soldats de la Révolution qui ont contribué les premiers à la conquête ; considérant enfin que les hommes du 14 juillet ont bien mérité de la patrie; voulant leur procurer, d'une manière prompte et particulière, l'honneur de donnér de nouvelles preuves de civisme, en défendant la Constitution, décrète qu'il'y a urgence.
Décret définitif.
«L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité militaire et décrété l'urgence, décrète ce qui suit : '
« Art. 1er. Les ci-devant gardes françaises qui ont servi la
Révolution à l'époque du 1erjuin 1789 ; les sous-officiers, canonniers et soldats de divers
régiments qui se sont réunis sous le drapeau de la liberté, à compter du 12 juillet de la
même année^ qui ont été inscrits ou enrôlés à la municipalité ou dans les districts de Paris
jusqu'au 14 juillet 1790 ; les gardes des ports et ceux de la ville de Paris; les Suisses
licenciés qui ont servi dans la ci-devant maison militaire des princes, s'inscriront
volontairement, ainsi qu'il suit, pour être organisés en compagnies franches.
« Art. 2. Tous ceux dénommés en l'article précédent, qui sont en activité de service dans les troupes ae ligne, ne seront admis dans ces compagnies franches qu'après l'expiration de leurs engagements. Ils pourront néanmoins se faire inscrire.
« Art. 3. Ne seront point admis ceux qui auraient été destitués de leurs emplois ou renvoyés de leurs corps par un jugement légal.
« Art. 4. Il sera de suite ouvert, au greffe de la municipalité de Paris, un registre d inscription volontaire, sur lequel ne pourront être inscrits que ceux qui justifieront réunir les conditions exigées par le présent décret.
« Art. 5. Ce registre ne demeurera ouvert, pour ceux qui résident à Paris, que pendant 15-jours, et pendant 2 mois au plus pour ceux des autres départements; le tout à dater de la publication du présent décret.
« Art. 6. Dans le délai ci-dessus prescrit, la municipalité de Paris adressera à l'Assemblée nationale l'état nominatif de ceux qui se seront fait inscrire, ainsi que leurs titres ou cartouches.
« Art. 7. L'Assemblée nationale, charge son comité militaire de lui présenter un projet d'organisation, 3 jours après que les états nominatifs et autres pièces relatives lui auront été renvoyés. »
J'observe à l'Assemblée que ce projet ne remplit pas le vœu des sections et de la municipalité de Paris, qui désirent que les gardes françaises, premiers soldats de la liberté,
soient incorporés dans les bataillons de Paris et restent constamment dans cette ville.
Un membre : Je crois savoir que M. Delmas, rapporteur du comité militaire, a rédigé particulièrement un projet de décret, dont les propositions sont différentes de celles présentées au nom du comité. Je demande qu'il en donne lecture.
, rapporteur. J'avais, en effet, d'abord proposé au comité, relativement aux gardes françaises, un projet de décret conforme au vœu de la commune de Paris. Ce projeta été discuté pendant 3 séances consécutives au comité, et, après mûre délibération, j'ai été obligé de me ranger à l'opinion de la très grande majorité, qui d'ailleurs m'a paru meilleure que la mienne. C'est par cette Considération que je suis resté rapporteur du comité.
Je donne la parole à M. le ministre de la guerre, qui la demande, pour transmettre à l'Assemblée un message du roi.
, ministre de la guerre, remet le message sur le bureau.
Un de MM. les secrétaires en donne lecture; il est ainsi conçu :
« Je vous prie, Monsieur le Président, de prévenir l'Assemblée nationale que, m'étant fait rendre compte de l'état actuel des armées par le ministre de la guerre, j'ai jugé que la réserve qui avait été formée par des bataillons de volontaires entre la capitale et les frontières, se trouvant maintenant détruite par la jonction de ces bataillons aux 3 armées, il convient d'en former une nouvelle!
Je propose donc à l'Assemblée la levée de 42 nouveaux bataillons de volontàires, à raison d'un demi-bataillon par chaque département. Quand l'Assemblée aura décrété cette levée, je donnerai des ordres pour que cette réserve soit placée de manière à couvrir la capitale, et, s'il ie faut, à se joindre aux armées, suivant que les circonstances pourront l'exiger. »
« Signé : Louis; contresigné : Lajard. »
, ministre de la guerre. Messieurs, l'intention du roi est que je présente à l'Assemblée nationale un compte détaillé de la situation actuelle des armées en développant l'aperçu que j'ai remis à Sa Majesté sur le même objet. C'est d'après cet aperçu qu'elle s'est déterminée à vous proposer une augmentation de force qui puisse promptement remplir le même objet, repousser les partis qui pourraient pénétrer nos frontières dans les grands intervalles des armées actives, couvrir la capitale par des dispositions défensives, obvier à des événements qu'il faut toujours prévoir, lors même què l'on n'est pas dans le cas de les craindre, Les lois déjà connues sur les formations et l'organisation des bataillons de volontaires nationaux ; l'avantage inappréciable de n'avoir pour le même genre de service que des corps homogènes, tout concourt à faire désirer que ces nouveaux corps soient fçrmés sur le modèle de ceux dont on a déjà fait des essais si avantageux.
Il a paru à Sa Majesté qu'un corps destiné à n'agir activement que lorsque l'Etat serait menacé d'un grand danger, devait être assez nombreux pour pouvoir secourir les frontières les plus menacées et être composé de citoyens tirés de tous les départements. Cette répartition en facilite d'ailleurs la levée, la rend moins sen-
sibie pour les départements qui ont encore à fournir et doit faire espérer que le but que l'on se propose sera plus tôt rempli.
Je ne pense pas,Messieurs, qu'on puisse craindre, dans les circonstances actuelles, le peu de succès qu'ont eu précédemment les levées simultanées et que l'augmentation que le roi vous propose, nuise sensiblement au recrutement de l'armée et au complètement des anciens bataillons de volontaires. La défense de la patrie est instante; l'intérêt qu'elle inspire à tous les citoyens français s'accroît avec le danger. D'ailleurs, ces trois sortes de levées s'appliquent aux diverses circonstances dans lesquelles peuvent se trouver les individus destinés a y concourir. Ceux qui, par goût, voudront s'adonner constamment au métier des armés-, profiteront du recrutement toujours ouvert pour les troupes de ligne. Les jeunes gens les plus actifs, animés par l'exemple de leurs concitoyens, compléteront les bataillons déjà levés, ou contribueront à former ceux dont la levée vous est proposée; dans ce moment, par Sa Majesté.
Jè vais m'occuper à former l'état de situation que le roi m'a ordonné de vous présenter, à presser les nouvelles levées que vous avez décrétées, et enfin à soutenir l'activité de nos armées par des approvisionnements en tout genre. Je m'occuperai surtout de pourvoir, le plus tôt possible, à l'équipement et armement des volontaires nationaux, afin que si l'Assemblée nationale adopte la mesure proposée par le roi, rien de ce qui dépend de mon administration n'arrête l'emploi de cette force.
Un membre : Je demande le renvoi du message au comité militaire! (Murmures à Vextrême gauche.)
Plusieurs membres : Non, non, la question préalable!
Je demande que l'Assemblée passe à l'ordre du jour sur la proposition du roi.
J'appuie la proposition de M.Mon-taut, et je rappelle à l'Assemblée que le roi a paralysé, par son veto, le décret de 20,000 hommes.
On ne passe pas à l'ordre du jour sur une proposition qui intéresse la sûreté de l'Etat.
(L'Assemblée renvoie la proposition du roi, contresignée et appuyée par le ministre de la guerre, au comité militaire.)
, ministre de la guerre. Je dépose sur le bureau de l'Assemblée une lettre du général La Fayette, qui annonce un mouvement de son armée, à qui il a fait prendre une position à Tai-nières, près de Malplaquet, sur le flanc droit de armée autrichienne.
Un de MM. les secrétaires en donne lecture ; elle est ainsi conçue :
« Du camp de Taiguières, le 20 juin, l'an IVe de la liberté.
« Informé que de nouveaux détachements se préparaient à quitter Mons pour renforcer le corps opposé à M. le maréchal Luckner, je n'ai laissé au camp retranché, de Maubeuge, que les troupes nécessaires à sa garde, sous M. de Nar-bonne, et j'en suis parti le 19 au matin, avec la majeure partie de mon armée pour prendre
une position à Taignières, près de Malplaquet, sur le flanc droit de l'armée autrichienne.
« Les ennemis, commandés par M. le duc de Saxe-Teschen et le feld-maréchal Clairfait, ont par un changement de front, réuni leurs forces au bois de Sard, de manière que les deux armées sont très rapprochés. Les patrouilles se rencontrent et se fusillent de temps en temps, nous avons fait quelques prisonniers.
« Les renseignements que j'ai pris sur l'affaire dans laquelle a péri M. Gouvion m'apprennent qu'il y a eu plus de tués que nous ne l'avions cru d abord. La raison en est que les détachements s'étaient fusillés à travers les haies, et que, dans le premier moment, on n'avait pu calculer l'effet de leur feu. Trente-six blessés ont été portés à l'hôpital. Le bataillon de la Gôte-d'Or est celui qui a le plus souffert. Mais la perte de l'ennemi a été beaucoup plus considérable que la nôtre.
« Signé : La fayette. » Pour copie : Le ministre de la guerre : lajard.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité militaire.)
Un membre : Je demande le renouvellement du comité militaire.
(L'Assemblée fixe le renouvellement du comité militaire à la séance du lundi 25 juin, au matin. )
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de décret présenté par M. Delmas, au nom du comité militaire, sur la pétition de la municipalité de Paris, relative aux ci-devant gardes françaises et sur la formation des compagnies franches, qui avait été interrompue sur la demande de M. le ministre de la guerre, pour la lecture d'un message du roi,
Un membre : Je demande l'ajournement de la discussion au mardi, 26 juin, au soir, afin d'attendre que le projet de décret soit imprimé.
(L'Assemblée décrète l'impression du projet de de décret et ajourne la discussion à la séance du mardi 26 juin, au soir.)
(La séance est levée à neuf heures et demie.)
Séance du samedi
présidence de m. français (de nantes).
La séance est ouverte à neuf heures.
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance au jeudi 21 juin 1792, au matin.
(L'Assemblée en adopte la rédaction.)
Une députation des citoyens de la ville de Semur, département de la Côte-d'Or, est admise à la barre.
L'orateur de la députation offre, au nom des citoyens de cette ville: 400 livres, 5 sols, en assignats; 58 livres, 14 sols, en espèces, et une bague d'or avec diamant.
répond à là députation et lui accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée accepte cette oflrande avec les plus vifs applaudissements et en décrète la
mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis aux donateurs.)
Une, députation des citoyens de la section de la place Louis XIV est admise â la barre.
Vorateur de la députation offre, au nom de ces citoyens,6,448 livres, en assignats; 220 livres, en billets de confiance; 72 livres, en or; 206 livres en espèces ou monnaie; une chaîne d'or; 2 paires de boucles d'argent, 3 jetons d'argent. Il applaudit ensuite aux travaux des représentants de la nation, qui secondent puissamment ce noble enthousiasme avec lequel tous les Français ont adopté cette devise, bien digne des beaux jours d'Athènes et de Rome : Vivre libres ou mourir.
répond à la députation et lui accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée accepte cette offrande avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis aux donateurs.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres, adresses et pétitions suivantes :
1° Adresse des administrateurs du directoire du département de la Mayenne, qui expriment leurs regrets sur le renvoi des 3.ministres patriotes, Servan, Clavière et Roland, et félicitent l'Assemblée du décret par lequel elle a honoré leur retraite.
Plusieurs membres : La mention honorable !
(L'Assemblée décrète la mention honorable de de cette adresse au procès-verbal.)
2° Lettre des administrateurs du département du Morbihan, qui sè plaignent de ce que les troupes coloniales ae la Martinique et de la Guadeloupe, renvoyées de ces îles et placées depuis plus d'un an dans ce département pour cause de patriotisme, soient dépourvues d'habits et ne soient pas organisées quoiqu'elles aient montré un grand zèle pour le service public, un attachement parfait à la Constitution et quoiqu'elles demandent à être incorporées aux armées de ligne pour servir plus utilement la patrie.
. Le rapport de cette affaire a été fait; le décret a été rendu. 11 faut demander compte au ministre de son exécution.
(L'Assemblée décrète le renvoi de cette lettre au Pouvoir exécutif, qui sera tenu d'en rendre compte sous 3 jours.)
M. Morisset, membre du tribunal de district de Montargis (1), est admis à la barre. 11 se justifie des accusations portées contre lui par M. le juge de paix Blondet, dans les bureaux des ministres, dans les comités et à l'Assemblée nationale, au sujet de la relaxation de plusieurs particuliers de Château-Renard; et donne, à cet effet, lecture du jugement du tribunal, dont le préambule contient le motif légal de cette relaxation. 11 dépose sur le bureau les pièces du procès et demandent à l'Assemblée une prompte décision.
répond à M. Morisset et lui accorde les honneurs ae la séance.
. J'observe à l'Assemblée combien il est important de remédier
(L'Assemblée renvoie ces pièces au Comité de surveillance pour en faire son rapport le mardi suivant 26 juin, à la séance du soir.)
Un de MM. les ^secrétaires continue la lecture des lettres, adresses et pétitions, adressées à l'Assemblée :
3° Lettre du directoire du département de Mayenne-et-Loire, où il est dit que le directoire de ce département s'est trouvé forcé, sous peine de voir éclore une guerre civile, d'enfermer dans un séminaire tous les prêtres qui ont refusé le serment de fidélité aux lois. Cette mesure, ajoutent les administrateurs, n'est pas dans la loi; mais le salut du peuple est le salut suprême, et le malheur des circonstances nous a obligés à recourir à ce moyen extraordinaire. Cette mesure d'ailleurs, disent-ils en terminant, a été commandée par l'intérêt même de leur propre sûreté.
A cette lettre sont joints différents procès-verbaux.
. J'observe à l'Assemblée que le directoire du département delà Loire-Inférieure a été forcé de prendre la même mesure. Les manœuvres de ces prêtres avaient tellement indigné le peuple, qu'il voulait les mettre én pièces.
(L'Assemblée renvoie ces pièces à la concussion des Douze.)
4° Lettre des administrateurs du département d'Ille-et-Vilaine, par laquelle ils rendent compte des mesures qui ont été prises pour dissiper un rassemblement qui s'était formé contre le château de la Roirie, au district de Dol. Les adiqj,-nistrateurs du district, les officiers municipaux, la garde nationale et la gendarmerie ont tenu dans cette occasion une conduite digne d'éloges. Divers particuliers, soupçonnés d'être les auteurs du trouble, ont été emprisonnés en vertu de mandats d'arrêt décernés par le juge de paix.
Un membre : Je demande la mention honorable de la conduite des administrateurs, des officiers municipaux, de la garde nationale et de la gendarmerie nationale.
(L'Assemblée ordonne le renvoi de la lettre à la commission des Douze et décrète la mention honorable au procès-verbal de la conduite des administrateurs, des officiers municipaux, de la garde nationale et de la gendarmerie nationale.)
, au nom du comité des assignats et monnaies, présente un projet de décret relatif au dépôt des assignats-coupures dans une chambre des archives de l'Assemblée nationale. Ce projet de décret est ainsi conçu : » v'.^
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des assignats et monnaies, considérant qu'il est de son devoir de surveiller, dans toutes ses parties, la fabrication des assignats imprimés, et de s'assurer de la fidélité du dépôt des coupures, jusqu'à leur remise dans la caisse aux 3 clefs, décrète qu'il y a urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète :
Art. 1er.
« Les assignats coupures seront provisoirement, et jusqu'à ce que la nouvelle administration pour la confection des assignats soit organisée et logée, transportés aux archives de l'Assemblée nationale, au fur et à mesure de leur impression, après avoir été mis en ballots comptés, vérifiés et scellés en présence d'un des commissaires de l'Assemblée nationale, et d'un des commissaires du roi.
Art. 2.
« Ils seront déposés dans urfe chambre attenante aux archives de l'Assemblée nationale, sous la garde spéciale de l'archiviste. »
(L'Assemblée décrète l'urgence et adopte ce projet de décret.)
, au nom du comité militaire, fait un rapport et présente un projet de décret relatif aux certificats de résidence des militaires en activité; ce projet de décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité militaire, considérant que les militaires en activité de service sont exposés, surtout en temps dé guerre, à des changements fréquents de domicile, et ne peuvent obtenir des certificats de résidence de 6 mois de leur municipalité, décrète qu'il y a urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète que les militaires en activité, pour recevoir les remboursements qui leur sont dus au Trésor public, seront tenus ae présenter un certificat de résidence dans le royaume depuis 6 mois, du conseil d'administration du régiment ou bataillon où ils serviront, et ce certificat sera visé par le commissaire des guerres, chargé de la police desdits corps. »
(L'Assemblée décrète l'urgence et adopte ce projet de décret.)
Un membre, au nom du comité des décrets, fait un rapport et présente un projet de décret relatif au traitement des membres et des personnes employées auprès de la haute cour nationale, ainsi qu au payement des frais de bureau; ce projet de décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, considérant que les traitements des membres et des personnes employées auprès de la haute cour nationale, ainsi que le payement des frais de bureau, ne doivent éprouver aucun retard, décrète qu'il y a urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète que la Trésorerie nationale payera jusqu'à concurrence de 300,000 livres pour les dépenses de la haute cour nationale, conformément aux décrets qui fixent les traitements des membres de cette cour, et des employés et frais de bureaux qui y sont attachés; que cette dépense sera payée sur les états certifiés du directoire du département du Loiret, et que fonds en seront versés dans la caisse du payeur général de ce département, sur les ordonnances du ministre de l'intérieur. »
(L'Assemblée décrète l'urgence et adopte ce projet de décret.)
. J'observe à l'Assemblée que le sieur La Bigne, décrété d'accusation le 24 jan-. vier 1792
(1), n'a pas encore été transféré à
re série, t.
XXXVII, séance du 24 janvier 1792, page 626, le décret d'accu-
« L'Assemblée nationale a passé à l'ordre du jour sur ce que le défaut de comparution du sieur Manneville ne doit pas retarder l'exécution du décret d'accusation rendu contre le sieur La Bigne. »
(L'Assemblée adopte ce projet de décret.)
. Messieurs, je suis porteur d'une lettre qui m'a été adressée par les administrateurs du département de la Côte-d'Or; elle est relative à l'impuissance où se trouvent les autorités constituées de ce département, par suite du refus de la sanction du roi, d'opposer des moyens de répression efficaces aux agitateurs du peuple, aux désordres que commet le peuple travaillé en tout sens d'une manière intolérable depuis quelque temps, et elle montre combien était sage le décret que vous avez porté contre cette classe de perturbateurs.
Lorsque la nouvelle de la perte d'un grand nombre de nos frères d'armes, dans l'affaire de Mons, arriva à Dijon, avec la circonstance qu'il s'était trouvé parmi les cadavres des ennemis, des gens reconnus pour des émigrés, et notamment des prêtres réfractaires, cela produisit une telle fermentation dans la ville, que, dans la nuit du 18 au 19 du mois dernier, le peuple se porta chez tous les prêtres non assermentés, les enleva et transporta dans une chambre attenante le local du directoire du département. Le directoire, qui alors tenait ses séances, à peine instruit du fait, se transporta à la maison commune pour savoir s'il existait des ordres de la municipalité.
Plusieurs membres : La lecture de la lettre !
. Les officiers municipaux répondirent qu'il n'en avait été donné aucun. Le directoire du département, celui du district, la municipalité, se réunirent, tinrent séance toute la nuit. Cependant ils n'ont pu empêcher que 100 ou 120 prêtres n'aient été transférés. Les commandants ont été mandés. Ils ont répondu que, les gardes nationaux ayant fait eux-mêmes partie du rassemblement, on ne pouvait pas compter sur eux. Alors la municipalité a été chargée, par les directoires de département et de district, de pourvoir à la sûreté des personnes. La municipalité fit ensuite transférer les prêtres, à l'ancienne maison du séminaire où on leur fournit tout ce qui leur est nécessaire.
Le directoire annonce que cette expédition, très illégale, s'est néanmoins faite avec ordre
et modération, de sorte qu'il y aurait le plus grand danger, la plus haute imprudence,
peut-être, à prendre des moyens violents pour l'empêcher. Il a adressé le récit de ces faits
au pouvoir exécutif, et m'a adressé tous les procès-verbaux, afin que l'Assemblée nationale
veuille bien prendre en considération la position extrêmement délicate du département.
Fallait-il déployer le drapeau rouge, et appeler le peuple contre le peuple dans un moment où
il agissait
Je demande le renvoi des pièces, que je dépose sur le bureau, au comité des Douze, pour les examiner, en vous observant cependant que tout est tranquille, parfaitement tranquille dans la ville de Dijon, grâce au zèle et à la vigilance de la municipalité.
. M. Guyton-Morveau aurait pu ajouter que le peuple a donné une aussi grande preuve ae modération, lorsque, sur la réquisition du directoire, il a reconduit, dans leur couvent, 3 ou 4 religieuses, qu'il voulait aussi transférer dans un local placé sous les yeux de l'administration.
(L'Assemblée renvoie les pièces relatives cette affaire à la commission extraordinaire des Douze.)
, au nom du comité militaire, fait un rapport et présente un projet de décret sur la pétition de quelques officiers de la gendarmerie nationale, tendant à obtenir un supplément d'appointements; il s'exprime ainsi :
Messieurs, l'Assemblée constituante décréta le 18 août 1790, que les officiers, sous-officiers et soldats qui, par la nouvelle formation, éprouveront une réduction sur leur traitement actuel, le conserveront jusqu'à ce qu'ils en obtiennent un équivalent. Cette loi devait s'étendre à toutes les armes et à tous les individus qui les composent. Cependant vous avez déjà été obligés de rendre plusieurs décrets pour la faire appliquer à des corps à qui les payeurs refusaient de tenir compte du supplément d'appointements qui leur étaient dus. Quelques officiers des grenadiers de la gendarmerie nationale sont du nombre de ceux qui ont réclamé en vain l'exécution de la loi à leur égard. Ils vous ont alors présenté une pétition pour que vous voulussiez bien décréter en leur taveur ce que vous aviez fait dans plusieurs circonstances, et notamment pour les 29e et 30° divisions de la gendarmerie nationale de Paris.
Votre comité militaire, Messieurs, à qui vous avez renvoyé l'examen de cette pétition, l'a trouvée juste et bien fondée, et il vous observe que le comité militaire de l'Assemblée constituante avait porté le même jugement de la réclamation dont il s'agit, par une décision du 22 septembre 1791, qui est jointe aux pièces.
Voici, en conséquence, le projet de décret qu'il m'a chargé de vous présenter :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité militaire sur la pétition de quelques officiers des grenadiers de la gendarmerie nationale, tendant à obtenir un supplément d'appointements ; considérant que l'article 7 du décret du 18 août 1790, dit que les officiers, sous-officiers et soldats qui, par l'effet de la nouvelle organisation, éprouveront une réduction sur leur traitement actuel, le conserveront jusqu'à ce qu'ils en obtiennent un équivalent, et qu'en attendant ils seront payés du supplément sur les états particuliers, et voulant faire jouir promptement les pétitionnaires du bénéfice de la loi, décrète qu'il y a urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit : ,
« Lès officiers des grenadiers de la gendarmerie nationale, dont les appointements ont été réduits par la nouvelle organisation de leur corps, recevront conformément, à l'article 7 du
décret du 18 août 1790, un supplément qui équivaudra à la diminution qu'ils ont éprouvée, et ce, sur des états particuliers, dans la forme prescrite. »
(L'Assemblée décrète l'urgence et adopte ce projet de décret.)
(Joseph), au nom du comité de l'ordinaire des finances, fait la troisième lecture (1) d'un projet de décret relatif à la taxe des lettres aux armées de France sur le territoire étranger; ce projèt de décret est ainsi conçu :
L'Assemblée nationale , après avoir entendu le rapport de son comité de l'ordinaire des finances, et les 3 lectures du projet de décret lu à ses séances des 7, 16 et 23 juin, après avoir déclaré qu'elle était en état de délibérer, décrète ce qui suit :
« Les lettres adressées aux armées seront taxées conformément au tarif de 1791, jusqu'au dernier bureau de poste de la frontière, sans que la taxe puisse être augmentée pour le transport de la frontière aux armées, lorsqu'elles seront sur territoire étranger. »
(L'Assemblée décrète qu'elle est en état de délibérer définitivement, puis adopte le projet de décret.)
, au nom du comité militaire, fait un rapport et présente un projet de décret relatif à l'avancement des adjudants dans les deux nouvelles divisions de gendarmerie nationale; il s'exprime ainsi : V ,
La loi du 28 août 1791, portant création de 2 divisions de gendarmerie nationale destinées pour la sûreté de Paris, ne, s'est point expliquée sur l'avancement des adjudants qui y sont attachés. Cet oubli n'a pas tardé d'être aperçu; et dès qu'il est venu à vaquer des places de lieutenant, on a senti la nécessité de le faire réparer, afin de ne pas priver les adjudants du droit que ceux des troupes de ligne ont, concurremment avec les sergents ou maréchaux des logis, de parvenir au grade d'officier. La pétition qui vous a été présentée à ce sujet, et que vous avez renvoyée à votre comité militaire, n'offre pas une question difficile à résoudre : en ouvrant la loi sur l'avancement aux différents grades de l'armée, on trouve les dispositions qui manquent à celle du 28 août, et votre comité n'a pas cru pouvoir mieux faire que de les adopter en leur entier, puisqu'il concilie, par là, les intérêts des adjudants et des maréchaux des logis, sans rien changer aux règles sur l'avancement militaire, décrété par l'Assemblée constituante.
Une autre demande a aussi été faite, Messieurs, par les officiers supérieurs de ces 2
divisions au département de Paris, qui vous l'a transmise. Elle consiste à faire nommer un
secrétaire-greffier et un commis-greffier à chaque division. Votre comité ne s'est pas
dissimulé que les divisions de la gendarmerie nationale des départements ont chacune 3
secrétaires-greffiers, quoiqu'elles soient les 2 tiers moins fortes que celles dont il s'agit
; mais il a cependant pensé qu'à cause de leur réunion dans la même ville, un seul
secrétaire-greffier pourrait suffire à chacune d'elles, surtout si vous adoptez la
proposition que je suis chargé de vous faire, de diviser les fonctions du quartier-maître
trésorier.
Votre comité est donc d'avis, Messieurs, qu'il y ait un quartier-maître trésorier attaché à chacune des 29e et 30e divisions de gendarmerie nationale, et il hésite d'autant moins à vous le proposer, que les appointements du quartier-maître trésorier actuel ayant été lixés à raison de ses doubles fonctions, il n'y a aucune augmentation de dépense à faire. Par ce moyen, vous doublerez l'activité de l'administration ae chaque division ; vous ferez cesser les réclamations qui ont eu déjà lieu contre le double emploi dont il s'agit; et ce qui est bien plus important, vous serez sûrs que dans le cas où la séparation des deux divisions deviendrait nécessaire, elles auraient chacune leur état-major complet. *
Voici le projet de décret qui a été arrêté au . comité militaire :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité militaire, considérant que la loi du 28 août 1791, portant création de deux nouvelles divisions de gendarmerie nationale, ne s'explique point sur l'avancement des adjudants qui y sont attachés; voulant rectifier Cet oubli, et faire quelquès changements que le bien du service et l'avantage de ces deux divisions nécessitent, décrète qu'il y a urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« Les maréchaux des logis nommés aux places d'adjudants, concourront, du moment de leur nomination, avec tous les lieutenants, sans cependant être brevetés, pour arriver à la compagnie, et ils pourront rester adjudants jusqu'à ce que leur ancienneté les y porte.
Art. 2.
« Lorsqu'il vaquera une place de lieutenant dans l'une des 29e ou 30a division de gendarmerie nationale, et qu'elle appartiendra au tour des maréchaux des logis, les deux adjudants con--courront au choix comme les maréchaux des logis.
Art. 3.
« Dans le cas où un maréchal des logis moins ancien que les adjudants sera nommé à une lieutenance, les adjudants jouiront, en gratifia cation, par supplément d'appointements, des appointements ae lieutenant ; s'il n'y avait qu'un des adjudants qui se trouvât plus ancien que le maréchal des logis, il jouirait seul de ladite augmentation.
Art. 4.
« Il y aura un quartier-maître trésorier attaché à chacune des 29e et 30e division de gendarmerie
nationale. En conséquence, celui qui remplit ces deux places sera tenu de déclarer la division à laquelle il désire de rester fixé ; et l'autre division procédera à la nomination du sien, en se conformant à l'article 9 du titre II du décret du 23 septembre 1790. Leurs appointements seront les mêmes que dans les troupes de ligne.
Art. 5.
« Il sera, en outre, attaché à chacune desdites divisions un secrétaire-greffier, qui sera nommé conformément à la loi du 16 février 1791, et jouira du traitement fixé par ladite loi. Ce traitement sera payé à compter du jour de la formation de chaque division; au moyen de quoi il ne sera accordé aucune autre somme pour tenir lieu d'indemnité à ceux qui ont rempli jusqu'à ce moment les fonctions de secrétaire-greffier.
(L'Assemblée décrète l'urgence et adopté le projet de décret.)
MM. Noissette et Champy, députés extraordinaires de la ville de Strasbourg, sont admis à la barre. L'un deux porte la parole, au nom des corps administratifs; il s'exprime ainsi : .
« Messieurs (1), vous voyez devant vous deux députés extraordinaires de la ville de Strasbourg, chargés par leurs concitoyens de solliciter de votre justice la réparation due à des administrateurs qui jouissent de la confiance publique et qui ont été calomniés de la manière la plus grave, et en même temps la plus indiscrète, par des hommes qui, exerçant les premières fonctions du pouvoir exécutif, doivent être les premiers protecteurs de l'ordre et de la confiance due aux magistrats du peuple.
« Chargés aussi de déposer sur l'autel de la patrie les prémices de la contribution volontaire que les citoyens de Strasbourg consacrent à la défense de la liberté, ils supplient l'Assemblée nationale d'agréèr le don d'une somme de 10,114 liv. 14 s. 3 d. (2), somme modique, mais fournie tout entière par le petit nombre de ceux à qui leur empressement n'a pas permis d'attendre la clôture de la souscription ouverte à la maison commune. (Vifs applaudissements.)
« La pétition dont nous sommes porteurs vous instruira, Messieurs, de toute l'étendue de
nos griefs et de tout ce qu'une grande commune offensée réclame de votre sollicitude, de
votre vigilance et de votre justice. Jusqu'à ces derniers temps la ville de Strasbourg,
marchant avec une imposante unanimité à l'achèvement de la Révolution et à l'établissement de
la Constitution, avait présenté à l'Empire l'exemple (de la plus belle conquête que les vrais
principes de la liberté aient pu faire sur sa surface.
« Tout a changé dans ces derniers temps. Une horde d'hommes inconnus dans - la première ,, époque de la Révolution, des hommes nés sur cette Révolution, comme l'insecte dévorant sur la feuille d'un bel arbre, des hommes sans propriétés, sans industrie que l'on puisse avouer, sans inœùrs, et par conséquent sans patrie, ont eu besoin d'une autre liberté que celle qui vit à l'ombre des lois. A ces hommes, il fallait d'autres révolutions, d'autrës bouleversements, d'autres chefs, une autre Constitution. Ils ont calomnié les autorités légales; ils ont tenté de corrompre la bonne foi du peuple, et d'égarer le zèle cle la force armée. Pénétrant dans les sociétés patriotiques, dans les Cercles, dans les groupes, dans les camps, ils ont levé partout l'étendard de la licence; étendard qui se fut bientôt humilié devant celui de la liberté, s'ils n'avaient trouvé le chemin des autorités suprêmes auxquelles le sort de l'Empire est confié.
« Des ministres qui cherchaient leurs, correspondants ailleurs que dans ceux qui leur ont été donnés par la Constitution, ont accueilli et légalisé leurs honteuses calomnies. Des lettres qui, dans l'histoire des événements extraordinaires qui nous pressent, formeront elles-mêmes un incident extraordinaire, ont accusé une portion de nos administrateurs et de nos magistrats, des plus absurdesVeomplots ; nulles pièces n'accompagnent ces ridicules dénonciations ; et nous demandons des pièces ; et nous demandons que la lumière se répande sur ces tortueuses intrigues; et nous demandons que le calme nous soit rendu, que nos magistrats soient justifiés, respectés. Telle est, Messieurs, l'honorable mission dont nous sommes chargés, au nom d'une ville dont les murs sont au nombre des plus inexpugnables boulevards de la Constitution; au nom d'une ville où l'on ne veut ni aristocratie ni factieux; au nom d'Une ville où l'on
- veut mourir pour la liberté, mais ne mourir que pour elle.
Nous affaiblirions, Messieurs, le sentiment que nous sommes chargés d'exciter dans nos législateurs, si nous ne leur soumettions pas, dans ses propres termes, l'adresse que la grande majorité de nos concitoyens actifs nous a chargés de mettre sous Vos yeux, et qu'accompagnent des pièces dont nous devons remettre le dépôt entre vos mains (1).
Adresse du conseil général de la commune et de la majorité des citoyens actifs de la ville de Strasbourg à VAssemblée nationale.
« Législateurs,
« Le ministre de l'intérieur, dans une lettre adressée par lui au maire de Strasbourg, lui a demandé des éclaircissements sur une dénonciation qu'il a reçue d'une conspiration, dont le but est de livrer cette ville à l'ennemi ; les moyens, un or corrupteur dont on indique, dit-il, la distribution et l'emploi; les auteurs enfin, le maire lui-même et quelques-uns des administrateurs du département. L'envoi des éclaircissements invoqués par le ministre eût été sans doute la réponse des accusés, s'il eût articulé des faits, communiqué les dénonciations et nommé les dénonciateurs. Empressés de repousser une inculpation atroce, les fonctionnaires dénoncés réclament du ministre cette communication, qu'il n'eùf pas dû se faire demander: Et nous aussi, nous la sollicitons. Quèlle que soit la valeur de cette dénonciation, il importe quelle soit jugée. Notre sûreté est compromise, ou par de perfides magistrats conjurés avec nos ennemis, ou par des factieux non moins perfides, conjurés contre les lois et les dépositaires de l'autorité. Accusateurs ou accusés, conspirateurs ou calomniateurs, ïî existe des traîtres, il faut qu'ils soient connus, confondus, punis/
« Nous demandons que le ministre communique à l'Assemblée nationale la dénonciation portée contre les fonctionnaires publics désignés dans sa lettre, que les pièces qui la motivent ou l'appuient, soient déposées sur le bureau, et que l'Assemblée prononce incessamment sur cette dénonciation.
« Après cette première démarche, commandée par le besoin pressant d'une prompte et égale justice, il nous reste à remplir un devoir sacré et indispensable. Il résulte de la lettre du ministre que la publicité donnée à ces accusations a produit sur beaucoup d'esprits, sur vous-mêmes, peut-être, une impression défavorable aux accusés. C'est cette impression que nous voulons, que nous devons effacer, afin que ce soient les faits et non les préventions qui lés jugent. Législateurs, vous avez peut-être entendu le langage de la calomnie, écoutez celui de la vérité.
« Quels que soient les auteurs de ces mystérieuses délations, ils n'ont pas exprimé les
sentiments des citoyens de cette ville. Non, l'opinion publique n'a point parlé par leur
bouche. En vain, depuis longtemps, on s'efforce de l'égarer; en vain, quelques factieux, la
plupart étrangers, corrupteurs avides d'une Révolution
« S'il était permis de percer d'avance le voile dont le ministre a couvert les délations dont il s'est rendu l'organe, peut-être en trouverions-nous les auteurs dans ces apôtres de l'anarchie; peut-être ont-ils espéré pouvoir accréditer dans l'éloignement des inculpations.repoussées sur les ' lieux par l'opinion générale.
« Législateurs, ces hommes, si légèrement accusés ae conspirer contre la Cônstitution, sont ceux qui l'ont établie et consolidée dans ce département et qui, aujourd'hui, la défendent contre les rebelles, les despotes et les factieux. M. Dietrich surtout, maire de cette commune, a consacré à la chose publique des talents supérieurs, un caractère ferme, une infatigable activité et un dévouement à toute épreuve. Porté deux fois à cette place éminente et orageuse, il a su préserver cette ville des troubles qui ont désolé presque tous les autres points de
I Empire. Législateurs, il siégerait parmi vous, si les électeurs du département du Bas-Rhin avaient consulté leur reconnaissance plutôt que leur intérêt. Justes appréciateurs du mérite et de ses services, ils le dédommagèrent d'un sacrifice pénible. Vous avez reçu vous-mêmes les expressions de leurs sentiments, et vos procès-verbaux conservent encore ce glorieux témoignage rendu à ses talents et à son patriotisme par les représentants d'un département entier.
II n'a pas démérité depuis, et les calomnies d'une odieuse cabale n'ont fait qu'accroître sa gloire et notre estime.
« 11 avait demandé à aller lui-même confondre à vos yeux ses détracteurs; mais le conseil général de la commune et tous les citoyens n'ont pas cru que son absence pût être sans danger pour la sûreté de cette ville et de l'Empire.
« Nous vous déclarons, et par vous, à la France entière, que Frédéric Dietrich, maire de Strasbourg, et les autres fonctionnaires publics dénoncés au ministre de l'intérieur comme coupables du projet de conspiration mentionné dans sa lettre du 11 de ce mois, ont toujours joui et jouissent encore de toute notre confiance.
« Strasbourg, le
et plusieurs membres (à droite) : L'impression et la mention honorable !
D'autres membres (à gauche) : La question préalable !
(L'Assemblée ordonne la mention honorable de l'adresse, l'insertion au procès-verbal, l'impression et le renvoi des pièces à la commission extraordinaire des Douze.)
Une députation des citoyens de la commune de Monceaux, près Paris, est admise à la barre.
M. Billard, orateur de la députation, s'exprime ainsi :
« Lescitoyens de la commune de Monceaux ont payé leurs impositions et les trois termes de la contribution patriotique. En leur nom, je vous apporte une respectueuse et inaltérable soumission aux lois, un dévouement sans bornes à la Constitution et un don patriotique de 295 livres,
dont 269 liv. 10 s. en assignats et 25 liv. 10 s. en espèces.
répond à la députation et lui accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée accepte cette offrande avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis aux donateurs.)
, secrétaire, annonce les dons patriotiques suivants :
1° Des citoyens de Nantes envoient, par l'entremise de la darne Monistrol-Bonnet, épouse de l'inspecteur des douanes de Bayonne, 170 livres en assignats, et en espèces, annoncées par la poste, 63 liv. 19 s.
2' Le sieur Poitevin-Lacroix, receveur de la douane de Calais, envoie 30 livres en assignats.
3° Le sieur Buclié, capitaine général des douanes nationales à Nantes, envoie 100 livres en assignats.
4° Un inconnu envoie un bouton de manchette en or.
5° La municipalité du bourg du Plan de Cliques, près Marseille, envoie 150 livres en assignats.
. La société des Amis de la Constitution, séante à Saint-André-de-Cubzac, département de la Gironde, m'a chargé de remettre à l'Assemblée 369 livres en argent, pour subvenir aux frais de la guerre. De même, la société des Amis de la Constitution, séant à Portets, même département, remet, en une reconnaissance du sieur Guilbaud, administrateur de la caisse patriotique de Bordeaux, qui constate la remise pour le compte de la nation, 611 livres en espèces, et 768 livres en assignats.
(L'Assemblée accepte ces offrandes avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis à ceux des donateurs qui se sont fait connaître.)
, au nom du comité militaire, soumet à la discussion (1) un projet de décret concernant le payement des troupes et leur traitement pendant la campagne; ce projet de décret est ainsi conçu :
Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, d'après les observations du ministre de la guerre, et sur la motion d'un de ses membres, considérant qu'il est instant de régler tout ce qui est relatif au payement des troupes et à leur traitement penaant la campagne, ayant entendu le rapport de son comité militaire, a décrété l'urgence.
Décret définitif.
« L'Assemblée nationale, ayant décrété l'urgence, décrète définitivement ce qui suit :
Art. ler.
« Les dispositions des articles 2 et 3 des décrets des 18 et 20 avril dernier, sur la solde
des gens de guerre, auront lieu, à compter du 1er avril de la présente année et jusqu'à ce
qu'il en soit
re série, t.
XLIV, séance du 29 mai 1792, page 248, le rapport de M. Blanchard.
Art. 2.
« L'augmentation de traitement accordée par les décrets cités dans l'article ci-dessus, aux capitaines, lieutenants et sous-lieutenants des armées, pour raison de la perte en assignats, aura lieu également, à dater du 1er avril de la présente année et jusqu'à ce qu'il en soit autrement ordonné, dans toutes les garnisons, quartiers et cantonnements, ainsi que pouf les sous-officiers et soldats, à l'exception des places où le payement doit être fait en numéraire, conformément aux dispositions de l'article 4 du même décret et à celui du 1er mai, pour les troupes qui sont en Corse.
Art. â.
« Le supplément de 4 onces, ajouté à la ration de pain de munition, par les décrets des 17 et £1 février dernier, n'aura lieu que pour les sous-officiers et soldats ou volontaires seulement, faisant partie des armées; les rations accordées aux officiers de tous grades, continueront d'être de 24 onces.
Art. 4.
« A compter du 1er juillet prochain, il sera fourni à chaque officier, indépendamment des rations de pain et des rations de fourrage, déterminées par les décrets des 17-27 février et du 23 avril derniers, des rations de viande d'une livre chacune, et des rations de riz de 4 onces, jusqu'à concurrence du nombre de rations de pain attribuées par lesdits décrets à chaque grade.
« Le prix des rations de viande sera fixé à
10 sols et celui des rations de riz à 2 sols, dont le montant sera retenu sur les appointements des officiers qui les auront reçues.
Art. 5.
« En conséquence des dispositions de l'article ci-dessus, et des facilités accordées aux officiers pour se procurer des vivres, il sera payé dans les armées, à dater du 1er juillet prochain, à chaque officier, de quelque grade qu'il soit, sur ses appointements, une somme de 50 livres en numéraire; au moyen de quoi, l'augmentation du quart pour les lieutenants et sous-lieutenants, et au sixième pour les capitaines, n'aura lieu que sur leur paye en assignats, déduction faite ae celle qui sera affectée au payement des rations attribuées à chaque grade, soit qu'elles aient été prises ou non.
Art. 6.
« La fourniture du riz et des légumes secs ne devant avoir lieu qu'à défaut de légumes verts,
Il sera donné aux sous-officiers, soldats et gardes nationaux volontaires, lorsque la fourniture du riz et des légumes n'aura pas lieu, ce qui sera déterminé par le général, un supplément de solde de 6 deniers par jour pour se procurer des légumes verts.
Art. 7.
« Les gratifications et traitements réglés par
les précédents décrets, pour les armées du Nord, auront lieu sur le même pied, pour celles qui sont ou pourront être rassemblées dans le Midi. »
(L'Assemblée décrète l'urgence et adopte ce projet de décret.)
Les six ministres entrent dans la salle. Ils se rendent aux ordres que l'Assemblée leur a donnés par un décret rendu dans la séance du vendredi, 22 juin 1792, au soir (1).
Les ministres étant rendus à l'Assemblée, je vais leur annoncer ce que l'Assemblée m'a chargé de leur dire.
(Les ministres se lèvent pour entendre la notification du décr,et.)
: « Deux objets urgents et de la plus haute importance excitent en ce moment la sollicitude du Corps législatif.
« Le premier est la nécessité d'arrêter les troubles excités par le fanatisme.
« Le second est l'intérêt pressant de placer une armée de réserve entre les frontières et Paris.
« Le roi est chargé, par la Constitution, de veiller à la sûreté générale de l'Etat.
« L'Assemblée nationale vous ordonne de lui rendre compte, par écrit, à sa séance de demain, des mesures qui Ont été prises pour y parvenir. »
, ministre de la guerre. D'après le message que j'ai eu l'honneur de remettre, de la part du roi, à l'Assemblée nationale, et les mesures qui y étaient indiquées, j'ai cru qu'il était de mon devoir, depuis le renvoi que l'Assemblée a fait à son Comité militaire, d'ajouter aux courts développements que j'avais donnés hier, des développements plus considérables. Je supplie l'Assemblée de vouloir bien en entendre la lecture. D'après les intentions du roi, très conformes aux vœux de l'Assemblée nationale, mon premier soin, en acceptant le ministère, a été de prendre les mesures nécessaires pour la sûreté de la capitale, de manière à en assurer la tranquillité dans toutes les suppositions-
Je me suis appliqué à connaître exactement notre situation a cet égard, et à en faire part à l'Assemblée nationale. En comparant d'abord les états de situation dressés par mes prédécesseurs avec le tableau que vous en a offert M. Dumouriez, j'ai aperçu une différence qui m'a engagé encore plus à constater la réalité dè nos moyens, de nos ressources et des difficultés que nous avons à vaincre. J'espère pouvoir en former nn état fidèle, et être en état, sous peu de jours, de le mettre sous les yeux de l'Assemblée nationale.
Le premier aperçu que j'en ai présenté à Sa Majesté a suffi pour la déterminer à faire la proposition qu'elle vous a faite hier au soir. Je vous demande la permission d'en développer encore mieux l'utilité, et de vous faire part des précautions que j'ai déjà prises, èt qui, dans la supposition même de toute autre mesure, tendent directement à la sûreté de la capitale. J'ai cru ne pouvoir trop me hâter de répondre aussi au sage empressement que montre l'Assemblée nationale à cet égard.
En jetant un coup d'œil militaire sur les frontières qui couvrent la capitale, on aperçoit
d'abord que la majeure partie est assez fortifiée par l'art ou par la nature pour inspirer
des motifs de confiance; mais il existe pour ainsi dire
Plusieurs camps formés dans l'étendue depuis Reims jusqu'à Gompiègne, ayant pour point de réunion Soissons, seront à portée d'agir ensemble
Sour ne former qu'une seule masse au moment
agir. Ces positions sont si avantageuses et paraissent si propres à écarter les dangers de Paris, que quand même il n'y aurait pas un corps
fiermanent de réserve, ce devrait être toujours e point de ralliement de tous les citoyens armés qui préféreraient la mort à la perte de la liberté. Aussi me suis-je déjà occupé de faire reconnaître les trois départements dans lesquels s'étendent ces positions sous tous les rapports militaires, relativement aux ressources qu'ils peuvent nous fournir. Celui de l'Aisne a surtout manifesté des craintes qu'une pareille disposition aura bientôt anéanties. Soissons, une de ses principales villes, offre des emplacements vastes pour des établissements militaires, et déjà je suis certain de pouvoir y former un hôpital pour une armée de 40,000 hommes.
La multiplicité et la facilité des communications indiquent naturellement cette ville comme ' devant être le point de réunion des moyens de tout genre destinés au corps de réserve. Les ordres les plus précis ont été donnés à l'administration des vivres militaires, pour les achats nécessaires au service des vivres et des fourrages, et l'on croit pouvoir assurer qu'au moyen des; mesures prises, il n'en résultera point de haussé sensible dans le prix des grains.
Les mêmes ordres ont été donnés pour les: fournitures de viande. A l'égard des effets de campement, leur confection est dans la plus grande activité, et la totalité sera prête avant le rassemblement. J'ai pris des mesures pour assurer l'équipement des gardes nationales ; 1 épuisement de nos manufactures me laisse encore quelques inquiétudes à cet égard; mais j'espère, avec les précautions que j'ai prises, pouvoir parvenir à les dissiper. Quant a l'armement, je me suis occupé a prendre connaissance des marchés nombreux qui ont été faits, et du résultat qu'on
{«eut en attendre. Je vais également faire toutes es dispositions nécessaires pour pouvoir indiquer tous les autres points de rassemblement. Je me suis conteuté, dans le premier moment, d'assurer les objets majeurs; les autres seront faciles à se procurer d'un moment à l'autre. La mesure proposée adoptée, l'Assemblée nationale ne pensera-t-elle pas qu'il serait convenable de cantonner d'abord les bataillons formant la réserve, et d'attendre dans cette position que la terre soit
découverte, afin de se ménager les ressources précieuses de la moisson, et de concilier ainsi ce qu'exige la défense de la patrie avec l'intérêt des cultivateurs?
L'Assemblée jugera peut-être aussi que, pour accélérer la formation de ces bataillons, il serait convenable de réunir à l'avance dans les divers points de rassemblement tout ce qui est nécessaire pour l'armement et l'équipement des gardes nationales volontaires. L'envoi de ces divers objets dans les départements a occasionné pour la première levée des retards inévitables et des dépenses considérables qu'il est important de prévenir dans les circonstances actuelles.
Certains de pourvoir ainsi à la sûreté de la capitale, on pourrait employerune grande partie aes bataillons déjà complets à renforcer l'armée du Rhin, à laquelle le roi se propose de donner une consistance propre à faire respecter la partie des frontières qu'elle est chargée de défendre. La levée et la formation de ces bataillons seront mises sous ma surveillance, ainsi que le recrutement de l'armée de ligne, pour lequel j'ai déjà pris les mesures les plus actives. Je ne puis que me louer du zèle de plusieurs régiments à cet égard, et j'en conçois ia possibilité de réussir de même dans tous les autres. Si l'Assemblée renvoie l'examen de ce projet à son comité militaire, je lui remettrai l'état de dépense qui en résultera.
Je dois rendre compte à l'Assemblée que îj'ai reçu des lettres de M. Luckner, qui n'ont point apporté de nouvelles d'aucunes opérations essentielles. Ce général continue à diriger ses opérations d'après les ordres qu'il a reçus dans le temps.
Plusieurs membres : Nous demandons le renvoi de ce mémoire au comité militaire !
(L'Assemblée décrète le renvoi de ce mémoire au comité militaire.)
Il se répand un bruit que M. le maréchal Luckner a reçu l'ordre de ne plus avancer dans le pays ennemi. J'ai vu ce matin des lettres de Sedan qui annoncent cette nouvelle. Ce bruit se répand sur les frontières, et il se répand dans la capitale. Je prie Monsieur le Président, pour rassurer le public, pour lui ôter toutes ses inquiétudes, de vouloir bien interpeller M. le ministre de la guerre. (Murmures dans VAssembléev applaudissements des tribunes.) Ma motion intéresse la tranquillité publique. Monsieur le président, je vous prie de consulter l'Assemblée pour savoir si elle vous permet d'interpeller M. le ministre de la guerre sur ce fait. (Quelquesmembres, à gauche, applaudissent. Un murmure presque générait s'élève dans l'Assemblée.)
Messieurs, chacun de nous en particulier a les mêmes sentiments que M. Arena et applaudit à la sollicitude qui a inspiré la proposition qu'il vient de vous faire ; mais si l'Assemblée nationale prenait pour mesure de sa marche législative, les vains bruits qui se répandent dans les cités (Murmures à gauche); si l'Assemblée, dis-je, prenait en considération ces sortes de bruits, alors elle ferait connaître la marche du gouvernement dans ses systèmes offensifs et défensifs, et il ne pourrait vous répondre qu'en trahissant la nation.
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
, le jeune. C'est précisément parce que les opérations de nos armées intéressent essentiellement la sûreté publique, que je demande que la motion de M. Arena soit
rejetée, elle tendrait à faire manquer toutes les opérations de nos armées, et à faciliter celles de nos ennemis. Dans le cas où le ministre de la guerre vous dirait que le maréchal Luckner a ordre de ne pas entrer dans le pays ennemi, la maison d'Autriche pourrait quitter l'intérieur du pays, pour venir attaquer vos frontières. Rien ne serait donc aussi, dangereux qu'une pareille réponse du ministre de la guerre.
(L'Assemblée ferme la discussion et décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la motion de M. Arena.)
(Les ministres sortent delà salle des séances.)
, au nom des comités militaire et de l'extraordinaire des finances réunis, fait un rapport et présente un projet de décret, mettant plusieurs sommes à la disposition du ministre de la guerre pour les dépenses extraordinaires (1) qui résulteront de la campagne de 1792 pour Varmée du Midi, et 200,000 livres à la disposition du général de cette armée; il s'exprime ainsi :
Messieurs, le 21 mai, vous avez renvoyé à votre comité militaire et à celui de l'extraordinaire des finances, l'état des dépenses extraordinaires de l'armée du Midi, qui doit être composée de 32,000 hommes Cet état a été fourni par le ministre de la guerre.
Toutes les dépenses publiques étant, aux termes du décret qui a déterminé l'organisation de vos comités, soumises à l'examen ae celui de l'ordinaire des finances, j'ai réclamé cet état, et il ne m'a été remis qu'hier au soir. Il s'élève, pour les dépenses de prertlière mise, à 8,825,117 T. 10 s., et par mois, a compter du 1er mai, à 2,176,700 livres.
Ces dépenses extraordinaires ont pour objet, ainsi que j'ai eu l'honneur de vous en rendre compte pour les armées du Midi, les traitements de campagnes, vivres, fourrages, boissons, effets de campement, paille et couchage, bois de chauffage, effets de linge et de chaussures, équipages d'artillerie, équipage des vivres, hôpitaux ambulants, approvisionnements extraordinaires, voitures extraordinaires et dépenses imprévues, sur lesquelles vos comités vous proposent de prendre 200,000 livres pour être mises à la disposition du général, pour dépenses particulières, conformément au décret du 1er mai.
Je dois vous observer, Messieurs, que j'avais mis en masse, dans mon rapport, pour dépenses extraordinaires, une somme ae 25,096,485 livres ; celle qui vous est proposée aujourd'hui, en supposant qu'elle fût nécessaire jusqu'à la fin de décembre, s'élèvera à 26,238,717 I. 10 s.; mais la somme totale que j'ai portée pour les dépenses de la guerre serait déjà excédée de 1,142,2321.10 s.
J'ai vérifié cet état de dépenses, et votre comité militaire en a approuvé la distribution et les objets.
11 est de la plus grande urgence, Messieurs, que cette dépense soit décrétée; il faut défendre cette partie de l'Empire, si elle était attaquée; il faut y contenir les mouvements séditieux et les désordres qu'on cherche à y exciter. Voici le projet de décret que j'ai l'honneur de vous proposer :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités militaire et de
l'extraordinaire des finances, sur l'état qui lui a été présenté, parle ministre de la
guerre, le 20 mai
re série, t.
XLII, séance du 21 mai 1792, page 653, ia remise des étals de ces dépenses par le ministre de
la guerre.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« A compter de la somme totale des fonds, qui seront décrétés incessamment pour le service de la guerre en 1792, la Trésorerie nationale tiendra, à la disposition du ministre de ce département, une somme de 8,825,117 1. 10 s., montant des dépenses extraordinaires de première mise pour le service du Midi.
Art. 2.
« A compte du 1er mai dernier, la Trésorerie nationale tiendra également, à la disposition du ministre de la guerre, une somme de 2,176,7001. par mois pour le même service.
Art. 3.
« Le ministre de la guerre rendra compte à l'Assemblée nationale, tous les 15 jours, des dépenses ordonnées sur ces fonds.
Art. 4.
«Il sera mis à la disposition du général de l'armée du Midi une somme de 200,000 livres, dont moitié en numéraire, destinées aux dépenses particulières de la campagne, et dont la comptabilité sera suffisamment justifiée par l'ordonnance du commissaire-ordonnateur en chef, expédiée en vertu de l'ordre du général.
Art. 5.
« Il ne sera point fait de fonds extraordinaire pour les avances mentionnées en l'article précédent. Elles seront imputées sur les 500,000 livres de dépenses imprévues, comprises dans l'état des 2,176,700 livres, décrétées par mois par l'article 2 du présent décret.
Art. 6.
« Le présent'décret sera porté, dans le jour, à la sanction du roi. »
(L'Assemblée décrète l'urgence et adopte le projet de décret.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture des deuxlettres suivantes :
1° Lettre de M. Beaulieu, ministre des contributions publiques, qui informe l'Assemblée que le roi a nommé la veille aux places de commissaires-administrateurs de la fabrication des assignats, en exécution de la loi du 19 juin 1792, MM. de Surgy, Delaitre et de Lamarcne.
2° Lettre de M. Lajard, ministre de la guerre, relative à des marchés faits pendant le ministère de M. Servan ; cette lettre est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« M. de Grave avait fait passer le 6 du mois dernier des ordres aux généraux d'armée pour l'approvisionnement des places de guerre, en comestibles et autres denrées : ces approvision-
nements, en vertu des ordres de M. de Grave, devaient être faits par adjudication publique par devant les directoires de départements : cette adjudication a eu lieu à Strasbourg, le 22 mai, en faveur de M. Worms, pour les places des départements du Rhin, et a monté à une somme de 1,460,633 livres. Plusieurs citoyens avant offert le lendemain, au département, un rabais de 100,000 livres, le directoire crut devoir suspendre l'adjudication et en rendre compte à M. Servan, alors ministre, par un courrier extraordinaire : M. Servan prononça sur-le-champ la résiliation de la première adjudication et donna, le 28, des ordres pour procéder à une nouvelle. Dans ces entrefaites, M. Worms, s'étant rendu à Paris, représenta au ministre qu'il avait déjà fait des achats en vertu de l'adjudication, et proposa un rabais de 150,000 livres sur le total du prix d'adjudication : M. Servan accepta ces offres le 4 juin, et s'engagea par le marché à donner des ordres pour suspendre l'adjudication ordonnée. M. Worms, nanti de ce titre, retourna à Strasbourg où il arriva la veille du jour fixé pour la seconde adjudication: il fit signifier son marché au directoire qui en ordonna èn conséquence la suspension. Le directoire a rendu compte de ces faits à l'Assemblée nationale et au ministre par sa lettre du 12 juin ; il ajoute que l'ordre de suspendre l'adjudication, a laquelle plus de 200 citoyens devaient se rendre, a excité les plus vives réclamations, qu'il a été offert sur-le-champ un rabais de 364,628 livres, et que si l'adjudication avait eu lieu, il aurait été porté à près de 600,000 livres.
«Le directoire réclame avec force sur V énorme lésion qui résulte pour les intérêts de la nation de la surprise faite au ministre, et de la douleur de voir aes fonds destinés a la défense de l'Etat livrés à la rapacité de quelques entrepreneurs: ce sont ses termes. Dans cet état de choses, dois-je résilier le marché fait par M. Servan, le 14 juin, et faire procéder à l'adjudication qu'il avait ordonnée le 28 mai, ou dois-je maintenir le marché qu'il a fait malgré les rabais considérables qu'on a offerts ? Dans le premier cas, j'observe que l'adjudicataire ayant été en avant, d'après la première adjudication et le marché qu'il avait confirmé, demandera de fortes indemnités. Par qui devront-elles être supportées ? Dans le second cas, l'Etat sera en perte de 600,000livres de rabais que le directoire annonce devoir résulter d'une seconde adjudication. Je supplie l'Assemblée de me prescrire la marche que je dois tenir en cette occasion, en lui observant qu'il n'y a pas un moment à perdre ou pour arrêter l'effet du marché du 4 juin, ou pour ordonner une nouvelle adjudication. Je crois devoir saisir cette occasion pour demander que l'Assemblée nationale veuille bien s'occuper de prescrire le mode à suivre pour les marchés en temps de guerre, de manière à concilier la célérité du service et le secret qu'il peut exiger avec la responsabilité du ministre.
« Signé : Lajard. »
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité militaire.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion (1 ) du projet de décret du
, rapporteur, donne lecture de l'article 2 du titre Ier du projet de décret du co-t mité qui traite : Des officiers publics par qui seront tenus les registres des naissances, mariages et décès. Il est ainsi conçu :
« Les corps municipaux nommeront parmi leurs membres, ou parmi ceux des conseils généraux des communes, suivant l'étendue et la population des lieux, une ou plusieurs personnes qui seront chargées de ces fonctions. »
Je demande que les personnes qui seront chargées de ces fonctions par les municipalités ne puissent être que des rédacteurs de l'acte, mais qu'il y ait toujours un officier chargé de les recevoir et d'y assister.
(L'Assemblée adopte l'article 2 et l'amendement de M. Goujon.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 3; il est ainsi conçu:
« Pourront néanmoins les corps municipaux, dans les villes dont la population excède, 30,000 âmes, déléguer les mêmes fonctions à toutes autres personnes prises dans la classe des citoyens actifs et domiciliés. »
Plusieurs membres : La question préalable !
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'article 3.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 4 ; il est ainsi conçu :
« Les nominations seront faites par la voie dq scrutin et à la pluralité absolue des suffrages ; elles seront publiées et affichées. »
Il faut dire si les personnes élues seront tenues d'accepter, ou si elles pourront refuser.
Dès que vous avez reconnu que le droit de constater l'état civil des citoyens était du ressort des fonctions purement municipales, je ne pense pas que le citoyen qui aura été choisi dans la municipalité puisse refuser cette mission. Je demande donc que cette fonction, qui sera déférée par le conseil de la commune, ne puisse être refusée.
Je pense, comme M. Lagrévol, que le devoir doit être sacré pour l'officier municipal choisi, comme tous les autres devoirs attachés à sa place. Mais je propose un autre amendement : îe crois qu'il est essentiel d'insérer dans l'article qu'en cas d'absence ou de maladie dé l'officier municipal nommé, il sera remplacé par un autre officier municipal.
En principe, il est certain que tout officier municipal doit en remplir les devoirs. Cela étant certain, lorsque les officiers municipaux ont choisi un de leurs membres pour remplir ces fonctions, il faut qu'il les remplisse ; s'il ne le fait pas, il sera destitué ; s'il est malade, c'est un officier municipal qui doit le remplacer. Ainsi je pense, Messieurs, qu'il faut enjoindre à l'officier municipal, qui sera choisi, d'accepter sa nomination, ou d'abandonner sa place.
Je demande la question préalable sur l'amendement de M. Ducastel, parce que cette fonction tient essentiellement aux "fonctions d'officier municipal ; et par cela même il est incontestable que l'officier municipal, qui est à même de remplir cette fonction, l'acceptera comme un devoir de sa place. Je demande
qu'on ne fasse pas cette addition, et c'est par les principes qui doivent être consacrés dans la législation d'un peuple libre, que je demande la question préalable sur l'amendement.
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la proposition de M. Ducastel.)
Un membre : Je demande, par amendement, que les ministres du culte ne puissent pas être choisis pour recevoir les actes.
Je demande la question préalable sur cet amendement. La loi ne distingue pas dans les officiers municipaux les hommes de telle ou telle profession. Dès qu'ils sont officiers municipaux, ils doivent recevoir les actes comme les autres citoyens.
(L'Assemblée décrète, qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'amendement et adopte l'article 4.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 5; il est ainsi conçu :
« En cas d'absence ou d'empêchement légitime de l'officier public chargé de recevoir les actes de naissance, mariage et décès, il sera remplacé par le maire ou autre officier municipal à l'ordre de la liste. »
Je demande qu'on ajoute, qu'en cas d'absence de llofficier municipal chargé de recevoir les actes, il sera remplacé par un autre officier municipal ou par tout autre membre du conseil général de la commune.
(L'Assemblée adopte l'article 5 et l'amendement de M. Gossuin.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 1er du titre II, qui
traite : De la tenue et dépôt des registres. II est ainsi conçu :
« Il y aura dans chaque municipalité trois registres pour constater, l'un lès naissances,
1 autre les mariages, le troisième les décès. » (L'Assemblée adopte l'article 1er.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 2; il est ainsi conçu :
« Les trois registres seront doubles sur papier timbré, fournis aux frais de chaque district, et envoyés aux municipalités par les directoires, dans les 15 premiers jours du mois de décembre de chaque année ; ils seront cotés par premier et dernier, et paraphés sur chaque feuillet, le tout sans frais, parle président de l'administration du district, ou,, à son défaut, par un des membres du directoire, suivant l'ordre de la liste. »
(L'Assemblée adopte l'article 2.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 3; il est ainsi conçu :
« Les actes de naissance, mariage et décès seront inscrits sur les registres doubles, de suite et sans aucun blanc. Les renvois et ratures seront approuvés et signés de la même manière que le corps de l'acte. Rien n'y sera écrit par abréviation, ni aucune date mise en chiffre. » (L'Assemblée adopte l'article 3.)
M. Muraire, rapporteur, donne lecture de l'article 4 ; il est ainsi conçu ••
« Toute contravention aux dispositions de l'article précédent sera punie de 10 livres d'amende pour la première fois, de 20 livres d'amende en cas de récidive, et même des peines portées par le Code pénal, en cas d'altération ou de faux. »
(L'Assemblée adopte l'article 4.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 5 ; il est ainsi conçu :
« En cas d'erreur ou d'omission dans la rédaction des actes, la vérification en sera ordonnée par les tribunaux de district, dans la forme ordinaire.
» Plusieurs membres : La question préalable !
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'article 5.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 6 ; il est ainsi conçu :
« Il est expressément défendu d'écrire et de signer, en aucun cas, les actes sur feuilles volantes, à peine de 100 livres d'amende, de destitution et de privation pendant 10 ans de la qualité et des droits de citoyen actif.
» (L'Assemblée adopte l'article 6.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 7; il est ainsi conçu :
« Les juges ne pourront avoir égard aux feuilles volantes sur lesquelles aucuns des actes de naissance, mariage et décès auraient été inscrits, que comme à un commencement de preuve par écrit. »
je demande l'ajournement de l'article 7, parce que les dispositions qu'il renferme appartiennent à la législation générale.
(L'Assemblée ajourne l'article 7.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 8 ; il est ainsi conçu :
« Les "actes contenus dans ces registres et les extraits qui en seront délivrés feront foi et preuve en justice, des naissances, mariages et décès. » (L'Assemblée adopte l'article 8.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 9 : il est ainsi conçu :
« Si les registres sont perdus, si des feuilles en ont été déchirées, ou,s il n'y en a jamais eu, la preuve en sera reçue, tant par titres que par témoins, et dans ces cas, les naissances, mariages et décès pourront être justifiés, tant par les registres et papiers domestiques des père et mère décédés que par témoins, sauf à la partie à fournir la preuve contraire. »
Un membre : Je demande l'ajournement de l'article 9, parce que les dispositions qu'il renferme appartiennent à la législation générale. (L'Assemblée ajourne l'article 9.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 10 ; il est ainsi conçu :
« Les actes qui seront inscrits dans les registres ne seront point sujets au droit d'enregistrement. »
(L'Assemblée adopte l'article 10.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 11 ; il est ainsi conçu :
« Dansles 15 premiers joursdtmois de janvier de chaque année, il sera fait, à la fin de chaque registre, une table par ordre alphabétique des actes qui y seront contenus. » (L'Assemblée adopte l'article 11.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 12 ; il est ainsi conçu :
« Dans le mois suivant, les municipalités seront tenues d'envoyer aux directoires de leur district l'un des registres doubles. » (L'Assemblée adopte l'article 12.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 13 ; il est ainsi conçu :
« Les directoires de district vérifieront si les actes ont été dressés et les registres tenus dans les formes prescrites. » (L'Assemblée adopte l'article 13.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 14; il est ainsi conçu :
« Dans les quinze premiers jours du mois de mars, les procureurs-syndics seront tenus d'envoyer ces registres aux directoires de département, avec les observations des directoires de district. »
Je demanderais que les registres restassent dans les archives des directoires de district, où ils seront aussi bien conservés que dans celles des département.
Alors je demanderais qu'on en envoyât un relevé aux départements.
, rapporteur. Parmi les raisons qui nous ont déterminés à faire remettre les registres aux départements, il en est une à laquelle il n'est guère possible de répondre. C'est le cas où les districts seraient réduits à un moindre nombre...
Plusieurs membres : Aux voix l'articlel (L'Assemblée adopte l'article 14.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 15 ; il est ainsi conçu :
« Ces registres seront déposés et conservés au secrétariat des directoires ae départements. » (L'Assemblée adopte l'article 15.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 16; il est ainsi conçu :
« Les autres registres doubles seront déposés et conservés aux archives des municipalités. » (L'Assemblée adopte l'article 16.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 17 ; il est ainsi conçu :
« Les procureurs généraux syndics des départements seront chargés des dénonciations et poursuites, en cas de contravention au présent décret. » (L'Assemblée adopte l'article 17.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 18; il est ainsi conçu :
« Tous les 10 ans, les tables annuelles, faites à la fin de chaque registre, seront refondues dans une seule. »
Afin qu'il y ait conformité dans tout le royaume, je demande qu'il soit fait une de ces tables générales en 1800, une autre en 1810, et ainsi de suite, de 10 ans en 10 ans.
(L'Assemblée adopte l'article 18 et l'amende-mendement de M. Jollivet.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 19 ; il est ainsi conçu :
« Cette table décennale sera mise sur un registre séparé, tenu double, timbré, coté et paraphé. »
(L'Assemblée adopte l'article 19.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 20 ; il est ainsi conçu :
« L'un des doubles de ces registres sera envoyé, dans les 15 premiers jours au mois de mai
de la 11e année, aux directoires de district, et transmis dans
le mois suivant, par le procureur-syndic, au directoire du département, pour être placé dans
le même dépôt. »
(L'Assemblée adopte l'article 20.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 21 ; il est ainsi conçu :
« Toutes personnes sont autorisées à se faire délivrer des extraits des actes de naissance, mariage et décès, soit sur les registres conservés aux archives des municipalités, soit sur ceux déposés au secrétariat des départements. Les extraits devront être sur papier timbré; ils ne seront pas sujets aux droits d'enregistrement. »
(L'Assemblée adopte l'article 21.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 22; il est ainsi conçu :
« Il ne sera payé que 6 sols pour chaque extrait des actes de naissance, décès et publication de mariage, et 12 sols pour chaque extrait des actes de déclaration de mariage, non compris le timbre. »
(L'Assemblée adopte l'article 22.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 23 ; il est ainsi conçu :
« Les extraits demandés sur les registres courants seront délivrés par celui qui sera chargé de les tenir. Après le dépôt, les extraits seront expédiés par les secrétaires greffiers des municipalités ou des départements. » (L'Assemblée adopte l'article 23.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 24 ; il est ainsi conçu :
« Les registres courants seront tenus dans la maison commune. »
Je demande que l'on ajoute : « Et dans le cas où il n'y aurait pas de maison commune, ils seront tenus chez celui qui sera choisi par la commune. »
L'amendement que je vais proposer paraîtra minutieux, mais il est cependant très essentiel pour éviter que l'humidité n'imbibe le papier et n'efface l'encre en très peu de temps, ou même que les allants et venants n'écrivent sur ce registre, qu'ils trouveraient à leur portée ou ne le gâtent ; je demande qu'il soit fait dans chaque municipalité une armoire où ce registre sera serré. C'est surtout pour les municipalités de campagne que cet amendement est nécessaire.
J'adopte l'amendement de M. Gohier, mais en ce sens : « que ce sera l'officier municipal chargé de recevoir les actes qui sera aussi chargé du soin du registre ». Quant à l'amendement de M. Boullanger, je le crois important et je demande qu'il Soit adopté, mais qu'on le renvoie à l'instruction qui sera dressée.
(L'Assemblée adopte l'article 24 et les propositions de M. Jollivet.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 25 ; il est ainsi conçu :
« Aucuns registres ne pourront être déplacés. S'il y a lieu à quelque vérification judiciaire, le juge de paix du canton sera commis pour constater l'état des registres et dresser procès-verbal aes actes dont il s'agirait. » (L'Assemblée adopte l'article 25.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 26 ; il est ainsi conçu :
« Dans les villes dont l'étendue et la population exigent qu'il y ait plus d'un officier public chargé de constater les naissances, mariages et décès, il* sera fourni 3 registres doubles à chacun d'eux. Ils seront tenus de se conformer aux règles ci-dessus prescrites. »
(L'Assemblée adopte l'article 26.)
, rapporteur, donne lecture dè l'article 27; il est ainsi conçu : ~
« Dans les villes dont la population n'excède pas 6,000 âmes, il pourra n'être tenu qu'un registre double, dans lequel les actes de mariage, naissance et décès seront inscrits de suite. La table mise à la fin de ce registre sera par ordre alphabétique et divisée en 3 parties : l'une pour les naissances, l'autre pour les mariages, la troisième pour les décès. »
Plusieurs membres : La question préalable!
, rapporteur. Avant que vous rejetiez l'article, je dois vous faire part des motifs qui Ont déterminé le comité à vous le proposer. Nous avons -cru que, dans les municipalités de campagne, par exemple, il pourrait arriver que les naissances, mariages et décès qui auraient lieu pendant une année ne remplissent pas un registre.
Plusieurs membres: La question préalable !
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'article 27.)
, ministre de l'intérieur : Messieurs, le roi m'a ordonné de faire part à l'Assemblée nationale des nouvelles que je viens de recevoir du département, relativement à la situation actuelle de la tranquillité de Paris. Je vais avoir l'honneur de vous en donner lecture :
Lettre du département.
« J'ai l'honneur. Monsieur, de vous adresser, au nom du conseil général du département, un compte détaillé des avis qu'il a reçus aujourd'hui, sur l'état actuel de la tranquillité de Paris et de la conduite qu'il a tenue.
« J'avais reçu de la section Mauconseil, avant l'ouverture de la séance du..., un avis que vous nous avez adressé ensuite ; j'en avais informé sur-le-champ M. le maire de Paris, et j'avais provoqué sa vigilance sur les rassemblements annoncés par cette lettre. Au reçu de ia vôtre, je lui ai écrit de nouveau en lui proposant, comme une mesure efficace pour la tranquillité publique, de faire proclamer la loi d'hier, relative aux rassemblements armés. Le conseil, instruit par l'avis d'un commissaire de la section de Montreuil qu'il devait se faire dans cette section un rassemblement, dont le but était de provoquer de nouveaux rassemblements dans Paris, en a donné avis sur-le-champ à M. le maire, par la lettre dont je joins ici copie. La mesure que j'avais proposée a été exécutée. Le corps municipal, qui s'est déclaré permanent ce matin, a arrêté une instruction aux citoyens. Elle a été proclamée en même temps que la loi. Je vous en envoie une copie.
« Le conseil a délibéré sur la conduite qu'il devait tenir, relativement à une insulte qui avait été faite à un officier municipal en fonction par un garde national. Il a pris 1 arrêté que je joins ici. Mais en même temps qu'il avait cru devoir donner son improbation, et ordonner la publication de l'arrêté pris par le directoire le 21, il a "jugé que la publication simultanée et le rapprochement qu'on pourrait faire de ces deux arrêtés, attesteraient au public qu'en même temps qu'il chercherait à punir les fonctionnaires publics qui manquaient à leur devoir, il voulait leur assurer tout le respect dû à leur qualité d'organes de la loi, et à la magistrature dont ils sont revêtus.
« Le soir, le conseil a conféré avec M. le commandant général et M. le ministre des affaires étrangères sur les divers renseignements qu'il avait reçus. On lui annonçait un rassemblement dans"les environs de Paris, et que l'on avait l'intention de l'amener à Paris pour demain ou pour lundi. Il paraît cependant, d'après les rapports des personnes par qui le ministre des affaires étrangères avait été instruit, qu'il devait y avoir des rassemblements dans ces endroits, que ces avis n'étaient pas fondés. Au surplus, le conseil a chargé M. Papillon, capitaine de la première division de la gendarmerie nationale, de se faire instruire, par les officiers et cavaliers répandus dans les 3 départements dont il aie commandement, de la situation des esprits et des premières apparences de fermentation.
On a reçu au conseil une note qu'on a répandue avec profusion dans Je faubourg Saint-Antoine; la voici :
« Nous nous levons une seconde fois, pour remplir le plus saint des devoirs. Les habitants de quatre faubourgs de Paris, les hommes du 14 Juillet, viennent vous dénoncer un roi faussaire, coupable de haute trahison, indigne d'occuper plus longtemps le trône ; nos soupçons sur sa conduite sont enfin vérifiés, et nous demandons que.le glaive de la justice frappe sa tête, afin que la punition qu il mérite- serve d'exemple a tous lés tyrans. Si vous vous refusez encore à nos vœux, nos bras sont levés, et nous frapperons les traîtres, partout où nous les trouverons, même parmi vous. »
« Cette note a été envoyée au bureau central des juges de paix et au département de la police. On lui a remis en même temps un autre avis, par lequel on le prévient que le projet est de présenter à l'Assemblée nationale, dimanche, une pétition pour lui demander de retirer au roi le veto sur les décrets de circonstances; et dans le cas où elle ne serait pas accueillie, de se! porter ensuite aux Tuileries lundi. Le Conseil s'est occupé de s'assurer qu'il serait pris, des mesures efficaces pour empêcher les suiteè de cette criminelle entreprise. Il a déclaré positivement à M. le Commandant général, qu'il était de son devoir de se concerter avec les officier s dè l'état-major de la garde nationale, sous l'autorité de M. le maire, à qui le décret du 29 sepr tembre donne spécialement le droit de commander le service extraordinaire qu'exige le maintien de la tranquillité publique, afin de combiner un système de défense tel que la garde nationale puisse opposer une résistance ferme et immobile, sans être obligé de recourir au dernier degré de la force des armes, avant d'être attaqués d'une manière hostile ; que ce système soit tellement connu des officiers de la garde nationale, chargés de l'exécuter, que chacun d'eux pùissè y concourir sur-le-champ, pour la portion de service qui lui sera assignée.
« J'ai écrit sur cet objet une lettre à M. le maire, dont je vous énverrai copie demain.
« Tels sont, Messieurs, les faits relatifs aux circonstances, qui sont venus à la connaissance du conseil, et les mesures qu'il a prises pour prévenir ae nouveaux désastres. Le conseil, avant de se séparer, a été instruit par M. le maire que la proclamation de la muuieipalité dans les faubourgs Saint-Antoine et Saint-Marceau, n'avait pas eu le succès qii'on en attendait.
« Mais des commissaires se sont rendus dans le faubourg, d'après la lettre du conseil. Il ne savait pas encore la suite de cette nouvelle dé-
marche. Le conseil se rassemble demain, il doit recevoir le rapport de la municipalité, demandé par l'arrêté du directoire du 20 juin, dont je vous ai parlé plus haut. Je m'empresserai de vous rendre compte des mesures qu'il aura jugées nécessaires.
« Signé : le procureur général syndic du département, Rcederer. »
, ministre de l'intérieur. Messieurs, le sort de la France est entre vos mains, il dépend peut-être de la mesure que vous prendrez aujourd'hui.
Un membreà l'extrême gauche) : L'ordré du jour !
Une grande partie de l'Assemblée se soulève en criant : A l'Abbaye ! (Murmures et agitation prolongée.)
Je demande que le nom du membre qui a demandé l'ordre du jour soit inscrit avec censuré au procès-Verbal.
Plusieurs membres : Non, non, à l'Abbaye !
Je demande que l'Assemblée passe à l'ordre du jour, parce que, par son indignation, elle a fait justice de ce fait.
Quelque extravagante que soit une opinion, il faut laisser à chaque membre la liberté ae l'énoncer; je demande le renvoi à la nouvelle commission des Douze, pour en rendre compte ce soir.
(L'Assemblée renvoie le mémoire lu par M. le ministre de l'intérieur à la commission extraordinaire des Douze, pour en faire son rapport à la séance du soir.)
Ce qui a provoqué les troubles, c'est la proclamation du roi, et je la dénonce (1). (Quelques membres à l'extrême gauche applaudissent.)
M. Rœderer annonce des inquiétudes qui ne paraissent avoir aucun fondement. (Murmures à
droite.) On demande que le rapport delà nouvelle commission des Douze, sur le renvoi qui
vient de lui être fait, soit fait ce soir. J'observe que le renvoi de cette lettre a été
fait à la commission extraordinaire à.cause de la liaison que les faits dénoncés peuvent
avoir avec d'autres faits qui ont eu lieu ces jours derniers, mais qu'il n y a rien de bien
pressant, (Murmures à droite.) parce que vous avez tous remarqué que les faits dénoncés dans
cette lettre ne paraissent avoir aucun fondement. On avait dit qu'il devait y avoir des
rassemblements dans quelques villages des environs de Paris, le directoire du département,
au soin et à la vigilance duquel la police générale est confiée, a envoyé des gendarmes,
s'est fait assurer par le ministère de la gendarmerie s'il y avait des rassemblements, et le
colonel général lui a assuré qu'il n'y avait aucun rassemblement. Ensuite, s'il y avait
quelque rassemblement, la force publique est entre les mains des corps administratifs, et
nous pouvons et nous devons nous reposer sur les moyens qu'ils prendront pour maintenir
l'ordre et la tranquillité. Ainsi donc il n'y a rien qui nécessite un rapport particulier.
Votre commission extraordinaire des Douze est chargée du rapport de tous ces évé-
Je demande la parole.
Je demande donc que le renvoi soit maintenu et que l'on passe à l'ordre du jour sur le reste.
J'ai entendu dire cent fois que la Constitution ne nous donnait que le pouvoir législatif, et que nous ne devions prendre, sous aucun prétexte, le pouvoir exécutif. Nous devons maintenir ce principe constitutionnel. (Applaudissements à gauche). Si un rassemblement se faisait à Montpellier qui est à 220 lieues d'ici, viendrait-on chercher le pouvoir législatif pour y remédier? Non, Messieurs. Il faut apprendre à tous les départements et même au département de Paris, que le pouvoir exécutif seul est institué pour repousser les rassemblements et faire exécuter les lois. La municipalité de Paris doit les faire exécuter, et, à son défaut, le département. Je demande qu'on se borne à renvoyer à la commission des Douze et qu'on passe à l'ordre du jour.
Un membre : On veut se soustraire à la responsabilité!
Les pouvoirs sont bien distincts et séparés. Sans doute, l'Assemblée nationale n'a pas l'intention d'empiéter sur le pouvoir exécutif; mais, dans les circonstances où nous nous trouvons, il est digne de l'Assemblée nationale de chercher, dans sa sagesse, s'il n'y aurait pas quelques moyens de prévenir, par une loi sage et peut-être de circonstance, que la force publique ne fût déployée dans la ville de Paris. , Si vous pensez avec moi qu'il n'est pas impossible que votre comité des Douze trouve quelque moyen d'empêcher que la loi invoquée par M. Cambon ne soit mise fortement à exécution demain ou après-demain, s'il se présente des rassemblements, n'aurez-vous pas à regretter d'avoir négligé cette mesure? Convaincu que la commission des Douze ne vous présentera que des mesures législatives, je demande que cet objet lui soit renvoyé, pour en faire son rapport ce soir.
(L'Assemblée maintient le décret qui ordonne à la commission extraordinaire des Douze de lui faire un rapport à la séance du soir.)
(La séance est levée à 3 heures et demie.)
A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE
DU
Pièces concernant les'accusations portées contre M. Dietrich, maire de Strasbourg, et les administrateurs du département du Bas-Rhin, déposées sur le bureau de l'Assemblée par MM. Nois-
sette et Champy, députés extraordinaires de Strasbourg (1).
1° Copie d'une lettre de M. Roland, ministre de Tintérieur, au maire de la commune de Strasbourg, en date du 11 juin 1792.
« Un bruit, Monsieur, qui vous inculpe, ainsi que des administrateurs du département du Bas-Rhin, s'est répandu dans cette ville. On parle d'une xconspiràtion pour livrer Strasbourg aux ennemis de la France; ce bruit est fondé sur des lettres qui m'ont été communiquées, venues de l'étranger et de Strasbourg même. Il en est question ici dans les sociétés patriotiques, dans les papiers publics; il est parvenu au conseil du roi. Je crois devoir vous instruire de cette espèce de dénonciation, puisqu'elle a acquis ce degré de publicité. J'ignore sur quels fondements elle peut s'appuyer ; mais je ne doute pas que vous ne preniez de promptes mesures pour détruire les impressions désavantageuses qu'elle ne peut manquer de faire dans le public. Il importe de rassurer toute la France sur le sort d'une ville aussi importante que Strasbourg, et je suis en droit de vous demander tous les renseignements qui peuvent me servir de moyens pour vous conserver la confiance que le roi a dans votre civisme et votre fidélité.
« J'ajouterai qu'on va jusqu'à citer les sommes d'argent répandues pour effectuer la corruption et les infamies dont je viens de vous entretenir.
« Signé : ROLAND.
CoUaiionné, signé : RuMPLER, secrétaire-greffier.
2° Copie d'une lettre de M. Dietrich, maire de Strasbourg, à M. Roland, ministre de l'intérieur, du m juin 1792, l'an IVe de la liberté.
« J'ai lu au conseil de la commune, et à mes concitoyens qui se sont portés en foule à sa séance» la lettre fort extraordinaire que vous m'avez écrite le 11 de ce mois; et dans laquelle vous paraissez avoir ajouté quelque foi a des bruits, et à une dénonciation qui est appuyée, vous ne savez sur quel fondement. Vous auriez dû, Monsieur, nommer mes dénonciateurs, articuler des faits, et joindre à votre lettre les copies de celles qui vous ont été communiquées. Le cri d'indignation de mes concitoyens, et jose l'espérer, de la France entière, sera ma défense. J'ai voulu me transporter moi-même à la barre, de l'Assemblée nationale, pour la prier de vous enjoindre de lui remettre, ou à une commission qu'elle aurait nommée, les preuves d'une conspiration qui intéresse aussi essentiellement l'Empire. Le conseil de la commune, qui n'a vu dans les dénonciateurs que des conspirateurs, et dans la dénonciation que le complot de semer la désunion, et faire naître des troubles dans cette ville, dont l'harmonie désespère les ennemis de la patrie, m'a forcé de rester à mon poste. 11 envoie deux députés à l'Assemblée nationale, avec une adresse signée de tous lçs citoyens qui sont accourus à la maison commune.
« Quoi! Monsieur, Vous avez pu balancer un instant entre les délations d'Un Laveaux ou d'u n prince de Hesse, et la conduite que j'ai constamment tenue depuis le premier jour de la
Révolution? Non, Monsieur, je ne perdrai point la confiance que le roi a en mon civisme, ni celle de la nation, dont je me crois digne. Elles ne tiennent point à l'opinion de quelques individus. J'ai juré ae périr dans le poste dont mes Concitoyens m'ont honoré; aucun dégoût, aucune scélératesse ne me le feront abandonner, que le terme fixé par la loi ne soit révolu. Les efforts .des agitateurs, des séditieux, des traîtres qui se cachent sous le masque du patriotisme, ne feront que redoubler mon zèle et mon courage à les combattre. Dietrich, maire de la commune de Strasbourg, périra sous ses ruines, avant qu'on puisse le soupçonner.
« Le maire de Strasbourg, Signé: DIETRICH.
Pour copie conforme : Signé : Alrert, secrétaire de la mairie.
3° Copie de la lettre de MM. les administrateurs du directoire du département du Bas-Rhin à M. Dietrich, maire de Strasbourg, du M juin 1792, l'an ïf* de la liberté.
« Nous avons également reçu, Monsieur, une lettre du ministre de l'intérieur, qui nous dénonce que parmi les administrateurs il se trouve des traîtres accusés nommément du projet de livrer la ville de Strasbourg aux ennemis de l'Etat.
« Gomme administrateurs, et comme citoyens, nous nous plaisons à vous rendre, Monsieur,' toute la justice qui est due à votre activité; nous reconnaissons que c'est à vos soins infatigables, à votre fermeté inébranlable que nous devons la tranquillité, qui jusqu'à présent a régné dans nos murs.
« Nous avons répondu à M. Roland, avec cette force qui fait le caractère de l'innocence. Nous lui avons donné le tableau des troubles et de l'anarchie, que de vils agitateurs ont inutilement cherché à exciter à Strasbourg et dans le département; nous avons exprimé tout le mépris qu'ils ont inspiré dans tous les temps aux véritables citoyens. Vous partagez, nous n'en doutons pas, ces sentiments avec nous, et nous sommes assurés que vous ne manquerez pas de vous réunir à notre opinion dans une circonstance aussi importante.
« Si nous n'avions écouté que les sentiments que nous inspirent des calomnies aussi impudentes, nous les aurions sans doute livrées au mépris qu'elles méritent; mais nous devions moins à nous-mêmes qu'à la confiance de nos concitoyens, de les repousser avec force et avec Vigueur.
« Les administrateurs composant le directoire du département du Bas-Rhin,
« Signé : doyen, vice-président; Kuhn, Bor-ger, Stoeber, Louis, Braun, Gloutier, X. Levrault, procureur général; Barnier, en l'absence du secrétaire général.
Pour copie conforme :
Signé : Rumpler, secrétaire-greffier.
4° Extrait des registres du conseil général de la commune de Strasbourg, du jeudi 14 juin 1792. Séance du soir.
« Monsieur le maire a dit qu'il avait cru devoir convoquer le conseil général, pour lui donner connaissance de quelques lettres qui, par leur importance, lui ont paru mériter toute son attention. Il a fait lecture de 3 lettres, l'une de M. de la Morlière, lieutenant général, commandant l'armée du Rhin, à la municipalité, du présent jour; l'autre, du ministre de la guerre à ce général, du 10 de ce mois; et la troisième du ministre de l'intérieur, à lui maire, du 11.
« Le conseil général a déclaré, et a fait consigner sur ses registres, qu'il ne pouvait considérer les inculpations contenues dans la lettre du ministre de l'intérieur que comme des calomnies atroces contre le maire, suggérées par les ennemis de la chose publique, dans la criminelle intention de semer la defiance et la division parmi les citoyens, et de compromettre la tranquillité et la sûreté de cette importante frontière.
Il a arrêté que cette déclaration sera transmise à l'Assemblée nationale, par une adresse à laquelle sera jointe copie de la lettre du ministre de l'intérieur, et qui exprimera que le conseil énéral et les citoyens, témoins, depuis 3 ans, u patriotisme du maire, de son zèle inaltérable pour le maintien de la Constitution, et de son dévouement infatigable à procurer le repos et le bonheur à cette cité, sont remplis pour lui des sentiments d'estime, de confiance et d'attachement qu'il mérite à tant de titres, et qu'ils ressentent la plus vive indignation des infâmes délations faites contre lui.
« Après cette délibération, le conseil général a fait inviter le maire, par 2 officiers municipaux, de revenir à la séance; et ayant repris le fauteuil, après que l'officier municipal lui eut annoncé ce qui venait d'être arrêté, il a de nouveau mis sous les yeux la demande de M. de la Morlière, et à la suite des éclaircissements qu'il a donnés sur quelques articles de la lettre du ministre de la guerre à ce général, ouï le substitut du procureur de la commune,
« Le conseil général a arrêté qu'il sera répondu à la lettre dudit général ; que le conseil n'a été informé d'aucune des allégations présentées par le ministre comme des faits, à l'exception cependant que le maire a instruit le corps municipal qu'un trompette autrichien n'avait pas été reçu au pont du Rhin avec toutes les formalités requises, par les volontaires nationaux qui étaient de poste audit pont; que néanmoins ce trompette avait été dûment accompagné; que le conseil n'a fait sur aucun de ces objets une démarche officielle vis-à-vis du gouvernement, et que depuis que ce général commande l'armée du Rhin, il ne lui a donné aucun avis, ni porté aucune plainte qui aient été négligés.
« Le maire a renouvelé ensuite sa demande susdite ; il a déduit les raisons qui lui font désirer de se justifier en personne : il a ajouté que sa justification serait d'autant plus facile, que depuis près de 3 ans qu'il est à la tête de cette commune, en. qualité de maire, et auparavant déjà, lorsqu'il remplissait en cette ville les fonctions de commissaire du roi, il a été en correspondance suivie avec le ministère; qu'il n'a cessé de donner tous les avis et les enseignements qui pouvaient être nécessaires ou utiles
à la chose publique; que cette correspondance était consignée aans un journal rédigé avec la plus grande exactitude, formant déjà4 volumes, et que ce journal lui présenterait les moyens les plus victorieux pour détruire les calomnies avancées contre lui.
« Sur quoi, et le maire ayant fait lecture aussi de la lettre adressée sous la date du 11 de ce mois, par le ministre de l'intérieur, au directoire du département, et que celui-ci vient de communiquer à l'instant à la municipalité, laquelle renferme pareillement l'annonce de l'inculpation qu'il existe une conspiration pour livrer cette ville aux ennemis aie la France, sans nommer cependant le maire ; ouï le substitut du procureur de la commune; le conseil général, pénétré de l'importance dont il est que, dans les circonstances actuelles, la commune ne soit point privée de la présence d'un chef aussi vigilant, aussi actif et aussi dévoué au salut de l'Empire, n'a pas cru pouvoir déférer à la demande du maire ; et cependant, convaincu par le fait qu'il existe une trame odieuse dont les circonstances ne tendent qu'à priver les autorités constituées de l'estime, de la confiance et de la considération sans lesquelles elles ne peuvent remplir avec succès, dans ces moments critiques surtout, les importantes fonctions qui leur sont confiées ; à inspirer ainsi la défiance et la terreur aux citoyens, à faire succéder l'anarchie à l'ordre, et à nous livrer sans défense aux ennemis de l'Etat ; considérant qu'il importe au salut public que le fil de cette trame horrible soit découvert, et que les deux ministres susdits, par les délations qu'ils ont accueillies, doivent pouvoir fournir les renseignements les plus propres à découvrir les auteurs de ces noires mach inations ; considérant aussi qu'il est essentiel que le département du Bas-Rhin, si intéressant par sa position, soit pourvu d'une force assez imposante pour mettre cette frontière dans Un état de défense respectable, le conseil général a arrêté qu'il sera envoyé une députation à l'Assemblée nationale, pour la supplier d'en-ioindre au ministre de la guerre, et à celui de l'intérieur, de déposer sur le bureau de l'Assemblée les délations qu'ils ont reçues sur les faits relatés dans, les deux lettres, ou de nommer les auteurs de ces délations, pour être statué ensuite sur ces dites délations et contre leurs auteurs, ce qu'elle avisera dans sa sagesse; d'ordonner au ministre de la guerre de porter l'armée du Rhin, trop faible jusqu'à présent pour résister à une attaque hostile considérable, à un degré de force propre à défendre avec succès là rive de ce fleuve; arrête, en outre, que ladite députation sera chargée de présenter l'adresse susmentionnée, laquelle renfermera aussi les demandes susdites, et que ces députés seront nommés par le corps municipal.
« Et l'un des membres ayant proposé que les citoyens soient admis à signer la susdite adresse, le conseil général, sur les sentiments que la nombreuse galerie a manifestés lors de la déclaration qu'il a fait consigner sur les registres, a adopté cette proposition.
« Enfin, il a arrêté qu'il sera publié une adresse dans cette ville, pour donner connaissance aux citoyens et des lettres susdites, et des délibérations qui viennent d'être prises sur ce sujet.
Collationné, signé : Rumpler, secrétaire-greffier. »
« Nous déclarons les présentes copies conformes aux originaux et aux extraits certifiés, que nous ayons entre les mains. « Paris, ce 23 juin 1792, l'an IVe de la liberté.
« Les députés de la commune de Strasbourg,
« Signé : Gaspard Noissette, Claude Champy. »
A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE
DU
Proclamation (2) du roi, sur les événements du 20 juin.
Du e de la
liberté.
Les Français n'auront pas appris sans douleur qu'une multitude, égarée par quelques factieux, est venue à main armée dans l'habitation du roi, a traîné du canon jusque dans la salle des gardes, a enfoncé les portes de son appartement à coups de hache ; et là, abusant auda-cieusement du nom de la nation, elle a tenté d'obtenir, par la force, la sanction que Sa Majesté a constitutionnellement refusée à deux décrets.
Le roi n'a opposé aux menaces et aux insultes des factieux, que sa conscience et son amour pour le bien public. -
Le roi ignore quel sera le terme où ils voudront s'arrêter; mais il a besoin de dire à la nation française, que la violence, à quelque excès qu'on veille la porter, ne lui arrachera jamais un consentement à tout ce qu'il croira contraire à l'intérêt public. Il expose sans regret sa tranquillité, sa sûreté; il sacrifie même sans peine la jouissance des droits qui appartiennent a tous les hommes et que la loi devrait faire respecter chez lui, comme chez tous les citoyens : mais comme représentant héréditaire de la nation française, il a des devoirs sévères à remplir, et s'il peut faire le sacrifice de son repos, il ne fera pas le sacrifice de ses devoirs.
Si ceux qui veulent renverser la monarchie ont besoin d'un crime de plus, ils peuvent le commettre. Dans l'état de crise où elle se trouve, le roi donnera jusqu'au dernier moment, à toutes les autorités constituées, l'exemple du courage et de la fermeté, qui seuls peuvent sauver l'Empire : en conséquence, il ordonne à tous les corps administratifs et municipalités de veiller à la sûreté des personnes et des propriétés. - Fait à Paris, le 22 juin 1792, l'an IVe de la liberté.
Signé : Louis.
Et plus bas : Terrier.
(Certifié conforme à Voriginal.)
Séance du
présidence de m. gérardin , vice-président.
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du vendredi 22 juin 1792, au matin.
(L'Assemblée en adopte la rédaction.)
Les pensionnaires de Saint-Aure sont admises à la barre.
La demoiselle de Saint-Huruge offre, en leur nom, 30 livres en assignats.
leur répond et leur accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée accepte cette offrande avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis aux donatrices.)
Un pétitionnaire du district de Crépy est admis à la barre.
Au nom de quarante pères de famille, il réclame contre une décision de ce district, confirmée par le département de l'Oise, qui a jugé bien national ci i Iférentes sommes payées à la dame de Calignon par les jeunes pensionnaires dont elle entreprenait l'éducation.
répond au pétitionnaire et lui accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée renvoie la pétition au comité de l'extraordinaire des finances.)
, secrétaire, donne lecture du pro-cès-verbal de la séance (lu vendredi 22 juin 1792, au soir.
(L'Assemblée en adopte la rédaction.) (
Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres, adresses et pétitions suivantes :
1° Lettre de M. Terrier, minisire de l'intérieur, qui fait passer à l'Assemblée l'arrêté du département du Pas-de-Calais, relatif à la demande du sieur Pégord, ci-devant maire d'Aire-en-Gohelle.
(L'Assemblée renvoie la lettre au comité des domaines.)
2° Lettre de M. Terrier, ministre de l'intérieur, qui demande une loi interprétative qui fixe à quelle époque les lois sont obligatoires.
Un membre : J'observe que depuis longtemps le comité de législation est chargé de faire un rapport sur cettê question et que le rapport est prêt.
(L'Assemblée décrète que le rapport sera fait sous trois jours.) >
3° Lettre de M. Duranthon, ministre de la justice, qui adresse à l'Assemblée les expéditions des décrets des 27 mai et 8 juin, sur lesquels le roi a apposé la formule constitutionnelle « le roi examinera ».
(L'Assemblée décrète que ces expéditions seront remises aux archives.)
4° Lettre de M. Terrier, ministre de l'intérieur, qui demande une interprétation des articles 1èr et 5 du titre II du décret relatif à la gendarmerie nationale.
(L'Assemblée renvoie la lettre au comité militaire.)
5° Lettre de M. Terrier, ministre de l'intérieur, qui adresse à l'Assemblée un arrêté du directoire du département de l'Ardèche, qui demande que les dépenses occasionnées par les deux détachements de gardes nationales envoyés pour réprimer les désordres, soient à la charge du Trésor public ;
(L'Assemblée renvoie cette demande au comité de l'extraordinaire des finances.)
6° Lettre de M. Terrier, ministre de l'intérieur, qui transmet à l'Assenîblée une lettre du département de la Corse, qui réclame une somme de 20,000 livres pour payer la solde des équipages des bateaux entretenus pour la correspondance entre la France et la-Corse et qui demande que cette somme soit payée en espèces ;
(L'Assemblée renvoie cette demande au comité de l'extraordinaire des finances./
7° Lettre de M. Terrier, ministre de l'intérieur,
3ui adresse à l'Assemblée l'état approximatif
es dépenses que l'exécution du décret du 14 mars 1792, relatif aux troubles d'Arles, a occasionnées à ia commune de cette ville ;
(L'Assemblée renvoie ces pièces au comité de l'extraordinaire des finances.)
8° Lettre de M. Terrier, ministre de l'intérieur, dans laquelle il prévient l'Assemblée qu'il est averti par le directoire du département de Paris, que, d'après les renseignements fournis par la municipalité, il paraît constant que^on transporte dans des maisons particulières des meubles appartenant à des émigrés, pour les soustraire au séquestre et à la surveillance des corps administratifs. Je ne puis, ajoute-t-il, que dénoncer cette infraction des lois à l'Assemblée nationale, qui statuera dans sa sagesse ;
. Je demande l'ordre du jour. 11 est étonnant que le ministre de l'intérieur consulte sans cesse l'Assemblée sur des questions dont la solution dépend de lui seul. Il faut qu'il -étudie les lois, ou qu'il déclare qu'il est incapable de remplir ses fonctions. (.Applaudissements à gauche et dans les tribunes.)
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
Un de MM. les secrétaires continue la lecture des lettres, adresses et pétitions envoyées à l'Assemblée :
- 9° Lettre de M. Terrier, ministre de l'intérieur, qui envoie à l'Assemblée copie d'une lettre du directoire du département de Paris, relative à la gendarmerie, dans laquelle la municipalité demande qu'il soit consigné des fonds pour le casernement de la division faisant le service à pied et pour subvenir aux frais des corps de garde de l'une et l'autre division ;
Plusieurs membres : Nous demandons l'ordre du jour motivé !
(L'Assemblée, considérant que la loi du 16 février 1791 fixe le mode de logement des divisions et brigades de la gendarmerie nationale, passe à l'ordre du jour.)
10 "Adresse de la municipalité de Provins, qui se plaint de ce que son marché se trouve dégarni par suite des enlèvements considérables de grains faits pour lès départements éloignés, et témoigne la crainte d'une disette prochaine.
(L'Assemblée renvoie cette pétition au pouvoir exécutif.)
. Je renouvelle une demande que j'ai déjà faite plusieurs fois, c'est que le mi-
nistre de l'intérieur soit tenu de rendre compte, dans 3 jours, des diligences qu'il a dû faire, en exécution de la loi du mois de décembre 1790, qui ordonne que les religionnaires fugitifs seront réintégrés dans la possession de leurs biens. Je suis instruit que les agents d'un bureau d'administration de ces biens ont jusqu'ici retardé l'exécution de cette loi.
(L'Assemblée adopte la proposition de M. Charlier.)
Un de MM. les secrétaires annonce que M. Claye, député du département d'Eure-et-Loir a obtenu un congé de 4 jours pour affaires pressantes.
, le jeune, au nom du comité militaire, fait un rapport sur une pétition de la ville d'Autun, et propose d'accorder à cette ville 6 pièces de campagne; il s'exprime ainsi : Les citoyens de la commune d'Autun vous ont présenté une pétition pour recouvrer 6 canons de 4 livres de balles, aont elle fut dépouillée en 1665 et en 1682 par Louis XIV, pendant la guerre, à condition qu ils lui seraient rendus pendant la paix. Votre comité a examiné scrupuleusement les titres de la ville d'Autun, et il a vu la preuve que ces canons lui appartenaient en toute propriété. Il en existe encore plusieurs aux armes de cette ville; mais votre comité n'a pas cru devoir, dans les circonstances actuelles, dégarnir vos arsenaux. Il vous propose d'en accorder deux pour le moment à la commune d'Autun.
. Il est un grand nombre de villes qui sont dans le cas de former des réclamations semblables à celle de la ville d'Autun. Ces villes avaient des arsenaux qui ont été pillés ou plutôt utilisés. Les canons d'Autun sont employés à la défense de la liberté. Le patriotisme de ses citoyens n'en peut désirer un plus digne usage. Je demande donc la question préalable.
Un membre : Si vous vouliez vous charger de faire rendre toutes les usurpations de Louis X1Y, tous les revenus de l'Etat ne suffiraient pas. J'appuie la question préalable.
. Je réclame 200 pièces d'artillerie pour la ville de Strasbourg.
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la demande de la ville d'Autun.)
. Je demande que l'Assemblée autorise les communes à se défaire des sonneries très inutiles à présent et à employer le prix qui en proviendra en acquisition de pièces de canon; car, enfin, il faut bien que les villes aient en leur pouvoir des moyens de défense.
Un membre : Les cloches sont à la nation. Je demande l'ordre du jour '
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu de délibérer sur la motion de M. Thuriot.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre des amis de la Constitution de Périgueux, conçue en ces termes :
« Législateurs,
« Vous avez décrété la guerre, et tous les cœurs, amis de la liberté, ont béni ce décret; il ne reste plus qu'à la faire avec cette énergie qui convient à des Français ; de notre part, les moyens ne manqueront pas. Faut-il des troupes? Déjà une foule de nos patriotes sont allés joindre les régiments les plus près de l'ennemi; bientôt deux bataillons vont partir de ce département,
et s'il faut que nous formions dix autres bataillons, il vous suffira d'un signe. Faut-il du numéraire? Nous pouvons peu vous en offrir, car nous ne sommes pas riches; mais, tant que nous aurons un écu, il sera pour la patrie. Nous lui offrons en ce jour 1,599 livres, savoir : 950 livres en assignats, et 649 livres en argent. Nous offrons aussi quelques bijoux, parmi lesquels vous distinguerez les ornements ae nos femmes, qui n'en veulent plus d'autres que des époux, que des enfants dignes de la patrie. Vous y trouverez encore une épée à poignée d'argent du maire de notre ville, jadis garde du corps, mais toujours vertueux et patriote; il la destine, sous votre bon plaisir, à 1 un de nos soldats qui se distingueront à la guerre.
«. Législateurs, ici les cœurs patriotes n'ont plus qu'une passion, celle de la liberté, l'idole des Français.
« Les amis de la Constitution de Périgueux vous chérissent comme frères, vous honorent comme législateurs. »
(Suivent cinquante-deux signatures.)
(L'Assemblée, applaudissant au patriotisme des citoyens ae Périgueux, décrète qu'il sera fait mention honorable de cette adresse, et qu'elle sera insérée au procès-verbal.)
, au nom des comités des domaines et de liquidation réunis, fait la seconde lecture d'un projet de décret (1) sur les échanges et traités faits entre le roi et le sieur Clément de Barville, et sur les rentes payées par la nation aux créanciers qu'il a délégués; ce projet de décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport qui lui a été fait au nom de ses comités des domaines et de liquidation, considérant que l'Assemblée constituante a, par son décret au 17 juin 1789, mis les créanciers de l'Etat sous la sauvegarde ae la loyauté française, que les engagements contractés par le chef de la nation font partie de la dette publique ; ! considérant que le nouveau mode de comptabilité établi par le décret du 15 octobre, a fait naître des lenteurs pour lç payement des créances qu'il importe de faire cesser, décrète ce qui suit :
t Art. 1er. En exécution du décret du 15 octobre 1790,
concernant le payement des rentes sur le clergé, les domaines et autres revenus publics, les
arrérages des rentes dues aux créanciers délégués par les sieur et dame Clément de Barville,
suivant le contrat passé le 23 juillet 1784, contenant vente au roi de la terre de Montgomery
et autres situées en Normandie, seront payés aussitôt après la sanction du présent décret,
pour les termes échus en 1791 et ceux qui écherront par la suite, par les payeurs des rentes
de l'Hôtel-de-Ville. A cet effet il sera fait des fonds extraordinaires, par les commissaires
de la Trésorerie nationale, entre les mains des payeurs des rentes, aux époques des 1er
janvier et 1er juillet, pour lesdites rentes et obligations être payées a présentation et
sans aucun ordre de lettres.
« Art. 2. Les payements s'effectueront tous les 6 mois aux époques des 1er janvier et 1er
juillet de chaque année, et seront faits, soit aux créan-
re série, t.
XLIV, séance du 30 mai 1792, page 327, le rapport de M. Du-vant. Le projet de décret était
alors précédé du décret d'urgence.
Art. 3. Sera tenu le sieur Clément de Barville de remettre aux payeurs des rentes de l'Hôtel-de-Ville un état des payements qu'il a faits ou dû. faire, en emploi des sommes qui lui ont été remises par le Trésor public, avec les pièces justificatives, ainsi que l'état dès créances qui restent à payer,
« Art. 4.11 sera obtenu des lettres de ratification sur le contrat du 23 juillet 1784, à la diligence des commissaires du roi près les tribunaux de district dans le ressort desquels sont situées les terres vendues par le contrat du 23 juillet 1784.
« Art. 5. S'il survient au sceau des lettres de ratification des oppositions, autres que de la part des créanciers déclarés par le sieur Clément de Barville à l'époque du contrat du 23 juillet 1784, il sera tenu d en rapporter la mainlevée et radiation. »
(L'Assemblée ajourne la troisième lecture à huitaine.)
, au nom des comités de liquidation et des secours publics réunis, fait la troisième lecture (1) d'un projet de décret sur la pétition des ci-devant trésorier et administrateurs de Vhôpital général de Notre-Dame du Pont-du-Rhône et grand Hôtel-Dieu de Lyon ; ce projet de décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités réunis de liquidation et des secours, sur la pétition des ci-devant administrateurs et trésorier de l'hôpital du Pont-du-Rhône et grand Hôtel-Dieu de la ville de Lyon, reconnaissant qu'il est de sa justice de pourvoir à la restitution des avances qu'ils ont faites personnellement aux besoins des pauvres et de 1 humanité souffrante, considérant que par les règlements particuliers de l'Hôtel-Dieu de la ville de Lyon et l'usage constamment suivi dans son administration, les administrateurs et le trésorier-étaient assujettis à une avance de fonds déterminée dont les administrateurs sortants recevaient successivement le remboursement des administrateurs entrants ;
« Que le sieur Faye, ci-devant trésorier, indépendamment de son avance déterminée, s'est mis à découvert de sommes considérables, tant pour améliorer la situation dudit Hôtel-Dieu, en remboursant aux Génois une dette onéreuse par les effets du change, que pour subvenir aux dépenses intérieures, à défaut de rentrée des revenus ordinaires ;
Que l'administration dudit Hôtel-Dieu étant passée, en vertu des nouvelles lois, sous le régime municipal, le remboursement des administrateurs sortants par les administrateurs entrants a cessé d'avoir lieu; que d'ailleurs l'administration actuelle, par l'insuffisance des revenus ordinaires, est dans l'impossibilité de rembourser les avances desdits anciens administrateurs et trésorier ; décrète ce qui suit :
« Art. 1er. En attendant qu'il ait été statué par le Corps
législatif sur l'aiournement prononcé par le décret de l'Assemblée nationale consti-
re série, t.
XLIII, séance du 10 mai 1792, au soir, page 204, la seconde lecture de ce projet de
décret
savoir :
« Au sieur Faye, ci-devant trésorier, la somme de 367,333 liv. 16 s. 5den., ci...................... 367,333 L 16 s. 5 d.
« Aux sieurs Ménard, Peillon, Bruyset, Orsel, Vauberet, Desvignes, Jour-nel fils aîné, Lacroix-Laval, Lapard et Pernon fils, ci-devant administrateurs, à chacun la somme de 10,000 livres, et au sieur Fayolle l'aîné, ci-devant recteur ex-consul, celle de 4,000 livres, faisant ensemble.......... 104,000 1. » »
Total....... 471,333 1. 16 s. 5 d.
« Sans que ladite somme puisse être prise sur les fonds décrétés les 8 juillet et 4 septembre 1791 et 17 janvier 1792, qui sont uniquement destinés pour subvenir provisoirement aux besoins intérieurs et actuels des hôpitaux.
« Art. 2. Par l'effet de ce remboursement, la nation sera subrogée aux droits desdits ci-de-vaht trésorier et administrateurs, qui feront mention de ladite subrogation dans leurs quittances; et au surplus, seront affectés à la restitution de ladite somme de 471,333 1. 16 s. 5 d., conformément à l'article 4 du décret du 8 juillet 1791, les capitaux des rentes appartenant audit Hôtel-Dieu sur le Trésor national, ainsi que toutes autres créances à la charge dudit Trésor, liquidées à la caisse de l'extraordinaire et les biens que possède ledit Hôtel-Dieu.
« Art. 3. L'Assemblée nationale surseoit à déterminer le mode du remboursement à faire de ladite somme, ou par la commune de Lyon, où par ledit Hôtel-Dieu, soit par retenue sur le seizième revenant à ladite commune sur la vente des biens nationaux, ou par sous additionnels aux contributions foncière et mobilière, soit par compensation avec les capitaux des rentes et autres créances sur le Trésor national appartenant audit Hôtel-Dieu, ou par l'aliénation de partie des biens qu'il possède, jusqu'au rapport du comité de secours sur la nouvelle administration des hôpitaux, et sur l'ajournement prononcé par le décret des 23 et 28 octobre 1790 ; et cependant l'administration dudit Hôtel-Dieu payera à la caisse de l'extraordinaire l'intérêt de ladite somme de 471,333 1. 16 s. 5 d., acquittée à sa décharge, comme faisant partie des dépenses fixes et ordinaires. »
? (L'Assemblée ajourne lar discussion à huitaine.)
(d'Angers), secrétaire, donne lec-
ture d'une adresse des citoyens de Dijon, qui est ainsi conçue :
« Dijon, le
« Représentants du peuple français,
« La patrie est en danger, mais les destinées de la France vous sont confiées. En vain le pouvoir exécutif entrave votre marche; en vain il voudrait nous persuader que la Constitution lui lie les bras ; nous ne sommés dupes ni de lui ni des perfides conseillers qui l'égarent ; et nous savons que l'action du gouvernement sera forte du moment qu'il le voudra.
« Quelle peut donc être l'intention du roi lorsqu'il fait une guerre ouverte à l'Assemblée nationale? (Applaudissements à l'extrême gauche et dans les tribunes.)
Plusieurs membres : L'ordre du jour ! ( Vive agitation.)
Un membre : Monsieur le Président, consultez l'Assemblée pour savoir si la lecture sera continuée!
. La vérité est à l'ordre du jour, je demande qu'on l'entende.
. Je demande la parole pour un fait. J'observe que ce matin, à l'ouverture de la séance, une pareille pétition a été lue ; et que l'Assemblée, sur le motif que la pétition contenait des déclamations contre une autorité • constituée, a passé à l'ordre du jour.
. Je demande la parole pour un fait, et ce sera encore la vérité...
Plusieurs membres : L'ordre du jour!
D'autres membres : La lecture !
(L'Assemblée, consultée, décide que la lecture sera continuée.) (Applaudissements à gauche et dans les tribunes.)
(d'Angers), secrétaire, continue: « Compterait-il sur les rassemblements de Coblentz ? Nous méprisons les rebelles de Coblentz. Sur les forces des ennemis de l'intérieur ? Ils ne doivent la vie qu'à notre indulgence et à la pitié qu'ils nous inspirent. (Applaudissements à gauche et dans les tribunes.) Sur la coalition des despotes de l'Europe? Nous mourrons ou les despotes de l'Europe succomberont.
« Qu'il se désabuse, s'il pense que nous sacrifierons à son ambition notre bonheur et celui de nos enfants, et que nous ferons céder les droits sacrés et imprescriptibles du peuple à ce que de vils esclaves osent appeler le patrimoine d'une famille. Qu'on ne nous répète plus que le roi est trompé et qu'il veut le bonheur des Français : si telles étaient ses intentions, il exécuterait les lois sans lesquelles il n'est point de vrai bonheur pour les Français.
« Je veux la Constitution, dit-il ; s'il voulait la Constitution aurait-il souffert que les
cours étrangères donnassent retraite à des rebelles armés (Rires et murmures.) et
insultassent aux ambassadeurs chargés de leur notifier l'acceptation de la Constitution?
Aurait-il souffert les émeutes provoquées par les agents soudoyés de l'aristocratie et les
troubles excités par les prêtres insermentés, tandis que l'Assemblée nationale lui indiquait
des moyens efficaces de repression? Aurait-il souffert que des traîtres occupassent
Unmembre : Monsieur le Président, je demande que vous rappeliez à l'ordre ceux qui interrompent.
(d'Angers), secrétaire, reprend : « S'il voulait la Constitution, craindrait-il le rassemblement de volontaires nationaux qui sont les amis et les plus fermes appuis de la Constitution?
« Non, le roi ne veut point la Constitution, et quand il dit : « Je la veux, » il ment à la nation et la nation en est convaincue. (Murmuresà droite et Cltt CSTltl'C.)
Je veux la Constitution ! » étrange expression dans la bouche d'un roi. Dépend-il de lui de la vouloir actuellement? C'est nous qui l'avons voulue et qui la voulons tout entière. (Applaudissements.) Nous la voulons actuellement malgré lui.
« Législateurs, le dépôt de cette Constitution vous est confié, vous en devez compte à la nation, et ce compte sera sévèrement exigé. Les moyens de la conserver sont en elle ou hors d'elle; cherchéz-les, indiquez-nous-les : c'est là votre devoir, le nôtre c'est de les exécuter, et vous pouvez compter sur nos fortunes, sur nos forces et sur nos vies. « La liberté ou la mort, » c'est la devise écrite sur nos drapeaux, mais elle est gravée dans nos cœurs en caractères ineffaçables.
« C'est le vœu des citoyensdeDijonsoussighés. » (Applaudissements à gauche.)
(Il y a deux pages de signatures.)
. Je demande à motiver l'ordre du jour.
Plusieurs membres : La mention honorable !
D'autres membres : L'ordre du jour !
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
Un de Mil. les secrétaires donne lecture d'une adresse du i>8® régiment d'infanterie, en garnison à Thionville, conçue en ces termes :
« Législateurs,
« C'est à vos mains qu'a été confié le soin d'entretenir l'arbre de la liberté, dont les rameaux doivent ombrager toute la terre; déjà la Pologne a ensanglanté la main profane qui a tenté d'en arracher les branches; les barbares se promettraient-ils plus de succès en s'atta-chant au tronc que vous entourez? On s'agite en tous sens pour vous détourner de vos occupations; on vous inspire la méfiance sur les meilleurs citoyens, pour les éloigner des emplois qqe leur mérite vous désigne leur être propres. (Applaudissementsà droite.) Il n'est aucune autorité qu'on ne veuille avilir (Nouveaux applaudissements adroite.),, paralyser, ouinduireen erreur. On veut tout désorganiser pour vous rendre
comparables à l'ancien gouvernement que vous avez détruit. (Applaudissements à droite.) Il n'est qu'un point sur lequel on ne peut réussir, c'est à éteindre la bravoure qui a toujours caractérisé la nation. (Applaudissements à droiteEn vain le pouvoir exécutif promène son choix sur des ministres... (Applaudissements à gauche.)
Plusieurs membres : Ah ! ah !
M, le sécréta ire continue :... qu'un jour revêtit de l'autorité, dont l'autre, les dépouille ; ils vont de l'armée au cabinet, qu'ils quittent avec joie pour reprendre les armes. (Applaudissements.) Depuis que vous avez livré au glaive de la loi cèuxqui avaient osé abuser du pouvoir, les Français ont vu la lumière; on ne saurait plus leur en imposer. (Applaudissements à l'extrême gauche et dans les tribunes.) Dissipez la tourbe des factieux par des décrets foudroyants (Riras et applaudissements à droite.), mais réfléchis et sages, et laissez aux bras que vous avez choisis pour terrasser nos ennemis armés, le soin de vous délivrer de leur rage téméraire; forcez les malveillants à donner cours à tous les approvisionnements de tous les genres, qui sont si bien payés et si mal fournis aux armées de nos frontières, qui, à raison de cela, sont en partie réduites à l'inaction. Ordonnez que les emplois soient nommés et remplis, au lieu de laisser les corps sans officiers, dont le patriotisme seconderait l'ardeur des subordonnés. Faites-vous éclaircir du mystère qui vous met dans l'impossibilité d'attaquer vos faibles ennemis, tandis que vous avez quatre cent mille hommes enrégimentés et payés. Ecrasez les coupables, et tout sera aplani devant vous; voir les ennemis, les vaincre ou périr, tel est le cri de l'armée. Vous aurez moins de tracasseries autour de vous, quand vous aurez dissipé le foyer qui les alimente; 1 amour de la liberté est un torrent irrésistible, il nous précédera partout et émoussera les armes de beaucoup de ceux qu'on nous oppose. Nous avons des Dillon, des Gouvion et autres victimes de l'intrigue et de la guerre à venger (Applaudissements.) ; mais faut-il ajouter au feu qui nous anime? Non, notre Constitution ou la mort, est le serment que le 58e régiment renouvelle aujourd'hui et vous demande à sceller du sang de ses ennemis. » (Vifs applaudissements.)
(Cette adresse est revêtue d'un grand nombre de signatures.)
. Je demande la mention honorable et l'insertion au procès-verbal de cette adresse vraiment patriotique.
(L'Assemblée décrète la mention honorable et l'insertion au procès-verbal, et l'envoi de l'extrait du procès-verbal au régiment.)
, au nom de la commission extraordinaire des Douze, fait un rapport au sujet des provocations coupables et des placards criminels qui ont été dénoncés à l'Assemblée (1) et présente un projet de décret invitant tous les bons citoyens à réunir tous leurs efforts aux autorités constituées pour le maintien de la tranquillité publique ; il s'exprime ainsi :
« Vous avez renvoyé à votre commission extraordinaire les pièces qui vous ont été remises
ce matin, par le ministre de l'intérieur. Votre commission s'en est occupée de suite, et
quoiqu'elle ait bientôt aperçu que les lois déjà exis-
« L'Assemblée nationale, instruite par le ministre de l'intérieur que les ennemis du peuple et de la liberté recherchant tous les moyens de renverser la Constitution, et usurpant le langage du patriotisme, sont sur le point d'égarer quelques hommes actuellement résidant à Paris :
« Justement indignée des provocations coupables et des placards criminels qui lui ont été dénoncés:
« Considérant que le devoir du Corps législatif est de maintenir la Constitution et l'inviolabilité du représentant héréditaire de la nation, mais que les lois ont remis entre les mains des autorités constituées tous les moyens qui leur sont nécessaires pour assurer l'ordre et la tranquillité publique, déclare qu'il n'y a pas lieu à prendre de nouvelles mesures législatives; mais! invite, au nom de la nation et de la liberté, tous les bons citoyens à la fidélité desquels le dépôt dé la Constitution a été remis, à réunir tous leurs efforts à ceux des autorités constituées pour le maintien de la tranquillité publique, et pour garantir la sûreté des personnes et des propriétés.
« L'Assemblée nationale décrète que le présent acte du Corps législatif sera envoyé par le pouvoir exécutif aux 83 départements pour être publié et affiché, et elle ordonne que le ministre de l'intérieur lui rendra, tous les jours, un compte exact de l'état de là ville de Paris. »
(L'Assemblée adopte le projet de décret) (1).
Plusieurs membres : L'envoi aux 83 départements l
D'autres membres : La question préalable !
(L'Assemblée décrète-qu'il y a lieu à délibérer etaëcrète l'envoi du décret aux 83 départements.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture des deux lettres suivantes :
1° Lettre du sieur Jean-Baptiste Giraud, citoyen actif de la section de l'Arsenal et caporal volontaire de la garde nationale, qui fait hommage d'une somme de 25 livres en assignats, pour subvenir aux frais de la guerre et rétracte la signature qu'il a apposée à la pétition contre le camp de 20,000 hommes.
(L'Assemblée accepte cette offrande avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis au donateur, puis elle renvoie la lettre aux comités de législation ét de surveillance réunis.)
2° Lettre du sieur Loiseau, garde national du bataillon du Val-de-Grâce. oui rétracte la
signa-
(L'Assemblée renvoie la lettre aux comités de législation et de surveillance réunis.)
, au nom du comité de liquidation, fait un rapport (1) et présente un projet de décret (2) relatif aux pensions et gratifications des officiers ou employés ecclésiastiques ou laïques des chapitres séculiers et réguliers supprimés. Il s'exprime ainsi :
Messieurs, l'Assemblée constituante, après avoir solennellement décrété le principe de la propriété de la nation sur les biens ecclésiastiques, fixant son attention sur l'état des finances, dont le désordre était devenu le malheur public, n'a vu d'autre ressourcé pour le salut de l'Empire, que l'aliénation de ces biens, qu'elle avait déclarés être à sa disposition.
Mais, autant éclairée dans l'établissement du principe, que juste dans son application, elle a cru ne pouvoir faire l'aliénation de ces biens qu'en reconnaissant en même temps l'obligation d'en remplir la triple destination, l'entretien des ministres ecclésiastiques, la dépense du culte, et le soulagement des pauvres.
Ses grandes vues pour la réforme des abus, et pour établir l'économie dans les dépenses publiques, l'ont portée à rappeler le culte à la simplicité majestueuse de son origine.
L'Assemblée constituante a donc supprimé tous les ministres du culte qui surchargeaient la société politique de leur inutilité; elle n'a voulu conserver que ceux qui tenaient essentiellement à la religion par leur caractère et par leurs fonctions; et, réparant l'injustice des derniers temps, où la répartition des revenus attachés au culte était en raison inverse de l'utilité de ses ministres, en retranchant le superflu des inutiles qu'elle supprimait, elle a pourvu au sort plus heureux de ceux qui portaient le poids du travail, et qu'elle conservait.
Rien ne devait échapper aux regards de sa sagesse et de sa justice. L'extinction de ces corps ecclésiastiques, établis pour le faste du culte extérieur, entraînait avec elle la suppression d'offices secondaires et d'emplois inférieurs, qui formaient l'état de nombre ae citoyens attachés au service des églises. Ces citoyens méritaient sans doute que leur sort fût pris en considération ; ils le méritaient aussi bien que ces ministres qui, la plupart, contents de leur revenu, se reposaient sur eux du soin de louer Dieu à leur acquit.
Ainsi l'Assemblée constituante, après avoir établi, dans son décret du 24 juillet 1790, les
bases sur lesquelles serait fixé le traitement des bénéficiers et des titulaires des
chapitres supprimés, s'oCcupant de l'état des officiers ou employés non titulaires, tant
ecclésiastiques que laïques, s'était spécialement réservé, par l'article 12, de leur
accorder, sur l'avis des corps administratifs, un traitement soit en pension, soit en
gratification, suivant le temps, le taux et la nature de leurs services, et eu égard à leur
âge et à leurs infirmités (ce sont les termes propres du décret), et elle leur avait, en
attendant, conservé la plénitude du traitement dont ils jouissaient jusqu'au 1er janvier
1791.
Leur confiance a dû s'accroître encore par la disposition du décret du 10 décembre 1790, qui a déterminé les charges qu'on devait retenir sur les revenus des chapitres, en fixant le traitement de leurs membres d'après le revenu net. Il avait été ordonné de faire distraction de tous les frais de l'entretien du bas-chœur, des musiciens et organistes, et de toutes les dépenses du culte. Ce retranchement était une espèce de masse sur laquelle paraissait devoir être garanti le traitement que tous les officiers et employés du bas-chœur avaient à espérer de l'application de l'article 13 du décret du 24 juillet 1790.
Cependant, l'Assemblée constituante, voyant arriver la fin de sa session, et voulant tracer le mode d'exécution de cet article 13 du décret du 24 juillet 1790, retardé jusqu'alors, a rendu son décret du 20 août dernier, qui fixe le taux, les degrés et les conditions auxquels pourront être obtenues les pensions ou gratifications des officiers ou employés qui avaient des fonctions rela-• tives au service divin dans les chapitres supprimés. La teneur de ce décret doit vous être rappelée. .
L article 1er règle ce qui concerne Ceux de ces officiers ou
employés qui auraient été reçus à vie par acte capitulaire ou autre écrit ayant date
certaine, sans avoir été pourvus d'aucun titre de bénéfice ; et il leur accorde la moitié de
ce qu'ils recevaient de gages et émoluments, sans que cette moitié puisse excéder 200 livres
par année.
L'article 2 donne pareillement moitié des gages et émoluments à titre de pension, sans pouvoir excéder 200 livres, à ceux qui, ne justifiant point avoir été reçus à vie, auront plus de 20 années de service, et plus de 50 ans d'âge ; et, lorsque ces deux conditions ne concourent point, il n'accorde qu'une simple gratification d'une année de gages ou ancien traitement, sans pouvoir aussi excéder 200 livres.
L'article 3 étend les dispositions des 2 articles précédents aux employés dans les églises d'anciennes abbayes où la conventualité avait cessé, et où le service divin était acquitté, par des ecclésiastiques séculiers, sur les revenus de ces abbayes.
L'article 4 n'admet aux pensions et secours que ceux qui auraient été reçus avant le 1er janvier 1789, et qui n'auraient point obtenu ou refusé, depuis leur suppression, d'autres places ou emplois publics.
L'article 5 autorise ceux qui, dès avant la suppression des chapitres, avaient obtenu d'eux des pensions de retraite, dont ils jouissaient sans activité, à les conserver 'jusqu'à la concurrencé néanmoins de 200 livres seulement.
L'article 6 impute, sur les pensions et secours qui auraient lieu en vertu du décret, ce que ces officiers ou employés auraient reçu provisoirement sur mandats des corps administratifs.
L'article 7 et dernier fixe au 1er janvier 1791 l'époque à laquelle les pensions qui seraient accordées commenceraient à courir.
Çe décret, sanctionné le 26 août, n'a pas été plutôt publié, qu'il a porté l'inquiétude et la
désolation dans l'âme de tous les officiers ou employés des chapitres supprimés. Ils ont cru n'y voir que l'anéantissement de l'article 13 du décret du 24 juillet 1790, dont les promesses devenaient illusoires, puisque le mode d'exécution était chimérique et sans effet pour la majeure partie d'entre eux.
Des réclamations générales vous ont été adressées d'une extrémité du royaume à l'autre, de la part de ces chantres, musiciens, organistes, officiers et employés, qui demandent tous un autre mode d'exécution de l'article 13 du décret du 24 juillet 1790, pour être préservés de la misère et de l'indigence, contre lesquelles ils n'ont de ressource que votre justice et votre humanité.
Des citoyens vertueux, amis des lois, et sensibles à l'infortune de leurs semblables, se sont constitués les organes publics de l'humanité auprès de vous, pour intéresser votre justice, votre bienfaisance et votre propre gloire à venir au secours des enfants des arts, inhabiles à d'autres occupations que celles de leur profession, et de vieux serviteurs ou officiers des églises supprimées, la plupart pères de famille, et dont l'exécution du décret du 20 août dernier laisserait les longs services sans récompense; que dis-je? sans pain. Vous avez entendu avec intérêt leur pétition à la barre; vous en avez fait le renvoi, ainsi que de toutes les réclamations particulières, à votre comité de liquidation, pour vous en faire le rapport; et c'est pour obéir à vos décrets que le comité s'est occupé de l'objet de ces réclamations et de cette pétition, et que ie me présente en son nom pour vous donner le résultat de son travail.
Votre comité, d'autant plus attentif à ces réclamations, qu'elles sont absolument générales, a rapproché l'un de l'autre le décret du 24 juillet 1790 et celui du 20 août dernier, tous deux relatifs au traitement des officiers ou employés des chapitres supprimés, et dont le dernier n'est que le mode d'exécution des pensions ou gratifications à accorder d'après les bases données par le premier.
Il a vu que l'Assemblée constituante, en se réservant, par l'article 13 du décret du 24 juillet 1790, d'accorder aux personnes attachées à des chapitres sous le nom d'habitués, chantres ou autres dénominations, des gratifications ou pensions, avait expressément déterminé les bases qui serviraient à en fixer le montant; savoir, le temps, le taux, la nature des services, l'âge et les infirmités des individus.
Par l'examen du décret du 20 août, qui n'avait pour but et pour objet que l'exécution de cet article 13 du décret du 24 juillet, votre comité n'a pu se dissimuler que l'intention précise de la première loi ne paraissait pas avoir été remplie par la seconde : 1° en ce que les traitements fixés par le décret du 20 août sont si modiques, qu'ils ne procurent point uu secours qui puisse mettre à l'abri du besoin le plus étroit, aes ci-toyens qui, d'une part, n'auraient plus d'autre ressource en remplacement de leur ancien état, ou qui, d'autre part, seraient ou âgés, ou infirmes, ou pères de famille ; 2° en ce que les deux conditions exigées pour atteindre le maximum d'une pension de 200 livres sont si difficiles à réunir, qu'il n'y a que très peu de_ces officiers ou employés â qui l'application puisse s'en faire; d'où il a paru à votre comité que l'exécution stricte et littérale du décret du 20 août tendrait visiblement à laisser sans récompense de longs services, et sans secours réels des offi-
tiers ou employés âgés et infirmes, et à en laisser un grand nombre dans la misère et sans ressource.
Votre comité a considéré ensuite que le décret du 20 août ne formant qu'un seul degré, pour de la simple gratification atteindre à la pension, le but du décret du 24 juillet 1790, qui avait été de graduer les traitements suivant les années de service et l'âge des individus, était absolument écarté; au point que, le décret du 20 août exigeant à la fois plus de 20 années de service et plus dé 50 ans d'âge pour avoir une pension gui pourrait être au-dessous de 200 livres, et jamais au-dessus, celui qui aurait 30 années de service, sans avoir entièrement 50 ans d'âge révolus, serait réduit à une simple gratification de 200 livres, de même que celui qui aurait une ou deux années de service, avec 20 ans d'âge; et que, dans une autre supposition, celui qui aurait 60 ans d'âge et 19 années de service seulement, n'aurait pas plus que celui qui, avec 20 ans d'âge, n'aurait que 2 ou 3 années de service; et il est demeuré convaincu qu'il fallait, pour se rapprocher de la première loi, graduer nécessairement les secours et pensions sur l'âge des individus et la durée de leurs services, de manière que ces pensions fussent plus accessibles, et que les bases indiquées par l'article 13 du décret du 24 juillet 1790 ne restant pas illusoires, il y eût plusieurs degrés de pensions où les individus pussent atteindre, tant à raison de l'âge qu'à raison des services, et qu'à ce moyen la même pension pût être accordée au plus grand âge avec moins de service, comme à plus de service avec moins d'âge, dans une combinaison proportionnelle, Il est aussi demeuré convaincu qu'il fallait pareillement une graduation dans les simples gratifications destinées à ceux qui ne pouvaient atteindre la pension, afin que tous n'eussent pas indistinctement les mêmes secours, et qu'ils lussent proportionnés au plus ou au moins de service des individus; la durée de service étant, en ce cas, la base ordinaire des récompenses.
En conséquence, votre comité a pensé qu'il devait vous proposer d'établir trois degrés de pensions où les individus pourraient atteindre; savoir : un premier degré à 60 ans d'âge et 10 années de service, un second degré à 50 ans d'âge et 15 années de service, et un troisième degré pour ceux au-dessous de 50 ans d'âge, qui auraient depuis 15 jusqu'à 25 années de service.
Et, pour se rapprocher entièrement èt plus parfaitement des bases données par l'article 13 au décret du 24 juillet 1790, prenant en considération le plus d'années de service avec moins d'âge, comme le plus grand âge avec moins d'années de service, il a cru juste d'adapter à chacun des degrés de pension déterminés par le concours combiné de l'âge et des années de service, une disposition qui fît jouir du traitement fixé pour ces divers degrés, celui qui, ayant moins d'âge, aurait en même temps plus d années de service qu'il n'en est requis pour le degré de pension; et pareillement celui qui, ayant un plus grand âge que celui déterminé pour ce degré, aurait cependant moins d'années de service. C'est sur ces principes que le comité a combiné la graduation des diverses pensions dues à l'âge et aux services, dans les articles qu'il vous propose de décréter.
Le changement adopté par votre comité pour établir divers degrés de pensions où les indivi-
dus puissent atteindre, emporte nécessairement une différence avéc le décret du 20 août pour fixer la quotité de la pension relativement aux appointements que reçoivent les individus, ainsi que le maximum au delà duquel elle ne puissè excéder.
Le comité a pensé d'abord, à l'égard de la quotité de la pension relative aux appointements, qu'établissant trois degrés de pension, le premier devait être de la totalité des gages et émoluments ordinaires, le second de la moitié, et le troisième du tiers ; et, comme il faut un taux fixe, ou maximum, au delà duquel ces pensions ne puissent néanmoins excéder dans la combinaison des divers degrés, le comité, prenant en considération, d'un côté, la trop grande modicité du maximum déterminé par ,1e décret du 20 août, qui n'étant, au plus haut degré, que de 200 livres,, deviendrait infiniment Faible au second et au troisième degrés, et ne présenterait, dans aucun des trois degrés, un secours réel proprement dit; et, d'un autre côté, ne perdant point de vue l'économie que la situation des finances exige de la sagesse de législateurs qui doivent combattre constamment contre leurs sentiments personnels de bienfaisance, en réfléchissant qu'ils disposent des deniers du peuple; le comité, dis-je, à pensé qu'il concilierait ses devoirs entre l'intérêt de la nation et les droits du particulier, en vous proposant dp porter à 400 livres le maximum au delà duquel la pension fixée sur le pied de la totalité des gages ne pourrait excéder, ce qui servirait de base dans les deux autres degrés de pensions fixés à moitié et au tiers des gages et émoluments dont le maximum serait, par conséquent, à l'un de 200 livres, et à l'autre du tiers de 400 livres.
En second lieu, pour ce qui concerne les gratifications à accorder à "ceux qui ne pourraient atteindre à l'un des trois degrés de pension proposés, le comité a remarqué que le décret du 20 août n'établissait aucune proportion entre le plus ou le moins de durée des services, en accordant la même gratification à tous ceux qui ne réunissaient pas l'âge de 50 ans et les 20 années de service qu'il requérait pour avoir la pension ; et il lui a paru que si 200 livres de gratification pouvaient être suffisantes pour un officier ou employé de 20 à 25 ans d'âge, n'ayant que 2 ou 3 années de service, il n'y avait nulle justice proportionnelle de n'accorder que la même somme pour 40, 50 et 60 ans d'âge, et pour 10,20 et 30 années de service.
Cependant le comité, considérant que ces gratifications sont la récompense d'un service effectif de certaine durée, a pensé qu'elles ne devaient point être accordées à un simple service ou à des fonctions de quelques années; il a cru devoir vous proposer ae fixer à 5 ans au moins le temps de service nécessaire pour avoir droit à la gratification, et il vous propose de la fixer, depuis l'époque de 5 années de service jusqu'à 10, au tiers des gages et émoluments ordinaires; et aux deux tiers depuis 10 années jusqu'à 15, où l'on commence à obtenir une pension ou traitement annuel.
Je vous observe ici que le comité s'est fait la question, si dans le nombre des années de service, tant pour les pensions que pour les gratifications, 1 on devait compter les années où les officiers ou employés des églises supprimés auraient été enfants de chœur ; mais il lui a semblé que le temps de l'enfance ainsi employé au
service divin dans les maîtrises des enfants de chœur était un temps d'éducation dont la gratuité faisait naturellement la récompense, et
Su'il ne pouvait être compté comme les années e service effectif des chantres, musiciens et autres officiers ecclésiastiques ou laïques.
Le décret du 20 août a statué en outre sur deux hypothèses, l'une où l'officier ou employé ecclésiastique ou laïque aurait été reçu à vie par acte capitulaire ou autre écrit ayant date certaine; 1 autre est le cas où l'officier ou employé aurait obtenu une pension de retraite dont il jouissait sans activité au moment de la suppression des chapitres. L'article 1er du décret admet l'officier ou employé reçu à vie à jouir de la moitié de ses gages, et l'article 5 admet l'officier ou employé retiré avec pension à la conserver en entier ; mais, dans l'un et l'autre cas, sans pouvoir excéder la somme de 200 livres.
Sur cela, votre comité a remarqué qu'il pouvait, qu'il devait même exister une différence entre l'officier ecclésiastique ou laïque reçu à vie, et se trouvant encore en activité ae services au moment de la suppression, et qui devait les continuer tant que l'âge le lui permettrait, et l'officier hors d'activité jouissant de sa pension de retraite. Le premier avait encore un service à continuer pour le prix du traitement qui lui était assuré à vie : le second, au contraire, avait son traitement de retraite acquis par l'âge ou les infirmités qui avaient fait cesser son activité. Il n'y a donc rien qui paraisse injuste à l'égard du premier en restreignant son traitement, lorsqu'il démeure sans fonctions, à un maximum déterminé qui pût être moindre que ses gages. Mais il n'en est pas de même du second : ayant consumé toutes ses facultés au service divin, et le chapitre auquel il était attaché lui ayant accordé sa pension de retraite, cette pension est devenue pour lui une créance pour services rendus, et elle est devenue contre le chapitre une dette viagère valablement contractée sur ses revenus.
Le comité a donc pensé que, s'il pouvait être juste d'observer pour celui qui avait été reçu à vie, et qui se trouvait encore en activité, les mêmes règles que celles établies pour les autres officiers non reçus à vie, en assujettissant son traitement à ne pouvoir excéder le maximum déterminé, il serait visiblement injuste de le faire pour celui qui avait obtenu sa retraite à la fin de ses services, et il lui a semblé de l'exacte justice que l'ancien officier ou employé retiré avec pension, en vertu d'acte ayant aate certaine, dût jouir de la totalité de sa pension sans qu'elle fût sujette à aucune réduction, et qu'ainsi 1 article & du décret du 20 août, qui avait établi un maximum de 200 livres au delà duquel ces pensions acquises ne pourraient excéder, devait être modifié; et il a d'autant moins hésité de vous le proposer, qu'il est constant que ces pensions de retraite accordées par les chapitres, sont des charges légitimement imposées sur leurs revenus, qui ont opéré un retranchement sur ces mêmes revenus pour fixer le traitement des chanoines en vertu du décret du 10 décembre 1790, et qu'ainsi, elles se trouvent acquittées par les chanoines eux-mêmes qui en éprouvent la diminution sur leurs traitements.
Les détails où nous sommes entrés prouvent la nécessité d'apporter des modifications au décret du 20 août. Les pensions et secours promis aux officiers ou employés des chapitres supprimés doivent être tellement combinés, qu'ils puis-
sent être accessibles aux individus dans les divers degrés de leur âge et de leurs services; ils doivent être tels, qu ils puissent procurer un soulagement réel. Voilà le but que votre comité veut atteindre dans les changements qu'il vous propose d'apporter au décret du 20 août.
Deux considérations puissantes donnent une latitude suffisante au Corps législatif, pour étendre à une mesure raisonnable l'acte de justice qui lui est demandé pour cette classe de citoyens à qui la Révolution enlève l'état par lequel ils subsistaient :
I6 Dans la plupart des églises supprimées, il y avait des fondations particulières pour le bas chœur, musiciens, chantres et autres employés servant au culte; les-biens donnés pour ces objets sont aujourd'hui dans les mains de la nation ; v
2° Le décret du 10 décembre 1790 a ordonné que pour fixer le traitement des chanoines sur leur revenu net, on déduirait tous les frais d'entretien du bas chœur, des musiciens et organistes, et autres dépenses du culte. Ce retranchement a donc mis dans les mains de la nation une réserve naturellement affectée au secours de ceux qui étaient l'objet de cette dépense.
Votre comité s'est donc étonné que l'Assemblée constituante ait réduit les secours promis à ces officiers d'églises supprimés à une somme aussi modique que celle ae 200 livres pour le maximum, tant pour les pensions que pour les gratifications, et que même elle ait rendu la pension accessible à si peu d'individus par les conditions* dont elle a exigé la réunion.
La différence du décret que le comité vous propose, ne sera pas grande dans la fixation du maximum de la pension de retraite, puisqu'il ne la porte qu'à 400 livres au lieu de 200 livres; mais parles différentes graduations qu'il donne aux pensions, et les différents degrés qu'il établit pour y atteindre, il en fait participant un plus grand nombre d'individus; et tandis que, d'après le décret du 20 août, il n'existait qu'un seul degré pour obtenir à la plus haute faveur 200 livres ae pension pour ceux-là seulement qui réunissaient 50 ans d'âge à 20 années de services, par le nouveau décret qu'on vous propose, il existera divers degrés de pension où les individus pourront atteindre sans excéder néanmoins 400 livres depuis 15 années de service et selon leur âge, graduellement jusqu'à 30 années de service et 60 ans d'âge et au-dessus ; et tandis qu'il n'existe, par le même décret du 20 août, qu'une gratification unique de 200 livres indistinctement pour tous ceux qui sont au-dessous de 60 ans d'âge et de 20 années de service, la loi nouvelle présentera divers degrés de gratification, eu égard à la durée des services, et qui seront déterminés sur le montant effectif aes gages et émoluments ordinaires dont jouissaient les individus.
Le comité croit donc remplir tout devoir de justice en vous proposant d'interpréter et modifier le décret du 20 août dernier, et d'adopter à cet effet le décret suivant.
Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, voulant statuer sur les réclamations faites par les chantres, musiciens, officiers etemployés, ecclésiastiques et laïques,des chapitres supprimés, relativement à l'exécution du décret du 20 août dernier, et s'agissant de pourvoir au secours que sollicitent leurs besoins,
et que la rigueur des conditions exigées par cette loi rendait inapplicable à la plupart d'entre eux, quoique âgés et dépourvus d'autre ressource, décrète qu'il y a urgence : qu il y a urgence
Décret définitif.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de liquidation, considérant que pour remplir le vœu de l'article 13 du décret du 24 juillet 1790, celui du 20 août dernier, qui a déterminé les pensions et gratifications a accorder aux officiers ecclésiastiques et laïques, chantres, musiciens, organistes et autres personnes employées pour le service divin dans les chapitres supprimés, a besoin d'une explication et d'une interprétation qui en rende les dispositions plus étendues et plus applicables aux individus, eu égard à leur âge et au temps de leur service; et trouvant d'ailleurs dans la déduction qui a été prescrite par le décret du 10 décembre 1790, sur les revenus des ci-devant chanoines, les moyens de donner plus d'extension aux pensions et gratifications desdits officiers et employés, d'après les bases générales indiquées par le décret du 24 juillet 1790; après avoir rendu le décret d'urgence, décrète ce qui suit :
« Art. 1er. Les officiers ou employés, ecclésiastiques ou
laïques, des chapitres séculiers et réguliers de l'un et de l'autre sexe, qui prouveront par
acte capitulaire ou autre écrit ayant date certaine antérieure au 1er janvier 1789, avoir été
reçus à vie ou avec convention de retraite, pour remplir dans les églises desdits chapitres
des fonctions relatives au service divin, sans avoir été pourvus d'aucun titre de bénéfice en
considération desdites fonctions, auront pour traitement ou pension de retraite, ce dont ils
jouissaient en gages et émoluments ordinaires, ou La somme fixée pour leur retraite par
lesdits actes ou écrits, sans néanmoins que ladite somme puisse excéder celle de 400 livres.
« Art. 2. Lesdits officiers ou employés, ecclésiastiques ou laïques, qui ne rapporteront aucune convention à vie ou de retraite, faite avec lesdits chapitres, recevront une pension ou gratification selon leur âgé, le taux et la durée de leurs services, ainsi qu'il va être déterminé par les articles suivants.
« Art. 3. Ceux desdits employés ou officiers, ecclésiastiques ou laïques, qui, à compter du 1er janvier 1791, auront atteint l'âge de 60 ans, avec 20 années de service dans une ou plusieurs églises, recevront à titre de pension la totalité de leurs gages et émoluments ordinaires, sans que ladite pension puisse excéder néanmoins la somme de 400 livres.
a Jouiront de semblables traitements, ceux qui étant d'un âge au-dessous de 60 ans, auront 30 années de service.
« Art 4. Il sera accordé au même titre de pension, à ceux desdits officiers ou employés, âgés de 60 ans, qui n'ayant point 20 années de service en auront au moins 10, et à ceux qui étant âgés de 50 ans auront au moins 15 années de service, la moitié de leurs gages et émoluments ordinaires, et cependant ladite moitié ne pourra excéder la somme de 200 livres.
« Jouiront de semblable traitement, ceux qui étant d'un âge au-dessous de 50 ans, auront 25 années de service.
« Art. 5. Ceux qui étant âgés de 50 ans, n'auront point 15 années de service, mais en
auront au moins 10 : et ceux au-dessous de l'âge de 50 ans, qui auront depuis 15 jusqu'à 25 années de service, recevront a titre ae pension le tiers seulement de leurs gages et émoluments ordinaires, sans excéder toutefois la proportion du maximum ci-dessus décrété.
« Art. 6. A l'égard de ceux desdits officiers ou employés, qui n'auront point IE années de service, et ne seront point dans le cas de l'application des articles précédents, relativement à leur âge; ils jouiront d'une simple gratification d'une somme une fois payée, qui sera fixée au tiers d'une année de leurs gages et émoluments effectifs ordinaires, depuis 5 années de service jusqu'à 10; et aux deux tiers desdits gages et émoluments, depuis 10 années de service jusqu'à 15.
« Art. 7. Ceux desdits officiers ou employés qui n'auront pas 5 années de service, et ceux dont le service n'était point habituel, mais seulement determiné à certains jours ae l'année, comme de dimanche et de fête, autres néanmoins que les organistes, n'auront droit à aucune pension ni gratification.
« Art. 8. Dans les années de service, ne seront point comprises celles où lesdits officiers ou employés auraient été enfants de chœur dans lesaites églises ou autres.
« Art. 9. Il sera accordé aux enfants de chœur desdits chapitres supprimés, les mêmes gratifications ou secours que lesdits chapitres étaient dans l'usage de leur donner en sortant.
« Art. 10. Ceux desdits officiers ou employés, qui dès avant la suppression desdits chapitres, avaient obtenu des pensions de retraite, dont ils jouissaient sans activité, continueront d'en jouir si elles sont établies par acte capitulaire ou autre écrit, ayant date certaine, antérieure au lep janvier 1789, pour les sommes accordées par lesdits chapitres, attendu le retranchement desdites sommes sur les revenus desdits chapitres, dans la fixation du traitement de leurs membres, suivant le décret du 10 décembre 1790.
« Art. 11. Lesdites pensions et gratifications seront liquidées et arrêtées définitivement d'après les bases ci-dessus déterminées par les directoires de département sur l'avis des directoires de district, et seront payées dans la même forme que les traitements des religieux et ci-devant bénéficiers; et à cet effet, nouvel état en sera envoyé au ministre de l'intérieur, pour procurer les fonds nécessaires dans chaque département, conformément à l'article 4 du décret du 28 septembre dernier.
« Art. 12. L'Assemblée nationale déroge au décret du 20 août dernier, en tout ce qui serait contraire aux présentes dispositions, le surplus dudit décret recevant son entière exécution. »
(L'Assemblée décrète l'urgence et la discussion s'ouvre sur le projet de décret.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 1er; il est ainsi conçu :
« Les officiers ou employés, ecclésiastiques ou laïques, des chapitres séculiers et réguliers de l'un et de l'autre sexe, qui prouveront par acte capitulaire ou autre écrit ayant date certaine, antérieure au l** janvier 1789, avoir été reçus à vie ou avec convention de retraite, pour remplir dans les églises desdits chapitres aes fonctions relatives au service divin, sans avoir été pourvus d'aucun titre de bénéfice en considération des-dites fonctions, auront pour traitement ou pension de retraite, ce dont ils jouissaient en gages
et émoluments ordinaires fixes, ou la somme fixée pour leur retraite par lesdits actes ou écrits, sans néanmoins que ladite somme puisse excéder celle de 500 livres. »
Un membre : Je propose, par amendement, sur l'article 1er, de retrancher ces mots : « sans néanmoins que ladite somme puisse excéder celle de 400 livres », pour rendre la disposition de cet article conforme à celle de l'article 10 du projet; ces deux articles étant fondés sur les mêmes motifs.
(L'Assemblée adopte l'amendement.)
Un autre membre : Je propose, pour second amendement, d'ajouter après ces termes : « ou avec convention de retraite, • ceux-ci : « ou dans Vexpectative d'un bénéfice assuré par quelques lois ou arrêts ou par un usage constant et immémorial. «
Plusieurs membres : La question préalable !
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il n'y a pas à délibérer sur ce second amendement, puis adopte l'article 1er avec le premier amendement.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 2 ; il est ainsi conçu :
« Lesdits officiers ou employés, ecclésiastiques ou laïques, qui ne rapporteront aucune convention à vie ou de retraite, faite avec lesdits chapitres, recevront une pension ou gratification selon leur âge, le taux et la durée de leurs services, ainsi qu'il va être déterminé par les articles suivants. »
(L'Assemblée adopte l'article 2.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 3 ; il est ainsi conçu :
« Ceux desdits employés ou officiers, ecclésiastiques ou laïques, qui, à compter du 1er janvier 1791, auront atteint l'âge ae 60 ans, avec 20 années de service dans une ou plusieurs églises, recevront à titre de pension la totalité dé leurs gages et émoluments ordinaires, sans que ladite pension puisse excéder néanmoins la somme de 400 livres.
« Jouiront de semblables traitements, ceux qui, étant d'un âge au-dessous de 60 ans, auront 30 années de service. »
(L'Assemblée adopte l'article 3.) !
M. Debranges, rapporteur, donne lecture de l'article 4 ; il est ainsi conçu :
« Il sera accordé au même titre de pension, à ceux desdits officiers ou employés, âgés de 60 ans, qui n'ayant point 20 années ae service en auront au moins 10, et à ceux qui étant âgés de 50 ans auront au moins 15 années de service, la moitié de lèurs gages et émoluments ordinaires, et cependant ladite moitié ne pourra excéder la somme de 200 livres.
« Jouiront de semblable traitement, ceux qui étant d'un âge au-dessous de 50 ans, auront 25 années de service.
(L'Assemblée adopte l'article 4.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 5; il est ainsi conçu :
« Ceux qui étant âgés de 50 ans n'auront point 15 années de service, mais en auront au moins 10, et ceux au-dessous de l'âge de 50 ans, qui auront depuis 15 jusqu'à 25 années de service, recevront à titre de pension le tiers seulement de leurs gages et émoluments ordinaires, sans excéder toutefois le tiers de la somme de 400 livres. »
(L'Assemblée adopte l'article 5.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 6; il est ainsi conçu :
« A l'égard de ceux desdits officiers ou employés, qui n'auront point 15 années de service, et ne seront point dans le cas de l'application des articles précédents, relativement à leur âge, ils jouiront d'une simple gratification d'une somme une fois payée, qui sera fixée au tiers d'une année de leurs gages et émoluments effectifs ordinaires, depuis 5 années de service jusqu'à 10 ; et aux deux tiers desdits gages et émoluments, depuis 10 années de service jusqu'à 15. » Un membre : Je propose de fixer les gratifications d'une somme une fois payée à une annéè entière des gages et émoluments fixes, au lieu du tiers d'une année pour 5 ans de service jusqu'à 10 et à une année et demie desdits gages et émoluments au lieu des deux tiers d'une année pour 10 années de service jusqu'à 15.
(L'Assemblée adopte l'amendement, puis décrète l'article 6, ainsi amendé.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 7; il est ainsi conçu :
« Ceux desdits officiers ou employés qui n'auront pas 5 années de service, et ceux dont le service n'était point habituel, mais seulement déterminé à certains jours de l'année, comme de dimanche et de fête, autres néanmoins que les organistes, n'auront droit à aucune pension ni gratification. » (L'Assemblée adopte l'article 7.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 8; il est ainsi conçu :
« Dans les années de service, ne seront point comprises celles où lesdits officiers ou employés auraient été enfants de chœur dans lesdites églises ou autres. » (L'Assemblée adopte l'article 8.) M. Debranges, rapporteur, donne lecture de l'article 9 ; il est ainsi conçu :
« Il sera accordé aux enfants de chœur desdits chapitres supprimés, les mêmes gratifications ou secours que lesdits chapitres étaient dans l'usage dé leur donner en sortant. » (L'Assemblé adopte l'article 9.) M. Debranges, rapporteur, donne lecture de l'article 10; il est ainsi conçu :
« Ceux desdits officiers ou employés, qui, dès avant la suppression desdits chapitres, avaient obtenu des pensions de retraite, dont ils jouissaient sans activité, continueront d'en jouir si elles sont établies par acte capitulaire ou autre écrit, ayant date certaine, antérieure au 1er janvier 1789, pour les sommes accordées par lesdits chapitres, attendu le retranchement desdites sommes sur les revenus desdits chapitres, dans la fixation du traitement de leurs membres, suivant le décret du 10 décembre 1790. » (L'Assemblée adopte l'article 10.) M. Debranges, rapporteur, donne lecture de l'article 11 ; il est ainsi conçu :
« Lesdites pensions et gratificatiotis seront liquidées et arrêtées définitivement d'après les bases ci-dessus déterminées par les directoires de département sur l'avis des directoires de district, et seront payées dans la même forme que les traitements des religieux et ci-devant bénéficier ; et, à cet effet, nouvel état en sera envoyé au ministre de l'intérieur, pour procurer les fonds nécessaires dans chaque département,.
conformément à l'article 4 du décret du 28 septembre dernier. » (L'Assemblée adopte l'article 11.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 12 ; il est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale déroge au décret du 20 août dernier, en tout ce qui serait contraire aux présentes dispositions, le surplus dudit décret recevant son entière exécution. » (L'Assemblée adopte l'article 12.)
Un membre : Je propose de décréter, dans un article additionnel, que les secours décrétés par les articles 3, 4, .5 et 6 seront applicables, dans une proportion déterminée, aux anciens serviteurs de l'un et l'autre sexe des maisons religieuses. Voici d'ailleurs le texte de cet article additionnel que je propose à l'Assemblée :
« Les dispositions des articles 3, 4, 5 et 6 du présent décret, seront applicables aux anciens serviteurs de 1 un et l'autre sexe des maisons et établissements religieux supprimés qui y étaient encore attachés au moment de leur suppression, et auxquels il n'aurait été assuré d'ailleurs aucun secours par lesdites maisons et établissements religieux, par acte ayant date certaine antérieure au 1er janvier 1789, sans néanmoins que les secours annuels qui leur seront accordés en vertu desdits articles, puissent excéder la somme de 150 livres. »
(L'Assemblée renvoie à la séance du lendemain matin la discussion de cet article additionnel.)
(La séance est levée à dix heures.)
a la séance de l'assemblée nationale législative du
Opinion non prononcée de Jacques Boisrot-de- Lacour (2), député de l'allier, sur ce qui s'est passé, le mercredi 20 juin 1792 au château des Tuileries,et sur lapàsiiion actuelle du royaume^)..
Messieurs,
J'ai juré de maintenir de tout mon pouvoir la Constitution française. Elle a été inclignement outragée dans la personne du roi qu'elle nous a donné. Je l'ai vu : je dois le dire ; et je le dis.
Assez de vils intrigants, assez de lâches, d'ambitieux flatteurs, applaudiront aux erreurs ou au crime d'une multitude effrénée : moi, je
ne lui présenterai qu'un tableau de la vérité. Je le dirais quand mille morts en deviendraient le prix.
Aucune réunion d'hommes, aucune association politique ne peut exister sans des lois, sans un gouvernement quelconque.
Cette loi, ce gouvernement doivent être l'expression de la volonté générale.
Cette volonté générale connue, toute volonté particulière doit y être subordonnée.
La volonté de la nation française, je dis de son importante majorité, c'est d'avoir un représentant héréditaire dans un roi; c'est que ce roi soit inviolable et sacré; c'est aussi qu'il soit respecté.
S'il n'était rien de tout cela aux yeux de quelques individus, ces derniers mépriseraient la volonté générale qui a fait le gouvernement.
Faible, et trop faible organe de cette volonté générale, j'ai cependant 1e droit de la manifester. Je l'ai, moi. Les prétendus habitants des faubourgs Saint-Antoine et Saint-Marceau ne l'avaient pas.
, Ce qu'ils ont fait le 20 de ce mois chez le roi, c'est un attentat contre la dignité, contre la souveraineté nationales. Il, est digne de toute la sévérité des lois.
Les auteurs de cet attentat ont violé la majesté du trône constitutionnel ; ils l'ont violée de deux manières.
Par des actions :
J'ai vu trois portes de différents appartements brisées à coups de hache.
Ils l'ont violée par des propos insultants et destructifs des bases de la Constitution :
J'ai entendu ces cris tumultueux et répétés : à bas le veto!... à bas le gros...! l'expression ici me manque malgré moi.
J'ai entendu cela dans la pièce même ou était le roi. Je l'ai entendu dans le moment où, résolus à périr avec lui, si ses jours étaient attaqués, mes collègues et moi nous nous sommes rendus au château.
J'ai entendu dans l'attroupement, et hors du château, les mêmes propos auxquels des forcenés répondaient par ceux-ci : laissez-nous faire!... sommes-nous là pour rien?
J'ai entendu cela. Je le jure sur mon honnèur. J'ai frémi, surtout quand j'ai vu à dix pas de l'embrasure d'une fenêtre où le roi était, et du même côté que lui, un homme, un bonnet rouge sur la tête, un sabre nu à la main, répétant continuellement ces cris : à bas le veto! ;
J'ai entendu, quand les députations successivement envoyées près du roi par l'Assemblée nationale traversaient les groupes; j'ai entendu ceS cris : vivent les bons députés! les autres à la lanterne !
Or les bons députés, dans le sens de ceux qui criaient à bas le veto, c'étaient, sans nul doute, tous ceux que, très gratuitement, ils supposaient aussi vouloir mettre à bas le veto.
La fatale lanterne serait là, que je certifierais ces faits.
Je suis loin dè présumer que de pareilles horreurs soient approuvées par l'Assemblée nationale; mais ses ennemis, qui ne sont que ceux de la souveraineté de la nation, ses ennemis le disent et le répéteront. Elle se doit donc, elle doit à la majesté nationale outragée dans la personne de son représentant héréditaire, de prendre des mesures rigoureuses pour remonter aux causes du désordre, et pour en livrer les auteurs à la sévérité des lois.
Elle se doit, elle doit à la natfon entière, d'exa-
miner avec la plus exacte attention la conduite des fonctionnaires publics qui, pouvant les prévenir, ont ignoré ou feint dignorer les attentats commis chez le roi.
La municipalité de Paris était informée de tous ces désordres, du elle ne l'était pas.
Au premier cas, comment son chef a-t-il osé dire a l'Assemblée nationale qu'il n'avait été commis aucun excès au château des Tuileries ?
Au second cas, quelle abominable négligence, quelle monstrueuse insouciance n'a-t-il pas apportées dans l'exercice de ses fonctions?
Pourquoi l'arrêté pris par le conseil général de la commune assemblée, n'a-t-il pas été suivi?
Pourquoi l'arrêté du département ne l'a-t-il pas été davantage ?
Pourquoi ces magistrats du peuple, qui prétendent avoir fait leur devoir, ne sont-ils aonc arrivés près du roi qu'au moment où les portes avaient été forcées?
Quelles mesures a-t-on prises pour prévenir cette violation d'un domicile à force armée; violation qui, fût-elle seulement arrivée chez un homme ordinaire, n'en serait pas moins criminelle?
Dira-t-on, pour se justifier, que l'Assemblée nationale avait admis la troupe armée dans son sein? mais l'Assemblée était maîtresse chez elle, comme le roi l'était chez lui.
Mais l'Assemblée put-elle jamais vouloir autoriser une troupe armée à enfoncer à coups de hache les portes de l'habitation du roi?
Rien ne s'opposait donc à ce que la municipalité employât les moyens certainement suffisants qu'elle avait à sa disposition, pour faire respecter le représentant héréditaire de la nation, et la Constitution outragée dans tous les excès auxquels on s'est porté le 20 juin au château des Tuileries.
Représentants de 20 millions d'hommes, il est temps enfin de considérer la position où vous êtes. Il est temps d'opposer aux efforts calculés des anarchistes et des factieux, l'obstacle irrésistible qui dépend et qui ne dépend que de votre seule volonté.
Soyez justes, mais soyez fermes : vous n'êtes pas les envoyés des tribunes de l'Assemblée nationale; vous ne l'êtes pas des faubourgs de Paris.
Si vous voulez sauvez la France des horreurs de la guerre civile, si vous voulez remettre intact à vos successeurs le dépôt sacré de la Constitution, si vous voulez vous rendre formidables à ses ennemis extérieurs, il est temps que vous rétablissiez le despotisme de la loi à la place du despotisme des factions.
Il faut, comme disait un de nos collègues dont j'estime la droiture et l'honnêteté, sans partager toujours l'exaltation de ses idées; il faut que le peuple, non pas le peuple entier, qui, réuni, est souverain, mais que toute fraction du peuple morde enfin le frein de la loi.
Il le faut, parce que la loi est la volonté du peuple.
Si tous les habitants de Paris s'élevaient contre la Constitution, encore faudrait-il mourir à notre poste en la défendant, plutôt que d'en changer un seul article.
Vous devriez dire alors au million d'hômmes auxquels vos forces physiques et morales ne pourraient pas résister, vous devriez dire : Oui, nous avons le droit de vous dicter des lois; oui, 19 millions de vos frères des départements nous ont envoyés pour cela : Frappez-nous; détruisez
vous-mêmes la souveraineté nationale dont nous sommes une portion représentative : mais vous effacerez nos serments dans nos cœurs avant que nous les violions.
Messieurs, ne souffrez plus qu'un petit nombre d'ambitieux trompés dans leur espoir, s'érige continuellement en censeur des autorités reconnues par la Constitution.
Repoussez loin de vous tous ceux qui, abusant du droit sacré de pétition, viennent impudemment vous donner comme le vœu de tous les habitants de l'Empire, le vœu particulier qu'ils ont formé.
Détruisez sur-le-champ les corporations étrangères, contraires à la Constitution, qui osent écrire, délibérer et cabaler publiquement contre elle; sou-mettez-les enfin à ces lois qu'elles attaquent et minent continuellement (1).
Veillez vous-mêmes sur les autorités constituées, qui, quand vous le voudrez, n'abuseront jamais impunément de leur puissance.
Efforcez-vous de ramener parmi un peuple doux, bon, éclairé, juste, humain ; de ramener dans un royaume dont ia fécondité, le site, les productions de tous les genres peuvent si promptement réparer tous nos maux ; d'y ramener ce bonheur, cette paix, cette tranquillité, ce respect pour les lois, les personnes ét les propriétés, qui vous attireront 1 estime de vos concitoyens et la vénération de la postérité.
Réunis alors sous l'égide sacré de la Constitution, tous les Français deviendront invincibles; tous iront combattre des ennemis qui veulent leur rendre les fers qu'ils ont brisés; tous voleront à nos frontières menacées, Pour partager la gloire et les dangers dee braves et généreux défenseurs de l'égalité, de la liberté, dont enfin ils auront joui à l'abri des lois.
Mais, Messieurs, si le despotisme de plusieurs succède au despotisme d'un seul ; si des corporations dont la forme d'existence est contraire aux lois, continuent à dominer jusqu'au milieu de vous;
Si désormais le glaive de la loi ne frappe seul les têtes criminelles;
Si les propriétés ne sont pas respectées à l'avenir;
Si la distinction des pouvoirs n'est pas religieusement conservée ;
Si l'asile du représentant héréditaire du peuple entier est impunément violé par une petite partie de ce peuple ;
Si ce représentant, si vous-mêmes n'êtes pas tôujours entourés de la dignité, de la majesté nationales ;
Si une petite portion du peuple peut impunément venir vous proposer d'ôter au roi des pouvoirs qui lui sont délégués par le peuple entier :
Si le crime altier trouve des protecteurs quand on le voilera de l'extérieur du patriotisme ;
Si vous ne soutenez pas toujours de votre toute puissance les autorités constituées si souvent aux prises avec cellés des sociétés populaires qui s écartent des limites qui leur sont tracées; si vous ne réprimez pas sévèrement les écarts de ces dernières ;
Si vous n'accordez pas au rétablissement de l'ordre dans les finances, à la perception, au re-
couvrement de l'impôt, aux fléaux terribles de l'agiotage, votre attention la plus suivie;
Si la loi plie aux circonstances; si vous ne l'environnez pas toujours de la raison d'abord; mais de la force après ;
Alors, Messieurs, une désorganisation totale excitera contre vous les murmures et ta malédiction de ceux mêmes qui auront le plus à se le reprocher.
Nos armées n'auront plus de chefs, et nos armées seront battues. Alors des étrangers nous dicteront des lois. Alors chacun de nous lira sur tous les fronts le reproche de tous ces maux. On nous dira : Vous étiez envoyés pour maintenir notre Constitution, seule base assurée de notre liberté; l'une et l'autre n'existent plus. L'un de nous demandera son frère, son ami ; l'autre son honneur outragé, sa propriété détruite. Pensez-vous qu'il nous suffit alors de nous justifier en disant : Nous avons été conduits par telle ou telle
faction.....cependant cette opinion nous méritait
de bien grands applaudissements.....Messieurs,
cela ne nous suffirait pas pour nous justifier.
Constitution décrétée, sûreté, propriété, liberté d'opinions religieuses et politiques, punition des crimes, récompense des vertus, soulagements à l'indigence, réduction dans les dépenses énormes de l'administration, paix, bonheur, voilà tout ce que le peuple français attendit et voulut de vous. Un jour il vous dirait encore : Messieurs, vous étiez investis de toute la force publique nécessaire pour faire respecter, et vous, et le représentant héréditaire du peuple français. Si ce dernier s'écartait de la ligne tracée par la Constitution, vous aviez pour l'y ramener, la responsabilité de ses ministres.
Vous ne dûtes pas le laisser avilir par des écrits, par des propos, par des actions contraires à sa dignité, et destructives de son autorité, vraiment indépendante de la vôtre.
Vous ne dûtes jamais laisser violer impunément son asile par aes gens armés, qui voulaient lui ôterun droit que nous lui avons accordé.
Vous pouviez maintenir dans vos tribunes,, dans la salle de vos délibérations, ce calme imposant que les spectateurs devaient à votre dignité. Il eût suffit pour tout cela de votre seule volonté. Vous l'avez pu; vous ne l'avez pas fait : vous avez donc abusé de la confiance que nous vous avions accordée.
Je viens de vous dire, Messieurs, ce qui serait possible un jour, au moment où il l'est encore d'éviter d'aussi grands malheurs.
Le souvenir de mes serments, les cris d'une conscience à laquelle je n'ai jamais menti, me l'ont impérieusement commandé. J'ignore quelles en seront les suites j j'ai rempli mon devoir : je ne vois que cela. Si telle est la fatalité des événements, que les ruines de ma patrie viennent à m'écraser, elles m'enseveliront pur et sans tache. Un coupable et lâche silence ne fera pas, du moins, le remords de ma vie ou la honte de ma mémoire. Voici le projet d'un décret que je propose :
projet de décret.
L'Assemblée nationale, considérant qu'elle doit à la nation, à la Constitution menacées de toutes parts par les efforts combinés des malveillants, des anarchistes, des factieux de tous les partis, de faire réprimer enfin les attentats journellement commis contre elles, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
Le ministre de la justice rendra compte à l'Assemblée nationale, ae huitaine en huitaine, des poursuites qui ont dû être faites, de celles qui le seront par la suite dans les tribunaux, tant contre les instigateurs, coupables et complices des attentats commis le 20 juin sur la personne ou dans le château du roi, que contre tous individus, corporations ou sociétés qui, par des écrits, des déclamations incendiaires et publics, ou par d'autres manœuvres défendues par les lois de l'Etat, s'efforcent à chaque instant d'avilir l'Assemblée nationale, le roi, les généraux et autres chefs de l'armée et généralement toutes les autorités constituées.
Art. 2.
Les autres ministres rendront, chacun en ce qui le concerne, de huitaine en huitaine également, un compte exact et détaillé des écarts auxquels les autorités constituées se livreraient, et des obstacles qu'ils trouvent dans l'exécution des lois relatives a leurs départements respectifs.
Art. 3.
Les pièces et comptes qui seront adressés à l'Assemblée nationale en conséquence des deux arrêtés ci-dessus, seront envoyés sur-le-champ à la commission des Douze.
Art. 4.
Cette commission sera tenue de présenter à l'Assemblée nationale, toujours dans la huitaine du renvoi, les projets de décrets, explications, ou autres moyens nécessaires pour que rien ne puisse mettre les ministres à l'abri delà responsabilité constitutionnelle à laquelle ils sont soumis.
Séance du
présidence de m. français (de nantes),
puis de m. gérardin, nouveau président.
Je viens appeler l'attention de l'Assemblée nationale sur un grand abus qui se manifeste dans divers départements et qui aurait bientôt englouti toutes nos ressources pécuniaires, si vous ne vous empressiez de lui opposer une barrière puissante.
L'administration ae la marine pourvoit aux besoins des gens de mer et des soldats, passant par divers départements du royaume pour se rendre au lieu où le service les appelle, par l'entremise des receveurs de district, qui y sont autorisés par une proclamation du 18 décembre 1791.
Us ne peuvent porter ces avances en dépenses ni sur leurs journaux ni sur leurs bordereaux, mais ils envoient les acquits pour comptant au payeur général, dans le payement des rescrip-tions tirées sur eux.
Il résulte de l'extrait d'une correspondance très authentique que j'ai entre les mains :
1° Que, dans le département de la Drôme, le grand nombre de matelots qui ont passé en février et mars, au lieu de présenter chacun leur passeport, se sont fait représenter par quelques individus porteurs d'un passeport collectif ou de pièces fausses;
2° Que, dans le département de la Haute-Marne, les matelots osent mendier dans les villes après avoir reçu leur subsistance de route ou district;
, 3° Que le receveur du district de Dijon a donné en avance de secours de ce genre dans le court espace du 1er au 5 juin, la somme énorme de 85,000 livres à des matelots ou des soldats passant.
Je demande que l'Assemblée décrète : 1° que le ministre de la marine rende compte à l'As -semblée de ce qui s'est passé relativement aux faits que je dénonce, et notamment dans le district ae Dijon ; 2° quelles sont les mesures provisoires qu'il a prises pour éviter.ces abus; 3° que les comités réunis de marine, militaire et de l'ordinaire des finances, présentent incessamment un projet de décret pour prévenir de pareils abus à l'avenir.
(L'Assemblée décrète ces 3 propositions.)
, au nom du comité de division, fait un rapport (1) et présente un projet de décret (1)
sur le nombre et le placement des notaires publics, établis dans le département des
Ardennes, d'après l'arrêté de son directoire, du 31 octobre 1791, pris en exécution des
articles % et 9 de la 2e section du décret du 29 septembre
précédent; il s'exprime ainsi :
Messieurs, le directoire du département des Ardennes s'est occupé de l'exécution du décret du 29 septembre dernier, sanctionné le 6 octobre suivant, sur la nouvelle organisation du notariat, conformément à l'article 9 de la 2e section du titre Ier de ce décret. Les principales bases de Ce travail ont été, pour les villes, la population; et pour les campagnes, l'éloi-gnement des villes et l'étendue du territoire, combinés avec la population.
Cette administration, d'après le vœu de l'article 8 de la même section, a adressé à l'Assemblée nationale l'arrêté qu'elle a pris sur cet objet, le 31 du mois d'octobre ; et c est sur les instructions que contient cet arrêté, que le Corps législatif peut et doit déterminer le nombre et le placement des notaires du département des Ardennes.
Votre comité de division vous propose, en conséquence, le projet de décret suivant:
PROJET DE DÉCRET.
« L'Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait par un de ses membres au nom du comité de division, de l'arrêté du directoire du département des Ardennes, du 31 octobre 1791, relatif au nombre et au placement des notaires publics à établir dans Fétendue de ce dépar-ment, en exécution du décret du 29 septembre précédent, sanctionné le 6 octobre, décrète ce qui suit :
Art. ler.
District de Rocroy.
« Il sera établi dans le district de Rocroy, con-
1 à Rocroy,
2 à Givet,
1 à Fumay,
1 à Philippeville,
1 à Mariembourg,
1 à Àuvillers,
1 à Signy-le-Petit,
1 à Rumigny,
1 à Aubigny, 1 à Revin.
Art. 2.
District de Charleville.
« Dans le district de Charleville seront établis, conformément à la même loi, 10 notaires publics, dont :
3 à Charleville,
1 à Chateau-Renaud,
2 à Mézières,
1 à Jandun,
1 à Signy-1'Abbaye,
là Omont.
1 à Renwez,
Art. 3.
District de Sedan.
« Les notaires publics du district de Sedan seront au nombre ae 12, dont :
4 à Sedan,
2 à Carignan,
2 à Mouzon,
1 à Donchery,
1 à Beaumont,
1 à Chemery,
1 à Francheval.
Art. 4.
District dè Grand-Pré.
« Dans le district de Grand-Pré seront établis 6 notaires, dont :
2 à Grand-Pré,
1 à Busancy,
1 à Nouart,
1 à Brieules-sur-Bar,
1 à Autry.
Art. 5.
District de Vouziers.
« Le district de Vouziers aura 8 notaires, qui seront placés comme il suit :
2 à Vouziers,
1 à Montois,
1 à Machault,
1 à Auchène,
1 à Tourteron,
1 à Voncq,
1 à Attigny.
Art. 6.
District de Rethel.
Le district de Rethel aura 12 notaires à la résidence des lieux ci-après désignés :
3 à Rethel,
1 à Juinville,
2 à Château-Porlion,
l à Sevigny,
1 à Aspheld,
1 à Wasigny,
1 à Tagnoir,
1 à Chaumont,
1 à Saulce-aux-Bois.
Art. 7.
Tous les notaires dont le nombre et le placement ont été fixés par les articles précédents, seront tenus de résiaer dans les villes et bourgs qui leur sont assignés-
(L'Assemblée décrète l'impression du rapport et du projet de décret et ajourne la discussion.)
(de Toulon), au nom du comité de marine, présente un projet de décret, qui conserve dans les limites fixées par les règlements des anciens tribunaux d'amirauté, les matelots des paroisses de Cucq et de Merlimont ; ce projet de décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, voulant faire cesser les contestations qui ont lieu entre les matelots de la paroisse de Cucq et de celle de Merlimont sur les côtes de la mer, département du Pas-de-Calais, et prévenir toutes voies de fait à cet égard, décrète qu'il y a urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de marine, et décrété l'urgence, décrète que les matelots des paroisses de Cucq et de Merlimont, district de Montreuil, département du Pas-de-Calais, jouiront respectivement et provisoirement, de la même manière qu'ils en ont joui jusqu'à ce jour, des limites fixées par les règlements des anciens tribunaux d'amirauté, jusqu'au règlement général qui, en déterminant les bases à suivre à cet égard, assigne à chaque tribunal de commerce la connaissance de tout ce qui a rapport aux côtes maritimes. »
(L'Assemblé décrété l'urgence, puis adopte le projet de décret.)
, au nom du comité de division, fait la seconde lecture d'un projet de décret concernant la réunion de la paroisse du Temple à celle de Carentoir, dans le département du Morbihan-, ce projet est ainsi conçu (1) :
PROJET DE DÉCRET.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport qui lui a été fait par son comité de division, de l'arrêté pris par le directoire du département du Morbihan, le 4 mai dernier, sur l'avis du district de Rochefort, du 3 janvier 1792, sur celui de l'évêque du Morbihan, du 5 mars dernier, concernant la réunion de la paroisse du Temple à celle du Carentoir, décrète ce qui suit : « Les paroisse et municipalité du Temple sont supprimées et réunies à celle de Carentoir. L'église du Temple ést conservée comme oratoire et le curé de Carentoir y enverra un prêtre, les dimanches et fêtes, pour y dire la messe et y faire les instructions publiques. »
(L'Assemblée ajourne la troisième lecture à huitaine.)
, au nom du comité militaire, fait un rapport et présente un projet de décret (2) sur la pétition des compagnies attachées au service des maisons de Bicêtre et de la Salpétrière ; il s'exprime ainsi :
Messieurs, les deux compagnies employées à la police et sûreté des maisons de Bicêtre et de la Salpétrière, vous ont demandé d'être organisées en gendarmerie nationale, à l'instar de celle de Paris, attachée à la garde des prisons.
Votre comité militaire, chargé de vous rendre compte de cette pétition, a examiné d'abord
qu'elle avait été la création primitive de ces compagnies, et il a vérifié qu'elles
n'avaient pas
Dans un mémoire des pétitionnaires,voici comme le sieur Hagnon, économe de la maison de Bicêtre, s'exprime à ce sujet : La compagnie des gardes de Bicêtre n'a jamais fait partie dans le militaire; c'est une troupe d'êtres libres, ne contractant aucun engagement, dont les individus sont les maîtres de se retirer lorqu'ils le jugent à propos, comme, aussi, on les renvoie quand on n'en est pas content; c'est l'hôpital général qui habille et paie cette troupe destinée pour la garde des prisons. »
Suivant un autre mémoire, signé par le sieur Dommev, économe de la Salpétrière : « La garde de cette maison originairement composée de cinq et six hommes, a été dans la suite, portée à 21 hommes, par les administrateurs, de concert avec le lieutenant général de police de Paris; et les troubles arrivés les 18 et 27 novembre 1790, forcèrent les administrateurs de la municipalité à l'augmenter de lOhommes ; mais la détresse où s'est trouvée cette maison, ayant nécessité l'économie la plus stricte, l'administration a supprimé, au mois de septembre dernier, six hommes de cette compagnie, ce qui la réduit à 25 hommes. »
Il résulte de cet exposé, que les compagnies de Bicêtre et de la Salpétrière n'ont jamais été sur le pied militaire j leur établissement n'est l'effet que de dispositions purement administratives et présente l'idée moins d'un service militaire, que d'un service domestique ; que le gouvernement et la nation n'ont donc contracté envers les individus qui les composent, aucun engagement capable de motiver leur demande \ et même ces compagnies forment aujourd'hui des corporations armées et supprimées par la loi du 14 octobre dernier.
D'après, ces observations, votre comité vous proposera le projet de décret suivant :
Projet de décret.
« L'Assemblée nationale, considérant que les compagnies de Bicêtre et de la Salpétrière n'ont jamais fait partie de la force militaire, et qu'elles forment aujourd'hui des corporations armées et supprimées par la loi, décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur leur pétition; et charge le pouvoir exécutif de pourvoir à la garde et sûreté ae ces maisons, de concert avec les administrateurs. »
(L'Assemblée décrète l'impression du rapport et de ce projet de décret, puis ajourne la discussion.)
, au nom du comité de division, fait la seconde lecture d'un projet de décret (1) sur la circonscription des paroisses de la ville de Lagny, et des paroisses des bourgs, hameaux et écarts des environs; le projet de décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, sur le compte qui
« Art. 1er. Il n'y aura dans la ville de Lagny qu'une seule
paroisse, sous le titre de Saint-turci, à laquelle seront réunies les paroisses de
Saint-Sauveur et Saint-Paul de la même ville et celle de Saint-Denis-du-Port, qui demeurent
supprimées.
« Art. 2. Les habitations du bout du pont de Lagny, qui font partie des paroisses de Thorigny et Pompone, en sont démembrées, pour être réunies à la paroisse de Saint-Furci de Lagny, d'après les limites tracées dans le procès-Verbal des commissaires du district.
« Art. 3. La paroisse de Saint-Furci, à raison de l'insuffisance et du mauvais état de son église, est transférée dans l'église ci-devant abbatiale de la même ville.
« Art. 4. Lés trois églises de Saint-Sauveur, Saint-Paul et Saint-Furci de Lagny demeureront à la disposition de la nation pour être vendues à son profit.
« Art. 5. La municipalité de Chelles n'aura qu'une seule paroisse, celle de Saint-André, à laquelle est réunie celle de Saint-Georges du même bourg, qui demeure supprimée.
« Art. 6. La paroisse de Saint-Germain-des-Noyers est supprimée et réunie à celle de Torcy. »
(L'Assemblée ajourne la troisième lecture à huitaine.)
Une députation dès Invalides, composant la garde du château de Bicêtre, est admise à la barre.
Vorateur de la députation offre, en leur nom, un don patriotique de 65 livres, en assignats, pour subvenir aux frais de la guerre.
répond à la députation et lui accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée accepte cette offrande avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis aux donateurs.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres, adresses et pétitions suivantes :
1° Lettre de M. Terrier, ministre de Vintérieur, qui envoie à l'Assemblée copie d'une lettre des commissaires réunis à Avignon et d'un procès-verbal dressé par ces commissaires, concernant les nouveaux troubles qui ont eu lieu, dans cette ville, à l'occasion de l'élection à la place de maire.
Du texte du procès-verbal il résulte que, c'est le 15 du présent mois, que les officiers municipaux de la nouvelle commune furent élus, que la nomination des notables devait avoir lieu ce jour-là, et que l'installation de la municipalité devait se faire le dimanche. A l'égard dès autres communes et districts, les commissaires civils attestent que les nominations, pour la majeure partie, s'y sont faites avec la plus parfaite tranquillité, que l'esprit de patriotisme y a dirigé les suffrages des citoyens, et qu'il n'a été commis aucune violence, ni versé de sang dans aucune assemblée.
(L'Assemblée renvoie ces pièces aux comités de pétition, de surveillance et des Douze réunis.)
2° Lettre de M. Terrier, ministre de Vintérieur, contenant un rapport sur la demande formée par les sieurs Payet et Desjardins, architectes, d'une somme de 6,034 livres, pour leurs honoraires, à raison des travaux dont ils ont été chargés par le comité des domaines de l'Assemblée constituante.
(L'Assemblée renvoie la lettre au comité des domaines.)
"'3° Lettre de M. Lajard, ministre de la guerre, relative au mode de payement de l'armée, à compter du 1er juillet 1792 ; cette lettre est ainsi conçue:
« Paris, le
« Monsieur le Président,
« L'Assemblée nationale a décrété ce matin le mo'de du paiement de l'armée, à compter du 1er juillet prochain. Je crois devoir également arrêter son attention sur les employés ouvriers, charretiers, etc., et demande que le décret leur soit, étendu, pour l'augmentation, à raison de la perte sur les assignats.
« Je suis, avéc respect, Monsieur le président, etc.....
« Signé : LAJARD. »
(L'Assemblée renvoie la lettre aux comités mi litaire et de l'extraordinaire des finances réunis.)
4° Lettre des administrateurs du directoire du département du Calvados, par laquelle ils recommandent à l'Assemblée le directeur d'équitation de l'académie de Gaen.
(L'Assemblée renvoie la lettre au comité de l'instruction publique.)
Une députation du conseil général de la commune de Melun est admise à la barre.
L'orateur de la députation dépose sur le bureau de l'Assemblée une pétition relative à des dispositions additionnelles aux lois sur l'organisation des, corps administratifs.
répond à la députation et lui accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée renvoie la pétition au comité de division.)
, au nom du comité diplomatique, fait un rapport sur les réclamations du sieur Joseph Caudier, citoyen français, contre la République de Gènes, et présente un projet ie décret portant renvoi au pouvoir exécutif, à charge de négocier avec cette République les indemnités dues à ce citoyen.
(L'Assemblée décrète l'urgence et ouvre la discussion sur le projet de décret.)
J'observe à l'Assemblée que le citoyen Gaudier sollicite depuis 28 ans auprès de cette République, que le pouvoir exécutif a tenté en vain tous les moyens de négociations ; qu'ainsi le renvoi est inutile. En conséquence, je propose de faire liquider et régler les indemnités dues à ce citoyen et d'en réunir le montant sur les, sommes dues par la nation à la République de Gêhes.
Je rappelle à l'Assemblée que le citoyen Caudier a rendu de réels et importants services à la nation, lors de sa détention à Alger, et qu'à cette heure, réduit à la mendicité, la
plus extrême, il ne lui reste plus que l'espérance des secours de la patrie qu'il a constamment servie. Je demande pour lui une avance provisoire de 600 livres.
Je prie l'Assemblée de considérer que cette somme est bien insuffisante pour un nomme qui, depuis 6 mois, est obligé de vivre d'emprunts.
(L'Assemblée décrète d'accorder au sieur Gaudier une somme de 1,000 livres, à titre d'avance sur sa créance, puis adopte lé projet de -décret ainsi amendé.)
Suit le texte définitif du décret rendu :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité diplomatique, sur la réclamation du sieur Joseph Caudier, citoyen français, natif de la ville de Marseille, considérant que toutes les nations et tous les gouvernements ont contracté l'obligation réciproque de protéger par leurs lois et (f exercer la justice la plus prompte et la plus impartiale envers les étrangers qui seront dans la nécessité de la réclamer;
« Que Joseph Caudier, citoyen français, a vainement réclamé depuis 28 ans du gouvernement Génois un jugement définitif, sur les contestations pendantes entre lui et les sieurs Bugiano et Pozzo, négociants et habitants de la ville de Gênes;
« Que les tribunaux de justice de cette République se sont constamment refusés à mettre un terme à cette procéduré, et ont vu avec indifférence un homme détruire sa fortune, et consommer sa vie entière à demander un acte de justice, toujours promis, toujours prolongé et jamais obtenu ; décrète que le roi sera prié de donner les ordres nécessaires au ministre de France, accrédité auprès de la République de Gênes, pour demander au Sénat de cette République l'exécution des principes du droit des gens, et en conséquence l'intervention de son autorité pour faire rendre, sans un plus long délai, la justice due à Joseph Caudier, citoyen Français, et le faire réintégrer dans tout ce qu'il a droit de prétendre des sieurs Bugiano et Pozzo, sujets de cette République; charge le ministre des affaires étrangères de lui rendre compté, dans 2 mois, du succès de sa négociation et de ses démarches à cet égard. »
« L'Assemblée nationale, considérant que Joseph Caudier, citoyen Français, a rendu des services importants à sa patrie lors de sa détention à Alger;
« Que jouissant d'une fortune aisée, il en a été frustré par la rapacité dé quelques négociants, sujets de la République ae Gênes, sans avoir pu obtenir la justice, qu'il n'a cessé d'invoquer pendant 28ans, du gouvernement Génois;
« Que cette fatale persécution l'ayant réduit a la mendicité la plus extrême, et à l'impuissance de continuer la poursuite de son action contre ses débiteurs, il ne lui reste qqe l'espérance des secours de la patrie, qu'il a constamment servie, décrète qu'il y a urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir préalablement décrété l'urgence, décrète qu'il sera accordé à titre de secours, à Joseph Gaudier, citoyen Français, natif de Marseille, la somme de 1,000 livres. »
(L'Assemblée décrète l'urgence, puis adopte le projet de décret.)
de Toulon). Je dépose sur le bureau de l'Assemblée plusieurs pétitions des mal-
très d'équipages, navigateurs1 et serruriers du port de Toulon, dans lesquelles ils demandent que l'Assemblée fixe le traitement des maîtres entretenus et des ouvriers des ports ; j'en demande le renvoi au comité compétent.
(L'Assemblée renvoie les pétitions au Comité de la marine, pour faire très incessamment un rapport sur le traitement des maîtres entretenus et des ouvriers des ports.)
Un citoyen cultivateur et sa mère sont admis à la barre. Ils déposent sur le bureau un don patriotique de 6 livres, en espèces, pour subvenir aux frais de la guerre.
leur répond et leur accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée accepte cette offrande avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis aux donateurs.)
, au nom du CQmitè de division, fait un rapport (1) et présente un projet de décret (1) sur la démarcation des limites du département de Paris et de celui de Seine-et-Oise, du côté de Saint-Cloud; il s'exprime ainsi :
Messieurs, la nouvelle division du royaume assigne Auteuil au département de Paris, et Sèvres à celui de Seine-et-Oise; la démarcation des limites de ces communes a donné lieu à une contestation entre leurs municipalités respectives, et par voie de suite entre les deux départements.
Par une loi du 19 janvier 1790 il est dit que le département de Paris aura environ trois lieues de rayon, excepté depuis Meudon jusqu'au dessous de Saint-Cloud, où il sera borné par les murs du parc de Meudon, et par une ligne qui, embrassant Clamart et les Moulineaux, ira finir au pont de Sèvres d'où le milieu de la rivière servira de limites, les deux ponts de Sèvres et de Saint-Cloud, réservés néanmoins en entier au département de Paris.
L'article 3 du titre Ier de la loi du 4 mars 1790, qui ordonne
la division de la France en 83 départements, s'exprime ainsi : « Lorsqu'une rivière est
indiquée comme limite entre deux départements ou deux districts, il est entendu que les deux
départements ou les deux districts ne sont bornés que par le milieu de larivère, et que les
deux directoires doivent concourir à l'administration de la rivière. »
Enfin, une loi du 6 septembre 1791, relative aux limites des municipalités de Saint-Cloud
et de Boulogne, porte : « Le fil de l'eau de la rivière de Seine, formant limite entre le
département de Paris et celui de Seine-et-Oise, formera aussi celle des deux paroisses et
municipilités de Saint-Cloud et Boulogne. En conséquence, tous les terrains et maisons
situés en deçà de la Seine, seront de la municipalité et paroisse de Boulogne, et ceux
situés au delà ae ladite rivière, du côté de Sâint-Gloud, seront de la municipalité et
paroisse de cette ville; mais, attendu que la répartition des contributions pour 1791 est
faite entre les deux départements, la municipalité de Boulogne versera, pour cette année
seulement, dans la caisse de Saint-Cloud, la portion de contribution à laquelle les terrains
et maisons réunis à Boulogne seront imposés sur les rôles dudit Boulognè.
Près le pont de Sèvres, une île, dite île du Pont, partage le lit de la rivière en deux parties inégales, dont la plus considérable est entre la rive qui est du côté d'Auteuil et l'île. Le plus grand volume d'eau, et par conséquent le courant principal se porte de ce côté ; l'île dont il est question a de tout temps fait partie du territoire d'Auteuil. La municipalité de Sèvres l'a reconnu; mais se prévalant de la loi du 19 janvier et de celle du 31 août, elle a regardé comme le fil de l'eau de la rivière le courant du grand bras formé par l'île du Pont, le seul navigable ; une grande partie de l'année; et réclame, en conséquence, la propriété exclusive de l'île, comme située au delà du fil de l'eau.
Le directoire du district de Versailles a accueilli cette réclamation par son arrêté du 12 octobre dernier, et ordonné, par ce même arrêté, que la municipalité de Sèvres comprendrait l'île du Pont dans le rôle de ses impositions, et après toutefois que le directoire du département en aurait prévenu celui de Paris.
Le directoire du département de Seine-et-Oise a, par son arrêté du 28 novembre suivant, confirmé celui du directoire du district de Versailles, en conséquence, le procureur général syndic du département de Seine-ét-Oise a prévenu les administrateurs du département de Paris que l'intention de cèux du département de Seine-et-Oise était d'autoriser la municipalité de Sèvres à comprendre dans le rôle de ses contributions l'île dont il s'agit.
Le directoire du département de Paris n'a point cru devoir donner son assentiment à ces arrêtés; il a écrit à celui du département de Seine-ét-Oise pour le prévenir de la nomination qu'il avait faite d'un commissaire pour la paroisse d'Auteuil, en l'invitant à en nommer un de sa part pour la paroisse de Sèvres, à l'effet par eux de se transporter sur les lieux et d'aviser ensemble au moyen de concilier les intérêts respectifs des deux municipalités.
Ces commissaires se sont en effet transportés sur l'île du pont de Sèvres, et là ils ont dressé procès-verbal des dires respectifs des officiers municipaux des deux communautés.
il en résulte que celle de Sèvres persiste à soutenir que l'île dont il s'agit doit être sous l'administration du département de Seine-et-Oise, conformément à la loi du 4 mars 1790, qui fixe, pour la délimitation entre leS 2 départements, le milieu du lit de la rivièré; ce que ne peut s'entendre que de la partie de la rivière qui sert à la navigation, et qui forme ce qui s appelle proprement dit la rivière, et que d'ailleurs le bras qui se trouve entre l'île et la rive de Sèvres, n'est qu'une portion qui ne peut servir à la navigation; elle a de plus appuyé sa prétention sur la loi du 6 septembre, rendue pour les municipalités de Saint-Cloud et de Boulogne,
{>ar laquelle il est dit que le fil de l'eau fera la imite des 2 départements.
La municipalité d'Auteuil lui a opposé la loi du 19 Janvier 1790, qui réserve; en entier les ponts de Sèvres et de Saint-Cloud au département de Paris; a soutenu, en conséquence, que l'île du pont de Sèvres devait faire partie de son territoire, comme elle en a toujours fait partie jusqu'à présent; que s'il en était autre-
ment, il en résulterait que la municipalité de Sèvres passerait sur une portion du pont qui est du département de Paris, pour aller joindre un appendice de ce pont, qui est l'île dont est question; qu'en un mot, cette île faisant partie d'un tout qui est le pont, n'en pouvait être raisonnablement séparée.
Par ces différents motifs, les 2 départements ont persisté à penser que l'île dont il s'agit appartenait à leur territoire.
La confection prochaine des matrices des rôles de la contribution foncière et la nécessité du répartement de l'impôt ne permettent pas que cette contestation soit plus longtemps prolongée. Lés administrations supérieures des 2 départements ont soumis cette difficulté au ministre des contributions, et l'ont invité à la prendre en considération pour obtenir de l'Assemblée nationale un décret qui mettra fin à leurs discussions.
Votre comité de division, chargé par un de vos décrets dé vous présenter ses vues, et un projet de décret relatif à la délimitation conten-tieuse entre les 2 départements, mettra sommairement sous vos yeux les principales considérations qui ont servi de base au projet de décret que je suis chargé de vous présenter en son nom.
11 est très instant, sous le point de vue de la répartition des contributions, que cette difficulté soit promptement terminée.
11 paraît naturel de laisser cette île au département de Paris, puisque le pont de Sèvres, auquel elle tient, est à la charge de ce département et que d'ailleurs les habitations et les divers tènements de cetté île ont toujours jusqu'à présent été compris dans les rôles de la municipalité d'Auteuil, paroisse dépendant du district de Saint-Denis, et du département de Paris.
Votre comité, après avoir pris en considération les moyens présentés par les municipalités d'Auteuil et de Sèvres, relativement à leurs prétentions respectives sur l'île du pont de Sèvres, a pensé que celle de la commune de Sèvres ne pouvait pas être accueillie.
Cette commune s'étaye principalement sur la loi du 6 septembre dernier, qui ne reçoit pas d'application à la contestation qui vous est fournie.
Il résulte de cette loi que le fil de l'eau de la rivière de Seine, formant limite entre le département de Paris et celui de Seine-et-Oise, formera aussi celle des 2 paroisses et municipalités de Saint-Cloud et de Boulogne.
Cette mesure de la loi ne présente aucune difficulté, lorsque le lit de la rivière est dans son état naturel, et qu'aucun obstacle n'en interrompt lé cours; mais dans la contestation qui divise les 2 communes, une île partage la Seine en 2 bras inégaux dont le plus considérable coule entre l'île et la rive d'Auteuil.
On observe que cette île a dans tous les temps fait partie de la commune d'Auteuil, et cette propriété de la commune d'Auteuil est reconnue par celle de Sèvres, qui ne s'obstine à l'en dépouiller qu'en cherchant à se prévaloir des dispositions du décret du 19 janvier et de la loi au 6 septembre; d'après l'application qu'elle en a faite à la délimitation contentieuse, elle ne fixe le fil de l'eau que dans le bras ou le courant qui s'étend entre la rive d'Auteuil et 1 île, et ne tient aucun compte du courant qui est entre la rive de Sèvres et la rive opposée de l'île.
Le département de Paris invoque à son tour la loi du 4 mars 1790, sur le décret du 19 janvier,
il résulte des articles 2 et 3 de cette loi : « l°que les municipalités de campagne comprennent tout le territoire, tous les hameaux, toutes les maisons isolées, dont les habitants sont cotisés sur les rôles d'impositions du chef-lieu;
« 2° Que lorsqu'une rivière est indiquée pour limite entre 2 départements ou 2 districts, il est entendu qu'ils ne sont bornés que par le milieu de la rivière. »
Chacune des dispositions de cette loi paraît favoriser également les prétentions du département de Paris et de la commune d'Auteuil.
,1° L'île du Pont a été constamment cotisée au rôle d'Auteuik c'est là un point de fait que reconnaît formellement la commune de Sèvres ;
2q Du moment que l'île du Pont partage la rivière en 2 bras, à la vérité inégaux, il est naturel, il est même juste, de penser que ces
2 bras font la démarcation des 2 départements, non le milieu de la rivière, d'après les dispositions de la loi, mais le milieu d'un bras qui lui est étranger.
La loi indique le milieu de la rivière pour ligne de limitation, ne suppose pas que ce tracé doive être pris géométriquement, et la toise à la main. Les variations qu'entraînent les différentes crues d'eau, et paru né suite desquelles le principal volume que renferme un bras de rivière, est tantôt dans l'un des eôtés de l'île* tantôt dans l'autre, faisant continuellement varier le point milieu de la rivière, il en résulterait que la ligne de démarcation varierait à chaque crue.
Il y aurait cependant un grand inconvénient à admettre une limite aussi variable ; et le moindre qui en résulterait serait de faire successivement passer dans chacun des départements les terrains que renferment les différentes îles.
Votre comité a cru que toutes ces considérations porteraient l'Assemblée à penser avec lui qu'il n'y a aucune raison de dépouiller la commune d'Auteuil de son ancien droit de propriété et de sa possession sur l'île du pont de Sèvres. Mais une considération bien plus pressante vient à l'appui de son opinion, elle est prise des motifs qui ont servi de base au décret du 19 janvier 1790.
Ce décret porte quq les deux ponts de Sèvres et de Saint-Cloud feront partie au département de Paris : l'île du pont de Sèvres est un appendice de ce même pont. Peut-on raisonnablement imaginer que l'on veuille tellement morceler les propriétés, tellement enlacer les limites des deux départements, que l'on attribue à celui de Paris le pont de Sèvres, et que l'île qui est adhé-rentè à ce même pont soit dans l'enclave du département de Seine-et-Oisè?
11 y a plus, c'est que l'on voit encore, par le décret de démarcation du département de Paris, qu'on lui assigne pour territoire un rayon de
3 lieues, excepté (est-il dit) du côté de Saint-Cloud, où il sera borné, par la rivière de Seine. ,
Le département de Paris, arrêté de ce côté par une borne naturelle, perd visiblement une grande portion du territoire qui lui aurait été assigné si la Seine ne l'eût serré de trop près dans cette partie. C'est par une suite de cette considération, et pour le dédommager de cette perte, que le décret du 19 janvier lui assigne les deux ponts de Saint-Cloud et de Sèvres. Il y aurait donc une extrême injustice, même quelque
inconvénient, à le dépouiller de l'île du pont de Sèvres.
C'est d'après ces vues et ces considérations que votre comité vous soumet le projet de décret suivant :
Projet dé décret.
« L^Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport qui lui a été fait par un de ses membres, au nom du comité de division, des arrêtés des directoires du département de Paris et de Seine-et-Oise, et de la lettre du ministre des contributions, relativement à la contestation élevée entre les directoires de ces départements, sur leur délimitation définitive par rapport a l'île du pont de Sèvres, du 10 mai dernier, décrète que l'île du pont de Sèvres est et demeure comprise dans l'intérieur des limites du département de Paris, et qu'elle sera cotisée au rôlè de la municipalité d'Auteuil, dont elle continuera à faire partie. »
(L'Assemblée décrète l'impression du rapport et du projet de décret et ajourne la discussion à huitaine.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une adresse des administrateurs et procureur syndic du directoire du département de la Meurthe, qui dénoncent les manœuvres des ennemis de la liberté et partagent les regrets de l'Assemblée sur le renvoi des ministres ; cette lettre est ainsi conçue (1) :
« Législateurs,
« Votre estime suit dans leur retraite des ministres patriotes, déplacés par l'intrigue au
moment où ils commençaient a faire quelque bien : grâces vous soient rendues d'avoir encore
une fois été les dignes interprètes de nos vœux. Sans doute, ils ne convenaient pas aux
fauteurs de l'anarchie, ces hommes qui disaient hautement la vérité au monarque, qui
surveillaient les complots d'une cour corrompue, qui vous peignaient si énergiquement et les
fureurs du fanatisme et tous les dangers si prochains d'une seconde évasion du roi. ils ont
mérité leur disgrâce, puisqu'ils se sont fait haïr de nombreux intrigants qui vous
environnent, de ces factieux qui, sous prétexte de tolérance, proposent jusque dans votre
sein des projets désastreux, des réformes exagérées, proscrites sans aucun doute par la
raison publique, uniquement propres à diviser les patriotes, et à donner le signal de la
guerre civile. Ils se sont rendus dignes d'être congédiés, ces ministres qui, voulant unir
enfin les citoyens dans une même opinion, ont provoqué la sévérité du législateur contre ces
hypocrites qui défendent à leurs partisans d'aimer nos lois et leurs frères, spus peine de
damnation. Il importait trop à ceux qui veulent sanctionner enfin le schisme politique dont
la France est déchirée, qui chaque jour, par des moyens nouveaux, trouvent l'art de
tourmenter le peuple dans ses opinions religieuses, à l'effet d'égaler en nombre les deux
partis ; il leur importait trop d'écarter des hommes opposés à ce criminel système, et qui en
conseillant au monarque de s'unir sincèrement aux représentants
Mais quelle est donc cette cour que les leçons les plus énergiques ne peuvent corriger? Quelle est la puissance, différente de celle de nos lois, dont elle se croit assez forte pour oser ainsi nous braver? Législateurs, de grands dangers vous environnent; ce n'est pas sans moyens que nos ennemis montrent une aussi impudente audace. Leur lâcheté, leur perfide bassesse, a trop éclaté dans les circonstances qui ont brisé dans leurs mains le fil de leurs intrigues, pour ne pas penser qu'ils se croient sûrs du triomphe aujourd'hui que les amis du peuple sont chassés sans pudeur : des lâches qui se prosternent quand toute puissance leur échappe, ne montrent pas une telle insolence sans avoir un parti dans nos armées, dans nos tribunaux, dans nos administrations : il leur faut des perfides à leurs ordres pour paralyser nos forces, pour entraver l'administration, pour dessécher tous les canaux de la prospérité publique; il leur faut 100,000 bras prêts à nous frapper, pour nous traiter avecaussi peu de ménagement. N'en doutez pas, législateurs, de tels symptômes décèlent un grand mal; il est temps d'y porter remède.
La nation se croit libre cihaque fois que ses ennemis ont échoué dans quelques-unes de leurs intrigues. Et que sont ces complots particuliers? quelques ramifications seulement d'un complot très vaste, constamment suivi dès avant la réunion même des députés des bailliages, dontl'objet est l'établissement d'une noblesse constitutionnelle, peu nombreuse, puissante, héréditaire, qui, sous prétexte d'être modérateur du peuple et du monarque, en soit en effet la dominatrice. Une noblesse !. 1.. des nobles !..... jugez-en par ceux qui déchirent aujourd'hui le sein de la France ! ils ont fondé le succès sde ce projet sur la division des citoyens; et c'est par votre organe même qu'ils veulent donner le signal de cette division. Telle est la base de leur système ; tel est le véritable complot que vous avez à combattre. Soyons donc unis, et que nos législateurs, usant aVec sobriété des principes mêmé, sachent éloigner d'eux toute proposition prématurée : quelque évidente que soit une maxime, ce serait servir nos ennemis que de la rédiger en loi sans une nécessité absolue, si elle doitôterà la patrie un seul de ses amis. Quand l'astuce des coujuratèurs, quand leur nombre même nous presse de toutes parts ; quand nous sommes à la merci de cette caste qui nous déteste, et qui journellement trahit ses serments; quand des ministres patriotes sont indignement chassés, et qu'une garde incivique est récompensée sous vos yeux, et au mépris ,de vos décrets; législateurs, nous n'avons pas trop de toute notre force. Au nom de vos serments, au nom des serments du peuple, nous vous en conjurons, que l'anathème Civique frappe enfin les mandataires infidèles qui, jusque dans votre sein, conspirent contre cette précieuse union. Et quand vous vous indignez de la disgrâce des soutiens de nos lois, que leurs ennemis perdent aussi pour jamais
l'espérance de] faire triompher l'esprit de discorde, le fanatisme et la haine de vos principes.
Signé : Salle, Haillecourt, Perrin, Bicquilley, Demangot l'aîné, Le Lorrain, procureur général syndic, Pangu, secrétaire suppléant.
Plusieurs membres (à gauche) : La mention honorable !
D'autres membres (à droite) : La question préalable!
Recueillez, Messieurs, le vœu de tous les départements : c'est votre force, et c'est parce qu'on veut vous affaiblir, qu'on veut vous empêcher de les entendre et de les accueillir. Je demande qu'on fasse mention honorable, de cette lettre et qu'on en décrète l'impression et le renvoi au comité des Douze. (Vifs applaudissements à gauche et dans les tribunes.)
Les mêmes membres (à droite) : La question préalable !
(L'Assemblée décrète qu'il y a lieu à délibérer et adopte les propositions de M. Ducos.) (Vils applaudissements à gauche et dans les tribunes.)
donne lecture d'une adresse du directoire du département de la Marne, qui contient des félicitations à l'Assemblée sur les décrets relatifs à la guerre, au licenciement de la garde du roi, au camp de 20,000 hommes et exprime ses regrets sur le renvoi des ministres; cette adresse est ainsi conçue :
« Législateurs,
« Tous les bons citoyens ont applaudi aux mesures vigoureuses que vous a dictées le désir de maintenir la Constitution.
« Un despote voisin s'est déclaré le protecteur de ces orgueilleux que la loi a réduits à l'égalité; vous lui avez déclaré la guerre, le peuple français y a applaudi tout entier, et il frémit à la seule idée ae composer sur sa souveraineté.
« Des traîtres s'étaient glissés dans la garde que la Constitution accorde au chef du pouvoir exécutif; vous l'avez licenciée, et nous avons applaudi à votre prudence.
« Des ministres patriotes viennent d'être renvoyés, vous leur avez donné d'honorables regrets, nous les partageons avec vous.
« Vous avez rappelé au champ de la Fédération les mêmes Français qui déjà y ont juré, au nom de tbus leurs frères d'armes, ae vivre libres ou mourir.
« Des intrigants ont cherché à les rendre suspects à leurs frères; déjà un grand nombre, que de perfides suggestions avaient égarés, sont revenus de leur érreur, et nous reconnaissons les braves Parisiens de 1789, au désir qu'ils montrent de nous recevoir dans leurs murs, pour jurer, avec eux, union, fraternité, et guerre éternelle au despotisme.
« Des prêtres fanatiques menacent la tranquillité intérieure de l'Empire ; vous avez pris des mesures sages pour les réprimer.
« L'exécution de quelques-uns de vos décrets est suspendue; n'importe, la liberté triomphera, parce que le peuple veut la liberté, parce que nous surveillerons sans cesse ses ennemis.
« Voilà, législateurs, l'expression de nos sentiments sur les circonstances actuelles. Continuez, marchez d'un pas ferme et intrépide, dans
la carrière orageuse où notre confiance vous a placés ; nos corps vous serviront de remparts, et les ennemis de la patrie n'arriveront à vous qu'après avoir foulé nos cadavres, qu'après s'être baignés dans notre sang. »
Je demande l'insertion de cette adresse, avec mention honorable au procès-verbal.
Un membre : Je demande la question préalable sur cette proposition, ou bien qu'en 1 adoptant l'Assemblee ordonne le rapport du décret qu'elle a rendu hier, par lequel il est interdit aux corps administratifs d'adresser des pétitions 1
Plusieurs membres : Aux voix le rapport du décret !
D'autres membres : La question préalable sur le rapport du décret!
(L'Assemblée décrète, successivement, qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur le rapport du décret, qu'il y a lieu à délibérer sur la mention honorable de l'adresse et son insertion au procès-verbal, et adopte la proposition de M. Charlier.)
donne lecture d'une adresse des administrateurs du département du Morbihan, au roi, dans laquelle ils sollicitent la sanction du décret sur les prêtres.
Un de MM. les secrétaires annonce les dons patriotiques suivants :
1° Le sieur Drouillard offre 5 livres en assignats ;
2° Les amis de la Constitution de Chaumont, département de l'Oise, offrent 272 livres en assignats, et 102 livres en espèces;
3° Un citoyen de Paris, adorateur de la liberté, offre 15 livres, en assignats.
(L'Assemblée accepte ces offrandes avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis aux donateurs.)
, au nom du comité de liquidation, donne lecture de l'article additionnel au projet de décret relatif aux pensions et gratifications des officiers ou employés ecclésiastiques et laïques des chapitres séculiers etréguliers supprimés; article dont la rédaction avait été renvoyée au comité (1) et qui devient l'article 13 du décret définitif. Cet article est ainsi conçu :
i Les dispositions dés articles 3 et 4 seulement du présent décret seront applicables aux
anciens serviteurs domestiques de l'un et de l'autre sexe des maisons et établissements
religieux supprimés, qui y étaient encore attachés au moment de leur suppression, et
auxquels il n'aurait été assuré, d'ailleurs, aucun secoursfpar lesdites maisons et
établissements religieux par acte ayant date certaine antérieure au premier janvier 1789, et
qui auront rempli dans lesdites maisons le nombre d'années de service prescrit par lesdits
articles, sans que les années de service puissent être comptées avant l'âge de dix-huit ans.
Ne pourront néanmoins les secours annuels qui leur seront accordés, conformément auxdits
articles, excéder la somme de 150 livres pour ceux qui seront dans le cas de l'article 3,et
75 livres pour ceux qui seront dans le cas de l'article 4. » (L'Assemblée en adopte la
rédaction.) Suit le texte définitif du décret rendu : « L'Assemblée nationale, voulant
statuer sur
t L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de liquidation, considérant que pour remplir le voeu de l'article 13 du décret du 24 juillet 1790, celui du 20 août dernier, qui a déterminé les pensions et gratifications a accorder aux officiers ecclésiastiques et laïques, chantres, musiciens, organistes et autres personnés employées pour le service divin dans les chapitres supprimés, a besoin d'une explication et d'une interprétation qui en rende les dispositions plus étendues et plus applicables aux individus, eu égard à leur âge et au temps de leur service; et trouvant d'ailleurs dans la déduction qui a été prescrite par le décret du 10 décembre 1790, sur les revenus des ci-devant chanoines, les moyens de donner plus d'extension aux pensions et gratifications desdits officiers et employés, d'après les bases générales indiquées par le décret du 24 juillet 1790; après avoir rendu le décret d'urgence, décrète ce qui suit:
Art. 1er.
« Les officiers ou employés, ecclésiastiques ou laïques, des chapitres seculiers et
réguliers de l'un et de l'autre sexe, qui prouveront par acte capitulaire ou autre écrit
ayant date certaine antérieure au 1er janvier 1789, avoir été
reçus à vie ou avec convention de retraite, pour remplir dans les églises desdits chapitres
des fonctions relatives au service divin, sans avoir «té pourvus d'aucun titre de bénéfice
en considération desdites fonctions, auront pour traitement ou pension de retraite, .ce dont
ils jouissaient en gages et émoluments ordinaires fixes, ou la somme fixée pour leur
retraite par lesdits actes ou écrits, quelle que soit ladite somme.
Art. 2.
« Lesdits officiers ou employés, ecclésiastiques ou laïques, qui ne rapporteront aucune convention à vie ou de retraité, faite avec lesdits chapitres, recevront une pension ou gratification selon leur âge, le taux et la durée de leurs services, ainsi qu'il va être déterminé par les articles suivants.
Art. 3.
i Ceux desdits employés ou officiers, ecclésiastiques ou laïques, qui, à compter du 1er janvier 1791, auront atteint l'âge de 60 ans, avec 20 années de service dans une ou plusieurs églises, recevront à titre de pension la totalité de leurs gages et émolu ments ordinaires, sans que ladite pension puisse excéder néanmoins la somme de 400 livres.
« Jouiront de semblables traitements, ceux qui étant d'un âge au-dessous de 60 ans auront 30 années de service.
Art. 4.
« Il sera accordé, au même titre de pension, à ceux desdits officiers ou employés, âgés de
60 ans, qui n'ayant point 20 années de service en auront au moins 10, et à ceux qui étant âgés de 50 ans auront au moins 15 années de service, la moitié de leurs gages et émoluments ordinaires, et cependant ladite moitié ne pourra excéder la somme de 200 livres.
« Jouiront de semblable traitement, ceux qui étant d'un âge au-dessous de 50 ans auront 25 années de service.
Art. 5.
« Ceux qui étant âgés de 50 ans, n'auront point 15 années de service, mais en auront au moins 10, et ceux au-dessous de l'âge de 50 ans, qui auront depuis 15 jusqu'à 25 années de service, recevront à titre ae pension le tiers seulement de leurs gages et émoluments ordinaires, sans excéder toutefois le tiers de la somme de 400 li* vres.
Art. 6.
« A l'égard de ceux desdits officiers ou employés, qui n'auront point 15 années de service, et ne seront point dans le cas de l'application des articles précédents, relativement à leur âge, ils jouiront d'une simple gratification d'une somme une fois payée, qui sera fixée à une année de leurs gages et émoluments effectifs ordinaires, depuis 5 années de service jusqu'à 10, et à une année et demie desdits gages et émoluments, depuis 10 années de service jusqu'à 15.
Art. 7.
« Ceux desdits officiers ou employés qui n'auront pas 5 années de service, et ceux dont le service n'était point habituel, mais seulement déterminé à certains jours de l'année, comme de dimanche et de fête, autres néanmoins que les organistes, n'auront droit à aucune pension ni gratification.
Art. 8.
« Dans les années de service, ne seront point comprises celles où lesdits officiers ou employés auraient été enfants de chœur dans lesdites églises ou autres.
Art. 9.
« Il sera accordé aux enfants de chœur desdits chapitres supprimés, les mêmes gratifications ou secours que lesdits chapitres étaient dans l'usage de leur donner en sortant.
Art. 10.
« Ceux desdits officiers ou employés qui, dès avant la suppression desdits chapitres, avaient obtenu des pensions de retraite, dont ils jouissaient sans activité, continueront d'en jouir si elles sont établies par acte capitulaire ou autre écrit, ayant date certaine, antérieure au 1er janvier \lcQ,pour les sommes accordées par lesdits chapitres, attendu le retranchement desdites sommes sur les revenus desdits chapitres, dans la fixation du traitement de leurs membres, suivant le décret du 10 décembre 1790.
Art. 11.
« Lesdites pensions et gratifications seront liquidées et arrêtées définitivement, d'après les bases ci-dessus déterminées, par les directoires
de département, sur l'avis des directoires de district, et seront payées dans la même forme que les traitements des religieux et ci-devant béné-ficiers; et à cet effet, nouvel état en sera envoyé au ministre de l'intérieur, pour procurer les fonds nécessaires dans chaque département, conformément à l'article 4 du décret du 28 septembre dernier.
Art. 12.
« L'Assemblée nationale déroge au décret du 20 août dernier, en tout ce qui serait contraire aux présentes dispositions, le surplus dudit décret recevant son entière exécution.
Art. 13.
« Les dispositions des articles 3 et 4 seulement du présent décret seront applicables aux anciens serviteurs domestiques de 1 un et de l'autre sexe des maisons et établissements religieux supprimés, qui y étaient encore attachés au moment de leur suppression et auxquels ils n'aurait été, assuré, d'ailleurs, aucun secours par lesdites mai-sbns et établissements religieux par acte ayant date certaine antérieure au 1er janvier 1789, et qui auront rempli dans lesdites maisons le nombre d'années de service prescrit par lesdits articles, sans que les années de service puissent être comptées avant l'âge de 18 ans. Ne pourront néanmoins les secours annuels qui leur seront accordés, conformément auxdits articles, excéder la somme de 150 livres pour ceux qui seront dans le cas de l'article 3, et 75 livres pour ceux qui seront dans le cas de l'article 4. »
, au nom du comité de division, fait la troisième lecture (1) d'un projet de décret sur la suppression et la réunion des paroisses de Chi-non, dont la circonscription est présentée par le département d Indre-et-Loire. Ce projet de décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de division sur la sup-
Sression et réunion dés paroisses de la ville de
hinon, département d'Indre-et-Loire, en conformité de la loi du 24 novembre 1790, et les trois lectures faites dans les séances des 30 janvier, 2 avril et de ce jour, déclare qu'elle est en état de délibérer.
« L'Assemblée nationale, après avoir déclaré qu'elle est en état de délibérer, décrète définitivement ce qui suit:
Art. 1er.
« Les 7 anciennes paroisses de la ville de Chi-non, appelées Saint-Maurice, Saint-Louand, Saint-Mexme, Saint-Etienne, Saint-Mexme-les-Champs, Saint-Jacques et Parilly, sont réunies, pour n'en former que deux, sous les noms de Saint-Maurice et ae Saint-Mexme, suivant les limites désignées aux procès-verbaux du district et du département, des 22 juin et 12 octobre 1791, annexés à la minute du présent décret; de manière que les paroisses de Saint-Louand, Saint-Etienne, Saint-Mexme-les-Champs, Saint-Jacques et Parilly sont supprimées.
Art. 2.
« La paroisse de Saint-Jacques sera conservée
re série, t.
XLI séance du 2 avril 1792, page 80, la seconde lecture de ce projet de décret.
Art. 3.
« Celle de Parilly sera conservée comme oratoire de la paroisse de Saint-Jacques. »
(L'Assemblée décrète qu'elle est en état de délibérer définitivement, puis adopte le projet de décret.)
, au nom du comité diplomatique, fait un rapport (1) et présente un projet de décret, concernant la réclamation de la République des Grisons sur le mode d?avancement aux grades d'officiers et état-major du régiment de Salis-Marchelin ; il s'exprime ainsi :
Messieursj les régiments suisses et ceux des Etats associés, qui servent depuis longtemps avec tant de distinction dans les armées françaises, sont tous institués d'après une forme particulière convenue entre le roi et leurs cantons respectifs ; l'avancement des grades, la forme de l'administration intérieure sont garantis par la capitulation. Le seul régiment de Grisons, connu plus habituellement sous le nom de Salis-Marchelin, ne se trouve expressément compris dans aucune convention entre le roi et la Confédération des Ligues grises; il est vrai que le gouvernement français a souvent entretenu des communications à cet égard avec cette République, mais jamais il n'est intervenu un traité qui fixât d'une manière invariable la formation et la tenue de ce régiment. -
Dans cette situation, votre comité a senti qu'il était encore plus nécessaire de rechercher avec soin tous les titres qui peuvent servir à donner des éclaircissements, afin que l'Assemblée nationale, dans la délibération qu'elle va prendre sur la réclamation qui lui est présentée, puisse concilier avec la justice particulière et le bien du service le respect dû aux traité^ et aux relations politiques qui lient la nation française avec la Fédération helvétique et les Grisons ses associés.
En 1734, le roi donna la faculté au baron Travers, capitaine des gardes-suisses, de lever un régiment. La capitulation fut passée entre l'envoyé de France et ce particulier, en son privé nom. Il est dit dans cet acte que le régiment attaché à la nation, sera réputé grisou, et traité comme ceux avoués par les cantons Suisses.
La République permet le recrutement, et par cette adhésion tacite, elle avoue la levée de ce corps : il fut augmenté en 1745, sans altérer la nature de son institution, et a été conservé dans le même état jusqu'en 1763.
A cette époque, le roi, de son chef et sans le concours de la République, a publié une
ordonnance par laquelle il déclare vouloir rapprocher la composition de ce régiment de celle
de l'infanterie française; réserve à sa nomination les grades supérieurs et les compagnies,
et soumet par là le régiment et le mode d'avancement à sa volonté toute-puissante et
illimitée ; cependant comme il était prudent de ne point irriter la République, qui, par les
ressources de sa Constitution, aurait pu détruire le régiment lui-même, le roi chargea
l'ambassadeur de France auprès du corps helvétique, d'assurer la Confédération des Ligues
grises; que le régiment de leur nom serait traité comme toutes les autres troupes suisses, et
que l'avancement se ferait par ancien-
Votre comité s'est attaché à expliquer la contradiction manifeste qui existe entre l'arbitraire illimité qui résulte de l'ordonnance du roi, et la promesse faite de suivre les règles établies pour les autres troupes suisses.
La situation des choses à cette époque, l'expérience des temps qui se sont succédé, le crédit dont la famille Salis jouissait à la cour ont convaincu votre comité que cette famille, puissante d'ailleurs dans son pays, cherchait à éviter une capitulation expresse entre les 2 Etats, en conservant au roi les moyens d'exçrcer un arbitraire dont elle seule était sûre de jouir au préjudice des autres officiers, qui n'avaient d'autre protection que le mérite de leur service ; en effet, cette famille jouit de presque tous les grades supérieurs, et dispose du reste par son influence.
Tant que le despotisme de la Cour étouffait les plaintes des opprimés, le plus grand nombre des officiers ont toléré en silence la privation d'une récompense méritée ; mais à peine la Révolution s'est opéréè eh France, ils ont réclamé justice et ont demandé de participer à tous les grades, en raison de leur service.
Cette demande a été accompagnée de toutes les formes qui pouvaient la rendre légale et l'investir du caractère de la raison publique; d'abord les officiers, au nombre de 32, ont exposé leurs plaintes aux députés des 3 Ligues grises, en appelant à leur secours l'intervention de leur patrie pour une cause vraiment nationale ; cette réclamation a été communiquée par le gohvér-nement de la République et toutes les communes qui la composent. La Diète générale a accueilli la demande de ces citoyens ; et c'est ainsi qu'elle s'exprime, en communiquant au roi des Français le résultat de sa délibération :
« Nous venons d'apprendre avec surprise, Sire, par les mémoires de nos officiers au service de France, et expédiés à nos honorables communes, conformément à notre Constitution démocratique, qu'on a introduit des abus à leur préjudice et qu on se permet des écarts du système d'avancement par ancienneté, ainsi que de l'organisation établie parmi les régiments suisses au service de France. Le vœu de notre République, que nous sommes chargés de communiquer, est que l'avancement des officiers Grisons soit établi sur l'ancienneté, à,.commencer du dernier sous-lieutenant jusqu'au colonel inclusivement. » : ' f v
Par cet acte de justice nationale, la réclamation des officiers Grisons est devenue celle de la République entière ; c'est une nation souveraine et alliée de la France qui demande la réintégration d'un droit qui n'aurait jamais dû être violé, et qui se trouve aujourd'hui conforme aux principes constitutionnels des 2 Etats.
M. Montmorin, alors ministre des affaires étrangères, détermina le roi à faire une réponse, où, en éludant la question, le ministre garde le éilencé sur le remplacement des grades déjà vacants, et ajourne toute mesure jusqu'au renouvellement des capitulations avec les Suisses.
Les officiers, qui avaient su apprécier la réponse du ministre èt en prévoir les conséquences, s'adressèrent à l'Assemblée constituante, qui rendit, le 5 décembre, le décret suivant :
« Le roi sera prié de suspendre toute nomination aux emplois vacants ou qui viendront à vaquer dans le régiment de Salis-Marchelins et Grisons, jusqu'à ce qu'il ait été pris un parti
définitif sur le mode d'avancement qui sera fixé pour ce régiment, ou pour tout autre qui serait entretenu au service de France par la République des Grisons.
L'Assemblée chargea ensuite son président d'écrire une lettre à la confédération des Grisons, pour la prévenir du décret rendu sur sa demande, et l'assurer de la justice complète qu'elle avait droit d'attendre. Cette lettre fut reçue avec reconnaissance ; mais la République ne persista pas moins pour obtenir le remplacement provisoire, selon le mode qu'elle avait demandé.
Telle est aujourd'hui la situation de cette affaire : la question est réduite à ces termes : est-il juste, est-il nécessaire au bien du service de procéder dans ce moment, et sans attendre le renouvellement des capitulations, au remplacement des emplois vacants dans le régiment ae Salis? Et, dans ce cas, quel doit être le mode de ce remplacement?
Votre comité a senti que dans les circonstances où nous sommes, l'on ne pourrait laisser un régiment dépourvu pour plus longtemps des officiers nécessaires à son organisation complète ; qu'un tel remplacement est indépendant des capitulations futures, et que les hommes qui ont acquis des droits à des avancements par la nature de leur service, ne peuvent en être privés sans injustice.
Quant au mode d'avancement, il doit être établi sur les conventions positives, ou sur les règles de la justice et de l'égalité des droits ; les
Premières, quoique passées sans l'interventioii
irecte de la République, mais qui sont cependant avancées par elle, et qui ont servi de base à la communication faite par le roi, portent que l'avancement aux grades pour les troupes grisonnes en France, sera établi sur l'ancienneté de service, et d'après les règles adoptées pour les autres régiments suisses.. L'ordonnance de 1763 n'est donc qu'une violation de cette promesse, un acte contraire à la réciprocité due à cette nation, qui avait le droit d'intervenir dans toute mesure tendant à changer l'ordre constitutif d'un régiment qui lui appartient; mais dussions-nous supposer que cette ordonnance a pu être rendue sans blesser les principes du droit public ; elle ne serait alors qu'un acte de législation provisoire, que vous ne devez pas hésiter d'abroger, étant souverainement injuste.
Un motif plus puissant encore a déterminé votre comité à adopter l'avis qu'il vous propose, c'est le vœu solennellement exprimé par la nation grisonne, qui invoque en faveur de ses citoyens, les principes de la justice et de l'égalité, avec la noble confiance que devait lui inspirer l'Assemblée nationale de France, lorsqu'il s'agit de l'intéresser par des titres si sacrés. Que les ennemis de la liberté se nourrissent de coupables espérances ; qu'ils cherchent, par des complots astucieux, à détruire les alliances antiques qui réunissent si étroitement les Etats de l'Helvétie et ses associés à la France, ils ne pourront jamais parvenir à affaiblir les sentiments d'amitié qui lient deux nations depuis tant de siècles ; ils ne pourront pas les faire renoncer aux avantages profondément sentis qu'elles retirent de cette réciprocité sincère. Dans tous les temjps l'alliance de la France a été le garant de la liberté helvétique et des Etats associés ; mais la Révolution l'a encore purgée des inconvénients que le despotisme porte toujours lorsqu'il transige avec la liberté; le temps est passé où qucl-
q ues familles venaient en France s'investir des grâces de la Cour, et retournaient dans leur pays outrager ou corrompre les citoyens dont ils ne sont que les égaux; à l'avenir il n'existera pas un seul Suisse, un seul Grison dans les armées françaises qui ne doive s'attendre à une juste récompense de ses services, et qui ne puisse regarder comme son patrimoine toutes les places qu'il aura méritées. Tels sont les bienfaits que la Constitution française doit répandre sur nos honorables alliés et sur leurs troupes que nous aVons le bonheur de posséder. Plus d'une fois leur valeur fut signalée au service des rois, que ne pouvez-vous pas attendre aujourd'hui ae ces soldats-citoyens, modèles de la fidélité, de la discipline et de l'intrépidité dans les combats ; aujourd'hui qu'en défendant la liberté française, ils combattent indirectement pour celle de leur pays ! car quel est le génie qui oserait prévoir où s'arrêterait l'incursion de cette maison ambitieuse qui tourmente depuis des siècles les peuples et les générations, si elle parvenait à détruire notre Constitution et à diriger l'influence du despotisme qu'elle aurait rétabli en France? Quel serait l'Etat voisin qui ne tremblerait pour sa sûreté? Les champs de l'Helvétie attestent encore ses cruautés et ses défaites ; c'est sur les ruines du despotisme autrichien que les Suisses et les Rethes ont élevé des trophées à la victoire et à la liberté, et ils savent bien que l'impuissance d'un tel-ennemi est une partie de leur indépendance.
Voici le projet de décret :
Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, considérant qu'il importe au bien du service de procéder au remplacement des grades d'officiers, vacants dans le régiment de Salis-Grisons ;
« Que la confédération des trois Ligues grises a complètement exprimé son vœu pour que le remplacement fût fait d'après l'ancienneté des ser vices ;
« Que cette demande se trouve conforme à la justice, aux principes constitutionnels des deux Etats, et aux promesses faites par le gouvernement français à la République des Grisons;
« Que cette mesure ne peut contribuer qu'à rendre encore plus sensibles les avantages que la nation grisonne et le régiment de son nom doivent attendre de la Révolution française ;
« Décrète qu'il y a urgence.
Décret définitif.
L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète définitivement ce qui suit :
Art. 1er. Il sera procédé, sans délai, au remplacement de tous
les grades d'officiers ou état-major, vacants dans le régiment de Sdlis-Mar-chelin Grisons.
« Art. 2. Le remplacement aura lieu par ancienneté de service, et conformément aux règles établies à cet égard pour l'armée française. »
(L'Assemblée décrète l'urgence puis adopte le projet de décret.)
Un membre: Je viens de lire dans certains journaux que le ministre actuel se proposait de renvoyer les nouveaux administrateurs des postes pour les remplacer par d'autres qui seraient plus agréables à la Cour. Je saisis cette occasion
pour faire remarquer à l'Assemblée combien il serait nuisible à l'Administration et dangereux pour l'Etat, si le pouvoir exécutif pouvait destituer à tout propos et, suivant ses caprices, les administrateurs qui étaient de son choix. Je propose de charger le comité des finances de proposer une loi réglementaire à cet égard, et ae décréter, en attendant son rapport, que le pouvoir exécutif ne pourra faire aucun changement dans le directoire actuel des postes.
Plusieurs membres : Aux voix I
Il serait facile de démontrer que les principes seraient violés si le roi avait la faculté d'élire, et la faculté de destituer. Je demande que la discussion qui a été. ouverte sur cette question soit mise à l'ordre du jour dans le cours de la semaine prochaine, et qu'en attendant on suspende toute destitution, dans les administrations dont les membres sont à la nomination du roi. (Applaudissements à gauche et murmures à droite.)
Comment voulez-vous que le gouvernement prenne une assiette et marche, si toutes les 24 heures les nouveaux ministres, qui se succèdent, désorganisent tour à tour les administrations publiques 1 ( Vifs applaudissements à gauche.) Si l'on ne pouvait pas pré venir et empêcher ce bouleversement perpétuel, ce serait une preuve que la Constitution ne pourrait point aller. Soyez sûrs que le pouvoir exécutif n'oubliera pas les administrateurs des postes qui vous ont dénoncé les franchises dont jouissaient les ennemis de la patrie. (Vifs applaudissements à gauche et dans les tribunes.) J'appuie la motion de M. Reboul. (Nouveaux applaudissements.)
Plusieurs membres :Nous demandons le renvoi pur et simple au comité des finances !
D'autres membres : La question préalable !
Il n'est pas permis aux ministres de destituer arbitrairement les citoyens qui composent les administrations. Les emplois dont il s'agit ne sont pas des emplois dont on puisse destituer. Je demande donc que l'Assemblée décrète que les agents actuellement en place ne puissent être destitués de leurs emplois, (Murmures à droite.) s'ils ne sont pas exceptés de lia-règle générale par une loi. Point de difficulté que les ministres ont le droit de destituer des agents qu'ils emploient; mais alors que les citoyens revêtus d'emplois dans cette partie, soient sûrs de n'être destitués qu'en vertu de la loi.
Un membre : Je demande qu'on passe à l'ordre du jour!
Je demande le renvoi au comité. S'il dépendait d'un ministre livré à une faction quelconque de destituer arbitrairement les citoyens qu'ils emploie, alors le pouvoir exécutif serait véritablement paralysé. Je demande que l'on renvoie à un comité..
Je pose la question ainsi : « L'Assemblée nationale décrète qué les agents généraux du pouvoir exécutif ne pourront être destitués que d'après le mode établi par elle, et renvoie à son comité de l'ordinaire des finances pour déterminer ce mode.
Plusieurs membres : La question préalable !
(L'Assemblée décrète qu'il y a lieu à délibérer sur le projet de M. Ducos.)
Plusieurs membres : Nous demandons que l'urgence soit mise aux voix !
La Constitution, accordant
au roi le droit de nommer les directeurs des postes, le rend responsable dç cette administration. Je demande, en conséquence, que le pouvoir exécutif soit dégagé pendant le même temps de la responsabilité. (Vifs murmures à gauche.)
Il ne s'agit que de motiver l'urgence, et c'est sur ce seul point que la discussion est établie : je vais, Messieurs, vous en donner les motifs.
Il vous a été dénoncé de grands abus, qui ont dû vous prouver qu'un citoyen employé dans une administration de ce genre, sera souvent victime de son zèle si vous ne rendez pas une loi. Il faut motiver l'urgence sur ce que l'arbitraire des agents supérieurs du pouvoir exécutif pourrait désorganiser à chaque instant toutes les administrations secondaires. Je demande donc que l'urgence soit ainsi motivée.
Plusieurs membres : La question préalable !
Non, voici comme on peut la motiver. L'Assemblée nationale, considérant qu'il est urgent pour les Jacobins d'avoir le secret des lettres, décrète qu'il y a urgence. »
Voici comment on peut motiver ce décret :
« L'Assemblée nationale, considérant que les administrateurs des postes ont été destitués arbitrairement, et ne voulant pas que ceux qui les ont remplacés puissent être traités de la même manière, a décrété et décrète qu'il y a urgence. » (Vifs applaudissements à gauche.)
Plusieurs membres : La priorité pour la rédaction de M. Lasource.!
D'autres membres : La question préalable !
(L'Assemblée décrète l'urgence motivée par M. Lasource.)
Plusieurs membres : Aux voix l'amendement de M. Brémontier.
Je réponds à M. Brémontier. Je demande si l'administrateur des postes commettait quelque infidélité, si ce serait sa tête que l'on couperait ou celle du ministre. Les motifs qui déterminent l'opinion de ces messieurs, c'est qu'ils voudraient voir revenir les administrateurs qui avaient conservé les contre-seings de tous les ennemis de la patrie. (Vifs applaudissements des tribunes
(L'Assemblée rejette l'amendement de M. Bré-montier.X ( Vifs applaudissements.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture de la rédaction de M. Ducos :
« L'Assemblée nationale décrète que les administrateurs des postes ne pourront être destitués, à l'avenir, que suivant le mode décrété par l'Assemblée nationale ; et renvoie à son comité de l'ordinaire des finances pour déterminer ce mode. »
(On met aux voix la rédaction.)
Trois secrétaires ont au doute, deux n'en ont point; je vais faire procéder à l'appel nominal.
, secrétaire, commence l'appel nominal; il se continue jusqu'à la lettre E.
Monsieur le Président, je demande la parole.
Plusieurs membres : Laissez continuer l'appel, on n'interrompt point un appel nominal au milieu; à l'ordre ! (Vive agitation).
Plusieurs membres parlent ensemble.
Un de MM. les secrétaires relit la rédaction de M. Ducos :
« L'Assemblée nationale décrète que les administrateurs des postes ne pourront être destitués, à l'avenir, que suivant le mode décrété par l'Assemblée nationale, et renvoie à son comité de l'cirdinaire des finances pour déterminer ce mode. »
L'Assemblée doit se rappeler que, dans ma première proposition, j'avais dit : les administrateurs pourront. Lorsque je rédigeai au bureau ma proposition, le tumulte qui avait lieu autour de moi m'a causé une distraction; j'ai oublié le mot généraux. Je demande qu'il soit rétabli.
Je demande que ce décret soit étendu à tous -les administrateurs généraux.
Nous marchons de piège en piège, je demande le renvoi pur et simple au comité.
Il a été fait plusieurs propositions, l'Assemblée a été consultée. On a épuisé dans cette discussion, la grande tactique des ordres du jour, question préalable et priorité. La proposition que je défends a obtenu la priorité, on a délibéré dessus, le mot qu'on y a ajouté ne change rien.
Dès que cela ne change rien, votre éloquence est perdue.
Dès que cette proposition a obtenu la priorité, il faut nécessairement que l'Assemblée délibère dessus. Il faut donc la mettre aux voix, et s'il y a du doute, on recommencera l'appel nominal.
Messieurs, la chaleur qu'a mise M. Delacroix, et la manière dont il vient de conclure, prouvent qu'il y a quelque chose de changé dans la question, car lui-même vient de conclure à ce qu'on fît une nouvelle épreuve. (Murmures à gauche.) Mais, Messieurs, Ce qui vous a été proposé, ne change rien à la pensée du législateur. (Nouveaux murmures.) Ce que vous avez trouvé bon dans un temps, doit encore l'être, aujourd'hui que la même circonstance se présente... (Murmures prolongés.)
Lorsque la conduite de M. Clavière vous fut dénoncée par M. Lucy, quelle fut la conduite de l'Assemblée nationale? (Vive agitation.)
Elle jugea qu'elle devait passer à l'ordre du jour. Je pense que les époques des ministères ne doivent rien changer dans l'esprit des législateurs qui doivent ne se décider que selon les principes. Je demande de nouveau le renvoi au comité.
Quelques membres se sont opposés à la loi qui a été proposée; mais on n'aurait trouvé aucune opposition, si l'on eût étendu la mesure, non seulement aux administrateurs des postes, mais à toutes les autres administrations; je demande que l'objet du décret soit étendu à toutes les administrations.
Messieurs, le principe qu'on regarde comme si extraordinaire, l'Assemblée nationale l'adéjà décrété; en étendant l'objet du décret, non seulement à l'administration des postes,-mais encore à toutes les administrations ; alors la loi devient générale et juste. Vous avez décrété le mode par lequel les agents de l'administration des assignats pourront être destitués, et c'est ce principe-là qu'on vous propose d'étendre, non seulement à l'administration des
Eostes, mais à la trésorerie riàtionale, mais au ureau de comptabilité, mais à la commission des monnaies.
Plusieurs membres : Renvoyez au comité !
Je demande donc, puisqu'on a rouvert la discussion là-dessus, relativement à l'administration des postes, que l'on y comprenne les trois administrations que j'ai nommées ; et je demande qu'on, aille aux voix, non par appel nominal, mais par assis et levé.
M. Reboul est parti de la supposition que l'administration des monnaies était dans la dépendance du pouvoir exécutif. 11 n'est pas vrai qu'elle soit dans cette dépendance ; elle en est totalement séparée, en sorte que l'exemple proposé n'est point applicable à la question.
Plusieurs membres : Le renvoi pur et simple au comité!
Une simple question, Messieurs, divise en ce moment l'Assemblée. D'un côté, l'on craint qu'en rendant une loi dans ce moment, on puisse choquer les principes; d'un autre côté, l'on craint (et peut-être avec raison), que les agents secondaires, c'est-à-dire les administrateurs généraux ne puissent être démis dé leurs fonctions. Si vous vous déterminez à envoyer au comité, sans au préalable avoir prononcé la suspension, cette crainte me paraît fondée parce que vous en avez donné l'exemple en passant à 1 ordre du jour. Lors de la dernière demande qui vous fut faite par le ministre de la marine, vous décrétâtes que le renvoi que vous faisiez à votre comité de marine, ne pouvait point suspendre la nomination des officiers, pour le remplacement qui était déjà statué précédemment. Les agents du pouvoir exécutif ont cet exemple frappant devant eux, dont même ils n'avaient pas besoin ; parce qu'un renvoi à un comité ne peut émpêcher l'exécution des lois existantes; et comme certaines lois paraissaient autoriser les ministres à destituer les agents secondaires, je crois qu'il est prudent, dans ce moment, de prononcer la suspension de la destitution de tous les administrateurs généraux, jusqu'à ce que le mode de destitution soit déterminé. Je Crois, Messieurs, que M. Ducos ne vous propose aucune autre mesure, et je ne vois pas d'inconvénient à l'adopter.
Plusieurs membres demandent la parole pour combattre cette proposition.
Je mets aux voix cette proposition.
Plusieurs membres : L'appel nominal!
(L'Assemblée ferme la discussion.)
met dans le bruit la proposition aux voix. (Vives réclamations à droite. — Applaudissements des tribunes.)
Monsieur*le Président, je demande la parole contre vous.
(L'Assemblée décrète que M. Fressenel ne sera pas entendu.)
annonce que M. Gérardin a réuni la majorité des suffrages pour la présidence. (Applaudissements à droite.)
Plusieurs membres : A bas du fauteuil !
(de Nantes) descend.
prend le fauteuil. (Appplaudisse-ments réitérés à droite.)
PRESIDENCE DE M. GÉRARDIN.
Je demande la lecture du texte du décret rendu, puisqu'on n'a pu l'entendre au moment du vote.
Il est évident que la rédaction...
Je demande si la discussion est rouverte.
Je demande la parole sur la rédaction. C'est pour la faire expliquer, c'est-à-dire, je demande qu'elle soit prononcée dans le même sens qu'elle a été proposée. Or, certainement M. Ducos n'a pas demandé qu'on fixât le mode de destitution^ que le pouvoir exécutif pourrait employer. C'est une très grande question que de savoir si vous attribuerez la destitution au pouvoir exécutif. Sans doute, l'Assemblée nationale n'a pas préjugé cette question. Je demande donc qu'il soit mis dans la rédaction, « jusqu'à ce que l'Assemblée nationale ait fixé le mode d'exécution. »
La proposition de M. Guadet justifie pleinement la réclamation qui avait été faite d'entendre la rédaction avant de mettre le décret aux voix. Si l'Assembléè se déterminait à prendre en considération la proposition de M. Guadet, qui change tout à fait le sens de la rédaction.....
Plusieurs membres : Non! non!
Un membre : Cela ne change rien !
Si cela ne change rien, il faut laisser le-décret tel qu'il est.
Si l'Assemblée se déterminait à prendre en considération les observations de M. Guadet, la
Première chose à faire serait de rapporter le écret qui a été rendu. Quand il y a changement dans la rédaction, elle doit être proposée avant que le décret ne soit mis aux voix. 11 est impossible de laisser prononcer ainsi au gré de quelques orateurs le vœu de la majorité du Corps législatif.
On m'a observé que c'est M. le secrétaire qui s'est trompé. A l'autre décret* c'était M. Ducos qui s'était trompé. Sa rédaction a été changée par M. Rouyer, et l'Assemblée l'a adoptée sans que la contre-épreuve ait été faite. M, Guadet a voulu faire croire ensuite que M. Rouyer s'était aussi trompé. Je ne vois pas de terme à une pareille délibération. (Rires.)
Il est donc indispensable, puisque la proposition nouvelle diffère évidemment de la première, de commencer par rapporter le premier décret, et de présenter ensuite une nouvelle rédaction; même recommencer la discussion. (Vive agitation.)
C'est Une erreur de M. Ducos : l'Assemblée va en juger. Voici ma rédaction :
« L'Assemblée nationale décrète la suspension provisoire de toute destitution jusqu'à ce
qu'elle ait fixé le mode d'après lequel cette destitution pourra avoir lieu, et renvoie à
son comité de l'ordinaire des finances, pour lui en faire le rapport. » (L'Assemblée adopte
cette rédaction.) Les six ministres entrent dans la salle. Ils viennent, conformément au
décret rendu l'avant-veille (1), rendre compte à l'Assemblée des me-
,ministre de la justice.Le compte que j'ai à vous rendre, des mesures que le roi a prises pour maintenir l'ordre public, et assurer la paix et la prospérité de l'Etat, n'est pas bien étendu en ce qui concerne le département de la justice. Ma grande fonction relativement aux tribunaux se réduit presque tout entière à leur transmettre les lois ; à veiller à ce qu'elles soient religieusement observées, à faire respecter les juges, et à procurer l'exécution des jugements ; et, à cet égard, je puis assurer que tout ce qui a pu être fait a été fait, et que si des obstacles imprévus ont quelquefois et trop souvent suspendu l'action de la justice, on a tout tenté, tout employé pour vaincre ces obstacles, et le plus grand nombre a déjà entièrement disparu.
Je voudrais pouvoir mettre sous vos yeux l'ensemble dé ma correspondance, plus de 12,000 lettres de décision ou d'instruction que j'ai écrites depuis que je suis entré dans le ministère, vous y verriez que je n'ai pas été tout à fait inutile à ma patrie. J'ai porté l'amour de vos lois jusque dans les prisons les plus obscures, et par moi peut-être votre nom a été béni de ces malheureuses victimes de la tyrannie de l'ancienne jurisprudence, à qui j'ai envoyé des lettres de consolation, en attendant que vous me mettiez à portée de leur envoyer vos lettres de grâces.
Quant aux troubles religieux, je n'ai rien négligé de ce qui pouvait m'être permis pour lés faire cesser. J'ai répandu l'instruction par des lettres circulaires qui ont produit les plus heureux effets. Je n'ai négligé aucune occasion pour exciter le zèle et la surveillance des fonctionnaires publics, et ma correspondance avec les tribunaux, avec les commissaires du roi, avec les ministres, avec les corps administratifs, a été aussi active que consolante. Ces troubles étaient parvenus au dernier degré de leur effervescence, dans les premiers jours de mon administration ; partout ils se manifestaient par des événements plus ou moins sinistres, plus ou moins déplorables. Aujourd'hui le calme se rétablit insensiblement. (Murmures à gauche.) Les tribunaux agissent avec une infatigable persévérance, et leur courage en impose aux malintentionnés, autant que leurs jugements les effraient depuis plusieurs jours. Les dépêches que je reçois sont beaucoup moins alarmantes; et je puis faire espérer aux représentants de la nation, que bientôt la France entière bénira la Constitution, parce que bientôt elle jouira de tous ses bienfaits.
J'ai l'honneur, Messieurs, de demander un mode de procédure, et des peines dignes d'un
peuple libre, contre les écrits que réprouve la Constitution; des peines contre les
perturbateurs du repos public, et la définition précise de ce qu'on doit entendre par les
mots perturbateurs du repos public. Daignez vous occuper de donner^ à la nation ce nouveau
secours qui lui manque, et dont la seule privation nuit plus à la chose publique, que tous
les efforts de tous les ministres ne pourraient lui servir. Saisissez-vous du Gode pénal,
remplissez-en les lacunes, et je vous
, ministre de l'intérieur. Messieurs (t), l'Assemblée nationale me demande compte des moyens que j'ai pris pour arrêter les troubles excités par le fanatisme.
J'ai l'honneur d'exposer à l'Assemblée que depuis 6 jours que je suis au ministère toute ma sollicitude s'est portée sur la capitale. Jour et nuit j'ai été douloureusement occupé des moyens de rétablir l'ordre public. J'ai déjà rendu compte à l'Assemblée de mes soins et, quoique l'ordre soit rétabli en apparence, il règne encore une fermentation qui annonce de nouveaux orages, et peut-être des orages plus affreux que ceux auxquels nous venons d'échapper. On m apprend de toute part que des agitateurs sont répandus dans les départements circonvoisins de la capitale, qu'ils cherchent à soulever le peuple pour l'attirer à Paris, et c'est pour lundi prochain qu'on nous menace de nouvelles scènes d'horreurs. L'Assemblée peut juger elle-même, si au milieu de cés agitations continuelles, j'ai pu, j'ose même dire, si j'ai dû m'occUper d'autre chose que de prévenir le danger du moment.
Il ne m'a pas encore été possible de prendre connaissance des mesures de mes prédécesseurs; et en parcourant ma correspondance, je n'ai trouvé qu'un seul fait relatif aux prêtres non assermentés de la Gôte-d'Or. Il vous en a, été rendu compte hier. Le directoire me mande que dans la nuit du 19, des citoyens, affligés de la
{>erte de leurs frères morts pour la défense de a patrie, et ayant lu dans les papiers publics que des prêtres émigrés avaient combattu sous les drapeaux de nos ennemis, ont arrêté tous les prêtres non assermentés de la ville de Dijon, et les ont enfermés dans un même lieu ; j'ignore les suites de cette arrestation illégale, et la loi était encore sans force au moment où le directoire m'a écrit.
La seule mesure que le temps m'ait permis de prendre, est une lettre circulaire aux administrateurs des 83 départements, dont je vais faire part à l'Assemblée ;
« Paris le 19 juin 1792, l'an IVe de la liberté.
« Tandis, Messieurs, que les ennemis de la nation française l'ont forcée, par leur
provocation, à déployer l'étendard de la guerre pour la
24, n« 96. '
« On peut assigner différentes causes aux troubles dont nous sommes agités; une des premières est la circulation des grains.
« Vous connaissez, Messieurs, les lois sur cet objet ; c'est à vous à les mettre en vigueur; mais avant de déployer leur sévérité, toujours affligeante, ne négligez aucun des moyens d'instruction; apprenez au peuple que si les arrestations de grains lui procurent un secours momentané, elles tarissent la source qui peut fournir à ses besoins, en éloignant des marchés les commerçants, qui, dès l'instant qu'ils voient leurs propriétés exposées au pillage, cessent toutes leurs spéculations.
« Une cause plus dangereuse encore, est la différence des opinions religieuses. L'Assemblée constituante a reconnu qu'il n'appartenait pas au législateur de statuer sur les rapports de l'homme avec l'être suprême ; en conséquence, elle a déclaré que nul ne peut être inquiètp pour ses opinions, mêmes religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi. Par une autre disposition de la loi constitutive, l'Assemblée constituante a décrété la tolérance de tous les cultes. Ces deux articles, dictés par la sagesse, en laissant à l'homme la liberté qui lui appartient, donnent aux autorités constituées le droit de poursuivre tous ceux qui abusent du nom de la religion pour égarer le peuple. Dans toutes les parties du royaume, on parle du fanatisme des prêtres. Le roi veut que ceux d'entre eux qui troublent la tranquillité publique, soient poursuivis devant les tribunaux avec la plus grande sévérité. Si les agitateurs fanatiques, à quelque système réligieux qulls appartiennent, sont punis par le glaive de la loi, le peuple renoncera aux vengeances illégales qui le déshonorent, et laissera chacun jouir paisiblement des droits qui lui sont assurés et garantis par la Constitution.
« Il existe encore une classe d'agitateurs que vous devez surveiller : ce sont ceux qui, mécontents des nouvelles lois, voudraient voir renaître le règne des abus. Ceux-ci se couvrent souvent d'un masque imposteur, et ils ne feignent d'aimer la liberté, que pour déchirer leur patrie avec plus de succès et de sûreté.
« Opposez à tous l'égide des lois; éclairez le peuple sur ses véritables intérêts : dites-lui que si les lois sont méprisées, si les vengeances particulières en prennent la place, la France sera ensevelie sous ses débris, et que du milieu des horreurs de l'anarchie on verra renaître le despotisme.
« Justifiez, Messieurs, la confiance dont vos concitoyens vous ont honorés; c'est vous surtout, qui, en vous occupant du rétablissement de l'ordre public, pouvez plus efficacement assurer le règne de la liberté.
J'attends de vous des renseignements utiles
âui puissent me mettre en état d'instruire Sa ajesté de la véritable situation du royaume : ces renseignements doivent être appuyés sur des faits recueillis avec l'impartialité la plus sé-
vère. Quand il s'agit de liberté, il s'agit aussi de justice; et j'ai une trop haute opinion des principes qui vous dirigent, pour n'être pas convaincu que vous penserez comme moi: que s'il existe un moyen de rétablir la paix dans l'Empire, c'est principalement de la justice impartialement rendue à tous, qu'il faut l'attendre. »
« Le ministre de l'intérieur, « Signé : Terrier. »
Voilà ce que j'ai dû faire et ce que j'ai fait jusqu'à présent.
Je m'occupe actuellement de recueillir tous les faits qui peuvent m'éclairer sur les désordres du royaume, et sur les causes de ces désordres; dans une matière si importante, je ne dois parler que d'après des faits.
Sitôt que mon travail sera fini, je le mettrai sous les yeux du roi ; Sa Majesté déterminera, dans sa sagesse, les mesures les plus propres à rétablir partout le règne de la justice, en employant tous les moyens que lui donnent la Constitution et les lois de l'Etat.
Je ne doute pas, Messieurs, que dans le cas où ces moyens seraient insuffisants, vous y suppléerez par les mesures que vous dicteront votre amour pour la liberté et votre respect pour les droits que la Constitution garantit à tous les citoyens, et dont le dépôt sacre est entre vos mains.
Dès que Sa Majesté m'aura fait connaître ses intentions, j'en rendrai compte à l'Assemblée.
Là se bornent mes fonctions. Je réponds à l'Assemblée de mon zèle pour remplir mes devoirs, et de mon empressement à présenter avec loyauté les renseignements qu'elle demandera. ' Observateur fidèle de la loi, j'emploierai avec une sévère impartialité tous les moyens qui mè sont confiés pour la faire respecter.
Aussitôt que mon département a été instruit que le roi avait mis le veto sur le décret des prêtres, plusieurs ont rétracté leur serment. Cela ressort d'une lettre particulière que je viens de recevoir, Il y est dit que les prêtres non assermentés s'y rendent chaque jour plus puissants et plus audacieux par suite de l'impunité, que les patriotes y sont tourmentés de toutes manières. Des curés assermentés ont été chassés et maltraités et les choses sont portées au point que l'état de cette partie des frontières ne peut être qu'inquiétant lorsqu'elle est menacée par l'ennemi extérieur. Si le décret rendu par le Corps législatif n'est pas sanctionné, les ennemis de la chose publique triompheront complètement.
Les rapports qui vous sont faits par les ministres du roi ne remplissent point le vœu de votre décret ; et j'ose dire qu'on ne s'ést jamais joué aussi impunément des décrets de l'Assemblée nationale. (Applaudissements réitérés à gauche et dans les tribunes.) Ce ne sont point des rapports partiels que vous avez demandés aux ministres du roi. Vous avez voulu que comme formant le conseil du roi, et comme solidaires en Ce sens...(Murmures à droite et au centrey applaudissements des tribunes.) des troubles que pourrait exciter la non-sanction des deux décrets que vous avez rendus... (Murmures à droite et au centre, applaudissements des tribunes.)
Un membre : Les ministres ne sont pas res-
ponsables de la sanction t La sanction n'appartient qu'au roi !
Je rappelle aux tribunes que toutes marques d'approbation ou d'improbation sont interdites.
Je rappelle ici l'opinion unanime de votre commission extraordinaire, opinion bien prononcée dans le décret que vous avez rendu.
Oui, Messieurs, dès que des ministres consentent à entrer au conseil du roi, au moment où de grands troubles agitent le royaume, et que cependant les décrets que vous avez rendus sont suspendus par le droit dont le roi a usé, et que la Constitution lui donne, de leur refuser la sanction, de deux choses l'une, ou ils ont trahi la chose publique, ou ils ont d'avance des mesures suffisantes pour arrêter les troubles. (Applaudissements à gauche et dans les tribunes.) Voilà, Messieurs, le sens dans leqtiel votre décret a été rendu ; et, certainement j'ai eu raison de dire que les rapports particuliers que vous ont déjà faits les ministres du roi^ne remplissent pas le vœu des décrets. Je demande que M. le Président leur annonce que l'Assemblée nationale attend d'eux, conformément au décret, un compte général, non des lettres écrites aux tribunaux et aux corps administratifs, mais des mesures par lesquelles ils promettent à l'Assemblée d'arrêter les troubles. (Applaudissements à gauche et dans les tribunes.)
Plusieurs membres : N'en fomentez plus, et on les arrêterai
Messieurs, dans l'indépendance et l'harmonie qui doivent régner, tour à tour et à la fois, entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif, l'Assemblée nationale doit trouver les ressources qui doivent suffire à faire la prospérité du royaume. L'opinion de M. Guadet ne m'a pas paru respecter ces deux bases inébranlables ae la Constitution. Cherchant d'une manière détournée à susciter une responsabilité d'un nouveau genre; affectant de parler du veto. comme d'une chose à laquelle le conseil du roi était tenu de trouver un remède qui plût aux personnes qui avaient voté pour ce décret qui n'a pas été sanctionné, il me semble avoir porté une funeste atteinte à l'indépendance de ce pouvoir national dont le roi est seul dépositaire. Il me semble s'être placé à côté de ces hommes égarés, qui, poursuivant dans les mains du roi l'indépendance de ce pouvoir, ont tenté d'une manière, qui serait audacieusement criminelle, (si ce n'était pas le résultat de l'égarement) de violer entre ses mains cette indépendance. Si quelque chose est propre à propager dans l'Empire des troubles interminables, ce sont des opinions de cette espèce, proférées avec l'assurance que doivent donner le talent et le patriotisme, mais que de plus solides réflexions devraient faire expirer dans la bouche des représentants de la nation.
Oui, Messieurs, les ministres qui sont actuellement devant vous, en entrant dans le conseil du roi, dans ce moment de crise, ont dû sentir tous les engagements qu'ils prenaient et que leur imposait cet acte, que je crois un acte de civisme; mais l'Assemblee nationale les doit secourir. L'Assemblée nationale ne doit pas se rappeler qu'ils peuvent être ou n'être pas les conseillers du refus de sanction, qui est un acte personnel du roi, mais qu'ils sont destinés à marcher, avec elle, sous ses ordres, à beaucoup
d'égards^ et toujours sous sa surveillance, au bonheur public. Je me réduis donc à faire une motion qui doit remplir les intentions de l'Assemblée nationale. Je me résume en faisant la motion que l'Assemblée nationale autorise sa commission extraordinaire à entrer en étroite et continuelle conférence avec lé ministrè. (Applaudissements à droite et murmures à gauche.) J'observe à l'Assemblée que cette opinion me paraît d'autant moins faite pour y exciter des murmures, qu'elle est conforme, en général, à ceux de ses décrets par lesquels elle a formé des commissions particulières pour des objets d'administration.
J'ajoute que, dans le moment actuel, l'Assemblée nationale doit donner à cette mesure géné-rade un caractère encore plus précis et plus particulier ; et elle ne doit pas douter qu'il n'en résulte, sous très peu de jours, les conclusions les plus propres à calmer son impatience, et à produire des lois, qui se concilieront à la fois avec le respect dû aux principes de là Constitution et avec les besoins très pressants du royaume.
A la première phrase du rapport du ministre de la justice, j'ai très bien vu, connh? Ta dit M. Guadet, que les ministres s'étaient partagé un rapport, dans la vue d'éluder absolument les dispositions du décret. Vous; vous rappelez que le vœu de la commission extraordinaire n'a pas été de demander à chaque ministre un compte de la partie d'administration de son département; mais de demander à tous, en présence de tous, comme formant le Conseil dur-roi; compte des mesures par lesquelles ils se préparaient à pourvoir à la sûreté de l'Etat contre l'ennemi, par une augmentation de forces suffisantes à l'époque du 14 juillet, ou du moins dans un délai très prochain; 2° des mesures qu'ils se proposaient de prendre pour arrêter les troubles occasionnés, dans tous les départements du royaume, par les perturbateurs fanatiques. Au lieu de cela, que vous disent les ministres? L'un vous instruit de sa correspondance avec les tribunaux, et vous dit qu'il a donné des ordres pour poursuivre ; l'autre vous dit qu'il y a des troubles dans différents endroits, et encore, comment vous le dit-il? En supprimant une partie des choses qui sont écrites par les administrations ; c'est-à-dire, xju'on lui annonce simplement que la loi est sans force; mais on lui dit pourquoi la loi est sans force; parce que les mesures qui ont été proposées ont été rejetées, parce qu'il n'y a aucun moyen répressif suffisant. (Vifs applaudissements à gauche.)
Je réponds présentement à M. Ramond : il semble qu'il suffise d'invoquer la Constitution, pour sacrifier la Constitution. (Applaudissements à gauche et dans les tribunes.) M. Ramond vous a dit qu'il fallait inviter la commission à entrer en conférence avec les ministres, sur les troubles, et les moyens de les réprimer. La commission a bien prévu qu'elle aurait des éclaircissements à demander aux ministres, mais non pas des conférences (Applaudissements.) qui tendent à éluder la responsabilité (Applaudissements des tribunes.), en s'appuyant de quelques décisions de comité, ce qui a produit déjà tant de mal. Je dis que la responsabilité doit êtré maintenue dans toute son intégrité ; et quand on nous dit que le chef du pouvoir exécutif èst indépendant, on ne fait que répéter ce qui est dans le cœur de tous les représentants de la nation. (Applaudissements.)
J'ose dire que la conférence est absurde, qu'elle est dérisoire, et il suffit de l'annoncer; la conséquence qu'il en faudrait tirer, suivant le langage de M. Ramond, c'est que les grands intérêts de la nation entière peuvent être compromis, peuvent (être sacrifiés, sans qu'il y ait de responsabilité d'aucune part. Le vaisseau de l'Etat pourrait être submergé et ceux qui auraient eu l'audace de conserver sur le gouvernail une main coupable ne pourraient être punis. Je demande que M. le Président déclare aux ministres qu'ils n ont point satisfait au décret ; en d'autres termes, je conclus en appuyant la motion de M. Guadet.
Je demande lecture du décret concernant le compte que doivent rendre les ministres.
(.Aisne.) Je demande que tous les événements soient mis à la responsabilité du pouvoir exécutif.
Je viens présenter à l'Assemblée une simple exposition des faits.. Il est très vrai, comme l'a dit M. Guadet, que l'avis unanime de votre commission extraordinaire a été de vous présenter un projet dé décret, par lequel l'Assemblée nationale demanderait aux ministres du roi, en présence de tous, un compte des mesures qu'ils avaient prises pour le maintien de l'ordre et de la tranquillité publique dans tout le royaume ; mais il n'est pas également exact que ce compte leur ait été demandé ici pour les rendre responsables du défaut de sanction. (Murmures à gauche.) Messieurs, c'est un hommage que je dois à la vérité, et qu'il est de mon devoir de lui rendre. Votre commission n'a pas même préjugé si les six ministres vous rendraient un seul compte, ou si ce compte serait, le résultat général de leurs opérations partielles. L'Assemblée jugera, d'après lê compte qu'elle aura entendu par chacun des ministres qu'elle a appelés devant elle, si, dans les mesures qu'ils ont prises, ils ont rempli leurs obligations, ou s'ils sont restés en arrière ; mais ce que je dois dire à l'Assemblée, c'est que l'objet unique (et sans rien préjuger) de votre commission extraordinaire, a été d'avoir un aperçu général des mesures qui avaient été prises, à l'effet que les mesures que votre commission extraordinaire est chargée de vous présenter pussent se combiner avec les mesures déjà prises par le pouvoir exécutif, à l?effet d'arriver plus tôt au but où nous aspirons tous, qui est le rétablissement de la tranquillité publique.
Je dois observer, comme rapporteur de la commission, que je n'ai pas dit un mot qui ne soit écrit et adopté par elle, que je l'ai déposé au bureau ; et l'on verra, par le rapport et par le décret, que dans le commentaire qu'a fait M. Muraire, il n'a pas saisi la délibération.
, secrétaire, donne lecture du décret :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de sa commission extraordinaire, décrète que les ministres du roi se rendront demain, à midi, à l'Assemblée, et que le présent décret sera envoyé sur-le-champ à chacun d'eux.
« L'Assemblée nationale décrète que, lorsque les ministres se seront rendus à la séance, en exécution du précédent décret, le président de l'Assemblée leur fera connaître, en ces termes, les intentions de l'Assemblée :
« Deux objets urgents et de la plus haute importance, excitent en ce moment la sollicitude du Corps législatif.
« Le premier est la nécessité d'arrêter les troubles excités par le fanatisme; le second est l'intérêt pressant de placer une armée de réserve entre les frontières et le roi.
« Le roi est chargé par la Constitution de veiller à la sûreté générale de l'Etat ; l'Assemblée nationale vous ordonne de lui rendre compte par écrit, à sa séance de demain, des mesures qui ont été prises. »
Je demande la parole.
Messieurs, à part les leçons, très fraternelles, sans doute, que M. Ramond a cru devoir m'adresser. M. Ramond me permettra de ne désavouer, ni aucun des principes que j'ai énoncés, ni aucune des expressions dont je me suis servi pour les énoncer. M. Ramond et moi ne voyons pas probablement les dangers de notre patrie de la même manière. (Applaudissements à gauche.) Si M. Ramond a cru pouvoir me placer à côté de ces hpmmes qui ont voulu arracher au roi, par la force des armes, un consentement qu'il avait déjà refusé à deux décrets de l'Assemblée nationale (soupçon qui aurait bien dû expirer davantage sur la bouche de M. Ramond que les expressions mêmes qu'ils me reprochait), M. Ramond m'autoriserait, peut-être, à le placer à côté de ces hommes, les seuls par lesquels nous péririons, si nous devions périr.... (Applaudissements réitérés des tribunes.)... de ces hommes coalisés pour tuer l'esprit public, et pour renverser la -Constitution même. (Applaudissements des tribunes.) Mais, Messieurs, je sais aussi (et le sentiment au salut public suffirait pour l'apprendre) que, lorsque des mesures de sûreté générale ont été prises parle Corps législatif, lorsque le Corps législatif a pensé que la sûreté de l'Etat pouvait tenir à l'adoption ae ces mesures il a le droit, lorsque ces mesures ont été rejetées, de demander Compte aux agents du roi de celles par lesquelles ils entendent les remplacer. (Applaudissements des tribunes.) Or, Messieurs, ce que l'Assemblée nationale a voulu faire (et M. Ramond a bien plus fait la censure du décret rendu par l'Assemblée nationale qu'il n'a fait celle de mon opinion, car je n'ai fait que reporter l'Assemblée nationale sur le véritable sens de son décret), ce que l'Assemblée nationale a voulu faire est exprimé par son décret. Ce décret vient de vous être lu, et vous y avez vu ce que j'avais annoncé ; que ce ne sont pas des comptes partiels que vous avez demandés aux ministres du roi, mais seulement de vous rendre compte des moyens par lesquels le roi, chargé par la Constitution de pourvoir à la sûreté générale de l'Etat, se proposait de remédier aux deux sortes de maux qui vous avaient paru les plus imminents; j'entends, garantir Paris dans le cas d'une invasion du territoire français, et ensuite pouvoir arrêter les troubles de l'intérieur du royaume, excités par le fanatisme ; troubles, Messieurs, qui, au reste, deviennent chaque jour plus graves ; troubles qui doivent nécessairement augmenter en proportion des craintes dont le peuple français serait tourmenté, et des efforts que font maintenant dans l'intérieur du royaume l'aristocratie et les malveillants de toutes les espèces pour tromper le peuple.
Ainsi donc j'ai eu raison de vous dire que les ministres n'ont point rempli le vœu du décret,
et je réitère la demande que j'ai faite, que M. le Président de l'ASsemblée nationale leur annonce qu'ils n'ont point rempli le vœu de son décret, et leur demande de nouveau le compte qu'elle a dû attendre d'eux. (Applaudissements.)
Voici ce que je propose à l'Assemblée de dire aux ministres, par l'organe de son Président:
« L'Assemblée nationale vous ordonne de vous conformer au décret qu'elle a rendu dans la séance, de vendredi dernier, et qui vous a été communiqué.Elle vous demande, én conséquence, de lui rendre un compte général par écrit, dans 3 jours, des mesures que vous àvez prises pour prévenir ou arrêter les troubles excités par le fanatisme, et garantir Paris en cas d'invasion du territoire français. » (Applaudissements.)
Je propose la rédaction suivante à l'Assemblée :
« L'Assemblée nationale décrète que la commission extraordinaire des Douze, seconcèrtant avec les ministres, proposera, dans le plus court délai possible, les mesures générales et les moyens les plus propres à pourvoir à la sûreté et à la tranquillité au royaume. »
Je demande la parole.
Plusieurs membres : La discussion fermée! S
(L'Assemblée décrète que M. Gamon ne sera pas entendu et ferme la discussion.)
Voici le rédaction de M. Guadet :
« L'Assemblée nationale vous ordonne de vous conformer au décret qu'elle a rendu dans la séahce de vendredi dernier, et qui vous a été communiqué.Elle|vous demande,en conséquence, de lui rendre un compte général des mesures que vous avez prises pour arrêter les troubles excités par le fanatisme, et garantir Paris en cas d'une invasion du territoire français. »
Je donne lecture, d'autre part, du texte déposé par M. Ramond :
« L'Assemblée nationale décrète que la commission extraordinaire des Douze, se concertant avec les ministres,, proposera, dans le plus court délai, les mesures générales et les moyens les plus propres à pourvoir à la sûreté et à la tranquillité au royaume. »
Si MM. les ministres n'ont rien à ajouter aux rapports qu'ils viennent de faire, l'Assemblée peut aller aux voix sur la proposition de M. Guadet.
Je demande la question préalable sur cette rédaction, et je demande à l'appuyer sur la loi. (Murmures.) L'article 24 du décret du 17 avril 1791 porte : Aucun ordre du roi, aucune délibération du conseil, etc.
Nous demandons la question préalable sur les deux propositions. (Murmures).
Plusieurs membres parlent dans le bruit.
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la proposition. M. Ramond.)
,ministre de l'intérieur. J'ai eu l'honneur d'annoncer à l'Assemblée nationale qu'il ne m'était pas possible, dans le moment, de lui présenter dans sa plénitude le compte qu'elle demande; car il faudrait que j'eusse le temps de compulser toute la correspondance des départements (Murmures à gauche.) pour rendre le compte général auquel j'ai annoncé que je travaillais. J'ai dit à l'Assemblée, non pas que je lui rendrais ce compte, mais que l'on s'occupait de faire le
relevé de toute la correspondance, pour la présenter à la suite. Je m'engage à donner à l'Assemblée le résultat qu'elle demande, aussitôt que ce relevé aura été fait. On lui dira quelles sont les causes des troubles qui ont agité les départements.
Plusieurs membres à gauche : Nous le savons !
, ministre de l'intérieur. A l'égard des moyens, les ministres n'en ont d'autres que de faire exécuter les lois. Il y a une partie de la loi qui est incomplète; c'est celle contre les perturbateurs du repos public. Or, le ministre de la justice vous a proposé de remplir les lacunes du Code pénal à cet égard. Messieurs, c'est à vous à donner les mesures législatives ; c'est au pouvoir exécutif à faire exécuter les lois : Qui dit faire exécuter les lois, dit faire exécuter les lois connues et reçues. Nous prenons sur nous la responsabilité de tout ce que nous aurons fait pour faire exécuter les lois. Nous les exécuterons, ou nous périrons, s'il le faut, pour leur exécution. (Applaudissements à droite.)
Voici la Constitution : si des troubles agitent tout un département, le roi donnera, sous la responsabilité de ses ministres, les ordres nécessaires pour l'exécution des lois, etc. (Murmures à droite.)
Je demande la parole.
Plusieurs membres. Fermez la discussion ! {L'Assemblée décrète que M. Bigot de Préameneu sera entendu.)
La commission extraordinaire a voulu connaître l'état actuel du royaume; elle a voulu savoir quelles mesures avaient été prises et quelles il convenait de prendre. Elle n'a rien préjugé sur la question de savoir si elles seraient indiquées par chaque ministre en particutier ou un seul rapport général combiné entre eux : elle a pensé qu'en entendant chacun en particulier, elle arriverait également à un résultat général. Si on a délibéré, en effet, de mesures pour rétablir l'ordre public dans les conseils du roi, elles ont dû être confiées à chaque ministre dans son département; en les entendant séparément vous ne serez pas moins instruits que si l'un d'eux s'en charge au nom commun. Chacun d'eux répond de ce qu'il exécute.
(Aisne). Je demande la parole pour relever uneerreur de fait qui a échappée à M. Bigot de Préameneu. Je suis membre de la commission des Douze. Cette commission a arrêté qu'il serait demandé aux ministres quelles étaient les mesures supplétives..... (Murmures à droite.)
Un membre : Ces Messieurs veulent rendre les ministres responsabies*du veto!
(Aisne)..... pour remédier aux troubles religieux, pour pou rvoir à ce qu'une force armée fût interposée entre Paris et les frontières; le roi, faisant usage de son pouvoir indépendant, a regardé vos mesures comme n'étant pas bonnes. Il y amis son veto. Nous n'en avons point à présenter. Que le pouvoir exécutif nous
aise quelles sont les mesures supplétives.....
(Nouveaux murmures à droite.)
Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix! Nous demandons que l'Assemblée soit consultée sur la proposition de M. Guadet.
(L'Assemblée décrète qu'il y a lieu à délibérer sur la proposition de M. Guadet).
Un membre : Je demande la division. {L'Assemblée ne peut pas décréter que les ministres de la justice et de l'intérieur lui rendront compte des mesures prises pour garantir Paris de l'invasion des troupes ennemies ; et vice versa les autres ministres.
Je demande la question préalable sur la division. Ce n'est pas comme ministres qu'on leur demande un compte, c'est comme agents du pouvoir exécutif, comme membres du conseil. (Applaudissements à gauche et dans les tribunes).
(L'Assemblée rejette la division et décrète que les ministres n'ont pas satisfait au décret.)
Je donne une seconde fois lecture de la rédaction de M. Guadet :
« L'Assemblée nationale vous ordonne de vous conformer au décret qu'elle a rendu dans la séance de vendredi dernier, et qui vous a été communiqué. Elle vous demande, en conséquence, ae lui rendre un compte général, par écrit, dans 3 jours, des mesures que vous avez prises pour prévenir ou arrêter les troubles excités par le fanatisme et garantir Paris en cas d'invasion du territoire français. »
L'amendement que je vous propose est très simple et peut asseoir invariablement la proposition de M. Guadet sur les principes constitutionnels qu'il a méconnus plusieurs fois pendant le cours de la discussion. Je désire qu'à ces mots rendre compte des mesures, il soit ajouté des mesures exécutives. Cet amén-dement sera d'ailleurs la meilleure réponse à l'observation de M. Jean-Debry qui n'a pas craint d'avancer que les ministres devaientjprendre des mesures supplétives aux décrets frappés du veto. Je sais que si la plupart des orateurs que vous avez entendus n'avaient pas continuellement dévié des principes, ma demande porterait un caractère frappant d'inutilité; car je suis bien convaincu que les ministres, premiers agents et moteurs ae la puissance exécutive, n'ont aucune influence légale sur les actes du pouvoir purement royal, et que sur cet objet ils ne peuvent essuyer ni reddition de compte, ni responsabilité. (Murmures à droite.) Mais dàns le moment actuel il est important de prévenir toute équivoque ; il est important surtout de faire taire les calomnies qui se répandent contre l'Assemblée nationale, et qui la supposent uniquement occupée de restreindre ou même d'anéantir le droit de sanction. Si l'on ne peut, sans poser en principe que les ministres sont responsables du veto, réfuter mon amendement, je soutiens qu'il faut adopter le moyen le plus simple de tranquilliser les bons citoyens, et de rallier l'Assemblée tout entière; à la proposition de M. Guadet.
Ce que vient de dire M. Dumolard est une injure à l'Assemblée. Nous ne demandons pas que les ministres prennent des mesures législatives ; mais lorsqu'ils sont entrés au conseil, après.que 2 décrets ont été frappés du veto, nous sommes en droit de leur demander s'ils ont des moyens d'exécution suffisants pour suppléer au décret suspendu.
L'Assemblée a senti que toutes les lois précédemment faites pour apaiser les troubles religieux, étaient éncofe insuffisantes. Il paraît que le pouvoir exécutif a pensé d'une autre manière. (Murmures a droite.) L^Assemblée a demandé des renseignements qui prouvaient incontestablement que
les fanatiques avaient encore assez d'ascendant sur l'esprit du peuple pour occasionner de grands désordres. L'Assemblée nationale était déjà restée trop de fois convaincue que les mesures législatives étaient insuffisantes, et elle a pris une grande mesure qui fût tout à la fois dans l'esprit de la Constitution...
Plusieurs membres (à droite) : Ah ! ah !
D'autres membres (à gauche) : Oui ! oui !
Et le roi, en refusant cette mesure, a cru sans doute que les lois préexistantes étaient suffisantes.
Quelques membres (à droite) : Non, non!
, montrant le côté droit. Il faut croire que l'esprit du roi est de ce côté-là.
Ou le Corps légis*-latif a pensé que les lois n'étaient pas suffisantes, ou il ne l'a pas pensé. Or, il est bien prouvé qu'il a pensé que les lois n'étaient pas suffisantes, puisqu'il a pris de nouvelles mesures; et il est bien prouvé aussi que le roi est en contradiction avec l'Assemblée, puisqu'il a cru poun voir, avec les lois préexistantes, rétablir l'ordre dans le royaume. Cependant on vous propose aujourd'hui à la tribune des conférences entre vos comités et les ministres. Cela annonce bien l'insuffisance des moyens qu'a pu employer le Pouvoir exécutif. Vous devez vous borner dans ce moment à voir si la loi a été exécutée ; car certes, si la loi a été exécutée, il est sûr qu'elle n'est pas suffisante. Ou si la loi n'a pas été exécutée, il est certain que vous avez des coupables à punir..
Je me résume, et je dis qu'il serait ridicule de demander à un ministre ae rendre compte des mesures exécutives qu'il a prises. On sait bien qu'il n'a pas le droit de prendre des mesures législatives. Je demande donc la question préalable sur l'amendement de M. Dumolard.
(L'Assemblée rejette l'amendement de M. Dumolard.)
Je demande àajouter ce mot au décret : « L Assemblée nationale interprétant son décret de vendredi dernier. » (Murmures à gauche.) Messieurs, la différence d'opinion qui s'est élevée dans le sein de l'Assemblée, excuse suffisamment les ministres de ne pas l'avoir compris. (Murmures à gauche.)
Je demande que les ministres présentent, dans 3 jours, le compte général.
(L'Assemblée adopte la proposition de M. Charlier, puis décrète la proposition de M. Guadet, ainsi amendée.)
, s'adressant aux ministres. L'Assemblée nationale vous ordonne de vous conformer au décret qu'elle a rendu dans la séance de vendredi dernier, et qui vous a été com muniqué. Elle vous demande, en conséquence, de lui rendre un compte général par écrit, dans 3 jours, des mesures qui ont été prises ou qui doivent l'être pour prévenir et arrêter les troubles excités par le fanatisme, et garantir Paris en cas d'invasion du territoire français.
Je demande l'interprétatioij d'une loi constitutive, celle relative à l'organisation du ministère, qui porte qu'il y aura un secrétaire nommé au conseil du roi. Un ministre qui vient de quitter sa place.....
Un membre (à droite) : Patriote !
Oui, comme le dit Monsieur, un
ministre patriote, cjui vient de quitter sa place... (Applaudissements à gauche et dans les tribunes.)
Plusieurs membres (à droite) : Jacobin I
Ce ministre a annoncé que cette loi du 27 avril n'était point exécutée. Il est sorti du ministère immédiatement après. Je demande que l'Assemblée nationale s informe si cette loi a été exécutée; si, depuis que le ministère a été renouvelé, cette loi est exécutée.
Plusieurs membres : Appuyé!
Je demande moi que l'Assemblée nationale demande compte aux ministres anciens de la raison pour laquelle cet article de la loi n'a pas été exécuté.
Un membre : Les ministres sont responsables de l'inexécution des lois, et ce n'est pas lorsqu'ils sortent du ministère qu'ils doivent rendre compte de l'inexécution des lois, parce qu'alors ils se dénoncent eux-mêmes !
La motion de M. Boisrot-de-La-cour doit être mise aux voix après que le décret rendu sur la proposition de M. Ducos aura reçu son exécution. Il faut demander les causes ae l'inexécution de cette loi, ce que nous ne pouvons savoir que par les ministres actuels.
lit aux ministres le décret proposé par M. Ducos.
, ministre de la justice. Au dernier conseil qui eut lieu, le roi promit de faire exécuter ce décret, et nous déclara qu'il allait faire choix d'un secrétaire. Depuis cette époque il n'y a point eu de conseil, vou3 en savez les causes. Ce qui est sûr, c'est que la promesse du roi est donnée, que son choix est peut-être déjà fait, et qu'incessamment nous aurons ijn secrétaire.
Je demande que l'Assemblée décrète due, sous 3 jours, les ministres rendront compte ae l'exécution de cette loi.
(L'Assemblée adopte la proposition de M. Ducos et l'amendement de M. Charlier.)
(La séance est levée à quatre heures et demie.)
a là séance de l'assemblée nationale législative du
Copié, de la lettre adressée aux tribunaux par M. duranthon, ministre de la justice, à l'occasion des\troubles religieux.
Partis, le e de la liberté.
Le rdi vient, Messieurs, de déclarer, au nom de la nation, la guerre au roi de Hongrie et de Bohême; ce moment, où la justice d'un grand peuple, d'un peiple libre, va déployer la force des armes contre un ennemi qui formait des projets attentatoires à notre indépendance, doit être pour l'intérieur œ l'Empire le moment de la réunion des cœurs, cèlui du retour de la concorde et de la paix entré tous les citoyens. Vous avez entre vos mains, Messieurs, les grands moyens de cette
pacification universelle, et votre impartiale équité, votre indulgence pour les erreurs innocentes, votre inflexible rigueur contre les délits de.toute espèce qui peuvent troubler la tranquillité publique, amèneront insensiblement, mais infailliblement, tous les sentiments et toutes les pensées, vers cette soumission aux lois, et ce respect pour les autorités constituées, sans lesquels il n'est ni ordre public, ni bonheur social, ni véritable liberté.
Je sais que la diversité des opinions religieuses est ce qui, dans la crise actuelle, agite le plus violemment les esprits; mais comme heureusement ces opinions sont plutôt des affaires de parti que des erreurs réelles de conscience, il est impossible qu'elles résistent longtemps à l'ascendant de vos lumières et aux utiles leçons que le public puisera dans vos jugements, si vous êtes décidés à vous montrer toujours dignes de vos grandes et intéressantes fonctions.
Si l'on eût été bien fixé d'abord sur ce qu'on doit entendre par la liberté des opinions religieuses, on eût évité bien des écarts, la diversité des cultes n'eût jamais troublé la paix publique, et bien des doutes qui m'ont été proposés, n'auraient jamais existé.
Le peuple, dont le sentiment exquis est un flambeau souvent plus lumineux que tous les raisonnements des philosophes, n'a jamais /pu croire qu'il y eût deux cultes catholiques, que les prêtres non assermentés eussent un culte différent du culte des prêtres assermentés. Ûans la scission que les premiers ont voulu faire, il n'a vu ni pu voir qu'une faction politique, et s'est indigne qu'on osât couvrir du masque de la religion, des intentions et des projets anticiviques; jusque-là il a eu raison.
Mais où il a eu tort, c'est lorsqu'il a voulu contraindre, ou ces prêtres non assermentés/ou leurs partisans, à venir dans nos églises ; à participer à nos cérémonies, à reconnaître nos pasteurs. Ce qui a été véritablement déplorablé et digne de toute l'animadversion des lois, c'est la licence qu'il s'est donnée de pénétrer jusque dans les maisons particulières, sous prétexte qu'on y disait la messe; de porter le trouble et l'effroi dans l'intérieur des ménages, par des recherches que la plus audacieuse intolérance ne s'est jamais
f>ermises; c'est d'avoir employé tour à tour* ou a violence, ou la dérision publique, pour vaincre l'obstination de ceux qui, se faisant un devoir de se séparer de leurs frères, se faisaient un méritede la persécution qu'ils éprouvaient, et s'honoraient de leurs humiliations. Si ces abus se reproduisaient encore, il faudrait les réprimer avec une inflexible sévérité.
Mais le . grand abus des mots liberté del opinions,, est venu de la part de ces hommes de parti, qui emploient indistinctement le sacré et le profane, pour renverser l'ordre établi/par la volonté générale du peuple français, et paraissent décidés a tout, pour faire prévaloir les désordres de l'ancien régime, qui étaient en grandè partie leur ouvrage, sur une Constitution qui lis élève au rang et aux nobles fonctions ae citoyens, mais leur ravit le scandaleux privilège di former parmi des esclaves une classe d'esclaves, ayant des lois à part, et des prérogatives subversives de tout ordre civil et politique.
11 leur est libre, sans dôute, de penser qu'ils n'ont pas pu prêter le serment civique, et ae Je refuser ; il leur est libre de croire qu* nos pasteurs n'ont pas pu donner à la France Ihs preuves qu'elle leur a demandées de leur soumission aux
lois et de leur civisme ; en un mot, il leur est libre de penser tout ce qu'ils voudront, et même de le dire, et même de l'écrire. Mais opiner n'est pas juger, n'est pas condamner, n'est pas anathématiser, n'est pas provoquer la révolte et conseiller l'insurrection.
N'oubliez jamais, Messieurs, que vous n'êtes pas placés sur le tribunal pour donner des leçons de théologie, ou discuter des dogmes religieux. Ce fut là un des grands malheurs de nos pères, de mêler la divinité dans tous leurs intérêts civils, et de subordonner leurs droits, comme membres de la société, à leurs pensées comme sectateurs de telle ou telle religion. Aujourd'hui ce qui est à Dieu est laissé à Dieu ; la loi, les tribunaux ne s'occupent et ne doivent s'occuper que des droits et des devoirs de l'homme, des droits et des devoirs du citoyen. Les fonctions du juge, c'est de maintenir chaque sociétaire dans la pleine et libre jouissance des droits, c'est de Contenir chaque individu dans les limites de ses devoirs ; c'est, en un mot, d'assurer la paix publique par l'application impartiale des lois, pour la sûreté des personnes et la conservation de toutes les propriétés.
La liberté des opinions doit être égale sans doute pourtous les citoyens; il n'est donc jamais permis de condamner, d'outrager par des qualifications injurieuses, ceux qui pensent autrement que nous, de prononcer contre eux, des proscriptions et desanathèmes ; car on n'est plus i libre dans ses opinions, si l'on ne peut les avoir, les conserver, qu'aux dépens de son honneur et de la considératiou dont on a le droit de jouir dans une société dont on respecte les conventions et les lois ; on n'est plus libre si l'on ne peut les manifester sans que les sectaires d'opinions contraires aient le droit de nous dénoncer au peuple comme coupables d'impiété, et en usurpant les droits de celui qui seul a juridiction sur les consciences, de se permettre une réprobation, qui, sans pouvoir rien changer à nos futures destinées, peut nous rendre exécrables auprès d'une portion de nos concitoyens.
Vous dites, vous écrivez, vous publiez que nos pasteurs sont des intrus, des usurpateurs de vos places, de votre patrimoine, de vos fonctions; que leur serment, qui les fait citoyens, efface en eux le caractère ae prêtre ou leur enlève les pouvoirs; que les sacrements qu'il administrent ne sont pas des sacrements. Vous vous insinuez dans les familles, vous dites à l'époux qu'il n'est point le mari de son épouse; vous leur dites à l'un et à l'autre, que leur commerce n'est qu'un commerce de débauche, que leurs enfants ne sont que les fruits malheureux d'une prostitution criminelle, que, portés à la paroisse, le baptême qu'ils reçoivent ne les fait pas chrétiens, etc., etc.
Ces propos tenus devant des hommes éclairés, n'exbiteraient sans doute d'autres sentiments que ceqx de la commisération et du mépris, d'autres mouvements que ceux que provoquent les ridicules facéties d'un baladin.
Mais auprès des personnes ou qui manquent d'instruction, ou dont l'imagination est ombrageuse et la conscience aveuglément timorée, ces propos, ces écrits produisent les plus sinistres effets, ,soit pour elles-mêmes, soit contre ceux qu'on leur dépeint sous des couleurs aussi odieuses ; et l'on croira que ce désordre est justifié par ces mots : c'est mon opinion, la liberté des opinions est décrétée, etc.
Pour sentir le vide d'une pareille excuse, il suffirait de la porter à son dernier terme : il n'est
pas nouveau qu'on ait pensé qu'il serait utile, légitime d'assassiner, d empoisonner ce qu'on appelle un ennemi de l'Eglise, un citoyen dont la doctrine serait envisagée comme funeste à la religion; on peut donc très raisonnablement supposer que quelqu'un de nos fanatiques eût cette opinion, qu'il la manifestât, qu'il la prêchât. Les tribunaux seraient-ils donc frappés de stupeur, et réduits à l'impuissance de punir, si ce fanatique traduit devant eux leur disait : Messieurs, ce que vous poursuivez comme un crime est mon opinion, et la liberté des opinions est décrétée.
La différence n'est ici que dans la gradation des délits, et ne doit être pour vous que dans la gradation de l'instruction et des peines. On ne peut pas plus disposer de mon honneur, de ma considération dans le public, de mon existence civile et politique, que de ma vie et de mort existence physique; ce n'est que parce qu'ok n'a pas le droit de me tuer, qu'on n'a pas le droit de me blesser, le droit de me frapper. Notre vie morale ne nous doit pas être moink chère, ne doit pas être moins sacrée pour lei autres que notre vie animale et corporelle] et le crime d'injure n'est pas moins un attentat, aux droits d'autrui, plus ou moins grave, suivant les degrés de son atrocité, que le crime d'une agression ordinaire.
Lorsque le christianisme n'était qu'une asso-i ciation mystérieuse, entièrement isolée et abso-i lument étrangère à l'ordre civil, les condamnations, les censures, les exclusions pouvaient n'avoir aucune conséquence : Encore aujourd'hui les sociétés particulières exercent sur leurs ; membres cette police intérieure, qui n'est rien, ! absolument rien, hors de l'enceinte de la société : mais depuis le déplorable mélange qui s'est fait parmi nous des opinions religieuses et des devoirs sociaux, des lois politiques et civiques, et des règles de conduite des diverses sectes théologiques, l'homme civil s'est trouvé confondu a¥ec l'homme religieux, et la flétrissure imprimée sur les pensées du théologien, s'est nécessairement étendue, s'est appliquée d'elle-même aux sentiments et à la morale du citoyen. Cet amalgame s'épurera sans doute par l'heureuse influence de notre nouvelle législation; mais elle survivra encore longtemps à la promulgation de la charte de nos droits; et tant qu'elle subsistera dans le fait, tant qu'elle aura quelque influence sur notre état civil, on ne pourra disculper du crime d'injure, du crime d'attentat à l'honneur d'autrui, à la plus précieuse des propriétés, les opinions religieuses qui vont au delà de l'opinion, énoncent des jugements réprobateurs, et surtout des décisions qui tombant direc-temènt sur les liens les plus sacrés et les relations les plus nécessaires entre les pères et les enfants, les époux et les épouses, portent le trouble dans tous les ménages, et tendent à désorganiser la société dans ses bases les plus saintes.
Quel épouvantable spectacle nous donnerions à l'univers, si la liberté des opinions religieuses, ce premier des droits, ce premier des biens, n'était que la liberté des proscriptions, si toutes les sociétés religieuses, chrétiennes ou non chrétiennes, se permettant ce qu'une seule ose se permettre, on se frappait réciproquement de censures et d'anathèmes, on s'attaquait par des inventives et d'éternelles malédictions I ne serait-il pas à craindre que ne voyant que dès damnés autour de nous, nous prissions insensiblement le caractère et les fureurs de ces êtres malfaisants,
dont la lamentable destinée est, dit-on, de nous tendre des pièges, et de tourmenter à jamais les victimes qu'ils sont parvenus à égarer et à séduire.
C'est à vous, Messieurs, de prévenir de pareils malheurs, en répandant l'instruction et présentant à vos concitoyens, dans l'exercice de vos fonctions, le front le plus inaltérable, l'âme la plus ferme et les principes les plus lumineux et les plus sûrs. Je sens combien Jes obstacles se multiplient pour ralentir votre marche ou pour la détourner, combien vous avez de préjugés à vaincre et de passions à combattre: mais songez aussi quelle gloire, quelles consolations vous attendent au bout de votre carrière dignement parcourue : la tranquillité, la prospérité d'un grand Empire, le bonheur de vos concitoyens, l'assiette immuable de la liberté et la reconnaissance publique, voilà le prix nécessaire de nos travaux et de nos soins; on ne saurait proposer à des âmes généreuses une perspective plus encourageante.
Signé : DURANTHON.
Séance du
PRÉSIDENCE DE M. GÉRARDIN.
Laséance est ouverte à neuf heures du matin.
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du 21 juin 1792, au soir. \
(L'Assemblée en adopte la rédaction.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres, ^dresses et pétitions suivantes :
1° Lettre de M. Terrier, ministre de Vintérieur, par laquelle il demande la vente de la bibliothèque des Minimes de Passy, attendu la nécessité de débarrasser la maison de Passy qui va être venduè, observant d'ailleurs que les livres qui composent cette bibliothèque, ne méritent pas d'être conservés.
(L'Assemblée renvoie la proposition de M. le ministre de l'intérieur à l'examen de son comité de i'instructiorç publique.)
2\ Lettre de M. Duranthon, ministre de la jus-tice\k laquelle est jointe une procédure instruite 1 contVe un citoyen prévenu d'avoir exercé des violences en vue d'opérer la dissolution d'une assemblée de commune.
(L'Assemblée renvoie la lettre au comité 4e législation.)
3° Lettre de M. Amelot, administrateur de la j caisse ïe Vextraordinaire, qui instruit l'Assemblée j que le\23 du présent mois u a été brûlé, à la caisse île l'extraordinaire, 10 millions d'assignats provenant dés recettes sur les domaines natio-I naux. (Jes 10 millions, joints aux 544 millions j déjà brûlés, forment une somme de 554 mil-i lions. La somme des assignats en circulation ne s'élève dus qu'à 1,708,000,456 livres.
(L'Assemblée renvoie la lettre au comité de l'extraoriinaire des finances.)
4° Adresse des sieurs Schmitt, père et fils, qui proposent un essai de fonte du métal des clo-Iches, sanày faire entrer du cuivre.
(L'Asseiiblée renvoie l'adresse au comité des assignats et monnaies.)
5° Lettre des administrateurs du département de la Drôme, relative à l'établissement de l'école d'artillerie de Grenoble qu'on semble vouloir transférer à Valence.
(L'Assemblée renvoie la lettre au comité militaire.)
6° Lettre de onze notaires de la ville de Paris, qui préviennent l'Assemblée que des citoyens ont déposé chez eux une pétition (1) sur les événements du 20 juin, notamment contre le rassemblement des faubourgs Saint-Antoine et Saint-Marcel et contre la municipalité de Paris, pour y être signée par tous les citoyens qui voudraient y adhérer. Cette lettre est ainsi conçue (2) :
« Paris, le
« Monsieur le Président,
« Pour faciliter à leurs concitoyens les moyens dedônner leur vœu sur des pétitions,quelques personnes adoptent le parti d'en envoyer des exemplaires à tous les notaires de Paris et de faire annoncer publiquement que l'on peut s'adresser à eux pour les signer.
« Quoique dirigés tous par le même désir de servir leurs concitoyens,les notaires ont dû n'être pas uniformes dans la conduite qu'ils ont tenue. N'étant point prévenus, ils se sont vus forcés de se décider à l'improviste. Les uns, considérant que la liberté des pétitions est un des principaux droits du citoyen, garantis par la Constitution, et qu'ils ne pouvaient personnellement répondre ni du contenu des pétitions, ni de la vérité des signatures, ont cru qu'ils ne pouvaient refuser à leurs concitoyens la communication dés pétitions adressées et qu'ils devaient leur laisser la liberté de les signer. Les autres, réfléchissant sur la nature des fonctions que la loi leur confie et sur le caractère d'authenticité qu'elle donne aux signatures qu'ils reçoivent et considérant qu'il importe de ne pas donner lieu a confondre ce qu'ils font comme citoyens, et ce qu'ils font comme fonctionnaires, ont pensé qu'ils ne devaient point recevoir chez eux des signatures sur des pétitions.
« Dans cette diversité d'opinions, il est ides points sur lesquels elles ont dû se réunir toutes. Tels sont les inconvénients qui résultent; de l'indication des maisons des notaires poi/r y signer des pétitions ; ces inconvénients sont trop évidents pour être ici détaillés.
« Nous croyons, Monsieur le Président,/ que l'intérêt général exige que nous fassions/connaître à nos concitoyens que nous ne poavons prêter nos maisons pour aucuns détails tendant a des discussions politiques. (Applaudissements à droite.)
« Nous sommes avec respect, Monsieur/le Président, etc.
« Signé : Guillard, Morin, Bio, Chavet, delarue, etc., notairesqParis. » j
Je demande le renvoi de cette lettre au comité de législation, parce que les
(L'Assemblée renvoie la lettre au comité de législation.)
Un de MU. les secrétaires continue la lecture des lettres, adresses et pétitions envoyées à l'Assemblée :
l°Lettre et arrêté du directoire du département de la Mayenne, au sujet des mesures que cette administration a été forcée de prendre pour arrêter des désordres occasionnés dans ce département par les prêtres séditieux.
. (L'Assemblée décrète le renvoi au pouvoir exécutif de la lettre et de l'arrêté qui y est joint.)
8° Lettre de M. Lajard, ministre de la guerre, à laquelle est joint un projet d'instruction, concernant les épreuves auxquelles on peut soumettre les fusils de guerre destinés à l'armement des citoyens des frontières.
(L'Assemblée renvoie le projet à l'examen du èomité militaire.)
9° Lettre de M. Lajard, ministre de la guerre, et de M. Desborides, colonel du 9e régiment d'infanterie ci-devant Normandie, au sujet des violences let vexations exercées contre plusieurs officiers du 2e bataillon de ce régiment, parleurs soldats, à l'occasion d'une réquisition des commissaires civils de Saint-Domingue. Ces officiers se plai-I gnent de la destitution arbitraire prononcée contre eux par l'assemblée provinciale de l'Ouest et de leur renvoi en France.
J'observe à l'Assemblée que M. Saint-Léger a rendu compte de ces faits dans son rapport sur les colonies. Ces officiers n'ont été maltraités que parce qu'ils avaient obéi aux ordres du commissaire civil plutôt qu'à ceux de l'assemblée provinciale. Je demande le renvoi au comité militaire réuni à celui des colonies.
(L'Assemblée renvoie ces deux lettres aux comités militaire et des colonies réunis.)
10° Pétition du sieur Claude Billard, citoyen de Beaujeau, département de Rhône-et-Loire, par laquelle il demande que la modique pension de 80 livres qu'il avait obtenue sous l'administration de M. de Ségur, soit augmentée. Ce citoyen, qui a fait les campagnes sous M. d'Ëstaing, annonce avoir reçu un grand nombre de blessures pendant la guerre d'Amérique, notamment à Sainte-Lucie, a la Grenade, et qu'il a perdu un bras à Savanah, d'où l'impossibilité pour lui de pourvoir à sa subsistance.
(L'Assemblée renvoie la demande au pouvoir exécutif avec mission de faire vérifier les faits énoncés dans la pétition.)
11° Lettre de M. Custine, lieutenant général, commandant la cinquième division, qui proteste de son dévouement à la cause de la liberté et réclame avec instance la convocation d'une cour martiale pour juger sa conduite dans l'exécution de l'ordre qu'il avait reçu du maréchal Luckner, pour attaquer les défilés de Porentruy.
Cette lettre est ainsi conçue :
« Strasbourg, le
« Monsieur le Président,
« J'ai l'honneur de m'adresser à l'Assemblée nationale par votre organe, et celui de vous prier
d'être près d'elle l'interprète de mes sentiments.
« Tout militaire employé dans les armées, doit pour bien servir son pays, obtenir la confiance publique ; j'ose dire la mériter par son dévouement à la Constitution. Mais, Monsieur le Président, je lis dans le Logographe du 16 juin, que pour propager les bons principes, un membre de l'Assemblée nationale lui apprend que les volontaires nationaux du bataillon de la Corrèze, attendent avec impatience mon jugement, sur la dénonciation de M. le maréchal Luckner; que cependant, malgré que cette conduite soit faite pour diminuer la confiance, ils assurent que leyr soumission sera entière jusqu'au jugement.
« Je partage, Monsieur le Président, l'impatience des volontaires de la Corrèze, et j'ai l'honneur de vous prier de ne pas le laisser ignorer à l'Assemblée. Immédiatement après que le dire de M. Grave me fut connu, je lui écrivis a vie instance pour demander une cour martiale ; j'én ai écrit de même à M. Servan, et à M. Luckner lui-même; car telle est mon opinion, qu'il n'est assez grand supplice pour les traîtres, ni mèqe. pour les insouciants des intérêts de la cause qu'ils se sont chargés de défendre. Si je suis uti tel homme, si je n'ai pas fait au delà de ce qu'on pouvait attendre de moi, je dois servir d'exemple, ïe dois être la victime immolée au respect des lois et à l'obéissance due aux ordres de son gér néral.
« Il me tardait, Monsieur le Président, de fairt) connaître à mes concitoyens, d'une manièrëj incontestable, si celui qui, le 23 avril, à 3 heures après midi, a eu ordre d'aller assembler un corps à 30 lieues de la ville où il recevait cet ordre,) qui devait faire enregistrer ses pouvoirs au dé-| partement du Haut-Rhin siégeant à Golmar, à la! moitié de sa route, qui, par conséquent, n'a pu les faire enregistrer que le 24 ; qui, dès l'instant même où il a reçu une autorité légale, a donné tous les ordres nécessaires à la marche des troupes; qui, n'ayant rien trouvé de préparé, de prévu, a travaillé jour et nuit à tout disposer pour être en état de faire, avec sûreté et ordre, l'opération dont on le chargeait ; qui a été occuper les défilés de la Byrse, situés à 15 lieues de Belfort,place près de laquelle se rassemblaient nos forces et d'où je pouvais tirer mes moyens, dans la matinée du 30 avril; qui a eu pour témoins de sa manière d'opérer, les administrateurs des départements du Haut-Rhin, de la Haute-Saône, du Doubs, du district de Belfort, à qui je n'écris pas, mais qui sûrement rendront témoignage des vérités que j'énonce ici... si celui-là, ais-je, doit être soupçonné d'incivisme.
_ « N'ayant reçu aucune réponse de M. Servan ni de M. Grave, j'avais suspendu l'exposition de ma conduite et le renouvellement de ma den mande, pour obtenir un cour martiale, jusqu'au moment où la crise, moins vive, me permettrait de faire connaître et de développer ces vérités, sans qu'il fût dangereux d'ébranler l'opinion publique au désavantage de celui qui peut-être pouvait, par sa constante étoile, servir utilement la cause de mon pays.
« Les preuves de ma conduite sont par écrit] elles ne dépérissent pas; l'ingénuité de M. lë maréchal Luckner sur cet événement, consigne dans sa lettre du 23 mai, est dans ses mains; il me dit dans cette lettre : « Je n'entendais pas que le ministre de la guerre publierait le rap] port que je lui ai fait; cette démarche m'était absolument indispensable pour mettre ma resf ponsabilité à couvert ; mais pour y réussir avec
plus de certitude, n'était-il pas nécessaire d'avoir la prévoyance de donner à l'avance les ordres qui devaient êtrè le préalable de l'occupation du pays dePorentruy, disposer les troupes, les munitions, les vivres, avoir des marmites, faire préparer sur les lieux les chariots pour les transports? Et si tous ces objets ont été omis, est-ce celui qui arrivait d'une reconnaissance ae 180 lieues de frontière, qui était étranger aii commandement qu'on lui donnait, qui ne l'a reçù qu'à l'instant même de l'exécution, qui avait quatre et cinq marches à faire faire à la plus grande partie dés troupes, sur qui il faut faire porter la responsabilité de ces omissions? Surtout lorsqu'on lui refuse le seul moyen possible d'opérer, celui d'attaquer les Autrichiens dans le Porentruy et que l'on a fluctué trois lois à cet égard, par des ordres et des contre-ordres. Ils sont dans mes mains, et je demandé, comme une grâce, de comparaître devant une cour martiale; même tel tribunal que l'on voudra choisir. La publicité me suffit pour prouver ma conduite. Mes ennemis sont en grand iiombre, parce que mes opinions sont connues; leur horde est composée de ceux qui se sont opposés à la Constitution qui détruit les abus qui fondaient leur existence ; de ceux qui ne veulent aucun ordre, ni aucune loi ; de ceux qui ne veulent que l'anarchie, dont le désordre est la seule existence; de tous les faux patriotes qui cachent les diverses passions qui les dominent, sous ces dehors qui en imposent à la multitude. Ma profession de foi politique est connue depuis longtemps ; je respecte les lois; j'aime l'ordre public qu'elles doivent assurer ; ma plume ne s'employa jamâis que pour leur défense; mon épéene combattra que leurs ennemis. Si cette Constitution, le plu^ beau monument élevé pour le bonheur des nations, doit s'anéantir, il me sera doux de périr àvec elle.
« Le lieutenant général commandant la 5e division de P armée,
« Signé : CUSTINE. »
Les dégoûts et les contrariétés que l'on fait éprouver au général Gustine tiennent évidemment au projet coupable de décourager et d'écarter les officiers généraux bien intentionnés. Je demande ie renvoi de cette affaire et de la lettre de M. Custine au comité militaire.
{L'Assemblée renvoie la lettre au comité militaire.)
12° Lettre de M. Santerre, pour annoncer que la tranquillité est complète dans le faubourg Saint-Antoine et pour dire que les citoyens de ce faubourg ne marcheront jamais que contre les ennemis dé l'Assemblée nationale. Cette lettre est ainsi conçue :
« Paris, ce
Monsieur le Président,
« J'ai l'honneur de vous donner avis que la tranquillité est complète au faubourg Saint-Antoine, et comme j'apprends qu'il pourrait y avoir du moivement d'après les bruits que l'on répand, je m'empresse de prévenir l'Assemblée que le faubdurg Saint-Antoine ne marchera que contre les enriemis de l'Assemblée pour laquelle le
peuple versera toujours son sang. (Vifs applaudissements à gauche et dans les tribunes.)
« Je suis avec respect...
« Signé : Santerre. »
Un fait dont je vais faire part à l'Assemblée vous éclairera singulièrement sur les manœuvres que les ennemis du bien public emploient pour exciter des attroupements et avoir l'occasion de massacrer le peuple. Des malveillants répandent le bruit que M. Santerre est arrêté pour les faits du 20 Juin. Je demande donc què pour dissiper ces bruits, l'Assemblée décrète rimpression de la lettre de M. Santerre.
Je ne puis m'empêcher d'observer que je ne conçois pas comment un citoyen peut répondre des autres citoyens d'une partie de la capitale.
Il est commandant de bataillon.
Je demande le renvoi de la lettre à la commission des Douze.
On ne doit pas compter sur la parole de M. Santerre. M. Lasource vous a dit l'autre jour, sur la parole de pareilles gens, qu'il-n'y avait rien à craindre et vous savez ce qu'il en a coûté.
Un membre: On ne faif tous ces préparatifs que pour soutenir une pétition annoncée dans le journal de Paris et qui se Signe chez tous les notaires (1). On n'a mis sur pied aujourd'hui toute la force armée que pour faire le dénombrement de l'armée royaliste.
Plusieurs membres : L'ordre du jour 1
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
Un de MM. les secrétaires annonce les dons patriotiques suivants :
1° Le sieur Wahu, lieutenant au 3e régiment d'artillerie, employé à l'armée du Nord, envoie 100 livres en asssignats ;
2° Les administrateurs composant le directoire du département de la Seine-Inférieure, envoient deux brevets de lettres de maîtrise des ci-devant communautés des amidonniers et parfumeurs de la ville de Rouen, d'un capital de 275 livres, qui ont été données par le sieur Jean Hébert, citoyen de Rouen ;
~ 3° Les jeunes étudiants du collège de Château-roux, département de l'Indre, envoient 75 livres en assignats ;
4° Les commis conducteurs des diligences offrent, par les mains du sieur Vivier, l'un d'eux et en conformité de leur soumission du mois dernier, 116 1. 10 s. en espèces et 98 livres en assignats ;
5" Les auteurs et éditeurs de musique offrent 200 livres en assignats";
6° Des citoyens de Dôle envoient 5 livres en assignats ;
Les membres composant U directoire du district de Ribérac m'ont chargé/de déposer sur le bureau de l'Assemblée un oon patriotique de 650 livres en assignats pour sabvenir aux frais de la guerre.
(L'Assemblée accepte ces offrandes âvec les plus vifs applaudisssments et en décrète la
men-
Un membre: Je demande que le rapport sur l'approvisionnement de l'armée soit mis ce soir à 1 ordre du jour.
(L'Assemblée adopte cette proposition.)
Vous avez chargé votre commission des Douze de vous présenter les mesures propres à sauver la chose publique. Il en est une que je regarde comme la plus importante de toutes, que les circonstances ne permettent plus de retarder. Ce que les municipalités, les corps administratifs, le pouvoir exécutif, n'ont Osé vous dire, je le dirai hardiment, parce que je remplis un devoir sacré.
Plusieurs membres : Parlez, parlez t ' ' j
Je crois que c'est en vain qu'on voudrait se dissimuler plus longtemps les maux incalculables qui menacent la patrie. Il faudrait être, ou bien insensé, ou bien profondémèht pervers, pour n'éprouver aucune inquiétude en considérant la crise effrayante où nous nous trouvons. La Constitution est menacée d'une subversion totale; d'un côté, par les efforts d'une aristocratie forcenée, de l'autre par ceux d'une (démocratie séditieuse, qui l'une et l'autre ne gardent plus de mesure. Placés entre ces deux i factions qui se disputent l'Empire, les bons citoyens demeurent spectateurs muets, et semblent attendre en silence le résultat du combat, sans songer que, de quelque côté que tourne la victoire, la perte de la Constitution en est l'inévitable fruit. Une torpeur universelle semble s'être emparée de tous ies vrais amis de la liberté ; ils dorment pendant que les démagogues, les anarchistes, les brigands, s'agitent de toutes parts. Affaissés sous le poids de l'infortune publique, ils semblent avoir perdu leur courage, et toutes les horreurs de la licence la plus effrénée ne peuvent les sortir de leur léthargie profonde. La plupart se contentent de faire des v,œux secrets, quelques-uns font entendre des murmures, etlesautrestournentleurs yeux en pleurs vers le Corps législatif.
Oui, c'est de vous, Messieurs, que la France attend son salut. Vous seuls pouvez encore sauver la chose publique. Le mal est grand, il est vrai, mais votre courage peut le surmonter. Armez-vous de toute la sévérité que commandent les circonstances. Soyez inexorables avec les factieux de tous lès, partis ; qu'ils tremblent à la vue de votre inflexible justice, que tous les obstacles qui s'opposent à l'exécution des lois soient anéantis. La loi 1 la loi! elle seule peut nôus sauver. C'est en vain qu'on voudrait nous persuader que la Révolution n'est pas finie, et que partout, il est impossible que les lois soient parfaitement exécutées; ne soyons pas dupes de ce prétexte imaginé par les factieux pour perpétuer l'anarchie dont ils ont besoin. La Révolution est finie quand la Constitution est terminée. L'anarchie seule dure encore, et c'est ce désordre affreux, cette licence effrénée, que les agitateurs appellent Révolution. Sans doute, cette Révolution n'est pas finie, grâce aux soins qu'on prend de la perpétuer, mais il faut enfin qu'elle cesse. Il faut enfin que les vrais amis de la liberté sé lèvent à leur tour et que toutes les factions soient anéanties.
Vous avez juré, Messieurs, de maintenir la Constitution tout entière. Vous avez juré de défendre ce dépôt précieux que la nation vous a confié, contre les atteintes de tous ies ennemis
de la chose publique. Depuis quelque temps surtout, plusieurs décrets successifs ont annoncé la volonté ferme où vous êtes de terrasser toutes les factions et d'établir partout l'ordre, la discipline et le règne des lois ; les bons citoyens ont applaudi à votre courage, et les méchants en ont frémi, mais, pour assurer votre victoire, il vous resté à prendre une dernière et décisive mesure, qui ne doit pas échapper à votre sollicitude. Sans elle,, le succès de vos premiers pas serait bien incertain.
La Constitution permet aux citoyens de s'assembler pour conférer librement et paisiblement sur leurs intérêts. Ce droit sacré, la plus précieuse propriété dont puisse jouir un homme libre, doit être religieusement maintenu. Alitant il est essentiel au despotisme de tenir l^s hommes isolés et d'empêcher entre eux toute communication qui pourrait les éclairer, autant il est indispensable, dans un Etat libre, que les citoyens puissent s'assembler, afin de conserver, par les lumières, ce que l'ignorance seule avait pu leur faire perdre. Ainsi, ce n'est pas le dro^t que j'attaque, mais l'abus qu'on peut en faire. ;
Un membre : Qu'on en fait ! *
Autant le droit est ici utile, au+ tant l'abus est pernicieux; dans les assemblées populaires le mal est à côté du bien; autant) elles peuvent être nécessaires... (Murmures à Vextrème gauche.) '
Monsieur le Président, habituez donc ces Messieurs à entendre parler dés lois sans colère.
Je demande l'ordre du jour.
Plusieurs membres : C'est l'ordre du jour !
Je demande le renvoi à un comité. (Vive agitation.)
(L'Assemblée décrète que M. Delfau sera entendu.)
Autant ces assemblées peuvent être nécessaires, si elles sont bien dirigées, autant elles peuvent être funestes à la chose publique, si elles sont égarées.
Si ces sociétés, qui ne doivent surveiller le gouvernement que pour l'affermir et le défendre contre les attaques des ambitieux, devenaient j elles-mêmes les dupes et les instruments de ces ambitieux, si ces assemblées, qui pour faire le i bien doivent être constitutionnelles et toujours amies des lois, devenaient des foyers d'anarchie et de contre-révolution; si ces assemblées qui n'ont aucun caractère public, aucune existence politique, formaient tout à coup un corps puis-sant, une association dangereuse, législateurs, vous êtres là pour les réprimer.
En prononçant dernièrement un arrêt de mort! contre toutes les corporations échappées à la cognée de vos prédécesseurs, vous en avez oublié une, la plus puissante, la plus étonnante du moins que présente l'histoire de toutes les sociétés politiques. Il n'est personne à ce portrait, qui n'aperçoive déjà la congrégation de 800 sociétés populaires, aont le chef-liéu est à Paris. Toutes ces sociétés, animées d'un mêmej esprit, affiliées entre elles, unies par un pacte féaératif, présentant toutes une même organi-l sation, et se réunissant toutes à une société) mère, centre auquel aboutissent toutes les secH tions de ce vaste ensemble, ces sociétés, dis-je^ présentent, sinon un gouvernement dans l'Etat, au moins une effrayante corporation, qui peut perdre l'Etat. (Murmures à gauche.) En effet, s| I
jamais cette vaste agrégation osait attaquer la Constitution, quelle force opposeriez-vous à ce corps, dont les établissements, aussi multipliés, et beaucoup plus forts, par le nombre de membres, et plus unis entre eux, que les pouvoirs de la Constitution, vous présenteraient partout une résistance invincible i
Je ne sais pas, Messieurs, si vous pouvez considérer plus longtemps, sans effroi, ce colosse menaçant ; je ne sais pas si vous voulez le prévenir, ou si vous attendez qu'il vous prévienne. Attendons encore, et bientôt il ne sera plus temps.
Un membre : L'ordre du jour !
D'autres membres : A l'ordre, à l'ordre !
Je demande que l'opinant soit entendu. Gomme il a une proposition sans doute à faire à l'Assemblée, je l'invite à se résumer.
Nous sommes en possession d'entendre M. Lasource 6 fois le jour. Nous prions M. Lasource de nous permettre d'entendre M. Delfau, qui ne parle qu'une fois l'an.
Les partisans des sociétés nous vantent avec raison les grands services qu'elles ont rendus à la Révolution et semblent demander leur conservation à la reconnaissance publique; mais peut-être examinent-ils plus ce qu'elles ont fait que ce qu'elles font maintenant; ils ne songent pas que les services passés peuvent être effacés par les fautes présentes, et que si les clubs pouvaient menacer la chose publique, les plus chers souvenirs doivent s'effacer devant le grand intérêt de l'Etat.
Les sociétés ont rendu de grands services à la Révolution, cela est incontestable (Applaudissements à gauche.) ; les principes communs qui les réunissaient, la coalition puissante qu'elles avaient formée contre les ennemis de la liberté, ont terrassé tous les opposants au nouvel ordre, de choses ; mais la Constitution finie, leur tâché" était remplie, et leur règne devait cesser.
Il faut renvoyer tout cela à la Gazette universelle. (Vifs murmures à droite.)
Il m'est impossible de maintenir le décret si la majorité ne me seconde.
Monsieur le Président, observez que les juges sont très calmes ; il n'y a que les parties qui s'agitent.
Avant l'établissement et pendant le travail de notre régénération, tous les bons citoyens prenaient en main l'autorité. L'impérieuse nécessité, le besoin de suppléer au gouvernement qui n'existait pas encore les forçaient à se réunir, afin de prévenir les maux qui pouvaient occasionner l'interrègne de la loi. Les sociétés populaires furent alors d'un grand secours; elles étaient le centre de l'esprit public, le point de ralliement de tous les amis de l'ordre et de la liberté, qui avaient besoin de se réunir pourlrésister aux efforts d'une aristocratie désespérée, mais ces sociétés qui furent créées par les circonstances pendant l'attente des autorités constituées, devaient aussitôt après la formation de ceâ autorités se démettre ae. leurs pouvoirs.
Mais! habituées à une domination qui leur était d'autant plus précieuse qu'elles ne l'avaient jusqu'alors fait servir qu'au bien public, les société? populaires voulurent conserver après l'achèvement de la Consti tution le pouvoir qu'elles avaient!exercé avant sa confection» sans songer combien cette prétention était destructive de la Constitution elle-même. (Murmures à gauche.)
Il y a plus de courage à attaquer un parti puissant qu'à murmurer contre celui qui l'attaque.
Aussi, les voyons-nous souvent entraver la marche des municipalités, des administrations et empiéter sur leurs droits. Nous voyons ces puissances étrangères à la Constitution balancer et soumettre quelquefois les autorités de la Constitution; tantôt elles s'érigent en cours souveraines, en tribunaux de cassation, et jugent en dernier ressort la conduite des municipalités, des corps administratifs et des tribunaux ; tantôt elles se transforment en un Sénat suprême, qui délibère sur toutes les matières de législation, sur les lois faites et à faire; tantôt c'est un conseil militaire où l'on discute toutes les opérations de la guerre, et où l'on arrête sérieusement, par assis et levé, la marche de nos généraux et tous nos plans d'attaque et de défense ; tantôt c'est le temple de la calomnie, où tout homme qui veut attaquer la réputation la mieux établie, outrager la vertu la plus éprouvée et se défaire d'un homme de bien, est assuré d'être admis, entendu et applaudi.
Messieurs, vous ne pouvez plus vous le dissimuler sans péril, nos sociétés populaires sont un monstre politique. (Rires ironiques à gauche.)
Plusieurs membres (à droite) : Oui, oui !
Un monstre politique qui ne peut exister dans le système d'aucun bon gouvernement; hâtez-vous de faire disparaître de ces institutions tout ce qui blesse 1 ordre, la raison et la Constitution, de tous les citoyens sages et observateurs et éclairés, qui vous crient de prendre enfin d'une main ferme les rênes du gouvernement (Nouveaux murmures.) et de ne pas les laisser tomber dans celles d'une puissance étrangère.
D'ailleurs, Messieurs, il est une remarque importante qui doit vous déterminer à opérer promptement cette réforme salutaire. Observez que les éléments des sociétés populaires ne sont plus maintenant aussi purs qu'aux premiers jours de la Révolution. Grand nombre d'excellents citoyens, persuadés que les clubs devenaient iuutiles, pour ne pas dire nuisibles à la marche du gouvernement, ont cru devoir s'en écarter, et les ont laissé en plusieurs endroits livrés aux intrigants, aux ambitteux, avides de jouer un rôle sur ce théâtre, trop favorable à l'éloquence populaire.
C'est là que quelques séditieux, sous le masque du patriotisme et à l'aide de quelques talents oratoires, sont parvenus à égarer une multitude aveugle et facile ; c'est là que, par le raisonnement le plus inouï que la folie et des imaginations en délire aient pu enfanter, l'on prétend qu'il faut, pour faire triompher la Constitution, lui porter chaque jour les plus rudes atteintes ; c'est là qu'avec une inconséquence non moins heureuse, l'on assure encore que les succès de nos généraux sont plus à craindre que /leurs revers, parce que disent les républicains inquiets, il faut appréhender que nos généràux ne reviennent avec leurs légions triomphantes opprimer la liberté de leur pays (Murmures à l'extrême gauche.), de manière que le moyen infaillible de sauver la chose publique est de faire battre nos armées ; et quelles alarmes les victoires de nos généraux peuvent-elles inspirer aux amis de la liberté ? (Nouveaux murmures.) Les Français..-...
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
Il y a un décret : Je vais demander si ce décret sera rapporté. (Vive agitation.)
Plusieurs membres (à l'extrême gauche) : Monsieur le Président, mettez aux voix l'ordre du jour 1
(L'Assemblée, consultée, passe à l'ordre du jour.)
Puisque l'oninelveut^pas entendre l'opinion de M. Delfau, j'en demande le renvoi à la commission extraordinaire et l'impression.
descend de la tribune (1). (Applaudissements à gauche et dans les tribunes.)
Un membre : Ces applaudissements ironiques vous honorent autant que leurs huées !
Si le courage de dire la vérité est payé par d'indécents murmures, que faisons-nous ici?
La loi) défend aux tribunes lçs signes d'approbation ou d'improbation ; je tes rappelle à la loi, et je déclare que je la lierai exécuter.
Le décret de l'ordre du jour ne détruit pas le mérite de la motion de M. Delfau. Je demande le renvoi à la commission des Douze. (Vive agitation.)
Un membre : Je demande que M. le Président consulte l'Assemblée pour savoir si on lui fera perdre 4 heures comme hier!
Un autre membre : Monsieur le Président, on a passé à l'ordre du jour, faites exécuter le décret.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour sur le tout.)
Les administrateurs du collège de Reims sont admis à la barre. Ils viennent, avec l'autorisation du directoire du département de la Marne, offrir, en don patriotique, une somme de 40,000 livres en espèces, pour les convertir en assignats de 5 livres.
leur répond et leur accorde ! les honneurs de la séance.
(L'Assemblée accepte cette offrande avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis aux donateurs.)
Je viens de recevoir une lettre de plusieurs citoyens du faubourg Saint-Antoine ; on va la lire.
Un de MM. les secrétaires en donne lecture :
« Paris, ce
« Monsieur le Président,
« On veut calomnier les habitants du faubourg Saint-Antoine. Les ennemis de la Constitution
veulent absolument la guerre civile. On affiche des placards incendiaires ; on vous peint les
hommes du 14 juillet comme prêts à se porter à des excès. Nous conjurons l'Assemblée
nationale de rendre aux vrais amis de la liberté la justice qu'ils méritent. A l'instant où
on vous remet cette lettre ils travaillent en paix et sans remords. (Applaudissements.) Les
calomnies ré-Ipandues contre eux les affligent vivement ; ils
« Nous sommes avec respect, etc. »
(Suivent les signatures.)
Puisqu'on aiguise en ce moment le fer contre les citoyens du faubourg Saint-Anj toine, je demande que ces citoyens soient admis] Il faut au moins que ces hommes qu'on outrage si cruellement puissent être admis dans le Corps législatif, le seul refuge qui leur reste.
(L'Assembléé décrète l'admission de la déléga-i tion.)
La députation est introduite à la barre et présente le certificat du commissaire de police de la section des Quinze-Vingts, qui atteste ses pouvoirs (1).
Alors M. Gonchon, orateur de la députation, t donne lecture d'une adresse qu'il a été chargé, par délibération des citoyens de sa section, de présenter à l'Assemblée nationale. Il s'exprime ainsi :
« Législateurs,
« L'on menace de poursuivre les auteurs du rassemblement qui a eu lieu mercredi... Nous
venons les, dénoncer et les offrir à la vengeance des malveillants... C'est nous.. .c'est
nous, pères de famille, citoyens, soldats, vainqueurs ae la Bastille ; c'est nous qui,
fatigués de tant de complots, des outrages faits à la nation et au Corps législatif, de la
division que des hommes perfides semaient entre les deux pouvoirs ; c'est nous qui, voyant
l'incivisme lever depuis quelques jours un front audacieux, avons rassemblé les hommes du 14
juillet pour renouveler un pacte d'à lliance; c'est nous qui avons désiré l'honneur de
défiler devant vous, comme tant d'autres bataillons, pour vous rendre témoins de l'harmonie
qui régnait entre les vrais amis de l'égalité ; c'est nous qui, indignés du renvoi des
ministres patriotes, des bassesses et des perfidies de la Cour, des entraves mises aux
travaux du Corps législatif, avons voulu présenter au roi le spectacle de 100,000 bras armés
pour
« Nos crimes, il est vrai, sont impardonnables. Après avoir sonné le tocsin de la liberté, après avoir brisé le premier anneau de la chaîne qui pesait sur la France, nous avons soutenu notre caractère d'hommes libres, nous n'avons pas voulu composer avec la tyrannie, nous avons voulu jouir de fa plénitude de nos droits, nous avons livré tous les partis et toutes les factions au mépris et à la haine... Oui, nos crimes envers la tyrannie sont nombreux... Lorsque les janissaires de Versailles obligèren t vos prédécesseurs à se réfugier dans un jeu de paume, seuls contre une armée de tyrans et d'esclaves, nous encouragions l'Assemblée nationale, nous lui faisions, avec les braves grenadiers de la gendarmerie, un rempart de nos corps, nous applaudissions à son zèle, nous réveillions le patriotisme des Francs : lorsque le démon de la Cour étendait un crêpe funèbre sur la capitale, nous prenions la cocarde nationale, nous forgions des piques, nous rappelions les soldats à leurs devoirs de citoyens, nous renversions la Bastille et nous jetions les fondements de l'autel de la liberté... Et alors aussi, législateurs, nous violions les lois fondamentales!... et alors aussi nous résistions à la volonté d'un roi!... Depuis 3 ans que les ennemis de l'égalité cherchent à écraser les citoyens qu'ils n ont pu séduire, et à nous diviser d'intérêts ; depuis à ans que l'ambition active des partis emploie, tantôt la force, tantôt la ruse, pour nous faire servir leurs passions; incorruptibles et fiers, nous nous rallions sans cesse autour de l'Assemblée nationale, qu'on veut absolument avilir et dissoudre... Voilà nos crimes... et voici les services rendus à la cause de la liberté par ceux qui veulent toute la Constitution.
« Cachés dans les antichambres de Versailles, lorsque la hache populaire brisait en éclats le trône «lu despotisme, ils ne sortirent de leur repaire qu'au moment où ils virent leurs idoles renversées ; ils formèrent le projet de se partager les dépouilles de l'aristocratie. Notre insurrection fut alors le plus saint des devoirs; le suppliée des valets du despotisme, un tyranniciae aigrie d'éloges; le peuple des faubourgs, une famille de héros!... Insensés!... aussi crédules que lies rois, nous les jugeâmes dignes d'être nos mandataires. Places, couronnes civiques, tout devint le prix de leur agitation révolutionnaire!.. Ils commencèrent bientôt à réduire l'intrigue en système et à éteindre, dès le principe, le flambeau de l'égalité ; c'est alors qu'on les vit adoptér l'uniforme, inventer le titre de citoyen actif, substituer au crédit de la naissance l'aris-locratiè des richesses, et imprégner ainsi la Constitution! naissante du poison corrosif de l'anarchie... L'opposition du peuple et des hommes éclairésjles rendit bientôt fcirieux. Trop faibles pour résister à la volonté nationale, ils se réconcilièrent avec nos anciens tyrans, et jurèrent la perte des amis de l'égalité... Pour devenir les maîtres du peuple, ils consentirent à se rendre esclaves H'une faction. C'est à eux que nous de-
vons les troubles, la misère et l'agitation qui désolent la France... C'est à eux qu'il faut attribuer les conspirations toujours découvertes et sans cesse renaissantes, ces libelles gratuits et périodiques, dont les auteurs mercenaires calomnient tous les jours l'Assemblée nationale, insultent au pauvre qu'ils ont dépouillé de ses biens et de ses droits, attisent le feu de la guerre civile, et cherchent à tourner le glaive des lois contre les lois elles-mêmes. C'est être honnête homme et bon citoyen que d'applaudir à leur fausse modération, a leurs principes erronés, à leurs brigandages politiques, à leurs intrigues de cour, à leurs bassesses constitutionnelles ; auprès de ces hermaphrodites révolutionnaires, le royalisme tient lieu de toutes les vertus. Osez croire que le monarque est entouré d'hommes intéressés à le tromper, osez révoquer en doute ^existence des complots aristocratiques; vous n'êtes plus qu'un séditieux, un brigand, un perturbateur du repos public, un scélérat, qui veut renverser la Constitution.
« Oui, législateurs, tout ce qui flatte les petites passions et les vues ambitieuses de ces vils in^ trigants, est conforme à la loi ; ils appellent violation des principes, tout ce qui peut servir la cause de la justice, éclairer le peuple, diminuer leur influence et découvrir les conspirations... Lorsqu'on dénonçait les fautes des ministres coupables, vous les avez entendus faire l'apologie de toutes les prévarications... Le roi choisit des agents patriotes... aussitôt la horde que nous vous dénonçons va plus loin que les hommes zélés dont les blâmaient les reproches... Oui, ceux qui regardaient les ministres comme une chose sacrée, ont été les premiers à demander un décret d'accusation contre M. Servan, parce qu'il avait proposé de lever un camp de20,000 hommes ! Est-il un crime, une faute, une négligence du conseil royal qu'ils n'aient pas excusée? Est-il un seul décret au Corps législatif dont ils n'aient pas cherché à calomnier les,dispositions?... Pétitions, placards, libelles administratifs et mili-litaires, lettre d'un général fameux; ils ont tout mis en usage pour avoir un ministère vendu à la faction antipopulaire, pour rendre nulles les décisions du Corps, législatif, pour protéger les scélérats, qui, l'Evangile à la main, prêchent : l'assassinat et la guerre civile... et les intrigants dont nous vous retraçons la conduite, osent dire qu'ils ne forment pas un parti!... C'est nous, ar-| tisans honnêtes, c'est nous, pauvres citoyens,; étrangers à la Cour et aux intrigues ministérielles, c'est nous qui sommes des factieux, des régicides, des brigands, des ennemis de la Constitution!... Eh grand Dieu! si nous méritions ces! noms infâmes, répondez, vils scélérats, lâches! calomniateurs, où en seriez-vous?... Quoi! depuis 3 ans, des assassins trament contré leur patrie, des prêtres couvrent le royaume de sang, | et ils sont protégés ! et ceux qui nous dépouillent, ! ceux qui veulent notre perte, ceux qui cherchent à nous avilir osent encore nous menacer / et l'on appelle ces horribles manœuvres la Constitution, la justice, l'ordre, les lois! Au reste, toutes les mesures leur paraissent bonnes, pourvu qu'elles) amènent le succès... et ceux-là sans «loute nei doivent pas être scrupuleux sur le choix des' moyens, qui, pour arriver plus tôt que d'autres à la Cour du roi constitutionnel, ont imrché sur les cadavres d'un millier de pétitionnaires... Eh! quand l'œil impartial de la postérité se promènera sur les pages de notre histoire, ce n'est pas la conduite ae nos lâches calomniateurs qui
surprendra nos enfants, mais bien la générosité du peuple.
Avant de nous retirer, nous vous répéterons encore une fois la vérité... C'est toujours du pied, du trône que le fleuve de la corruption se répandra dans, toutes les veines du corps politique. C'est le pouvoir exécutif qui est la cause de tous nos maux. Les troubles proviennent de l'anarchie, l'anarchie a pour cause les factions, et c'est la corruption de la Cour qui produit ces dernières. Tout le monde veut disposer du ministère. Il n'en serait pas de même si le monarque était moins riche, et si le peuple donnait toutes les places... On peut nous insulter, divaguer sur l'indigence et la brutalité de la populace ; on peut même se procurer le plaisir de faire tuer quelques-uns de ces misérables; mais enfin, tous ces outrages, tous ces assassinats ne répondront (pas à nos arguments... Ce n'est pas avec le sang au peuple qu'on effacera les crimes de la tyrannie et les erreurs de l'Assemblée constituante. I « VoUs êtes nos représentants... Eh bien, son-jgez aux moyens de sauver la patrie, de détourner les dangers qui la menaeent... que le péril commun vous réunisse... Et pourriez-vous avoir des intérêts plus chers qUe ceux de vos concitoyens, de vos femmes, de vos enfants?... si des hommes libres pouvaient être vaincus, ne seriez-vous pas tous confondus dans les vengeances du despotisme?... Oui, ceux mêmes d'entre vous, qui par faiblesse, modération ou prudence, auraient favorisé les projets des ennemis de l'égalité, périraient sur l'échafaud comme les plus zélés citoyens. Et qu'importent aux rois de la terre quelques crimes de plus, quelques têtes de moins?... Oui, législateurs, ne soyez pas insensibles à nos prières, à nos raisons... Voyez le plus beau royaume du monde pressé autour de i'enceinte où vous vous rassemblez, excitant votre zèle, voue environnant de ses armes, n'attendant son salut que de vous, mettant en vous toute sa confiance ; serait-il donc la proie des étrangers ou des brigands de l'intérieur?... le ciel lui aurait-il réservé l'opprobre et la douleur de périr dans les angoisses de l'anarchie et les horreurs de la guerre civile?... Vous frémissez, législateurs! eh bien, ce malheur est inévitable, si vous n'êtes pas fermes et sévères, si le salut du peuple ne devient pas la base de vos délibérations. Ah ! plutôt que d'être les témoins de ce spectacle affligeant, plutôt que d'être les instruments de notre honte et de notre ruine, souffrons toutes les horreurs de la misère et des combats; mourons, s'il le faut... oui, mourons, législateurs, mais ne nous déshonorons pas. »
(Suivent les signatures de 160 citoyens.)
(Vifs applaudissements.)
L'Assemblée nationale reconnaîtra toujours pour les amis de l'égalité et de la liberté les citoyens qui multiplient les preuves de leur amour et de leur attachement pour nos lois constitutionnelles. C'est du maintien de la Constitution que dépend le salut du peuple, la prospérité de l'Empire et la tranquillité publique. L'Assemblée nationale saura la garantir de la coalition des despotes, des combinaisons de l'intrigue, des coupables manœuvres des anarchistes et des criminelles espérances des factieux. Elle examinera, dans sa sagesse, la pétition que vous lui présentez. Elle vous invite à assister à sa séance. (Applaudissements )
M. Gonchon, orateur de la députation : Nous ne comptions pas être admis aux honneurs de la séance; mais puisque vous avez encore du plaisir à nous voir (Applaudissements des tri-bunes.), en venant à l'Assemblée, le long de notre chemin, nos frères... nos camarades... nous chargeaient de vous dire bien des choses... (Rires.) Ah ! si ie pouvais vous dire tout ce qu'ils m'ont dit le long de notre route, je vous ferais le plus beau discours du monde. (Applaudissements.)Ions les ouvriers du faubourg Saint-Antoine sont à leur poste ; ils travaillent paisi^ blement. Ils voient avec douleur et avec chagrin que les gardes nationales, nos frères d'armes, ont pris les armes croyant qu'ils devaient venir aujourd'hui. Nous ne voulons faire qu'un. Nous vous prions de nous accorder un jour que voup voudrez de la semaine pour vous faire part d'une adresse aux sections, que nous sommes occupés à rédiger dans le faubourg Saint-Antoine.
(Les pétitionnaires entrent dans l'Assemblée.) (Applaudissements.) .
Je demande l'impression d^ l'adresse, parce que je la regarde comme trèg propre à répondre aux calomnies des ennemis! de la chose publique. (Murmures à droite.) Nous! sommes environnés de la force armée; cette1 force armée n'a été appelée que sur les inquié-j tudes qu'on a osé répandre sur les mouvements! du peuple ; et cependant, comme vous le disent les députés du faubourg Saint-Antoine, tous les ouvriers sont renfermés dans leurs ateliers. Or, dans ce cas, le déploiement de cette force devient inutile. (Nouveaux murmures à droite.)
Plusieurs membres : Aux voix l'impression !
(L'Assemblée décrète l'impression.)
Je demande l'envoi aux 83 départements de la justification du faubourg Saint-Antoine.
Plusieurs membres : La question préalable !
(L'Assemblée décrète qu'il y a lieu à délibérer sur l'envoi aux 83 départements et le décrète:)5!
Plusieurs membres : L'impression de la réponse !
(L'Assemblée décrète l'impressionne la réponse de M. le Président.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une adresse des citoyens de Clermont-Fetrand, département du Puy-de-Dôme, qui protestent contre le veto royal, se'plaignent des lenteurs de la haute cour nationale et joignent leurs regrets à ceux exprimés par l'Assemblée sur le renvoi des ministres. Cette lettre est ainsi conçue :
« Législateurs,
« Le moment est venu où le tonnerre de la nation doit écraser les têtes coupables. C'est en Vain que le roi dissimule. Il est parjure à ses serments. Vous avez rendu deux décrets que nécessitaient les circonstances. Pourquoi ne sont-ils pas exécutés?
«Lé renvoi des trois ministres patriotes insulte la nation entière. Abusera-t-on plus longtemps de notre patience? Serons-nous toujours les victimes des trahisons ? Vous nous appelez, législateurs, nous marchons, nous sommes à Paris. Le salut de la patrie, voilà le premier de tous les décrets, et il n'est aucun veto qui puisse le détruire. Soutenez toujours, législateurs, cette noble fermeté. Vous avez accordé la couronne civique aux trois hommes réprouvés par le roi ;
nous l'eussions demandée pour eux. Fixez vos regards sur l'inaction de la haute cour nationale. Déjà 3 ou 400 individus sont frappés d'accusation; ils sont aussi tranquilles dans les prisons d'Orléans que dans leurs propres foyers. Rendez un décret qui accélère le jugement des coupables, et n'oubliez jamais que la France qui vous aime, vous chérit, vous estime, agira de concert avec vous. »
(Suivent les signatures.)
Le sieur Mathieu, citoyen de la gardé nationale de Paris, est admis à la barre. Il offre 24 livres en espèces pour subvenir aux frais de la guerre.
répond au sieur Mathieu et lui accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée accepte cette offrande avec les plus vifs applaudissements, et en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis au donateur.)
Deux autres citoyens, le sieur François-Denis Pèlerin, et le sieur Deschamps, bijoutier, sont suc-? cessivement admis à la barre.
Ils offrent, le premier deux lettres de maîtrise de mercier-quincaillier et d'épicier-confiseur, du capital de 93 livres 15 sols; le second, 100 livres en assignats, une boucle et un cachet d'or.
répond à ces deux citoyens et leur accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée aecepte ces offrandes avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis aux donateurs.)
, au nom des comités militaire et de l'ordinaire des finances réunis, fait un rapport et présente un projet de décret {1) sur le service des étapes et convois militaires ; il s'exprime ainsi:
Messieurs, dans le rapport général soumis à votre discussion sur les dépenses publiques, j'ai porté celle des étapes et convois militaires dans le département de la guerre, quoique cette partie du service public soit encore dans le département de l'intérieur.
Ce changement a été concerté avec votre comité militaire. Le service des étapes est en effet lié sous tous les rapports au mouvement des troupes dans toutes les parties de l'Empire, et il y aura bien plus de simplicité et d'activité dans ce service lorsque le ministre de la guerre sera j chargé de le diriger.
La dépense des étapes et des convois militaires ! est devenue très considérable; elle n'était portée dans les états du ministre de la guerre qu'à t,84(1816 livres.
Le ministre de l'intérieur l'avait portée à 3,660)000 livres.
Cettp dépense s'est élevée en 1791 à 4,017,180 J. 17 s. 3 d. ; mais il est vraisemblable qu'elle s'élèvera pour 1792 de 10 à 11,000,000 de livres.
L'augmentation du prix des denrées et du numéraire a presque doublé la dépense des étapes,
et le mouvement continuel des troupes explique assez l'augmentation de dépense qu'éprouve
cette partie du service public. Les marchés faits par les Régisseurs des étapes avec leurs
agents ne peuvent plus être maintenus, et il sera indis-
Les prix des fournitures et la proportion du numéraire varient suivant les localités et ies circonstances, et le Corps législatif ne peut à cet égard rien décréter de fixe. C'est donc la régie des étapes qui, sous l'autorisation du ministre de la guerre, doit passer les différents marchés que les circonstances exigent, et il suffira pour la responsabilité du ministre que les états de ces marchés, ainsi autorisés par le ministre, soient déposés dans vos archives après avoir été examinés par vos comités militaire et de l'ordinaire des finances.
Je dois, Messieurs, à la vérité et à la justice de dire que le service de la régie des étapes est fait avec un zèle et une économie qui méritent votre approbation.
Voici le projet de décret que j'ai l'honneur de vous proposer :
Projet de décret.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités militaire et des finances, considérant que le service des étapes et convois militaires devient, dans les circonstances actuelles, de la plus grande importance, et que les dispositions nécessaires pour lui donner la plus grande activité ne peuvent pas être retardées, décrète qu'il y a urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète :
« Que la régie des étapes et convois militaires qui était dans le département du ministre de l'intérieur, sera, à compter du 1er juillet, dans le département du ministre de la guerre ;
« 2° Que le ministre de la guerre, sous sa responsabilité, donnera à la régie des étapes et con- J vois militaires, les ordres nécessaires pour le service des troupes marchant par étapes ;
« 3° Le ministre de la guerre est chargé d'autoriser, après les avoir approuvés, les marchés particuliers que la régie des étapes et convois militaires croira nécessaires pour assurer cette partie du service public, ainsi que les augmen-^ tations de prix sur la nature du payement pour les marchés déjà contractés pour le service de 1792;
« 4° Le ministre adressera, chaque mojs, an comité militaire, une copie certifiée des marchés particuliers qu'il aura autorisés, et un état des augmentations ou des conditions de payemen qu'il aura jugé convenable d'accorder sur la de-^ mande de la régie; ces marchés et ces états] après avoir été vérifiés par les comités militaire et de l'ordinaire des finances, seront déposés aux archives ;
« 5° La régie remettra au ministre de l'inté-1 rieur l'état des indemnités qu'il pourrait y avoir lieu d'accorder aux étapiers pour leur/serviceJ jusqu'au dernier juin 1792; ce ministre, après avoir vérifié et approuvé cet état, l'adressera a l'Assemblée nationale, qui y statuera sur lerap4 port de ses comités militaire et de lordinaire des finances. »
(L'Assemblée ordonne l'impression au rapport et du projet de décret et ajourne la discussion à jeudi prochain.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion (1) du projet de décret du comité de législation sur le mode par lequel les naissances, mariages et décès seront constatés. La parole est à M. Oudot sur le titre III.
Messieurs (2), les principaux motifs d'une loi qui règle la manière de constater les naissances, doivent être d'abord d'assurer aux enfants, dès les premiers instants de leur vie, la protection qui est due à tous les hommes, et qui l'est plus particulièrement encore aux faibles, en second lieu, de les faire jouir de toutes les prérogatives de la cité, c'est-à-dire de celles qui sont attachées à la qualité de citoyen français.
Ces avantages doivent leur être assurés par tous les moyens possibles, et le législateur a le droit, pour atteindre ce but, de contraindre, même par des dispositions pénales, tous ceux qui ont ou qui sont censés avoir connaissance qu'il existe un enfant nouvellement né, d'en faire leur déclaration devant l'officier public.
Et comme les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit, il faut bien se garder d'introduire, dans le mode de constater leur naissance, rien qui puisse établir une différence entre eux.
La loi dont nous nous occupons en cet instant a un troisième objet bien important, sans doute, c'est celui de conserver aux enfants leur état et leurs droits particuliers, c'est-à-dire tous ceux que la nature et nos institutions sociales accordent aux enfants qui ont une famille ou des parents qui veulent les reconnaître.
Mais le législateur peut-il exiger de ceux qui présentent un enfant au magistrat, de dire quel est le nom de ses parents, leur état, leur demeure, leur mariage? Peut-il même contraindre les père et mère présumés à cette déclaration? Peut-il autoriser l'officier public à faire des recherches pour les connaître?
Cette question est assez importante pour être examinée avec la plus grande attention.
Votre comité s'est décidé pour l'affirmative en vous proposant, dans son projet (art. 6 et 9 du titre III) de décréter que, dans le cas d'accouchement chez les chirurgiens, sages-femmes, ou chez les hôteliers, l'officier public, après avoir reçu la déclaration de ces chirurgiens et hôteliers, fera les diligences nécessaires pour constater la naissance et l'état de l'enfant.
Votre comité ajoute (à l'article 9), que dans le cas d'exposition de l'enfant, le juge de paix dressera procès-verbal des indices qui peuvent éclairer sur sa naissance, et recevra aussi les déclarations de ceux qui auraient quelques connaissances relatives a l'exposition de l'enfant.
Une telle inquisition peut-elle donc être autorisée par la loi? Raisonnons d'abord à l'égard du père.
Rien ne peut assurément affaiblir le devoir qui lui est imposé par la nature, d'élever et
de nourrir ses enfants; mais hors le cas d'un mariage légalement contracté, ce devoir,
quelque indispensable qu'il soit, ne devient civilement obligatoire contre un homme,
c'est-à-dire ne peut donner lieu à une action en justice contre lui, que lorsqu'il a reconnu
qu'il était père, ou
Si donc celle-ci ne l'accuse point, comment oserait-on le poursuivre sur de simples présomptions ? Comment pourrait-on se permettre aucune recherche sur sa conduite?
A l'égard des femmes, quoiqu'il soit souvent facile de trouver la mère d'un enfant qui vient de naître, quoique ses devoirs soient au moins aussi sacrés et aussi indispensables que ceux du père, je ne crois pas qu'il soit praticable, ni compatible avec le régime de la liberté, de per-mettré une inquisition qui pourrait être uh moyen d'oppression et de vengeance, un moye^ de répandre des soupçons injurieux et injustes^ et de porter le trouble dans les familles.
D'ailleurs, la loi ne pouvant atteindre les mœurs privées, le magistrat n'ayant aucune insf pection directe sur celles des particuliers, de telles recherches ne pourraient avoir pour objet que l'intérêt des enfants abandonnés, et que de leur rendre leurs protecteurs naturels.
Mais il est facile de prouver que les précau-» tions qu'on voudrait prendre à cet égard en leui| faveur, pourraient devenir la cause de leui perte.
Ne serait-il pas à craindre que des femmes contraintes de céler leur état au public, ne sel portassent à sacrifier leurs enfants, si elles présumaient qu'on exigera de ceux qui leur donneront un asile des déclarations qui, consignées dans des registres publics, attesteront à jamais! la faute qu'elles ont commises?
La redoutable loi de Henri II, n'a-t-elle pas été trop souvent insuffisante pour contraindre un sexe faible à des déclarations que la pudeur et le respect humain le dissuadaient de mire?
Quel nombre effrayant de victimes nos malheureux préjugés, et cette loi barbare qui les fortifiait, n'ont-ils pas immolé (1).
Il fautjque la mère infortunée, qui abandonne son enfant, soit dans des circonstances bien difficiles et bien insurmontables ! Si donc elle peut se déterminer à cette cruelle séparation, sans avoir les raisons les plus invincibles, elle est assurément bien criminelle; mais, dès lors, Messieurs, ne regrettez plus les soins et l'éducation qu'elle pourrait donner à son enfant ; elle ne serait qu'une marâtre.
Cependant le préjugé est si grand et si enraciné, dans certains lieux, contre ces mères malheureuses que, lorsqu'elles ont assez de force pour les surmonter, elles éprouvent quelquefois aes vexations de toutes espèces.
J'en ai vu périr une, qu'il me soit permis de le dire, pour qui la honte d'avoir été
trompée, l'inimitié et les mauvais traitements que sa faiblesse lui avait attirés de la part
de ses parents, ne furent pas des obstacles suffisants pour l'empêcher de remplir ses devoirs
de mère. Vainement on lui promit d'oublier sa faute, si elle voulait les trahir et abandonner
son enfant; vainement on essaya de le lui arracher, pour l'envoyer au loin dans un hospice de
charité ; elle eut le courage d'une lionne qui défend ses petits. 11 est douloureux que nos
mœurs soient telles, que cette comparaison avec l'animal le plus féroce, puisse honorer
l'humanité. Cependant, obligée de recourir au travail pénible de la campagne, avant'qu'elle
fût parfaitement ré-
Triste et trop fréquent effet de l'attachement de ces simples, mais barbares villageois, à ce que nous appelons des -mœurs. Quel résultat pourrait-on atteindre des principes les plus pé-pravés?
Gardons-nous donc, Messieurs, en décrétant les précautions que vous propose votre comité, d'affermir encore d'aussi fatals préjugés.
Loin qu'il soit entré dans son plan de chercher à les anéantir, il semble avoir évité de traiter une partie des questions qui y sont relatives, et qui sortaient naturellement ae son sujet.
Il paraît, au contraire, donner de nouveaux prétextes à ses préjugés, dans le titre relatif au mariage : on y voit « que les parties qui se présenteront devant l'officier public pour se marier, diront qu'elles se prennent en légitime mariage, et que cet officier prononcera aussi qu'elles sont unies en légitime mariage », ce qui suppose, remarquez-le bien, Messieurs, que toute autre union que celle contractée en présence du magistrat, est illicite, ce qui perpétue légalement la bâtardise et toutes les fausses idées qui en sont la suite, ce qui consacre, en un mot, une source d'inégalités parmi les hommes.
Aurions-nous donc oublié la déclaration des Droits ! La loi oserait-elle défendre ce qu'elle ne peut empêcher? Oserait-elle mettre une différence entre les enfants nés d'un mariage contracté d'après les formes prescrites par la loi, et ceux qui sont le fruit d'une union qui n'est pas légalement connue?
Quel intérêt la société pourrait-elle avoir à établir une semblable différence ?Tous les hommes ne sont-ils pas égaux aux yeux de la loi, quelle que soit leur naissance?
La Constitution ne regarde plus le mariage que comme un contrat civil, mais elle ne défend pas de contracter une union moins solennelle. La dépravation des mœurs a pour principales causes, il n'en faut pas douter, le despotisme des gouvernements, l'immense inégalité des fortunes, la corruption des hommes puissants qu'aucune loi ne peut atteindre, qui n'échappent a aucun vice. Mais pour peu qu'on réfléchisse sur la contradiction qui se trouve entre la nation et nos vieilles institutions sur le mariage, on est persuadé que nos lois, nos usages contribuent d'une manière puissante à l'anéantissement de tout principe de morale, et à dissoudre peu à peu tous les liens de la société.
A 18 ans, et même plus tôt, l'homme éprouve le besoin d'avoir une compagne; cependant, après avoir prolongé son enfance morale, et le despotisme des pères par une éducation pénible et infructueuse, on avait cru pouvoir retarder jusqu'à 30 ans l'époque où il pouvait contracter seul un mariage.
Avant cet âge, le consentement des pères et mères ou des tuteurs était souvent un obstacle invincible, tandis qu'à 16 ans un homme pouvait se consacrer au célibat par un vœu perpétuel et irrévocable.
D'un autre côté, quelle bizarrerie dans les
prétendues convenances d'état, de famille, de fortune; tandis que celle de la nature, et les vertus mêmes, étaient comptées pour rien ! C'est cependant avec une telle complication d'entraves et de préjugés, qu'on osait contracter une union indissoluble 1
Que l'on considère ensuite quelles étaient nos lois sur le célibat religieux, nos opinions sur l'inerte et stérile vertu qu'il supposait, le nombre de célibataires de 1 un et de l'autre sexe qui était le résultat d'une telle législation. Que l'on considère ensuite quelles étaient nos idées sur la bâtardise, et la flétrissure qu'elle entraînait, celles que nous avions d'une femme trompée, qui avait osé céder aux besoins d'aimer.
Que d'un autre côte l'on compare ces lois, ces usages avec nos passions, nos mœurs; et l'on verra que tout était contradiction, entrave, inconséquence.
On verra que loin que nos lois sur le mariage fussent coordonnées avec la nature, et qu'elles eussent pour objet ce grand principe de législation, de faire accorder nos devoirs avec notre volonté, il semble qu'on avait cherché à ne nous prescrire que des obligations incompatibles avec nos besoins, nos passions et conséquemment notre volonté (1).
On verra enfin que cette législation ressemble parfaitement au système d'un homme qui prétendrait que, pour faire prospérer une forêt, il faut abattre, étouffer, détruire tous les arbres qui croissent au hasard, et qui ne se trouveraient pas dans les lignes que le caprice d'un décorateur de jardin aurait tracées.
Disons-le, Messieurs, n'est-il pas évident que ces impolitiques et impraticables institutions, dignes du régime monacal, avec lequel elles furent imaginées, ne sont que des entraves, de véritables pièges, qui ne peuvent que nous corrompre, en nous accoutumant à violer les lois, à braver l'opinion publique, et qui nous laissent dans une incertitude de principes, dont la dissolution des mœurs est une suite nécessaire:?
Je suis bien éloigné, Messieurs, de vouloir soutenir en cette tribune aucune maxime qui soit contraire aux bonnes mœurs. Père de famille, je sais qu'il n'est pas de source de bonheur plus féconde pour l'humanité que celle des sentiments de la nature, et que J'amour conjugal et la tendresse paternelle : c'est aussi pour vous ramener à ces doux sentiments que vous invite à renverser en entier le gothique édifice de nos institutions relatives au mariage; ou plutôt c'est la nature elle-même qui veut que nous nous rapprochions d'elle (et il faut le dire. Messieurs, rien de ce qui subsistait dans l'ancien régime, ne peut convenir au nouveau);, .c'est donc elle qui veut qu'une femme, trompée par celui à qui elle avait donné sa foi, puisse trouver sans rougir des consolations dans les sentiments de la maternité, et s'enorgueillir encore d'en remplir les devoirs. C'est donc la nature qui veut que vous admettiez qu'il peut exister d'autres mariages, des unions moins solennelles que celles qui seront consacrées par les formalités de la loi.
Eh! comment pourriez-vous hésiter à reconnaître ces sortes d'unions comme permises, comme
légitimes, puisqu'elles ne sont pas prohibées, puisqu'elles ne peuvent pas l'être?
Je ne vous rappellerai pas que ces mariages privés ont été en usage chez les anciens peuples (1), mais je vous dirai qu'ils sont le moyen le plus puissant de régénérer vos mœurs, d'anéantir des préjugés qui tourmentent un si grand nombre d'industries, et qui font commettre tant de crimes.
Pensez-vous avoir besoin d'une loi rigoureuse pour prévenir l'infanticide, dès qu'une fille pourra se livrer sans honte aux doux sentiments de la maternité? Détruisons, détruisons le préjugé, et laissons agir la nature; lorsque nous ne l'avons pas corrompue, elle est bien supérieure à toutes les institutions humaines.
Eh ! n'en doutez pas, Messieurs, la plupart de ces mariages seront un jour ratifiés par la loi. i Quand les idées de mésalliance et de certaines convenances ne subsisteront plus, vous verrez un grand nombre de ces estimables époux confirmer les serments privés qu'ils avaient faits, lorsque, ni les charmes de la jeunesse, ni les attraits passagers de la volupté ne pourront plus influer sur une telle détermination, mais après que l'habitude les aura convaincus des véritables convenances qui existaient entre eux, mais quand les fruits de leur union les solliciteront de les solenniser, et lorsqu'ils pourront se glorifier d'avoir donné des enfants utiles à la patrie.
Chastes épouses, vertueuses mères, ne vous alarmez point; je ne veux pas dire que vous devez préférer pour vos filles une union privée à un mariage solennel, contracté d'après les conseils et l'expérience d'une famille sensée; mais, dès qu'il n'est pas possible d'espérer que tous les individus s'assujettissent au joug du mariage légal, tant que nos mœurs ne seront pas régénérées, tant qu'on aura à craindre une partie des maux qui désolent un si grand nombre d'époux, nous devons nous empresser d'anéantir les opinions qui flétrissent les devoirs les plus sacrés de la nature.
Ah! puisqu'ils vous sont si chers, ces devoirs, vous sentirez combien il est important de les rendre à des mères à qui l'on fait honte de les remplir... Vous sentirez qu'il s'agit de leur conserver vos ineffables joies, vos espérances, vos consolations. Qu'il s'agit, en un mot, de sauver leurs enfants, d'en sauver des milliers qui périssent, faute de soins, lorsqu'ils n'ont pas été étouffés dès leur naissance, et qui cependant ont des droits comme les autres à l'amour de leurs parents.
Non, Messieurs, ce n'est pas un système que je vous propose, ce n'est point une théorie fondée sur des abstractions métaphysiques.
Je ne fais que rappeler les premiers sentiments, les plus saintes obligations de la nature; je demande que vous détruisiez tous les obstacles qui les font méconnaître ou plutôt qui font qu'on les trahit sans cesse.
, Je demande que vous rendiez l'amour de leur mère à cette foule d'infortunés à qui nos aveugles préjuges n'ont donné, au lieu de parents, que des ennemis barbares. *
Combien ne le serions-nous pas nous-mêmes
Votre comité n'affermit-il pas encore vos vieilles opinions, en considérant le mariage comme indissoluble de sa nature, lorsqu'il croit devoir rendre hommage à la définition du droit romain, Matrimonium est viri et mulieris con-jonctio, individuam vitœ consuetudinem continens, en un mot, lorsqu'il vous propose de décréter, « que le mariage est un contrat civil, dont la condition essentielle est dans le consentement des époux de s'unir pour la vie? »
A Dieu ne plaise qu'il n'entre dans ma pensée de porter atteinte aux nœuds qui réunissent d'heureux époux, à des nœuds consacrés par tous les sentiments qu'inspirent les vertus, les qualités aimables, resserrés par une douce habitude de soins, de gré, de services mutuels, par les besoins, la reconnaissance et l'amour filial d'une famille chérie. Eh! comment pourrait-oij affaiblir des liens si respectables !
Mais si le mariage a pour fin principale, et vraiment essentielle, lâ procréation des enfants,! si la société doit prendre ie plus grand intérêt à l'accroissement ae la population ; si, d'àilleurs, nous devons coordonner nos institutions sociales! avec le bien général de l'Etat, il s'en suit nécessairement que, dès que cette fin essentielle ne peut jplus être remplie par l'un des époux, l'autre doit avoir le droit de rompre une convention dont le but le plus important n'existe plus.
Cette convention n'est pas d'une autre nature que les autres ; elle doit se dissoudre de la manière qu'elle se contracte, par le consentement des parties.
Sous tous les points de vue, c'est donc une erreur de prétendre qu'il est de l'essence du ifiariage de comprendre dans sa durée la vie entière des époux.
Ce principe de droit tenait sans doute à la sévérité, disons même à la dureté des anciennes lois romaines, relatives à la puissance maritale.
Les Romains chérissaient la liberté; mais ils aimaient aussi la domination, et il paraît qu'ils ne savaient pas apprécier les douceurs de 1 égalité.
Dans 1'artcien droit romain, la puissance qu'un père de famille avait sur la personne ae sa femme était immense, elle était la même que celle qu'il avait sur ses enfants et sur ses esclaves (IL
Une telle rigueur fut adoucie peu à peu dans la suite; néanmoins, dans les premiers temps de la République et suivant les lois de Romulus, un mari pouvait répudier sa femme, et Plutar-que observe que celle-ci n'avait pas le même privilège : de sorte que, d'après la définition du mariage citée par le comité, ce lien devait être alors pour les femmes un véritable esclavage.
Quoiqu'il en soit, la maxime que contient cette définition du droit romain, ne convient en aucune manière à notre nouvelle législation, je crois avoir démontré qu'elle ne dérivait point de la nature et de l'essence du contrat, et par conséquent que c'était un faux principe.
Il serait d'autant plus dangereux de ne pas relever une pareille erreur, que ce serait, en
quelque sorte, préjuger plusieurs questions importantes, relatives à la dissolution de la
société
Enfin, l'hommage rendu par votre comité à ce prétendu principe me paraît tendre à raffermir encore nos vieilles opinions sur l'indissolubilité du mariage, et à perpétuer la différence qui existait parmi nous entre les fruits d'une union solennisée par les formalités de la loi, et ceux d'un mariage inconnu au public.
Je me résume, Messieurs. Si vous voulez régénérer les mœurs, gardez-vous de fortifier nos préjugés, de donner des prétextes qui puissent les autoriser, en prescrivant aux officiers publics de faire des recherches pour connaître les père et mère de l'enfant qui leur sera offert sans déclaration.
Ne faites pas surtout supposer que vous regardez avec moins de faveur les enfants nés d'une union qui n'est pas légalement connue que ceux qui sont le fruit d'un mariage revêtu aes formes de la loi.
Qu'il n'y ait entre eux aucune différence, si ce n'est que les premiers ne puissent hériter de leurs parents que quand ils auront été reconnus par des actes authentiques, tandis que les derniers succéderont de droit aux leurs.
Législateurs, distinguez ce qui peut nuire véritablement aux individus et à la société ; prévenez, punissez les crimes de ceux qui la troublent; punissez la séduction, la violence, l'oubli ou le mépris des engagements consacrés par la loi; mais ne laissez pas subsister des préjugés qui flétrissent les mariages privés, et qui, surtout, empêchent d'en remplir les devoirs.
Les lois relatives au mariage et à la naissance des citoyens, doivent avoir évidemment pour objet de favoriser la population, qui est la richesse et la force des Empires ; d'assurer protec-I tion aux enfants nouveau-nés; de faire respecter, chérir et observer les devoirs de la paternité.
Vous atteindrez ce triple but en donnant une | grande latitude à la liberté des mariages, en contraignant chaque citoyen aisé à en contracter un légal ou privé ou à se déclarer père naturel, ou protecteur d'un enfant d'adoption.
Que la sagesse de vos décrets mette ensuite à la place des opinions qui subsistent encore parmi nous sur cet important sujet, des idées plus vraies et plus justes.
Qu'on apprenne en les lisant que l'honneur, le véritable honneur, pour les deux sexes, consiste «à ne tromper personne, à conserver la foi promise, et surtout à remplir les devoirs sacrés de la nature.
Que celui-là seul qui oserait v manquer soit flétri dans l'opinion publique; faites en sorte qué tous les citoyens, même les plus pauvres, regardent cette omission comme une lâcheté criminelle envers la patrie.
Que celui qui, après avoir reconnu qu'il était père, négligerait de fournir à son enfant les aliments et l'éducation qui lui sont dus, soit privé des droits de citoyen actif.
Vous ne manquez pas de moyens, non seulement pour fixer l'opinion sur ce qui est vraiment utile à la société, mais encore pour forcer les combinaisons de l'intérêt personnel à cet égard.
A Sparte, les biens du citoyen qui mourait sans enfants passaient à celui qui en avait le plus.
Privez de toute succession collatérale tous ceux ou celles qui auront passé une certaine époque de leur vie sans avoir contracté un mariage suivant la loi, ou qui n'auront pas reconnu ou adopté un enfant dont ils auront soin, qu'ils
élèveront, et à qui passera de droit une partie de leurs biens après eux.
Oui, Messieurs, qu'il me soit permis de vous le répéter encore, avec l'assurance d'un homme pénétré d'un vérité essentielle : donnez une grande latitude à la liberté des mariages privés et solennels ; établissez l'adoption comme un devoir sacré, indispensable, pour tout citoyen qui n'aura pas d'enfants.
Eh, ne contracte-t-on pas, en naissant, l'obligation de se reproduire, et de donner à l'Etat au moins un enfant pour le remplacer?
Nos passions, nos plaisirs, nos besoins, attestent que ce devoir nous est impérieusement imposé par la nature.
Mais l'humanité, la justice ne nous obligent-elles pas de rendre à nos semblables les secours et les soins que nous avons nous-mêmes reçus pendant notre enfance? et la société, qui ne saurait subsister sans cette réciprocité de service, n'est-elle pas en droit d'exiger que personne ne puisse se dispenser de cette dernière obligation, de soigner et d'élever au moins un enfant? Combien de gens prodiguent leurs affections à d'inutiles animaux!
Faites donc une loi qui prive de toute succession collatérale les célibataires; c'est-à-dire ceux qui, à 30 ou 40 ans, n'auront ni contracté de mariage légal, ni reconnu, ni élevé, ni adopté d'enfants et vous aurez fait un grand pas vers la régénération des mœurs, et inébranlablement affermi la liberté, qui sans mœurs ne peut être durable.
Je finis en observant néanmoins que tant que subsisteront nos préjugés, tant que les deux sexes chercheront à se tromper réciproquement, tant que nous n'aurons pas cette loyauté dont la nature française semble avoir reçu particulièrement le germe; tant que nous n'aurons pas cette franchise dans la partie de nos mœurs qui est relative à la propagation de l'espèce, franchise qui sied tellement aux femmes, qu'elle est seule le plus attrayant de leurs charmes; en un mot, tant qu'une fille ne pourra pas, sans rougir, allaiter le fils de l'homme qui l'a abusée, loin de poursuivre les mères des enfants qui seront présentés aux magistrats sans déclaration, nous devons établir, au contraire, des maisons dans lesquelles toute fille ou femme soit reçue gratuitement, un mois avant le terme de sa grossesse ; que cet asile soit impénétrable à tout autre 3u'à l'officier public chargé de l'administration e cet hospice; que ces femmes puissent y de-1 meurer jusqu'à leur rétablissement, si elles ne peuvent être les nourrices de leurs enfants r et si elles le peuvent, qu'elles soient préférées à des mercenaires.
C'est par de telles mesures que vous pré-l viendrez infailliblement les crimes d'infanticide ; c'est ainsi que vous conserverez à l'Etat une foule de citoyens.
Croiriez-vous acheter trop cher un si grand avantage? Non certes, Messieurs. 11 est prouvé, pour des hommes libres, que la population est la richesse d'un Etat.
D'ailleurs pourrait-il être doutéux que le travail auquel il serait nécessaire d'habituer ces enfants de la patrie, et qui ferait partie de leur éducation, ne fournit un dédommagement considérable des dépenses de ces institutions que l'humanité réclame si impérieusement?
Enfin, Messieurs, soyez sûrs que le nombre de ces enfants ne sera pas considérable, si vous
établissez l'adoption et la loi pénale que je vous propose contre les célibataires.
Je conclus, Messieurs, à ce qu'il soit retranché du titre III du projet de loi qui vous est présenté, tout ce qui suppose qu'on peut exiger une déclaration contraire à la volonté des pères et mères des enfants présentés au magistrat, ainsi que toutes les dispositions du même titre qui obligent les officiers publics de faire des diligences pour constater à qui appartiennent les enfants présentés sans déclaration.
Je demande qu'il soit ajouté que les personnes qui présenteront les enfants pourront se dispenser de répondre aux questions qui leur seront faites sur les différents objets mentionnés dans 'article 4 du titre 111 du projet de décret.
Je demande, en outre, que votre comité de législation soit chargé de vous présenter incessamment :
1° Un projet de loi pour fixer un mode de reconnaître les enfants nés d'un mariage privé, et pour déterminer comment ces enfants succè-jderont aux pères et mères qui les auront re-Iconnus;
2° Un autre projet de loi portant établisse-I ment d'un mode d'adoption ;
3° Un autre pour fixer les cas où le divorce pourra avoir lieu, pour régler l'état et l'éducation des enfants, après la dissolution du mariage et la quotité de biens sur la fortune de leurs père^t mère dont ils ne pourront être privés;
4° Enfin que votre comité de secours soit aussi chargé de vous présenter un projet de loi pour l'établissement des maisons propres à recevoir les femmes et les filles enceintes, et pour nourrir et élever leurs enfants, et ceux dont les pères et mères ne voudront pas se faire connaître.
(L'Assemblée renvoie les propositions de M. Ou-dot au comité de législation.)
, rapporteur, donne lecture des articles 1 et 2 du titre III qui sont ainsi conçus :
TITRE III. — Naissances.
« Art. 1er. Les actes de naissance seront dressés dans les 24
heures, sur la déclaration que feront, devant l'officier public du lieu de l'accouchement, le
père de l'enfant et deux témoins de l'un ou de l'autre sexe.
« Art. 2. En cas d'absence, empêchement ou refus du père, il sera suppléé à sa déclaration, par celle de la sage-femme, du chirurgien, de toute autre personne qui aura été présente à l'accouchement, et à défaut, par quelque parent, voisin ou ami. »
et quelques autres membres appuient les propositions du comité de législation tendant à admettre des témoins de l'un et l'autre sexe.
s'y oppose en s'appuyant sur ce que les femmes, étant exclues de toutes les fonctions publiques, ne peuvent donner de témoignages faisant foi en justice."
Les femmes ont un esprit et un cœur comme les hommes; elles ont aussi une langue et je ne suis pas tant étonné, d'après le peu que la Constitution a fait pour elles, qu'il y en ait beaucoup d'aristocrates. (Rires.)
Divers membres proposent des amendements ou de nouvelles rédactions.
Après la discussion, les articles 1 et 2, qui
deviennent les articles 1, 2, 3 et 4 du titre III, sont adoptés dans les termes suivants :
Art. 1er.
« Les actes de naissance seront dressés dans les 24 heures de la déclaration qui sera faite par les personnes ci-après désignées, assistées de deux témoins de l un ou de l'autre sexe, parents ou non parents, âgés de 21 ans.
Art. 2.
« En quelque lieu que la femme mariée accouche, si son mari est présent et en état d'agir, il sera tenu de faire la déclaration.
Art. 3.
« Lorsque le mari sera absent ou ne pourra agir, ou que la mère ne sera pas mariée, le chirurgien ou la sage-femme qui auront fait l'accouchement seront obligés de déclarer la naissance.
Art. 4.
« Quand une femme accouchera, soit dans une maison publique, soit dans la maison d'au-trui, la personne qui-commandera dans cette maison, ou qui en aura la direction, sera tenue de déclarer la naissance. »
La parole est à M. le ministre de l'intérieur qui l'a demandée, pour répondre au décret rendu hier à l'Assemblée et rendre compte de Y état de Paris.
, ministre de Vintérieur. Messieurs, l'Assemblée nationale, par son décret d'avant-hier, m'a donné ordre de lui rendre compte tous les jours de l'état de la capitale. C'est avec satisfaction que je lui rends compte aujourd'hui que l'état ae la capitale est beaucoup plus tranquille. Les groupes sont moins nombreux et moins inquiétants. La municipalité s'est portée partout, a instruit les citoyens, les a persuadés, leur a fait entendre que ce n'était point l'agitation qui était une marque de civisme, mais le respect aux lois. D'après cela j'apprends que les groupes se dissipent et que le calme se rétablit.
II n'y a pas eu de groupes. (Murmures à droite.)
Un membre : Je suis étonné que le ministre de l'intérieur, qui a à vous rendre compte de l'état de la capitale, n'apporte pas la lettre consolante du maire de Paris.
, ministre de Vintérieur. Je ne savais pas si l'Assemblée nationale désirait que je lui rendisse compte verbalement ou par écrit. Voici la lettre que j'avais écrite à M. le président :
Monsieur le Président (1),
« C'est avec une grande satisfaction que j'ai l'honneur de rendre compte à l'Assemblée de
l'état actuel de la capitale. Il est beaucoup moins inquiétant ; les précautions qui ont été
prises (Bruit) par la municipalité et par les corps administratifs, ont fait sentir aux
citoyens que les agitations convulsives sont toujours con-
« Je suis avec respect, Monsieur le Président, votre très humble et très obéissant serviteur.
« Le ministre de Vintérieur,
« Signé : Terrier. »
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
Il faut que vous ayez la bonté de prier M. le ministre de lire la lettre qui lui a été écrite avant 9 heures par M. le maire de Paris. Si le ministre voulait avoir la bonté de la lire, elle est très rassurante et cela ferait un très bon effet.
Plusieurs membres : L'ordre du jourl
Un membre : Je demande que M. Dusauix nous donne connaissance de cette lettre, si elle est en son pouvoir.
Si M. le Président m'autorise, je vais en faire lecture.
Plusieurs membres : Oui, oui]!
Voici la lettre du maire de Paris, c'est une .copie certifiée conforme à l'original :
« Paris, le
« Vous demandez, Monsieur, que je vous instruise de la situation de Paris. Paris est tranquille: hier tout annonçait le calme, les officiers municipaux se sont rendus dans les lieux où l'on supposait de la fermentation ; je m'y suis rendu moi-même : ces lieux n'étaient point agités. Les citoyens paraissaient avoir les dispositions les plus pacifiques. Les rapports qui m'avaient été raits s'accordaient sur ce point.
« Dans la soirée, on a affecté de répandre de nouveau les bruits les plus alarmants : on disait que l'arsenal allait être forcé; on disait que les canons allaient être pris; on disait que les faubourgs étaient rassemblés en armes; il était onze heures du soir. On a jeté les citoyens dans les inquiétudes les plus vives, et dans l'attente des événements les plus sinistres. J'ai écrit une seconde fois à des officiers civils dans les deux faubourgs ; ils m'ont répondu par les lettres les plus tranquillisantes.
Ce matin rien ne présage un jour orageux, les citoyens cependant nYen sont pas moins troublés dans leur repos ; on ne cesse de prendre de ces précautions qui annoncent un danger pressant et qui sont le tocsin d'alarme. Je pense qu'il serait plus prudent de ne pas donner de ces alertes continuelles et de ne point faire croire à un état de péril sans cesse renaissant. Annoncer ainsi le désordre, c'est souvent le faire renaître : c'est agiter tous les esprits, c'est fatiguer la garde nationale, c'est dire à la France entière que Paris est dans l'état de crise le plus violent, et qu'on ne peut plus ni l'habiter, ni l'aborder sans crainte. »
« Le maire de Paris,
« Signé : pétion. »
Plusieurs membres : L'ordre du jourl
J'ai remarqué avec
Plusieurs membres : Gela n'est pas vrai ! (Murmures à droite.)
J'ai été interrompu, je répéterai cette phrase, et la voici : c'est que M. le ministre a dit que les groupes se dissipaient, pour preuve que le calme se rétablissait. Je conclus de là qu'il a des preuves certaines que les groupes étaient malintentionnés. (Murmures prolongés.)'
Plusieurs membres : L'ordre du jour!
Lorsque le calme renaît dans Paris, pourquoi veut-on mettre le trouble dans l'Assemblée?
Je soutiens que l'Assemblée ne doit point passer à l'ordre du jour, parce que, lorsqu'elle a demandé un compte au ministre de l'intérieur, c'était pour être instruite de la situation de Paris; or/ depuis trop longtemps nous sommes obligés de ne plus croire à 1 infaillibilité des ministres. (Applaudissements à gauche et dans les tribunes.) Nous sommes obligés de vérifier les faits qu'ils nous présentent, de les rapprocher de ceux qui sont mis en avant par d'autres fonctionnaires publics qui sont spécialement chargés de la tranquillité de la ville de Paris ; or, Messieurs, il se trouve sans doute des contradictions, et de très grandes entre le compte que le ministre yous a rendu et celui qui a été rendu par le maire de Paris. Le ministre vous a dit que les groupes se dissipaient, il a dû penser qu'ils étaient malintentionnés, car il a dit qu'ils avaient été inquiétants. On n'a pas voulu croire au rapport du maire de Paris. On a préféré d'autres renseignements, et Ton est venu nous faire ici un rapport absolument opposé à celui qu'on avait reçu. M. le ministre de l'intérieur ne peut pas tout voir par lui-même, il est obligé dé voir par les yeux des officiers civils qui doivent correspondre avec lui, et son devoir à lui est de vous représenter les résultats des différents comptes qui lui ont été rendus. Cependant, depuis trois heures du matin, on a battu la caisse dans Paris; malgré les assurances que le maire donnait que tout était tranquille, on a fait de l'enceinte du Corps législatif un état de siège; on a fait des Tuileries une véritable place de guerre.
Messieurs, il est de votre devoir de faire connaître aux 83 départements, dans lesquels on a jeté l'alarme, la véritable situàtion de Paris. Il faut que les départements sachent que le maire de Paris maintient la tranquillité de Paris ; il faut que les habitants des autres départements sachent qu'ils peuvent revenir à Paris, en toute sûreté, si leurs affaires les y appellent; qu'ils peuvent y envoyer les comestibles et les provisions qui manqueraient bientôt si on répandait dans les départements qu'il y a du danger à se rendre à Paris. Je soutiens donc que l'Assemblée nationale ne peut passer à l'ordre du jour, lorsque des membres prétendent attaquer les comptes qui semblent inexacts, et comme con-
traires à la lettre du maire de Paris. Je demande donc que la discussion soit continuée et qu'on ne passe pas à l'ordre du jour, et j'observe à l'Assemblée qu'il est étonnant que le maire de Paris ne vienne plus lui-même rendre compte, à la barre, de l'état de Paris, parce qu'il y a un décret qui le lui enjoint.
Je dénonce à l'Assemblée qu'il n'y a d'autres troubles que ceux que cherche à exciter le commandant du château des Tuileries, et je vous dénonce que, dans le moment où le roi passait la revue ae la garde nationale et des nombreux corps de troupes qu'on a rassemblés, des particuliers qui ont crié: « Vive la nation! » ont été arrêtés ; j'ai été témoin du fait.
Plusieurs membres : C'est faux ! c'est faux !
Un autre membre : Je demande à expliquer le fait tel qu'il s'est passé.
Je demande la parole pour dénoncer un fait. On vient d'établir, au château des Tuileries, le tribunal de l'ancienne prévôté de l'hôtel; des juges de paix se sont permis d'établir un nouveau bureau central qui est actuellement dans les appartements, dans la salle des ambassadeurs. Il n est pas permis aux juges de paix de faire saisir et conduire un homme ailleurs que dans les lieux publiquement reconnus pour des lieux de justice. Si on prenait aujourd'hui mon frère, je voudrais savoir où on l'a conduit, pour être instruit de la situation où il se trouve, pour le cautionner, pour le garantir. Mais si les juges de paix peuvent faire conduire dans des carrefours, ils peuvent renouveler le régime des lettres de cachet et faire disparaître impunément des citoyens. L'infraction faite à la loi par les juges de paix, paraît très criminelle, quand je pense que 1 on arrête des hommes pour avoir crié : « Vive la nation ! ». et pour avoir dit qu'ils ne voulaient pas crier: « Vive la reine! » Ce sont des faits bien constants.
Je demande à répondre au fait par un fait dont j'ai été témoin. Il est vrai qu'il y a eu un petit mouvement lors de la revue. On a arrêté un homme qui, en entendant crier « Vive la nation ! » s'est permis de dire : « A bas le roi, et vive la nation ! »
Je demande le renvoi de tous ces faits à la commission des Douze.
Appuyé !
Aux faits qui ont été dénoncés, je demande à en ajouter un autre. J'en ai un à vous dénoncer qui intéresse la majesté et la dignité de la représentation nationale. Je demande, Messieurs, si, parce qu'il est décrété que le château des Tuileries appartient au roi ; cependant comme les représentants de la nation sont dans l'usage, lorsqu'ils ont travaillé dans cette enceinte, de prendre, de temps à autre, quelques moments ae repos dans le jardin des Tuileries ; je demande si le jardin des Tuileries doit être pour les représentants de la nation un asile sacré. Je demande s'il est permis à des citoyens, à des chevaliers de Saint-Louis...
Un membre: Il n'y en a plus !
11 est un fait constant, c'est que plusieurs membres de l'Assemblée ont été insultés par des groupes, composés de ces individus. Je dénonce à l'Assemblée que tous ces jours-ci il y a eu dans le jardin des Tuileries des groupes de ci-devant nobles, de ci-devant
gardes du roi, qui n'en sortaient pas du matin jusqu'au soir. Je dénonce àr l'Assemblée que plusieurs députés à l'Assemblée ont été insultés. Je demande si l'Assemblée, parce qu'elle occupe cet emplacement, doit dépendre du Pouvoir exécutif. Je demande que :1e ministre de l'intérieur, au lieu de venir vous parler des troubles factices, de troubles faux qui n ont jamais existé (Applaudissements des tribunes), \ienne vous rendre compte si ces groupes, véritablement contre-révolutionnaires, existent encore dans le jardin des Tuileries ; et si, encore une fois, les représentants de la nation, lorsqu'ils sont dans le château des Tuileries, peuvent se regarder encore comme dans un asile sacré.
J'ai passé très souvent dans les Tuileries ; je n'y ai rien vu de tout ce que dit M. Lamarque.
Un membre (à droite) : J'ai été souvent insulté aussi, mais c'était par ceùx qu'on appelle les sans-culottes. Je n'ai jamais pris la peine de les dénoncer.
Je demande la parole pour un fait.
Je demande à appuyer M. Lamarque. J'ai vu maltraiter un représentant de la nation ; je dois le dire : il est très vrai qu'avant-hier, à deux heures, M. Duhem, député du département du Nord, a été cruellement maltraité, non pas manuellement, mais en paroles, par un homme décoré de la croix de Saint-Louis.
Il n'est pas le seul.
J'étais assis de ce côté-là; M. Ques-nay, député, est entré et m'a dit : « Je viens des Tuileries ; il y a un groupe très considérable, où M. Duhem et d'autres membres pérorent. Il faudrait y aller pour faire cesser cette espèce de sermon que M. Duhem fait à 30 ou 40 personnes qui l'environnent. » Nous y avons couru, et nous avons rôdé autour du groupe ; nous n'avons perdu aucune des paroles de M. Duhem. Elles nous ont fait frémir; M. Duhem y prêchait la révolte et l'insubordination ; il disait que le roi ne cessait de tromper le peuple. (Applaudissements à Vextrême gauche et dans les tribunes.)
Et moi, je le dis au milieu de l'Assemblée.
Monsieur le Président, c'est là l'occasion de rappeler les tribunes à l'ordre.
Nous n'avons pas voulu interrompre M. Duhem, parce que nous respectons la liberté des opinions. Nous en gémissions ; mais nous nous taisions. Alors, Messieurs, une personne décorée de la croix de Saint-Louis...
Un membre (à gauche) : On ne cherche qu'à élever des troubles dans Paris. L'ordre du jourl
Un homme décoré de la croix de Saint-Louis l'a. renvoyé à son poste, et lui a dit qu'il ne devait pas calomnier les intentions du roi dans le jardin des Tuileries. 11 lui a dit des choses très dures, je suis forcé d'en convenir.
Plusieurs membres : L'ordre du jour l
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
, ministre de Vintérieur. L'Assemblée nationale m'avait demandé compte de la situation de Paris. J'ai cru que je devais lui présenter un ensemble collectif d'après les différents rapports que j'ai reçus, soit de la municipalité, soit des corps administratifs. Je ne lui ai pas rendu compte des pièces que j'ai reçues,
mais puisqu'on lui a lu la lettre de M. le maire, je dois pour me justifier vous rendre compte aussi de la lettre que j'ai reçue de M. le procureur général syndic. La voici (1)
« Les occupations du conseil, Monsieur, et les miennes pour prévenir les troubles dont nous étions menacés aujourd'hui, nous ont conduit hier si tard, qu'il m'a été impossible de vous rendre le compte de la journée. Je vais m'en occuper et avant deux heures vous en recevrez un détail.
« Les précautions prises et annoncées^ la ferme résolution de la plus grande partie de la garde nationale, l'attention qu'ont eue deux officiers municipaux de se porter, dès hier, au rassemblement du faubourg Saint-Marcel, et la démarche qu'a faite M. le maire au faubourg Saint-Antoine, où il a parlé et fait entendre le langage de la loi ; enfin la persévérance du département, et surtout les sages décrets de l'Assemblée nationale concernant les rassemblements et les troubles, nous permettent d'espérer une journée paisible et le retour du calme et de l'ordre pour la suite. Pour moi j'espère avec une pleine confiance : et ce qui détermine cette confiance, c'est que déjà j'entends des intrigants factieux, subalternes et hypocrites, parler avec une dérision feinte de nos inquiétudes trop fondées, et nous accuser d'en avoir montré pour en répandre. (Murmures prolongés.) Ce langage, Monsieur, est d'un très bon augure ; il prouve que les factions désespèrent de surmonter les autorités constituées. (Vifs applaudissements.)
« Le procureur général syndic du département de Paris,
« Signé : RûEDERER. »
« 25 juin 1792,9 heures du matin. »
Plusieurs membres à droite : L'impression de cette lettre 1
, ministre de Vintérieur. Je demande à l'Assemblée si, après les différents rapports qu'elle a entendus, celui que j'ai eu l'honneur de lui faire n'en était pas le résultat combiné.
Plusieurs membres : Oui, oui !
D'autres membres : Nous demandons l'impression du rapport du ministre, de la lettre du procureur général syndic et de celle du maire de Paris, ainsi que l'envoi aux 83 départements 1
(L'Assemblée décrète l'impression du rapport de M. le ministre de l'intérieur, de la lettre du procureur général syndic et de celle du maire ae Paris et elle en ordonne l'envoi aux 83 départements.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre, souscrite Lenoir, Dubreuil et Verniquet, citoyens du faubourg Saint-Antoine, qui dénoncent M, Chabot, membre de l'Assemblée, comme coupable de provocations séditieuses dans la nuit du 19 au 20 juin. Cette lettre est ainsi conçue (2) :
« Monsieur le Président,
» Nous dénonçons à l'Assemblée nationale, le sieur Chabot, membre de l'Assemblée, comme
« Nous sommes avec respect, Monsieur le Président, les très humbles serviteurs et amis de la Constitution et du roi.
« Signé : Les véritables amis de la Constitution, Lenoir, Dubreuil, Ver-niquet, citoyens du faubourg Saint-Antoine. »
Messieurs, je dois dire à l'Assemblée nationale que, mercredi matin, une couturière qui demeure dans l'enclos des Quinze-Vingts, au faubourg Saint-Antoine, est venue chez moi, pour y apporter des robes. Je lui demandai en quel état était le faubourg; elle m'a parlé du rassemblement et de la résolution qu'avaient prise un grand nombre de citoyens, de défiler en armes devant l'Assemblée nationale. Elle m'a dit que les officiers municipaux les en avaient détournés ; et elle m'a ajouté que M. Chabot y avait été le soir, et qu'if avait fait tout son possible pour les engager à se présenter sans armes, voilà ce qu'elle m'a dit, et je crois devoir en instruire l'Assemblée. •
Je demande la parole pour un fait; au nom du faubourg Saint-Antoine.
monte à la tribune. {Vifs applaudissements des tribunes.)
Je rappelle de nouveau aux tribunes le respect dû. à 1 Assemblée. (Nouveaux applaudissements.)
(de Rayeux). Je demande qu'il soit défendu d'applaudir quand on parle qu'on a voulu assassiner lé roi.
Je rends grâce aux calomniateurs, parce qu'ils me forcent à prouver une modération qu'on ne m'a jamais connue. (Rires à droite ; applaudissements à gauche.)
Plusieurs membres : A l'ordre! à l'ordre!
Je rappelle à l'ordre ceux qui interrompent comme ceux qui applaudissent.
Je dis que les calomnies me forcent à faire connaître juridiquement une modération qu'un grand nombre de membres n'ont pas voulu reconnaître en moi. Il est vrai, Messieurs, que j'ai été au faubourg Saint-Antoine la veille de la pétition; il est vrai que j'étais instruit qu'ils Voulaient faire cette pétition, et que j'improuvais cette pétition; il est vrai que j ai dit que cette démarche ne produirait peut-être aucun bon effet ; il est vrai, qu'étant instruit, en sortant des Jacobins, que le faubourg Sâint-Antoine était assemblé pour cette pétition, j'ai cru qu'il m'était permis de les aller exhorter à ne pas la faire; il est très vrai que suis monté à la tribune de cette église; et malheureusement pour mes calomniateurs, le secrétaire de cette section a consigné dans le procès-verbal les expressions de la modération que j'avais prêchée à ce peuple assemblé. (Applaudissements.)
J'observe que, quand je fus à la porte de cette
église, on m'annonça comme membre de l'Assemblée .nationale, ce qui répugnait un peu à mon cœur, parce que j y paraissais eômme citoyen. M. le Président me fit la grâce lie me forcer à me placer à côté de lui. Quand j'eus exprimé mon vœu sur cette pétition,, quand je crus ne pouvoir pas l'empêcher, je leur recommandai au moins de ne pas y venir en armes. Je les en ai empêchés, je m'en vante à la face de l'Assemblée nationale et de toute la France. M. lefsecrétaire a eu l'attention de consigner ces expressions modérées dans le procès-verbal; je lui dis que c'était inutile, qu'il ne fallait pas me nommer, que j'étais là comme simple citoyen. J'eus beau insister, il voulut conserver et mon nom et l'expression de mes sentiments dans le procès •verbal. La lecture en fut faite à rassemblée, et l'assemblée y applaudit à plusieurs reprises. Je ne doute pas que ce ne soient les malveillants, que ce ne soient les vrais aristocrates, les amis du château des Tuileries, qui aient fait ameuter ce peuple; car il était délibéré qu'il n'y viendrait pas en armes, et il était au nombre de 7 à 8,000, tant au dedans qu'au dehors. Ils ont entendu les expressions de la loi dont je me flatte d'avoir été l'organe ; ils les ont entendues avec des applaudissements réitérés qui marquaient l'expression de leurs cœurs. Je dois donc dire que ce sont des Scélérats, et peut-être mes calomniateurs qui les ont fait arriver au château des Tuileries; car ils sont venus ici avec votre permission, et au château des Tuileries avec des armes qu'ils ne devaient point avoir. C'est eux que je dénonce, parce que je ne doute pas ' que ce ne soient de véri tables scélérats qui aient provoqué cette insurrection. (Vifs applaudissements.)
Je vais demander au président ou au secrétaire de cette section, je ne sais pas qui cela regarde, l'extrait de la délibération de ce jour pour en faire lecture à rAssemblée. Et, Messieurs, c'est la seule vengeance que je veux tirer de mes calomniateurs. (Applaudissements.) J'ajoute que ces citoyens etaient assemblés en section et n'étaient pas attroupés.
A la lecture de la dénonciation qui vient de vous être faite, j'ai frémi avec tous les membres de cette Assemblée ; jamais sans doute, Messieurs, un attentat n'aurait été commis avec autant de caractère que celui qui vous est dénoncé, si M. Chabot fût coupable du délit dont on l'accuse. Son caractère de représentant du peuple français aurait dû lui inspirer des sentiments de respect pour son représentant héréditaire. Messieurs, j'ai frissonné de cette dénonciation, et je me trouve dans ce moment plein de satisfaction, d'après le témoignage de M. Condorcet, et je dis même de l'Assemblée i nationale. Je ne doute pas, Messieurs, que la dénonciation qui vous a été faite ne soit fausse ; mais je dis que l'Assemblée nationale se doit à -elle-même, à sa dignité, de donner à cette dénonciation les suites qu'elle doit avoir; c'est-à-dire que l'Assemblée doit la renvoyer à son comité des Douze, en le chargeant éxpressément de la suivre jusqu'à ce qu'il ait la connaissance ou que les faits dénoncés sont vrais, ou qu'ils sont faux ; car si nous mettions, Messieurs, la moindre négligence, on pourrait nous accuser de porter, dans les occasions sévères, la modération qui ne convient pas aux représentants du peuple quandi ils jugent un de leurs membres. C'est avec toute la sévérité de la loi que
M. Chabot doit être jugé, s'il est coupable, comme c'est avec tout l'éclat de l'innocence qu'il doit paraître devant le peuple. (Applaudissements.)
Je demande le renvoi au comité des Douze.
Les pétitionnaires que vous avez admis déclarent tous ne pas reconnaître ces signataires pour membres ;de leur section.
Avant que l'Assemblée prenne aucun parti, je demande que la lettre paraphée soit renvoyée au Pouvoir exécutif, à 1 effet par lui de prendre les mesures convenables pour faire vérifier, sans délai, si les trois particuliers signataires de cette lettre existent et sont citoyens de cette section, pour en rendre compte ce soir. Nous ne devons pas laisser reposer plus longtemps une pareille calomnie sur la tête de M. Chabot.
(L'Assemblée adopte cette proposition et celle de M. Chabot,)
Suit le texte définitif du décret rendu: « L'Assemblée nationale décrète que la lettre signée Lenoir, Dubreuil et Vnrniquet, sera paraphée par les secrétaires, et, sur-le-champ, envoyée au Pouvoir exécutif, pour faire vérifier, sans délai, s'il existe dans le faubourg Saint-Antoine trois citoyens nommés Lenoir, Dubreuil et Verni-quet; et, dans ce cas, faire constater Si les signatures apposées au bas de la lettre sont d'eux, et, du tout, rendre compte dans la séance de ce soir.
« L'Assemblée nationale décrète, en outre, que le Pouvoir exécutif fera délivrer expédition du procès-verbal de la séance de la section des Quinze-Vingts dans la nuit du mardi 19 au mercredi 20 de ce mois, et la fera parvenir, dans la séance du soir, au Corps législatif. »
(La séance est levée à 4 heures et demie.)
A LA SÉANGE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE
LÉGISLATIVE DU
Opinion de M. G. Delfau (1), député du département de la Dordogne, sur les sociétés populaires.
AVIS
Puisque je n'ai pu prononcer mon opinion tout entière, je dois la faire imprimer (2). C'est après l'avoir lue jusqu'à la fin que l'on pourra connaître si je ne devais pas à la vérité, à ma conscience, à ma patrie, de dénoncer les factions, et de demander leur anéantissement. J'invoque le sentiment intime de tous les hommes de bien et de tous les vrais amis de la Constitution ; j'invoque leur jugement sur les sociétés populaires ; et si je n'ai dit que la vérité, je leur demande quels sont les meilleurs citoyens, ceux qui attaquent les factieux ou ceux qui les détendent.
Messieurs,
Je crois que c'est en vain qu'on voudrait se
dissimuler plus longtemps lesmaux incalculables qui menacent la patrie. Il faudrait être, ou bien insensé, où bien profondément pervers, pour n'éprouver aucune inquiétude en considérant la crise effrayante où nous nous trouvons. La Constitutiôn est menacée d'une subversion totale ; d'un côté, parles efforts d'une aristocratie forcenée, de l'autre, par ceux d'une aristocratie séditieuse, qui l'une et l'autre ne gardent plus de mesure. Placésentre ces deux factions qui se disputent l'Empire, les bons citoyens demeurent spectateurs muets, et semblent attendre en silence le résultat du combat, sans songer que, de quelque côté que tourne la victoire, la perte de la Constitution en est l'inévitable fruit. Une torpeur universelle semble s'être emparée de tous les vrais amis de la liberté; ils dorment pendant que les démagogues, les anarchistes, les brigands, s'agitent de toutes parts. Affaissés sous le poids de l'infortune publique, ils semblent avoir perdu leur courage, et toutes les horreurs de la licence la plus effrénée ne peuvent les sortir de leur léthargie profonde. La plupart se contentent de faire des vœux secrets, quelques-uns font entendre des murmures, et lés autres tournent leurs yeux en pleurs vers le Corps législatif.
Oui, c'est de vous, Messieurs, que la France attend son salut. Vous seuls pouvez encore sauver la chose publique. Le mal est grand, il est vrai, mais votre courage peut le surmonter. Armez-vous de toute la sévérité que commandent les circonstances. Soyez inexorables avec les factieux de tous les partis; qu'ils tremblent à là vue de votre inflexible justice, que tous les obstacles qui s'opposent à Fexécution des lois soient anéantis. La loi, la loi ! elle seule peut nous sauver ! C'est en vain qu'on voudrait nous persuader que la Révolution n'est pas finie, et que partout il est impossible que les lois soient parfaitement exécutées ; ne soyons pas dupes de ce prétexte imaginé par les factieux pour perpétuer l'anarchie dont ils ont besoin, La Révolution est finie quand la Constitution est terminée. L'anarchie seule dure encore, et c'est ce désordre affreux, cette licence effrénée que les agitateurs appellent révolution. Sans doute, cette révolution n'est pas finie, grâce aux soins qu'on prend de la perpétuer, mais il faut enfin qu'elle cesse. Il faut enfin que les vrais amis de la liberté se lèvent à leur tour et que toutes les factions soient anéanties.
Vous avez juré, Messieurs, de maintenir la Constitution tout entière. Vous avez juré de défendre ce dépôt précieux, que la nation vous a confié, contre les atteintes de tous les ennemis de la chose publique. Depuis quelque temps surtout, plusieurs décrets successifs ont annoncé la volonté ferme, où vous êtes, de terrasser toutes les factions et d'établir partout l'ordre, la discipline et le règne des lois ; les bons citoyens ont applaudi à votre courage, et les méchants en ont frémi; mais, pour assurer votre victoire, il vous reste à prendre une .dernière ét décisive mesure, qui ne doit pas échapper à votre sollicitude. Sans elle le succès de vos premiers pas serait bien incertain.
La Constitution permet aux citoyens de s'assembler pour conférer librement et paisiblement sur leurs intérêts. Ce droit sacré, la plus précieuse propriété dont puisse jouir un homme libre, doit être religieusement maintenu. Autant il est essentiel au despotisme de tenir les hommes isolés et d'empêcher entre eux toute commuai-
cation qui pourrait les éclairer, autant il est indispensable, dans un Etat libre, que les citoyens puissent s'assembler, afin de conserver par les lumières ce que l'ignorance seule avait pu leur faire perdre. Ainsi, ce n'est pas le droit que j'attaque, mais l'abus qu'on en fait. Autant le droit ici est utile, autant l'abus est pernicieux; car, dans les sociétés populaires, le mal est bien près du bien ; autant elles peuvent être nécessaires, si elles sont bien dirigées, autant elles peuvent être funestes à la chose publique, si elles sont égarées.
Si ces sociétés, qui ne doivent surveiller le gouvernement que pour l'affermir et le défendre contre les attaques des ambitieux, devenaient elles-mêmes les dupes et les instruments de ces ambitieux; si ces assemblées, qui pour faire le bien doivent être constitutionnelles et toujours amies des lois, devenaient des foyers d'anarchie et de contre-révolution ; si ces assemblées qui n'ont aucun caractère public, aucune existence politique, formaient tout à coup un corps puissant, une association dangereuse, législateurs, vous êtes là pour les réprimer.
En prononçant dernièrement un arrêt de mort contre toutes les corporations échappées à la cognée de vos prédécesseurs, vous en avez oublié une, la plus puissante, la plus étonnante du moins que présente l'histoire de toutes les sociétés politiques. Il n'est personne, à ce portrait, qui n'aperçoive déjà la congrégation des 800 sociétés populaires, dont le chef-lieu est à Paris. Toutes ces sociétés animées d'un même esprit, affiliées entre elles, unies par un pacte fédératif, présentant toutes une même organisation, et se réunissant toutes à une société-mère, centre auquel aboutissent toutes les sections de ce vaste ensemble, ces sociétés, dis-je, présentent, sinon un gouvernement dans l'Etat, du moins une effrayante corporation, qui peut perdre l'Etat. En effet, si jamais cette vaste agrégation osait attaquer la Constitution, quelle force opposeriez-vous à ce corps, dont les établissements, aussi multipliés, et beaucoup plus forts par le nombre des membres, et plus unis entre eux, que les pouvoirs de la Constitution, vous présenteraient partout une résistance invincible?
Je ne sais pas, Messieurs, si vous pouvez considérer plus longtemps, sans effroi, ce colosse menaçant; je ne sais pas si vous voulez le prévenir, ou si vous attendez qu'il vous prévienne. Attendons encore, et bientôt il ne sera plus temps.
Les partisans des sociétés nous vantent avec raison les grands services qu'elles ont rendus à la Révolution, et semblent demander leur conservation à la reconnaissance publique; mais peut-être examinent-ils plus ce qu'elles ont fait que ce qu'elles font maintenant; ils ne songent pas que les services passés peuvent être effacés par les fautes présentes et que, si les clubs pouvaient menacer la chose publique, les plus cners souvenirs doivent s'effacer devant le grand intérêt de l'Etat.
Les sociétés ont rendu de grands services à la Révolution, cela est incontestable : les principes communs qui les réunissaient, la coalition puissante qu'elles avaient formée contre les ennemis de la liberté, ont terrassé tous les opposants au nouvel ordre de choses; mais, la Constitution finie, leur tâche était remplie et leur règne devait cesser.
Avant rétablissement et pendant le travail de notre régénération, tous les bons citoyens pre-
naient en main l'autorité. L'impérieuse nécessité, le besoin de suppléer au gouvernement qui n'existait pas encore, les forçaient à se réunir, afin de prévenir les maux que pouvaient occasionner l'interrègne de la loi. Les sociétés populaires furent alors d'un grand secours; elles étaient le centre de l'esprit public, le point de ralliement de tous les amis de l'ordre et de la liberté, qui avaient besoin de se réunir pour résister aux efforts d'une aristocratie désespérée, mais ces sociétés, qui furent créées par les circonstances, pendant l'attente des autorités constituées, devaient, aussitôt après la formation de ces autorités, se démettre de leurs pouvoirs.
Mais habituées à une domination qui leur était d'autant plus précieuse qu'elles ne l'avaient jusqu'alors fait servir qu'au bien public, les sociétés populaires voulurent conserver, après l'achèvement de laGonstitution, le pouvoir qu'elles avaient exercé avant sa confection, sans songer combien cette prétention était destructive de la Constitution elle-même; aussi les voyons-nous souvent entraver les marches des municipalités, des administrations, et empiéter sur leurs droits. Nous voyons ces puissances étrangères à la Constitution balancer et soumettre quelquefois les autorités de la Constitution; tantôt' elles s'érigent en cours souveraines, en tribunaux de cassation, et jugent en dernier|ressort la conduite des municipalités, des corps administratifs et des tribunaux; tantôt elles se transforment en un Sénat suprême, qui délibère sur toutes les matières de législation, sur les lois faites et à faire ; tantôt c'est un conseil militaire, où l'on discute toutes les opérations de la guerre et où l'on arrête sérieusement, par assis et levé, la marche de nos généraux et tous nos plans d'attaque et de défense ; tantôt c'est le temple de la calomnie, où tout homme qui veut attaquer la réputation la mieux établie, outrager la vertu la plus éprouvée, et se défaire d'un homme de bien, est assuré d'être admis, entendu et applaudi.
Messieurs, vous ne pouvez plus vous le dissimuler sans péril, nos sociétés populaires sont un nombre politique qui ne peut exister dans le système d'aucun bon gouvernement; hâtez-vous de faire disparaître de ces institutions tout ce qui blesse l'ordre, la raison et la Constitution, écoutez la voix de tous les vrais amis de cette Constitution-, de tous les citoyens sages, observateurs et éclairés, qui vous crient de prendre enfin d'une main ferme les rênes du gouvernement, et de ne pas les laisser tomber dans celles d'une puissance étrangère.
D'ailleurs, Messieurs, il est une remarque importante qui doit vous déterminer à opérer promptement cette réforme salutaire. Observez que les éléments des sociétés populaires ne sont plus maintenant aussi purs qu'aux premiers jours de la Révolution. Grand nombre d'excellents citoyens, persuadés que les clubs devenaient inutiles, pour ne pas aire nuisibles à la marche du gouvernement, ont cru devoir s'en écarter, et les ont laissé en plusieurs endroits livrés aux intrigants, aux ambitieux, avides de jouer un rôle sur ce théâtre, trop favorable à l'éloquence populaire.
C'est là que quelques séditieux, sous le masque du patriotisme et à l'aide de quelques talents oratoires, sont parvenus à égarer une multitude aveugle et facile ; c'est là que, par le raisonne ment le plus inouï que la folie et des imaginations en délire aient pu enfanter, l'on prétenc
qu'il faut, pour faire triompher la Constitution, lui porter chaque jour les plus rudes atteintes ; c'est là qu'avec une inconséquence non moins heureuse, l'on assure encore que les succès de nos généraux sont plus à craindre que leurs revers, parce que disent les républicains inquiets, il faut appréhender que nos généraux ne reviennent avec leurs légions triomphantes opprimer la liberté de leur pays (de manière que le moyen infaillible de sauver la chose publique est de faire battre nos armées) ; et quelles alarmes les victoires de nos généraux peuvent-elles inspirer aux amis de la liberté? les Français ressembleraient-ils déjà aux Romains qui vivaient aux temps des dictateurs? et faut-il qu'aux premiers jours de votre République, nous soyons assez lâches pour craindre un Sylla ou un Marius?
Ce sont là les stratagèmes imaginés par de fourbes ambitieux qui voudraient peut-être devenir dictateurs eux-mêmes, en se débarrassant de ceux qui veulent s'opposer à leurs criminelles manœuvres. Du moins est-il vrai que ce sont eux qui ont établi ce système combiné de dénonciations calomnieuses qui ont failli perdre nos généraux et nos armées ; du moins ce sont eux qui ont causé la défaite de nos troupes devant Tournai, et les insurrections militairès devant Neufbrîsac, parce que ce sont eux qui apprennent à nos soldats que leur subordination n'est qu'une obéissance raisonnée, et qu'ils sont juges des opérations et des ordres de leurs chefs.
Que ces deux événements nous apprennent combien il est dangereux de transporter les clubs dans nos armées, combien il est périlleux de raisonner et de délibérer quand il faut aller à l'ennemi; peut-on considérer sans alarme le danger qu'il y a, dans ce moment, d'avoir des clùbs dans chacune de nos villes de guerre, et devoir nos soldats fréquenter journellement leurs séances f c'en est fait, si nos soldats, sont Jacobins, nous n'avops plus d'armée.
Cette considération, jointe à tant d'autres, ne vous permet plus d'hésiter. Déjà depuis longtemps le cri des plus sincères amis de la Constitution, la voix de tous les hommes de bien s'élèvent contre la domination des clubs ; quelques personnes seulement attendent leur destruction du temps, espérant que bientôt ils s'éteindront eux-mêmes; mais ces expressions décèlent de la crainte, il faut l'avouer, il semble qu'on appréhendé d'attaquer cette puissance formidable ; mais cette appréhension prouve l'évidence du mal et la nécessité d'un prompt remède. Peut-on proposer de laisser au temps la guérison d'une maladie qui menace de tuer la chose publique?
Un orateur vous a dit que, pour parler avec impartialité des sociétés populaires, il fallait, comme lui, les connaître toutes, et n'être d'aucune; je pense cependant que pour les mieux connaître, il faut les avoir fréquentées, et j'ai cet avantage ;sur M. Français. En arrivant dans cette capitale, j'ai été, comme tant d'autres, conduit par la renommée dans une société célèbre, que je croyais le séjour des vertus et du patriotisme le plus pur : mais quelle fut ma surprise de ne trouver dans ce temple, au lieu des merveilles que mon imagination s'y représentait, que les prêtres de la discorde et de l'anarchie ; de n'y entendre le plus souvent que des invitations à la licence, des maximes impies, destructives de tout gouvernement! Quel fut mon éton-nement de me trouver au milieu d'une société égarée par une troupe de factieux hypocrites, qui, sous le masque du patriotisme, trompent
et entraînent à sa perte ce bon et malheureux peuple, oui semble destiné à être le jouet des plus perfides séducteurs!
Cependant une minorité saine et éclairée résistait, dans cette société, aux intrigues des faux amis du peuple ; et tant qu'elle a conservé l'espoir de démasquer les traîtres elle a dû siéger avec eux pour les combattre.
Mais enfin les méchants l'ont emporté; alors ils se sont livrés à tous les excès. J'ai vu moi-même naguère plusieurs de leurs orateurs appeler l'insurrection à grands cris ; d'autres proposer d'amener en France une dynastie étrangère, en appelant le roi des Français le roi soi-disant constitutionnel; d'autres invoquer les Brutus; d'autres, enfin, dire que le vëto n'est pas plus difficile à renverser que la Bastille : et tous ensemble appeler la méfiance et la calomnie sur nos généraux; et toutes ces provocations et imprécations, couronnées d'applaudissements, la plupart imprimées et envoyees, par ordre de la société, dans tous les départements. Mais, lorsque je les ai vus applaudir à l'horrible assassinat commis sur la personne de l'infortuné Dillon, je me suis retiré, le cœur glacé d'horreur et d'effroi, d'une société que j'aurais volontiers ce jour-là appelée une société de cannibales. Ceux qui veulent connaître plus particulièrement le rare patriotisme des amis de la Constitution séant aux Jacobins, peuvent lire le journal de leurs débats, dont on ne contestera pas la véracité, qu'on m'en montre une seule page où la Constitution, la morale et l'humanité ne soient pas horriblement outragées ! Qu'on juge maintenant Ce que sont ces hommes qui veulent régénérer le globe, et quelle est la félicité destinée aux peuples qui se laisseront guider par leurs saintes maximes.
Le ci-devant ministre des affaires étrangères vous invita, il y a peu de temps, à réprimer les tribunes des clubs. 11 était beau de voir un membre zélé des sociétés populaires reconnaître lui-même le mal, et vous demander le remède. Mais le ci-devant ministre de la justice surtout a lancé, sans s'en douter peut-être, un trait plus marquant sur elles et sur vous, Messieurs, lorsque, sur la présentation des feuilles de Marat, il parut s'étonner qu'on trouvât mauvais dans cet ouvrage quelques déclamations que l'on entendait tous les jours dans une société célèbre, sans que personne y trouvât à redire. M. Duranthon a voulu vous dire, sans doute, que vous ne deviez pas souffrir qu'on prêchât dans une société publique des maximes pour lesquelles vous avez envoyé à Orléans l'ami du peuple.
En effet^ Messieurs, ce qui est défendu dans un écrit, sur une place publique, ne peut être permis dans une société populaire, qui est aussi une place publique. Vous seul pouvez et devez jouir, dans le sein du Corps législatif, d'une liberté entière dans la manifestation [de vos opinions. Cette liberté illimitée est essentielle à la liberté de vos fonctions ; mais partout ailleurs ni vous ni aucun citoyen ne pouvez échapper à la surveillance de la loi. Un club ne donne point un privilège, et l'on ne peut jouir là d'une liberté qui est proscrite ailleurs : voilà ce qu'il est essentiel ae remarquer. Il semble que du moment qu'un lieu est ceint de murs, et que les portes en sont fermées, l'on peut se livrer à tous les excès de la parole, quelque nombreuse que soit la société qui vous écoute, et quelque répandue que soit la correspondance qui en porte la nouvelle dans tout le royaume.
L'on a raison, sans doute, de s'étonner comment, dans quelques-unes de ces sociétés, l'on se permet très fréquemment des excès qui partout ailleurs feraient arrêter sur-le champ le coupable, comme perturbateur public. 11 est bien essentiel, Messieurs, de prévenir ces sortes d'excès dans les sociétés, en les mettant sous les yeux immédiats de la police, et en établissant au milieu d'elles, comme dans tous les lieux publics, des officiers chargés d'y faire respecter l'ordre, et responsables ae leur négligence.
M. Français vous a dit que parmi les pièces remises à l'ancienne commission des Douze, il avait trouvé les prêtres et les brigands partout, les clubs nulle part; mais les clubs ne se dénoncent pas eux-mêmes, et l'on y regarde à deux fois avant d'attaquer cette puissance formidable. M. Français a vu les prêtres et les brigands partout; mais qui a fait quelquefois marcher ces derniers? qui a fait forcer les prisons d'Avignon, et en a fait sortir les Jourdan?qui a fait pifler la ville d'Arles? qui a fait exercer toutes sortes de brigandages dans les départements des Bouches-du-Rhône et du Gard? Les administrateurs de ce dernier ne vous ont-ils pas dénoncés le club de Marseille comme l'auteur de toutes les dévastations commises dans le Midi?Cette dénonciation, Messieurs, est un grand trait de lumière. Si la crainte n'avait souvent arrêté les plaintes, croyez que les sociétés populaires eussent été plus souvent citées à votre tribunal. Si je voulais ici faire des dénonciations particulières, je vous citerais des autorités constituées mandées à la barre des clubs, des citoyens opprimés, incarcérés par leurs ordres, des députés à l'Assemblée nationale menacés de leur indignation ; je vous citerais des faits qui ne sont ignorés de personne, quoique tout le monde se taise.
Mais la crainte ne peut ni ne doit atteindre des législateurs. Nous sommes dans des circonstances et dans un poste où il faut savoir faire le sacrifice entier de soi-même; il faut sauver la chose publique à quelque prix que ce soit, et ne jamais oublier que tfest de cette enceinte que va sortir la perte ou le salut de l'Empire. Et quelle terreur, Messieurs, pourraient vous inspirer les factieux ? Vous avez pour vous le courage et le patriotisme de tous les vrais amis de la Constitution. Dites un mot, et la France est sauvée. Parlez, et des millions de bras se lèvent pour écraser le monstre de l'anarchie. Voyez les regards inquiets de tous les bons Français fixés sur vous; entendez la voix de vos commettants, qui vous crient d'enchaîner enfin les séditieux sous le joug des lois. Ah! si nous pouvions plus longtemps montrer à leurs yeux une coupable faiblesse, la génération présente tout entière, et la postérité, nous couvriraient d'un opprohre éternel.
Quelques personnes vont me dire peut-être, d'après les considérations que je viens de présenter, que je veux attaquer la liberté. Non, ce n'est pas la liberté que je veux attaquer, ce n'est qu'à la licence que j'en veux. Tout le monde convient que la Constitution permet aux citoyens de s'assembler; nous avons ajouté seulement que la loi ne veut pas que ces assemblées deviennent jamais des foyers de désordre et d'anarchie. Ainsi tout se réduit à savoir : 1° Si les sociétés populaires en général (1) ne se portent
pas souvent à des excès qui appellent la répression des lois; 2° si les lois répressives faites par vos prédécesseurs sont suffisantes. Or, il est évident d'abord, par le récit que j'en ai fait, que les sociétés populaires sortent souvent des bornes de la sagesse, et il n'est pas moins évident que les lois de vos prédécesseurs à leur égard sont insuffisantes, puisque malgré leur défense, ces sociétés suivent constamment le système le plus inconstitutionnel et le plus funeste à la liberté. Ainsi, puisque les anciennes lois ne sont pas suffisantes, vous devez en ordonner de nouvelles, et faire exécuter en même temps les premières, en faisant tomber la plus sévère responsabilité sur la tête des autorités qui, jusqu'à présent, n'ont rempli leur devoir à cet égard qu'avec beaucoup ae négligence.
Parmi les moyens à employer pour réprimer les sociétés, il faut s'attacher surtout à détruire cet esprit de corporation qui les caractérise : il faut interdire absolument toutes ces affiliations inconstitutionnelles, ces pactes fédératifs, qui liant toutes les sociétés entre elles, en font une association intime, une sortè de franc-maçonnerie que la Constitution ne peut reconnaître. Vous devez interdire toute dorrespondance de société à société; la loi ne reconnaît pas de société dans les amis de la Constitution, elle n'y voit que des individus. Les individus peuvent correspondre particulièrement entre «ux, mais toute relation, tout acte quelconque, arrêté, commission, députation, etc., au nom de la société, sont autant de délits que la loi doit sévèrement réprimer. Il n'y a en France qu'une société, qui est la grande société de tous les Français.
Toutes ces associations particulières et isolées qui s'attribuent exclusivement le droit de diriger et de représenter l'opinion publique, qui ne reconnaissent de civisme que celui ae leurs membres, qui tendent à élever un mur de séparation entre les sociétaires et ceux qui ne le sont pas, sont autant de corporations funestes à l'unité politique. Toute délibération, tout arrêté pris dans ces sociétés sont un attentat public, une violation manifeste de la Constitution et une usurpation faite sur les autorités.
Que penseriez-vous, Messieurs, si vous aperceviez un jour dans la rue, ou sur une place publique quelconque, un groupe de citoyens délibérant sur les matières politiques, et votant par assis ou levé des projets de décrets ? Sans doute, vous feriez dissoudre à l'instant cette nouvelle espèce d'Assemblée nationale. Eh bien, voilà ce qui se pratique chaque jour à deux pas du Corps législatif.
Messieurs, il est temps d'apprendre au peuple français qu'il n'existe d'autres puissances dans l'Empire que celles que la Constitution a établies; il est temps de dissiper une erreur funeste et plus répandue qu'on ne pense, qui fait croire à une classe du peuple peu instruite que les clubs ont une sorte d'existence politique, de caractère public, et cette erreur doit être accré-
ditée lorsqu'on a vu 2 ministres justement estimés pour leur lumière et leur patriotisme, reconnaître ce caractère public en ouvrant avec toutes les sociétés du royaume des correspondances relatives à leur administration.
PROJET DE DÉCRET.
L'Assemblée nationale, considérant qu'il est pressant d'établir enfin le règne des lois, de rompre toutes les entraves qui s'opposent à leur exécution, et de rendre au système politique l'ordre, la liberté et l'activité nécessaires à sa marche régulière ;
Considérant que les sociétés populaires, pàr leur pacte fédératif, leurs affiliations, leur correspondance, forment un corps dans l'Etat; que par leurs délibérations, leurs arrêtés et actes publics, elles présentent une existence politique aussi contraire à l'esprit de la Constitution que funeste à l'action et à la marche du gouvernement;
Considérant, en outre, l'insuffisance des lois répressives de l'Assemblée constituante qui, trompée par de fausses espérances, a déclaré qu'il fallait laisssr à la raison le sçin de réformer une ;partie des abus, décrète comme articles addi-lionels et explicatifs de la loi des 29 et 30 septembre 1791 :
Art. 1er.
Toute affiliation, pacte fédératif, correspondance entre les sociétés, clubs ou associations quelconques, sont interdits; et en cas de contravention, les citoyens composant lesdites sociétés, clubs ou associations, seront, sur la dénonciation du procureur général syndic, et sur la poursuite du commissaire du roi, condamnés par les tribunaux à être rayés pendant 2 ans du tableau civique, et déclarés inhabiles à exercer pendant ce temps aucune fonction publique.
Art. 2.
Les sociétés, clubs ou associations ne pourront jamais employer dans leurs séances les formes délibératives par voix de suffrage; la majorité ne pouvant jamais lier la minorité dans ces assemblées, elles ne pourront voter en aucun cas, sous quelque forme ou scrutin que ce puisse être.
Art. 3.
Il est défendu auxdites sociétés de faire aucuns procès-verbaux de leurs séances, d'avoir des journaux de leurs débats, et d'élever dans leurs salles des tribunes pour les spectateurs. Dans le cas de contravention au présent article, ainsi qu'à l'article 2, les citoyens composant lesdites sociétés seront, par la voie indiquée dans l'article 1er, condamnés à être rayés pendant 6 mois du tableau civique, suspendus de toute fonction, et déclarés inhabiles à être élus à aucune place pendant le même temps.
Art. 4.
Dans le cas où la manifestation des opinions des sociétés populaires aurait troublé ou menacerait imminemment l'ordre et la tranquillité publique, les départements pourront suspendre lesdites sociétés pour un terme, qui ne pourra être moindre d'un mois, ni durer au delà de 2.
Art. 5.
L'Assemblée nationale voulant maintenir la loi des 29 et 30 septembre 1791 sur les sociétés populaires, et assurer son exécution ainsi que celle du présent décret, décrète que tout magistrat fonctionnaire public, chargé de faire exécuter lesdites lois, et qui par négligence ou faiblesse ne s'en acquitterait pas, sera, sur la dénonciation d'un ou plusieurs citoyens, déclaré par les tribunaux, incapable d'exercer pendant 4 ans aucune fonction publique.
Séance du
PRÉSIDENCE DE M. GÉRARDIN.
La séance est ouverte à six heures.
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du samedi 23 juin 1792, au matin.
(L'Assemblée en adopte la rédaction.
Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres, adresses et pétitions suivantes :
1° Lettre du procureur général syndic du département des Basses-Pyrénées, dans laquelle il dénonce M. Elie, receveur de l'enregistrement et plusieurs de ses collègues, comme entretenant des correspondances coupables avec les émigrés et les ennemis intérieurs du bien public; v
(L'Assemblée renvoie la lettre au comité de surveillance.)
2° Lettre de M. Terrier, ministre de Vintérieur, accompagnant un mémoire relatif à la demande du département des Bouches-du-Rhône, pour être compris pour une somme de 15,000 livres sur celle destinée, par le décret du 20 mai 1792, à être distribuée à titre d'avance et à charge de remplacement sur les sols additionnels de 1791 ;
(L'Assemblée renvoie la lettre au comité de l'agriculture.)
3° Pétition du sieur Monancy, qui demande la cassation de deux arrêtés du directoire du département de la Corrèze, qui refuse de lever le séquestre mis sur ses biens, à moins qu'il ne donne caution, sous prétexte que plusieurs de ses enfants sont émigrés ;
(L'Assemblée renvoie la pétition au pouvoir exécutif.)
4° Adresse des citoyens de la ville de Lyon, dans laquelle ils s'associent aux regrets formulés par l'Assemblée sur le renvoi des ministres, et font des vœux pour la stabilité ministérielle; cette adresse est ainsi conçue :
Représentants de la nation,
« La commune de Lyon vient déposer dans votre sein les regrets qu'elle partage avec vous et la vive douleur que lui fait éprouver le renvoi ; de trois ministres dont le patriotisme et les talents lui étaient particulièrement connus.
« Les premiers pas que ces trois dignes citoyens avaient faits dans la carrière du ministère, présageaient à la nation un. avenir prochain de gloire et de prospérité. Déjà, sous leurs auspices, nous avions vu renaître la confiance,
déjà l'ordre et le calme succédaient aux troubles et aux divisions que leurs prédécesseurs n'avaient su arrêter s'ils n'avaient pas contribué à les entretenir.
« Par quelle fatalité nous sont-ils enlevés au moment où nous devions recueillir les heureux fruits de leurs travaux?
« La commune de Lyon se demande avec tous les vrais amis de la liberté française, comment des ministres qui avaient mérité à si juste titre la confiance de la nation ont pu perdre celle du roi. Elle se demande comment ce chef du pouvoir exécutif a pu éloigner de son conseil des hommes qui avaient honoré son choix, des hommes qui lui auraient concilié le cœur de tous les Français, qui l'auraient infailliblement garanti des pièges perfides que les vils courtisans de son ancienne cour ne cessent de lui tendre ; elle se demande avec cette sombre inquiétude qui fait naître la perspective d'un funeste avenir, quelles sont les causes de ce renvoi aussi brusque que peu attendu. Ah! si c'est pour avoir sollicité avec trop d'instance la sanction de vos sages décrets; si celui contre les prêtres perturbateurs a valu au ministre de l'intérieur sa retraite ; si celui des 20,000 gardes nationales destinées à former un camp auprès de Paris, a été le sujet de la disgrâce du ministre de la guerre ; si un faux agiotage déconcerté a pu faire renvoyer le restaurateur de nos finances; si, comme nous aimons à le penser, le roi n'a d'autres reproches à leur faire, qu'il est glorieux pour eux ae les avoir mérités! Il n'est aucun Français digne de ce beau nom, qui n'applaudisse à leur . généreuse fermeté.
« Mais jusques à quand gémirons-nous sur l'instabilité d'un ministère qui nous tient constamment dans les angoisses de l'incertitude sur les opérations du gouvernement? Sages législateurs, il est temps de pourvoir à un danger dont une pareille instabilité nous menace.
« Si la loi qui donne au roi le droit de choisir ses ministres et de les renvoyer à sa volonté, est un article constitutionnel, il en est une plus impérieuse, devant laquelle toutes les autres doivent fléchir, le salut du peuple, dans la position critique où se trouve la France. Celle-ci vous commande de donner au ministère une assiette plus solide, de le soustraire au caprice et à l'intrigue des courtisans qui entourent le monarque, et qu'une vieille habitude peut rendre trop docile aux perfides conseils qu'il reçoit d'eux.
« Daignez donc, sages législateurs, pourvoir promptement aux dangers qui nous menacent, et soyez assurés de l'assentiment de tous les Français aux mesures que vous dictera votre sagesse pour les prévenir.
« Vivre libre ou mourir, est le vœu que la commune de Lyon partage avec toutes celles de l'Empire. Verser jusqu'à la dernière goutte de leur sang pour soutenir les décrets qui émanent de votre auguste Assemblée, est celui de tous les amis de la liberté. »
(Suivent les signatures.)
Plusieurs membres (à gauche) : Mention honorable!
D'autres membres (à droite) : L'ordre du jour!
Un membre (à gauche) : Au roi appartient le droit de donner ou de refuser la sanction aux actes du Corps législatif, mais les signataires de
l'adresse disent que le salut public est la première loi.... (Applaudissements à gauche.)
Je demande l'ordre du jour. Sans doute le salut du peuple est la première des lois. Mais le salut du peuple est dans la Constitution. (Applaudissements.) Et nous n'avons pas le droit de changer cette Constitution. Et je regarde autant comme ennemi celui qui cherche à avilir le pouvoir exécutif, que celui qui cherche à avilir le Corps législatif. L'erreur du peuple vient de ce qu'il croit que les ministres qui ont été renvoyés, sont patriotes. (Applaudissements des tribunes.) Je demande que le comité soit tenu de faire à jour fixe son rapport sur la conduite de ces ministres patriotes.
Je demande mention honorable de la pétition, car l'adresse n'est pas inconstitutionnelle. Les signataires ne dictent pas au roi le choix qu'il doit faire de ses ministres, mais ils disent au roi de consulter le salut du peuple dans le choix ou le renvoi qu'il fait de ses ministres.
Je demande mention honorable du commentaire de M. Delacroix. (Vive agitation.)
(L'Assemblée décrète la mention honorable de l'adresse.)
5° Adresse des citoyens libres de la ville de Mâcon, qui manifestent d'une manière énergique leur amour pour la liberté et l'égalité, et invitent l'Assemblée à faire des décrets sages et fermes, protestant de les défendre jusqu'à la mort.
Cette adresse est ainsi conçue (1) :
« Mâcon, le
« Législateurs,
« Le corps politique est menacé d'une dissolution : le destin de la France est dans vos mains, il dépend de la sagesse, de la grandeur des mesures que vous allez prendre et la confiance de la nation vous environne.
« Nous avons juré de vivre libres ; hâtez-vous donc de combattre, de détruire les ennemis de la liberté, quels qu'ils soient. Que le salut du peuple et de la liberté soit l'unique objet de vos délibérations ; qu'il dicte vos décrets et nous vous répondons de toute la force nationale.
« Représentants du peuple français, ce peuple veut la liberté et l'égalité. Ses tyrans armés ne changeront pas sa volonté, les tyrans ne l'éluderont pas. Organes du souverain pouvoir, faites entendre sa voix: il se lèvera pour la confirmer.
« Les citoyens libres de la ville de Mâcon réunis sans armes, avec la permission de la municipalité. »
(Suivent les signatures.)
A cette lettre est joint un don patriotique de 153 liv. 14 s. en espèces et de 534 liv. 11 s. en assignats, déposé, par la société des amis de la Constitution de Mâcon, entre les mains du sieur Chambarre, fils aîné, qui le transmet à l'Assemblée.
Plusieurs membres : La mention honorable !
(L'Assemblée décrète la mention honorable de l'adresse, et accepte l'offrande avec les plus
vifs
Il reste encore beaucoup d'adresses. On en fera lecture à l'Assemblée demain à l'ouverture de la séance.
Il y en a une qui a été envoyée par les citoyens réunis en société d'amis de la Constitution à Blois. Je demande que l'Assemblée en entende la lecture.
Un de MM. lès secrétaires en fait la lecture ; elle est ainsi Conçue (1) :
« Blois, le
« Représentants de la nation,
« Des ministres prévaricateurs ont jusqu'à présent consolé les Tuileries par l'espoir d'une contre-révolution. S'ils n'osaient provoquer le veto contre les décrets de l'Assemblée constituante, ils savaient bien les éluder. Les plus nécessaires au maintien de la Constitution sont restés sans exécution. Ils ont pris une tout autre marche avec la législature actuelle: ils ont voulu l'avilir aux yeux de leurs commettants. C'est à ce système infernal que nous devons tous les veto, qui ont frappé les décrets rendus pour le salut du peuple. Ainsi les tyrans se jouent de la Souveraineté de la nation.
« En vain la France entière a demandé l'expulsion de ces ministres conspirateurs; Louis restait sourd aux cris d'un peuple entier. Enfin las de voir tous leurs complots déjoués, ils ont cédé la place et, pour la première fois, on vit la vertu et la probité s'asseoir aux conseils des rois. Mais une cour parjure et corrompue ne put entendre le langage de la vérité: bientôt les antropophages des Tuileries ne purent soutenir la présence des amis, des défenseurs du peuple. Ils furent chassés. Qui voudra maintenant prendre en main les intérêts du peuple ? Est-il un honnête homme qui voulût remplacer un Roland, un Clavière, un Servan? Non, Louis ne peut leur substituer que des tigres altérés de sang. Il est plus que temps, législateurs, que vous fassiez entendre la voix du souverain pouvoir; que vous disiez à Louis que la nation veut avoir des ministres probes et intègres, que Roland, Clavière et Servan ont mérité sa confiance, et qu'il commande à ces hommes vertueux de reprendre leur poste.
« Mais il» est une seconde mesure également nécessaire : la Constitution dit : « Si le roi ne s'oppose pas par un acte formel aux entreprises qui s'exécuteraient en son nom contre la nation, il sera censé avoir abdiqué. »
« Nous le demandons à tout homme de bonne foi ; le roi s'oppose-t-il par un acte formel aux entreprises faites contre la nation, lorsqu'il continue de soudoyer sa. garde licenciée, lorsqu'il s'oppose à la formation d'un camp de 20,000 hommes, lorsqu'il renvoie les ministres dévoués au salut du peuplé et qui préparaient efficacement les moyens de défense ? Il edt temps que vous manifestiez à toute la terre les preuves sans nombre de ses trahisons et de ses parjures et que vous le déclariez déchu d'un trône où il ne s'asseoit que pour le malheur des peuples.
« Mais ce n'est point par de vaines subtilités que se décidera la cause des peuples et des
tyrans. Ordonnez dans tout l'Empire la fabricant)
« Nous nôus résumons : Rappel des ministres; Louis XVI déchu du trône; renvoi de l'Autrichienne ; fabrication et distribution d'armes à tout le royaume. Tels sont les vœux des Français libres ». (Vive agitation.)
« Les citoyens de Blois. » (Suivent les signatures).
Plusieurs membres : L'ordre du jour. !
On demande où est la faction. La faction est dans ceux qui connaissant cette adresse en sollicitent la lecture. (Murmures à gauche.)
Je demande la punition de ceux qui ont sollicité la lecture de cette adresse, et que cette capucinade impie soit vouée au mépris.
(L'Assemblée renvoie l'adresse au comité des Douze, et passe à l'ordre du jour.)
Le sieur dlnot, commandant en chef la garde nationale de Thionville, est admis à la barre. Il demande que le traitement de guerre soit accordé aux troupes en garnison ou cantonnées dans les villes déclarées en état de guerre, et un décret qui oblige de recevoir les assignats. Il ajoute quelques observations sur la situation de cette partie de frontière et donne lecture d'une adresse des citoyens. La ville de Thionville, dit-? il, est bien palissadée, bien réparée, c'est l'ouvrage des citoyens; malheureusement fit n'y a pas assez de troupes pour une place qui se trouve sous le canon du Luxembourg. Il n'y a que 4,000 hommes de garnison, alors qu'en temps de paix, il y en avait 12,000. On ne voit dans Thionville aucun régiment de cavalerie; en revanche, il y a, à côté, dans l'électorat de Trêves, de grands rassemblements d'émigrés qui sont en liaison secrète avec des prêtres et autres mauvais citoyens du pays. Les citoyens de Thionville demandent des troupes pour seconder leur zèle, la déclaration de la ville en état de guerre, et répondent de la sûreté de la place. Ils adressent à l'Assemblée un don patriotique de 96 livres, en or.
répond au sieur Dinotj et lui accorde les honneurs de la séance.
Plusieurs membres : La mention honorable !
(L'Assemblée décrète la mention honorable de l'adresse et le renvoi à la commission des Douze ; puis elle accepte l'offrande avec les plus vifs applaudissements, après en avoir décrété la mention au procès-verDal, dont un extrait sera remis aux donateurs.)
Un de MM. les secrétaires continue la lecture des lettres, adresses et pétitions adressées à l'Assemblée :
6° Adresse des administrateurs cdfnpàsànt le directoire du département de l'Eure, dans
laquelle ils annoncent que la nouvelle de ce qui s'est passé à Paris, dans la journée du 20
juin 1792, a répandu le deuil et la consternation dans leur département. Cette adresse est
ainsi conçue : (1)
« Législateurs (1),
« La journée du 20 juin a répandu dans le département de l'Eure le deuil et la consternation.
« La nation a été insultée, la loi violée, la royauté avilie. Quelle est donc cette faction puissante qui, enfreignant toutes les lois et bravant avec audace les autorités constituées, envoie insolemment ses dociles émissaires violer la majesté nationale et dicter en quelque sorte des lois à ceux qui spnt envoyas pour en faire? Qu'ils sont criminèls ceux qui, dans le temple même de la Constitution, osent prêcher des lois de sang, canoniser la révolte et déifier l'anarchie!
« Législateurs, la patrie est en danger. Une secte impie étend sur toute la France ses trames criminelles et ose rivaliser avec les autorités constituées. Nous nous trompons ; elle les foule aux pieds, elle lève le masque, vante ses affreux triomphes. Elle sent son pouvoir, elle peut tout oser, elle causera la ruine de l'Empire.
« Représentants du peuple français, le corps social va se dissoudre ; levez-vous dohc et faites rentrer dans le néant les sacrilèges qui jouent le sang et la liberté d'une grande nation. A vous sont confiés les destins de la France. Vos commettants vous regardent : tous vous disent: liberté, égalité, jamais deux Chambres, mais la Constitution... tout entière. (Applaudissements.) Déjouez l'intrigue, foudroyez les factions et que le règne paisible de la loi succède à la trop longue anarchie qui fatigue et détruit l'Empire.
« Nous vous parlons avec le courage qu inspire la vérité. Nous sommes assez forts pour vous la dire et vous êtes dignes de l'entendre. Sauvez la France, elle est en péril. Pour nous, nous mourrons à notre poste s'il le faut, et notre mort sera glorieuse, puisque nous aurons rempli nos devoirs. •»
« Les administrateurs composant le directoire du département de l'Eure.
« Signé : Paturel, Le Bar, Lhopitel, Cauchois, Combault. »
Un membre : Je demande la mention honorable de cette adresse, l'insertion au procès-ver-bal et l'envoi aux 83 départements.
(L'Assemblée décrète la mention honorable de l'adresse, l'impression et l'envoi dans les 83 départements.)
7° Lettre des commissaires de la trésorerie nationale, qui demandent l'autorisation des mesures provisoires qu'ils ont été obligés de prendre pour 1e payement de l'excédent des nommes qu'il y a eu dans plusieurs régiments. Us sollicitent un décret pour l'ayenir.
(L'Assemblée renvoie la lettre aux comités de l'ordinaire des finances et militaire réunis.)
8° Adresse du conseil général de la commune de Blois, qui déplore l'instabilité des
ministres, le renvoi des trois ministres patriotes et manifeste le vœu de leurs concitoyens
qui est de vivre libres ou de mourir.
(L'Assemblée décrète la mention honorable de l'adresse.)
Un de MM. les secrétaires annonce les dons patriotiques suivants :
1° Les élèves du collège national de Vesoul, chef-lieu du département de la Haute-Saône, envoient un don patriotique, 150 livres en assignats, pour subvenir aux frais de la guerre.
2° Le sieur Dominique Batiot, administrateur du directoire du département dé Saône-et-Loire, s'engage à payer 120 livres à la fin de la guerre, pour être remise au volontaire du premier bataillon de ce département qui sera jugé avoir le mieux observé la discipline militaire.
3° Le sieur Claude Lefebvte offre, en assignats, 5 livres.
s 4° Les amis de la Constitution du département de la Haute-Loire, offrent à la patrie une somme de 153 livres, 14 sols en or, et 534 livres, 11 sols en assignats, qu'ils adressent aux députés de leur département, parce que, disent-ils, les circonstances ne leur permettent pas de l'adresser à un ministre inconnu et suspect, par cela même qu'il en remplace un qui a emporté avec lui les regrets de la nation.
(L'Assemblée accepte ces offrandes avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis aux donateurs.)
Le sieur Jean-Simon Boverat est. admis à la barre ; il s'exprime ainsi : (1)
a Messieurs,
« Le sieur Jean Boverat, compagnon bijoutier, habitant de cette ville, a l'honneur de vous représenter qu'il y a un an qu'il a trouvé dans ia rue, près du Palais-Royal, une somme de 300 livres en assignats. A cette même époque l'exposant se transporta sur-le-champ à la section du Palais-Royal pour y faire sa déclaration et en même, temps pour y déposer ladite somme de 300 livres à l'effet de la faire afficher et la remettre à ceux qui l'aurait perdue.
« C'est après cette année révolue que l'exposant s'est présenté au comité de la section, où il a fait ce dépôt pour le réclamer, voyant qu'il ne s'est présenté personne : mais le commissaire de la section, ainsi que plusieurs personnes du comité lui ont dit qu'ils ne pouvaient que lui en délivrer la moitié, attendu qu'il en fallait un quart pour la nation et l'autre quart pour les pauvres. A quoi l'exposant n'a point voulu consentir, se réservant de faire lui-même ce qu'il jugerait à propos à cet égard, lorsqu'il aurait la somme entière qui lui appartient de droit en totalité, puisque personne ne la réclame.
« G'est dans ces circonstances et d'après cet exposé que ledit Jean-Simon Boverat a cru
devoir se présenter aujourd'hui à votre auguste Assemblée, à l'effet d'implorer votre justice
sur le refus qui a été fait par le comité de la section du Palais-Royal de lui remettre ladite
somme de 300 livres en entier. En conséquence, il vous supplie d'ordonner qu'elle lui sera
remise, considérant que ce brave citoyen s'en rapporte à la sagesse ae l'Assemblée nationale
sur les dons qu'elle croira devoir lui inspirer pour la guerre, étant
« Signé : BOVERAT. »
A cette pétition est jpint le procès-verbal de dépôt des 300 livres du commissaire de la section du Palais-Royal (1).
répond au sieur Boverat et lui accorde les honneurs de la séance.
Un membre : Cette affaire regarde le pouvoir judiciaire, je demande l'ordre du jour.
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu de délibérer sur cette pétition.)
, au nom du comité de liquidation, présente un projet de décret sur quelques omissions faites dans les différents articles du décret du 9 juin 1792 (2), sur les réclamations des pensionnaires de la ci-devant province de Bretagne pour le payement des arrérages de leurs pensions pendant les années 1788 et 1789. Ce projet de décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu son comité de liquidation sur quelques omissions faites dans les différents articles du décret du 9 juin 1792, concernant le payement des arrérages des pensions sur toutes autres caisses que le Trésor public ; considérant que des pensionnaires de mauvaise foi pourraient abuser de ces omissions au préjudice de l'intérêt public, décrète qu'il y a urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« Dans l'article premiep du décret du 9 juin 1792, après ces mots : les personnes qui jouissaient des pensions, gratifications, il sera ajouté ceux-ci : et secours.
Art. 2.
« Dans l'article 2 du même décret, après ces mots : par le décret du 2 juillet 1791, et autres antérieurs, notamment par les articles, il sera ajouté celui-ci : cinq.
Art. 3.
« Dans l'article 3 du même décret, après ces mots : des caissiers, régisseurs
administrateurs, il sera ajouté ceux-ci : ou les premiers commis.
Art. 4
« Sont exceptées des dispositions contenues aux deux premiers articles du décret du 9 juin 1792, mentionné ci-dessus, les personnes dont les pensions seraient déjà liquidées définitivement par les précédents décrets de l'Assemblée nationale. »
(L'Assemblée décrète l'urgence, puis adopte le projet de décret.)
Suit le texte définitf du décret adopté le 9 juin dernier :
« L'Assemblée nationale, sur le rapport de son comité de liquidation, après avoir entendu les 3 lectures faites les 23 et 31 mai 1792 et 9 juin présent mois, d'un projet de décret concernant les pensions et secours, et après avoir décrété Qu'elle était en état de rendre le décret définitif, écrète ce qui suit :
Art. 1er.
« Les personnes qui jouissaient de pensions et gratifications et secours annuels assignés sur toutes autres caisses que le Trésor public, et qui, aux termes du décret du 27 juin 1790, devaient les toucher jusqu'au 31 décembre 1789, seront payées par le payeur des dépenses diverses de la trésorerie nationale, de ce qui peut leur en rester dû jusqu'à ladite époque.
Art. 2.
Elles seront payées de même par la trésorerie nationale, de ce qui peut leur rester dû des secours provisoires accordés par le décret du 2 juillet 1791, et autres antérieurs, notamment par les articles 5 et 8 du décret du 20 février 1791; et sur ces secours provisoires, accordés par le présent article, il sera fait déduction des sommes qui auraient été payées en vertu de la loi du 25 février 1791, sur le fonds de 150,000 livres.
Art. 3.
« Lesdites personnes ayant droit aux payements ordonnés par les articles précédents, seront tenues de fournir à la trésorerie nationale un certificat, sur papier libre, des caissiers, régisseurs, administrateurs ou les premiers commis des caisses, fonds et administrations sur lesquels leurs pensions ou gratifications annuelles étaient assignées ; lequel constatera le montant des sommes dont elles jouissaient, et l'époque à laquelle le payement des arrérages antérieurs au 31 décembre 1789, ou celui des secours provisoires accordés par les décrets du 2 juillet 1791, et autres y énoncés, auront cessé d'être faits. »
Art. 4.
« Pour effectuer le payement des pensions, gratifications annuelles ou secours ordonnés par le présent décret, la trésorerie nationale se conformera aux lois précédemment rendues à cet égard et notamment aux dispositions relatées dans celle du 28 juin 1791, auxquelles le présent décret n'a point dérogé.
« Le présent décret sera porté, dans le jour, à la sanction du roi. »
Une députation des citoyens de la ville de Brest est admise à la barre.
L'orateur de la députation félicite l'Assemblée sur le décret des 20,000 hommes, et fait part à
l'Assemblée, au nom de ses concitoyens, que si la patrie était en danger, ils s'empresseraient de remplir leur serment de voler tous auprès d'elle. Il donne ensuite lecture d'une adresse qui est ainsi conçue :
« Législateurs (1),
« Depuis quatre ans, nos frères de la garde nationale parisienne supportent seuls les fatigues et les dangers d'une surveillance toujours plus active et toujours plus nécessaire; depuis longtemps nous avons sollicité l'avantage cfe partager avec eux tant de travaux et de donner à leurs forces le temps de se remettre àu niveau de leur courage; un zèle ardent multipliait chez eux les ressources de la nature, mais chaque jour la masse des périls devient plus effrayante. Les ennemis de 1a chose publique ont déserté les départements pour se réunir dans la capitale; il est donc juste, il est indispensable d'entourer Paris d'une force imposante, également destinée à réprimer les ennemis intérieurs et à renforcer les armées qui combattent sur nos frontières.
« Législateurs, en nous appelant à faire un rempart de nos corps à ceux qui nous ont donné le signal de la liberté, vous avez comblé nos désirs. Si jamais un homme devait être loué autrement que par ses propres actions, le ministre qui vous a rappelé cette disposition bienfaisante, recevrait ici le tribut de notre reconnaissance. Nous savons que l'intrigue a osé lever contre ce décret sa tête audacieuse; représentants du peuple, c'est à vous de punir les intrigants, c'est à nous de paralyser la main ennemie qui chercherait ensuite à anéantir la volonté natio -nale. Le roi peut refuser de sanctionner vos décrets, mais jamais il n'exercera de veto, ni sur nos coeurs, ni sur nos bras, (Applaudissements à gauche.) Us sont tous à vous, et nous avons aussi une liste civile, qui sans être corruptrice, est inépuisable. Législateurs, un mot peut vous entourer d'une forêt d'armes et de monceaux d'or.
« La Constitution nous a donné un représentant héréditaire et inviolable; nous avons juré de maintenir la Constitution, voilà les titres de Louis XVI à notre respect et a notre obéissance. Mais vous, nous vous avons librement élus pour nos représentants ; c'est volontairement que nous avons remis entre vos mains le dépôt de nos destinées. L'acte qui nous donne un roi peut être changé; les volontés du peuple sont sacrées et ses droits imprescriptibles. Achevez donc de nous rendre libres, veillez à la sûreté de l'Empire ; décrétez les mesures les plus vigoureuses, nous les sanctionnerons par notre assentiment, et nous les scellerons de notre sang.
« Législateurs, les événements du mois de juin 1789 se renouvellent. Rappelez-vous le jeu de
paume et les représentants du tiers-état; nous sommes les Français du 14 juillet. Des
ministres auxquels le peuple accorde sa confiance sont expulsés; les orages s'amoncellent;
l'éclair, précurseur de la tempête, vient de sillonner notre horizon. Nous sommes debout et
150 lieues seront bientôt franchies. Si bientôt la foudre n'a pas écrasé les têtes coupables,
nous remplissons nos serments, nous volons auprès de vous. Si un décret sanctionné ne nous
trace pas la route, notre civisme nous guidera et les plus rigides
(Suivent les signatures, au nombre de 336.)
répond à la députation et lui accorde les honneurs de la séance.
Je demande la mention honorable et l'impression de l'adresse. (Bruit.)
Il y a trop longtemps que les 3 particuliers qui sont à la barre, abusent de la crédulité de l'Assemblée. Plusieurs fois ils se sont présentés à la barre, au non des citoyens de Rrest, et ils ne sont pas de cette ville. Je dénonce le fait à l'Assemblée ; il est temps que l'on connaisse les moyens qu'on emploie pour renverser la Constitution.
Plusieurs membres : Ah ! ah ! les signatures !
Il y a 2 ou 300 signatures; si l'Assemblée l'exige, j'en ferai lecture. (Applaudissements à gauche et dans les tribunes.) ,
Je demande que le calomniateur soit envoyé à l'Abbaye.
Un membre : Avant d'adopter la motion de M. Charlier, je demande qu'on vérifie si les signatures sont véritablement des citoyens de Brest.
, secrétaire. Voici le certificat des officiers municipaux de la ville de Brest, qui attestent que les signataires de cette adresse, réunis aux termes des lois, sont citoyens de Brest. (Applaudissements à gauche et dans les tribunes.) J'en donne lecture :
« Nous, officiers municipaux, certifions que les signatures apposées à la présente pétition, sont celles de citoyens domiciliés dans cette ville, lesquels se sont réunis pour rédiger et signer ladite pétition d'après les formes déterminées par la loi.
« Signé : bartoumieu, maire, barrée, etc... »
Plusieurs membres : La date de l'adresse !
Elle est du 17 juin.
Comment est-il possible que des citoyens de Brest puissent parler du veto sur le décret des 20,000 hommes, dans une adresse datée du 17 juin, puisque le veto n'a été mis sur ce|décret;que le 18 au soir ? (Murmures à gauche.)
La lecture d'une phrase de cette adresse prouvera encore qu'on ne parviendra pas à trouver les citoyens de Brest en faute, et que toutes les calomnies qu'on fait contre eux, ne seront pas difficiles à détruire. Voici la phrase : « Si un décret sanctionné ne nous trace pas la route, notre civisme nous guidera. »
Vous voyez bien, Messieurs, qu'on ne parle point du veto. (Applaudissements à gauche.)
Plusieurs membres (à gauche) : A l'Abbaye le calomniateur!.
D'autres membres (à droite) ; L'ordre du jour!
Un membre : Je ne demande pas, moi, que le député qui a fait cette motion soit envoyé à l'Abbaye, mais qu'il soit rappelé à l'ordre avec censure.
Un autre membre : Je demande que l'on punisse les agitateurs du peuple !
Un membre (à gauche) : C'est vous qui êtes les agitateurs !
Un membre : Il est bien étonnant qu'on se
permette de calomnier une des villes qui ont donné le plus de preuves de patriotisme. Croyez, Messieurs, qu'elle serait extrêmement sensible à Gette nouvelle calomnie; mais ce qui l'affecterait le plus, vivement, ce serait d'avoir, un seul instant, été l'occasion que le calme de cette Assemblée fût troublé.
(L'Assemblée décrète la mention honorable de l'adresse, son impression et l'envoi aux 83 départements.)
Un citoyen d'Yvetot est admis à la barre. Il demande, au nom de plusieurs de ses concitoyens, la révocation d'un arrêté du directoire du département de la Seine-Inférieure, qui annule une délibération du corps municipal de leur commune, au sujet de l'organisation de 2 compagnies de chasseurs de la garde nationale. Sa pétition est ainsi conçue :
Législateurs,
« Nous avons demandé l'anéantissement d'un arrêté du département de la Seine-Inférieure, qui ordonne aux chasseurs d'Yvetot de rentrer parmi les autres gardes nationales. Cet arrêté est une violation de la loi, contrarie le vœu des citoyens, casse un arrêté de la municipalité, et annonce un oubli total des services rendus par les chasseurs d'Yvetot, qui, d'après la loi, doivent exister jusqu'au lor mai 1793. Nous demandons à l'Assemblée l'application de la loi. »
répond au pétitionnaire et lui accorde les honneurs de la séance.
Je demande le renvoi au pouvoir exécutif, qui seul peut décider si l'arrêté du département est légal.
L'Assemblée renvoie la pétition au pouvoir exécutif.)
Le sieur Rioult, sergent de la garde nationale de Fatouville, district de Pont-Audemer, département de l'Eure, est admis à la barre.
, secrétaire, donne lecture de la pétition du sieur Rioult, qui est ainsi conçue (1) :
« Messieurs, un grand nombre de citoyens habitant la campagne au district du Pont-Audemer, département de l'Eure, m'ont chargé de vous offrir l'assurance de l'attachement le plus inviolable à la Constitution, et de vous rappeler une pétition individuelle qu'ils vous firent, il y a plusieurs mois, sur la loi des patentes. Je suis un de ces citoyens qui habitent et cultivent les champs : je devais venir acheter des livres et des armes pour quelques-uns de nous, et c'est ce voyage qui m a valu l'honneur de vous exprimer, au nom de tous, nos vœux pour le bien public, et de vous renouveler notre demande commune.
« Nous sommes tous patriotes dans notre canton ; c'est-à-dire prêts à nous battre contre
tous les seigneurs possibles, les hauts, les bas et les moyens, et contre tous les
décimateurs du monde, les gros et les menus. Mais en même temps nous suivons toutes les lois,
nous n'en exceptons pas une ; et celles qui nous gênent, nous disons : Suivons-les toujours,
parce que ces lois-là ne sont peut-être pas gênantes ailleurs, et qu'il faut que tout le
monde se prête; si, par la suite, la loi nous paraît toujours nuisible, nous ferons une
pétition, mais en attendant,
Voilà comme nous avons fait, par exemple, pour l'impôt du commerce nommé droit de patentes.
« Ce droit ne pèse pas également sur tous ceux qu'il atteint, et, dans les campagnes surtout, la perception en est fréquemment gênante. Parmi les hommes chargés ae veiller à son recouvrement, il en est de mal intentionnés, qui, cherchant à nous dégoûter du régime actuel, nous appliquent le texte de la loi sans miséricorde; d'autres qui sont bons citoyens, et qui tiennent à la loi, nous la font lire, ils nous l'expliquent, ils nous plaignent et ceux-là du moins soutiennent notre respect pour elle. Mais dans tous les cas, il en résulte toujours que tel qui ne faisait pas un commerce annuel et continu, mais qui, de fois à autres, par des actes d'achat et de venté, faisait de petits profits qui lui aidaient à vivre, est forcé d'y renoncer a cause du droit c[ui les absorbe.
« Au reste, cet impôt devrait essentiellement, comme tous les autres, porter uniquement sur le produit présumé du commerce, et non pas sur ses moyens : cependant il y a tel colporteur dont le commerce double en lui-même, et quelquefois quadruple de celui qui ne peut se faire qu'avec une voiture, paie néanmoins 7 fois moins cher de droit de patente.
« En effet, le citoyen qui colporte des mousselines, des toiles peintes, de la mercerie, de la bijouterie, des rubans, peut mettre sur ses épaules une fortune passable* et vivre aisément du produit de sa balle; mais s'il charge un cheval, il triple la valeur de son commerce, il va plus vite, et il gagne en proportion : ainsi rien n'est plus juste qu'il paye de même.
« Mais le malheureux qui ne vend que de la chaux, par exemple, des fagots, quelques sacs de grains, ou de méchante et grossière poterie, ce n'est pas pour vendre davantage qu'il mène un cheval, c'est parce que sans cheval, il ne porterait jamais les pesants objets de son commerce, et ne le ferait pas. Le droit de patente sur le cheval du marchand, très juste quand le cheval augmente les profits, cesse donc de l'être quand il est pour le commerce d'une première nécessité. Nous passons mille détails qui seraient de trop, quoiqu'ils ne servissent qu'à développer ce principe de plus en plus. Vous les pressentez, Messieurs, et vous pourvoirez à beaucoup d'inconvénients, en interprétant d'une manière précise la dénomination trop vague de marchand forain, sous laquelle est indistinctement compris tout homme qui revend ce qu'il achète.
« Nous vous prions de renvoyer notre pétition à celui de vos Comités que vous avez chargé de la première, d'ordonner que le rapport vous en soit prochainement fait, et d'être au surplus bien convaincus, que, malgré le besoin de l'interprétation de la loi des patentes, nous ne nous permettrons pourtant jamais de la violer à l'avance, quelles que soient les pertes qu'elles nous causent. (Applaudissements.)
« SignéRioult, sergent dans la garde nationale de Fatouville, district de Pont-Audemer, département de CEure. »
accorde au sieur Rioult les honneurs de la séance.
Je demande l'impression et la mention honorable de cette pétition, vraie pétition, modèle de toutes les pétitions.
(L'Assemblée décrète l'impression et la mention honorable de cette pétition et la renvoie à son comité des finances.)
Une députation des citoyens de la section du faubourg Montmartre est admise à la barre. Elle demande la permanence des sections de la capitale et le licenciement de l'état-major de la garde nationale parisienne, pour avoir provoqué une pétition illégale.
répond à la députation et lui accorde les honneurs de la séance. -
(L'Assemblée renvoie la pétition aux comités de législation, militaire et ae surveillance réunis.)
Une députation du faubourg Saint-Marceau, section des Gobelins, est admise à la barre. Elle présente une pétition justificative de la conduite des citoyens de ce faubourg dans la journée du 20 juin. Elle affirme que les arrêtés des corps constitués n'ont été proclamés qu'au moment où les citoyens étaient en marche, et qu'ils étaient autorisés à croire, ce qui avait été permis précédemment à plusieurs pétitionnaires, de défiler en armes dans le sein de l'Assemblée nationale, ne leur serait sûrement pas défendu et ne pouvait pas, dans un seul instant, être devenu criminel. Elle justifié ensuite les motifs de leur rassemblement, par les dangers de la patrie, par l'espoir d'intimider ses ennemis, provocateurs de veto, par l'inquiétude, enfin, bien naturelle à tous les bons citoyens dans les circonstances orageuses où se trouve l'Etat. Les citoyens du faubourg Saint-Ma'rceau, disent-ils, voulaient porter dans le sein des représentants du peuple leurs craintes et y chercher des consolatipns ; une telle démarche n'a pu être envenimée que par des hommes intéressés au désordre, par des nommes qui ne respirent que la guerre civile. Les citoyens pétitionnaires, voyant dans la Constitution, que le roi ne peut avoir de veto absolu, croyaient cependant trouver ce caractère à celui que "le roi a opposé sur les décrets de circonstance; car comment croire que des remèdes aux troubles excités par des prêtres fanatiques et séditieux, et la formation d'un camp de 20,000 hommes, puissent être ajournés à 6 ans? Les citoyens du faubourg Saint-Marceau étaient donc autorisés à craindre que la Constitution ne fût détruite par la Constitution ellè-même.
En terminant, elle félicite l'Assemblée sur les décrets qu'elle a rendus pour la répression des délits des prêtres réfractaires, et pour le rassemblement des 20,000 hommes, et demande : 1° la punition de ceux qui ont provo 3ué le veto sur ces décrets; 2° que l'Assemblée éclare que les décrets de circonstances ne sont pas sujets à sanction. Nous ne demandons pas, aisent-ils, que vous violiez la Constitution, mais que vous l'expliquiez. Le roi n'a, par la Constitution, qu'un veto suspensif, et par le fait il devient absolu sur les fois d'urgence et de circonstances. (Applaudissements à gauche.) ,
répond à la députation et lui accorde les honneurs de la séance. Plusieurs membres : L'ordre du jourl D'autres membres : La mention honorable ! (L'Assemblée rejette la mention honorable.)
Plusieurs pétitions de la même nature que celle qui vient de vous être présentée, ont été envoyées au comité de législation, qui m'a chargé d'en faire le rapport. (Murmures à droite.)
Je demande que M. Lamarque fasse sur cette question le rapport dont il a été chargé.
La pétition des citoyens du faubourg Saint-Marceau met de nouveau à l'ordre du jour la motion présentée par M. Couthon, qui demandait d'ajourner à jour fixe la discussion sur la question de savoir si les décrets de circonstances et qui intéressent la sûreté générale de l'Etat, doivent être soumis à la sanction.
Plusieurs membres : L'Assemblée a décrété qu'il n'y avait pas lieu à délibéré v sur la proposition principale !
L'Assemblée a décrété qu'il n'y avait pas lieu à délibérer sur l'ajournement de la motion. (Murmures prolongés à droite.)
Plusieurs membres : La lecture du procès-Verbal!
, secrétaire, donne lecture du procès-verbal^ qui est ainsi conçu : « M. Couthon demande que l'Assemblée ajourne à jour fixe la discussion sur la question de savoir si les décrets de circonstances et qui intéressent la sûreté générale de l'Etat, doivent être soumis à la sanction.
" La discussion est ouverte et interrompue par la proposition de passer à l'ordre du jour; cette proposition mise aux voix, la délibération paraît douteuse.
« On réclame l'appel nominal; mais la question préalable sur la motion principale ayant été mise aux voix, Y Assemblée a décrété qu'il n'y avait pas lieu à' délibérer sur La proposition principale. »
Plusieurs membres (à droite): L'ordre du jour!
D'autres membres (à gauche) : Monsieur le Président, consultez l'Assemblée pour savoir si M. Lamarque continuera son opinion.
(L'Assemblée décrète que M. Lamarque Continuera son opinion.)
La question préalable ne porte pas sur la question de savoir si les décrets de circonstances doivent être sujets à sanction, et cette expression du procès-verbal : « l'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la motion principale, » signifie simplement que l'Assemblée n'a pas voulu délibérer sur l'ajournement, parce qu'il avait été proposé, par motion inciaente, qu'on passât à 1 ordre du jour sur la proposition d'ajournement. (Murmures à droite.)
Un membre :C'est violer la Constitution et notre serment!
Mais rendre le veto absolu, quand la Constitution veut qu'il ne soit que suspensif,
n'est-ce pas aussi la violer? Et je demande a ceux qui me font cette objection, s'il faut se
soumettre à telle opinion plutôt qu'à telle autre, ou bien s'il n'est pas, au contraire,
beaucoup plus raisonnable, surtout quand vous voyez que c'est la nation entière, que c'est
l'intérêt public qui le commande, s'il n'est pas plus raisonnable de traiter froidement cette
importante question? (Nouveaux murmures à droite.)
C'est une injure à l'Assemblée de répondre a M. Lamarque.
(La discussion est un moment interrompue par de violentes réclamations contre le parjure que l'on voit dans cette proposition et par quelques Sersonnalités, de M. Delacroix, à l'adresse de 1. Genty, de M. le Président et des membres dé la droite. Les tribunes applaudissent à ces personnalités et en rient. M. Genty, au milieu du bruit, demande la parole pour réjpondre. L'Assemblée passe à l'ordre du jour sur ces débats.)
Je crois qu'il eût été aussi facile à M. Lamarque de nier l'existence de la délibération qu'il attaque, que de l'interpréter d'une manière aussi laborieuse. Je dis que sur la proposition très incagstitutionnelle, faite il y a quelques jours, par M. Couthon, et après une première épreuve, et d'après l'opinion de M. Pastoret, on admit la question préalable sur la question principale, et je demande, si l'on est de bonne foi, si la question principale n'était pas celle du veto.
Messieurs, il n'y a pas de liberté où il n'y a pas deux pouvoirs distincts, et indépendants 1 un de l'autre. Si vous accordiez au Corps législatif le droit de soustraire un seul décret à la sanction, il pourrait bientôt les y soustraire tous, puisqu'il dépendrait de lui seul de déclarer que tel décret est de circonstance, et vous lui donneriez ainsi, contre le vœu de la Constitution, le droit de faire seul les lois. Je demande l'ordre du jour.
, le jeune. La proposition de M. Hua ne me parait pas suffisante, il faut faire justice entière de la motion principale. Je demande avec instance la question préalable.„
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
Le sieur Juniê Lescot, commissaire de police de la section des Gobelins, est admis à la barre. 11 dénonce une lésion sur les intérêts de la nation dans la vente d'un cheval, et remet sur le bureau de l'Assemblée le procès-verbal qui la constate (t).
répond au sieur Lescot et lui accorde les honneurs ae la séance.
(L'Assemblée renvoie le procès-verbal à la commission extraordinaire des Douze.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture des deux lettres suivantes :
1° Lettre de M. Duranthon, ministre de là justice, qui annonce l'impossibilité où il se
trouve d'envoyer, à cette séance, les pièces qui lui ont été demandées par le décret qui
ordonne au pouvoir exécutif de se faire délivrer expédition au procès-verbal de la séance de
la section des Quinze-Vingt dans la nuit du mardi 19 au mercredi 20 juin, mais qu'il les
enverra aussitôt
« Monsieur le Président,
« Je vous prie de prévenir l'Assemblée que quelques diligences que j'aie mises pour mettre à execution le décret que vous avez rendu ce matin, je désespère de lui présenter à la séance de ce soir les renseignements qu'elle demande. Aussitôt que j'aurai obtenu du président de la section toutes les pièces relatives à cet objet., je m'empresserai de satisfaire l'Assemblée. »
« Je suis avec respect, etc...
« Signé: duranthon. »
2° Lettre de M. Lajard, ministre de la guerre, qui annonce que le roi a donné carte blanche au maréchal Luckner pour la sûreté des opérations militaires qu'il a commencées. Cette lettre est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« L'Assemblée nationale a été instruite des progrès de nos armes dans les Etats belgiques et de l'espérance qu'elles nous donnent pour de plus grands succès. Il est impossible, dans le silence du cabinet, de prescrire aux généraux des armées françaises 1 ordre de leur marche, en conséquence le roi annonce à l'Assemblée nationale qu'il donne carte blanche à M. Luckner (Double salve d'applaudissements.) pour la suite, des opérations commencées, en continuant tou-' tefois, de se concerter avec M. La Fayette, tant que la proximité le lui permettra. »
« Je suis avec respect, etc...
« Signé: LAJARD. »
Malgré la lettre du roi et la carte blanche qui lui est donnée, le maréchal Luckner se trouve dans une inaction de fait par suite du très petit nombre de ses troupes. Je demande le renvoi de cette lettre au comité militaire, afin qu'il présente des mesures pour que les généraux ne soient pas réduits à une inactivité de fait par le petit nombre des troupes. (Applaudissements.)
(L'Assemblée décrète le renvoi de la lettre au comité militaire, avec mission de déposer, le lendemain, son rapport sur les moyens d'augmenter l'armée du maréchal Luckner.)
M. Roussel, instituteur et professeur de sténo1 graphie au collège des Grassins, est admis â la barre. Il annonce professer avec succès un système de sténographie, d'après les principes de Samuel Taylor, et dépose sur le bureau de l'Assemblée une pétition, dont m» de MM. les secrétaires donne aussitôt lecture.
Cette pétition est ainsi conçue :
« Messieurs,
« La parole écrite ne reproduit la parole prononcée qu'avec une lenteur désespérante; elle nous pèse d'autant plus que nous apprécions mieux que jamais le temps dont se compose notre vie. Heureusement on vient d'enrichir les sciences d'un système de sténographie, adaptée à la langue française d'après l'ouvrage et les principes de Samuel Taylor, ce fameux sténographe anglais, qui a perfectionné dans sa pa-
trie l'art étonnant de peindre la parole aussi vite qu'elle est prononcée.
« Les deux points essentiels de son système consistent à éliminer les voyelles centrales de tous les mots, et à se servir pour représenter chacune des articulations vocales, de signes d'une extrême exiguité, et tels qu'ils se lient aisément entre eux dans tous les changements d'ordre possibles. La prestesse de l'ingénieux procédé de Tuylor vous frappera sensiblement, Messieurs, et je ne doute pas que vous ne soyez pénétrés de l'avantage inestimable de ce nouveau moyen de perfection.
« Je professe déjà, Messieurs, et j'ose dire avec succès, cette science vraiment nouvelle. J'en fais un cours public dans un des collèges de la capitale, dont les professeurs et les maîtres se font gloire de se mêler à leurs disciples pour leur disputer l'avantage d'acquérir cette connaissance, et je pourrais vous produire, dans l'un et l'autre sexe, plus d'un élève, dont les progrès rapides justifieraient l'excellence de la méthode.
« Ce nouvel art deviendra un des plus grands ressorts de l'instruction nationale, si vous daignez, Messieurs, protéger la science, le maître ; et dans l'intention où il est d'en étendre l'application, d'en propager la pratique et les précieux avantages, il vous conjure de jeter un regard d'encouragement sur ses travaux et ses efforts.
Voici, Messieurs, un ouvrage sténographié sur vélin, par M. Leclerc, un de mes élèves, d'après le système de Samuel Taylor: c'est la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ; j'y ai ajouté de ma main un court exemple de sténographie comparée dans l'application de ce nouvel art, à la langue latine et à la langue française. Daignez en agréer l hommage ; l'Assemblée nationale y verra une preuve sensible de la triple économie du temps, de l'espace et de la matière.
«Au sein des représentants de la nation, je viens lui consacrer mes talents et ma vie. Tout ce qui est à la patrie, est à nous ; que tout ce qui est à nous, soit à la patrie.
« Signé : J. J. Roussel, instituteur et professeur de sténographie au collège des Grassins. »
répond au pétitionnaire et lui accorde les honneurs de la séance.
Un membre : Je demande la mention honorable et le renvoi au comité de l'instruction publique.
(L'Assemblée décrète le renvoi de la pétition et des pièces au comité de l'instruction publique.)
Le sieur Barry, ci-devant chapelain de Véglise Saint-Louis des Français à Borne, est admis
à la barre (1).
répond au sieur Barry et lui accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée renvoie sa pétition au comité de liquidation.)
Les sieurs Lefèvre, Lesage et Cie sont admis à la barre.
Ils demandent à être autorisés à émettre des médailles de confiance en argent qu'ils ont fabriquées et la levée de scellés que la municipalité de Paris a fait apposer sur leur établissement. Leur pétition est ainsi conçue (1) :
« Législateurs,
« La nation, en se déclarant libre, a voulu dégager le commerce de toutes les entraves qui pouvaient le restreindre. Les décrets du Corps législatif ont prononcé que nul ne pouvait être attaqué dans sa propriété, ni privé des fruits d'une industrie légitime.
« Dans un temps où la disparition du numéraire, l'accaparement des monnaies en billon par les ennemis de la patrie, et enfin le défaut d'assignats de petite valeur avaient réduit le public à se servir de billets émis par certaines caisses particulières, qui laissaient craindre les inconvénients d'une insolvabilité prochaine, nous avons cédé au vœu général des citoyens de la capitale et des négociants des principales villes de l'Empire, pour faire partager au public les avantages d'une fabrication de médailles d'argent, que nous avions frappées pour l'usage particulier de notre commerce, sous des fractions de 5, 10, 20 sols, et pour en émettre une partie.
« Nous les avons annoncées au titre de 8 deniers 6 grains, et les essais qui en ont été faits prouvent combien nous avons été exacts à nous conformer à ce titre. Nous nous flattons d'avoir prouvé par le mémoire ci-joint (2), pour votre comité monétaire, que la valeur de nos médailles, en y joignant les frais de fabrication, correspondait parfaitement à celle des assignats. Nous avons, en surplus, annoncé au public, et nous avons en même temps rempli la condition de reprendre ces médailles reçues de confiance et de les rembourser à volonté en assignats, afin que l'intérêt général fut sans cesse à couvert. En émettant des valeurs réelles, en ajoutant à la masse de la circulation et en augmentant la quantité des matières propres à la fabrication du numéraire, nous avons cru servir la patrie, et nous n'avions pas pensé qu'on pût confondre notre établissement avec celui des caisses d'émission de simples billets qui ne présentaient que des valeurs incertaines et fictives. Enfin nous ne devions pas craindre qu'on put nous appliquer les dispostions de votre décret du 30 mars dernier, relatif aux caisses qui ont émis du papier.
« Cependant 3 officiers municipaux de Paris sont venus le 9 courant apposer les scellés sur
nos ateliers pour arrêter notre fabrication. Ils ont vérifié ensuite l'état de notre caisse
et quoiqu'ils l'aient trouvée dans la situation la plus satisfaisante au point de constater
le qua-
« Dès que nous n'étions pas compris dans votre décret du 30 mars, on ne devait, ni on ne pouvait nous l'appliquer sans violer la liberté et sans attaquer le droit sacré de la propriété.
« Les officiers municipaux qui ont procédé à cette opération ont cru pouvoir interpréter la ; loi pour agir contre nous, mais en l'interprétant, ils n'ont pas vu qu'ils étaient en contradiction avec elle, puisque l'article 3 l'explique clairement, et dit : « que toutes les émissions qui porteraient leur gage, soit en dépôt d'assignats ou en numéraire effectif, ne pourraient être arrêtées. » Ils ont surtout oublié que l'interprétation des lois menait à l'arbitraire et que, n'y ayant qu'un pas de l'arbitraire au despotisme, il ne pouvait jamais leur appartenir d'interpréter vos décrets, et que c'était au Corps législatif qu'ils devaient s'adresser pour en obtenir l'explication, si les dispositions eussent pu présenter des doutes.
« Ils se sont, sans doute, soumis à une responsabilité bien grande, les officiers qui n'ont pas craint de substituer leur volonté à celle de la loi et d'étendre même à notre égard la rigueur des dispositions que le danger des caisses de papier avait rendues nécessaires, sans avoir égard au gage réel que nos médailles émises portent avec elles de leur valeur. Ils ont saisi, malgré le bon état de notre caisse, attesté par eux-mêmes, une partie de l'avoir de notre commerce et pour une valeur quadruple à celle de l'émission, ce que votre décret n'aurait pas même autorisé à 1 égard des caisses de papier.
« Cette sévérité a dû nous étonner quand nous l'avons rapprochée de l'esprit de vos sages décrets, et de la liberté dont jouit dans ce même temps un établissement à peu près semblable, celui des pièces Monneron. Mais nous avons été plus étonnés. encore d'apprendre que des individus jaloux de s'élever sur la ruine de notre commerce avaient proposé au conseil de la commune d'ordonner la destruction de nos ateliers, pomçons, matrices et outils de fabrication.
« Nous demandons le renvoi de notre pétition à votre comité monétaire ou des finances pour l'examen de nos opérations, à l'effet d'être ensuite prononcé, s'il y a lieu, d'autoriser ou de suspendre notre fabrication. Mais dès à présent et attendu l'illégalité et l'inutilité des scellés apposés par la municipalité, vu le bon état de notre caisse, constaté par leur procès-verbal, et attendu que nos médailles portent avec elles le gage de leur valeur, nous demandons la main levée desdits scellés et qu'au surplus il soit sursis à l'exécution de tout arrêté ultérieur du conseil de la commune, qui pourrait tendre à la destruction de notre atelier.
« Législateurs, vous improuverez sans doute une mesure qui aurait pour but de ruiner et d'altérer le crédit des citoyens. »
« Signé : Lefèvre, Lesage et Cie, »
répond aux. pétitionnaires et leur permet d'assister à la séance.
(L'Assemblée renvoie la pétition au comité des assignats et des monnaies.)
Une députation dès citoyens de la section des Quinze- Vingt, du faubourg Saint-Antoine, est admise à la barre.
Vorateur de la, députation s'exprime ainsi : Je présidais la section des Quinze-Vingt le 19 juin, au soir, lorsque M. Chabot vint y porter la paix et l'union. Le comité de la section m'a chargé de vous apporter copie de son procès-verbal ae ce jour, que l'Assemblée avait demandé au ministre de la justice. \
Je m'empresse aussi d'informer l'Assemblée que nous avons vérifié le recensement des ci^ toyens, et que nous n'avons point trouvé les noms des dénonciateurs de M. Chabot. Un seul, qui s'appelle Lenoir, a déclaré qu'il n'avait pas signé cette dénonciation.
répond à la députation et lui accorde les honneurs de la séance.
Je demande la lecture de ce procès-verbal.
Un de MM. les secrétaires en fait la lecture :
Extrait des délibérations de rassemblée généraleN de la section des Quinze-Vingt*
« L'an 1792, l'an IVe de la liberté, le 19 juin, en l'assemblée générale des citoyens actifs de la section des Quinze-Vingt, légalement annoncée en la manière accoutumée, et en vertu de l'ajournement pris en celle du 17 de ce mois, lecture a été faite du procès-verbal de l'assemblée précédente qui a été applaudi.
« Sur la motion faite par un membrequedans la présentation de la pétition à l'Assemblée nationale et de l'adresse au roi que doit faire demain la section jointe aux citoyens des autres sections qui voudront les y accompagner, il serait à propos que l'on invitât MM. les commissaires de section et M. le commissaire de policé à se trouver à cette présentation comme pouvoir constitué de la section.
« Cette motion, mise aux voix, a été adoptée à l'unanimité et l'invitation ordonnée, et par l'amendement il a été arrêté que M. le juge de paix de la section y serait aussi invité.
« Puis on a fait lecture de la pétition à présenter à l'Assemblée nationale. Elle a été adoptée à l'unanimité par l'assemblée, composée de plus de mille citoyens, qui ont demandé qu'elle fût signée du plus grand nombre de citoyens pos-r sible.
« S'est présentée à l'assemblée une députation du comité de la section de Popincourt, lequel ayant été averti par le sieur Avril des délibérations précédentes de la section, est venu, au nom de cette section, émettre son vœu, qui est de se joindre fraternellement dans la présentation des pétitions et adresse de la section des Quinze-Vingt.
« L'Assemblée, pénétrée des sentiments fraternels des citoyens de la section de Popincourt, à arrêté que non seulement elle les recevrait avec joie, mais jnême que mention honorable en serait faite au procès-verbal, ainsi que de l'action louable de M. Avril, son membre.
« Ensuite a été lue l'adresse au roi, laquelle a été adoptée àl'unanimité, avec un léger changement.
« S'est ensuite présenté M. Chabot, membre de l'Assemblée nationale, lequel est venu donner
avis au faubourg Saint-Antoine que les Marseillais ve-naientd'envoyerune adresse à
l'Assemblée nationale, dans laquelle ils offrent, au moindre signal des législateurs, de
venir jusqu'à Paris défendre et
« M. le Président a témoigné àM. Chabot, au nom de l'Assemblée, ses remerciements.
« MM. SavaryetBaslin ont donné à l'assemblée lecture de deux discours. L'assemblée, en applaudissant à leur civisme, en a voté l'annexe et mention honorable au procès-verbal.
« Sur le vœu manifeste, fortement prononcé par l'assemblée, d'aller en armes demain présenter les pétition et adresse, M. le Président a instruit l'assemblée que M. le Maire, dans une lettre à lui écrite, demandait qu'on ne se présentât point et qu'on n'allât point armé à 1 Assemblée nationale ni chez le roi, présenter pétition et adresse, attendu que cela était contre la loi.
« Se sont aussi présentées à l'assemblée différentes députations et notamment une des forts de la halle. Toutes ont été reçues avec applaudissements et ont assisté à la séance.
« Lecture du présent procès-verbal a été faite, assemblée tenante, laquelle a adhéré à tout ce qui y est contenu, et M. le Président, du vœu de rassemblée, a levé la séance.
« Signé: Jurin, président, Renet, etc.
« Conforme à l'original: Buffet, président des commissaires de section. »
Un membre : Je demande le renvoi à la commission !
Je demande, comme le préopinant, le renvoi à la commission extraordinaire, maie je dois à l'Assemblée des explications sur une expression du procès-verbal, qui paraît avoir alarmé quelques membres de l'Assemblée.
Au moment où l'on me parla de la pétition des citoyens du faubourg Saint-Antoine, je me rappelai la lettre de Af. La Fayette à l'Assemblée nationale; je craignis que quelques émissaires ne provoquassent le peuple à quelque acte illégal, pour vérifier les prophéties du général au sujet de la prétendue faction des régicides, des anarchistes. Je crus que le meilleur moyen pour empêcher la pétition, ou du moins pour la faire présenter par les citoyens sans armes, conformément à la loi, était deleur présenter cette démarche commepropre à favoriser les partisans de La Fayette. J'ai donc dit à la section des Quinze-Vin®t, que La Fayette profiterait de cette démarche, ou pour faire publier la loi martiale, ou pour se replier avec son armée sur Paris, dicter des lois à l'Assemblée, sous prétexte de secourir le roi, que l'on ferait insulter exprès par quelques malveillants. Voilà ce que j'ai dit sur des soupçons qui me paraissaient fondés. Et certes l'événement a prouvé que j'avais raison de craindre plus de mal que ae bien de cette pétition, ou de la manière dont elle a été présentée contre mon vœu, et j'ose le dire, contre celui de tous les bons citoyens de la presque universalité de la section des Quinze-Vingt.
Maintenant, Messieurs, je demande que vous
ayez la bonté de faire rechercher les auteurs de la dénonciation qui me concerne.
Plusieurs membres : Le renvoi !
Messieurs, je suis forcé de vous dire que je suis obligé, pour mon entière justification, de demander la vérification des signatures et la recherche des auteurs, parce que j'ai été accusé par le côté droit de l'Assemblée de l'avoir moi-même provoqué, pour avoir occasion de faire parade de mes principes modérés.
Plusieurs membres : Qui est-ce?
Je somme M. Arssaud, député de l'Aveyron, de certifier que le fait de cette inculpation est vrai; jeconclusdonc au renvoi et à la recherche des auteurs de cette dénonciation.
(L'Assemblée décrète le renvoi du procès-verbal à la commission extraordinaire des Douze.)
(La séance est levée à 10 heures et un quart.)
a la séance de l'assemblée nationale législative du
PROCÈS-VERBAL (2) remis sur le bureau de l'Assemblée nationale par le commissaire de police de la section des Gobelins.
« L'an mil sept cent quatre-vingt douze, le vingt-trois juin, sept heures du soir. Nous, commissaire de police de la section des Gobelins, assisté du secrétaire-greffier de ladite section : ayant été instruit qu'il venait d'être trouvé dans le marché aux chevaux un cheval. Nous nous y sommes transportés; nous avons à l'instant examiné le cheval que nops avons reconnu être un cheval hongre, a tous crins, noir, marqué en tête, taille de 17 à 12 pouces, marqué d'un double W d'un côté et d'un W reuversé de l'autre. Au moment où nous nous disposions à en ordonner la fourrière, M. Ghappe, maréchal expert, demeurant rue Saint-Anne, n° 4, s'est présenté dans le bureau dudit marché pour réclamer ledit cheval comme lui appartenant. Nous lui avons observé que ce cheval paraissait appartenir à la nation. A quoi il a répliqué qu'il l'avait acheté à Fontainebleau de M.Golet, commissaire des Guerres, et de M. Hurbain, lieutenant, le 11 du mois dernier, en présence de la municipalité dudit lieu; nous a ajouté ledit sieur qu'il venait de vendre ledit cheval à M. de Grancourt, inspecteur des messageries nationales. Nous avons demandé audit sieur Ghappe combien il avait acheté ce cheval et combien il l'avait revendu ; il nous a répondu qu'il l'avait acheté 60 livres et qu'il le revendait 16 louis. Sur quoi nous, commissaire susdit, sur ce que M. Santerre, commissaire de section et de service au marché aux chevaux, nous a certifié connaître M. Pbilipinne, marchand de chevaux, rue de Sèvres, n° 119, lequel nous a affirmé que le sieur Chappe était bien domicilié, rue Sainte-Anne, nous avons ordonné que le cheval lui serait remis. Et attendu qu'il y avait lésion pour la nation dans la vente faite pour 60 livres d'un cheval qui, au bout d'un
mois, était revendu 16 louis ; et encore d'après l'assurance que l'on nous a donnée qu'il en valait plus de 20 à 22, nous avons ordonné qu'expédition du présent décret serait envoyé à l'Assemblée nationale et qu'avis en serait donné à- la municipalité par une double expédition.
« Avons signé : junié lescot. *
a la séance de l'assemblée nationale législative du
Mémoire (1) pour les sieurs Lefèvre, Lesage et Cie.
Les inconvénients des billets émis par les caisses patriotiques et de secours avaient déjà frappé le plus grand nombre des négociants ae la capitale, lorsque la maison de commerce Lefèvre et G16 imagina pour son service particulier, c'est-à-dire pour le payement de ses fournisseurs et ouvriers, de faire frapper des médailles ou jetons d'argent, au titre de 8 deniers 6 grains, sous des fractions de valeur de 5, 10 et 20 sols.
Plusieurs maisons de Commerce, et la plupart des spectacles et autres établissements publics de la capitale, ayant paru désirer l'émission de ces pièces pour en partager les avantages, la maison Lefèvre se détermina à céder à cé vœu presque général, après s'être assurée que la liberté commerciale établie par l'article 5 de la Déclaration des droits, et par la loi des 17 et 20 mai 1791, lui en laissait la faculté. Elle eut soin, avant l'émission, de faire part à M. le maire de Paris de son projet et des demandes qui lui étaient faites. Cette communication donnée à la municipalité en la personne de son chef, a eu lieu le 21 mars 1792. La suspension que la maison de secours fut forcée de mettre dans le remboursement de ses billets vint, quelques jours aprè^, confirmer les craintes que les établissements de cette nature donnaient depuis longtemps et augmenter le désir des citoyens de voir substituer des valeurs réelles à des promesses incertaires et fictives.
C'est dans ces circonstances que l'Assemblée nationale rendit son décret du 30 mars dernier, sanctionné le 1er avril suivant, par lequel il fut dit (art. 1er) « que les municipalités seraient tenues de vérifier l'état des caisses patriotiques ou de secours, qui ont émis des billets de confiance, de secours, patriotiques ou sous toute autre dénomination ae 25 livres et au-dessous, ainsi que des gages qui devaient en répondre ; »> et (art 2) « que les municipalités constateraient par des procès-verbaux, le montant et le nombre desdits billets qui auraient été mis en circulation; se feraient représenter les fonds existant dans les caisses ou autres valeurs formant le gage desdites émissions, et prendraient toutes les mesures convenables pour prévenir et arrêter toutes nouvelles fabrications et émissions qui étaient prohibées, à compterde lamêmeépoque. »>
Par ce décret, l'Assemblée n'avait eu en vue que les caisses qui émettaient des billets
parce que ces caisses, pour la société publique, devaient justifier en tout temps d'un fonds suffisant pour répondre des promesses en papier qu'elles avaient émises ; mais elle n'avait certainement pas compris ni entendu comprendre les caisses qui émettaient des valeurs réelles, telles que des pièces ou jetons ae cuivre, or ou argent, parce que ces pièces portaient avec elles-mêmes l'équivalent de leur émission.
Cette distinction était même indiquée clairement par l'article 3 du même décret.
Il y est dit : « Sont néanmoins exceptées de ladite prohibition les caisses qui ont été établies par les corps administratifs ou sous leur surveillance immédiate et dont les fonds représentatifs ont été ou seront déposés en assignats ou numéraire. »
Ainsi, par argument incontestable de cette disposition, toutes les fois qu'il y a un fonds représentatif de l'émission en assignats ou numéraire, il ne peut y avoir lieu de craintes ni sujet d'appliquer ou de provoquer la prohibition. Dans l'espèce, l'émission étant faite en pièces qui portaient avec elles leur valeur réelle et conséquemment une garantie certaine de leur échange, il était préjugé, d'après le vœu de l'Assemblée, manifesté par le décret du 30 mars, que. cette caisse nè pouvait jamais être assimilée à celles d'émission en papier, contre lesquelles il avait été nécessaire ae se précautionner. Cependant 3 officiers municipaux deParis, interprétant ce décret à leur manière, ont pris sur eux de venir, en vertu, ont-ils dit, d'un arrêté du conseil de la commune, dont ils n'ont pourtant donné aucune connaissance, vérifier la fabrication de la société et l'état de sa caisse ; et quoiqu'ils aient trouvé que la caisse était en bon état et qu'il y avait des valeurs du quadruple de l'émission qui avaitété faite, ils ont, de leur autorité privée, apposé les scellés sur tous les effets de la société, tant dans les ateliers de fabrication que dans le bureau de distribution. Le procès-verbal qui constate ces faits est en date du 9 juin 1792.
Quelques réflexions suffisent pour démontrer l'illégalité de cette opération.
Les caisses d'émission en pièces numériques, n'étant pas comprises dans le décret du 30 mars, les officiers municipaux n'ont pu ajouter, à la disposition de ce décret, pour en étendre l'application aux caisses de ce genre.
S'ils trouvaient qu'il y eût nécessité, pour le bien public, de vérifier les opérations de la Société, ils devaient en référer à l'Assemblée pour faire parler la loi ; mais ils n'ont jamais pu, par une interprétation forcée, supposer dans le décret ce qui n'existait pas; ils n'ont pas dû se permettre d'attaquer arbitrairement la liberté et la propriété d'une maison de commerce, sans y être autorisés expressément.
Enfin, si la loi avait pu présenter des doutes, ils devaient savoir qu'il n'appartenait pas à eux de l'interpréter, parce que toute interprétation, ouvrant l'arbitraire, amènerait le despotisme en susbtituant la volonté particulière à 1 expression de la volonté générale.
Que la municipalité, par voie de police, eût fait procéder à l'essai des pièces émises, pour s'assurer qu'elles étaient fabriquées au titre annoncé, c était tout ce qu'elle pouvait se permettre, en vertu de la surveillance générale qui lui est confiée : mais convaincue par la publicité des essais qui ont été faits sur ces pièces, qu'elles sont conformes à ce titre, elle n'a pas cru devoir
faire répéter ces essais, malgré les demandes réitérées qui lui en ont été faites depuis l'apposition des scellés. En cet état de choses, l'interdit mis par les trois officiers municipaux sur la caisse de la maison Lefèvre et sur sa fabrication, peut-il subsister? La saisie de fait qu'ils y ont ajoutée, en apposant, de leur propre autorité, le scellé sur l'avoir de la société, quoiqu'ils eussent constaté le bon état de la caisse, doit-elle tenir? Telles sont les questions sur lesquelles l'Assemblée doit statuer et qu'elle a renvoyées à son comité des assignats et monnaies, pour lui en faire le rapport.
Le scellé a été mis de voie de fait, sans autorisation de la loi et sans nécessité, même d'après le procès-verbal des officiers municipaux, puisque la caisse était reconnue dans le meilleur état et qu'indépendamment de ce que les pièces émises portent avec elles leur valeur, on a trouvé encore dans la caisse, ou dans les ateliers, de quoi fournir au remboursement du quadruple de l'émission qui a été faite. C'en est assez pour faire cesser cette saisie. Quant à la continuation de la fabrication, peut-on l'empêcher? Y a-t-il nécessité de le faire?
Dans les principes qui constituent la base de notre liberté, tous artistes, tous commerçants ne peuvent être privés des fruits ni des avantages légitimes de leur industrie, et depuis que les métaux et même les espèces numéraires but été déclarées commerciales, il serait impossible d'empêcher tel négociant ou tel particulier qui en aurait le besoin ou qui en voudrait faire commerce, de faire frapper à son coin des médailles ou jetons et de les vendre ou livrer à ceux qui voudraient les prendre ou les acheter.
L'intérêt général exige impérieusement qu'un tel commerce, loin d'être restreint ou prohibé soit autorisé parce qu'il tend nécessairement à ramener de l'étranger le numéraire dont mous manquons et à le faire arriver au pair du papier-monnaie; parce qu'enfin il est plus facile et plus sûr pour la circulation que les petits billets des caisses qui ont paru jusqu'ici parce qu'il n'y a point à craindre ni le défaut de valeur ni les inconvénients attachés au papier qui sont de s'effacer, de se déchirer de se brûler, et enfin d'être plus aisément contrefaits. Ainsi, ce sont ces différents avantages qui ont fait désirer aux commerçants et au public l'émission des pièces à laquelle la maison Lefèvre ne s'est livrée que sur leur demande. La maison Lefèvre n'a point pour objet, au surplus, de se soustraire à toute surveillance légitime; elle sera prête en tout temps à justifier de ses opérations et de l'état de sa fabrication, et même de sa caisse, si on le jugeait nécessaire, aux corps administratifs, qui seront à même de faire envoyer les pièces pour vérifier l'exactitude du titre, et comme, pour la plus ample sûreté du public, elle s'est soumise à reprendre et rembourser à vue les pièces qu'on voudrait lui rapporter les corps administratifs seront encore à même de surveiller si elle est exacte dans ses remboursements.
L'opération ne renferme d'ailleurs en elle-même aucun de ces moyens d'agiotage qui en laissant à apercevoir au public des prétendus avantages, lui cachent le plus souvent les pièges pour abuser de sa facilité. L'essai qui a été fait constate que les pièces sont au titre annoncé de huit deniers six grains ce qui, avec les frais de fabrication, les porte à la proportion et valeur réelle du papier.
Il en résulte que le public ne peut jamais perdre sur la valeur des jetons dont il s'agit, puisque, dans un moment de baisse du prix d'argent, il lui est libre de venir échanger les jetons qu'il aura reçus contre des assignats et qu'il ne demeure à découvert que des frais de fabrication, s'il les garde pendant cette baisse, tandis qu'il ne peut que gagner s'il survient de la hausse.
L'émission prochaine des petits assignats ne saurait donc être un obstacle à laisser à la société Lefèvre la liberté de continuer sa fabrication. Il faut des raisons puissantes et absolues pour restreindre la liberté: et ici il ne s'en rencontre aucune ; les jetons dont il s'agit présentent des fractions qui ne se trouvent pas dans celles des petits assignats décrétés, c'est-à-dire des valeurs de 5 sols et de 20 sols.
Enfin, on ne saurait trop ajouter à la masse de la circulation et surtout à celle des valeurs métalliques et numéraires dans un temps où les ennemis de la Patrie s'efforcent d'en faire disparaître jusqu'au moindre signe.
Les sieurs Lefèvre et Cio espèrent que l'Assemblée nationale, frappée de ces considérations, fera cesser les empêchements mis à la continuation de leurs opérations ; mais si les circonstances la forçaient à différer la décision du fond de cette affaire, ils soutiennent qu'on ne peut, sans injustice, laisser subsister plus longtemps l'apposition de scellés illégale, qui tient tout leur commerce en interdit ; ils en demandent à toutes fins la mainlevée provisoire et qu'il leur soit permis de poursuivre dans les tribunaux les indemnités légitimes qui leur sont dues par les trois officiers municipaux qui, sans nécessité, sans autorisation de la loi, et contre l'application évidente de ses dispositions, sont venus exercer contre eux un acte attentatoire et arbitraire.
Séance du
présidence de m. gérardin.
La séance est ouverte à dix heures.
Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres, adresses et pétitions suivantes :
\°Lettre de M. Terrier, ministre de l'intérieur, datée du 24 juin 1792, relative à la demande de la municipalité de Marcoing, pour la conservation d'un droit de péage.
(L'Assemblée renvoie la lettre au comité du commercé;)
2° Lettre de M. Lacoste, ministre de la marine, datée du 25 juin 1792, à laquelle est annexé un arrêté de l'assemblée coloniale des Iles du Vent, par lequel elle demandé que le Port-du-Marin soit compris dans le nombre des entrepôts accordés à la colonie.
(L'Assemblée renvoie la lettre au comité colonial.)
3e Lettre de M. Détausia, lieutenant-colonel commandant le 12e régiment de cavalerie, datée du 24 juin 1792, qui demande le rapport d'un décret relatif aux membres des conseils de discipline.
(L'Assemblée renvoie la lettre au comité militaire.)
4e Lettre des administrateurs du directoire du département de L'Oise, datée du 19 juin 1792, relative à une découverte d'une mine de charbon de terre, faite par lejsieur André Gabaille.
(L'Assemblée renvoie la lettre au comité d'agriculture.)
5e Lettre de M. Priez, officier de la garde nationale, qui dénonce la manière illégale avec laquelle on fait signer une pétition, dont il envoie un exemplaire, chez les notaires de Paris. Celte lettre est ainsi conçue (1) :
« Paris,le
« Monsieur le Président,
« J'ai l'honneur de vous adresser l'exmplaire imprimé que je dénonce à l'Assemblée nationale, d'une pétition dont on capte et mendie les signatures de porte en porte, et qui devait être présentée hier à l'Assemblée. On a d'abord envoyé samedi 23 un pareil exemplaire aux 113 notaires de Paris, avec ordre, si on ne venait pas le.chercher dimanche matin 24, dé le renvoyer avec les signatures dont il serait revêtu (3), à M. Le Josne, rue de Mirabeau, n° 6. Sans doute que les signatures sur le vu des auteurs anonymes ont paru insuffisantes pour le but qu'elle renferme; on en a renvoyé par un colporteur d'imnrimerie de nouveaux exemplaires aux notaires aujourd'hui lundi (celui-ci joint en fait partie)., On dit que l'auteur est M. Dupont de Nemours ; je ne garantis point ce. fait. J'observe, seulement que la forme employée pour recevoir les signatures est illégale ét insidieuse, en employant le ministère d'officiers respectables par les fonctions qu'ils exercent et leur confiance généralement méritée du public pour donner plus de poids à ces signatures. Je pense que peu de notaires se seront prêtés à cette manœuvre nouvelle, et que, s'il s'en trouve qui en aient reçu, ce ne peut être que par le défaut de réflexion et inconsidération. J'ai encore l'honneur d'observer qu'il est à ma connaissance que plusieurs citoyens non domiciliés, mais logeant en chambre garnie, et dont le patriotisme est plus que douteux, se sont présentés chez un de ces notaires, qui n'a voulu recevoir aucune signature. 11 en est sans doute de même chez tous les autres notaires où tous les nouveaux revenus de Coblentz se seront empressés de se transporter et signer.
« Je suis loin d'approuver la violation de do-micile qu'ont faite les honnêtes habitants des faubourgs envers le représentant héréditaire de l'Empire français, c'est une véritable infraction à la loi que je respecte, mais les bons esprits se persuaderont aisément qu'elle n'a été fomentée que par des gens soudoyés par des malveillants, qui de la porte Saint-Antoine au Château, se sont glissés dans le cortège de ces honnêtes artisans que l'on calomnie avec tant d'acharnement et que l'on veut faire détruire par la garde nationale.
«J'ai fait quelques remarques sur l'exemplaire que je dénonce, mais l'Assemblée nationale jugera beaucoup mieux que moi, dans sa sagesse, le but de cette pétition mendiée et captée.
« Je suis avec Un profond respect, Monsieur le Président, etc.
« Signé : Priez,
« Au 6e bataillon de la 5e légion de la garde nationale parisienne. >»
(L'Assemblée renvoie la lettre à la commission extraordinaire des Douze.)
6° Lettre des administrateurs du directoire du département de l'Aude, datée du 12 juin 1792, dans laquelle ils dénoncent une adjudication faite par le sieur Claverie, commissaire des guerres, de 2,000 lits, lorsque l'administration en avait fait une à un autre citoyen pour le même objet. Ils préviennent encore l'Assemblée, nue M. Danselme, maréchal de camp commandant la deuxième division, a donné des ordres pour former un établissemént militaire dans la ville de Narbonne, sans en avoir référé à l'administration du département.
(L'Assemblée renvoie la lettre au comité militaire,)
7° Lettre du suppléant du procureur général syndic du département de l'Hérault, datée du 18 juin 1792, relative à un arrêté du directoire du département, sur les élections du syndîc des gens de mer.
JL'Assemblée renvoie la lettre au comité de marine.)
8° Lettre de M. Lajard, ministre de la guerre, datée du 25 juin 1792, dans laquelle il prévient l'Assemblée que beaucoup de directoires de départements n'ont pu lui adresser encore la listé des colonels et aes lieutenants-colonels de la gendarmerie nationale, ce qui le met dans l'impossibilité de faire aucun travail pour le 1er juillet, époque fixée par le décret d'organisation: sur la gendarmerie.
(L'Assemblée renvoie la lettre au comité militaire.)
9° Lettre de M. Terrier, ministre de l'intérieur, datée du 25 juin 1792, relative aux besoins urgents de l'hôpital des enfants trouvés de Yalen-ciennes.
(L'Assemblée renvoie la lettre au comité des secours publics.)
10° Lettre de M. Terrier, ministre de l'intérieur, datée du 25 juin 1792, relative à une pétition des maires et officiers municipaux deDunkerque. pour les besoins de l'hôpital de cette ville.
(L'Assemblée renvoie la lettre au comité des secours publics,)
Un de MM. les secrétaires donne lecture du procès-verbal de la séance du mercredi 20 juin 1792, au soir.
(L'Assemblée en adopte la rédaction.)
donne lecture d'une adresse des citoyens de la ville de Guingamp, département des Côtes-du-Nord, à l'Assemblée nationale; elle elle est ainsi conçue :
Guingamp, le 18 juin 1792, l'an IVe de la liberté.
« Législateurs,
« Des rebelles que nous abhorrons, nous forceront à une guerre cruelle; nous la soutiendrons. Voilà notre offrande pour repousser ces monstres. Elle est de 1,080 livres, en assignats, 145 1., 6 S.
en espèces, et 54 livres en divers effets d'argent, soit un total de 1,270 I. 6 s. (Applaudissements.)
« Nos volontaires seront victorieux ou périront, ils l'ont juré. S'ils périssent, nous irons tous les venger ou mourir. »
(Suivent les signatures.)
, au nom des élèves de l'institution provisoire de Nontron, dépose sur le bureau de l'Assemblée, un don patriotique de 210 livres en assignats pour subvenir aux frais de la guerre.
(L'Assemblée accepte ces deux offrandes avec les plus vifs applaudissements, et en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis aux donateurs.)
Je viens vous représenter les peines et la situation malheureuréuse des citoyens qu'une détention arbitraire a entassés, malgré leur âge et leurs infirmités, dans une espèce de prison.
Je n'examinerai pas s'ils sont coupables ou non, c'èst l'ouvrage de la loi,; je demande seulement qu'elle leur soit appliquée et qu'il y ait un rapport prompt de leur aflaire renvoyée au comité des Douze.
Parmi lés prêtres qu'un ordre tyrannique a précipité dans le séminaire de Dijon beaucoup sont accablés d'infirmités et d'années; l'un d'eux, l'ancien directeur de l'Académie, âgé de quatre-vingt quatre ans ne sortait plus depuis deux ans.
Qu'ils soient jugés, s'ils sont coupables; mais ne permettez pas qu'ils soient persécutés. Votre conduite, dans cette occasion, va donner à la France, la mesure de vos sentiments d'humanité. Si cette vertu était bannie du reste du royaume, elle devrait se retrouver dans cette Assemblée. Les malheureux n'ont pas d'amis; il leur reste votre justice. N'agissez pas avec ces hommes que vous avez accusés d'intolérance, en vous rendant tout à la fois injustes et intolérants; n'examinez pas s'ils sont de tel ou de tel autre parti, s'ils ont telle ou telle opinion ; mais songez qu'ils sont des hommes, et que vous êtes leurs juges. Le sage qui gouverne ne voit que les choses et les devoirs.
Cetordre malheureux est une grande preuve de l'instabilité qui peut atteindre tous les hommes. Leur sort actuel vous fera faire de profondes reflexions, et vous engagera à leur rendre la prompte justice que je demande pour eux. Chaque neure que l'innocent passe en prison est un reproche pour son juge qui connaît son innocence. Je demande que le rapport les concernant soit fait dès demain.
(L'Assemblée décrète cette proposition.)
, au nom du comité de l'ordinaire des finances, fait un rapport et présente un projet de décret (1), relatif aux dépenses de Vancienne administration de l île de Corse : ce projet de décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, considérant que plusieurs personnes employées dans l'ancienne administration de l'île de Corse, attendent depuis longtemps les gages ou appointements qui leur sont dus, décrète qu'il y a urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu
Art. Ier.
« La Trésorerie nationale tiendra à la disposition du ministre des contributions publiques, et sous sa responsabilité : 1° la somme de'62,500 livres pour compléter le fonds de 250,000 livres, attribué en 1791 aux dépenses de la caisse civile de l'île de Corse; 2° celle de 250,000 livres pour semblable fonds en 1792.
Art. 2.
Ces deux sommes réunies seront employées à acquitter ce qui reste dû sur les dépenses de l'ancienne administration, tant civile que judiciaire, de l'île de Corse. »
(Après une courte discussion, l'Assemblée décrète l'urgence, puis adopte le projet de décret.)
, au nom des comités militaire et de l'ordinaire des finances réunis, fait la troisième lecture (1) d'un projet de décret sur le payement du loyer des casernes de la garde nationale soldée de Paris; ce projet de décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu la troisième lecture du projet de décret proposé par ses comités militaire et de l'ordinaire des finances, précédemment lu dans ses séances des 11 et 18 juin, considérant que les dépenses de la garde nationale soldée doivent être, d'après un décret de l'Assemblée nationale constituante, du 28 juillet 1791, considérées comme, dépenses nationales et acquittées par le Trésor public, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« La Trésorerie nationale tiendra à la disposition du ministre de l'intérieur la somme de 170,415 livres pour être employée au payement des loyers des casernes de la garde soldée parisienne, suivant l'état annexé à la minute au présent décret.
Art, 2.
« Le loyer de la caserne, rue Mêlée, n° 29, qui, à dater du 1er janvier 1792, est occupée par la 29e division de la gendarmerie nationale, et dont le bail courra jusqu'au temps de son expiration, sera acquitté par le département de Paris, conformément à ce qui est prescrit par l'article 7 du titre IV de la loi du 16 février 1791. »
(L'Assemblée décrète qu'elle est en état de délibérer définitivement puis adopte le projet de décret.)
, au nom du comité des assignats et monnaies, soumet à l'Assemblée la question de savoir si une somme prêtée en argent peut être remboursée en assignats aux termes de la loi de 1790; il s'exprime ainsi :
Au nom du comité des assignats et monnaie, je soumets à la décision de l'Assemblée une
question qui lui a été renvoyée par le tribunal de Nancy, pour demander l'interprétation
d'une loi. Cette question, objet d'une contestation entre deux citoyens de cette ville,
consiste à savoir si un citoyen, auquel il aurait été prêté une somme
Je ne pense pas que l'Assemblée puisse ainsi passer vaguement à l'ordre du jour. Puisqu'il existe des lois, il faut en renvoyer l'exécution au Pouvoir exécutif. Je suis d'avis néanmoins de renvoyer la question soumise par le tribunal de Nancy au comité des finances qui s'est déjà occupé d'un rapport sur cet objet.
Je ne pense pas, du moment que l'argent est devenu une marchandise, qu'il puisse être permis à un citoyen, après avoir reçu une somme d'argent, de pouvoir se libérer pour une pareille somme en assignats. Je suis donc d'avis qu'une question de cette importance doit être renvoyée à un comité.
(L'Assemblée adopte la proposition de M. La-vigne.)
, au nom du comité de Vordonnance des finances, fait un rapport et présente un projet de décret (1) sur une pétition des sieurs Perrier frères et des administrateurs des eaux de Paris, de la décision de laquelle dépendent des mesures à prendre pour le recouvrement dune somme de près de 20 millions, due au Trésor public par la Compagnie des eaux de Paris. U s'exprime ainsi :
Messieurs, je suis chargé par votre comité de l'ordinaire des finances de vous rendre compte de pétitions, présentées, à l'Assemblée constituante (et qui n'ont pas été décidées) tant par les sieurs Perrier frères, machinistes recomman-dables par leurs talents, que par les administra-trateurs des eaux de Paris. Ces pétitions ont pour objet de vous demander le rapport d'un decret rendu le 22 novembre 1790, par lequel ils prétendent que leur honneur et leur fortune sont attaqués. Pour vous mettre à portée d'apprécier leurs moyens, il est nécessaire que j'entrédans le détail de plusieurs faits assez compliqués ; je suis obligé de vous parler de plusieurs créances dues au Trésor public, qui montent ensemble à près de 20 millions, et qui ont toutes leur source dans les malversations et les prévarications de plusieurs ministres des finances.
L'histoire de l'ancienne administration des revenus publics offre peu d'exemples d'une
dilapidation plus criminelle que celle dont j'ai à vous entretenir pour vous montrer comment
la nation est devenue créancière de sommes très considérables, et comment l'on a foulé aux
pieds tous les moyens et toutes les précautions qui pouvaient au moins en assurer le
recouvrement. Avant de vous mettre sous les yeux la véritable
Il est sans doute un grand nombre de personnes dans cette Assemblée qui ont connaissance des établissements faits pour la distribution des eaux dans la ville de Paris.
Les sieurs Perrier frères obtinrent, le 7 février 1777, des lettres patentes qui leur permirent d'établir à leurs frais des pompes à feu et autres machines propres à élever l'eau de la Seine, et à la conduire dans les différents quartiers de la ville et des faubourgs, pour être distribuée aux porteurs d'eau et aux particuliers dans les maisons, aux prix qui seraient convenus : ce privilège fut accordé aux sieurs Perrier pour lo années.
L'exécution de ce projet exigeait des fonds considérables ; et les sieurs Perrier n'en avaient pas : ils trouvèrent un grand nombre de particuliers qui s'associèrent à eux par un traité de société en commandite du 27 août 1778. L'on fit un fonds de 1,440,000 livres au moyen de 1,200 actions, de 1,200 livres chacune : il fut arrêté qu'à compter du 1er janvier 1780 l'intérêt des mises se payerait à 5 0/0; que le 10e des actions serait mis en réserve pour les sieurs Perrier, et leur tenir lieu de leur privilège, sans qu'ils fussent tenus de faire aucun fonds; mais qu'elles ne leur seraient délivrées que lorsque, déduction faite des intérêts, les actions auraient produit aux associés commanditaires un bénéfice égal à leurs mises.
Par le même acte, il fut accordé aux sieurs Perrier un traitement de 20,000 livres pour leurs soins, sans y comprendre la fourniture des machines qu'ils devaient faire exclusivement.
L'on commença les travaux avec ces premiers fonds, mais ils furent bientôt épuisés; et au mois d'août 1784, on avait déjà créé successivement 2,800 actions nouvelles ; ce qui faisait en tout 4,000 actions, de 1,200 livres chacune, et une somme totale de 4,800,000 livres; et cependant les dépenses excédaient encore de beaucoup les bénéfices; l'établissement penchait vers sa ruine.
Les actionnaires imaginèrent une ressource qui réussit bientôt au delà de leurs espérances : ils résolurent de mettre dans le commerce et de jeter dans l'agiotage leurs actions qu'ils avaient eu soin de taire intituler au porteur. Pour y parvenir, ils publièrent un prospectus dans lequel ils annonçaient que l'entreprise des eaux était florissante; qu'elle était appuyée de la protection la plus signalée du gouvernement; que déjà les bureaux ne pouvaient suffire à l'affluence de ceux qui faisaient des demandes de fourniture d'eaux; et pour donner plus de crédit à ces brillantes annonces, la compagnie faisait ouvrir de tous côtés les rues, plaçait des conduits, et faisait ainsi croire à des succès qui n'étaient au fond que des chimères. La cupidité des spéculateurs s'échauffa à un tel point, qu'en très peu de temps les actions des eaux s'élevèrent du prix créatif de 1,200 livres au prix imaginaire de près de 4,000 livres.
Pour soutenir cette erreur, il fallait réaliser les promesses merveilleuses faites d'une manière si brillante dans le prospectus répandu dans le public; il fallait montrer les succès de l'entreprise, et cela était impossible, puisque les sieurs Perrier, qui avaient compté sur 30,000 abonnés, n'en avaient encore qu'environ 900 au bout de 11 ans ; il fallait, suivant leurs calculs, qu'ils
distribuassent 60,000 muids d'eau par jour; et l'on prétend qu'ils n'en distribuaient pas mille.
Cependant ils avaient un bien vif intérêt à entretenir l'engouement des agioteurs. Pour parvenir à ce but, les actionnaires, protégés par le ministre des finances, obtinrent du roi, le 20 août 1786,1a permission d'un autre établissement : c'était celui des assurances contre les incendies : c'est-à-dire qu'en payant un abonnement convenu, tout propriétaire de maison, dans Paris, pouvait se faire garantir contre les incendies, et, en cas de dommages, se faire indemniser par la Compagnie des eaux. Un nouveau prospectus fut publié pour annoncer les avantages merveilleux de cette seconde entreprise; il fut créé mille actions nouvelles, au prix de4,000 livres chacune; mais l'expérience avait appris au public à ne plus croire aussi facilement aux bienfaits et aux succès qu'on lui promettait: les nouvelles actions ne prirent pas faveur.
Vous voyez, Messieurs, comment les actionnaires des eaux de Paris avaient, pour ainsi dire, perdu de vue l'objet primitif de l'établissement; comment ils s'étaient fait un jeu de la crédulité publique, pour donner aux actions une valeur qu elles ne devaient tirer que des revenus de l'entreprise.
Cependant le public commença à ouvrir les yeux, et Mirabeau acheva de dissiper le prestige dans un écrit où il dévoila tous les ressorts qu'on avait mis en usage pour soutenir ce jeu ruineux. Le décri s'attacha aux actions; elles retombèrent : et c'est alors que les principaux intéressés conçurent le projet hardi dé substituer à eux-mêmes le gouvernement.
C'est ici que commence l'intérêt du Trésor public; et vous allez voir, Messieurs, comment, par une suite de traités faits entre les ministres des finances et les actionnaires des eaux, ceux-ci sont parvenus à puiser plus de 20 millions dans le trésor de l'Etat.
Dès l'année 1784, ils avaient eu assez de crédit auprès du ministre pour se faire prêter, sur un bon du roi, une somme de 1,200,000 livres ; mais il ne sera plus question de cette somme, parce qu'elle a été depuis restituée au Trésor public.
En 1786, les finances étaient dans le plus grand délabrement; et cependant le ministère voulait que le crédit parût plus solide que jamais. On lui ait que le moyen de faire illusion à cet égard était de lier l'intérêt du Trésor public à celui des compagnies agioteuses de la capitale; que le gouvernement trouverait le plus grand avantagé à soutenir les effets dont l'agiotage s'était emparé.
Le ministre (1) se laissa aisément persuader; et lorsque les revenus de l'Etat étaient bien insuffisants pour couvrir les dépenses, lorsque chaque jour on était aux expédients pour se procurer des fonds, ce ministre prêta, sans exiger aucune sûreté, 4,600,000 livres, pour soutenir particulièrement les actions des eaux.
Le 10 avril de la même année 1786, le ministre des finances donna au sieur Desmarets l'autorisation spéciale de faire acheter et vendre, aux meilleures conditions possibles, un nombre d'effets qu'il croirait convenable, et qu'il pourrait choisir parmi tous ceux qui auraient cours sur la place de Paris.
Le sieur Desmarets, mandataire du ministre,
11 est bon de vous observer, Messieurs, que lorsque ces actions furent achetées au mois de mai 1786, et pendant quelques mois après encore, elles étaient en faveur, et que le gouvernement aurait pu les revendre avec profit, si on les eût livrées au moment de la convention faite entre le mandataire du ministre et le sieur Campi : mais vous remarquez que ce n'est que 2 ans après cette convention, c'est-à-dire lorsque les actions étaient tombées de près de moitié, qu'on les remet au Trésor public et qu'elles sont acquittées au prix qu'elles valaient au moment de leur plus grande faveur.
Je vous prie de vous rappeler encore. Messieurs, que c'est en l'année 1786 que le ministre était obligé de se servir des agioteurs pour procurer des ressources au Trésor public, et que c'est sur la fin de la même année qu'il prêta à la Compagnie des eaux les 4,600,000 livres dont je vous ai parié ci-dessus. Mais voyons la suite des opérations par- lesquelles le gouvernement est devenu créancier de la Compagnie des eaux.
Au mois d'octobre 1787, le sieur de Seneffe avait offert au gouvernement un service de 30 millions, qui fut admis. Sur ce service, il commença par faire recevoir au Trésor public pour 3,881,619 1. 5 s. 9 d. de lettres de change sur le sieur Pourrat, banquier à Paris. Ces lettres de change ayant été acceptées, le sieur Pourrat ne put les acquitter; il demanda des facilités au gouvernement. On assura au ministre des finances (c'était alors M. l'archevêque de Sens) que les affaires du banquier débiteur pouvaient s arranger; que le Trésor public recouvrerait ses premières avances, s'il en faisait de nouvelles. On présenta le rétablissement de la fortune du débiteur comme l'unique moyen de sauver les deniers du Trésor public. Le ministre se laissa engager dans le piège; et par actes passés devant notaire les 28 janvier et 1er mars 1788, le sieur Pourrat reconnut qu'il lui avait été fourni par le sieur Le Normand, qui agissait pour le gouvernement, une somme de 6,881,619 livres, qui n'a jamais été remboursée ; mais, à la place, le sieur Pourrat remit en nantissement 2,558 actions des eaux.
Une partie de cette somme devait être remboursée au 1er mai 1788, et l'autre partie à des époques successives et très rapprochées; sinon, il était stipulé que le sieur Le Normand, serait autorisé à faire vendre des actions déposées jusqu'à due concurrence.
Cette clause était absolument illusoire; car, déjà à cette époque, les actions des eaux étaient presque totalement tombées; le public n'en voulait plus, et on ne les aurait peut-être pas vendues au prix de 1,400 livres chacune; aussi ne furent-elles pas vendues, quoique le sieur Pourrat n'eût fait le remboursement d'aucune partie des sommes à lui prêtées par les actes des 28 janvier et 1er mars 1788. Non seulement il n'y eut
aucune des 2,558 actions données en nantissement au Trésor public; mais on parvint encore à persuader au ministre que ce gage, qui était vraiment chimérique, était bien plus que suffisant.
On lui dit que, par traité passé entre la ville, de Paris et les actionnaires le 4 avril 1788, les intérêts de chaque action avaient été portés à 180 livres, qu'ils promettaient de les rembourser sur le pied de cet intérêt; qu'ainsi les actions valaient 3,600 livres chacune, ce qui faisait, pour les 2,558 remises en nantissement par le sieur Pourrat, une somme de plus de 9 millions. « Or, ajouta-t-on au ministre, le gouvernement n'a fourni au sieur Pourrat que 6,881,619 livres: il est donc redû à celui-ci 2,329,000 livres; le Trésor public doit donc lui remettre 647 des actions qu'il y a déposées ; les 1,911 autres actions serviront de nantissement pour les sommes prêtées. »
Pour donner plus de crédit à ces observations, le sieur Laurent Lecouteulx, gendre du sieur Pourrat, se soumit à payer dans trois ans au Trésor public la somme d'un million si les actions ne valaient pas 3,600 livres chacune.
Le ministre crut à la solidité de ce raisonnement, à l'infaillibilité des calculs présentés; il fit remettre 647 des actions données en nantissement par le sieur Pourrat.
Au moyen de cette remise, le sieur Pourrat se trouvait ae nouveau porteur d'actions des eaux ; il chercha bientôt le moyen de s'en défaire encore en faveur du gouvernement; et voici comme 11 réussit:
On se rappelle que pour exécuter le grand projet de la construction des hôpitaux de Paris, le gouvernement fit ouvrir, en 1788, une loterie de 12 millions, dont le prospectus fut publié dans tout le royaume. C'était au Trésor public qu'on remettait son argent, c'était du Trésor public qu'il devait sortir; et l'on n'avait pas une grande confiance dans l'administration : en sorte qu'il restait à prendre des billets de cette loterie pour 6,768,368 livres. Le sieur Pourrat s'associa avec le sieur Lalanne ; et, sous le nom de ce dernier, ils prirent ensemble tous les billets de la loterie, c'est-à-dire pour une somme de 6,761,360 livres. Ces billets devaient être payés après le tirage ; ils étaient en quelque sorte de l'argent comptant : le sieur Lalanne les paya au moyen de 1,881 actions des eaux; de manière qu'à cette époque, où les actions étaient à peu près nulles, elles furent acceptées encore par le gouvernement sur le pied de 3,600 livres chacune.
Ên récapitulant les différentes opérations et conventions faites avec le gouvernement, vous remarquez qu'au mois de décembre 1786, le ministre fît prêter purement et simplement, pour soutenir le prix des actions des eaux.............. 4,600,000 1.
Par traité du 28 mai 1786, il fut payé, pour prétendus achats de 382 actious des eaux, au compte du Trésor public..............1,463,220
Par actes des 28 janvier et 1er mars 1788, il fut fourni par le gouvernement, contre 1,911 actions des eaux. .•....... 6,881,619
Le 31 juillet 1788, il fut délivré, contre 1,881 des mêmes actions, des valeurs du Trésor public, pour la somme de. ... 6,761,360
Total...... 19,706,1991.
Ainsi, par une suite d'opérations ministérielles plus absurdes et plus scandaleuses les unes que les autres, qu'on ne peut qualifier que de malversations et de prévarications meurtrières, le gouvernement se trouve en avances, vis-à-vis de la Compagnie des eaux, d'une somme de près de 20 millions. Quel est le gage qui lui assure le recouvrement de cette somme?C'est une masse de 4,016 actions des eaux. Et quelle est la valeur decesactions? Au prix créatifde 1,200livres, elles valent 4,819,200 livres. Quelle est leur valeur commerciale actuelle ? Elle est nulle, parce que l'entreprise des eaux, loin de produire des bénéfices, ne peut pas fournir à la moitié des dépenses nécessaires.
Vous venez d'entendre, Messieurs, comment la nation se trouve intéressée dans cette entreprise par les dilapidations ministérielles : vous allez apprendre maintenant comment l'on avait encore concerté un plan pour envahir les débris de la caisse des eaux, sur laquelle la nation avait des droits que lui assuraient ses créances. Il est nécessaire de remettre encore sous les yeux de l'Assemblée quelques détails que votre comité aurait désiré pouvoir lui épargner.
A l'époque de la formation de la Compagnie des eaux, les sieurs Perrier avaient été nommés directeurs de travaux, et il leur avait été alloué, outre 20,000 livres de traitement annuel, le dixième des actions; mais ce dixième ne devait leur être délivré, comme vous l'avez remarqué, que lorsque les bénéfices égaleraient les mises; et au lieu de bénéfices, il y avait des pertes. Les sieurs Perrier ne pouvaient donc disposer de leurs actions; ils firent des propositions à leurs associés. Par transaction du 12 août 1786, il fut arrêté qu'il serait nommé des administrateurs de la Compagnie des eaux; et il fut délivré aux sieurs Perrier un certain nombre d'actions, dont ils ont retiré plus de 300,000 livres.
Vous remarquez. Messieurs, que les sieurs Perrier s'étaient fait décharger de la direction de l'entreprise, parce qu'ils en connaissaient mieux que personne l'état déplorable. Les autres administrateurs reconnurent bientôt aussi que le temps de l'agiotage sur les actions étant passé, la ruine de la Compagnie des eaux était presque inévitable; et pour l'éviter, ils conçurent le projet d'un traité avec la ville de Paris, par lequel ils feraient cession au corps municipal de tous les privilèges, propriétés et fonds appartenant à la Compagnie, avec la réserve seulement d'en jouir pendantletemps nécessaire pour rembourser les actionnaires.
Les principaux agents de ce traité étaient les sieurs Gouy-d'Arcy, Pourrat et Laurent Lecouteulx: ils firent convoquer, le 23 janvier 1788, une assemblée des actionnaires des eaux; le sieur Gouy-d'Arcy se fit donner la présidence, exposa l'état déplorable de l'entreprise des eaux, fit valoir les avantages d'un traité avec la ville de Paris, et les succès que produirait le changement apporté dans l'administration par ce traité. A celte époque le sieur Pourrat avait encore entre les mains les 2,558 actions dont je vous ai parlé plus haut, et qu'il remit quelques jours après au Trésor public. Il pensa qu'elles pouvaient lui être d'un grand secours pour la conclusion du traité dont il s'agit; il les fit distribuer par paquets de 20 à des personnes affi-dées, qui se présentèrent à l'assemblée des actionnaires pour voter; à ce moyen les sieurs Pourrat, Gouy-d'Arcy et Laurent Lecouteulx étant maîtres des suffrages, firent adopter toutes
leurs propositions ; ils se firent nommer commissaires avec six autres, pour négocier et achever le traité proposé; et, enfin, le 4 avril 1788, ce traité fut conclu avec le bureau municipal de Paris.
Par ce traité, l'administration de l'entreprise des eaux était totalement changée; elle prenait la qualification d'administration royale; elle devait être composée de cinq personnes qui seraient nommées par le roi ; la caisse des eaux devait être portée et déposée à l'Hôtel de Ville, et les actions converties chacune x en trois quittances d'action au prix de 1,200 livres.
Par arrêt du conseil du 18 avril 1788, le roi approuva le traité dont je viens de parler; il ordonna que la caisse des eaux fût portée à l'Hôtel de Ville; il nomma pour administrateurs les sieurs Gouy-d'Arcy, Pourrat, Laurent Lecou-teulx, d'Artenay et Ethis. qui étaient ceux-là même qui avaient provoqué et négocié le traité ; mais il voulut en outre que, pour l'intérêt de la ville de Paris, elle fût constamment représentée dans cette administration ; en conséquence, le prévôt des marchands fut nommé surintendant aes eaux, et le procureur du roi au bureau municipal fut nommé commissaire du roi près la même administration.
Pour la pleine et entière exécution du traité du 4 avril et de l'arrêt du Conseil du 18, cet arrêt devait être revêtu de lettres patentes qui n'ont jamais été expédiées. On peut donc déjà conclure de ce défaut d'expédition que lé traité n'a jamais dû être exécuté. La caisse des eaux devait être portée à l'Hôtel de Ville ; elle est toujours restée entre les mains des sieurs Gouy-d'Arcy et ses associés; et cette circonstance prouve, de la manière la plus claire, que le traité n'a reçu aucune exécution; ce qui est d'ailleurs avoué par eux. Cependant ces administrateurs n'avaient dû être nommés que dans l'hypothèse de l'exécution du traité: il est donc bien évident que si le traité restait sans effet au fond, ils n'avaient aucune qualité pour administrer.
Une autre Cause encore les rendait sans qualité, et surtout absolument désintéressés' c'est qu'ils n'avaient plus aucune action des eaux, et que suivant les traités et conventions de la Compagnie; l'entreprise devait être régie par des actionnaires, et que ce fait avait même servi de prétexte au sieur Gouy-d'Arcy pour demander, dans une assemblée d'actionnaires, qu'on ôtat l'administration à ceux qui avaient disposé de leurs dépôts: -
La caisse des eaux, qui contenait plus de 2,400,000 livres, en passant entre les mains du sieur Gouy-d'Arcy et de ses associés (se disant administrateurs royaux), était donc laissée à des personnes totalement étrangères à sa prospérité ; et vous allez voir qu'en effet ces administrateu rs tinrent une conduite qui prouvait bien qu'ils ne prenaient aucun intérêt ni à l'entreprise des eaux ni à celui des actionnaires.
Les sieurs Perrier se pourvurent au Châtelet contre les prétendus administrateurs, et formèrent des demandes dont l'objet était le payement de plus de 2,400,000 livres.
Les administrateurs eurent l'air de repousser ces demandes par d'autres et par des moyens de défenses. Vous avez pu remarquer, Messieurs, que le gouvernement était la partie la plus intéressée dans l'entreprise des eaux, puisqu'il était porteur des quatre cinquièmes des actions :
il était donc bien important que les débris de la caisse des eaux ne fussent pas sacrifiés par un concert entre les sieurs Perrier et les administrateurs.
Le contrôleur des bons (aujourd'hui l'agent du Trésor public) intervint dans la contestation qui venait de se lier au Châtelet, et demanda qu'avant toutes choses les actionnaires fussent tenus de s'assembler pour nommer des administrateurs compétents, et que la ville de Paris fût appelée en cause pour s'expliquer sur le traité dont je vous ai parlé.
Le Châtelet rendit, le 30 avril 1790, une sentence qui accueillit quelques objets de la demande des sieurs Perrier, et avant faire droit sur le surplus, ordonna que la ville de Paris serait appelée pour s'expliquer sur le traité du 4 avril 1788; que tous les actionnaires des eaux seraient convoqués, et que les sieurs Perrier rendraient,compte des sommes par eux touchées. Cette sentence ordonnait, en outre, qu'elle serait affichée aux frais des administrateurs.
Cette dernière disposition choquait sensiblement leur amour-propre, et pouvait d'ailleurs faire connaître aux actionnaires ce qui se passait. C'est ce que les prétendus administrateurs voulaient éviter; ils portèrent l'appel de cette sentence au Parlement, et ils ne firent intimer que les sieurs Perrier. Ceux-ci conçurent cependant qu'il fallait avoir l'air d'appeler le contrôleur des bons, qui avait agi en première instance pour le gouvernement; mais, pour empêcher sa présence, qu'on redoutait, on le fit assigner seulement au domicile du procureur qui l'avait défendu au Châtelet. Cette assignation, absolument nulle, n'étant pas parvenue à la connaissance du contrôleur des bons, il fut rendu, le 12 août 1790, un premier arrêt par défaut contre lui.
Vous entrevoyez déjà, Messieurs, comment les administrateurs et les sieurs Perrier étaient d'accord pour éloigner le gouvernement, et sacrifier ses intérêts ; vous allez voir comment le concert fut consommé.
Quand les administrateurs et les sieurs Perrier furent bien sûrs que le contrôleur des bons était absolument écarté par les arrêts par défaut obtenus contre lui, les sieurs Perrier interjetèrent un appel incident de la sentence du Châtelet, et firent revivre toutes les prétentions qu'ils avaient portées à ce premier tribunal. Q'importait aux administrateurs les prétentions des sieurs Perrier? Ces administrateurs n'avaient plus aucun intérêt dans l'entreprise des eaux; ils ne possédaient aucune action : ils convinrent donc avec les sieurs Perrier d'un arrêt : On rédigea cet arrêt, on le communiqua au substitut du procureur général ; on lui ait que les parties étaient d'accord ; la cause ne fut point plaidée, et l'arrêt ainsi concerté fut reçu, expédié, signifié et exécuté.
Tous ces faits ont été attestés par le procureur général ; et quand le concert n'aurait pas été avoué par les parties intéressées, il serait d'ailleurs prouvé par les circonstances. En effet, vous avez remarqué, Messieurs, que la sentence du Châtelet ordonnait que la ville de Paris serait appelée pour s'expliquer sur le traité du 4 avril 1788; que les actionnaires des eaux seraient convoqués pour délibérer et nommer des administrateurs. Ces deux dispbsitions ne préjugeaient rien sur le fond des contestations; cependant on en porta l'appel, parce qu'on prévoyait bien que la ville de Paris annoncerait
que le traité du 4 avril 1788 n'avait jamais reçu a'exécution, et que dès lors le sieur Gouy-d'Arcy et ses associés n'avaient aucune qualité pour administrer; parce qu'oïl prévoyait bien encore que si les actionnaires étaient convoqués, ils réclameraient contre la conduite des prétendus administrateurs.
Ce qui prouve mieux encore le concert, c'est que l'agent du Trésor public ne fut désigné dans l'arrêt que par le seul nom de Turpin, sans non patronymique, et sans qualification quelconque; et pourquoi? parce qu'on craignait que le substitut du procureur général ne prit connaissance de l'affaire, s'il remarquait que le Trésor public y fût intéressé ; et l'on voulait éviter toute espèce de surveillance. Tous les faits, toutes les circonstances se réunissent donc pour mettre dans le plus grand jour le concert qui a sacrifié les intérêts de la nation, et enfanté cet acte de ténèbres, machiné, conçu et consommé avec tant d'art et de précaution.
Je veux supposer pour un instant que le sieur Gouy-d'Arcy et ses associés fussent administrateurs compétents; que la nomination faite par le roi leur eût donné les pouvoirs qu'ils ne pouvaient tirer que de l'exécution au traité du 4 avril 1788 : je soutiens que, même dans cette hypothèse, ils n'auraient pu concerter avec les sieurs Perrier l'acte dont je viens de vous parler et pourquoi ? parce que, par l'acte de leur institution provisoire (qui n'a jamais été définitive)? le prévôt des marchands et le procureur du roi au bureau municipal de Paris, étaient des surveillants nécessaires de l'administration des eaux. Or, le maire et le procureur de la commune et de la municipalité de Paris, n'ont pas été prévenus par le sieur Gouy d'Arcy et ses associés, de leurs difficultés avec les sieurs Perrier; ces administrateurs se sont donc écartés des dispositions essentielles sur lesquelles ils fondent leur mission ; ils ont conséquemment agi, dans tous les cas, sans être revêtus du caractère qui pouvait au moins donner une couleur de réalité à leurs opérations, une apparence de vérité à l'arrêt par eux concerté.
C'est le 22 septembre 1790 que ce prétendu arrêt avait été reçu; il prononçait contre les administrateurs des condamnations au profit des sieurs Perrier pour plus d'un million 200,000 livres. Ceux-ci ne perdirent pas un instant pour en recueillir les fruits; ils signifièrent cet arrêt le 25 septembre; ils touchèrent et puisèrent le même jour dans la caisse des eaux des sommes considérables; et seulement, 4 jours après, ils firent notifier cet acte à l'agent du Trésor public.
Vous êtes sans doute transportés d'indignation, Messieurs, quand vous avez sous les yeux la preuve que dans le régime actuel, sous 1 empire des lois régénératrices de la liberté et de la justice, il s'est trouvé des hommes assez hardis pour concevoir, former et exécuter un projet dont l'effet était de ravir au Trésor public les faibles ressources qui lui restaient pour recouvrer au moins une petite portion des sommes considérables qui lui sont dues.
L'Assemblée nationale constituante ayant été instruite par un rapport de son comité de liquidation, de tous les faits que je viens de vous détailler, rendit, le 22 novembre 1790, le décret dont voici les termes :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité ae liquidation sur l'arrêt rendu par la chambre des vacations du
parlement de Paris, le 22 septembre dernier, décrète ce qui suit :
« Art. 1er. Le président de l'Assemblée nationale sera chargé
de dénoncer au roi l'arrêt concerté avec les sieurs Perrier et la compagnie des eaux, afin
qu'il soit pourvu à ce que les intérêts de la nation et du Trésor public n'en souffrent aucun
dommage.
« Art. 2. Sera pareillement chargé le président de l'Assemblée nationale, de demander au roi que, dès à présent, et sans préjudice aux droits des actionnaires, des abonnés, ou de toutes autres parties, il soit donné les ordres les plus prompts pour faire rétablir, dans le plus court délai, et dans la caisse de la compagnie des eaux, les sommes qui en ont été tirées en vertu de l'arrêt du 22 septembre dernier, et pour faire porter au Trésor public tant les sommes qui seront rétablies dans ladite caisse, que celles qui peuvent y être actuellement déposées, et à l'avenir, celles qui devront y être remises; pour lesdites sommes y rester par forme de séquestre, jusqu'à ce qu'il en ait été autrement ordonné, toutes oppositions tenantes entre les mains de l'administration du Trésor public, « Art. 3. L'Assemblée nationale se réserve de faire rendre telles plaintes qu'il appartiendra contre les personnes qui ont obtenu ou fait obtenir l'arrêt du 22 septembre dernier, et suivi l'exécution dudit arrêt ; comme aussi contre les auteurs, fauteurs et adhérents de toutes les manœuvres par lesquelles on est parvenu à enlever au Trésor public les sommes mentiopnées dans le rapport de son comité de liquidation. En conséquence, elle lui enjoint expressément de prendre tous les renseignements nécessaires à cet égard, et de s'occuper de tous les moyens de faire rentrer lesdites sommes dans le Trésor public. »
Sur le vu du décret, et ensuite d'une requête présentée au conseil d'Etat par l'agent du Trésor public, arrêt du conseil est intervenu le 3 décembre 1790, par lequel, après avoir rappelé tous les termes du décret du 22 novembre précédent, et l'exposé de la requête de l'agent du Trésor public, il a été prononcé ce qui suit :
« Le roi, étant en son conseil, a ordonné et ordonne que dès à présent, et sans préjudice aux droits des actionnaires, des abonnés ou de toutes autres parties intéressées en l'entreprise des eaux de Paris, les sieurs Perrier frères, et les sieurs de Gouy d'Arcy, Laurent Lecouteulx, Dartenay, Pourrat et Ethis, administrateurs de ladite compagnie, seront solidairement tenus de rétablir, dans la huitaine de la signification du présent arrêt, dans la caisse de la compagnie des eaux, toutes les sommes qui en ont été tirées en vertu de l'arrêt de la chambre des vacations du parlement de Paris, du 22 septembre dernier; à quoi faire, et nonobstant toutes oppositions faites.ou à faire, lesdits sieurs Perrier et Jesdits sieurs de Gouy d'Arcy, Laurent Lecouteulx, Dartenay, Pourrat et Ethis, administrateurs, seront contraints par toutes voies, même par corps, à la poursuite et diligence de l'agent du recouvrement des créances actives du Trésor public; à l'effet de quoi le sieur Dangirard, caissier de la compagnie des eaux de Paris, sera tenu de remettre audit agent, dans le jour de la signification du présent arrêt, l'état, de lui certifié véritable, de toutes les sommes qui ont été tirées de ladite caisse, en vertu dudit arrêt du 22 septembre dernier; à quoi faire, il sera contraint par toutes voies, même par corps.
« Ordonne aussi, Sa Majesté, que ledit rétablissement fait, ledit sieur Oangirard sera tenu, dans les trois jours qui suivront celui dudit rétablissement, de verser entre les mains de l'administrateur du Trésor public, tant les sommes qui auront été rétablies dans ladite caisse, en vertu du présent arrêt, que celles qui peuvent y être actuellement déposées, et à l'avenir celles qui devront y être remises; à quoi faire ledit sieur ûangirard sera pareillement contraint par toutes voies, même par corps, à la même poursuite et diligence ; quoi faisant, il en sera d'autant quitte et déchargé ; pour toutes lesdites sommes y rester par forme de séquestre, jusqu'à ce qu'il eu ait été autrement ordonné; les oppositions, si aucunes il y a, tenantes entre les mains de l'administrateur du Trésor public. A cassé, révoqué et annulé, casse, révoque et annule, Sa Majesté, lesdits arrêts de la chambre des vacations du parlement de Paris, du 22 septembre dernier, et Ce qui peut s'en être suivi ou pourrait s'en suivre : a évoqué et évoque, Sa Majesté, à soi et à son conseil, les demandes et contestations sur lesquelles il est intervenu: et icelles circonstances et dépendances, a renvoyé et reri* voie devant les juges auxquels la connaissance en appartient, pour être fait droit aux parties, ainsi que de raison. Ordonne que le présent arrêt sera exécuté nonobstant toutes oppositions ou autres empêchements généralement quelconques, pour lesquels ne sera différé. «
A peine cet arrêt du conseil a-t-il été signifié aux sieurs, Perrier et aux prétendus administrateurs des eaux, que les uns et les autres y ont formé opposition par requêtes présentées au conseil d'Etat. Sur ces requêtes, deux arrêts ont été rendus le 28 décembre 1790, qui ordonnent le communiqué à l'agent du Trésor public, et aux autres parties réciproquement intéressées, pour fournir des réponses; ordonne, au surplus, que toutes choses demeureront en état, seulement quant à la contrainte par corps et à la solidarité prononcées par l'arrêt du 3 décembre 1790.
Les sieurs Perrier et les prétendus administrateurs des eaux ne s'étaient pas contentés de se pourvoir au conseil d'Etat par opposition à l'arrêt du 3 décembre; les uns et "les autres avaient aussi présenté des pétitions à l'Assemblée nationale, et ils prétendaient prouver que l'arrêt du conseil du 3 décembre étant un arrêt du propre mouvement, il ne pouvait avoir aucun effet, puisque l'Assemblée nationale avait proscrit pour jamais les arrêts du propre mouvement.
Voici ce que l'on trouve dans le procès-verbal de l'Assemblée nationale, 4e la séance du 24 décembre 1790, au matin, au sujet d'une de ces pétitions :
« M. le Président a communiqué à l'Assemblée une nouvelle pétition des frères Perrier. Après quelques discussions, elle a été renvoyée aux comités des rapports et de liquidation réunis, qui sont chargés de lui en rendre compte, ainsi que de l'arrêt du propre mouvement rendu sur cette question. »
Ce décret paralysa les mouvements de l'agent du Trésor public, arrêta sa marche; il crut qu'il ne pouvait plus suivre par-devant les tribunaux l'exécution de l'arrêt du conseil du 3 décembre 1790, ni de ceux qui avaient été rendus le 28 sur les requêtes des sieurs Perrier et des prétendus administrateurs des eaux.
M. Batz, membre du comité de liquidation de l'Assemblée constituante, qui avait été chargé
du rapport ensuite duquel avait été rendu le décret du 22 novembre 1790, était inculpé par les pétitions des sieurs Perrier et des prétendus administrateurs des eaux : il avait pressé plusieurs fois le rapport de ces pétitions; mais l'Assèmblée constituante s'est, séparée sansavoir entendu ce nouveau rapport; et M. Batz a déclaré à l'une des dernières séances de l'Assemblée, qu'il reridait garant et responsable du contenu en son rapport du 12 novembre 1790, et il a, en conséquence, attesté et signé ce rapport.
C'est donc à vous, Messieu rs, à prononcer en suite du renvoi fait le 24 décembre 1790 sur les pétitions des sieurs Perrier.
Les faits que je viens de vous mettre sous les yeux ont été tirés, pour une grande partie, des pièces déposées à votre comité; les autres ont été extraits du rapport fait à l'Assemblée constituante par M. Batz au nom du comité de liquidation; et suivant ce rapport, auquel nous de vons sans doute ajouter quelque foi, toutes les parties intéressées avaient été entendues au comité de liquidation, et y avaient avoué les faits qui ont servi de base au décret du 22 novembre 1790. C'est donc encore sur ces faits que vous avez à délibérer pour décider sur les pétitions qui ont été renvoyées par l'Assemblée constituante à ses comités des rapports et de liquidation, réunis.
C'est ici le lieu de vous mettre sous les yeux les moyens que les pétitionnaires ont donnés pour demander le rapport du décret du 22 novembre 1790, et faire anéantir l'arrêt du conseil du 3 décembre suivant. Après avoir exposé les faits, et rappelé l'établissement des machines destinées à la distribution des eaux, les sieurs Perrier entrent dans le détail des conventions qui ont eu lieu entre eux et les actionnaires des eaux. Ils exposent comment l'administration de l'entreprise a successivement reçu des modifications, des changements, et est enfin passée entre les mains du sieur Gouy-d'Arcy et ses quatre collègues, après le traité fait avec lâ ville de Paris. Ils prétendent que cette nouvelle administration a dénaturé absolument les conventions précédentes; que dès ce moment ils ont eu le droit de demander le payement de ce qui leur était dù par l'ancienne compagnie des eaux. Les sieurs Perrier entrent ensuite dans le détail des poursuites qu'ils ont exercées contre les administrateurs des eaux, et ils ne disconviennent pas que l'arrêt de la chambre des vacations du 22 septembre 1790 n'ait été convenu entre eux et ces administrateurs; mais ils prétendent qu'ils ont eu le droit de faire line transaction dans leur seul intérêt, qu'ils ont pu conséquem-ment concerter un arrêt avec les seules parties qu'ils connussent et qu'ils pussent poursuivre; que les différents sujets de difficultés ayant été aplanis, aucun motif de justice ne pouvait s'opposer à ce qu'on donnât à la transaction la forme d'un arrêt.
Les sieurs Perrier et les administrateurs des eaux, après avoir développé les motifs qui leur paraissent justifier l'arrêt au 22 septembre 1790, soutiennent qu'il a été attaqué dans son exécution, et même déjà anéanti par le décret du 22 novembre 1790; que l'Assemblée constituante a exercé le pouvoir judiciaire lorsqu'elle a invité le roi à donner des ordres pour faire verser dans le Trésor public dés sommes qui devaient être payées, en exécution de l'arrêt dont il s'agit; que ce décret était un ordre pour le pouvoir
exécutif; qu'il empêchait le cours de la justice ; qu'il était contraire à toutes les lois anciennes et nouvelles, qui veulent qu'un jugement rendu en dernier ressort subsiste jusqu'à ce qu'il ait été détruit par la cassation ou par la voie de la requête civile : enfin, que ce décret confondait tous les pouvoirs, et enlevait aux tribunaux la faculté d'examiner.
Voilà, Messieurs, l'analyse fidèle des moyens employés par les pétitionnaires, et je crois pouvoir assurer que je les ai présentés dans toute leur force. Il s'agit maintenant d'en examiner la valeur, et pour cela je dois vous observer que les pétitionnaires donnent au décret du 22 novembre 1790 une extension bien plus considérable que celle qui sort naturellement de ses dispositions.
L'article premier dénonce au roi l'arrêt concerté le 22 septembre, afin qu'il soit pourvu à ce que les intérêts de la nation n'en souffrent aucun dommage. L'article 2 invite le roi à faire donner des ordres pour le rétablissement dans la caisse des eaux des sommes qui en ont été tirées en vertu de l'arrêt du 22 septembre. L'article 3 est une simple réserve de faire porter plainte contre les personnes qui ont obtenu, ou fait obtenir, cet arrêt.
Ainsi, le décret, dont on demande le rapport, ne contient aucune disposition impérative; il' 'dénonce au roi des faits ; il l'invite à prendre des précautions et à donner des ordres pour sauver du naufrage des sommes qui appartenaient pour les quatre cinquièmes à la nation.
Lorsque ce décret a été rendu, la trésorerie nationale n'était pas organisée, le contrôleur des bons d'Etat pas encore agent du Trésor public; le roi était encore, à cette époque, le chèf de l'administration des revenus publics. C'était donc au roi que l'Assemblée nationale devait dénoncer les faits, les manœuvres et les actes qui compromettaient ces revenus. Le conseil d'Etat était encore en activité ; il était encore, à cette époque, le seul tribunal auquel on pût dénoncer les actes ou jugements supérieurs qui attaquaient les lois existantes, et tous les principes d'équité; mais le conseil d'Etat ne pouvait agir de son propre mouvement, et l'Assemblée nationale ne pouvait lui porter directement les réclamations de la nation. C'est donc au roi, chef de la nation, qu'elle devait faire les réquisitions nécessaires; et c'est aussi la marche qu'elle a tenue par le décret du 22 novembre 1790.
Pour apprécier à leur juste valeur les assertions et les moyens des pétitionnaires, rappelez-vous, Messieurs, par quel artifice, ou plutôt par quelle abominable collusion on était parvenu à ecarter l'agent du Trésor public pour concerter et exécuter, en son absence, ce prétendu arrêt du parlement du 22 septembre 1790. Tout annonçait dans la conduite des prétendus administrateurs des eaux, le coupable projet d'enlever à la nation les faibles gages qui pouvaient assurer le recouvrement d'une partie de ses créances ; et quelles créances encore? des créances qui ne devaient, pour ainsi dire, leur origine qu'à une autre espèce de collusion entre des ministres prévaricateurs et les mêmes personnes qui ont depuis osé présenter comme Un arrêt légal l'acte concerté du 22 septembre 1790. Tout, dans cette affaire, respirait la fraude et le dol.
Que devait faire l'Assemblée nationale dans cette -circonstance? ce que vous feriez aujour-
d'hui, Messieurs, si, pour la première fois, on présentait les faits que j'ai mis sous vos yeux. Comme représentants de la nation, vous ne verriez pas sacrifier ses intérêts, ses revenus, ses capitaux, sans prendre des mesures capables d'arrêter un semblable désordre. Vous penseriez que la nation a le même droit que tous les. citoyens, considérés individuellement; qu'elle peut donc agir et se défendre par-devant les tribunaux, comme les particuliers; et vous regarderiez comme un de vos devoirs les plus importants, celui de dénoncer des faits ou des actes qui compromettraient les propriétés nationales. Et que deviendraient donc ces propriétés, si les, représentants de la nation n'en étaient pas les premiers surveillants?
L'Assemblée constituante, en rendant le décret du 22 novembre 1790, a donc satisfait à une de ses obligations, et élle a rempli un devoir. Ainsi le.décret doit avoir son exécution.
Voyons maintenant si l'arrêt du conseil du 3 décembre 1790 a pu être dénoncé à l'Assemblée nationale comme un arrêt du propre mouvement : car ce n'est que sous cet aspect qu'il a pu être dénoncé à l'Assemblée nationale; sous tous les autres rapports, c'était par-devant les tribunaux que les sieurs Perrier et les prétendus administrateurs des eaux devaieut se pourvoir. On appelait ci-devant arrêt du propre mouvement, ceux que le roi, étant en son conseil, rendait sans y être provoqué par des demandes ou des requêtes de parties intéressées ; le mot seul indique assez ce que c'était qu'un arrêt du propre mouvement, et trop de citoyens en ont été les tristes victimes, pour qu'on ait oublié ce moyen d'oppression employé par le despotisme. L'arrêt du 3 décembre peut-il être rangé dans cette classe? Il suffit de le lire pour se ccnvaincre du contraire. Le vu qui précède cet arrêt rappelle mot à mot le décret ae 1 Assemblée nationale du 22 novembre; il rappelle ensuite tout l'exposé et les conclusions { d'une requête présentée par l'agent du Trésor public; cette requête rappelle elle-même les faits qui avaient fait rendre le décret du 22 novembre : ainsi l'arrêt du conseil du 3 décembre 1790 a été rendu en connaissance de cause, en suite d'un décret sanctionné ; en suite d'un exposé très long de faits et de moyens; en suite d'un rapport fait au conseil. Il n'est donc pas possible de le considérer comme un arrêt du propre mouvement; et je dois ajouter, Messieurs, que si le conseil d'Etat n'avait pas rendu cet arrêt, il aurait annoncé, par son refus ou par sa négligence, rifir tention de favoriser l'acte frauduleux du 22 sep tembre, qu'on lui dénonçait, etquela nation aurait eu le droit de crier à l'injustice. Enfin, nul autre tribunal que le conseil d'Etat n'était compétent pour prononcer sur la demande de l'agent du Trésor public, puisque ce n'est que plusieurs mois après que le tribunal de cassation a été mis en activité.
D'ailleurs, vous avez remarqué, Messieurs, que par deux arrêts du conseil du 28 décembre 1790, les pétitionnaires avaient été déchargés de la contrainte par corps, et de la solidarité prononcée par cèlui du 3 décembre; ainsi les dispositions les plus rigoureuses de cet arrêt, celles qui pouvaient influer plus sensiblement sur l'honneur et la fortune des pétitionnaires, sont anéantis : et cet acte, contre lequel ils réclament avec tant d'amertume, n'est plus qu'un simple jugement, qui proscrit un aulre acte absolument nul par la manière dont il a été obtenu.
Votre comité pense donc que l'on doit écarter
par la question préalable les pétitions par lesquelles les sieurs Perrier et les prétendus administrateurs des eaux ont attaqué, et cet arrêt du 3 décembre 1790, et le décret du 22 novembre précédent, saut' à eux à se pourvoir par-devant les tribunaux : en conséquence, il vous propose le projet de décret suivant :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de l'ordinaire des finances, concernant les créances dues au Trésor public par la Compagnie des eaux de Paris et concernant les pétitions présentées à l'Assemblée nationale par les frères Perrier et par les administrateurs des eaux, tant contre le décret du 22 novembre 1790 que contre l'arrêt du conseil du 3 décembre suivant, déclare qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur ces pétitions. »
(L'Assemblée adopte le projet de décret.)
Un de Mit. les secrétaires donne lecture des deux lettres suivantes :
1° Lettre de M. de Chambonas, ministre des affaires étrangères, dans laquelle il annonce à l'Assemblée que le gouvernement de Suède vient d'ordonner que les couleurs de la nation française seraient reconnues dans tous les ports du royaume. Cette lettre est ainsi conçue (t) :
« Paris, le
« Monsieur le Président,
« J'ai l'honneur de faire part à l'Assemblée nationale que, sur les représeniations de différents négociants des ports de Suède, et sur une délibération prise à 1 unanimité par cette classe de citoyens respectables dont l'industrie l'ait la prospérité des Empires, le gouvernement vient a'oraonner que les couleurs de la nation française seraient reconnues dans tous les ports de ce royaume, et que tous nos bâtiments y seraient reçus et protégés, comme ceux des nations les plus favorisées. (Applaudissements.)
« Je suis avec respect, Monsieur le Président, etc...
« Signé : de chambonas. »
2° Lettre de M. Duranthon, ministre de la justice, datée du 25 juin 1792, à laquelle est jointe l'expédition du procès-verbal de l'Assemblée de la section des Quinze-Vingts, du 19 juin 1792, d'après lequel il est constant que les noms de Lenoir, Dubreuii et Verniquet, sont des noms supposés et que la dénonciation qui avait été faite contre le sieur Chabot n'est qu'une lâche et coupable machination. Cette lettre est ainsi conçue :
« Paris, le
« Monsieur le Président
« J'ai reçu hier au soir, à 10 heures et demie, l'expédition du procès-verbal de
l'assemblée qui eut lieu le 19 juin dans la section des Quinze-Vingts, et je m'empresse de
vous la transmettre (2). J'y joins la lettre en forme de dénon-
« Je suis avec respect, etc...
« Signé: Duranthon. »
(L'Assemblée renvoie la lettre du ministre, l'expédition du procès-verbal et la lettre supposée à la commission extraordinaire des Douze.)
Un membre : Je demande qu'à l'avenir M. le Président de l'Assemblée nationale ne puisse donner lecture d'aucune dénonciation à moins qu'elle ne soit accompagnée de formes légales et authentiques !
D'autres membres : Appuyé !
(L'Assemblée décrète cette proposition.)
, au nom du comité militaire, fait un rapport sur un marché passé par M. Servan, ex-ministre de la guerre, relatif à quelques approvisionnements de l'armée du Bas-Rhin; il s'exprime ainsi :
Vous avez renvoyé à votre comimisson militaire, les plaintes qui ont été portées par le
directoire du Bas-Rhin, et dont le ministre de la
D'un autre côté, cet entrepreneur réclame de fortes indemnités dans le cas où son marché serait résilié. Il s'est présenté à la commission, et il a annoncé qu'il ferait imprimer et qu'on distribuerait à tous les membres de l'Assemblée nationale un mémoire sur-cette affaire. Votre commission ne croit donc pas devoir vous proposer de prononcer sur une question aussi importante avant que ce marché soit connu.
D'ailleurs, en se procurant des éclaircissements sur le marché du sieur Worms, les membres du Comité militaire ont eu quelques connaissances de marchés passés par M. Servan qui paraissent également répréhensibles, et sur lesquels il importe que vous portiez votre attention. Votre commission a remarqué entre autres : 1°, un marché de 1,500,000 livres, rations de fourrages à 32 sols, passé au sieur David. Quoique les fournisseurs, consultés sur la proposition du sieur David, en eussent démontré les inconvénients, elle en entraîne effectivement un très grand nombre que nous mettrons sous vos yeux, et qui vous prouveront que dans cette occasion l'ex-ininistre s'est écarte des formes que la loi prescrit ; 2° un marché passé aux sieurs Lancher et Choiseau pour l'entretien de 10,000 chevaux d'artillerie, à raison de 45 sols par jour par chaque cheval, tandis qu'il avait été conclu, avec ces entrepreneurs, un marché pour le même objet à raison de 38 sols, marché que M. Servan a résilié sans raison, sans but utile, de son autorité privée; ce qui occasionne à l'Etat une augmentation de dépenses d'un million 25,000 livres; 3° un marché passé au sieur Vender pour les eaux-de-vie et vinaigres, à 48 sols et à 15 sols 6 deniers la pinte, lorsqu'il existait entre les mains du ministre une soumission du sieur Ar-gan à 40 sols et 10 sols. Enfin deux marchés avec M...... sous la caution de M. l'abbé Despa-gnac; savoir : l'un pour 2,000 chevaux de remonte, et l'autre pour 40,000 fusils. L'un et l'autre contiennent des conditions sujettes aux plus grandes difticultés, et en général très onéreuses à la nation.
Ces différents traités et beaucoup d'autres encore, vous le sentez, Messieurs, demandent à être examinés avec la plus scrupuleuse attention, et ils exigent des recherches assez étendues. Votre commission va se livrer sans relâche à ce travail; mais elle a besoin de 7 à 8 jours encore afin de vous présenter non des dénonciations vagues, des assertions hasardées, mais des faits exacts et des résultats certains,
M. Dubayet est chargé du rapport qui concerne la force de l'armée et le recrutement; il en rendra compte ce soir ou demain matin.
Un membre (à droite) : Je demande qu'on ajoute au décret, où il est dit que M. Servan emporte les regrets de la nation, qu'il en emporte aussi l'argent.
(L'Assemblée ajourne le rapport définitif.)
Le résultat du scrutin pour 1" Série. T. XLV
la nomination du vice-président n'a pas donné de résultat définitif. M. Delacroix a obtenu 215 voix et M. Aubert-Dubayet 211. Aucun des 2 candidats n'ayant réuni la majorité absolue des suffrages, il sera procédé à un troisième tour de scrutin qui ne portera que sur MM. Delacroix et Aubert-Dubayet.
, au nom du comité colonial, soumet à la discussion un projet de décret (1) sur les secours à accorder à Saint-Domingue et sur Vacquittement des lettres de change tirées par les administrateurs de la colonie sur le Trésor public ; ce projet de décret est ainsi conçu :
Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité colonial, convaincue de la nécessité de secourir efficacement la colonie de Saint-Domingue, décrète qu'il y a urgence. »
Décret définitif.
Après avoir décrété l'urgence, l'Assemblée nationale décrète ce qui suit :
« Art. 1er. Le pouvoir exécutif est autorisé à traiter avec le
ministre des Etats-Unis, afin d'en obtenir des fournitures pour Saint-Domingue, en
comestibles et matières premières propres à la construction, jusqu'à concurrence de 4,000,000
de livres tournois, imputables sur la dette américaine.
« Art. 2. Ce fonds de 4,000,000 fera partie de l'avance de 6,000,000 déjà accordée par le décret du 27 mars, à titre de secours pour la même colonie.
« Art. 3. Dans le cas où, sur les demandes des gouverneur et ordonnateur, il aurait été fait des envois des mêmes lieux et pour la même destination, lesquels ne seraient point encore acquittés ou l'auraient été provisoirement en lettres de change sur le Trésor public, le payement en sera prélevé sur ladite somme de 4 millions.
« Art. 4. Les lettres de change fournies sur le Trésor public par l'ordonnateur de Saint-Domingue, s'élevant jusqu'au 31 décembre 1791 à la somme de 2,724,179 livres, seront acquittées, ainsi que celles qu'il aura été obligé de tirer depuis, jusqu'à la concurence d'un million par mois, mais non au delà, jusques et compris le mois de juin prochain, à .la charge par l'ordonnateur d'en justifier l'emploi en dépenses publiques dûment autorisées.
« Art. 5. Ces fonds avancés par la nation, à la charge de remboursement et hypothèques sur les revenus de la colonie, seront délivrés par les commissaires de la caisse de l'extraordinaire, sur les ordonnances du ministre delà marine. »
(L'Assemblée décrète l'urgence.)
, rapporteur, donne lecture des articles 1, 2 et 3 qui sont successivement adoptés dans la forme qui suit :
Art. 1er.
« Le pouvoir exécutif est autorisé à traiter avec le ministre des Etals-Unis, afin d'en
obtenir des fournitures pour Saint-Domingue, en comes-
Art. 2.
« Ce ibnds de 4 millions fera partie de l'avance de 6 millions déjà accordée par le décret du 27 mars, à titre de secours pour la même colonie. »
Art. 3.
« Dans le cas où, sur les demandes des gouverneur et ordonnateur, il aurait été fait des envois des mêmes lieux et pour la même destination, lesquels ne seraient point encore acquittés, ou l'auraient été provisoirement en lettres de change sur ie Trésor public, le payement en sera prélevé sur ladite somme de 4 millions. »
, rapporteur, donne lecture de l'article 4 ; il est ainsi conçu :
« Les lettres de change fournies sur le Trésor publie par l'ordonnateur de Saint-Domingue, s'élevant, jusqu'au 31 décembre 1791, à la somme de 2,724,179 livres, seront acquittées, ainsi que celles qu'il aura été obligé de tirer depuis, jusqu'à concurrence d'un million par mois, mais non au delà, jusques et y compris le mois de juin prochain, à la charge par l'ordonnateur d'en justifier l'emploi en dépenses publiques dûment autorisées. »
Je ne m'oppose pas à ce qu'on paye les créances qui sont légitimes, il ne faut pas que les négociants qui ont fourni dè bonne foi leur cargaison soient les victimes des factieux ; mais vous devez porter dans les payements de ces créances la plus grande réserve : car il est constaté, par le rapport de MM. Mirbeck et Saint-Legier, commissaires civils, qu'il s'est fait de très grandes déprédations, qu'ellés se sont faites au Cap, où le gouverneur, rassemblée coloniale elle-même, sont sous les fers de 20 membres do cette assemblée. Vous le devez encore, parce que ces fonds ont été employés par les blancs à faire la guerre la plus injuste contre les hommes de couleur, quoique vous eussiez décrété que les troupes ne pourraient être employées à une pareille destination, parce que plusieurs de ces dépenses sont folies et extravagantes, telles, par exemple, que celles des salaires des membres de l'assemblée, qui s'élèvent à 10,000 livres par jour; parce que vous hypothéqueriez ces dépenses sur les revenus de toute la colonie, tandis que les prô^ vinces du Sud et de l'Ouest n'y ont aucunement participé, que même toute communication est interrompue depuis 6 mois entre ces provinces et celle du Nord.
Il est contre tout principe de bonne administration qu'on puisse payer des lettres de change, quand on n'en a pas même des bordereaux; je demande qu'on se borne à payer celles qui ont été tirées par l'ordonnateur de la colonie, jusqu'au 31 décembre, mais que, pour les autres, l'Assemblée n'en ordonne le payement qu'après que le ministre des colonies en aura fourni les bordereaux.
(L'Assemblée adopte cette proposition et décrète l'article 4 dont elle fait z articles, dans la forme qui suit) :
Art. 4.
« Les lettres de change fournies sur le Trésor public par l'ordonnateur de Saint-Domingue, s'élevant, jusqu'au 31 décembre 1791, à la somme de 2,724,179 livres, seront acquittées par les commissaires de la Trésorerie nationale, et l'ordonnateur sera tenu d'en justifier l'emploi en dépenses publiques, dûment autorisées.
Art. 5.
« Quant aux lettres de change qui auront été fournies depuis le 31 décembre, l'Assemblée nationale se réserve de statuer, d'après les bordereaux qui lui en seront fournis par le ministre delà marine, si elles devront être acquittées par les commissaires de la Trésorerie nationale, et cependant ces commissaires seront tenus de mettre leur vu à la présentation de ces lettres, parce que le terme fixé pour leur échéance courra du jour de leur présentation. »
, rapporteur, donne lecture de l'article 5 du projet de décret, qui devient l'article 6 et qui est adopté dans la forme qui suit :
Art. 6.
« Ces fonds, avancés parla nation, à la charge de remboursement et hypothéqués sur les impositions de cette colonie, seront payés par la Trésorerie nationale, sur les ordonnances du ministre de la marine, et le remplacement en sera fait dans la caisse du Trésor public par la caisse de l'extraordinaire. «
Suit le texte définitif du décret rendu :
« L'Assemblée nationalè, ouï le rapport de son comité colonial, convaincue de la nécessité de secourir efficacement la colonie de Saint-Domingue, déerète qu'il y a urgence.
« Après avoir décrété l'urgence, l'Assemblée nationale décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« Le pouvoir exécutif est autorisé à traiter avec le ministre des États-Unis, afin d'en obtenir des fournitures pour Saint-Domingue, en comestibles et matières premières propres à la construction, jusqu'à la concurrence 4e 4 millions de livres tournois, imputables sur la dette américaine.
Art. 2.
« Ce fonds de quatre millions fera partie de l'avance de six millions déjà accordés par le décret du 17 mars, à titre de secours pour la même colonie.
Art. 3.
« Dans le cas où, sur les demandes des gouverneur et Ordonnateur, il aurait été fait des envois des mêmes lieux et pour la même destination, lesquels ne seraient point encore acquittés, ou l'auraient été provisoirement en lettres de change sur le Trésor public, le payement sera prélevé sur ladite somme de 4 millions.
Art.4
« Les lettres de change fournies sur le Trésor
public par l'ordonnateur de Saint-Domingue, s'élevant, jusqu'au 31 décembre 1791, à la somme de 2,724,179 livres, seront acquittées par les commissaires» de la Trésorerie nationale, et l'ordonnateur sera tenu d'en justifier l'emploi en dépenses publiques, dûment autorisées.
Art. 5.,
« Quant aux lettres de change qui auront été fournies depuis le 31 décembre, l'Assemblée nationale se réserve de statuer, d'après les bordereaux qui lui seront fournis par le ministre de la marine, si elles devront être acquittées par les commissaires de la Trésorerie nationale; et cependantçes commissaires seront tenusde mettre leur vu à la présentation de ces lettres, afin que le terme fixé pour leur échéance courre du jour de leur présentation.
Art. 6.
« Ces fonds, avancés par la nation, à la charge de remboursement, et hypothéqués sur les impositions de cette colonie, seront payés par la Trésorerie nationale, sur les ordonnances du ministre de la marine, et le remplacement en sera fait dans la caisse du Trésor public par la caisse de l'extraordinaire. »
Un de MM. les secrétaires annonce les dons patriotiques suivants :
1° La Société des amis de la Constitution d'Aigues-Mortesenvoïe enassignats 200livres. Leur adresse à l'Assemblée est ainsi conçue (1 ) :
« Aigues-Mortes, le
« Monsieur le Président,
« Les membres composant la société patriotique de cette ville vous prient de vouloir bien être auprès des augustes représentants de la nation l'organe de leurs sentiments et de leur faire agreer, avec l'hommage de leur juste vénération, l'offrande de deux cents livres, qu'ils déposent sur l'autel de la patrie, pour subvenir aux frais d'une guerre qui illustrera à jamais le nom français en affermissant notre sublime Constitution.
« Les membres composant le comité de correspondance du club d'Aigues-Mortes.
« Signé : bedaride, président; Estornet, Collet, Bernard, etc. »
2° Des citoyens de la commune de Morlaix, département du Finistère, envoient 1,880 livres en assignats, 16 livres 12 sols en espèces et 5 pièces d'argent estimées à 45 livres.
3° Le sieur Bauduin, agent de change de Lyon, envoie 200 livres en assignats.
(L'Assemblée accepte ces offrandes avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis aux donateurs.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet ae décret du comité de
législation sur le mode par lequel les naissances, mariages et décès seront constatés (2).
, rapporteur, donne lecture de l'article 3 du titre III qui, par suite des modifications précédemment adoptées, est devenu 1 article 5; cet article est ainsi conçu :
« L'enfant sera porté à la maison commune et présenté à l'officier public, En cas de péril imminent, l'officier public sera tenu, sur la réquisition qui lui en sera faite, 4e se transporter dans la maison où sera le nouveau-né. »
Il est essentiel de prévenir les fraudes qu'entraînent ordinairement les opinions clandestines. Je demande qu'il soit élevé dans chaque commune un autel à la patrie, sur le-r quel seront inscrits la Déclaration des droits et cette épigraphe :
« Le citoyen naît, vit et meurt pour la patrie. » (Applaudissements.) Je demande que tout nouveau-né soit présenté devant cet autel à l'officier public, et que là soit reçu l'acte déclaratoire de sa naissance.
Voici la rédaction que je propose à l'Assern-* blée :
« Dans toutes les communes de l'Empire, il sera élevé un autel de la patrie, formé d'une pierre sur laquelle sera gravée la déclaration des droits, avec cette épigraphe : Le citoyen naît, vit et meurt pour la patrie (3). »
Un membre : Je demande l'ajournement de cette proposition et le renvoi au comité de l'instruction publique,
Le projet que vous propose M. Gohier sera sans doute adopté avec empressement par l'Assemblée, mais il demande des préparatifs qui retarderont sans doute l'exécur tion de la loi essentielle qui vous est présentée. Je demande que l'Assemblée charge son comité d'instruction publique de lui présenter incessamment le mode d'exécution du projet de M. Gohier; mais auparavant, et pour accélérer l'exécution de cette loi importante, je demande que l'Assemblée décrète que les déclarations seront reçues dans les maisons communes, ou dans tel endroit que les municipalités désigneront.
(L'Assemblée décrète l'article premier de M. Gohier comme principe, et renvoie la rédacr tion à son comité d'instruction publique, puis elle adopte l'article 3 du projet du comité.)
, rapporteur, donne lecture de 1'articlè 4 du titre III, qui devient article 6, et qui est ainsi conçu : « La déclaration contiendra le jour, l'heure et le lieu de la naissance, les surnoms qui auront été donnés â l'enfant, les noms et surnoms de ses père et mère, leur profession, leur domicile, le lieu et la date de leur mariage, s'ils sont connus par les déclarants ; les noms, surnoms, profession et domicile des témoins. »
Je demande, par amendement, qu'au cas que le père fût inconnu, l'enfant porte le nom de famille de sa mère,
Je demande que l'Assemblée expliqué clairement dans l'article ce qn'elle entend par noms
et surnoms ; d'abord, si elle entend par le nom de l'enfant celui de son père ; mais
j'observe que cet usage n'a point existé dans tous les temps. Je ne crois pas même que cette
dénonciation de nom de famille puisse être conservée. Il n'y a pas 600 ans que uqus portons
La liberté des cultes ne permet pas aujourd'hui d'adopter cette dénomination de nom de baptême. Il faut donc pour distinguer le fils du père, le frère de ses frères, que le surnom au nom de famille soit précédé d'un autre de convention, appelé prénom, que l'on voudra donner à l'enfant ; ainsi, par le surnom on entendra le nom de famille, et par leprénom celui distinctif, qui aura été ajouté au nom de famille. Je demandé donc qu'à l'avenir tout citoyen ne puisse avoir qu'un prénom, un nom et un surnom.
Plusieurs membres : Les surnoms sont proscrits par les lois!
(L'Assemblée décrète que les actes qui constateront les naissances, ne contiendront que le nom et le prénom de l'enfant présenté.)
(La discussion se porte sur la question de savoir si cet acte contiendra le lieu et la date du mariage des parents.)
Si les parents ne sont pas mariés, veut-on qu'une mère soit forcée d'àvouer sa faiblesse, si pardonnable, tandis qu'il n'y a aucune nécessité de constater ce fait ? Veut-on perpétuer le préjugé de la bâtardise? Veut-on que l'entant né de parents dont l'union n'aura pas été constatée par un officier municipal porte toute sa vie la tache d'un péché originel. Je demande la question préalable sur cette partie du projet du comité.
(L'Assemblée décrète qu'il ne sera fait aucune mention dans les registres de naissances, des lieu et date du mariage des parents.)
, rapporteur. Ces diverses modifications adoptées, voici qn'elle pourrait .être la rédaction de l'article 6 : .« Lar déclaration contiendra le jour, l'heure, le lieu de la naissance et la désignation du sexe de l'enfant, le prénom et surnom des père et mère, leur profession et leur domicile. »
(L'Assemblée adopte successivement les dispositions de cet article.)
Un membre : Je demande, comme article additionnel, que le même prénom pourra être donné aux frères.
Il est impossible que l'Assemblée admette cette proposition, et même pour éviter à cet égard toute la confusion que cela opérerait nécessairement, je demande que l'Assemblée désigne une peine contre l'infraction de cette disposition.
Plusieurs membres : La question préalable!
L'Assemblée rejette la proposition de M. Là-source et adopte l'addition proposée.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre de M. Terrier, ministre de l'intérieur, qui est ainsi conçue :
* Paris, le
« Monsieur le Président,
« J'ai l'honneur de prévenir l'Assemblée nationale que le calme est parfaitement établi et qu'il n'y a aucune crainte de trouble. »
«Je suis avec respect, Monsieur le Président, etc...
« Signé : Terrier. »
(La séance est levée à trois heures.)
a la séance de l'assemblée nationale législative du
PÉTITION (2), adressée à tous les notaires de Paris pour permettre à tous ceux qui voudront protester contre les événements du 20 juin 1792 d'y venir apposer leur signature.
« A l'Assemblée nationale.
« Messieurs,
« Les citoyens soussignés viennent partager votre douleur sur les événements qui se sont passés mercredi dernier dans la demeure du représentant héréditaire de la nation, et qu'ils auraient voulu prévenir au prix de leur sang.
• Il est manifeste que ces événements n'auraient pas eu lieu : 1° si le chef et les instigateurs du rassemblement n'avaient pas persisté dans la violation de la loi, qui ne pouvait leur être inconnue* puisqu'elle avait été rappelée dans les délibératious du conseil général de la commune, et par l'arrêté du département; 2° si la municipalité eut rempli le devoir que la loi lui imposait et que l'arrêté du corps administratif supérieur lui prescrivait; 3° si le commandant général eût obéi à la loi qui lui ordonnait de repousser la force sans réquisition, lorsqu'on attaquait le poste où il commandait.
« La garde nationale, tant celle qui était au château que celle qui formait la réserve de chaque quartier, a eu la douleur, qui approche du désespoir, d'être dénuée de tout ordre du commandant, et de ne pouvoir y suppléer d'elle-même, sans violer toutes leslois de la discipline, dont elle doit et a toujours donné l'exemple. Dans cette privation absolue d'ordres militaires, les passages ont été ouverts, et le courage de la garde nationale enchaîné au château même, sur les réquisitions multipliées de plusieurs officiers munir cipaux en écharpe (3), et parlant, disaient-ils, au nom de la loi.
« Nous vous remercions, Messieurs, du décret que vous avez rendu pour empêcher que désormais une force armée puisse marcher, malgré la loi, vers le lieu de vos séances, y pénétrer, sous prétexte de pétitions ou de fêtes, y interrompre vos délibérations, y consumer en vaines dêfilades le temps que vous devez à la nation entière (1). Malheureusement ce remède pour l'avenir ne répare point le passé. Lorsque l'on compare les principes de la Constitution avec les événements de la journée de mercredi dernier; qu'on admire la sagesse de la loi qui veut que tout citoyen trouve un asile inviolable dans sa maison, et y soit garanti de toute attaque par toute la force publique, et qu'on voit cependant que le palais donné par la nation à son représentant héréditaire, a été forcé ; que la majesté de la nation a été offensée dans la personne de ce représentant, qui a été insulté, dont les jours ont été en péril (2), et que l'un des premiers pouvoirs constitués a été ainsi troublé dans sa liberté, sans laquelle il ne peut lui-même exercer la fonction qui lui est remise, de protéger la liberté de tous et de chacun, on ne peut se déterminera rester sur un tel malheur public dans un criminel silence.
« Nous vous demandons de déployer toute l'énergie de votre zèle pour laver la nation de la honte qui lui serait imprimée par les attentats de plusieurs citoyens, dont quelques-uns sont profondément coupables, et dont le plus grand nombre a été trompé, séduit, égaré. Nous vous demandons de porter l'œil le plus sévère sur la conduite des moteurs, instigateurs et chefs du rassemblement, sur celle du maire et des officiers municipaux qui ont ordonné d'ouvrir les avenues du château et le château même.
«Nous vous demandons spécialement d'ordonner que le commandant général soit destitué de ses fonctions, comme ayant exposé la sûreté du roi et compromis l'honneur de la garde nationale (3), si l'honneur d'un soldat (4) n'était pas avant tout dans la discipline.
« Les attentats qui ont été commis paraissent pour la plupart l'effet d'une conspiration contre les pouvoirs établis par la Constitution, ou plutôt contre la Constitution elle-même. Mettez, Messieurs, une barrière invincible à de semblables machinations. Les citoyens soussignés vous le demandent au nom de la Déclaration des droits, au nom de l'intérêt général de la nation, au nom de l'intérêt spécial des citoyens de Paris, responsables sur leur honneur, de la liberté et de la sûreté du représentant héréditaire de la nation.
« Songez, Messieurs, en combien de manières la loi et la Constitution ont été violées; songez au spectacle que Paris, que le lieu de votre résidence et de celle du roi, a donné mercredi aux 83 départements et à l'Europe; voyez à quoi vous obligent la qualité de représentants de la
nation, et le devoir de législateurs, à la fidélité desquels le dépôt de la Constitution a été confié. »
Séance du
PRÉSIDENCE DE M. DAVERHOULT, ex-président.
La séance est ouverte à six heures.
, secrétaire, donne lecture du procès verbal de la séance du lundi 25 juin 1792, au matin.
(L'Assemblée en adopte la rédaction.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres, adresses et pétitions suivantes :
1° Lettre de M. Jaurat, de l'Académie des sciences, qui réclame une indemnité pour les réparations faites au logement qu'il occupe et qui appartient à la nation.
(L'Assemblée renvoie la lettre au comité des finances.)
20 Lettre des citoyens de Ponlivy, à laquelle est jointe copie d'une adresse qu'ils envoient au roi.
Plusieurs membres: L'ordre du jour!
(L'Assemblée, après deux épreuves douteuses, déclare qu'elle ne passe pas à l'ordre du jour et décrète qu'elle entendra la lecture de la lettre.) (.Applaudissements dans les tribunes.)
Cette lettre est ainsi conçue (1) :
« Pontivy, le
« Les citoyens de Pontivy, alarmés devoir écarter du trône les vrais amis de la nation, dont il serait si important pour elle qu'il fût environné dans ces temps orageux, ont représenté au monarque que son propre intérêt comme celui de la nation rappelait au gouvernement les ministres vertueux qu'elle regrette. Veuillez bien, Monsieur, taire agréer à l'Assemblée nationale, avec le double de l'adresse qui contient nos réclamations à cet égard, l'expression de notre reconnaissance et de notre inviolable attachement à la Constitution.
« Les commissaires nommés par les citoyens de Pontivy.
Signé: Fahier, Le Gogat (2), etc...
Il ne faut pas se hâter de décréter la mention honorable d'une adresse en faveur de ministres dont les comptes ne sont pas examinés et qui, peut-être, ainsi qu'on nous l'a prouvé par un rapport que vous avez entendu ce matin, a non seulement emporté les regrets de la nation, mais encore son argent. (Violents murmures à gauche.) '
Plusieurs membres : A l'ordre ! nous demandons qu'on rappelle l'orateur à l'ordre!
Je demande l'ordre du jour.
Je ne conçois pas comment des représentants de la nation qui autrefois, à l'égard des ministres prévaricateurs, observaient que l'Assemblée ne pouvait croire au crime qu'après en avoir eu la preuve évidente, osent avancer après la lecture d'un rapport sur lequel l'Assemblée n'a point statué, qu'un ministre patriote a emporté l'argent de la nation. Je leur demande sur quelles preuves ils portent aujourd'hui ce jugement si précipité, et quelle est la raison de cette différente manière de juger? Je la trouve dans le système combiné d'une faction coupable. ( Vifs applaudissements des IribUnés.) Ce sont là, Messieurs, les véritables factieux, les vrais ennemis de lâ patrie. (Nouveaux applaudissements.Y Je demande mention honorable au procès-verbal de la lettre de ces citoyens.
(L'Assemblée décrète la mention honorable de l'adresse.)
3° Lettre de M. Terrier, ministre de Vintérieur, qui transmet à l'Assemblée une lettre du département des Bouches-du-Rhône, qui se plaint de l'insuffisance de ses forces militaires, pour réprimer les agitations qui se manifestent dans les départements méridionaux. Le ministre annonce qu'il va se concerter, sur cet objet, avec le ministre de la guerre.
(L'Assemblée renvoie les deux lettres à la commission extraordinaire des Douze.)
Un membre : Je demande que M. le ministre de l'intérieur fa«se remise à l'Assemblée, dans les 24 heures, d'une expédition des quatre arrêtés dont il est question dans la lettre du département des Bouches-du-Rhône.
(L'Assemblée décrète cette proposition.)
Un officier invalide est admis à la barre. Après avoir exprimé sa douleur et son désespoir sur la lâcheté d'un de ses fils, qui a quitté son poste militaire pour passer à l'ennemi, il ajoute : « J'offre mes deux bras ; tout vieux qu'ils sont, ils Voudraient aider la patrie ; j'offre encore toute ma fortune, elle consiste dans une pension de 600 livres que la nation m'a accordée ; mon désir est de réparer le tort de mon malheureux fils. » (Vifs applaudissements.)
, après avoir donné des éloges
(L'Assemblée renvoie sa pétition au pouvoir exécutif.)
Des* citoyens de là commune de Saint-Mandê, département de la Seine, sont admis à la barre. Ils viennent offrir un don à la patrie de 334 l. 17 sols, en assignats, et protester de leUr attachement à la Constitution.
applaudit 'à leur civisme et leur accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée accepte cette offrande avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis aux donateurs.)
Un pétitionnaire est admis à là barre. Il présente des vues sur la formation des corps de troupes nationales.
lui répond et lui aôcorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée renvoie sa pétition au cortiitê militaire.).
Un de MM. les secrétaires annonce les dons patriotiques suivants :
1® Le sieur Waltbler offre le montant de sa lettre de maîtrise, enregistrée sous le numéro 36,563 à la direction générale de la liquidation ;
2° Des citoyens composant la société philanthropique de Rochefôrt offrent 200 livres eh assignats.
(L'Assemblée accepte ces offrandes avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis aux donateurs.)
, secrétaire, donne lécturè d'une adresse des corps administratifs d'Amiens, qui sè plaignent de la violation qu'a éprouvée l'asile du représentant héréditaire du peuple français ; cette adresse est ainsi longue :
« Législateurs,
«Une troupe de factieux, rassemblés malgré le vœu des eorps administratifs, a investi lè lieu de vos séances et voué a arraché la permission de s'y introduire... »
Plusieurs membres : Ce n'est pas vrai i
Je demande le renvoi à la commission extraordinaire des Douze.
Plusieurs membres .'La lecture!
, secrétaire, continue..... « et S'ést
portée ensuite à des irrévérences dans l'asile du chef suprême de l'Administration. Il n'est aucun citoyen des 83 départements du royaume, qui né doive prendre part à ces événements; ils intéressent la tranquillité, la sûreté, la dignité de la nation entière. Si la patience du monarque en a imposé à ces séditieux, si la sollicitude de plusieurs d'entre vous est venue seconder sa fermeté, l'attentat commis envers sa personne sacrée n'en est pas moins criminel; et ce n'est
Sas seulement la majesté du roi et la majesté duorps législatif qui ont été violées, c'est la majesté nationale elle-même, qui ressuscite dans Paris les Marcel et les Caboche. Ils ne composent certainement point la capitale, et encore moins le corps de la natiôn (Applaudissements.), si dépendant ceux qui étaient à la tête de cet attroupement séditieux ont osé parler au nom du peuple
souverain. La souveraineté est une, indivisible, ellé appartient à la nation; aucunp section du peuple, aucun' individu në peut s'en attribuer l'exercice. Les représentants constitutionnels de la nation sont le Corps législatif et le roi ; c'est la Constitution qui le dit. Les séditieux qui se sont ingéré de parler au Corps législatif et au roi, au nom de la souveraineté de la nation, ont donc attenté à cette souveraineté et violé la Constitution. D'après de pareils excès, il serait peut-êtré opportun de rappeler les vues profondes exposées dans le 13e chapitre du contrat social; mais nous nous reposons avec sécurité sur votre sagesse toujours active, nous nous contentons de vous présenter nos hommages sincères pour la constance, le courage et ie dévouement avec lesquels vous vous êtes réunis au roi dans ces moments dangereux. C'est de cette réunion et de cette confiance que dépend le salut de la patrié. »
(Suivent les signatures.)
Je demande l'impression, l'insertion au procès-verbal et l'envoi aux 83 départements de cette adrésse très constitutionnelle.
On demande la mention honorable; j.-* demande l'improbation. C'est une critique amère d'un de vos décrets.
Un membre: Moi, je demande qtië lë nom de celui qui demande l'improbation soit censuré au procès-verbal.
Dire què les factieux vous ont arraché un décret en faveur de citoyens qui ont le droit de vous présenter une pétition, c'est dire que vous avez été pris par force. Il semblerait que vous avez cédé'à la crainte plutôt qu'au sentimeftt de justice.
Oui, c'est la crainte qui l'a fait rendre.
Oui, je le répète, c'est une critique très amère du décret que vous avez «rendu. Je demande l'improbation.
Un membre : M. Vergniaud et M. Guadet vous ont dit ici. qu'il serait dangereux de refuser... (Murmures à gauche.) C'est M. Vergniaud lui-même. (Murmures prolongés à gauche.)
Je ne suis pas de l'avis-de-la motion du membre de cette Assemblée qui Vient de vous dire que le décret vous a été arraché. Il n'est pas permis à un membre de l'Assemblée de blâmer ses délibérations.
11 est eertàin que M. Vergniaud a dit qu'il serait dangereux de refuser cette nombreuse députation, et l'Assemblée elle-même a craint, d'après l'observation de M. Vergniaud, que l'on ne fût obligé de renouveler la scène du Champ-de-Mars. M. Vergniaud l'a dit lui-même, et l'Assemblée nationale s'est convaincue elle-même qu'elle Violait son propre règlement. Et je rappellerai ici ce que disait le président de l'Assemblée nationale, què 10,000 personnes demandaient avec instance à entrer dans le sein du Corps législatif. (Murmures prolongés .)
Messieurs, sur la motion de M. Deladroix, l'Assemblée a fait retirer lés pétitionnaires qui. étaient à sa barre : elle n en a pas eu peuf.
Plusieurs membres : La clôture !
(L'Assemblée ferme la discussion et adopte la proposition de M. Chéron-La-Bruyère).
Un de MM. les secrétaires,: Adresse du directoire du département de l'Hérault.
Un membre : Je demande le renvoi de toutes les adresses et pétitions au comité des pétitions. (Murmures.)
Je ne crois pas que les adresses des directoires des départements doivent être considérées comme le résultat de l'opinion publique. Si on en lit une, je demande qu'on les lise toutes, afin d'apprécier l'espèce de coalition qui existe entre les directoires. (Applaudissements.)
(L'Assemblée, consultée, décide qu'on lira les adresses.)
Un de MM. les secrétaires fait lecture : 1° d'une adresse du directoire du département de l'Hérault, dans laquelle il témoigne son indignation contre le renvoi des trois ministres patriotes; 2* d'un arrêté qu'il a pris pour ordonner le rassemblement des gardes nationales pour fournir son contingent à la fédération, suivant le décret de l'Assemblée.
Ces deux pièces sont ainsi conçues :
Adresse du directoire du département de l'Hérault.
« Montpellier,
« Législateurs (1),.
« A la nouvelle inattendue du renvoi de trois ministres, amis de la Constitution, les citoyens ont manifesté de la manière la plus énergique leur indignation et leur douleur. Quoi ! s'est-on dit, le pouvoir exécutif n'est pas satisfait de leurs servicesr et l'Assemblée nationale les couvre à l'instant des éloges dus à leur civisme (Rires à droite.) et déclare par un décret solennel qu'ils emportent les regrets de la nation ?
Plusieurs membres: Et l'argent!
M. le secrétaire reprend : « N'en doutons plus, c'est à leur patriotisme, c'est aux mesures efficaces qu'ils avaient prises pour réparer la coupable inaction de leurs prédécesseurs, et mettre notre armée sur un pied respectable, qu'il faut attribuer leur renvoi. Hâtons-nous d'adhérer à ce décret, de déclarer à l'Assemblée nationale épie nous ne voyons et ne verrons jamais que par elle, que nous lui sommes unis de cœur et d'esprit, que nos bras sont levés pour la défendre, que nous sonimes prêts à lui faire le sacrifice dé nos biens et de notre vie. Des pétitions nombreuses et la fermentation qui règne dans la cité* nous convoquent à dix heures au soir et nous employons la nuit à rassurer nos administrés ert preilant ayec eux l'engagement de vous transmettre l'hommage de leurs sentiments et des nôtres et eh préparant à l'avance tous les secours qu'il est en notre pouvoir de vous offrir.
« Un décret appelle auprès de vous 20,000 hommes de gardes nationaux; nous ne pouvons
penser que le roi refuse sa sanction à une précaution aussi impérieuse, commandée par les
circonstances; et jaloux de compenser l'éloigne-ment oû nous sommes du lieu de vos séances,
par notre empressement à obéir, par la rapidité des opérations qui nous sont commandées, nous
avons à l'instant ordonné la levée de notre con*
« Nous vous adressons l'arrêté pris en conséquence. Parlez, législateurs, et vous serez obéis, et vous le serez d'un bout delà France à l'autre. C'est le cas ou jamais de vous élever à la hauteur des dangers, dont les malveillants vous entourent. Que le salut du peuple, que la défense de notre sainte liberté vous inspirent quelque grande mesure. Que surtout le sort de nos armes ne puisse, en aucun cas, dépendre d'un ministère qui n'aurait pas la confiance de la nation. Que Luckner, La Fayette et les autres officiers généraux patriotes aient seuls le secret et la conduite de nos armées. (.Applaudissements.)
« Que vos décrets assurent la tranquillité de l'intérieur. Tel est le vœu de ceux qui ont juré de vivre libres ou de mourir. (Applaudissements.)
« Nous avons fait ce serment, nous lui serons fidèles.
Les administrateurs composant le directoire du département de l'Hérault,
« Signé : Louis Goste, président, etc. »
Extrait du procès-verbal des séances du directoire de VHérault, du mardi "19 Juin 1792, à 10 heures de relevée ( 1.)
« Le directoire du département, ouï le suppléant du procureur général syndic :
« Considérant que les circonstances les plus impérieuses ont déterminé l'Assemblée nationale a appeler auprès d'elle et pour le 14 juillet prochain, un corps d'armée composé de 20,000 hommes choisis parmi les gardes nationaux de tous les cantons du royaume ; que le décret qui règle les détails de la formation de l'envoi et du campement de cette force publique, ne peut manquer d'être sanctionné, que l'éloiguement où nous nous trouvons de la capitale tromperait le brûlant désir qu'ont manifesté les citoyens de ce ressort de fournir leur contingent pour l'époque indiquée, si l'administration ne disposait à l'avance toutes les opérations préalables et si elle n'abrégeait même celles portées par le décret ;
« Arrête qu'il sera ouvert sur-le-champ dans chaque municipalité du ressort un registre particulier d'inscriptions volontaires sur lequel se feront inscrire les citoyens qui désireront servir en qualité de volontaires nationaux dans l'augmentation de la force armée, décrétée par l'Assemblée nationale à la séance du 8 de ce mois.
« Que l'ouverture de ce registre sera annoncée par la publication solennelle du présent arrêté, qu'on n'y insCriraque les citoyens qui ont fait un service personnel aans lagarde nationale depuis ,1e 14 juillet 1790 ou depuis la formation de la garde nationale du canton de leur commune, ou enfin depuis qu'ils ont atteint l'âge de 18 ans, à moins cependant qu'en sortant des troupes de ligne avec un congé en bonne forme, ils ne soient entrés, de suite, dans la garde nationale.
« Que l'inscription n'aura lieu que pendant trois jours, après lesquels chaque municipalité
adressera au procureur syndic au district la liste certifiée des gardes nationaux inscrits,
avec annotation, l'âge, la taille, la date de l'équipement de chacun des soumissionnaires et
attestation de leur civisme^
« Le directoire ne doutant pas que les municipalités, donnent, dans cette occasion une nouvelle preuve de leur patriotisme, en hâtant, par tous les moyens qui sont en elles, les mesures préalables ci-dessus déterminées, charge le procureur général syndic de tenir la main à l'exécution du présent arrêté, qui sera imprimé, lu, publié, affiché et envoyé aux municipalités du ressort, à la diligence des procureurs syndics des districts.
Pour expédition.
Signé : Louis coste, président, Bougktte, secrétaire général.
Plusieurs membres (à gauche) : Mention honorable !
' D'autres membres (à droite) i La question préalable!
L'Assemblée ne peut pas s'empêcher de témoigner son improbation.... (Murmures à gauche.) Oui, Messieurs, je dis ia plus haute improbation de cette adresse; c'est une violation de la Constitution, parce que le département de l'Hérault n'a pu faire un arrêté sur un décret qui n'était pas sanctionné, et qu'un décret non sanctionné n'est pas loi. (Nouveaux murmures.) Je demande le renvoi au pouvoir exécutif, pour en faire la justice qu'elle mérite, et l'ordre du jour sur la mention honorable.
J'avais demandé la parole pour faire la même proposition; j'appuie donc l'ordre du jour, avec improbation de l'adresse du directoire du département de l'Hérault, pour avoir osé ordonner la levée de troupes sans y avoir été autorisé, sans avoir préalablement reçu la loi qui l'ordonnait. Je demande le renvoi au pouvoir exécutif, afin qu'il puisse suspendre le directoire qui s'est permis de prendre un arrêté contre toutes les règles.
Plusieurs membres (à droite) : Appuyé, appuyé !
Un membre : Lorsque le 20 juin 1791, tous les départements mirent la force armée sur pied, l'Assemblée constituante ne les désapprouva pas, et aujourd'hui on voudrait improuver la conduite du département de l'Hérault. (Murmures à droite.)
Plusieurs membres parlent dans le bruit.
Je prie l'Assemblée nationale de faire attention que, d'après la date de l'adresse du département de l'Hérault, le refus de sanction n'a pu lui être connu, et que ce département ayant vu que l'Assemblée nationale avait rendu un décret pour être exécuté le 14 juillet, avait pensé que ce décret serait sanctionné ; car, si elle ne l'avait pa3 pensé, ayant rendu ce décret 35 jours avant le 14 juillet, elle devait savoir que le roi, ayant 2 mois pour sanctionner, pouvait jouir de tout son délai ; par conséquent, le département de l'Hérault n'a pas eu autant de tort qu'on veut lui en imputer, en pensant que ce décret serait actuellement sanctionné, puisque l'Assemblée nationale paraissait l'avoir présumé elle-même.
Plusieurs membres (à droite) : L'ordre du jour !
Sur ce fondement, le département
de l'Hérault a cru prendre des précautions pour qu'en raison de son éloignement, la loi, lorsqu'elle lui parviendrait, n éprouvât pas de retard dans son exécution ; de manière que le département de l'Hérault n'a donné, par là, qu'une grande preuve de son zèle et de son dévouement pour faire exécuter les lois. (Applaudissements des tribunes.) Si ce département eût pu connaître le refus de la sanction de la loi, et que malgré cela il eût ordonné la levée des bataillons, je serais le premier à demander qu'il fût blâmé; mais il ne faut pas confondre que cette loi n'ayant pas été sanctionnée, et le département voyant que les soldats des bataillons qu'il voulait envoyer, étaient à 200 lieues, et voyant d'un autre côté que les soldats étaient obligés de se rendre le 14 juillet, il leur serait impossible de se rendre, s'il ne prenait des mesures provisoires avant l'arrivée au décret, pour lui obéir. Je crois donc qu'il n'y a pas lieu à inculper le département.
Je demande la mention honorable de la conduite du département.
(L'Assemblée renvoie cette adresse à la commission extraordinaire des Douze et passe à l'ordre du jour.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une adresse des citoyens actifs de la ville de Grenoble, par laquelle ils applaudissent aux mesures proposées par l'Assemblée nationale contre les prêtres séditieux et pour la formation d'un camp ae 20,000 hommes. Cette adresse est ainsi conçue :
« Le
« Représentants de là nation (1).
Au milieu des circonstances pénibles et des agitations qui nous environnent, vos décrets étaient l'expression de la prudence et de la sagesse; leurs dispositions vigoureuses devaient tout à coup ramener le calme, mais un conseil perfide, un silence funeste a tout anéanti.
« Législateurs, le veto suspeustif accordé au roi des Français n'est autre chose qu'un appel au peuple. Or, voici ce que pense le peuple dans ces instants décisifs. (Vifs applaudissements des tribunes.)
». Un décret contre les prêtres perturbateurs était urgent pour dissiper leurs complots fanatiques et sanguinaires, pour rompre le trame qui les unit aux rebelles d'Outre-Rhin, pour rendre la paix à nos campagnes. Mais Louis XVI a toujours protégé ce culte incivique et séditieux, et ce décret n'a pas été sanctionné.
« On camp de 20,000 hommes était nécessaire auprès de la capitale, pour la protéger centre une invasion, pour faire taire des factieux qui dépravent l'opinion, qui égarent le zèle du peuple, pour anéantir des agitateurs qu'alimente la liste civile; mais Louis XVI, pour des desseins secrets, a besoin du trouble, des divisions et de l'anarchie, et il rejette la formation d'un camp protecteur de la tranquillité publique.
« Vous avez appelé la vengeance nationale sur les grands coupables, vous rendrez bientôt le
décret le plus justement sollicité par la nation, celui de la confiscation des biens des
traîtres armés contre la patrie; mais Louis XVI fera parler la voix du sang; il a toujours
nourri les
« Législateurs, nousavonsjuré de mourir pour la défense de nos lois, mais sommes-nous donc destinés à périr sous les ruines d'une Constitution qu'on veut renverser sur nous?
« Ce n'est pas au roi seul que le dépôt sacré a été remis, c'est à vous, c'est à nous, c'est à la vigilance de tous les citoyens, c'est au courage de tous les Français. Depuis longtemps on la brave cette Constitution, on l'outrage, on la tourne contre nous-mêmes. Louis XVI, de sa liste civile, solde encore les satellites du 6 octobre; il entretient, sous vos yeux, dans une maison nationale, une garde que vous avez proscrite. Un cabinet ténébreux prépare dans sa Cour la défaite de nos légions.
« Il n'existe pas encore ce registre, où devaient être inscrites les délibérations de son conseil, et Louis XVI vient d'éloigner de lui 3 ministres qui ont mérité notre confiance, dont le seul crime est de parler le langage de la liberté, et de ne vouloir rien faire que pour le peuple.
« Législateurs, le peuple est souverain; il a le droit imprescriptible et constitutionnel de résister à 1 oppression.
« Si Louis XVI est insensible aux alarmes de la patrie, s'il ne veut pas être un avec le peuple français, si par des actes contraires au salut de l'Etat, il trahit et rétracte son serment, la nation va se lever tout entière (Applaudissements à gauche) et la Constitutionàla main, elle s'écriera : « Louis XVI, roi des Français est déchu de la couronne. » (Applaudissements réitérés à Vextrême gauche et dans les tribunes.)
« Nous sommes avec respect, Messieurs, etc.
« Signé : Les citoyens de la ville de Grenoble.
« Nous, maire et officiers municipaux de la ville de Grenoble soussignés, certifions que l'adresse ci-dessus est conforme à l'original déposé au secrétariat de la municipalité et .revêtu de la signaturè de 3,054 citoyens de cette commune.
« Fait à Grenoble, le 21 juin 1792.
« Signé : brunelle, maire ; fontaine, Bonne, Laville, jullien, etc.
Un membre : La date de cette adresse?
M. le secrétaire: Du 19.
Un autre membre: Le refus de sanction n'est que du 18, on voit d'où cette adresse est venue.
(de Lisieux.) Comme chacun doit profiter de son invention, je demande qu'on accorde un brevet de prophétie aux habitants de Grenoble, qui ont deviné le 19 qu'on avait mis le 18 au soir un veto sur 2 décrets; d'ailleurs, il li'y a dans la ville de Grenoble que 2,100 ci- > toyens actifs, et cependant il s'en trouve 3,054 dans cette adresse, de sorte» qu'il paraît que la population s'est tout à coup augmentée de 1,000 à 1,200 personnes.
Il est nécessaire de faire entendre au peuple combien il est abusé par ces prétendues adresses. Celle qui vient de vous être lue est datée de Grenoble, le 19 de ce mois; or, pouvaient-ils, le 19, être instruits d'un refus de sanction qui n'a été manifesté que le 18 ? (Murmures prolongés.)
Les aristocrates se réjouissaient d'avance de ce que le déeret serait vétoté.
Quelques membres (à droite) ; Vous êtes un factieux !
Je ne révoque pas en doute la vérité des signatures des officiers municipaux; mais il est bien étonnant qu'on se plaigne le 19, à Grenoble, d'un refus de sanction qui n'a été donné à Paris que le 18.
Il y a un moUle d'adresses aux Jacobins.
, le jeune. Je demande que nous passions à l'ordre du jour, et que nous nous occupions utilement pour les choses publiques.
Plusieurs membres : L'ordre du jour!
Dàutres membres : La môntioh honorable !
(L'Assemblée renvoie l'adresse à la commission extraordinaire des Douze et passe à l'ordre du jour.)
Un citoyen, Accompagné du sieur Mattéi, prêtre et curé assermenté de la paroisse de Saint-Ni-ctilus de Monter eau-Faut-Yonne, est admis à la barre. Il donne lecture, au nom de ce dernier, d'une pétition dans laquelle le sieur Mattéi réclame contre un attentat commis à son égard par les officiers municipaux de cette ville, qui se sont opposés à ce qu'il fût planté, devant la porte de son église, un arbre en l'honneur de la liberté, et demande que l'Assemblée veuille se faire rendre compte de cette violation à la Constitution et aux droits du citoyen, en mandant les officiers municipaux à sa barre. Cette pétition est ainsi conçue (1) :
» Législateurs,
« Un grand attentat contre la Constitution et les droits du citoyen vient de se commettre en la ville de Montereau. Il est du devoir de l'homme libre dont la conduite patriotique a provoqué cet attentat de vous le dénoncer.
« En ma qualité de curé de la paroisse Saint-Nicolas de ladite ville de Montereau, j'avais ré-„ solu de planter vis-à-vis de la porte de l'église de cette paroisse, un arbre consacré à la liberté. L'isolement de cet arbre, dont je voudrais voir la Cité ombragée et décorée, la déférence qu'on doit aux magistrats du peuple, m'ont déterminé à l'offrir aux officiers municipaux pour être
Slanté dans l'endroit le plus apparent de la ville.
ans ma pétition je les invitais à venir s'asseoir à un banquet fraternel, que cette
solennité aurait aniqié de la joie pure et délicieuse de la liberté, ils n'ont pas jugé à
propos d'obtempérer à Cette pétition que le civisme avait dictée,'ils n'ont pas même daigné y
répondre, tant ils ont craint, â n'en pas douter, ae compromettre là' dignité magistrale dont
le peuple les a revêtus. D'après leur refus, j'ai béni et planté solennel-; lement cet arbre
en haut duquel était une pique surmontée du bonnet de l'égalité et des couleurs nationales ;
à son tronc était attaché cette inscription : «Vive la nation, la loi, le roi; —* on m'a
planté ici pour y être le ralliement des patriotes et l'effroi des aristocrates». Cette fête
civique a eu lieu dimanche dernier; en signe d'allégresse j'avais encore fait attacher, à la
croix du clocher de ladite église Saint-Nicolas, une
« Législateurs, vous apercévez Combien la conduite de la municipalité de Montereau est contraire à la loi. Elle a violé la Constitution, qui permet aux Français de faire tout ce que la loi ne défend pas ; elle a foulé aux pieds les droits de l'homme et du citoyen, que garantit la Constitution, èt elle a presque donné! lieu à une insurrection en déployant un appareil militaire, dont elle ne doit s'environner que lorsque de grands troubles exigent des mesures rigoureuses. Dépouillé de ma cure par le despotisme, un jugement émané des ma'gistrats du peuple m'y' a réintégré. Quand l'exécution de ce jugement a nécessité un tel appareil de puissance* quand des hommes égarés par des suggestions perfides et fanatisés par un prêtre iion desservant se sont révoltés contre la loi ét ses ministres, la municipalité de Montereau né s'èst pas montrée aussi vigilante. On opprimait un citoyen, on s'opposait à r exécution du jugément èt de la loi, et elle est restée tranquille Spectatrice dè ces délits, qu'elle aurait dû réprimer. Ils étaient trop minutieux sans doute ; il fallait avoir Commis le crime irrémissible de décorer unecloche des couleurs nationales pour attirer toute son attention et la réveiller d'une léthargie que
des séditions ne pouvaient guérir. Dans ces agitations, elle n'avait dortné un régime dé vie que pour prendre un arrêté contraire à un réquisi* toire du commissaire du roi auprès du tribunal de Nemours, qui enjoignait au commandant de la garde nationale de prêter mainforte aux agents exécuteurs de la loi. Telle a été la conduite d'une municipalité dont la formation est irrégulière, puisque plusieurs de ses membres ont été réélus contre les dispositions de la loi* qui défend de confier les fonctions municipales à des citoyens qui s'en vont acquittés, à moins qu'il n'y ait eu une interruption de deux ans. Elle est grandement coupable et doit attirer toute votre attention. Je demande qu'elle soit tenue de venir à votre barre rendre compte de sa conduite et qu'un décret la contraigne de faire replacer des couleurs qu'elle devrait ne voir flotter qu'avec respect et satisfaction.
Législateurs, nous sommes dans un moment de crise où les moindres actes d'une autorité arbitraire de la part des magistrats du peuple sont des crimes contre la Constitution et des attentats contre la liberté, qui peuvent entraîner des maux incalculables. Les Français vous ont confié leur liberté; lorsqu'elle est compromise vous avez à la défendre et à les protéger. J'attends de votre justice la punition des délits graves dont s'est rendue coupable la municipalité de Montereau. Sans doute, vous ne serez pas sourds à la voix d'un citoyen qui a le courage de la dénoncer. Le despotisme cherche à cou^-vrir l'Empire d'un crêpe; il. fait jouer tous les ressorts, veillez, punissez les infractions et la patrie reconnaissante ceindra vos têtes des cou-^ ronnes qu'elle réserve à ses défenseurs. Je vous prie d'agréer un louis en or et un assignat de 50 livres que j'offre à la nation. (Applaudissements.) Si je ne puis porter les armes pour elle, je lui rends les services qu'elle a le droit d'attendre de tout citoyen, en inspirant à mes paroissiens l'amour de la Constitution, en leur lisafit tous les dimanches les lois qui émanent du Corps législatif.
« Signé : mattéi, curé.
Je demande l'ordre du jour sur cette pétition; c'est à leur département que ces citoyens doivent s'adresser contre la municipalité dont ils ont à se plaindre.
, le jeune. Je demande l'ordre du jour.
Je .demande le renvoi de l'adresse au comité des Douze, et l'ordre du jour.
(L'Assemblée paSse à l'ordre du jour.)
Je. viens dénoncer un grand attentat à la Constitution* Commis par le directoire du département de la Sommé, qui vient d'usurpé!1 le pouvoir législatif en s'érigeant le représentant, de ses administrés, en déclarant par un arrêté que la chose publique est èn péril, en mettant les gardes nationales de son département où il n'y a pas de troubles, en état perpétuel dè réquisition, et en entretenant des agents particuliers de ce département auprès de la personne du roi, en contravention aux lois, qui défendent de pareilles députations. Rien ne serait plus dangereux dans les circonstances où nous sommes, que de tolérer dé pareils abus de la part des départements. Qui ne voit, Messieurs, jusqu'où pourrait aller une pareille atteinte, si tous les départements se permettaient aujourd'hui
la représentation nationale, et d'envoyer auprès du roi des députations extraordinaires? Il s'éle-verait Assemblée nationale Contre Assemblée nationale. Je vais mettre sous vos yeux cet arrêté inconstitutionnel et l'adresse au roi, rédigé en conséquence dudit arrêté; je les dénonce, et j'en demande le renvoi à la commission des Douze.
Voici, Messieurs, le texte de cet arrêté et de cette adresse :
Arrêté du directoire du département de la Somme.
« Le directoire, extraordinâiremeht assemblé le 22 juin, informé des événements arrivés à Paris le 20 du même mois ;
« A arrêté et arrête ce qui suit :
* Le roi sera remercié de la fermeté qu'il a montrée lors de l'attrotipemeht séditieux du 20 du présent mois, d'avoir soutenu la dignité de la nation, en refusant, au péril de sa vie, de céder aux menaces d'une foule de géns sans aveu, armés contre la loi, et d'avoir usé avéc courage du droit que lui donne la Constitution, dont la garde lui est spécialement confiée : a l'effet de quoi deux députés du directoire du département seront envoyés sur-îe-champ à Paris pour présenter à Sa Majesté'son hommage, son attachement et lê témoignage de la reconnaissance publique.
Ces députés seront chargés de rêndre compté-journellement, au directoire, des manœuvres ët des projets des factieux, de veiller à la Conservation de la personne du roi et de sa famille, et dë périr, s'il le faut, auprès de.lui pour ia défense et le salut de l'Etat. Seront lesdits députés chargés d'offrir le secours des gardes nationaux des 200 bataillons dé ce département, dans le cas où là garde nationale de Paris se trouverait insuffisante pour, assurer la Vie du roi et lâ liberté du Corps législatif : déclaré que les citoyens gardes nationaux de ce département sont, dès à présent, constitués en état de réquisition permanente, et que lës commandants des bataillons désigneront chaque semaine le huitième de leurs bataillons, pour être de planton et prêts à marcher au premier ordre des autorités constituées.' 11 sera donné avis de cette mesure à l'Assemblée nationale et au roi. Pour l'exécution des présentés, le directoire a nommé pour ses députés MM. Le-caièu et Berville, membres de l'administration dé !ce département : Et sera le présent arrêté imprimé et adressé, à la diligence du procureur général syndid, aux directoires de district du ressort, pour être envoyé aux municipalités, qui le feront lire, publier et afficher en la manière accoutumée.
Délivré ledit extrait conforme au registre du directoire dudit département.
Signé : Desjobert, vice-président, Berville, secrétaire général.
Adresse du directoire du département de la Somme, au roi des Français.
Sire,
Nous venons de lire dans les papiers publics, les événements désastreux du 20 de ce mois, et nous députons à l'instant vers Votre Majesté. Nous renouvelons dans vos mains, pour nous et tous les Français du département de la Somme, le serment que nous avons fait tant de fois, d'être libres par la Constitution, de respecter et de dé»
fendre le roi qu'elle nous a donné, et qui ajuré comme nous ue la maintenir.
Une foule égarée par quelques factieux 'a pris les armes malgré la loi ; elle a osé, malgré la loi, se porter vers vous en tumulte, et s'introduire dans une enceinte qui devrait être inviolable. Dés magistrats lâches ou perfides lui en ont fait ouvrir l'entrée : elle vous a parlé au nom du peuple français; elle a réclamé au nom du peuple, contre l'exercice légitime que vous avez fait du droit de sanctionner ou de suspendre les décrets, et contre le renvoi également constitutionnel des ministres qu'une faction dangereuse nous avait donnés; elle a osé... Non, sire, ce n'est point là le peuple de Paris, c'est encore moins le peuple français : non, ce ne sont point les vœux du peuple qui vous ont été exprimés par la très petite portion de ce peuple immense répandu dans toutes les contrées de l'Empire. Le peuple français vous est fidèle; il a juré de maintenir la Constitution; il vous a reconnu, il vous reconnaît pour son représentant héréditaire; il ne prétend pas que son roi puisse être avili ou insulté par les habitants des faubourgs de Paris, ni qu il Soit gêné par les menaces des factieux, ou par tout autre acte, de quelque espèce que ce soit, dans l'exercice des droits que ia Constitution lui garantit.
Au milieu des armes qui vous pressaient, votre cœur, sire, n'a pas palpité; les nôtres se sont brisés au récit de cet attentat.
Nous vous félicitons, sire, nous félicitons la nation entière du courage de son représentant. La Constitution serait détruite, notre propre liberté n'existerait plus si vous cessiez d'être libre.
Continuez, sire, de maintenir la Constitution en la défendant pw les armes contre les ennemis dp dehors, en la conservant au dedans par l'exercice dé tous les droits que la nation vous a confiés.
L'Assemblée prendra, sans doute, toutes les mesures nécessaires pour garantir votre majesté des dangers auxquels les factieux voudraient l'exposer encore ; pour dissiper tous les complots pour en faire punir les principaux auteurs, nous la seconderons de tout notre pouvoir. Nous avons mis en état de réquisition permanente toutes les gardes nationales du département de la Somme. La patrie est en danger, lorsque son roi ne peut pas même jouir de la sûreté individuelle que la loi garantit à tous les citoyens. Les Français de ce département sont prêts à verser leur sang pour défendre la patrie, le roi et la Constitution. Ces trois objets sont indivisibles, et leur sont également chers.
Les administrateurs du directoire du département de la Somme,
Signé : J. Desjobert, vice-président; J. A. Hec-quet, Duhamel, Tondu, Dusestel, Lefebvre, Trancart, Lecaieu, Tattegrans, procureur-général-syndic ; Berville, secrétaire général.
Plusieurs membres à droite : Mention honorable ! (Murmures à gauche.)
Cet arrêté a été pris dans le directoire du département, et non point par le conseil, ce qui met déià le directoire dans son tort pour les mesures de grande police. Il en résulte que ce directoire se permet de prononcer comme
directoire, ce qui est interdit à toutes les administrations qui ne sont chargées que d'exécuter les lois qui leur sont envoyées. Indépendamment de ce vœu, il prononce une chose qui n'appartient qu'à l'Assemblée nationale, c'est dedéelarer que la chose publique est en danger. C'est de vous que cette proclamation doit partir, et non pas d'une administration.
Un membre (à droite) : Mais tous les jours on vous le dit à la barre!
Non seulement le directoire du département de la Somme semble oublier que l'Assemblée est là pour avertir elle-même la nation des dangers qu'elle peut courir, mais après l'avoir déclaré il agit en conséquence, et met toutes les gardes nationales de son département en état permanent de réquisition, quoiqu'il n'y ait point de troubles dans le département. Il va plus loin, il envoie auprès du roi des députés, chargés non seulement de lui présenter l'hommage de ses sentiments, mais encore de veiller à la conservation de sa personne, et d'éclairer les démarches des malveillants.
Plusieurs membres : Des factieux !
11 prend sur lui de proposer à la ville de Paris de lui envoyer des bataillons de son département, et il n'est personne qui puisse reconnaître z un département le droit de les faire, sans réquisitioii, sortir de son ressort. Il se permet d'afficher le trouble, ce qui tend toujours à le provoquer.
Le département de la Somme suppose que les magistrats de Paris ne savent pas faire exécuter la loi ; suppose la force de Paris insuffisante; sous quelque rapport qu'on envisage la conduite de ce directoire, on la trouve nécessairement inconstitutionnelle, irrégulière, et tendant toujours à exciter des troubles. Sur cela je le dénonce. Je dépose les pièces sur le bureau; je demande le renvoi à la commission des Douze.
Plusieurs membres (à droite) : Mention honorable et l'envoi aux 83 départements ! (Murmures à gauche.)
Un membre : Il n'est pas un bon citoyen qui n'ait dans le cœur ce qui est dans l'arrêté.
Le renvoi à la commission des Douze, parce que la dénonciation servira de mention honorable.
Le droit de présenter une adresse aux autorités constituées... (Murmures prolongés.)
Plusieurs membres : La discussion fermée !
(L'Assemblée décrète que personne ne sera entendu.)
Je demande la question préalable pour l'honneur des principes.
(L'Assemblée décrète qu'il y a lieu à délibérer sur le renvoi.)
Je demande si c'est sur la dénonciation.
Plusieurs membres : Sur la dénonciation.
Si c'est sur la dénonciation, je demande à dénoncer la dénonciation. (Murmures.) Si je ne puis vous faire entendre la vérité, aucun sentiment honorable ne pourra plus approcher de cette enceinte. (Nouveaux murmures.)
Je demande la parole. (Bruit.)
Plusieurs membres: L'ordre du jour!
(L'Assemblee refuse la parole a M. Mathieu Dumas.
Plusieurs membres : La division'. (Murmures.)
Je demande... |(Nou- veaux mar mures.)(L'Assemblee decrele que M. Mathieu Dumas ne sera pas entendu.)
(die la So mine) : Je demande laparole (1).
(L'Assemblee decrete qu'il ne sera pas entendu, et renvoie la d6nonciation de M. liasire au comile des Douze pour en I'aire son rapport le lendc- main a sa seance du soir.)
Le sieur Cazin est adinis a la barre. II pric l'Assemblee de s'oceuper incessamment du rap- port d'une affaire qui l'interesse particuliere-nient.
repond au petitionnaire etlui accorde les honueurs de la seance.
Un membra : Je demande que l'Assemblee de- crete qu'elle entendra domain, apr6s la lecture du proces-verbal, le sieur Cazin, petitionnaire. (L'Assemblee adopte cette proposition.)
, le jeune, au nom du comite militaire, presente un prvjel de decret, portant que les colonels el lieutenants-colonels de la gendarmerie nalionale, acluellament en acti- vity, coniinueront leurs services et seront pay6s de leurs appointments jusqn'au lcr avril prochain; Co proiet de dccret est ainsi coni;u (2) :
« L'Assemblee nalionale, considerant que la loi du 29 avril dernier, relative a l'organisation de la gendarmerie nationale, n'ayant pu etre envoyee que lort tard aux directoires de depar- lemeht, la plupart d'entre eux n'ont point en- core adresse au ministre de la guerre les ob- servations qui, d'apres i'article V du titre 11 de cette loi, doivent determiner le choix des colo- nels et lieutenants-colonels, de nianiere a ce que la nouvelle organisation fut delinitivement terminee au lor juillet, decrete qu'il y a urgence.
« LAssemblee nationale, apres avoir entendu sou comite militaire, et decrete I'urgence, de- crete que les colonels et lieutenants-colonels de la gendarmerie nationale, actuellement en ac- livite, continueront leurs services, et seront payes de leurs appointements jusqu'au 1cr aoiit prochaiu; derogeant, a cet egard, a Tarticle lcr du litre II de la loi du 20 avril dernier, qui fixe au lcr juillet la reduction de ces officiers ». (L'Assemblee adopte ce projct de decret.)
, au nom du coinitd de Vordi-naire des finances, fait un rapport (3) et pre- set) te un projet de deer at sur La ratification d'un compromis passd entre L'agent du Tresor pu- blic et les acquireurs de Vancien enclos des Quinze- Vingis; il s'exprime ainsi :
Messieurs, il est du a la nation, par les ac- quereurs de l'ancien enclos des
Quinze-Vingts, tant en capital qu'interets, une somme d'environ 6 millions : plusieurs actes
authentiques lui
El alin quo les dclais qui seront necessaires aux arbitres, pour remplir leur mission, ne soient pas nuisibles a la nation, il a ete arrfite expressement par le compromis, que des ce moment il serait precede, en presence de I'a- gent du Tresor public, apr&s 6 publications, a la vente amiable des terrains et b&timents qui formcnt le gage de la nation, et que le prix pro- venant de cette vente serait verse, savoir: 2 tiers a la tresorerie nationale, et 1'autre tiers eulre les mains d'un des notaires par-devant lesquels se fera la vente.
11 a ete arr6te aussi que jusqu'au moment de la vente, la regie et administration des terrains et baliraents serait l'aite par une personne agreee par la tresorerie nationale, qui vecevra les loyers sous la surveillance de I'agent du Tresor public et d'undes arbitres, el en versera le montant entre les mains du nolaire charge de recevoir le tiers du uroduit des ventes.
Enlin, il a ete arrete que l'Assemblee natio- nale serait priee de decreter que les ventes et adjudicatious qui auront lieu, ne seraient sujet- tes a aucun droit d'enregistremeut, ni de lods et vflnt.p.s.
Yotre comite de l'ordinaire des finances, au- quel vous avez renvoye l'examen de eet acte, a vu que non seulement il mettait a couvert tous les iutertHs et les droits de la nation, au sujet des sommes dues au Tresor public par les ac- quereurs de l'ancien enclos des Quinze-Vingts; raais qu'il tendait bieu evidemment a accelerer le recouvrement de ces sommes, et qu'il avait meme l'avantage dc metlre en quelque sorle dans la main de la nation les proprietes sur lesquelles elle avait seulement une hypotheque privilegiee. Ce que je viens de dire des dispo- sitions de cet acte, sufiira sans doute pour con- vaincre l'Assemblee nationale des avantages qui en resultent pour la nation. Votre connte n'a done pas liesite de vous en proposer la ratifica- tion.
Votre comite vous propose aussi de decreter qu'il ne sera perou, par la regie des domaines, qu'un droit de 15 sous sur chaque vente qui aura lieu en execution du cotnpromis dont il s'agit, et qu'il ne sera repete aucun droit casuel feodal ou censuel.
Cette disposition aura l'effet d'accélérer beaucoup la vente et d'augmenter le nombre des concurrents. D'ailleurs on peut considérer, dès à présent, les terrains et bâtiments de l'ancien enclos des Quinze-Vingts comme biens'nationaux; et vous 6avez que la vente des biens nationaux ne donne ouverture qu'à un simple droit de 15 sous. Quant à l'exemption des droits casuels, en supposant qu'ils fussent dus, elle aura plus particulièrement eneore l'avantage de faciliter la vente et de faire affluer les curieux. Enfin
propriétés dont il s'agit, tionale, en la confirmant, né fera que leur rendre une stricte justice. Je vous propose donc le projet -de décret suivant :
« L'Assemblée nationale^ après avoir entendu le rapport de son comité de l'ordinaire des finances, et la lecture d'un acte en forme de compromis, passé le 18 de ce mois, par-devant Lefebvre de Saint-Maur, et Aleaume. notaires à Paris, entre l'agent du Trésor publie et Louis PommereV citoyen de Paris, représentant les acquéreurs de l'ancien enclos des Quinze-Vingts, voulant faire jouir promptement tant lesdits acquéreurs que le Trésor public, des avantages et de l'effet de ce compromis, décrète qu'il y a urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète :
« 1° Qu'elle approuve et ratifie l'acte en forme de compromis ci^dessus rappelé, et que le pouvoir exécutif veillera à ce que les réserves et conditions y portées soient ponctuellement exécutées.
« 2° Que les ventes et adjudications qui au-rpnt lieu en vertu de ce compromis, ne donneront ouverture qu'au simple aro,it d'enregistrement de 15. sous, et ne donneront d'ailleurs ouverture à aucun droit de lods et ventes ou autres droits casuels. »
(L'Assemblée adopte le décret d'urgence, puis le décret définitif.)
, au nom du comité de liquidation, fait la troisième lecture d'un projet de décret (1) sur la fixation des bases de la liquidation des charges et offices des secrétaires généraux, prévôts, lieutenants de prévôts, greffiers, exempts, fourriers, trompettes, médecins, chirurgiens, apothicaires, aumôniers, chapelains, attachés aux états-majors, de la cavalerie, dragons et des officiers composant la prévôté générale des bandes, et du ci-devant régiment des gardes françaises; ce projet de décret est ainsi conçu.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de liquidation, et
les trois lectures du projet de décret qui lui ont été faites dans les séances des 18 et 31
mai, et dans celle de ce jour 26 juin, sur la fixation des bases de la liquidation des
offices des secrétaires généraux, prévôts, lieutenants de prévôts, greffiers, exempts,
fourriers, trompettes, médecins, chirurgiens, apothicaires, aumôniers, chapelains attachés
aux états-majors de la cavalerie, dragons, et des officiers composant la prévôté générale
des bandes et du ci-devant régiment des gardes françaises, et après avqir décrété qu'elle
Art. 1er.
«' Les offices des états-majors généraux de la cavalerie et des dragons qui n'ont été assujettis ni à la fixation prescrite par les édits de 1756 et de 1774, ni à l'évaluation prescrite par l'édit de 1771, seront liquidés suivant les règles établies pour les ofnces de municipalités et de chancelleries, par les articles 3, 5, 6 et 10 du décret des 2 et 6 septembre 1790, et par l'article 19 du décret du 21 décembre suivant.
Art. 2.
« Les offices de la prévôté générale des ci-devant bandes et régiment des gardes françaises, seront liquidés conformément auxdécrets des^l et 24décembre 1790, por tant fixation des bases de liquidation des officiers ministériels du royaume. »
(L'Assemblée décrète qu'elle est en état de délibérer définitivement, puis adopte le projet de décret.)
(La séance est levée à dix heures.)
a la séance de l'assemblée nationale législative du mardi 26 juin 1792, au soir.
Opinion de M. Pucelle (2) député du département de la somme, sur la dénonciation faite à l'Assemblée nationale le 26 juin 1792, séance du soir, par M. Basire, de l'arrêté pris par le directoire du département de la Somme le 22 juin 1792, 11 heures du matin, au sujet des événements qui se sont passés au château des Tuileries le 20 au même mois, et de l'adresse au roi, rédigée en conséquence dudit arrêté et présentée au roi le 24 juin suivant (3).
Messieurs,
Avant d'être appelé à la législature, je remplissais les fonctions de procureur syndic dans un des districts du département de la Somme, et à ce titre, je dois connaître, plus particulièrement encore, les sentiments qui animent les administrateurs du directoire de ee département.
Ici, Messieurs, je leur dois cette justice que, dans tous les temps, ils ont montré l'attachement le plus inviolable aux principes de la Constitution, la fidélité la plus entière à la nation et au roi, et ce caractère de fermeté qui est nécessaire à des administrateurs pour opérer le bien et assurer l'exécution de la loi ; et ces sentiments,
je les retrouve encore, Messieurs, dans l'arrêté èt l'adresse qu'on vient de vous dénoncer.
Le directoire du département de la Somme y a exprimé, en effet, son ferme attachement à la Constitution, sa fidélité au roi et son respect pour la loi. Par quelle fatalité cet acte de civisme vous est-il donc présenté comme inconstitutionnel?
Mais, Messieurs, M. Basire qui vous l'a dénoncé a-t-il donc fait attention à la date de l'arrêté, et au peu de temps que l'on a mis à sa rédaction? Ali 1 s'il eût pesé ces circonstances, s'il se fût reporté, avant de présenter sa dénonciation, dans le lieu où il a été pris, il y aurait vu des citoyens francs, prompts et chauds, et sans doute, après quelques instants de réflexion, il aurait jugé l'adresse et l'arrêté d'après le caractère naturel des habitants de ce département, et il ne se serait point permis d'en relever quelques expressions qui, pesées dans la balance delà justice et de l'impartialité, ne peuvent être prises en mauvaise part, surtout si on les rapproche du moment où l'on s'en est servi, et du rapport peut-être exagéré des événements qui les ont inspirées.
- C'est sous ce point de vue seul, Messieurs, qu'il faut considérer les adresse et arrêté qu'on Vient de vous dénoncer, et comme, sous ce rapport, ils ne peuvent être l'objet d'une dénonciation fondée, ils ne doivent pâs être renvoyés à votre commission extraordinaire. ' J'ose même dire qu'un décret de renvoi serait en quelque sorte une improbation des sentiments généreux du directoire du département de la Somme, tandis que l'on ne peut voir dans son arrêté, que l'expression vraie ae son attachement à la Constitution et au roi. Car on ne peut être attaché à la Constitution, sans l'être au roi, et au représentant héréditaire de la nation, sans l'être à la Constitution.
L'arrêté, l'adresse dénoncés ne sont donc à mes yeux que des actes du plus pur patriotisme, et j'aime à croire que l'Assemblée nationale jugera qu'ils ne peuvent être trop généralement répandus.
N'étouffez donc pas, Messieurs, par un décret de renvoi, ces sentiments d'attachement que les Français se sont toujours plu à manifester envers leur roi, surtout lorsqu'ils ont pu le croire en danger.
L'Assemblée nationale peut aujourd'hui resserrer le nœud qui de tout temps attacha le Français à son roi : la France entière a les yeux fixés sur sa décision. Les représentants de la nation tiennent son bonheur entre leurs mains, et je pense qu'ils peuvent y contribuer fortement en décrétant la mention honorable que je sollicite, de l'arrêté du directoire du département de la Somme, l'impression et l'envoi aux 83 dé-partemènts du royaume.
Séance du
La séance est ouverte à dix heures. Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres, adresses et pétitions suivantes :
lp Lettre de M. Lajard, ministre de la guerre, sur les demandes en remboursements de frais
extraordinaires des détachements de troupes de ligne et de gardes nationales employées sur les réquisitions des corps administratifs et des municipalités, pour assurer la tranquillité publique dans le royaume.
(L'Assemblée renvoie la lettre au comité de l'ordinaire'des finauces.)
2° Lettre de M. Lajard, ministre de la guerre, pour le règlement du traitement de campagpe.
(L'Assemblée renvoie la lettre au comité militaire.)
3° Lettre de M. Beaulieu, ministre des contributions publiques, qui présente le tableau situation, au 23 juin du présent mois, de ja coi|-fection des matrices des rôles de ia çqqtrihijtipn mobilière de 1791, dans les 83 départements.
(L'Assemblée renvoie la lettre au comité de l'ordinaire des finances.)
4° Lettre de M. Lajard, ministre de la guerre, concernant l'état des appointements de l'état* major de l'armée.
(L'Assemblée renvoie la lettre aux comités militaire et diplomatique réunis.)
5° Lettre de M. Lajard, ministre de la guerre. relative à la suppression et récréation des différents corps de la garde nationale parisienne soldée.
(L'Assemblée renvoie la lettre au comité militaire.)
6° Lettre de M. Gallani de Sairs, sur la qualité de citoyen actif, réclamée par les sieurs Provet frères.
(L'Assemblée renvoie la lettre au pouvoir exécutif.)
7° Pétition du sieur Le fis-Genest, en réclamation des biens qui furent enlevés à sa famille lors de la révocation de l'édit de Nantes".
(L'Assemblée renvoie la pétition au pouvoir exécutif.)
8° Pétition des habitants du Gratid-Lucè, relative aux dédommagements qu'ils prétendent leur avoir été accordés pour cause d'un incendie qu'ils ont éprouvé.
(L'Assemblée renvoie la pétition au comité de l'ordinaire des finances.)
9° Pétition du sieur Duielle, curé, relative à une pension.
(L'Assemblée renvoie la pétition au pouvoir exécutif.)
10° Pétition des sieurs curé, margu\lliers et officiers municipaux de la paroisse âe Bayle, département de la Marne, concernant une indemnité relative à un vol qui a été fait à leur fabrique.
(L'Àssemblée renvoie la pétition au pouvoir exécutif.)
11° Pétition des habitants de Coulaines, tendant à la conservation de leur paroisse.
(L'Assemblée renvoie la pétition au comité de division.)
12° Pétition des sieurs Dufrensentel et Pichery, à fin de réformation de 1a reconnaissance de liquidation d'une rente viagère, dont les termes doivent être payés d'avance.
(L'Assemblée renvoie la pétition au comité de liquidation.)
13° Pétition des dames Walftk, Bayard, Sager et Hileu, à l'effet d'obtenir un secours.
(L'Assemblée renvoie la lettre au comité des secours.)
14° Lettre de M. Dufresne-Saint-Léon, liquidateur général, qui demande une loi pour savoir s'il peut délivrer des reconnaissances de liquidation séparées, à ceux qui sont possesseurs de différents offices qui ont été liquidés sous le même numéro.
Un membre : Je demande que l'Assemblée passe à l'ordre du jour motivé sur ce que la loi ne suspend la liquidation que des sommes au-dessus de 10,000 livres.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour, motivé sur ce que, dès qu'une créance sur l'Etat n'excède pas la somme de 10,000 livres, elle est, aux termes mêmes du décret du 15 mai 1792, susceptible d'être remboursée en assignats, et que rien ne doit empêcher que le remboursement de chaque créance ne soit effectué sur une reconnaissance particulière, quoique plusieurs soient possédées par la»même personne et aient été liquidées sous le même numéro. L'Assemblée ordonne ensuite qu'extrait de son décret sera envoyé au commissaire liquidateur.)
Sur la motion de.faire payer par le Trésor public les frais occasionnés par les émeutes qui ont eu lieu dans différents départements (1), vous avez renvoyé la demande au comité des finances comme s il s'agissait d'une simple ordonnance. Ce renvoi ne remplit pas vos intentions, car il n'y a aucun de nous qui ne sente combien il serait injuste et impolitique de faire payer à tous les départements les séditions qui s'élèvent dans un seul. Quand les citoyens de ce département sauront qu'ils seront les payeurs des troubles qu s'élèveront chez eux, ils seront très attentifs à les empêcher; il faut adjoindre leur intérêt à leur patriotisme, faire de la sûreté publique une affaire qui leur soit personnelle, les rendre responsables des dépenses, selon le vœu de la loi. Comme il n'est question ici que de statuer dans ce sens, et de confirmer les dispositions sages, propres à maintenir la tranquillité publique, je demande que le comité de législation soit adjoint au comité des finances, non pour statuer comment le Trésor payera, mais comment et de quelle manière les départements où les séditions se sont élevées, payeront, et payeront seuls.
(L'Assemblée adopte cette proposition.) ,
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une adresse des administrateurs du directoire du département de l'Indre, qui déclarent avoir appris avec regret que l'asile du roi avait été violé dans lajournée du 20 juin, et prient l'Assemblée de prendre des mesures pour assurer la liberté du représentant héréditaire de la nation et celle de ses délibérations. Ils espèrent, disent-ils, qu'à l'avenir il ne se commettra plus de semblables attentats et ils demandent que les auteurs, et fauteurs de cet attroupement soient poursuivis, et qu'on éclaire la conduite de la municipalité, qui, malgré l'arrêté sage du département, ne s'est pas opposée à ces excès, qu'elle ne pouvait prévenir.
Plusieurs [membres (à droite) : Mention honorable I
D'autres membres (à gauche) : L'ordre du jour !
Je vois que continuellement l'Assemblée nationale discute très longtemps pour savoir si on fera mention d'une adresse ou si on l'approuvera. Vous avez créé une commission. Je demande que les adresses soient lues, et de suite renvoyées à la commission extraordinaire des Douze, qui vous fera un rapport de toutes ces adresses, et vous déciderez si vous devez, ou non, décréter mention honorable.
Un membre : J'observe à l'Assemblée qu'on a décrété plusieurs fois la mention honorable et l'envoi aux départements de diverses adresses incendiaires ; je m'étonne qu'on refuse la faveur de la simple mention honorable à une adresse sage et constitutionnelle.
(L'Assemblée adopte cette proposition de M. Rréard et renvoie l'adresse à la commission extraordinaire des Douze.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une adresse des citoyens de la ville de Rennes, qui témoignent leurs regrets sur le renvoi des trois ministres, exposent que le veto du roi apposé sur les deux derniers décrets, contre les prêtres réfractaires et la constitution d'un camp de 20,000 hommes près Paris, est un acte arbitraire proscrit parla Constitution, et prient l'Assemblée d'en prévoir les effets par sa sagesse. Cette adresse est ainsi conçue : (1)
« Rennes, ce
« Législateurs,
« A la nouvelle du renvoi des ministres patriotes, Roland, Servan et Clavière, les citoyens de Rennes auraient été enpruieaux plus cruelles angoisses, si leur confiance en votre courage ne les avait rassurés.
« On n'en peut plus douter ; d'affreux projets se méditent contre la liberté. Mais vous êtes les représentants du peuple; mais vous voyez les malheurs qui la menacent, nous ne désespérons poînt du salut de la justice.
« Le roi prétend frapper du veto les décrets d'urgence que la sûreté publique exigeait; c'est l'acte d'une autorité arbitraire. Si vous n'y remédiez pas, il n'y aurait plus ni souveraineté dans le peuple, ni pouvoir dans ses représentants, ni Constitution ; il n'y aurait plus qu'un despote et des esclaves. Le veto suspensif sur les décrets d'urgence n'est qu'un veto absolu.
« Déclarez donc que les décrets de cette espèce n'ont pas besoin de sanction, et la France reconnaissante applaudira à ce grand pas que vous aurez fait pour sa liberté et son bonheur.
« Croyez, législateurs, que nous ne désavouerons aucune des mesures que vous pourrez prendre et que les circonstances exigent. Elevez la nation à toute la hauteur de sa destinée et soyez assurés, que tout notre sang est prêt à couler pour le maintien et l'exécution des décrets que votre prudence et la nécessité doivent vous dicter dans ce moment décisif. »
« Les citoyens de Rennes. » £Suivent une foule de signatures.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre de M. Duranthon, ministre de la
justice, qui envoie l'état des décrets sanctionnés, ainsi qu'il suit:
dates des décrets.
1* juin 1792.
9 juin 1792.
10 juin 1792. 17 juin 1792.
18 juin 1792
19 juin 1792.
19 juin 1792.
titre des decrets.
Décret qui accorde 600 livres à la dame Martin, épouse du sieur Lavarenne.
Décret relatif aux pensions.
Décret relatif à la demande du sieur Rossel.
Décret relatif à l'incorporation des gardes des ports dans les compagnies de gendarmerie nationale, de service près les tribunaux de Paris.
Décret reratif au transport des vivres et fourrages de l'armée.
Décret qui ordonne le brûlement des titres généalogiques qui se trouvent dans les dépôts publics.
Décret qui charge la caisse de l'extraordinaire de rembourser la somme de 14,000 livres aux héritiers du sieur de Graverie.
« Paris, le 25 juin 1792, l'an IVe de la liberté.
dates des sanctions.
24 juin 1792.
24 juin 1792.
24 juin 1792.
24 juin 1792.
24 juin 1792.
24 juin 1792.
24 juin 1792.
« Signé : DURANTHON. »
Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres, adresses et pétitions suivantes :
1° Lettre de MM. Rovère, député extraordinaire d'Avignon, qui annonce que ce n'est plus le peuple qui viole la loi dans cette contrée, mais que c'est maintenant le tour des commissaires civils qui y ont été envoyés pour assurer la paix.
Et moi, je soutiens que ce sont deux partis qui se décnirent;je demande le renvoi de la dénonciation aux comités chargés de l'affaire d'Avignon.
(L'Assemblée renvoie la lettre aux comités chargés de cette affaire.)
2° Adresse des citoyens de la ville de Nancy, qui expriment leurs regrets sur le renvoi des trois ministres et demandent que l'Assemblée examine si elle ne pourrait pas ôter au roi le veto sur les décrets des circonstances. Cette adresse est ainsi conçue : (1)
« Nancy, le
« Législateurs,
« Au milieu des dangers qui le menacent, le peuple français compte uniquement sur lui.
Notre liberté est menacée, l'impunité enhardit nos ennemis extérieurs, et tous les vils
intrigants qui veulent, par des revers et des divisions intestines, nous forcer à composition
périssent. Tous ces scélérats, également à craindre, nous saurons bien dans notre département
les maintenir, ou les dénoncer aux tribunaux; mais vous seuls pouvez tarir le mal dans sa
source, vous seuls pouvez couper la tramé perfide, dont tous les fils se sont ressentis parmi
nous. Le foyer de la conjuration est dans le sein de la capitale de l'Empire, ses complices
entourent le lieu de vos séances, ils cherchent à vous dissoudre ou à vous avilir, ils
assiègent le trône et précipitent le roi dans des mesures également dangereuses et pour nous
et pour lui. Ils veulent donc le
« Portez le flambeau et la terreur dans cet antre où se trament les complots les plus perfides, les prémices n'en sont plus équivoques. Outre les pièces nombreuses dont vous avez renvoyé l'examen à vos comités, la conduite du pouvoir exécutif et de ses meneurs a porté la conviction au plus haut degré : ils ne se donnent plus la peine de feindre et se croient dans ce moment assez forts pour asservir la nation et ses représentants. Voilà pourquoi ils ne veulent pas nous purger des prêtres réfractaires et séditieux, voilà pourquoi ils s'opposent au rassemblement des 20,000 patriotes qui couvriraient cette partie de l'Empire contre toute invasion ennemie et qui en imposeraient à la horde contre-révolutionnaire qui se réunit de toute part dans la capitale. Voilà pourquoi ils cherchent à égarer la garde nationale parisienne et à la soulever par les plus horribles calomnies contre leurs frères des départements. Mais nous resterons
unis malgré leurs efforts, nous conserverons la çpnfî^pce la plus éteiï)Jne popr pos fyères, comme ils la conserveront pop/ hpus, et çpfje pinon intime et inaltérable confondra leurs * projets criminels. Nous avons des bras et du courage pour çpmbattre les ennemis du dehors, majs c'est à Votre fermeté à terrasser et à anéantir nos ennemis intérieurs. Nous savons que vous avez fait beaucoup pour y parvenir et que le fatal veto paralyse toutes vos opérations ; mais ce veto deyient absolu pour tous les décrets de circonstances que nécessitent l'urgence et la grandeur du péril, et cependant la Constitution n'accorde au roi que le veto suspensif. Législateurs, pesez cette réflexion dans votre sagesse et voyez si, sans blesser la Constitution, il est un moyen de limiter une autprjté, qui n'a été donnée aq roi que pour le bonheur du peuple, mais qui dans ce moment de crise compromet évidemment sa sûreté.
« Npq§ flnirons par une vérité terrible mais incontestable; si vou§ ne prenez l'attitude impor santé qui convient à la grandeur du danger; si vous ne frappez incessamment Jes conspirateurs et les factieux, ou si le pouvoir, fait pour nous protéger, refuse de faire exécuter vos décrets, vous verrez le peuple ne prendre conseil que de son désespoir, vous le verrez suppléer à l'insuffisance des lpis et faire usage de la souveraineté qu'il vous a çjéléguée et qu'il ne peut exercpr ejji masse sans causer les plus grands malheurs. '
« Préservez-qous, législateurs, d'qpè cqpyul-siqn aussi funeste. Plus de composition pee les traîtres, plus de ménagements pour les parjures dans quelque place éminente qu'ii§ se trouvent. Le s^lut du peuplé est Ta suprême lpi ; le protéger est votre devoir^ le nôtre est de vous défende. Vivrpi libres ou mourir, voifà nqs serments communs : remplissons chacun 'nQt'rp tâche et ]a France séra sàùvée. »
Cette ^dressé est accompagnée de 8 pages de signature?, certifiées par la municipalité de Nancy 1
« Le corps qaunicipa] de la cqmipune de Nancy atteste que les pitoyeqs qui 'opt signé l'adresse ci-dessus ont rempli lofs de léur assemblée les formalités prescrites par loi pt que tous sont habitants d| cette pommqne. »
« Fait en mqhîcipalité, le 1 ^ jqirj 1792.
(Suivent deux signatures.)
(jj'Asgerpbl^e renvoie l'adresse à la commission extraordinaire Qouze.)
3° Pétition des wçiive et officiers municipaux de Beauteil, sur les difficultés qui s'élèvent relativement à la cirçqncriptiqn de leur paroisse. Cefté pétition esf ainsi conçue :
Département de Seine-et-Marne, district de Rozoy, canton de Coulommiers, municipalité de Beauteil:
« Messieurs (1),
« Le jpaire et les officiers municipaux de Beautei] ont l'honneur de vous représenter qu'il
S'ëîévè up différend entre leur paroisse et celles qijf l'avqi^iqept» entre autres, Vaudoy et
la Bois-sière, sur les confins de leur territoire, dont les
« Comme ces plans et terriers doivent être maintenant dans les dépôts nationaux à Paris, nous voqs prions de vouloir bien ordonner que les plans et terriers de ladite seigneurie de Maillard nous soient communiqués, aux conditions que vous jugerez à propos d'imposer, pour que nous puissions fixer nos limites et asseoir les impositions d'une manière certaine et enfin faire cesser ce (Jifférepd et rétablir l'union entre nos voisins et nous,
« Nous sommes, avec la plus sincère fraternité...
« Le maire et les officiers municipaux de Beauteil.
Signé : goury, Lallier, Delaunoy, Martin, Goué, Leclerc, Magnant, maire.
(L'Assemblée renvoie la pétition au comité de division.) "
Un de MM. les secrétaires annonce les dcjns patriotiques suivants :
1° Les administrateurs dut directoire et du conseil du département de Rhône-eï-Loife et \e lieutenant-colonel de la gendarmerie de ce département en voient 3,090 livres en assignats.
2° Les citoyens composant la çompqgnie de chasseurs de la légion biteroise envoient un récépissé du district de Béziers, auquel ils ont remis en assignats 307 1. 10 s. et 72 livres en espèces.
3° La municipalité et guelqws citoyens de Troyes envoient en assignats 83a 1. 5 s. et 13 1. 10 s. en espèces.
4° Le tribunal d'il (tistïiçf d'Ajx epvoie, en assignats, 700 livres^
5° Le sieur Lerat, curé de Forges-les-Eaux, district cj,e Gournay, offre 2û livres, en assignats.
6° Le sieur Oudin, citoyen de Paris, envoie en assignats, 5 livres.
(L'Assemblée accepte ces offrandes avec les plug vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au prpcès-verbal, dont un extrait sera remis aux donateurs.)
Un citoyen de Paris est admis à la barre. Il offre en espèces 3d livres à la patrie pour subvenir aux frais de la guerre. (Fi/s applaudissements.) Il jure de combattre tous les factieux de quelque parti qu'ils soient, et demande à l'Assemblée d'ordonner le dépôt du rapport sur une pétition qu'il a présenté lë'}2 juin, dans le but de faire assujéttin au droit de patente les receveurs à rente des villes appelés grippe-sous.
rçpoftd au pétjtioupairçi et lpi accorde lpg hVnppnr§ ]a séance*»
La demande qu'a ftHe Je pétitionnaire tpe parait infiniment ju§fe, mais je ne la crpis pas susceptible de rapport. Il a demandé que lés receveurs de rentes, qui sont connus à Paris sous le nom de grippe-sous, fussent soumis au droit de patente ; ii me semble que dès qu%n
exerce une profession on doit prendre une patente, la loi est précise à cet égard. Il faut que ces vampires, qui dévorent les départements, participent pour quelque chose aux besoins de la patrie. Je demande donc qu'on passe à l'ordre du jour, motivé sur ce que la loi astreint tous ceux qui exercent une profession à prendre une patente.
(L'Assemblée, après avoir accepté cette offrande après les plus vifs applaudissements et décrété que mention honorable en serait faite au procès-verbal, dont un extrait serait remis au donateur, adopte la proposition de M. Cambon.)
Les sieurs Leplâtre frères sont admis à la barre. L'allié, papetier à Montpellier, offre à la patrie 50 livres en assignats; le second, domicilié à Lyon, offre 20 livres.
leur répond et leur accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée accepte ces offrandes avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis aux donateurs.)
Un membre, au nom du comité de division, propose à l'Assemblée de déclarer vérifiés et valables les pouvoirs du sieur Pierre Dubouchet, premier suppléant du département de Rnôneret-Loire, en remplacement de M. Jovin-Molle, qui a donné sa démission.
(L'Assemblée adopte cette proposition.)
monte à la tribune et prête le serment prescrit par l'Acte constitutionnel (1).
, au nom du comité de législation, présente un projet de décret sur la pétition du sieur Jean-Baptiste Cazin (2), natif de Paris; ce projet de décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, après avoir ouï le rapport de son comité de législation, sur la pétition de Jean-Baptiste Cazin (3), natif de Paris.
« Considérant que la loi a établi des tribunaux, et que les tribunaux sont ouverts à tous
les ci-
« Décrète qu'il p'y a pas lieu à délibérer sur la pétition de Jean-Baptiste Cazin. $ (L'Assemblée adopte le projet de décret.)
, au nom du comité des domaines, présente un projet de décret (1) sur la demande en emprunt de 10,000 livres des administrateurs de VHôtel-Dieu de Crécy ; ce projet de décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, considérant qu'il est aussi pressant qu'indispensable de fournir au fermier du domaine de Wiermont, dépendant de l'hôtel-Dieu de Crécy, département de PAisne, une grange propre à" recevoir la récolte de la présente année, décrète qu'il y a urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence et ouï le rapport ae son comité des domain s, décrète que les administrateurs de l'Hôlel-uieu de Crécy sont autorisés à emprunter jusqu'à la concurrence de la somme de 10,000 livres pour servir à la reconstruction d'une grange sur le domaine de Wiesmont, conformément à leur pétition.
« Lesdits administrateurs sont pareillement autorisés à faire procéder à la reconstruction dont i s'agit, sous la surveillance des corps administratifs, et moyennant ce, les sommes empruntées et employées à cette reconstruction, seront affectées sur tous les biens dépendant du dit hôpital. »
(L'Assemblée décrète l'urgence, puis adopte le projet de décret.)
, au nom du comité de Vextraordinaire des finances,, présente w» projet de décret portant qu'Usera incessamment fabriqué pour millions d'assignats de 100 sols; ce projet de décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, considérant que le nombre des assignats de cent sols, décrétés jusqu'à ce jour, se trouve dans une proportion inférieure aux besoins de l'Administration et du commerce, décrète qu'il y a urgence.
« L'Assemblée nationale, sur le rapport de son comité de l'extraordinaire des finances, décrète que par les soins et sous la responsabilité des commissaires-directeurs à la fabrication des assignats, il sera incessamment fabriqué pour 100 millions de livres d'assignats de 100 sols, dans les formes et les dimensions qui ont eu lieu jusqu'à ce jour, pour lesdits assignats être employés à l'échange d'assignats de plus foçte valeur ».
(L'Assemblée décrète l'urgence, puis adopte le projet de décret.)
, au nom du comité de législation, fait un rapport et présente deux projets de décret (2), pour prohiber la réunion de plusieurs fonctions publiques sur la même personne; il s'exprime ainsi :
Messieurs, un des abus les plus scandaleux de l'ancien régime était la réunion de
plusieurs emplois publics dans la main de celui qui suppléait à son mérite par son argent,
et souvent même à son argent par son intrigue. Ce vice honteux d'un gouvernement corrompu a
dû dis-
Déjà plusieurs abus se sont fait remarquer à cet égard; le plus important, c'est la réunion de
Plusieurs places sur la tête du même individu.oici les observations que votre comité croit devoir vous présenter sur cette matière; on se doit tout entier à l'emploi qu'on accepte et on ne peut en réunir plusieurs sans diviser nécessairement des soins qu'on ne peut partager sans les affaiblir; le bien du service exige donc qu'un fonctionnaire public ne puisse réunir plusieurs emplois; et il est inutile de vous faire observer combien il est indispensable de maintenir religieusement ce principe, pour entretenir cette utile émulation qui attache tous les citoyens au gouvernement.
11 est bien rare que la nomination de la même personne à plusieurs places soit un hommage aux talents et aux vertus, et des lois générales ne doivent pas être fondées sur des exceptions particulières. Sans mettre des bornes à la confiance du peuple, les législateurs peuvent lui apprendre à la faire tourner plus utilement à son profit, et le peuple ne sait point assez, que les hommes les plus laborieux ne peuvent pas suffire à des fonctions trop multipliées. 11 est d'ailleurs une hypocrisie de zèle sous laquelle l'intrigue sait se cacher, et notre Constitution serait bien imparfaite si l'intrigue pouvait aujourd'hui, comme autrefois, déshonorer la nomination aux places publiques. Ces considérations ont paru suffisantes à votre comité pour vous proposer de défendre la réunion de plusieurs emplois publics sur une même personne, en dérogeant à toutes lois antérieures, qui autorisaient quelques-unes de ces réunions, votre comité, Messieurs, ne doit pas vous dissimuler que le projet de loi qu'il va vous proposer, n'atteindra pas le but d'utilité universelle que pourrait procurer une loi générale sagement combinée, qui détruirait les vices de notre mode électif; mais il ne s'est pas livré à l'examen de ce travail important, parce que, d'une part, vous l'aviez renvoyé précédemment à votre comité de division, et que, d'un autre côté, vous avez demandé à votre comité de législation, un rapport particulier pour prohiber la réunion de plusieurs fonctions publiques sur la même personne. 11 m'a chargé néanmoins de rappeler à cet objet important l'attention de l'Assemblée, et de lui faire observer que le sort de la Constitution dépend peut-être des précautions qu'on prendra pour assurer la sagesse du choix des différents fonctionnaires publics; votre comité pense, qu'il serait convenable d'ajourner à jour nxe le rapport de votre comité de division sur cet objet, et il vous propose le décret suivant :
Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu
le rapport de son comité de législation, considérant que rien n'est plus contraire à la Constitution, au droit qu'elle assure à tous les citoyens, d'être également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, à l'exactitude et au bien du service, que de permettre à des citoyens de réunir plusieurs emplois publics, et qu'il est pressant d'arrêter, dès son origine, un abus aussi dangereux; décrète qu'il y a urgence.
Décret définitif.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
« Art. 1er. Personne ne pourra exercer en même temps plusieurs
emplois publics, administratifs, judiciaires, militaires ou autres, soit à la nomination du
peuple, soit à celle du pouvoir exécutif.
« Art. 2. Ceux qui sont en ce moment pourvus de plusieurs de ces emplois, seront tenus d'opter dans la quinzaine après la publication du présent décret.
« Art. 3. A défaut de cette option, ils seront censés conserver celui de ces emplois auquel ils ont été premièrement nommés, et ils seront remplacés dans les autres suivant la forme prescrite par les lois.
« Art. 4. L'Assemblée nationale déroge à toutes lois contraires aux dispositions précédentes.
Autre décret.
« L'Assemblée nationale ajourne à huitaine le rapport de son comité de division sur le mode électif. »
(L'Assemblée ordonne l'impression du rapport et des projets de décret, et ajourne la discussion. )
, au nom du comité des secours publics, présente un projet de décret (1) sur la nécessité d'avancer, à titre de prêt, à la municipalité d'Angers, la somme de 100,000 livres, pour procurer des moyens de subsistance à ses pauvres; ce projet de décret est ainsi conçu :
Décret d'urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des secours publics, considérant les dépenses extraordinaires que la municipalité d'Angers a été obligée de faire pour procurer du travail à la classe nombreuse de ses pauvres, l'épuisement qu'elles lui ont occasionné, et la nécessité de venir promptement à son secours, décrète qu'il y a urgence.
Décret définitif.
« L'Assemblée nationale, après avoir préalablement décrété l'urgence, décrète qu'il sera
payé par la caisse de l'extraordinaire, à titre de prêt, a la municipalité d'Angers, la somme
de 20,000 livres par mois, à compter du 1er juillet prochain, jusqu'au 1er décembre
exclusivement, lesquelles sommes seront rétablies successivement par mois dans cette caisse,
dans la même proportion, en capitaux et intérêts, à compter du 1er décembre 1792, sur le
produit des sous additionnels aux contributions foncière et mobilière à imposer en 1792, et à
la garantie du seizième,
« Les payements seront faits à la municipalité d'Angers, avec l'intervention du directoire du département de Maine-et-Loire, qui en surveillera l'emploi.
Nous avons déjà refusé à plusieurs communes du royaume de semblables secours, et je ne vois pas pourquoi nous en accorderions plutôt à la ville d'Angers. On vous dit qu'elle a des créances à répéter contre la nation ; qu'elle se pourvoie auprès du commissaire-j liquidateur, et après cela, s il est reconnu qu'on lui doive quelque chose, nous lui payerons. Nous ne sommes point dans le cas de prêter ainsi de l'argent à toutes les municipalités, puisque nous avons restreint la quotité de nos payements. Le rapporteur motive particulièrement sa demande sur ce que cette ville est patriote; mais j'observe que toutes les villes du royaume sont dans le même cas, et que c'est précisément parce qu'une ville qui demande de l'argent est patriote, qu'il faut éconduire sa demande; car le patriotisme des citoyens est la plus riche ressource.
Je demande, en conséquence, la question préalable.
Plusieurs membres : Appuyé.
Bientôt on regarderait le Trésor public comme une banque de prêts, dans laquelle chaque ville viendrait puiser. Je demande la question préalable sur la demande qui vous est faite, afin que l'on sache, une fois pour toutes, que nous navons pas suspendu les payements des créances liquidées pour faire des prêts.
(L'Assemblée décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur le projet de décret du comité des secours publics.)
Voici, Messieurs, le résultat du scrutin public pour l'élection du vice-président :
Membre de votants....................514
Majorité absolue..........................257
M. Aubert-Dubayet a obtenu.. 274
M. Delacroix.................240
En conséquence, je proclame M. Aubert-Dubayet, vice-président de l'Assemblée.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de décret du comité de législation sur le mode par lequel les naissances, mariages et décès seront constatés (1).
, rapporteur, donne lecture de l'article 5 du titre III, qui devient l'article 7, et qui est ainsi conçu :
« Il sera dressé acte de cette déclaration sur le registre double à ce destiné ; cet acte sera signé par le père ou autres personnes qui auront fait la déclaration, par les témoins et par l'officier public ; si aucun des déclarants et témoins ne peuvent, ou ne savent signer, il en sera fait mention. »
(L'Assemblée adopte, sans discussion, l'article 7.)
, rapporteur, donne lecture de l'article 8 (ancien 6) ; il est ainsi conçu :
« En cas d'accouchement chez des chirurgiens ou sages-femmes, dans des hôtelleries ou
cnam-
Je demande que l'on n'insère point dans l'acte quel est l'état de l'enfant.
11 y a un très grand danger de permettre, et encore davantage d'ordonner une telle inquisition sur l'état des enfants naturels.
Ou l'enfant est né d'un mariage légal, ou il est né d'une union méconnue par la loi.
Dans le premier cas, vous ne devez pas préjuger de la part d'un père ou d'une mère l'intention de jamais priver leur enfant de son état.
C'est le parri iae que le Code pénal n'a pas voulu prévoir ni supposer.
Si l'un d'eux pouvait avoir une pareille idée, l'autre s'y opposerait sans doute, et sa déclaration suffirait pour y suppléer pendant l'existence du mariage.
Si, d'un autre côté, c'est la pauvreté qui les engage à abandonner leur enfant, la nation doit s'en charger, et l'élever plutôt que de le laisser entre les mains de ceux qui craignent de ne pouvoir pas le nourrir.
Dans le cas où l'enfant est le fruit d'une union inconnue au public, vous n'avez le droit que de constater sa naissance pour le protéger. Vous ne pouvez pas avoir d'inspection sur les mœurs privées des citovens; il ne faut pas vouloir établir des recherches qui portent le trouble dans les familles.
Mais ce qui est déterminant, c'est que si vous vous décidiez à établir ces recherches pour l'intérêt de l'enfant, vous n'atteindriez pas votre but; vous exposerez, au contraire, la vie d'une multitude d'individus que les mères, effrayées de vos recherches, pourront sacrifier, tant qu'il sera honteux pour une femme d'avoir été trompée, tant qu'il sera honteux dans ce cas d'allaiter son enfant et de remplir les plus saintes obligations de la nature.
Je demande donc la suppression du mot état dans l'article.
Le préopinant vous propose de rapporter l'article décrété hier; car vous avez décrété hier que l'on emploierait dans la déclaration les noms, prénoms des père et mère. Il parait, Messieurs, que le préopinant voudrait que l'on constatât seulement la naissance de l'enfant, que l'on dît ; un enfant est né. Mais ce n'est pas seulement pour cela que la loi veut que l'on constate la naissance, c'est pour connaître que telle personne tient à telle famille, et que même, si l'on n'y est pas légitimement attaché, on aura des droits contre le père, contre la mère, pour la nourriture; car les père et mère légitimes sont obligés de nourrir leurs enfants. Il faut donc que 1',on connaisse nécessairement que l'enfant est fils de tel ou telle. Si l'on ne connaît pas le père, dans le cas de légitimité, on n'en fait pas mention; mais si la mère est connue, on en fait mention, car elle doit des aliments à son fils. La société s'en chargerait à défaut de la mère; et si le père est connu, il en devra. Je crois, Messieurs, que des lois humaines pourront encore ordonner que la famille naturelle pourra donner des aliments à l'enfant, ou que les ascendants naturels pourront peut-être en donner, c'est ce que votre comité de législation examinera. Je propose donc la question préalable sur la motion du préopinant.
J'obsërve* Messieurs, que l'article qui à été décrété hier De concernait que les enfants dont on voudrait connaître les noms des père et mère. Gela est si vrai, que quand vous avez voulu connaître les père et mère, vous avez ajouté, dans l'article, cette disposition : s'ils sont connus par les déclarants. Ici, il s'agit des enfants qui naîtront chez les chirurgiens, chez les sages-femmes, qui sont le fruit d'une union clandestine; et d'un autre côté, vous iriez contre l'intérêt de l'ehfànt, et vous l'exposeriez à être sacrifié.
Il serait donc sans douté à souhaiter que hotre Gonstitutioh régénérât pos ihtSéurs au point que le secret sur lés accouchements pût être défendu ; mais nous né devôns pas encore nous en flatter* et vous exposez une grande partie de la génération â être étouffée plutôt que d'obliger une fille qui aura eu une union illégitime à se nommer et à nommer celui avec qui elle l'aura eue. (Bruit.)
Il est impossible de rechercher l'état del'enfant, Sans refhonter au père et à la mère, et alors Viendra cette autre question : s'il sera bon de savoir si la moralité n'empêchera pas de faire connaître l'un ou l'autre. Je demande dbhc, Monsieur le Président, qu'au lieu d'éCàrter ce mbfc par la question préalable, §il lé rehvolë au cbmlté de législation, polir faire SUite aux principes que vôùs Serëz dans le câB de décréter; mais jë m'opposë a Ce qu'il soit écarté par lâ question préalable.
J'ai substitué 3 articles à ceux du comités Par ce moyen, cela change toute l'économie du plan du comité; les motifs sur lesquels maintenant l'on discute, se trouvent à la un des articles qui sont écartés. Il faut donc qu'on les place ailleurs : ainsi, Messieurs* vous aveâ d'abord arrêté que la déclaration serait faite et reçue dans tel délais Vous avez ensuite arrêté par quelle personne elle serait faite, et Vous avez arrêté ensuite ce qu'elle contiendrait, et de quelle manière serait dressé l'acte. Il faut ! maintenant supposer un autre cas : c'est celui ou ceux qui seraient chargés de faire la déclaration, ne la feraient pas. Il faut donc trouver une peine, soit contre le père, qUi ne déclare pas, soit contre lé chirurgien, Soit contre lë chef de la maison : c'est lâ eé qu'avait voulu remplir M; lé râpportèur* eh mettant â la fin de l'article ; « et l'officier public fera le'é diligences nécessaires pouf constater la naissance et l étal de l'enfant. »
, rapporteur. Quand le comité de législation avait à rédiger l'article 4, sur lequel vous êtes resté hier, vous vous êtes aperçus, Messieurs, (Jue cette rédaction avait été faite dans le cas général du mariage, qui est la voie la plus ordinaire d'aVoir des enfants, puisqu'H avait dit qu'il serait fait mention dans la déclaration, du lieu et de la daté du mariage^ Si, après cela, on prévoit le cas où il peut naître des enfants d'une autre conjonction quelconque, on peut en faire Un article additionnel, où l'on prévoit tous les cas d'exception- Toujours est-il utile que, quand faire se pourra, on constate la naissance et l'état de l'enfant,
A l'HÔtel-Dieu de Paris, il naît environ 1,600 enfants par aimée* pravehUs d'unions illégitimes. Je demande que l'on ajoute dans l'article une disposition relative aux hôpitaux ou endroits darts lesquels il ûaît beaucoup d'enfants. Par exemple, dans l'Hôtel^Dieu, y nfeissâflt âpëfci
. près 1,600 enfants d'ùtiions illégitimés, il est impossible que ce soient les sages-femmes qui fassent la déclaration. Il faut donc ajouter dans l'article, qu'il y aura dans les grands hôpitaux lin ôftîcier qui sera chargé dë faire les déclarations.
J'observe à l'Assémblée que cette hypothèse n'a pas dû occuper le comité; if S'en est cependant occupé dans l'article 2.
Je demande le renvoi de la motion de M. Tenon au comité des secours publics, qui indiquera un moyen.
(L'Assemblée adopte cette proposition.)
D'après les articles précédemment décrétés, il est clair queTartiele 8 (ancien 6) est inutile, puisque ce qu'il renferme est Contemi dans les précédents articles. La seule chose qu'il en faille conserver, c'est l'injonction faite à l'officier public de faire les diligences nécessaires pour constater la naissance de l'enfant.
Je crois, ën effet, que, dans l'étât actuel, il faut opposer la question préalable sui* l'article 8 (ancien 6), ët renvoyer au comité lès articles 9 et 10 (anbien 7 et ancien 8 dû projet de décrefi, pour savoir si on n'établira pas quelque peine contre le père ou les témoins qui négligeraient de faire les déclarations ordonnées par la loi.
Voici le texte de ces articles :
« Art. 9. En cas de contravention au précédent article, la. peine sera, pour les chirurgiens et les sages-femmes, de deux mois de prison* et pour les hôteliers et loueurs de chambres garnies de un mois de prison; ces peines seront poursuivies par le procureur de la commune, deVant le tribunal de police correctionnelle.
« Art. 10. Quant aux officiers publics, leur contravention au même article emportera la peine de* destitution, elle Sera prononcéê pàf vôie d'administràtioti sur la dénôlldiàtion des procureurs des communes et sur la réquisition des procureurs généraux syndics.
(L'Assemblée rejette par la question préalable l'article 8, et renvoie au comité de législation les articles 9 et 10 (ancien 7 et ancien 8 du projet de décret), pour en présenter une nouvelle rédaction.)
, au nom de ta commission chargée d'examiner les cùmptes des ministtes dè la guerre, fait un rapport sur la situation actuelle des àrmées dé France ; il s'eXprimé ainsi :
Messieurs, à peine arrivé ah hiinistëre dë lâ guerre, M. Dumouriez vous disait* dans un
ihé-hioire (1) aussi extraordinaire par Ses ëfréuïS qu'il l'est peut-être par la sagësSë de
quelques vues : Les généraux se plaigneht avec raison de la faiblesse et du délabrement de
leurs arméeS ; partout il manque des armes, des munitions, dés habits, des chevaux de
peloton, des effets de campement, etc. Le non-complet des quatre armées pour les sèules
troupes de ligne s'élève à plus de 40,000 hommes, et 8 à 10,000 chevaux* et la plupart des
places sont aussi démantelées qu'en temps de paix; dans la plupart il n'y a ni
approvisionnements ni munitions de guerre. Telles étaient lés assertions de M. Dumouriez»
Votre commission militaire, qui parcourt dans cet instant, d'après vos ordres, toutes les
branches de l'âdmiiniStratiôâ dé lâ guërré dëpiiis
Le 1er a^ril 1791} tous les régiments et bataillons de l'armée ont eu ordre de se porter au complet de guerre. Au moyen de cette disposition chaque régiment de deux bataillons a dû être porté à : Officiers...............;..,.....; 6(J
Sous-officiers et soldats, dont 15 dePétat-môr.... ÎSi5
Chaque régiment d'infanterie légère à:
Officiers..;.......................23
Sous-officiers et soldats, dont 5 de l'état-major..... 693
Chaque régiment dé cavalerie de 4 escadrons à ;
Officiers, .....2S
Sous-officiers et cavaliers, dont S de l'état-major............... 519
Chaque régiment de hussards de 4 ësCàdrortS :
Officiers jv 4 ; ^.. ; j L:...36
Sous-officiers et hussards; dont 8 de l'état-major............... 688
Chaque régiment de dragohs à :
Officierst .... 28
Sous-officiers et dragons, doht 9 de l'état-major........519
, Chaque régiment de chasseurs de 4 escadrons :
Officiers................................38
• Sous-oftieiers et chasseurs, dont 8
de rétat-maj0r...£:i».;it..ê;> 688
Chaque régimerii de carabiniers de 4 escadrons :
Sous-officlers et caràbiriièrs, délit 9 de l'état-majdr.
L'armée est donc composëê dé 224 bataillons d'infanterie, formant 105 régiments* y compris
11 régiments suisses, 3 régiments de Paris ç|ui rtë Soht pas au pied de guerre; 14 bataillons de chasseurs, y compris 2 bataillons dé Mfis, fién portés au pied ae guerré; de 206 escadrons, 24 régiments, y compris celui de royal-allemand, n615, de 6 régiments de hussards â 4 escadrons* de 18 régiments de dragons à 3 escâdr0n8; dë
12 régiments de chasseurs à 4 ëàéadrons* de 2 régiments de carabiniers de 4 escadrons.
Le total est done de :
Officiers........... ............. 8,654
SOUs-officierS ét ëô'ldâts........... 196,114
A quoi il faut ajouter 14 bataillons d'artillerie* formant 7 régiments de 88 officiers et 1517 canonniers, ce qui donhe :
Officiers.......................... 616
Sous-officiers êt canonniërs....... 10,619
Le total général est donc de :
Officiers.........................9,270
§oUS-officiërs et soldats........... 206,773
Ce total se décomposant ainsi :
Infanterie :
Officiers, j .......... m ..... , ^ 6,756
Soldats.... i, i i............;:.... 160,594
Artillerie:
Officiers,....u:.,....* 616
Ganonniers;..... jjV . Vjri i rit 10*619
troupes à chéVai :
Officiel. A. t r m t i. m . ». v ,. > », 1,896 Cavaliers;, w. i ii J ». 35,560
A déduire ië régiment d'Êrriësi, Puisse, èt ëë-lui de royal-allemand, cavàlëfië; pour lés aéiii régiments.
Officiers; Soldats..
Il nous reste, Messieurs :
Officiers.......... 9,170
Soldats.....205,286
L'armée au complet de âdërre, Suivant le détail ci-contre, y compris 11 régiments suisses, 3 régiments d'infanterie, et régiments de ërïââ-seurs formés par la garde nationale parisienne soldée, devant être de 205,286 hommes. L'effectif de l'armée au 1èr juin; d'après les états de situation de chaque régiment, arrêtés par les cènSëils d'administration, lëé prëoès-'Verbaux de revue, tous compulsés au bureau de la guerre* servant dë preuve â mon travail, vëuâ donneht; Savoir : »
Artrlêé de Luekrtér, n° \ i 47 bataillons et 58 escadrons; Effectif y Compris l'artillerie, homiiies. i . -s....»n. *.»» m * i 29>4&4 Nëh complet des troupes ft piefij
hOttimëS ; ! ! i . f 1 ! ! i i II i ! . ! ! . ïj f . 4,SU • Troupes effectives à cheval, hommes. 9,179 Manque au ëoffiplët des troupes à
Cheval, hommes. 898 Armée de balayette^ n* i : 48 bataillons et 62 escadrons. Effectif y compris 1'àrtiileriè, hommes.29,284 Manque à sêû e&ïàplêt) hëfialûaes. 5 ; 196
Effectif des troupes à cheval, hommes 9,070
Manque à son complet, hommes 1,624
Armée La Morlière : 41 bataillons, 44 escadrons, effectif, y compris l'artillerie, hommes....................26,394
Manque au complet de l'infanterie,
hommes..........................3,546
Effectif de la troupe àcheval, hommes.6,179
Manque à son complet, hommes....1,493
Vous voyez donc, Messieurs, que la force des trois armées, Luckner, Lafayette, La Morlière est de 136 bataillons, et de 164 escadrons; effectif des troupes à pied, hommes.........85,132
Manque au complet, hommes.......13,353
Effectifdestroupesàcheval, hommes.9,070
Manque à son complet, hommes..1,624
Armée de Montesquiou : 48 bataillons, 22 escadrons y compris l'artillerie, hommes.....................31,747
Manque à son complet, hommes...4,169
Effectif des troupes à cheval, hommes.3,474
Manque à son complet, hommes 328
Total des 4 armées en troupe de lignes, 184 bataillons, 186 escadrons, effectif y compris l'artillerie, hommes.
Non complet, hommes.............116,879
Effectif de la cavalerie, hommes....17,622
Manque au complet, hommes.......27,893
Quoique les armées représentent ici une force de 184 bataillons, formant ensemble, hommes d'infanterie, 116,879; 186 escadrons, de troupes à cheval, formant, hommes, 27,893 ; comme il est indispensable d'en tirer une force suffisante pour la garde des places et celle des côtes, il n'a été désigné pour l'armée en campagne, que les premiers bataillons de chaque régiment d'infanterie qui, avec les compagnies de grenadiers des 2e bataillons, ont été portés à 823 hommes chacun ; et les bataillons d'infanterie légère en entier : Quant aux troupes à cheval, il a été réglé que chaque régiment de 4 escadrons en fournirait 3 de 150 hommes, et ceux de 3 escadrons, 2 de 150 hommes. Ici, Messieurs, se présente un tableau qui vous développera toute la force de ligne à la disposition des généraux. Je le divise en deux parties :
Première partie. D'abord le disponible, c'est-à-dire ce qui est sous la tente.
Seconde partie. La force de réserve qui est celle qu'il a plu aux généraux de mettre sous la garde de places. Ainsi, Messieurs, l'armée en campagne est :
Armée de Luckner.
Sous la tente, uniquement de troupes de ligne : 17 bataillons d'infanterie de 823 hommes chacun ; un bataillon de troupes légères de 500 hommes.
Le nombre des hommes d'infanterie sous la tente est de 14,491 hommes; 42 escadrons à 150 chacun, formant 6,300 hommes. Total des hommes d'infanterie et de troupes à cheval ; 20,791 hommes. Ajoutez-y 4 bataillons d'artillerie, 2,258 hommes. Vous avez sous la tente, bous les ordres du général Luckner, en soldats de ligne seulement, 23,049 hommes.
Maintenant, Messieurs, pour ne pas distraire votre pensée des forces aux ordres du général Luckner, je vais passer aux hommes qui sont dans les places.
J'y trouve, en infanterie, 12,700 hommes en troupe à cheval, 2,870 hommes. Total des troupes
d'infanterie et des troupes à cheval laissées dans les places, 15,570 hommes. Le fond de cette armée serait donc tant en troupes disponibles qu'en forces laissées dans l'intérieur des places, seulement en troupes d'infanterie et de cavalerie : hommes......................... 38,624
Je vais maintenant vous donner les détails de ce qui manque au complet à l'armée du général Luckner, 3,735 hommes d'infanterie, 898 cavaliers, 776 canonniers. Total : hommes................... 5,409
S'il n'y avait pas de déficit dans l'armée de Luckner, il y aurait donc tant de ceux qui sont dans les places que ceux qui sont sous la tente, hommes............................ 44,033
Armée de La Fayette.
Est composée sous la tente : de 17 bataillons d'infanterie, 1 bataillon d'infanterie légère, 14,491 hommes, 44 escadrons à 150 hommes, 6,600 hommes. Total des hommes d'infanterie et des troupes à cheval 21,091 hommes, auxquels il faut joindre 4 bataillons d'artillerie formant 2,136 hommes. Vous voyez donc, sous la toile, aux ordres du général La Fayette, un effectif de 23,227 hommes ; mais il a encore sous ses ordres 26 bataillons laissés dans les places et 18 escadrons faisant en infanterie 12,657 hommes et en troupes à cheval 2,470. Total des hommes dans les places, 15,127 hommes; force entière aux ordres de M. La Fayette : hommes— 28,354 lia un déficit de 4,498 hommes d'infanterie, 1,614 cavaliers, 898 canonniers. Total du déficit 7,020 hommes; de sorte que sans déficit, l'armée de La Fayette serait de : hommes........ 45,374
Armée de La Morlière.
Il y a sous la toile : 15 bataillons d'infanterie, 3 bataillonsdetroupes légères portant 13,845hommes; 31 escadrons dont la force est de 4,650 cavaliers et quatre bataillons d'artillerie formant 2,448 hommes. Total des hommes sous la toile 20,943. Il y a en outre, pour le service de ses places, 19 bataillons d'infanterie et 13 escadrons, formant pour l'infanterie 10,101 hommes et pour les troupes à cheval 1,529 hommes; sa réserve est donc de 11,630 hommes; et le total des hommes sous son commandement de. 32,573 et sans son déficit il serait de : hommes. 37,532
Maintenant, je vais vous donner le résultat de la force des 3 armées; elle est composée en tout de 49 bataillons d'infanterie, 5 bataillons de troupes légères, 117 escadrons, 12 bataillons d'artillerie, faisant en forces disponibles : hommes............................ 67,219
aux ordres de 3 généraux; joignez-y 70 bataillons laissés dans les places et 47 escadrons. Total des troupes à pied 35,463, total des troupes à cheval 6,869 hommes, total des hommes d'infanterie et des troupes à cheval laissés dans l'intérieur des places de ces 3 armées : hommes..................... 42,332
Par conséquent, la force totale de ces
3 armées est de : hommes............ 109,551
Le déficit de leur infanterie est de 11,193 hommes, celui des troupes à cheval de 3,935 hommes, et celui de l'artillerie de 2,260 hommes. Le total
du déficit est donc pour les 3 armées de .-hommes........................ 17,388
Armée de Montesquiou.
20 bataillons d'infanterie et de troupes légères formant 19,960 hommes, 15 escadrons, 2,250 hommes, le total des troupes d'infanterie et des troupes à cheval disponibles, qui peuvent être sous la toile, ou qui y sont, 22,210 hommes, Il a 2 bataillonsd'artillerie, faisant 1,170 hommes, par conséquent, il peut avoir un camp, quand il le voudra, de 23,380 hommes.
Les troupes laissées dans l'intérieur des places, sont au nombre de 19 bataillons, 7 escadrons, faisant en infanterie 10,617 hommes; en cavalerie 1,224 hommes. Total des hommes laissés dans les places 11,841; par conséquent, la force active s'élève à : nommes............ 35,221
11 y a un déficit de 3,822 hommes, pour l'infanterie* pour la cavalerie de 328 hommes; son artillerie manque au complet de 347 hommes. Le total de son déficit est donc de 4,497 hommes.
Messieurs, vous voyez que le total des 4 armées sous la toile, uniquement en troupes de ligne est de : hommes... 90,599
Le total des nommes d'infanterie et de troupes à cheval laissées dans les
places est de : hommes............... 54,173
par conséquent, la force totale est de : nommés............................ 144,772
Il manque à ces armées 15,015 hommes en infanterie, 4,263 en cavalerie et dans l'artillerie 2,607.
Total du déficit : hommes......... 21,885
Ces 4 armées, sans ce déficit, seraient donc composées de : hom mes......... 166,657
Mais en vous présentant, Messieurs, la force de nos armées, je ne vous ai pas fait connaître encore tout ce que vous avez en troupe de ligne.. Indépendamment de ce qu'on a envoyé dans les colonies, il est resté sur les côtes et dans l'intérieur du royaume, différents corps qui pourront être très utiles, si, dans une circonstance urgente on voulait renforcer Tune ou l'autre de nos armées ; car cette opération sera d'autant plus aisée, que dans 6 semaines les ordres donnés aux régiments de l'intérieur et à ceux qui sont sur les côtes (dont je vous ferai connaître par un tableau le nom, la force et les places) seraient décrétés.
Et pourquoi la place? Si c'est un rapport fait pour envoyer à nos ennemis, à la bonne heure, mais si c'est pour nous, nous n'en avons pas besoin.
, rapporteur. L'observation de M. Gohier mérite d être répondue. D'abord, je répète à l'Assemblée nationale que j'ai eu l'honneur de lui dire que sur la démarche très impolitique d'un ministre qui, après avoir provoqué votre détermination pour la guerre, était venu vous dire ici dans un mémoire très authentique, car toute l'Europe aurait pu le lire, qu'il vous manquait 40,000 hommes de ligne, tandis que vous verrez qu il n'en manque effectivement que 26,000. Que mon rapport n'aurait pas eu lieu. Et ensuite je réponds à M. Gohier, que sans doute, dans la marche ordinaire de tous les gouvernements de l'Europe, on ne dit pas d'une façon aussi authentique,
et quelle est sa force et quel est son déficit; mais quand on peut, aux yeux de toute l'Europe, annoncer que, dans très peu de temps, on peut avoir 500,000 hommes sous les armes, on peut parler hautement, on ne craint pas de faire connaître ses forces. (Applaudissements.) Je vais donc faire connaître à l'Assemblée ce qu'elle a de troupes sur les côtes et dans les places de l'intérieur; je me réserve de lui indiquer, par un tableau, dans quels lieux de l'intérieur et de ses côtes sont nos forces.
Je continue, Messieurs, à vous parler numériquement :
Indépendamment des 4 armées il y a encore, en troupes de ligne, sur les côtes ou dans l'intérieur, 34 bataillons, 17 escadrons; formant en infanterie effective, 19,189 hommes ; en troupes à cheval 2,186 hommes. Total des hommes d'infanterie et des troupes à cheval:
hommes'.......................... 21,375
Mais il manque à l'infanterie de cette force intérieure4,108 hommes, 589 de cavalerie. Total vu son déficit, 4,690 hommes; total de sa force
sans son déficit : hommes.......... 26,065
Mais, Messieurs, permettez que je m'arrête sur ce point, parce que je vois, avec une satisfaction que vous partagerez, que vous avez là zl,375 h. de troupes de ligne, disponibles dans le premier moment. Vous avez en outre dans les colonies 16 bataillons, 200 dragons, en infanterie, la force est de 12,371 hommes; en troupes à cheval 200 dragons ; cet état de l'infanterie et de la cavalerie est
donc de : hommes................. 12,371
Elle avait pour déficit à l'époque de son embarquement, 193 hommes ; quant à l'artillerie, elle n'en a point, c'est un corps particulier : ce total dtLdéficit n'est donc que 193 hommes pour les 12,371.
Voici la récapitulation générale des troupes de ligne dè toutes les armées; disposées dans le royaume, envoyées dans les colonies ou sous la tente :
Effectif sous la toile : hommes— 90,599
Dans les places : hommes........ 87,919
Total de toutes ces forces portées
à leur complet................ 205,286
Le déficit est en tout de : hommes. 26,768
Et M. Dumouriez, partant d'après je ne sais quelle pièce, avait rêvé qu'il était de 40,000 hommes. Total des troupes ae ligne dans les places et sous la toile : 178,518hommes; ajoutez-y le déficit de 26,768 hommes, vous aurez comme ci-dessus 205,286 hommes.
Je passe aux gardes nationales. Je ne pourrai pas mettre dans le compte que j'en rendrai, la même méthode que pour les troupes de ligne. On ne peut juger de la force des bataillons de garde nationale que par les revues du 1er avril dernier et par les états de situation, envoyés par les commandants au ministre de la guerre; de sorte que l'on peut voir d'un coup d'œil dans le tableau que j'en donne, les départements, le nombre des bataillons qu ils ont fournis, et leurs forces aux différentes époques jusqu'au 1er avril, moment où ces renseignements ont été envoyés au bureau du ministre de la guerre; chose que j'ai eu grand soin de consigner dans cet état.
Ensuite, Messieurs, j'ai fait Un tableau général dë la subdivision* dès bataillons dè gardé nationale, tant dans les diverses armées que dans les ëoloniëS ét l'intérieur du ro^aUihe.&'après les Circonstances* d'après l'incertitude què j étais sur le nombre effectif bien constaté, j'ai cru; pour nè pas Vous induire dans une erreur dangereuse, que je devais me fixer à une évaluation à peu près vraie d'après tous les états arrivés ; de sbrtè que j'ai calculé tous les bataillons des gardes nationales à raisoiï, actuellement, de 500 hommes par bataillon, et Vous en verrez tout à l'beUre les raisons. Ainsi, en vous fixant à ce minimum de la force effective des bataillon! de la garde nationale* vous verrez dans l'armée dd général Luckner 42 bataillons de garde nationale* forttaht ! hommeê: 21 $000
Et remarquez que jë ne vous fiàttë pas car je iilëts tout au plus baS : danS l'armée du centre aux ordres de M. La Fayette 44 bataillons formant, à raison de 500 hotatmess i:»vi 22>000
Armée du Rhin, aux Ordtfès de M. La Morlière* 82 bataillons : hommes 16,000
Armée de M. Montesquiou, 50 bataillons : hommes -..!,-•• iy®.. j25,000 Aux colonies, iÔbataiUons:hommes 5,000 Dans l'intérieur 3,500 i hommes. . 3,500
RêeapitulûtUn :
Armée du Nêrd.42 bataillons
— du Centre..............44 ^
— du Rhin. 32 —
— du Midi..........50 —
En tout................ 168 —
Aux colonies........... 10 ii
Dans l'intérieur, s. ; s.. ; 7 '' —^
Total général des bataillons actuellement levés et existants: i8ë bataillons. Total générai d hommes existants, servant en ce moment évalués au minimum: 92,500 hommes.
Une loi du 29 juillet 1791 a ordonné la levéè de 97,000 volontaires destinés, à la défensje des frontières. Une autre loi du 25 août suivant, l'a portée àlQ5,000 hommes. On demanda aux départements 184 bataillons composés dè 574 hommes ; conformément au décret, lé nombre dë Ces bataillons fut Fépârti àUx différents dé-partements ; mais plusieurs n'âyàiit pU toUrhir leur cohtingènt, l'ASsêhibléë hâtiohâlë approuva que d'autres dépârtémënts cJUl pouvaient, en levër dâvantagë, pdsSëfit lë fâlrê. CëS 184 bataillons soilt sUr pied* et lë département de la Charente-Inférieure* qui h'avait pu ën lever qti'un, ët qui cependant àVait été autorisé â en lever deux, vient d'ann0rteër que eë bataillon ëst complet; ce qui porté la première lëVéë à 185 bataillons. La loi du 6 mal dernier, a ordonné que ces bataillons seraient augmentés de 226 ilonimes; cette augtaefitâtioh dohna 41*584 hommes. D'un autre côte, on lèvera 30 ba-taillbns aussi de 800 hommes* qui donneront 24,000 volontaires. Le total de toutes les gârdës nationales* lorsque les bataillons de nouvelles levéeS seront complets* Sera de 171*774 hommes), formant 215 bataillons.
Les. départements assurent qu'ils y mettent là dlus grande activité ; mais l'Assemblée hatidnale, prenant dans lâ plus haute Considération la nécessité de poFter, le plus tôt possible,- l'arniée & Sôn plus haut complet ëé guerre* trouvera dans sa sagesse lës moyens de stimuler énëêrë pour
cette opéi'àtidn le courage èt lë Civisme dë tous lës Français ; et si, comme je n'en doute pas, à la voix des pères de la patrie, on les voit accourir de tous les points de l'Empire, et se ranger, pour là défense de lâ liberté, sous les drapeaux des différents corps de l'armée ; alors, sans recourir encore aux indispensables lenteurs des formations nouvelles, vous verrez combler le déficit de 26,768 hommes des troupes dë ligne, ël celui dë 79.274 volontaires, en ne portant leur effectif actuel* comme je l'ai dit fjlUS hâut, qu'à 92*590 hommes; dë sorte qu'eh très peu de temps vous pourriez avdir une armée de îiMê de 205,296 hommes, à laquelle joignâht tl-dis légions de fiôuvellelevée d'environ l2,090Hômmës, ét 54 Compagnies frâriëhës, faisant 10,800 hdttï-mes. VOUs âUre^untotàl de troupes de ligne de 228,086hommes, qui, joint aux volontaires portés aussi à leur Complet de guerre à 171,774hommes, vous donnera une force armée dë 400,000 hommes. Et attendu qu'il est de là plus haUte importance dë procéder, le plus tôt possible; au complément dë l'aHiide*]é jirie 1 Assemblée nationale d'ordonner que lë compté j^ue là commission militaire Vifent dè lui rendre, soit renvoyé au comité militaire, flOur lui présenter, dâhs le plus court délai,.les mesures qd'il poufràldi indiquer pour Cette Opération.
Monsieur Dumouriez a nécessité le rapport que vous venez d'entendre, rapport que l'Assemblée avait depuis longtemps éloigné, qu'elle regardait môme comme impolitique dé publier, et qui était de l'essence du pouvoir exé-r cutif. Votre commission n'a puisé les renseignements que dans les bureaux dès ministres. NOU§ devons avoir une pièce âUthehtiqUè pouf jUgër de la conduite des ministres* parmi lesquels certains sont venus vous annoncer qu'il y avait un excédent de recrue* d'autres sont venus VbUS dire qu'il y avait 40,000 hommes dë déficit* et ni les uns ni les autres ne vous ont dit la vérité. Il est important, Messieurs,, poUr là Sû-fèté dë l'Etat, pour lâ tranquillité de toUs les citoyëns, que nous aydns une jfièCë de responsabilité. Je demanderai donc que lê tfiihistfë dë là guërre certifie lé résultât dés ëtâts É(U*il â présentés à vôtre commission, afin que, dâns l'occaSion, lorsque nous aurons à jilger lâ conduite des ministres, et què ttOUS prendrOhs dëà mésurëS ultérieures, nous puissions âvdir Uhë pièce dë responsabilité contre les agents du pouvdir ëkécutif. (Âpplànâissêmenik.)
Je crois qu'il est impossible que l'Assemblée nationale puisse s'oceuper du résultat dji rapport dë la commission, si elle n'a pas assure là responsabilité du ministre dè là guerrë, qui doit certifier les états militaires qui sont dans, les bureaux. J'appuie donc, pâr pfeà-lable, la motion d'ordre que vient dë faire M. Gattlbon. Mais, Méssieurs* une des premières réflexions que m'a fait naître le rapport de M. AUbert-Dubayët, c'est que nous avons été cruellement trompés par les agents du pouvoir exécutif. Je vous rappellerai d'abord qu'on a arrêté le recrutement, en nouS disant qu 11 excédait le rtoh-complet dë l'armée; mais il est Utt fàit qu'il faut ëollhaître aujourd'hui; lorsqu'au tlom dU Comité diplomatique je vdus ai présenté mon second rapport sur les mesures â prendre relativement à l'AUtriefie, votre cêmi té diplomatique ètvaitâppeléà unedéses séârtôesMjdeNârbônnë, alors ministre de la guerre. Avant ëe fixèr lè terme fâtstl pôur leë éx^licatiërts à demander à
rëlôpêreù^, libus êiigeâmës'cië lui là cërtitudé du délai né.cessairé pdUr quê nés trois armées, fixées à 50,000 nommes chacune, puissent agir à l'instant même} et entre? dans lé pays ennemi. M. de ft'arbohttë ndus parla dii 1er février : on lui observa qu'il valait thiéilx qù il prît un délai plus long, afin que l'Assemblée nationale fût sûre que T'éUOqUe qu'elle indiquerait serait celle bù les 3 armées pourraientagir.lM.de Narbnnne, après aVoir beaucoup insisté sur le 1er février, fce réduisit au 10 février. Votre ëomité diplohia-tiqué Vous proposa de différer au 20 février* et PAssembléë nàiibrialè le prorogea au 1èr ihars. C'est sbr là ëërtitUdë dohnéé par lë ministre de là guerre ^Uë vos 3 àrniées pouvaient agir à l'époque du lfef février, que Vous aviez demandé les éxplications à l'empereur pour le l6r mars. Je ne fêtai nulles réflexions sur ces faits* parce que je crois qu'avant de songer à exercer la rés-ponsabiiité contre des ministres qui nous ont trompés, il faut nous occuper de sauver la chose publique.
Je prie l'Assemblée nationale de considérer si, lorsque nous ne pôuvbns pas douter que l'état actuel de vos armées est insuffisant, et si-, lorsqu'il est publie que le maréchal Luckner demande une augmentation de troupes pour agir, tous ne devez pas songer à faire renforcer son armée par les troupes de ligne qui sont répandues dans l'intérieur. Je erois que cette mesure est extrêmement urgente, et j'ai vu même, avec plaisir, que M. Aubert-Dubayet l'a annoncée lui-même dans son rapport. Je erois, Messieurs, que vous devez vous en occuper à l'instant même, et je m'attaehérai à prévenir quelques objections qu'on pourrait faire;
Je ne erois pas, Messieurs, que nous ayons besoin d'une proposition du roi* pour ordonner l'envoi des troupes dé l'intérieur pour renforcer nos armées. J'observe que la Constitution n'a fixé qu'un seul cas où la proposition du roi est nécessaire ; c'est pour la déclaration de guerre. Partout ailleurs, et notamment pour l'augmentation de la force armée* la Constitution dortne bien au roi le droit de proposer, mais cette proposition n'est pas nécessaire. Ainsi, Messieurs, quand bien même Vous voudriez donner ordre aux agents du pouvoir exécutif de renforcer les armées qui sont sur les frontières par les troupes de ligne, et les troupes qui sont dans l'intérieur, comme une augmentation de la force armée* vous n'auriez pas besoin de la proposition du roi. Mais je dis plus : je dis que quand il serait possible de croire que cette proposition dût être faite, je dis qu'elle a déjà été faite. En effet, Messieurs, c'est sur la proposition du roi que vous avez décrété qu'il serait fait un rassemblement de trois armées de 50,000 hommes chacune. Ce décret a été sanctionné, et Vous voyez, par lé rapport qui Vient de vous être fait, qu'il n'a point été exécuté. Ainsi donc la mesure que je vous propose dahs ce moment-ci, peut être considérée comme une mesure nécessaire pour l'exécution d'un décret déjà rendu. Mais nous ne pouvons plus nous le dissimuler, et il est temps de vous le dire, car déjà tous les bons citoyens vous le disent : la liberté publique est en danger. Je demande que l'Assemblée nationale déclare qu'elle renonce â s'occuper des mesures purement législatives pour consaCfër tout son temps au* mesures que la sûreté publique, què la sûreté éxtérieure ët intérieure exigènt ; qu ëtt eohséquehce, Vous êhargiez Votre commission ëês Douze de VoUS faire sôiï rapport. J'ai ôifî
dire què êë rapport deVàit être retardé ënëëre Huit jours, ët je rëgafdèrltis êela ébmirté la plus grande des calariàites. Il faut, et j'en fais la motion ëxpressè, què vbus mettiez à l'ordre du jour, soir ët matin, les rapports, soit partiels, sëit généraux, de là (îbthrtiissibtt des bouze, et qu'elle s'occupe uniquéthènt dé ëët bbjefc-là pbtir le Commencer des demain.
'Je demande encore que* conformément à la motidti de M. Cambon, l'Assemblée mande à l'instant même, le ministre de là gUerre* podr lUi ordonner dë certifier, de suite, les résultats des piècës et états qui ont serVi àu ràppërt dë votre commission. Je demande ensuite quë l'ÂSsëtiiblëe nationale décrète quë le p&uVbir êXécutif rèn-fbrcera lës armées qui sont sur lés frontièrëis,' ët particulièretnént l'arirtêë dè LUêkner, par lës troupes de ligrtë et les gàrdëià hâtibnàux volontaires qui sont dàns l'intérieur au royaume : je demahde enfin que l'Assembléë nationale décrété que, toute autre affaire cëSsântë, ëlîë s'occupera aux séances du soir et du matin, sur les rapporté de sa commission des Douze, des mesures générales pour la sûreté extérieure et intérieure du royaume.
Je ne ëroiS pas quë vous puissiez adopter la proposition qui Vient ëë vous être faite par M. Gensonné; je crois que tous ceux qui connaissent la situation de l'Etat seront de mon avis : je lui observe qu'en ee qui concerne le recrutement ordonné par l'Assemblée constituante, il ira jamais été arrêté. Il n y a aucune loi, ni aucune démarché qui ait téndu â cela. 11 est Vrai qué le comité militaire, sur différentes motions qui lui étaient venUés dès départements, dë l'afflueftce des personnes qui se portaient gu.r lës frbtitiêtfëê, avait dit qu'il était nécessaire de l'àrfêtëf; tiiàis M. dë Narbbnhé, alors ministre, Vint au ëomité militaire, ët dit qu'il s'y opposait, âttëndu t|Uë par les relevéfe qu'il avait, il ne voyait pas que l'armée fût encore au complet.
Ainsi jamais çètle mesure-là n'a été prise. Sans s'occuper donc du passé à cet égard, il faUt parler dû présent. D'après le rapport qui vient de vous être fait, vous avez vu que vous avieà, soit en troupes, soii en gardes nationales, 271,000 hommes. C'est dans cette hypothèse que le comité militaire doit vous faire un rapport sur la nouvelle demande, qui a été faite par le roi, de créer une augmentation de 48 bataillons volontaires en état de porter les armes.
Mais pour que votre comité militaire puisse prendre de bonnes mesures, je pense qu'il faut lui mettre sous les yeux toutes les pièces qui viennent d'être lues; attendu qu'il examinera alors s'il n'est pas plus nécessaire de porter tout de suite au complet les corps qui, dans ce moment, n'y sont pas, que de former de nouveâUx corps, qui resteront encore de même incomplets; car il n est personne qui ne convienne que tous ces corps incomplets ne valent P&8 des corps complets* qui formeraient ce même nombre. Ges forces en détail ne valent pas, en effet, pellés de masse. Je demande donc* ainsi que M. Aubert-Dubayet l'avait déjà fait, que toutes les pièces du rapporteur soient renvoyées au comité militaire*
, rapporteur. Je flôià rendre à l'Assemblée compte d'un fait. J'ai Voulu savoir quelle avait été la marche du recrutement extraordinaire décrété lë 25 janvier 1792, qui dMôftftâit lé rêdfuteifiênt dé 51,000 tiôinmêé dés
municipalités. Je désirais savoir à quel point ce recrutement extraordinaire avait été porté. J'ai trouvé, Messieurs, oue le calcul fait d'après les réformes que les différents corps ont été obligés de faire d'hommes ou malades, ou mal constitués, ou même quelques-uns flétris (le tout est conetaté par les procès-verbaux des différents corps), j'ai vu que le résultat de ce recrutement ordinaire n'avait produit en hommes servant actuellement dans nos armées que 24,232 hommes. D'après cela, Messieurs, vous voyez combien il est urgent, combien il est essentiel d'y pourvoir. J'observe que le renvoi demandé au comité n'empêche pas que la proposition de M. Gensonné soit mise aux voix, et permet également de remplacer les troupes de ligne qui sont dans l'intérieur et qui sont dans nos places; car ces troupes pourraient être très utilement employées sur les frontières, et leur service dans 1 intérieur être très utilement fait par les citoyens. Je demande donc le renvoi de mon rapport au comité militaire.
Plusieurs membres : Appuyé !,
M... nous a écrit que le complet de son régiment était parfait et qu'il avait au delà de 600 hommes, dont il ne savait que faire. Eh bien, ces hommes ont été renvoyés, et il attendait les ordres du ministre. Je puis vous assurer qu'il est revenu dans nos cantons des hommes forts et vigoureux.
L'opinant est mal instruit; je demande à lire une lettre qui prouvera que ces 600 hommes excédants sont encore aux environs d'Agen.
J'appuie la motion de M. Gensonné, et attendu que personne ne s'oppose à la partie de cette motion relative à l'envoi des troupes de l'intérieur aux frontières, je demande qu'elle soit mise aux voix sur-le-champ.
Je crois que tout le monde sera d'accord sur les principes qu'ont manifestés MM. Cambon et Gensonné; mais comme l'un des deux a avancé des faits qrue je ne crois pas vrais, et qu'il est important d'expliquer à l'Assemblée; et que d'un autre côté on ne peut point user du mode qu'ils ont proposé, d'après la Constitution, mais que vous pouvez en trouver d'autres qui seront constitutionnels, et qui feront le même effet; je crois que je dois donner à l'Assemblée des développements; d'ailleurs, aux termes de la Constitution, vous n'avez pas besoin, je pense, de plusieurs propositions du roi pour fixer le nombre des armées ; au roi seul appartient le droit de les diriger, et de les envoyer où il jugera convenable, à la vérité, sous la responsabilité des ministres ; de manière qu'il ne vous appartient pas d'envoyer tel nombre d'hommes à tel endroit ; vous avez le droit de mander les ministres pour leur dire pourquoi ils n'ont point envoyé dans les armées de Luckner, La Fayette et La Morlière, des forces suffisantes, tandis qu'ils en avaient dans l'intérieur qui ne pouvaient point être d'une aussi grande utilité, aux postes où elles sont actuellement qu'auprès des généraux.
D'un autre côté, M. Gensonné est tombé sur la responsabilité d'un ministre, et je crois au contraire que cette responsabilité pourrait plutôt frapper sur ses deux successeurs... (Murmures à gauche.) D'après la proposition du roi, d'avoir 150,000 hommes dans vos trois armées, M. de Narbonne avait demandé au comité diplomatique
de pouvoir former cette armée au 1er février.
Et l'Assemblée nationale lui ayant accordé jusqu'au 1er mars, je demanderai si d'après l'exposé que vous avez entendu de M. Aubert-Dubayet, les trois armées commandées par MM. Luckner, La Fayette et La Morlière, qui sont actuellement en activité, soit dans les places, soit sous la tente, ne se montent pas à peu près à ces 150,000 hommes; je demande encore si par là, M. de Narbonne n a pas tenu la promesse qu'il a faite. Je demande enfin, s'il n'est pas vrai que M. de Grave est venu vous dire ici, que le recrutement se portait déjà au-dessus de 50,000 hommes, et qu'il fallait 1 arrêter. Cependant, vous voyez par le compte qui vous est rendu, qu'il manque pour porter les armées de ligne au complet, 26,000 hommes.
Quant au déficit de vos gardes nationales, d'après l'exposé de M. Aubert-Dubayet, il paraît, si je ne me trompe, qu'il manque environ 70 à 72,000 hommes. On vous offre, a cet effet, de renvoyer à votre commission militaire, de faire imprimer et distribuer, l'exposé qui vous aétédonné par M. Aubert-Dubayet. M. Cambon a demandé là-dessus que le ministre de la guerre fût tenu de signer les résultats par lui donnés à la commission extraordinaire; je crois que cette mesure de précaution est indispensable, et ne peut souffrir aucune espèce de discussion; mais je dis que l'impression de tous ces détails est inutile, et qu'un renvoi à votre commission militaire ne ferait qu'apporter un délai de huitaine, au moins. Je vais plus avant que M. Gensonné lui-même, car moi, je demande que vous décrétiez le principe à l'instant, afin de donner à vos départements le moyen de recruter et de lever ces bataillons, et je veux que vous renvoyiez seulement à votre commission extraordinaire, le moyen d'organiser ces bataillons, afin qu'on ne perde aucun temps, et qu'on n'attende pas que les Autrichiens et les Prussiens soient arrivés avant que votre armée soit en état de les recevoir.
Je voudrais donc qu'à l'instant vou3 décrétassiez que les 83 départements seront tenus de fournir, dans le délai d'un mois, un bataillon de gardes nationales de 800 hommes chacun.
Si vous vous amusez, Messieurs, à des mesures secondaires, c'est-à-dire à décréter 42 bataillons sur la proposition du roi, vous seriez obligés, dans un mois ou deux, de revenir à la charge.
Je propose donc ce premier moyen; que vous décrétiez, ce matin même, ce principe : que chaque département fournira un bataillon de 800 nommes; parce que vous n'êtes pas obligés de vous en tenir à la proposition du roi.
Quant au déficit de 26,000 hommes dans l'armée de ligne, je dis que l'Assemblée doit ordonner que le ministre de la guerre lui rendra compte, de huitaine en huitaine, des mouvements qu'il s'est donnés pour hâter ce recrutement, et des mesures qu'il a prises à cet effet. Enfin je demande que le ministre de la guerre soit interpellé par M. le Président, pour savoir Ja raison par laquelle il n'a pas envoyé les troupes aux frontières, sachant qu'elles seraient là d'une plus grande utilité que dans l'intérieur.
(de Toulouse). Tout le monde sait que l'Assemblée nationale n'a pas un moment à perdre pour renforcer ses armees ; tout le monde sait que les troupes prussiennes, composées d'environ 60,000 nommes , sont en marcne ; on
sait ici l'instant où elles doivent arriver à Coblentz. Je suis informé que le maréchal Luckner a écrit au ministre de la gu erre ; j'ai lu encore plusieurs lettres écrites par des officiers généraux qui méritent toute confiance, et qui disent que, si dans moins de quinze jours 1 armée du maréchal Luckner n'est pas renforcée, il lui est impossible de rester dans la position où il se trouve actuellement; ainsi je crois qu'avant d'examiner toutes les parties de la motion de M. Gensonné, il faut que, séance tenante, l'Assemblée nationale prenne un parti pour renforcer les armées qui sout sur nos frontières, et particulièrement celles qui sont déjà sur le territoire de l'ennemi.
Je fais donc la motion expresse que, sans désemparer, l'Assemblée nationale décrète que les armées de. nos frontières seront renforcées par lés troupes de ligne et les bataillons de volontaires nationaux qui sont plus à portée des armées; et je demande que les troupes reçoivent des ordres du pouvoir exécutif dès demain.
M. Gensonné n'a sans doute pas l'intention, d'attaquer la Constitution , sans cloute il n'a pas l'intention d'anéantir la responsabilité des ministres, et cependant je vais prouver que sa motion est contraire à la Constitution et qu'elle anéantit la responsabilité.
Elle est contraire à la Constitution. En effet, vous le sentirez par des réflexions sur la proposition que M. Gensonné vous a faite, de ne plus vous en tenir à des mesures purement législatives; car moi je ne vois pas quelles mesures nous pouvons prendre ici autres que des mesures législatives. Il a proposé de faire marcher les troupes qui sont dans l'intérieur. Je lis dans la Constitution, que toutes les parties de la force publique, employées pour la sûreté de l'Etat contre les ennemis du dehors, agiront sous les ordres du roi. (Ah! Ah! Murmures à gauche.) Je crois qu'il serait suffisant d'avoir lu l'article pour prouver que ce n'est pas vous qui devez donner les ordres pour que les parties de la force publique marchent à un point ou à un autre. Je vais prouver actuellement que la proposition de M. Gensonné, contre son intention, anéantit entièrement la responsabilité du ministre. (Murmures à gauche.)
Je vois que le pouvoir exécutif est chargé, sous la responsabilité des ministres, de veiller à la sûreté intérieure et extérieure de l'Etat. (Nouveaux murmures. ) On vous propose de dire au pouvoir exécutif de faire marcher les troupes qui sont encore dans l'intérieur, vers telle ou telle armée. Je suppose, Messieurs, et l'on ne me contestera pas cette hypothèse, que ce point vers lequel vous les croiriez les plus nécessaires, ne serait cependant pas celui où vous seriez menacés d'être attaqués plus vivement. Alors, qu'arriverait-il? Vous auriez fait marcher les troupes d'un côté, l'ennemi attaquerait la France de l'autre avec des forces supérieures. (Murmures prolongés.) Je suppose que vous envoyez ces troupes à l'armée de Luckner, et que les troupes ennemies attaquent l'armée de La Morlière. Attaquées par des forces supérieures, vous verriez les ennemis faire une invasion sur le territoire français. Alors, que pourriez-vous dire au ministre? Ne serait-ce'pas vous qui l'auriez déchargé de la responsabilité qui pèse sur sa tête ? (Murmures à gauche.) Je demande la question préalable sur la proposition de M. Gensonné. (Murmures prolongés à gauche.)
Je suis convaincu qu'il est nécessaire et même indispensable d'augmenter les forces qui sont sur les frontières; nous avons deux espèces de troupes que nous pouvons envoyer aux frontières. Les troupes ae ligne qui Sont dans l'intérieur du royaume, et celles qui sont dans Paris. Quant à celles qui sont à Paris, comme il y a un décret qui défend de les faire sortir qu'en vertu d'un second décret, vous devez pour cela, si vous voulez le permettre, autoriser le pouvoir exécutif à en disposer.
Quant aux autres troupes, je crois qu'il serait aussi dangereux qu'impolitique de rendre un décret pour leur faire joindre l'armée; je crois que, pour cet objet, vous devez vous borner à inviter le pouvoir exécutif; et si vous faisiez autre chose, vous iriez au delà de vos pouvoirs. A présent. Messieurs, il faut songer cependant à la manière de remplacer ces troupes. Votre commission des Douze a examiné mûrement cet objet, et vous procurera avant très peu de temps, non seulement le moyen de faire mettre sous la toile les troupes qui sont dans l'intérieur, et de former des établissements; mais même de faire rejoindre les armées aux troupes que MM. Luckner, La Morlière et La Fayette ont sur leur derrière, en vous donnant les moyens de faire garnir les nlaces et les magasins par des citoyens armés. Quant au grand déficit qu on vous annonce dans les bataillons de volontaires nationaux, M. le rapporteur vous l'a présenté ; mais je dois vous observer qu'il vous a présenté l'état du 1er avril 1792 , et que depuis ce temps-là, vous avez rendu le décret du 9 mai. Je dois vous observer, de plus, que j'ai des notions que plusieurs départements, autres que ceux qu'il vous a nommés, ont déjà envoyé leur contingent de 228 hommes, que beaucoup ont levé les deux bataillons que vous leur avez demandés ; je citerai le mien par exemple. Ainsi je suis persuadé que, dans ce moment-ci, le déficit qu'on vous a dit être de 60,000 hommes, n'est pas de 30,000 : ce qui est une très grande différence. Je pense encore que le ministre de la guerre doit vous rendre compte, dans les 24 heures, et par écrit, de l'état du recrutement et des moyens qu'il pourrait avoir pour donner de l'activité à ce recrutement, et vous demander les nouvelles mesures législatives, s'il en a besoin ; ce que je ne crois pas.
Quant à ce que vous a demandé M. Rouyer, de lever, dans ce moment-ci, §3 nouveauxbataillons, Messieurs, je crois n'avoir pas besoin de le combattre, je vous demanderais de lever 66 bataillons; et dans un moment oû vos troupes ne sont pas complètes, lever encore 66 bataillons, ce serait véritablement, Messieurs, vouloir avoir des cadres dans lesquels nous ne mettrions rien.
En me résumant donc, je demande qu'on autorise le pouvoir exécutif pour une partie des troupes; qu'on l'invite pour les autres; qu'on oblige le ministre de la guerre à signer; qu'on s'occupe des rapports de la commission centrale ; que le comité militaire soit chargé de présenter ses vues sur les hommes qui ont été réformés par les corps, parce que je suis persuadé que ces hommes réformés, que je regarde comme appartenant toujours à l'Etat, puisqu'ils ont reçu l'engagement et qu'on leur a désigné une route pour rejoindre, sont toujours des hommes engagés, à qui l'on n'a pu ni voulu donner congé. Je demande donc que le ministre soit obligé de signer les états, et qu'on autorise et qu'on invite le
pouvoir exécutif à disposer des troupes de IMn-térieur.
Plusieurs membres : La clôture !
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Un membre : Je demande qu'on mande le ministre, qu'on lui dise que M. Luckner demande une augmentation de troupes,, et qu'pn lui demande quelles sont les mesures qu'il a prises pour augmenter cette armée.
(L'Assemblée adopte cette proposition.)
, rapporteur. J'atteste, moi, que j'ai puisé dans toutes les sources du département de la guerre. L'Assemblée peut décréter que le ministre de la guerre donnera toutes les pièces, mais il ne peut pas contester cè que j'ai dit.
On ne doit pas dire que le ministre signera les états ; et je crois que l'Assemblée natipnale ne qoit pas exiger qu'il certifie les états dont M- Aqbert-Dubayet à donné les résultats. Mais je demande que le ministre soit tenu d'envoyer à l'Assemblée lçs états qu'ij dans ses bureaux, ou, s'il l'aime ipieux, de certifier ceux présentés par M. Aqbért-Dubayet. (Adopté.)
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il n'y a pas liep'à délibérer sur l'impression et le renvoi au comité militaire, et décrète que le ministre de la guerre signera les résultats donnés par M- Aubert-Dubayet.)
, le jeune. Pour que l'Assemblée ne se trouve pas dàns le même embarras, je demande que le ministre, toutes les fois qu'il'aura connaissance d'un nouveau mouvement de troupes, en fasse part à l'Assemblée, qui renverra Cet avis au comité militaire.
Je n'insisterai pas sur l'impo-litique de cette motion ; il suffit, à mon avis, que le ministre remette de bui'taine en huitainé, ou de quinzaine en quinzaine, l'état de situation de l'armée.
Ces éfats^ ne peuvent être fournis que d'après les proccs-ve^aUx de revue qui se font tous les trois mois.
J'ai demandé la parole pour faire apercevoir à l'Assemblée un danger dàns la communication régulière et périodique de la situation de l'armée.
L'Assemblée nationale peut, dans toutes les circonstances difficiles, se taire à l'instant donner cette communication,parce que toujours le tableau dU mouvement et de l'emplacement de chaque troupe doit se trouver Ghez le ministre, et que là Correspondance des généraux doit se trouver âeus sa main.
Màîs, Messieurs, si cette connaissance était donnée d?une manière régulière et publique, vous sentez qu'il y a telle opération de guerre dbpt le Succès échouerait nécessairement. Je prendrai, Messieurs, pour vous en convaincre, un exemple récent.
Lorsque le général La Fayette s'est porté sur la droite de l'armée du général Luckner, où il se trouve actuellement, pour occuper les ennemis pendant que M. le maréchal opérerait sur la Flandre maritime, il est bien certain que cette marche a été très habilement dérobé aux ennemis pendant quatre jours. Mais si, à ce moment, ët après que le ministre avait reçu les comptes dés généraux,( il avait donné communication ppblique du mouvement, et du nouvel emplacement des troupes; s'-il avait disposé d'une ré-
serve en second ligne, pour renforcer le point par lequel je suppose qu'on voulait attaquer; ne vous paraît-il pas évide.it qu'il y aurait eu un très grand danger à le faire connaître?. Nous avons, Messieurs, à passer, en fait de mesures exécutives, entre deux écueils : le secret et la publicité. D'après ces motifs, et afin qu'il p'y ait aucune méfiance, je deman4e que toujours les membres de l'Assemblée puissent prendre connaissance de ces états. Mais afin qu il n'y ait aucun danger, je demande question préalable sur la motion de M. Carnot-Feuleins, le jeune.
, le jeune. Il y a une erreur de fait dans ce qu'a dit M. Mathieu Dumas. J'ai demandé que le ministre déclarât à l'Assemblée quel est l'état de l'armée comme elle l'a connu aujourd'hui. Elle ne s'est pas fait présenter, par la commission militaire, l'emplacement de chaque régiment de l'armée, ni celui de chaque bataillon volontaire. Elle a senti qu'elle ne devait pas divulguer le secrëtde nos généraux, ni même du ministère ; et cependant elle est rassurée sur la position des forces de l'Etat. Eh bjen ! je demande, mpi, que le ministre soit tenu de faire connaître tous les jours, au comité militaire, les mouvements de chaque armée. Plup^eurs members : La question préalable
, le jeune. Je propose cette rédaction-ci :
« L'Assemblée, considérant la nécessité de porter des forces sur les frontières pour rassurer la nation contre toute invasion étrangère; considérant que les trqjipes de ligné et les bataillons, de volontaires, dont i'^sspqibiée ^ décrété l'augmentation, ne sont pas encorè portés au complet* et que les troupes régies, actuellement en garnison flans la capitale, peuvent être suppléées dàns leur service habituel par la garde nationale parisienne, qui a déjà dopné de preuves d'un zèle infatigab,lç depuis le commencement de la dévolution, décrète que le pbpyoir exécutif est autorisé à disposer, qès à présent, de toutes les troupes de ligne françaises et étrangères, actuellement à Paris, sous la seule condition de donner avis au Corps législatif des ordres qu'il pourra donner en conséquence du présent décret. »
Il me semble qu'il suffit dç rapporter le décret antérieur, c'est-à-dire de lever la suspension. J'observe que, si vous em-' ployez cette expression « toutes les troupes v vous pourriez faire penser que la totalité dès corps de troupes réglées qui se trouvent actuellement à Pans, devrait en être déplacée. Permettez-moi de vous faire pne représentation : aucun des régiments qui font actuéllement la guerre, ne fournit à la ligne, et ne peut fournir la totalité de sa force. Il y aurait un très grand inconvénient, parce que des hommes nouvellement arrivés, des recrues qui ne seraient pas formées, des hommes trop faibles pour soutenir les fatigues de la campagne, seraient malheureusement trop vite hors d'état. Ainsi, Messieurs, on ne fait marcher que des bataillons de campagne. Cette man|ère de former nos armées a réussi jusqu'ici, et prépare de nouvelles forces dans les garnisons- Si vous déplaciez ce dép^t, même des troupes qui sont actuellement à Paris, d'une part vous feriez grand tort à l'économie administrative de ces corps, vous vous priveriez momentanément d'uné force qui, ne pouvant pas vous être utile aux armées, l'est cependant beaucoup pour le service courant et pour soulager la garde nationale dans l'intérieur de la
capitale. Vous agirez plus efficacement en restant dans les salutaires limites delà Constitution, et en laissant au roi le soin de prendre de ces troupes ce qui pourra être utile a la guerre. Je pense que 1 expression que j'ai relevée ne doit pas être comprise dans la rédaction, mais seulement, comme l'avait proposé d'abord M. Lacuée, l'autorisation nécessaire pour qu'on puisse prendre dans les troupes qui sont a Paris ce qui pourra marcher.
, rapporteur. D'après les différentes rédactions qu'on vous propose, il semblerait que le résultat de la discussion est de savoir si les troupes de ligne actuellement en garnison dans Paris pourront être envoyées sur les frontières. Mais, Messieurs, je dois observer à l'Assemblée nationale qu'il n'y a pas 16 jours que l'on faisait retentir dans son sein des craintes peut-être exagérées, qu'il y avait dans Paris 50 ou 60,000 brigands étrangers. (Murmures à droite.),1
L'Assemblée nationalëalorsavaitdonnéqUelque croyance à cette dénonciation, et j'intèrpelle ici la conscience de tous les membres de l'Assemblée, pour savoir s'ils ne sont pas tous convaincus que/Paris est dans ce moment le centre de tous les mouvements contraires, mais qui tous également tiraillent la Constitution que nous voulons maintenir. Or, Messieurs, quel a été le service des gardes nationales à cette époque; l'histoire de la Révolution constate leur zélé, leur obéisr sance, pour le maintien de l'ordre et de la paix dans la ville de Paris. Ils ont été les compagnons d'armes, ils ont partagé la gloire de cette immortelle garde nationale parisienhe. Or, Messieurs, comment se pourrait-il faire, dans le moment où l'on nous menace, sans nous intimider, des commotions les plus étranges; dans l'instant où l'on nous annonce les plus grands dangers et les agitations des prêtres fanatiques, èt les agitations non moins dangereuses de Ces hommes coupables qui ont pris un masque de patriotisme, dans cette crispation universelle ; que l'Assemblée nationale se privât de quelques soldats fidèles à cette Constitution, et qui ont fait", d'une manière si utile, le service à Pàris.
Je déclare, par l'expérience du passé, que ce que Pavenir nous présagé est très dangereux, mais rie nous effraye pas; que rien n'atteste que cet avepir ne soit pas dangereux pour les corps administratifs, et ensuite pour l'Assemblée nationale, qui est prête à mourir dans tout état pour le maintien de la Constitution. Je demande que ces troupes fidèles ne soient pas déplacées, et la question préalable sur la faculté à donner au pouvoir exécutif d'envoyer sur les frontières les troupes qui sopt à Paris.
Ç'est-à-dire que pouvait rester tranquilles à Pans, il faut nous laisser battre sur les frontières.
(de Toiulouse). Parmi les troupes qui défendent dans ce moment nos places fortes, il en est un grand nombre qui sont en état de renforcer les armées sous les tentes. M. Mathieu Dumas a dit à l'Assemblée que, dans les trois régiments en garnison à Paris, il y avait des recrues qui n'étaient pas encore en état d'aller vivre sous la toile. J'observe que ces parties du tout, dont M- Mathieq Dumas a parlé, feront un service très utile dans les places fortes; elles parviendront bien plus ^ite à ce degré de per-fection nécessaire à la sÛFgté de l'Empire. Je ne vois donc aucun inconvénient à rapporter le dé-
cret ou bien à décréter, dès cet instant, que le pouvoir exécutif est tenu... (Murmures.) est autorisé à disposer des troupes de ligne qui sont en garnison à Paris et dans l'intérieur.
Je dis qu'il est aussi essentiel à la sûpeté générale de l'Empire que le pouvoir exécutif dispose des troupes étrangères qui sont en garnison à Paris, qui sont exercées aux manœuvres de la guerre, et dont le patriotisme n'est pas douteux. Je dis encore qu'en politique il est bien extraordinaire que l'Assemblée nationale n'ait as encore décrété le départ de ces troupes. Je e demande à tout hem trie qui voudra ici raisonner sans esprit de parti, si le Corps législatif peut délibérer au milieu des baïonnettes...
Plusieurs membres (adroite): Et les piques? ;
(dç Toulouse), Je mp borne 4 demander, par amendement, que je mqÇtrqupes étrangères, en garnïsçn % Paris soi t jnis dans la rédactjpn*
Plusieurs membres : Cela y est J
(L'Assemblée décrète l'urgence et adopte la rédaction de M. Garnot-Feuleins, le jeune.)
(L'Assemblée nationale décrète que la commission extraordinaire des Bouzé sera tous'les jours à l'ordre du jour.)
Je propose d'ofdonner au ministre'de la guerre dé rendre copipte, dans trois jours, des mesures qu'il aura prises pour renforcer les armées sur les fron^eg.
(L'assemblée décrète qjie le ministre de la gqprre se fera rendre G^ptp c|$ * état (Jés re-crytem^ntsTaiîS QaF les âepfirtéments,en exécu-tiqn de la Jpi lu 2o janvier 1792," et qu'il en rendra, gpmptg; {Ja^s le délai d'un' iflqis, à |'Às-semblée qatjQnalè-)
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre de M. Terrier-, ministre de l'intérieur, qui est ainsi conçue :
« Paris, le 27 juin 1792, l'an IVe de la liberté»
« Monsieur le Président,
« J'ai l'honneur de donner à l'assemblée nationale l'éVat de situation de la fine de Paris, qui ne donne eq pç iflopient auçqneinqujetu'fje. Les nouvelles que je reçqfs des c^ippa^q'^ cir-convoisines sont égalem'èritsatïsfai^ahte§, »
« Je suis avec respect, e^ç...
« Signé: ferrier. »
Plusieurs membres : Voilà dpnp la fin de la comédie 1
Je demande, Messieurs, puisque toqt va bien, que le ministre de l'intérieur soit dispensé de continuera vous rendre compte dorénavant dé l'état journalier dp la capitale.
(L'Assemblée adopte cette proposition.)
MM. Berchelot et Patris, commissaires de la section derl'Observatoire, sont admis à la barre.
M. Berchelot s'exprime ainsi :
« Législateurs, on vient de commettre un attentat contre la liberté publique et la majesté du peuple français ; et nous apprenons qu'il n'est pas le seul de ce genre ; qu'ils se multiplient dans la capitale avec une rapidité qui deviendrait très effrayante, si nous ne mettions en
vous toutes nos espérances. Un ordre du comité central vient de faire arrêter un citoyen de la section de l'Observatoire. Il est accusé d'avoir émis trop librement son opinion dans une assemblée de commune légalement convoquée. La loi, qu'on a foulée aux pieds, a été portée au milieu des acclamations de l'Assemblée constituante. Elle est du 30 avril 1790, et est ainsi conçue :
« Aucun citoyen ne peut être inquiété à raison des opinions qu'il prononce, des abus par lui dénoncés, soit dans les assemblées élémentaires, soit dans le sein de l'Assemblée nationale. En conséquence, déclarons la procédure instruite par le parlement de Rouen, contre le procureur au bailliage de Falaise, nulle et attentatoire à la liberté nationale. »
Quel est le particulier qui a donné lieu à tant d'audace? Il est constaté par le procès-verbal delà section de l'Observatoire. L'Assemblée, légalement convoquée, a délibéré ces jours derniers sur les dangers de la capitale, comme vous avez délibéré vous-mêmes, Messieurs, sur ceux du royaume. Un citoyen, nommé Patris, faisant fonction de secrétaire ae l'assemblée, a lu une pétition individuelle d'un citoyen étranger à la section. Elle était destinée pour l'Assemblée nationale. Sur l'objection faite que la Constitution était attaquée, observation appuyée par le citoyen Patris lui-même, l'Assemblee a passé à l'ordre du jour.
Nous demandons que l'Assemblée nationale veuille renvoyer cette affaire à son comité de surveillance, ou tel autre qu'elle jugera convenable, pour, sur le vu des charges contenues au procès-verbal du bureau central des juges de paix, et sur le vu du procès-verbal de la section ae l'Observatoire, le compte vous en être rendu à la séance prochaine, comme sur une affaire qui va soulever l'indignation de la capitale, et qui, selon l'expression de l'Assemblée constituante, est attentoire à la liberté nationale.
Plusieurs membres : Le renvoi au pouvoir exécutif!
Je vous ai déjà dénoncé un établissement inconstitutionnel (Murmures à droite) d'un tribunal qui rétablit l'ancienne prévôté de l'hôtel. Messieurs, les juges de paix ont établi dans la salle des ambassadeurs un bureau central, autre que celui qui est publiquement établi à Paris. C'est là où l'on conduit les citoyens pour les juger, c'est de là que les citoyens sont menés à Bicêtre et à la Force, sans que personne puisse en avoir réparation et satisfaction. Il est temps que vous réprimiez ces abus, ces attentats à la liberté individuelle, à laquelle la liberté publique est fortement attachée. Je dénonce ce fait, et je demande qu'il soit renvoyé à la commission des Douze, qui doit elle-même avoir reçu une dénonciation de ce fait.
(L'Assemblée décrète le renvoi de la pétition à la commission extraordinaire des Douze pour lui rendre compte le lendemain, à la séance du matin, de la pétition et de la dénonciation.)
(La séance est levée à quatre heures.)
A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE
LÉGISLATIVE DU
Pétition adressée à l'Assemblée législative par M. Jean-Baptiste Cazin, natif de Paris.
Veuillez bien permettre au nommé Jean-Baptiste Cazin, natif et domicilié de Paris résidant, section des Quinze-Vingt rue Saint-Nicolas n° 13, de déposer dans le sanctuaire des lois, ces fers et les châtiments illégitimes que cette victime supporte avec une patience digne de fixer l'attention des représentants d'un peuple libre, depuis le 9 août 1779 et qui ne finiront de l'accabler que du moment où il plaira à votre profonde sagesse d'en vouloir autrement. L'article 7 de la Déclaration des droits dit que nul homme ne peut être accusé, arrêté, ni détenu que dans les cas déterminés par la loi et selon les formes qu'elles a prescrites ceux qui sollicitent, expédient, exécutent ou font exécuter des ordres arbitraires, doivent être punis. Quoique ce délit est antérieur à la Déclaration des droits, je dis avec vérité que les lois de ce temps n'en furent pas moins violées dans toutes leurs formes, c'est ce qui me fonde de droits la loi à la main de vous demander un acte de justice que vos sentiments ne pourront me refuser :
1° Cette victime fut arrêtée le 9 août 1779 en vertu d'ordre du roi par Santerre inspecteur de sûreté, étant à prendre un repas dans une maison ouverte au public, quoiqu'il n'eût jamais manqué d'aucune manière que ce puisse être, il fut ensuite conduit chez le commissaire La-porte qui se refusa d'entendre ses justes réclamations, et pour plus grande injustice souffrait qu'il fut maltraité en sa présence, le seul moyen d'étouffer sa voix, et de couvrir leurs atrocités en disant que c'était un malfaiteur dont il purgeaient la société, sans autres formalités il fut conduit et mis dans un cachot au petit Châtelet, il resta au cachot du 9 au 14 sans subir d'interrogatoire et fut transféré à Bicêtre pour y être enfermé sous des voûtes sépulcrales qui ne furent élevées que par la vengeance et qui se soutiennent que pour le vil intérêt de ces individus qui les régissent, c'est dans ce gouffre d'horreurs que l'on ensevelit toute la vie, la jeunesse, l'innocence, le crime, la vieillesse, tout pêle-mêle et pour comble de cruauté, on les prive de la salubrité de l'air, n'ayant que des aliments empoisonnés, sans repos, rongés de vermine ne voyant et ne pouvant qu'entendre des horreurs, je vous demande Messieurs, si le jour et la nuit pour cette victime n'étaient pas un véritable tombeau.
En 1784 il fut mis en liberté muni d'un exil qui lui fut signifié au bureau de cette inquisition, sur les faux noms de Louis-François du Main, natif de Chartres et gagne-deniers. Cette victime est connue poufr se nommer Jean-Baptiste Cazin, natif fils de maître et apprenti de Paris. Etant pâtissier et cuisinier de sa vocation, je vous laisse à juger l'étendue des pouvoirs que s'arrogeaient ces messieurs conseillers du roi, inspecteurs et commissaires de sûreté, sous l'arbitraire de l'ancien régime.
Législateurs, je vous prie de vouloir bien observer que cette victime, sortie de sous cette tombe, ayant gagné le scorbut aux deux jambes, sans argent, fut obligée de se mettre en route; je laisse à vos sentiments à voir quelle dut être sa position. S'il demandait, la maréchaussée voulait l'arrêter; s'il se présentait pour entrer dans un hôpital, on lui répondait qu'il était pour .les pauvres de la ville et de plus qu'on ne traitait pas de pareilles maladies. Voilà comme l'ancien gouvernement entretenait, des deniers publics, une pépinière de victimes et de bandits sur les grandes routes, sous le voile absurde de veiller à la sûreté publique, pendant qu'ils étaient les seuls organes de tous les crimes, par leurs vils intérêts.
Cette victime fut obligée de venir à Paris : il était dépourvu de tout et fut arrêté comme mendiant, mis à la Force, de là à Saint-Denis, le bourreau de cette maison d'horreur lui coupa les cheveux, il y resta un an entre la vie et la mort. L'entrepreneur avait de Sauvigny, 5 sols par individu, pour les nourrir, les entretenir, et l'Etat en donnait une livre; aussi, le pain et les autres légumes étaient empoisonnés, si l'on se plaignait l'on vous chargeait à l'arme blanche, et l'on tirait sur vous comme sur une battue. Les registres de sépultures peuvent prouver qu'il en mourait au moins 12 par jour, l'on en a vu dans la même journée jusqu'à 30. Je crois qu'il faut passer sous silence ces traits d'horreurs qui flétriront à jamais le gouvernement monarchique de la France.
Cette victime, au bout d'une année, fut obligée, de contrainte, de se remettre en route, dans une situation plus triste qu'à son premier exil, il fut relevé pour mort sur le pavé de Rochefort, un lieutenant de vaisseau le fit porter à l'hôpital comme matelot et lorsqu'il fut rétabli, le plaça chez un nommé Bougras, traiteur où mangeaient plusieurs officiers, il y resta jusqu'au moment où il partit en station. 11 travailla ensuite à l'abbaye Saint-Michel-en-l'Herm à Niort, chez M. Vil-don, à l'échevêché à Poitiers, muni de certificats, passeports, des lieux où il avait travaillé ; il fut à Paris son lieu natal, espérant avec ce qu'il avait gagné obtenir plus facilement la justice qu'il réclamait en vain ;, le jour de son arrivée, il fut pris dans son lit et conduit chez le commissaire Ferrant, qui prit connaissance de tous ses papiers et les lui fit remettre en lui disant qu'il ne pouvait faire autrement, vu son exil, de l'envoyer en prison; il ordonna qu'il fut mis sur le préau, mais pour lui ôter toute réclamation on le mit au cachot où il resta depuis le 27 septembre jusqu'au 7 novembre 1787; il fut transféré pour la seconde fois arbitraire, sans avoir été plus interrogé qu'à sa première détention. Cette victime lui réclame ce qui lui fut pris au moment qu'on le mit au cachot : qui consiste en un portefeuille où était .renfermé ses papiers de famille. Brevet, passeport, certificat, lettre de voiture, un billet de la caisse d'escompte de la valeur de 300 livres et sa malle, tout jusqu'à ses boucles cela lui étant remis chez le commissaire ça ne fut pas porté dans l'écrou, ce qui fait que c'est perdu, à moins qu'il ne vous plaise; Messieurs, de lui faire rendre la justice qu'il réclame en vain depuis 12 ans.
Cette victime fit passer ses réclamations au ministre, ainsi qu'au directeur des finances qui le fit mettre hors de Bicêtre le 10 mars 1789. En dépit des ordres du ministre, on lui "a fait signer de force un second exil qu'on lui retira sur-le-
champ, il sortit encore muni du scorbut ; se rendant à l'hôpital Saint-Louis, il fut arrêté et conduit chez le commissaire seigneur, qui fit refus de l'envoyer en prison, ces preuves peuvent se vérifier, le commissaire a dit qu'il faudrait mieux faire mourir des hommes quand ils sont coupables que de les faire souffrir de la sorte.
Cette victime, étant rétablie, fut auprès du ministre réclamer le tort qui lui fût fait, il le renvoie à M. de Crosne qui lui dit pour toute réponse, que s'il était à Paris, dans 24 heures, qu'il le ferait remettre d'où il sortait et qu'il n'en sortirait jamais.
Cette victime parvint à savoir pourquoi il fut emprisonné, le commis des ordres du roi de la mairie lui a donné lecture de l'écrou ; il est «ainsi conçu : Ce jourd'hui fut arrêté par nous santerre, conseiller du roi, inspecteur de police, le nommé Louis-François ûumain, natif de Chartres, gagne-deniers, étant en compagnie suspecte, muni de fausses clefs ayant subi plusieurs procès et voleur sans preuves, ces faits sont constatés sur des registres publics. L'accusé demande un jugement qui prouve cette fausseté.
2° Cette victime se nomme Jean-Baptiste Cazin, natif fils de maître et apprenti de Paris, il n'est jamais sorti que pour travailler au voyage de la cour, il faut lui prouver où il a porté les noms que l'on lui substitue, en quel endroit et quelles en sont les preuves.
S'il fut trouvé en compagnie suspecte, il fallait en instruire la cause pourquoi et comment; il était à dîner avec un îeune homme de sa connaissance, qui fut réclamé par M. le curé de Saint-Martin qui vengea son innocence, et l'exposant resta seul victime parce qu'il était orphelin et que sa famille aurait désiré et désire encore sa mort.
S'il a subi plusieurs procès, les pièces feront foi, c'est la preuve fondamentale du faux, il faut lui prouver quelle espèce de procès, de quel nature sont les délits, dans quels lieux il les a subis, les dates, les années, à quel greffe sont déposées les pièces, c'est la seule preuve démonstrative, où vos sagesses verront avec indignation et seront définitivement instruits. Si cette victime avait été trouvée munie de clefs, on devait le traduire par-devant le tribunal criminel pour savoir d'où elles venaient et pourquoi il les portait étant gagne-deniers au dire de l'inspecteur; il n'était pas au ressort de la police, il devait être poursuivi par le procureur du roi, qui aurait conclu et fait jugement selon les formes de ce temps.
Voleur sans preuves, ne peut s'entendre. Le parlement lui-même, refusa cet indice et fit plusieurs représentations sur les pouvoirs arbitraires que s'arrogeait la police ; je crois avee vérité que les hommes de lois qui sont dans le sein de l'Assemblée nationale diront qu'il leur serait plus facile de démontrer aux pieds de la loi et aux jugement de l'Europe, que l'inspecteur, le commissaire, le lieutenant de police et lé ministré lui-même, sont non seulement des voleurs avec preuves, mais la vraie source d'où dérivait tous les crimes qui se commettaient, non seulement à Paris, mais dans toute l'étendue du royaume.
Cette victime a interpellé le décret du mois d'avril 1790, qui autorise tout individu détenu illégalement, ae pouvoir requérir les pièces qui constatent toute inculpation pour ensuite obtenir un jugement conforme aux lois du royaume; mais le garde des sceaux, le ministre de l'irtté-
rieur et M. Bailly lui ont imposé silence, lorsqu'il a interpellé, la loi a prouvé que sa demande était fondée de droit, mais pour plus grande injustice, c'est qu'ils portent l'impératif jusqu'à vous enjoindre de vous taire, en vous? traitant de séditieux et vous menaçant de la lorce publique, voilà comme les mandataires du peuple libre se comportent envers leurs concitoyens, aussi cette victime est-elle réduite à l'état le plus humiliant, ditramé, abboré de sa famille qui l'a déshérité ne pouvant se placer nulle part,tout nu, devant à des prisonniers qui l'alimentent et lé logent ; sans santé, attaqué du scorbut, n'ayant pu malgré toutes ses tentatives, se procurer aé l'ouvrage depuis la réforme des travaux de secours, à l'entrée d'un hiver qui paraît ne pas être des plus favorables, il est condamné à tomber d'ina* ni tion et se voir geler, si votre sagesse n'intervient à son secours. Il y a un décret dans l'acte constitutionnel qui promet des secours à des citoyens actifs dans chaque département, voilà cependant 6 mois que cette victime n'en peut trouver, il a été auprès du corps Constituant au département, au directoire, à la muuicipalité, à la section, tout cela et rien fut la même chose étonnante que l'on occupe dans mille places différentes des hommes qui pourraient s'en passer.
Je dis que la nation et la loi doivent tous secours à cette honnête victime.
Représentants de la nation,
Ce citoyen, injustement opprimé, réclame l'article 9 des Déclarations de l'homme, qui dit que tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, ne peut et ne doit rester diffamé sur des registres publics, que la loi qui impose soumission, doit et accorde de même, protection à l'homme qui l'invoque pour venger son titre de citoyen, seul trésor digne de l'ambition, d'un enfant de la patrie et dont il ne peut pas même se séparer en descendant dans la tombe sans abjurer sa liberté.
Oui, législateurs, l'étendue de vos profondes lumières annonce, par avance, à cette honnête victime, la justice qu'il réclame en vain depuis 12 années et lui certifie que vous u'êtes pas venus jusqu'à présent sans connaître les crimes, les ruses et le trafic de ces monstres qui ne vivaient que du sang de l'espèce humaine, sans pouvoir assouvir leur vil intérêt. Le pouvoir de vos commettants vous met sous les yeux, le flambeau de la justice. Guidés par cette sagesse, l'humanité, les sentiments, nionneur, vous demanderont pour cette victime, de la manière la plus impérieuse, de la faire traduire aux pieds des nouveaux tribunaux, pour y être vengé d'un châtiment illégitime, ou puni avec toute la sévérité des lois, si les faits ci-énoncés sont faussement et méchamment représentés.
Ce citoyen est muni du plus profond respect pour l'Assemblée nationale, promettant une volontaire soumission à l'Acte constitutionnel, mais jurant de mourir, plutôt que d'abandonner la défense des droits ae l'homme et du citoyen et des vrais défenseurs des droits du peuple.
Je vous demande qu'il lui soit permis de se dire, très respectueusement, votre très humble et très obéissant serviteur.
Signé : Cazin.
Séance du
présidence de m. aubert-dubayet, vice-président, et de m. gensonné, ex-président.
présidence de m. aubert-dubayet, vice-président'
La séance est ouverte à dix heures.
Un de MM. les secrétaires donne lecture du procès-verbal de la séance du mardi 26 juin 1792, au matin.
(L'Assemblée en adopte la rédaction.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres, adresses et pétitions suivantes :
1° Lettre du sieur Jurie, commissaire de police de la section des Quinze-Vingts, par laquelle il annonce que le nom de Verniquet, un des signataires de la pétition contre M. Chabot, est absolument inconnu dans les sections du faubourg Saint-Antoine, et qu'il n'y a qu'un seul citoyen du nom de Dubreuilh, lequel dénie la signature apposée à la dénonciation. Cette lettre est ainsi conçue (1) :
« Section des Quinze-Vingts, comité civil et de police, le
« Monsieur le Président,
« J'ai l'honneur de prévenir l'Assemblée nationale que malgré les recherches les plus sévères relativement aux individus qui ont signé la dénonciation contre M. Chabot, nous n'avons trouvé dans tout le faubourg Saint-Antoine qu'un seul Dubreuilh, qui a fait dans mon bureau la déclaration dont j'ai l'honneur d'envoyer expédition aux représentants du peuple.
« Le nom Verniquet, un des signataires est absolument inconnu dans les trois sections. Nous continuons nos recherches, car les citoyens du faubourg sont jaloux de ne point passer pour calomniateurs. (Applaudissements.)
e J'observe à l'Assemblée nationale que je serais bien plus coupable que M. Chabot, si pendant ma présidence j'avais souffert qu'un mauvais citoyen, tel pouvoir que le peuple lui ait confié, prêchât dans ma section le meurtre, l'incendie, le carnage à plus de trois mille hommes, qui assistaient à la délibération. Non, Monsieur le Président, quoiqu'en disent les modérés, les intrigants, les conspirateurs, les citoyens du faubourg Saint-Antoine ne sont point une bande de brigands; je connais mieux le peuple que ses calomniateurs. Un jour peut-être les ennemis de la Constitution reconnaîtront à sa grande clémence toutes ses vertus. Dans la journée du 20 juin, il n'aurait point paru armé à l'Assemblée nationale, si l'arrêté du directoire avait paru avant qu'il fût en armes, si tous les citoyens armés Pavaient connu, si enfin les fonctionnaires publics avaient eu le temps d'en expliquer les dispositions au peuple.
« Je n'ai pas besoin, Monsieur le Président de prévenir l'Assemblée nationale que jeudi dernier pendant que le tocsin de la guerre civile battait dans Paris, à 3 heures du matin, je ne sais par quel ordre les citoyens du faubourg ne se sont levés debout que pour gagner un pain de 4 livres, seule nourriture de leur nombreuse
famille depuis que les traîtres ont tout accaparé.
« 11 n'existe dans le moment aucun germe de fermentation. »
« J'ai l'honneur d'être avec respect, Monsieur le Président, un citoyen ami de la loi,
« Signé : Jurie, commissaire de police de la section des Quinze-Vingts.- »
Suit la déclaration du sieur Dubreuilh :
« L'an 1792, le mercredi 27 juin, est comparu devant nous, Glaude-Barthelemy Jurie, commissaire de police de la section des Quinze-Vingts, faubourg Saint-Antoine.
Le sieur Jean-Melchior Dubreuilh, ébéniste, demeurant rue de la Roquette n° 1, dans une maison ayant pour enseigne « le roi de Suède », lequel nous déclare qu'étonné de voir sa signature posée au bas d'une diatribe sanglante en forme de dénonciation, dirigée contre M. Chabot, membre de l'Assemblée nationale, il nous demande acte de ce qu'il entend suivre le mauvais citoyen, qui, perfidement faussaire, a abusé de son nom, pour insulter à un représentant de la nation, dont il estime les principes en ce qu'ils ne tendent tous qu'au bonheur du peuple et au maintien de la Constitution ; que citoyen du faubourg Saint-Antoine, il a les mêmes sentiments que ses frères, et que, loin d'avilir aucun des législateurs, il est prêt à verser son sang pour défendre les vrais amis du peuple ; Requiert que nous, commissaire de police, envoyons sur-le-champ copie du présent, signé de lui, pour que l'Assemblée nationale fasse confronter les signatures, et afin que les imposteurs et les faussaires soient punis, suivant la rigueur des lois, s'ils sont découverts. »
« Signé : dubreuilh.
« Sur quoi nous, commissaire de police, avons ordonné, suivant le vœu de ce citoyen, que copie du présent serait sur-le-champ envoyée par une ordonnance à M. le président de l'Assemblée nationale, afin que les législateurs soient bien convaincus que les citoyens du faubourg Saint-Antoine n'ont des bras vigoureux que pour défendre l'Assemblée nationale contre ces conspirateurs qui n'ont pour vertu que l'art perfide des calomnies, et nous avons signé ainsi :
« Signé : dubreuilh, Jurie, commissaire.
« Certifié conforme à l'original déposé au greffe de la section des Quinze-Vingts, ce 27 juin 1792, l'an IVe de la liberté qu'il faut défendre.
« Signé : Jurie, commissaire de police. »
Un de MM. les secrétaires continue la lecture des lettres, adresses et pétitions envoyées à l'Assemblée :
2° Lettre de M. Amelot, relative à l'admission des reconnaissances de liquidation en payement des domaines nationaux.
(L'Assemblée renvoie la lettre au comité de l'extraordinaire des finances.)
3° Lettre de M. Amelot, qui, pour faciliter l'exécution du décret relatif au mode provisoire de remboursement, propose de fixer une date précise, au lieu de l'époque de la publication du décret, toujours difficile à justifier par l'Administration.
(L'Assemblée renvoie la lettre au comité de l'extraordinaire des finances.)
4° Lettre des administrateurs du district de Pé-ronne, dans laquelle ils transmettent à l'Assemblée copie d'une adresse qu'ils ont envoyée au roi, tant en leur nom qu'au nom du conseil général de cette ville, où ils expriment la douleur qu'ils ont éprouvée en apprenant les événements qui ont eu lieu le 20 juin. (Applaudissements à droite.)
(L'Assemblée renvoie la lettre à la commission extraordinaire des Douze.)
5° Adresse d'un grand nombre de citoyens iVAbbeville, qui expriment la douleur des habitants de cette ville, en apprenant l'événement du 20 juin. Cette adresse est ainsi conçue :
« Abbeville,
« Messieurs,
« C'est lorsque la Constitution est violée que le nom du peuple est envahi et profané; que son représentant héréditaire est avili, qu'il n'est plus permis à des citoyens qui aiment la patrie, son bonheur et sa gloire, de garder un lâché silence et de dévorer dans l'obscurité une stérile et vaine affliction.
« Le silence des bons enhardit les méchants, et leur donne peut-être tout leur empire; il faut enfin élever une voix qui leur soit formidable, il faut qu'ils ne trompent plus, de leur apparente majorité, un peuple qu'ils égarent, il faut les détromper eux-mêmes sur une consistance qu'ils s'exagèrent. Puisse donc notre exemple être imité !
« Nous venons, Messieurs, déposer dans votre sein notre douleur et vous demander la vengeance et la réparation des attentats du 20 juin dernier.
f Le palais du roi a été forcé par un rassemblement criminel ; sa personne a été outragée ; des hommes coupables lui ont insolemment demandé la révocation du veto- du 19. Voilà, Messieurs, les crimes dont nous vous demandons d'ordonner la poursuite et de surveiller le châtiment.
« iNous avons tous juré la Constitution, nous devons tous la maintenir, et la maintenir entière.
« D'après cette Constitution, le roi étant inviolable, sa demeure ainsi que sa personne doivent être respectées. Ceux qui ont violé l'enceinte de son palais ont donc commis un attentat crue les lois doivent punir; et ceux qui ont osé lui présenter, non pas l'honorablè bonnet de la liberté, mais le signe sanguinaire d'une misérable faction, ont violé sa personne, en mettant le roi dans la nécessité de s'affubler d'une coiffure ridicule, pour le rendre l'objet d'une dérision coupable. Nous demandons donc que ces attentats soient poursuivis; nous demandons la punition des magistrats qui les ont lâchement laissé consommer sous leurs yeux; car nous repoussons loin de nous l'idée qu'ils aient pu les favoriser ou les applaudir. Cette même Constitution a déféré au roi, non pas pour lui donner une prérogative royale, un veto d'autant plus salutaire que le Corps législatif devant être et rester un, il fallait, par un lent appel au peuple, le préserver des erreurs d'une trop grande précipitation du Corps législatif, ou même au danger possible de la tyrannie.
« Mais ce veto, qui est dans la Constitution, le roi doit l'exercer librement. Le roi doit être
aussi libre dans l'exercice de cette faculté royale, qu'un député à l'Assemblée nationale doit l'être dans son opinion. Ainsi, demander la levée du veto, c'est violer la Constitution; la demander avec violence et les armes à la main, c'est la violer avec atrocité.
« Nous demandons donc encore que les auteurs de ce crime soient recherchés; nous demandons qu'ils soient exemplairement punis.
« Permettez-nous, maintenent, Messieurs, de déplorer l'égarement coupable d'une multitude abusée, mue par des scélérats qui nous déshonorent aux yeux de l'Europe entière. Ils appellent le peuple. Ah! qu'ils sachent que le peuple de tous les départements les désavoue.
« D'abord ils envahissent un nom qui ne leur appartient pas. Paris n'est pas le peuple Français; à plus forte raison, une fraction de Paris, plusieurs de ses sections, une partie de ses faubourgs ne peuvent prendre un nom si grand, si respectable et si saint.
« Mais le peuple français respecte la Constitution qu'il s est donnée ; il honore le roi comme il honore le Corps législatif. 11 rend un pareil et juste hommage aux 2 pouvoirs constitués; il veut que l'Assemblée nationale soit respectée; mais il veut aussi souverainement que le représentant héréditaire, que le premier fonctionnaire public marche environné de la vénération, du respect que doit lui concilier l'éminente dignité dont il est revêtu.
« Oh! vous, Messieurs, qui représentez temporairement le peuple, vous, à qui il appartient d'exprimer son vœu, vengez l'outrage fait au peuple lui-même dans l'offense à la dignité royale; et surtout versez dans le cœur sensible et bon du roi les douces consolations de l'intérêt et de l'amour du véritable peuple français. Dites-lui que les citoyens d'Abbeville aiment, chérissent, respectent sa personne. Dites-lui qu'ils soutiendront de tous leurs efforts son autorité constitutionnelle. Ces sentiments et ces principes seront accueillis par vous, Messieurs, puisqu'ils doivent être, pour l'Assemblée nationale, le fidèle garant de notre respect, de notre vénération. »
« Les citoyens actifs de la ville d'Abbeville soussignés. »
« S'ensuivent 190 signatures. »
(L'Assemblée renvoie l'adresse à la commission extraordinaire des Douze.)
Deux citoyens de Houdan, département de Seine-et-Oise, sont admis à la barre (1).
L'orateur de la députation donne lecture de la pétition suivante (1) :
« Houdan, le
« Messieurs,
« C'est avec regret, mais avec confiance que nous avons quitté nos foyers, pour venir déposer dans votre sein, notre sollicitude et réclamer dans ses interprètes la protection et l'exécution de la loi.
La petite ville de Houdan qui, dans toutes les époques relatives à la Révolution, s'est distinguée par son patriotisme, son dévouement à la chose publique, son civisme, et le respect le plus marqué pour les lois, se trouve aujourd'hui inculpée d'une manière outrageante, par le directoire de son département qui, par sa lettre du 20 courant adressée au district qui l'a transmise à la municipalité (2), affecte d'agir en despote et se permet des apostrophes et des menaces aussi peu fondées que déplacées, contre les officiers municipaux. Vous serez étonnés, Messieurs, d'apprendre que cette altercation est occasionnée par une poignée de nones insolentes qui, quoique cloîtrées, refusent de prêter serment, s'ingèrent d'admettre dans leurs assemblées intérieures, des laïques, des femmes de la ville et surtout des prêtres réfractaires, tous ennemis jurés de la Constitution, à l'aide desquels elles se croyent fondées d'insulter journellement des officiers municipaux.
« Le 7 courant, la municipalité, dans l'espoir de faire cesser cet abus, a pris un acte de délibération, tendant à se transporter le lendemain au couvent, à l'effet d'engager les religieuses à prêter le serment prescrit par la loi, comme tenant de jeunes pensionnaires à qui elles font faire la première communion et tenant aussi les écoles publiques, et le lendemain 8, elle s'y est présentée et sur la proposition aux religieuses de prêter le serment civique conformément à la loi du 18 avril dernier, dont leur a été donné lecture, elles ont unanimement répondu par un refus formel et ironique. Tous ces faits sont constatés par 2 procès-verbaux ci-annexés (3) lesquels démontrent l'honnêté, la charité et la prudence que les officiers municipaux en corps, ont apporté dans leur démarche à ce sujet.
« Copies de ces 2 procès-verbaux du 7 et 8 du courant ont été remises le 11 du même mois au directoire de district pour les transmettre à celui du département et ni l'un ni l'autre n'ont encore jugé à propos d'y répondre. Il y a plus, ces religieuses font desservir leur église et couvent par un prêtre inconnu, qui refuse constamment de se faire connaître et de prêter le serment civique; on assure même que plusieurs dévotes externes vont de préférence recevoir la communion de sa main. Il n'est pas surprenant que des religieuses, entêtées de l'orgueil de l'aris-
tocratie monastique, se soient révoltées et aient porté des plaintes au directoire du département à cause de la démarche des officiers municipaux. Cette démarche contrariait leurs vues anticonstitutionnelles, mais qu'un directoire de département, sans aucun examen, sans communiquer les plaintes qui lui sont adressées, les saisisse avidement pour molester une municipalité parce qu'elle a fait une démarche qui lui est ordonnée par la loi... cet événement est bien étonnant surtout dans les circonstances actuelles, ce n'est ras pour agir de la sorte qu'ils sont payés par a nation, tandis que les municipalités qu il leur plaît d'opprimer n'y coûtent absolument rien. Ce directoire, par sa lettre du 20 courant, dit : qu'il est informé que la municipalité de Houdan, malgré ses représentations (portées dans sa lettre du 9 même mois (1)* dans laquelle il approuve sa démarche) persiste et continue à exercer ses persécutions contre les religieuses et leur chapelain, etc., etp... Pourquoi ne pas nommer l'auteur de cette imposture? D'où vient qu'il se cache? Pourquoi cette dénonciation, n'a-t-elle pas été communiquée à la municipalité? Ce préalable était dans l'ordre, bien plus que de se permettre des menaces sur un faux exposé, pourquoi enfin cette contradiction dans les 2 lettres du directoire du département? La mu-nicipaliié observe que quand des gens mal intentionnés et reconnus pour ennemis de la Constitution, faisaient parvenir à ce directoire des mémoires contre les officiers municipaux, il leur donnait satisfaction sur-le-champ, mais qu'il n'en était pas aussi lorsque la municipalité adressait des mémoires et demandait des instrutions, qu'au contraire ces mémoires restaient pour la plupart sans réponse, et si parfois ils étaient repondus, c'était toujours trop tard que cette réponse parvenait et dans un temps si éloigné de la aemande que l'on ne pouvait plus en faire usage
« Avant la Révolution notre petite ville ae Houdan jouissait d'environ 1,500 livres de rente du produit de ses actions : ce revenu était employé tant au soulagement des pauvres, qu'à l'entretien du pavé des rues, des puits publics et aux frais de bureau de l'Hôtelde-Ville. Actuellement et depuis que ces octrois sont supprimés, la ville se trouve sans un sou de revenu depuis 4 ans et dans la plus grande détresse.
Quelques démarches que les officiers municipaux aient faites vis-à-vis du directoire, pour réclamer des secours, vu la nécessité urgente, il n'en ont reçu aucune satisfaction ni soulagement, ce qui les a forcés de faire des emprunts considérables depuis 4 ans. La plupart des officiers municipaux et autres citoyens de la ville amis de la Constitution, ont bien Voulu faire des avances pour éviter le dépérissement de la chose publique qui tombait dans l'inertie.
« Cet exposé, Messieurs, vous convaincra que la ville de Houdan a besoin de secours les plus urgents tant pour l'acquittement de ses dettes quepour continuer son activité dans son travail.
« Nous osons espérer que vous voudrez bien accueillir notre pétition et la prendre en consir dération dans tous ses points.
« Les maire et officiers de la ville de Houdan,
Signé : Le Frême, maire, Mormet, Charpentier, Fleury, Duguet, Bouvet. »
'répond aux pétitionnaires et leur accorde les honneurs de la séance.
Un membre : Je demande que le. comité des domaines dépose lundi prochain, à la séance du soir, son rapport sur la réduction des maisons religieuses.
(L'Assemblée adopte cette proposition.)
Une députation de jeunes citoyens de Pùris est introduite à la barre.
Vorateur de la députation offre, au nom de ses camarades, un don patriotique de 24 livres en assignats pour subvenir au frais de la guerre.
répond à la députation et lui accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée accepte cette offrande aveé les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis aux donateurs.)
MM. les professeurs de l'Université de Douai sont admis à la barre.
M. le Recteur, en leur nom, dépose sur l'autel de la patrie, 5 masses d'argent, qui servaient autrefois aux massiers qui marchaient devant les recteurs.
répond à MM. les professeurs de l'Université de Douai et à leur recteur, et leur accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée accepte cette Offrande avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis aux donateurs.)
M. Moreau, d'Annesnoire, canton de Milly, district d'Etampes, est admis à la barre. Il offre, en assignats, 10 livres.
répond au donateur et lui accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée accepte cette offrande avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis au donateur.)
Un de MM. les Secrétaires continue la lecture des lettres, adresses et pétitions envoyées à l'Assemblée :
6° Adresse de 6,620 citoyens de Lyon-, cette adresse est ainsi conçue (1):
« Lyon, le 19 juin 1792,l'an IVe de la liberté.
« Représentants du peuple français,
«La Constitution est en danger et la nation outragée, les faètieux triomphent, ils se
jouent des lois, ils dominent le château et le cntf du pouvoir exécutif aussi lâche
qu'inconséquent {Murmures à droite,) S'abandonne à leurs criminels conseils; il dédaigne la
volonté nationale pour y substituer la sienne, ou plutôt celle d'une poignée de
conspirateurs, qui ont juré la perte de l'Empire. Pendant que.vous veillez à sa conservation,
pendant que vous prenez les plus sages mesures pour assurer la tranquillité intérieure, ce
roi faux et parjure (Nouveaux murmures) agit en sens contraire et par un seul mot rend vos
efforts inutiles pour complaire aux monstres qui l'entourent ou pour suivre un svs-tème
destructeur de la liberté naissante. Ses deux frères sont armés contre la patrie et il
s'oppose à une nouvelle levée de troupe destinée
« Législateurs, la perfidie est manifeste, le temps est venu où il ne faut plus dissimuler, le danger est grand, ne vous laissez plus abuser, considérez la profondeur de l'abîme qui est ouvert sous vos pas et les malheurs qui menacent la patrie; voyez les pleurs et les gémissements du peuple, craignez les effets de son désespoir et prévenez, par de grands et sévères moyens, une insurrection que votre indifférence pourrait rendre légitime. Pénétrez dans ces antres ténébreux où on prépare le malheur des Français, sauvez vous-mêmes la chose publique, ne comptez plus les protestations toujours fausses d'un nomme que sa versalité rend justement suspect et dangereux. 11 faut enfin dire la vérité : Louis XVI vous trompe... (Applaudissements des tribunes.)
Plusieurs membres s'élèvent contre ces applaudissements et demandent l'ordre du jour !
Je demande la continuation de la lecture.(Nouveuux applaudissements des tribunes.)
J'ordonne aux tribunes de faire silence ; si le bruit continue je ferai exécuter le règlement et je donnerai des ordres pour faire respecter l'Assemblée.
M. le secrétaire continue : « Louis XVI a favorisé l'émigration des Français rebelles dont ses frères dirigent les mouvements, en refusant sa sanction au décret qui assurait leur punition, en s'opposant à une nouvelle levée de troupes destinées à les combattre. Louis XVI autorise les conspirateurs du dedans en frappant de nullité les décrets de déportation et autres concernant les prêtres séditieux (Murmures à droite.) Louis XVI ne veut pas la Constitution puisqu'il renvoie les ministres qui la faisaient marcher, qui en assuraient le succès, Louis XVI ne veut pas la Cons-. titution, puisqu'il protège les monstres qui l'attaquent à main armée.
Plusieurs membres (à droite) : L'ordre du jour ! Cela vient des Jacobins! (Vive agitation.)
J'entends ces Messieurs dire que ces adresses se font sur un moule fabriqué aux Jacobins ! Je réponds à ces Messieurs qu ils n'ont qu'à faire un moule aussi ; il sera déchiré et brûlé dans tous les départements. (Applaudissements à gauche.)
Je ne considère pas si telle ou telle adresse vient des Jacobins ou de toute autre société ; mais ce qui m'intéresse, c'est que l'on n'entende pas des adresses qui prêchent l'anarchie, l'insurrection, la subversion de toutes les au'orités constituées. (Murmures à gauche). Je demande à l'Assemblée de passer à l'ordre du jour.
(L'Assemblée décrète que la lecture sera continuée.)
M. le secrétaire continue : « Législateurs, voilà l'état des choses ; prononcez. Cet homme pour qui vous avez eu tant d'égards, peut-il encore exercer le droit terrible de diriger le mouvement de nos armées? L'exécution de vos lois doit-elle lui être confiée, quand il s'en déclare l'ennemi? Telles sont les questions que vous avez à résoudre et dont la solution tient au salut ou à la perte de l'Etat.
« Législateurs, armez-vous d'un grand cou-
rage, déployez un grand caractère, rappelez-vous que la nation est souveraine. Parlez en maîtres, vous en avez le droit, et des millions de bras sont à vos ordres pour assurer le succès de vos travaux. Les temps d'indulgence sont passés; trop de ménagements ou d'égards deviennent un crime ; recherchez les coupables et frappez. Encore quelques jours d'indulgence et la liberté n'est plus. Sachez quels ont été les motifs du renvoi des ministres vertueux ; que cette faction infernale qui désole la France soit enfin connue; que le point de son ralliement soit anéanti. Que les Servan, les Roland, les Clavière soient réintégrés ou l'Etat est perdu.
« Législateurs, le peuple français à ses yeux fixés sur vous et attend de votre énergie la punition des traîtres, son salut est dans vos mains et sa perte vous serait imputée, si vous montriez ae la faiblesse. Ecoutez ces avis ils sont donnés par la majorité des citoyens de cette grande ville, et approuvés par ceux de tous les départements. Comptez pour rien cette minorité qui s'agite avec d'autant plus de violence qu'elle se trouve plus faible, et que ses prétentions sont injustes. Elevez-vous au-dessus de l'intrigue et de la malveillance, bravez les traits qui vous sont lancés par ces insectes venimeux; ils ne pourront jamais atteindre les vrais défenseurs des droits du peuple. Quand la liberté est aussi évidemment menacée ; il faut déchirer le voile qui couvre un tissu d'impostures et d'horreur (Murmures à droite) et il faut anéantir l'hydre aux cent têtes, qui veut nous dévorer, ou le mettre hors d'état de nuire.
« C'est ce que les citoyens soussignés attendent de vous, c'est ce qu'ils demandent à grands cris. »
(Suivent les signatures.)
(L'Assemblée renvoie l'adresse à la commission extraordinaire des Douze.) i
Un de MM. les secrétaires continue la lecture des lettres, adresses et pétitions envoyées à l'Assemblée :
7° Pétition de Noël Lebreton, caporal de la garde nationale soldée, emprisonné pour avoir, sur les bruits qui s'étaient répandus d'un projet d'évasion du roi, pris, sur son compte, d'ajouter une disposition à la consigne. Il demande que le Comité de législation, auquel cette affaire est renvoyée, fasse incessamment son rapport.
(L'Assemblée renvoie la pétition au comité de législation.)
8° Lettre de M. Terrier, ministre de Vintérieur, qui envoie un bordereau de situation de la caisse de l'économe général et un état des comptes arrêtés dans ce bordereau ; il demande que le comité de l'examen des comptes, dont le rapport est prêt soit incessamment entendu.
(L'Assemblée renvoie la lettre à son comité de l'examen des comptes.)
9° Lettre des commissaires de la Trésorerie nationale, relativement à la loi du 14 mars 1792, qui a mis à la disposition du ministre de l'intérieur une somme de 10 millions.
(L'Assemblée renvoie la lettre au comité de l'ordinaire des finances.)
10° Lettre de M. Beaulieu, ministre des contributions publiques, qui envoie trois états relatifs à la fabrication des monnaies.
(L'Assemblée renvoie la lettre et les états aux comités des assignats et monnaies.)
11° Lettre de M. Duranthon, ministre delà jus-
tice, qui demande une interprétation de l'article 21 du titre VI de la loi du 29 septembre 1791.
(L'Assemblée renvoie la lettre au comité de législation.)
12° Adresse d'un grand nombre de citoyens de Laval ; cette adresse est ainsi conçue (1) :
« Laval, le
« Législateurs,
« Sous l'influence d'un ministère composé de vrais amis du peuple, tous les troubles avaient disparu du département de la Mayenne ; les impôts se payaient, les lois s'exécutaient, et la Constitution prenait enfin cette marche imposante qu'elle aurait eu bientôt dans tout l'Empire, si des traîtres n'égaraient un roi qui n'a jamais eu la force de leur refuser sa confiance, La bravoure et le patriotisme de nos généraux, la conduite de notre armée, la vigueur de vos délibérations, tout semblait nous offrir l'espoir le plus consolant, et c'était dans l'heureuse attente de voir bientôt porter les derniers coups aux ennemis de l'égalité, que nous nous livrions à la plus douce sécurité. Mais quel a été notre réveil, nos espérances n'ont été qu'un vain songe; nous dormions, et nos ennemis veillaient. Ils ont senti que s'ils ne faisaient renaître nos inquiétudes, s'ils ne ramenaient au milieu de nous le désordre avec la défiance, s'ils ne 'parafaient notre force armée, qui marchait à grands pas vers des victoires assurées, tout était perdu pour eux, et ils n'avaient pas de temps à perdre pour nous convaincre que le régime actuel ne peut s'allier avec la tranquillité et que son élément est l'anarchie. Ils empêchent l'ordre de s'établir, ils fomentent eux-mêmes les troubles dont ils se plaignent, et par cette tactique infernale, ils comptent nous fatiguer et nous amener à un accommodement honteux. Tant de manœuvres perfides nous ont ouvert les yeux, elles ont enflammé nos cœurs de la plus vive indignation, nous avons vu ie danger ae la patrie et nous nous sommes levés. C'est en hommes libres, que nous allons vous présenter la vérité et appeler enfin le glaive des lois sur une tête coupable et trop longtemps épargnée. Nous vous le disons, législateurs, ce n est point une demi-mesure qui convient dans ces circonstances critiques; c'est à la racine de l'arbre de la sédition qu'il faut porter la cognée et d'un seul coup délivrer la France de,tous ses ennemis. Oui, l'auteur de tous nos maux, le mobile de tous les projets contre-révolutionnai-res auxquels se laisse entraîner le chef du pouvoir exécutif, l'appui des factieux de l'intérieur, celui des traîtres de l'extérieur, enfin l'ennemi implacable de la liberté celui qui a juré la ruine de la nation française, c'est la femme du roi. (Applaudissements.)
Plusieurs membres : L'ordre du jour!
M. le secrétaire continue :... Et c'est cette femme artificieuse et corrompue que nous vous proposons de mettre en état d'accusation. Frappez, tandis qu'il en est temps encore. Marie-Antoinette à Orléans et l'Empire est sauvé ! » (Vifs applaudissements des tribunes.)
Plusieurs membres (à droite) : C'est une horreur !
Un membre : Nous ne sommes pas envoyés ici pour entendre toutes ces horreurs-là!
(L'Assemblée décrète de passer à l'ordre du jour.)
13° Lettre d'un grand nombre de citoyens de la ville de Vannes qui transmettent à l'Assemblée copie d'une adresse qu'ils ontenvoyée au roi (1).
Un membre : J'observe à l'Assemblée que cette adresse étant envoyée au roi, il est inutile d'en entendre la lecture. Je demande l'ordre du jour.
(L'Assemblée décrète de passer à l'ordre du jour.)
Un citoyen est admis à la barre.
11 produit une pétition, datée du mois de mars 1791, en faveur de M. Créqui, pour lequel il a fait le sacrifice de sa fortune.
lui répond et lui accorde les honneurs de la séance.
Le sieur Fabre est admis à la barre.
11 annonce à l'Assemblée qu'il a découvert le moyen de guérir, dans l'espace de trois mois, les hernies les plus anciennes.
répond à M. Fabre et lui accorde les honneurs de la séance.
Un membre : En prévision des bienfaits qu'une pareille découverte donnerait à l'humanité, je demande le renvoi au pouvoir exécutif.
(L'Assemblée renvoie là vérification de cette découverte au pouvoir exécutif.)
Présidence de M. Gensonné, ex-président.
, au nom du comité d agriculture, fait un rapport sur une pétition (2) du sieur Boisson de Quincy, relative aux moyens les plus économiques de se pourvoir en subsistances; il s'exprime ainsi :
Messieurs, le 27 mai dernier, vous avez renvoyé à votre comité d'agriculture une pétition
de M. Boisson de Quincy (3), ancien major d'artillerie et citoyen de Paris. Dans cette
pétition relative à l'approvisionnement du royaume, ce citoyen patriote et bien connu expose
que le gouvernement a été fort mal servi dans les achats faits par notre ministre récemment
dans la Méditerranée, et qu'il aurait pu obtenir, à 15 et 16 livres meilleur marché par
septier, une plus grande quantité de blé que celle que le dernier ex-ministre a procuré à la
nation française, sous la médiation de M. Huguet de Sémonville, notre ambassadeur près la
République de Gênes. M. Boisson ne se borne pas à cette stérile obserr vation, qui ne serait
propre qu'à exciter les inutiles regrets de l'Assemblée nationale; il offre de fournir,
d'ici à la récolte, une quantité considérable de blé étranger à un prix bien inférieur à
celui qui a été payé depuis plusieurs mois par le gouvernement français; et, à l'appui de
ses offres, il a communiqué plusieurs lettres authentiques qui prouvent l'importance et
l'étendue de sa correspondance en cette partie. De plus, il offre de faire à la première
réquisition, les fonds et avances nécessaires pour cet appro-
Quant aux Observations relatives aux pertes que la nation vient d'éprouver dans les achats, il n'a produit aucune pièce qui puisse les justifier. Il allègue seulement que les pièces justificatives sont dans les bureaux mêmes du ministre. Quoi qu'il en soit, votre comité d'agriculture n'a pu s'arrêter ni aux observations que M. Boisson ne justifie pas, ni à ses offres qui, quelque utiles qu'elles puissent être, ne sont pas du ressort de rAssemblée nationale. Il vous propose, en conséquence,^ renvoyer sa pétition au pouvoir exécutif, pour y être fait droit.
(L'Assemblée renvoie là pétition de M. Boisson de Quincy au pouvoir exécutif.)
, au nom du comité d'agriculture, fait un rapportai présente un projet de décret (1) relatif à la communication de la mer d'Allemagne à la Méditerranée par le canal de jonction ' du Rhin au Rhône; il s'exprime ainsi :
Messieurs, parmi les objets importants dont s'était occupée l'Assemblée constituante, et qu'elle s'est vu forcée de léguer à votre activité, se trouve le projet du canal de jonction du Rhône au Rhin. Les comités d'agriculture et de commerce s'en étaient occupés soigneusement, ils en avaient examiné tous les détails et l'avaient scellé de leur approbation le 22 septembre dernier; mais le peu d'instants qui restait avant l'ouverture de votre session, ne permit pas d'y statuer. Cependant vous-mêmes avez reçu de nouvelles pétitions tendant à presser l'exécution de ce projet infiniment avantageux ; et votre comité me charge de vous en présenter le rapport.
Dessécher des marais, livrer à l'agriculture des terres d'une-extrême fécondité, soustraire les riverains aux pernicieuses influences des vapeurs qu'exhale le limon, et aux maladies qui en résultent; procurer des travaux et de la subsistance à un grand nombre de journaliers; ouvrir des communications; faciliter les transports, aider, étendre1, encourager le commerce et l'industrie; accroître la population, et par conséquent augmenter la force sociale : tels sont, Messieurs, les effets nécessaires et habituels de l'établissement des canaux destinés à la navigation intérieure; ils ne varient que du plus ou moins, et que par des nuances assez généralement peu sensibles.
Celui dont je suis chargé de mettre aujourd'hui le plan sous vos yeux, est d'une importance si supérieure, qu'il sort absolument de la classe commune; et le bien qui doit en résulter pour la France entière est tel, que vous n'avez rien à négliger pour l'entreprendre.
Joindre la mer d'Allemagne à la Méditerranée directement, au grand Océan et à la Manche;
donner au commerce intérieur une activité qui se soutienne malgré les temps d'hostilités et
en dépit de toutes les circonstances contraires ; ravir aux, flottes ennemies les
productions de nos départements méridionaux ; assurer et doubler nos traites du Levant par
la facilité, la promptitude et la sécurité des transports, non-
Tel est, Messieurs l'aperçu des avantages commerciaux et économiques que ce canal assure à la France ; mais combien ils s'étendront au-delà, si les nations voisines sortent un jour de la léthargie politique où elles existent ensevelies depuis tant de siècles ; ou même, si leurs monarques, ouvrant l'oreille à la voix de leurs propres intérêts, veulent se prêter à une communication commerciale, qui deviendrait immense, presque sans coûter aucuns frais I
En effet, Messieurs, il n'y a presque rien à faire pour ouvrir du Rhin une tranchée dans le Danube, et, par cette ouverture projetée depuis longtemps, établir une communication très facile jusqu'à la Mer noire, à travers la Souabe et l'Autriche, la Hongrie, la Valachie, la Bulgarie et la Moldavie : uneautrë communication peut encore s'établir aisément par le Danube et la Vis-tule jusqu'à la mer Baltique, en traversant la Moravie,la Pologne et la Prusse; et voilà presque toute l'Europe, communiquant et commerçant dans son intérieur, sans redouter la lutte funeste des orages et des éléments si souvent conjurés contre la navigation des mers.
Une si ample et si belle communication ne contribuerait pas peu sans doute au rapprochement moral des nations de ces différentes contrées, et à l'accélération de l'instant heureux où je vois toute l'Europe ne faire qu'un peuple de frères divisé par familles et par tribus, mais uni parles liens de l'intérêt et delà philosophie, de la liberté réciproque et de la raison. Mais si la torpeur des nations voisines, si l'indifférence ou les calculs privés de leurs souverains, s'opposent encore longtemps à cette majestueuse communication; au moins, Messieurs, est-il absolument dans votre pouvoir de porter dans tout l'intérieur de la France, d'une de ses extrémités à l'autre, et dans toutes ses plus longues traversées, une communication libre et dont la dépense est infiniment modique en raison de ses immenses et précieux résultats.
Louis XIV a joint dans le dernier siècle la mer de Gascogne à la Méditerranée par le canal dè Languedoc : cette communication, quelqu'in-téressaiite qu'elle soit, n'est qu'une faible image de celle que vous offre la jonction du Rhône au Rhin; et celle-ci cependant sera trois fois moins coûteuse. Une grande nation devenue libre ne pourrait-elle, ou n'oserait-elle pas entreprendre aujourd'hui, lorsqu'il en coûtera si peu, ce que fit il y a 100 ans un individu? La majesté, la force et le pouvoir des nations, n'égaleraient-elles' donc pas celle d'un roi despote ?jl et vou-driez-vous laisser croire à la postérité que les Français libres ont eu moins de pouvoir que la France esclave ?
Je ne vous ai montré, Messieurs, que les avantages commerciaux et économiques du canal de jonction du Rhône au Rhin;.cependant il en est un autre bien précieux, et qui nous sera peut-être encore utile pendant plusieurs siècles : c'est la défense, la fortification même de nos frontières, et le transport des munitions et des forces,
sans bruit, sans dépense et sans délai, en temps de guerre, d'un lieu dans l'autre, et précisément aux endroits des besoins.
La navigation projetée prend de la Méditerranée jusqu'à Lyon, et, sortie de cette ville, elle doit passer par'Mâcon, Chàlon-sur-Saônej Verdun sur le Doux, Dôle, Besançon, Golmar, Sché-lestat, Strasbourg, et toutes les petites places intermédiaires; c est-à-dire, près de 100 lieues de marche dans la ligne même de nos frontières, et de manière à opérer parle canal, à l'insu de l'ennemi, tous les transports nécessaires de Strasbourg à Lyon, depuis Lyon jàsqu'à la Méditerranée, l'on doit encore se regarder comme dans la frontière, à cause de la chaîne de montagnes qui nous défend, et par la facilité de protéger les départements à l'orient du Rhône, en faisant [courir sur ce fleuve les armées et les munitions de guerre descendues une fois jusqu'à Lyon.
Avec quelques jonctions peu dispendieuses, et quelques canaux, dont plusieurs existent déjà depuis longtemps, dont quelques-uns s'exécutent en ce moment, et qui tous sont projetés, on établirait cette communication au nordjde la France ainsi qu'au midi, par la ligne même des frontières en passant par Nancy, Verdun, Sedan, Mé-zières, Landrecy, Bouchain, Douai, Lille, Aire et Saint-Omer, d'où l'on descend par deux canaux actuellement existants, à Graveline et à Dun-kerque : la Francè aurait donc vraiment alors,
8our se défendre des incursions des peuples du ôrd, non pas comme les Chinois, un mur de 200 lieues, mais un canal continu de près de 300 lieue» dont les deux rives seraient à nous à les prendre même des Bouches-du-Rhône jusqu'à Dunkerque.
Dans le projet dont il s'agit essentiellement en ce jour et qui prend delà mer d'Allemagne à la Méditerranée, les fleuves et les rivières navigables de leur nature," ou rendus tels par quelques travaux, forment presque toute l'étendue de la navigation, car le canal artificiel n'aura que 25 lieues de long tout au plus, depuis le port de Golmar jusqu'au-dessous ae Montbéliard.
Mais dans cet espace, qui présente actuellement des entrées libres à l'ennemi, les terres provenant de la fouille pour creuser le lit des eaux, peuvent très naturellement, et par une légère addition de dépense, être disposées en forme de rempart et de parapet sur la rive intérieure, en forme de glacis sur la rive externe, et nous faire en cet endroit une vraie ligne de défense : nous allons donc être absolument, et sans interruption, protégés déjà de Strasbourg jusqu'à la Méditerranée par l'effet de ce canal.
Cette navigation sort du territoire français au dessous de Strasbourg, et le quitte absolument à Hert; de cet endroit nous ne pouvons plus la considérer sous ses rapports militaires, mais seulement sous ses relations mercantiles dans la descente du Rhin jusqu'à la mer d'Allemagne. Au reste, il ne faut pas se dissimuler, ce sont ces aspects commerciaux qui lui donnent pour nous la plus haute et la plus précieuse importance. En effet, cette navigation nous rend en quelque sorteles voituriers de l'Allemagpe, et même de la Hollande. Tous les objets que ces pays tirent du Levant et de là-Méditerranée, peuvent leur être portés par nous; mais quels que doivent être leurs messagers, nous sommes du moins toujours assurés des bénéfices du transit depuis Marseille à Strasbourg ; c'est-à-dire dans une traversée de près de 280 lieues.
Ce trajet, heureusement long en notre faveur, est bien court et bien précieux pour l'homme de négoce, qui le compare aux périls sans fin et à l'immense étendue de sa route actuelle par la navigation maritime.
Un vaisseau chargé du Levant pour se rendre au Texel, est obligé de côtoyer l'Egypte et la Barbarie, l'Espagne, la France et l'Angleterre, pour arriver péniblement à travers les écueils de Gibraltar, les agitations de l'Océan et les tempêtes continuelles de la Manche; c'est une traversée de 11 à 1,200 lieues au milieu de mille dangers, et d'une durée toujours incertaine, au lieu d'une navigation très courte, à l'abri de tout écueil, de tout retardement imprévu, de tout accident.
Tant d'avantages réunis cautionnentà laFrance la certitude d'un transit très actif, et les succès commerciaux de l'entreprise.
Il ne faut pas oublier qu'en remontant le Rhin, notre navigation se reporte par Bâle dans tout l'intérieur de la Suisse : une très courte branche de fonction du canal principal au-dessous de Mùlhausen jusqu'à Huningue, et qui entre dans le projet proposé, abrège de 50 lieues et facilite extrêmement cette communication intéressante, et qui d'ailleurs serait possible, néanmoins quoique beaucoup plus longue, en remontant le Rhin depuis l'embouchure même de Lisle au-dessous de Strasbourg.
Nous voilà donc nécessairement, par le canal actuellement proposé, les entremetteurs de toute la Suisse, de l'Allemagne, et même de la Hollande pour son commerce du Levant.
Le grand intérêt des puissances voisines alors sera de s'ouvrir elles-mêmes un canal de jonction, très peu dispendieux et déjà projeté du Rhin dans le Danube, pour se faire à leur tour les entremetteurs de toute la partie intérieure de l'Europe, de la Souabe, de l'Autriche et de la Hongrie. Nos industrieux voisins ne négligeront sûrement pas cette ressource précieuse, qui né peut augmenter pour eux sans doubler pour nous; un transit immense versera donc alors ses richessses sur notre territoire depuis Jes Bouches-du-Rhône jusqu'à Strasbourg, et fécondera directement 10 ou 12 de nos départements des moins commerçants jusqu'à ce jour; cette superbe communication du Rnône au Rhin nous offre donc également des spéculations précieuses, et d'un succès certain, soit que nous l'envisagions sous des aspects lucratifs ou sous des considérations militaires.
Près du Val-Dieu, point de partage au canal artificiel, à égale distance à peu près entre Strasbourg et Besançon, et au centre des frontières du Nord et du Midi, existent deux posi-sitions destinées par la nalure, l'une à une place de. guerre, arsenal de frontière, l'autre à une citadelle qui pourrait être construite à loisir dans des temps opportuns, et d'où résulterait encore plus de facilité pour faire descendre de l'un ou de l'autre côté les armes, troupes et munitions nécessaires à la protection des lieux attaqués, soit vers le Nord, soit vers le Midi.
Deux ingénieurs, l'un militaire, l'autre des ponts-et-chaussées, ont successivement fait les observations et les recherches nécessaires pour l'exécution de l'entreprise; et ils s'accordent parfaitement sur la possibilité, sur la facilité même delà réaliser, également que sur les avantages incalculables et sa dépense modique.
Cette dépense est évaluée par l'un à 13 millions ; et la commission mixte* chargée de l'exa-
men des deux projets, dit que cette évaluation ne paraît pas s'éloigner beaucoup de la vérité. Mais quand elle s'élèverait jusqu'à 15 millions, que serait-ce encore en raison de la beauté, de la grandeur et de l'importance du projet (1)? Quelle entreprise, en effet, peut davantage être digne d'une nation devenue libre et faite {jour substituer de grands objets utiles à la société en général, au bronze inutile et à mille fastueux monuments, témoins injurieux et trop durables de la longueur de son esclavage et de l'orgueil de ses tyrans? La nature qui, dans un espace assez peu considérable, a réuni vers ces lieux les sources des quatre grands fleuves de France, celle du Danube et de plusieurs grandes rivières, et préparé tous les sites, semblait avoir caché ce projet à la vanité de nos anciens despotes, pour en réserver l'exécution aux premières années de la liberté française.
Déjà, Messieurs, le comité de commerce et d'agriculture de l'Assemblée constituante s'était, ainsi que je vous l'ai dit, occupé de ce vaste dessein; et son vœu consigné dans ses registres, se trouve parfaitement conforme à celui de votre comité d'agriculture, et entièrenent favorable à l'exécution du canal. Les affaires pressantes dont s'occupait, en ses derniers instants l'Assemblée constituante, la força d'en ajourner la discussion, ainsi qu'elle a fait de beaucoup d'autres objets également importants,
Conformément à l'article 6 du titre Ier du décret du 31 décembre 1790, surl'organisation des ponts-et-chaussées, une commission composée d'ingénieurs des ponts-et-chaussées et d'ingénieurs militaires, à cause des fortitications, avait examiné les différents plans et projets fournis par les contendants, sur l'exécution de ce canal; et c'est sur l'avis de cette commission et d'après les assertions les plus formelles et les plus satisfaisantes] que sont établies les bases du rapport fait au comité d'agriculture et de commerce de l'Assemblée constituante, ainsi que celles du rapport de votre comité; il ne peut donc vous rester aucun doute ni sur l'utilité, ni sur la possibilité de l'exécution, ni même sur la facilité, ni enfin sur le peu de dépense qu'elle occasionnera ; car, je l'ai déjà dit, il faut regarder comme vraiement légère une somme de 12 à 15 millions, pour une entreprise de ce genre; et la pénurie de notre Trésor n'est pas à mes yeux un motif plausible pour la rejeter. Nous devons mettre en opposition de cette avance les produits directs et considérables, dont je vous parlerai tout à l'heure, et qui feront rentrer vos fonds avec usure; d'ailleurs, il ne s'agit pas de tirer à l'instant delà caisse nationale,la somme nécessaire à l'entreprise; il ne s'agit même pas actuellement de son exécution subite ; au surplus, ies travaux ne peuvent s'exécuter dans le cours d'une seule année, avec toute l'activité possible, il faut au moins l'espace de 6 ou 7 ans pour la plus prompte exécution du canal. C'est donc seulement 2 millions, tout au plus de dépense par année.
Mais quel genre de dépense * C'est un argent qui ne sort point de chez vous; pendant tout
ce
Ce seront des milliers .d'amis nouveaux que vous ferez à la Révolution, ou plutôt de ses partisans, que vous affermirez contre les sollicitations mensongères des traîtres, dans ces départements où le fanatisme, où l'orgeuil et le dépit coalisés travaillent avec une criminelle constance les classes indigentes, parce qu'ils comptent toujours arracher à la misère publique et au désespoir ce qu'ils n'ont pu obtenir jusqu'ici de tant de promesses déloyales et de tant de perfides insinuations.
Il pourrait même se faire au besoin que cet argent ne fût pas une dépense nouvelle pour vous ; et le moyen en est très simple et très juste en même temps. Vous destinez tous les ans 12 ou 15 millions aux travaux de charité : or, le canal dont il s'agit devant être d'une utilité générale au royaume, quoiqu'il soit plus particulièrement avantageux à 10 ou 12 départements riverains, ne pourriez-vous pas extraire de ce fonds 1 million par an, pris sur la mass générale, et 1 million pris sur ce qui revenait aux 10 ou 12 départements voisins ; ce qui formerait la somme de 2 millions, plus que suffisante pour établir, en 7 ans, la navigation dont il s'agit, et toute employée nécessairement en travaux conformes à ceux des ateliers de charité? .
Enfin, Messieurs, une raison plus forte que toutes les autres et qui laisserait ies opposants sans réplique, en cas qu'il pût s'en trouver, c'est que cet argent, tiré au Trésor national, serait en très peu d'années bénéficié au centuple par le produit de vos forêts pourla fourniture de notre marine, et par la plus-valeur des domaines nationaux couverts de bois, dont l'impossibilité actuelle de l'exploitation annihile en quelque façon l'existence.
Pour vous montrer vos gains en cette partie, Messieurs, il suffira de vous dire que le seul département du Jura contient 52,348 arpents de forêts nationales, la plupart en sapins presqu'aussi anciens que la cime des rochers qu'ils couvrent, et où ces beaux arbres périssent par succession, après avoir, pendant plusieurs siècles, inutilement surchargé les côteaux qui les ont vu naître, et sollicité en vain jusqu à ce jour l'industrieuse activité de l'espèce humaine. Ajoutez à cela les immenses et aussi inutiles forêts du Doubs et des Vosges, de la Haute-Saône, du Haut et Bas-Rhin qui restent également presque sans valeur faute de débouchés.
Enfin, Messieurs, il suffira de vous apprendre que des portions des départements des Haut et Bas-Rhin d'où l'on peut faire quelqu'exploita-tion, les Hollandais achètent journellement de vous des pièces de mature qu'ils charient à grands frais, qu'ils font ensuite naviguer sur le Rhin, sortir par le Texel, descendre toute la Manche ; et qu'ils vous remettent enfin, après ce long, pénible et dangereux trajet, à Brest et à Rochefort où vous les payez 150 et 200 livres
le pied, qui leur avait coûté 10 à 12 livres sur les lieux-
Or, une fois la communication du Rhône au Rhin ouverte, ces arbres descendront et se rendront, presque sans aucun frais, en tout temps et sans risques, jusqu'à Rouen, Nantes, Marseille et Toulon; carie Rhône va communiquer à la Loire par le canal de Charolais, qui s'exécute actuellement; la Loire est liée depuis longtemps à la Seine par le canal de Briare; et une communication plus commode entre ces deux grandes rivières s'ouvre en ce moment par la forêt d'Orléans, entre cette ville et Corbeii.
Dans la suite il sera possible de faire parvenir les bois jusqu'à Dunkerque, par une route intérieure que j'ai succinctement indiquée ci-dessus; et même jusqu'à Brest, par une navigation de canaux projetés dans la ci-devant Bretagne avant la Révolution* Les Etats de cette province furent sur le point d'en arrêter la confection à leur dernière tenue. Les plans et les devis en sont dressés ; une compagnie hollandaise se formait, et l'exécution serait peut-être actuellement en pleine activité, sans les inconvénients qui ont éteint l'ancienne administration de ce pays ; mais la Révolution, qui a pressé son honneur en le réunissant plus intimement au reste du royaume, ne peut qu'augmenter l'espérance de voir se réaliser cet utile projet. Les compagnies ne manqueront pas, si la nation persuade qu'elle accueille de pareilles entreprises. La France, d'un moment a l'autre, verra dans son intérieur s'ouvrir de nouvelles communications, et, traversée de canaux peut-être un jour autant que la Chine, elle n'aura plus à désespérer d'atteindre aux richesses et à l'immense population de ce vaste Empire.
Quoi qu'il en puisse arriver ultérieurement, les jonctions actuelles de la Seine à la Loire, et de la Loire au.Rhône, garantissent l'exploitation facile et très lucrative de nos forêts des frontières; aussitôt que la jonction du Rhin au Rhône aura lieu.
L'emploi des fonds nécessaires pour l'exécution du canal dont il s'agit aujourd'hui, ne serait donc vraiment qu'une avance précieuse, un déboursé usuraire, si je puis me servir de cette expression, une collocation infiniment et directement profitable au Trésor national.
C'est surtout par cette considération, qu'il ne faut jamais perare de vue, que la confection de l'entreprise dont il s'agit, ne ressemble en rien à toutes les autres du même genre. Elles sont toutes unies à la nation, il est vrai, puisqu'elles accroissent toutes la population, le commerce et l'industrie, mais aucune d'elles ne produit sur-le-champ une mine d'exploitation semblable à celle de nos immenses, et jusqu'ici très inutiles, forêts des Vosges et du Jura.
Malgré l'immensité, la réalité, la certitude des avantages que ce canal présente à la France, peut-être, Messieurs, les circonstances où nous nous trouvons pourraient vous laisser du doute sur le mode de l'exécution, lorsque vous en serez venus à ce point; il est donc essentiel de vous présenter quelques réflexions à cet égard.
La plupart des canaux s'exécutent par des compagnies intéressées à l'entreprise, et on ne peut douter que ce ne soit en général le mode le plus avantageux à un Etat que l'embarras de ses finances contraint à la plus sévère économie dans l'avance de ces fonds : bien des gens pourraient même aller jusqu'à croire que le Trésor
public ne doit jamais être chargé de pareils travaux.
Cependant, Messieurs, il en est de si majeurs et de si importants, qu'ils ne semblent devoir être l'ouvrage que de la nation elle-même; et certainement aucun, jamais ne sera plus dans le cas de l'exception que la navigation dont il s'agit aujourd'hui ; aucune ne mérite plus d'être exécutée par vous, que celle-là, qui doit porter avec elle, et présenter aux peuples de l'Europe, tous les caractères de la puissance et de la dignité nationales. Mais je vais plus loin encore, et je soutiens, que votre intérêt demande qu'elle ne soit faite que par vous : je veux dire aux frais de l'Etat.
Lorsque vous permettez à quelque compagnie d'ouvrir un canal dans l'interieur de l'Empire, il faut trois choses essentielles à l'opération : la première, que vous établissiez un tarif des droits de passage ou transports ; la seconde, que ce tarif soit assez fort pour présenter à la compagnie de l'entreprise un profit clairet certain; la troisième, enfin, que vous accordiez à cette compagnie la jouissance, du canal pendant un espace de 50, 60 ou 80 ans, et même davantage, suivant l'importance de ses mises-dehors, afin qu'elle ait le temps de s'en récupérer avec usure.
De pareilles dispositions ne peuvent avoir de grands inconvénients dans l'intérieur du royaume, parce que c'est vous-mêmes que vous y soumettez, parce que le canal ne sert qu'à votre trafic particulier, parce qu'il n'y a que vous qui payez, comme il n'y a que vous qui jouissez : c'est un tribut que vous mettez vous-mêmes; c'est une taxe que la France impose aux Français, priva-tivement à eux seuls, et pour leur jouissance.
Mais il n'en sera pas ae même pour le canal dont il s'agit : outre la jouissance propre de vos forêts, celle de votre commerce particulier, et de votre défense militaire, vous devez envisager comme un point capital le commerce de vos voisins, le transit immense pour la Suisse, l'Allemagne et la Hollande; c'est là surtout ce qui doit donner de l'éclat et de l'importance à l'entreprise actuelle: c'est là ce qui doit en faire un article de haut intérêt pour les commerçants étrangers ; ce qui doit jeter sur toute l'Europe le premier fil des liens nationaux, et vous acquérir des droits permanents à l'admiration, comme à la juste reconnaissance des peuples voisins.
Il faut donc, Messieurs, que vous ameniez, par tous les moyens possibles, les autres nations à trouver leur plus grand intérêt dans le transit du Rhône et du Rhin sur votre territoire. Il faut donc que vous dégagiez, autaut que faire se pourra, cette navigation de toutes entraves, quelles qu'elles soient, il faut que vous la rendiez presque aussi gratuite que la navigation des mers et l'usage des grands chemins; et si Ja nécessité de l'entretien vous force à imposer quelques droits de transports, il faut du moins qu'ils se réduisent à une si petite valeur, qu'elle soit insensible ; ce qui ne peut avoir lieu, comme je vous l'ai fait voir, si vous chargez de l'exécution de ce canal une compagnie forcée d'en retirer ses avances avec bénéfices. Il serait donc bon que cette haute entreprise pût s'exécuter par la nation elle-même; au surplus, ce n'est pas encore sur cet objet définitif que votre comité vous propose de statuer aujourd'hui.
Il est temps de vous dire. Messieurs, que sur la direction du canal projeté, se trouvent la principauté de Montbéliard, qu'il traverse l'espace
de deux lieues, et la République de Mtilhausen l'espace d'une lieue et demie. L'on peut aisément, par un détour, éviter le territoire de Mtilhausen ; mais il n'est pas aussi facile d'éviter celui de Montbéliard.
Au reste, ces petits Etats, perdus, en quelque sorte, au milieu du continent, sont trop intéressés à se procurer une communication commerciale de cette importance, pour que l'on ait à redouter qu'ils se refusent au passage du canal chez eux ; et Mtilhausen a même manifesté ses intentions à cet égard ; mais il est essentiel que cet objet soit traité le plus tôt possible par le ministre des affaires étrangères, afin que l'on prenne les détails nécessaires des nivellements qui n'ont point été pris sur ces territoires, où
I on n'a pu opérer qu'à vue d'œil. Il est essentiel qu'on le fasse la toise à la main, et que l'on vous fournisse, dans son entier, un devis exact et très détaillé, très circonstancié de chaque partie des ouvrages; opérations que ces obstacles ont rendues incomplètes jusqu'à ce jour.
Quoique le passage par ces deux petits Etats étrangers soit plus court, par conséquent moins dispendieux, et par cela même à préférer sous certains rapports, il a paru cependant nécessaire à votre comité que l'on sût à combien monterait la même navigation en la conduisant par des détours et sans jamais quitter le territoire français. La comparaison des deux plans vous déterminerait ensuite à vous décider auquel donner la préférence; car, jusqu'ici, l'on n'avait point songé à ce détour, parce que, nécessairement, il sera plus long et plus coûteux.
Votre comité, Messieurs, ne peut terminer sans vous entretenir un instant des deux ingénieurs auxquels vous devez le projet dont il s'agit, et les travaux préliminaires qui vous ont procuré les connaissances propres à déterminer son exécution.
Ces deux hommes, également pleins de talents et de connaissances de leur art, sont MM. de La Chiche, maréchal de camp, ancien officier du génie militaire, et Bertrand, inspecteur général des ponts et chaussées ; ils avaient tous les deux fixé l'attention du comité de commerce et d'agriculture de l'Assemblée constituante, et votre comité, de même, a cru qu'ils devaient fixer la vôtre.
M. de La Chiche est l'inventeur reconnu du projet; il le conçut en 1744, n'étant encore que volontaire. Il découvrit l'heureux point de partage constamment fourni d'eaux très abondantes ; circonstance de laquelle dépend essentiellement le succès de l'opération. Il jeta son plan dans toute la grandeur de conceptions vastes et dignes de cette entreprise; une théorie brillante, des recherches immenses, des mémoires nombreux et d'une profonde érudition, étayent son système, qui consiste principalement à rendre le Doubs navigable ainsi qu'il l'était il y a plusieurs siècles, en supprimant toutes les digues, lesquelles ont dérangé son cours, encombré son lit, et ruiné son ancienne navigation, et en donnant un autre moteur aux usines établies sur ce fleuve, et pour le jeu desquelles on avait construit les digues.
Cet ingénieur mit, dés 1753, son projet sous les yeux du gouvernement, et il est amplement muni de pièces qui prouvent l'intérêt que les différents ministres y ont pris successivement.
II réclamait un privilège d'exécution pour lui, et des secours pour l'achèvement des travaux préliminaires; mais la versatilité du ministère
sous l'ancien régime a toujours mis obstacle à ses desseins. D'ailleurs, auprès d'une cour ambitieuse et pleine de corruption, c'était se rendre coupable que de vouloir le bien avec trop de modestie, trop de franchise et trop d'ardeur.
La basse jalousie, l'intérêt et l'intrigue, ont failli rendre pour toujours M. de La Chiche victime de son zèle, et lui faire payer les sacrifices de sa fortune, l'opiniâtreté de ses travaux et l'importunité de ses démarches, par la privation de son état.
Cependant en 1773, le ministre, sollicité par la Franche-Comté de réaliser enfin cette spéculation, chargëa M. Bertrand, ingénieur des ponts et chaussées dans cette ci-devant province, de lever les plans et de dresser des devis; il s'est acquitté de cette mission lui-même avec un zèle, avec une capacité qui le rapprochent, autant que faire se peut, du mérite de l'invention; et il est à même de soumettre à vos regards une masse de plans très bien exécutés qui prouvent ses soins suivis et entendus, et d'immenses travaux; et si la théorie brillante de l'inventeur du projet est digne d'éloges, il est également de la justice d'en accorder aux détails lumineux des plans, nivellements et devis exécutés par le second, dont le système d'ailleurs diffère absolument en ce qu'il conserve tous les ouvrages de l'art dans leur état actuel, et qu'il réalise la navigation du Doubs par le moyen des écluses et du rehaussement des digues.
Cependant, Messieurs,les comitésde l'Assemblée constituante avaient été d'avis que la nation'fit à M. de La Chiche une remise de 12,000 livres, pour récompense et indemnité de ses dépenses et de ses travaux; mais cet officier m'ayant chargé de renoncer pour lui à cet offre, votre comité n'a eu sur ce point qu'à applaudir à cette nouvelle preuve de désintéressement dont je me suis fait l'organe en sa présence.
Il ne vous reste donc en ce moment qu'à statuer sur la demande faite également, et par les deux ingénieurs, et par la commission mixte nommée l'an dernier par le pouvoir exécutif, pour l'examen de leurs plans, et agréée par les comités d'agriculture et de commerce de l'Assemblée constituante, et par le vôtre.
Ces demandes Consistent : 1° dans la négociation avec les gouvernements de Mtilhausen et de Montbéliard pour la levée des plans sur leur territoire; 2° la levée d'un second plan sans quitter le territoire français; 3° la remise, par le Trésor national, aux mains du pouvoir exécutif, d'une somme de 25,000 livres pour la levée de ces plans, prise des nivellements, dresse des devis, et en un mot pour l'achèvement de tous les travaux préliminaires.
Un jour vièndra, Messieurs, et c'est à grand pas qu'il s'avance, ce jour fortuné pour les races futures, où l'homme enfin songeant à réfléchir, connaîtra toute la dignité de son être, et où les peuples sentiront toute la force de leur puissance; ce jour de la création morale où les nations sont appelées par la philosophie vers une existence nouvelle : il arrivera malgré les despotes, ce moment heureux, où, dépouillées des préjugés de leur ignorance, élancées du gouffre ténébreux de leur servitude antique, et fondant leur chaîne au flambeau de la raison, elles reconnaîtront qu'elles peuvent tout ce qu'elles veulent, et que pour réussir, elle n'ont besoin que d'oser : c'est alors que foulant tant de trophées élevés jusqu'ici par leurs mains esclaves, aux despotismes religieux et politique, et mar-
chant avec sagesse et courage, elles feront rentrer au néant la tyrannie qui si longtemps les écrasa.
C'est alors qu'aux champs d'une fédération générale, et livrées sans obstacle aux sentiments de la nature, confondant leurs intérêts et leurs besoins, pressées devant l'autel de l'égalité sociale et politique, elles effaceront entre elles toutes les rivalités; elles se jureront amitié franche, communications réciproques, union indissoluble, paix éternelle et parfait oubli de leurs anciennes calamités.
Rien, Messieurs, ne peut conduire plus promptement à ce but si désirable, que le développement des communications de pays à pays', et cette considération ëtaye puissamment lés motifs que vous trouvez dans les avantages particuliers à la France, pour vous déterminer sans délai à l'ouverture de la navigation intérieure que votre comité vous propose.
PROJET DE DÉCRET.
« L'Assemblée nationale après avoir entendu son comité d'agriculture :
«Considérant les avantages qui doivent résulter du canal de jonction du Rhône au Rhin par l'intérieur des départements du Doubs, du Jura, du Haut et Bas-Rhin, non seulement pour ces contrées et celles adjacentes, mais pour la France entière à laquelle il procure une navigation libre par sou intérieur, d'une extrémité du royaume à l'autre dans tous les sens, et la communication avec la Méditerranée, la mer d'Allemagne et la Suisse-
«. Considérant que du rapport de la commission mixte nommée par le ministère, pour l'examen du projet et des deux plans des sieurs La Chiche et Bertrand, et de l'avis de cette commission en date du 28 juin 1791, il résuite que le canal est d'une facile exécution.
« Considérant la certitude des profits réels que la France en doit retirer par l'augmentation du produit des forêts nationales restées jusqu'ici sans valeur en ces pays faute de débouchés, et par le prix qu'il doit 'mettre aux autres biens nationaux situés dans les départements voisins, décrète ce qui suit:
« Art. 1er. Il sera établi une navigation intérieure pour faire
communiquer le Rhône au Rhin par les rivières de la Saône, du Doubs, de l'Haleine et de
Lisle, et par un canal artificiel intermédiaire avec une branche de jonction de Lisle à
Huningue.
Art 2. Le pouvoir exécutif est chargé de négocier avec les gouvernements de Montbéliard et Mûlhausen, la faculté de faire lever les plans, dresser les devis, prendre les nivellements et toutes les autres mesures préparatoires de cètte navigation, dans l'étendue de leur territoire, et de se concerter avec ces deux puissances sur le mode et les conditions du transit.
« Art. 3. Le pouvoir exécutif fera lever aussi des plans et dresser les devis pour opérer cette navigation sans quitter le territoire français, et mettre ultérieurement l'Assemblée nationale à même de statuer sur la préférence à donner à l'un ou à l'autre de ces deux plans.
« Art. 4. Ces plans seront dressés de manière à fairé concourir, autant qu'il sera possible, cette navigation à la défense des frontières.
« Art. 5. L'Assemblée nationale, reconnaissante du zèle et du désintéressement que les sieurs La Chiche, maréchal de camp, ancien, officier du
génie militaire; et Bertrand, inspecteur général des ponts et chaussées, ont montré constamment dans la suite des travaux relatifs à ce projet, déclare qu'elle est satisfaite de leur zèle et de leurs talents, et que leurs noms seront inscrits au procès-verbal ae ses séances comme citoyens, bien méritants de la patrie.
« Art. 6. L'Assemblée nationale décrète qu'il sera remis, par le Trésor public, entre les mains du pouvoir exécutif une somme de 25,000 livres, pour fournir à la dépense de la levée des plans, devis et nivellement dont il vient d'être parlé; elle se réserve de statuer ultérieurement sur le mode de l'exécution, et sur quels fonds seront pris les sommes nécessaires pour y parvenir.
(L'Assemblée ajourne la discussion à huitaine.)
, au nom des comités de l'ordinaire et de l'extraordinaire des finances réunis, donhe lecture d'une nouvelle rédaction des deux premiers articles du décret du 12 de ce mois, (1) concernant le remboursement de la dette publique et l'affectation des 300 millions d'assignats, de la dernière création, spécialement aux besoins de la guerre et au service de la Trésorerie nationale; ces deux articles sont ainsi conçus :
« Art. 1er. Les propriétaires de créances exigibles,
susceptibles de liquidation, qui auront acquis des domaines nationaux antérieurement au 20
juillet 1792, pourront donner en payement desdits domaines leurs reconnaissances de
liquidation provisoires ou définitives; mais cette faculté ne sera point transmissible, elle
n'existera que pour les créanciers directs dé l'Etat.
« A l'égard des biens dont l'aliénation est actuellement décrétée, qui seront adjugés postérieurement au 1er août, ils ne pourront être payés qu'en assignats, ou en numéraire, et aucune classe de créanciers ne pourra donner en payement des reconnaissances provisoires ou définitives de liquidation.
« Art. 2. Les porteurs de reconnaissances provisoires ou définitives de liquidation, délivrées avant la publication du présent décret, pourront donner ces reconnaissances en payement des biens nationaux acquis antérieurement au 20 juillet prochain, mais les receveurs de district ne pourront, à peine d'en demeurer responsables, recevoir aucune reconnaissance d'une date postérieure à la publication du présent décret; et à l'exception des assignats ou du numéraire, ils ne pourront recevoir en payement de biens nationaux que des récépissés du trésorier de la caisse de l'extraordinaire, délivrés conformément aux dispositions de l'article suivant. »
Un membre demande que l'époque du 20 juillet, fixée dans l'article premier, soit prorogée jusqu'au 1er août.
(L'assemblée adopte cet amendement, puis la nouvelle rédaction des articles 1 et 2.)
, rapporteur, donne ensuite lecture de la rédaction des articles additionnels qui ont été renvoyés au comité. (2)
Ces articles qui deviennent les articles 9, 10 et 11 du décret, sont adoptés sans discussion dans les termes suivants :
« Art. 9. Dans le cas ou la somme de 6 mil-
« Art. 10. Les effets aux porteurs et contrats provenant d'emprunts à terme ou à sortir en remboursement, ainsi que ceux provenant d'emprunts faits en pays étrangers et les suppléments nécessaires pour solder la différence du change, lors même que lesdits objets excéderaient la somme de 10,000 livres seront payés concurremment avec les créances liquidées au-dessous de 10,000 livres, sur les 6 millions affectées tous les mois au remboursement de la dette exigible.
Art. 11. Ne seront pas considérées comme dettç à terme, diverses créances à te ripe fixe, qui se liquident à la Trésorerie nationale, telles
Sue les offices de la maison du roi et de celle e la reine, supprimées en 1788, non plus que les remboursements de rentes sur le clergé, ceux des ci-devant fermiers généraux, régisseurs généraux et administrateurs des domaines. » Suit le texte définitif du décret rendu : « L'Assemblée nationale, considérant qu'il importe de prévenir sans délai les difficultés qui pourraient s'élever dans l'exécution du décret au 15 mai dernier, qui affecte spécialement aux besoins de la guerre et au service de la Trésorerie nationale les assignats de la dernière création ; considérant encore que pour maintenir le crédit des assignats, il est nécessaire d'empêcher que les biens qui leur servent de gage, ne puissent avoir une autre destination, décrète qu'il y a urgence.
» L Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités de l'ordinaire et de l'extraordinaire des finances, et après avoir décrété l'urgence, décrète :
Art. 1er.
» Les propriétaires de créances exigibles, susceptibles de liquidation, qui auront acquis des domaines nationaux antérieurement au 1er août 1792, pourront donner en payement desdits domaines leurs reconnaissances de liquidation provisoires ou définitives, mais cette faculté ne sera point transmissible; elle n'existera que pour les créanciers directs de l'Etat.
» A l'égard des biens dont l'aliénation est actuellement décrétée, qui seront adjugés postérieurement au 1er août, ils ne pourront être payés qu'en assignats, ou en numéraire, et aucune classe de créanciers ne pourra donner en payement des reconnaissances provisoires ou définitives de liquidation.
Art. 2.
« Les porteurs de reconnaissances provisoires ou définitives de liquidation, délivrées avant la publication du présent décret, pourront donner ces reconnaissances eu payement des biens nationaux acquis antérieurement au 1er août prochain, mais les receveurs des districts ne pourront, à peine d'en demeurer responsables, recevoir aucune reconnaissance d'une date postérieure à la publication du présent décret; et à l'exception des assignats ou du numéraire, ils ne pourront recevoir en payement de biens nationaux que des récépissés du trésorier de la caisse de l'extraordinaire, délivrés conformément aux dispositions de l'article suivant.
Art. 3.
« A l'avenir les reconnaissances provisoires ou définitives de liquidation ne seront plus directement admissibles en payement de domaines nationaux; mais ceux qui auront acquis des domaines antérieurement au 1er août 1792, seront tenus, s'ils veulent donner des reconnaissances en paiement, de les présenter à l'administrateur de la caisse de l'extraordinaire. Cet administrateur vérifiera si ie propriétaire est vraiment acquéreur, et qu'elle est la somme par lui due, à raison de ses acquisitions. Après cette vérification, il fera l'emploi de- la totalité ou d'une partie des sommes énoncées dans lesdites reconnaissances, en délivrant à l'acquéreur des mandats sur le trésorier de la caisse de l'extraordinaire, dont le récépissé sera pris pour comptant par les receveurs du district où les biens sont situés.
Art. 4.
« Aussitôt qu'il aura été fait emploi de la totalité ou d'une partie des sommes mentionnées dans les reconnaissances provisoires de liquidation, l'administrateur de la caisse de l'extraordinaire adressera au commissaire du roi, directeur général de la liquidation, un bordereau des imputations faites à la caisse de l'extraordinaire, au profit de chaque créancier. Le commissaire du roi, liquidateur, en tiendra compte, pour en être fait distraction lors de l'expédition de la reconnaissance définitive.
Art. 5.
« Les retenues à titre de dépôt d'un dixième sur des créances déjà acquittées, faites aux créanciers pour nantissement du non-paiement de leurs impositions, contribution mobilière ou contribution patriotique, lors même que lesdites retenues excéderaient la somme de 10,000 livres, seront remboursées aux créanciers aussitôt qu'ils justifieront de leur acquittement, et le montant desdits remboursements ne sera pas imputé sur les sommes destinées à rembourser les reconnaissances de liquidation au-dessous de 10,000 livres.
Art. 6.
« Aussitôt que, conformément aux dispositions de l'article 2 du décret du 15 mai dernier, les porteurs de reconnaissances définitives de liquidation, excédant en capital la somme de 10,000 livres, se présenteront à la caisse de l'extraordinaire, l'administrateur de cette caisse leur délivrera, après qu'ils auront fait les justifications prescrites parles décrets des 24, 27 juin et 29 juillet 1791, un mandat séparé pour lemon-tant des intérêts alors dus et échus, aux termes des précédents décrets. Ces mandats seront acquittés par le trésorier de la caisse de l'extraordinaire, et ne le seront pas des fonds destinés au paiement des reconnaissances de liquidation au-dessus de 10.000 livres.
Art. 7.
« Pour que l'intérêt des reconnaissances de liquidation excédant la somme de 10,000 livres, commence à courir du jour de leur présentation à la caisse de l'extraordinaire, conformément à l'article 2 du décret du 15 mai dernier, il suffira
que les créanciers justifient de leur résidence clans le royaume pendant le temps prescrit par les précédents décrets.
Art. 8.
« Dans le cas où la somme de 6,000,000 livres, au delà de laquelle le remboursement de la dette liquidée ne peut s'élever chaque mois, serait absorbée avant la fin du mois, les porteurs de créances qui doivent être remboursés au moyen de cette somme, seront inscrits sur un registre tenu à cet effet dans l'ordre de leurs présentations, et seront remboursés dans le même ordre sur les fonds du mois suivant. L'intérêt leur sera bonifié députe le jour de leur présentation jusqu'à celui de leur remboursement, qui sera indiqué dans le bordereau numéroté qu'on délivrera à la caisse de l'extraordinaire.
Art. 9.
« Dans le cas où la somme de 6,000,000 ne serait épuisée par les remboursements faits dans le courant d'un mois, la partie non employée de cette somme servira à accroître les fonds du mois suivant.
Art. 10.
« Les effets aux porteurs et contrats provenant d'emprunts à terme sortis ou à sortir en remboursement, ainsi que ceux provenant d'emprunts faits en pays étrangers, et les suppléments nécessaires pour solder la différence du change, lors même que lesdits objets excéderaient la somme de 10,000 liyres , seront payés concurremment avec les créances liquidées au-dessous de 10,000 livres, sur les 6,000,000 affectés tous les mois au remboursement de la dette exigible.
Art. 11.
« Ne seront pas considérées comme dettes à terme, diverses créances à terme fixe, qui se liquident à la trésorerie nationale, telles que les offices de la maison du roi, et de celle de la reine, supprimées en 1788, non plus que les remboursements de rentes sur le cierge, ceux dés ci-devant fermiers généraux, régisseurs généraux et administrateurs des domaines. »
, au nom du comité de législation, fait un rapport et présente un projet de décret au sujet des sieurs Bazelaire père et fils, Desalles-Vigneron et Nicolas Pierron, arrêtés par la garde nationale d'Arnet comme étant soupçonnés d'entretenir une correspondance avec Vennemi ; il s'exprime ainsi :
Messieurs, le 18 mai dernier, la garde nationale de la commune d'Arnet, district de Longwy, département de la Moselle, arrêta, sur la route d'Arnet à Luxembourg, trois voyageurs à pied, qui dirigeaient leur marche vers la frontière, et qui par cela même lui avaient paru suspects. Ces voyageurs furent de suite conduits devant la municipalité du lieu. Là ils représentent leurs passeports. Il en résulte que ce sont les sieurs Bazelaire, père, âgé de 54 ans ; le sieur Bazelaire, fils, âgé de 18 ans ; le sieur Desalles-Vigneron, âgé de 27 ans, tous citoyens de la viîle de Nancy.
Ces passeports contiennent au surplus leur déclaration de vouloir voyager, soit dans l'inté-
rieur du royaume, soit dans les départements de la Meurthe, de la Moselle et des Vosges.
On leur demande où ils allaient : ils répondirent qu'ils allaient chez le sieur Fabert, maître de forges, à Villerupt, lieu situé en deçà de la frontière.
On leur demande s'ils ont du numéraire sur eux; ils répondent, savoir; le sieur Bazelaire, père, qu'il a 39 louis de 24 livres, et le sieur Desalles-Vigneron qu'il en a 11. Mais après les avoir fouillés, on trouve sur le sieur Bazelaire 29 louis,et sur le sieur Desalles-Vigneron 68 louis au delà de ce qu'ils avaient déclaré.
Le sieur Desalles-Vigneron avait encore sur lui une paire de pistolets non chargés, avec un moule à balles.
Enfin, on trouva sur le sieur Bazelaire, père, six lettres à différentes adresses, dont l'une était adressée au sieur Fabert, de Villerupt, chez lequel les trois voyageurs avaient déclaré se rendre, et une note sans signature contenant ces mots : « il faut remettre 10 louis à M. Qo-defroy, il faut en remettre''16 à M. de Forne-rail, il y en aura 10 pour Max. »
Il paraît que Max est le nom du fils du sieur Bazelaire ; celui-ci ne se trouva rien sur lui, si ce n'est quelque menue monnaie.
J'observe que lorsqu'on fouillait M. Bazelaire, père, il chercha ^ déchirer les lettres dont il était porteur ; il parvint même à en déchirer trois, outre la note ou mémoire dont j'ai parlé.
Les lettres déchirées étaient adressées, l'une, au sieur Fabert, aux forges de Villerupt ; l'autre, au sieur Chingoutte, à Etelbruck ; et la troisième, au sieur Huré, au cantonnement de Dickirck près d'Etelbruck. Cette dernière était écrite en chiffres.
Je reviendrai bientôt sur le contenu de ces différentes lettres, dont tous les lambeaux ont été soigneusement conservés; mais je dois dire qu'aussitôt après cette première tentative, le sieur Bazelaire offrit lui-même de donner lecture non seulement des lettres par lui déchirées, mais encore de celles qui ne l'avaient pas été. Je dois dire encore que le sieur Bazelaire déclara qu'il allait conduire son fils dans la province de Luxembourg, pour affaires, disait-il.
Tels sont les faits qui résultent du procès-verbal dressé par les officiers municipaux de la commune d'Arnet, le 18 mai ; à la suite de ce procès-verbal, on saisit l'argent et les effets trouvés sur les trois voyageurs, ainsi qu'une voiture et deux chevaux qu'ils avaient laissés defrière eux à la porte d'Arnet, avec un domestique.
Le lendemain, 19 mai, le juge de paix du canton d'Arnet, après avoir récolé le procès-verbal des officiers municipaux de cette commune, et entendu les trois voyageurs, donna un mandat d'arrêt, non seulement contre eux, mais contre Nicolas Pierron, domestique du sieur Bazelaire, qui déclara avoir reçu l'ordre d'attendre son maître à la porte d'Arnet jusqu'à son retour. Il ordonna, de plus, que les objets saisis sur les sieurs Bazelaire et Desalles-Vigneron resteraient en dépôt jusqu'à ce que l'Assemblée nationale eût prononcé.
Vous avez, Messieurs, à décider s'il y a lieu ou non à accusation contre les quatre citoyens détenus depuis plus d'un mois dans la maison d'arrêt de Longwy.
Et d'abord, il est évident qu'il ne peut y avoir de doute à l'égard de Nicolas Pierron, domestique du sieur Bazelaire : il n'a fait que conduire
la voiture de son maître jusqu'à Arnet, où il avait ordre de l'attendre ; il n'avait qu'à obéir : et d'ailleurs il pouvait absolument ignorer les intentions ultérieures dû sieur Bazelaire ; il n'y a donc aucune apparence de délit sur son compte. On a seulement lieu de s'étonner de ce qu'il ait été aussi mis en état d'arrestation.
Quant au sieur Desalles-Vigneron, le juge de paix d'Arnet, tout en convenant qu'il n'y avait aucun indice contre lui, a cru néanmoins le mettre en état d'arrestation, parce qu'il pouvait être complice des sieurs Bazelaire.
Lorsque vous aurez apprécié, dans votre sagesse, la nature des délits qu'on impute aux compagnons de voyage du sieur Desalles-Vigneron, vous serez sans doute, Messieurs, mieux disposés en sa faveur. Mais enfin quelle est sa position particulière?
Son passeport l'autorisait à voyager dans le département de la Moselle, et c'est dans ce département qu'il a été arrêté.
Il a dit qu'il se rendait chez le sieur Fabert, aux forges de Villerupt, et cela est infiniment probable d'après cette circonstance que le sieur Bazelaire était porteur d'une lettre pour le sieur Fabert.
A ia vérité, il s'est trouvé nanti d'une somme assez considérable d'argent (89 louis de 24 livres). Mais, outre qu'aucune loi n'a tarifé la quantité de numéraire qu'un voyageur peut porter sur lui, le sieur Desalles-Vigneron allègue, dans un mémoire justificatif, que cet argent était principalement destiné à faire des emplettes.
Quoi qu'il en soit, le sieur Desalles-Vigneron n'était porteur d'aucune correspondance suspecte, ni d'aucune lettre pour les émigrés, il n'était fait de lui aucune mention dans les lettres dont le sieur Bazelaire se trouva nanti; ainsi rien ne prouve qu'il voulût émigrer, et il proteste que ce n'était pas son intention. Au reste, eût-il voulu émigrer, eût-il même émigré en effet, cette circonstance isolée ne pourrait que l'assujettir à la loi sur le séquestre des biens, et non le faire mettre en état d accusation.
L'attention de votre comité de législation s'est principalement arrêtée sur les sieurs Bazelaire père et fils, mais avant que d'entrer dans la discussion qui les concerne, comme les charges ui peuvent exister contre eux dérivent surtout es lettres dont ils se sont trouvés saisis au moment de leur arrestation, il convient de les analyser successivement.
Ces lettres sont au nombre de six : mais il en est deux qui semblent ne présenter aucune induction importante. La première était adressée au sieur Fabert, à Villerupt, et est sans signature. L'auteur de la lettre écrit à son ami que la direction des postes vient d'être ch-mgée, qu'il y a quatre jacobins pour administrateurs, qu'A coup sûr les lettres seront ouvertes ; qu'ainsi, s'il lui annonce quelque nouvelle, il ait l'intention de ne pas signer, ni d'indiquer le lieu d'où il écrira.
La seconde, qui est également sans signature, est à l'adresse au sieur Brillant, volontaire dans la compagnie de Beauce, à Pruym par Trêves et Luzerat. L'auteur de la lettre mande à son ami qu'il lui fait passer un paquet de pièces qu'il avait demandées pour le jugement de son procès.
La troisième, écrite en chiffres et sans signature, était adressée à M. Hure, à Diekirck, près d'Etelbruck.
Cette lettre était de nature à inspirer de violents soupçons, à cause du mystère dans lequelon avait cherché à s'envelopper. Mais un procédé bien simple a suffi pour en découvrir le sens et les expressions; et alors, bien loin d'y trouver aucune trame contre-révolutionnaire ni aucun attentat contre la sûreté de l'Etat, l'on n'y trouve que le langage innocent de la douce amitié, et même d'un sentiment encore plus tendre.....
Les premières phrases de cette lettre sont ainsi conçues : « Je profite, mon cher petit ami, de l'occasion d'un jeune homme, pour vous donner de mes nouvelles, car on m'assure que peu de lettres passent de vos côtés. Je vous écris en chiffres convenus, parce que je me méfie de la discrétion du porteur. Il faut éviter autant que possible d'avoir tant de gens dans sa confidence. On est si méchant que l'on croit toutes les liaisons criminelles : vous savez que je suis éloigné du vice, et que mes sentiments sont bien purs, quoique bien tendres... etc.
Les faits principaux qui résultent de ces lettres à la charge du sieur Bazelaire sont au nombre de quatre :
Il en résulte : 1° qu'un premier fils du sieur Bazelaire était déjà émigré depuis environ trois semaines du consentement de son père;
2° Que son second fils, officier dans un régiment de ligne, ayant donné sa démission après la déroute aeValenciennes, allait aussi émigrer et joindre son frère;
3° Que le sieur Bazelaire son père, allait l'accompagner jusqu'à la frontière;
4° Enfin, qu'au moment de leur séparation, il devait lui remettre les lettres et une partie de l'argent dont il était porteur, c'est-à-direlO louis pour lui-même, 10 louis pour un sieur Gode-frov, et 16 louis pour un sieur Formerai.
Mais comme ces lettres, destinées à passer en pays étranger, ne contiennent aucune manœuvre ou intelligence criminelle avec les ennemis de la France, tendant à favoriserle progrès de leurs armes sur.le territoire français (ainsi quel'exige l'article 4, section lre, titre Ier, du Code pénal) comme, d'ailleurs, la somme d'argent qui devait être remise aux sieurs Godefroy et Formerat n'était évidemment destinée, par sa modicité, qu'à satisfaire à leurs besoins particuliers, il est impossible de trouver, dans les deux derniers faits, rien qui induise un crime contre la sûreté générale de l'Etat.
projet de décret.
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité de législation, sur l'arrestation faite le 18 mai dernier, dans la commune d'Arnet, district de Longwy, département de la Moselle, des sieurs Bazelaire père, Bazelaire fils, Desalles-Vigneron et Nicolas Pierron.
« Décrète qu'il n'y a pas lieu à accusation contre lesdits Marc-Sigisbert-Antoine Bazelaire, Marc-Sigisbert Bazelaire, Louis Desalles-Vigneron et Nicolas Pierron.
« L'Assemblée nationale fait mention hono-tion honorable du zèle de la municipalité et de la garde municipale d'Arnet. »
(L'Assemblée adopte le projet de décret.)
, au nom du comité de liquidation, présente un projet de décret sur la liquidation de l'office du sieur Huard-Duport, lieutenant particulier de l'amirauté de Vannes, à la résidence de Lorient.
(L'Assemblée ajourne la discussion de ce projet de décret.)
(La séance est levée à dix heures.)
PREMIÈRE ANNEXE (1)
A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE
DU
Pièces déposées sur le bureau de VAssemblée par les deux députés extraordinaires de la commune de Houdan, département de Seine-et-Oise.
1
Lettre du directoire de Seine-et-Oise à la municipalité de Houdan.
« Versailles, le
« Le directoire, Messieurs, est informé que vous vous êtes transportés au monastère des religieuses de la congrégation de votre ville, a l'effet de requérir d'elles le serment prescrit par la loi ; rien de plus régulier et de plus juste que cette démarche : mais à constater leur prestation ou leur refus doit se borner votre mission ; tout acte qui tendrait à dissoudre cette maison ou à y commettre quelque violence est contraire à la loi, même à les remplacer, car ie remplacement appartient au département. En conséquence, le directoire vous observe que vous devez vous opposer de tout votre pouvoir aux intentions malveillantes que quelques ennemis du bien public pourraient manifester et pour faire cesser toute difficulté à cet égard, envoyer sans délai le procès-verbal que vous avez dû dresser au district de Montfort.
« Les administrateurs composant le directoire du département de Seine-et-Oise.
« Signé .'Ghivot, secrétaire, LEBRUN, etc., »
II
Lettre du directoire du département de Seine-et-Oise à la municipalité de Houdan.
« Versailles, le
« Messieurs,
« Le directoire du département est informé que malgré la lettre écrite par son procureur général à la municipalité de Houdan, pour la rappeler aux principes constitutionnels de liberté religieuse, néanmoins cette municipalité, eu consentant la réintégration du chapelain des Ursulines de Houdan qu'elle avait expulsé, lui a fait défense de faire 1 eau bénite, de confesser et communier lesdites religieuses.
« Veuillez bien, Messieurs, vous assurer, le plus promptement possible, de la vérité de ce fait et dans le cas où une pareille persécution existerait, nous vous prions d'interposer l'autorité de la loi pour la faire cesser, et de représenter à la municipalité de Houdan, que la liberté des cultes religieux étant un des points les plus sacrés de la Constitution, c'est s'élever contre la Constitution même que de s'opposer à l'exercice intérieur d'un culte, quand il ne
trouble point l'ordre public et la police extérieure; que le chapelain d'un couvent n'étant point un fonctionnaire public, la municipalité n'a aucune inspection sur la manière dont il célèbre son culte dans l'intérieur du même couvent; que la bénédiction de l'eau, la confession et la communion ne font point partie des fonctions publiques et que la municipalité n'a au cune surveillance à exercer sur ces cérémonies; enfin, représentez-lui fortement que toute persécution est un attentat contre la Constitution et que si elle continuait, soit envers les religieuses de Houdan, soit envers tout autre individu, le département se verrait obligé de prendre contre cette municipalité des voies rigoureuses, de la suspendre de ses fonctions dont elle abuserait et de la dénoncer aux tribunaux.
« Nous vous prions, Messieurs, de nous rendre très incessamment compte des suites de cette affaire.
« Les administrateurs composant le directoire du département,
« Signé : Duran, Lebrun, Rouveau.
« Pour copie conforme : vigoureux. »
III
Lettre de la municipalité de Houdan aux administrateurs du directoire du département de Seine-et-Oise.
« Houdan, le
« Messieurs,
« Notre premier mouvement lors de la réception de votre dernière lettre en date du 20 courant, qui nous a été transmise par le directoire de district, relative aux dames religieuses de Houdan, a été de vous taxer de partialité; le moment de la réflexion qui l'a suivi n'a pas été aussi défavorable, parce que nous avons cru que votre patriotisme avait été surpris pour vous avoir engagé à nous écrire une lettre aussi peu mesurée, surtout après avoir fait passer le 11 courant, par le directoire du district, deux procès-verbaux qui constatent nos opérations ainsi que les motifs qui les ont déterminées.
« Nous aimons croire que vous n'en avez pas pris communication, nous voyons néanmoins avec peine que vous avez trop facilement ajouté foi à des calomnies aussi invraisemblables et que vous avez négligé de vous occuper de nos réclamations que nous faisions au nom de la loi.
« Vous dites, par votre dernière lettre, que le directoire du département est informé que malgré la lettre écrite par son procureur général à la municipalité ae Houdan, pour la rappeler aux principes constitutionnels de liberté religieuse, néanmoins cette municipalité, en consentant la réintégration du chapelain des religieuses de Houdan, qu'elle avait expulsé, lui a fait défense de faire l'eau bénite, de confesser et communier lesdites religieuses. Le directoire du département, dites-vous, est informé, et par qui ?... Ne deviez-vous pas nous faire passer copie de cette information pour la réfuter? Un rapport clandestin n'est pas d'un honnête homme... Quoi qu'il en soit, nous pouvons vous assurer que ces rapports sont absolument faux. Nous vous faisons passer de nouveau et direc-
tement, une seconde expédition des procès-ver-baux du! ont eu lieu lors de notre transport au couvent, afin que par la communication que nous vous prions de vouloir bien en prendre, vous yous convaincrez de la réalité de ce que nous vqus exposons. Après la rédaction de ces procès-verbaux, il n'a pas été plus question entrq nous de ces religieuses que s'il n'en eût jamais existé àHoudan. Vous nous permettrez de Vous observer que votre lettre est inconstitutionnelle, qu'elle porte atteinte aux droits de l'homme, car nous nous supposons pour un instant coupables, mais jusqu'à ce que nous en soyons convaincus, nous devons être présumés innocents et comme tels, les expressions d'employer contre nous les voies rigoureuses, de nous suspendre de nos fonctions et de nous dénoncer aux tri-huqaux, sont déplacées.
« Faites-le, Messieurs, si vous le croyez nécessaire, mais ne nous insultez pas, èt nous vous répondrons : la loi est faite pour vous comme pour nous.
« Les officiers municipaux,
« Signé : Morinet» Fleury, Charpentier, Duguet, Bouvet, procureur, de la commune, Le Fresne, maire. »
IV,
Extrait des registres des délibérations de la municipalité de Boadan.
Séancé du
Le corps municipal, informé qu'il sè tenait des assemblées illicites au monastère des religieuses de la congrégation de cette ville, que qes assemblées étaient composées de personnes vulgairement appelées par le peuple, aristocrates » mftis qui sont plus réellement gens de là secte et attachées au parti des ecclésiastiques rèfractaires résidant en cette ville, parmi lesquels figuré le chapelain de ce monastère; que cette espèce de club -faisant tous les jours des prosélytes, il est à craindre qu'il ne vînt le parti dominant de la vjjle, et que de là ne résultassent lës plus grands maux : qu'il était encore à craindre que pes religieuses, conseryées dans leur monastère à la réquisition de la municipalité, sous la condition qu'elles continueraient les petites éPQles dont elles sont chargées, comme par le passé, devenant ennemies de la Révolution, donneraient nécessairement des instructions contraires à fa Constitution dont leurs élèves, du nombre desquelles sont plusieurs pension?-naire§, seraient peut-^tre victimes dans un âge plus avaucé, en mettant en pratique les premières instructions qu'elles auraient reçues dans la jeunesse, les impressions du jeune âge étant celles qui font le plus d'effet sur une âme sensible et dont elle se souvient toujours.
Sur lesquels ohjets, l'assemblée ayant porté tpute son attentiop, après avoir demandé l'avis du procureur de la commune, elle a provisoirement arrêté qu il était urgent de s'opposer à la continuation d'un pareil désordre qui n'entraînerait à la su.ite. que des événements funestes ; que le moyen le plus pacifique qu'elle avait à employer était de faire prêter le serment civique à ces. religieuses et d'y ajouter qu'elles enseigneraient élèves qqi lëUl" &opt c^nflées la qo'afitjtution français, conformément à la loi
du 12 octobre 1791, que ce serment était d'ailleurs conforme à la loi du 18 avril dernier, qui assujettit au serment toutes personnes sans distinction chargées de l'instruction publique ; que nonobstant que cette loi ne soit pas encore parvenue ministériellement à la municipalité, son exécution ne devait point être différée, les circonstances étant impératives.
Et sur-le-champ eu exécution du présent arrêté, il a été envoyé une lettre d'avis auxdites dames religieuses pour les prévenir que demain, 9 heures du matin, la municipalité se transporterait au couvent pour leur faire prêter serment d'après la loi du 18 avril dernier.
Signé au registre : lefresne maire, charpentier, Duguet, Fleury, Morinet, Bouvet, procureur de la commune et Oevresse, secrétaire.
V
Extrait des registres de la municipalité de Haudan déposé aux archives.
L'an 1792, le8 juin, neuf heures dumatin, nous, maire et officiers municipaux de la ville de Houdan, en éxecution de notre arrêté du jour d'hier, relatif à la prestation du serment civique des religieuses de cette ville, nous sommes transportés en leur couvent, sommes entrés dans le parloir extérieur et là, après la réunion de la communauté dans le parloir intérieur, nous leur avons dit que le motif de notre venue était de lui fàire prêter le serment civique d'enseigner aux élèves qui lui sont confiées la Constitution française, Ce dont nous les avons prévenues d'avance par notre lettre d'hier.
.Après l'explication susdite, la communauté, composée de 13 religieuses de chœur et 5 religieuses converses, répondit: que les religieuses de chœUr étaient les seules chargées de l'instruction publique, que conséquemment elles étaient aussi les seules sujettes au serment. Ayant consenti à cette objection, nous avons engagé ces religieuses de chœur susdites de prêter le serment prescrit par la loi. La communauté entière répondit qu'elles n'en feraient rien, que ce serment répugnait à leur conscience, qu'elles • ne le prêteraient pas et qu'elles demandaient trois semaines pour se consulter.
Vu l'opiniâtreté desdites dames religieuses à refuser la prestation d'un serment prescrit par la loi, maigre nos engagements pûi^ir les persuader auxquels el les ne répondirent que par un air d'ironie et de dérision, allant ipême jusqu'à mépriser nos réclamations légales, nous pops été forcés de nous retirer, en leur déclarant que nous allions rendre compte de leur désobéissance à la loi, tant au directoire du district qu'à celui du département et même aux digneâ et respectables membres de l'Assemblée nationale et les engager à nous donner une prompte réponse, sur un délit aussi dangereux pour la société, attendu qu'il opérerait une division dangereuse dans la ville et compromettrait infailliblement les habitants.
Signé : Lefresne, Lamare, Charpentier, Duguet, Fleury, Morinet, Bonnet, Devresse.
a la séance de l'assemblée nationale législative du
Adressé au roi par des citoyens de la viUe de Vannes (2) sur les événements du 20 juin.
« Représentant héréditaire de la nation,
« Des dangers imminents menacent la patrie, un vent de contre-révolution agite la France, des prêtres factieux déchirent le sein de l'Empire et allument le feu de la guerre civile. C'êstà vous à dissiper cet orage, c'est à vous à vous montrer l'ami de la patrie, dont vous êtes le premier citoyen, en sanctionnant les décrets de circonstances qui vous ont été présentés, c'est à vous enfin à déployer toute la vigueur du pouvoir exécutif contre des hommes qui s'efforcent de substituer l'anarchie au nouvel ordre politique. La France entière a les yeux fixés sur vos actions, elle voit vos écrits et examine vos proclamations, vous l'engagez à bannir la défiance de vos sentiments, vos discours furent civiques. C'est vrai, mais vos faits l'ont-ils été? Vous avez renvoyé, tout récemment, des ministres d'un patriotisme pur et éclairé; ils avaient la confiance publique, vous seraient-ils moins recommandâmes pour avoir bien mérité de la patrie? La Constitution donne aux citoyens le droit de représentation, et vous chasse? le vertueux Roland! Son crime à vos yeux serait-il de vous avoir parlé le langage de la vérité? il vous a connu un bon cœur et il vous a fait voir les dangers de la patrie, il vous a vu chancelant et il a voulu vous raffermir, il vous a, pour ainsi dire, trouvé sans force pour résister aux projets des contre-révolutionnaires, et il vous a fourni les moyens de les réprimer; il vous a engagé à ne pas paralyser plus longtemps les décrets de l'Assemblée législative, et pour prix de ses bons avis, vous l'éloignez de votre personne. A quoi tiennent de pareils actes, soyez franc?
Servan, Clavière et le courageux Roland emportent nos regrets, tous les bons Français leur vouent leur estime, leur reconnaissance et leur attachement, et vous, insensible à la grandeur de ces sentiments, vous ne les regrettez même pas. Sachez que si vous êtes vraiment digne d'être le roi dés hommes libres, ces ministres renvoyés sont bien dignes de former votre conseil. Hâtez-vous donc de les rappeler au ministère. La France réclame cette satisfaction.
« La nation étonnée attend de vous une explication définitive ; elle vous observe que, en négli-
feant d'arrêter le crime, on en devientcomplice. mployez les moyens que la Constitution vous donne pour déjouer les complots des factieux. Votre intérêt, votre honneur, vos serments vous le commandent. Montrez-vous le ferme et sincère appui de la liberté, et faites voir aux Français que vous, roi constitutionnel, êtes toujours fait pour l'être. »
« Les citoyens de la ville de Vannes.
(Suivent les signatures.)
Séance du
PRÉSIDENCE PE M- GÉRARDIN.
La séance est ouverte à 10 heures du matin.
Un de MM. les secrétaires annonce les dons patriotiques suivants :
1Q M. Gauly, curé de Saint-Vincent, district de la Roche-sur- Yon, département de la Vendée, en-r voie, en or, une somme de 48 livres.
2° Les sieur et dame Boulet, marchands lingers de la ville de Rouen, renoncent au remboursement de leur lettre de maîtrise et remettent la quittance de finance, montant à la somme de 37 1. 10 s-
(L'Assemblée accepte ces 2 offrandes avec les plus vils applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verhâl, dont un extrait sera remis aux donateurs.)
Un de MM. les secrétaires donne leçtqre des lettres, adresses et pétitions suivantes :
1° Lettre du directoire du département de la Gôte-d'Or, dans laquelle il annonce qu'il n'a pu encore faire mettre en liberté les prêtres réfrac-taires que le peuple a réunis dans le séminaire à Dijon. Les événements du 20 juin ont encore donné de l'agitation aux habitants et les admi-r nistrateurs attendent les ordres de l'Assemblée nationale pour prendre un parti.
(L'Assemblée renvoie la lettre à la commissiqn extraordinaire des Douze.)
2° Lettre de M. Servan, ex-ministre de la guerre. qui envoie à l'Assemblée (Jes observations su? les rapports qui ont été faits pour les objets relatifs à son administration-11 répond au compte rendu de M. Dumouriez, et annonce qu'il rassemble et fera incessamment passer au comité des finances, des pièces pour répousser l'inculpation qui lui a été faite, le 26 juin, dans le rapport de M. Blanchard.
(L'Assemblée renvoie la lettre au comité militaire.)
8» Adresse de plusieurs citoyens de la ville dxArras, relative au veto sur les 2 décrets concernant la déportation des prêtres et le rassemblement de 20,000 hommes à Paris. Cette adresse est ainsi conçue :
Les citoyens d'Arras à VAssemblée nationale (1).
« Représentants,
« Le 22 juin 1791, Louis XVI venait de fuir, aidé par La Fayette. L'Assemblée nationale qui s'est créée constituante disait alors du roi : que la nation française ne lui reprochait plus les violences exercées sous son règne lorsque d'accord avec les ennemis du bien public, il voulait par un seul forfait immoler la nation entière.
Depuis cette fuite, qu'a fait le roi pour efface? le souvenir de sa conduite? Depuis cette prote®-» tation écrite tout entière de sa main, dans laquelle il présente de nouveau la théorie de l'ea-? clavage, qu'a-t41 fait pour faire oublier ce crime
réfléchi? Il a corrompu l'Assemblée qui avait pris l'engagement solennel de venger la loi ou dé mourir. Il a abusé du droit que lui donne la Constitution pour en arrêter la marche et pour la détruire, pour protéger les traîtres, les émigrés, les factieux et les fanatiques, il a trompé publiquement et sciemment la nation, il oppose sa seule volonté à celle de tout le peuple français ; seul, il autorise les troubles prétendus religieux parce qu'il espère encore que le fanatisme servira la cause des despotes ; seul, il s'oppose aux mesures convenables au soutien de la liberté, à cette réunion de nos frères d'armes de tous les départements auprès de Paris, notre fraternité lui déplaît; seul,il entretient la fermentation qui agite la France dans l'espoir de nous décourager et de nous ramener à l'esclavage : par la lassitude, l'épuisement et l'anarchie, seul, il a dirigé les forces de l'armée des émigrés et du roi ae Bohême contre la nation, en ne s'opposant pas, par un acte formel, à cette entreprise qui s'exécute notoirement en son nom, en reprimant par son veto l'acte formel émané de la volonté nationale, et quand il voit que, contre son gré, des ministres qu'il n'avait choisis que par humeur ou par grimace, font cependant agir le pouvoir exécutif dans le sens de la Constitution et pour le bonheur général, quand il voit que la nation commence à respirer, il chasse ces ministres, ou les force à demander leur démission. : « L'indignation a peine à se contenir à la vue de cet abrégé de perfidies, de trahisons, de parjures et le besoin d'être libres nous fait dire avec nos frères de Marseille et de Paris, dans vos séances des 19 et 20 juin : « Le peuple veut absolument finir une révolution qui sera son salut et sa gloire, la liberté française est en péril, les hommes libres sont tous levés pour la défendre... Vous êtes les dépositaires de la volonté nationale, parlez et nous agirons. Plus de quartier puisque nous n'en pouvons plus attendre; une lutte entre le despotisme et ia liberté ne peut être qu'un combat à mort, car, si la liberté est généreuse, le despotisme sera tôt ou tard son assassin. Les alarmes de nos frères de Paris sont les nôtres et nous disons avec eux qu'ils vous ont présenté le vœu du peuple français : Ce qui les blesse nous vexe, ce qui les offense noUs irrite, leurs maux sont les nôtres et nous brûlons du désir de signaler notre reconnaissance pour tous les sacrifices qu'ils ont faits pour le soutien de nos droits et pour sauver la patrie. »
« JL'oppression est à son comble, législateurs et représentants. Ne nous forcez pas, par un trop long silence, à reprendre tous les droits de l'homme naturel; ne soyez pas plus longtemps complices des assassins de la France, si vous ne voulez pas que nous anéantissions les oppresseurs, que nous voudrions nous borner à réduire au repect dû à la majesté du peuple.
« Sou venez-vous, représentants, de ce que disaient vos prédécesseurs l'année dernière à pareille époque (dans leur adresse du 22 juin 1791 ;) songez que vous seriez criminels si (comme eux), vous aviez sacrifié 24 millions de citoyens à l'intérêt d'un seul homme; nous vous répétons avec tous nos frères de Paris, avec tous les Français :
« Réfléchissez-y bien, rien ne peut \ous arrêter. La liberté ne peut être suspendue. Si le pouvoir exécutif n'agit point il ne peut y avoir d'alternative, c'est lui qui doit l'être ; un seul homme ne doit point influencer la volonté de 25 millions d'hommes. Si, par un souvenir, nous le mainte-
nons à son poste, c'est à condition qu'il le remplira constitutionnellement ; s'il s'en écarte, il n'est plus rien pour le peuple français.
« Le roi s'est-il écarté de son devoir, oui ou non? Voilà comme doit être posée la question, la nation ne doute pas qu'il y ait manqué. Dans ce cas que faut-il faire? Nous venons de vous le dire, examiner et juger.
« Votre devoir de tous les jours et de tous les instants est de vous souvenir que la souveraineté est une, indivisible, inaliénable, imprescriptible, qu'elle appartient à la nation qu'aucune section du peuple, aucun individu ne peut s'en attribuer l'exercice. C'est de vous souvenir que le premier fonctionnaire public déserte son poste, s'il y fait lè contraire de son devoir, s'il s'attribue, ou s'il empêchel 'exercice de la souveraineté nationale, alors vous avez comme représentants de la nation, comme dépositaires de la volonté universelle et par conséquent comme revêtus de tous les pouvoirs nécessaires au salut de l'Etat et à l'activité du gouvernement, vous avez le droit de suppléer à la déloyauté de ce premier fonctionnaire. Vos prédécesseurs disaient à la nation le 22 juin 1791, et l'expérience nous a appris que l'ordre peut exister partout où il existe un centre d'autorité : Nous ne craignons pas de voir ralentir la marche de la Constitution tant qu'existera l'Assemblée nationale permanente, sous ses yeux la Constitution peut aller toute entière et seule puisqu'elle s'est établie malgré les efforts des ennemis de la patrie, puisqu'elle s'est établie malgré la résistance aujourd'hui trop constante du pouvoir exécutif.
« Représentants, faites cesser l'état déchirant dans lequel la France se trouve, les tyrans et autres vautours à leurs f>age3 ne nous épouvantent pas, qu'ils disparaissent, nous voulons rester libres, tout autre volonté doit se taire quand la voix du souverain s'est fait entendre.
« P. S. Vous avez décrété, le 19 de ce mois, l'envoi de l'adresse de nos frères de Marseille aux 83 départements ; nous ne l'avons pas encore, le 24 juin au soir. Si c'était une simple lettre d'un ministre ou tout autre ennemi du peuple, déjà elle aurait empoisonné toutes les municipalités des campagnes, tant est grande pour cela l'activité des administrations supérieures, depuis surtout qu'elles sont des pépinières à ministres. »
(Suivent les signatures.)
(L'Assemblée renvoie l'adresse à la commission extraordinaire des Douze.)
4° Pétition des citoyens de la ville du Havre qui applaudissent aux principes consignés dans la lettre de M. de La Fayette à l'Assemblée nationale. Ils déclarent qu'ils ont ressenti une vive douleur en apprenant les événements du 20 juin, ils veulent que le représentant héréditaire ae la nation soit respecte comme ses représentants élus, et ils demandent que le Corps législatif ne laisse pas impunis les attentats portés à la liberté, à la sûreté du roi et à la monarchie. « Nous ne voulons d'autre influence que la lpi, disent-ils, et nous demandons l'abolition de certaines associations qui ne méritent d'autre nom que celui de factions. Les sentiments qui ont dicté la lettre du général de La Fayette sont les nôtres. Nous reconnaissons avec lui que si la patrie est en danger, elle ie doit à la faction jacobite qui est cause de tous les maux qui désolent l'Empire et qui a invoqué tous les désordres. » (Applaudissements à droite et dans les tribunes.) Ils terminent
en demandant qu'il soit fait justice des libelles de Carra, Marat et autres apôtres de l'insurrection, qui inondent les départements, et jurent de soutenir la Constitution, qu'ils attaquent, jusqu'à la mort.
(L'Assemblée renvoie la lettre à la commission extraordinaire des Douze.)
5° Lettre de la municipalité de Nancy, qui adresse à l'Assemblée un arrêté par lequel elle adhère à la pétition adressée par les citoyens de cette ville contre le tribunal du district, et en demande avec elle le renouvellement.
Je demande le renvoi de cette lettre au comité de liquidation avec ordre d'en faire le rapport. Tous les départements se plaignent de la composion des tribunaux de district. L'incivisme, d'ailleurs, de tous les tribunaux du royaume est assez connu. (Murmures à droite.)
Plusieurs> membres (à droite) : Cela n'est pas vrai!"
Je n'ai dit ni pensé que tous les membres des tribunaux fussent coupables d'incivisme, mais je voulais dire qu'il était venu de tous les départements des plaintes contre les tribunaux. (Nouveaux murmures à droite.)
Les mêmes membres : C'est faux! Ce sont les seuls jacobins et les anarchistes qui s'en plaignent !
Tout le monde sait què les tribunaux ont été composés par les premières assemblées électorales et que ces assemblées ne valaient rien. {Vifs murmures à droite.),
Plusieurs membres (à droite) : A l'ordre ! à la calomnie!
Un membre : Si quelques assemblées électorales méritent des reproches, ce sont Seulement les dernières. M. Lamarque en est une preuve.
Je ne suis pas intéressé personnellement à dire ces choses, puisque je suis juge moi-même d'un de ces tribunaux, la nation entière s'en plaint. Je demande, en conséquence, que le comité de législation fasse incessamment son rapport sur la question de savoir si ces tribunaux seront renouvelés au 1er mars prochain.
Plusieurs membres (à gauche) -: Appuyé ! appuyé !
Le meilleur moyen est de les supprimer tous et de les remplacer par des arbitres : j'en fais la motion expresse.
M. Lamarque a dit que tous les départements du royaume demandaient le renouvellement des tribunaux de district, ce fait est faux. Il est vrai que cette recomposition a été demandée ; mais par qui ? Par les Jacobins et par ceux qui sont attachés à cette secte impie. (Murmures à gauche; applaudissements adroite.) Je demande que l'Assemblée ne regarde, pas comme le vœu de la nation, ce qui n'est que le vœu de quelques factieux qui ne demandent le renouvellement des tribunaux, que par ce qu'ils ont souvent quelque chose à démêler avec eux. (Murmures prolongés à gauche.)
Les factieux ne crient contre les tribunaux que parce que ce sont les seuls corps qui font respecter la propriété, qui punissent les coupables et protègent l'innocence.
Plusieurs membres (à droite) : L'ordre du jour!
(L'Assemblée renvoie les propositions de MM. Lamarque et Mouysset au comité de législation et l'adresse de la municipalité de Nancy à la commission extraordinaire des Douze.)
6° Lettre du roi à l'Assemblée, qui est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
«. Je vous prie de prévenir l'Assemblée nationale, que j'ai nommé M. Joly, actuellement secrétaire de la commune de Paris, pour secrétaire de mon conseil, en conformité de la loi du 19 mai 1791. »
« Signé : louis. »
Un de MM. les secrétaires donne lecture du procès-verbal de la séance du lundi 26 juin 1792 au soir. '
(L'Assemblée en adopte la rédaction.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture du procès-verbal de la séance du mercredi 27 juin 1792, au soir.
(L'Assemblée en adopte la rédaction.)
Une députation des entrepreneurs de la remonte des sels des rivières de VYonne, delà Seine et de la Marne est admise à la barre.
L'orateur de la députation prie l'Assemblée de renvoyer leurs demandes en indemnités aux comités de liquidation et de commerce réunis.
répond à la députation et lui accorde les honneurs delà séance.
(L'Assemblée renvoie la pétition aux comités de liquidation et de commerce réunis.)
Un membre : Je demande que le comité de législation fasse promptement un rapport pour déterminer la nature des preuves que doivent faire les communes, pour rentrer dans la possession des communaux usurpés, sous le titre de terres vaines et vagues, par les ci-devant seigneurs. (L'Assemblée adopte cette proposition.)
Un membre, au nom du comité des décrets, propose de rectifier une erreur de rédaction dans l'article 3 du décret, adopté les1 et 10 avril dernier, sur la poursuite et le jugement des procédures criminelles au tribunal de cassation, les frais de service de ce tribunal et le traitement de plusieurs officiers ministériels.
(L'Assemblée ordonne la rectification demandée.)
En conséquence, le décret suivant est rendu :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des décrets, considérant qu'il est pressant de rectifier une erreur qui a été commise dans la rédaction du décret aes 7 et 10 avril dernier, décrète qu'il y a urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète que dans l'article 3 dudit décret le mot adresser sera substitué à celui de dresser. »
Suit le texte définitif du décret adopté les 7 et 10 avril dernier :
« L'Assemblee nationale, considérant que rien n'est plus pressant que d'assurer le cours
de la justice; que le jugement des procédures criminelles, portées au tribunal de cassation,
y reste suspendu, parce que les accusés ne le poursuivent pas et que la loi n'a pas prévu ce
cas : que les avances des droits de timbre et d'enregistre-
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète :
Art. 1er.
« Tous actes de procédure criminelles, de quelque nature qu'ils èoient, et tous jugements et ordonnances dans les procès criminels, seront faits et expédiés sur papier libre; etl'enrègistrq-ment, dans les cas où il y aura lieu à la formalité* en sera fait sans frais.
Art. 2
« Lorsqu'un accusé condamné par le tribunal criminel aura déclaré, dans le délai prescrit par la loi, qu'il entend se pourvoir en cassation, il sera tenu de remettre sa, requête en la forme indiquée par la loi, et par l'instruction sur les jurés, dans lè délai de 8 jours.
Lé commissaire du roi, aussitôt qu'il aura reçu cette requête, l'adressera aU ministre de la justice, il lui enverra en même temps une copie du jugement en papier libre, signée du greffier du tribunal criminel, et les procédures criminelles sur lesquelles ce jugement sera intervenu. Le ministre de la justice transmettra ces pièces au tribunal dé cassation, au plus tard dans les 24 heures de leur réception.
Art. 3.
« îl én sera de même poUr les demandes en cassation des jugements qui Seront rendus par les tribunaux ae district dans le cas où ils jugent suivant les anciennes formes. Les commissaires du roi seront tenus i en ce cas, d'adresser les expéditions des procédures criminelles qui auront été envoyées des tribunaux de première instance* sans que les greffiers des tribunaux d'appel criminel puissent faire de secondes expéditions à l'occasion des demandes en cassation.
Art. 4.
« Les requêtes en cassation pourront être signées par le conseil de l'accusé ; s'il ne sait signer, et â défaut de conseil, en cè cas, le greffier attestera au bas de là requête que l'accusé à déclaré ne savoir signer.
Art. 5.
« La section de cassation statuera sur les requêtes en cassation dans les affaires criminelles, et prononcera de suite la cassation, s'il y a lieu, des procédures et jugements, sans qu'il soit besoin de jugement préalable pour admettre les requêtes.
Art. 6.
La loi du l6* décembre sur l'institution du tribunal de cassation, ét là loi êt l'instruction Sur les jurés, seront au surplus exécutées en ee qui n'est pas contraire au présent décret.
Art. 7
« Les jugements rendus par le tribunal de cas-
sation, lorsqu'ils rejetteront les requêtes en cassation, en matière criminelle, seront 'délivrés dans les trois jours au commisSàiré du roi par simple extrait signé du greffier et sur papier libre. Cet extrait sera adressé au ministre de là justice, qui l'enverra aussitôt au commissaire du roi près le tribunal criminel chargé dé faire exécuter les jugements de condamnation.
Art. 8
« Le greffier du tribunal de cassation délivrerai sans frais et sur papier libre, au commissaire du roi du tribunal de cassation, tous les jugements rendus sur ses réquisitoires, ou dont il est chargé de poursuivre l'exécution.
Art. 9.
« Les frais de service du tribunal de ôassàtion, pour concierge, feu et lumière, et autres, SOht fixés à 5,000 livres annuellement.
Art. 10.
« Les 8 huissiers du tribunal de cassation auront chacun l,5u0 livrés de traitement.
Art. 11.
«11 sera payé cette année au greffier du même tribunal, pour indemnité des commis qu'il a dû employer, le double de son traitement fixe.
Art. 12.
« Lës 6 concierges des tribunaux criminels provisoires de Paris auront chacun pour traitement 800 livres par an.
Art. 13.
« Les traitements et frais de service ci^-dessus décrétés auront lieu du jour de l'installation des tribunaux. »
Messieurs, j'ai entretenu l'Assemblée nationale, le 12 octobre 1791, de l'obligation où se trouvait la France d'user de représailles avec le gouvernement de Bruxelles qui, par son ordonnance du mois de septembre dernier, a prescrit le séquestre du revenu de nos biehs nàtiohaux situés dans lës Pays-Bas autrichiens. Des mesures certaines âUraient dû déjà être prises contre cëtte usurpation dé propriété natiohàle. Le clergé brabançon possède ert France des biens qui sont en valeut ; il force leà OccU-peurs de payer en Vieux écus leur rendagê; l'assignat et la nouvelle monnaie sont refusés ; le fermier qui. pour conserver sa loçàtioft, doit nécëssairetheht plaire au propriétaire, n'appro-Vislohhë plus les ttiarchés publics., ou, S'il s'y volt contraint, l'échange du numéraire lui devient extrêmement frayeux ét embarrassant. La commune de Marseilles, voisine de la frontière extérieure du département du Nord, attribue, en partie, la rareté et le renchérissement des grains dans ses environs à cet abus auquel elle vous invite de remédier sans 1e moindre délai. C'est pour la quatrième fois, Messieurs, que je réitère cette motion, de mettre en séquestre les revenus des biens appartenant en France au clergé autrichien. J'y ajouterai que nous devons aussi récupérer au plus tôt les revenus dë nos biens nationaux situés dans lë tërritôiré etrâtigêr dont
l'armée française vient de prendre possession. Je demande qu'enfin les comités diplomatique et de l'extraordinaire des finances réunis vous fassent ce rapport lundi, 2 juillet, à la séance du matin.
(L'Assemblée renvoie cette motion aux comités diplomatique et de l'ordinaire des finances réunis.)
Votre vœu est de voir régner l'ordre dans l'Empire; c'est par la répression des délits que le Français jouira en repos du bonheur que lui assure la Constitution. Je ne rencontre pas à cet égard un zèle égal parmi tous les fonctionnaires publics; celui qui est salarié par l'Etat, est tenu de remplir avec soin les fonctions qu'il tient volontairement de la confiance du peuple, sinon il est coupable, et il faut le rappeler à son devoir. La loi qui a laissé aux tribunaux de districts le jugements des procès criminels commencés avant le 1er janvier 1792, avait chargé le ministre delà justice de rendre compte au Corps législatif, tous les 15 jours, du nombre de procès que ces tribunaux auraient jugés. Cette loi jusqu'à présent n'a reçu aucune exécution, et les tribunaux mettent la plus grande lenteur dans le jugement des procès criminels ouverts avant le 1er janvier 1792, quoique les affaires civiles donnent peu d'occupation à ces tribunaux, au moyen de l'établissement des juges de paix, des bureaux de conciliation, des tribunaux dé police municipale et de police correctionnelle. Cette prolongation non seulement fait le supplice des prévenus qui pourrissent dans les prisons, mais coûte à la nation des sommes considérables, parce que la loi du 18 janvier 1792 n'ayant rien statué à l'égard du traitement des accusateurs publics, ces officiers, qui n'ont presque plus de fonctions, se font payer comme s'ils étaient encore en plein exercice, ce qui est de toute injustice.
Pour remédier à ce double abus, je propose à l'Assemblée de décréter, examen préalablement pris par son comité de législation:
1° Que le ministre de la justice rendra compte à l'Assemblée nationale, le 15 juillet prochain, du nombre des procès criminels qui étaient pendants devant chaque tribunal de district du royaume, à l'époque du 1er janvier 1792, et du nombre des procès jugés depuis cette époque ;
2° Que les tribunaux de district mettront toute l'activité possible dans le jugement des procès criminels, et que, pour accélérer d'autant plus l'achèvement de ces procès, les tribunaux de district qui n'auront pas jugé tous les procès criminels pendants devant eux avant l'époque de leurs vacances, ne pourront en prendre cette année, et emploieront ce temps au jugement des procès criminels;
3° Que le traitement des accusateurs publics près les tribunaux de district cessera, à compter du 1er janvier dernier, et que, pour leur en tenir lieu, ils dresseront un état des vacations qu'ils auront employées à l'instruction des procès criminels, lequel état, après avoir été taxé par les présidents et commissaire du roi près le tribunal criminel, et visé par le directoire dës départements, sera acquitté parle receveur du district.
(L'Assemblée adopte la proposition de M. Gos-suin.)
, au nom du comité de l'ordinaire des finances, soumet à la discussion un
projet de décret (1) sur la distribution dé là monnaie de cuivre et de métal de cloches entre lé Trêsot public et les départements; ce projet de décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, considérant qu'elle doit employer lès espèces de cuivre et de métal de Cloches fabriquées ou à fabriquer dans les divers hôtels des monnaies, de la manière la plus avantageuse au service public, décrète qu'il y a urgence.
« L'Assemblée nationalè, âpres avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
Art, 1er.
« Les directeurs de chaque hôtel des monnaies tiendront» à compter de la réception du présent décret, à la disposition du ministre des contributions publiques, la moitié des espèces de cuivre ou de métal de cloches à fabriquer, ou qui, étant déjà fabriquées, ne sont pas encore distribuées.
Art. 2.
« Le ministre des contributions publiques fera verser, d'après les états qui lui seront fournis par la Trésorerie nationale, les espèces de Cuivre ou de métal de cloches mises à sa disposition par le précédent article, dans la caisse des divers payeurs de la Trésorerie nationale, suivant l'exigence du service public.
Art. 3,
« Il ne sera fait aucune livraison de ces ésôèces, par les directeurs des monnaies, aux divers payeurs de la Trésorerie nationale, que la Valeur ne leur en soit remise en assignats. »
(L'Assemblée décrète l'urgence, puis adopte le projet de décret.)
, au nom du comité des assignats et monnaies, présente un projet de décret kur la répartition proportionnelle entre toûs les départements, des espèces provenant' du métal dés cloches; ce projet de décret est ainsi conçu «
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des assignats„et monnaies, sur la distribution des espèces provenant du métal des choses ; considérant que leur répartition proportionnelle, dans toute la surface du royaume, est à la fois un acte de justice envers les citoyens et un objet important d'ordre public, décrète qu'il y a urgence. ;
« L'Assemblée nationale» après avoir décrété l'urgence, considérant que l'augmentation des instruments de monnayage dans quelques hôtels des monnaies, et les nouveaux établissements faits pour la fabrication des espèces provenant du métal des cloches demandent que la répartition entre les départements en soit faite sur d'autres bases que sur celles déterminées par la loi du 6 août 1791, décrète ce qui suit :
Art, ler.
« A compter du 1er juillet prochain, la distribution de la moitié des espèces provenant du
métal des cloches frappées tant dans les hôtels des monnaies, que dans les villes de
Cler-mont-Ferrand, Besançon, Dijon, Arras et Sau-mur, se fera entre les 83 départements,
dans
Art. 2.
« Les directeurs des hôtels des monnaies et leurs préposés dans les nouveaux ateliers de monnayage seront tenus de se conformer, à l'égard des départements attachés à leur établissement respectif, aux articles 2, 3, 4, 5 et 6 de la loi du 6 août 1791. ».
Distribution de la fabrication des espèces provenant de la fonte des cloches.
Noms des départements et proportion dans laquelle ils doivent participer au produit de la fabrication.
paris.
Paris...................... 8 vingtièmes.
Oise.............................2
Seine-et-Oise........ ..... 3
Seine-et-Marne............. 2
Marne................ !.. 2
Aube..................... 1
Yonne...................,, 2
rouen.
Seine-Inférieure........... 6 vingtièmes.
Eure..............2
Calvados.....................3
Manche..................................3
Côtes-du-Nord................3
Finistère...................3
lyon.
Rhône-et-Loire........................7 vingtièmes.
Allier...................... 3
Haute-Loire............... 3
Isère...____—..............4
Drôme...........................3
dijon.
Côte-d'Or.................. 9 vingtièmes:
Saône -et-Loire............11
la rochelle.
Charente-Inférieure........ 8 vingtièmes.
Charente....................5
Deux-Sèvres............................4
Vienne......................................3
limoges.
Haute-Vienne..........................6 vingtièmes.
Corrèze....................6
Creuse........................................4
Indre..........................................4
clermont.
Cantal.................... 7 vingtièmes.
Puy-de-Dôme.............. 13
bordeaux.
Gironde................... 11
Dordogne................. 9
bayonne.
Lot-et-Garonne........................10 vingtièmes.
Basses-Pyrénées......................4
Landes............................6
toulouse.
Haute-Garonne......................5 vingtièmes.
Tarn...................................3
Aveyron...........................4
Lot.......................5
Ariège.....................3
montpellier.
Hérault......................................6 vingtièmes.
Gard...............................6
Ardèche .. .. . ...... — ... 5
Lozère..................................3
perpignan.
Pyrénées-Orientales................7 vingtièmes.
Aude..........................13
orléans.
Loiret................................6 vingtièmes.
Eure-et-Loir......................4
Orne —..................................4
Nièvre..................................3
Cher..............................3
saumur.
Sarthe.............................6 vingtièmes.
Loir-et-Cher............................3
Indre-et-Loire........... . 4
Maine-et-Loire.... — .... 7
nantes.
Loire-Inférieure......................4 vingtièmes.
Ille-et-Vilaine............« 6
Morbihan..........................3
Mayenne..................................4
Vendée......................................3
metz.
Moselle......................................7 vingtièmes.
Ardennes..................................3
Meuse........................................3
Meurthe....................................4
Haute-Marne..........— 3
strasbourg.
Bas-Rhin............... .. 9
Haut-Rhin..............................6
Vosges.......................â
besançon.
Doubs..........................................4 vingtièmes.
Haute-Saône..............................5
Jura...........................5
Ain.......................6
lille.
Nord..........................................8 vingtièmes.
Somme............................6
Aisne.................................6
ARRAS.
Pas-de-Calais..............20 vingtièmes.
PAU.
Hautes-Pyrénées........... 13 vingtièmes.
Gers...................... 7
MARSEILLE.
Bouches-du-Rhône..................8 vingtièmes,
Var............................................4
Basses-Alpes............................2
Corse..........................................4
Hautes-Alpes............................2
(L'Assemblée décrète l'urgence, puis adopte le projet de décret.)
, au nom du comité de secours publics, soumet à la discussion un projet de décret (1) sur la distribution des secours à accorder aux 83 départements ; ce projet de décret est ainsi conçu :
PROJET DE DÉCRET.
« L'Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait par son comité des secours publics, pour la distribution des 2,350,000 livres, destinées, par la loi du 22 janvier 1792, à subvenir aux besoins des départements qui ont éprouvé des pertes considérables ; à aider ceux qui ont entrepris des travaux d'une utilité générale, et à soulager les indigents, décrète qu'il y a urgence.
« LAssemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète :
« Art. 1er. Les 2,350,000 livres seront
distribuées ainsi qu'il suit :
Départements. 1er classe.
Sommes accordées.
Emplois.
Ain............. 25,000 I
Allier...,. ..... 25,000
Alpes (hautes-) .. 40,000
Ardennes........ 30,000
Ariège.......... 30,000
Aube........... 15,000
Aude........... 30,000
Aveyron ........ 35,000
Bouches-du-Rhône 35,000
Charente........ 15,000
Cher............ 20,000
Corrèze......... 30,000
Doubs.......... 30,000
Drôme.
65,000 1.
Gard.
30,000 1.
Dont 15,000 liv. applicables aux digues à re-I construire depuis la porte du Fust de Rou-ibion, jusqu'aux abords 'du pont de ladite ville ; et le surplus à employer à raison des pertes.
Pour subvenir aux be-i soins et à l'utilité des travaux du canal de Beaucaire.
Départements,
Haute-Garonne..
Calvados,
Sommes accordées.
60,000 1.
Jura........................25,009 1.
Loire-Inférieure. 15,000
Loire (Haute-) .. 30,000
Lot-et-Garonne.. 30,000
Lozère..................35,000
Meuse..................25,000
Morbihan..............15,000
Moselle..................35,000
Nord......................40,000
Oise..................25,000
Orne................20,000 1.
Emplois.
En considération de ses pertes, et d'ailleurs pour ouvrir des travaux 1 aux environs de Toulouse.
pour subvenir à ses besoins.
Pas-de-Calais.... 30,000
Puy-de-Dôme ... 40,000
Pyrénées-Orient. 30,000
Rhin (Haut-)____ 30,000
Saône (Haute-).. 30,000
Seine et-Oise.... 40,000
25.000
30,000
15,000
Vienne (Haute-). 35,000
40,000
25,000
2" classe.
40,000
Dordogne....... 30,000
Eure-et-Loir. ... 25,000
40,000
Gironde ........ 60,000
15,000
15,000
35,000
Mayenne ....... 25,000
Basses-Pyrénées. 30,000
3* classe.
50,000 1,
Charente-Infér.. 40.000
Dont 10,000 liv. pour la municipalité de Lai-I gle,qui seront employées à former un atelier de i charité sur le chemin de Laigle à Glost; et le surplus pour les pauvres du département, pour subvenir àses besoins.
( Pour la continuation ( de ses travaux, pour subvenir à ses besoins.
pour subvenir à ses besoins.
150,000 1.
Applicables principalement à construire la route des bords du Rhône et à secourir les pauvres.
97,500 liv. pour le canal de lafos«ede Poussy, en considération et de l'utilité de l'ouvrage, et de la contribution offerte ; 37,500 tiv. pour la navigation de l'Orne, à ra-son de l'importance des travaux et ae j'avantage de procurer d'ailleurs de l'ouvrage à la classe indigente des citoyens de Caen, qui est très nombreuse; et 15,000 liv. pour les redressements de la rivière de Dives qui l opéreront des desséche-' ments importants.
Pour le dessèchement des marais des environs do Rochefort, à raison
Îtant de l'extrême importance de ses ouvrages, que pour secourir les pauvres.
Départements. Sommes accordées.
Côte-d'Or...... 40,000
IUe-et-Vilaine... 40,000
Marne....................30,000
Rhin (Bas-)..........50,000
Seine-Inférièure. 80,000
Emplois.
!Pour continuer les travaux du canal de Bourgogne.
Pour la navigation de la Vilaine.
f Applicables à la conti-\ nuation de la nouvelle j toute d'Allemagne par ( Montmirail.
j Pour être employées ] principalement aux tra-( vaux au Rhin.
I 25,000 liv. pour travaux à faire à la digue de l'Heure, qui est destinée à défendre non seulement les environs du Havre, mais encore la ville elli'-même, ainsi / que le port, des irrup-( tions de la mer.
Le surplus des 80,0001. pour les travaux du cu-rement de la retenue de Saint-Valéry-en-Caux , qui demandent à être continués, pour que ce Gpii a été fait ne soit pas eu pure perte.
pour subvenir à ses besoins.
4e classe.
Aisne--------------15,000 1.
Alpes (Basses-).. 15,000
Corse................15,000
Côte-du-Nord... 15,000
Creuse...............15,000
Eure...................15,000
Finistère..............15,000
Hérault..............15,000
Indre-et-Loire.. 15,000
Isère.........L 15,000
Loir-et-Cher.... 13,000
Loiret....................15,000
Maine-et-Loire.. 15,000
Manche.............15,000
Marne (Haute)... 15,000
Meurths................15,000
Nièvre..................15,000
Pyrénées (Hautes) 15,000
Rhône-et-Loire.. 15,000
Saône-et-Loire.. 15,000
Sarthe......... 15,000
Séine-ét-Marné.. 15,000
Sèvres (Deux-)... 15,000
Var........................15,000
Vienne..................15,000
Total...... 2,350,000 1.
« Art. 2. Le ministre de l'intérieur mettra ces fonds à la disposition des départements, de même que ceux qui leur ont été accordés précédemment; à charge par eux de rendre compte, le 1er octobre prochain, de l'emploi des sommes qu'ils auront touchées.
« Art. 3. La destination de ces fonds pourra être changée, avec l'approbation du roi, sur la demande des départements, sans qu'aucune partie desdits fonds puisse être appliquée aux grandes routes, à moins que ce ne soit pour commencer ou continuer des ouvrages neufs.
La distribution présentée par le comité ne me paraît pas juste. Je ne sais pourquoi l'on donne 150,000 livres au département du Calvados, et 15 seulement à beaucoup d'autres qui n'ont pas moins de besoins que lui, et notamment celui d'Indre-et-
Loiré. Je demande l'ajournement afin que nous puissions faire nos observations au comité.
(L'Assemblée ajourne la discussion à trois jours.)
fait connaître le résultat du scrutin pour la nomination de nouveaux secrétaires.
, ayant obtenu la majorité des suffrages sont proclamés secrétaires, en remplacement de MM. Cambon, llerlet etRougier-La-llergerie, secrétaires sortants.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion (1) du projet de décret du comité de législation sur le mode par leqUel les naissances, mariages et décès sont constatés.
, rapporteur, donne lecture des articles 9, 10, 11, 12 du titre III et de l'article 13 additionnel, qui, après quelques débats sur la rédaction proposée par le rapporteur, sont adoptés dans la forme qui suit :
Art. 9.
« Les citoyens veilleront à sa conservation. En cas d'exposition d'enfant, le juge de paix, à son défaut un des assesseurs, ou l'officier de police, qui en aura été instruit, sera tenu de se rendre sur le lieu de l'exposition ou tel autre lieu où l'enfant aura été porté. 11 dressera procès-verbal de l'état de l'enfant, de son âge apparent, des marques extérieures, vêtements et autres indices qui peuvent éclairer sur sa naissance; il recevra aussi les déclarations de ceux qui auraient quelques connaissances relatives à l'exposition de l'enfant.
Art. 10.
« Le juge de paix, à son défaut un des assesseurs ou l'officier de police, sera tenu de remettre, dans les 24 heures, à l'officier public, une expédition de ce proûès-Verbal, qui sera transcrit sur le registre double des actes de naissance.
Art. 11.
« L'officier public donnera un nom à l'enfant, si, dans le procès-verbal qui lui aura été remis, rien n'indique qu'il en ait déjà un. Il mentionnera le nom qu'il lui aura donné, à la suite de la transcription du procès-verbal. Il sera pourvu à la nourriture et à l'entretien de l'enfant, conformément aux lois.
Art. 12.
« Il est défendu aux officiers publics d'insérer dans la rédaction des actes et sur les registres, aucune notes, clauses ou énonciations, autres que celles contenues aux déclarations qui leur seront faites, à peine de destitution.
Art. 13 (additionnel).
« Si, antérieurement à la publication de la présente loi, quelques personnes avaient
négligé de faire constater la naissance de leurs enfants, dans les formes usitées, elles
seront tenues, dans
Un membre propose Un article additionnel tendant à ce qu'il soit tenu iih état des enfants fhOrt-nés.
(L'Assemblée renvoie l'article au comité de législation»)
Un aûtre membre propose Utt article additionnel relatif aux enfants nés viables, mais morts avant d'avoir été présentés à l'officier public.
, (L'Assemblée renvoie l'article au comité de législation.)
, rapporteur. Je vais, Messieurs, faire lecture du titre IV, relatif au mariage. La lre section concerne les qualités et conditions requises pour pouvoir contracter mariage.
L'objet de ^Assemblée est de faire Une loi pour constater les hâlssançes, mariages ét décès, et non de faire un code matrimonial. Ce serait introduire une Confusion dans notre législation (Jué d'àmalgUer et de mettre dans la même loi des articles qui sont distincts. Amsi, comme je crois qu'il serait ridicule que l'on vous proposât, à propos d'un mode de constater les décès, de décréter des modes de succession, il me parait aussi ridicule qu'on vous invite, àu sujet d'un mode de Constater lès mariages, de décider les plus grandes questions qui tiennent au mariage. Voilà cependant cë qu'il me semble que Votre comité de législation à fait. En lisant son plan, j'y trouve le mode de constater les mariages, les questions sur la ftàture du contrat j sUr l'âge où l'on pourra passer lës contrats, sur les oppositiôhs, sur les empêchements et sur la nature dès empêchements; de sorte c|Ué c est uh code de mariage complet que le comité paraît vous présenter. J'observe que, si nous noué engageons dans cette discussion, voUs n'aurez que très tard la loi qu'il est urgent dë faire; car cette discussion pourrait être très longue, ët peut-être serait-elle prématurée, câr la plupart d'entre nous ne Se sdàt pas préparés.
Ainsi, jë fais la motion d'ordré que le comité de législation soit tenu de hous présenter de nouveaux articlés, qui n'auront uniquement pour but que les formés de la publication et le mode matériel de constàter les mariages, en éloignant ce quia rapport aux grandes questions que nous traiterons dans un autre temps, et j'ose dire d'une manière plus prudente.
Jé Vous prie d'observer que, dans ce moment, nous changeons le modë qui constate lës naissances ët mariages. Il est absolument nécessaire que l'officier public qui doit recevoir cet acte sache de quelles personnes il doit le recëvoir. 11 faut dire les personnes qui pourront les contracter, quelles Seront les formes dè la publlcâtiOh. C'èst une chose qui tient au mode de constater les mariages. On pourra, par la suite, extraire ces articles de la loi qui est une loi instrumentale. Mais il faut dans le moment les décréter. Je demande la question préalable.
J'appuie la motion de M. Vergniaud. Si vous allez consacrer aujourd'hui quë le mariage est un contrat civil, vous consacreriez en même temps la conséquence qu'il doit se dissoudré par la volonté des parties. Par le même titre, votre comité a fixé l'âge de majorité. Mais je vôus supplie dë remarquer, que vous ne
poUvëz faire cela avant dé voUs ticcupefr de l'état des personnes. Quàhd vous vous occuperez dii Code civil ët dë la législation généralé, cë sera là le moment de déterminer les véritables espèces, fin parcourant tous les articles, je bourrais faire voir qu'il n'en est pas un séUl du il né faille renvoyer au Comité de législation. J'appuie donc la motion dé M. Verghiâud, car pour le présent, Ce qui est leplUs urgent, c'est de décréter la manière dont se dresseront les actës, lëur protocole. Quant aux; différentes conditions requises pouf le mariagé, aux oppositions ët âUX qUëstions qui s'élèvènt à cë suiét, on pourra suivre provisoirement les lois anciennes.
Il faut que vous donniez à l'officier public la faculté ae connaître les empê-chements qu'on peut y apporter. Gomment fou^ lez-vous qUe l'officier puisse rejeter un mariage, si vous n'avez pas déterminé quels sont ces empêchemeuts ? 11 faut donc absolument que l'Assemblée s'occupe de cet objet. On verra sur chaque article quels sont ceux sur lesquels on doit mvoquér la question préalable et le renvoi, et ensuite quels Sont cëut qUe l'on doit précisément déterminer.
, rapporteur. Je répondrai seulement, je crois, à M. Ducastei, et à la motion d'ordre deaM. Vergniaud, par l'exposition des motifs qui ont déterminé le comité à Vous présenter le titre du mariage sous cet ensemble général qu'on Voudrait aujourd'hui réduire.
Il a discuté, Messieurs, en première question, et avant de s'occuper du fond des articles, s'il se bornerait à vous proposer le mode matériel de constater le mariage; si, à côté de ce mode matériel, il vous présenterait une esquisse dë la nouvelle législation attendue sur cet objet. Effrayé de la foule d'inconvénients qu'il y aurait de ne voUs présenter que le mode matériel; ër-fravé de l'incohérence qu'il y aurait entrë les lois nouvelles et les lois anciennes qu'il faudrait encore pratiquer; effrayé dé cët àinalgàmé du nouveau avec l'ancien régime, il a cru devoir voUs proposer le mode dë mariage sous la forme quë je vous ai présentée. Et en effet, Messieurs, voyez dans quelle position vous mettez vos fonctionnaires publics et Je peUple ignorant, et devant nécessairement l'être dahs la législation ancienne éparse, dans les lois ultramon-taines concernant le mariage,
Voulez-Vous exiger dë lui qu'à la Veille d'établir de nouvelles lois, il s'instruise dë cés lois anciennes. dépendant Vous le placez dans la position ou de n'avoir que ces lois anciennes pour guidé, ou (rêtrë aënUé dé toute loi nouvelle. En vâin, Messieurs, répona-on qu'il faut que lë comité de législation voUs donne, immédiatement après la loi que vous faites, délie concernant les conditions intrinsèques du mariage; n'est-il pas alors plus simple, n'est-il pas plus conséquent que ces mêmes lois se trouvent dans un seul et même code? L'officier public aura sans cesse sous les yeUx lë moyen dë s'instruire.
D'âillèurs, Messieurs, il faut se décider sur les empêchements. Il faut nécessairement remédier à l'abus des dispensés. Il faut déterminer Comment et par qui les mariages seront Constatés. Observez, Messieurs, que le mariage est encore dans la main des prêtres, et qu'il faut détruire jusqu'à la dérhièré trace de cette juridiction éphémère. Il faut aUssi qUe la ttiênie loi qui les dépossédé dé Ces fonctions, iê§ dépouille dë
toutes les juridictions qu'ils avaient à cet égard par les lois anciennes. (Applaudissements.)
Je crois avoir assez dit pour justifier les motifs du comité, et il devient alors aisé de répondre à l'observation de M. Vergniaud, tirée de ce qu'il est absurde d'insérer les articles de législation, relatifs aux droits de succession, dans une loi sur le mode de constater les décès, et qu'il ne faut pas non plus, dans la loi sur le mode matériel de constater le mariage, insérer les lois relatives au mariage. Grande, Messieurs, est la différence, et vous la saisissez sans doute. Le mode de succession fait une branche de législation, absolument indépendante, absolument séparée du mode matériel de constater les décès, qui est la déclaration purement passive qu'on va faire à un officier public, qu'un tel est mort; au lieu que rien n'est passif dans les mariages. Au moyen de quoi, en demandant la question préalable sur la motion d'ordre, je demande qu'on passe à la discussion du titre. (Applaudissements.)
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la motion d'ordre ae M. Vergniaud.)
Je demande la parole pour un fait. Le temps que vous avez accordé aux ministres pour rendre un compte est expiré et il ne vous ont encore rien dit.
A l'ordre, M. Taillefer !
, rapporteur, donne lecture de l'article 1er du titre IV, qui est ainsi conçu :
« Le mariage est un contrat civil, dans la condition essentielle est dans le consentement des deux époux de s'unir pour la vie. »
Nous voici arrivés au titre du projet de loi qui doit attirer toute votre attention, les questions qui s'élèvent relativement au mariage. Dans le civil tout est principes, et ces principes doivent être infiniment chers et précieux a l'Assemblée nationale. Avant d'arriver aux principes, il faut incessamment les fixerparune bonne définition. J'examine d'abord si les définitions qui ont été présentées, soit par M. Jollivet, soit par M. Pastoret, soit par le comité, sont véritablement les véritables.
Dans la définition donnée par M. Jollivet, il y a infiniment de mots inconvenants, il y en. a infiniment qui ont été répétés, et auxquels ou a donné un sens différent; cependant, Messieurs, vous connaissez tous mieux que moi, qu'une définition doit être telle que chaque mot porte son sens, que chaque mot fasse dériver un principe juste, et même une conséquence nécessaire. Si vous adoptiez la définition que vous a donnée M. Jollivet, vous vous écarteriez des principes. Je ne m'arrête pas plus longtemps sur celle-là.
Celle que vous a donnée M. Pastoret est plus ( courte, mais je la trouve également inconvenante et erronnée.
D'abord, Messieurs, je ne crois pas avec M. Pastoret que le mariage soit un engagement, Le mariage est un contrat; et voici la différence. Le mot engagement ne serait pas aussi convenable, parce que l'engagement est synonyme du mot obligation, au lieu que le contrat n'est synonyme que du mot convention. Vous sentez, Messieurs, cette différence: il faut donc, de suite, que de définir le mariage est un contrat et non un engagement. D'ailleurs, Messieurs, vous trouvez que ce mode est spécialement consacré par l'Acte constitutionnel, et je ne crois pas, à cet égard, que vous puissiez vous en écarter. Le consen-
tement n'est point une condition, comme le dit encore M. Pastoret, le consentement est l'essence du mariage; c'est-à-dire que la condition manquant, le mariage est rompu.
Quand vous aurez décrété l'âge où il pourra être contracté, l'âge sera bien une condition essentielle à la validité de l'acte, mais cet âge ne sera pas de l'essence du contrat. Il faut donc retrancher de la définition ces mots : dont la condition essentielle est dans le consentement. En définissant le mariage comme contrat, il est superflu d'ajouter que le consentement en est la condition essentielle, puisque le contrat ne peut pas être sans consentement. Le comité pense comme M. Pastoret, et dit avec lui, c'est le consentement des deux époux. C'est sur ces mots : les deux époux, que je m'arrête. Quand On parle de mariage, autre chose est de l'envisager comme déjà fait, et autre chose est d'expliquer quelle est la nature de l'acte. Dans le premier cas, on dira très bien : l'union des deux époux est le mariage; mais on ne peut pas dire que le mariage, au moment où l'on va le contracter, soit l'union des deux époux, mais bien de ceux qui vont devenir époux par l'acte dont on a donné la définition : ainsi le mot époux, dès qu'il n'y a point d'union, ne peut entrer dans la définition du mariage, parce qu'ils ne seront époux que du moment où ils seront unis.
Le comité vous propose d'ajouter ces mots pour la vie. M. Pastoret veut retrancher ces mots comme préjugeant le divorce. Messieurs, quand même le divorce serait admis, le mariage n'en serait pas moins pour la vie, c'est-à-dire qu'en se mariant l'intention de ceux qui s'épousent est d'être unis pour la vie. Voilà le point. Quoi qu'il puisse arriver, le divorce n'est qu'un fait accidentel qui ne peut et ne doit rien changer à la nature du mariage. Les Romains qui admettaient le divorce n'en avaient pas moins défini le mariage « un contrat pour la vie ».
Voici à présent comme je définis le mariage. Le mariage est un contrat civil, par lequel un homme et une femme libres s'unissent pour la vie; et je dis qu'il faut employer le mot libres, parce qu'il faut qu'ils le soient. Je demande la priorité pour ma rédaction. (Applaudissements.)
Voici ma rédaction : Le mariage est un contrat civil qui unit pour vivre ensemble deux personnes libres d'un sexe différent. (Rires).
Avant de discuter les définitions, il me semble que la question est de savoir s'il y aura une définition : or, Messieurs, je demande la question préalable sur cette définition. Rien n'est si difficile que de faire. une bonne définition; et je ne doute pas que vous ne passiez plusieurs séances avant de vous accorder sur une définition qui fût parfaitement exacte. D'ailleurs, rien de si inutile qu'une définition, parce que tout le monde sait ce que c'est que le mariage.
La définition est complètement faite. La loi a dit que le mariage était un contrat civil. Le législateur peut y ajouter toutes les modifications qu'il jugera convenable ; mais il est inutile de faire une autre définition. Je demande donc la question préalable.
(Les ministres entrent dans l'Assemblée.)
Plusieurs membres : L'ajournement de la question!
(L'Assemblée décrète l'ajournement.)
Un de MM. Les secrétaires donne lecture de la lettre suivante :
« Monsieur le Président,
« J'ai l'honneur de vous prier de vouloir bien demander à l'Assemblée nationale, la permission d'être admis à sa barre, et de lui offrir l'hommage de mon respect.
Signé : La Fayette.
Plusieurs membres : Ce soirl
D'autres membres : Tout de suite ! (Applaudissements.)
Comme il n'y a que des raisons puissantes qui aient pu décider un général d'armée à quitter le poste où la patrie l'appelait, je demande qu'on entende M. La Fayette avec calme. (Murmures à droite.)
M. La Fayette est introduit. (Applaudissements réitérés d'une grande partie de l'Assemblée et des tribunes.)
Je vous rappelle, Monsieur le Président, le décret qui défend les applaudissements des tribunes.
Plusieurs membres : Vous oubliez que le même décret défend aussi les murmures.
M. La Fayette. Messieurs (1), je dois d'abord vous assurer que d'après les dispositions concertées entre M. Luckner et moi, ma présence ici ne compromet aucunement ni le succès de nos armes, ni la sûreté de l'armée que j'ai l'honneur de commander.
Voici maintenant les motifs qui m'amènent :
On a dit que ma lettre du 16 à l'Assemblée nationale n'était point de moi; on m'a'reproché de l'avoir écrite au milieu d'un camp. Je devais peut-être, pour l'avouer, me présenter seul et sortir de cet honorable rempart que l'affection des troupes formait autour de moi.
Une raison plus puissante, Messieurs, m'a forcé de me rendre auprès de vous; les violences commises le 20 juin au Tuileries ont excité l'inr dignation et les alarmes de tous les bons citoyens, et particulièrement de l'armée. Dans celle que je commande, tous les officiers, sous-officiers et soldats ne font qu'un. J'ai reçu des différents corps des adresses pleines de leur amour pour la Constitution, de leur respect pour les autorités qu'elle a établies, et de leur patriotique haine contre les factieux qui la combattent. J'ai cru devoir arrêter sur-le-champ les adresses par l'ordre que je dépose ici sur le bureau; vous y verrez que j'y ai pris, avec mes braves compagnons d armes, l'engagement d'exprimer seul un sentiment commun; et le deuxième ordre, que je joins également ici, a confirmé notre juste attente en arrêtant l'expression de leur vœu.
Je ne puis qu'approuver les motifs qui les animent; déjà plusieurs d'entre eux se demandaient si c'est vraiment la cause de la liberté et de la Constitution qu'ils défendaient.
Messieurs, c'est comme citoyen que j'ai l'honneur de vous parler, et l'opinion que
j'exprime est celle de tous les Français qui aiment leur pays, sa liberté, son repos, les
lois qu'il s'est données, et je ne crains pas d'être désavoué par aucun d'eux. Il est temps
de garantir la Constitution des atteintes quelconques que tous les
Je supplie l'Assemblée nationale d'ordonner que les instigateurs des délits et des violences commises le 20 juin aux Tuileries, seront poursuivis et punis comme criminels de lèse-nation, de détruire une secte qui envahit la souveraineté, tyrannise les citoyens, et dont les débats publics ne laissent aucun doute sur l'atrocité des projets de ceux qui les dirigent. J'ose enfin vous supplier, en mon nom et au nom de tous les honnêtes gens du royaume (Murmures à gauche.) de prendre des mesures efficaces pour faire respecter les autorités constituées, particulièrement la vôtre et celle du roi, et de donner à l'armée l'assurance que la Constitution ne recevra aucune atteinte dans l'intérieur, tandis que les braves Français prodiguent leur sang pour la défense des frontières. (Applaudissements.)
L'Assemblée nationale a juré de maintenir la Constitution. Fidèle à son serment, elle saura la garantir de toutes les atteintes qu'on voudrait lui porter. Elle examinera, dans sa sagesse, la pétition que vous venez de lui présenter, et vous invite à assister à sa séance* (Applaudissements:)
(M. La Fayette se place dans la salle, près du bureau.)
C'est dans l'endroit où se mettent ordinairement les pétitionnaires que doit se placer M. La Fayette.
(M. La Fayette va se placer à l'extrémité, et traverse la salle au milieu des applaudissements presque unanimes de l'Assemblee.)
Un membre : Je demande l'impression du discours de M. La Fayette, et le renvoi à la Commission des Douze, pour faire son rapport le plus promptement possible.
Je demande la parole.
M. Guadet a la parole sur le renvoi.
Plusieurs membres : Non, non! Aux voix le renvoi !
Je vais consulter l'Assemblée, pour savoir si M. Guadet sera entendu.
(On fait l'épreuve.)
Comme l'épreuve est douteuse, M. Guadet a la parole.
Messieurs, au moment où la présence de M. La Fayette à Paris m'a été annoncée, une pensée bien flatteuse s'est présentée à mon esprit. Ainsi, me suis-je dit à moi-même, nous n'avons probablement plus d'ennemis extérieurs (Murmures à droite.)-, ainsi les Autrichiens sont vaincus. (Nouveaux murmures.) Mais, Messieurs, cette illusion n'a pas duré longtemps; nos ennemis sont toujours les mêmes, notre situation extérieure n'a pas changé, et cependant le général d'une de nos armées est maintenant à Paris. Quel puissant motif l'y appelle donc? Ce sont nos troubles intérieurs; il craint que l'Assemblée nationale n'ait pas à elle seule assez de puissance pour les réprimer; et, se constituant à la fois l'organe de son armée, l'organr> do tous les honnêtes gens du royaume, il vient vous
demander de maintenir la Constitution. Mais comment donc M. La Fayette et son armée, si son armée partageait là-aessus ses craintes et ses soupçons, aurait-il pu croire que l'Assemblée nationale ne maintiendrait pas çë dépôt sacre'? Messieurs, je n'examinerai point si celui qui nous a accusés d'avoir vu le peuple français dans de prétendus brigands qui en usurpaient le nom, ne pourrait pas, à son tour, être accusé d'avoir vu son armée dans l'état-major qui l'entoure et le circonvient. Mais le dirai-je, Messieurs, que M. La Fayette oublie lui-même les principes de là Constitution qu'il recommande, lorsqu'il s'établit dans le sein du Corps législatif l'organe d'une armée qui n'a pas pu délibérer, l'organe de tous les honnêtes gens du royaume qui ne l'ont chargé d'aucune mission.
J'ajoute, qu'indépendamment de la violation de tous les principes de la Constitution, j'en yerrrais une, et une bien dangereuse, de la hiérarchie des pouvoirs, si Je général de l'armée était parti sans ordre et sans congé du ministre. Je demande donc que le ministre de la guerre, présent à votre séance, soit interrogé par le Président de l'Assemblée, pour savoir s'il a accordé à M. La Fayette un congé pour venir à Paris. Je demande, ae plus, que la commission extraordinaire qui déjà a présenté un travail sur le danger qu'il y aurait de laisser faire à votre barre des pétitions par les généraux d'armée...
Un membre : Mais M. Rochambeau et M. Luckner sont bien venus vous en faire 1 (Murmures à droite.)
Ou bien à vous laisser entretenir par eqx d'objets purement politiques. Je demande, dis-je? que le rapporteur de la commission extraordinaire soit ténu de voqs en faire son rapport demain matin, et que le ministre de la guerre soit interrogé sur-le-champ. (Applaudissements à gauche et dans les tribunes.)
C'est une coutume, qui tient au défaut de l'esprit humain» d'interpréter les lois générales au gré des circonstances qui se présentent. L'évangile de là religion en a fourni ae nombreux exemples. (Rires à gauche.) L'évangile de la politique doit en fournir aussi. Avant que la Constitution anglaise fût établie, par une suite de traditions et d'actes positifs, elle a servi dans ses bases, tour à tour, aux différents partis qui déchiraient l'Empire. La Constitution française, remise à votre garde, l'est encore davantage à votre explication. Cette Constitution qui, à beaucoup d'égards, n'est que théorie jusqu'au moment où elle sera appliquée dans toutes Ses parties, cette Constitution doit donc être encore fa base sur laquelle se disputent, au gré des circonstances et de leurs passions, ceux qui ont des intérêts divers.
Je passe à i'application de ces considérations générales. Avec quelle faveur la Constitution et lés lois n'ont-elles pas été expliquées, lorsqu'une multitude armée se présenta mercredi dernier à votre séance, Alors, on allégua qu'il n'y avait pas 4e lois antérieures qui leur défendissent de se présenter, qui n'eussent été abrogées par l'usage. Qn ne compta pour rien la promulgation de la loi par l'arrêté du département et de la municipalité. L'Assemblée nationale, attachée jusqu'au scrupule, attachée jusqu'à la superstition à ceprincipeque nul ne peut être jugé que sur uqe loi antérieurement promulguée, ne peut être considéré comme coppable d un déjit que lorsque ce délit a été antérieurement spécifié,
que lorsque la loi a porté une peine précise et déterminée, l'Assemblée, dis-je^ superstitieuse dans l'observation de ce principe, admit Une force armée, une force «qu'a beaucoup d'égards on pouvait regarder comme redoutable, dans le lieu même de ses séances- Aujourd'hui M. La Fayette, connu par la force avec laquelle il s'est opposé dans tous les instants de la Révolution depuis l'Assemblée des notables, à toute espèce de despotisme; M. La Fayette qui a donné en garantie à la nation sa fortune tout entière, sa vie tout entière, une réputation qui vaut mieux... (Murmures à gauche.) Rendez les mêmes services à la patrie, et parlez ensuite. ( Vifs applaudissements à droite.)
M. La Fayette qpi a donné en garantie à la nation une réputation qui vaut mieux que la fortune et la Vie, M. La Fayette se présente à votre barre. Les soupçons, les inquiétudes, les passions s'exhalent, et c'est contre cet homme qui, pour les puissances étrangères, qui, pour
I Europe et l'Amérique, qui, pour les contemporains et pour la postérité, est l'étendard de la Révolution (Murmures à gauche), que toutes les factions se déchaînent ! Il a pris Je vœu^ dit-on, des honnêtes gens du royaume. Et qui lui eri avait donné la mission ? Je rétorque l'argument, et je demande qui avait donné la mission à cette multitude armée de venir au nom de la nation entière (Murmures à gauche), et s'exprimer au nom du peuple français et de sa souveraineté?
II ne faut que cette simple comparaison pour vous convaincre, Messieurs, qu'il y a deux poids et deux mesures, qu'il y a réellement deux manières de considérer les choses, qu'il soit permis à l'Assemblée nationale, née de la liberté; à l'Assemblée nationale, fille de cette Assemblée constituante, trop souvent calomniée, même dans cette tribune, qu'il soit permis à cette Assemblée nationale de faire quelque acception de personne en faveur du fils aîné de la liberté française. (Applaudissements à droite et murmures à gauche.)
Je demande que M. Ramond se rappelle à la question.
Je demande à M. Ramond s'il fait l'oraison funèbre de La Fayette ?
Messieurs, les circonstances sont telles, les périls de la liberté sont si grands, qu'il est certainement en doute lesquels de ses ennemis extérieurs ou intérieurs peuvent lui être les plus funestes. Dans cette crise dont tout le monde a le sentiment dans le cœur, sur laquelle tout le monde ne s'explique pas avec le même courage et avec la même franchise; dans cette crise, ais-je, je cherche sur la face d'un Empire peuplé ae 25 millions d'hommes, celui qui, à la fois, a le courage et la vertu de dénoncer les vrais ennemis de la patrie. Je le cherche, et partout je trouve un profond silence. 11 faut donc que cette voix s'élève encore, cette voix qui s'est élevée dans l'Assemblée des notables en face du despotisme (Murmures) ; cette voix qui s'est élevée dans l'Assemblée constituante en face de l'aristocratie nobiliaire... (Murmures.)
Un membre: Ge n'est pas là la question !
Est-cë là la réponse qqe n9\is enverrons à l'armée?
Cette voix dans laquelle les amis de la patrie sont accoutumés à reconnaître les vrais accents de la liberté. Je considère dans la pétition de M. La Fayette l'importance des choses
qu'il a dénoncées, que nul autre peut-être ne pouvait présenter à l'Assemblée nationale avec plus de succès et de force, puisque nul autre ne peut lui présenter en même temps une sécurité plus entière sur des intentions desquelles il n'est pas permis de douter. M. La Fayette est venu fie son armée; mais M. La Fayette arrêtant, par des ordres qu'il a déposés sur le bureau, rexpression du vœu de cette même armée...
Plusieurs membres : Monsieur le président, rappelez l'orateur à l'ordre I (Murmures prolongés.)
M. La Fayette arrêtant, par des ordres qu'il a déposés sur le bureau, la continuation de l'expression du vœu de son armée, s'est trouvé dans une position ou il était urgent d'instruire l'Assemblée nationale du vœu qu'elle exprimait. Alors qu'a-t-il pu faire de mieux que de se rendre lui-même à la barre de cette Assemblée; que d'avouer une lettre sur laquelle on avait jeté des doutes à la foisrisibleset injurieux; que ie venir manifester lui-même l'opinion ferme et absolue de son armée, de se battre pour la Constitution et de ne se battre que pour elle?Je demande donc, Messieurs, que la pétition de M. La Fayette soit renvoyée à la commission des Douze, soit l'objetd'un examen réfléchi et approfondi, beaucoup moins pour juger sa conduite (le vrai civisme l'a déjà jugée), que le mérite de sa pétition elle-même; que pour porter enfin ses regards sur les causes des troubles et désorganisation qu'on est forcé de vous dénoncer, et pour vouS faire là-dessus, l'un des plus prochains jours, le rapport le plus complet.
Plusieurs membres: Aux voix! aux voix! (Applaudissements.)
monte à la tribune. Il s'élève de violents murmures.
Plusieurs membres : La discussion fermée!
(L'Assemblée, ferme la discussion.)
Je demande à faire une proposition nouvelle.
Je rappelle la proposition de M. Guadet.
Plusieurs membres : La priorité pour la proposition de M. Ramond !
(L'Assemblée accorde la priorité à la proposi-tion de M. Ramond.) (Murmures à gauche.)
Je mets aux voix la motion elle-même.
(L'Assemblée décrète la motion de M. Ramond.)
demande la parole. On réclame l'ordre.
(L'Assemblée décrète que M. Lecointe-Puyra-veap ne sera pas entendu.)
, le jeune. Je demande la parole pour une motion importante.
, Jej demande que, sans entendre M. Garnot, on passe à l'ordre du jour.
(L'Assemblée décrète que M. Carnot-Feuleins le jeune ne sera pas entendu»)
Je demande la parole. (Murmures à droite.) L'Assemblée nationale vient de faire une lâcheté. Si vous n'êtes pas battus par les Autrichiens, vous le serez par les soldats de La Fayette, (Nouveaux murmures à droite.)
On avait fait 2 propositions ; j'ai mis aux voix la priorités elle a été accordée à celle de M. Ramena. (Murmures à gauche.)
Tout le côté gauche se soulève contre M. le Président. MM- Ispard, Lasource, Taillefer, Guyton-llorveaii, plantent à la tribune. L'Assemblée est dans l'agitation.
Un grand nombre de membres : Monsieur le Président, couvrez-vous !
Je fais la motion, Monsieur le Président, que vous soyez envoyé à l'Abbaye.
M. Ducos fait la motion que je sois envoyé à l'Abbaye.
Tout le côté droit : Lui, lui, à l'Abbaye!
J'ordonne aux huissiers de faire sortir les étrangers, s'il y en a dans la salle. Je vais rendre compte de ma conduite.
Un membre : Vous êtes un scélérat !
(Un grand nombre de membres se soulèvent, et crient : A VAbbaye ! à l'Abbaye ! c'est M. Guyton t)
Monsieur le Président, je demande la parole pour que celui qui vous a traité de scélérat soit puni.
Vous n'avez pas la parole.
M. Lecoz a entendu celui qui l'a dit. L'Assemblée a été insultée tout entière dans la personne de son président. Nous demandons que M. Lecoz soit interpellé de nommer celui qui a traité le président dç scélérat.
Plusieurs membres Appuyé I
Messieurs, après la pétition de M. La Fayette, M. Guadet a demandé la parole. J'ai consulté l'Assemblée. Comme l'épreuve était douteuse, je lui ai donné la parole. Ensuite M. Ramond l'a prise. La discussion a été fermée; il en est résulté 2 motions principales, l'une faite par M. Guadet, qui consistait à charger le président d'interroger le ministre de la guerre pour savoir s'il avait accordé un cqngé à M. La Fayette, pour se rendre à Paris; l'autre de renvoyer la pétition de M. La Fayette à là commission extraordinaire des Douze, pour en faire son rapport incessamment. On a réclamé la priorité pour la proposition de renvoi à la comthission extraordinaire des Douze. Elle a été décrétée. Ensuite j'ai mis la proposition principale aux voix. Elle a été décrétée. Voilà ma conduite.
Je demande la parole. (Murmures à droite.)
Un propos a été entendu dans l'Assemblée. Ce propos n'est pas d'un dé? puté. M. Guyton-Morveau demande la parole pour un fait. Je la lui donne.
Je demande la parole, car on n'a point entendu les propositions que vous avez faites.
Plusieurs membres : Ah ! ah !
Vous m'avez accordé la parole.
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
Je demande à prouver que M. le Président...
Plusieurs membres : L'ordre du jour!
D'autres membres: Monsieur le Président, con* sultez l'Assemblée !
Je dis qu'il est manifeste que M. le'Président a induit en erreur l'Assemblée. En effet, M. Guadet, et dans son discours, et dans ses conclusions, vous a proposé % dispositions : i'uné d'interroger le ministre de la guerre séant
à l'Assemblée, pour savoir s'il avait donné un congé; l'autre proposition était le renvoi au comité de la pétition de M. La Fayette. Cette dernière proposition a été adoptée par M. Ramond. L'une et l'autre de ces H propositions devaient être mises aux voix; au lieu de cela, M. le Président a supposé que les 2 propositions étaient contradictoires. (Murmures à droite.)
Plusieurs membres : C'est faux!
D'après cela, je soutiens que l'Assemblée n'a rien décrété.
Je demande la parole pour répondre à M. Guyton-Morveau.
Je vais rappeler les propositions ainsi : Interroger le ministre de la guerre pour savoir si M. La Fayette a obtenu un congé, et que la commission extraordinaire des Douze soit tenue de faire demain un rapport sur la question de savoir si les généraux d'armées pouvaient présenter des pétitions. L'Assemblée a décrété le renvoi du tout à la commission des Douze.
Des 2 propositions de M. Guadet, aucune n'a été combattue par M. Ramond. Je ne sais pas si, sur ces 2 propositions, on a proposé la priori lé.
Plusieurs membres : Oui, oui !
Si on eût proposé la priorité, j'aurais demandé la parole pour prouver qu'elle ne pouvait pas avoir lieu, car les 2 propositions sont semblables. On devait donc faire délibérer l'Assemblée successivement et alternativement. Messieurs, on n'a point demandé la priorité.
Plusieurs membres : C'est faux !
On n'a pas demandé la priorité ou elle n'a pas été entendue. (Murmures à droite.) En supposant que la priorité ait été décrété, ce n'est pas une raison pour ne point mettre la motion de M. Guadet aux voix.
Plusieurs membres : Eh bien, aux voix!
Je dis que l'on n'a pas proposé la question préalable sur la proposition de M. Guadet, et si elle eût été invoquée, jaurais rappelé à 1 Assemblée le décret par lequel des officiers et sous-officiers qui n'avaient point obtenu de congé n'ont pas été admis. - Dans la circonstance présente un général est nécessaire à son poste, et nous ne devons pas souffrir qu'un général puisse ainsi le quitter. (Applaudissements dans les tribunes.) D'ailleurs, quel inconvénient y a-t-il à savoir si M. La Fayette a obtenu ou non un congé?
Plusieurs membres : Cela ne nous regarde pas; l'ordre du jour!
En supposant que le général soit venu sans congé, alors il s'agira d'examiner si le ministre n'a pas encouru la responsabilité.
Plusieurs membres (à droite) : Finissez donc !
Je demande donc que M. le Président remette aux voix les différentes propositions qui ont été faites. (Murmures à droite.) Toutes celles qui ont été mises aux voix l'ont été dans le trouble.
Plusieurs membres (à droite) : L'ordre du jour sur la motion de M. Delacroix !
(L'Assemblée décrète que les 2 propositions seront mises successivement aux voix.)
Je demande la question préalable sur ta motion de M. Guadet.
Voici la rédaction de M. Guadet :
« Je demande : 1° que le ministre de la guerre soit interrogé sur le fait de savoir s'il a donné un congé à M. La Fayette ; 2° que la pétition de M. La Fayette soit renvoyée à la commission extraordinaire des Douze, laquelle sera tenue de faire demain son rapport, tant sur cette pétition que sur la lettre précédemment adressée par M. La Fayette. »
Voici celle de M. Ramond :
« Je demande : que l'Assemblée renvoie à la commission extraordinaire la pétition de M. La Fayette, pour en rendre compte lundi prochain. »
Plusieurs membres : La priorité pour la motion déjà décrétée !
Je demande la question préalable sur la proposition de M. Guadet.
Je m'oppose à la priorité et à la question préalable.
La première motion de M. Guadet, tendant à ce que le ministre de la guerre soit interrogé pour savoir s'il a donné à M. La Fayette un congé, est absolument contraire à tous les principes militaires que je vais vous exposer. ((Murmures à gauche.)
Plusieurs membres : Vous n'y connaissez rien !
Elle est aussi contraire à la Constitution qu'aux principes militaires, parce que, d'après les règles militaires, l'officier, sous-officier, soldat, personne ne peut abandonner son poste sans la permission de l'officier général qui commande. Mais, Messieurs, lorsque l'of-neier général qui commande a besoin, soit pour les détails de son service, soit pour d'autres motifs urgents, de se rendre près de celui duquel il reçoit des ordres, et de se concerter sur des objets relatifs à l'armée, alors, Messieurs, il n'est pas dans le cas de devoir demander la permission. Il n'y a pas de loi qui l'y oblige, et même cette loi serait dérisoire ; car alors u faudrait que le danger ou le motif ne fût pas urgent, qu'il y eût une grande distance et que le général tût assujetti, avant de faire son voyage, de remettre le commandement entre les mains de l'officier qui le suit. Cette idée est une monstruosité dans les idéës militaires. (Rires à l'extrême gauche.)
Je vais prouver qu'elle est inconstitutionnelle. Le'roi, comme chef suprême de l'armée, est celui auquel les généraux doivent s'adresser. L'Assemblée nationale ne peut pas et ne doit pas se mettre entre les généraux et le roi. Ce serait une subversion des principes, une idée absolument inconstitutionnelle. Je viens à la seconde proposition de M. Guadet. Il a proposé que le comité des Douze fût chargé de proposer demain une loi sur la question de savoir si les généraux d'armée peuvent faire des pétitions. Cette question-là, il serait indigne del'Assemblée nationale de l'agiter. (Murmures à gauche.) Quoi I c'est dans l'Assemblée nationale qui tous les jours reud hommage au droit de pétition de nos concitoyens, de quelque qualité qu'ils soient, que l'on proposerait de restreindre ce droit? Mais le premier de tous les droits est celui d'être citoyen. Les autres ne sont que les accessoires. Comment. l'Assemblée nationale violerait-elle la Constitution? (Murmures à gauche.) Elle ne le peut pas. Du momentqu'ellè le ferait, la liberté n'existerait plus. Je demande donc la question
préalable sur deux motions aussi dérisoires qu'inconstitutionnelles.
Monsieur le Président, je demande la parole pour un fait.
Plusieurs membres : Après !
Si M. La Fayette n'avait pas exposé lui-même, dans sa pétition, les motifs qui l'ont déterminé à quitter son armée pour se rendre à la barre de l'Assemblée, je ne trouverais pas extraordinaire que des membres de l'Assemblée nationale voulussent que le ministre de la guerre fût interrogé pour savoir s'il lui a donné un congé. (Murmures.) Mais vous n'avez pas besoin de lui demander s'il a été autorisé par le ministre, puisqu'il vous a dit que c'était pour arrêter les pétitions de l'armée.
Unmembre: Quand M. Rochambeau est venu à la barre, on ne lui a pas demandé s'il avait un congé.
Je n'examinerai point avec M. Daverhoult la question de savoir si un général peut quitter son poste en présence de l'ennemi; je n'examinerai point, dans ce moment-ci, si cet^cte est ou n'est pas repréhen-sible ; je dirai seulement que ce n'est pas au lieutenant général qui remplace M. La Fayette, mais à M. La Fayette lui-même, que la nation a témoigné de la confiance. Je dirai secondement que ce n'est pas pour des faits relatifs à son armée, au service militaire, que M. La Fayette est venu, mais pour présenter une pétition. Je dirai, troisièmement, qu'il ne s'agit enfin que de s'assurer de ce fait, sans le préjuger ou coupable ou innocent. M. La Fayette est-il venu avec un congé, ou est-il venu sans congé ? Or, Messieurs, il est absolument nécessaire que vous vous assuriez de ce fait ; et d'abord ie ne vois pas quel inconvénient on trouve a s'en assurer. (Murmures à droite.) J'observe à ces Messieurs que, si mes raisons sont mauvaises, il leur sera facile de répondre. C'est au roi, sans doute, qu'est confié le soin du maintien de la sûreté extérieure de l'Etat, c'est le roi qui nomme les ministres, qui donne les ordres et les généraux qui les exécutent, mais c'est l'Assemblée nationale qui est chargée, par la Constitution, de poursuivre la responsabilité contre les ministres qui donneraient des ordres contraires à la sûreté de l'Etat, et contre les généraux qui, par leur conduite, pourraient compromettre cette sûreté ; c'est à elle de prendre des renseignements sur ces faits. 11 s'agit donc, Messieurs, de prendre des précautions pour savoir si l'absence de M. La Fayette compromet ou non la sûreté de l'Empire ; et à supposer que son absence ne puisse pas être nuisible dans cette circonstance, comme il pourrait arriver cependant tels cas où la disparition d'un général livrerait l'armée sans défense aux ennemis, je ne crois pas qu'il puisse se trouver personne qui s'oppose à ce qu'on fasse une loi qui vous garantisse de ce malheur. (Applaudissements des tribunes.) On a observé que MM. Rochambeau et Luckner avaient été admis à la barre, et je ne sais pas trop ce qu'on én pouvait conclure, car M. La Fayette a été admis aussi; mais on voulait sans doute en conclure que M. La Fayette pouvait, sans congé, quitter son poste ; et moi je réponds que sans préjuger encore cette question, que je laisse intacte et,que le comité examinera, je réponds que l'on ne peut établir aucune espèce de similitude: car, quand MM. Rochambeau et Luckner ont paru
pour la première fois à la barre, ils y venaient pourannoncer leur nomination, et pour...
Plusieurs membres : Cela n'est pas vrai !
Vous dénaturez tous les faits.
Il est certain du moins que lorsqu'une seconde fois MM. Rochambeau et La Fayette se sont rendus à Paris, quoiqu'ils ne soient pas venus à la barre; il est certain, dis-je, que dans cette seconde circonstance, ils y sont venus mandés par le roi pour concerter en semble les plans de campagne.
Plusieurs membres : Qui vous l'a dit?
Il est étonnant que ces Messieurs... (Murmures à droite.) Ceux qui ne veulent pas m'entendre, apparemment, craignent la raison. Lorsqu'ils ont quitté leurs postes pour venir à Paris, ils n'étaient pas en présence de l'ennemi ; et c'était pour mieux concerter leurs mesures qu'ils venaient ici. Je demande donc que la motion de M. Guadet soit mise aux voix afin que si M. La Fayette a quitté son poste sans congé, votre commission soit tenue de vous faire un rapport sur la question de savoir si les généraux ont ce droit.
, secrétaire. Je demande à lire les pièces qui ont été déposées sur le bureau.
Ordre du général de Varmée, au camp retranché de Maubeuge.
(Murmures à gauche.) * \
Unmembre: Je demande que cette lecture ne soit pas faite!
(L'Assemblée décrète que la lecturesera faite.)
, secrétaire, lit : « Le général de l'armée a reçu, hier au soir et ce matin, des adresses (1) où les différents corps de toutes les armes expriment leur dévouement à laConstitu-tion, leur attachement pour elle, leur zèle à combattre les ennemis du dehors et les factieux du dedans... (Murmures à gauche.)
Plusieurs membres à droite : Gela leur fait mal au cœurl
, secrétaire. Faites cesser ces murmures d'une partie de l'Assemblée.
« Le général reconnaît dans ces démarches le patriotisme pur et inébranlable d'une armée
qui, fidèle aux principes de la Déclaration des droits et de l'Acte constitutionnel, est
disposée à les défendre envers et contre tous. Il est profondément touché de l'amitié jet de
la confiance que les troupes lui témoignent; il sent combien les derniers désordres que des
perturbateurs ont excités dans la capitale doivent indigner tous les vrais amis de la
liberté ; tous ceux qui, dans le roi, reconnaissent un pouvoir établi par la Constitution et
nécessaire a sa défense; mais en même temps que le général partage les sentiments de 1
armée, il craindrait que les démarches collectives d'une force essentiellement obéissante,
que les offres énergiques des troupes, particulièrement destinées à la défense des
frontières, ne fussent traîtreusement interprétées par nos ennemis cachés ou publics. Il
suffit, quant à présent, à l'Assemblée nationale, au roi et à toutes les autorités
constituées, d'être convaincus des sentiments constitutionnels des troupes ; il doit suffire
aux troupes de compter
Pour copie :
Signé : La Fayette.
Ordre du 26 au soir, au camp retranché de illau-beuge, ce 2ftjuin 1792, l'an IVe de la liberté.
« Le général a cru devoir mettre des bornes à l'expression des sentiments de l'armée, qui ne sont qu'un témoignage de plus de son dévouement à la Constitution, de son respect pour les autorités constituées, mais dont la manifestation, collectivement prononcée, aurait pu donner des armes à la malveillance; mais plus le général d'armée a été sévère sur les principes qui conviennent à la force armée d'un peuple libre, et par conséquent soumis aux lois, plus il se croit personnellement obligé à dire, en sa qualité de citoyen, tout ce que les troupes sentent de commun avec lui. C'est pour remplir ses devoirs envers la patrie et ses compagnons d'armes et lui-même, qu'après avoir pris, de convention avec M. le maréchal Luckner, les mesures qui mettent à l'abri de toute atteinte, il va, dans une course rapide, exprimer à l'Assemblée nationale et au roi les sentiments de tout bon Français, et demander en même temps qu'on pourvoie aux différents besoins de ses troupes.
Le général ordonne le maintien de la plus exacte discipline, et espère à son retour ne re-cévoir que des comptes satisfaisants. M. d'Han-gest, maréchal de camp, prendra le commandement. Le général d'armée répète que son intention et son vœu sont de revenir ici sur-le-champ.»
Pour copie :
Signé : La Fayette.
J'ai la parole.
(L'Assemblée nationale décrète que la discussion est fermée.)
Je mets aux voix la première partie de la motion de M. Guadet, tendant à demander au ministre s'il a donné un congé à M. La Fayette.
Plusieurs membres : La question préalable!
Je mets aux voix la question préalable.
(On fait l'épreuve elle paraît douteuse.)
Plusieurs membres : L'appel nominal !
La proposition est contre la Constitution. Je demande l'appel nominal.
, le jeune. Je demande à parler contre l'appel nominal. (Murmures.)
Je demande que appel nominal porte sur le fond.
J'appuie la motion de M. Gensonné, et je demande que l'appel nominal porte sur la première partie de la motion inconstitutionnelle de M. Guadet.
, le jeune. Comme 11 est visible, d'après l'ordre de M. La Fayette, qu'il n'a pas de congé, je demande qu'on passe à l'ordre du jour.
Je fais une seconde épreuve sur le fond.
Plusieurs membres : L'appel nominal l l'appel nominal ! (Murmures prolongés.)
On va faire l'appel nominal. Mais avant qu'il commence, les ministres demandent s'ils rendront leur compte aujourd'hui ou demain.
(L'Assemblée décrète que les ministres rendront leur compte demain.)
Un membre : Je demande que M. le ministre de la guerre attende le résultat de l'appel nominal.
Je pose ainsi la question : Ceux qui adopteront la proposition de M. Guadet diront oui, ceux qui la rejetteront diront non.
(On fait l'appel nominal.)
Voici le résultat de l'appel nominal. Il y avait 234 Voix pour le oui, et 339 pour le non. En conséquence, i'Assemblée nationale décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la proposition de M. Guadet.
Plusieurs membres : Aux voix ! le renvoi au comité !
(L'Assemblée nationale renvoie la pétition de M. La Fayette au comité des Douze, pour en faire son rapport incessamment.)
(La séance est levée à six heures.)
A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE
DU
Adresses (2) présentées par l'armée du centre au général La Fayette, à l'occasion des événements du 20 juin.
Tous les citoyens qui composent les bataillons des volontaires nationaux, et les régiments, de ligne des trois armées, se demandent : Pour qui combattons-nous ? Et ajoutent : Nous avons tous juré que ce serait pour le maintien de la Constitution. Lorsque nous versons notre sang pour elle, une faction usurpe la souveraineté de la nation et le pouvoir de toutes les autorités constituées. Nous sommes les soldats, de la patrie : nous ne devons ni ne voulons être ceux des Jacobins.
Ce sentiment a dicté l'adresse ci-jointe des volontaires du troisième bataillon de Paris.
Aux Représentants du peuple Français.
Du camp de Griselle, le
« Monsieur le Président et Messieurs,
« Daignez vous rappeler toutes les démarches que le troisième bataillon du département de
Paris a été obligé de faire pour pouvoir voler sur les frontières, combattre les ennemis de la Révolution, et être à même de donner des preuves de son zèle, de son courage, de son attaché* ment et de sa fidélité à la Constitution. Hé bien 1 Messieurs, ce même bataillon a eu connaissance de la lettre que M. de La Fayette, son générai, vous a écrite, le 16 de ce mois ; il se fait honneur d'être pénétré des sages principes qui enflamment ce brave général, et n'ayant pas oublié le-serment qu'il a fait de défendre la Constitution jusqu'à la dernière goutte de son sang, il jure de nouveau, en présence de l'ennemi, qu'il ne souffrira jamais que l'on y porte la plus légère atteinte. Plein de respect et de confiance pour les autorités constituées, il déclare qu'il ne connaît d'autre parti que celui d'une soumission aveugle aux lois, et qu'il est prêt, à chaque instant, d'employer les armes qui lui sont confiées par elles, envers et contre tous ceux qui voudraient les enfreindre. Puissent nos frères de toutes les armes s'expliquer aussi ouvertement, et bientôt nous reverrons, sous la protection des lois, le calme et la paix renaître dans notre malheureuse patrie. »
(Suivent les signatures»)
D'après cet esprit patriotique et constitutionnel qui animait l'armée, on peut fuger de l'effet qu'à produit sur elle la triste nouvelle dés événements du 20 juin.
Tous les corps se sont portés à présenter des adresses au général. Nous n'avons le temps d'en transcrire ici que quatre.
Adresse dés volontaires nationaux de la Meuse.
Ce jourd'hui, 26 juin, l'an IVe dé la liberté.
« Le premier bataillon des volontaires natio" naux du département de la Meuse, toujours pénétré des vrais principes de la Constitution, et justement indigne des excès et des attentats affreux commis non seulement contre l'asile sacré du représentant héréditaire de la nation, mais aussi contre son auguste personne, a arrêté ce qui suit :
« 1° Que le général La Fayette serait prié d'être, auprès du roi, l'interprète des sentiments de surprise et d'horreur qu'a éprouvé ledit bataillon en apprenant ce qui s'est passé au château des Tuileries le 20 mars de ce mois, et de lui faire agréer l'hommage de son profond respect, de son attachement, de sa douleur et de sa fidélité à maintenir l'inviolabilité des lois ;
« 2° Qu'aucun individu composant le bataillon ne mettrait bas les armes et ne rentrerait dans ses foyers qu'il n'ait vaincu et terrassé tous les ennemis de la Constitution, tant de l'extérieur que de l'intérieur, de quelque société ou secte qu'ils puissent être ;
« 3° Que le bataillon renouvellerait au général La Fayette ses protestations de soumission, d'obéissance et dp zèle, comme au soutien le plus sûr de notre liberté et au véritable défenseur des droits de l'homme;
« 4° Que copie du présent arrêté sera envoyée au président ae l'Assemblée nationale, au direc* toire du département de la Meuse, à ceux des districts, aux municipalités et à tous les clubs dans le ressort dudit département.
« Fait au camp de Maubeuge, le jour et an susdits et signé après lecture faite. »
(Suivent les signatures.)
Adresse du 83e régiment.
Au camp de Maubeuge, le
« Général,
« Le 83e régiment d'infanterie, employé à l'armée du centré que vous Commandez, étant à l'avant-garde, a déjà manifesté, le 4 de ce mois, à l'Assemblée nationale, son respect et son attachement inviolable à la Constitution, telle qu'elle a été décrétée par l'Assemblée nationale constituante, et acceptée par le roi; mais instruit des attentats inouïs que se sont commis le 20 de ce mois, envers le représentant héréditaire de la nation, et au mépris de toutes les autorités constituées, il en a été vivement pénétré de douleur, et croit devoir vous renouveler, fénéral chéri de tous les bons Français, le serment sacré qu'il a fait de vivre pour le maintien de cette même Constitution, et de mourir plutôt que de souffrir qu'il y soit porté la moindre atteinte, soit par les ennemis au dehors, et les factieux au dedans. Tels sont les sentiments et la résolution de tous les vrais soldats de la patrie, et dont ceux du 83è régiment ne se départiront jamais. »
(Suivent les signatures.)
Adresse du 2e régiment de hussards.
Bersilly, ce
« Notre général,
« Des cris d'indignation de toute votre arméê viennent de retentir jusqu'aux postes avancés de votre avant-garde, et lê 2e régiment des hussards apprend, en frémissant, que tandis qu'il verse ici son sang pour lé maintien de la Constitution, des factieux, au sein du royaume, osent tenter de la détruire, sous le masque imposant du patriotisme.
« Sûrs de la pureté du vôtre, convaincus que votre nom, environné de toute sa gloire, est nécessaire, dans ces moments de crise, qu'il doit être le cri de ralliement de tous les bons Français, nous venons, notre général, vous jurer foi d'hommes soumis aux lois, depuis le colonel jusqu'au plus nouveau de nous, que fidèles à nos serments, nous saurons les rappeler aux parjures, aux perfides jacobins, ét que sous les ordres d'un général tel que vous, que nos cœurs et la raison élisent à jamais, nous les traiterons comme des hullans. »
(Suivent les signatures.)
Adresse de la 4* compagnie de Mineurs. A Maubeuge, le 26 juin 1792, l'an IVe de la liberté.
« La 4e compagnie de mineurs, en garnison à Maubeuge, convaincue de l'amour pour la liberté dont le général La Fayette a donné tant de preuves dans les deux hémisphères, déclare prendre cause commune contre ceux de ses ennemis qui tenteraient de ternir sa réputation, tous les membres de ladite compagnie, depuis 16 capitaine jusqu'au tambour, ayant donné dans tous les temps la marque du plus pur patriotisme, déclarent, en outre, qu'elle ne connaît de clubs que ceux où on professe le plus saint respect pour la Constitution, et où le roi y est autant révéré que la nature et la loi. Elle porte un sou
verain mépris contre ceux qui manifestent des sentiments contraires, et regarde généralement, comme ses plus grands ennemis, ceux qui, par les machinations perfides, travaillent à avilir les autorités constituées, et spécialement le représentant héréditaire de la nation et le chef suprême de notre armée; elle a juré de répandre son sang pour le maintien de la nation, de la loi, du roi, et de toutes les autorités légitimes; elle tiendra son serment en dépit des factieux. Mourir pour une de ces causes en danger, c'est mourir pour la patrie : c'est la seule mort qui convient aujourd'hui aux soldats français. »
(Pour signature, le contrôle de la compagnie au complet.)
Tous les autres corps de l'armée ont présenté de semblables adresses, ou leur adhésion à celles-ci»
a la séance de l'assemblée nationale législative du
Liste de MM. les Députés a l'Assemblée nationale législative (2), qui ont voté pour ou contre sur la question de savoir : « Le ministre sera-t-il tenu de déclarer si M. La Fayette a reçu un congé pour s'absenter de son armée ou s'il n'en a pas reçu ?
non. oui.
Adam (Indre-et-Loire). Albitte l'aîné.
Adam (Moselle). Alard. Alleaume. Amat. Amy.
Anseaume.
Aubert-Dubayet.
Baert.
Bagot.
Baignoux.
Ballet.
Barbotte.
Baudin.
Baumlin.
Bastide.
Bejot.
Belle.
Bellier-du-Chesnay.
Belot-la-Digne.
Benoid.
AUain-Launav.
André (Vosges).
Archier.
Audrein.
Auguis.
Ballue.
Bardon.
Bardou-Boisquetin.
Basire jeune.
Bassal.
Belin.
Benoiston.
Besson.
Bezanson-Perrier. Bissy jeune. Bohan.
Bonnet de Meautry.
Bonneval.
Bonnier.
Bordas.
Borie.
Bergeras. Bernard (Charente-Infé- Bosc.
rieure). Bourzès.
Bernard (Yonne). Bréard.
Bernier. Briand.
Beugnot. Briolat.
Blancgilly. - Brisson.
Blanchard. Brissot de Varville.
Blanchon (Charente). Brival.
Blanchon (Rhône-et- Broussonnet.
Loire). Bruley (Indre-et-Loire).
Boerio. Brun.
Boisseau. Calon.
Bonnemère. . Cambon fils aîné.
Bonnerot. Caminet.
Boucher. Cappin.
(1) Bibliothèque nationale : Assemblée législative, Le3*, n« 115.
non. Boullanger. Bousquet. Bravet. Bretocq. Briche.
Brulley (Marne).
Brunck.
Cailhasson.
Calmon.
Calvet.
Carez.
Carlier.
Cartier-Douineau.
Casamajor.
Caubère.
Gazes.
Champion.
Ghaponnet.
Chappe.
Chasteau.
Chaubry-de-Laroche.
Chaufton.
Chauvet.
Ghazaud.
Ghazot.
Chedaneau.
Chéron-la-Bruyère.
Choudieu.
Christinat.
Claye.
Collas.
Colomb-de-Gast.
Coppens.
Corbel.
Cornet, jeune.
Gornuaet-des-Chaumets.
Goubé.
Courtin, l'aîné.
Gourtot.
Crestin.
Crublier-d'Optère. Cunin. Dalibourg. Dalmas. Damourette. Danthon. Daverhoult. Debry (Paris). Dehaussy-Robecourt. Delacoste. Delafon-Braman. Delaizire. Delfau. Deliars. Delon. Delpierre. Demées. Depère. Desbois. Deschamps. Descrots-Destrées, père Desgranges, cadet. Desportes, fils. Desprez. Destrem. Deusy. Deverneilh. Deydier. . Dieudonné. Dithurbide. Dochier. Domergue.
ouï.
Charlier*
Gausse.
Chabot.
Ghassagnac.
Chaudron-Roussau.
Cochet.
Col.
Coupé.
Courtois.
Couturier.
Croichet.
Groizé.
Curée.
Dalloz.
Dameron.
Dareau.
Darneuilh.
Debranges.
Debry (Aisne).
Dehoulière.
Delacroix.
Delaporte,
Delaunay (Somme).
Delaunay l'aîné (Maine-
et-Loire). Delcher. Deliège. Delmas. Deperet. Derrien. Descamps. Despinassi. Devaraigne. Dherbez-Latour. Digaultray. Duûois-du-Bais. Dubois de Bellegarde. Dubouchet. Dubreuil-Chambardel. Dubuisson. Ducos fils. Duhem.
Dumas Ghampvallier. Dupont (Jacob). Dupuis fils. Duquesnoy. Dusault.
Du val (Loir-et-Cher). Du val (Iile-et-Vilaine). Dyzès.
Eschasseriaux aîné. Esnuë de la Vallée. Fauchet. Faye.
Faye-Lacbeze. François de Neufchâ-teau.
François-Primaudière. Frécine. Gasparin. . Gaston. Gaudin (Vendée). Gay-de-Vernon. Gaulmin. Gelin. Gensonné. Gentil. Germignac. Gertoux. Gibergues. Giroust. Gobillard.
NON.
Dongois.
Dorizy.
Dorliac.
Douyet.
Drouin.
Ducastel.
Ducreux.
Dufrexou.
Dumas (Mathieu).
Dumolard, fils.
Dupertuis.
Duphenieux.
Dupin.
Dupont-Grand-Jardin.
Durin.
Duroussin.
Duval (Eure).
Duvant.
Emmery.
Espariat.
Esperou.
Fabre (Morbihan).
Fâche.
Faure.
Fayolle.
Ferrière.
Fleury.
Foissey.
Forfait.
Fossard.
Fouquet.
Fournier.
Français (de Nantes).
François (Pas-de-Calais),
Frasey.
Fressenel.
Gaillard.
Garchery.
Gastellier.
Gausserand.
Gelot.
Genty (Louis).
Giraud.
Giraudy.
Girod.
Giroult.
Golzart.
Gonyn.
Gorguereau.
Goujon.
Granet (Var).
Greau.
Grégoire aîné. Gros.
Guilhaud-de-Létanche.
Guilhou.
Guillioud.
Guillois.
Guitard, fils.
Hainsselin.
Hébert (Eure).
Henry (Haute-Marne).
Henry (Cantal).
Hochet.
Hua.
Huet-Froberville.
Hugot.
Jahan.
James.
Jaucourt.
Jodin.
Jollivet.
o«i.
Gohier.
Gossuin.
Goupilleau.
Granet (Bouches-du-Rhô-
nés). Grosse-du-Rocher. Guadet. Guimberteau. Guyès.
Guyton-Morveau.
Haussmann.
Héraultde-Séchelles.
Huguet (Creuse).
Ichon.
111e.
Ingrand. Isnard. Jagot. Jamon.
Jard-Panvillier. Jav.
Jolly l'aîné.
Kersaint.
La Boissière.
Laborey.
Lacoste.
Laguire.
Laloy.
Lamarque.
Lambert (Côte-d'Or).
Laplaïgne.
Lasource.
Laumond.
Laurens.
Lebreton.
L'Echelle.
Lecointre.
Lefebvre (Nord).
Lefessier.
Lejeune.
Lemaistre.
Lemoine-Villeneuve.
Lequinio.
Letutour.
Levasseur aîné.
Leyris.
Lindet.
Lolivier.
Lomont.
Lonné-Cantau.
Louvet.
Loysel.
Lucat (Landes).
Maignen.
Maignet.
Mailhe.
Mailho.
Mallarmé
Malassis.
Martineau.
Masuyer.
Menuau.
Mericamp.
Merlin.
Michaud.
Michel cadet.
Monestier.
Monnot.
Maribon-Montaut. Moreau (Meuse). Morisson. Musset.
NON.
Joufifret.
Jounault.
Jouneau.
Journet.
Juéry.
Koch.
Labastie.
Lacépède (de).
Lacuéejeune.
Lafaye-Des-Rabiers.
Lafon-Ladebat.
Lafont.
Lambert (Bas-Rhin). Lameth.
Langlois (Eure). Langlois ( Seine - Inférieure). Larroque-Labécède. Lassabathie père. Latané. Laureau.
Lautour-Duchatel.
Lavigne.
Lebœuf.
Leboucher - du - Long-
champ. Lecaron-Mazancourt. Leconte de Betz. Lecoz. Lecurel. Lefranc. Legras.
Legressier-Bellanoy.
Lejosne.
Lemailliaud.
Lemesre.
Lemontey.
Léopold.
Lepigeon-de-Boisval. Lerebour de la Pigeon-
nière. Leremboure. Leroy (de Bayeux). Leroy (de Lisieux). Leroy-de-Flagis. Lesueur. Letailleur. Letellier. Le Tourneur. Levavasseur. Limousin. Lozeran-de-Fressac. Lucas (Seine - Infé -
rieure). Lucia. Lucy. Maleprade. Malus. Manchand. Mangin. Marant.
Marie (Loire-Inférieure). Marie (Pyrénées-Orien
taies). Marie-Davigneau. Martin (Bouches-
Rhône). Massenet. Massey.
Mathieu (Bas-Rhin»
Mayerne.
Ménard.
oui.
Niou.
Oudot.
Paganel.
Paignard.
Peraldi.
Pérignon.
Perreau.
Petit.
Pierret.
Pinchinat.
Pinet l'aîné.
Piorry.
Poisson.
Pontard.
Pozzo-di-Borgo.
Projean.
Quinette.
Reboul.
Régnier.
Reverchon.
Reynaud.
Richard.
Robin (Aube).
Roubaud (Var).
Kuamps.
Rudler.
Sabathier.
Sallengros.
Salmon.
Sanslaville.
Sautayra.
Sauvé.
Sers.
Siblot.
Solomiac.
Soubeyrand-Saint Prix.
Soubrany.
Taillefer.
Tardiveau
Tavernel.
Thuriot.
Tocquot.
Tomé.
Turgan.
Valdruche.
Vardon.
Vergniaud.
Vernerey.
Vidaiot.'
Viennet
Voisard fils.
NON-
Mengin.
Merveilleux.
Meunier.
Michon-Dumaret.
Michoud.
Mootault-des-Isles.
Moreau (Yonne).
Mosneron aîné.
Mouysset.
Muraire.
Naret.
Navier.
Nogaret fils.
Paigis.
Paillet.
Pantin.
Papin.
Pastoret.
Perrin (Jura).
Pierron.
Pierrot.
Pietri.
Pieyre fils.
Pillaut.
Poitevin.
Poujet.
Prouveur.
Prud'homme.
Pucelle.
Pyrot.
Quatremère-Quinçy.
Quatresolz de Marolles.
Queslin.
Quesnay.
Quillet.
Rabusson-Lamothe.
Raffin.
Rameau.
Ramel.
Ramond.
Regnard-Claudin. Regnault-Beaucaron. Rever.
Ribes (Pyrénées-Orientales). Riboud.
Richard de Viljiers.
Riquet.
Rivoalan.
Robin (Léonard).
Rochoux.
Rojou.
Rouède.
Rougier-la-Bergerie.
Rousseau fils (Sarthe).
Rouyer.
Rubas fils.
Rubat.
Sage.
Sancerre.
Saulnier.
Savonneau.
Sébire.
Sédillez.
Servière.
Sévène.
Siau aîné.
Sissous.
Soret.
Tarbé.
Teillard.
Tenon.
NON.
Tesson. Thévenet. Thibaut. Thiéript,
Treilh-Pardailhan.
Tronchon-
Urvoi.
Vallier fils.
Vayron.
Vienot-Vaublanc Vimar.
Vincens-Plauçhut. Viquesnel-Delaunay. Vivier. Vosgien.
Voysin de Gartempe.
Vuillier.
Waelterlé.
Wallart.
Wilhelm.
Séance du
PRÉSIDENCE DE M. GÉRARDIN.
(d'Angers), secrétaire, . donne lecture du pro ces-verbal de la séance du mardi 26 juin 1792, au matin/
Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres adresses et pétitions suivantes :
1° Lettre de M. Lajard ministre de la guerre. qui réclame en faveur de M. Chollet (1), lieutenant général, actuellement détenu en état d'accusation auprès de la haute cour nationale d'Orléans pour crime de lèse-nation, le paiement de ce qui lui est dû de ses appointements. Il observe qu'aucune loi prohibitive n'existe à- cet égard.
. Messieurs, si l'Assemblée nation nale, en décrétant d'accusation un citoyen, fttr tendait priver lui ou sa famille des émoluments attachés à ses fonctions, ce serait une souveraine injustice, ce serait un décret de mort, puisqu'on ne peut exister privé de ses moyens de subsistance. Je demande, pour ce motif, l'ordre du jour motivé sur ce que la loi ne s'expliquani pas à cet égard, le traitement est toujours eensé courir.
(L'Assemblée adopte cette proposition.)
2° Lettre des citoyens de la ville de Cahorç qui envoient copie à l'Assemblée de l'adresse qu'ils ont fait parvenir au roi.
Plusieurs membres : La lecture !
Un de MM. les secrétaires en donne lecture ? Cette adresse renferme des plaintes sur le
renvoi des ministres patriotes et sur le veto apposé aux décrets relatifs aux troubles
religieux et au rassemblement de 20,000 gardes nationaux sous les murs de Paris. Us prient le
roi de s'entourer de ministres qui lui fassent connaître la vérité et
(L'Assemblée renvoie la lettre à la commission extraordinaire des Douze,)
3° Adresse des citoyens composant la Société des amis de la Constitution de Lille, qui sé plaignent du renvoi des ministres patriotes et du veto relatif aux décrets sur les troubles religieux et sur le rassemblement de 20,000 hommes autour de Paris; cette adresse est ainsi conçue :
A l'Assemblée nationale.
« Augustes représentants,
« Lorsque des hommes aussi vils qu'orgueilleux emploient la corruption et toutes les manœuvres les plus criminelles pour asservir la patrie, les amis de la liberté doivent faire des sacrifices pour sa défense. Agréez, législateurs, la somme que nous déposons entre vos mains et que nous consacrons aux frais de la guerre, de cette guerre dont va dépendre peut-être le sort de la France et de l'Europe entière. Si notre offrande n'est pas plus considérable, c'est que nos facultés pécuniaires n'égalent point le patri-otisme|qui nous enflamme, vous le savez, législateurs, ce noble dévouement est toujours en raison inverse des richesses. Que ne possédons-nous en ce moment les monceaux d'or de ces froids égoïstes, de ces spéculateurs avides, qui n'aiment de la Révolution que ce qui tourne à leur profit; et qui laisseraient périr la liberté plutôt que de sacrifier pour elle une parcelle de leur trésor ! Nous dirions : vil métal tu as fait tant de fois le malheur de la terre, tu as servi . à forger les chaînes honteuses de l'esclavage, tu as entouré la fatuité, l'ignorance, le crime même d'une considération qui n'appartenait qu'au talent et à la vertu ; eh bien 1 nous te destinons à un plus noble usage : nous allons t'employer à affermir sur les ruines du despotisme et de la féodalité le règne de la liberté et de l'égalité. Et l'on voudrait nous ravir ce bien précieux, l'égalité que nous chérissons plus que la vie ! Non, c'est en vain que la vanité voudrait ressusciter la défunte noblesse, en divisant la nation en deux classes, et en établissant dans le corps légis-latil le système odieux des deux Chambres. C est en vain qu'on voudrait relever cette fausse grandeur, ce colosse ridicule dont les bris roulent dans la poussière. Le Français sent trop sa dignité pour se prosterner devant des hommes, jamais il ne souffrira que des mains sacrilèges dérangent le niveau sous lequel la nature a placé tous les mortels. C'est pour défendre ce droit imprescriptible que la nation française se voit forcée aujourd'hui de faire une guerre dispendieuse. Législateurs, les offrandes patriotiques des citoyens zélés, quelque nombreuses qu'elles soient, ne pourront couvrir qu'une petite partie des frais de la guerre. Mais les biens des émigrés offrent une ressource immense. La justice autant que l'intérêt de la nation exigent que ces biens soient confisqués au profit de l'Etat ; ceux qui ont nécessité la guerre doivent payer les dépenses qu'elle entraîne. Qu'ils ne viennent
point réclamer la propriété, il n'est point de droits civils pour les traîtres, pour des conspirateurs, qui prétendent dépouiller leurs semblables des droits qu'ils tiennent de la nature.
« Législateurs, nous avons applaudi au décret qui ordonnait un camp de 20,000 hommes près de Paris. Cette mesure était sage; elle ne pouvait déplaire qu'aux ennemis de la patrie. C'est avec un extrême regrét que nous avons vu que le roi y a refusé sa sanction. Nous n'avons pas été moins affligés en apprenant la disgrâce aes ministres patriotes. La nation avait placé en eux une confiance méritée, leur démission était une calamité publique. C'est un coup terrible porté à la liberté. Jusqu'à quand la France sera-t-elle le jouet et la victime d'une cour perfide?
« Législateurs, continuez à déployer la fermeté et la grandeur qui conviennent aux représentants du peuple français. Ce peuple vous soutiendra au milieu des orages qui menacent la patrie, La foudre est prête à éclater, mais elle écrasera le despotisme ou ensevelira 20 millions d'hommes sous les ruines de la liberté. Et qu'importe notre existence, si nous sommes réduits à la traîner dans l'avilissément et la servituie.
« Nous sommes avec respect, les citoyens composant la société des amis de la Constitution de Lille. -
Signé: sauvage, curé de Saint-André, président ; BlondeâU, médecin; Detoudy, Pinte, etc., etc. »
Suit le bordereau de recette du caissier du district de Lille, des dons patriotiques des amis de la Constitution de cette ville, savoir : 60 livres en or; en écus 36 livres; en petites pièces, 36 1. 18 s.; en monnaie 17 1. 16 s. 3 d. et 423 livres en assignats.
(L'Assemblée, après avoir accepté cette offrande avec les plus vifs applaudissements et décrété la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis aux donateurs, renvoie l'adresse à la commission extraordinaire des Douze.)
4° Adresse du conseil général de la commune de Lyon, qui réclame contre la conduite des directoires des corps administratifs à son égard et qui demande que la dette de cette ville soit déclarée dette nationale et Je mode de sa liquidation prescrit.
(L'Assemblée renvoie l'adresse au comité de l'extraordinaire des finances.)
5» Lettre de M. Lajard, ministre de la guerre, accompagnant l'état des dépenses qui résulteront des nouvelles levées de troupes, décrétées les 27 avril, 5, 14 et 28 mai derniers, et celles des bataillons des gardes nationales, proposées parle roi le 22 courant.
(L'Assemblée décrète le renvoi de ces pièces aux comités de l'ordinaire des finances et militaire réunis.)
6° Lettre de plusieurs citoyens de Carcassonne, qui demandent un décret d'accusation contre M. Bertrand, ex-ministre de la marine, pour avoir fait enlever les grains destinés au département de l'Aude, et tenté, par là, de susciter des troubles dans ce département.
(L'Assemblée renvoie cette adresse au comité de marine, chargé d'un rapport; concernant M. Bertrand.)
L'Assemblée accorde un
congé de 8 jours à M. Pierrot, député du département des Ardennes.
Un de 15 jours à M. Wilhelm, député du Bas-Rhin.
Un autre, d'un mois, à M. Cuel, député du Puy-de-rDôme.
Douze commissaires, députés par la section des Tuileries, sont admis à la barre.
Vorateur de la députation donne lecture d'une délibération des députés de leur section, qui déclare que l'état-major de la garde nationale parisienne a perdu la confiance publique et celle de la section. Il demande le licenciement de cet état-major, la révocation des articles 19 et 20 de la deuxième section du décret du 22 septembre 1791, sur la nomination des officiers majors et exprime ses regrets sur le renvoi des ministres Clavière, Roland et Servan. .
répond à la députation, au nom de l'Assemblée, et lui accorde les honneurs de a séance.
7 (L'Assemblée renvoie leurs demandes à la commission extraordinaire des Douze.)
Un de MM. les secrétaires continue la lecture des lettres, adresses et pétitions envoyées à l'Assemblée :
7° Lettre de M. Dubois, administrateur du directoire du département des Ardennes, qui envoie copie d'une pièce originale trouvée dans celles de la procédure extraordinaire qui s'instruit devant le directeur du juré d'accusation du district de Gharleville; cette lettre est ainsi conçue :
« Le 28 juin, l'an IVe de la liberté.
« Monsieur le Président,
« J'ai l'honneur de vous adresser copie d'une
Sièce originale trouvée dans celles de la procé-
ure extraordinaire qui s'instruit devant ie directeur du juré d'accusation du district de Char-leville, département des Ardennes.
« Il n'est aucun, même des plus ardents amis de la Constitution, qui, après la lecture de cette pièce, ne sentira combien il était important que l'Assemblée nationale en eût connaissance, afin de garantir désormais la dignité des membres du Corps législatif, du danger d'être aussi cruellement compromise.
« Je vous prie, en conséquence, Monsieur le Président, de faire donner lecture de cette pièce à l'Assemblée nationale.
« Je suis avec respect, Monsieur le Président, votre très humble et très obéissant serviteur.
« Signé : Dubois, administrateur du directoire du département des Ardennes. »
Suit la copie de cette pièce originale qui est un certificat, avec permission de porter les armes, délivré par la société des amis de la Constitution séante à Paris, aux Jacobins.
« Signé: Lasource, président, Deperey et Pépin de Gboubette, secrétaires.
« Société des amis de la Constitution, séante aux Jacobins Saint-Honoré.
« Nous, président, secrétaire, certifions que M. Penaud, après avoir subi le scrutin épuratoire arrêté par la société le 25 juillet dernier, a été
admis au nombre des membres de celte société, comme y ayant constamment fait preuve de patriotisme et de dévouement à la cause de la liberté. En foi de quoi nous lui avons délivré le présent certificat pour lui servir que de droit, avec faculté de porteries armes; requérant et priant toutes nos sociétés séantes, de l'accueillir en toute circonstance, comme un bon, vrai et loyal citoyen.
« A Pans, le
« Signé : Lasource, président; deperey et Pépin de Gboubette, secrétaires. »
« Plus bas: chasseur de la deuxième division de la garde nationale parisienne.
« Pour copie conforme à l'original trouvé dans les pièces ae la procédure extraordinaire qui s'instruit devant le directeur du juré d'accusation, pour fait de vol, dont est prévenu ledit sieur Penaud, porteur du certificat.
« Signé, d'ENTREMEUSE, président du tribunal du district de Gharleville.
« Je certifie encore que, par jugement de la ci-devant Cour de parlement, du 3 mars 1791, le même Penaud, porteur de ce certificat, a été condamné aux galères pour fait de vol, marqué sur l'épaule de la lettre F; qu'ayant trouvé le moyen de s'évader, il a été repris à^Nantes, atteint et convaincu de vol, condamné, par jugement du 18 mars 1788, aux galères à perpétuité, et marqué préalablement sur l'autre épaule des lettres G. L. A. / qu'il est parti le 13 juin 1790 pour subir sa peine, et qu'il a obtenu du sceau des lettres de rappel, le 6 janvier 1792. Tous lesquels faits sont prouvés, avoués et existent dans les pièces de la procédure, qui s'instruit par-devant le directeur au juré d'accusation, près le tribunal du district de Gharleville; et par lui présenté audit tribunal, pour y demander un jugement préparatoire. » « Fait le 25 juin 1792, l'an IVe de la liberté.
« Signé : D'Entremeuse. »
Plusieurs membres : L'ordre du jour!
Je demande à vérifier les signatures, et je certifie que ce fait est faux, car il est impossible qu'un législateur ait signé un certificat aussi inconstitutionnel. Il est bien aisé de faire calomnier une société, et de demander l'ordre du jour.
Un membre : J'atteste que la signature est celle de M. d'Entremeuse, président au tribunal du district de Gharleville.
Il est très important de répondre à l'observation qui vient d'être faite à la tribune. Le membre a cru accréditer l'erreur en attestant que le certificat était constaté véritable par un président de district; c'est là une nouvelle erreur encore. Le président du district a attesté seulement l'existence du prétendu certificat. C'est la copie certifiée dans 1 instruction que Ton envoie; mais rien n'établit réellement à 1 Assemblée nationale, que ce soit réellement la société qui ait délivré le certificat au fripon dont on parle.
Ce n'est pas la dénonciation qui vous est faite qu'il faut livrer au mépris public, c'est le nouveau frère jacobin qui doit partager celui qui couvre ses frères et amis.
(de l'Eure). Je demande qu'on voue
au mépris le nouveau frère jacobin, comme on y voue le reste de la société.
J'affirme qu'un député ne peut jêtre coupable du délit dénoncé.
Ce n'est là qu'une peccadille de la société. Je demande l'ordre du jour.
Lorsqu'on a dénoncé M. Chabot, si l'on n'eût pas eu recours à la source, la dénonciation tenait contre lui. M. Lasource, député à l'Assemblée nationale, n'a pas pu signer un
Eareil certificat. S'il l'a fait, il a encouru l'impro-
ation de la loi, et celle du Corps législatif. Je demande qu'on vérifie si, ou non, il a apposé sa signature a un certificat aussi inconstitutionnel. S'il ne l'a pas fait, il faut que la calomnie soit confondue.
Lorsque M. Lasource a signé le certificat, il ne l'a pas fait comme député, et voilà la diffférence, Messieurs, entre la dénonciation contre M. Lasource et celle contre M. Chabot. M. Chabot avait été calomnieusement dénoncé d'avoir provoqué la sédition dans Paris. Ici M. Lasource est dénoncé comme simple citoyen ou comme président d'une société. C'est comme simple citoyen, car le fait est absolument étranger à l'Assemblée nationale. Si M. Lasource se prétend inculpé calomnieusement, il a la voie des tribunaux; mais l'Assemblée ne peut pas s'occuper de ce qui concerne les sociétés populaires. Je demande l'ordre du jour.
C'est ici une tactique accompagnée de cette attaque perpétuelle pour détruire là Constitution sous le nom de la Constitution, et on veut renverser les gens les plus zélés défenseurs de la Constitution. (Applaudissements dans les tribunes.) On veut rétablir une caste de nobles ; pour y parvenir, il faut dénigrer ceux qui s'y opposent, et avec cette petite tactique on fait lire des pièces infâmes a la tribune On veut faire tomber l'opinion publique que certains défenseurs du peuple ont acquis sur leur tête. Ainsi, Messieurs, il faut ou les punir ou les venger. Je demande que l'Assemblée donne suite à cette affaire, et qu'on la renvoie au comité des Douze.
(L'Assemblée renvoie les pièces à la commis-* sion extraordinaire des Douze pour la vérification des faits.)
Je fais hommage à la nation de la somme de 1,125 livres en'assignats que j'ai touchées du Trésor public, à compte de ma pension.
(L'Assemblée accepte cette offrande avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis au donateur.)
, au nom du comité militaire, donne lecture de la rédaction du décret, adopté dans la séance du 11 juin dernier (1), relatif au rang que doivent occuper les officiers nouvellement promus aux différents grades ; elle est ainsi conçue :
« L'Assemblée nationale, considérant que les difficultés qui s'élèvent journellement dans
l'armée, au sujet du rang que doivent avoir les officiers nouvellement promus aux différents
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité militaire et rendu le décret d'urgence, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« Le rang des capitaines et des lieutenants continuerait être réglé ainsi qu'il est prescrit par les articles 4 et 7 du décret du 1er août 1791.
Art. 2.
« Le rang des sous-lieutenants ne sera plus fixé par la date de leurs brevets, mais par celle de leur arrivée au corps auquel ils auront été attachés.
« En conséquence, il sera tenu registre, par l'état-major ae chaque régiment, de l'arrivée de citoyens destinés au grade de sous-lieutenant. L'époque de cette arrivée au corps, servant à constater le rang, sera par le quartier-maître-trésorier transcrite sur le brevet et visée par le conseil d'administration du régiment.
Art. 3.
« Lorsque plusieurs sous-lieutenants auront joint leurs drapeaux le même jour, ils prendront rang entre eux dans l'ordre suivant :
« Les sous-lieutenants pris parmi les officiers réformés ou retirés ;
c Les sous-lieutenants pris parmi les sous-officiers du corps ;
« Les sous-lieutenant pris parmi les volontaires gardes nationaux ;
« Les sous-lieutenants pris parmi les gardes nationales sédentaires.
Art. 4.
« Le rang entre les sous-lieutenants pourvus avant la publication du présent décret sera déterminé ainsi qu'il est ait dans l'article 3 du présent décret.
Art. 5.
« Lorsque des sous-lieutenants de la même classe auront joint le même jour, leur rang sera déterminé par l'ancienneté ae leurs services ; et à égalité de services, le plus âgé aura le rang.
Art. 6.
« Les appointements ne courront pour aucun sujet nouvellement pourvu que du jour de son arrivée au corps, mais chacun de ceux qui se seront déplacés, pour joindre leurs drapeaux, obtiendra à l'avenir, en indemnité, un demi-mois d'appointements ; en conséquence, les commissaires des guerres les rappelleront dans la première revue qu'ils passeront, pour quinze jours avant l'époque de leur arrivée au corps. »
(L'Assemblée adopte cette rédaction.)
Un de MM. les secrétaires continue la lecture des lettres, adresses et pétitions envoyées à l'Assemblée :
8° Lettre de M. Lajard, ministre de la guerre, qui demande une avance de deux millions pour achever l'équipement des volontaires nationaux.
(L'Assemblée renvoie la lettre au comité militaire.)
9° Lettre de M. Lajard, ministre de la guerre, qui demande que l'Assemblée prenne une détermination sur les revenus de l'ordre de Saint-Louis.
(L'Assemblée renvoie la lettre au comité militaire.)
10° Lettre de M. Servan, ancien ministre de la guerre, qui répond aux inculpations faites relativement aux marchés passés sous son ministère. Sa lettre d'envoi a l'Assemblée est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
Ayant .lu hier dans le Logographe quelques inculpations graves que M. Blanchard mè faisait sur les marchés passés pendant mon administration (1), j'ai cru qu'il était de mon devoir d'adresser à ce sujet des observations, auxquelles
1"ai joint deux pièces à l'appui. J'espère de la >pnté de l'Assemblée qu'elle voudra bien les renvoyer à l'un de ses comités, chargé de l'examen de mon compte. »
« Signé : SERVAN. »
Un membre : Je demande l'impression de la lettre et des pièces qui l'accompagnent.
Un autre membre : Le renvoi à la commission extraordinaire des Çouse.
(L'Assemblée décrète l'impression de la lettre et des pièces qui l'accompagnent, puis renvoie le tout à la commission extraordinaire des Douze.)
11° Lettre collective de MM. Servan et Roland au sujet des inculpations de la commune de Strasbourg. Cette lettre est ainsi cortçue (2) ;
« Monsieur le Président,
« 11 est permis, sans doute, à des citoyens qui n'ont pas démérité de leur patrie de réclamer contre l'espèce de persécution intentée contre eux pour le zèle qu'ils ont montré lorsqu'ils étaient revêtus des fonctions publiques.
« C'est par-devant l'Assemblée nationale que nous sommes traduits aujourd'hui; ce sont les députés d'une commune qui viennent nous accuser près des représentants de la nation, et nous citer comme coupables. Pourquoi? Parce que,, chargés de veiller à la sûreté de toutes les parties de l'Empire, 1 nous avons prévenu les commandants, administrateurs et maire de Strasbourg des bruits qui se répandaient dans cette ville importante, et des soupçons qu'on élevait contre ceux proposés à sa garde et à son salut.
« Depuis quand donc la prudence et l'activité des ministres sont-elles transformées en crime? Depuis quand est-il permis de leur faire un tort d'avoir rempli leurs^devoirs ? Et qu'eût-on fait si nous les eussions trahis?
« Des lettres particulières font naître des inquiétudes sur Strasbourg ; des dénonciations à ce sujet sont faites publiquement : un avis en chiffres, envoyé du lieu même chez le ministre des affaires étrangères, est communiqué à ses
collègues ; ceux-ci, sans rien croire ni préjuger, se hâtent se prévenir les inculpés. On vous accuse, leur mandent-ils : le fait est grave ; veillez et prouvez, par votre exactitude, la fausseté des bruits qu'on répand contre vous.
« Que prouve cet avis? L'attention des'ministres à ne rien négliger de ce qu'ils doivent faire ; la prudence avec laquelle ils instruisent les intéressés ; que l'œil est ouvert sur eux, et qu'ils ont également à satisfaire le public, comme à se prémunir contre les malveillants.
« Que doivent faire ceux qui ont reçu cet avis? Remercier les ministres de le leur avoir donné, et en profiter pour le désespoir de leurs ennemis par un surcroît de vigilance.
« Qu'ont-ils fait, au contraire? Le maire prépare un conseil générai de la commune, où il publie lui-même l'avis particulier qui lui était adressé; et il détermine une députation à l'Assemblée nationale pour demander vengeance d'un ministre qui a eu l'audace d'être actif et prudent. Déjà le commandant, M. Lamorlière, avait écrit à l'Assemblée : il avait rappelé 80 années vd'âge et de longs services, pour appuyer de semblables plaintes contre le ministre de la guerre.
« Mais est-ce bien contre des hommes en place que sont dirigées ces odieuses tracasseries ! Non, c'est contre aes hommes qui n'y sont plus; c'est seulement, après leur sortie du ministère, qu'on cherche à les poursuivre, à jeter du ridicule et du blâme sur leur conduite. C'est après la lettre de M. La Fayette qu'arrive celle de M. Lamorlière ; c'est après ces deux lettres qu'arrivent les députés ; c'est présentement que ces députés viennent nous interpeller de leur rendre compte de ce que nous avons fait comme ministres, et de leur communiquer les pièces d'après lesquelles nous jugeâmes devoir prévenir des administrateurs de redoubler de zèle dans leurs fonctions ; et cependant eux-mêmes avouent la connaissance qu'ils avaient des dénonciations publiques, faites à ce sujet.
« Pourquoi ne se sont-ils pas plaints plutôt 1 Pourquoi se plaignent-ils d'avis qui méritaient leur reconnaissance ? Assurément nous ne prétendons pas résoudre ces questions, mais nous dirons avec la franchise qui convient à la justice et à la vérité que nous ne portions pas de jugement absolu sur les commandants, administrateurs et maire de Strasbourg : lorsque nous les avons avertis des bruits qui s'élevaient contre eux, nous commencions par les supposer fidèles, et c'est en conséquence que nous les prévînmes de ce qui se débitait à leur sujet. Leur conduite subséquente nous étonne, elle nous indigne. Ce sont eux-mêmes qui ont donné la publicité dont ils se plaignent "aux lettres que nous jugeâmes devoir leur écrire.
« 11 est absurde, pour ne rien dire de plus, de traiter de calomnie l'avis qu'un fonctionnaire public se croit obligé de donner à des administrateurs. Nous eussions été répréhensibles, si, de quelque part que vinssent les bruits, nous avions gardé le silence.
« Lorsque nous étions au ministère, nous sollicitions les avis de tous les citoyens, l'indication de tous les abus, la connaissance des faits ou des propos qui pouvaient servir à nous guider, à nous rectifier, s'il y avait lieu.
« Nous croyons que tout homme public est coupable de négliger le moindre indice, ou même le reproche non fondé qui peut l'instruire du mal à éviter et du bien à faire.
« Tels ont été les principes de notre conduite dans tous les moments, tels sont ceux que nous devions supposer aux commandants, aux administrateurs et maire de Strasbourg, et que nous avons suivis dans notrejjcorrespondance avec eux.
« Signé : Roland et Joseph Servan. *>
« P. S. Empressé d'appeler le plus grand jour sur mon administration, j'ai eu soin de remettre à l'Assemblée mes comptes de chaque mois ; il me reste à lui rendre ceux des 13 derniers jours ; j'ai dçjà écrit plusieurs fois dans les bureaux du ministre de l'intérieur pour en obtenir les pièces. Il m'a été répondu que plusieurs ordonnances que j'avais seulement approuvées devant être revêtues de la signature du ministre successeur, il fallait attendre qu'elles le fussent, et qu'on eût le temps de faire les copies du tout. Telle est l'unique cause d'un retard qui ne dépend pas de moi et qui m'afflige infiniment. »
« Signé: ROLAND. »
On a fait imprimer la lettre de la municipalité de Strasbourg, je demande la même faveur pour celle-ci.
(L'Assemblée décrète l'impression et le renvoi de cette lettré à la commission extraordinaire des Douze.)
12° Lettre de M. Duranthon, ministre de la justice, qui demande une augmentation de deux jugés pour chacun des tribunaux de Paris, et d'étendre aux commissaires du roi auprès des tribunaux les dispositions de la loi du 23 septembre 1791, relativement aux vacances.
Un membre : Je demande le renvoi au comité de législation, en joignant à la première demande du ministre, la question de savoir s'il sera établi des tribunaux de district à Saint-Denis et au Bourg-la-Reine.
(L'Assemblée renvoie ces deux questions à son comité de législation, en joignant à la première celle de savoir s'il sera établi des tribunaux de district à Saint-Denis et au Bourg-la-Reine.)
Les sieurs Baur et Beydweiler, citoyens de Frankenthal, dam le Palatinat, offrent 30Q livres à la nation française et lui demandent que, pendant [a guerre, leur brasserie soit mise sous la sauvegarde tricolore. Je dépose leur lettre et leur envoi sur le bureau de l'Assemblée.
Nous ne vendons pas nos secours, nous les donnons. Je demande le renvoi au comité diplomatique pour savoir si l'offrande sera acceptée.
(L'Assemblée renvoie la lettre et l'offrande au comité diplomatique.)
Les officiers municipaux et députés de la commune de V(mgirard sont admis à la barre. Ils offrent, au nom des citoyens de leur commune, un don patriotique de 611 1. 10 s., dont 7 1, 10 s. en numéraire, et demandent un juge de paix, en exécution c}u décret du 16 août 1710.
l§ur répond et leur accorde les honneurs de la séance.
Je demande le reuyoi au comité de division.
(L'Assemblée, après avoir accepté l'offrande avec les plus vifs applaudissements et décrété la mention honorable au procès-verbal, dont un
extrait sera remis aux donateurs, renvoie la la pétition au comité de division.)
Un de MM. les secrétaires annonce que les grenadiers de la section de Mars, de la ville de Reims, envoient en assignats 115 livres.
(L'Assemblée accepte cette offrande avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal dont un extrait sera remis aux donateurs.)
, au nom du comité de l'ordinaire des finances, fait la seconde lecture (1) d'un projet de décret sur la suppression des payeurs et contrôleurs des rentes établis à Paris et sur les avantages de payer les pensions et les intérêts de la dette publique dans les chefs-lieux des départements; ce projet de décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, considérant la nécessité d'établir dans le payement des pensions et des intérêts de la dette publique un ordre de comptabilité qui s'accorde avec les principes de la Constitution, et voulant parvenir aux moyens d'exécution qui lui paraîtraient les plus propres à rendre la surveillance facile et la responsabilité impossible à éluder, après avoir entendu lecture du projet de décret dans les séances du 18 juin et de ce jour, et décrété qu'elle est en état de délibérer définitivement, décrète ce qui suit :
« Art. 1er. Les offices des 40 payeurs de l'hôtel de ville de
Paris, et ceux de leurs contrôleurs, sont supprimés, pour cesser toutes fonctions à, compter
du 1er juillet 1793. Les finances desdits offices seront liquidées et remboursées après
l'apurement des comptes desdits payeurs.
« Art. 2. Les pensionnaires et créanciers de l'Etat domiciliés en France toucheront, à compter du lep janvier 1793, leurs pensions, et rentes, tant perpétuelles que viagères, dans le chef-lieu du département où leur domicile sera établi, suivant le mode et les formalités qui seront déterminés par l'Assemblée nationale.
« Art. 3. Le coniité de l'ordinaire dès finances sera tenu de présenter dans deux mois un projet de décret relatif aux moyens d'exécuter l'article précédent.
« Art. 4. Le comité de liquidation présentera incessamment à l'Assemblée les bases d'après lesquelles les offices des contrôleurs et payeurs des rentes doivent être liquidés. »
(L'Assemblée ajourne la troisième lecture à huitaine.)
,au nom fcs comités militaire et de l'ordinaire des finances réunis, soumet à la discussion un projet de décret sur le service des étapes et convois militaires', ce projet de décret est ainsi conçu (1) :
L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités militaire et des finances, considérant que le service des étapes et convois militaires devient, dans, les circonstances actuelles, de la plus grande importance, et que les dispositions nécessaires pour lui donner la plus grande activité ne peuvent pas être retar-, dées, décrète qu'il y a urgence.
L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« La régie des étapes et convois militaires, qui était dans le département du ministre de 1 intérieur, sera, à compter du 1er juillet, dans le département au ministre de la guerre.
Art. 2.
« Le ministre de la guerre donnera à la régie des étapes et convois militaires, les ordres nécessaires pour le service des troupes marchant par étapes.
Art. 3.
« Le ministre de la guerre est chargé d'autoriser, après les avoir approuvés, les marchés particuliers que la régie des étapes et convois militaires croira nécessaires pour assurer cette partie du service publie, ainsi que les augmentations de prix ou la nature du payement pour les marchés déjà contractés pour le service de 1792.
Art. 4.
« Le ministre adressera, chaque mois, une copie certifiée des marchés particuliers qu'il aura autorisés, et un état des augmentations ou des conditions de payement qu'il aura jugé convenable d'accorder sur la demande de la régie. Ces marchés et ces états, après avoir été vérifiés par les comités militaire et de'l'ordinaire des finances, seront déposés aux archives.
Art. 5.
« La régie remettra au ministre de l'intérieur l'état des indemnités qu'il pourrait y avoir lieu d'accorder aux étapiers, pour leur service, jusqu'au dernier juin 1792. Ce ministre, après avoir vérifié et approuvé cet état, l'adressera à l'Assemblée nationale, qui y statuera sur le rapport de ses comités militaire et de l'ordinaire des finances. »
(L'Assemblée décrète l'urgence, puis adopte le projet de décret.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi du comité de législation sur le mode par lequel les naissances, mariages et décès sont constatés (1).
, rapporteur, donne lecture de l'article 2 du titre Iv ; il est ainsi conçu :
« Le contrat doit être passé et ne peut être dissous que conformément aux lois. » (L'Assemblée ajourne l'article 2.)
, rapporteur. L'Assemblée ayant ajourné les deux premiers articles du projet du comité de législation qui établissent la définition du mariage, je vais soumettre à sa délibération l'article 3. Il s'agit dans cet article des mariages
aui ne peuvent se faire sans le consentement es parents ; il est ainsi conçu : « L'âge requis pour le mariage est de 15 ans pour les hommes et de 13 ans pour les filles. »
(ete Mm tes). Dans un sujet si vaste et si intéressant, j'écarte ces multitudes d'idées et
ce sentiment qu'il fait naître dans l'esprit de l'observateur et dans le cœur de l'homme
sen-
Je vous demande aussi ce que c'est qu'une mère de 14 ans, qui est encore elle-même sous l'inspection de sa bonne; qui est à la fois enfant et mère, gouvernante et gouvernée.
Enfin je vous demande si la loi peut autoriser l'alliance monstrueuse entre un octogénaire et une fille de 13 ans, s'il existe dans les âmes de deux êtres aussi dissemblables, un seul point par lequel elles puissent se communiquer; et si dans un contrat qui exige ou du moins suppose l'abandon sans réserve de toutes les facultés, la fusion la plus absolue de tous les sentiments, vous pourriez atteindre le but de la nature, en autorisant la réunion de ce qu'il y a de plus extrême et de plus opposé.
Mais, dites-vous, une fille pauvre, un vieillard amoureux peuvent couler ensemble des jours doux et prospères; l'une met dans la communauté sa jeunesse, l'autre sa fortune ; il en résulte une sorte de compensation. Il y a une chose dans la vie qui est hors de tout prix, et qui n'admet aucune compensation, c'est le sentiment ; il faut qu'il trouve son objet et se répande, ou bien qu'il se dévore lui-même. Lisez l'histoire des tribunaux, ces tristes archives des folies et des crimes des hommes, ou plutôt jetez les yeux autour de vous, et voyez ce qui résulte de ces mariages monstrueux et contre nature. Mais, ajoutez-vous, ces mariages entre adolescents produisent l'heureux effet d'accorder ensemble des caractères encore simples et malléables. Je répondrai par l'exemple de d'Entrecasteaux, qui est convenu lui-même de n'être devenu un grand scélérat que parce que, dès l'âge de 18ans, on enchaîna ses inclinations par un mariage prématuré. Lorsqu'on se marie au sortir de l'enfance, le cœur n'est point encore ouvert aux passions, et quand l'âge propre à leur développement est arrivé pour les deux jeunes époux, ce sentiment nouveau dans leurs âmes, cherche un aliment loin de l'objet auquel l'habitude de vivre ensemble a ôté tous les charmes. Nous devons tous à la nature une fois dans la vie, ce tribut de notre faiblesse et de notre force; heureux celui qui le paye sans rompre des engagements sacrés, sans porter la honte ou la discorde dans les familles.
Je demande que l'âge exigé par le mariage, soit réglé à 16 ans pour les filles, à 18 ans pour les garçons, et qu'il ne puisse y avoir une différence de plus de 30 ans dans l'âge des deux époux.
Je le demande au nom de la nature, au nom de la morale, au nom du bonheur des familles, au nom de la patrie ; car je pense que tous les devoirs tiennent à une racine commune, et que les plus solides bases des vertus publiques, ce sont les vertus privées. Je ne crois point du tout au patriotisme de ceux qui consomment dans la licence et dans la débauche, le patrimoine de leurs enfants et de leurs épouses, ni de ceux qui se sont toujours montres fils in-
grats, pères dénaturés et fàux amis. Quelques-uns de ces hommes marchent, à la vérité, sous les étendards de la patrie, dans des jours de prospérité ; mais prêts à l'abandonner, si la fortune venait à lui manquer. Croyez que celui qui n'a pu être retenu par les liens naturels et sociaux, comptera pour bien moins encore les liens politiques. De tels hommes ne sont pas des citoyens libres; ce sont seulement des esclaves révoltés ; de tels hommes n'ont pas le cœur échauffé de cet amour constant et réfléchi du bien public, qui ne germe et ne s'accroît que par la vertu; ils ont seulement la tête prise ae je ne sais quelle folle ardeur qu'ils appellent faussement patriotisme, qui a ses accès et ses intermittences, et qui ressemble à l'ivresse. Voyez dans les beaux jours de l'antiquité, comment les devoirs de père, de fils, d'époux et d'ami s'unissaient avec les devoirs de citoyen et la dignité de l'homme libre. On offrait de l'encens sur les autels de Vénus impudique; mais l'imagination seule, exaltée par l'enthousiasme du bien, avait part à ces offrandes, et le cœur restait tout entier à une épouse qui vivait loin du monde, plaçait tout son bonheur et toute sa gloire dans celle de son époux et de ses enfants.
Heureux le peuple qui trouvait les vertus et le bonheur auprès de ses foyers, et qui ne sachant que faire des vices, les avait exilés dans ses temples. Voici la rédaction que je propose à l'Assemblée pour l'article 3 : « L'âge requis pour le mariage est 18 ans pour les garçons, 16 ans pour les filles, et il ne pourra jamais y avoir une différence de plus ae 30 ans, dans l'âge des deux mariés. »•
Dans les climats froids, la nubi-lité n'est pas arrivée à 13 ans, ni même à 14. Vous ne pouvez fixer le mariage qu'à l'époque ou la nubilité et la puberté peuvent être généralement supposées, et cet âge est de 14 ans pour les filles et de 18 pour les garçons. Vous sentez d'ailleurs combien il importe à la société d'avoir des citoyens robustes et bien constitués. Je demande 18 ans pour les hommes et 15 ans pour les femmes.
J'appuie le projet du comité, et j'invoque la question-préalable sur la motion de M. Taillefer et la proposition faite par M. Français.
Je conviens que les mariages précoces ne peuvent, en général, donner à la patrie des citoyens aussi vigoureux que les unions contractées dans la force de l'âge. Mais en nous transportant à Lacédémone, M. Muraire, lui-même, a perdu de vue, dans son rapport, que le climat n'influe pas seul sur le développement plus ou moins rapide des facultés humaines. Les mœurs d'Un peuple réagissent sur la nature avec presque autant de force que la nature elle-même agit sur les mœurs; et sans sortir des limites du royaume il me serait facile de prouver cette assertion, en établissant une comparaison entre nos villes et nos campagnes. Quoi qu'il en puisse être, il est notoire que dans les cités populeuses de nos départements méridionaux on trouve aisément des femmes qui sont mères à 14 ans, et qui par conséquent étaient nubiles à 13. Ce point de fait étant reconnu, je dis que la motion de M. Taillefer, et la proposition de M. Français sont à la fois inutiles et dangereuses : inutiles, parce que la très grande généralité des mariages ne se contracte que dans un âge plus avancé que celui
proposé par l'opinant, et que le nombre de ceux qui seraient momentanément suspendus, disparait, pour ainsi dire, sur une population de 25 millions d'hommes. J'ajoute que ces propositions seraient dangereuses ; et je le prouve. S'il est possible que la nature parle avant l'âge déterminé par la loi; s'il est possible que l'on cède à cette voix puissante, et quelquefois irrésistible, il est évident que la mesure qui vous est indiquée pour la régénération des mœurs, peut tourner contre les mœurs elles-mêmes. Qu une personne de 13 ans, par exemple, ait un instant de faiblesse, vous rendez sa famille et le public témoins nécessaires de sa honte, et vous la forcez, au moins temporairement, à un concubinage scandaleux, au lieu de favoriser cette union sainte qui doit affermir la liberté de l'Empire, par le bonheur et les vertus domestiques. Je vais plus loin, et je prétends qu'il n'est pas en votre pouvoir, sans violer les droits sacrés que nous donne la nature, d'adopter la motion de M. Taillefer ou la proposition de M. Français. Avant d'être citoyen je suis homme ; et je ne cesse pas d'être homme parce que je suis citoyen. La société peut bien régler chez moi l'exercice des droits naturels ; mais elle ne peut ni les anéantir ni les suspendre, et c'est un devoir pour le législateur de légaliser mon union, lorsque l'observation et l'expérience lui disent que je suis capable de la contracter. Prenez garde, Messieurs, que la faculté de me marier n'est pas une obligation que l'on m'impose, et pour éviter quelques inconvénients imaginaires, ne portez pas, contre votre intention, une atteinte funeste aux bonnes mœurs, droits de la nature. Je vous prédis que si vous adoptez la motion de M. Taillefer ou la proposition de M. Français, vous aurez une source de désordres. Je demande que l'article du comité soit mis aux voix.
J'appuie les observations qui vous ont été présentées par M. Taillefer ; étant médecin comme lui, j'ai reconnu que l'âge moyen dans les contrées septentrionales, n'est que de 18 ans ; j'ai même été témoin d'une puberté qui n'est venue qu'à 20 ans. J'ajoute que l'intérêt de la liberté individuelle doit céder à l'intérêt général ; et certes il est de l'intérêt de la société de veiller à la conservation de l'espèce.
Je demande la question préalable sur toute espèce de fixation. Je ne crois pas que l'Assemblée puisse fixer un terme à la nature. J'appuie l'article suivant du projet de décret du comité qui porte qu'au-dessus de l'âge de 21 ans on pourra se marier sans le consentement des parènts*
Si le mariage n'avait qu'un but naturel, et s'il n'en résultait qu'un effet civil, j'appuierais la proposition de M. Basire; mais il se fait encore pour l'avantage de la société," et sous ce point ae vue elle doit en prescrire les conditions ; vous devez surtout veiller sur l'intérêt des enfants, et empêcher qu'ils ne soient la victime de l'intérêt ou de l'ambition de leurs parents. Je demande si un jeune homme de 14 ans est en état de faire un choix pour la vie, et si un jeune homme qui se marie d'après la seule impulsion de ses parents, n'est pas un esclave plutôt qu'un époux.
(L'Assemblée décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la proposition de M. Basire.
, rapporteur. J'ai dit, Messieurs,
dans le rapport que j'ai eu l'honneur de vous présenter, que l'intérêt de l'humanité, celui de l'Etat exigeaient dans les deux époux une constitution forte ; mais, Messieurs, différer cet âge jusqu'à 18 ans pour les hommes et 16 ans pour les filles, serait peut-être étendre la mesure un peu loin. Il faut prendre le terme moyen entre les différents climats, et je pense que l'âge de 16 ans pour les hommes et de 14 ans pour les filles, vous présente ce juste milieu. J'avoue que c'est la facilité de contracter des mariages prématurés qui est une des causes de la dégradation de l'espèce humaine, et que le législateur doit porter un œil attentif sur cet Objet. J'ai regretté à cet égard que les lois romaines aient pris le dessus sur celles de Lacédémone ; mais je crois que c'est limiter beaucoup trop les mariages que de les fixer à 18 ans seulement.
Ainsi,Messieurs, je propose cet amendement à l'article dh comité, de limiter à 16 ans pour les hommes et à 14 ans pour les filles. Je réponds en^ core à la seconde motion qui vous a été.faité, dans laquelle on demande qu'il ne puisse pas y avoir une différence de plus de 30 années entre deux personnes qui voudront s'unir par mariage. Je crois, Messieurs, que cette motion est une entrave à la liberté qui est la base la plus essentielle du' mariage. Il faut d'ailleurs, Messieurs, ne pas obstruer ce canal de bienfaisance, il faut garantir votre loi de toutes dispositions limitatives, et d'autant plus qu'il importe d'apporter toutes sortes de digues à la corruption des mœurs et à cet autre scandale si funeste à la société, je veux dire le commerce des vieillards. Je demande donc la question préalable sur la seconde partie de la motion de M. Français.
(L'Assemblée fermé la discussion et décrète qu'il n'y a pas lieu de délibérer sur l'article du comité.)
Plusieurs membres proposent que l'âge soit fixé à 20 ans.
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur cette proposition.)
D'autres membres proposent la fixation à 18 ans révolus pour les hommes.
(L'Assemblée repousse cette proposition.)
Je demande la parole.
Je mets aux voix la fixation à 17 ans révolus pour les hommes.
(L'Assemblée décrète que les hommes ne pourront se marier avant l'âge de 17 ans révolus.)
Plusieurs membres observent que le décret est vicié d'un défaut de forme, M. le Président ayant mis le décret aux voix pendant que M. Lacépède demandait la parole.
(L'Assemblée décrète que M. Lacépède sera entendu.)
Je demande le rapport du décret. Sans doute, si vous ordonniez qu'on se mariât à l'âge de 14 ou 16 ans, vous feriez mne loi mauvaise ; mais lorsque vous ne faitès que fixer l'âge auquel il sera permis aux parents de marier leurs enfants, vous devez nécessairement faire une loi qui puisse s'appliquer à tous les cas. J'avoue que quoique depuis longtemps j'aie étudié l'histoire naturelle, et surtout la partie naturelle relativeà la reproduction, je suis étonné de la manière positive et de l'assurance avec lesquelles on a avancé des assertions sur des objets qui ne sont encore rien moins que certains.
J'observe qu'à l'égard de l'âge de puberté, rien
n'est si variable, selon les individus, les climats, et un très grand nombre de circonstances. Les exemples ae l'antiquité sur lesquels on s'est fondé ne doivent aucunement influer sur Votre délibération. Les lois lacédèmoniennes crue l'on a citées étaient bonnes pour un peuple chez qui l'on avait voulu tout régler, pour ne pas dire tout dénaturer. Mais ce ne sont pas de pareilles lois qui peuvent convenir à un peuple qui aune Constitution fondée sur les droits naturels de l'homme et sur le respect pour la liberté individuelle. Si vous gênez ainsi, et lès convenances particulières, et le vœu de la nature, il en résultera une ioule d'inconvénients pour la société et de maux pour les individus. Si la tribune où je parle était une chaire de lycée, et qu'au lieu de m'exprimer en représentant du peuple il me fut permis d'entrer dans des détails d'histoire naturelle, il me serâit facile de prouver combien il serait inutile et même dangereux de fixer à un âge au-dessus de 13 ans pour lés femmes, et 15pour les hommes; votre loi ne serabonné qu'autant qu'elle se rapprochera du moment où la nature permet et commande. J'appuie donc la proposition du comité.
Dans les départements méridionaux les mariages se font à 14 et à 15 ans. La raison en est que les enfants font leur richesse, et que plus ils ont d'enfants, plus ils sont riches.
Je ne traiterai point cette question en anatomiste ni en naturaliste. Ce que je vais dire aura rapport à la manière dont on doit envisager le mariage. Le prix moyén de la journée dans le royaume est de 20 sols : on donnera 20 sols à l'homme de 18 ans,et l'on ne donnera pas 20 sols à l'homme de 15 et 16 ans. Dès lors il n*aUra pas de quoi nourrir lui, sa femme et ses enfants. Je conclus, de toutes ces observations, qu'il ne faut permettre le mariage qu'à 17 ans révolus, et les femmes à 15 ans.
J'ai demandé la parole pour présenter une considération que je crois importante. Si vous permettez le mariage trop tôt, voici ce qui en résultera. Tous.les préjugés nobiliaires sont bien loin d'être éteints; tous les préjugés de distinction de famille subsistent dans presque tous ceux qui les avaient avant la Révolution. Dès lors les parents se bâteront de marier leurs enfants avant qu'ils aient pu faire personnellement un choix; dès lors, toutes les alliances seront encore dirigées d'après les préjugés de naissance et de fortune.
Dans des lois à perpétuité, il ne faut pas se déterminer par des motifs de circonstance, et une loi sur le mariage ne doit pàs être une loi révolutionnaire. Je demande la question préalable çontre ce veto d'un nouveau genre, qu'on propose sur la nature, la raison, le sentiment et la liberté.
De quelque manière que vous fixiez l'âge du mariage, vous n'arrêterez pas les élans de la nature. Si une femme se trouve enceinte à 13 ans, attendrez-vous jusqu'à 16 ans pour la marier, et donner un état à son enfant. Le mieux est de s'en rapporter à la prudence et à la tendresse des parents. La proposition de M. Condoreet ne peut pas déterminer votre délibération. Ce n'est pas parce qu'il serait bon d'écarter les idées nobiliaires de quelques individus, qu'il faut empêcher le reste de la nation de se marier.
Je démande le rapport du décret,
et la question préalable sur toute fixation, attendu que le mariage est un droit naturel.
Il y a un décret rendu qui fixe à 17 ans l'âge déterminé pour les hommes. On demande le rapport du décret.
Plusieurs membres : La question préalable !
(L'Assemblée décrète le rapport du décret.)
Je rétablis ma proposition ; elle consiste à ce que le mariage soit fixé pour les femmes à 13 ans, et pour les hommes à 15. Toutes les fois que le législateur veut corriger la nature, il tombe dans des écarts toujoprs funestes. Les lois naturelles suffisent pour la conservation des espèces; et quand elle a donné à l'homme la faculté de se reproduire, elle n'a pas prétendu lui en ôter l'exercice, dans la crainte de faire dégénérer l'espèce. Tous les aphorismes d'Hypocrate ne valent pas la sagesse que la nature met dans sa marche. Les excès de la jeunesse altèrent bien plus les facultés çje l'homme, que la vie réglée d'un homme marié. Les propositions qu'on vous a faites ne tendent qu'à prolonger le genre de vie crapuleux et destructeur de tout principe de santé que l'on remarque dans plusieurs grandes villes du royaume, où l'on voit se promener dans les lieux publics des squelettes vivants, tristes victimes des excès qui accompagnent le célibat.
Dans lès pays méridionaux les mariages peuvent se contracter à 13 ou 14 ans; et il y a des hommes qui ont beaucoup de vigueur et qui savent résister à l'oppression. Je demande la question préalable sur la fixation de l'âge.
Je demande le rapport du décret, et je me fonde : 1° sur ce que, faisant une loi qui doit s'étendre sur un Empire très vaste, où il y a et différents climats et différents tempéraments, voiis devez nécessairement laisser la plus grande latitude; 2° parce que la nature se développe moins facilement dans la classe travaillante du peuple. Je parle ici du développement réel des facultés physiques, et non pas de celui qui n'est que le résultat d'une imagination échauffée; 3° si vous fixez l'âge auquel les jeunes gens peuvent se marier, vous devriez, à plus forte raison, fixer le temps auquel il ne sera plus permis de contracter le mariage; car s'il y a quelque chose qui offense les mœurs, qui scandalise la société, c'est le spectacle de l'union d'un vieillard octogénaire avec une fille de 15 ans, d'un cadavre aftaché à un corps vivant.
J'appuie la proposition de M. Guadet par un article même ae la Constitution :
« La loi ne reconnaît plus ni vœu religieux, ni aucun engagement qui serait contraire au droit naturel. »
Je laisse à l'Assemblée à juger si ce. ne serait pas contrarier le droit naturel, que de fixer l'époque du mariage.
(L'Assemblée décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la proposition de M. Guadet. Elle décrète, conformément à l'avis du comité de législation, que l'âge requis pour le mariage est de 15 ans pour les hommes, et 13 ans pour les filles.)
; Conformément au décret du 24 juin, MM. les ministres demandent la parole.
, ministre de la justice. Mes-
sieurs, (1) en exécution de votre décret du 24 de ce mois, les ministres du roi se sont réunis pour vous rendre compte des mesures prises et à prendre pour réprimer les troubles occasionnés par le fanatisme, et pour garantir Paris d'une invasion, par un camp de réserve entre cette capitale et les frontières.
« Quant à ce dernier objet, vous connaisses} déjà, Messieurs, les intentions du roi, par la proposition que vous a fait en son nom le ministre de la guerre, et que vous avez renvoyée, avec le rapport qui lui sert de développement, à votre comité militaire. C'est à vous, Messieurs, de réaliser ce projet, et de prononcer ce que les circonstances et nos besoins vous paraîtront exiger. Cette proposition du roi a un double objet : celui de mettre Paris à l'abri de toute tentative de_ l'ennemi, et celui de renforcer au besoin l'armée des frontières, par des recrues qu'on aurait instruites et disciplinées sous la toile.
« Relativement aux troubles produits par le fanatisme, les mesures prises jusqu'à présent, Messieurs, se réduisent à l'exécution des lois faites et promulguées. Nous n'avons pu nous en permettre d'autres. Ce sont les seules que le roi nous ait toujours présentées, et les seules que les ministres aient pu réaliser. Les limites du pouvoir exécutif, en fait d'administration intérieure, en fait d'administration judiciaire, se trouvent dans les lois; et dès que les lois l'abandonnent, il est nécessairement sans activité.
« Vous avez pris à cet égard uue mesure que le roi n'a pas jugé à propos d'adopter. Il ne nous est permis, Messieurs, de vous rendre compte, ni de son opinion, ni de ses motifs. Dans l'exercice du droit de sanction, il fait partie intégrante du pouvoir législatif, et nous avons dû respecter la liberté à cet égard, comme tout citoyen doit respecter la liberté de la pensée et de 1 opinion dans la personne de chacun des membres du Corps législatif.
« Il en est une autre que nous vous avons souvent demandée, et dont nous allons jouir bientôt : c'est le décret sur les actes de naissances, mariages et sépultures : Cette mesure, Messieurs» nous l'espérons, produira les plus heureux effets ; mais nous prévoyons avec douleur qu'elle ne suffira pas.
« Enfin, Messieurs, nous avons eu l'honneur de vous exposer que le Code pénal est
notoirement incomplet, présente des lacunes qui chaque jour arrêtent les tribunaux et
suspendent l'activité de la justice. Une foule de délits déclarés tels par la Constitution
et par d'autres lois, ne sont soumis à aucune peine, ni par le Code pénal, ni par le Code de
la police correctionnelle. Si ces lacunes étaient remplies, si tous ces délits étaient bien
définis, si chaque délit était soumis à une peine, nous sommes persuadés, Messieurs, que par
le seul effet de raçtiOn de la justice, seconctée de tous les moyens de force qui sont entré
les mains de l'Administration, la paix renaîtrait insensiblement dans le royaume ; et cet
heureux résultat ne se ferait pas longtemps attendre, si l'on ajoutait au complément du Code
pénal des moyens de rendre la justice toujours active, toujours présente, tel serait, par
exemple, le concours entre les juges de paix et les direc-
« On vous a dit, Messieurs, que lorsque des troubles agitent tout un département, et à plus forte raison tout le royaume, le roi est autorisé à donner des ordres pour le rétablissement de la paix.
« Messieurs, il suffirait de se fixer sur le titre dans lequel se trouve cette disposition, pour sentir que cette mesure ne peut être appliquée par les ministres aux troubles religieux. Ce titre est celui de la force publique : la disposition ne peut donc s'appliquer à des individus perturbateurs du repos public, mais à ces insurrections, à ces attroupements séditieux, contre lesquels il n'est d'autre moyen de répression que la lorce publique.
« Quant aux individus perturbateurs il suffit de lire l'article 9 de la Déclaration des droits, les articles 10, 11, 16 du chapitre 5 de l'Acte constitutionnel, les articles 5, 6 de la section sur les ministres, pour sentir que de pareils ordres seraient des attentats contre la Constitution, et que le ministre qui le ferait exécuter encourrait l'indignation publique, et mériterait d'éprouver toute la sévérité des lois.
« Le pouvoir exécutif ne peut faire aucune loi, même provisoire : il ne peut faire que des proclamations conformes aux lois, pour en ordonner ou en rappeler l'exécution. Le roi en a fait une
{>our l'armée dont j'aurai l'honneur de vous faire ecture. Le ministre des affaires étrangères est chargé d'envoyer aux diverses puissances les l'Europe, une notification qui les fixera sur de véritables dispositions du roi ; et ne leur laissera
Elus aucun prétexte de croire qu'elles servent ouis XVI, en attaquant les Français, et favorisant les projets de vengeance des princes émigrés. Les ministres saisissent d'ailleurs toutes les occasions que les circonstances leur présentent, pour répandre l'instruction et cet esprit, de concorde et de bienveillance qui devrait nous unir tous.
« Mais les grandes mesures, Messieurs, les seules qui puissent toujours produire leur effet, c'est de vous qu'elles doivent émaner. Complétez le Code pénal, tous nos troubles intérieurs céderont à la force et à la sagesse de vos lois, et le fanatisme lui-même viendra expirer aux pieds de la justice. »
Signé : terrier, Lacoste, beaulieu, sci-pion Chambonas, A. Lajard, Duranthon.
Monsieur le Président, je.....
Le ministre de la guerre a la parole.
, ministre de la guerre, lit :
Proclamation du roi à Varmée française.
« Français, qui portez les armes pour la défense de la patrie, c'est le roi, c'est le chef suprême que la Constitution vous a donné, qui vous témoigne, dans ces circonstances périlleuses, sa sollicitude et l'intérêt constant qu'il prend à toutes vos actions. La nation a les veux fixés sur vous. En vous confiant le sort de l'Etat, elle fonde l'espoir de sa tranquillité et de son
bonheur sur l'ordre, la discipline et l'obéissance graduelle qui doivent régner parmi vous. Déjà vous en avez senti les heureux effets, et partout où vous avez été soumis aux lois militaires, des succès ont couronné votre courage. C'est un spectacle bien imposant que la réunion des citoyens-soldats et des soldats-citoyens, combattant pour la liberté, et résolus de la sauver ou de périr, en se servant mutuellement d'exemple. Je n'ai pu voir qu'avec la plus vive satisfaction, des soldats, novices dans le métier des armes, devenir tout à coup les émules des plus anciennes troupes, et prouver ainsi que l'amour de la patrie et celui de la liberté sont la base des vertus guerrières.
« Mais, soldats, ne vous méprenez pas à ce nom sacré de la liberté ; songez qu'elle consiste à n'obéir qu'aux lois, et qu'elle établit pour premier devoir de leur être fidèle. Le roi s'y est soumis avec empressement et sans réserve : puisse son exemple vous encourager à braver tous les dangers, plutôt que de manquer à ce eue vous avezJ juré d'observer! J'ai déploré d'abord l'égarement des officiers qui, par de faux préjugés, abjuraient des serments volontaires et sacrés; mais depuis que vous avez combattu pour la patrie, je suis profondément indigné contre ceux qui passent lâchement à l'ennemi en abandonnant le poste d'honneur où ma confiance les avait placés. Je les regarde comme les ennemis les plus dangereux de l'Etat, et il en coûtera moins à ma sensibilité, lorsque je verrai s'appesantir sur eux toute la rigueur des lois.
« Sévère envers les officiers, en raison de l'importance de leurs devoirs, j'attends des soldats la plus entière soumission aux règles de la discipline. Je vous ai donné des généraux dont l'expérience, les talents et le patriotisme justifient ma confiance: vous leur devez toute la vôtre ; votre sûreté même l'exige. S'il se trouve près de vous des hommes pervers qui cherche à vous en détourner, n'écoutez pas, fuyez ces traîtres qui vous trompent et qui veulent vous déshonorer.
« Soldats français, illustres dans tous les temps par votre ardeur guerrière, son énergie ne peut que s'accroître depuis que vous êtes devenus citoyens et hommes libres. Combattez avec fierté, respectez les propriétés de l'homme paisible; rappelez votre humanité pour les vaincus; sachez que les succès ne peuvent être que le résultat d'une confiance mutuelle et de la discipline la plus sévère : ceux que vous avez obtenus en présagent d'autres ; il vous sont garants de la reconnaissance de vos concitoyens, de l'estime des représentants de la nation, et de l'amour du roi des Français.
« Signé : LOUIS ».
, ministre de la guerre. Avant-hier soir, je reçus un courrier de M. Luckner. Ce général me marquait, dans sa lettre, quelques détails, mais comme il n'y avait pas eu d action, et que je comptais la communiquer hier à l'Assemblée, je l'avais retardé. Ses discussions ne m'ont pas permis de l'en entretenir; je lui demande la permission de la lui communiquer aujourd'hui.
Extrait d'une lettre du maréchal Luckner, au
quartier général, à Menin, le 26 juin 1792,
l'an IV6 de là liberté.
« Je vous renvoie, Monsieur, sur-le-champ, le
dernier courrier que vous m'avez envoyé, avec vos dépêches du 25. Notre position est toujours la mémo, et rien ne peut la faire changer assez pour me faire rétrograder sur Lille. J'ai renforcé mon avant-garde de Courtrai, et avec les retranchements que je fais faire, notre position est très bonne. vous pouvez assurer le roi que la nation française n'a pas de plus zélé défenseur de notre Constitution que moi. (Vifs applaudissements) L'attachement que je porte à Sa Majesté ne me permet pas de tenir un autre langage que celui que mon cœur et ma conscience me dictent. Je garde ici votre premier courrier que je vous renverrai au retour de M. Valence, avec tous les détails les plus circonstanciés sur la position de notre armée, sur l'esprit qui y règne, et sur la sensation qu'y a produite la dernière démarche envers le roi, qui est aussi chéri que la, Constitution.
Je vous enverrai, par le même courrier, une copie du plan de campagne que j'avais soumis à la discussion du conseil du roi.
, ministre delà guerre. Messieurs, cette dépêche contient encore des détails très intéressants, que je ne crois pouvoir ni devoir mettre au jour. Cependant il serait intéressant à l'Assemblée de les connaître. Je désirerais cependant qu'elle en prît connaissance ou par son comité diplomatique, ou par son comité militaire, ou par toute autre voie qu'elle croirait convenable. Je la sqpplie de vouloir bien statuer sur cet objet; en lui observant que si les événements qui doivent avoir lieu, entraînent quelque responsabilité, il faut qu'on sache sur qui elle doit porter.
Plusieurs membres : Un comité général!
, ministre de la guerre. Ce matin, à 1Q heures,, j'ai reçu un autre courrier de M. Luckner, qui m'envoie des dépêches pour le roi. Sa Majesté, à qui je les ai remises, d'après la dernière phrase de la lettre dont j'ai donné communication à l'Assemblée, dans laquelle M. Luckner prie Sa Majesté de vouloir bien faire connaître ses sentiments à l'Assemblée nationale, m'a chargé de lui en donner communication.
Copie de la lettre du maréchal Luckner au roi (1).
« Au quartier général, à Ménin, le
« Sire,
« Appelé par le choix de Votre Majesté au commandement d'une des armées françaises, comme au grade le plus éminent, et honoré de plusieurs témoignages éclatants de confiance
Sue l'Assemblée nationale m'a donnés au nom e la nation qui a daigné ne pas les désavouer,
je consacrais tous mes moments et tous mes efforts à mériter un sort aussi flatteur pour un
étranger, et cette position particulière, que même mon attachement inviolable pour la France
ne peut me faire oublier, ma vieille habitude militaire qui me rend encore plus étranger à
toutes les questions politiques, mon caractère, mon devoir, tout contribuait à absorber mon
attention. dans les soins du service. Je ne connaissais de la Constitution, ouvrage d'un
peuple libre, que le serment de la défendre; j'étais unique-
« Je ne croirai jamais être isolé des intérêts de mon armée, lorsque je dirai, avec ma franchise ordinaire, qu'elle doit ressentir une funeste influence là où le chef suprême que la Constitution lui a donné ne serait pas respecté par tous, comme il mérite de l'être, comme la loi première des législateurs même et de tous les citoyens veut qu'il le soit; lorsque j'ajouterai que toute notre activité extérieure serait nécessairement entravée par des troubles intérieurs, qui viennent affliger les bons citoyens, désunir les volontés, inquiéter le courage et la bonne foi. Telle est la déclaration franche que j'ai l'honneur d'adresser à Votre Majesté, avec l'hommage de mon respect; je la prie d'ordonner à son ministre de se rendre, en cette occasion, l'interprète naturel de mes sentiments auprès de l'Assemblée nationale.
« Le maréchal de France, général d'armée, « Signé : LUCKNER.
« Attachés à la gloire et à la personne de M. le maréchal, nous lui avons demandé là permission de signer la lettre qu'il a l'honneur d'adresser à Votre Majesté, et ae nous associer aux sentiments qu'elle exprime. »
« Les aides de camp de M. le maréchal Luckner,
Signé : Ihler, colonel; Lagrange, lieutenant-colonel: Mathieu Montmorency, capitaine; d'Aoust, capitaine.,»
, ministre de la guerre. J'ai reçu ce matin, Messieurs, une lettre de M. La Fayette, qui
me communique des détails sur la situation de son armée.
« Paris, ce
« Jè vous ai dit, Monsieur, que la position de notre armée était telle, que les ennemis ne nous attaqueraient pas impunément. Quelques troupes légères ont cependant cherché à inquiéter le mouvement que j'avais ordonné à M. Lallemand, commandant l'avant-garde, pour la rapprocher de Maubeuge. Vous verrez, par la relatiun de cet excellent officier général, que leur tentative n'a été qu'une occasion de plus de manifester les talents du chef, la bravoure et la discipline des troupes que j'ai l'honneur de commander.
« Le général d? armée,
t Signé : La fayette. >
La lettre de M. Lallemand est datée du camp retranché sous Maubeuge, le 28 juin. Elle renferme d'abord les détails des dispositions militaires faites par cet officier général ; ensuite elle rend compte de 1 action qui s'est décidée entièrement eu faveur de l'armée française. L'ennemi a été poursuivi avec chaleur. M. Lallemand ajoute : j'ai vérifié qu'on a fait 83 prisonniers, dont ô officiers, dans lesquels se trouve un capitaine de hussards, blessé, avec environ 20 autres blessés, tant hulans que hussards et chasseurs à pied. La perte des ennemis tués est d'environ 30 hommes. Quant à la nôtre, on ne connaît encore que deux tués, du 3e et du 114 régiment, et six blessés, dont un capitaine du 11e régiment, blessé d'une balle à la main, et un adjudant. On ne peut attribuer ce succès inespéré qu'à l'imprudente audace des troupes légères autrichiennes, qui ont Osé attaquer et même serrer dè près les postes avancés, seulement avec 300 chasseurs à cheval, et 300 hussards ou hulans. Le renfort que j'avais fait demander m'est devenu inutilè. J'ai fait rentrer lès troupes dans les quartiers, après m'être assuré que les ennemis s'étaient entièrement retirés.
Je dois rendre une justice éclatante aux troupes qui ont combattu : C'est à la valeur des officiers et soldats que l'on doit la quantité de prisonniers que nous avons faits. Le colonel Malseigne, Maubourg, le capitaine Nicolas, le lieutenant-
colonel second du..... bataillon d'infanterie
légère, et généralement tous les officiers, sous-ofnciers et soldats se sont conduits aveG autant de bravoure que d'intelligence. (Applaudissements d'une grande partie de l'Assemblée.) Quant à moi, mon général, je ne puis que m'honorer de commander de pareils corps.
« Le commandant de l'avant-garde de Varmée de La Fayette.
« Signé : Lallemand. »
, ministre de la guerre. Comme ces pièces ne sont arrivées que ce matin ; je demande la permission à l'Assemblée de lui en envoyer copie ce soir.
Plusieurs membres : Oui! oui!
La parole est à M. le ministre de l'intérieur.
, ministre de l'intérieur. Jai fait relever dans les bureaux les dépêches soumises à l'Assemblée pâr le ministre ae l'intérieur, et
les différentes décisions qui ont été demandées. Elles sont au nombre de 429, dont plusieurs concernent l'administration générale^ et les autres des objets particulièrs non moins intéressants. Je les dépose sur le bureau, en priant l'Assemblée de les prendre en çonsidération.
La parole est à M. le ministre des contributions publiques.
, ministre des contributions publiques. Messieurs (1), en arrivant au ministère, mon premier devoir était de prendre une connaissance exacte des diverses parties de l'administration qui m'est confiée. J'ai déjà parcouru le cercle de mes obligations, et incessamment j'aurai l'honneur de mettre, sous les yeux de l'Assemblée nationale, le tableau général et fidèle des différentes branches de revenus publics dont la direction et la surveillance sont dès à présent l'unique objet de mes veilles et de mes soins.
Aujourd'hui, Messieurs, je me bornerai à vous entretenir des 3 contributions nouvelles qui forment ensemble les 2 tiers des revenus de l'Etat, je veux dire les contributions foncières et mobilières et le droit de patente, j'ajouterai quelques observations sur le remplacement de différents droits supprimés.
18 mois se sbnt écoulés, Messieurs, depuis qu'un système de contributions absolument nouveau, mais simple, uniforme, a remplacé ces impôts de toute espèce, dont la nomenclature seule était devenue une étude difficile.
J'ai suivi avec l'attention qu'inspire un si grand intérêt, les différentes époques d'un établissement aussi considérable.
Je me suis surtout attaché à saisir et à admirer les progrès de l'esprit public dans la correspondance de l'administration générale avec les administrations de département, et c'est pour moi un devoir et un plaisir d'applaudir au zèle et au patriotisme de ceux qui m'ont précédé;
Cette correspondance offre, dans ses détails, une célérité et une espèce de profusion que la marche incertaine des corps administratifs, dans une carrière nouvelle et difficile, rendait indispensable. Des instructions, des proclamations des modèles d'états de tous les genres, répandus dans les 543 districts, ont porté dans tous les points de l'Empire l'unité ae principes et l'uniformité des procédés.
Je dois aussi, Messieurs, rendre hommage à l'exactitude, aux efforts et aux succès des directoires et des procureurs syndics de département. Us ont acquis des droits à la reconnaissance publique; et Je plus sûr moyen pour un ministre de mériter leur confiance et leur estimé, est d'augmenter leurs obligations, en leur offrant de nouvelles occasions d'être utiles.
Si tous ne présentent pas des résultats également satisfaisants, il faut sans doute en accuser les circonstances ; mais la publicité donnée aux progrès de la répartition et du recouvrement, doit exciter le zèle ét l'émulation de tous les administrateurs.
Contributions foncières.
Tous les rôles sont en recouvrement dans lè département du Doubs. ,
Une seule municipalité est en retard dans le département de la Seine-Inférieure, et trois
dans la Haute-Saône.
De la Meurthe, De la Manche, De la Haute-Marne, De l'Aude, Du Cher, Du Calvados Et des Landes.
Les mêmes opérations touchent à leur fin dans les 11 départements suivants :
Eure, Marne, Meuse, Jura,
Côte-d'Or,
Maine-et-Loire,
Haute-Vienne,
Hérault,
Haute-Garonne,
Loiret,
Corrèze.
15 autres départements sont très avancés, et 27 autres ont fourni plusde lamoitié de leurs matrices de rôles.
11 s'en trouve 20 que l'on peut regarder comme réellement arriérés, et parmi ceux-ci je me vois, avec un véritable regret, forcé de désigner ceux :
Du Puyde Dôme, De la Loire-Inférieure Et delà Haute-Loire;
et surtout
De l'Ardèche Et de la Lozère.
Il est inconcevable qu'il y ait à peine 80, 50, 20 et même 10 matrices terminées dans ces départements, qui ont reçu les mêmes secours, les mêmes directions, qui n'ont pas dû rencontrer plus d'obstacles que les autres, et qui contrastent, d'une manière si frappante, avec les départements frontières, où cependant la guerre pourrait, en quelque sorte, servir d'excuse au retard des opérations municipales.
Mais l'Assemblée apprendra avec plaisir que, depuis le 9 mai, époque où mon prédécesseur l'a informée que la confection des rôles était entièrement terminéedans 32 districts, 77 autres se sont mis en règle, ce qui fait en tout 109, dont je dépose la liste sur le bureau, avec Une carte où ces mêmes districts sont coloriés.
Contributions mobilières.
Lès moments trop précieux de l'Assemblée ne me permettent pas de répéter la même analyse sur la contribution mobilière; j'en remets ici l'état; il suffit d'observer que les travaux de cette contribution sont à peu près aux deux tiers.
v Ainsi, sur40,000 municipalités, 29,000 matrices de rôles se sont terminées, et 27,000 rôles sont en recouvrement pour la contribution foncière. La contribution mobilière présente 19,000 matrices terminées, et 13,000 rôles en recouvrement.
Patentes.
La loi du 17 mars 1791 qui a établi, lè droit de patentes, présentait, dans l'exéeutiôn, des diffi-
cultés insurmontables, et qui n'ont pu être levées que par la loi du 9 octobre t791, qui a ordonné une confection de rôles et créé des visiteurs.
Cette branche importante des revenus publics, prit alors du mouvement; les deux ministres de la justice et des contributions se concertèrent, excitèrent l'attention des corps judiciaires et administratifs; enfin, malgré l'extrême difficulté de réparer une inaction ae 6 mois, et de faire, pour ainsi dire, marcher de front deux années, les rôles se forment et la correspondance des départements m'annonce que je serai bientôt à même de présenter des résultats satisfaisants.
Remplacement des droits supprimés.
Ce remplacement est en total un objet de 50,458,834 livres.
Je ne puis dissimuler à l'Assemblé que, surchargés, d'une multitude de travaux plus importants, les corps administratifs n'ont pu suivre le travail de la répartition de ce remplacement avec autant de célérité que leurs autres opérations.
Là surtout, Messieurs, se présentaient de grandes difficultés; là un travail long, aride, isolé, perdu pour l'avenir, n'offrait rien de ce qui soutient l'amour-propre, éveille l'émulation et récompense les efforts.
Cependant, aujourd'hui, 28 départements ont entièrement terminé leur répartition, les autres avancent dans le même travail; tous ont reçu des instructions multipliées, des états calculés d'avance et prêts à recevoir le marc la livre de la répartition; et l'opération entièrement exécutée, a été envoyée pour les 7 départements qui se composent de l'ancienne province du Languedoc.
Recouvrements.
Sur les impositions de 1790, livres, montant à...................... 170,400,000
La recette au 1er mai s'élevait à. 152,000,000
En sorte qu'il restait encore dû. 18,400,000
Ce qui revient au 5/48°.
Sur les contributions foncières et mobilières dé 1791, il avait été recouvré au 1er juin, par les receveurs de district............ 98,832,000
Ce qui revient à 1/4 des deux contributions en principal et sous additionnels.
Et sur les patentes la somme recouvrée est ae................... 5,568.000
total du recouvrement sur lès -t-—
contributions directes dé 1791.... 104.400,000
Mesures ultérieures relatives aux contributions directes.
Je sais, Messieurs, quels grands intérêts entraînent en ce moment l'attention du Corps législatif; Cependant l'administration qui m'est confiée me semble essentiellement liée à ces grands intérêts mêmes, et c'est pour moi un devoir d'insister vivement sur quelques objets majeurs, que mes prédécesseurs vous ont soumis et dont- la solution devient chaque jour pluà urgente.
Ces objets sont :
1° Distribution du secours de 1,500,000 livres accordé par là lôi du 1er juin 1791. Un grand nombre dé municipalités attendent éè secours,
dont la prompte distribution donnait une nouvelle accélération au recouvrement de l'arriéré de 1789 et de 1790, et à l'achèvement des travaux de contributions de 1791.
2° Distribution du dégrèvement de 1791. Plus vivement attendu encore, ce dégrèvement aurait un effet aussi plus avantageux. La seule intention de s'en occuper prochainement, bien prononcée par l'Assemblée, deviendrait pour les municipalités, un motif d'émulation, de courage et de reconnaissance; et quand ce grand objet d'utilité n'existerait pas, c'est une justice à rendre aux contribuables.
3° Instruction sur les formes à suivre pour diriger les arpentements des communautés vers la confection d'un cadastre général. Plus la confection des rôles de contribution foncière avance, plus la réclamation en surtaxes se multiplient; déjà plusieurs directoires de département ont ordonné des arpentements qu'ils ont en même temps suspendus. Il devient cependant d'autant plus instant de statuer sur les demandes en réduction, qu'en attendant, les contribuables doivent; payer provisoirement tous les termes échus de leur cotisation, c'est-à-dire en ce moment les 7/9°.
Mon prédécesseur a remis, à l'Assemblée, le 12 mai, le projet de cette instruction rédigé par le directeur général du cadastre, et approuvé par l'Académie dés sciences; il est imprimé, distribué, et ne demanderait peut-être qu'une très courte discussion.
4° Loi relative aux décharges et réductions sur la contribution mobilière. Il n'est pas moins instant de rendre justice aux citoyens surtaxés dans cette contribution; l'Assemblée a envoyé à son comité de l'ordinaire des finances la lettre que mon prédécesseur lui a écrite sur cet objet le 11 mai dernier.
5° Loi sur la manière de pourvoir aux charges des communautés. Le même comité est chargé d'un mémoire que M. Glavière vous a présenté sur cet objet, le 15 août dernier. Ici, Messieurs, je dois observer que les lois paraissent se contredire sur la manière d'imposer ces charges; que plusieurs directoires de département, qui en ont fait la remarque, ont demandé à l'administration générale des solutions qu'elle était dans l'impossibilité de leur donner.
6° Cotisation des maisons situées hors des viltes. Ce point de jurisprudence, sur lequel la loi du 1er décembre 1790 a besoin d'une interprétation que le Corps législatif peut seul donner, et que M. Glavière a sollicité le 12 avril dernier, intéresse beaucoup la répartition.
7° Enfin, patente des bladiers et petits marchands ambulants des villages. Autre objet de législation que les réclamations presque unanimes des départements ont déterminé mon prédécesseur à soumettre à l'Assemblée, le 20 avril dernier.
, Tels sont, Messieurs, les différents objets sur lesquels j'ai cru devoir appeler l'attention de FAssemblée; j'aurai l'honneur de lui présenter de même les difficultés qu'elle seule peut résoudre dans les autres parties de mon administration. Sûr de l'intérêt que le roi attache au succès de l'établissement des contributions nouvelles, plein de confiance dans le talent et le civisme des directoires de département, dont la correspondance annonce aujourd'hui des administrateurs consommés, j'ose espérer de dévouer
d'une manière utile tout mon temps à la chose' publique, si vos secours et votre bienveillance daignent soutenir mon zèle et encourager mes efforts.
Contributions foncières.
Etat, par ordre de dates, des districts dans lesquels tous les rôles sont terminés et en recou-1 vrment.
Districts. Départements
dont ils dépendent.
Ernée................... Mayenne.
Montvlliers—.......... Seine-Inférieure.
Ornans..................Doubs.
Quingey................ Doubs.
Craon—. .............. Mayenne.
Calais................... Pas-de-Calais.
Caudebec................ Seine-inférieure.
Laval................... Mayenne.
Grandpré............... Aruennes.
Pont-à-Mousson.........Meurthe.
Blamont................Meurthe.
Bagnières............... Hautes-Pyrénées.
Vesoul.................Haute-Saône.
Boulogne...............Pas-de-Calais.
Saint-Paul-du-Var.......Var.
Lagraffe................ Aude.
Quimperlé............... Finistère
Lyon...................Rhône-et-Loire.
Dax................................Landes.
Segré...................Maine-et-Loire.
Châteauneuf.............Maine-et-Loire.
Vierzon................. Cher.
Aubigny................Cher.
Dieuze.................. Meurthe.
Quimper................ Finistère.
Baume.................. Doubs.
Pontarlier............... Doubs.
Saint-Hippolyte.......... Doubs.
Carcassonne.............Aude.
Quillan................. Aude.
Champlitte.............. Haute-Saône.
Beliac...................Haute-Vienne.
Luxeuil.................Haute^Saône.
Saint-Sever.............. Landes.
Vihiers................. Maine-et-Loire.
Senlis..................Oise.
Jussey.................. Haute Saône.
Joinville................. Haute-Marne.
Saint-Dizier............. Haute-Marne.
Remiremont............. Vosges.
Besançon................ Doubs.
Saint-Menehould........Marne.
Saint-Amand............Cher.
Angers..................Maine-et-Loire.
Baugé...................Mainen-et-Loire.
Carentan................Mâche.
Cherbourg............. Manche.
Coutances............... Manche.
Pont-Croix.............. Finistère.
Cany.................... Seine-Inférieure.
Pont-Saint-Esprit......... Gard.
Bourbon-Lancy..........Saôn-et-Loire.
Pont-Audemer........... Eure.
Vire.....................Calvados.
Issoudun................ Indre.
Arbois................... Jura.
Château-Salins........... Meurthe.
Neufchâteau.............,: Vosges.
Bar-le-Duc.............. Meuse.
Clermont.................. Meuse.
Saint-Mihiel............. Meuse.
Districts.
Départements dont ils dépendent.
Brignolles............... Var.
Toulon..................Var.
Mayenne................Mayenne.
Bourganeuf............. Creuse.
Boussac.............— Creuse.
Lons.....................Jura.
Dieppe.................. Seine-Inférieure.
Neufchâtel.............. Seine-Inférieure.
Rouen.................. Seine-Ioférieure.
Limoux................. Aude.
Louviers................ Eure.
Abbeville............... Somme.
Lunéville...............Meurtbe.
Saarbourg............... Meurthe.
Le Quesnoy............. Nord.
Mortain................. Manche.
Avranches..............Manche.
Château-Gontier......... Mayenne.
Bourbonne..... ........Haute-Marne.
Châteauroux............ Indre.
Guéret.................. Creuse.
Poligny................Jura.
Ussel................... Corrèze.
Limoges................. Haute-Vienne.
Gien.................... Loiret.
Verdun.................. Meuse.
Commercy..............Meuse.
Etain................... Meuse.
Gondrecourt............. Meuse.
Montmédy............... Meuse.
Castel-Sarrazin..........Haute-Garonne.
Clamecy.................Nièvre.
Saint-Jean-de-Losne......Côte-d'Or.
Bayeux................. Calvados.
Marsigny................. Saône-et-Loire.
Fougères................ llle-et-Vilaine.
Rennes.................. Ile-et-Vilaine.
Mont-de-Marsan—......Landes.
Laigie.................. Orne.
Vezelise.................Meurthe.
Chatillon................Deux-Sèvres.
Lusignan............... Vienne.
Chàtillon-sur-Seine......Côte- d'Or.
Evaux..................Creuse.
Château-Regnard........Indre-et-Loire.
Saint-Agnan............. Loir-et-Cher.
Moulins-en-Gilbert....... Nièvre.
Bernay..................Eure.
La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.
, ministre des affaires étrangères. Je préviens l'Assemblée que j'aurai demain l'honneur de lui rendre compte de notre état avec la Prusse. J'ai dans ce moment-ci celui de lui dire, que M. le comte de Goltz, envoyé de cette cour près de la nôtre, vient de la quitter.
Je demande qu'on mette à l'ordre du jour, tous les jours, le rapport de la commission des Douze, et que ces pièces lui soient renvoyées.
(L'Assemblée adopte cette proposition.)
Je demande l'impression de tous les rapports, tant généraux que partiels, qui vous ont été faits par les ministres. (L'Assemblée décrète l'impression.)
Je demande l'impression de la liste des départements qui sont en retard. (L'Assemblée adopte cette proposition.)
Je demande que ce soit la com-
mission des Douze qui soit chargée de recevoir les éclaircissements que le ministre vous a offerts.
(L'Assemblée adopte cette proposition.)
Je demande que l'Assemblée décrète l'impression des lettres de M. Luckner.
(L'Assemblée décrète l'impression.)
C'est décréter que les généraux écriront de pareilles lettres tous les jours. (Murmures.)
L'espèce de dénonciation faite contre moi, pendant que j'étais absent, est fausse. Je déclare que jè n'ai jamais signé à M. Penaud, se disant membre de la société des Jacobins, le certificat dont M. Dubois a fait donner lecture à l'Assemblée. Je défie M. Dubois, et tous ceux qui, comme lui, s'intéressent si officieusement à l'honneur des représentants de la nation française, de prouver que j'aie jamais signé un pareil certificat.
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
L'Assemblée reprend la discussion (l) du projet de décret du com'lé de législation sur le mode par lequel les naissances, mariages et décès seront constatés.
, rapporteur, donne lecture de l'article 4 du titre IV; il est ainsi conpu :
« Les mineurs de 21 ans accomplis ne pourront se marier sans le consentement de leur père, mère, tuteurs ou curateurs. »
Par le décret que vous venez de rendre, vous avez soumis le vœu de la nature à celui de la loi; il s'agit maintenant de savoir si vous laisserez encore ce vœu dépendre de la volonté des pères, et jusqu'à quel âge leur consentement est nécessaire pour contracter mariage.
L'amour des pères envers leurs enfants, la tendresse filiale, le respect qu'ils ont droit
d'exiger de ceux qui leur doivent le bienfait de la naissance, sont des sentiments fondés
sur la nature, et immuables comme elle, mais il ne faut pas confondre des devoirs en quelque
sorte éternels, avec des droits qui ont essentielleïhent des bornes. N'oublions jamais que
toute puissance est en faveur de ceux qui lui sont subordonnés, et que le terme où elle dpit
finir est celui où elle cesse d'être utile, et je n'excepte pas de ce principe la puissance
paternelle elle-même. Oui, le pouvoir des pères et mères sur leurs enfants, est fondé sur le
besoin qu'ont les enfants des soins, et de l'assistance de ceux qui leur ont donné le jour.
Dans l'état de nature; l'empire des pères et mères expire aussitôt que les enfants sont en
état de connaître leurs bè-soins, et d'v pourvoir; mais dans l'état social, l'homme a dés
droits à connaître, des devoirs à remplir; l'étude de ces droits et de ces devoirs fait
essentiellement partie de l'éducation. Or, de qui l'enfant recevra-t-il cette éducation, qui
doit le rendre propre à la société dont il fait partie ? De ses père et mère. Il doit donc
rester en leur puissance jusqu'à ce qu'il soit devenu un être sociable. Mais aussi la
puissance des père et mère doit cesser aussitôt que l'enfant est capable" de sentir ses
devoirs, de connaître ses droits. Tels sont les principes sur lesquels se fonde la
Dès ici vous voyez sans doute combien est imparfaite notre ancienne législation, qui, non contente de fixer à25 ans la majorité qui donne la capacité des actes civils, enchaîne jusqu'à 30 la liberté des fils de famille, et les livre à une odieuse exhérédation, s'ils ont assez de courage pour ne consulterque leur cœur, dans une union que le cœur seul doit former. A Dieu ne plaise que je prétende dégager les enfants du respect qu'ils doivent à leurs parents, que j'excuse ceux qui négligent de consulter leurs vœux, de profiter de leur expérience; je dis seulement que, dans un établissement de cette espèce, les pères et mères, les parents qui en tiennent lieu, ne doivent avoir que l'empire de la persuasion; qu'ils doivent éclairer le choix de leurs enfants, mais jamais le contrarier, jamais le contraindre. Eh ! combien de fois ce nœud sacré de la nature n'a-t-il pas été profané? De cent mariages, combien en est-il qui aient été déterminés par ces doux rapports, par ces qualités essentielles, qui en font tout le charme, qui peuvent seules en garantir le bonheur? La plupart des mariages se négocient à prix d'argent, et ressemblent plutôt à un marché dont un vil intérêt est l'objet unique, qu'à une union sainte qui doit décider du sort de ceux qui la contractent. On dirait que nos lois redoutent cet âge précieux de 20 à 30 ans. qui, dégagé des vues ambitieuses par lesquelles trop souvent le reste de la vie des hommes est corrompu, n'est capable que de re-çevoir des impressions heureuses, n'est touché que du beau, n'est sensible qu'à l'honnêteté. Sous l'ancien régime, toutes nos lois, toutes nos habitudes, dégénéraient dans un odieux machiavélisme, tendaient à tout diviser. L'Empire, composé de différents ordres naturellement ennemis les uns des autres, comptait d'ailleurs presque autant de subdi visions qu'il était possible d'apercevoir de nuances sociales. Telle fkmille noble aurait regardé comme une mésalliance l'union d'un de ses membres avec une famille qui aurait compté quelques années de moins d'anoblissement. Lês mêmes nuances divisaient les familles bourgeoises; la même fausse délicatesse régnait parmi les artisans, et les modestes habitants des campagnes n'étaient pas eux-mêmes exempts de cette vanité ridicule. De là des oppositions indécentes, ces réclamations scandaleuses, toutes les fois qu'il se trouvait un couple assez courageux pour se mettre au-dessus de ces misérables préjugés.
A voir les efforts de l'orgueil humilié, on aurait cru qu'il ne s'agissait rien moins que du renversement entier ae l'ordre public, et il était seulement question d'unir un individu qui se croyait noble à un individu qui pensait que la vertu seule était la vraie noblesse. C'est ainsi que le trouble qu'éprouvaient trop souvent les engagements les mieux assortis circonscrivait le cercle étroit d'où l'on ne pouvait se flatter de sortir sans être exposé à des humiliations, à des outrages; c'est ainsi que la liberté des mariages était absolument détruite. Heureusement un ordre nouveau rappelle l'homme à tous ses droits. L'Empire ne forme plus qu'une seule grande famille : il n'y a plus de distinctions què celles des talents et de la vertu ; on n'entendra plus le palais de justice retentir de cette proposition révoltante, qu'il peut y avoir des nommes vertueux indignes de l'alliance d'un autre homme souvent moins vertueux que lui.
Mais notre heureuse Révolution doit nécessairement opérer la réformation de nos lois relativement à la liberté de contracter mariage. Sous l'ancien régime, cette liberté n'était enchaînée jusqu'à 30 ans pour les hommes, jusqu'à 2b ans pour les femmes, que parce qu'on appréhendait l'âge estimable, ou, tout entier au sentiment, l'homme dédaigne tout ce qui n'est que le calcul, tout ce qui ne tient qu'à l'intérêt et aux préjugés; que parce qu'on voulait prévenir ce qu'on appelait si indignement autrefois des mésalliances.
Aujourd'hui que l'égalité des droits n'expose plus aucun Français, à quelque rang que le hasard l'ait placé, au danger prétendu de se mésallier; aujourd'hui que nous sommes tous frères, il n'y'a plus prétexte pour retarder aussi longtemps le bonheur de ceux qui demandent à se réunir parles liens sacrés du mariage. Pour qu'on puisse s'en rapporter au choix des enfants, il faut sans doute qu'ils soient capables de choisir ; mais l'âge où leur choix est le plus respectable, est celui sans doute où il est dégagé de tout vil intérêt; l'âge où le cœur seul choisit. C'est à 20 ans que l'homme, instruit de ses devoirs, et capable de les remplir, doit jouir à cet égard de toute la plénitude de ses droits. Mais il me semble entendre la voix de ces hommes imbus des anciens préjugés, qui, accoutumés à spéculer jusques sur le mariage de leurs enfants, regarderont comme un attentat à leur autorité la liberté que nous demandons aujourd'hui. Voilà donc, s'écrieront-ils, nos enfants livrés à la séduction dans un âge ou il est presque impossible d'y résister. Le comité ècclésiastiqué de l'Assemb'ée constituante, va lui-même calmer ces craintes. Que si Von se faisait à cet égard, dit-il, quelque peine à cause des dangers de la séduction contre les droits et la sagesse prévoyante des pères et mères, on répond à cela par une simple réflexion, qu'il n'est pas de séduction dangereuse ni autrement funeste à la société, quand elle n'a que le mariage pour terme et pour objet. Cest alors, ajoute le comité, un bien et pour le public et pour la personne que l'on aurait séduite à si bonnes fins, lien est presque autant des garçons qu'un trop long célibat engage quelquefois dans des écarts dont le mariage les aurait sauvés.
Le comité ecclésiastique aurait pu dire plus : « Vous craignez la séduction dont sont susceptibles des enfants de 21 ans; mais quel âge met les hommes à l'abri de la séduction? existe-il une époque où l'homme cesse d'être assiégé par quelques passions plus ou moins dangereuses? L'âge où il se laisse dominer par les passions, l'âge où il se laisse dominer par un vil intérêt, par une ambition démesurée, est-il moins à redouter que celui où son cœur n'est encore ouvert qu'à ces tendres sentiments destinés à faire le bonheur de ses jeunes ans et la consolation de sa vieillesse? Vous craignez que votre enfant ne soit séduit dans la vue de lui faire contracter un mariage, et vous n'appréhendez pas toutes les autres séductions auxquelles l'expose le célibat dans un âge où l'énergie des passions n'est pas encore tempérée par les leçons que nous avons lieu d'attendre de notre faible raison. Voyons tous les maux qu'ont occasionnés ces lois barbares qUi contrarient la nature pour étendre la puissance des pères et mères au delà des justçs bornes qu'elle doit avoir. Combien de femmes qui eussent été d'excellentes mères de famille, ont été perdues pour la société et pour leurs parents, parce qu'onles a forcées de renoncer au premier
vœu qu'elles avaient formé? Combien d'hommes dépravés auraient été préservés de la débauche, s'il leur avait été permis de suivre les premiers penchants d'un cœur qui n'était encore susceptible que d'un attachement honnête? C'est parce que l'âge de 18 ans est l'époque où les passions se développent avec plus de force, qu'il faut en détourner Je choc; qu'il faut s'empresser de leur offrir pour unique perspective le saint engagement qui en doit être le seul but, le mariage. »
Si l'on ne consultait ici que le droit naturel, il n'est pas douteux que la faculté de consentir un mariage appartient à tous ceux qui sont parvenus à l'âge où l'union de deux sexes est expressément commandée par la nature. Ce n'est pas de père et mère que l'enfant tient le droit de se marier, mais de la nature qui l'a formé pour le mariage; il doit donc, indépendant de la volonté de ses père et mère, avoir le droit de contracter cet engagement, aussitôt qu'il est parvenu à l'âge où l'union des deux sexes est un besoin irrésistible pour l'être vraiment vertueux. C'est donc faire assez pour l'autorité paternelle, et trop peut-être contre la nature, que de faire dépendre l'exercice d'une faculté si naturelle, des père et mère jusqu'à 20 ans, lorsque dès 15 ans l'homme est apte au mariage. Et dès lors il ne doit plus être question de ces formalités insensées qui ne servent qu'à constater l'opposition des parents, et ne peuvent suppléer à un consentement qui doit être l'acte d'une volonté libre. Dans l'âge où vous jugez le consentement des père et mère nécessaire, il faut un consentement formel.
Je demande qu'on borne à 20 ans l'âge où le consentement des père et mère sera nécessaire, et la question préalable sur l'article qui exige des soumissions respectueuses."
(L'Assemblée ajourne l'article 4.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre des commissaires civils des lles-du-Vent, qui demandent à l'Assemblée de rendre le décret sur l'exercice de leurs fonctions, dont l'attente suspend leur départ.
(L'Assemblée renvoie cette lettre au comité colonial.)
(La séance est levée à quatre heures.)
Séance du
PRÉSIDENCE DE M. AUBERT-DUBAYET, vice-président; ET DE M. DAVERHOULT, ex-président.
PRÉSIDENCE DE M. AUBERT-DUBAYET, vice-président,.
La séance est ouverte à 6 heures.
, secrétaire, donne lecture de la séance du mercredi, 27 juin 1792, au soir. (L'Assemblée en adopte la rédaction.) Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres, adresses et pétitions suivantes :
1° Lettre de M. Lacoste, ministre de la marine, concernant l'acquisition du port Montmarin.
(L'Assemblée, considérant que le ministre de la marine est suffisamment autorisé par le dé-
cret du 5 janvier 1792 (1), à faire l'acquisition du port Montmarin et notamment à adopter les conditions proposées par les commissaires nommés par le roi, dans le rapport du 4 juin 1792, décrète, après discussion, qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la teneur de la lettre et passe à l'ordre du jour.)
2° Lettre de M. Amelot, commissaire du roi à la caisse de l'extraordinaire.
(L'Assemblée renvoie la lettre au comité de l'extraordinaire des finances.)
3° Lettre de M. Duranthon, ministre de la justice, qui adresse à l'Assemblée la note des décrets sanctionnés par le roi, ou dont Sa Majesté a ordonné l'exécution.
(L'Assemblée renvoie la lettre au comité des décrets.)
4° Lettre de M. Beaulieu, ministre des contributions publiques.
(L'Assemblée renvoie la lettre au comité de l'ordinaire des finances.)
5° Lettre de M. Lacoste, ministre de la marine, concernant le mode à fixer pour le choix des maîtres d'équipages, sur les vaisseaux de l'Etat.
(L'Assemblée renvoie la lettre au comité de marine.)
Des citoyens soldats de la gendarmerie nationale de service près les tribunaux sont admis à la barre. Ils viennent solliciter l'exécution des décrets rendus en leur faveur et demandent, en outre, une indemnité, à laquelle leur donne droit de prétendre l'activité continuelle d'un service public,
leur répond et leur accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée renvoie leur pétition aux comités militaire et des finances réunis.)
M. idelaulne, ci-devant chanoine régulier et procureur gènéralzde l'abbnye de Saint-Victor, est admis à là barre. Il expose à l'Assemblée qu'il s'est infructueusement adressé au directoire du département de l'Oise pour obtenir le traitement qui lui est dû en vertu des décrets de l'Assemblée constituante, soit comme ancien bénéficier, soit comme pensionnaire sur bénéfices. Il réclame ce traitement comme le seul dédommagement qui lui reste de la perte de son état.
répond au pétitionnaire et lui accorde les honneurs de la séance.
(L'Assemblée renvoie la pétition au comité de liquidation.)
Un de MM. les secrétaires continue la lecture des lettres, adresses et pétitions envoyées à l'Assemblée.
6° Lettre de M. Bidermann, citoyen de Paris., arrivant de Lorient, qui demande à l'Assemblée la faculté de repousser, par l'examen de sa comptabilité, les inculpations calomnieuses dont il est l'objet.
(L'Assemblée renvoie la lettre au comité de l'examen des comptes.)
7° Pétition du directoire du département de la Gironde, relative aux fonds de l'ancienne
généralité de Guyenne.
8° Lettre du directoire du département du Pas-de-Calais, qui avertit l'Assemblée qu'il a été obligé de faire réunir plusieurs brigades de gendarmerie dans le canton d'Avesnes-Ie-Gomte, district de Saint-Pol, pour s'opposer à des attroupements qui avaient lieu à l'effet de vendre du blé à un taux plus bas que la valeur de cette denrée.
A cette lettre est joint un extrait des registres du département du Pas-de-Calais, contenant un arrêté pris par le directoire de ce département, qui désapprouve les excès commis au château aes Tuileries le 20 juin, et les attribue, non aux citoyens de Paris, mais à des malintentionnés, ennemis de la Constitution et de la liberté. H appelle la vengeance des lois, sur la têtede ceux qui en ont été les auteurs ou s'en sont rendus les complices. Il déclare que, fidèle au serment juré, il maintiendra jusqu'au dernier soupir la Constitution, et qu'il regarde comme traîtres à la patrie tous ceux qui y proposeraient des changements autres que par les formes voulues, ou même ceux qui, d'après ces formes, proposeraient des changements attentatoires à l'égalité, à la liberté et aux droits de l'homme. (.Applaudissements.) Le directoire annonce, en terminant, qu'il a adressé cet arrêté aux 82 autres départements.
(L'Assemblée renvoie la lettre et l'arrêté à la commission extraordinaire des Douze.)
9° Adresse de la commune de Caen, département du Calvados, portant l'expression inaltérable des citoyens qui la composent à la Constitution, le vœu qu'ils ont fait de la niainténir et de la défendre contre les atteintes de ses ennemis. (Ap-plaudissemen ts. )
Plusieurs membres : Mention honorable 1
(L'Assemblée décrète la mention honorable de l'adresse.)
10° Lettre du procureur général syndic du département de l'Ardèche, qui avertit l'Assemblée nationale que le directoire du département a été obligé d'envoyer plusieurs brigades de gendarmerie dans les environs de Bannes, de Jalès et des Vans, pour y assurer la tranquillité publique, à raison des troubles survenus dans cette contrée, par l'effet du fanatisme religieux et de l'aristocratie.
(L'Assemblée renvoie la lettre à la commission extraordinaire des Douze.)
11° Lettre de M. Duprat maire, et des officiers municipaux d'Avignon, qui réfutent comme calomnieux le rapport fait, par les commissaires civils, au ministre de l'intérieur, et répété par celui-ci à l'Assemblée nationale. Ils déclarent qu'il est faux que la tranquillité ait été troublée dans leurs murs. Cette lettre est ainsi conçue :
Le
« Législateurs,
« Nous allions remplir un devoir sacré, en vous présentant notre dévouement à la Constitution et à la cause de la liberté, et notre respect pour les lois, et déjà nous étions atteints par les préventions et frappés de calomnie dans le sein même de l'Assemblée nationale. Nos concitoyens sont-ils donc destinés à rester pour jamais victimes de la diffamation ? Quelle main
cruelle et sacrilège arrête donc l'exécution des lois de justice et de bienfaisance que vous avez rendues pour le bonheur de noscontrées?Depuis le 4 septembre, le peuple français nous a reçus dans ses bras, depuis ce temps nous n'avons pas joui des bienfaits de la Constitution ; tous les fléaux, toutes les calamités, toutes les impostures se sont accumulés sur nos têtes. Nous ne vous retracerons pas l'histoire de nos infortunes ; nous ne vous désignerons pas les coupables, nos concitoyens; notre contrée tout entière vous a fait entendre le cri de la douleur et de la vérité. Nous ignorons si leur adresse a obtenu la faveur de vous être lue ; s'il en est autrement, nous attendons de la justice de vos comités qu'ils vous en rendront un compte exact. Notre unique objet est de repousser les calomnies alléguées, contre nous par les commissaires réunis, pour notre organisation, au ministre de l'intérieur, et par celui-ci transmises au Corps législatif.
Comment ont-ils osé dire, ces commissaires, que le trouble régnait dans nos murs, que l'alarme s'est répandue dans toutes les familles, lorsqu'il est évident que l'ordre public n'a point été altéré, et que la confiance se relève et s'accroît tous les jours? Leurs assertions mensongères se détruiront sans doute devant les pièces authentiques que nous vous présenterons^ et ceux de vous qui n'ont pu contenir leur indignation en apprenant le choix du peuple, connaîtront enfin qu'ils se sont laissés égarer : ils le sauront. Le peuple s'est respecté dans la distribution de ses suffrages, bien qu'il se soit étrangement égaré sur les événéments de notre Révolution, et sur le compte de la plupart de ceux qui l'ont suivie.
« Quant à nous, législateurs, les dangers, les préventions et les calomnies ne sauraient ralentir notre zèle pour le triomphe de la Constitution. Les clameurs de nos ennemis, leurs projets ne nous ébranleront pas; fermes dans notre poste, nous remplirons nos devoirs avec zèle.; nous vous dénoncerons avec courage les menées des commissaires actuels, dont le système ressemblant au système des commissaires choisis par Delessart, tend à retarder l'exécution de la loi, pour perpétuer l'anarchie dans nos contrées, et pour surprendre contre nous un décret tel que celui dont furent frappés les patriotes Bertin et Rebecqui. Législateurs, nous obéirons comme eux, et nous donnerons à nos concitoyens l'exemple d'une soumission paisible à la loi. Notre confiance et le salut de la patrie reposent sur votre silence et votre équité, et vous n'oublierez point que la précipitation, la prévention et les erreurs des représentants d'une nation sont les plus funestes ennemis des peuples. »
Nous sommes, etc.
« Les maire et officiers municipaux d'Avignon. »
(.Applaudissements.)
(L'Assemblée renvoie la lettre à la commission extraordinaire des Douze.)
, secrétaire, donne lecture d'une adresse individuelle des citoyens actifs de la ville de Rouen qui expriment leurs regrets sur les événements du 20 juin et adhérent à tout ce que La Fayette, le directoire de Paris et de bons citoyens ont dit des factieux qui cherchaient à renverser la Constitution et avaient poussé ce jour-là le peuple aux Tuileries. Cette adresse est ainsi conçue :
« Législateurs (1).
La patrie est en danger. Des scélérats trament sa perte : c'est contre eux que nous élevons la voix.
Nous ne vous ferons point entendre les accents de la flatterie; c'est le langage des esclaves. Hommes libres, nous vous dirons la vérité; vous êtes dignes de l'entendre, vous êtes les représentants du peuple français.
Nous avons voulu une Constitution qui fixât les devoirs et les droits du peuple et au monarque : il fallait alors déraciner des préjugés, détruire des habitudes, anéantir des abus. Une révolution était nécessaire, et les Français l'ont faite. Mais actuellement que la Constitution est établie, que le dépôt en est confié à la fidélité du Corps législatif, comme à l'attachement de tous les citoyens, il ne faut, pour la maintenir, que du courage et de la sagesse.
Fiers de ce dépôt, nous en avons juré le maintien : législateurs, vous l'avez juré comme nous. Nous tiendrons nos serments; vous tiendrez aussi les vôtres.
Que la joie insultante de nos ennemis ne soit donc plus provoquée par l'accueil qu'on vous a vu faire aux perfides conseils d'un faux patriotisme, dont les agents soudroyés s'efforcent de vous faire perdre la ligne de la Constitution!
Qu'ils ne puissent plus fonder d'espérance sur les dissensions qui existent entre les deux pouvoirs garants de notre liberté, et sur celles qui déchirent le sein même du Corps législatif.
Qu'il ne soit, plus permis de détourner votre attention des vraies causes de nos troubles, pour l'arrêter sur des complots chimériques ou de vaines déclamations, dont le plus léger examen a suffi pour détruire le prestige ! Fussent-ils réels, ces complots, ils ne seraient pas à craindre : vous avez, pour les détruire, le courage et le patriotisme de tous les bons Français.
Les vrais conspirateurs sont ceux, qui, travaillant sans cesse une multitude facile à tromper, la poussent au crime, en l'énivrant de défiances.
Les vrais conspirateurs sont ceux qui ravalent la majesté du Corps législatif, en le faisant l'écho de leurs passions privées.
Les vrais conspirateurs sont ceux qui reconnaissent en France44,000 souverains; qui parlent de la république dans un Etat constitué monarchique par le vœu uniforme de toute la nation; qui demandent Vappel au peuple dans un gouvernement représentatif, où 1 appel au peuple, interdit par la Constitution, ne serait autre chose . que la proclamation de la guerre civile.
Les vrais conspirateurs sont ceux qui, par leurs actions, par leurs écrits, par leurs discours, s'efforcent d'affaiblir le respect et la confiance qu'on doit au roi et aux autorités constituées.
Les vrais conspirateurs sont ceux qui prêchent aux troupes l'indiscipline, la révolte, la méfiance contre les généraux, qui couvrent nos colonies de sang et de ruines, qui ont aiguisé les poignards des bourreaux d'Avignon, et qui les poussent encore au meurtre, en les soustrayant au glaive dont la loi devait frapper leurs têtes scélérates.
Les vrais conspirateurs sont ces ministres factieux qui, pour accélérer leur plan de
désorganisation, proposent inconstitutionnellement de
former un camp sous les murs de la capitale, afin de décourager ou de porter à quelque mesure violente l'inébranlable garde nationale parisienne. (Murmures à gauche.)
Les vrais conspirateurs sont les fonctionnaires publics qui négligent de faire exécuter les lois : cé sont des officiers municipaux qui protègent la révolte, donnent des fêtes à des soldats qui, après avoir volé leur caisse, se sont armés contre les défenseurs de la loi, enchaînent par leur silence ou par leurs réquisitions le courage de la force armée, et livrent aux insultes des factieux les dépôts sacrés, confiés, par la France entière, à leur sollicitude.
Les vrais conspirateurs, enfin, sont ceux qui, feignant d'oublier ou de méconnaître les services rendus à la cause de la liberté par La Fayette, ont l'infamie de proposer Un décret d'accusation, et peut-être de diriger contre lui le fer des assassins ; parce que ce général a eu le courage de dire la vérité, de démasquer une faction puissante et de la poursuivre jusquesdans l'antre où elle trame la ruine de la patrie. (Quelques murmures à gauche. Vifs applaudissements à droite.)
Que les lâches qui préparent un décret d'accusation contre le général de la fédération de 1790, en préparent donc aussi contre tous les bons Français. En exprimant ses sentiments, La Fayette a peint les nôtres : comme lui nous détestons les factieux. Depuis longtemps leur tyrannie nous irrite et nous lasse; leur joug avilissant est un opprobe que nous ne pouvons plus supporter. Législateurs, faites-les rentrer dans le néant, ces hommes pervers que la Révolution a fait naître, et qui ne prennent le nom de patriotes que pour le déshonorer. Anéantissez tout pouvoir qui, n'étant point dans la Constitution, est un monstre dans notre ordre social.
Confondez dans la même proscription ces infâmes libellistes qui, répandant périodiquement le venin dont ils sont nourris, corrompent les esprits et les cœurs.
Dévouez à l'inexorable sévérité des lois, et ceux qui proposeraient d'ôter ou d'ajouter une syllabe à 1 Acte constitutionnel, et les audacieux qui insulteraient à la majesté nationale, soit dans la personne de ses représentants élus, soit dans la personne de son représentant héréditaire. Le Corps législatif et le roi sont également nécessaires à notre liberté; nous devons leur assurer également la jouissance des droits qui leur Sont accordés par la Constitution ; mais tous deux doivent aussi se concentrer dans les limites qu'elle a posées : hors de là il n'y a plus de liberté; et des hommes qui ne veulent de tyrans d'aucune espèce, doivent s'élever contre quiconque aspire à le devenir.
Législateurs, nous le disons avec fermeté, les divisions qui, jusqu'à présent, ont régné entre vous et le pouvoir exécutif, affligent tous les bons Français : elles doivent cesser, si vous ne voulez que la patrie périsse dans les déchirements de la plus funeste anarchie. Ne souffrez donc plus l'insolence de ces tribunes (Murmures.) qui, par des applaudissements ou des murmures soudoyés, influencent et dominent l'opinion des représentants du peuple. Imposez un silence éternel à ces agitateurs qui, dans le sanctuaire même de la législation, osent déifier la révolte et le meurtre, vous proposent alternativement de vous déclarer Assemblée constituante, de supprimer le veto royal.....Punissez les auteurs des forfaits commis* le- 20 de ce mois, au châ-
teau des Tuileries. C'est uq délit public j c'est un attentat aux. droits du peuple français, qui ne veut point recevoir de lois ae quelques brigands de la capitale : nous vous en demandons vengeance-
Représentants du peuple, vous lui devez des lois sages; vous devez fortifier l'action du pouvoir exécutif : tels furent les devoirs que vous vous imposâtes en acceptant le çaractère auguste dont vous êtes revêtus. Vous devez à vous-mêmes de prendre enfin l'air de dignité qui convient aux législateurs d'un grand Empire. Quant à nous, noqs vous devons soumission et respect; nous remplirons nos devoirs : mais nous voulons aussi la Constitution telle qu'elle est ; nous voulons à toujours un Corps législatif, un roi, des administrateurs et des juges élus par le peuple; nous les aurons, ou nous périrons. (Applaudissements.)
(Suivent 37 signatures.)
. Je demande que l'Assemblée voue cette adresse au mépris qu'elle mérite. (Mouvement d'indignation.)
Plusieurs membres : A l'Abbaye 1 (Vive agitation.)
monte à la tribune. (Vifs applaudissements des tribunes.)
. Je demande l'ordre du jour. M. Charlier vient de faire l'eloge de l'adresse. (Murmures à droite et au centre. Applaudissements à gauche.)
. On veut recommencer la journée du 20 juin.
. Je demande la parole pour une motion d'ordre. J'observe à l'Assemblée qu'elle a décrété, il y 2 jours, qu'il ne serait ouvert aucune (discussion après la lecture des adresses, içtais qu'elles seraient purement et simplement renvoyées aux comités qu'elles regarderaient.
Un membre : Ces messieurs ont eu tort de désapprouver M. Charlier, qui n'a point désapprouvé l'adresse en Ce qu elle disait que les citoyens qui l'ont souscrite, voulaient un roi et une Assemblée nationale. (Vive agitation.)
. Vous avez décrété que vous ne délibéreriez point après la lecture des adresses, mais qu'elles seraient renvoyées à la commission extraordinaire des Douze. Je demande l'exécution de ce décret le passage à l'ordre du jour,
(L'Assemblée renvoie l'adresse à la commission extraordinaire des Douze et passe à l'ordre du jour.) (Applaudissements à droite et au centre et dans les tribunes.)
. Dès lors, l'Assemblée voue au mépris ce qu'a dit M. Charlier.
. L'adresse qiie vous venez d'entendre, peut être signée par des citoyens de Rouen; mais je vous déclare que pi ceux de la ville de Dieppe, ni ceux de te d'Eu n'y ont pris aucune part.
Plusieurs membres : C'est faux!
. Vous êtes désavoués par tout votre département !
. Je demande la parole pour un fait. (Longue qgitâtion.)
Plusieurs membres ; L'çrdre du jQur! (Bruit.)
. Ce sont les parlementaires de Rouen qui ont signé cette adresse.
Un membre : II y a 20,000 signatures.
. La vérité vous gêne, mais vous l'entendrez malgré vous.
parle dans le bruit.
Plusieurs membres : L'ordre du jour!
(L'Assemblée, consultée, déclare qu'elle ne passe pas à l'ordre du jour.)
Plusieurs membres : Il y a doute,!
. On prétend que je me suis trompé; je vais recommencer l'épreuve-
(L'Assemblée, consultée de nouveau, passe à l'ordre du jour.)
Plusieurs membres : Non, non, elle n'y passe pas!
. Si jamais démenti formel fut donné à quelqu'un! c'est celui-ci. M. Albitte en a menti!
. Monsieur le Président, dites à M. Albitte que l'on ne ment comme cela, qu'aux jacobins. (Vive agitation.)
parle longtemps dans le tumulte.
Un de M M. les secrétaires donne lecture 1° d'une adresse des citoyens de Carcassonne ; 2° du procès-verbal des commissaires des départements des Bouchas-du-Rhône et de la Drôme réunis ; 3° d'un arrêté du directoire du département de l'Yonne, relatifs aux événements du 20 juin 1792, et dénonçant les instigateurs du peuple qui ont porté la foule aux Tuileries.
(L'Assemblée renvoie ces 3 adresses et arrêtés à la commission extraordinaire des Douze.)
Un de MM. les secrétaires annonce le dpn patriotique du sieur Rigon, chirurgien du Port-Louis, qui offre à la patrie, une quittance de la soipme ae 2301. 6 s., du titre de son office.
(L'Assemblée accepte cette offrande avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis au donateur.)
(d'Aubenas), secrétaire, donne lecture d'une adresse individuelle de 6 administrateurs du directoire du département dè l' Aisne, qui réprouvent les événements du 20 juin et adnè-rent à tout ce que le général La Fayette, le directoire de Paris et de bons citoyens ont dit sur les factieux qui ont poussé ce jour-là le peuple aux Tuileries. Cette adresse est ainsi conçue :
« Représentants du peuple français,
« Garder le silence lorsque la patrie court des-dangers; laisser miner l'édifice constitutionnel par des factieux, sans vous dénoncer les mains sacrilèges qui touchent à cette arche sainte, sans vous offrir des bras pour la défendre; se renfermer dans Une insousiance coupable, lorsque tout présente l'aspect d'une dissolution prochaine, d'une subversion générale, est sans doute de la part d'un véritable citoyen, une lâche pusillanimité, et, de la part d'un fonctionnaire public, une punissable forfaiture.
« Déposer sur cés feuilles les sentiments quj noqs animent, les pensées douloureuses qui nous affectent, est un besoin que nous ne pouvons plus contenir. Les pères du peuple né repousseront pas les accents de notre civique douleur. Nos intentions sont aussi pures qu'est sainte la cause que nous voulons défendre. .
« Fidèles aux serments que nous avons faits,
nous mourrons ou nous vivrons libres. Nous mourrons plutôt que de laisser périr un seul des articles de la Constitution française. Nous périrons, s'il le faut, pour défendre votre indépendance et celle du monarque, contre les factieux qui obsèdent le temple des lois et le trône. Nous jurons de mourir plutôt que de nous laisser asservir par des sectaires, et par les brigands qu'ils rassemblent et font mouvoir dans la capitale.
« Ni les atroces calomnies, ni les dénonciations des plumes mercenaires, ni les échafauds, ni le fer des assassins, ni les poisons des scélérats ne pourront éteindre dans nos cœurs le feu sacré de la liberté, et nous faire abandonner les principes moraux et constitutionnels que nous faisons gloire de professer.
« Législateurs, nous croyons avec la France entière tout ce que le directoire du département de Paris, le général La Fayette, de courageux citoyens vous ont dit sur les factieux. La lumière de la vérité frappe nos yeux, son ascendant irrésistible subjugue nos cœurs.
« Ennemis de la Constitution et du gouvernement représentatif, ces forcénés sectaires veulent ou perdre l'Empire, ou le régir, en le ré-publicanisant.
«i C'est aux maximes immorales qu'ils débitent et professent avec une publique impudeur, aux écrits séditieux qu'ils répandent ou qu'ils soudoient, à l'argent qu'ils distribuent, aux manœuvres criminelles qu'ils emploient pour vol-caniser toutes les têtes et exaspérer tous les cœurs ; c'est enfin à leurs émissaires, à leur correspondance avec les sociétés qui leur sont affiliées, et à leurs scandaleux exemples, que nous devons l'insolente oppression des indignes citoyens qui remplissent journellement la majorité des tribunes du lieu de vos séances. (Mur mures à gauche.)
Un membre : Nous avons assez entendu de blasphèmes, il faut entendre des vérités.
(d'Aubenas), secrétaire, continue : Les groupes nombreux qui menacent sans cesse la liberté publique; les notions incendiaires qu'on eqteqd de tous lés çôtés; la désorganisation et l'avilissement de tous les pouvoirs constitués ; l'indignation des peuples de l'Europe, les maux qui nous pressent, les malheurs qui nous menacent, l'anarchie prête à nous en-gloutir.
« Ce sont ces hommes pervers, qui, par leurs nombreux agents, provoquent les troubles intérieurs qui déchirent le royaume, propagent les maximes les plus monstrueuses, dégradent les principes et les mœurs, sèment partout la défiance et la terreur, conseillent et préconisent tous les crimes, dissolvent tous les liens qui attachent l'homme à la société, arment les citoyens les uns contre les autres, dépriment les gardes nationales, pour anéantir là force publique, préparent la ruine de tous les propriétaires {Rires d Vextrême gg,uche)t le renversement ae toutes les lois. (Bruit.)
parle dans le tuipulte,
(d'Aubenas), secrétaire, continue : « Çe sont eux qui appellent à grands cris la guerre civile; qui manipulent ou provoquent ces pétitions audacieuses que vous entendez si sout vent, dans lesquelles on vient tantôt applaudir, tantôt critiquer vos décrets, vous demander, au nom du vœu national, des lois qui réprouvent tous vos principes; qui cherchent à tromper
votre raison, ou intimider votre courage, à appeler le mépris sur la force et l'autorité publiques, la défiance sur les généraux et sur les ministres; insultent, par des paroles, des gestes et des regards, une partie des députés, et entravent tous vos travaux. Ce sont eux qui, pour punir des législateurs d'avoir osé voter ou opiner, selon leurs lumières et leur conscience, fontdresser et circuler des listes de proscription, pour attirer sur leurs familles et leurs propriétés la dévastation et l'infortune.
« Ce sont eux qui, ne s'occupant que de complots, de projets ambitieux, de spéculations criminelles et de contre-révolution, ont dénaturé le caractère loyal, sensible et généreux de la nation française. Ce sont eux, qui cent fois, ont été cause de l'effusion du sang des citoyens, qui ont souillé de grandes pages aans l'histoire de notre Révolution, qui, prêchant partout ^insurrection et l'indiscipline, ont désorganisé nos armées. Ce sont eux qui ont juré la perte du citoyen La Fayette, qui veulent le punir d'être l'ennemi de la licence, d'avoir, par sa surveillance et sa fermeté, lorsqu'il commandait la brave armée parisienne, empêché l'explosion de leurs projets désastreux. C'est enfin cette horde de brigands qui, depuis plus de deux ans, tient le glaive suspendu sur la famille royale, et qui a fait du palais de notre roi, un séjour de douleurs et de larmes.
« A qui, législateurs, sinon à cette secte perverse, devons nous imputer la stagnation des lois, les troubles sans cesse renaiséants de la capitale et de l'Empire ? (Murmures â gauche.)
« Nous avons frémi d'horreur au récit des derniers dangers qu'a courus l'infortuné Louis XVI. Les factieux, par ce dernier attentat, ont comblé la mesure de tous leurs crimes. Il faut qu'ils disparaissent de la surface d'une terre qui s'indigne de les porter. Oui, le massacre de la famille royale est projeté ! Il eût été consommé le 20 de ce mois, sans votre indignation profonde, sans votre patriotique intervention, sans le courage trop longtemps enchaîné de la garde nationale, sans l'appui de tous les bons citoyens qui se trouvent dans cette ville malheureuse.
« Les scélérats l Forcer la sanction des décrets que vous rendez, ou menacer de mort le refus qu'en fait le monarque ! Lui désigner impérieusement l'appel ou le renvoi des ministres! Où est donc la Constitution, la distinction et l'indépendance des pouvoirs, ce droit conservateur ae la liberté publique et du bonheur du peuple ? Depuis quand un acte, qui n'est pas ljbre, peut-il obliger la conscience d'un fonctionnaire public fidèle à son serment ? S'imaginent-ils former à eux seuls le peuple français et pouvoir en exercer exclusivement la souveraineté suprême ? Qu'ils montrent, les mandats par lesquels les 83 départements leur ont délégué tous leurs pouvoirs ? Ils doivent être dans une autre forme,; et ils sont ailleurs que dans les archives des conspirateurs.
Insensés ! croient-ils pouvoir donner des lois à l'Empire, et asservir 20 millions de citoyens honnêtes et généreux ? Non, leur attente sera déçue, nous n'obéirons, et les mandataires du peuple ne feront exécuter que la volonté nationale légalement et librement exprimée. La ville de Paris sera responsable à tous les départements, du dépôt de l'Acte constitutionnel, de l'exercice universel des dispositions qu'il renferme, de la sûreté de nos représentants et de notre roi. Si leur sang venait à couler, c'est alors
que la nation entière se lèverait pour demander vengeance de ces attentats, qu'elle marcherait sur cette cité, pour faire un mémorable exemple des scélérats et des régicides qu'elle renferme. Nos concitoyens, oui, nos concitoyens, presque tous amis des lois, religieux observateurs de leurs serments, se rallieront autour de leurs magistrats, pour aller partager leurs périls et leur gloire. La France entière adresserait simultanément à ses fidèles et généreuses armées le réquisitoire de venir sauver la patrie, et exterminer les factieux armés pour la détruire.
Que les malintentionnés de la capitale...
, à la tribune : Je demande la parole.
Un grand, nombre de membres : A bas ! à bas !
insiste pour avoir la parole.
Un membre : Si M. Gensonné né descend pas de la tribune, nous y monterons tous.
: L'Assemblée nationale, en décrétant qu'elle entendrait les adresses sans les discuter, qu'elle les enverrait à sa commission des Douze, avait bien senti que ces adresses seraient écrites dans un esprit extrêmement différent.
Un membre : Vous le verrez; toutes celles des départements sont écrites sur ce ton-là; les autres sont faites à Paris.
Les départements sont furieux des adresses qu'on leur a envoyées. (Bruit.)
(d'Aubenas), secrétaire, reprend : Que les malintentionnés de la capitale sachent que le choix d'un bon ministère intéresse l'universalité de l'Empire, et qu'il ne leur appartient pas d'en influencer le choix. Agents du prince, responsables à la loi, le monarque doit pouvoir nommer ou renvoyer à son gré les ministres. Lorsque les factieux cesseront de corrompre l'opinion publique et de faire étinceler des glaives et des poignards, l'on verra les bons citoyens accepter ou rechercher les fonctions publiques.
Que ces sectaires cessent, par des pétitions isolées et mensongères, d'environner de crêpes la retraite des Roland, des Glavière, des Dumou-riez, des Servan; ils sont seuls à en pleurer la perte. (Vive agitation.)
Plusieurs membres parlent dans le bruit.
vient au bureau pour demander la parole. (Tumulte prolongé.)
Monsieur le Président, je demande la parole contre vous.
Plusieurs membres : A l'ordre ! laissez lire, factieux; pas de privilège pour M. Thuriot J
parle dans le tumulte.
(L'Assemblée décrète que M. Thuriot ne sera pas entendu.)
Je demande la parole après la lecture.
(d'Aubenas), secrétaire, reprend : Leur nomination avait scandalisé. (Grand bruit.)
Pour l'honneur de l'Assemblée, je demande la parole.
Un membre : Ne confondez pas l'honneur de l'Assemblée avec le vôtre.
Je demande la parole. (Bruit.)
Et moi, je demande qu'on continue la lecture.
Messieurs, veuillez m'en-tendre jusqu'au bout. (Murmures.) M. Delacroix
veut faire une observation sur la continuation de la lecture, et M. Mailhe demande que la lecture soit continuée, Je vais consulter l'Assemblée pour savoir si M. Delacroix sera entendu.
Plusieurs membres : Non ! non ! la lecture !
(L'Assemblée décrète que la lecture sera continuée.)
(d'Aubenas), secrétaire, reprend : Leur nomination avait scandalisé la France. Nous avons été les premiers à en témoigner notre indignation et notre étonnement. Qu'on examine leurs opérations, leur correspondance, l'on verra quels étaient leurs projets : l'éloge de tous les clubs, la dépression des autorités constituées. Ils voulaient, à force de persécution et de calomnies, flétrir les administrateurs et désorganiser les directoires qui, par la sévérité de leurs principes constitutionnels, déplaisent à la faction dominante. Ils voulaient perdre le généreux La Fayette et son intrépide armée. Les mesures étaient prises pour la faire périr de famine, et annuler les succès qu'elle nous promet. Nous attestons à la France entière, que les sieurs Roland et Servan ont fortement réprimandé le directoire du département de l'Aisne, de ce qu'à la voix du général de l'armée du centre, il a fait succéder l'abondance à la disette de son camp. Qu'ils apprennent que l'activité de cette administration ne s'est point ralentie, que par le civisme des citoyens de l'Aisne, son camp continue d'être approvisionné.
« Représentants du peuple, notre seule espérance, nous vous le disons avec franchise : le salut de l'Empire, le succès de vos travaux, la gloire de vos noms, le maintien de la Constitution, la tranquillité du royaume, le bonheur des Français, sont attachés a la destruction, à l'anéantissement de tous les factieux. Frappez ce coup, séance tenante, que les bons citoyens l'opèrent, et la France est sauvée, et la Constitution s'affermit invariablement sur sa base, et les législateurs du peuple français seront par lui proclamés ses pères et ses libérateurs.
« Lorsque les sociétés populaires du royaume ne seront plus influencées, gouvernées, séduites et trompées, comme elles ront été jusqu'à présent, elles cesseront d'être nuisibles et dangereuses, elles serviront même la chose publique. Le citoyen français est généralement bon et magnanime ; ce caractère, qui, en le constituant le premier des peuples, lui avait conquis l'estime ae l'univers, n'est pas totalement effacé: délivré de ses agitateurs, il se montrera ce qu'il est par sa nature.
« Qu'un plus grand nombre de bons citoyens fréquentent ces sociétés; leur présence fermera la bouche aux malintentionnés. Proscrivez les corporations de clubs, les correspondances entre eux; défendez que les postes alimentent ces communications dangereuses ; prononcez des dispositions pénales ; que les accusateurs pu-blics, que les procureurs généraux syndics, chargés de l'honorable mission de dénoncer ies crimes et les attentats contre les lois, veillent et agissent ; que les bons citoyens fassent connaître les mauvais ; et vous verrez les habitants des villes et des campagnes ne s'assembler que pour délibérer sur les véritables intérêts de la patrie ou de leurs communes, que pour étudier et se pénétrer de notre Constitution, environner les administrations de la confiance qui leur est si nécessaire, ne censurer les actes qui en émanent, que dans des intentions louableset avec les
ménagements que des frères se - doivent. Vous les verrez, nous les verrons entretenir avec soin le feu sacré du patriotisme, et faire germer tous les genres de vertus, d'émulation et de civisme.
« Souffrez encore, législateurs, que les citoyens pétitionnaires, soussignés, vous disent qu'il existe deux grands scandales au milieu de vous ; savoir : la division prononcée des deux partis dont les membres occupent chacun habituellement une place distincte et séparée, et l'intolérable obsession, la révoltante conduite des tribunes.
« Rien ne préjudicie plus à l'honneur de l'Assemblée, que cette opposition desdéputés, entre eux. Le mépris qu'affectent pour une portion de députés, tantlestribunes qu'ungrandnombre de pé-tionnaires, dégrade la majesté nationale (Rires à gauche), empêche et gêne la liberté des opinions, désigne aux insultes populaires des citoyens investis d'an caractère sacré, et outrage leurs commettants. Dans une grande Assemblée délibérante, l'identité absolue des opinions... (Murmures à gauche.)
Plusieurs membres : A l'Abbaye !
(d'Aubenas), secrétairecontinue : ... et des affections est presque impossible; c'est dans leur opposition que se mûrissent les bonnes lois; la vérité jaillit de leur choc. (Murmures.)
« Pour faire cesser ce premier mal, nous demandons que l'Assemblée nationale détermine et renouvelle quelquefois, par un tirage au sort, les places qu'occuperont, par moitié, dans les deux parties de la salle, les 745 députés. Que d'avantages attachés à cette mesure !
« Quant au second, les citoyens soussignés conjurent le Corps législatif de rendre les tribunes impassibles, en faisant punir sévèrement les citoyens qui se permettent d'approuver ou d'improuver vos délibérations. 11 n'appartient à personne de les influencer; et certes, les factieux de la capitale n'ont pas le droit d'exprimer l'opinion publique, c'est à la volonté nationale à la fixer. Il est temps qu'ils cessent de penser que l'Assemblée nationale est l'assemblée de la commune de Paris : ces signes actifs, pour ou contre, sont tout au plus tolérables dans les séances du corps municipal; mais leurs vociférations, leurs injures ne sont admissibles nulle part. Nous avons besoin, pour aimer les lois et pour en assurer l'exécution, de voir tous les Français fortement convaincus que les décrets que vous rendez sortent tous de votre amour pour la patrie, de votre respect pour les principes, de votre affection el de votre sollicitude pour l'universalité de l'Empire. Le vœu des 48 sections de la capitale n'est que la 83e partie du vœu national.
« Il est temps, législateurs, que des milliers de députations parisiennes cessent d'assiéger, souvent pour le même objet, quelquefois en sens inverse, la barre de votre Assemblée; il est temps de détruire l'abus déplorable de l'introduction de la force armée dans le temple des lois, la patrie gémit et souffre du temps perdu en plaisirs et en faveur accordés à une seule section de l'Empire.
« Législateurs, nous demandons vengeance de l'exécrable journée du 20 juin présent mois, jour affreux où le domicile du représentant héréditaire de la nation a été indignement violé et profané, où les jours du monarque ont couru de si grands dangers, où l'on a cherché à forcer sa sanction ! Jour de honte impérissable pour
Paris, de deuil pour tous les amis des lois! Eh quoi ! n'est-il pas dàuloureux de lire dans tous les papiers publics, que ceux qui sont chargés du maintién de la tranquillité et du mouvement de la force armée, sont accusés d'avoir toléré cette violation sacrilège, d'avoir enchaîné le zèle, le courage, le civisme de la brave garde nationale, de l'avoir exposée à perdre, en un jour, la gloire qu'elle s'est acquise pendant 3 années de travaux héroïques et de dévouement? Nous demandons, qu'attendu la gravité des faits et l'intérêt des circonstances, pour l'exemple de tous les corps administratifs, et la réparation due à la France et à ses lois, les auteurs responsables de cette insurrection soient décrétés d'accusation, pour avoir, par leur négligence ou par leur connivence, compromis la sûreté générale de l'Etat. Il faut ouvrir les portes des prisons d'Orléans, si ceux-là n'y entrent. Nous demandons encore que le roi se donne la garde que la Constitution lui accorde, et qu'il soit constamment et partout envisagé comme une propriété de la nation; sinon nous demanderions que vous quittassiez, qu'il quittât une ville qui se rendrait si criminellement inhospitalière, pour habiter une autre contrée plus digne dè posséder ce que la nation a de plus cher.
« Telles sont, législateurs, les demandes que forment, dans la pureté d'une conscience sans reproche, et par des motifs louables, des citoyens qui chérissent la Constitution, qui sont prêts à versé la totalité de leur sang et à donner toute leur fortune pour leurs représentants et pour leur roi. Si leurs intentions viennent à être mé-connuès, ils livreront, sans murmurer, leurs têtes à l'injustice ou à la malveillance. En songeant que l'effusion de leur sang pourra cimenter l'Acte constitutionnel et servi leur patrie, ils mourront contents en faisant des vœux pour vous et pour elle. »
« Signé : M. J. P. L. Boujot, 0. Guillot, C. G. LeVoirier, M. M. Rvoire, J. Tranchant, J. A. J. Vincron, tous citoyens, administratenrs du directoire du département de r Aisne.
monte à la tribune.
demande la parole.
Je mets aux voix si M. Mailhe sera entendu. (Murmures.)
Monsieur le Président, vous ne devez pas mettre aux voix si je serai entendu : de fait je dois l'être. (Nouveaux murmures.)
Je demande la parole pour un fait. (Murmures prolongési)
S'il y a de l'incertitude, faites l'appel nominal.
Le fait que j'ai à annoncer à l'Assemblée (Murmures.) est que cette adresse...
Si vous accordez la parole à Monsieur, il faut rapporter le décret.
C'est que cette adresse a été présentée au directoire de l'Aisne, pour être envoyée à l'Assemblée nationale; mais que le directoire de l'Aisne a rejeté l'adresse. (Applaudissements des tribunes.)
Plusieurs membres: C'est faux! c'est faux! (Bruit.)
Et le directoire n'a pas voulu y donner son assentiment; seulement 6, adminis-
trateurs ont signé cette adresse individuelle, et comme simples citoyens.
Plusieurs membres : Eh bien ! elle est constitutionnelle. (Applaudissements à droite.)
D'autres membres : Tant mieux, ils ne sont que 8, et 6 ont signé.
(L'Assemblée décrète le renvoi à la commission des Douze.)
(Il s'élève de violents murmures.)
Je demande la parole...
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
J'ai demandé la parole, et en ma qualité de représentant de la nation, j'ai le droit de faire une proposition, à moins qu'un décret ne me l'interdise. Cette proposition, la voici :
Je demande que l'adresse dont on vient de faire lecture soit contresignée par les secrétaires et renvoyée à la commission des Douze. Il faut nécessairement, entre autres, éclaircir un fait. Cette adresse contient uue dénonciation que vous ne pouvez pas voir avec indifférence 3 cx-ministres y sont dénoncés, il faut que les signataires soient punis comme calomniateurs...
Plusieurs membres (à droite) : Appuyé ! Mais le sont-ils ?
11 ne peut pas être douteux que sous ce seul point de vhe vous avez des Coupables à punir ; eh bien I c'est cette punition que j'invoque. Je demande que cette adresse Soit contresignée, paraphée et renvoyée au comité des Douze. Et alors, quand ce comité vous aura fait son rapport, je proposerai le décret d'accusation. (Rirès et applaudissements à droite.) Il est très certain qu'il y a dans cette adresse des Choses que les bons citoyens n entendent pas désavouer. Il n'est pas douteux qu'on y a consacré la violation la plus manifeste de la Constitution.
Ils la connaissent mieux que vous, Monsieur Gensonné.
J'observerai d'abord à l'Assemblée que les 6 signataires de cette adresse, puisqu'ils ne sont que de simples individus, puisqu'ils ne l'ont pas signée comme formant un arrêté du directoire du département, annoncent le projet d'une réquisition aux armées ; et je demande si lorsque La Fayette... (Bruit.)
Un membre : On voit bien que M. Gensonné n'y entend rien quand il est sorti du comité autrichien.
J'observe, en second lieu, que les signataires de cette adresse ont poussé l'impudence jusqu'à qualifier le décret que l'Assemblée a rendu en faveur des ministres dis-grâciés, comme l'effet d'une faction.
Plusieurs membres : C'est vrai !
Je ne conçoispas encore si on peut dire que la majorité des représentants de la nation est une faction. (Bruit.)
Un membre : J'observe que Monsieur entre dans la discussion de l'adresse.
S'il était possible de répondre à ces Messieurs, ont les entendrait patiemment.
cède le fauteuil à M. Daverhoult, ex -président.
Présidence de m. daverhoult.
je me borùè à relèVér 2 pro-
positions les plus inconstitutionnelles, et qui porteraient l'atteinte la plus mortelle à l'opinion publique. J'observe qu'on a proposé dans cette adresse, d'un côté la destruction des blubs.
Plusieurs membres : Non, non, de leurs correspondances et de leur influence!
On a demandé dans cette adresse...
Je demande que le premier qui interronipra l'orateur, de quelque côté qu'il soit, soit censuré. (Applaudissements.)
On a demandé dans cette adresse une loi qui détruisît les clubs, ou du moins qui leur interdît toute correspondance entre èux, et j'observe que les signataires de cette adresse ne se sont pas rappelé que cette proposition fut faite dans l'Assemblée constituante par M. Chapelier, et que la majorité de l'Assemblée constituante la repoussa comme inconstitutionnelle. (Applaudissements.)
Plusieurs membres : C'est faux!
Je demande à relever ce fait absolument faux.
On a fait un titre de gloire à M. La Fayette d'avoir demandé la destruction des sociétés populairès. Les signataires de cette adresse ont ignoré que M. La Fayette a créé le club des Jacobins de Paris; que c'est le premier qui y ait introduit les étrangers, et qu'il n'y a pas longtemps, qu'à l'époque du 1èr mars de l'année dernière, il ne voulait pas leur destruction. J'obserVe, en troisième lieu, qu'on a sollicité dans cette adresse d'interdire aussi la faculté d'assister à nos séances.
Tous les membres du côté droit : C'est faux, c'est faux! (Bruit.)
J'observe que les signataires ont demandé que les tribunes fussent interdites au peuple.
Plusieurs membres : C'est faux !
Je demande une secondé lecture de l'adresse qu'on calomnie. (Murmures.)
Les signataires de cette adresse n'ont pas osé demander littéralement que les tribunes de l'Assemblée fussent interdites au peuplé. Lorsque dans l'Assemblée nationale constituante la grande question du veto s'éleva, Mirabeau se fonda principalement pour le faire accorder au roi, sur lé motif qu'une législature corrompue pourrait cesser de rendre ses séances publiques. (Applaudissements des tribunes.)
Je demande une seconde lecture de l'adresse.
Un membre : Je demande qu'on ferme la discussion, qu'on paraphe l'adresse et qu'on renvoie au comité!
Je parle contre M. Gensonné.
dispute la tribune à M. Dumolard.
Je demande que cette adresse soit imprimée et distribuée à tous les membres pour être examinée avec maturité.
Un membre : Je demande, avec M. Gensonné, qu'on paraphe l'adresse !
On me dit qu'il y a une liste de parole.
Je demande la parole.
, lè Vôus rappelle à l'ôrdrè.
Je vous y rappelle vous-même, Monsieur le Président, (vive agitation.)
Plusieurs membres : A l'ordre!
(L'Assemblée décrète Je renvoi de cette lettre, après avoir été contresignée par le secrétaire de l'Assemblée, à la commission extraordinaire des Douze.)
(La séance est levée à onze heures.) 4
Séance du
présidence de m. gérardin.
La séance est ouverte à dix heures.
. L'Assemblée acccorde à
, député du,Pas-de-Calais, un congé de 12 jours.
Un de MM. les secrétaires annonce les doiis patriotiques suivants :
1° Les ouvriers de la manufacture du sieur Réveillon, envoient pour le mois de juin, une somme de 150 livrés en assignats:
2° Les inspecteurs et visiteurs des rôles du département de l1 Yonne offrent : 1° trois quittancés sur le Trésor publieront deux de 50 livres et la troisième de 25 livres; 2°trois assignats de 20 livres chacun; 3° un assignat de 5 livres, 4° un lpuis d'or de 24 livres ; 5° en numéraire 24 livres.
(L'Assembléé accepte ces offrandes avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis aux donateurs.)
, au nom du comité des assignats et monnaies, fait la seconde lecture (1) d'un projet de décret sur la circulation des assignats par la poste. Ce projet de décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, sur le rapport de son comité des assignats et monnaies, décrète :
« Art. 1er. A compter du 1er juillet prochain, tous les citoyens
qui voudront faire Charger à la poste des assignats pour quelque somme que ce soit, sous la
garantie et la responsabilité de l'administration des postes, seront tenus d'y apposer leurs
signatures sans aucune forme d'endossement.
« Art. 2. Le directeur ou ses préposés apposeront sur chacun des assignats, présentés ainsi au chargement, une empreinte portant le nom de la ville dans laquelle est placé son bureau. Il indiquera celle où doivent aller les assignats par ces mots : Payement suspendu au bureau de...
» Art. 3. Après avoir mis au dos de chaque assignat l'empreinte et la suspension, le directeur en prendra charge sur un registre imprimé, coté et paraphé.
« Art. 4. Le directeur des postes, après le chargement et l'enregistrement, renfermera lui-même, ou ses préposés, les assignats dans la lettre ou paquet, en présence du déchargeur, lequel signera le registre de charge.
« Art, 0. Sont exceptés de la signature et du timbre tous les assignats au-dessous de la
valeur de 50 livres.
« Art. 7. Le chargement des lettrés et paquets portant des valeurs d'assignats ne pourront être faits que la veille du jour du départ et du passage des courriers, ou le même jour seulement, dans les villes oû les départ et pâssagê n'auraient lieu que la nuit.
« Art. 8. Les lettres et paquets chargés avec valeurs d'assignats ne pourront être remis qu'à ceux à qui ils seront adressés, ou au porteur de leur ordre écrit, il leur sera, en conséquence, donné, dans le jour de l'arrivée des courriers, avis du chargement qui les concernera. Leê lettres et paquets leur seront délivrés moyennant décharge sur le registre imprimé à ce destiné.
« Art. 9. Les directeurs des postes dans les bureaux desquels seront parvenus les assignàts chargés, énonceront sur chacun desdits assignats la levée de la suspension par ces mots : suspension levée, et signeront. La lettre ou le paquet renfermant les assignats ne pourra être ouverte que par la personne à qui elle sera adressée, ou son porteur d'ordre, en présence du directeur.
« Art. 10. Les registres et feuilles d'envoi seront tenus dans la forme annexée au présent décret.
« Art. 11. La taxe du double port établie par l'article 20 de la loi du 22 août 1791 sera continuée pour toutes les lettres ou paquets chargés renfermant ou non des assignats, qui seront présentés cachetés.
Art. 12. Il sera payé, en outre, du doublé port par les chargeurs d'assignats qui voudront jouir de la garantie, et qui se conformeront aux dispositions des articles 1, 2 et 3 du présent décret, 10 sols pour 100 livres des valeurs qu'ils feront charger.
« Art. 13. La taxe du double port ne sera néanmoins perçue sur les assignats ou lettres portant des assignats remis à découvert, què pour les chargements qui n'excéderaient pas 300 livres. Pour ceux au-dessus de 300 livres, les paquets et lettres payeront la taxe du port simple et les 10 sols par 100 livres des valeurs, conformément à l'article précédent.
« Art. 14. Sur les 10 sols par 100 livres, payés pour droit de garantie, les directeurs des postes seront autorisés à en retenir le cinquième, et feront compte du restant à l'administration des postes.
« Art. 15. Les chargeurs des lettres et paquets simples ou renfermant des valeurs, qui n'auraient pas été chargées dans la forme ci-dessus prescrite, ne pourront, en cas de perte, prétendre à une plus forte indemnité que celle portée par l'article 21 de la loi du 22 août 1791.
« Art. 16. Il ne pourra être présenté au chargement, dans les bureaux de poste, aucune somme en assignats renfermés dans des boîtes ou caissons; les directeurs ne pourront recevoir que des assignats contenus ou renfermés dans des enveloppes en papier.
« Art. 17. Toutes les fois qu'une lettre ou paquet renfermant des assignats chargés aux formes prescrites par le présent décret se trouveront égarés ou perdus, le chargeur desdits assignats sera autorisé à èh réclamer ,lè remboursement total à l'adiùinistratiôà dès pôsïês,
dans le délai d'un mois. Il lui suffira, pour obtenir ce remboursement, de présenter au bureau du chargement la déclaration du directeur du bureau auquel étaient adressés la lettre ou le paquet, laquelle déclaration portera qu'ils n'y sont pas parvenus.
« Art. 18. Dans le cas de violence, d'arrestation ou de vol des courriers, légalement constaté, l'administration des postes ne sera tenue à aucun remboursement des effets qui auraient été chargés, eu totalité ni en partie.
(L'Assemblée ajourne à huitaine la troisième lecture.)
. Une dame hollandaise patriote me charge de déposer sur le bureau une somme de 500 livres; elle ne veut pas que son nom soit connu.
(L'Assemblée accepte l'offrande avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal.)
, au nom des comités de Vordinaire et de l'extraordinaire des finances réunis, fait un rapport (1) et présente deux projets de décret (1) tendant au remplacement des avances faites jusqu'à ce jour, par diverses administrations, pour le déplacement et l'emploi de la force publique, en cas de troubles intérieurs; et à la proposition d'une loi qui fixe pour l'avenir le recours et la solidarité à exercer par la nation contre les auteurs de ces troubles; il s'exprime ainsi :
Messieurs, j'appelle la sollicitude de l'Assemblée nationale sur un article extraordinaire des dé-
Ïienses publiques, branche excroissante parmi es ramifications d'une administration vaste et régénérée; branche vorace et parasite, qui se nourrit des sucs les plus purs du tronc politique, qui le dessèche et finirait par le tuer, si un gouvernement vigoureux et sage n'en extirpait le germe dès sa naissance. Ce sont les fermentations inséparables d'une grande révolution, et les moyens extraordinaire de force publique, que les corps administratifs ont été obligés d'employer pour en comprimer l'effet.
Lorsque l'Assemblée constituante a fait entendre les éternelles vérités qui ont éveillé les peuples, elle s'est attendue au courroux des despotes et à la lâcheté des esclaves ; elle a pressenti le concert des tyrans pour étouffer les saints transports de la liberté ; elle a prévu qu'elle livrait à la fois la guerre à toutes les passions et à toutes les faiblesses de l'humanité; en conséquence, elle a créé une force publique imposante, composée de deux éléments bien distincts: le premier, destiné à repousser les ennemis extérieurs, et l'autre à contenir ceux du dedans. C'est, Messieurs, de l'usage de cette seconde partie de la force publique que je viens vous entretenir, au nom de vos comités réunis de l'ordinaire et de l'extraordinaire des finances.
Plusieurs corps administratifs, que des troubles survenus dans leur territoire ont forcés d'avoir recours au déplacement de la force publique, se sont successivement adressés au ministre de l'intérieur pour obtenir le remboursement des frais extraordinaires que cette mesure avait nécessités.
Parmi ces réclamations, il en est qui datent d'un an; d'autres, plus récentes, n'en
appellent pas moins votre attention, Messieurs; elles sol-
Pour le faire cesser, Messieurs, et afin d'économiser des moments consacrés au salut de la France, vos comités ont réuni les demandes de cette nature, jusqu'à ce jour faites au ministre ; ils en oq| examiné les causes, pesé et appliqué les circonstances aux lois existantes sur l'emploi de la force publique dans l'intérieur du royaume; enfin ils ont calculé la somme de ces dépenses, et se sont fait un devoir de vous présenter des vues qui pussent embrasser 1 ensemble de cette partie essentielle de l'ordre public.
Selon l'état fourni par le ministre, 20 directoires de département se sont trouvés dans des conjonctures qui ont nécessité l'em >loi de cet appareil redoutable, mais salutaire de la souveraineté nationale. Je vous épargnerai, Messieurs, le tableau déchirant des excès qui ont souillé quelques points de l'Empire ; mais c'est avec le sentiment d'une vive satisfaction, que je vous atteste que la loi a presque toujours triomphé, sans effusion de sang. Ce n'est qu'après avoir épuisé tous les moyens de douceur et de persuasion, que les corps administratifs ont employé ceux de sévérité; et je ne doute pas que ce ne soit à la sage application de ces mêmes moyens, que nous ne soyons redevables du salut de l'Etat, malgré les agitations funestes auxquelles il est en proie depuis 4 ans, et malgré la rage de nos innombrables ennemis.
Par l'examen très exact que vos comités ont fait des pièces étant à l'appui des demandes formées, tant par les directoires de département, que par des trésoriers de district et autres fournisseurs, pour avances faites d'après les ordres des administrations, il paraît que les circonstances qui ont donné lieu aux divers déplacements ae la force publique, sont de 4 espèces : la première, et c'est la plus fréquente, a eu pour objet d'éteindre les torches du fanatisme allumées par des prêtres insermentés, qui traversaient clandestinement l'installation de curés constitutionnels ; la seconde a été nécessitée pour prévenir les suites d'insurrections contre la libre circulation des grains : la troisième, afin de dissiper des attroupements formés pour piller et incendier des châteaux; et la quatrième, enfin, pour calmer, par le développement de la force, des bruits perfidement semés d'invasion prochaine de 1 ennemi, que des ennemis plus dangereux avaient répandus pour jeter l'alarme et la consternation dans les esprits.
15 de ces directoires ont formé des demandes et présenté des états, s'élevant à la somme de 61,546 1. 9 s. 3 d.
4 font des demandes indéterminées, et se bornent à interroger le ministre pour savoir sur quels fonds ils doivent être remboursés.
Un de ces départements, enfin, celui de Seine-et-Oise, annonce avoir déboursé 10,000 livres ; il demande qu'il en soit versé 20 à la caisse de son district pour fournir à ce service extraordinaire, encore en activité dans ce département. Je ne dois pas vous dissimuler, Messieurs, l'arbitraire et la dissemblance qui régnent dans la distribution de ces fonds. Quelques administrations ont arrêté de.fournir des hautes payes pour tenir lieu d'étape: d'autres se sont conformées à la fixation légale de la solde; d'autres enfin ont fait une cote mal taillée et accordé une somme
fixe et déterminée en gratification, pour la durée du déplacement : il vous sera facile, Messieurs, de corriger ces bizarreries, en ramenant tous ces frais à un seul et même mode; mais ce qu'il importe à l'ordre de la comptabilité de vos caisses de fixer, c'est que ces dépenses soient assignées sur les fonds affectés au service de chacune des années auxquelles elles ont eu lieu.
Les avances faites en 1791, dont les états vous sont présentés, s'élèvent à 40,499 1. 9 s. 3 d. et celles réclamées pour 1792, à 21,047 1. 7 s.
Avant de vous soumettre, Messieurs, les vues de vos comités sur la nature de cette dépense et les moyens d'y faire face, c'est, ici, je crois, le lieu de vous exposer l'opinion qu'un conseil de ministres a manifestée sur ces diverses questions. Je dis un conseil, parce que la première demande de cette nature fut faite à M. Cahier, par les directoires des départements de la Drôme, aes Bouches-du-Rhône et du Gard, relativement à l'envoi des gardes nationales de ces départements dans le Comtat. Soil que ce ministre imaginât que cette affaire n'était pas de sa compétence exclusive, ou qu'il voulût se renforcer des lumières de son collègue, il se concerta avec M. Tarbé, alors ministre des contributions, sur le mode de payement qu'il convenait d'adopter en pareil cas; et voilà, Messieurs, le résultat de ce concert auquel M. Roland a postérieurement adhéré. Les trois ministres ont bien pensé que la dépense des gardes nationales envoyéés par la France comme puissance au Comtat, alors considéré comme Etat voisin, et à titre de médiation, devait être acquittée par la Trésorerie nationale ; mais ils ont pensé en même temps que la question devait être décidée par d'autres principes, lorsqu'il s'agissait de gardes nationales employées par les corps administratifs pour apaiser les troubles intérieurs élevés dans les municipalités, les districts ou les départements ;et voilà, Messieurs, le tarif qu'ils ont imaginé de vous proposer.
Ils ont trouvé convenable, lorsqu'une municipalité serait dans le cas d'appeler à son secours les gardes nationales des municipalités voisines, de faire à l'avenir supporter les deux tiers des frais de déplacement a la municipalité requérante, et l'autre tiers à tout le district; lorsque ce serait un district qui appellerait la force des districts voisins, que les deux tiers des frais fussent à la charge du district requérant, et l'autre tiers à celle du département; et enfin, que si la réquisition était faite par un département aux départements voisins, les deux tiers des frais de déplacement fussent à la charge du département, qui pourrait en imposer une portion plus ou moins forte sur le district qui aurait commencé le trouble, et l'autre tiers à la charge du Trésor public.
Quant aux dépenses déjà, faites, ils ont été unanimement d'avis qu'elles doivent être assignées sur ie Trésor public.
Quelque ingénieuse que paraisse la graduation de recours qui vous est présentée par les minis-
comités ni solides ni mesurées; d'ailleurs, elles sortaient de la ligne que vous leur aviez tracée. Ce u'est point une loi générale et applicable aux déplacements futurs ae la force publique que vous leur avez demandée; vous les avez chargés de vous présenter des vues sur les frais de cette nature déjà faits, et ils se sont renfermés dans les bornes que vous leur avez prescrites. Ce n'est
pas, Messieurs, qu'ils ne regrettent que le silence de la loi reiette sur le corps social une charge qui naturellement devrait être supportée par ceux qui l'ont occasionnée : sans doute, il importe de prévenir, par une loi sage, l'abus que les administrations pourraient faire ae la faculté de diriger légèrement l'emploi de la force publique; les hommes en place n'ont que trop une tendance naturelle vers l'abus du pouvoir; et la liberté pourrait un jour être blessée par les armes mêmes forgées pour la défendre. D'ailleurs, Messieurs, il n'est pas juste de laisser plus longtemps la nation grevée des suites qu'entraîne la répression des délits partiels. Une législation sage ne doit admettre que des peines strictement et évidemment nécessaires; il serait d'une souveraine injustice que quarante départements, qui se seraient distingués par l'exemple constant de l'ordre et de la soumission à la loi, fussent solidaires et responsables des écarts de 40 autres départements qui auraient donné le scandaleux spectacle de l'insubordination et de l'anarchie
Vos comités vous proposeront donc de leur adjoindre celui de législation, pour vous présenter incessamment un projet ae loi qui détermine, d'une manière fixe et invariable, à la charge de qui sera à l'avenir la dépense du déplacement de la force publique pour cause de troubles intérieurs et insurrections populaires.
Mais par qui les frais extraordinaires occasionnés jusqu'à ce jour par le déplacement de cette force seront-ils supportés?
Messieurs, le temps seul peut donner à des lois naissantes la perfection que leur promet le siècle des lumières et de la raison; leur insuffisance est une grande leçon pour nous ; notre devoir est d'y suppléer par l'application des principes au cas qu'elles n'ont pas prévu. La Constitution est un guide avec lequel on ne peut jamais s'égarer : nous "y lisons que le Dut ae toute association est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme et du citoyen, qui sont la liberté, la propriété, la sûreté et l'appui du souverain contre l'oppression ; elle nous dit que la force publique est constituée pour l'avantage de tous; que l'entretien de cette force et les frais d'administration sont également répartis sur tous ; enfin elle détermine que la disposition de la force publique dans l'intérieur au royaume appartient essentiellement aux officiers civils élus par le peuple. 11 découle naturellement de ces principes la conséquence que les frais extraordinaires occasionnés pour l'emploi indispensable de cette force doivent être à la charge du Trésor public jusqu'à ce qu'une loi expresse y déroge.
Ces principes posés, il est essentiel de parcourir la loi qui détermine les cas auxquels les corps administratifs doivent déployer l'appareil d'une force extraordinaire. Le décret des 26 et 27 juillet 1790 lève toutes les équivoques à cet égard : en en rapprochant les dispositions, on voit qu'il a prévu les circonstances, réglé les formes, et enfin déterminé les conditions de cette mesure extrême et salutaire.
L'article 10 de cette loi prescrit aux corps administratifs, sous leur responsabilité, l'emploi de la force publique contre les troubles, attroupements séditieux et insurrections.
En cas d'insuffisance de la force locale, l'article 12 les autorise à requérir des troupes de ligne. En effet, qui peut mieux que les magis-
trats du peuple apprécier les circonstances où les moyens ordinaires et locaux sont insuffisants pour réprimer les excès qui menacent la tran-quilité publique? Qui peut mieux qu'eux juger la nécessité d'arrêter par des mesures efficaces un incendie d'abord partiel, mais qui, s'il n'était éteint dans son principe, s'étendrait de proche en proche et finirait par embraser un district ou même un département entier?
L'article 16 porte expressément que si la sédition venait à s'étendre, le procureur général pourra requérir la force publique, autre que celle du district où le désordre est arrivé.
Dans tous ces cas, la loi ne met d'autre condition à l'usage de ces mesures que d'en donner avis au roi, ainsi que des événements qui surviendront.
Aucune de ces dispositions ne préjuge ni ne laisse même apercevoir la plus légère intention de la part des législateurs de rejeter sur les citoyens les frais de l'emploi extraordinaire de la force publique.
Mais ce qui a paru à vos comités devoir tranchée la question, c'est qu'il existe déjà une loi parfaitement conforme aux principes que l'ai développés, et absolument applicable à l'espece de demandes qui vous sont faites ; elle deter^ mine, dans un cas particulier de troubles intérieurs, quelles dépenses doivent être à la charge du Trésor public, et quelles autres sont susceptibles d'être supportées par les contribuables du territoire sur lequel le trouble a eu lieu : cette loi est du 26 août dernièr. La distinction qu'elle consacre est un flambeau précieux pour la décision de la question qui vous est soumise.
Uné insurrection majeure s'était manifestée dans le département de l'Aude, qui avait nécessité le déplacement d'une force imposante, dont les frais s'élevèrent à 25,222 1. 19 s. 5 d. Parmi les excès qui en furent la suite, on remarque l'incendie ae la maison du sieur Verdier, dont le dédommagement fut fixé à 8,095 1. 15 s. 8 d. Eh bien! Messieurs, l'Assemblée constituante décréta que la première somme relative à l'em-
Îtloi de la force publique serait acquittée par a "Trésorerie nationale, et la seconde, relative à l'incendie, imposée sur tous les contribuables de l'arrondissement.
Votre intention, Messieurs, n'est pas de peser à des balances inégales les intérêts des divers départements.
D'après toutes ces considérations, vos comités réunis des finances m'ont chargé de vous présenter les deux projets de décrets suivants :
Décret d'urgence.
L'Assemblée nationale, considérant que des circonstances impérieuses ont nécessité dans plusieurs départements le placement de la force publique ; que les frais occasionnés par cette mesure ont eu pour objet d'étouffer dans leur principe des germes d'insurrection et de désordre public; considérant enfin que ces frais ont été pris et avancés par les corps administratifs sur les fonds destinés au service public, et qu'il importe qu'ils soient incessamment remplacés, décrète qu'il y a urgence.
Décret définitif.
L'Assemblpe nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités réunis des finances et décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
Art. 1er. Il sera pris sur les fonds affectés aux dépenses
imprévues et mis à la disposition du ministre de l'intérieur par les commissaires de la
trésorerie nationale, savoir : la somme de 50,000 livres sur l'exercice d* 1791, et celle de
30,000 livres sur celui;de 1792, pour faire face aux frais extraordinaires de déplacement de
la force publique, que des troubles intérieurs auront nécessité dans les départements
mentionnés aux états fournis par ce ministre.
Art. 2. Ne seront alloués comme frais extraordinaires d'emploi de la force publique que la solde attribuée aux gardes nationales en activité de service, et les avances ou fournitures ayant pour objet de compléter la solde des diverses armes, lorsqu'elles sont employées pour un service extraordinaire : les frais de déplacement ne seront attribués que pour une absence de plus de 24 heures du lieu de la résidence de la force légalement requise et employée.
« Art. 3. Les trésoriers ou fournisseurs publics; qui, d'après le mandat des administrations, auront fait des avances de fonds, de vivres ou de munitions pour de semblables déplacements, en dresseront des états détaillés et appuyés des pièces justificatives : ces états seront visés par les directoires de district et envoyés aux directoires de département, qui les feront passer, duement certifiés, au ministre de l'intérieur.
« Art. 4. Ce ministre remplira les réclamants de leurs avances dûment constatées, et rendra compte, de trimestre en trimestre, de l'emploi des sommes mises à sa disposition.
Autre décret.
« L'Assemblée nationale, voulant affranchir le Trésor public des frais extraordinaires de déplacement de la force publique pour la répression des troubles et désordres intérieurs,
« Charge ses comités de législation et des finances reunis de lui présenter incessamment un projet de loi qui fixe les cas où les frais extraordinaires de déplacement de la force publique pourcause de troubles, désordres et insurrections devront être supportés par les départements, districts et municipalités, ou même par les individus qui les auront excités, et détermine les graduations de recours ou de solidarité que le corps social aura, à l'avenir, à exercer contre ceux de ses membres ou sections qui l'auront agité par de semblables excès. »
(L'Assemblée ordonne l'impression du rapport et des projets de décrets et ajourne la discussion à 3 jours.)
, au nom du comitéde commerce, (1) fait un rapport et présente un projet de décret relatif à la fixation des droits d'entrée sur les tabacs étrangers : il s'exprime ainsi :
Messieurs, lorsque l'Assemblée nationale constituante s'est déterminée à supprimer le
privi lège exclusif du tabac, elle a pensé que, pour faciliter le débouché de ceux de la
ci-aevant ferme générale qui devaient être vendus au compte de la nation, elle devait
repousser momentanément les tabacs étrangers. Elle a voulu, en conséquencè, qûe ceux en
feuilles de nos colonies, de celles espagnoles, des Etats-Unis d'Amérique, du Levant et de
l'Ukraine, pour ne payer que 18 livres 15 bous par qûintal, fussent importés par
Cette mesure a produit une partie de l'effet que l'on en avait espéré; la majeure partie des tabacs appartenant à la nation s'est promptement écoulée; mais le droit excessif imposé sur quelques-uns de ces tabacs et la prohibition dont on avait grevé quelques espèces indispensables à une bonne fabrication ont été lasource d'une contrebande toujours inévitable, lorsque le droit est excessif et la marchandise de peu de valeur et d'un débit assuré. Le moindre inconvénient de cette fraude a été la destruction de la balance qui devait exister entre les fabricants. Le fabricant qui a acquitté le droit n'a pu soutenir la concurrence de celui qui a su l'éluder; et toutes les manufactures de tabac, nonobstant les efforts de la régie des douanes et les dépenses qu'elles ont exigées, ont souffert de l'introduction des tabacs fabriqués venus de l'étrangeri.
Votre comité de commerce n!a vu qu'un moyen de faire cesser cet ordre de choses, celui de diminuer le droit et de lever les prohibitions qui existent pour, quelques espèces de tabacs en feuilles; il a pensé en même temps que le tabac en ciyares, n'ayant reçu presque aucune main-d'œuvre, pouvait être admis, en payant le plus fort droit du tabac en feuilles.
A cet effet, Votre comité vous propose de réduire à 10 livres par quintal le droit de 18 livres 15 sous aussi par quintal, imposé sur les tabacs en feuilles de nos colonies, des colonies, espagnoles, des Etats-Unis d'Amérique, de l'Ukraine et du Levant, importés sur bâtiments français; à 12 livres le droit de 25 livres que supportaient les tabacs, venant desdits pays par navires espagnols, américains, russes et levantins, ou par terre par les bureaux de Lille, Va-lenciennes et Strasbourg; d admettre, moyennant le droit de 15 livres par quintal, non seulement les tabacs en feuilles venant desdits pays et de tous autres, quels que soient les bâtiments sur lesquels ils seront importés, mais encore ceux en cigares.
En graduant ainsi les droits, on laisse à la navigation française, pour le transport des tabacs nécessaires à -la consommation du royaume, l'avantage que le droit actuel surle.tabac a voulu lui ménager. On ne rejette aucun tabacen feuille, quels que soient son origine, et le lieu de son chargement. On ne surcharge pas d'un droit excessif les consommations de goût. On peut encore espérer, par cette mesure, que, vu notre supériorité dans la fabrication de tabacs, il ne restera plqs d'aliment à la fraude, qu'ainsi le produit au droit sur le tabac étranger excédera Celui actuel.
Je vais avoir l'honneur de vous donner lecture du projet de décret :
Projet de décret.
« Art. ler. A Compter du 1er octobre prochain, l'importation de
toutes espèces de tabacs en feuilles est permise, en payant 10 livres du quintal pour les
tabacs qui sont assujettis au droit de 18 1. 15 s.; 12 livres pour ceux qui payent 25 livres
;et 15 livres pour tous les autres, même ceux en cigares. Les droits de 10 livres et de 12
livrés seront perçus tant sur les tabacs
qui seront importés, à compter de la dite époque, que sur ceux qui seront alors en entrepôt. Les tabacs du Levant seront admis en balles et ceux d'Amersfort en paniers.
« Art. 2. Les tabacs en feuilles importés par mer, jouiront de 18 mois d'entrepôt: ils pourront même passer, par continuation d'entrepôt, d'un port à un autre; il n'acquitteront le droit que sur le poids effectif et seulement à l'expiration du délai de l'entrepôt, ou lorsqu'ils en seront retirés pour la consommation nationale : le tout à la charge que les magasins ne pourront être que sur les ports, fournis par les négociants à leurs frais, et dont les préposés de la régie auront une clef
i Art. 3. Les tabacs fabriqués, qui seront vendus par suite de saisie, seront assujettis au droit de 15 livres par quintal. »
(L'Assemblée ordonne l'impression du rapport et du projet de décret et ajourne la seconde lecture à huitaine.)
, au nom du comité de l'ordinaire des finances, fait un rapport et présente un projet de décret (1) pour le complément des dépenses ordinaires de la marine et des colonies, et pour les dépenses extraordinaires de ce département pour l'année 1791 ; il s'exprime ainsi :
Messieurs, les dépenses ordinaires pour le service du département de la marine et des Colonies, furent réglées par le decret du 18 février 1791, à 40,500,000 livres, quoique l'état général, présenté par le ministre de la marine, portât ces dépenses à 43,489,632 L 9 s. 6 d.
La fixation à 40,500,000 livres était fondée sur un projet de réduction fourni en 1789, et qu'on espérait pouvoir mettre à exécution, mais à cette époque, où l'on présumait que les dépenses éprouveraient une réduction, l'on avait été éloigné de prévoir les augmentations que l'Assemblée nationale constituante a accordées en 1790 et 1791, tant sur la solde des troupes entretenues et des marins, que sur les appointements des officiers de la marine. Ces accroissements ont détruit toute possibilité d'opérer de réduction sur les dépenses projetées et détaillées dans l'état général.
On s'aperçut bien que la fixation à 40,500,000 livres serait inférieure aux besoins, car il fut ré^ servé d'en démontré l'insuffisance: c'est cë qui résulte, en effet, du projet général présenté par le ministre de 1a marine, qui élève les dépenses variables ou fixes de 1791, tant pour la marine que pour les colonies, à 43,189,632 L 9 s. L'on ne sera pas étonné que les dépenses ordinaires s'élè^ vent à une si forte somme, lorsqu'on examinera que les augmentations décrétées pour la solde des marins, s'élèvent à près de 3 millions, et que l'on a entretenu en mer un nombre de bâtiments considérable pour conserver notre marine sur un pied respectable.
Le même état, fourni par le ministre delà marine, présente l'aperçu des dépenses
extraordinaire de son département pour 1791 : elles provenaient en partie des armements
ordonnés en 1790, et prolongés en 1791, et en partie des approvisionnements de précautioh
pour remplacer sans délai le dépérissement des effets, et compléter l'armement des vaisseaux
et autres bâtiments. Ces dépenses extraordinaires s'élèvent à 7,784,999 livres.
Enfin le département de la marine réclame le montant des dépenses occasionnées par le changement des pavillons, flammes et guidons des bâtiments de l'Etat, changement qui avait été prescrit par la loi.
' Votre comité de l'ordinaire des finances, auquel vous avez renvoyé pour vous rendre compte de ces différentes demandes du ministre de la iparine, les a sérieusement examinées ; et 11 n'a pu se dispenser de convenir que le ser-vicedela marine soutfraitd'unemanière étrange, si l'Assemblée nationale différait de lui affecter les fonds nécessaires pour acquitter, soit les dépenses ordinaires, soit les dépenses extraordinaires.
Dans les circonstances actuelles, le service de ce département peut exiger une activité non interrompue. Il pourrait en résulter les plus graves inconvénients, si le ministre n'avait à sa disposition les fonds suffisants pour continuer les différents travaux entrepris, et pourvoir aux approvisionnements indispensables pour ne pas se trouver au dépourvu dans des moments pressants.
Les dépenses ordinaires de la marine furent fixées en 1791 à 40,500,000 livres, parce qu'il avait été présenté un projet de réduction qu'on croyait pouvoir mettre en exécution ; mais ayant été décrété une augmentation de solde pour les gens de mer, cette augmentation a détruit l'espérance de diminuer les dépenses; elle arrive à prés de 3 millions : par ce moyen le projet général des dépenses de la marine et des colonies ne saurait souffrir de réduction, sans exposer le service de ce département à manquer de quelque côté; ce qui n'entre certainement pas dans rintention de l'Assemblée nationale.
En 17$0, il avait été ordonné l'armement de plusieurs bâtiments, qui a été prolongé en 1791, sans qu'il ait été affecté dés fonds pour les frais extraordinaires qu'entraînaient la solde,la nourriture des marins employés, et autres objets indispensables pour l'activité del'armementr
La prudence exigeait aussi de faire des approvisionnements en munitions navales pour réparer les dépérissements que les effets de navigation éprouvent journellement dans une activité de service. Il aurait été d'une mauvaise politique de ne pas prévoir les moyens de réparer promptement les avaries; et le ministre serait bla-mabled'avoir négligé de semblables précautions. Ces divers objets ont besoinde fonds particuliers ;
i ils n'ont point été réglés ; et l'aperçu que présente le ministre pour l'armement, l'entretien et les approvisionnements de différentes natures, offre une dépense extraordinaire de 7,784,9991.
Les troubles qui, malheureusement, ont agité la Martinique et Tabago, indépendamment des désastres particuliers, suite inévitable des convulsions ont, non pas retardé, mais empêché le recouvrement des impositions qui se percevaient dans ces îles, comme ces impôts acquittaient une partie des dépenses que l'Etat paye pour les différents établissements répandus dans ces îles, ou pour les garnisons qui s'y entretiennent; ce défaut de perception, qui néanmoins n'a pas diminué les dépenses ordinaires de cette partie de nos colonies, a cependant laissé un vide, auquel il a fallu pourvoir: c'est la caisse de la marine qui les a avancées, il devient nécessaire de lui en faire le remboursement.
La Martinique était annuellement imposée à 666,666 livres, et Tabago à 160,000 livres : les événements en ayant rendu les recouvrements impossibles en 1790 et 1791, ont procuré un déficit de 1,653,332 livres, pour le remplacement duquel il doit être tiré des fonds de la caisse de l'extraordinaire.
Deux décrets avaient ordonné des armements pour Saint-Domingue et Cayenne; un décret du 18 juin 179.1, relatif aux troubles de la Corse, portait qu'il y serait envoyé deux frégates. Les armements ont eu lieu, et ont coûté 525,398 livres.
Dans le mois d'octobre 1790, il fut décrété que les pavillons des bâtiments de l'Etat seraient changés et remplacés par les trois couleurs; ce signe de la liberté flotte sur les vaisseaux de la nation, et vous décréterez volontiers la dépense de cette nature, qui s'élève à 117,972 livres.
Voici le projet ae décret que j'ai l'honneur de vous présenter :
Décret d'urgence.
L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de l'ordinaire des finances sur les besoins du service du département de la marine et des colonies, pour lequel il est instant d'affecter des fonds pour acquitter les dépenses en 1791, et voulaiit y pourvoir, décrète qu'il y a urgence.
Décret définitif.
Art. 1er. Après avoir décrété l'urgence, l'Assemblée nationale
décrète que la Trésorerie nationale tiendra à la disposition du ministre de la marine : 1° la
somme de 2,989,632 livres pour acquitter l'excédent des dépenses ordinaires de la marine et
des colonies pendant l'année 1791.
2° La somme de 7,844,999 livres pour les dépenses extraordinaires du mêmê département pendant la même année, soit pour les armements ordonnés en 1790 et prolongés en 1791, soit pour les approvisionnements de précaution de différentes natures.
3° La somme de 2,396,722 livres ; savoir : pour l'armement fait en 1791 des frégates destinées pour Saint-Domingue, Cayenne et la Corse, 525,398 livres; pour le remplacement des impositions de la Martinique et de Tabago, pour les années 1790 et 1791, la somme de 1,653,332 livres, et pour le changement de pavillons, 117,992 livres : toutes les sommes ci-dessus arrivant à 13,131,353 livres.
Art. 2. Le ministre de la marine sera tenu de rendre compte de l'emploi des fonds décrétés par l'article précédent.
Art. 3. En remplacement desdits fonds, la caisse de l'extraordinaire versera à la Trésorerie nationale pareille somme de 13,131,353 livres.
(L'Assemblée ordonne l'impression du rapport et du projet de décret et ajourne la discussion à mardi prochain.)
Un membre, au nom du comité de l'extraordinaire des finances, présente un projet de décret tendant à accorder pour l'exercice du culte, à la commune d'Ambronay, district de Saint-Rambert, département de l'Ain, l'église des ci-devant bénédictins de cette commune; ce projet de décret esi ainsi conçu :
L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de l'extraordinaire des finances, sur la pétition de la commune d'Ambronay, district de Saint-Rambert, département de l'Ain, et sur l'avis du ministre de 1 intérieur, considérant qu'il est instant de fournir aux paroissiens d'Ambronay un lieu suffisantpour l'exercice de leur culte, décrète qu'il y a urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de l'extraordinaire des finances et décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
Art.1er.
« L'église des ci-devant religieux bénédictins d'Ambronay sera, à compter du jour de la publication du présent décret, destinée à l'exercice du culte de ladite paroisse, et remplacera l'église paroissiale.
Art. 2.
« L'ancienne église paroissiale dudit Ambronay sera vendue au profit de la nation, dans la même forme et aux mêmes conditions que les autres biens nationaux. »
(L'Assemblée adopte le décret d'urgence, puis le décret définitif.)
Le même membre, au nom du comité de l'extraordinaire des finances, présente un projet de décret sur la pétition du sieur Louis-Philippe-Joseph, Bourbon, prince français, propriétaire au cariai du Loing, tendant à ce qu'il soit sursis à Vadjudication des deux moulins de Nemours; ce projet de décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de l'extraordinaire des finances, sur la pétition du sieur Louis-Philippe-Joseph Bourbon, prince français, propriétaire du canal de Loing; considérant qu'il est nécessaire pour le bien de la chose publiquede prendre des précautions pour qu'il ne soit jamais porté aucune atteinte à la sûreté de la navigation de ce canal, mais qu'avant de prononcer définitivement sur l'objet de la pétition, elle doit avoir l'avis des différents corps constitués qui en doivent connaître, décrète qu'il y a urgence,
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de l'extraordinaire des finances sur la pétition du sieur Louis-Philippe-Joseph Bourbon et décrété l'urgence, décrète qu'il sera sursis pendant un mois à l'adjudication des deux moulins de Nemours, dont jouissait ledit sieùr Louis-Philippe-Joseph Bourbon, en vertu de son ci-devant apanage de Nemours, et
Îjue, pendant ce délai, ledit sieur Louis-Philippe-oseph Bourbon fera parvenir à l'Assemblée nationale, par la voie au pouvoir exécutif, l'avis
des corps constitués qui doivent en connaître. » (L'Assemblée adopte le décret d'urgence, puis le décret définitif.)
Le même membre, au nom du comité de l'extraordinaire des finances, présente un projet de décret tendant à accorder à la ville de Nantua, pour l'exercice du culte, l'église du ci-devant chapitre des religieux bénédictins de cette ville ; ce projet de décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de l'extraordinaire des finances sur la pétition dela commune de Nantua, département de l'Ain, et sur l'avis du ministre de l'intérieur, considérant qu'il est instant de fournir aux paroissiens de Nantua un lieu suffisant pour l'exercice de leur culte, décrète qu'il y a urgence.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de rextraordinaire des finances et décrété l'urgence, décrète ce , qui suit :
' Art. 1".
« L'église du ci-devant chapitre des religieux bénédictins dudit Nantua sera, à compter du jour de la publication du présent décret, destinee à l'exercice du culte de ladite ville, et remplacera l'église paroissiale.
Art. 2.
« L'ancienne église paroissiale de ladite ville de Nantua sera vendue au profit de la nation, dans la même forme et aux mêmes conditions que les autres biens nationaux. »
(L'Assemblée adopte le décret d'urgence, puis le décret définitif.)
Un membre propose de proroger jusqu'au premier septembre prochain le délai fixé par la loi du 4 avril dernier, aux ci-devant pensionnaires, ppur fournir leur certificat de résidence.
(L'Assemblée, après avoir décrété l'urgence, adopte cette proposition.) Suit le texte du décret rendu : « L'Assemblée nationale, considérant que le retard qu'a éprouvé la publication de la loi du 4 avril dernier a pu être un obstacle à ce que les personnes qui prétendent à la conservation, rétablissement ou concession de pensions, gratifications ou secours sur le Trésor national, aient pu adresser au commissaire du roi, directeur général de la liquidation, ou au ministre, les certificats qui constatent leur résidence depuis 6 mois sur le territoire français, dans le délai prescrit par l'article 2 de ladite loi èt que ce délai expire aujourd'hui, décrète qu'il y a urgence. - , > ; y
« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence,- décrète ce qui suit :
« Le délai fixé par l'article 2 de la loi du 4 avril dernier aux ci-devant pensionnaires, à tel titre, pour telle cauSe et sur tels fonds que ce soit, qui prétendent à la conservation, rétablissement ou concession d'une pension, gratification ou secours sur le Trésor national, pour fournir les certificats qui constatent leur résidence depuis 6 mois sur le territoire faançais, est prorogé jusqu'au 1er septembre prochain exclusivement. »
Je demande que l'on entende aujourd'hui le rapport sur le compte de M. de Narbonne. L'on a" répandu une foule de libelles et d'écrits calomniateurs de M. Lecointre ; de sorte
qu'il a fallu toute la vertu de M. de Narbonne pour ne pas répondre à ces calomnies.-
(L'Assemblée décrète que le rapport sera fait sur-le-champ.)
, au nom des comités militaires, de Vordinaire et de l'extraordinaire des finances et de l'examen des comptes réunis, fait un rapport (1) et présente un projet de décret sur l'administration de M. de Narbonne, ex-ministre de la guerre; il s'exprime ainsi :
Messieurs, M. de Narbonne est entré au ministère de la guerre le 8 décembre 1791, et en est sorti le 10 mars 1792.
Dans quelles circonstances a-t-il accepté ce ministère ? Quels étaient ses devoirs ? Comment les a-t-il remplis? Voilà les premières questions gué vos comités se sont faites, et sur lesquelles ils ont fixé une attention particulière.
Au mois de décembre 1791, la France était menacée, et par les rebelles, et par les puissances qui les favorisaient; elle faisait pour sa défense des préparatifs de guerre en tout genre. L'Assemblée constituante, par plusieurs de ses décrets, les avait ordonnés, et le Corps législatif sentait vivement la nécessité de les accélérer et de les rendre imposants. Son décret du 31 décembre dernier le prouve évidemment.
L'es devoirs du ministre de la guerre étaient non seulement d'exécuter les lois déjà faites, mais encore de provoquer celles qui( étaient né-i cessaires pour la complète organisation de notre état de guerre, de faire tous les approvisionnements militaires, et de les faire avec la promptitude qu'exigeait notre situation, l'économie que tout administrateur probe ne doit jamais négliger, et les certitudes d'exécution qu'il est possible de se procurer.
Déjà vos comités des finances et militaire vous ont fait le rapport deplusieurs parties de l'administration de M. dejVarbonne, sur lesquelles il ne s'est élevé aucune réclamation, et dont nous ne vous entretiendrons pas (2). Tels sont les ordres qu'il a donnés pour porter l'armée au complet ae guerre, pour les fortifications de nos villes, etc. La commission des Douze vous présentera sûrement un tableau complet des opérations du ministre en cette partie.
Nous nous sommes principalement attachés à examiner la partie administrative, qui a donné lieu à plusieurs inculpations et dénonciations, et qui a engagé M. Lecointre à un immense travail, qu'il vous a communiqué, dans ses éclaircissements (à). Cette partie administrative comprend tous les marchés qu'il a passés, dans lesquels il est accusé d'avoir dilapidé les deniers de 1 Etat, favorisé les étrangers préférablement aux Français, pris des mesures pour faire manquer l'approvisionnement de nos armées; eh un mot, trompé criminellement en tout genre la nation.
Nous vous présenterons ces différents marchés, les reproches que l'on fait au ministre,
notre opinion sur ces reproches, ou même les réponses simples qu'il y fait.
Marchéfe de fusils.
Avant de vous entretenir des marchés de fusils passés par M. Narbonne, il nous a paru indispensable de vous donner l'état de noa arsenaux, de vous rappeler la quantité de fusils que l'approvisionnement de la France exige, la quantité que nos manufactures paraissent, d'après leurs soumissions, pouvoir fournir, celle que l'on peut raisonnablement attendre des arquebusiers et négociants français, qui se présenteraient pour faire des soumissions.
Etat de nos arsenaux.
Les distributions d'armes faites aux gardes nationales,et l'augmentation de l'armée, n'avaient laissé dans nos arsenaux, au 1er janvier dernier* que 160,000 fusils; c'est-à-dire ce qui paraît strictement nécessaire à l'approvisionnement des places fortes, et aux premiers remplacements que la guerre rend presque toujours très prochains.
Quantités de fusils nécessaires à l'approvisionnement de la France.
Sous l'ancien régime, dans le temps où les troupes seules étaient armées, le gouvernement a constamment jugé que l'approvisionnement de fusils devait être de o Ou 600,000.
Si l'on fait attention à la situation actuelle de la France, aux demandes pressantes des corps administratifsetdes municipalités, aux nombreux remplacements qu'exige une immense force armée, il semble qu'un approvisionnement de fusils, même en temps de paix, n'est pas trop considérable s'il ne se monte qu'à 8 ou 900,000.
Quantité que nos manufactures paraissent pouvoir fournir.
Vous savez, Messieurs, que nous n'avons en France que quatre manufactures dites royales : Saint-Etienne, Charieville, Maubeuge et Tulle. Cette dernière ne travaille guère que pour la marine. Les trois premières n'ont pas pu, ou n'ont pas Voulu fournir ensemble plus de 48 à 50,000 fusils par an; et quoique M. Narbonne les ait excitées àen fournir un plus grand nombre, quoiqu'il leur ait promis des primes progressives pour tous les milliers de fusils qu'elles fourniraient au delà du nombre pour lequel elles ont fait des soumissions, et qui se monte à 12,000 pour chacune, par les fournitures qu'elles ont faites jusqu'à présent, on ne peut pas espérer qu'elles puissent l'outrepasser.
Ce que l'on peut attendre des arquebusiers et négociants français.
Par tous les renseignements que nous avons pris, nous ne pouvons pas douter que le nombre des ouvriers de commerce ne soit de beaucoup inférieur à celui des manufacturés.
Il ne faut pas croire que tous les ouvriers arquebusiers puissent fabriquer des fusils. Le talent de cette fabrication n'est le fruit que d'un
long apprentissage, et ne peut être suppléé par d'autres. Presque tous les arquebusiers des villes ne sont que des monteurs, équipeurs, dont le talent se borne à assembler des pièces fabriquées qu'ils achètent. Ils seraient dans l'impossibilité de fournir des fusils entièrement fabriqués chez eux, autrement qu'à un prix excessif, ou bien ils feraient sortir les ouvriers des manufactures, pour les employer à leur compte, et par ce moyen paralyseraient ces manufactures que, jusqu'à présent, on a cru de la plus haute importance d'entretenir.
Ces considérations, dont nous avons reconnu par nos recherches l'exactitude et la solidité, nous ont déterminés à jaenser qu'il y avait très peu d'espérance actuellement du côté des arquebusiers.
Telles sont aussi, à ce qu'il paraît, celles qui ont déterminé M. Narbonne à passer des marchés avec des étrangers. Elles lui ont servi de guides, et vos comités eux-mêmes reconnaissent qu'ils n'en pouvait guère prendre d'autres. Peut-être beaucoup d'ouvriers français exécuteront-ils des fusils, sans avoir, jusqu'à présent, exercé leur talent dans cette partie : cela est à désirer; l'expérience seule fixera l'opinion. Ce qui est certain, c'est que, quand bien même il serait vrai que les fabricants français pussent fournir 200.000 fusils dans un an, le ministre aurait encore dû rechercher à en acheter chez l'étranger. Je passe aux marchés conclus par M. Narbonne.
Il en a passé pour 269,000, dont 150,000 doivent être fabriqués èn Angleterre ; il a, en outre, conservé le marché pour 100,000, conclu entre M. Duportail et un sieur Salembier, qui devaient aussi être fabriqués en Angleterre. Malgré l'inexécution du marché de ce sieur Sa-leiiïibiër, M. Narbonne a cru quelesplus grandes ressources étaient encore du côté de la grande Bretagne, tant à cause de la supériorité de l'industrie anglaise, qu'à cause des moyens multipliés de fabrication qui y existent, et des espérances bien fondées que lui donnait M. de Givry, officier universellement estimé pour ses lumières et sa probité, qu'à compter du 1er avril il y aurait une fourniture d'au moins8,000 fusils par mois.
Le marché de 150,000 fusils de fabrique anglaise, passé avec le sieur Goujet le 20 décembre 1791, porte: 1° que les fusils seront exécutés conformément au modèle de 1777, à l'exception que la sous-garde, au lieu d'être de 2 pièces, pourra n'être que d'une; que la baïonnette pourra n'avoir point de collet tournant à la douille, et que la lame pourra être pleine, au lieu d'être évidée en dedans;
2e Que ces fusils seront visités, éprouvés et reçus à Londres par les officiers et employés du gouvernement français;
3° Que les frais d'éxamen, épreuve, réception, démontage, remontage, et autres manœuvres relatives à cette réception, seront au compte de l'entrepreneur ;
4° Qu'à compter du 1er avril, la fourniture se ferait, à raison de 10,000 par mois, dans les ports de Dunkerque, du Havre, de Nantes et de Bordeaux, suivant les ordres de direction qui seraient donnés à l'entrepreneur;
5° Que le prix des fusils rendus dans lesdits ports serait de 30 schellings ;
69 Que si le gouvernement anglais prohibait la sortie des fusils, l'entrepreneur ne serait tenu à aucune indemnité ;
7° Que, dans le cas de guerre, si les vaisseaux chargés de ces armes étaient pris par l'ennemi, la perte en serait à la charge de la France:
8° Qu'il serait avancé au sieur Goujet une somme de 1,200,000 livres par forme d'acompte, et moyennant bonne et suffisante caution;
9° Que si, le l*r mai, une livraison de 10,000 fusils n'était pas encore faite, le marché demeurerait nul et résilié de fait;
10° Qu'il serait libre au ministre jusqu'au 1er mai de réduire la fourniture de 150,000 lusils à 100,000, à condition de recevoir tous les fusils qui se trouveraient fabriqués dans les 2 mois qui suivraient l'époque de l'ordre de cesser les fournitures.
Le 23 décembre, M. Narbonne a passé un marché pour 50,000 fusils, à 20 livres l'un, avec un sieur Stevens.
Ces fusils devaient être achetés chez l'étranger, et étaient livrables en deux mois. Les droits d'entrée étaient à la charge de l'Etat.
Le 7 janvier, il a passé un marché de 10,000 fusils, à 21 livres l'un, sous les mêmes clauses que le précédent, avec un sieur Mathieu.
Le 31 janvier, il a passé, avec un sieur Thilly, un marché de 20,000 fusils, à 22 livres l'un, ae fabrique liégeoise, sous les mêmes clauses que les précédents, excepté qu'il n'y a aucune époque déterminée de livraison.
Le 9 février, ilajpassé, avec un sieur Guéroult, un marché de20,0u0 fusils de fabrique liégeoise, à 24 livres l'un, livrables par 6,000,. de 2 en 2 mois. Les droits d'entrée sontà la charge de l'entrepreneur.
Les fusils portés en ces 4 marchés, quoique bons et solides, ne doivent pas avoir la qualité ni le fini des fusils français, ni même des anglais.
Le 7 janvier, il a passé, avec les sieurs Manigot et. Pezé, un marché pour 10,000 fusils, à 25 livres l'un, qui doivent être fabriqués à Charle-. ville.
Le même jour il a reçu la soumission d'un sieur Laverrière, pour 3,000 fusils, à 21 livres l'un, qui devaient aussi être fabriqués à Gharleville, et qui étaient livrables un moiè après la date du marché,
Le 30 janvier, il a passé marché avec up sieur Varnier pour 6,000 fusils, à 32 livres l'un, qui devaient être fabriqués à Arpajon, et qui étaient livrables 300 par mois, à compter du mois de mars dernier.
Il a passé marché.pour 6,000 fusils avec la manufacture de Tulle, qui fournit ordinairement la marine.
Il a pris au compte du gouvernement la commande de 2,000 fusils, faite au sieur Jorin, par les départements de la Corrèze et de la Haute-Garonne.
II a reçu la soumission d'un sieur Hébert pour 10,000 fusils, à 10 livres 10 sous l'un; il a reçu la soumission d'un sieur Bressot pour 4,000 fusils, qui devaient être fabriqués àCharleville.
Enfin un sieur Le Page, armurier de Paris, lui avait offert de fabriquer à Saint-Etiennè 20,000 fusils, à 33 livres l'un ; il lui observa que le prix demandé excédait de 4 livres celui qui était accordé à cette manufacture : qu'il devait veiller à ce qu'elle ne perdît pas ses ouvriers, et que s'il voulait conformer sa soumission aux prix établis à Saint-Etienne, il passerait marché. Le sieur Le Page se retira et ne parut plus.
Telles sont, Messieurs, les opérations de M.' Nar
bonne, relativement à l'approvisionnement de fusils.
Je vais vous rapporter les reproches qui lui sont faits, les réponses du ministre, et nos observations puisées dans les pièces qui nous ont été remises, ou qui sont dans les bureaux, et dont nous avons pris communication. Ces re-
Sroches sont consignés dans le mémoire de [, Lecointre.
Premier reproche.
M. Narbonne a accordé un prix exorbitant aux négociants anglais, tant en stipulant le prix en argent, qu'en tenant, lors du paiement, Compte de la perte des assignats contre l'argent. Connaissant le désavantage du change, il aurait dû calculer à quelle somme s'élèverait le prix de chaque fusil, et ne pas accepter une clause aussi désastreuse.
Réponse.
Le ministre, forcé par les circonstances les plus impérieuses à traiter avec ides étrangers, ne pouvait le faire qu'en stipulant qu'ils seraient payés en argent du pays qu'ils habitaient, et où ils fabriquaient des armes; ne payant pas en schellings, il devait leur donner une somme égale à la valeur des schellings convenus. La variation du change, malheureuse alors pour la France, pouvait devenir très heureuse; les événements qu'on attendait en présentaient l'espérance; et, dans aucun cas, il ne peut être responsable de la perte du change. L'économie consiste, non à ne pas acheter ce dont on a besoin, mais à n'acheter que ce dont on a absolument besoin. Si le prix accordé aux Anglais paraît exorbitant à cause de la perte éphémère sur le change, il n'est pas moins vrai qu'il est inférieur de trois schellings par fusil à celui accordé par le gouvernement anglais; et les fusils qu'on lui fournit sont moins parfaits.
D'ailleurs, il a saisi avec empressement l'occasion de passer, soit avec des négociants français, soit avec des étrangers, des marchés moins onéreux, sur lesquels cependant l'expérience lui défendait de fonder beaucoup d'espérances, tandis que M. de Giyry lui en donnait les plus grandes du côté de l'Angleterre.
Deuxième reproche.
Il avait passé des marchés à 27 schellings le fusil conforme au modèle de 1777, il devait exiger que les adjudicataires exécutassent leurs conventions. Bien loin d'agir ainsi, quand il apprit que les fusils n'étaient pas polis en dedans, et avaient quelques autres imperfections qui rendaient l'arme moins solide et même dangereuse, il transigea avec les adjudicataires au détriment de la nation, en augmentant de 3 schellings le prix du fUsil.
Réponse.
M. dé Givry avait démontré mathématiquement que les fusils augmentés de 3 schellings ne donneraient aux adjudicataires qu'un bénéfice d'environ 12 0/0, égal à celui des entrepreneurs des manufactures françaises; le ministre iCrut que, pressé par le plus grand besoin, il n'avait pas à hésiter; qu'il ne devait ni ne pouvait décourager les entrepreneurs, détruire nos plus grandes espérances ; qu'il était de plus de
principe de ne pas faire perdre les adjudicataires.
Troisième reproche.
Il a mis aux frais de la France l'épreuve de la réception des fusils.
Réponse.
La lecture des marchés et des lettres de M. Givry prouve le contraire.
Quatrième reproche.
Au lieu de forcer le sieur Salembier, à une indemnité pour n'avoir pas exécuté son marché avec M. Du portail, il a augmenté ce marché de 50,000 fusils, ét lui a avancé 600,000 livres.
Réponse.
Salembier ne prévoyant pas les conditions que les fabricants anglais lui imposeraient, avait exagéré ses promesses, et s'était trouvé dans l'impossibilité de les tenir. Le ministre devait-il résilier le marché, intenter à l'adjudicataire un procès qui n'aurait, à coup sûr, procuré aucun fusil? ou devait-il plutôt lui faciliter, pour l'avantage même de la nation, les moyens de tenir ce marché, et même de fournir une plus grande quantité (le fusils? En deux mots, Salembier ne pouvait fournir aucun fusil à 27 schellings (l), et il pouvait en fournir 150,000 à 30. Si le ministre lui a avancé 600,000 livres, il les a prises dans sa caisse; car on en trouve aucun vestige dans ses ordonnances ni dans les états de la Trésorerie nationale.
Cinquième reproche.
En insérant dans les marchés cette clause : « Si le gouvernement anglais prohibe la sortie des fusils, le marché sera résilié sans indemnité de la part de l'adjudicataire », son intention était de frustrer la nation, en faisant dépendre la fourniture d'armes de la volonté du gouvernement anglais.
Réponse.
De tout temps cette clause s'est mise dans les marchés passés avec l'étranger; elle est infiniment juste : la sortie d'une marchandise quelconque dépendant du gouvernement, il est impossible à un adjudicataire de promettre de fournir ce que son gouvernement prohiberait : en conséquence, il ne peut s'astreindre à une indemnité qui ne serait occasionnée par aucune faute de sa part. On ne peut voir dans cette clause aucune intention de frustrer la nation; nous n'avons rien trouvé qui pût faire présumer un pareil crime ; nous avons vu, au contraire, dans la correspondance du ministre, qu'il avait vivement à cœur l'arrivée des fusils.
Sixième reproche.
Qelle était son intention en admettant la clause que, dans le cas de guerre, la perte des fusils pris par l'ennemi serait supportée parla nation?
Réponse.
On ne peut raisonnablement apercevoir de
Septième reproche.
Il a diminué la rigueur des épreuves aux manufacturiers anglais; de façon qu'elles sont plus faibles que celles qui sont exigées en France, et qu'elles sont même inférieures à la seule usitée en Angleterre.
Réponse.
Chacune des épreuves est plus faible que celle usitée en Angleterre! M. Givry annonce que les adjudicataires en furent épouvantés. Mais il n'y a aucune trace qui prouve que le ministre se soit relâché de leur rigueur; c est même une des raisons qui ont fait démander une augmentation de prix par les fabricants.
Huitième reproche.
U a fait passer en Angleterre le modèle de fusil de 1777. Il a trahi la France en procurant à l'étranger les moyens de fabriquer des armes égales aux nôtres en perfection.
Réponse.
Le ministre, persuadé que les fusils, pour être bons, doivent être à peu près conformes au modèle de 1777, avait fait ses marchés en conséquence : il est difficile de trouver une trahison en cela. De plus, n'est-il pas évident que les Anglais, dont l'industrie supérieure est connue, auraient atteint depuis longtemps, s'ils l'eussent voulu, la perfection du modèle de 1777? La France n'est-elle pas intéressée à ne recevoir d'Angleterre que des fusils de bonne qualité?
Neuvième reproche.
Il a enlevé à nos manufactures leurs meilleurs ouvriers, pour les transporter dans les fabriques anglaises.
Réponse.
11 a envoyé en Angleterre 4 armuriers instruits pour surveiller la fabrication des fusils, les examiner et les recevoir. Pour une opération aussi importante, devait-il envoyer des artistes dont le talent ne fût pas reconnu?
Dixième reproche.
Il n'a stipulé aucune indemnité de la part des adjudicataires étrangers, en cas Qu'ils ne fissent pas leurs fournitures aux époques marquées.
Réponse.
Le ministre avoue de bonne foi son omission : il n'avait vu cette clause dans aucun marché précédent; cependant il pense que le désir du bénéfice chez les fabricants, la rendra inutile. Il ajoute que la voie judiciaire, quoique la plus mauvaise et la moins fructueuse, est toujours
ouverte. Une autre considération s'est présentée à vos comités : c'est qu'il ne paraît guère possible de stipuler des indemnités avec les étrangers; car, comme ils ne peuvent fournir que sous l'autorisation des gouvernements, ils ne peuvent que promettre de faire tous leurs efforts pour accomplir leur marché, mais ils ne peuvent s'engager à se mettre au-dessus des lois, ou des empêchements que les gouvernements sont en droit de présenter.
Onzième reproche.
Il n'a pris aucune précaution pour faire fournir les fusils, qui, aux termes des marchés, devaient être fabriqués, et il n'en était encore arrivé aucun le 2a avril.
Réponse.
Sa correspondance prouve qu'il n'a cessé de provoquer cette fourniture. Il a employé les encouragements, l'augmentation des prix ; persuadé que ces moyens étaient plus effectifs que les résiliations et les autres actions de droit, qui l'auraient replacé dans la position où il était avant de traiter, qui auraient donné beaucoup de procès et pas un fusil. Bien des obstacles consignés dans les lettres de M. Givry ont em-pêchéles fournisseurs de tenir leurs engagements aux époques marquées ; mais les obstacles paraissaient levés, et tout donnait au mois d'avril l'espérance de livraisons prochaines et suivies.
La publicitéjdes marchés a depuis ce temps fait naître enFore des obstacles de plus d'un genre.
Douzième reproche.
Il a cassé des marchés faits avec des Liégeois, stipulés payables en assignats, et les a de suite conclus payables en argent.
Réponse.
, Des Liégeois, vu la perte des assignats, avaient déclaré qu'ils étaient dans l'impossibilité de tenir leurs marchés, à moins d'une augmentation considérable. Le besoin d'armes, l'espérance d'une hausse dans les assignats, le désir d'approvisionner la France, paraissent avoir dicté au ministre le parti qu'il a pris de demander au roi la permission de stipuler les fusils à 24 livres en argent, au lieu de 25 livres en assignats.
Treizième reproche.
11 devait rescinder et résilier les marchés passés avec les étrangers et non effectués, et recevoir les soumissions des négociants français, qui étaient beaucoup plus avantageuses.
Réponse.
Il a reçu les soumissions de tous les négociants français, aussitôt qu'ils lui ont montré la possibilité de tenir leurs engagements sans nuire aux manufactures. Il a promis à tous ceux qui se sont présentés d'acheter toutes leurs armes, n'auraient-ils qu'un fusil; le seul Le Page n'a pas pasçé marché, parce que, sur l'observation du prix qu'il demandait, il se retira et ne reparut plus.
Quatorzième reproche.
En encourageant les fabricants français par
une augmentation de prix, et par la diminution de la rigueur des épreuves, il se serait procuré en France une immense quantité d'armes, et aurait excité l'émulation nationale.
Réponse.
Par les primes qu'il a accordées aux manufactures, lé prix des fusils est plus considérable que celui qu'il donne à l'étranger, en supposant le change à son taux ordinaire ; et cependant rien ne fait espérer qu'elles fabriqueront plus que la quantité d'armes pour lesquelles elles ont fait des soumissions. Il a diminue la rigueur des épreuves vis-à-vis des fabricants français, quand d ailleurs les fusils étaient solides. La connaissance certaine que l'on a du nombre d'ouvriers capables de fabriquer des fusils, ne peut pas favoriser ces promesses continuellement mises en avant d'une grande quantité d'armes fabriquées en France. La lecture des règlements des manufactures, des mémoires des militaires directeurs et inspecteurs, ne permet pas de douter que ce soit un très grand malheur de diminuer cette rigueur des épreuves.
Quinzième reproche.
Il a stipulé dans des marchés avec des négo* ciants français, des dommages intérêts, la contrainte par corps : pourquoi n'a-t-il pas fait les mômes stipulations avec les négociants étrangers, ou au moins leurs cautions résidentes en France?
Réponse,
Il a inséré dans les marchés avec des Français une clause usitée vis-à-vis d'eux, et purement comminatoire; mais il était difficile de s'en servir vis-à-vis des étrangers, notamment la contrainte par corps. Peut-on d'ailleurs astreindre une caution à autre chose qu'à ce à quoi l'adjudicataire est obligé?
Seizième reproche.
Il a cherché à paralyser la manufacture de Maubeuge, en refusant aux ouvriers une augmentation de 2 sols par fusil.
Réponse.
Cette augmentation paraît regarder plus l'entrepreneur que le ministre : cependant il a tâché de concilier les esprits et d'engager les entrepreneurs à accéder à la demande des ouvriers; il a donné ordre de rendre le salaire des ouvriers de Maubeuge égal à celui des ouvriers de Char-leville.
Dix-septième reproche.
Les sieurs Manigot et Pezé avaient passé marché pour 10,000 fusils, qui devaient être fabriqués à Gharleville : pour les mettre dans l'impossibilité d'effectuer leurs marchés, il fit engager «ecrète-tement un sieur Bressol, qui avait en cette ville une usine particulière, et avec qui Manigot et Pezé devaient s'associer, à venir faire une soumission particulière, espérant par là empêcher l'association. Bressol fit la soumission; le ministre promit de signer le marché, l'engagea à travailler de suite, et n'a pas signé le marché,
malgré les instances réitérées de Bressol : son intention était de diviser ces 3 négociants, et de ne pas recevoir les fusils de Bressol.
Réponse.
Les sieurs Manigot et Pezé ont passé marché; Bressol a fait une soumission de 4,000 fusils: il n'est pas possible d'entrevoir en cela de la perfidie de la part du ministre. A la vérité, le ministre a craint que Bressol ne gênât la manufacture; il a retardé la signature du marché, parce qu'il voulait se procurer des renseignement sur les ressources que l'adjudicataire avait pour l'effectuer ; mais les fusils qu'il présentera, ainsi que ceux des sieurs Manigot et Pezé, seront reçus; on le leur a dit, on le leur a écrit, et on les a engagés vivement à se hâter de fournir.
Dix-huitième reproche,
Il devait forcer les manufactures dites royales à ne travailler que poiir le compte de la nation.
Réponse.
Il a donné aux manufactures une activité qu'elles n'avaient pas depuis longtemps: il leur a accordé des primes ; il a augmenté d'un dixième le prix des fusils à Maubeuge; en un mot, il a fait, pour les encourager, ce qu'aucun ministre n'avait fait avant lui. Le ministre et les officiers d'artillerie n'ont pas sur les entrepreneurs de ces manufactures une puissance absolue; l'exhortation est leur principale force. De plus, une grande partie des ouvriers n'est pas capable de travailler aux armes de guerre; et les entrepreneurs sont obligés de l'employer à d'autres travaux. Il est sûrement possible d'obtenir une plus grande quantité d'armes de ces manufactures : mais il faut réformer leur régime; le ministre, dans les circonstances où il se trouvait, ne pouvait pas provoquer cette réforme.
Marchés de sabres.
Vous savez, Messieurs, qu'il avait été passé au mois d'octobre, par M. Duportail, en adjudication publique, au rabais, des marchés pour 30,000 sabres, pour les troupes de ligne et gardes nationales, à 4 liv. 18 s. l'un. Ces sabres devaient être fournis sous 3 mois. Au mois de janvier dernier, les adjudicataires présentèrent quelques lames d'échantillon, qui se trouvèrent et furent jugées parles commissaires, molles, défectueuses et très différentes dit modèle qui leur avait été prescrit ; lès montures étaient encore plus défectueuses, et n'avalent aucune solidité. (Rapport de M. Villeneuve-Flamarens). On refusa de les recevoir : ils répondirent qu'on leur faisait des chicanes mal fondées ; que leurs sabres étaient bons; qu'on cherchait à les ruiner. Enfin, ils alléguèrent cet^e foule de raisons présentées par ceux qui, n'étant pas en règle, veulent cependant obtenir ce qu'ils demandent. Les agents du ministre tinrent ferme; et cette espèce de lutte finit par l'aveu formel que firent les adjudicataires, de n'avoir pas rempli les conditions auxquelles ils s'étaient soumis. Ils déclarèrent alors que l'augmentation des matières premières ne leur avait pas permis de faire mieux, et ne leur permettait pas d'exéeuter leurs marchés. Ils en demandèrent la résiliation : le ministre consentit à leur demande ; il la préféra à l'ac-
tion judiciaire qu'il pouvait leur intenter, qui aurait été très longue, qui les aurait infailliblement ruinés, et qui n'aurait obtenu aucun sabre. Pressé par les circonstances, par les réclamations des gardes nationales, par son ardeur naturelle, il se hâta de faire passer, par les commissaires désignés par la loi, de nouveaux marchés pour 38,000 sabres dans les principales villes du royaume; et pour dédommager les premiers adjudicataires des pertes que leur premier marché leur occasionnait, il accorda des commandes à ceux d'entre eux qui en voulurent; il les exempta même d'une parfaite conformité au modèle, alin qu'ils pussent employer leurs lames, lorsqu'ils leur auraient donné du poli et delà dureté; et il augmenta le prix à raison de la cherté des matières premières. Cependant, malgré ces avantages, ces fourbisseurs qui, à ce qu'ils disaient, mais dont on n'a aucune preuve, avaient 6,000 sabres prêts à être livrés, n'ont pas fourni, aux époques marquées, la quantité moins considérable à laquelle leurs soumissions les obligeaient; et ce qu'ils ont fourni est, au rapport des agents du ministre, fort inférieur au modèle qu'ils avaient consenti de suivre.
Cet exposé succinct répond à une grande partie des reproches de M. Lecointre. il en reste quel-quçs-uns sur lesquels vos comités vous présenteront leurs observations.
Premier reproche.
Aux termes de la loi du 7 septembre dernier, après avoir accepté la résiliation des marchés des fourbisseurs, il devait faire procéder à des adjudications au rabais. Au lieu d'agir ainsi, il a passé des marchés sans adjudications, et il a accordé un prix exorbitant pour chaque sabre.
Observations.
Le ministre fonde sa conduite sur les circonstances où il se trouvait, sur la crainte non chimérique de se trouver encore, 3 mois après, dans la position où l'avaient mis les adjudications au rabais, non effectuées. Ces raisons, quoique très plausibles, ne suffiraient pas sans doute pour justifier la conduite d'un ministre qui se permettrait de ne pas obéir aux lois,, et vos comités n'auraient pas hésité de blâmer celle de M. Narbonne, s'ils n'eussent vu dans la loi du 7 septembre, que ces adjudications au rabais ne se font qu'en temps de paix, et si les lois de l'Assemblée constituante, et vos décrets des 31 décembre et 25 janvier ne prouvaient jusqu'à l'évidence que la France ne pouvait être considérée comme étant en paix. Le prix qu'il a accordé pour chaque sabre paraît exorbitant, si on le compare à celui porté dans les marchés du sieur Duportail; mais, si on le considère relativement à la cherté des matières, à la solidité des armes, il ne paraît pas si désastreux.
D'ailleurs, le ministre n'avait point de temps à perdre, et on peut demander si on ne lui aurait pas fait un plus grand crime d'avoir employé une partie d'un temps précieux à chercher quelques sous de diminution, que d'avoir accordé, sous la certitude de la réussite, un prix plus considérable. Il faut ajouter que M. Narbonne n'a conclu aucun marché à Paris que sur l'avis formel de 8 officiers distingués, qui composaient le bureau central, et qui discutaient préalablement toutes les conditions, oontradictoireinent avec les soumissionnaires.
Deuxième reproche•
11 a préféré des fourbisseurs qui demandaient un prix considérable, à d'autres qui se soumettaient À une fourniture moins coûteuse.
Observations.
Nos recherches nous ont prouvé évidemment qu'il avait donné la préférence à ceux qui donnaient les ouvrages les plus solides, les plus finis et au meilleur marché; qu'il a cherché à arrêter les clameurs de la jalousie, en partageant aux mêmes conditions les fournitures entre plusieurs artistes, et que la non-exécution du marché passé par le sieur Duportail, l'avait déterminé à faire des commandes dans plusieurs villes, afin de récupérer, s'il était possible, le temps perdu.
Troisième reproche,
Il a stipulé ses marchés payables en écus ou en assignats, avec indemnité.
Observations.
Les fourbisseurs n'ont pas voulu traiter à d'autres conditions. D'ailleurs, comme nous l'avons déjà dit, il se fondait sur les espérances d'une hausse prochaine dans les assignats, consé-quemment sur la facilité de trouver de l'argent sans beaucoup de perte.
Marchés de la viande (1).
M. de Narbonne a passé trois marchés pour la fourniture de la viande aux armées ; savoir : avec le sieur Alexis Spitalier, pour la viande qui doit être fournie aux troupes en général, au prixde 8 sous 6deniers, lorsque dansla livraison on emploie les têtes et les fressures; et à9 sous 3 deniers, si ces parties ne doivent pas entrer dans la distribution. Ce prix se rapproche de ceux qu'on a toujours payés depuis 1743, lorsque les troupes faisaient la guerre, soit en Allemagne, soit en Flandres; et même en 1761 et 1762, l'armée étant dans l'électorat d'Hanovre, la viande fut payée 8 sous 6 deniers la livre, prix du marché actuel passé par M. Narbonne avec le 6ieur Spitalier. L'augmentation de 9 deniers, lorsqu'on distrait les tètes et les fressures, est en raison de la perte que cette diminution fait éprouver à l'entrepreneur.
11 yadeuxautres marchéspourla fourniture de la viande des hôpitaux établis à la suite des armées ; savoir : un marché pour l'armée de la Meuse, passé avec le sieur Alleau, à raison de 9 sous la livre; et pour les armées du Nord et du Rhin, un autre marché passé avec les sieurs Hayem, Worms, père et fils, pour le prix de 9 sous 9 deniers la livre.
Il est à observer que la viande fournie aux malades dans les hôpitaux, devant être d'une
qualité supérieure, et distribuée toujours sans tête ni fressure, elle doit naturellement
coûter plus cher que celle qui est destinée à la nourriture habituelle du soldat : d'un autre
côté, les
Toutes les clauses et conditions de ces différents marchés ne contiennent rien qui ne soit conforme à la règle et à l'usage.
Premier reproche.
Le ministre a dit que les fournisseurs étaient chargés de toutes les dépenses nécessaires, tant à l'achat des bestiaux qu'à leur garde et distribution ; et cependant, par les articles 4, 5 et 7 des marchés, les droits à l'entrée en France, la garde pour la sûreté des bestiaux, et les logements sont à la charge de l'Etat.
Observations.
On a toujours entendu par dépenses accessoires, le droit de commission et les frais de toute espèce relatifs aux achats, les gages des toucheurs et bouchers, les frais de route, de tuerie et de distribution ; il est sage de stipuler le remboursement à l'entrepreneur des droits d'entrée; c'est le moyen de ménager les ressources intérieures en facilitant l'importation, et de diminuer celles de nos ennemis. D'ailleurs, prétendre n'employer que nos bestiaux, c'est compromettre la subsistance des citoyens ; c'est vouloir faire doubler le prix de la viande, parce que, avec des armées nombreuses, la consommation est immensément plus considérable qu'en temps de paix.
Les gardes pour la sûreté des bestiaux, sont les troupes elles-mêmes, qui gardent sans aucun frais leurs magasins en tout genre.
Le logement est et a toujours été de droit pour tous les services ; il est marqué à la craie, et il n'entraîne aucune dépense : comment d'ailleurs les entrepreneurs pourraient-ils s'en fournir, surtont en pays ennemi?
Second reproche.
Le ministre a avancé 150,000 livres en écus à l'entrepreneur.
Réponse.
Les 150,000 livres ont été donnés en assignats ; à la vérité, l'entrepreneur, aux termes du marché, doit être indemnisé de la perte du change.
Troisième reproche.
Le marché n'a point été imprimé et rendu public, aux termes de la loi.
Réponse.
Le ministre en a adressé un exemplaire imprimé à l'Assemblée nationale, 8 jours après l'avoir passé.
Quatrième reproche.
Le sieur Mirey avait fait des soumissions plus avantageuses, et à un moindre prix que les fournisseurs qui ont eu la préférence.
Réponse.
Le ministre n'a eu connaissance des soumis-
sions du sieur Mirey que 3 semaines après la conclusion des marchés ; il est faux que les conditions du sieur Mirey soient plus avantageuses, car il demandait la liberté au choix de bœufs ou vaches dans la fourniture, tant pour l'armée que pour les hôpitaux, au lieu que les entrepreneurs sont obligés de fournir les trois quarts de la viande en bœufs à l'armée, et le tout aux hôpitaux. De plus, la compagnie qui a l'entreprise assure la solidité du service par sa fortune, par ses relations dans toute l'Europe. Les généraux ne cessent d'exprimer leur contentement en cette partie; il est très incertain que M. Mirey ait pu donner les mêmes certitudes et le même contentement.
Cinquième reproche.
Le ministre a stipulé le payement en écus ou en assignats avec indemnité.
Réponse.
Quel est le fournisseur qui oserait entreprendre une fourniture de long cours en assignats, sans indemnité? Jusqu'à présent le ministre n'en a point trouvé qui donnât en même temps la certitude de l'exécution des marchés.
La nation seule paraît pouvoir courir la chance de la hausse ou de la baisse de son papier ; elle y a même un intérêt. Nous ne rapporterons pas ce qui a déjà été dit à l'Assemblée sur cet objet.
Marchés de linges et chaussures.
Le ministre, en exécution du décret du 17 février dernier, a adjugé à plusieurs négociants la fourniture des chemises, bas, souliers, etc., à faire aux armées. Les prix accordés pour ces objets ne peuvent donner lieu à aucun reproche, et n'en ont excité aucun : ils sont stipulés payables en assignats.
Marchés de chevaux.
M. Narbonne a passé deux marchés pour des chevaux de peloton et de service des hôpitaux, avec un sieur Thomas Lefebvre, négociant à Lille. Les chevaux de peloton doivent être payés 480 livres chacun, et les chevaux.de service pour les chariots des hôpitaux 500 livres ; les uns et les autres sont payables en assignats, sans indemnité. Les clauses et conditions de ces marchés sont toutes à l'avantage de la nation, et ne laissent rien à désirer. Des commissaires des guerres ont été, au terme de la loi, chargés de la réception de ces chevaux, et le ministre leur enjoignit d'être sévères et exacts observateurs des conditions des marchés : c'était, à ce qu'il semble, tout ce qu'il avait d'abord à faire.
Au mois d'avril, il s éleva des plaintes de plusieurs endroits de l'Empire sur la mauvaise qualité des chevaux, notamment sur ceux reçus a Rouen, par un sieur Guay-de-Villiers, commissaire des guerres, sur le peu de. soin que l'on avait des chevaux, les vols que l'on faisait de leurs rations, notamment à Caen, où M. Moncar-villè était commissaire, sur des échanges qui s'étaient faits en route par des agents et conducteurs fripons. Les successeurs de M. Narbonne ont pris toutes les mesures qui dépendaient d'eux pour arrêter ces prévarications, et pour faire punir leurs auteurs.
M. Narbonne est-il responsable des friponne-
ries qui ont été commises en cette partie de son administration, et qui n'ont pas été commises, ou dont il n'a pas été prévenu, pendant son ministère? C'est ce que vos comités ne peuvent croire. Les commissaires des guerres doivent être poursuivis suivant toute la rigueur des lois; les agents qu'ils ont employés doivent subir le même sort ; et l'ex-ministre ne pourrait êtré recherché sur ce l'ait, qu'autant qu'il y aurait prévarication ou connivence de sa part, ou que, prévenu pendant son ministère, il aurait négligé les moyens que la loi a mis à sa disposition : or, il est impossible de trouver dans la conduite de M. Narbonne quelque chose qui pût le faire soupçonner de ces crimes.
Ordonnances de payement.
M. Narbonne n'a ordonné que des payements d'acompte sur les marchés qu'il a passés. Ses ordonnances sont conformes aux marchés, et les registres de la Trésorerie nationale se trouvent parfaitement d'accord avec les registres d'ordonnances qui sont au bureau de la guerre. En un mot, toutes ses ordonnances de payement nous ont paru conformes aux lois.
Geoendant elles seront encore examinées et vérifiées sur les comptes des payeurs par le bureau de comptabilité, et ce n'est qu'après cette opération que l'Assemblée nationale aura à prononcer définitivement sur cette partie.
Tel est, Messieurs, le précis de notre immense travail ordonné par votre décret. Vous avez maintenant à prononcer. Vos comités n'ont trouvé ni fraude ni collusion dans l'administration de M. Narbonne. ils ont vu partout un ministère zélé, actif et digne de sa place. Si quelques oublis, quelques négligences de peu de conséquence avaient accompagné quelques-unes de ses opérations (ce qui est encore en problème), ils les auraient attribués uniquement à l'impossibilité où est l'homme d'atteindre à la perfection. En un mot, vos comités, après la plus longue et la plus profonde discussion, ne peuvent que vous présenter le projet de décret suivant :
Projet de décret.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités militaire, de l'ordinaire et de l'extraordinaire des finances, et de l'examen des comptes, réunis, sur les divers marchés passés par le sieur Louis Narbonne, ex-ministre ae la guerre, relatifs aux fournitures et approvisionnements de l'armée;
« Décrète que le sieur Louis Narbonne, ayant agi conformément aux lois dans son administration, demeure acquitté envers la nation de toute responsabilité, à l'exception de celle d'ordonnateur, dont il ne sera déchargé qu'après la vérification des pièces comptables par le bureau de comptabilité, et le jugement à intervenir de l'Assemblée nationale sur cette vérification.
« Décrète, en outre, qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur les inculpations et dénonciations faites contre son administration. »
Je demande l'impression et l'ajournement ; il sera plus honorable pour lui d'être absout après une décision mûre que par un mouvement ae conscience.
J'ai remarqué que non seulement le comité n'avait pas répondu à toutes les inculpations de M. Lecointre, mais qu'il, y avait des inculpations auxquelles il était impossible de
répondre : c'est pourquoi je demande l'ajournement.
Je demande moi-même l'impression et l'ajournement, afin que M. Lecointre puisse répliquer. Mais ce qui m'étonne, c'est M. Ducos, qui prétend que M. le rapporteur n'a point répondu à tous les reproches, attendu que M. Ducos n'est entré dans la salle qu'au dixième reproche. (Rires.)
Je demande l'ajournement, parce que les injures et les calomnies sont un nouveau principe de désorganisation de 1 armée ; il est temps de lui rendre une éclatante justice.
, rapporteur. Mon rapport est le résultat des plus mûres délibérations de plusieurs comités réunis. Néanmoins je ne m'oppose point à l'ajournement, mais je le demande a 3 jours.
Sans doute, mais ces Messieurs font d'une motion d'ajournement un cadre à injures.
(L'Assemblée décrète l'impression du rapport de M. Marant et l'ajournement de la discussion à 3 jours.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre de M. Duranthon, ministre delà justice, par laquelle il rend compte des renseignements qu'il a pris sur l'arrestation du sieur Pâris ; cette lettre est ainsi conçue (1) :
« Monsieur le Président,
« J'ai l'honneur de vous envoyer les renseignements que j'ai pu me procurer sur le fait dénoncé à l'Assemblée nationale le 27 de ce mois, en exécution du décret rendu le même jour, et qui ne m'est parvenu qu'à 10 heures et demie. Si la dénonciation avait été plus précise, les renseignements auraient été plus précis et plus prompts. J'ai fait la vérification des registres du gretfe de la police correctionnelle. Et les sieurs Desilles et Bresard m'écrivirent qu'ils avaient trouvé sur ces registres qu'il avait été envoyé aujourd'hui 27, au directeur du juré du 6e arrondissement, les pièces qui ont rapport à un sieur Pierre-François Pâris, prévenu d'avoir tenu des propos incendiaires. Le matin, 28, j'écrivis au directeur du juré du 6e arrondissement, qui vérifia sou registre de réception d'affaires, et me répondit qu'il n'avait pas trouvé celle que je lui demandais. D'après la déclaration du bureau central, j'avais écrit en même temps au président du comité dé la section de l'Observatoire pour avoir une expédition des procès-verbaux des délibérations des 22 et 26 juin. Cette expédition m'a été envoyée, et je m'empresse de vous la remettre. Il résulte de ces éclaircissements, et particulièrement du procès-verbal de la section de l'Oratoire, qu'un sieur Pâris, prévenu d'avoir tenu les propos les plus incendiaires, a été arrêté en vertu d'un mandat du bureau central des juges de paix, et
3u'il est détenu maintenant à l'Abbaye, en vertu
'une arrestation judiciaire, contre laquelle ce particulier peut se pourvoir, si cette
arrestation est injuste ou illégale. Si l'Assemblée nationale veut que je fasse sur cet objet
de plus grandes
« Signé : DURANTHON. »
Plusieurs membres : L'Ordre du jour!
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
Je dois instruire l'Assemblée nationale de quelques faits essentiels dont j'ai pris connaissance, et dont je demanderai le renvoi à la commission des ûouie. Je ne me permettrai en ce moment aucune réflexion sur ces faits pour procurer leur liaison avec les événements qui se passent depuis quelques jours, et l'existence d'une conjuration bien formée contre la liberté publique. Voici le fait :
La copie d'une lettre circulaire qu'on colporte dans tous les régiments de l'armée du Nord, la lecture qui a été faite à des régiments de cavalerie et d'infanterie de la proclamation du roi, a mis ces régiments dans la plus grande indignation. Dans cette lettre, on réitère le serment de fidélité à la nation, à la loi et au roi ; on proteste de ne jamais agir que d'après les insinuations perfides des factieux (Rires.); on désire que M. le maréchal fasse connaître à l'Assemblée nationale législative et au roi, les sentiments dont cet attentat l'a pénétré, et de son respect pour les autorités constituées.
Mention honorable.
On aura le temps de demander cela. Je me borne à énoncer les faits. M. Charles Lameth a colporté cette lettre dans tous les régiments qui sont sous ses ordres ; il l'a fait signer par un officier, un sous Officier de chaque grade, et un cavalier. Dans le 3e régiment, ci-devant commissaire général, personne u'a voulu la signer, ni officier, ni autre. On ne l'a pas proposé aux dragons qui, à coup sûr, ne la signeront pas. (Bruit.) Il n'y avait encore que le 8*, le 106 et 17° bataillon de cavalerie.....
Sans doute, des bataillons de cavalerie et des escadrons d'infanterie. .(Rires.)
Il n'y a que ces régiments parmi lesquels on a trouvé quelques signataires; et cela n'empêche pas que ces régiments ne soient très patriotes. On s occupe de faire de pareilles lettres dans l'infanterie.
Ces faits viennent de bonne part.
La copie, d'ailleurs, dont je donne connaissance à l'Assemblée, est certifié conforme à l'original par un officier de l'armée du Nord, que je m'engage à faire entendre, s'il est besoin par la commission des Douze.
Je demande donc le renvoi de ces faits à cette commission, et je m'oblige à lui remettre la dénonciation de ces faits signés. (Applaudissements à gauche.)
Je demande le renvoi
au comité, des faits dénoncés par M. Gensonne ; et quant à celui qui inculpe M. Charles Lameth, je demande que M. Gensonné fournisse et signe les preuves de son assertion, afin que le fait puisse être examiné (Murmures à Vextrème gauche), et que les motions faites dans le sein du Corps législatif ne servent pas de moyen de désorganiser l'armée.
J'observe à l'Assemblée que j'ai moi-même demandé à certifier ces faits, et je suis étonné que M. Mathieu Dumas veuille me faire ordonner, par un décret, ce que je déclare vouloir faire.
Plusieurs membres : Eh bien ! faites-le !
(L'Assemblée renvoie les pièces à la commission extraordinaire des Douze.)
J'ai remis ce matin au bureau une adresse signée de 200 citoyens actifs de la ville d'Amiens. Elle contient des faits qu'il est important que l'Assemblée connaisse. J'en demande la lecture. Je suis fort étonné que Monsieur le Président ne l;ai pas déjà fait lire.
Plusieurs membres : Ce soir!
Depuis quelque temps le nombre des adresses ést devenu si considérable que le Président a confié le soin de les dépouiller à MM. les secrétaires ; c'est à eux qu'il faut vous adresser.
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
J'annonce à l'Assemblée qu'il importe qu'elle en ait connaissance avec lé rapport. Elle est très courte.
Sans dôute, M. Sala-din est trop occupé pour l'avoir faite plus longue.
(L'Assemblée décrète que la lecture ne sera faite que ce soir.)
L'ordre du jour Appelle le rapport de la commission extraordinaire des Douze, sur les mesures générales à prendre pour la sûreté de l'Etat.
, au nom de la commission extraordinaire des Douze, fait un rapport (1) sur la situation actuelle de la France; il s'exprime ainsi :
Messieurs, avant de mettre sous vos yeux tous les rapports qui sont le résultat de ses
discussions, votre comité extraordinaire m'a chargé de vous offrir le tableau général de ses
travaux. Nous venons vous parler des maux de la France; nous venons proposer quelques moyens
de les affaiblir ou de les détruire. Notre devoir est de dire la vérité ; nous la dirons
tout entière. Parmi les causes de nos mauxï les unes appartiennent essentiellement à une
grande révolution, les autres en sont indépendantes; les unes tiennent aux pouvoirs
constitués, les autres aux citoyens qui ont juré de leur obéir. La Constitution était
terminée; le roi venait de l'accepter. Une amnistie avait soustrait à la sévérité des lois
les accusés et les coupables; les fondateurs de la liberté eu remettaient le dépôt à de
nouveaux représentants du peuple: nousarrivions entourés des vœux et des espérances de tous
les Français. De toutes parts on s'écriait que la Révolution était finie; tout annonçait
qu'elle aurait dû l'être. Cependant dès ennemis veillaient autour de nous; il en veillait
hors de l'Empire. Sous un voile trompeur, mais respecté, le fanatisme ca-
C'est par cet examen que je commencerai l'histoire fidèle des maux dont la France est déchirée. Je parcours successivement l'état actuel des autorités constitutionnelles. L'influence du pouvoir judiciaire est connue. Une longue expérience a démontré chez tous les peuples qu'un penchant naturel l'entraîne à s'étendre au delà des bornes qui lui sont tracées. Mais ce danger, nécessaire à prévoir comme à détruire, n'altère qu'insensiblement la liberté, et il ne fixera pas aujourd'hui nos regards. Nous ne nous arrêterons pas davantageal'insuffisance ou aux erreurs du Code pénal. Dans un temps plus calme, il faudra bien le revoir tout entier; ce n'est pas que la philosophie n'y ait présidé, mais elle s'y est montrée avec un visage trop sévère; elle a quelquefois mal gradué la proportion des peines et des délits ; elle a laissé prononcer souvent la mort, peine absurde et barbare, contre laquelle nous osons espérer que la raison ne poussera pas toujours des cris inutiles.
L'inaction des tribunaux est un danger plus prochain. On la reproche surtout à la haute cour nationale; et, certes, la liberté française périrait bientôt, si le glaive dont la loi menace les conspirateurs demeurait toujours suspendu sur leur tête sans la frapper jamais. Nous avons cherché les causes des lenteurs apparentes de ce tribunal suprême; on ne les trouve ni dans les hauts jurés, ni dans les grands procurateurs, ni dans les grands juges; elles sont dans le nombre des accusés, dans les formalités justement circonspectes de la procédure, dans l'éloi-gnement de la plupart des témoins successivement indiqués ; mais si la décision de chaque affaire en particulier est ainsi retardée, le moment approche où plusieurs jugements rendus presque à la fois, en assurant le triomphe de rinnpcence, assureront aussi le châtiment de ces hommes ambitieux de l'esclavage, qui firent tant d'efforts pour étouffer la liberté naissante, et reconquérir le despotisme anéanti parla volonté générale du peuple français.
L'inaction a été plus justement reprochée au pouvoir exécutif. Frappé du souvenir d'une ancienne puissance, ses premiers agents, depuis la Révolution, obéissaient lentement à l'expression du vœu national ; ils ne concevaient pas encore que leur trône se fût écroulé, et poursuivaient de leurs regrets comme de leurs espérances le temps où, véritables monarques, les ministresgouvernaient despotiquement la France, sous l'autorité apparente d'un seul homme qui n'était que le prête-nom et l'électeur de la souveraineté. La résurrection éclatante des droits du peuple leur parut un orage passager devant lequel ils consentirent à se courber un instant pour se redresser ensuite avec plus de vigueur. L'événement trahit leur espoir, et cependant le pouvoir exécutif ne reçut pas une impulsion plu6 active. Il est vrai que la force des lois
n'est pas dans elles-mêmes; elle est dans la soumission et la confiance des peuples : mais une nation devenue libre, une nation qui choisit les mandataires et les interprètes de sa volonté; une nation à laquelle sa Constitution assure par les pétitions et les adresses, par la liberté des discours et des écrits, tous les moyens possibles d'inspirer une bonne loi et d'en réformer une mauvaise, est plus naturellement portée à l'obéissance, puisque c'est à elle-même qu'elle obéit.
La puissance exéeutive a trop vu des entraves là où ne sont que des bornes. Non seulement limiter un pouvoir, ce n'est pas l'enchaîner, mais n'en pas limiter un, ce serait amener insensiblement la destruction de tous les autres.
Il n'existera jamais d'ordre public sans un gouvernement vigoureux ; plusieurs constitutions célèbres, celle de Solon en particulier, n'ont péri que par le défaut de force des magistrats chargés au pouvoir exécutif. Les Perses avaient un moyen singulier de le faire sentir; à la mort du roi, pendant 5 jours, toutes les lois étaient suspendues; alors éclataient les vengeances et les déprédations; alors régnaient en paix l'audace et la licence. Quelle terrible leçon donnait ce triomphe du crime!
Mais pour assurer au gouvernementune vigueur si nécessaire, il faut que la volonté du magistrat se joigne à la volonté de la loi, et qu'au lieu de se borner à se plaindre des désordres, il les fasse réprimer. La peine de tous les délits est fixée : ont-ils échappé à la législation nouvelle, la législation ancienne subsiste pour les punir. Si toutes deux étaient muettes, oe serait au roi à dénoncer au Corps législatif ce double silence; la Constitution l'y autorise et la tranquillité publique lui en prescrit le devoir.
Le roi n'est pas seulement le chef suprême du pouvoir exécutif, il concourt à la formation de la loi ; il a, d'ailleurs, par l'éminence de ses fonctions et l'étendue de son autorité, une influence personnelle; c'est avoir une obligation plus forte de s'attacher À la Constitution de l'Empire, d'en repousser les ennemis avec courage, de leur opposer cette haine patriotique, la seule qui soit permise à la vertu; de ne pas souffrir auprès de lui deg hommes qui, loin de prêter le serment civique, ont par leurs écrits, blasphémé la Constitution avec une audace impie, et cherchent à 1e tromper par une opposition sacrilège de la religion et de la loi.
Nous vous proposons de dénoncer au roi lui-même, par un message, ces coupables instigateurs. Plus d'une fois dans ses méditations, rapportant ses pensées sur les maux de la patrie, votre commission extraordinaire s'est dit unâ-ninement que le pouvoir exécutif acquiert une activité nécessaire, et rien ne pourra mettre obstacle au triomphe de la liberté. Voyez avec quelle adresse perfide les ennemis de la Constitution s'en servent pour égarer les citoyens, pour semer dans tous les esprits la défiance et l'inquiétude, pour entraîner le peuple à des actions criminelles?
Vous parlerons-nous de la pétition armée du 20 juin? ^Quelle cause, quelle voix pourrait la justifier? La liberté de la sanction royale n'est-elle donc plus essentiellement liée à la Constitution française? Nous aimons sans doute à rappeler ces mots du roi : « Il n'est point de danger pour moi au milieu du peuple. » Mais loin de nous l'idée de vouloir dissimuler ou affaiblir des excès que la justice doit poursuivre, et que
la loi doit punir. Déjà vous avez témoigné contre eux cette indignation que la France a partagée ; ce sentiment sera celui de l'Europe entière et de la postérité. (Applaudissements.)
Nous vous le disions il y a quelques jours, et vous le consacrâtes par un décret; le devoir du Corps législatit est de maintenir l'inviolabilité du représentant héréditaire de la nation; notre devoir est aussi de lui assurer dans tous les temps et dans toutes les circonstances les égards dus au premier fonctionnaire public. Ne souffrons donc pas que des pétitionnaires oublient devant nousquele roi est aussi l'organe du peuple, qu'il exerce une partie de la souveraineté nationale; c'est surtout par leur respect mutuel que les deux pouvoirs obtiendront le respect universel.
C'est encore un devoir pour nous de prêter à ses agents principaux l'appui de notre confiance; non ae cette confiance qui sommeille, mais de celle qui espère et qui croit à la vertu; qu'importe que les ministres aient appartenu a telle ou telle secte politique; que leur nomination soit le résultat de telle ou telle cause, pourvu qu'ils remplissent bien les fonctions que la loi prescrit I Loin de nous un aveuglement criminel sur leur conduite, mais loin de nous aussi ce besoin per-
fiétuel de dénonciation, système destructeur de 'organisation sociale. Soumettons-les à une responsabilité sévère, mais qu'elle soit déterminée par la loi, et non par des caprices individuels, par des sentiments particuliers d'orgueil, d'ani-mosité, de haine, de vengeance, et par l'espérance d'une fausse popularité; le Comité de législation a fait un rapport sur l'exercice de cette responsabilité, et je ne sais pourquoi, au lieu d'être continuée, la discussion a été tout à coup interrompue.
Descendant de ces considérations importantes à des objets minutieux en apparence, et cependant dignes de toute votre attention, nous avons cherché les moyens de donner à vos délibérations plus d'ordre, plus de calme, plus de majesté, d'empêcher qu'elles ne soient troublées par l'effervescence des passions contraires; de mettre un frein à ces applaudissements tumultueux qui ont trompé plus d'une fois les défenseurs du peuple. Quelques changements simples, faciles et peu dispendieux, suffiront pour produire un effet si désiré. Peut-être même jugerez-vous convenable de porter dans ce sanctuaire une marque extérieure de la dignité suprême où vous a élevés la confiance du peuple. Ne nous y trompons pas, ne prenons pas 27 millions d'hommes pour 27 millions de philosophes : on ne gouverne pas les Empires avec d'inutiles efforts vers une perfection imaginaire. Porter cette marque extérieure, hors de l'exercice de ses fonctions et dans son enceinte domestique, ce serait enter la vanité puérile des esclaves sur la noble simplicité d'une nation libre; mais en est-il de même du moment où on exerce un ministère utile et respecté? Rappelons-nous ces paroles d'un grand homme qu'on n'accusera ni d'amour pour le faste ni d'attrait pour la futilité, de Rousseau : « La majesté du cérémonial, dit-il, impose au peuple; elle donne à l'autorité un air d'ordre et de règle qui inspire la confiance et qui écarte les idées de caprice et de fantaisie attachées à celle du pouvoir arbitraire. »
Telles sont les causes principales qui tiennent aux pouvoirs établis par la Constitution. 11 en existe parallèlement hors des autorités constituées, et je vais essayer d'en présenter le tableau. Une guerre est entreprise pour défendre notre
liberté. Jamais les peuples sortis de l'esclavage ne furent plus grands que lorsque leur patrie était menacée. Si la France, gouvernée par un despote, résista seule à l'Europe entière, serait-elle moins puissante quand elle a brisé ses fers,
Suand elle a autant'de soldats que de citoyens?
on, Messieurs, l'armée d'un tyran est bornée, celle d'un peuple libre ne l'est pas; c'est lui tout entier. Gardons-nous cependant de nous abandonner aux exagérations ridicules d'une confiance aveugle ou d'une imagination égarée. Que la prudence et l'humanité nous accompagnent toujours. Pénétrés de ce double sentiment, votre comission extraordinaire vous présentera un mode particulier d'augmenter nos défenseurs, quand le Corps législatif aura proclamé, daus des circonstances difficiles, que la patrie est en danger; elle vous propQsera aussi d'accorder une indemnité aux citoyens dont la guerre aura livré les propriétés à la dévastation ou aux ravages : on combat pour tous; la liberié est à tous; tous doivent payer pour la defendre; tous doivent dédommager ceux qui souffrent pour elle. (Applaudissements . )
L'armée sera le sujet de deux autres rapports. Dans l'un, nous vous soumettrons un moyen de porter dans vos camps une très grande partie des forces répandues dans l'intérieur de l'Empire, sans exposer la sûreté de vos places et de vos magasins de guerre, sans obliger cependant les citoyens à faire de nouveaux sacrifices à la patrie. Dans l'autre, nous vous exposerons la nécessité d'envoyer, sur nos frontières du Nord et dans le Midi des commissaires chargés, non de donner des ordres ou de remplir une fonction exécutive, mais de vérifier l'état actuel des approvisionnements des troupes de ligne, des gardes nationaux, de leurs armes, et d'acquérir ainsi par eux-mêmes toutes les connaissances utiles pour la confection des lois, et pour l'exercice de la surveillance générale qui nous est confiée.
Enfin, une grande question s'est présentée, celle de savoir si le droit de pétition doit subsister tout entier pour les généraux sur les objets qui ne tiennent point au métier des armes ; nous nous sommes livrés à son examen, et nous vous en offrirons bientôt le résultat.
Mais tandis que votre pensée s'arrêtera sur ces délibérations importantes, tandis que les soldats de la liberté marcheront pour la défendre, vous aurez à réprimer dans l'intérieur de l'Empire tous les ennemis de la Constitution ; ceux dont la religion est le prétexte sont les plus dangereux.
Il ne peut exister un culte qui défende d'obéir aux lois ; et si ce culte existait, il faudrait en purger la terre. L'obéissance et le respect pour les autorités établies sont, au contraire, un précepte formel du christianisme. Cependant, il n'est pas de moyens que des ministres n'em-ployent pour égarer et pour séduire. Ils en ont pour tous les caractères, pour toutes les consciences. Ils subjuguent l'homme scrupuleux par la crainte du remords; l'homme timide, par des menaces ; l homme orgueilleux, par l'espérance de la domination et la promesse ae la gloire. Ils appellent faux pasteur le prêtre ami de la Constitution; ses discours sont impies, ses actions sacrilèges ; le mariage qu'il bénit est un concubinage honteux dont la malédiction divine frappe d'avance la postérité. Leurs efforts sont surtout dirigés contre les habitants des campagnes ; et plus d'une fois ces hommes simples et
vertueux se laissèrent entraîner par des insinuations perfides.
Vous avez senti, Messieurs, que la tolérance des cultes et la liberté des opinions ne pouvait aller jusqu'à l'impunité de la désobéissance et du crime. Le roi a refusé sa sanction à vos décrets ; cependant les maux subsistent ; au lieu de s'affaiblir, ils croissent et se fortifient. Des mesures répressives sont donc indispensables. Nous vous proposerons une loi nouvelle, et nous aimons à penser qu'elle sera adoptée par le représentant héréditaire de la nation.
Nous avons aussi pensé qu'un de nos devoirs les plus impérieux, comme les plus doux, était de prémunir le peuple contre les erreurs de tous les genres de séduction et de fanatisme. L'opinion publique est un levier puissant dont il serait dangereux de ne pas calculer ou de calculer mal la force et la résistance. L'autorité nationale doit la diriger; mais elle ne peut le faire que par l'instruction. Si la police a été créée pour prévenir les fautes, et par là dispenser de punir, l'instruction empêchera d'avoir jamais l'idée même de les commettre ; elle est, si je peux m'exprimer ainsi, la police de la nature. l'homme a deux grands objets dans la carrière sociale. Son but envers lui est de se rendre heureux ; son but envers les autres est de se rendre utile. Il est facile de prouver que sa santé morale est dans la raison, dans la bonté et que l'ignorance ou l'erreur sont pour lui un véritable état de maladie. Tout ce qui est juste lui est utile; tout ce qui lui est essentiellement utile est juste : bonté, justice, utilité, en paraissant offrir des significations différentes, sont réellement des mots synonymes. On ne répétera jamais assez au peuple ces maximes salutaires. Que des adresses envoyées par vous le garantissent donc contre les écrits séditieux, les discours fanatiques, les hypocrites conseils des ennemis ouverts et des ennemis cachés de la liberté. Qu'elles lui fassent sentir tous les avantages d'une Constitution qui a replacé sur leurs bases éternelles l'égalité des hommes et la souveraineté des peuples.
Les sociétés populaires ont pareillement été le sujet de nos discussions. (Ah ! ah!) La France serait encore sous le joug de l'esclavage, s'il était défendu soit à aes nommes rassemblés, soit à des individus isolés, de désapprouver tel ou tel acte de l'administration publique, tel ou tel acte même du porps législatif. La Constitu tion le permet noii seulement quand elle fonde dans la garantie des droits la liberté de la presse, mais encore quand elle pose, dans le titre du pouvoir judiciaire, les bornes où s'arrêtera cette liberté. Eh! quoi I l'ancien régime, dont on sait bien que la tolérance n'était pas la principale vertu, permettait les réunions littéraires, les associations maçonniques, les confréries- religieuses ; et nous défendrions des rassemblements qui ont pour objet la discussion des plus grands intérêts de la patrie ! (.Applaudissements) à gauche). L'anabaptiste peut avoir son temple; le musulman sa mosquée ; ils peuvent s'y réunir avec tous les compagnons de leur doctrine ou de leur foi, y discuter, y enseigner, y prêcher leur dogme ou leur morale; et ce qui est permis à des sectaires serait défendu à des citoyens ! Mais si nous n'avons pas le droit d'interdire une réunion paisible et sans armes, nous avons le devoir de la resserrer dans des limites qui i l'empêchent d'être nuisible. Le despotisme détruit ; la liberté règle et dirige : elle ne fait pas
ce qui est plus court, mais ce qui est plus juste.
La loi a parlé. Si, à l'expression particulière et libre de leur opinion, les sociétés populaires joignent des actes solennels et publics; si elles s'opposent à l'exécution de ceux des auto ri tés constituées ; si, usurpant le caractère de l'existence politique, elles appellent à leurs délibérations des formes imitatrices des formes légales ; si, oubliant qu'elles ne renferment que des individus qui discutent et s'éclairent, elles appellent à leur bizarre tribunal des citoyens, des fonctionnaires publics, elles sont coupables, et les magistrats le deviennent eux-mêmes s'ils négligent de les dénoncer ou de les poursuivre. C'est contre Jeur négligence qu'il serait utile de faire desiois ; nous en avons contre les abus des sociétés populaires. Outre celle du 9 octobre 1791, plusieurs articles du Gode pénal et de la Constitution leur sont applicables, comme à tous les autres citoyens. Y caiomnie-t-on les individus, l'action en calomnie est ouverte. Y conseille-t-on des démarches criminelles, y provoque-t-on l'avilissement des pouvoirs établis, il existe des tribunaux.
Le grand reproche mérité par les sociétés populaires est de se laisser tour à tour séduire par quelques-uns de ces coupables agitateurs qui, pour mieux les égarer, prennent avec soin le masque du patriotisme et de la vertu. Il y a deux mots dont les despotes et les hommes séditieux font un abus éternel. Les séditieux crient sans cesse à la liberté pour protéger par-là leur licence ; les despotes crient sans cesse à l'ordre public pour protéger et couvrir par là les abus ae leur pouvoir. Les uns désorganisent la société à force d'action, les autres l'enchaînent et l'engourdissent à force de repos. (Applaudissements.) On les a vus plus d'une fois se réunir pour exciter ensemble des troubles qui leur sont également utiles ; ils ont pour objet commun d'aversion les dépositaires de la confiance publique ; leurs efforts se dirigent principalement contre l'Assemblée nationale; mais elle en triomphera, comme la philosophie a triomphé de l'erreur et la liberté de la tyrannie. Nous n'avons pas sans doute le privilège de l'infaillibilité ; beaucoup de fautes nous sont échappées; au milieu des grandes factions qui nous déchirent, les erreurs sont faciles ; mais serait-il donc vrai que jusqu'à ce jour nous nous fussions agités vainement pour le bonheur des Français ? L'organisation militaire a été achevée, celle de la marine est sur le point de l'être ; la gendarmerie nationale a reçu tout à la fois plus de force et plus d'étendue ; des trames contre la sûreté-de l'Etat ont été dévoilées et poursuivies ; et tandis que le glaive d'une justice éclairée menaçait les coupables, des honneurs suprêmes ont été rendus aux martyrs de la loi.
D'un autre côté, de petits assignats vont offrir au citoyen peu riche une ressource nouvelle. Des encouragements ont été accordés au commerce, et les manufactures françaises ne furent jamais plus florissantes. Les hommes de couleur et les nègres libres sont remontés à leurs droits naturels, et vos comités méditent sur les moyens de couper les dernières racines de l'esclavage. Vos regards se sont portés sur les actes principaux de la vie des hommes; vous avez rendu aux magistrats du peuple le droit qu'avaient usurpé les Drêtres, de cohstater la naissance, le mariage et a mort; vous avez brisé les liens inutiles et iangereux dont la superstition embarrassait l'union la plus saiute, puisqu'elle est la plus na*
turelle ; vous avez assuré la défaite entière, la mort du fanatisme, eh le frappant jusques dans ses vêtements, qui lui donnaient aux yeux du peuple un caractère particulier. Les hases de l'instruction publique vous ont été présentées et l'édifice sera bientôt construit. Le Gode civil ne tarderapoint à être terminé, et une organisation nouvelle des secours les rendra plus bienfaisants et plus universels. L'histoire de ces travaux et des travaux moins connus, mais nombreux, suivis avec une infatigable activité au sein de tous les orages politiques, est la seule réponse digne de vous. Vous avez aussi frappé deux des prin-• cipaux agitateurs du peuple, et votre exemple aura sans doute averti les magistrats qui affectent sur cet objet un engourdissement coupable. Les délits de la presse sont déterminés par la Constitution. Tous les fonctionnaires, tous les citoyen» ont juré de la maintenir. D'où vient donc le lâche silence des administrateurs et des tribunaux? Sous le régime ancien, nous connaissions des vengeurs publics. N'en subsiste-t-il plus, ou sommes-nous condamnés à les voir devenirles colporteurs et complices des troubles et de la calomnie?
Yotrecommission extraordinaire s'occupe d'une loi qui fixera les peines auxquelles doivent être soumis les délits exprimés dans l'Acte constitutionnel. Jamais la calomnie, la sédition, la prédication du crime, l'outrage de tout ce qui existe d'autorité, de morale, de vertus ne se montrèrent avec une plus audacieuse impunité. Jamais, peut-être, ils ne furent plus dangereux. Des écrivains sans pudeur cherchent, même aujourd'hui, à désorganiser l'armée, comme ils cherchaient depuis longtemps à désorganiser l'Empire. Lés uns tracent des plans pour nos généraux ; les autres réforment les plans tracés ; tous jugent et censurent des hommes illustrés par M) ans de gloire et de travaux. Cela n'est que ridicule; mais voici qui devient criminel : versant sur toutes les actions le poison de la défiance, quoi qu'il arrive, ils accusent et ils égarent. Quand nos armées seront victorieuses, Ils diront aux soldats citoyens : Tremblez, méfiez-vous de vos chefs et de leur puissance, les succès guerriers eurent toujours une influence terrible sur la liberté des peuples. La victoire se sera-t-elle refusée à notre courage ? Tremblez : diront-ils encore, et méfiez-vous de vos chefs; ils vous trahissent; ils «ont vendus aux ennemis de la patrie ! (Applaudissements.)
: On dit tout cela aux Jacobins.
, rapporteur. Non, Messieurs, non, il n'est pas possible que nos armées triomphent, maigre tout le dévouement et le courage des citoyens qui les composent, si on jette sans cesse dans l'ame des soldats le soupçon et la défiance. La défiance, nous ne pouvons trop le redire, est la cause principale de nos maux : un peuple qui ne sait pas se confier, est indigne d'être libre. C'est par elle que sont désunis un grand nombre de citoyens qui méritent tous de concourir ensemble a raffermissement de la Constitution.
Quelques hommes d'une imagination ardente ont voulu s'arroger le privilège exclusif du patriotisme. Ne voyant les objets qu'avec la teinte qu'y mettent leurs passions, ils ne croient pas qu'on puisse sentir si on ne sent pas comme eux. Ils oublient que la force d'un sentiment est bien plus dans la confiance et dans la pro-
fondeur que dans la vivacité de son expression. Ils oublient que le jeune homme et le vieillard, l'homnae né avec une constitution vigoureuse et l'homme né avec une organisation délicate, ne peuvent, quand ils auraient les mêmes lumières, avoir les mêmes nuances dans leur opinion, ni la même manière de l'exprimer : mais ce qu'ils peuvent, ce qu'ils doivent tous, c'est d'aimer également leur patrie et de brûler de son bonheur. Ah! s'il était parmi nous un citoyen assez lâche pour se laisser égarer par une fausse ambition ou corrompre par l'avarice, qu'il périsse, et que son nom soit couvert d'un opprobre éternel![Vifs applaudissements,) Mais, encore une fois, loin de nous cette méfiance qui a si souvent troublé ou suspendu nos travaux. 0 mes collègues, permettez-moi de le dire! ô mes amis, puisque nous le sommes tous du peuple et de la liberté, aimons-nous, unissons-nous, et la patrie est sauvée.( Vifs applaudissements dans une grande partie de l'Assemblée.)
Tous les Français aiment, désirent, veulent la liberté ; mais presque tous, fatigués d'une longue agitation, demandent enfin un culte pur et une adoration tranquille. N'est-ce donc pas assez des dissensions politiques, sans y joindre les dissensions civiles? Messieurs, on vous a souvent dit : la Consitution ou la mort ; et moi je vous dis ; l'union ou l'esclavage. (Bravo ! bravo! — Vifs applaudissemen ts.)
Plusieurs membres : L'impression et l'envoi au 83 dépàrtements !
D'autres membres : La division !
(de Vile Bourbon.) On vous propose d'envoyer aux 83 départements des adresses. Ce rapport est la plus belle adresse qu'on puisse leur envoyer.
(L'Assemblée décrète l'impression du discours de M. Pastoret.)
Le discours de M. Pastoret présente des vues, des idées très heureuses.; mais je ne crois point -que l'Assemblée puisse y voir ce quelle a désiré. L'Assemblée nationale a demandé au comité extraordinaire des Douze, des mesures pour la sûreté générale de l'Etat, et je n'en vois aucune dans le rapport de M. Pastoret. J'observe à l'Assemblée qu'il est intéressant, avant qu'elle décrète l'envoi aux 83 départements, qu'elle entende la lecture des différents travaux, parce que ce sera le travail 1e plus utile, celui dans lequel les points de vues seront le mieux saisis, et qui présentera réellement le projet le plus utile pour sauver la France^ Je demande la division et la question préalable sur l'envoi aux 83 départements.
, Nous avons formé le projet d'adresse ; mais on a pensé que cela devait être examiné et médité avec soin, avant que d'être envoyé aux 83 départements. Or, si vous envoyez actuellement le rapport qui vient d'être fait, qui a donné lieu à plusieurs discussions et à différentes modifications,il en résulterait que ce serait égarer l'opinion publique. D'après cela je conclus à l'ajournement.
(de VUe de Bourbon). L'envoi aux 83 départements préparera les esprits à recevoir cette adresse. Qu'il me soit permis de vous le dire, vous avez envoyé souvent aux départements des adresses sur lesquelles vous n'aviez pas assez médité; des adresses dont chaque phrase était susceptible de discussion. La France entière attend avec inquiétude les moyens qui
seront pris par l'Assemblée. (Murmures à l'extrême gauche,) Elle attend qu'elle prenne des moyens pour réprimer tous les désordres, pour frapper sur tous les factieux, sur toutes les sectes dangereuses. Voiis lui annoncez que vous vous occupez de ces moyens ; que déjà votre commission extraordinaire vous a présenté le tableau de ces moyens. Je n'ai rien aperçu dans le rapport qui vous a été fait par M. Pastoret, qui puisse contrarier les vrais principes de la Constitution, ceux d'après lesquels l'Assemblée doit toujours marcher. Je ne crois pas, Messieurs, qu'il soit utile de m'étendre pour faire sentir 1 utilité d'une mesure qui doit rassurer la France, et qui doit la convaincre de plus en plus que l'Assemblée nationale veut ramener l'ordre dans l'Empire.
(L'Assemblée ferme la discussion, rejette l'ajournement et décrète l'envoi aux 83 départements.)
et autres réclament contre l'épreuve.
(Aisne), cru nom de la commission extraordinaire des Douze, fait un rapport (1) et présente un projet de décret sur les moyens à prendre dans le cas du danger de la patrie ; il s'exprime ainsi :
Messieurs, parmi les objets de la pins haute importance, qui ont fixé l'attention de votre commission des Douze, elle a cru devoir principalement s'arrêter sur la circonstance possible, où la chance des événements mettrait l'Empire français en véritable péril ; elle s'est rappelée ces jours de crise et de gloire où le peuple entier s'est levé pour recouvrer la liberté, l'égalité, et les donner pour bases à notre Constitution; elle a considéré que si ces bases sont inébranlables, cependant, il est dans la nature de la méchanceté, de l'orgueil, de la tyrannie, d'espérer, de tenter de les détruire : elle a vu que tel était le but des efforts combinés de nos ennemis intérieurs et extérieurs, et alors se portant à une époque éloignée sans doute, mais que le cours des choses peut amener, avare du sang d'un seul citoyen, elle a dit : si le peuple se lève, que la loi lui en donne le signal, et qu'elle règle ses mouvements. (Applaudissements.)
Oui, Messieurs, et nous 'osons penser que les conjonctures actuelles vous en font un
devoir instant; il est de la sagesse du législateur de diriger cette grande et salutaire
impétuosité: il est de sa prévoyance de marquer à l'avance le poste où chaque membre du
corps social doit se rendre et combattre quand ce corps est menacé. Nous disons que les
conjonctures vows en font un devoir, en effet, quelle est maintenant la situation des bons
citoyens? Inquiétés par la guerre étrangère, les intrigues et les manœuvres de tout genre
les fatiguent au dedans ; on s'étudie à leur rendre tout suspect et problématique, on leur
cite les écarts préparés de la licence, pour leur faire haïr la liberté, on les alarme sur
la propriété, comme s'il pouvait en exister dans un régime d'esclavage; que vous dirai-je,
on harcèle leur imagination pour qu'enfin ils s'écrient : la patrie est en danger, et que
s'aban-donnant à des mesures fausses ou incohérentes, ils compromettent, au profit de leurs
ennemis, t leur courage, et la cause qu'ils défendent.
Votre commission a pensé, Messieurs, que si des conspirations ou des revers amenaient ces temps de crise, dès l'instant de la proclamation que vous en feriez, la surveillance des autorités constituées devait être habituelle, l'activité des gardes nationales permanentes, et la responsabilité des principaux agents du pouvoir exécutif plus sévère, c'est quand le danger pèse sur les lois, que leur réaction doit être plus forte, et leur ressort moins flexible. (Applaudissements.) C'est alors que nul ne peut, sans trahison, s'attiédir sur ses droits ; dans le camp, dans les cités, dans ses foyers, dams ses fonctions, chacun est dépositaire des destins de tous, alors la négligence est un délit, la fuite une désertion. C'est surtout à ceux dont la mission a le plus de latitude, et qui, hors de la main du peuple, semblent ne tenir à lui que par la volonté présumable de marcher dans le sens de son intérêt, c'est au ministère principalement que sont applicables ces vérités. Nous avons bien senti l'injustice qu'il y aurait à assujettir les ministres dans tous les cas à une responsabilité solidaire; mais quand la patrie est en danger, quand tous les autres intérêts font silence ; lorsque le conseil, comme l'exécution, n'ont plus qu'un seul objet, le salut de l'Etat; ce serait en affaiblir et même en trahir l'espérance que de ne pas demander une commune garantie à tous les ministres, que de laisser à un conseiller perfide le moyen d'échapper, et que ne pas les intéresser tous aux actes de chacun. Ce qui est vrai, dans ce cas, Messieurs, l'est à plus sorte raison dans la situation composée, où le danger proviendrait du pouvoir exécutif lui-même; et assurément, si des ministres prévaricateurs et profondément pervers amenaient l'Etat sur les pentes escarpées d'un précipice, oserait-on dire que le danger de leurs têtes serait, non pas une trop forte, mais une suffisante compensation de celui de l'Etat? Non,
nous ne dicterons pas le choix des ministres, mais nous les empêcherons de se jouer à leur gré des destinées au peuple, et si, en multipliant autour d'eux l'image de la loi, nous écartons les intrigants de ce cercle redoutable, si nous pouvons parvenir à n'avoir que des ministres hommes de bien, nous aurons tout gagné, parce que nous aurons détruit la cause principale et souvent irrémédiable des calamités publiques. (Applaudissements. )
J'ajouterai à cette considération, que s'il est possible alors de rallier autour de la chose publique ces esprits incertains, toujours prêts à voir, dans un grand mouvement, un grand bouleversement, ces hommes pusillanimes, incessamment alarmés lorsqu'on leur montre le plus précieux des biens, précédé de ces dangers et de ces convulsions populaires; s'il est possible, dis-je, de faire taire la calomnie et de lui ôter les prétextes que lui fournirait l'écroulement de certains pouvoirs, c'est en leur prescrivant à tous une marche plus ferme et plus soutenue, une physionomie plus austère, c'est en proportionnant l'étendue de leurs devoirs à la gravité des circonstances. Aussi,-votre commission a-t-elle pensé que l'exemple de cette circonspection devait principalement sortir du Corps législatif, et que, non seulement pour soumettre la proposition de déclarer le danger de la patrie, au calme de la, réflexion, mais encore pour écarter de votre détermination les suggestions de la malveillance et les dangers de rinstantanéité, vous deviez vous entourer de précautions suffisantes pour ne pas affaiblir ou compromettre une aussi grande ressource, et l'impression que doit proi duire un tel décret.
Passant aux détails d'exécution, nous n'avons pas cru devoir nous borner à des généralités qui disent trop ou trop peu. C'est une grande idée que celle qui présente 25 millions d'hommes levés pour repousser le despotisme, mais quand on l'analyse sous le rapport de l'événement, on voit, ainsi que je vous l'ai dit, que si ce mouvement n'est pas réglé, il n'est plus qu'une commotion profonde qui peut être funeste à une foule d'individus, et peut-être même à la liberté. L'ordre, le besoin de chefs habiles, les soldes, les approvisionnements, les - subsistances de chaque jour, tout demande ici que l'action soit concertée, c'est pourquoi votre commission vous proposera de fixer le nombre de ceux qui se rendront au poste du danger, d'en laisser le choix aux citoyens réunis, et de remettre la surveillance intérieure à ceux qui attendront que leur tour de remplacer leurs frères d'armes soit arrivé. Tous doivent être avertis et préparés, mais nul ne pensera qu'il faille abandonner toutes les occupations qui maintiennent la vie sociale, pour se porter confusément aux lieux de l'attaque. Huit jours d'une semblable existence serait la mort du corps politique.
Les difficultés de l'armement nous ont aussi arrêté, mais, indépendamment de la fabrication journalière de nos manufactures et des achats multipliés que vous devez ordonner, lorsque nous avons envisagé pour quelle cause les armes nationales devaient être employées, nous n'avons pas douté un instant qu'elles ne fussent confiées temporairement, suivant votre vœu, à ceux que leurs concitoyens choisiraient pour les défendre. La loi, Messieurs, ne doit pas calculer d'après des suppositions improbables, ou criminelles, et lorsque vous aurez proclamé le péril de la patrie, l'intérêt ne sera pas, qu'un citoyen isolé
reste armé chez lui, mais que les défenseurs de tous puissent défendre.
Il me reste une observation importante à vous faire, c'est qu'il ne faut pas juger un état de choses passager et extraordinaire, tel que celui dont je parle, d'après un état permanent de tranquillité; et si jamais cette manière de voir peut être dangereuse, c'est lorsqu'on essaie une Constitution, lorsque toutes les passions font effort pour dissoudre un gouvernement qui les comprime, et pour lui en substituer un autre; c'est lorsque l'inertie des uns, la corrosive activité des autres, ont détruit tous les ressorts, et que la rebellion se lève; alors le salut du peuple est la loi suprême, il est la raison suffisante des mesures du législateur, c'est par elle, surtout, que je justifierais la peine de mort que nous vous proposerons de décréter contre toute personne revêtue d'un signe de révolte, l'ordre à tout citoyen de l'arrêter oh de la dénoncer, et l'attribution de la poursuite aux tribunaux ordinaires.. Messieurs, dans ces moments terribles, il faut opter entre la paix de sang qu'offre le despote qui tient ses chaînes prêtes, et l'ordre de la loi, qui n'est rigoureuse un instant que pour mieux nous sauver.
En terminant ici cette courte exposition des motifs du décret que je vais vous présenter, il m'est doux de penser que ces jours de deuil et d'énergie peuvent encore s'éloigner de nous. Non, ni la coalition des tyrans, ni ces mépri-, sables intrigues d'un jour avec lesquelles on veut nous diviser, ne me paraissent telles que la nation doive se lever pour les dissiper. Si nous n'oublions pas ce que sont le despotisme et la liberté; si nous nous pressons autour des principes de notre Constitution, sr nous nous rappelons les époques glorieuses de sa fondation, si nous ne perdons pas de vue que, dans 10 mois, nous aurons à remettre intact, et sans altération, à nos successeurs, ce dépôt des droits qui nous a été confié. (Applaudissements d'une grande partie de l'Assemblée.) Oui, Messieurs, alors nous irons en avant, car nous sentirons qu'il n'y a pas d'instant à perdre, nous apprécierons à leur valeur ces plans de politique obscure, qui, en dernier résultat, donnent toujours la misère du grand nombre et l'orgueil de quelques-uns ; notre mépris fera justice de ces injures mendiées contre le Corps législatif et qui n'ont d'autre effet que d'attester la basse cupidité ou l'odieuse immoralité de leurs signataires. Eh! ce n'est point avec de tels moyens que. chez le Français éclairé, on ébranle un système dont les racines éternelles, attachées à la nature, croissent et vivent avec elle. Mais, il est important, il est instant dé rassurer le peuple, placé par lui sur la hauteur, c'est à notre contenance qu'il juge de sa propre position. N'omettons aucune précaution;' soyons calmes et serrés, et notre tranquillité sera le gage et le fondement de la tranquillité des citoyens. (Applaudissements.)
projet de décret.
L'Assemblée nationale considérant que les efforts multipliés des ènnemis de l'ordre, et la propagation ae tous les genres de troubles dans les diverses parties de l'Empire, au moment où la nation, pour le maintien de sa liberté, est engagée dans une guerre étrangère, peuvent mettre en péril la chose publique, et faire penser que le succès de notre régénération politique est incertain ;
Considérant qu'il est de son devoir d'aller au-devant de cet événement possible, et de prévenir par des dispositions fermes, sages et régulières, une confusion aussi nuisible à la liberté et aux citoyens, que le serait alors le danger lui-même;
Voulant qu'à cette époque, la surveillance soit générale, l'exécution plus active et surtout que le glaive de la loi soit sans cesse présent à ceux qui, par une coupable inertie, par des projets perfides, ou par l'audace d'une conduite criminelle, tenteraient de déranger l'harmonie de l'Etat ;
Convaincue qu'en se réservant le droit de déclarer le danger, elle en éloigne l'instant et rappelle la tranquillité dans l'âme des bons citoyens ; .
Pénétrée de son serment de vivre libre ou de mourir, forte du sentiment de ses devoirs et des vœux du peuple, pour lequel elle existe, décrète qu'il y a urgence. '
L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de sa commission des Douze, et décrété l'urgence, décrète ce qui suit :
« Art. Ier. Lorsque la sûreté intérieure ou la sûreté extérieure de l'Etat seront menacées, et que le Corps législatif aura juge indispensable de prendre des mesures extraordinaires, il le déclarera par la formule suivante :
Citoyens, la patrie est en danger.
« Art. 2. Aussitôt après la déclaration publiée, les conseils de département et de district se rassembleront, et seront ainsi qUe les munici^ palités, en surveillance permanente.
« Art. 3. Tous les citoyens en état de porter les armes, et ayant déjà fait le service de gardes nationales, seront aussi en état d'activité permanente.
« Art. 4. Tous les citoyens seront tenus de déclarer, devant leurs municipalités respectives, le nombre et la nature des armes et munitions dont ils seront pourvus.
« Art. 5. Le Corps législatif fixera le nombre de gardes nationales que chaque département devra fournir.
» Art. 6. Les directoires de département en feront la répartition entre les cantons, à proportion du nombre des gardes nationales de chaque canton.
« Art. 7. Trois jours après la publication de l'arrêté du directoire, les gardes nationales se rassembleront par canton, et sous la surveillance de la municipalité du chef-lieu, et choisiront entre eux le nombre d'hommes que le canton devra fournir.
« Art. 8. Les citoyens qui auront obtenu l'honneur de marcher les premiers au secours de la patrie en danger se rendront 3 jours après au chef-lieu de leur district ; ils s'y formeront en compagnie devant un commissaire de l'administration du district, conformément à la loi du 4 août 1791. Ils y recevront le logement sur le pied militaire, et se tiendront prêts à marcher à la première réquisition.
« Art. 9. Les capitaines commanderont alternativement et par semaine, les gardes nationales choisis et réunis au chef-lieu de district.
« Art. 10. Lorsque les nouvelles compagnies des gardes nationales de chaque département seront en nombre suffisant pour former un bataillon, elles se réuniront dans les lieux qui leur
seront désignés par le pouvoir exécutif, et les volontaires y nommeront leur état-major.
t Art. 11. Leur solde sera fixée sur même pied que celle des autres volontaires nationaux ; elle aura lieu du jour de la réunion au chef-lieu de canton.
« Les armes nationales seront remises dans les chefs-lieux de canton aux gardes nationales choisis pour la composition des nouveaux bataillons de Volontaires. L'Assemblée nationale invite tous les citoyens à confier volontairement, et pour le temps du danger, les armes dont ils sont dépositaires, à ceux qu'ils chargeront de les défendre.
« Art. 13. Aussitôt la publication du présent décret, les directoires de département se fourniront chacun de 4,000 cartouches à balles, calibre de guerre, qu'ils conserveront en lieu sain et sûr, pour en faire la distribution aux volontaires au moment du départ.
« Art. 14. La solde dès volontaires leur sera payée sur les mandats qui seront délivrés par les directoires de district, ordonnancés par les directoires de département, et les quittances en seront reçues à la Trésorerie nationale comme comptant.
« Art. 15. Indépendamment de la responsabilité du ministère, dans les cas où elle peut être exercée, elle aura lieu de droit pour tous les objets délibérés au conseil, relatifs à la sûreté intérieure ou extérieure de l'Etat, à l'instant même où le Corps législatif aura déclaré que la pairie est en danger.
« Art. 16. Si le danger de la patrie, déclaré par l'Assemblée nationale, provient des actes du pouvoir exécutif, délibéré au conseil, le ministère, en ce cas, demeurera également responsable.
? Art. 17. Toute personne revêtue d'un signe de rebelliori sera poursuivie devant les tribunaux ordinaires, et punie de mort. Il est ordonné à tout citoyen de l'arrêter ou de la dénoncer sur-le-champ, à peine d'être réputé complice. Toute cocarde, autre que celle dés trois couleurs, est un signe de rebellion. s
«Art. 18. La déclaration du danger de la patrie ne pourra ^tre prononcée dans la môme séance où elle aura été proposée; et avant tout, le ministère seraentendu sur l'état du royaume.
« Art. 19. Lorsque le danger de la patrie aura cessé, l'Assemblée nationale le déclarera par la formule suivante :
« Citoyens, la patrie n'est plus ep danger. »
Je prie l'ASsem-blée nationale d'observer que le discours de M. Jean Debry, à raison de la beauté du style, delà force et de l'étendue des idées, mérite à tous égards de fixer l'attention, J'en demande donc l'impressibn et en même temps qu'on accorde aux mesures solides qu'il présente le même honneur qu'on a accordé aux phrases harmonieuses de M. Pastoret, c'est-à-dire l'envoi au 83 départements. (Murmures.) Un autre motif me détermine à monter à la tribune, c'est pour demander qu'à raison de l'urgence des circonstances, on veuille bien entendre dès ce moment à la tribune tous ceux qui croient avoir des suppléments à présenter sur les causes qui peuvent occasionner les troubles intérieurs.
J'ai demandé la parole, non pas pour comoattre la première partie de la motion ! de M. Lecointe-Puyraveau...
Plusieurs membres : Ce n'est pas appuyé ; l'impression seulement!
fL'Assemblée ordonne l'impression du rapport et du projet de décret et l'envoi aux 83 départements.)
Je demande que le projet de décret de M. Jean Debry soit mis à la discussion au plus tard après-demain matin. Je demande que maintenant l'on continue la discussion sur les mesures générales.
Plusieurs membres : Il faut qu'il soit imprimé!
Après avoir décrété l'envoi aux 83 départements, je pense qu'on doit s'occuper, nom seulement lundi, comme le propose M. Vergniaud, mais surjle-champ, des mesures proposées par M. Debry ; mais que jamais les lois ne doivent prévoir les circonstances où le Corps législatif peut déclarer que la patrie est en danger.
Je dis que par l'intérêt, que vous devez au salut public, vous ne devez apporter aucun retard à une mesure qui, à mon avis, peut seule sauver la France. Je demande donc que, séance tenante, on ouvre la discussion sur le projet de décret qui vous a été présenté.
L'Assemblée nationale avait chargé sa commission des Douze de lui faire on rapport sur la question de savoir quelle s étaient les causes et les dangers qui affligeaient le royaume.
Plusieurs membres: Aux voix! aux voix l'ajournement 1
(L'Assemblée ajourne au lundi suivant la discussion du projet de décret de M. Jean Debry.) ; Un de M H. les secrétaires donne lecture d'une lettre de M. La Fayette, qui est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« En retournant au poste où de braves soldats se dévouent à mourir pour la Constitution, mais ne doivent et ne'veulent prodiguer leur sang que pour elle, j'emporte un regret vif et profond de ne pouvoir apprendre à l'armée que; l'Assemblée nationale a déjà daigné statuer sur ma pétition.
* Le cri de tous les bons citoyens, du royaume que quelques clameurs factieuses s'efforcent en vain d'étouffer, avertit journellement les représentants élus du peuple et son représentant héréditaire, que tant qu'il existera près d'eux une secte qui entrave toutes les autorités.... (Murmures à l'extrême gauche.)
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
Il est étonnant qu'un général d'armée vienne dicter des lois. (Murmures à droite.)
Plusieurs membres : A l'ordre t à l'ordre !
If autres membres parlent dans le hruit !
M. le secrétaire continue :
... menace leur indépendance, et qui, après avoir provoqué la guerre, s'efforce, en dénaturant notre cause, de lui ôter des défenseurs; tant qu'on aura à rougir de l'impunité d'un crime de lèse-nation qui a excité les justes et pressantes alarmes de tous les Français, et l'indignation universelle, notre liberté, nos lois, notre honneur, sont en péril. Telles sont les vérités que les âmes libres et généreuses ne craignent pâs de répéter; révoltées contre les fac-
tieux de tout genre; indignées contre les lâches qui s'aviliraient au point d'attendre une intervention étrangère; pénétrées du principe que je m'honore d'avoir le premier professéen France, que toute puissance illégitime est oppression, et qu'alors la résistance-devient un devoir, elles ont besoin de déposer leurs craintes dans le sein du Corps législatif; elles espèrent que les soins des représentants du peuple vont les en délivrer.
« Quant à moi/Messieurs, qui ne changeai jamais ni de principes, ni de sentiments, ni de langage, j'ai pensé que l'Assemblée nationale, ayant égard à, l'urgence et au danger des circonstances, permettrait que je joignisse la nouvelle expression de mes regrets et de mes v^eux à l'hommage de mon profond respect. « ;
« Signé: La Fayette. »
Plusieurs membres demandent la parole.
D'autres membres demandent le renvoi à la commission des Douze.
(L'Assemblée renvoie la lettre à la commission extraordinaire des Douze.)
(d'Angers). Messieurs (1), vous venez d'ouvrir la discussion sur les mesures générales qu'il faut prendre pour assurer la tranquillité du royaume: je vais vous en présenter une.
Lorsque la liberté publique est en danger, lorsqu'un Empire affranchi du joug du despotisme, et après avoir passé par les angoisses d'une longue et laborieuse révolution, est menacé de l'opprobre de son ancienne servitude et des vengeances de la tyrannie ; lorsque des forcés étrangères et ennemies, armées pour foudroyer un peuple dont le seul crime est d'avoir recouvré le sentiment de sa grandeur et les titres de sa souveraineté, trouvent des complices de leur conjuration dans des hommes qui vivent au milieu de nous, dans une Cour qui existe près de cette enceinte, dans tout ce qui environne le pre-mièr fonctionnaire public, qui n'a été revêtu de cette éminente qualité qu'après avoir solennellement accepté la constitution de l'égalité et de la liberté ; lorsqu'enfin les représentants-du souverain, éclairés sur la fausseté de leur confiance dans une administration exécutive qui trahit tout, et qui perd tout enfeignantde vouloir tout sauver, sont placés dans une circonstance extraordinaire, où tout les avertit qu'une grande et désastreuse explosion se prépare pour replonger la nation dans l'avilissement de l'esclavage : alors, Messieurs, il ,n'y a plus qu'un principe qui doive guider les envoyés du peuple, un principe que je voudrais voir graver, dès ce moment, en caractères profonds et ineffaçables sur les murs du sanctuaire des lois, et dans les termes suivants:
« Jusqu'après l'extinction de tous les foyers de conspiration et la clôture définitive de la révolution de l'Empire, les représentants, des Français, dans leurs déterminations répressives contre les conspirateurs et. les perturbateurs de l'ordre public ne consulteront que la loi impérieuse et suprême du salut public. » (Applaudissements et murmures,)
Et qu'on ne dise pas que je propose d'attenter à la Constitution. (Slurmures à droite.) Je
sais que le plus sacré des devoirs d'un législateur est de
Mais je sais aussi que, dans les temps-de Révolution, le choc des intérêts opposés, l'exaspération des . esprits, la combinaison de faits singuliers qui produisent des événements extraordinaires ; qu'enfin la malveillance et la perfidie qui se mettent hors de la loi, forcent souvent le législateur, pour lè maintien et pour l'affermissement de la Constitution, de prendre des mesures qu'elle n'a pas exprimées, mais qu'elle n'a pas formellement interdites.
C'est, Messieurs, une maxime établie sur les notions élémentaires de la philosophie politique, que le salut et le bonheur du peuple sont la dernière fin de toute Constitution et de tout système de législation ; que tout eat subordonné à la nécessité que sa régénération s'achève ; et qu'il soii enfin imperturbablement à couvert de toute rechute dans les fers de ses oppresseurs.
Si donc il était prouvé que, dans un temps où toutes les manœuvres de la perfidie nous environnent au dedans, et . où des légions armées par les despotes étrangers nous menacent au dehors, l'observation littérale et rigoureuse de la Constitution, deviendrait le tombeau de la Constitution même, et ménagerait de toutes parts des issues au souffle homicide de l'esprit de subversion et de contre-révolution4 je vous le demande : quel est le citoyen juste et vertueux qui osât vous dire que vous devez* immoler la nation et sacrifier la liberté du peuple, plutôt que de prendre une mesure de sûreté que la Constitution n'a pas prévue ?
Messieurs, quand une Constitution est née au sein dès tempêtes et des grandes convulsions d'une Révolution, et que cette Révolution se prolonge, alors la Constitution, ce gage sacré de la sagesse législative, est là, non pour être actuellement le régulateur d'une machine que les ...flots agitent encore, et dont les vacillations au milieu des vents et des orages suspendent tous les mouvements : mais il est là pour être le grand ressort du régime de l'Empire, lorsque l'Empire sorti de l'état de révolution, n'aura plus qu'à se gouverner, et qu'à faire jouir ses fortunés habitants de tous les trésors de la liberté et de la paix. {Applaudissements dans les tribunes,)
11 n'est, plus permis de se le dissimuler : c'est avec la Constitution que nos ennemis préparent la contre-révolution et veulent tuer la liberté; et lorsqu'en dernier lieu une cabale odieuse ravit à leurs fonctions des ministres d'un civisme incorruptible... (Applaudissements à gauche, murmures à droite.).
Plusieurs membres à droite : Ah ! ahl
(d'Angers).,. Je le répète à ceux qui feignent d en douter : des ministres d'un civisme incorruptible...
A la probité près.
M. Delaunay (dMn0er«)... et les premiers qui ayant été assez grands pour faire entendre au monarque le langage de l'austère vérité, ie rédacteur de la lettre par laquelle ce monarque vous annonce cette destitution scandaleuse, lui fait dire qu'il veut la Constitution... Et nous, Messieurs, songeons que nous sommes les re présentants d'un peuple qui veut la liberté et l'égalité; d'un peuple prêt à réclamer enfin tous ses droits, et a consommer une véritable révolution, si ses ennemis le réduisent à cette nouvelle extrémité; d'an peuple disposé à redevenir ce qu'il était en 1789 ; c'est-à-dire, n'ayant d'autre passion que celle d'être fibre, et d'autre besoin que celui d'anéantir ses oppresseurs. (Applaudissements à gauche et dans les tribunes.)
Ce peuple, qui connaît le péril de la chose publique, est dans l'attente d'une mesure extraordinaire et forte, de la part de ceux à qui il a confié ses destinées. Il sait que votre mission est d'exécuter son vœu, et de statuer ce qui est voulu par la nation : or, la nation, qui veut directement, et avant tout, que la Révolution soit stable, et que la liberté triomphe, ne veut la Constitution que selon qu'elle assure cette stabilité de régénération, et cette victoire sur la tyrannie. Si donc un respect irréfléchi pour des principes de législation générale, qui ne peuvent s'appliquer à des circonstances imprévues, au lieu de servir au maintien de la Révolution, devient l'aliment de coupables espérances^ et une ressource pour la perfidie, craignez que vos commettants ne vous reprochent cette-superstition politique, comme une erreur dangereuse qui va tout perdre, et qui vous constitué violateurs de la volonté nationale.
Nous avons tous juré de maintenir la Constitution ; etnous la maintiendrons : maisnous avons aussi juré avant tout, de vivre libres ou de mourir; et certes, un engagement postérieur, et toujours subordonné au plus saint dès serments, ne peut jamais être Rengagement de laisser périr la liberté, la Constitution elle-même, et d'inonder l'Empire du sang de nos concitoyens.
Si, par exemple, cette Constitution prêtait à un chef égaré ou pervers une force et une autorité qui deviendraient dans ses mains un instrument de conspiration contre la liberté; si cette Constitution lui attribuait les intarissables moyens d'un trésor corrupteur, et qu'il tournât contre le peuple le prix de la sueur et des larmes du peuple, croyez-vous que la nation vous pardonnât d'alléguer votre engagement constitutionnel, pour laisser subsister cette racine de calamités et de subversion?
Messieurs, la Révolution n'est pas faite; et quand nos prédécesseurs, en nous remettant le dépôt sacré de la Constitution, ont dit que la Révolution était achevée, sans doute ils le désiraient; mais quelque immense que fût leur pouvoir, ils n'avaient pas celui de commander aux passions.
Une révolution n'est pas faite, tant que l'anarchie dure encore, et que l'aristocratie conspire; elle n'est pas faite,quand des factions déchirent l'Empire, et que les différents partis font servir la Constitution d'instrument à leurs vues ambitieuses, ou à la bassesse de leurs calculs particuliers. Une révolution n'est pas faite, alors qu'un général, les armes à la main, ose, dans un manifeste, donner des leçons aux représentants du peuple (Applaudissements à l'extrême gauche et dans voie partie des tribunes.), alors qu'il abandonne son poste pour solliciter
à la barre de l'Assemblée nationale ce que demandait Léopold (Mêmes applaudissements.), ce que demandent encore les Autrichiens, la dissolution des sociétés populaires créées par la Constitution ; alors qu'il se dit l'organe du vœu délibé-ratif d'une armée essentiellement obéissante, qui constitutionnellement ne peut délibérer. Rappelez-vous, Messieurs, que quand César, du fond des Gaules, et à la tête d'une armée victorieuse, dictait aussi des leçons au Sénat, il était bien près de passer le Rubicon. On l'en punit : mais l'exemple était donné; et la liberté fut perdue.
Je suis loin de comparer le jeune général dont je parle, à César (Mêmes applaudissements.), à ce guerrier couvert de triompnes et de victoires, à cet homme extraordinaire, dont le génie égalait l'Empire qu'il asservit : on ne me reprochera pas de faire, en ce sens, des rapprochements, là où il existe une distance incommensurable. (Mêmes applaudissements.) Je ne tremble point pour la liberté de mon pays : elle n'est point attachée aux petites intrigues d'un seul homme qui se croit le chef d'une faction, lorsqu'il n'en est que l'instrument (Mêmes applaudissements.) ; les Français la veulent; et telle est ma confiance dans le patriotisme de l'armée, que, s'il pouvait un jour naître parmi nous un César, chaque soldat de la liberté deviendrait à l'instant oui Brutus qui nous sauverait du protectorat d'un tyran. (Applaudissements à gauche et dans les tribunes.)
Je dis, Messieurs, que tant que dure l'état de révolution dans un Empire, un engagement constitutionnel ne peut jamais signifier que l'engagement de ne rien ajouter ni retrancher à la Constitution, jusqu'à l'époque assignée pour en faire là revision. Mais, dire que cet engagement nous . empêche de prendre des mesures de police et de. sûreté pour sauver la Constitution, pour sauver la liberté, pour sauver le peuple, c'est dire qu'un voyageur qui a juré de suivre l'itinéraire dont on l'a pourvu pour régler sa marche, le doit consulter et observer dans toutes les suppositions} et lors même que, poursuivi par des furieux, il s'agit de trouver un abri contre le glaive qui le menace.
Notre position est pressante ; et le peuple, qui vous demande son salut, vous donne tout l'exercice de sa souveraineté : partout*. et dans tous les temps, sa puissance est absoluè; et, dans ce moment de la plus grande crise qui ait excité ses inquiétudes, il vous crie de vous affranchir de tout ce qui entrave ou circonscrit la marche des déterminations que vous commande-l'état périlleux de la chose politique.
Je demande que l'Assemblée nationale décrète que, jusqu'à ce qu'elle ait jugé que l'Empire est en état de paix et que la Révolution est définitivement close, arrêtée et terminée, les représentants de la nation, dans les mesures de surveillance ou de répression à déterminer contre les conspirateurs, les perturbateurs et tous les ennemis de la liberté, ne consulteront que l'imminence du danger public et la loi suprême du salut du peuple. (Vifs applaudissements à gauche et dans une partie des tribunes.)
Je demande le renvoi aux Jacobins.
Plusieurs membres : L'impression ! Vautres membres : Non, non! M. Lacuée. Je demande la parole. J'ai une question à faire à l'Assemblée, sur laquelle je la
prie de délibérer. Nous avons tous juré de ne rien proposer ni consentir qui soit contraire à la Constitution. (Quelques murmures.)
Plusieurs membres: Oui, oui ! (Applaudissements.)
Je veux bien ne pas préjuger, dans ce moment-ci, le discours qu'on vient de tenir à cette tribune; mais je demande expressément que l'Assemblée nationale déclare si, après le serment du mois d'octobre et du 14 janvier, elle île portera pas les peines les plus sévères contre celui d'entre nous qui, violant ces deux serments sacrés, oserait proposer de transgresser la Constitution dans le sanctuaire où elle a été faite. (Murmures.) Je le répète, je né préjuge pas, dans Ce moment-ci, l'opinion du préopinant; mais je demande que l'Assemblée nationale s'explique, et qu'elle dise quelles soht les peines dont seront frappés ceux ae nos collègues qui, égarés.....(Murmures) Jgh
Plusieurs membres : Oui, oui !
qui, égarés par la passion, ou par quelque autre motif, vous proposeront, ou de dépasser les bornes de la Constitution, ou de rester en arriéré. On me dira, sans doute, que l'infamie l'attend; mais prévoyant qu'il y a des hommes que l'infamie n'atteindrait peut-être pas, je demande s'il y a dans la Constitution, que le Corps législatif (ceci est un simple doute) que le Corps législatif a le droit d'infliger à ses membres une peine.
Plusieurs membres : Non, non !
Dans ce moment-ci, il n'y a pas d'autre peine que celles qui sont dans le règlement; alors je dirai qu'il était parfaitement inutile qu'on nous fit prêter le serment de ne rien proposer ni consentir contre la Constitution, car on pourrait le violer impunément.
Je demande que le discours de M. Delaunay soit imprimé et envoyé aux 83 départements. (Applaudissements à gauche et dans les tribunes.) C'est assez et trop longtemps oublier que nous avons juré de garder le dépôt de la liberté française. Il faut que celui qui commande à toutes les factions, la nation entière, connaisse le danger et le précipice où on l'entraîne. Car il n'est plus temps de se le dissimuler, il; existe une coalition puissante qui veut détruire la Constitution. (Applaudissements à gauche.)
Plusieurs membres (à gauche) : Oui, oui ,!
Qui veut détruire la Constitution avec la Constitution elle-même. On sait que, par ces lois écrites, à la place des lois immuables des droits de l'homme, d'après lesquels a été fait l'espritde la Constitution française, on détruirala liberté française : il n'est plus temps de se dissimuler que c'est là le projet de nos ennemis, que les vrais amis de la Constitution sont ceux qui viennent de parler avec le courage de M. Delaunay; que les vrais ennemis sont ceux qui l'improuvent. (Murmures.) Ce n'est pas avec des sophismes, avec des raisonnements d'avocats que l'on enchaîne une grande nation. Les vrais ennemis de la Constitution sont ceux qui, au mépris de toutes les lois, ont permis qu'un général vînt à cette barre. (Murmures.) Silence, Messieurs, j'ai le droit de parler. (Applaudisse-ments]dans les tribunes et àVextrême gauche.) Cette tribune a été souillée par l'éloge d'un coupable, il faut la purifier. (Applaudissements à gauche et dans les tribunes.) Et les ennemis dé la Consti-
tution sont ceux qui ont permis que dans le sein même de cette Assemblée on vînt en déchirer une page ; là (montrant la barre), lorsqu'un général s'est présenté pour dicter, en quelque sorte, des lois aux représentants d'un grand peuple (Applaudissements) ; et lorsque les représentants d'un grand peuple, au lieu defaire arrêter sur-le-champ et traduire à Orléans un soldat téméraire... (Applaudissements.) Voilà, Messieurs, où conduit l'impunité. (Bruit.) Déjà ce général s'est indigné de ce que vous n'avez pas encore délibéré sur les lois qu'il vous prescrit. Au reste. Messieurs, je partage parfaitement l'idée de M. Delaunay, qu'on ne peut comparer ce jeune citoyen à César ni à Gromwel; ce serait à la fois lui faire trop de tort et trop d'honneur. (Applaudissements.) Il est une puissance qui s'élévera au-dessus de toutes les factions; il ëst une puissance devant laquelle cette faction dont j'ai parlé sera démasquée; qui déjouera toutes les intrigues, qui humiliera les protecteurs, qui fera trembler une Cour qui vous trahit; cette puissance sera la nation. {Applaudissements.) Et cette puissance-là applaudira à la mesure que l'on vous propose,, et c'est pour lui mettre sous les yeux les dangers de la patrie, que je demande l'envoi aux 83 départements, pour faire pendant au discours de M. Pastoret, qui n'est qu'une dose d'opium donnée à un agonisant. (Applaudissements à gauche et dans les tribunes.)
Messieurs, il est deux manières de considérer la proposition qui vous a été faite par M. Delaunay; on peut la considérer sous son rapport avec les principes constitutionnels; et l'on peut la considérer sous Son rapport avec les circonstances politiques où nous sommes. Je ne veux pas examiner le premier rapport, je ne. m'arrête qu'au second. Je suis convaincu que l'erreur de M. Delaunay... (Murmures à gauche et dans les tribunes.) ne provient pas du coeur, mais de l'esprit; et c'est ainsi que nous devons de cette enceinte juger toutes les opinions de nos collègues. En examinant ce qui me paraît une erreur de l'esprit, et en ne l'examinant que Sous le rapport des circonstances politiques, je lui dirai, Monsieur... (Murmures à. gauche.)
Laissez-nous repousser la coupe empoisonnée.
Je lui dirai: avez-vous calculé l'effet que pourra produire dans la France la moindre atteinte portée ou à l'esprit ou à la lettre de la Constitution?, Avez-vous examiné s'il était un moyen plus sûr de mettre la discorde dans la nation? et vous êtes-vous convaincu que la seule chose qui puisse faire périr la liberté, c'est la discorde dans la nation;
et que, si elle reste unie, la nation demeure invincible, la vérité est impérissable? Messieurs, les hommes qui réfléchissent sur ce qui existe, reconnaîtront l'avantage inexprimable d'un peuple qui consacre son indépendance, la lie par un acte constitutionnel qui ramène vers lui toutes les volontés, qui organise toutes les forces, qui met le plus grand rapport entre les peuples et les lois; qui maintient l'union, l'union sans laquelle il est impossible de repousser nos dangereux ennemis; oui, Messieurs, c'est sous ce rapport que vous devez envisager la Constitution. Indépendamment du serment que vous avez fait de la maintenir, si jamais on y porte atteinte; et si l'on examine, avec la plus mûre réflexion, les moyens que le patriotisme présentera pour sauver la liberté; j'ose croire, et j'en suis certain, que l'on trouvera, sans déroger à la Constitution, les moyens de la sauver. (Applaudissements d'une grande partie de l'Assemblée.)
On vous a proposé ce matin un moyen très grand, très étendu, et certes il ne renferme en lui rien de contraire à la Constitution ; et c'est ainsi que vous répondez à ceux qui prétendent qu'elle ne peut pas être sauvée par elle-même. Il est d'autres mesures qui vous seront présentées, ces mesures sont discutées dans la commission extraordinaire, avec toute la maturité possible. Là nous nous convainquons que des mêmes sentiments animent des hommes que l'on a, cru opposés, et qùe ces sentiments se réunissent à l'unanimité, quand on se donne le temps de discuter froidement et de s'éclairer; et la discussion qui commence par des obsèrvations qu'inspirent à la fois et le patriotisme et les circonstances, finit par un résultat paisible et unanime. Eh bien! Messieurs, il ne tient qu'à vous que cela existe dans votre enceinte : presque toutes les fois qu'il y a eu une vive opposition, c'est parce qu'on ne s'était pas donné le temps de bien s'entendre, plus d'une fois ; je pourrais le prouver les procès-verbaux à la main; faites-y attention, et vous vous en convaincrez tous les jours ; cette conviction vous mènera à la ferme résolution de discuter ici tranquillement et froidement, d'écouter ceux qui parlent d'une manière opposée à vos sentiments; car, Messieurs, le devoir ici n'est pas d'écouter ceux qui pensent comme nous, mais c'est d'écouter attentivement ceux qui ne pensent pas comme nous. C'est d'après ces considérations que je demande l'impression du discours de M. Delaunay, parce qu'il est utile d'y répondre; mais je supplie l'Assemblée de ne point envoyer ce discours dans les départements. (Applaudissements.)
^(L'Assemblée ferme la discussion et adopte la proposition de M. Vaublanc.)
(La séance est levée à trois heures et demie.)
FIN DU TOME XLV.
(du
(p. 177), (15 juin, p. 221 et suiv.), (p. 237), (p. 240), (16 juin, p. 258), (17 juin, p. 324), (19 juin, p. 397), (20 juin, p. 418), (21 juin, p. 431), (p. 437), (22 juin, p. 464), (p. 465), (23 juin, p. 496), (p. 500), (p. 513), (p. 515 et suiv.), (24 juin, p. 531), (25 juin, p. 547), (p. 555), (p. 569), (p. 571 et suiv.), (p. 573), (26 juin, p. 598 et suiv.), (27 juin, p. 608), (p. 609 et suiv.), (p. 627 et suiv.), (p. 631), (28 juin, p. 643 et suiv.). (29 juin, p. 663), (p. 680).
2° Les adresses seront envoyées à la commission extraordinaire des Douze et il ne pourra en être fait mention honorable ou improbation qu'après le rapport de cette commission (27 juin 1792, t. XLV, p. 608).
Société des Amis de la Constitution. Don patriotique (15 juin 1792, t. XLV, p. 226.)
Directoire. Soumet des questions relatives à l'exécution de la loi sur le séquestre des biens des émigrés (13 juin 1792, t. XLV, p. 134 et suiv.). — Sollicite un décret sur les mesures à prendre par les corps
administratifs pour pourvoir aux places vacantes (16 juin, p. 257). —Envoie sa délibération sur le refus des cultivateurs de transporter les munitions de guerre (17 juin, p. 325). — Adresse relative aux événements du 20 juin (29 juin, p. 682 et suiv.).
Séminaire. Rapport relatif à une indemnité demandée par les vicaires, supérieur et directeur (20 juin 1792, t. XLV, p. 426), — renvoi au comité de l'ordinaire des finances (ibid.).
Société des Amis de la Constitution. Don patriotique (19 juin 1792, t. XLV, p. 400).
Directoire. Demande qu'il soit pris un parti relativement aux forêts nationales (9 juin 1792, t. XLV, p. 2).
Directoire. Ecrit au sujet d'une attaque commise à Puget-Théniers contre des volontaires nationaux (20 juin 1792, t. XLV, p. 406).
1° Demande d'éclaircissements sur le dernier décret relatif à l'amnistie (18 juin 1792, t. XLV, p. 353) ; — renvoi au comité de législation (ibid.).
2° Compte à rendre des motifs qui ont retardé la présentation à la sanction du décret du 28 septembre 1791 portant que la désertion depuis le com-mancement de la Révolution est comprise dans l'amnistie (22 juin 1792, t. XLV, p. 463); — compte rendu [ibid. p. 468 et suiv.).
Procureur général syndic. Annonce qu'il a été obligé d'envoyer plusieurs brigades de gendarmerie dans les environs ae Bannes, Jalès et des Vans (29 juin 1792, t. XLV, p. 680).
Troubles. Demande relative au payement des dépenses occasionnées par les deux détachements des gardes nationales envoyés pour réprimer les désordres (23 juin 1792, t. XLV, p. 513); — renvoi au comité de l'extraordinaire des finances (ibid.).
1° Lettre de de Grave, ancien ministre de la guerre, sur la nécessité de maintenir la discipline dans l'armée (16 juin 1792, t. XLV, p. 274 et suiv.);— renvoi au comité militaire (ibid. p. 276).
2° Lettre du ministre de la guerre concernant le mode de payement des employés, ouvriers, charretiers, etc., de l'armée (24 juin 1742, t. XLV, p. 528) ;— renvoi aux comités militaire et de l'extraordinaire des finances réunis (ibid.).
3° Rapport par Aubert-Dubayet sur la situation des armées (27 juin 1792, t. XLV, p. 614 et suiv.). — Le ministre de la guerre signera ce rapport (ibid. p. 622).
4° Proclamation du roi à l'armée française (29 juin 1792, t. XLV, p. 672).
1° Etablissement d'une compagnie de guides (9 juin 1792, t. XLV, p. 36), — d'un payeur général et d'un contrôleur des dépenses (11 juin, p. 82).
2° Le ministre de la guerre demande que les sommes nécessaires au service de l'armée du Midi soient mises à sa disposition (16 juin 1792, t. XLV, p. 261) ; — renvoi aux comités militaire et de l'ordinaire des finances réunis (ibid.).
3" L'armée du Midi sera payée conformément aux dispositions de la loi du 29 avril 1792 relativement aux armées du Nord (16 juin 1792, t. XLV, p. 261).
4° Rapport par Lafon-Ladebat sur la mise à la disposition du miaistre de la guerre de plusieurs sommes pour des dépenses extraordinaires de l'armée du Midi et de 200,000 livres à la disposition du général de cette armee (23 juin 1792, t. XLV, p. 504) ; — projet de décret (ibid.) ; — adoption (ibid.).
1° 11 sera fait un inventaire des armes qui se trouvent dans les maisons des émigrés (12 juin 1792, t. XLV, p. 108;.
2° Projet de décret portant que le ministre de la guerre présentera, dans les trois jours, au comité militaire, un projet d'instruction sur la qualité que doivent avoir les armes de guerre (16 juin 1792, t. XLV, p. 272); — renvoi aux comités diplomatique et de législation réunis (19 juin, p. 403.)
3° Projet de décret sur la nécessité de prohiber la sortie des armes de toute espèce (11 juin 1792, t. XLV, p. 99 et suiv.1 ; — adoption sauf rédaction
(ibid. p. 100). — Texte définitif (16 juin, p. 269 et suiv.).
§ ler. Députations admises à la barre.
§ 2. Dons et hommages.
§ 3. Distribution.
§ 4. Police de VAssemblée.
§ 5. Salle des séances.
§ 1er. Députations admises à la barre. Députation de jeunes enfants (9 juin 1792, t. XLV, p. 2), — du bataillon des Petils-Augustins (ibid. p. 21), — du faubourg Saint-Antoine (10 juin, p. 56), — de la section de Bonne-Nouvelle (ibid. p. 57), — de la section du Louvre (ibid.), — des régiments de ligne en garnison à Paris (ibid. p. 60j, — de la section du Theâtre-Français (ibid. p. 67),—de la section des Gobelins (ibid.),
— de dames de la Halle (11 juin, p. 80), — de citoyens de Paris (ibid.), — de la section du Luxembourg (ibid.), — du bataillon de Saint-Laurent (ibid. p. 84), — d'invalides (ibid. p. 91), — de la section de la Croix-Rouge (11 juin, p. 100), — de la section d'Henri IV (12 juin, p. 104), — de la section du Palais-Royal (ibid. p. 126), — de la section de la Fontaine de Grenelle (ibid.), — des forts, des ports et de la halle de Pontoise (13 juin, p. 135), — de citoyens de la rue Féron (ibid. p. 177), — de citoyens des sections de Sainte-Geneviève et de la Croix-Rouge (14 juin, p. 192), — de citoyens de la section de Montmartre (ibid. p. 207), — de citoyens de la section de li Fontaine-Montmorency (15 juin, p. 225), —^ des Amis de la Constitution de Rouen (ibid.), — de la section de la Bibliothèque et du bataillon des Filles-Saint-Thomas (ibid.), — des volontaires du bataillon des Carmes (ibid. p. 237), — de garçons marchands de vins (ibid. p. 240), — de la section des Postes (16 juin, p. 276), — des gardes nationales du Pont-au-Pecq (ibid. p. 280), — de la section de la Croix-Rouge (17 juin, p. 325), — de la section du Théâtre-Français (ibid. p. 327), — de la section de Bondy (ibid. p. 328), — de la section de la Halle m blé (ibid.), — de la section des Lombards (ibid. p. 329),— du bataillon Saint-Honoré (ibid.), — de la section de la rue Poissonnière (ibid. p. 330), — de la section de la place Royale (ibid ), — de la section de Mon-conseil (ibid.), —de la section Sainte-Geneviève [ibid. p. 331), — des apprentis de la section Henri IV (ibid.),— des marchands fermiers de Pontoise (18 juin, p. 333), — du bataillon de Saint-André-des-Arts (ibid. p. 338). — de la section du Luxembourg (ibid. p. 352),— des greffiers des bâtiments de la ville de Paris (ibid.), — du bataillon de Saint-André-des-Arts (19 juin, p, 364), (p. 371).— de citoyens et citoyennes
de Saint-Denis (20 juin, p. 406), — du département de Paris (ibid. p. 411), — des faubourgs
Saint-Antoine et Saint-Marcel (ibid. p. 416), — des 1er et 2'
bataillons de la Gironde (ibid. p. 418),' —des citoyens de Saint-Germain-cn-Laye (ibid. p.
424), — de la municipalité de Paris (ibid. p. 427), de la commune de Bercy (21 juin, p. 443),
—des vétérans de la garde nationale parisienne (ibid. p. 460 et suiv.), — de la section de
l'Oratoire (22 juin, p. 464), — du district de Beauvais (ibid. p. 466), — de la section des
Enfants-Rouges (ibid.), — de la ville de Semur (23 juin, p. 495), — de la section de la placo
Louis XIV (ibid. p. 496), — de la commune de Monceaux (ibid. p. 501),— des pensionnaires de
Sainte-Anne (ibid. p. 512), — des invalides composant la garde du château de Bicêtre (24 juin,
p. 528), — de la commune de Melun (ibid.), — des administrateurs du collège de Rennes (25
juin, p. 552), — du faubourg Saint-Antoine (ibid. p. 553), — de citoyens de la ville de Brest
(ibid. p. 573), — de la section du faubourg Montmartre (ibid. p. 576), — du faubourg
Saint-Marceau (ibid.), — de la section des Quinze-Vingts (ibid. p. 579), — do la commune de
Saint-Mandè (26 juin, p. 598), — des entrepreneurs de la remonte des sels des rivières de
l'Yonne, de la Seine et de la Marne (28 juin, p. 645). — de la section des Tuileries (29 juin,
p. 664), — de la commune de Vaugirard (ibid. p. 667).
§ S. Dons et hommages. — 1792. — (9 juin, t. XLV, p. 43), (12 juin, p. 102), (17 juin, p. 329), (18 juin, p. 353).
§ 3. Distribution. — Compte à rendre de la distribution d'un imprimé, sans signature, relatif aux droits féodaux (13 juin 1792, t. XLV, p. 136).
§ 4. Police de VAssemblée. Dénonciation de faits intéressant la police de l'Assemblée (17 juin 1792, t. XLV, p. 329); — disG*ission (ibid. et p. suiv.); — l'Assemblée décrète que le juge de paix de la section des postes enverra une expédition de la procédure par lui faite sur des faits intéressant la police de Assemblée (ibid. p. 330.)
§ 5. Salle des séances. Le bataillon de Saint-André-des-Arts demande la permission de planter à la porte de la salle un arbre surmonté d'un bonnet de la liberté (19 juin 1792, t. XLV, p. 364); — adoption (ibid.).
§ 1er. Coupures d'assignats.
§ S. Annulation et brûlement.
§ 3. Emploi.
§ 4. Emission. — Circulation.
§ S. Ouvrages sur les assignats.
§ 6. Fabrication. ^
§ 7. Envoi des assignats.
§ ler. Coupures d'assignats. 1* Brua demande qu au fur et à
mesure de la fabrication, les coupures soient d'abord fournies aux départements du Nord, des
Ardennes, de la Moselle, du Haut et du Bas-Rhin (9 juin 1792, t. XLV, p. 4) ; — renvoi aux
comités de surveillance et des assignats et monnaies réunis (ibid.).'
2* Compte rendu du ministre des contributions publiques de l'exécution des lois des 30 mars et larmai 1792 (9 juin 1792, t. XLV, p. 18 et suiv.).
3® Le ministre des contributions publiques est chargé de suivre les opérations du timbrage des coupures d'assignats (9 juin 1792» t. LXV, p. 19).
4° Le commissaire de la caisse de l'extraordinaire prévient qu'il est nécessaire d'ordonner une nouvelle création ({'assignats de 5 livres (21 juin 1792, t. XLV, p. 453) ; — renvoi au comité de l'extraordinaire des finances (ibid.).
5" Projet de décret relatif au dépôt des assignats-coupures dans une chambre des archives de l'Assemblée nationale (23 juin 1792, t. XLV, p. 496 et suiv.); — adoption (ibid. p. 497).
6° Projet de décret portant création de 100 millions d'assignats de 100 sols (27 juin 1792, t. XLV, p. 611); — adoption (ibid.).
§ 2. Annulation et brûlement. Brûlement de 7 millions d'assignats (11 juin 1792, t. XLV, p. 95), — de 4 millions d'assignats (18 juin, p. 334), — de 10 millions d'assignats (25 juin, p. 547).
§ 3. — Emploi. Projet de décret additionnel au décret du 15 mai sur l'emploi des 300 millions d'assignats dont la création a été décrétée le 30 avril (12 juin 1792, t. XLV, p. 128 et suiv.); — projet de décret (ibid. p. 131 et suiv.); — adoption avec amendement (ibid. p. 132). — Texte du décret (ibid. p. 133 et suiv ). — Nouvelle rédaction proposée par le comité (27 juin, p. 637 et suiv.) ; — adoption (ibid. p. 638). — Texte définitif du décret (ibid. et p. suiv.).
§ 4. Emission. — Circulation. Lettre d'Amelot relative au maximum de la circulation (13 juin 1792, t. XLV, p. 171). — La somme des assignats en circulation est fixée à 1,800 millions (ibid. p. 172).
§ 5. — Ouvrages sur les assignats. Mémoire du sieur Chomel (13 juin 1792, t. XLV, p. 178).
§ 6. — Fabrication. 1° Rapport par Brémontier sur un concours à ouvrir pour la fabrication des assignats (13 juin 1192, t. XLV, p. 178 et suiv.); — projet de décret [ibid. p. 179).
2° Discussion du projet de décret sur l'établissement d'une nouvelle administration pour la confection des assignats (13 juin 1792, t. XLV, p. 180 et suiv.); — adoption du décret portant établissement d'une Direction pour la fabrication des assignats (ibid. p. 182). — Texte définitif du décret (ibid. et p. suiv.).
§ — Envoi des assignats. Deuxième lecture du projet de décret sur leur circulation par la poste (30 juin 1795, t. XLV, p. 687 et suiv.).
nistres de la guerre (p. 226). — Parle sur l'insurrection du camp de Neuf-Brisach (p. 269), — sur l'état des troupes (p. 393 et suiv.), — sur une motion d'Arena (p. 503), — sur la destitution des fonctionnaires (p. 531), (p. 538). — Vice-président (p. 613). — Fait un rapport sur la situation des armées (p. 614 et suiv.).
Administrateurs. S'engagent à payer la solde de deux volontaires (18 juin 1792, t. XLV, p. 334).
Directoire. Son avis sur une réclamation des marins de Leucate (13 juin 1792, t. XLV, p. 134). -— Dénonce Claverie et Danselme (26 juin, p. 583).
Tribunal criminel. Don patriotique du président (9 juin 1792, t. XLV, p. 3).
tements (t. XLV, p. 358 et suiv.). — Fait la deuxième lecture de son rapport (p. 667).
Tribunal. Don patriotique des juges et commissaire du roi (14 juin 1792, t. XLV, p. 192).
Directoire. Fait un don patriotique (9 juin 1792, t. XLV, p. 2). — Envoie un don patriotique du sieùr Motte (18 juin, p. 334).
parisienne (t. XLV, p. 23 et suiv.). — Demande la lecture d'un arrêté au directoire du département de Paris (p. 400). — Parle sur unè adresse des citoyens de Brest (p. 574).
Î. 192.) — Fait un rapport sur l'affaire des sieurs olivet, Gédéon Debrie et Saint-Alouarn (p. 353 et suiv.).
— 1792. — Demande l'envoi aux départements d'un rapport de Pastoret sur la situation de la France (t. XLV, p. 706 et suiv.).
2* Don patriotique des invalides composant la garde du château (24 juin 1792, t. XLV, p. 528).
2® Compte rendu par le ministre de l'intérieur des mesures prises relativement aux comptes de l'économe général et autres régisseurs des biens nationaux (10 juin 1792, t. XLV, p. 53).
(19 juin 1792, t. XLV, p. 397); — renvoi au comité de législation (ibid.).
Société des Amis de la Constitution. Adresse de félicitations et adresse au roi (15 juin 1792, t. XLV, p. 222 et suiv.).
Versements à faire à la Trésorerie nationale. (9 juin 1792, t. XLV, p. 6).
Administrateurs. Réclament le remboursement des frais occasionnés par la levée des 3 bataillons de volontaires (13 juin 1792, t. XLV, p. 176). — Recommandent le directeur d'équitation de l'académie de Caen (24 juin, p. 528).
Troubles. Demande du payement des gardes nationaux employés à rétablir l'ordre (12 juin 1792, t. XLV, p. 104).
Volontaires nationaux. Annonce de l'arrestation de trois volontaires prévenus d'embauchage (11 juin 1792, t. XLV, p. 95).
suiv.). — Présente un projet de décret portant créa tion d'un état-major pour le corps de troupes envoyé à Saint-Domingue (p. 261). — Fait la deuxième lecture de son rapport sur le payement du loyer des casernes de la garde nationale parisienne soldée (p. 337 et suiv.). — Est rappelé à l'ordre (p. 415).— Fait un rapport sur les certificats de résidence des militaires en activité (p. 497). — Parle sur l'état de Paris (p. 563).
2° Adresses d'adhésion à la formation du camp de 20,000 hommes (10 juin 1792, t. XLV, p. 56), (15 juin, p. 225), (p. 237), (16 juin, p. 276), (21 juin, p. 431).
3° On annonce que le roi a apposé la formule constitutionnelle au décret du 8 juin relatif à la formation d'un camp de 20,000 nommes (19 juin 1792, t. XLV, p. 393). —- Le ministre de la justice enverra à l'Assemblée l'expédition de la loi à laquelle le roi a apposé cette formule (ibid.). — Envoi par le ministre de la justice de l'expédition de ce décret (23 juin, p. 512) ; — dépôt aux archives (ibid.).
2° Rapport par Malus sur le canal de Gisors à Rive-de-Gier (19juin 1792, t. XLV, p. 370); — projet de décret (ibid. et p. suiv.).
3° Rapport par Lequinio relatif à la communication de la mer d'Allemagne à la Méditerranée par le canal de jonction du Rhin au Rhône (27 juin 1792, t. XLV, p. 632 et suiv.); — projet de décret (ibid. p. 637).
Directoire. Annonce le rétablissement de la tranquillité (22 juin 1792, t. XLV, p. 480).
dégâts commis aux casernes (20 juin, p. 426) ; — renvoi au comité de l'ordinaire des finances (ibid.).
Voir Ministre des affaires étrangères.
Administrateurs. Font un don patriotique (10 juin 1792, t. XLV, p. 59).
Directoire. Décret sur son emplacement (20 juin 1792, t. XLV, p. 420).
Chaumont. Rétracte sa signature à la pétition contre le camp de 20,000 hommes (11 juin 1792, t. XLV, p. 96).
Société des Amis de la Constitution. Dons patriotiques (15 juin 1792, t. XLV, p. 226)t (24 juin, p. 533).
Port. L'administration des ponts et chaussées demande l'autorisation d'acquérir une maison (15 juin 1792, t. XLV, p. 225); — renvoi au comité de marine (ibid.).
— Voir Monnaies n" 2 et S.
— Voir. Artillerie des colonies.
§ 4*r. Comités en général. Les comités sont autorisés à renvoyer aux particuliers les mémoires et pétitions qui ne sont pas de leur compétence (19 juin 1792, t. XLV, p. 363).
§ S. Comités spéciaux selon Vordre alphabétique.
Travaux. — 1792. — Rapports sur les mesures à prendre pour ne pas retarder l'approvisionnement des vivres et fourtages de l'armée du centre (18 juin, t. XLV, p. 333), — sur le canal projeté par le sieur Joseph Chevalier (19 juin, p. 364 et suiv.). — sur le canal de Gisors à Rive-de-Gier (ibid. p. 370), — sur la pétition de Boisson de Quincy (27 juin, p. 631), — sur le canal de jonction du Rnin au Rhône (ibid. p. 632 et suiv.).
Travaux. — 1792. — Rapports sur la valeur des espèces d'or et d'argent (11 juin, t. XLV. p. 88 et suiv.), — sur le dépôt des assignats-coupures dans une chambre des archives de l'Assemblée nationale (22 juin, p. 496 et suiv.), — sur la répartition des espèces provenant du métal des cloches (28juin, p. 647 et suiv.).
Travaux. — 1792. — Rapports sur les réclamations de Jean Borie (9 juin, t. XLV, p. 32), — sur les troubles de Cayenne et de la Guyane française (14 juin, p. 193 et suiv.), — sur l'envoi de commissaires civils à Saint-Domingue (15 juin, p. 235 et suiv.), — sur les troubles de la Martinique (22 juin, p. 483 et sniv.).
Travaux. — 1792. — Rapport sur les mesures à prendre pour ne pas retarder l'approvisionnement des vivres et fourrages de l'armée du centre (18 juin, t. XLV, p. 335), — sur le canal projeté par le sieur Joseph Chevalier (19 juin, p. 364 et suiv.), — sur la fixation des droits d entrée sur les tabacs étrangers (30 juin, p. 690 et suiv.).
Organisation. Le comité est autorisé à employer le nombre de commis expéditionnaires extraordinaires qu'il jugera convenable pour combler, au plus tôt, l'arriéré de l'expédition des décrets (22 juin 1789, t. XLV, p. 469).
Travaux. — 1792. — Actes d'accusation contre le sieur Jean-Joseph Henry (12 juin, t. XLV, p. 110) — contre le sieur Cossé-Brissac (ibid. p. 127 et suiv.).— Rapports sur les causes qui ont retardé l'envoi à la sanction de deux décrets du 28 septembre 1791 relatifs à l'amnistie des déserteurs et à l'administration forestière (22 juin, p. 468 et suiv.), — sur les dépenses de la Haute Cour nationale (23 juin, p. 497).
Travaux. — 1792. — Rapport sur la pétition du sieur Caudier (24 juin, t. XLV, p. 328).
Travaux. — 1792. — Rapports sur une réclamation de la commune d'Ustaritz (9 juin, t. XLV, p. 4), — sur une pétition de là municipalité de Paris (16 juin, p. 280 et suiv.), — sur la réclamation du sieur Le-turc (19 juin, p. 403), — sur le nombre et le placement des notaires du département des Ardennes (24 juin, p. 526), — sur la démarcation entre le département de Paris et celui de Seine-et-Oise (ibid. p. 529 et suiv.).
Travaux. — 1792. — Rapports sur une contestation entre le prieur de Saint-Gilles et le fermier du prieuré (19 juin 1792, t. XLV, p. 400), — sur une pétition des administrateurs de 1 Hôtel-Dieu de Crécy (27 juin, p. 611).
§ 1er. Comité de Vordinaire des finances.
| 1&. Comité de l'extraordinaire des finances.
§ 1er.
Travaux. — 1792. — Rapports sur une transaction passée entre l'agent du Trésorpublic et le sieur Rouessart (9 juin, t. XLV, p. 4 et suiv.), — sur les besoins de la trésorerie nationale (ibid. p. 6), — sur le payement du loyer des casernes de la garde nationale parisienne soldée (11 juin, p. 81), — sur l'établissement d'un payeur général et d'un contrôleur des dépenses pour l'armée du midi (ibid. et p. suiv.), — sur la valeur des espèces d'or et d'argent (ibid. p. 88 et suiv,), — sur la vente des sels et tabacs (12 juin p. 105), — sur une pétition delà municipalité de Paris (16 juin, p. 280 et suiv.), — sur la suppression des payeurs et contrôleurs des rentes établis à Paris et sur les avantages de payer les pensions dans les chefs-lieux des départements (18 juin, p. 358et suiv.),— sur l'entretien des digues de l'île de Noirmoutier (19 juin, p. 367 et suiv.), — sur le canal de Gisors à Rive de Gier (ibid. p. 370 et suiv.), — sur l'achat du numéraire (20 juin, p. 426 et suiv.), — sur la distribution de la monnaie de cuivre et de métal de cloche (ibid. p. 431), — sur le rapport du décret qui fixe le traitement des premiers commis de ministère (22 juin, p. 472—),sur le service des étapes etj;onvois militaires (25 juin, p. 555 et suiv.),— sur les dépenses de l'ancienne administration de l'Ile de Corse (26 juin. p. 584), — sur la pétition des sieurs Perrier frères (26 juin, p. 585 et suiv.), — sur la ratification d'un compromis passé avec les acquéreurs de l'ancien enclos des Quinze-Vingts (ibid. p. 605 et suiv.), — sur le payement des frais de déplacement de la force publique (30 juin, p. 688 et suiv.), — sur les dépenses de la marine et des colonies pour l'année 1791 (ibid. p. 691 et suiv.),— sur les comptes de Narbonne (ibid. p. 694 et suiv.).
§2.
Travaux. — 1792. — Rapports sur une demande de fonds pour l'armement maritime (9 juin, t. XLV, p. 6 et suiv.), — sur la réclamation de la dame Saint-Laurent (ibid. p. 32 et suiv.), — sur les indemnités dues aux familles de Théobald Dillon et Pierre-François Berthois (ibid. p. 36 et suiv.), —sur la valeur des espèces d'or et d'argent (11 juin, p. 88 et suiv.), — sur l'emplacement de la haute cour nationale (20 juin, p. 407), — sur la demande de la commune de Valenciennes relative à l'acquisition des terrains et bâtiments de la ci-devant abbaye de Saint-Jean (ibid. p. 410 et suiv.), — sur l'emplacement de la haute cour nationale (21 juin, p. 432 et suiv.), — sur les dépenses de l'armée du midi (23 juin, p. 504), — sur la création de 100 millions d'assignats de 100 sols (27 juin, p. 611), — sur le payement des frais de déplacement de la force publique (30 juin, p. 688 et siîiv.), — sur l'affectation à l'exercice du culte de la paroisse d'Ambronây de
l'église des ci-devânt Bénédictins (ibid. p. 693), — sur la pétition du sieur Louis-Philippe-Joseph Bourbon (ibid.), — sur l'affectation a l'exercice du culte de la paroisse de Nantua de l'église des ci-devant Bénédictins (ibid.), — sur les comptes de Narbonne (ibid. p. 694 et suiv.).
Travaux. — 1792. — Les commissaires rendront compte de la distribution aux membres de l'Assemblée d'un écrit, sans signature, relatif aux droits féodaux (13 juin, t. XLV, p. 136).
Travaux. — 1792. — Rapports sur les indemnités dues aux familles do Théobald Dillon et Pierre-François Berthois (9 juin, t. XLV, p. 36 et suiv.), — sur la pétition du patriote Palloy relative à l'érection d'un monument à la liberté sur le terrain de la Bas tille (16 juin, p. 277 et suiv.).
Travaux. — 1792. — Rapport sur une pétition de la municipalité de Paris (16 juin 1792, t. XLV, p. 280 et suiv.). —Acte d'accusation contre Alexandre Vigier (17 juin, p. 325). — Rapport sur la proposi-sitiqn d'autoriser les quatre grands juges près la haute cour nationale à commettre des juges dans le voisinage des témoins pour recevoir leurs dépositions (20 juin, p. 407), — sur l'incompatibilité des fonctions judiciaires avec le ministère ecclésiastique (21 juin, p. 454 et suiv.), — sur les lettres de relief de laps de temps (ibid. p. 457 et suiv.), —sur la pétition du sieur Cazin (27 juin, p. 611), — sur le cumul des fonctions publiques (ibid. et suiv.), — sur l'arrestation des sieurs Bazelaire, Desalles-Vigneron et Pierroa (ibid. p. 639 et suiv.).
Travaux. — 1792. — Rapports sur la liquidation de l'office de greffier de l'élection d'Angers (19 juin, t. XLV, p. 371), — sur la liquidation ae la créance délivrée aux héritiers des sieurs Cravière, Pierrault et veuve Bilard (ibid.), — sur les pensions et gratifications des officiers ou employés des chapitres supprimés (23 juin, p. 517 et suiv.),— sur la liquidation de l'office du sieur Huard-Duport (27 juin, p. 640.)
Organisation. — 1792. — Le comité est autorisé à prendre un secrétaire-commis de plus (9 juin, t. XLV, p. 14.)
Travaux. — 1792. — Rapports sur une demande de fonds pour l'armement' maritime (9 juin, t. XLV, p. 6 et suiv.), — sur la répartition des quartiers des classes delà marine (ibid. p. 7 et suiv.), — sur la réclamation de la dame Saint-Laurent (ibid. p. 32 et suiv.), — sur les pilotes-lamaneurs (20 juin. p. 429 et suiv.j, — sur la nomination des contre-amiraux (21 juin, p. 444), — sur des contestations entre les matelots des paroisses de Cucq et de Merlimont (24 juin, p. 527).
Organisation. — 1792. — Fixation de la date de son renouvellement (22 juin, t. XLV, p. 495).
Travaux. — 1792. — Rapports sur l'établissement d'une compagnie de guides à l'armée du midi (9 juin, t. XLV, p. 36), — sur les réclamations des ouvriers de la manufacture d'armes de Maubeuge (10 juin, p. 57 et suiv.), — sur la conduite du 6e régiment de dragons à l'affaire de Mons (ibid. p. 59 et suiv.), — sur le payement du loyer des casernes de la garde
nationale parisienne soldée (11 juin, p. 81), — sur le remplacement des officiers du régiment d'artillerie des colonies (ibid. p. 82), — sur le rang que doivent occuper les officiers nouvellement promus (ibid. p. 82 et suiv.), — sur la réunion des compagnies de mineurs ou génie (ibid. p. 85 et suiv.), — sur la pétition du sipur Bonnay (ibid. p. 98), — sur la nécessité de prohiber la sortie des munitions de guerre (ibid. p. 99 et suiv.), — sur la création d'un état-major pour le corps de troupes envoyé à Saint-Domingue (16 juin, p. 261), — sur l'insurrection du camp de Neuf-Brisach (ibid. p. 262 et suiv.), — sur l'organisation définitive des deux compagnies de gendarmerie nationale destinées à faire le service des prisons de Paris (17 juin, p. 324 et suiv.), — sur une pétition relative aux gardes françaises (22 juin, p. 493 et suiv.), — sur les certificats de résidence des militaires en activité (23 juin, p. 497), — sur le traitement des officiers des grenadiers de la gendarmerie nationale (ibid. p. 498), — sur l'avancement des adjudants de gendarmerie nationale (ibid. et p. suiv.),
— sur les dépenses de l'armée du midi (ibid. p. 504), sur une pétition de la ville d'Autun (ibid. p. 513), — sur la pétition des compagnies attachées au service des maisons de Bicêtre et de la Salpêtrière (24 juin, p. 527). — sur le mode d'avancement dans le régiment de Salis-Marchelin (ibid. p. 535 et suiv.),—sur le service des étapes et convois militaires (25 juin, p. 555 et suiv.), — sur un marché passé par Servan (26 juin, p. 592 et suiv.), — sur le traitement des colonels de la gendarmerie nationale (ibid. p. 605),
— sur les comptes de Narbonne (30 juin, p. 694 et suiv.).
Travaux. — 1792. — Bapport sur la pétition des sieurs Vincent Gentil et Chevalot-Beaugeois (13 juin, t. XLV, p. 135).
Travaux. — 1792. — Rapports sur les secours à accorder aux sieurs Bisson et Carteret (11 juin 1792, t. XLV, p. 96), — sur la pétition des sieurs Vincent Gentil et Chevalot-Beaugeois (13 juin, p. 135), — sur l'organisation générale des secours publics (ibid. p. 137 et suiv.), — sur la pétition du sieur Perret (20 juin, p. 407), — Sur les indemnités à accorder aux familles des volontaires nationaux du Gard noyés dans le Rhône en se rendant à Arles (tôt'd. p. 427), — sur une avance à faire à la municipalité d'Angers (27 juin, p. 612 et suiv.).
Travaux.—1792. — Rapport sur des récompenses à accorder pour la dénonciation d'une fabrication de faux assignats (18 juin, t. XLV, p. 334), — sur l'affaire des sieurs Jolivet père et fils, Gédéon Debrie et Saint-Alouarn (ibid. p. 353 et suiv.).
Organisation. — 1792. — Marant propose de nommer une nouvelle commission de 12 membres pour examiner l'état de la France et proposer les moyens de sauver la Constitution, la liberté et l'Empire (17 juin 1792, t. XLV, p. 326); — adoption de cette motion (ibid.). — Composition de la commission (18 juin, p. 358).
Travaux. — 1792. — Rapports sur le compte à rendre par les ministre des mesures prises pour la sûreté de l'Empire (22 juin 1792, t. XLV, p. 471 et suiv.), — sur la situation de la France (30 juin, p. 702 et suiv.), — sur les moyens à prendre dans le cas du danger de la patrie (ibid. p. 707 et suiv.).
2° Deuxième lecture du projet de décret sur l'évaluation et la cotisation des maisons situées hors des villes habitées par leurs propriétaires (17 juin 1792, t. XLV, p. 325).
3" Etat de la situation, au 23 juin 1792, de la confection des matrices des rôles de la contribution mobilière de 1791 (27 juin 1792, t. XLV, p. 607).
4° Etat du recouvrement des contributions foncière et mobilière (29 juin 1792, t. XLV, p. 674 et suiv.).
2° On demande des dispositions additionnelles aux lois sur leur organisation (24 juin 1792, t. XLV, p. 528); — renvoi au comité de division (ibid.).
2° Deux citoyens, ci-devant employés aux traites, demandent qu'on s'occupe de leur situation (20 juin 1792, t. XLV, p. 406); — renvoi au comité de commerce (ibid.).
3° Réclamation d'une somme de 25,000 livres pour payer la solde des équipages des bateaux entretenus pour la correspondance entre la France et la Corse (23 juin 1792, t. XLV, p. 513) ; — renvoi au comité de l'extraordinaire des finances (ibid.).
4* Projet de décretrelatif aux dépenses de l'ancienne administration de l'île de Corse (26 juin 1792, t. XLV, p. 584) ; — adoption (ibid.).
Directoire. Annonce qu'il n'a pu encore faire mettre en liberté les prêtres enfermés dans le séminaire de Dijon (28 juin 1792, t. XLV, p. 643).
"Volontaires nationaux. Annonce de la mort des deux colonels du bataillon. Proposition sur les moyens de leur rendre les honneurs qu'ils ont mérité (13 juin 1792, t. XLV, p. 165 et suiv.).
Administrateurs. Font un don patriotique (9 juin 1792, t. XLV, p. 3). — Voir Calignon.
comptes des ministres de la guerre (p. 226.). — Membre d'une commission chargée d'aller recevoir la déposition de Grangeneuve (p. 235). — Parle sur la situation des armées (p. 619).
Gustine, officier général. Compte à rendre de la suite de la dénonciation faite contre lui par le général Luckner (15 juin 1792, t. XLV, p. 222). — Proteste de son dévouement à la cause de la liberté et demande à être jugé par une cour martiale (25 juin, p. 548 et suiv.), —renvoi au comité militaire (ibid. p. 549).
semblée décrète qu'il sera entendu à l'heure de midi (ibid.). — Demande des poursuites contre les auteurs de l'attentat du 20 juin (p. 439). — Parle sur le renouvellement des tribunaux de district (p. 645), — sur une pétition du général La Fayette (p. 656). — Remet un don patriotique (p. 688).
comptes des ministres de la guerre (p. 226). — Parle sur la suppression de certains droits féodaux (p. 333). — Est entendu pour un rappel au règlement (p. 341). — Parle sur une lettre de Victor Broglie au ministre de la guerre (p. 376 et suiv,). — Demande l'envoi à l'Assemblée de l'expédition des lois que le roi a refusé de sanctionner (p. 393). — Parle sur l'envoi d'une députation chez le roi (p. 423). — Fait des motions d'ordre (p. 446)r(p. 454), (p.457). —- Parla sur la situation de Paris (p. 461),— sur la situation du département du Haut-Rhin (p. 463), — sur la destitution des fonctionnaires (p. 537), (p. 538), — sur les mesures à prendre pour arrêter les troubles. — (p. 544), — sur l'état de Paris (p. 562), — sur une dénonciation contre Chabot (p. 565), — sur une adresse de la ville de Lyon (p. 570), — sur la question de savoir si une somme prêtée en argent peut être remboursée en assignats (p. 585), — sur une avance à faire à la municipalité d'Angers (p. 613), — sur la situation des armées (p. 622), — sur une pétition du général La Fayette (p. 656), ->- sur une dénonciation contre Lasource (p. 665).
projet de décret concernant les ci-devant gardes françaises (p. 493), — le défend (p. 494). — Parle sur la situation desarmées (p. 620 et suiv.). — sur l'emploi des troupes de ligne (p. 623).
Tribunal. Don patriotique (19 juin 1792, t. XLV, p. 393),
Hôpital. Renvoi au comité de l'ordinaire des finances d'une demande de fonds à titre de prêt (9 juin 1792, t. XLV, p. 1).
Administrateurs. Mention honorable de leur zèle pour la vente des biens nationaux (22 juin 1792, t. XLV, p. 483).
6 régiment. Décret en sa faveur relativement à
l'affaire de Mons (10 juin 1792, t. XLV, p. 59). — Le maréchal Luckner écrit que les officiers et soldats n'attendent que l'occasion de se signaler (20 juin,
16* régiment. Dons patriotiques et protestation de dévouement (20 juin 1792, t. XLV, p. 425).
— Henry (Haute-Marne), Lagrévol, Guadet, Dumolard, Delacroix, Carnot-Feuleins jeune, Mailne, Goujon, Lagrévol, Lecointe-Puyraveau, Dumolard, Mailhe, Aubert-Dubayet, Lagrévol, Hua, Delacroix, Mathieu Dumas, Chéron-La-Bruyère (ibid. p. 207 et suiv.) ;
— l'Assemblée décrète que tous les droits féodaux qui ne seront pas justifiés être le prix de la concession du fonds par titre primitif sont supprimés sans indemnité. — Cette disposition devient l'article l«r [ibid. p. 211). — Art. 2 : Crestin, Charlier (17 juin, p. 332 et suiv.) ; — adoption (ibid. p. 333). —Art. 3 : Gohier (ibid.)] — adoption (ibid.). —Art. 4 : adoption (ibid.). —Art. 5 : Lecointe-Puyraveau (ibid.)
— ajournement (ibid.). — Art. 6 : Delacroix (ibid.)]
— adoption (ibid.). — Renvoi à la commission pour rédaction (ibid.). — Rédaction proposée par la commission (18 juin, p. 336). — Texte définitif du décret (ibid. et p. suiv.). — Opinions non prononcées, de Chouteau (ibid. p. 343 et p. suiv.),— de Laboissière (ibid. p. 345 et suiv.) — de Journu-Auber (ibid. p. 346 et suiv.) — de Oudot (ibid. p. 349 et suiv.).
Administrateurs. Ecrivent relativement à l'établissement de l'école d'artillerie de Grenoble (25 juin 1792, t. XLV, p. 548).
— Voir Matelots.
(p. 701), — sur une dénonciation contre Charles Lameth (p. 702).
— Propose une modification au décret qui accorde une gratification à la dame Martin (t. XLV, p. 57).
— sur la suppression de certains droits féodaux (p. 208), (p. 210). — Appuie la proposition faite par Vergniaud, le 20 juin, d'envoyer 60 commissaires chez le roi pour attendre la dispersion des rassemblements d'hommes armés (p. 413). — Parle sur la proposition d'interdire les rassemblements d'hommes armés formés sous prétexte de pétition (p. 436), —
— sur le traitement des premiers commis de ministère (p. 473), — sur une pétition du sieur Deleurtre (p. 482), — sur la manière de constater l'état civil des citoyens (p. 505), — sur les mesures à prendre pour arrêter les troubles (p. 544), — sur le mode de constater l'état civil des citoyens (p. 560), (p. 669).
— Voir Ministre des affaires étrangères et Ministre de la guerre.
— Remet un don patriotique (t. XLV, p. 324).
Camp. Annonce du départ de plusieurs officiers du régiment de dragons ci-devant Bourbon (12 juin 1792, t. XLV, p. 105).
Hôpital. Lettre relative à ses besoins (26 juin 1792, t. XLV, p. 583) ; — renvoi au comité des secours publics (ibid.).
Port. Lettre du ministre de la marine relative aux travaux à y faire (11 juin 1792, t. XLV, p. 95);
— renvoi aux comités de marine et de l'extraordinaire des finances réunis (ibid.).
Société des amis de la Constitution. Don patriotique (15 juin 1792, t. XLV, p. 226).
Verrerie. Don patriotique des ouvriers (12 juin 1792, t. XLV, p. 105).
— Propose des articles additionnels au projet de décret sur la suppression de certains droits féodaux (p. 335 et suiv.).
missaires civils envoyés à Avignon (29 juin 1792, t. XLV, p. 680).
Rhône-et-Loire. Admission de Dubouchet en remplacement de Jovin-Molle, démissionnaire (27 juin 1792» t. XLV, p. 611).
Directoire. Adresse relative aux événements du I 20 juin (25 juin 1792, t. XLV, p. 571 et Suiv.).
de décret sur les découvertes du sieur Demandres (p. 465).
— Voir Narbonne.
Tribunal criminel. Etat des jugements rendus (12 juin 1792, t. XLV, p. 124).
Volontaires nationaux. Secours accordés aux familles des volontaires noyés dans le Rhône (20 juin 1792, t. XLV, p. 427).
2° La garde nationale de Moulins demande que le service soit fait personnellement dans tout l'Empiré (13 juin 1792, t. XLV, p. 176). — Adresse des citoyens de la section des Tuileries sur le même objet (15 juin, p. 240), — de la section de Bondy (17 juin, p. 328). —L'Assemblée décrète que toutcitoyen sera tenu de faire personnellement son service de garde national (ibid.).
3° Rapport par Carnot-Feuleins sur les moyens de procurer des armes à tous les citoyens du royaume inscrits sur les registres de la garde nationale (11 juin 1792, t. XLV, p. 99) ; —projet de décret (ibid. et p. suiv.); —adoption sauf rédaction (ibid. p. 100, 12 juin, p. 107 et suiv.), (16 juin, p. 269 et suiv.). — Texte définitif du décret (19 juin, p. 401 et suiv.).
4° Pétition des citoyens de Saint-Germain-en-Laye relative à l'élection des officiers de la garde nationale et sur le mode de nomination des commandants de bataillon (20 juin 1792, t. XLV, p. 424) ; — renvoi au comité militaire (ibid.).
5° Proposition du roi relative à la levée de 42 nouveaux bataillons (22 juin 1792, t. XLV, p. 494) ; — renvoi au comité militaire (ibid. p. 495).
1° Dénonciation par le bataillon des Petits-Augus-tins d'une lettre circulaire et d'un projet d'adresse contre la formation d'un camp de 20,000 hommes qui ont été envoyés aux différents bataillons de la garde nationale (9 juin 1792, t. XLV, p. 21 et suiv.); — discussion à ce sujet (ibid. p. 22 et suiv.) ; — l'Assemblée [décrète que, le com m andant général de 1
garde nationale sera mandé à la barre pour donner des éclaircissements (ibid. p. 27). — Introduction du commandant général : ses explications (ibid.
F. 44).— Discussion (ibid. et p. suiv.) ;—renvoi de
affaire aux comités de législation et de surveillance rénnis (ibid. p. 48). — Adresse d'adhésion du bataillon de Saint-Magloire à la formation d'un camp de 20,000 hommes (ibid. p. 67), — du bataillon de Saint-Laurent (11 juin, p. 85).
2° — Pétition pour le licenciement de l'état-major (17 juin 1792, t. XLV, p. 329), (p. 330), (18 juin, p. 333), (19 juin, p. 364), (25 juin, p. 576), (29 juin, p. 664).
3° Le bataillon des Filles-Saint-Thomas invite l'Assemblée à un service à la mémoire de Gouvion (15 juin 1792, t. XLV, p. 225). — Le bataillon des Carmes dénonce les manœuvres employées pour amener les citoyens à signer la pétition contre le camp de 20,000 hommes (ibid. p. 237). — Don patriotique du bataillon de Saint-André- des-Arts (18 juin, p. 338). — Le bataillon des Filles-Dieu et de la compagnie des chasseurs du bataillon de Saint-Jacques-la-Boucherie rétractent leur signature à la pétition des 8,000 (19 juin, p. 362). — Le bataillon ae Saint-André-des-Arts demande la permission de planter à la porte de la salle des séances de l'Assemblée un arbre surmonté du bonnet de la liberté (ibid. p. 364). — Défilé du bataillon dans la salle de l'Assemblée (ibid. p. 371).
1° Don patriotique des adjudants-majors du 10° bataillon de la sixième légion (9 juin 1792, t. XLV, p. 20).
2° Rapport et projet de décret, présentés par Cal-vet, sur le payement du loyer des casernes (11 juin 1792, t. XLV, p. 81). — Deuxième lecture (18 juin, p. 337 et suiv.). — Troisième lecture (26 juin, p. 584). — Adoption (ibid.).
3° Lettre du ministre de la guerre sur la suppression et la récréation des différents corps (27 juin 1792, t. XLV, p. 607) ; — renvoi au comité militaire (ibid.).
patriotique (t. XLV, p. 226). — D'une députation chez le roi. (p. 423).
1° Projet de décret tendant à organiser définitivement les deux compagnies, destinées à faire le service des tribunaux et des prisons de Paris, et dont le complet a été décrété le 7 avril (17 juin 1792, t. XLV, p. 324 et suiv.); — adoption (ibid. p. 325).
— Pétition en leur faveur (29 juin, p. 679).
2° Réclamations au sujet du placément des brigades et de la résidence des officiers (22 juin 1792, t. XLV, p. 479).
3° Augmentation du traitement des officiers des grenadiers de la gendarmerie nationale (23juin 1792, t. XLV, p. 498).
4° Rapport par Jouneau sur l'avancement des adjudants dans les deux nouvelles divisions de gendarmerie nationale (23 juin 1792, t. XLV, p. 498) ; — projet de décret (ibid. p. 499); — adoption (ibid.).
5° Le ministre de l'intérieur demande une interprétation des articles l'r et 5 du titre II du décret relatif à la gendarmerie nationale (23 juin 1792, t. XLV, p. 512); —renvoi au comité militaire (ibid.).
6° Le ministre de la guerre prévient l'Assemblée que beaucoup de directoires ne lui ont pas encore adressé la liste des colonels et lieutenants-colonels (26 juin 1792, t. XLV, p. 583) ; — renvoi au comité militaire (ibid.) ; — rapport par Carnot-Feuleins (ibid. p. 605); — projet ae décret portant que les colonels et lieutenants-colonels continueront leur service et seront payés jusqu'au l,r avril 1793 (ibid.) ;
— adoption (ibid.).
Directoire. Demande un juge de paix déplus pour la ville d'Auch (9 juin 1792, t. XLV, p. 2).
Administrateurs. Adressent une copie de la déclaration des négociants de l'île de Guernesey (13 juin 1792, t. XLV, p. 176).
Directoire. Pétition relative aux fonds de l'ancienne généralité de la Guyenne (29 juin 1792, t. XLV, p. 679).
Volontaires nationaux. Adresse de dévouement des t" et 2' bataillons (20 juin 1792, t. XLV, p. 418).
moyen de constater l'état Civil des citoyens (p. 505), (p. 595), (p. 614).
2° Lettre des commissaires de la trésorerie nationale relativement à la loi du 14 mars 1792, qui a mis à la disposition du ministre de l'intérieur une somme de 10 millions pour acheter des grains et des farines pour subvenir aux besoins des départements (27 juin 1792, t. XLV, p. 630) ; — renvoi au comité de l'ordinaire des finances (ibid.).
École d'artillerie. Réclamation contre son transfert à Valence (25 jnin 1792, t. XLV, p. 548); — renvoi au Comité militaire (ibid.).
— Accuse Jouneau d'avoir tenté d'assassiner Grangeneuve (p. 227), (p. 231), (p. 254). — Parle sur une lettre de La Fayette datée du camp de MaubèUge (p. 341), (p. 342). — Membre de la commission extraordinaire des Douze (p. 358). — Parle sur l'admission à la barre des citoyens du faubourg Saint-Antoine (p. 415 et suiv.), — sur la situation de Paris (p. 462),
— sur la destitution des fonctionnaires (p. 539), — sur les mesures à prendre pour arrêter lës troubles (p. 541), (p. 543), — sur une pétition dû général La Fayette (p. 653 et suiv.), — sur l'âge requis pour pouvoir contracter mariage (p. 671).
2° Compte des sommes dépensées sur les 45 millions 121,000 livres accordées parles lois des 21 janvier et 22 avril 1792 (21 juin 1792, t. XLV, p. 453).
un mémoire sur les événements dont cette colonie a été le théâtre (ibid. p. 400), — renvoi au comité colonial (ibid.).
Fait un rapport sur le compte à rendre par les ministres des mesures prises pour la sûreté de l'Empire p. 471).— Rend cômpte des troubles survenus à Dijon (p. 497). — Parle sur les mesures à prendre pour arrêter les troubles (p. 542). — Fait une motion d'ordre (p. 655). — Fait un don patriotique (p. 665). — Parle sur l'envoi aux départements d'un rapport relatif à la situation de la France (p. 706).
§ 1. Instructions. — Jugements. — Opérations.
§ 9. Emplacement de la haute cour.
§ 3. Dépenses.
§ 1. Instructions. — Jugements. — Opérations. 1° Il n'y a pas lieu à délibérer sur la proposition des grands procurateurs de la nation d'autoriser les quatre grands juges à commettre, dans le voisinage des témoins, des juges pour recevoir leurs dépositions (20 juin 1792, t. XLV, p. 407).
2° État des procédures instruites à la haute cour (20 juin 1792, t. XLV, p. 411).
§ 2, Emplacement de la haute cour. Projet de décret sur l'emplacement définitif de la haute cour dans la maison des Ursulines, à Orléans (20 juin 1792, t. XLV, p. 407) ; — adoption (ibid.). — Texte définitif du décret (21 juin, p. 433).
§ S. Dépenses. Payement à faire par la trésorerie nationale (23 juin 1792, t. XLV, p. 497).
Société des Amis de la Constitution. Don patriotique (9 juin 1792, t. XLV, p. 20).
Directoire. Lettre relative à un arrêté sur les élections du syndic des gens de mer (26 juin 1792, t. XLV, p. 583). — Regrets sur le renvoi des ministres (26 juin, p. 599 et suiv.).
Procureur général syndic. Annonce que là peàte s'est manifestée à Tunis (11 juin 1792, t. XLV, p. 76).
Administrateurs. Rendent compte des mesures qu'ils ont prises pour dissiper un rassemblement (23 juin 1792, t, XLV, p. 496).
Directoire. Fait un don patriotique (18 juin 1792, t. XLV, p. 337). — Décret sur son emplacement (20 juin, p. 420). — Adresse relative aux événements du 20 juin (27 juin, p. 608).
6 régiment. Le colonel annonce que tous les soldats ont juré de maintenir la loi ou de mourir pour elle (11 juin 1792, t. XLV, p. 96).
9e régiment. Lettre du colonel relative à des violences exercées contre des officiers par des soldats (25 juin 1792, t. XLV, p. 548) : — renvoi au comité militaire (ibid.).
32» régiment. Pétition de 60 citoyens-soldats qui demandent à servir dans le bataillon de Loir-et-Cher (16 juin 1792, t. XLV, p. 260).
58» régiment. Adresse de dévouement (23 juin 1792, t. XLV, p. 516).
102» régiment. Discours en son nom à.l'Assemblée (10 juin 1792, t. XLV, p. 60 et suiv.).
Tribunal. Demande une addition à la loi du 20 avril 1791 relative aux droits de propriété des communes sur les terres vaines et vagues (19 juin 1792, t. XLV, p. 397).
députation de 12 membres pour rester dans l'appartement où se trouve le prince royal et toutes les dames de la Cour (ibid.) ;— ordre du jour (ibid.).— Compte rendu par Isnard de ce qui s'est passé au château avant l'arrivée de la première députation (ibid. p. 424). — Compte rendu par Brunck et Lejosne au nom de la première députation (ibid.). — Compte rendu par Dalloz de l'attitude du roi (ibid. 425). — Envoi d'une troisième députation (ibid.). — Compte rendu au nom de la deuxième députation (ibid. p. 427).
— Compte rendu du maire de Paris sur les mesures prises relativement aux rassemblements (ibid. et p suiv.). — Compte rendu au nom de la troisième députation envoyée aux Tuileries (ibid. p. 431). — Daverhoult demande des poursuites contre les promoteurs de la journée du 20 juin (21 juin, p. 439); —
— incident provoqué par cette motion (ibid. et p. suiv.). — Lettre du roi relative à cette journée (ibid. p. 440). — Rapport par le ministre de l'intérieur sur les mesures par lui prises relativement aux événements du 20 juin (ibid. et p. suiv.); — renvoi au comité des Douze (ibid. p. 442). — Proclamation du roi sur les événements du 20 juin (23 juin, p. 509), (p. 512). — Opinion, non prononcée de Boisrot de Lacour, sur ce qui s'est passé le 20 juin au château des Tuilèries (ibid. p. 523 et suiv.). — Lettre de onze notaires de la ville de Paris prévenant l'Assemblée qu'une pétition sur les événements du 20 juin a été déposée chez eux pour y être signée par tous les citoyens qui voudraient y adhérer (25 juin, p. 548x ;
— renvoi au comité de législation (ibid.). — Adresse du directoire du département de l'Eure (ibid. p. 574 et suiv.). — Lettre ae Priez, officier de la garde nationale, relative â la manière illégale dont on fait signer la pétition déposée chcz les notaires de Paris (26 juin, p. 583) ; — renvoi à la commission extraordinaire des Douze (ibid.). — Adresse de la ville d'Amiens sur les événements du 20 juin (26 juin, p. 598 et suiv.), — du directoire du département de l'Indre (27 juin, p. 608), — du district de Péronne (ibid. p. 627), — des citoyens d'Abbeville (ibid. et p. suiv.), — de l'armée (28 juin, p. 658 et suiv.), — du directoire du département du Pas-de-Calais (29 juin, p. 680), — des citoyens deCarcassonne (ibid. p. 682),
— du département de l'Yonne (ibid.), — du département de l'Aisne (ibid. et p. suiv.).
— Soumet à la discussion son rapport sur les secours à accorder à Saint-Domingue (p. 593 et suiv.).
— sur un mémoire du ministre de la guerre (p. 171), sur l'annonce de la marche vers le château d'un rassemblement armé (p. 437).
—La lettre de Lafayette à l'Assemblée sera rapportée sur le bureau et signée par les secrétaires (19 juin, p. 377). — Annonce un mouvement de son armée (22 juin, p. 495). — Son discours et sa pétition à l'Assemblée (28 juin, p. 653) ;— discussion (ibid. et p. suiv.); — renvoi au comité des Douze (ibid. p. 658).
— Proposition de Guadet tendant à interroger le ministre ae la guerre sur le fait de savoir s'il a donné un congé au général La Fayette (ibid. p. 656) ; —: rejet (ibid. p. 658); — liste des votants (ibid. p. 660 et suiv.) — Envoie des détails sur la situation de son armée (29 juin, p. 673 et suiv.). — Ecrit à l'Assemblée (30 juin, p. 710.)
Voir. — Ministre de la giierre.
teur de la fabrication des assignats ($3 juin 1192, t. XLV, p. 504).
Officiers municipaux. Ecrivent au sujet des troubles survenus à Neuilly-l'Evêque (14 juin 1792, t. XLV, p. 192); — mention honorable de leur conduite (ibid.).
Société des Amis de la Constitution. Don patriotique (17 juin 1792, t. XXV, p. 324).
— Sur la nomination d'une commission chargée de faire un rapport sur l'état de la France (p. 326 et suiv.), — sur l'admission à la barre des habitants des faubourgs Saint-Antoine et Saint-Marcel (p. 414),
— sur la proposition de nommer une commission de douze membres pour protéger le prince royal (p. 423).
— Demande qu'aucun rassemblement armé ne soit admis sous prétexte de pétition ou autre, soit à se présenter à la barre de l'Assemblée, soit à défiler dans son sein (p. 436 et suiv.). — Parle sur la panière de constater l'état civil des citoyens (p. 505), — sur la destitution des fonctionnaires (p. 537), (p. 538),— sur la manière de constater l'état civil des personnes (p. 596). — On produit une pièce, signée par lui Comme président de la société séante aux Jacobins, portant permission du port d'armes (p. 664). —! Parle sur l'âge requis pour pouvoir contracter mariage (p. 671). — Déclare qu'il n'a pas signé le certificat produit contre lui (p. 677). — Fait une motion d'ordre (p. 710).
— Parle sur les bruits qu'on fait courir du désarmement de la garde nationale parisienne (t. XLV,
Î. 78), (p. 79), — sur l'affaire de Grangeneuve et ouneau (p. 256), — sur les droits féodaux (p. 257),
— sur la demande de mettre les sections en permanence (p. 326), — sur la suppression de certains droits féodaux (p. 333), — sur une pétition des greffiers des bâtiments de la ville de Paris (p. 352), — sur l'envoi aux départements d'une adresse de citoyens de Marseille (p. 398), — sur la proposition tendant à interdire les rassemblements d'hommes armés formés sous prétexte de pétitions (p. 433 et suiv.), — sur les mesures à prendre pour arrêter les troubles (p. 544 et suiv.), — sur l'état de Paris (p. 561 et suiv.). — Demande l'envoi aux départements d'un rapport sur les moyens à prendre dans le cas du danger de la patrie (p. 709).
ie.
tion, ni observations au Corps législatif (p. 438). — Donne des renseignements sur la vente des biens nationaux dans le district de Douai (p. 483).
ment maritime (t. XLV, p. 6), — un rapport sur la répartition des quartiers des classes de la marine (p. 7 et suiv.), — un rapport sur la nomination dos contre-amiraux (p. 444).
Société des Amis de la Constitution. Adresse et don patriotique (29 juin 1792, t. XLV, p. 663).
Société des Amis de la Constitution. Don patriotique (12 juin 1792, t. XLV, p. 105).
Société des Amis de la Constitution. Don patriotique (25 juin 1792, t. XLV, p. 572).
Directoire. Envoie des dons patriotiques (17 juin 1792, t. XLV, p. 323). — On annonce qu'il a été obligé de faire enfermer les prêtres qui ont refusé de prêter serment (23 juin, p. 496).
2° Le comité des décrets fera un rapport sur le délai dans lequel les lois sont exécutoires (23 juin 1792, t. XLV, p. 512).
Directoire. Décerne une couronne civique à Jean Himonet (21 juin 1792, t. XLV, p. 453).
— Regnault-Beaucaron et Hébert proposent d'envoyer une députation aux Tuileries pour protéger la famille royale contre les citoyens armés qui ont envahi les Tuileries (20 juin, p. 419 et suiv.); — l'Assemblée décrète qu'elle enverra une députation de 24 membres chez le roi (ibid. p. 420). — Compte rendu de ce qui se passe chez le roi (ibid. p. 42a et suiv.). — L'Assemblée décrète que la députation de 24 membres sera renouvelée de aemi-heure en demi-heure (ibid. p. 423). — Composition de la seconde députation (ibid.). — Compte rendu de ce qui se passe au château des Tuileries et de l'attitude du roi (ibid. p. 424 et suiv.), (p. 427 et suiv.). —Sa lettre à l'Assemblée relative aux événements du 20 juin (21 juin, p. 440).
— Propose de lever 42 nouveaux bataillons de gardes nationaux (22 juin, p. 494). — Sa proclamation relative aux événements du 20 juin 23 juin, p. 509), (p. 510). — Fait savoir qu'il a donné carte blanche au maréchal Luckner (25 juin, p. 577). — Annonce qu'il a nommé M. Joly, secrétaire de son conseil (28 juin, p. 645). — Sa proclamation à l'armée (29 juin, p. 672).
Tribunal criminel. Annonce de la réunion de la gendarmerie nationale de Mende à celle de Marvejols pouf fairé le service auprès du tribunal (13 juin 1792, t. XLV, p. 175).
1° Troisième lecture du projet dé décret siir la pétition des anciens administrateurs dé l'Hôtel (23 juin 1792, t. XLV, p. 514).
2" Adresse d'adhéSiOii (27 juin, p. 569 et suiv.). — Adresse relative au renvoi des ministres (27 juin, p. 629 et suiv.).
Conseil général. Réclame contre la lenteur du directoire du département de Rbône-et-Loire (13 juin 1792, t. XLV, p. 134). — Soumet un plan d'organisation d'une garde nationale soldée pour la ville de Lyon (ibid.). — Réclamation contre la conduite des directoires des corps administratifs 29 juin, p. 663).
Garde nationale. Plan d'organisation d'une garde nationale soldée (13 juin 1792, t. XLV, p. 134).
Directoire. Dénoncé une proclamation du roi comme inconstitutionnelle (12 juin 1792, t. XLV, p. 102).
p. 107). — Fait une motion d'ordre (p. 136). — Demande la nomination d'une commission chargée de faire un rapport sur l'état de la France (p. 326). — Parle sur une plainte du sieur Mattéi (p. 603). — Fait un rapport sur les comptes de Narbonne (p. 694 et suiv.).
— Voir Narbonne.
3. Opinions, non prononcées, de Masuyer (22 juin
1792, t. XLV, p. 473 et suiv.), — dé Navier (ibid. p. 475 (et suiv.).
2° Rapport par Amat sur le complément des dépenses ordinaires et sur les dépenses extraordinaires pour l'année 1791 (30 juin 1792, t. XLV, p. 691 et suiv,) ; — projet de décret (ibid. p. 692 et suiv.).
Directoire. Demande des articles additionnels à la loi concernant les biens des émigrés (17 juin 179&, t. XLV. p. 324). — Demande que l'Assamblée décrète des honneurs à la mémoire de Gouvion (21 juin, p. 454). —Adresse de félicitations (24 juin, p. 532 et suiv.).
Administrateurs. Font connaître un acte généréux du sieur Vincent commandant la garde nationale (9 juin 1792, t. XLV, p. 2).
Evêque. Devis des réparations à faire à sa maison
épiscopale (20 juin 1792, t. XLV, p, 426); — renvoi au comité de 1 extraordinaire des finances (ibid ).
— Voir Matelots.
Manufacture d'armes. Rapport par Albitte sur les réclamations des ouvriers (10 juin 1792, t. XLV, p. 57 et suiv ) ; — projet de décret (ibid. p. 58) ; — adoption (ibid.).
Administrateurs. Demandent l'envoi aux municipalités du bulletin des opérations des armées (13 juin 1792, t. XLV, p. 175). — Expriment leurs regrets du renvoi des ministres Servan, Clavière et Roland (23 juin, p. 496).
Directoire. Arrêté pris contre les prêtres séditieux (25 juin 1792, t. XLV, p. 548).
Directoire. Ecrit qu'il a été obligé de faire enfermer dans un séminaire les prêtres qui ont refusé de prêter serment (23 juin 1792, t. XLV, p 496).
Conseil général. Demande des dispositions additionnelles aux lois sur l'organisation des corps administratifs (24 juin 1792, t. XLV, p. 528).
— renvoi au pouvoir exécutif (ibid. p. 465).
Administrateurs. Adresse d'adhésion (24 juin 1792, t. XLV, p. 531 et suiv.).
Ministres.
De Chambonas, ministre. — Ecrit relativement à l'admission d'ofticiers étrangers dtns nos armées (22 juin, p. 466). — Annonce que les couleurs de la nation française seront reconnues dans tous les ports de la Suède (26 juin, p. 592). — Annonce le départ du comte de Goltz envoyé de la cour de Prusse (29 juin, p. 677).
Beaulieu, ministre. — Sa nomination (18 juin, p. 358/. — Transmet des pièces â l'Assemblée (23 juin, p. 504). — Adresse un état de la confection des matrices des rôles des contributions (27 juin, p. 607),— un état de la fabrication des monnaies (ibid. p. 630), un état du recouvrement des contributions (29 juin, p. 674). — Ecrit à l'Assemblée (ibid. p. 679).
— Ecrit au sujet de l'exécution des jugements des cours martiales {9 juin, t. XLV, p. 1), — au sujet de l'habillement des volontaires de 1 Oise (ibid.). —Annonce qu'il a reçu l'ordre du roi de remettre le portefeuille de la guerre au ministre des affaires étrangères (13 juin, p. 159). —Est remplacé par Dumouriez (ibid. p. 162).
Dumouriez, ministre. Communique un rapport du général La Fayette (13 juin, p. 165). — Preseute un mémoire sur les opérations, réformes et besoins du département de la guerre (ibid. et p. suiv.). — Sollicite
une décision sur une demande du directoire du département de la Seine-Inférieure (15 juin, p. 222). — Ecrit au sujet du payement de l'armée du Midi (16 juin, p. 261). — Envoie des états de pensions de retraite (17 juin, p. 331).— Est remplacé par Lajard (18 juin, p. 335).
Lajard, ministre. — 1® Communique une lettre du maréchal Luckner (19 juin, p. 379), — une lettre du maréchal de camp Collot (ibid. p. 396), — des lettres du maréchal Luckner (20 juin, p. 406), (p. 429), — un état des dépenses de la guerre (21 juin, p. 453). Rend compte des forces qui se trouvent dans les départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhih (22 juin, p. 471). — Ecrit au sujet du placement des brigades de gendarmerie nationale (22 juin, p. 479). — Communique une lettre du roi (ibid. p. 494), — une lettre du général La Fayette (ibid. p. 495). — Rend compte des moyens à prendre pour pourvoir à la sûreté de la capitale [ibid. p. 502 et suiv.). — Ecrit relativement à des marchés faits pendant le ministère de Servan (ibid. p. 504). — Ecrit relativement au payement des employés, ouvriers et charretiers de l'armée (24 juin, p. 528). — Envoie un projet d'instruction concernant les épreuves auxquelles on peut soumettre les fusils de guerre (25 juin, p. 548). — Transmet une lettre du colonel du 9" régiment d'infanterie (ibid.).
— Ecrit que le roi a donné carte blanche au maréchal Luckner (ibid. p. 577). — Ecrit au sujet des colonels de gendarmerie nationale (26 juin, p. 583).
— Soumet diff rentes questions à l'Assemblée (27 juin, p. 607). — Ecrit relativement au payement du traitement du général Chollet (29 juin, p. 662). — Envoie un état des dépenses résultant des nouvelles levées de troupes (ibid. p. 663). — Demande une avance de deux millions pour l'équipement des volontaires nationaux (ibid. p. 665), — une décision sur les revenus de l'ordre de Saint-Louis (ibid. p. 6b6).— Communique des pièces à, l'Assemblée (ibid. p. 672 et suiv.).
2° Etablissement d'une commission pour vérifier les comptes des ministres depuis Duportail (13 juin 1792, t. XLV, p. 171); — composition de la commission (15 juin. p. 226). — Rapport sur la situation des armées (27 juin, p. 614 et suiv.).
— Soumet différents objets à l'Assemblée (9 juin, t. XLV, p. 1), (p. 20).— Envoie des pièces relatives aux billets de confiance (ibid. p. 20). — Transmet des pièces à l'Assemblée (10 juin, p. 52 et suiv.) (11 juin, p. 76). — Remet le compte des dépenses qu'il a ordonnées dans le mois de mai (11 juin, p. 91).
— Demande des secours puur le département de l'Aisne (ibid. et p. suiv.). — Annonce la démission du colonel et de 8 officiers du régiment ci-devant Neustrie (ibid. p. 95). — Adresse un état de la caisse patriotique (12 juin, p. .102). — Est remplacé par Mourgues (13 juin, p. 162)-
Mourgnes, ministre. Sa nomination (13 juin, p. 162).
— Demande une interprétation 1 e la oi relative au séquestre desbietis des émigrés 15 juin, p. 236). — Reud compte des difticul és qu'éprouve l'organisation de la garde nationale de Langres 16 uiu,p.2o6).
— Adresse l'état des dépenses faites pour l'exposition des tableaux dans le salon du Louvre (18 juin, p. 333). — Est remplacé par Terrier de Mouciel (ibid. p. 335).
Terrier de Monciel, ministre. Instruit l'Assemblée de troubles survenus à Avignon (18 juin, p. 343). — Transmet une proclamation du roi (19 juin, p. 396),
— un arrêté du directoire du département de Paris (ibid. p. 400), — des lettres du directoire du département des Basses-Alpes (20 juin, p. 406), — différentes pièces (ibid. p. 425 et suiv.). — Rend compte des précautions prises par lui relativement aux événements du 20 juin (21 juin, p. 440 et suiv.). — Transmet des pièces à l'As«einblée (ibid. p. 433).— Communique une lettre du depirtement de Paris (23 juin, p 508), — différentes pièces (ibid. p. 512 et suiv.), (24 juin, p. 528). — Rend compte des mesures qu'il a prises pour arrêter les troubles (ibid., p. 540 et
suiv.), (p. 543 et suiv.). — Ecrit relativement à la vente de ia bibliothèque des Minimes de Passy (23 juin p. 547). — Rend compte de l'état de Paris [ibid. p. 561), (p. 563). — Transmet des pièces à l'Assemblée {ibid. p. 509), (26 juin, p. 582), (p. 583). — Rend compte de l'état de Paris (26 juin, p, 596), (27 juin, p. 62 5). — Envoie un état de la caisse de l'économe général (27 juin, p. 630). — Réclame des décisions sur différents objets (29 juin, p. 674).
2° Rapport par Lafon-Ladebat sur la distribution
de la monnaie de cuivre et de métal de cloche entre le Trésor public et les départements (20 juin 1792, t. XLV, p. 431); — projet de décret (ibid.); — adoption (28 juin, p. 647).
3° Projet de décret sur la répartition proportionnelle, entre tous les départements, des espèces provenant du métal des cloches (28 juin 1792, t. XLV, p. 647 et suiv.)
3° Etats de fabrication (27 juin 1792, t. XLV, p. 630.).
Administrateurs. Lettre relative à une pétition des sous-officiers du bataillon auxiliaire des colonies (15 juiu 1792, t. XLV, p. 221). — Lettre relative aux troupes coloniales de la Martinique et de la Guadeloupe placées dans le département (23 juin, p. 496). — Adresse au roi dans laquelle ils sollicitent la sanction du décret sur les prêtres (24 juin, p. 533).
Conseil général. Proclamation du roi annulant un arrêté du conseil général (19 juin 1792, t. XLV,
E. 396) ; — renvoi au comité de l'ordinaire des nances (ibid.).
» — renvoi au comité d'instruction publique (ibid ).
Société des Amis de la Constitution. Don patriotique (18 juin 1792, t. XLV, p. 351).
Administrateurs. Ecrivent au sujet du payement des frais d'expertise pour la vente des biens nationaux, des besoins des églises et de la démarcation de leur territoire (12 juin 1792, t. XLV, p. 101).
Êort sur une pétition des administrateurs de l'Hôtel-ieu de Crécy (p. 611). Demande la suppression des tribunaux de district (p. 645).
1° Rapport et projet de décret sur la nécessité de prohiber leur sortie (11 juin 1792, t. XLV, p. 99 et suiv.); — adoption sauf rédaction (ibid. p. 100). (12 juin, p. 107 et suiv.). — Texte définitif du décret (16 juin, p. 269 et suiv.).
2° Le directoire du département du Bas-Rhin de-
mande l'approbation des mesures prises contre leur exportation (13 juin 1792, t. XLV, p. 176).
Municipalité. Adhésion à une pétition des citoyens contre le tribunal du district (28 juin 1792, t. XLV, p. 645).
Tribunal. Procédure instruite contre Pierre Borelly et Joseph Baume (19 juin 1792, t. XLV, p. 396).
Administrateurs. Demandent la prohibition de la sortie des grains par le port de Dunkerque (13 juin 1792, t. XLV, p. 134). — Ecrivent relativement aux subsistances (17 juin, p. 324).
Tribunal criminel. Procédures instruites contre la femme Bonnetier et les sieurs Régnier et Berger. (19 juin 1792, t. XLV, p. 397).
2° Projet de décret relatif à l'achat du numéraire par les commissaires de la trésorerie nationale (20 juin 1792, t. XLV, p. 426 et suiv.); — adoption (ibid. p. 427).
2° Les commissaires de la trésorerie nationale de-
mandent que le délai porté par l'article 2 de la loi du 29 avril 1792 soit prorogé (22 juin 1792, t. XLV, p 48) ; — renvoi au comité de l'ordinaire des finances (ibid.).
Administrateurs. Ecrivent relativement à une mine de charbon de terre découverte par le sieur André Cabaille (26 juin 1792, t, XLV, p. 583).
Volontaires nationaux. Lettre du ministre de la guerre relative à l'habillement du 3" bataillon (9 juin 1792, t. XLV, p. 1) ; — renvoi au comité militaire (ibid. p. 2).
§ l,r. Commune.
§ S. Département.
§ 1er. Commune de Paris.
1° Sections.
2e Adresses. — Citoyens. — Dons patriotiques. — Pétitions.
3" Contributions.
4° Municipalité.
5° Mesures à prendre contre les attaques extérieures.
6° Etat de tranquillité ou de trouble.
1* Sections en général. Demande de leur permanence (17 juin 1792, t. XLV, p. 325 et suiv.), (25 juin, p. 576). — Détilè des sections au milieu de l'Assemblée (20 juin, p. 419).
Sections par ordre alphabétique.
Section de la Bibliothèque. Invitation à l'Assemblée d'assister â une messe à la mémoire de Gouvion (15 juin 1792, t. XLV, p. 225).
Section de Bondy. Pétition relative au service personnel dans la garde nationale (17 juin 1792, t. XLV, p. 328.)
Section de Bonne-Nouvelle. Don patriotique (10 juin 1792, t. XLV, p. 57);
Section de la Croix rouge. Adresse d'adhésion à la formation d'un camp de 20,u00 hommes (11 juin 1792, t. XLV, p. 100 et suiv.). — Don patriotique des citoyens marchands d'habits (14 juin, p. 192). — Demande de la permanence des sections (17 juin, p. 325).
Section des Enfants-rouges. Adresse de dévouement et don patriotique (22 j'uin 1792, t. XLV, p. 466).
Section du faubourg Montmartre. Adresse relative à la formation d'un camp de 20,000 hommes (10 juin 1792, t. XLV, p. 55). — Pétition pour demander la permanence des sections et le licenciement de l'état-major delà garde nationale (25 juin, p. 576).
Section de la Fontaine de Grenelle. Adhésion à la formation du camp de 20,000 hommes (12juin 1792, t. XLV, p. 126 et suiv.). ,
Section de la Fontaine Montmorency. Députation et protestation contre la pétition contraire au camp de 20,000 hommes (15 juin 1792, t. XLV, p. 225).
Section des Gobelins. Don patriotique (10 juin 1792, t. XLV, p. 67). — Justification des citoyens qui se sont rendus armés à l'Assemblée pour présenter une pétition (22 juin, p. 480) . — Pétition sur la question de savoir si le roi peut apposer son veto sur les décrets de circonstance (25 juin, p.576). — Le commissaire de police dénonce une lésion sur les intérêts de la nation dans la vente d'un cheval (ibid. p. 577).
Section de la Halle au blé. Déclaration qu'elle n'a pas signé la pétition dite des 8,000 (17 juin 1792, t. XLV, p. 328).
Section d'Henri IV. Adresse de dévouement (12 juin 1792, t. XLV, p. 104). — Don patriotique des apprentis (17 juin, p. 331).
Section des Lombards. Rétractation par plusieurs citoyens de leur signature apposée â la pétition des 8,000 (17 juin 1792, t. XLV, p. 329).
Section du Louvre. Don patriotique (10 juin 1792, t. XLV, p. 57).
Section du Luxembourg. Adhésion à la formation du camp de 20,000 hommes (Il juin 1792, t. XLV, p. 80), — Protestation de dévouement à la patrie (18 juin, p. 352).
Section de Mauconseil. Rétractation de signatures apposées à la pétition des 8000 (17 juin 1792, t. xLV, p. 330).
Section de l'Observatoire. Réclamation contre l'arrestation d'un particulier (27 juin 1792, t XLV, p. 623 et suiv.); — renvoi à la commission extraordinaire des Douze (ibid. p. 624).
Section du Palais-Royal. Dénonciation contre l'état-major de la garde nationale de Paris (12 juin 1792, t. XLV, p. 126;.
Section de la Place Louis XIV. Don patriotique (23 juin 1792, t. XLV, p. 496).
Section de la Place Royale. Rétractation par plusieurs citoyens de leur signature apposée à la pétition des 8000 (17 juin 1792, t. XLV, p. 330).
Section des Postes. Adresse d'adhésion à la formation du camp de 20,0D0hommes (16 juin 1792, t. XLV, p. 276).
— Le juge de paix fera passer une expédition de la procédure par lui commencée sur des faits intéressant la police de l'Assemblée (p. 330).
Section des Quinze-Vingts. Pétition pour la justification des citoyens de la section (25 juin 1792, t. XLV, p. 552 et suiv.). — Le pouvoir exécutif fera délivrer une expédition du procès-verbal de la séance de la section dans la nuit du 19 au 20 juin (ibid. p. 565). — Le ministre de la justice écrit qu'il enverra ce procès-verbal incessamment (ibid. p. 577). — Le président de la section apporte une copie de ce procès-verbal (ibid. p. 579). — Envoi par le ministre de l'intérieur d'une autre copie de ce procès-verbal (26 juin, p. 592).
Section de la rue Poissonnière. Don patriotique (17 juin 1792, t. XLV, p. 330).
Section de Sainte-Geneviève. Don patriotique des citoyens marchands d'habits (14 juin 1792, t. XLV, p. 192), — de jeunes écoliers (17 juin, p. 331).
Section du Théâtre-Français. Adresse d'adhésion à la formation d'un camp de 20,000 hommes sous Paris (10 juin 1792, t. XLV, p. 67). —Pétition pour l'incorporation des gardes françaises dans les bataillons de Paris (17 juin, p. 327 et suiv.).
Section des Tuileries. Adresse relative au service dans la garde nationale (15 juin 1792, t. XLV, p. 240).
— Pétition pour le licenciement de la garde nationale (29 juiu, p. 664).
2' Adresses. — Citoyens. — Dons patriotiques. — Pétitions. Dons patriotiques de citoyens (11 juin 1792, t. XLV, p. 80), (12 juin, p. i05|, (13 juin, p. 177), (15 juin, p. 240), (18 juin, p. 334), (27 juin, p. 629).
3° Contributions. Compte rendu du ministre des contributions publiques sur l'état de la confection des rôles
et du recouvrement des contributions directes (11 juin 1792, t. XLV, p. 94).
4° Municipalité. Rapport par Pastoret sur sa pétition relative aux entreprises des administrateurs du département (16 juin 1792, t. XLV, p. 280 et suiv.); — projet de décret (ibid. p. 283).
5° Mesures à prendre contre les attaques extérieures. Compte à rendre par les ministres des moyens de pourvoir à la sûreté de la capitale (22 juin 1792, t. XLV, p. 472), — compte rendu par le ministre de la guerre (23 jnin, p. 503). — Nouveau compte à rendre par les ministres (24 juin, p. 545). — Compte rendu (29 juin, p. 671 et suiv.).
6° Etat de tranquillité ou de trouble. Communication par le ministre de l'intérieur d'une lettre du département de Paris relative à l'état de la ville (23 juin 1792, t. XLV, p. 508 et suiv.) ; — renvoi à la commission extraordinaire des Dou^e (ibid. p. 509); —-rapport par Muraire (ibid. p. 516 et suiv.); — projet de décret portant que le ministre de l'intérieur rendra, tous les jours, un compte exact de l'état de la ville de Paris (ibid. p. 517); — adoption (ibid.). — Compte rendu du ministre de l'intérieur (25 juin, p. 961). — Lettre du maire de Paris sur l'état de la capitale (ibid); — débat : Lecointe-Puyraveau, Delacroix, Choudieu, Basire, Lamarque, Calvet, Terrier, ministre de l'intérieur (ibid- et p. suiv.), -r- l'Assemblée décrète l'impressiou du rapport du ministre de l'intérieur, de la lettre du maire et l'envoi aux départements (ibid. p. 563). — Compte rendu du ministre de l'intérieur sur l'état de Paris (26 juin, p. 596), (27 juin, p. 623). — Le ministre de l'intérieur est dispensé de rendre compte de l'état journalier de la capitale (27 juin, p. 623).
§ S. —Département de Paris.
1° Tribunaux d'arrondissement.
2» Directoire.
39 Commission des armes,
4° Conseil de département.
5* Limites.
1° Tribunaux d'arrondissement. Le ministre de la justice demande que le nombre des juges soit porté à sept dans chacun de ces tribunaux (9 juin 1792 t. XLV, p. 1).
2° Directoire. Son arrêté relatif aux mesures à prendre pour assurer la tranquillité à Paris pendant la journée du 20 juin 1792 (19 juin 1792, t. XLV, p. 401). — Dénonce l'existence d'un rassemblement extraordinaire de citoyens armés (20 juin, p. 411). — Lettre de félicitation au sujet du décret sur les pétitionnaires (21 juin, p. 442 et suiv.).
3° Commission des armes. Etablissement d'une commission chargée de recevoir et de vérifier les armes (19 juin 1792, t. XLV, p. 401).
4° Conseil de département. Annonce de son rassemblement (21 juin 1792, t. XLV, p. 438).
5" Limites. Rapport par Cazes sur la démarcation des limites du département de Paris et de celui de Seine-et-Oise du côté de Saint-Cloud (24 juin 1792, t. XLV, p. 529et suiv.) ; —projet de décret portant que l'île du pont de Sèvres est comprise dans les limites du département de Paris (ibid. p. 531).
Châtellerault. Demande à ne pas être rendu responsable d'un vol commis dans son bureau (22 juin 1792, t. XLV, p. 481). — Il n'y a pas lieu à délibérer sur sa demande (ibid. p. 482).
Directoire. Annonce qu'il a fait réunir plusieurs brigades de gendarmerie dans le canton d'Avesnes-le-Comte pour y maintenir l'ordre (29 juin 1792, t. XLV, p. 680). — Adresse relative aux événements du 20 juin (ibid.).
2° Etat de la rentrée de la contribution des patentes (29 juin 1792, t. XLV, p. 674 et suiv.).
— projet de décret (ibid. p. 362). s» Deuxième Roture (29 juin, p. 667).
2° Motion de supprimer sans indemnité le droit de pêche usurpé par les ci-devant seigneurs (16 juin 1792, t. XLV, p. 256 et suiv.) ; — renvoi au comité des domaines (ibid. p. 257).
2° Troisième lecture du projet de décret relatif aux pensions à accorder sur la proposition du roi (9 juin 1792, t. XLV, p. 30 et suiv.); — adoption (ibid. p. 31).
3? Envoi par le ministre delà guerre de trois états de pensions demandées avant la loi du 30 mai qui les suspend (17 juin 1792, t. XLV. p. 331).
4° Rapport par Baignoux sur les avantages de payer les pensions dans les chefs-lieux de département (18 juin 1792, t. XLV, p. 358 et suiv.);— projet de décret (ibid. p. 358).
Administrateurs. Adresse relative aux événements . du 20 juin (27 juin 1792, t. XLV, 627).
Société des Amis de la Constitution. Envoie une médaille d'ôr pour le grenadier Pie (18 juin 1792, t. XLV, p. 351).J
2. — Lejosne propose de décréter qu'un général d'armée en fonction ne pourra présenter ni pétition, ni observations au Corps législatif (21 juin 1792, t. XLV, p. 438); — il n'y a pas lieu à délibérer sur cette proposition (ibid.).
2. Les comités sont autorisés à renvoyer aux particuliers les pétitions qui ne sont pas de leur compétence (19 juin 1792, t. XLV, p. 363).
1* Pétitions des communes deTissanges,Labussière, Montfaucon-la-Romagne contre des prêtres insermentés (14 juin 1792. t. XLV, p. 192); — renvoi au roi et au comité de surveillance (ibid.).
2* On annonce que le roi a apposé la formule constitutionnelle : le roi examinera sur le décret du 27 mai 1792 relatif à la déportation des prêtres réfractaires (15) juin 1792, t. XLV, p. 393) ; — le ministre de la justice enverra l'expédition de la loi à laquelle le roi a apposé cette formule (ibid.). — Merlin demande que ce décret soit représenté au roi (21 juin, p. 443). —Il n'y a pas lieu à délibérer sur cette motion (ibid.). —Envoi par le ministre de la justice de l'expédition de ce décret (23 juin, p. 512); — dépôt aux archives (ibid.)
3® On annonce que les directoires des départements de Mayenne-et-Loire et de la Loire-Inférieure ont été obligés de faire enfermer les prêtres qui ont refusé de prêter le serment (23 juin 1792, t. XLV, p. 496) ; — renvoi à la commission des Douze (ibid.).
197 et suiv.). — Fait un rapport sur le cumul des onctions publiques (p. 611 et suiv.).
Administrateurs. Demandent des fonds pour l'achèvement de la construction de l'église Saint-Louis (22 juin 1792, t. XLV, p. 480).
Procureur-général-syndic. Dénonce le sieur Elie, receveur de l'enregistrement (25 juin 1792, t. XLV, p. 569).
Volontaires nationaux. Don patriotique du 1er bataillon (11 juin 1792, t. XLV, p. 97).
Volontaires nationaux. Dons patriotiques (17 juin 1792, t. XLV, p. 323), (22 juin, p. 463).
— sur une pétition du général La Fayette (p. 654 et suiv.). ~
— Thuriot (29 juin, p. 686).
Conseil général. Lettre relative au 16° régiment de dragons (20 juin 1792, t, XLV, p. 425).
Société des Amis de la Constitution. Don patriotique (16 juin 1792, t. XLV, p. 257).
Administrateurs. Pièces concernant des accusations portées contre eux (23 juin 1792, t. XLV, p. 509 et suiv.).
Directoire. Demande la confirmation de l'interdiction provisoire de l'exportation des munitions de guerre (13 juin 1792, t. XLV, p. 176).
Directoire. Réclamation du conseil général de la ville de Lyon contre lui (13 juin 1792, t. XLV, p. 134). — Réclame contre une proclamation du roi qui a cassé un de ses arrêtés (22 juin, p. 463).
Directoire. Fait un don patriotique (25 juin 1792, t. XLV, p. 550).
Société des Amis de la Constitution. Don patriotique et adhésion à la formation du camp de 20,000 hommes (15 juin 1792, t. XLV, p. 225).
— Demande la lecture d'uu arrêté du directoire du département de Paris (p. 401). — Parle suf- la destitution des fonctionnaires (p. 538), (p. 539), — sur la manière de constater l'état civil des citoyens (p. 560),
— suf une adresse du département de l'Hérault (p. 600 et suiv.), — sur la situation des armées (p. 620). — Secrétaire (p. 650).
— Membre de la commission èxtraordinairè dés t)ôuze (p. 358). — Parle sur des dénonciations contre le général Lamorlière (p. 374), (p. 376). — Dénoncé un rassemblement de troupes autrichiennes (p. 463). — Parle sur la pétition du sieur CaUdier (p. 528), — sur les troubles suscités par les prêtres réfractaires (p. 541).
2°— Discussion du projet de décret surla demande du ministre de la marine pour être autorisé à traiter avec le ministre des Etats-Unis relativement à une délégation de 4 millions à valoir sur les créances de la France contre le congrès et en déduction des 6 millions de secours accordés à Saint-Domingue (26 juin 1792, t. XLV, p. 593 et suiv ) ; — adoption avec amendement (ibid. p. 594). — Texte définitif du décret (ibid. et p. suiv.).
Tribunal. Don patriotique des juges, commissaire du roi et greffier (22 juin 1792, t. XLV, p. 463).
Tribunal. Don patriotique (20 juin 1792, t. XLV, p. 406).
Conseil général. Dénonce le sieur Pastel (15 juin 1792, t. XLV, p. 224).
Société des Amis de la Constitution. Don patriotique (18 juin 1792, t. XLV, p. 334).
2° Discussion du projet de décret sur la distribution des secours a accorder aux 83 départements (28 juin 1792, t. XLV, p. 649 et suiv-).
p. 227). — Rouyer, Dalmas, Vincens-Plauchut(28 juin, p. 650).
Directoire. Son arrêté empêchant l'installation du sieur Leturc, élu juge suppléant au tribunal du district de Gonesse est annulé (19 juin 1792. t. XLV, p. 403).
Volontaires nationaux. Les volontaires du 4* bataillon en garnison à Sierck se plaignent d'exportation d'armes et de munitions (15 juin 1792, t. XLV, p. 240).
— Voir Paris, § S n" 5.
Administrateurs. Se plaignent de n'avoir pu obtenir l'instrument nécessaire à l'exécution des jugements portant peine de mort (10 Juin 1792, t. XLV, p. 53). — Envoient un don patriotique (25 juin, p. 550).
Voir Côtes
Tribunal, Don patriotique (22 juin 1792, t. XLV, p. 463).
une déclaration du sieur Toppin (17 juin 1792, t. XLV, p. 329).
Société dis Amis de la Constitution. Don patriotique (13 juin 1792, t. XLV, p. 177).
Directoire. Dénonciation de Rasire contre le directoire (26 juin 1792, t. XLV, p. 603 et suiv.); — renvoi au comité des Douze (ibid. p. 605). — Opinion, non prononcée, de Pucelle sur la dénonciation d* Basire (ibid. p. 606 et suiv.).
A dministrateurs. Adresse contre l'établissement de deux Chambres (15 juin 1792, t. XLV, p. 221).
Voir Ministre de l'intérieur.
Port. Plans pour la construction d'un nouveau bassin (10 juin 1792, t. XLV, p. 55). — Pétitions des maîtres d'équipages, navigateurs et serruriers relatives au traitement des maîtres entretenus et des ouvriers des ports (24 juin, p. 529).
Société des Amis de la Constitution. Don patriotique (20 juin 1792, t. XLV, p. 425).
§ 1er — Etats de recettes et dépenses.
| '2. — Versements faits à la Trésorerie.
§ 3. — Commissaires de la Trésorerie.
§ 4. — Payements à la charge de la Trésorerie.
I l,r.Etats de recettes et de dépenses (9 juin 1792, t. XLV, p. 6), (21 juin, p. 453).
§ S. Versements faits à la Trésorerie. Versement par la caisse de l'extraordinaire de 54,166, 980 livres (9 juin 1792 t. XLV, p. 6).
§ 3. — Commissaires de la Trésorerie. Adressent un projet de transaction avec les anciens propriétaires des Quinze-Vingts (19 juin 1792, t. XLV, p. 364). — Sont chargés de l'achat du numéraire (20 juin, p. 426.
— Demandent la prorogation du délai porté par l'article 2 de la loi du 29 avril 1792 relative aux officiers (22 juin, p. 481). — Ecrivent relativement à la fixation du traitement des receveurs de district (ibid.). — Se plaignent de ce que l'ordre de leur comptabilité est interverti (ibid.). — Ecrivent au sujet du payement d'un excédent d'hommes qu'il y a eu dans plusieurs régiments (25 juin, p. 572), — au sujet de la loi du 14 mars 1792 qui a mis à la disposition du ministre de l'intérieur une somme de 10 millions (27 juin, p. 630).
§ 4. Payements à la charge de la Trésorerie. Pour les dépenses de la Haute Cour nationale (23 juin 1792. t. XLV, p. 497). — Pour l'armée du Midi (ibid. p. 504),
— Pour les dépenses de l'ancienne administration de l'île de Corse (26 juin, p. 584).
1° Le commissaire du roi près le tribunal demande deux commis pour le seconder (9 juin 1792, t. XLV, p. 20); — renvoi au comité de l'ordinaire des finances (ibid.).
2* Rectification d'une erreur de rédaction dans l'article 3 du décret du 10 avril 1792 sur la poursuite et
le jugement des procédures criminelles au tribunal de cassation, les frais de service de ce tribunal et le traitement de plusieurs officiers ministériels (28 juin 1792, t. XLV, p. 645); — Texte définitif du décret (ibid. et p. suiv.).
1° Renvoi au comité de législation d'une motion de Duhem tendant à ce que ces tribunaux ne prennent pas de vacances jusqu'à ce que toutes les procédures criminelles aient été jugées (9 juin 1792, t. XLV. p. 4). — Décret (28 juin, p. 647).
2° Renvoi au comité de législation de la question de savoir s'il y a lieu de les renouveler (28 juin 1792, t. XLV, p. 645).
3° Mouysset demande leur suppression et leur remplacement par des arbitres (28 juin, 1792, t. XLV, p. 645) ; — renvoi au comité de législation (ibid.).
— Discussion (ibid. p. 541 et suiv.) ; — l'Assembléè décrète que les ministres n'ont pas satisfait au décret du 22 juin et qu'ils seront tenus de présenter, dans les 3 jours, un compte rendu général (ibid. p. 545).
— compte rendu des ministres (29 juin, p. 671 et suiv.).
2° Etat des dépenses qui résulteront des nouvelles levées de troupes décrétées les 27 avril, 5, 14 et 28 mai 1792 (29 juin 1792, t. XLV, p. 663), — renvoi aux comités de l'ordinaire des finances et militaire réunis (ibid.)
2* Lettre relative aux besoins de l'hôpital des enfants trouvés (26 juin 1792, t. XLV, p. 583) ; — renvoi au comité des secours publics (ibid.).
Directoire. Envoi de deux pétitions des citoyens de la Seyne et de Toulon (16 juin 1792, t. XLV,'p. 258).
Garde nationale. Don patriotique (21 juin 1792, t. XLV, p. 437). — La garde nationale est autorisée à défiler dans l'Assemblée (ibid. p. 4>8).
Société des amis de la Constitution. Adresse d'ail hé -sion et de féliciiation (21 juin 1792, t. XLV, p. 437 et suiv.).
1° Gérardin (13 juin 1792, t. XLV, p. 159). — Au-bert-Dubayet (27 juin, p. 613).
2° Nomination de commissaires chargés de faire une enquête sur une irrégularité commise dans un scrutin pour l'élection d'un vice-président (12 juin 1792, t. XLV, p. 117); — compte rendu par Charlier (ibid. p. 126).
— Parle sur les réparations à accorder à la mémoire de Théobald Dillon (t. XLV, p. 41 et suiv.), — sûr la proposition de déclarer que le ministre de la guerre Servan emporte les regrets de la nation (p. 161), — sur l'affaire de Grangeneuve et Jouneau (p. 235).
— Membre de la commission extraordinaire des Douze (p. 358). — Parle sur les mesures proposées pour assurer la tranquillité publique (p. 713).
Directoire. Don patriotique (10 juin 1792, t. XLV, p. 682).
Paris. — Imprimerie PAUL DUPONT, 4, rae du Bauloi (Cl.) 7.2 05.